L HERVE_EAST ACCOUNTANCY_180216_Réussir sa planification

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EAST ACCOUNTANCY ASBL
REUSSIR SA PLANIFICATION SUCCESSORALE :
QUELLE STRATEGIE ADOPTER SELON SON AGE ?
Luc HERVE,
Avocat au Barreau de Liège, cabinet d'avocats Herve,
(avenue du Luxembourg, 25 à 4020 Liège, Tél : 04/343.53.33 – [email protected])
Chargé de cours à la Faculté de Droit de l'ULg,
Maître de Conférences à HEC-ULg (Tax Institute),
Professeur à l'Ecole Supérieure de Comptabilité de Liège (CBCEC Liège),
Conférencier à l'ICHEC-ESSF,
Assesseur juridique suppléant à la Chambre Exécutive Francophone de l'IPCF
Chaineux, le 18 février 2016
Confédération de la Construction, Z.I. Chaineux-Petit-Rechain
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
REUSSIR SA PLANIFICATION SUCCESSORALE :
QUELLE STRATEGIE ADOPTER SELON SON AGE ?
Luc HERVE,
Avocat au Barreau de Liège, cabinet d'avocats Herve,
(avenue du Luxembourg, 25 – 4020 Liège / Tél: 04/343.53.33 / [email protected])
Chargé de cours à la Faculté de Droit de l'ULg,
Maître de Conférences à HEC-ULg (Tax Institute),
Professeur à l'Ecole Supérieure de Comptabilité de Liège (CBCEC Liège),
Conférencier à l'ICHEC-ESSF,
Assesseur juridique suppléant à la Chambre Exécutive Francophone de l'IPCF
I.
INTRODUCTION
1.Dans le cadre limité de la présente contribution, notre objectif est de mettre en
évidence l'opportunité d'organiser une planification successorale, étant entendu que les
solutions à retenir sont susceptibles d'évoluer en fonction de l'âge.
Après avoir défini ce qu'il y a lieu d'entendre par "planification successorale", nous
tenterons de distinguer certaines priorités, par tranches de vie.
Ainsi, il nous paraît que, sauf circonstances exceptionnelles et évènements de nature à
réduire la durée de vie :
- la période de 50 à 64 ans correspond au temps pour réfléchir ;
- la période de 65 à 80 ans correspond au temps pour agir ;
- la période au-delà de 80 ans correspond au temps pour réagir.
A l'occasion de ce parcours dans le temps, nous détaillerons diverses techniques
utilisées dans le cadre d'une planification successorale, avant de conclure.
Nous avons délibérément opté en faveur d'une présentation simplifiée et, nous
l'espérons, pédagogique des concepts, au détriment de développements par trop
scientifiques, assortis de nombreuses références doctrinales et jurisprudentielles.
Depuis le 1er janvier 2002 (article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 "relative au
financement des Communautés et des Régions" tel que modifié par l'article 5 de la loi
spéciale du 13 juillet 2001 "portant refinancement des Communautés et extension des
compétences fiscales des Régions"), le droit d'enregistrement sur les transmissions à
titre onéreux de biens immeubles situés en Belgique et le droit de donation sont, parmi
d'autres, devenus des impôts pleinement régionaux.
2
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Le 1er novembre 2003, la Région de Bruxelles-Capitale et la Région flamande ont fait
usage de cette compétence. La Région wallonne a suivi.
Le 1er janvier 2015, le gouvernement fédéral a transféré de nouvelles compétences
fiscales aux Régions en matière de droits d'enregistrement et de succession. A cette
occasion, la Région flamande a modifié son Vlaamse Codex Fiscaliteit (en abrégé,
"VCF") afin d’y intégrer toutes les règles fiscales dépendant de la compétence régionale
flamande, contenues notamment dans le CDE (Cf. Décret du 19 décembre 2014 portant
modification du VCF du 13 décembre 2013, publié au Mon.B du 29 janvier 2015).
Le lecteur trouvera dans notre contribution toutes les références actualisées au VCF.
Le plan de notre exposé sera le suivant :
TABLE DES MATIERES
N°§
I. INTRODUCTION
1
II. PLANIFICATION SUCCESSORALE – NOTION
2
II.1. Constat préalable : les droits de succession sont très élevés en
Belgique
II.1.1. Tarifs applicables
a) Région wallonne
b) Région flamande
c) Région de Bruxelles-Capitale
II.1.2. Exception : transmission de l’immeuble où le défunt a eu sa résidence
principale
a) Région wallonne
b) Région de Bruxelles-Capitale
c) Région flamande
II.1.3. Exception : transmission d’une entreprise sous la forme d’actions et
créances ou d’une universalité de biens, d’une branche d’activité ou d’un
fonds de commerce
2
2
2
2
2
3
3
3
3
4
II.2. Définition de la planification successorale
5
III. PERIODE DE 50 A 64 ANS : TEMPS POUR REFLECHIR
6
III.1. Constat préalable : il est a priori trop tôt pour mettre en œuvre une
planification successorale
6
III.2. Régime matrimonial : les aménagements envisageables
7
3
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
III.2.1. Régime légal ou de communauté de biens
III.2.2. Régime de séparation de biens
7
10
III.3. Succession ab intestat : les héritiers
12
III.4. Succession testamentaire ou legs
III.4.1. Option héréditaire
a) L’acceptation pure et simple
b) La renonciation
c) L’acceptation sous bénéfice d’inventaire
III.4.2. Devoirs impératifs de solidarité et d’affection à l’égard de certains
membres de sa famille
a) Notions de "réserve" et de "quotité disponible"
b) Héritiers réservataires
c) Réserve des successibles du défunt
c-1) Réserve des enfants et des descendants du défunt
c-2) Réserve des ascendants du défunt
c-3) Réserve du conjoint
d) Détermination de la quotité disponible et de la réserve
e) Action en réduction
15
16
18
19
20
III.5. Accroissement de la protection du conjoint ou du cohabitant légal
31
III.6. Donation entre vifs d’une partie du patrimoine
34
IV. PERIODE DE 65 A 80 ANS : TEMPS POUR AGIR
35
IV.1. Donation entre vifs – modalités
IV.1.1. Eléments constitutifs de la donation
a) L’élément intentionnel : ″l’animus donandi″
b) L’élément matériel : l’enrichissement et l’appauvrissement
IV.1.2. Don manuel
IV.1.3. Donation indirecte
36
36
38
39
41
42
IV.2. Donations immobilières – régime fiscal
IV.2.1. Tarif progressif par tranches analogue à celui existant pour le calcul
des droits de succession
IV.2.2. Exception : donation de l’immeuble où le donateur a eu sa résidence
principale
IV.2.3. Exception : donation d’entreprise
IV.2.4. Réserve de progressivité
43
IV.3. Donations mobilières – régime fiscal
IV.3.1. Dons manuels et donations indirectes exempts de droits
48
48
21
21
22
23
23
24
25
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30
44
45
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47
4
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
IV.3.2. Donation d’une entreprise sous la forme d’actions et créances ou
d’une universalité de biens, d’une branche d’activité ou d’un fonds de
commerce
IV.3.3. Taux réduits applicables à certaines donations de biens meubles
a) Assouplissement en faveur des instruments financiers et titres de sociétés
b) Durcissement au détriment des donations affectées d’une condition
suspensive
49
50
51
IV.4. Sauvegarde de revenus
IV.4.1. Réserve d’usufruit
IV.4.2. Charge financière
52
52
54
IV.5. Conservation du contrôle
IV.5.1. Transmission de parts sociales
a) SPRL et gérant statutaire
b) Société en commandite par actions
IV.5.2. Société civile de droit commun
IV.5.3. Mandat de gestion
56
56
56
57
58
59
IV.6. Garantie contre les aléas affectant le donataire
IV.6.1. Clause de retour conventionnel
IV.6.2. Interdiction d’aliénation
IV.6.3. Interdiction d’apport en communauté
60
61
62
63
V. PERIODE AU DELA DE 80 ANS : TEMPS POUR REAGIR
64
V.1. Pourquoi une réaction aussi tardive ?
64
V.2. Il n'est pas encore trop tard, mais il est grand temps !
65
V.3. Sécurisation du donateur
66
V.4. Régularisation des avoirs et revenus occultes
67
VI. CONCLUSION
68
51
5
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
II.
PLANIFICATION SUCCESSORALE - NOTION
II.1.
Constat préalable : les droits de succession sont très élevés en Belgique
II.1.1. Tarifs applicables
2.Les droits de succession sont calculés sur la part nette recueillie par chaque ayant
droit, suivant un tarif progressif qui varie suivant le degré de parenté existant entre le défunt et
ses ayants droit.
Depuis le 1er janvier 1997, les tarifs applicables diffèrent selon le lieu où la succession est
imposable, en Flandre, en Wallonie ou à Bruxelles.
Cependant, si le tarif progressif peut sensiblement varier d’une Région à l’autre, les règles de
calcul et de liquidation des droits sont généralement similaires, surtout en ce qui concerne la
Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale.
Le tableau reprenant le tarif progressif des droits de succession est contenu dans l’article 48
du CDS.
a)
Région wallonne
Tableau I
Tranche de part nette
De 0,01 à 12.500 €
inclus
De 12.500,01 à
25.000€ inclus
De 25.000,01 à
50.000€ inclus
De 50.000,01 à
100.000 € inclus
De 100.000,01 à
150.000 € inclus
De 150.000,01 à
200.000 € inclus
De 200.000,01 à
250.000 € inclus
De 250.000,01 à
500.000 € inclus
Au-delà de 500.000 €
%
ligne directe, entre époux
entre cohabitants légaux
Montant total de l'impôt
sur tranches précédentes
3
4
375 €
5
875 €
7
2.125 €
10
5.626 €
14
10.625 €
18
17.625 €
24
26.625 €
30
86.625 €
6
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Tableau II
Tranche de part
nette
De 0,01 à 12.500 €
inclus
De 12.500,01 à
25.000€ inclus
De 25.000,01 à
75.000€ inclus
De 75.000,01 € à
175.000 € inclus
Au-delà de 175.000 €
b)
Entre frères et
sœurs
%tranches préc.
Entre oncles ou tantes et Entre toutes autres
neveux ou nièces
personnes
%tranches préc.
% tranches préc.
20
25
30
25
2.500 €30
3.125 € 35
3.750 €
35
5.625 €40
6.875 € 60
8.125 €
50
23.125 €55
26.875 € 80
38.125 €
65
73.125 €70
81.875 € 80
118.125 €
Région flamande
Tableau I
Tarif applicable en ligne directe, entre époux et entre cohabitants
Tranches
d'imposition
De 0,01 € à
50.000€
De 50.000 à
250.000 €
Au-delà de
250.000 €
Tarif applicable à la tranche Montant total de l’impôt sur les
correspondante
tranches précédentes
3%
9%
1.500 €
27 %
19.500 €
Tableau II
Tarif applicable entre les personnes autres qu’en ligne directe, les époux et les cohabitants
Tranches
d'imposition
Tranche
0,01 € à
75.000 €
de 75.000 à
125.000 €
au-delà de
125.000€
Tarif applicable à la tranche
correspondante
entre frères et entres tous les
sœurs
autres
Montant total de l’impôt sur les
tranches précédentes
entre frères et
entre tous les
sœurs
autres
30 %
45 %
55 %
55 %
22.500 €
33.750 €
65 %
65 %
50.000 €
61.250 €
7
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
c)
Région de Bruxelles-Capitale
Tableau I
Tarif en ligne directe, entre époux et entre cohabitants
A
B
C
Tranches
Pourcentage d’imposition
Montant total de l’impôt sur les
d’imposition
par tranche
tranches précédentes
De à
0,01 - 50.000 €
50.000 € - 100.000 €
100.000 € - 175.000 €
175.000 € - 250.000 €
250.000 € - 500.000 €
Au-delà de 500.000 €
3%
8%
9%
18%
24%
30%
1.500 €
5.500 €
12.250 €
25.750 €
85.750 €
Tableau II
Tarif entre frères et sœurs
B
C
Pourcentage d’imposition
Montant total de l’impôt sur les
par tranche
tranches précédentes
A
Tranches
d’imposition
De à
0,01 - 12.500 €
12.500 € - 25.000 €
25.000 € - 50.000 €
50.000 € - 100.000 €
100.000 € - 175.000 €
175.000 € - 250.000 €
Au-delà de 250.000 €
20%
25%
30%
40%
55%
60%
65%
2.500 €
5.625 €
13.125 €
33.125 €
74.375 €
119.375 €
Tableau III
A
Tranches
d’imposition
De à
0,01 € - 50.000 €
50.000 € - 100.000 €
100.000 € - 175.000 €
Au-delà de 175.000 €
Tarif entre oncles ou tantes et neveux ou nièces
B
C
Pourcentage d’imposition
Montant total de l’impôt sur les
par tranche
tranches précédentes
35%
50%
60%
70%
17.500 €
42.500 €
87.500 €
8
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Tableau IV
Tarif entre toutes les autres personnes
B
C
Pourcentage d’imposition
Montant total de l’impôt sur les
par tranche
tranches précédentes
A
Tranches
d’imposition
De à
0,01 € - 50.000 €
50.000 € - 75.000 €
75.000 € - 175.000 €
Au-delà de 175.000 €
40%
55%
65%
80%
20.000 €
33.750 €
98.750 €
II.1.2. Exception : transmission de l'immeuble où le défunt a eu sa résidence principale
3.Lorsque la succession du défunt comprend au moins une part en pleine propriété dans
l'immeuble où le défunt a eu sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de son
décès et que cet immeuble, destiné en tout ou en partie à l'habitation, est recueilli par un
héritier, un légataire, un donataire en ligne directe, par le conjoint ou le cohabitant légal, le
droit de succession applicable à la valeur nette de sa part dans cette habitation, abstraction
faite, le cas échéant, de la valeur de la partie professionnelle dudit immeuble soumise au taux
réduit applicable aux successions d'entreprises en vertu de l'article 60bis du CDS, est fixé
d'après le tarif indiqué ci-après.
