Romanche la lettre d’info d’EDF Energies n° 20 juin 2015 Edito La construction du nouvel aménagement de Romanche Gavet se poursuit. À l'amont, les travaux de montage des vannes du barrage et de terrassement de ses berges sont en cours tandis qu'à l'aval, la plateforme de restitution se prépare à accueillir les dissipateurs. Aux Ponants, les travaux reprennent car le risque de chutes de blocs est aujourd'hui maîtrisé. Les tunneliers se préparent donc à reprendre leur course pour creuser la galerie d'amenée qui conduira l'eau du barrage jusqu'à la centrale où elle sera turbinée. Des travaux qui prennent tous en compte une nécessaire dimension environnementale, sur laquelle ce nouveau numéro met le focus aujourd'hui. Un coup de zoom portant notamment sur la renaturation des sites, correspondant aux mesures compensatoires décidées, ainsi que sur les équipements prévus pour rétablir la continuité écologique dans la rivière. Le maintien de la biodiversité dans la vallée est en effet un enjeu important pour EDF, qui travaille pour cela avec des experts en environnement, en concertation totale avec les services de l'État, les communes et les associations impliquées. Un travail qui implique des suivis constants et du temps, car c'est la nature qui donne ici le tempo. Jean-David Méchali Directeur du CIH (Centre d’Ingénierie Hydraulique) d’EDF p 2&3 3 p4 p L’essentiel CONNAÎTRE, PRÉSERVER, PROTÉGER ET RESTAURER LA BIODIVERSITÉ Actualités du chantier Les ponants : reprise des creusements Gavet : le génie civil des dissipateurs Côté Patrimoine Visite du Directeur de la DRAC (M. Marguerin) Côté Environnement Visite des fédérations de pêche 3 questions à Audrey Pagano, Chargée de mission, Avenir - Conservatoire d'Espaces Naturels Isère la lettre d’info d’EDF - n°20 - juin 2015 L’essentiel CONNAÎTRE, PRÉSERVER, PROTÉGER ET RESTAURER LA BIODIVERSITÉ DES éQUIPEMENTS SPéCIFIQUES POUR LES POISSONS SUR LE NOUVEAU BARRAGE, 57 HECTARES DE MESURES COMPENSATOIRES À PROXIMITé DU CHANTIER POUR PROTéGER LA BIODIVERSITé, UN RECOURS AU GÉNIE VÉGÉTAL POUR LA STABILISATION DES BERGES… LE PROJET ROMANCHE GAVET A FAIT DE L’ENVIRONNEMENT UNE DE SES PRIORITÉS. PETIT TOUR AU BORD DE LA ROMANCHE POUR PRENDRE LA MESURE DES DISPOSITIONS ENVIRONNEMENTALES ET DE LEURS PREMIERS EFFETS... © CBNA - JC Villaret Calamagrostide argentée Azuré du serpolet Une fois clos, le site de l’Île Falcon a fait l’objet d’importants travaux de nettoyage. Les enrobés, les bétons, les débris de constructions et autres déchets ménagers liés à des décharges sauvages ont été évacués. Les espèces végétales indésirables, comme les bambous, ou exogènes* comme celles qui constituaient les haies des anciens jardins de l’Île, ont été éradiquées. Des zones écologiques favorables à la faune ont ensuite été créées comme une zone humide et une mare qui ont vu l’installation rapide d’amphibiens tels que la grenouille rousse ou d’insectes comme l’agrion de Mercure, petite libellule au long corps turquoise annelé de noir. Des invertébrés comme l’écrevisse à pattes blanches sont également présents sur le © EDF - F. Jacob Quand les incidences sur les habitats naturels liés aux travaux ne peuvent être évités, ils sont réduits au mieux. Reste ensuite à compenser les impacts résiduels. EDF s’est donc engagée à mettre en œuvre des mesures compensatoires dont la réglementation a fixé la surface. 57 hectares répartis sur l’Ile Falcon (40 ha) et sur les abords du pont de Gavet (17 ha) sont ainsi en “gestion conservatoire“ depuis bientôt deux ans et ce, pour 15 ans. La gestion conservatoire s’applique à préserver les milieux naturels et les espèces locales pour maintenir voire favoriser la biodiversité à proximité des zones de travaux afin de permettre leur recolonisation une fois ces sites restaurés. Un comité de pilotage suit cette gestion. Il réunit l’ensemble des acteurs concernés : élus, administrations, collectivités, associations, riverains, usagers... Un Comité de Site constitué