a)
Région wallonne
En ce qui concerne les successions ouvertes à partir du 1er juin 2014, il existe désormais une
exonération à concurrence de 160.000,00 € en Région wallonne en faveur du conjoint et du
cohabitant légal. Le tableau des droits applicables peut ainsi être établi comme suit :
Pourcentage
d'imposition par
Tranche
tranche en faveur
de part
du conjoint
nette
ou du cohabitant
légal
De 0,01 à
25.000,00€
0
Pourcentage
Montant total de d'imposition par Montant total de
l’impôt sur les
tranche en
l’impôt sur les
tranches
faveur de
tranches
précédentes
l’héritier, du
précédentes
donataire ou du
légataire en ligne
directe
1
9
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
De
25.000,01
à 50.000 €
inclus
De
50.000,01
à 160.000€
inclus
De
160.000,01
à 175.000€
inclus
0
2
0
5
5
5
250 €
750 €
6.250 €
De
175.000,01
à 250.000€
inclus
12
750 €
12
7.000 €
De
250.000,01
à 500.000€
inclus
24
9.750 €
24
16.000 €
Au-delà de
500.000 €
30
69.750 €
30
76.000 €
b)
Région de Bruxelles-Capitale
L'exonération en faveur du conjoint et du cohabitant légal est totale. Il y a une réduction de
tarif en faveur de l'héritier, du donataire ou du légataire en ligne directe.
Tranche de part nette
Pourcentage d'imposition par tranche en faveur de
l’héritier, donataire ou légataire en ligne directe
De 0 à 50.000 € inclus
2
De 50.000,01 à 100.000 € inclus
5,3
10
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
De 100.000,01 à 175.000 € inclus
6
De 175.000,01 à 250.000 € inclus
12
Au-delà de 250.000,00 €, le surplus est soumis au tarif général de l’article 48 du CDS
applicable en Région de Bruxelles-Capitale (cf. supra, II.1.1, c).
c)
Région flamande
L'exonération en faveur du conjoint et du cohabitant légal est totale. L’ayant droit en ligne
directe ne bénéficie toutefois d’aucun tarif préférentiel.
Le bénéfice du tarif réduit est maintenu, même lorsque le défunt n'a pu conserver sa résidence
principale dans l'immeuble considéré pour cause de force majeure ou de raisons impérieuses
de nature familiale (état de besoin en soins dans le chef du défunt ou d'un de ses proches),
médicale, professionnelle ou sociale.
II.1.3. Exception : transmission d'une entreprise sous la forme d'actions et créances ou
d'une universalité de biens, d'une branche d'activité ou d'un fonds de commerce
4.Dans ce cas, l'article 60bis du CDS prévoit un taux réduit à 0 % (en Région wallonne)
ou à 3 % (dans la Région de Bruxelles-Capitale) moyennant la réunion de différentes
conditions qui doivent exister ab initio et être maintenues pendant une période de cinq ans.
Nous ne les commenterons pas ici, tout en soulignant que, hormis en Flandre où le régime est
davantage complexe (il y est question, non pas de successions d'entreprises, mais "d'héritages
d'entreprises familiales et de sociétés de famille" dont le taux de transmission varie de 3 % à
7%, cf. articles 2.7.4.2.2 et s. du VCF), ces conditions sont essentiellement au nombre de
trois:
a)
L'activité principale ou une activité admise doit être poursuivie.
b)
Le nombre total de travailleurs salariés ou de personnes indépendantes exprimé en
unités de temps plein doit s'élever au moins à 75 % en moyenne.
c)
Les avoirs investis ne doivent pas diminuer à la suite de versements ou de
remboursements.
11
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
II.2.
Définition de la planification successorale
5.La planification successorale peut se définir comme étant l’ensemble des méthodes
permettant d’anticiper, du vivant du défunt, les conséquences de son décès, en vue de gérer et
d’organiser au mieux la transmission de son patrimoine, sans pour autant impliquer un
dépouillement ou une perte totale de la maîtrise des avoirs transmis.
Dans cette perspective, la période de 50 à 64 ans correspond au temps pour réfléchir à la
manière de transmettre, entre vifs, du vivant du donateur, tout ou partie de son patrimoine
immobilier et mobilier (cf. Section III).
La période de 65 à 80 ans correspond, quant à elle, au temps pour agir (cf. Section IV). A cet
égard, nous analyserons quelques techniques de transmission successorale au moyen de
certaines formes de donations, notamment la donation indirecte et le don manuel.
Nous mettrons en exergue les différentes moyens permettant de conserver un certain contrôle
sur les avoirs transmis, notamment la constitution d’une SCA, d’une SPRL, d’une société
civile, ou encore la conclusion d’un mandat de gestion (cf. Section IV).
Outre le contrôle, il existe également diverses manières de sauvegarder des revenus issus des
avoirs transmis. C’est notamment le cas de la constitution d’un droit d’usufruit portant sur le
bien transmis, de l'instauration d’une charge financière dans le chef des bénéficiaires de la
transmission ou encore de la prévision d’une rente à payer par ces derniers (cf. Section IV).
Enfin, la période au-delà de 80 ans correspond au temps pour réagir (il n'est pas encore trop
tard, mais il est temps), en mettant en œuvre les différentes techniques évoquées à la Section
IV, tout en étant attentif à la sécurisation du donateur ainsi qu'à la problématique de
régularisation des capitaux et/ou revenus occultes (cf. Section V).
*
*
*
12
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
III.
PERIODE DE 50 A 64 ANS : TEMPS POUR REFLECHIR
III.1. Constat préalable : il est a priori trop tôt pour mettre en œuvre une planification
successorale
6.La période de 50 à 64 ans correspond encore, en règle générale, à une période
d’activité intense, tant au plan professionnel qu'au plan privé.
Si l'état de santé est satisfaisant, la priorité est rarement d'organiser les modalités de
transmission de son patrimoine par suite de décès.
Il reste que mieux vaut prévenir que guérir, ceci d'autant plus que nul n'est à l'abri d'une
détérioration grave et rapide de son état de santé, mais également d’un éclatement de la
cellule familiale d'origine, impliquant un(des) éventuel(s) remariage(s) et des enfants nés de
lits différents.
La planification successorale peut également être envisagée, dès cette tranche d'âge, en vue
d'avantager et/ou de protéger le conjoint.
III.2. Régime matrimonial : les aménagements envisageables
III.2.1. Régime légal ou de communauté de biens
7.Lorsque les époux n’ont pas fait précéder leur union d’un contrat de mariage, le
régime légal devient, de plein droit, le régime matrimonial applicable à leur vie commune.
Les mêmes règles s’appliquent également aux époux ayant choisi, par contrat de mariage, la
communauté de biens comme régime matrimonial.
Le mariage des époux sous le régime matrimonial légal ou de communauté implique la
coexistence de trois patrimoines : un patrimoine propre à chaque époux composé des biens
qu’il possédait avant le mariage ou qui lui proviennent de sa famille d’origine par donation ou
succession, et un patrimoine commun aux deux époux comprenant notamment, en principe,
l’ensemble des revenus perçus pendant le mariage.
Le décès de l'un des époux engendre la dissolution du régime matrimonial. Lors de la
liquidation du régime légal ou de communauté des biens suite au décès d’un des époux, le
patrimoine commun est divisé en deux parts égales (article 1445 du Code civil).
La moitié est attribuée à l’époux survivant, et elle n’est pas sujette aux droits de succession.
L’autre moitié rentre dans la masse successorale du défunt qui comprend également les biens
propres éventuels de ce dernier.
13
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
8.Il peut être dérogé à la règle qui précède, dans le contrat de mariage, en vue, par
exemple, d’assurer la subsistance du conjoint survivant en lui attribuant plus que la moitié de
la communauté (article 1461 du Code civil). Il s'agit d'une clause dite "de partage inégal",
laquelle est constitutive d’un avantage matrimonial à concurrence de ce qui excède la moitié
de la communauté.
Cette clause peut aboutir à l’attribution de toute la communauté au conjoint survivant. Il s'agit
alors d'une "clause d’attribution totale" de la communauté. Dans ce cas, tous les biens
communs échappent aux héritiers de l’époux prédécédé, mais leur reviendront de façon
différée au décès de l’époux bénéficiaire.
L'article 5 du CDS (article 2.7.1.0.4 du VCF) tend à assimiler à une institution contractuelle
ou à un legs, pour la perception de l'impôt successoral, toute dérogation au partage égal de la
communauté, qui a pour effet d'attribuer au conjoint survivant, sous condition de survie, une
part du patrimoine commun supérieure à la moitié. Par conséquent, l'avantage ainsi obtenu est
assujetti aux droits de succession.
Cette assimilation est nécessaire, parce que ces avantages matrimoniaux sont considérés
comme des conventions à titre onéreux entre époux (articles 1458 et 1464 du Code civil) non
soumises, comme telles, à l'impôt successoral.
A cet égard, il convient d'évoquer la clause dite "de la maison mortuaire", cette dernière ayant
pour objectif d'attribuer à un époux déterminé l'ensemble de la communauté en cas de décès
de l’autre époux, sans être assortie d'une condition de survie. Il est donc recouru à cette clause
lorsque le décès d'un des époux devient imminent ou inéluctable.
L'absence de toute condition de survie a longtemps permis à la clause de la maison mortuaire
d'échapper à l'article 5 du CDS (article 2.7.1.0.4 du VCF) et donc d’être exonérée fiscalement.
Il était ainsi possible de transmettre légalement, sans droits de succession, l'ensemble de la
communauté à un conjoint déterminé. Il était même fréquent que l'adoption de cette clause fût
précédée d'un apport en communauté de biens propres de l'époux appelé à décéder en premier
lieu.
Ce temps est toutefois (presque) révolu. En effet, la Circulaire n° 5/2013 du 10 avril 2013
précise que si la preuve n'est pas fournie de ce que cette clause se justifie par d'autres motifs
que l'évitement de l'impôt successoral, celui-ci sera perçu, sur base de l'article 5 du CDS
(article 2.7.1.0.4 du VCF) à titre principal, ou, à défaut, sur base de la disposition anti-abus
visée à l'article 106, alinéa 2 du CDS (article 3.17.0.0.9 du VCF) (renvoyant à l'article 18, § 2
du CDE – article 3.17.0.0.2 du VCF) - cette clause figurant sur la liste noire des clauses
abusives selon la Circulaire AAF n° 8/2012 du 19 juillet 2012 -, sur la part qui dépasse la
moitié du patrimoine commun et qui est attribuée au conjoint survivant.
9.Un autre aménagement au principe de l’attribution pour moitié de la communauté de
biens consiste en l’insertion d’une clause de préciput.
14
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Celle-ci peut se définir comme étant la clause par laquelle "à la dissolution par décès d’une
communauté, l’époux survivant a le droit de prélever sur le patrimoine commun, avant que
l’on ne procède au partage par moitié de celui-ci, une somme ou un ou plusieurs biens en
nature, un immeuble ou des meubles meublants par exemple" (cf. article 1457 du Code civil ;
P. DELNOY, Les libéralités et les successions, Précis de droit civil, 4ème édition, Collection
de la Faculté de droit de l’Université de Liège, Larcier, Bruxelles, 2013, p.79).
Le conjoint survivant est ainsi avantagé à concurrence de la valeur des biens qu’il prélève sur
le patrimoine commun.
En vertu de l’article 1458 du Code civil, la clause de préciput n'est pas regardée comme une
donation, mais comme une convention de mariage. Toutefois, elle est considérée comme une
donation, à concurrence de moitié, si elle a pour objet des biens présents ou futurs que l'époux
prédécédé a fait entrer dans le patrimoine commun par une stipulation expresse du contrat de
mariage.
III.2.2. Régime de séparation de biens
10.- La séparation de biens est un régime choisi par les époux dans leur contrat de mariage,
qui réserve à chacun des époux la propriété exclusive et la gestion indépendante de ses biens,
ainsi que l’obligation à son passif personnel, sauf en ce qui concerne les dettes du ménage (cf.
article 222 du Code civil) et celles contractées conjointement ou solidairement.
Ainsi, la séparation de biens est basée sur une triple séparation : la séparation des patrimoines,
la séparation des dettes et la séparation dans la gestion par chacun des époux de ses biens.
Cette situation peut apparaître inéquitable au moment de la dissolution du régime
matrimonial, étant donné la confusion des intérêts patrimoniaux inhérents à une vie en couple.
En effet, l’époux survivant ne recueillera rien à l’occasion de la dissolution de son mariage en
l’absence d’un patrimoine commun, et ce, sans préjudice d’un éventuel patrimoine indivis
composé des biens acquis ensemble par les deux époux qui devra être partagé.
11.- Des aménagements peuvent ainsi être apportés au régime de la séparation de biens, et
ils sont par ailleurs régulièrement conseillés, sous réserve de l’hypothèse d’un remariage ou
d’une fortune conséquente dans le chef d’un époux (cf. à ce sujet Y.-H. LELEU, A.
VERBEKE, J.-F. TAYMANS et M. BOURGEOIS, Manuel de planification patrimoniale. 1.
Le couple. Vie commune, Bruxelles, Larcier, 2009).
Aussi, il est possible de prévoir, dans un contrat de mariage de séparation de biens, une clause
de participation aux "acquêts". Les acquêts couvrent les économies et les acquisitions
réalisées par chacun des époux durant le mariage, à l’exclusion des acquisitions réalisées par
15
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
un époux au moyen de fonds lui appartenant avant le mariage ou reçus par donation ou
succession.
La particularité de cette clause de sauvegarde est qu’elle produit ses effets tant entre les époux
qu'à l'égard des tiers. A la dissolution du mariage, chaque époux aura droit à la moitié de
l'enrichissement de l'autre.
Par ailleurs, les époux peuvent constituer entre eux un ″patrimoine commun interne″, adjoint à
la séparation de biens, et destiné à recueillir leurs acquêts, l’objectif étant toujours de pallier à
l’absence de solidarité patrimoniale légale.
Cette faculté est soumise à la liberté contractuelle de sorte que les époux spécifient librement
la composition et les modes d’alimentation de cette masse, ainsi que sa gestion.
L’inconvénient réside essentiellement dans le fait que cette convention ne produit ses effets
qu’entre les parties contractantes, et non à l’égard des tiers.
III.3. Succession ab intestat : les héritiers
12.- La succession ab intestat est celle où le défunt n’a pas manifesté sa volonté dans un
testament, en ce qui concerne la transmission de ses biens au moment de son décès, de sorte
que c’est la loi elle-même qui désigne les personnes qui ont vocation à recueillir son
patrimoine.
Aussi, les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à son conjoint non
divorcé ni séparé de corps, à ses ascendants, à ses parents collatéraux et, dans les limites des
droits qui lui sont conférés, à son cohabitant légal, dans l'ordre et selon les règles déterminés
par les articles 731 et suivants du Code civil.
13.- L’article 745bis du Code civil organise la transmission du patrimoine du défunt
lorsque ce dernier laisse un conjoint survivant :
a)
Si le conjoint survivant vient en concours avec des descendants du défunt, des enfants
adoptifs, ou des descendants de ceux-ci, il a droit à l’usufruit de toute la succession.
Dans ce cas, le droit d’usufruit du conjoint survivant et le droit de nue-propriété des
successibles précités coexistent, ne formant entre eux aucune indivision étant donné qu’il ne
s’agit pas de droits de même nature, de sorte qu’il n’y a pas lieu à partage, chacun pouvant
conserver son droit sans être contraint d’y renoncer ou de le céder.
Pour sortir de cette situation, l’article 745quater, §1er, du Code civil permet, tant au conjoint
survivant qu’à l'un des nus-propriétaires, de solliciter que l’usufruit du conjoint survivant soit
transformé, totalement ou partiellement, en :
16
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
- une somme à payer par les nus-propriétaires au conjoint survivant ;
- la pleine propriété des biens successoraux grevés de l’usufruit ;
- une rente indexée et garantie.
C’est ce que l’on nomme "la conversion de l’usufruit du conjoint survivant", l’objectif
poursuivi étant de permettre la libération des biens grevés d’usufruit moyennant attribution au
conjoint survivant-usufruitier d’un autre bien ou d’un autre droit en contrepartie de la valeur
de son usufruit (articles 745quater à sexies du Code civil).
Il importe de noter que l'usufruit qui s'exerce sur l'immeuble affecté au jour de l'ouverture de
la succession au logement principal de la famille et sur les meubles meublants qui le
garnissent, ne peut être converti que de l'accord du conjoint survivant (article 745quater, § 4
du Code civil).
b)
Si le conjoint survivant vient en concours avec d’autres parents successibles, il
convient de distinguer deux hypothèses :
-
si le conjoint survivant et le défunt étaient mariés sous un régime légal ou de
communauté de biens, le conjoint survivant recueille la part du défunt dans cette
communauté, ainsi que l’usufruit de ses biens propres ;
-
si le conjoint survivant et le défunt n’étaient pas mariés sous un régime légal ou de
communauté de biens, tel que le régime de la séparation des biens, le conjoint
survivant recueille l’usufruit de la succession.
Lorsque la nue-propriété appartient aux successibles précités, le conjoint survivant peut
exiger, conformément à l’article 745quater, § 2, du Code civil, cette conversion dans un délai
de cinq ans à dater de l'ouverture de la succession.
Il peut également, dans ce cas exclusivement, exiger à tout moment que lui soit cédée, contre
espèces, la nue-propriété de l'immeuble affecté au jour de l'ouverture de la succession au
logement principal de la famille et des meubles meublants qui le garnissent.
c)
Si le conjoint survivant est seul à venir à la succession ou qu’il n’y a aucun
successible, il recueille la pleine propriété de toute la succession du défunt.
En toute hypothèse, le conjoint survivant recueille l'usufruit du bien soumis au droit de retour
légal et le droit au bail relatif à l'immeuble commun affecté à la résidence commune au jour
de l’ouverture de la succession.
17
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
14.- S’agissant de la transmission du patrimoine successoral au cohabitant légal survivant,
lorsque ce dernier n’est pas également le descendant du cohabitant légal prédécédé, l’article
745octies du Code civil dispose que, quels que soient les héritiers avec lesquels il vient à la
succession, le cohabitant légal survivant recueille l'usufruit de l'immeuble affecté durant la vie
commune à la résidence commune de la famille ainsi que des meubles qui le garnissent.
En outre, le cohabitant légal survivant recueille seul, à l'exclusion de tous les autres héritiers,
le droit au bail relatif à l'immeuble affecté à la résidence commune de la famille au moment
de l'ouverture de la succession du cohabitant légal prédécédé et il recueille l'usufruit des
meubles qui le garnissent.
Les règles prévues par les articles 745quater à sexies du Code civil organisant la conversion
de l’usufruit du conjoint survivant s’appliquent mutatis mutandis au cohabitant légal
survivant.
III.4. Succession testamentaire ou legs
15.- Dans le cadre d’une succession testamentaire, les biens successoraux sont attribués en
respectant la volonté du défunt qui, dans l’acte juridique unilatéral qu’est le testament, a
désigné les personnes auxquelles il entend attribuer, au moment de son décès, tout ou partie
(en ce compris un bien déterminé) de son patrimoine (ce qui constitue le "legs").
III.4.1. Option héréditaire
16.- En fonction de l’étendue des droits que le défunt a entendu conférer au légataire, il
s'agira d'un légataire "universel" lorsque ce dernier a vocation à recueillir l’ensemble du
patrimoine successoral, tant actif que passif (article 1003 du Code civil), d'un légataire "à titre
universel" lorsque cette vocation s’étend à une partie, active et passive, du patrimoine (article
1010 du Code civil) ou d'un légataire "à titre particulier", lorsque la vocation s’étend à un ou
plusieurs biens déterminés sans qu’il puisse être tenu au passif successoral.
Cette distinction se justifie notamment au regard de l’exercice de l’"option héréditaire". En
effet, la succession est un mode volontaire d'acquérir les biens du défunt (ou de cujus) de
sorte que le successeur ne peut être contraint à accepter une succession (article 775 du Code
civil). Il bénéfice d’une option lui permettant de décider de l’acquisition des biens
successoraux et de l’étendue de cette acquisition.
17.- Les articles 774 à 810bis du Code civil consacrent trois possibilités qui s’offrent au
successeur universel ou à titre universel (le légataire à titre particulier ne peut qu’accepter ou
renoncer à la succession, n’étant pas tenu au passif successoral) :
18
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
a)
L’acceptation pure et simple (articles 774 à 783 du Code civil)
18.- Dans cette hypothèse, l’héritier manifeste sa volonté, sans aucune réserve, d’acquérir
tout l’actif et d’assumer la charge de tout le passif.
En ce qui concerne l’actif, le patrimoine du défunt et celui du successeur se confondent pour
n’en former plus qu’un (article 802 a contrario du Code civil).
Au niveau du passif, l’héritier assume l’ensemble du passif de la succession. Si celui-ci
dépasse l’actif, l’héritier est alors tenu sur son patrimoine propre ("ultra vires hereditatis").
L’acceptation peut revêtir trois formes :
1° être expresse et se manifester dans un écrit, comme par exemple dans la déclaration
de succession (article 778 du Code civil) ;
2° être tacite et résulter d’un acte juridique posé par le successeur, que seul un héritier
définitif aurait pu réaliser; c’est le cas lorsque le successeur a accompli un acte de
disposition du patrimoine successoral (à savoir, notamment, détruire ou vendre un bien
successoral), à l’exclusion d’un acte conservatoire ou d’un acte d’administration
provisoire (article 779 du Code civil) ;
3° être forcée en raison soit d’un recel successoral ou d’un divertissement des biens
successoraux commis par le successeur (article 792 du Code civil), soit d’une
condamnation à accepter formulée à la demande d’un créancier successoral, d’un
légataire ou d’un cohéritier (article 800 du Code civil), soit d’un retrait bancaire d’une
certaine importance opéré sur un compte du défunt (y compris en cotitularité) par le
conjoint ou le cohabitant légal survivant (cf. article 1240ter du Code civil).
b)
La renonciation (articles 784 à 792 du Code civil)
19.- Le successeur refuse de recueillir le patrimoine successoral, tant actif que passif.
L'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier (article 785 du Code civil).
Dans cette hypothèse, il convient de s’en référer aux règles légales de dévolution
successorale, lesquelles désignent les successibles, en fonction de leur ordre et de leur degré
de parenté à l’égard du défunt (article 786 du Code civil).
S’il n’existe aucun autre successible, la succession est réputée vacante (article 811 du Code
civil). Le Tribunal de la famille désigne alors un curateur à succession vacante qui est tenu de
faire constater l'état de la succession par un inventaire, d’administrer et de liquider la
succession (articles 813 du Code civil et 1228 à 1231 du Code judiciaire).