des élus et de l’administration se réunit tous les ans. Début 2015, il a partagé les résultats très encourageants des premières phases opérationnelles du plan de gestion. © EDF - Yoan Braud UN CONTEXTE îLE FALCON : RÉGLEMENTAIRE UN SUIVI PROMETTEUR PROTECTEUR Agrion de Mercure site. Le petit papillon bleu nommé l’azuré du serpolet a aussi été repéré. L’apparition de telles espèces, plutôt exigeantes quant à la qualité du site, est un très bon indicateur. Enfin, pour entretenir la parcelle de la façon la plus naturelle possible, ses prairies sont offertes en pâturage aux vaches d’un agriculteur du plateau Matheysin. à GAVET : UNE RENATURATION SPONTANÉE Sur cette parcelle du pont de Gavet, ancien site de l’usine Franco, il s’agit de déconstruire le sous-sol de l’usine et de supprimer le remblai de la plateforme sur laquelle l’usine a été construite pour retrouver le sol d’origine. Il est ensuite prévu une végétalisation rapide par des espèces locales pour créer des habitats intéressants pour la faune et pour éviter que des plantes invasives ne prennent la place. Une graminée, la calamagrostide argentée, prélevée a proximité, va être transplantée sur la zone à végétaliser. Sur ce sol assez pauvre, très sélectif, il est préférable de n’installer que cette espèce pionnière qui par sa présence favorisera l’installation spontanée et progressive d’autres espèces typiques de la forêt alluviale de la Romanche, telles que le saule, l’aulne blanc, le frêne, l’argousier, l’épine vinette, etc. LA CONTINUITÉ ÉCOLOGIQUE POUR LES POISSONS Les poissons de la Romanche (truites fario et chabots principalement) se déplacent au cours de leur croissance. Le barrage du nouvel aménagement est donc franchissable grâce à une passe à poissons construite en rive gauche. Constituée de 24 bassins, cette passe permettra aux poissons de franchir les 6,30 m de dénivelés du barrage. Elle est alimentée en eau depuis l’amont avec une quantité d’eau idéale, le débit d’attrait, qui attire les poissons dans ses bacs. À l’entrée de la prise d’eau, un mur immergé, le mur déflecteur, détourne les poissons des grilles lors de leur dévalaison en créant une lame d’eau dont la vitesse les attire vers la passe rive droite. Ils l’empruntent donc naturellement pour poursuivre leur chemin vers l’aval. Actualité du chantier PONANTS : LA GALERIE D’AMENéE Pour améliorer encore la sécurité des intervenants sur le site des Ponants, il a fallu procéder à la construction de deux merlons de protection supplémentaires destinés à prévenir les risques de chute de pierre et de coulées torrentielles issus des couloirs rocheux. Tous les acteurs du chantier considèrent que le risque de chute de pierre est aujourd’hui maîtrisé sur ce site dont la DREAL* qui, le 21 janvier 2015, a levé l’arrêt de chantier qui avait interrompu la course des tunneliers. Cette période d’arrêt a également été mise à profit pour le recueil de données complémentaires et la consolidation de l’étude du risque amiante. D’une part le BRGM* a confirmé les niveaux d’aléa à l’échelle du projet, d’autre part, il a précisé les moyens de prévenir le risque par une méthodologie permettant de déceler par anticipation les signes précurseurs de présence de roches amiantifères. Les tunneliers se trouvent actuellement tous les deux en zone d’aléa 1, niveau d’aléa le plus faible en France, où le risque amiante est aujourd’hui maîtrisé par un relevé géologique en continu à l’avancement. En parallèle, un travail avec les institutionnels, piloté par EDF, a été mené sur les mesures de prévention pour des creusements en zone d’aléa 2. Un document cadre a été établi. Il est en cours de validation par les entreprises qui de leur côté doivent produire réglementairement le mode opératoire adapté. Il s'agit de garantir la sécurité des intervenants et de convenir des moyens concrets de leur protection. DES PARTENAIRES EXPERTS Inventaires et diagnostics terrain, suivis et comptages, captures et surveillances