La renonciation à une succession ne se présume pas. Elle ne peut être faite qu'au greffe du
tribunal de première instance dans l'arrondissement duquel la succession s'est ouverte, dans un
registre particulier tenu à cet effet, ou devant notaire. Lorsqu'elle est faite devant un notaire,
19
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
celui-ci adresse, dans les cinq jours qui suivent la déclaration de renonciation, une copie de
celle-ci au greffe du tribunal de première instance de l'arrondissement dans lequel la
succession s'est ouverte, en vue de son inscription dans le registre précité (article 784 du Code
civil).
c)
L’acceptation sous bénéfice d'inventaire (articles 793 à 810bis du Code civil)
20.- Dans cette hypothèse, l’héritier accepte tout l’actif, et le passif uniquement dans la
mesure où il n’excède pas l’actif.
L’héritier ne sera donc tenu au paiement des dettes qu’à concurrence des biens qu’il recueille
("intra vires hereditatis"). Ainsi, les créanciers de la succession et les légataires sont payés sur
les biens successoraux de préférence aux créanciers personnels de l'héritier, mais ils ne
peuvent se faire payer que sur ces biens successoraux, à l’exclusion des biens personnels du
successeur acceptant.
Le bénéfice d'inventaire a pour effet d'empêcher la confusion des patrimoines, tant à l'égard
de l'héritier que des créanciers et légataires (article 802 du Code civil).
Tout comme l’acceptation pure et simple, l’acceptation sous bénéfice d’inventaire est
irrévocable. L’héritier ne pourra ainsi ultérieurement répudier une succession qu’il a acceptée.
La renonciation implique une déclaration faite par l’héritier au greffe du tribunal de
l'arrondissement dans lequel la succession s'est ouverte ou devant notaire. Elle doit être
inscrite dans le registre spécifique visé au point b) (article 793 du Code civil) puis publiée au
Moniteur belge. Dans un délai de trois mois à compter de la date de publication, les créanciers
et les légataires sont invités à faire connaître leurs droits.
La déclaration d'un héritier qui accepte sous bénéfice d'inventaire, n'a d'effet qu'autant qu'elle
est précédée ou suivie d'un inventaire fidèle et exact des biens de la succession dans les
formes réglées par les articles 1175 et suivants du Code judiciaire, et dans les délais
déterminés par les articles 795 et 798 du Code civil.
III.4.2. Devoirs impératifs de solidarité et d'affection à l'égard de certains membres
de sa famille
a)
Notions de "réserve" et de "quotité disponible"
21.- Toute personne peut disposer librement de son patrimoine au moyen d’actes réalisés à
titre onéreux ou de libéralités, qu'il s'agisse de donations ou de legs.
Cette liberté de disposer doit être tempérée au regard de la règle de la réserve légale visée à
l’article 913 du Code civil.
20
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
La "réserve" est une partie du patrimoine du défunt dont ce dernier ne peut disposer à titre
gratuit au préjudice des héritiers dits "réservataires". A contrario, le défunt peut disposer
librement de la ″quotité disponible″ (= son patrimoine – la réserve des héritiers réservataires).
Cette réserve est fondée sur l’idée selon laquelle le défunt a un devoir de solidarité et
d’affection à l’égard de certains membres de sa famille. Il s'ensuit que le défunt ne peut pas
librement disposer à titre gratuit de l’ensemble de son patrimoine, que ce soit dans le cadre
d’une donation entre vifs ou dans un testament, du moins lorsqu'interviennent certains
héritiers.
Le Code civil octroie ainsi un statut particulier aux héritiers dits "réservataires" qui
bénéficient en quelque sorte d’une protection du législateur afin d’empêcher le défunt de les
déshériter complètement, leur garantissant ainsi une part dans la succession du défunt ("la
réserve").
Si le défunt a consenti des libéralités qui excèdent la quotité disponible, les héritiers
réservataires ont la possibilité de demander la réduction des libéralités afin de reconstituer
leur réserve en diligentant une action en réduction.
Un projet de loi a été déposé en vue de réformer la matière dans le sens d’une plus grande
liberté de la personne lorsqu’il s’agit de disposer de sa succession, avec notamment une
diminution de la réserve héréditaire des descendants et donc, corrélativement, un
accroissement de la quotité disponible.
b)
Héritiers réservataires
22.-
Les héritiers réservataires sont :
1°
2°
3°
les enfants du défunt (y compris les descendants du défunt);
les parents et ascendants du défunt, à défaut d'enfant (article 915 du Code civil) ;
l’époux du défunt (article 915bis du Code civil).
En vertu de l'article 745octies, § 1er, du Code civil, quels que soient les héritiers avec lesquels
il vient à la succession, le cohabitant légal survivant recueille l'usufruit de l'immeuble affecté
durant la vie commune à la résidence commune de la famille ainsi que des meubles qui le
garnissent.
Si, à son décès, le cohabitant légal prémourant n'était pas propriétaire de l'"immeuble
préférentiel", le cohabitant légal survivant recueille le droit au bail dont il était titulaire, à
condition que le droit au bail se trouve dans la succession (tel n'est pas le cas du bail à vie qui
s'éteint par le décès du preneur).
21
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
La règle de la réserve est une règle impérative. Néanmoins, l’héritier réservataire peut
renoncer à sa réserve après le décès, sauf le conjoint qui peut renoncer à sa réserve par contrat
de mariage.
c)
Réserve des successibles du défunt
c-1)
Réserve des enfants et des descendants du défunt
23.- Lorsque le défunt a disposé (libéralités) à l'égard d'autres que son conjoint, la réserve
légale est égale à (article 913 du Code civil):
-
la moitié du patrimoine du défunt, en présence d’un enfant ;
2/3 du patrimoine du défunt, en présence de deux enfants ;
3/4 du patrimoine du défunt, en présence de trois enfants ou plus
Sont compris sous le nom d'"enfants", les descendants en quelque degré que ce soit.
Néanmoins, ils ne sont comptés que pour l'enfant qu'ils représentent dans la succession du
disposant (article 914 du Code civil).
c-2)
Réserve des ascendants du défunt
24.- Lorsque le défunt a disposé (libéralités) à l'égard d'autres que son conjoint, à défaut
d'enfant, la réserve est égale à (article 915 du Code civil):
-
la moitié du patrimoine du défunt, si ce dernier laisse un ou plusieurs ascendants dans
chacune des branches maternelle et paternelle ;
le quart du patrimoine du défunt, si ce dernier ne laisse un ou plusieurs ascendants que
dans l’une des deux branches.
La réserve des ascendants est sans effet à l’égard du conjoint survivant et du cohabitant légal
survivant. Autrement dit, les libéralités réalisées en faveur du conjoint survivant ou du
cohabitant légal survivant ne peuvent pas faire l’objet d’une action en réduction par les
ascendants.
c-3)
Réserve du conjoint
25.- Lorsque le défunt a disposé (libéralités) à l'égard de son conjoint, la réserve du
conjoint survivant comprend deux composantes :
-
elle porte sur l’usufruit de la moitié des biens de la succession (article 915bis, §1er
du Code civil) ;
22
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
-
par ailleurs, le conjoint survivant a droit à l’usufruit de la totalité des biens
préférentiels, à savoir, l’immeuble constituant le logement familial au jour de
l’ouverture de la succession ainsi que les meubles meublants (article 915bis, § 2 du
Code civil).
En cas de concours avec d’autres héritiers réservataires, la réserve du conjoint survivant est
supportée proportionnellement par la réserve des héritiers et par la quotité disponible (article
915bis, § 4 du Code civil).
L'usufruit des biens préférentiels est imputé sur l’usufruit de la moitié des biens de la
succession, mais il n’y est pas limité. Si la valeur du logement familial et des meubles
meublants est inférieure à la valeur de la moitié des biens de la succession, le conjoint
survivant a droit à l’usufruit d’autres biens de la succession pour reconstituer sa réserve.
26.-
Le défunt peut supprimer la réserve du conjoint survivant dans quatre hypothèses :
1°
Le défunt peut unilatéralement manifester sa volonté, par testament, de priver son
conjoint de sa réserve si, au jour du décès, les époux étaient séparés de fait depuis plus
de six mois et que, par un acte judiciaire, le défunt avait sollicité une résidence séparée
de celle de son conjoint et que depuis, les époux n’avaient plus repris de vie commune
(article 915bis, § 3 du Code civil).
2°
En cas de divorce par consentement mutuel, l’article 1287, alinéa 3 du Code judiciaire
prescrit aux époux de prévoir les modalités de leurs droits successoraux pour le cas où
l'un deux décéderait avant le jugement ou l'arrêt prononçant définitivement le divorce.
3°
Lorsqu’il apparaît qu’un enfant a été conçu pendant le mariage par un des époux et
une autre personne que son conjoint, mais cette suppression de la réserve du conjoint
survivant ne vise pas la réserve portant sur les biens préférentiels (article 334ter du
Code civil).
4°
Dans la mesure où au moment de l’exhérédation, l’un des époux a un ou plusieurs
descendants issus d’une relation antérieure à leur mariage ou adoptés avant leur
mariage, ou des descendants de ceux-ci. La suppression doit figurer dans le contrat de
mariage ou dans un acte modificatif. Elle ne peut pas porter sur la réserve ayant pour
objet les biens préférentiels (article 1388, alinéa 2 du Code civil).
Le défunt peut également, non pas supprimer la réserve en usufruit de son conjoint, mais la
remplacer par des libéralités. Pour ce faire, il doit manifester expressément sa volonté de
limiter les droits de son conjoint survivant aux biens qu'il lui donne ou lui lègue (article 1094,
alinéa 3 initio du Code civil), sans pour autant pouvoir le priver d'une partie de la valeur de sa
réserve.
23
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
d)
Détermination de la quotité disponible et de la réserve
27.- La réserve doit être déterminée par référence au patrimoine du défunt au jour de son
décès. Toutefois, il y a lieu de reconstituer la masse des biens qui auraient dû composer le
patrimoine du défunt s’il n’avait pas consenti de libéralités.
La masse successorale est composée comme suit :
biens existant au jour du décès (estimés à ce moment) ;
+ biens légués
+ biens ayant fait l’objet d’institution contractuelle
- dettes successorales
+ donations consenties par le défunt de son vivant (dans l'état de l'époque et avec la
valeur au décès), y compris par la voie d'une assurance-vie (prise en compte du
montant de la prestation d'assurance)
A la valeur de la masse successorale est appliquée la fraction correspondant à la fraction des
héritiers réservataires. La quotité disponible est obtenue en déduisant la réserve.
28.-
Les libéralités sont imputées de la manière suivante (articles 923 à 927 du Code civil):
1°
Les libéralités ci-après sont imputées sur la quotité disponible :
- libéralités en faveur des étrangers ;
- libéralités en faveur d’héritiers non réservataires ;
- libéralités en faveur des héritiers réservataires qui sont faites par préciput et hors part
ou avec dispense de rapport.
2°
Les libéralités rapportables consenties aux réservataires, dites "en avance d'hoiries",
c’est-à-dire en avance sur la part successorale ainsi constituée, sont imputées sur la
réserve.
3°
Les libéralités sont imputées dans l’ordre de leur date en commençant par la plus
ancienne.
4°
Les legs sont imputés simultanément après les donations, sauf si un ordre de
préférence a été stipulé par le défunt après les donations.
29.- Les libéralités qui excèdent la quotité disponible sont sujettes à réduction (cf. infra
point e). Les biens réduits reviennent en nature dans la succession, quittes et libres de toute
charge de dettes ou hypothèques que le donataire aurait créées (article 929 du Code civil).
La réduction en nature connaît toutefois quelques exceptions (articles 866, 918, 924 et 930 du
Code civil).
24
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
e)
Action en réduction
30.- L’action en réduction est l’action judiciaire par laquelle les héritiers réservataires
sollicitent la réduction des donations excédant la quotité disponible telle que définie supra au
point d), afin de reconstituer leur réserve.
Cette action est dirigée contre les donataires et les bénéficiaires des legs.
L’action en réduction ne peut porter que sur des libéralités dès lors qu'elle vise à éviter que le
défunt ne se soit appauvri au préjudice de ses héritiers réservataires.
La charge de la preuve pèse sur les héritiers réservataires. Il leur appartient d'établir, d'une
part, l’existence des libéralités excédant la quotité disponible, d'autre part, le montant des
libéralités. Cette preuve peut être rapportée par toutes voies de droit, en ce compris les
témoignages et présomptions.
En outre, les héritiers réservataires bénéficient de deux présomptions réfragables (c'est-à-dire
susceptibles d'être renversées) :
1°
lorsqu’un défunt a disposé d’un bien dont le bénéficiaire aurait pu hériter de lui en
ligne directe au moment de l’acte ou en se réservant l’usufruit dudit bien ou en
stipulant en sa faveur une rente viagère ou un droit viager, il y a une présomption
selon laquelle il s’agit d’une donation par préciput et hors part de la valeur de la pleine
propriété du bien au décès (article 918 du Code civil) ;
2°
les libéralités de l’un des époux aux enfants ou à l’un des enfants de l’autre époux
issus d’un autre mariage, et celles faites par le donateur aux parents dont l’autre époux
est héritier présomptif au jour de la donation sont présumées avoir été faites à l’autre
époux lui-même (article 1100 du Code civil).
Tant que la réduction n'est pas demandée, il faut liquider les droits de succession en tenant
compte des legs non réduits. La réduction qui interviendrait ultérieurement serait un
évènement nouveau, emportant un changement dans la dévolution de l'hérédité.
Un projet de loi existe visant à diminuer la réserve héréditaire et, corrélativement, à
augmenter la quotité disponible. Cette réforme, si elle aboutit à ce résultat, influencera
nécessairement l’étendue de l’action en réduction.
III.5. Accroissement de la protection du conjoint ou du cohabitant légal
31.- Une convention de mariage peut contenir une clause de partage inégal de la
communauté de biens, visant à attribuer totalement ou partiellement la communauté légale au
conjoint ou cohabitant survivant (cf. supra, III.2.1).
25
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Les conjoints ou cohabitants peuvent également effectuer une donation réciproque portant sur
l’ensemble de la succession du prémourant en vue d’en transférer la pleine propriété au
conjoint ou cohabitant survivant, sans préjudice de la réserve héréditaire telle que définie
supra, III.4.2.
Si l’objectif poursuivi est louable au plan civil, la volonté étant de favoriser le conjoint ou le
cohabitant survivant, le traitement fiscal réservé à une telle donation est défavorable.
En effet, en vertu des règles légales de dévolution successorale consacrées aux articles 745bis
et octies du Code civil, le conjoint ou le cohabitant survivant recueille un droit d’usufruit,
dont l’étendue dépend de sa qualité et des successibles avec lesquels il entre en concours. Les
descendants successibles recueillent, quant à eux, un droit de nue-propriété.
Des droits de succession sont dus à l’occasion de cette transmission, pour cause de décès du
conjoint ou cohabitant prémourant, de droits d’usufruit et de nue-propriété.
En revanche, au moment du décès du conjoint ou cohabitant usufruitier, les descendants nuspropriétaires acquièrent la pleine propriété de la première succession par l’effet de la loi, le
droit d’usufruit étant un droit viager dont la durée maximale est la durée de vie de
l’usufruitier, de sorte qu’ils ne seront redevables, à cette occasion, d’aucun droit de
succession.
Au contraire, une donation réciproque entre conjoints et cohabitants de la pleine propriété de
leur succession implique un double paiement des droits de succession relativement à cette
succession :
-
une première fois, dans le chef du conjoint ou du cohabitant survivant au moment où il
recueille la pleine propriété de la succession du prémourant ;
une seconde fois, dans le chef des héritiers descendants au moment du décès du
conjoint ou cohabitant survivant.
32.- Une personne peut également prévoir une clause d’attribution optionnelle au profit de
son conjoint ou cohabitant par laquelle un choix est laissé au conjoint ou cohabitant survivant,
choix qu’il pourra exercer au moment du décès du prémourant.
La clause prévoit ainsi qu’au décès du premier des conjoints ou cohabitants, le patrimoine
commun ou indivis appartient, au choix du conjoint ou du cohabitant survivant, à ce dernier :
-
soit pour la totalité en pleine propriété ;
soit pour la totalité en usufruit ;
soit pour partie en pleine propriété et pour partie en usufruit, le cas échéant en faisant
une distinction en fonction du type de biens.
26
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
La clause peut contenir toute autre variante à déterminer par les époux ou cohabitants, mais,
en tout état de cause, elle doit préciser le délai d’exercice de l’option par le conjoint ou le
cohabitant survivant, les modalités de celui-ci et la répartition du passif commun.
D’un point de vue fiscal, l’article 5 du CDS (article 2.7.1.0.4 du VCF) ne sera appliqué que si
le choix porte sur une attribution du patrimoine commun au conjoint ou cohabitant survivant
qui excède la moitié de la communauté des biens.
33.- Pour mémoire, si le cohabitant prémourant n’a rien prévu dans un testament
concernant la part de sa succession qui sera recueillie par le cohabitant survivant, l’article
745octies du Code civil dispose que, quels que soient les héritiers avec lesquels il vient à la
succession, le cohabitant légal survivant recueillera exclusivement l'usufruit de l'immeuble
affecté durant la vie commune à la résidence commune de la famille ainsi que des meubles
qui le garnissent.
Il recueillera également le droit au bail relatif à l'immeuble affecté à la résidence commune de
la famille au moment de l'ouverture de la succession du cohabitant légal prédécédé et
l'usufruit des meubles qui le garnissent.
Par conséquent, si l'on entend protéger davantage le cohabitant légal survivant, il est
indispensable de manifester sa volonté en ce sens par des dispositions testamentaires.
III.6. Donation entre vifs d'une partie du patrimoine
34.- Dans la Section IV, nous examinerons certaines donations entre vifs, notamment le
don manuel et la donation indirecte, ainsi que les modalités pouvant les assortir afin de
permettre au donateur de conserver un contrôle sur les biens donnés et/ou de sauvegarder les
revenus générés par les biens donnés.
*
*
*
27
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
IV.
PERIODE DE 65 A 80 ANS : TEMPS POUR AGIR
35.- Une libéralité peut être définie comme étant "un transfert de droit réel, actuel ou
virtuel, réalisé dans une intention de bienfaisance et entraînant pour le bénéficiaire un
enrichissement corrélatif à l’appauvrissement du disposant" (cf. P. DELNOY, o.c., p. 19).
Il y a trois types de libéralités :
1°
la donation entre vifs (article 894 du Code civil) ;
2°
le testament (article 895 du Code civil) – cf. Section III ;
3°
l’institution contractuelle (article 1081 du Code civil) qui est "l'acte par lequel une
personne donne à une autre personne tout ou partie de ses biens qu’elle laissera à son
décès" (cf. P. DELNOY, o.c., p. 17) et qui ne peut être réalisée qu'à des conditions très
strictes.
Dans la présente Section sont essentiellement examinées les donations entre vifs, y compris
lorsqu’elles ont pour objet les titres d’une société.
IV.1. Donation entre vifs - modalités
IV.1.1. Eléments constitutifs de la donation
36.- Une donation est un acte juridique bilatéral (un contrat) quant à sa formation, dès lors
qu’il requiert l’accord de volonté d’au moins deux personnes, le donateur et le donataire. Les
conditions de fond communes à tous les contrats (consentement, capacité, objet, cause, licéité
de l’objet et de la cause) doivent donc être réunies, avec une attention particulière portée au
consentement donné par le donateur (article 901 du Code civil).
La donation entre vifs n’engagera le donateur et ne produira d'effet que du jour où elle aura
été acceptée en termes exprès (article 932 du Code civil). Il s'ensuit que le donataire doit en
principe clairement manifester son acceptation pour que la donation sorte ses effets.
La donation est par ailleurs un acte juridique unilatéral quant à ses effets dès lors qu’il ne fait
naître d’obligations que dans le chef du seul donateur. Ce dernier s’oblige à s’appauvrir de
l’objet de la donation au bénéfice du donataire. Certaines obligations peuvent cependant être
imposées au donataire, notamment dans le cadre des donations avec charge(s).
37.- La donation est en principe irrévocable de sorte qu’elle ne peut être anéantie par la
seule volonté du donateur, sans préjudice d’une révocabilité par consentement mutuel entre
donateur et donataire.
28
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Il est toutefois dérogé à ce principe dans deux hypothèses :
-
a)
lorsqu’il s’agit de sanctionner l’attitude du donataire (articles 953 et suivants du Code
civil) ;
lorsque les donations sont faites entre époux durant le mariage et en dehors d’un
contrat de mariage (article 1096, alinéa 1er du Code civil).
L’élément intentionnel : "l’animus donandi "
38.- Il s’agit de la volonté du donateur de transmettre au donataire tout ou partie de son
patrimoine sans contrepartie équivalente à la valeur de ce dernier. Il doit avoir l’intention
d’enrichir le donataire sans contrepartie. L'animus donandi est ainsi le critère prépondérant.
L’élément intentionnel peut se manifester à l’occasion de :
- un envoi d'une lettre confirmative de donation, le pli lui-même étant soumis à la
formalité de la recommandation ;
- une convention confirmative de donation ou un pacte adjoint, rédigés
postérieurement à la donation et distincts de la lettre confirmative (en règle, pour des
raisons de confidentialité) ;
- un acte authentique.
b)
L’élément matériel : l’enrichissement et l’appauvrissement
39.- L’objet de la donation doit être un bien (corporel ou incorporel) faisant partie du
patrimoine du donateur, quelle que soit la valeur du dit bien, et dont le donateur va
s’appauvrir au profit du donataire.
Le patrimoine du donataire est enrichi à concurrence de la valeur de l’objet donné. Cet
enrichissement entraîne un appauvrissement à concurrence de la même valeur dans le chef du
donateur.
Cet élément matériel peut se traduire notamment par :
- un prélèvement, un dépôt, un virement ou un transfert bancaire ;
- des mentions apportées dans le registre des parts ;
- un acte authentique constatant une nouvelle répartition des parts.
40.- Quant à la forme que doit revêtir l’acte de donation, en principe, l’article 931 du Code
civil impose qu'il soit passé devant un notaire au moins. La forme authentique est en tout état
de cause requise pour les donations avec réserve d’usufruit, pour les
donations d’immeubles et celles d’entreprises.
29
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Toutefois, il est dérogé à l'exigence de l'acte authentique en ce qui concerne le don manuel et
la donation indirecte (cf. infra, IV.1.2 et IV.1.3).
IV.1.2. Don manuel
41.- Le don manuel est "la donation d’un meuble corporel réalisée par la remise du bien
de la main à la main" (cf. P. DELNOY, o.c., p. 24). Il se réalise par la "tradition réelle", c’està-dire par le fait que le donateur est dépossédé d’un de ses biens meubles en le remettant
effectivement au donataire, ce dernier devenant le nouveau propriétaire du bien objet de la
donation.
Le don manuel nécessitant une remise de la chose de la main à la main, il ne peut donc porter
que sur un bien mobilier corporel (par exemple, du numéraire, un tableau, une voiture, un
meuble, un bijou, etc...).
Le don manuel ne doit pas être constaté dans un acte authentique pour être valable.
L’intention libérale du donateur est mentionnée dans un document distinct, à savoir, soit un
pacte adjoint (ou une convention confirmative de donation), soit une lettre elle-même
recommandée adressée par le donateur au donataire dans laquelle le premier notifie au second
son intention libérale.
La lettre recommandée permet de conférer à la donation une date opposable à l'administration
et de faire ainsi courir le délai de trois ans visé à l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF).
En vertu de l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF), les biens dont l'administration
fiscale établit que le défunt en a disposé à titre gratuit dans les trois années précédant son
décès, sont considérés comme faisant partie de sa succession si la libéralité n'a pas été
assujettie au droit d'enregistrement établi pour les donations. Il s'agit d'établir une date
antérieure à cette période de trois ans, qui soit opposable à l'administration fiscale
L'article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF) doit être lu en combinaison avec l'article 108 du
CDS (article 2.7.3.2.5 du VCF) qui établit une présomption légale suivant laquelle, jusqu'à
preuve contraire, les valeurs dont le défunt a été propriétaire au cours des trois dernières
années de sa vie sont présumées faire encore partie de la succession.