sont réalisées par des entreprises agréées et des associations expertes dans leur domaine. Le bureau d’études Mosaïque a conduit l’état des lieux initial et a rédigé le premier plan de gestion. La LPO* et la FRAPNA* participent aux études et sont force de propositions. L’IRSTEA* a été conventionnée pour son expertise en génie écologique concernant la destruction des espèces envahissantes, la stabilisation des berges et le suivi des habitats naturels par des techniques innovantes. Ils utilisent en effet des drones et des capteurs très fins pour détecter et surveiller l’évolution des massifs herbeux et arbustifs. Le CPIE* de Haute-Durance est aussi sollicité pour les travaux de bûcheronnage, pour supprimer les espèces envahissantes, pour planter des haies, etc. Enfin, des bureaux d’études, spécialistes des chauve-souris et des insectes, sont chacun sollicité pour leur expertise dans ces domaines. *LPO : Ligue pour la Protection des Oiseaux. *FRAPNA : Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature. *IRSTEA : Institut national de Recherche en Sciences et Technologies pour l'Environnement et l'Agriculture. *CPIE : Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement. *DREAL : Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement. *BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières. GAVET : LE GÉNIE CIVIL DES DISSIPATEURS Les dissipateurs sont des organes de sûreté qui permettent, en cas d’arrêt fortuit des turbines, de temporiser l’ouverture des vannes du barrage. Ils permettent de disposer du temps nécessaire pour prévenir les personnes en rivière de l’imminence d’un lâcher d’eau par des vagues d’alerte. Durant ce temps, l’eau continue donc d’être entonnée en galerie mais elle est orientée par une conduite forcée vers des dissipateurs situés en plateforme de restitution. En complément des longues heures d’observation sur le terrain, des pièges à insectes et des enregistrements sonores, des pièges-photos permettent d’en savoir plus sur l’activité des espèces. Du blaireau au renard, en passant par le chasseur, personne n’échappe au déclenchement automatique de l’appareil. Ce sont eux qui vont décharger l’énergie accumulée par l’eau avant de la restituer à la rivière en la libérant en de multiples jets dans de grandes cuves blindées (cf schéma). Ce printemps, la zone de la plateforme de Gavet qui va abriter les dissipateurs est en cours de bétonnage. Ces travaux se déroulent en deux temps. Les travaux de terrassement (creusement), le ferraillage et le bétonnage de la partie arrière de la plateforme ont d’abord eu lieu. De gros profilés métalliques (des butons) soutenant la paroi étanche qui isole la zone de travaux de la rivière ont alors pu être mis en place. Ceci a permis, dans un deuxième temps, de terrasser le long de la paroi étanche, la partie avant qui abritera les cuves des dissipateurs. Les travaux de cette deuxième partie commencent ce mois de mai afin de préparer l'arrivée des cuves à partir de cet été. Côté patrimoine Le patrimoine industriel en question Le 27 janvier 2015, l’Espace Belledonne, en charge de l’étude de définition d’un projet de valorisation du patrimoine industriel de la Romanche, a réuni l’architecte des Bâtiments de France, la responsable du service patrimoine culturel du Département, et les responsables des collections des musées concernés par cette thématique (Musée EDF Hydrélec, musée de la Romanche, musée de la Houille Blanche et musée de la Chimie). Ils ont visité les ouvrages hydroélectriques de la Moyenne Romanche et réalisé un repérage des objets et équipements à intégrer dans un projet de valorisation de ce patrimoine. Le même jour s’est réuni le comité de pilotage de cette étude. Le Directeur de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), M. Marguerin, entouré des élus, collectivités et acteurs concernés, ont pris connaissance des pistes de valorisation envisagées. 