IV.1.3. Donation indirecte
42.- La donation indirecte est la "donation qui se réalise par un acte neutre, c’est-à-dire
par un acte qui a priori ne révèle pas sa cause" (cf. P. DELNOY, o.c., p.24).
A titre d’exemples d’actes neutres, on peut notamment citer :
30
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
- un virement bancaire animo donandi ;
- la renonciation à un droit d'usufruit, de superficie ou d'emphytéose réalisée avec
intention libérale en faveur d'une personne déterminée ;
- la remise de dette animo donandi ;
- la stipulation pour autrui lorsqu'elle n'est pas réalisée en contrepartie d'une prestation
du bénéficiaire ;
- l'inscription dans le registre des parts animo donandi,
- etc…
La donation indirecte ne peut porter que sur un bien meuble, corporel ou incorporel (par
exemple, numéraire faisant l'objet d'un virement, titres nominatifs, créances incorporelles,
etc…).
La donation indirecte ne doit pas être constatée dans un acte authentique pour être valable.
L’intention libérale du donateur est mentionnée dans un document distinct, à savoir, soit un
pacte adjoint (ou une convention confirmative de donation), soit une lettre elle-même
recommandée adressée par le donateur au donataire.
La lettre recommandée permet de conférer à la donation une date opposable à l'administration
et de faire ainsi courir le délai de trois ans visé à l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF)
(cf. supra, IV.1.2).
IV.2. Donations immobilières – régime fiscal
43.- Les donations immobilières sont obligatoirement enregistrables, d’une part, dans la
mesure où elles doivent faire l’objet d’un acte notarié (cf. articles 1er et 2 de la loi
hypothécaire, article 931 du Code civil et article 19,1° du Code des droits d’enregistrement,
ci-après "CDE"), et d’autre part, en ce qu’elles constituent un acte translatif de propriété ou
d’usufruit d’immeuble situé en Belgique (article 19, 2° du CDE).
Les tarifs applicables diffèrent selon que le donateur personne physique, habitant du
Royaume, a, au moment de la donation, son domicile fiscal en Flandre, en Wallonie ou à
Bruxelles. Si, dans les cinq ans précédant la donation, le donateur a eu son domicile fiscal
dans au moins deux Régions, le droit applicable est celui de la Région dans laquelle son
domicile fiscal est demeuré établi le plus longtemps pendant ces cinq ans.
IV.2.1. Tarif progressif par tranches analogue à celui existant pour le calcul des droits
de succession
31
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
44.- La base imposable est la valeur vénale des biens immeubles (article 133 du CDE article 2.8.3.0.1, § 2 du VCF).
Si la donation porte sur l'usufruit ou la nue-propriété, la base imposable est déterminée de
manière forfaitaire conformément aux articles 47 à 50 du CDE (article 133, alinéa 2, b) du
CDE - article 2.8.3.0.1, §2 du VCF).
Les droits d’enregistrement sont dus avec application du tarif progressif visé à l’article 131 du
CDE qui varie suivant le degré de parenté ou d’alliance existant entre le donateur et le
donataire.
Le tarif applicable en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale est identique à
celui existant pour le calcul des droits de succession. Nous renvoyons aux tableaux établis
supra, II.1.1.
Il n’en va pas de même en ce qui concerne la Région flamande.
Tableau I
Tarif applicable en ligne directe, entre époux et entre cohabitants
Tranches
d'imposition
De 0,01 € à
12.500€
De 12.500 à
25.000€
De 25.000 à
50.000€
De 50.000 à
100.000 €
De 100.000 à
150.000 €
De 150.000 à
200.000 €
De 200.000 à
250.000 €
De 250.000 à
500.000 €
Au-delà de
500.000 €
Tarif applicable à la tranche
correspondante
Montant total de l’impôt sur les
tranches précédentes
3%
4%
375 €
5%
875 €
7%
2.125 €
10 %
5.625 €
14 %
10.625 €
18 %
17.625 €
24 %
26.625 €
30 %
86.625 €
32
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Tableau II
Tarif applicable entre les frères et sœurs
Tranches
d'imposition
De 0,01 € à
12.500 €
De 12.500 à
25.000€
De 25.000 à
75.000€
De 75.000 à
175.000 €
Au-delà de
175.000 €
Tarif applicable à la tranche
correspondante
Montant total de l’impôt sur les
tranches précédentes
20 %
25 %
2.500 €
35 %
5.625 €
50 %
23.125 €
65 %
73.125 €
Tableau III
Tarif applicable entre oncles ou tantes et neveux ou nièces
Tranches
d'imposition
De 0,01 € à
12.500 €
De 12.500 à
25.000€
De 25.000 à
75.000€
De 75.000 à
175.000 €
Au-delà de
175.000 €
Tarif applicable à la tranche
correspondante
Montant total de l’impôt sur les
tranches précédentes
25 %
30 %
3.125 €
40 %
6.875 €
55 %
26.875 €
70 %
81.875 €
Tableau IV
Tarif applicable entre toutes autres personnes
Tranches
d'imposition
De 0,01 € à
12.500 €
De 12.500 à
Tarif applicable à la tranche
correspondante
Montant total de l’impôt sur les
tranches précédentes
30 %
35 %
3.750 €
33
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
25.000€
De 25.000 à
75.000€
De 75.000 à
175.000 €
Au-delà de
175.000 €
50 %
8.125 €
65 %
33.125 €
80 %
98.125 €
IV.2.2. Exception : donation de l'immeuble où le donateur a eu sa résidence principale
45.- Il existe un régime particulier pour les donations en ligne directe, entre époux et entre
cohabitants légaux, de la part en pleine propriété du donateur dans un immeuble destiné en
tout ou en partie à l'habitation, qui est situé en Région wallonne ou en Région bruxelloise, et
dans lequel le donateur a eu sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de la
donation, sauf si le donateur n’a pu conserver sa résidence principale dans l’immeuble pour
cause de force majeure ou de raison impérieuse de nature médicale, familiale, professionnelle
ou sociale (article 131ter du CDE / Rég. Wall. et article 131bis du CDE / Rég. Brux.).
Ce tarif préférentiel est similaire à celui applicable pour le calcul des droits de succession.
Nous renvoyons aux tableaux établis supra, II.1.2. Ce régime de faveur doit être examiné
avec circonspection, dès lors qu’existent également des règles spécifiques et préférentielles
quant au calcul des droits de succession au regard de l’immeuble familial (cf. supra, II.1.2).
En Région flamande, il existe des dispositions particulières temporaires pour les donations de
parcelles de terrains destinées à la construction d’habitations selon les prescriptions
d'urbanisme, dont l'acte est passé durant la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014
compris (article 2.8.4.2.1 du VCF).
IV.2.3. Exception : donation d’entreprise
46.- Le régime préférentiel relatif aux donations d’entreprises (cf. infra, IV.3.2.) s’applique
également lorsque de telles donations englobent un droit réel portant sur un immeuble
appartenant à l’entreprise.
Lorsque la donation porte sur des biens composant une universalité, une branche d'activité ou
un fonds de commerce de l’entreprise, le tarif préférentiel n’est applicable à l’immeuble qui
en fait partie que pour autant que ce dernier ne soit pas affecté, totalement ou partiellement, à
l’habitation. Cette restriction ne trouve pas à s’appliquer lorsqu’il s’agit d’une donation d’un
droit réel portant sur des titres ou créances de l’entreprise.
34
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
IV.2.4. Réserve de progressivité
47.- Les donations immobilières espacées de moins de trois ans sont considérées, au plan
des droits d’enregistrement, comme une seule opération, avec pour conséquence de calculer
les droits proportionnels d’enregistrement sur la valeur totale des biens donnés au cours de
cette période de trois ans (si l’un des actes est affecté d’une condition suspensive, c'est la date
de réalisation de celle-ci qui est prise en considération) (article 137 du CDE - article 2.8.3.0.3
du VCF).
Il incombe aux parties de déclarer, dans l’acte de donation, les donations qui ont été réalisées
dans les trois années qui précèdent, ainsi que la base imposable de ces dernières, à peine
d’une amende (article 138/1 du CDE - articles 3.12.3.0.4, §1 et 3.18.0.0.11, alinéa 1er, 15° du
VCF).
En outre, pour la détermination de la progressivité du droit de succession, il faut en principe
tenir compte des donations entre vifs que le défunt a faites en faveur de ses ayants droit par
actes remontant à moins de trois ans avant la date du décès et qui, avant la même date, ont été
présentés à la formalité de l'enregistrement ou sont devenus obligatoirement enregistrables
(article 66bis du CDS - article 2.7.3.2.9 du VCF).
Cette dernière mesure tend à empêcher que, par des donations successives faites de son vivant
à ses ayants droit, le défunt élude une partie de l'impôt en évitant la progressivité du tarif. Elle
n'est toutefois pas applicable, d'une part, aux donations de biens meubles ayant fait l'objet des
tarifs réduits visés à l'article 131bis du CDE / Rég. Wall., à l'article 131, § 2 du CDE / Rég.
Brux.et à l'article 2.8.4.1.1, § 2 du VCF, d'autre part, aux donations d'entreprise ayant fait
l'objet du droit réduit.
IV.3. Donations mobilières - régime fiscal
IV.3.1. Dons manuels et donations indirectes exempts de droits
48.- Lorsqu’une donation n’est pas obligatoirement enregistrable et qu'elle n’est pas
enregistrée, il convient de veiller au prescrit de l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF)
qui crée une fiction juridique visant à soumettre les biens y visés aux droits de succession (cf.
supra, IV.1.2).
L’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF) est applicable dans la mesure où le défunt a,
dans le délai de trois ans précédant son décès, fait des donations pour lesquelles les droits
d’enregistrement n’ont pas été acquittés. La charge de la preuve de cette circonstance
incombe à l’administration fiscale.
35
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Aussi, si l’administration fiscale rapporte la preuve requise par l’article 7 du CDS (article
2.7.1.0.5 du VCF), les biens ainsi donnés sont soumis aux droits de succession qui sont
proportionnels par tranches.
Il est ainsi primordial de se réserver la preuve d’une date de la donation qui soit antérieure de
plus de trois ans au décès du donateur.
IV.3.2. Donation d'une entreprise sous la forme d'actions et créances ou d'une
universalité de biens, d'une branche d'activité ou d'un fonds de commerce
49.- Dans ce cas, l'article 140bis du CDE (article 2.8.6.0.3 du VCF) prévoit une exemption
(en Région flamande), un taux réduit à 0 % (en Région wallonne) ou à 3 % (dans la Région de
Bruxelles-Capitale) moyennant la réunion de différentes conditions qui doivent exister ab
initio et être maintenues pendant une période de cinq ans.
Nous ne les commenterons pas ici, tout en soulignant que ces conditions sont essentiellement
au nombre de trois :
a)
L'activité principale ou une activité admise doit être poursuivie.
b)
Le nombre total de travailleurs salariés ou de personnes indépendantes exprimé en
unités de temps plein doit s'élever à au moins à 75 % en moyenne.
c)
Les avoirs investis ne doivent pas diminuer à la suite de versements ou de
remboursements.
Quant aux conditions d’octroi du régime préférentiel lorsqu’il s’agit d’une donation de titres,
on notera que le taux réduit ne s’applique que si la société a son siège de direction effective
situé dans un Etat membre de l'Espace Economique Européen et qu’elle exerce, elle-même ou
elle-même et ses filiales, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou
forestière, une profession libérale ou une charge ou office.
IV.3.3. Taux réduits applicables à certaines donations de biens meubles
50.- Il existe un régime particulier pour les donations entre vifs de biens meubles (article
131bis du CDE / Rég. Wall., article 131, § 2 du CDE / Rég. Brux.) avec application d'un taux
de 3 % (en Région bruxelloise) ou 3,3 % (en Région wallonne) pour les donations entre
époux, en ligne directe et entre cohabitants, de 5,5 % (en Région wallonne) pour les donations
entre frères et sœurs, et entre oncles ou tantes et neveux ou nièces et de 7 % (en Région
bruxelloise) ou 7,7 % (en Région wallonne) pour les donations à d'autres personnes.
36
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
En Région flamande, l’article 2.8.4.1.1, § 2 du VCF prévoit un taux réduit de 3 % pour les
donations entre vifs de biens meubles en ligne directe et entre époux et de 7 % pour les
donations à d'autres personnes.
Le taux réduit n'est cependant pas applicable aux donations entre vifs de biens meubles
assimilées aux legs en vertu de l’article 4, 3° du CDS.
51.- Toutes les donations mobilières ne peuvent pas bénéficier des taux réduits, le champ
d’application de ceux-ci ayant, par ailleurs, évolué au cours du temps.
Avant le 19 mai 2014, en Région wallonne, l'application des taux réduits de 3,3 - 5,5 ou 7,7 %
était conditionnée au respect de différentes conditions qui devaient être cumulativement
réunies lorsque la donation avait pour objet des instruments financiers ou des titres de société.
En outre, il existait une exclusion du bénéfice de ces taux réduits frappant les donations
mobilières sous condition suspensive se réalisant par suite du décès du donateur. Cette
exclusion de principe était cependant atténuée par quatre exceptions.
Ce régime a été profondément modifié par le Décret wallon du 11 avril 2014 "en matière de
droits d'enregistrement, d'hypothèque, de greffe et de procédure fiscale wallonne et modifiant
le décret du 19 septembre 2013 portant des dispositions fiscales diverses (1)" (publié au
Mon.B. du 9 mai 2014 et entré en vigueur le 19 mai 2014) :
a)
Assouplissement en faveur des instruments financiers et titres de sociétés
Les paragraphes 2 et 3 de l’article 131bis du CDE / Rég. Wall. ont été abrogés en vue de
remédier aux critiques qui ont été formulées par la Commission européenne à l'encontre de la
réglementation fiscale wallonne qui restreignait considérablement les possibilités de donation
à des taux réduits de certains instruments financiers déterminés.
Il s'ensuit que les exclusions liées à la nature des biens meubles ont été abrogées. D’une part,
les instruments financiers peuvent faire l’objet d’une donation enregistrée aux taux réduits,
sans pour cela devoir respecter cumulativement plusieurs conditions strictes. D’autre part,
l'application des taux réduits est étendue aux donations d'actions ou de parts de sociétés
patrimoniales immobilières, ce qui constitue une avancée considérable.
L'article 131bis du CDE / Rég. Wall. est totalement simplifié étant donné qu’il est applicable
à toutes les donations entre vifs (en propriété, usufruit et nue-propriété) de biens meubles, y
compris les donations portant sur les parts des sociétés patrimoniales, sans qu’il n’y ait plus
lieu de distinguer la donation d'un instrument financier ou titre de société de toute autre
donation de biens meubles réalisée entre deux personnes physiques.
37
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
b)
Durcissement au détriment des donations affectées d’une condition suspensive
Le législateur a réintroduit l’exclusion du bénéfice des taux réduits relative aux donations de
biens meubles affectées d'une condition suspensive qui se réalise par suite du décès du
donateur, alors qu’il avait considérablement atténué cette exclusion en prévoyant diverses
exceptions.
Aussi, ne peut donc plus être enregistrée aux taux réduits, la donation du bénéfice de la
prestation d'un contrat d'assurance-vie, par la désignation du donataire en tant que bénéficiaire
de ce contrat en cas de prédécès de l'assuré, le capital stipulé dans ledit contrat constituant la
base taxable aux droits de donation. Il en va de même de la donation ayant pour objet
l'accroissement ou la réversion d'un droit d'usufruit ou de tout autre droit temporaire ou
viager.
On observera que les travaux parlementaires ne commentent en rien la question de la
suppression des exceptions à l’exclusion de principe des donations de biens meubles affectées
d'une condition suspensive qui se réalise par suite du décès du donateur.
A contrario, nous sommes d'avis que le législateur confirme ainsi qu’il est possible de
soumettre au taux réduit une donation à terme, quel que ce soit ce dernier (par exemple, le
décès). Le droit d'enregistrement est dû immédiatement, ce qui permet d'échapper à
l'application de l'article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF), à concurrence de la valeur de
l'objet donné.
IV.4. Sauvegarde de revenus
IV.4.1. Réserve d'usufruit
52.- En vue de conserver les fruits du bien donné, le donateur peut démembrer l’objet de la
donation en limitant celui-ci à la nue-propriété des biens donnés et en se réservant l’usufruit.
Lorsque l'usufruit est insuffisant, notamment parce que les titres qui en sont l'objet ne
produisent pas ou produisent peu de revenus, il peut y être suppléé au moyen d'une clause
stipulant un revenu complémentaire ou un revenu minimal garanti à l'usufruitier.
Cette faculté de réserver l'usufruit sur le bien donné est organisée par l’article 949 du Code
civil, lequel dispose qu' "il est permis au donateur de faire la réserve à son profit, ou de
disposer au profit d'un autre, de la jouissance ou de l'usufruit des biens meubles ou
immeubles donnés".
Pour mémoire, la donation avec réserve d’usufruit doit faire l’objet d’un acte authentique de
sorte qu’elle est ainsi obligatoirement enregistrable (cf. article 19, 1° du CDE).
38
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Lorsque la réserve d’usufruit porte sur un bien immeuble, l’enregistrement s’effectue au taux
plein. Lorsqu’il s’agit de la transmission à titre gratuit de la nue-propriété avec réserve
d'usufruit en faveur du donateur, portant sur les biens meubles visés par l'article 131bis du
CDE / Rég. Wall. ou l'article 131, § 2 du CDE / Rég. Brux. ou l'article 2.8.4.1.1 du VCF pour
la Région Flamande, les taux réduits sont applicables (cf. supra, IV.3.3).
Il est à noter que la donation mobilière avec réserve d’usufruit constatée dans un acte
authentique passé devant un notaire étranger ne doit pas obligatoirement être enregistrée, de
sorte que les droits d’enregistrement peuvent ainsi être légalement évités. Dans cette
hypothèse, il convient toutefois de rester attentif au délai de trois ans prévu par l’article 7 du
CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF).
53.- En présence d’une donation avec réserve d’usufruit, la valeur vénale de l’usufruit doit
être déterminée. Lorsque l'usufruit (viager) est constitué sur la tête d'un tiers, la valeur vénale
est obtenue en multipliant le revenu annuel des biens, calculé au taux de 4 % de la valeur de la
pleine propriété des biens sur lesquels l'usufruit est établi, par le coefficient visé à l’article 47
du CDE (article 2.9.3.0.4 du VCF) déterminé par l’âge de la personne sur la tête de laquelle
l’usufruit est constitué au jour de la donation (article 133 du CDE - article 2.8.3.0.1 du VCF).
La base imposable de la nue-propriété est toujours représentée par la différence entre la valeur
(vénale) de la pleine propriété des biens et la valeur forfaitaire de l'usufruit.
Pour autant qu'elle ne fasse pas partie d'un montage constitué de plusieurs actes, la Circulaire
n° 5/2013 du 10 avril 2013 considère que la donation avec réserve d'usufruit ou d'un autre
droit viager et celle par acte passé devant un notaire étranger ne peuvent pas, "en soi", être
cataloguées comme abus fiscal.
IV.4.2. Charge financière
54.- Le donateur peut stipuler à son profit une charge financière permettant de lui garantir
des rentrées financières périodiques. Celle-ci peut notamment être déterminée à concurrence
d'un certain pourcentage de la valeur de l'objet de la donation, qui peut actuellement être fixé
à 3,5% ou 4%.
La charge financière présente divers avantages par rapport à la donation avec réserve
d’usufruit :
1°
2°
la charge est garantie au donateur, là où et l’usufruit demeure soumis à un aléa,
consistant dans le rendement effectif du bien donné (à moins d'appliquer un correctif);
la charge financière n’est pas taxable dans le chef du donateur, alors que les revenus
issus de l’usufruit de titres ou de numéraires sont imposables en tant que revenus
mobiliers (ils sont soumis au précompte mobilier, en principe au taux de 25 %) ;
39
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
3°
4°
une donation avec charge peut faire l’objet d’un acte sous seing privé alors qu’une
donation avec réserve d’usufruit nécessite un acte notarié ;
le donateur peut renoncer (temporairement ou définitivement) à la charge, sans coût
fiscal, de manière à ne pas reconstituer un nouveau capital.
La charge financière peut être modalisée avec une grande souplesse. La charge peut ainsi être
payée suivant différentes périodicités. Le donateur peut renoncer, en tout ou en partie, au
bénéfice de la charge, la renonciation à celle-ci n'emportant pas renonciation de la charge pour
l'avenir. Si le donateur n’a pas perçu tout ou partie de la charge, une clause peut prévoir que le
solde ne pourra être réclamé au donataire qu'endéans un certain délai suivant la date
d’exigibilité de la charge, après quoi elle est définitivement perdue pour lui, etc…
La donation peut encore être assortie d'une clause de sauvegarde (également appelée, clause
de confort) consistant dans une charge imposée au donataire de supporter tous les frais
médicaux, pharmaceutiques et de soin ainsi que tous les frais liés à un séjour dans un
établissement hospitalier ou en maison de repos (non couverts par une assurance déjà
souscrite par le donateur) qui seraient engagés pour le donateur et ce, jusqu'au décès de ce
dernier. Le plus souvent, cette charge est limitée à concurrence de la totalité de ce que le
donataire a reçu à titre de donation.
55.- En vertu de l’article 954 du Code civil, lorsque le donataire n’exécute pas la charge
stipulée dans la donation, le donateur peut demander la révocation de cette dernière.
La révocation n’a pas lieu de plein droit, elle doit être demandée en justice (article 956 du
Code civil). Si le tribunal ordonne la révocation de la charge, les biens donnés retournent dans
le patrimoine du donateur comme s’ils ne l’avaient jamais quitté et le donataire retrouve la
valeur de la charge qu’il aurait exécutée par le passé.
IV.5. Conservation du contrôle
IV.5.1. Transmission de parts sociales
a)
SPRL et gérant statutaire
56.- L’associé qui souhaite transmettre les parts qu’il détient dans une SPRL tout en
conservant le contrôle sur cette société peut opportunément revêtir la qualité de gérant
statutaire. Il s'agit de celui qui est nommé dans l’acte constitutif de la SPRL ou par une
assemblée générale extraordinaire modifiant les statuts afin d'y prévoir sa nomination.
Sa nomination étant consacrée dans les statuts de la SPRL, le gérant statutaire bénéfice d’une
stabilité accrue de son poste étant donné qu’il est en principe irrévocable, si son mandat est à
40
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
durée indéterminée. Lorsque son mandat a une durée déterminée, ce dernier prendra
logiquement fin à l’expiration de son terme.
Par dérogation au principe de l'irrévocabilité d’un gérant statutaire, ce dernier peut être
révoqué dans les trois hypothèses suivantes :
1°
2°
3°
b)
lorsque les statuts eux-mêmes dérogent à son irrévocabilité ;
lorsque sa révocation est votée par une décision unanime de tous les associés, en ce
compris le gérant statutaire lui-même s’il est également associé ;
lorsque des motifs légitimes et graves lui sont imputables, sa révocation peut être
prononcée par le juge.
Société en commandite par actions
57.- La SCA est la société que contractent un ou plusieurs associés responsables et
solidaires, que l'on nomme commandités, avec un ou plusieurs associés commanditaires qui
ont la qualité d'actionnaires et qui n'engagent qu'une mise déterminée (article 654 du Code des
sociétés).
Ainsi, la SCA se structure sur base d’une séparation entre, d’une part, les pouvoirs de gestion
et de décision, et, d’autre part, la détention économique du patrimoine ou de l’entreprise.
Il y deux types d’associés :
- les commandités, qui sont indéfiniment et solidairement responsables de toutes les
dettes de la SCA et dont les parts ne sont en principe pas cessibles, n’étant pas
représentatives du capital social ;
- les commanditaires, qui ne sont responsables qu’à concurrence de leurs apports et qui
sont titulaires de parts représentatives du capital social et cessibles.
Le gérant ou les gérants est/sont nécessairement associé(s) commandité(s) nommé(s) dans
l'acte constitutif de la SCA. Il(s) est/sont responsable(s) comme fondateur(s) de la société.
Un gérant d’une SCA jouit de pouvoirs de gestion aussi étendus que ceux du conseil
d’administration d’une société anonyme.
Sa particularité réside dans le droit de veto dont il dispose en ce qui concerne les décisions de
l’assemblée générale. En effet, en vertu de l’article 659 du Code des sociétés, "Sauf
disposition contraire des statuts, l'assemblée générale ne fait et ne ratifie les actes qui
intéressent la société à l'égard des tiers ou qui modifient les statuts, que d'accord avec les
gérants. Elle représente les associés commanditaires vis-à-vis des gérants".