3 questions à AUDREY PAGANO Chargée de mission - Filière scientifique Conservatoire d'Espaces Naturels Isère - Avenir 1 – Quelles sont les missions d’un Conservatoire des Espaces Naturels (CEN) ? Notre CEN est une association œuvrant pour la connaissance et la gestion du patrimoine naturel de l’Isère. Il intervient en accompagnement des politiques publiques et assiste en particulier les collectivités territoriales et les services de l’Etat sur les questions de conservation et de gestion des espaces naturels. Cette mission se traduit par la réalisation d’inventaires et de suivis, la recherche de la maîtrise foncière ou d’usage des sites les plus remarquables, puis leur gestion écologique. Ainsi, au cœur des questions de préservation de la biodiversité dans le département de l’Isère, le CEN Isère a une véritable mission d’animation territoriale en favorisant les échanges et la concertation entre collectivités, administrations, associations de protection de la nature, usagers, etc. 2 – Quel est l’intérêt du CEN Isère pour la gestion conservatoire des mesures compensatoires du projet Romanche Gavet ? Côté environnement Les fédérations de pêche à Livet Le 18 mars 2015, des représentants des fédérations de pêche de l'Isère, du Rhône et de la Savoie sont venus visiter le chantier du nouvel aménagement de Romanche Gavet. Ils ont pu découvrir les équipements visant à permettre la montaison des poissons (passe à poissons) et leur dévalaison (mur déflecteur) sur le barrage en construction à Livet. La reprise des berges, à l'aval comme à l'amont du barrage par des techniques de génie végétal contribuant à l'amélioration des milieux aquatiques et à la renaturation des compartiments terrestres a également été présentée lors de cette visite. Le CEN Isère accompagne EDF dans la renaturation écologique des sites de l’île Falcon et autour du pont de Gavet. Cette assistance est intéressante parce qu’elle implique un travail qui comprend la renaturation d’un site anciennement habité et d’un site industriel, et leur gestion conservatoire durant quinze années. L’expérience est d’autant plus intéressante que nous ne savons pas exactement comment la nature va reprendre ses droits sur ces parcelles. Nous engageons donc ici des travaux qui nous servent aussi de laboratoire pour mesurer l’efficacité d'actions de restauration écologique, notamment dans un contexte de forte présence d'espèces végétales exogènes*. Chaque vallée, chaque site a ses particularités. Nos écologues cherchent, entre autre, à favoriser la réinstallation des espèces locales en évitant de laisser des terres nues que les plantes invasives, comme le buddleia ou la renouée du Japon, auraient vite fait de coloniser. 3 – En quoi consistent concrètement vos actions sur les sites de l’Île Falcon et autour du pont de Gavet ? Des inventaires de la faune et de la flore et la réalisation de cartographies ont d’abord permis de mieux connaitre les sites, d’identifier les enjeux et de les hiérarchiser dans un plan de gestion. Celui-ci se concrétise en actions opérationnelles, programmées sur 5 ans, allant de la destruction des espèces exotiques, à la mise en pâturage des prairies, en passant par la reconstitution de haies à l’aide d’espèces locales ou la plantation d’espèces pionnières favorables à la reconquête des sites. Le suivi des opérations et des inventaires réguliers nous permettent ensuite d’ajuster nos propositions et d’envisager de nouvelles actions. Mais il faut du temps, car cela évolue lentement. Plus la renaturation des sites est naturelle, plus elle a de sens. *Exogènes : qui ne sont pas originaires du site. Une publication EDF UP ALPES - 37 rue Diderot - BP43 - 38040 Grenoble • Directeur de la publication : Laurent Perotin • Rédacteur en chef : Yvonne Quenard • Rédaction, coordination : Anne Pinchart • Conception, réalisation : Société2filles • Crédits photos : Christophe Huret - EDF : Médiathèque • Impression : Imprimerie Coquand (Fontaine) • Papier certifié PEFC, encres végétales • Dépôt légal à parution