41
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
Ce droit de veto se justifie eu égard à la responsabilité indéfinie et solidaire que les
commandités assument en tant que mandataires de la SCA à l’égard des tiers, de sorte que les
décisions importantes impliquant la société doivent recevoir leur aval.
IV.5.2. Société civile de droit commun
58.- La société civile de droit commun est un contrat par lequel au moins deux associés
mettent quelque chose en commun, formant ainsi une indivision entre eux, afin de réaliser un
objectif commun défini.
La société civile de droit commun n’est pas dotée de la personnalité juridique. Elle n’a donc
pas d’existence propre, indépendamment de celle de ses associés et ne possède donc pas de
patrimoine propre, seule existant une indivision entre les associés.
La gestion de l’indivision et de l’organisation de cette société est le domaine de prédilection
de la liberté contractuelle, caractérisée par sa souplesse, et exprimée soit dans les statuts de la
société soit dans une convention ultérieure.
Ainsi, notamment, la répartition du nombre de parts attribuées en contrepartie des apports des
associés, lesquelles représentent une quote-part dans l’indivision, est généralement fixée dans
les statuts.
Lorsqu’un associé envisage de donner des parts indivises, les statuts peuvent le nommer en
qualité de gérant statutaire et définir qui exercera cette fonction en cas de décès du gérant. Son
mandat ne peut être révoqué, sauf motifs graves.
Pour céder à titre gratuit le patrimoine mobilier aux donataires, deux approches sont
envisageables. Soit, le donateur transfère au donataire des avoirs mobiliers qui sont ensuite
immédiatement apportés à la société civile par le donataire, ce dernier recevant un nombre
important de parts. Soit, le donateur apporte directement les avoirs mobiliers en question à la
société civile et il consent une donation de ses parts de la société civile au donataire, le plus
souvent au moyen d'un acte authentique.
Un usufruit peut éventuellement être constitué en faveur du donateur sur les parts données,
afin notamment de lui permettre d'exercer le droit de vote attaché aux parts données, avec, le
cas échéant, accroissement ou réversion en faveur du conjoint. L'usufruit permet également au
donateur de se voir attribuer les revenus.
En cas de liquidation de la société, le patrimoine social est réparti sans coût fiscal de mutation
s'il est mobilier et à un coût fiscal de mutation réduit à 1 % de la valeur vénale des biens si,
dans le patrimoine indivis, existent un ou des immeubles.
La mise en place d'une société de droit commun ne constitue pas, par elle-même, un abus
fiscal, pas davantage qu'une donation ultérieure des parts de cette société.
42
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
IV.5.3. Mandat de gestion
59.- Lorsque la donation porte sur la pleine propriété des biens donnés, et plus
particulièrement lorsqu'il s'agit d'un portefeuille-titres, le donateur peut souhaiter conserver le
pouvoir de procéder à des arbitrages et réinvestissements et d'adapter la stratégie de gestion
(par exemple, de défensif à neutre). Un mandat de gestion, éventuellement combiné à une
clause de rente, lui permet d'atteindre cet objectif.
Le mandat ne doit pas être rédigé en des termes trop généraux. Il doit exclure tout pouvoir de
disposer à sa guise des biens donnés, à peine de mettre en péril le caractère nécessairement
irrévocable de la donation. En outre, l'exécution des conditions stipulées ne doit pas dépendre
de la seule volonté du donateur, sinon la donation est nulle (article 944 du Code civil).
Un tel mandat de gestion est révocable ad nutum (article 2004 du Code civil).
IV.6. Garantie contre les aléas affectant le donataire
60.- Le donateur peut souhaiter se prémunir contre certains aléas qui peuvent affecter la
vie ou les modalités d'existence du donataire. Il en est ainsi de la clause de retour
conventionnel ainsi que de l'interdiction d'aliénation ou d'apport en communauté.
IV.6.1. Clause de retour conventionnel
61.- En cas de prédécès du donataire (avec ou sans descendance) ou en cas de prédécès du
donataire et de ses descendants, la clause de retour conventionnel organise la résolution
rétroactive de la donation et le retour de la propriété des biens donnés, libres de toute charge,
dans le patrimoine du donateur sans que ce dernier doive payer des droits d'enregistrement ou
des droits de succession. Le donateur peut alors procéder à une nouvelle donation, le cas
échéant avec application des tarifs réduits.
La clause de retour conventionnel peut faire l'objet de différents aménagements. Ainsi, le
droit de retour peut ne pas opérer automatiquement, mais être facultatif ou optionnel, le choix
devant être exercé endéans un certain délai. Le défaut de choix du donateur peut être assimilé
à une renonciation à la clause de retour conventionnel, une distinction pouvant être opérée
selon que le donataire a ou non laissé une descendance.
A défaut de stipulation particulière, le droit de retour conventionnel s'exerce uniquement sur
les biens donnés, faisant a priori obstacle à la possibilité de retrouver la propriété de ceux-ci
lorsqu'ils ont été aliénés par le donataire. Il est donc utile de prévoir une clause subrogatoire
stipulant que le droit de retour peut également s'exercer sur les biens, quelle que soit leur
nature, qui ont remplacé les biens donnés, en cas de subrogation, emploi ou réemploi,
indépendamment de la valeur des biens donnés. Il peut également être intéressant de prévoir
43
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
un retour par équivalent à concurrence de la contre-valeur des biens donnés, notamment
lorsque les biens acquis en remploi sont des immeubles.
A cet égard, lorsque la donation a pour objet un portefeuille-titres, il peut être recouru à la
notion d'universalité (de fait) afin d'identifier l'objet de la donation comme étant le
portefeuille-titres in globo et non pas chaque titre qui le compose considéré ut singuli.
IV.6.2. Interdiction d'aliénation
62.- La clause d'interdiction d'aliénation empêche le donataire d'aliéner ou de mettre en
gage les biens donnés, notamment dans le cas où il est encore jeune.
Pour être valable, elle doit être limitée dans le temps (par exemple, être liée au décès du
donateur ou du conjoint survivant) et avoir un caractère légitime. Cette clause ne peut en
aucun cas faire obstacle à la saisine des biens du donataire par ses créanciers.
IV.6.3. Interdiction d'apport en communauté
63.- La clause d'interdiction d'apport en communauté permet au donateur d'interdire au
donataire d'apporter les biens reçus ainsi que les fruits générés par ceux-ci dans une
communauté matrimoniale, une indivision entre époux ou entre cohabitants légaux
(notamment lorsque la donation porte sur des œuvres d'art, des bijoux ou des biens familiaux
ayant une dimension affective). Les biens donnés doivent demeurer dans le patrimoine propre
du donataire.
Pour être valable, cette clause doit avoir un caractère temporaire et présenter un caractère
légitime.
*
*
*
44
Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
V.
PERIODE AU DELA DE 80 ANS : TEMPS POUR REAGIR
V.1.
Pourquoi une réaction aussi tardive ?
64.- Plusieurs raisons peuvent expliquer l'absence de toute mise en œuvre d'une
planification successorale, voire même de toute réflexion à cet égard, et notamment :
a)
L'ignorance ou le défaut d'information ;
b)
Le souhait de ne se dessaisir de rien suite à la volonté de tout gérer seul, la peur "d'être
sans rien", ou encore le ressentiment vis-à-vis de certains successeurs ;
c)
L'indécision liée, par exemple, à une situation familiale compliquée, à la présence
d'enfants nés de plusieurs lits ;
d)
Le caractère "occulte" d'une partie du patrimoine.
V.2.
Il n'est pas encore trop tard, mais il est grand temps !
65.- Il convient de mettre en œuvre les différentes techniques étudiées dans la Section IV,
et notamment :
a)
Les mécanismes de transmission entre vifs à titre gratuit ;
Pour autant qu'elles ne fassent pas partie d'un montage constitué de plusieurs actes, il
résulte de la Circulaire n° 5/2013 du 10 avril 2013 que les donations dites in extremis
(peu de temps avant le décès) ne sont pas remises en cause. Il nous paraît qu'il
convient de conclure à l'absence d'abus fiscal en raison de l'existence même de la
donation qui implique le but civil de gratifier autrui, l'enregistrement au taux réduit
étant une faculté laissée au redevable et non, une obligation.
b)
La sauvegarde de revenus ;
c)
La conservation du contrôle et de la gestion ;
d)
La garantie contre les aléas affectant le donataire.
V.3.
Sécurisation du donateur
66.- Afin de sécuriser le donateur, il est opportun d'attirer son attention sur les points
suivants :
a)
La situation de chaque donateur doit être personnalisée et la question de la sécurisation
de sa situation financière doit être envisagée de manière individualisée.
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Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
b)
On recommandera au donateur de conserver par devers lui un "bas de laine" dont
l'importance sera infiniment variable en fonction de l'individu concerné, de manière à
le tranquilliser tant matériellement que psychologiquement.
c)
Les donations de valeurs mobilières à taux réduits ou à 0 % peuvent être répétées
plusieurs fois au cours du temps. En ce qui concerne le taux de 0 % applicable à un
don manuel ou à une donation indirecte, il convient d'être attentif au délai de trois ans
prévu par l'article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF).
d)
La planification successorale peut être soumise préalablement au Service des
Décisions Anticipées (SDA), le plus souvent dans le cadre d'un prefiling qui est une
étape préalable et facultative par laquelle est introduite une demande similaire à une
demande de ruling classique. L'avantage de cette dernière procédure est que si les
contacts avec le SDA tendent à laisser croire qu'une demande officielle aboutira à une
réponse négative, on évite une telle conséquence dans le chef du demandeur.
V.4.
Régularisation des avoirs et revenus occultes
67.- La détention d'avoirs et de revenus occultes peut être de nature à faire obstacle à la
mise en place d'une planification successorale transparente. Il peut donc s'avérer opportun de
régulariser ceux-ci.
La DLU (déclaration libératoire unique) organisée via le Point de contact régularisation au
sein du Service des Décisions Anticipées ne peut plus être utilisée depuis le 1er janvier 2014.
En pratique, il est toutefois possible aujourd'hui de régulariser des avoirs et revenus occultes
directement auprès des administrations fiscales concernées.
a)
En matière de contributions directes, le délai pris en considération est en règle de sept
années, le taux d'accroissements d'impôt est fixé à 50 % et des intérêts de retard sont
applicables. Le prélèvement communautaire opéré à l'étranger est imputable sur l'impôt dû.
b)
En matière de droits de succession, le délai pris en considération est en principe de dix
ans suivant la date ultime de dépôt de la déclaration de succession, le taux des amendes peut
éventuellement être réduit à de 50 % à 20 % et des intérêts de retard sont applicables.
La pratique révèle que l'I.S.I. procède à un contrôle a posteriori des revenus et des avoirs qui
ont été ainsi spontanément déclarés.
Il convient d'insister une nouvelle fois sur l'évolution inéluctable vers une transparence
toujours accrue des avoirs et des revenus dans l'Espace Economique Européen.
*
*
*
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Luc HERVE – Réussir sa planification successorale
VI.
CONCLUSION
68.-
Une planification successorale réfléchie et mise en œuvre en temps utile permet de :
1°
Sécuriser le transfert du patrimoine aux successeurs, grâce à une certaine prévisibilité ;
2°
Eviter dans une large mesure les conflits ultérieurs entre héritiers et/ou légataires, ce
qui suppose une information adéquate de ces derniers ;
3°
Diminuer de manière importante le coût fiscal d'une transmission du patrimoine par
décès et donc garantir la sauvegarde de ce patrimoine ;
4°
Faire le point sur les aspirations, communes ou non, des donateurs, les attentes des
successeurs et apaiser les esprits des uns et des autres.
Si ces différents objectifs sont pour l'essentiel atteints, le planning pourra être considéré
comme réussi !
Luc HERVE,
Avocat au Barreau de Liège, cabinet d'avocats Herve,
Maître de Conférences à l'Université de Liège (Tax Institute),
Collaborateur scientifique à l'ULG et à HEC-ULG,
Professeur à l'Ecole Supérieure de Comptabilité de Liège (CBCEC Liège),
Assesseur juridique suppléant à la Chambre Exécutive Francophone de l'IPCF
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