By Christopher M. James Thesis Advisor Dr. D

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Sartre engage: une lecture de Les Mouches et Huis-C/os
An Honors Thesis (HONRS 499)
By
Christopher M. James
Thesis Advisor
Dr. Donald Gilman
Ball State University
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Muncie, Indiana
6 May 2000
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2
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-
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Table des matieres
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Abstrait ................................. 3
Acknowledgements .................. .4
Introduction ............................ 5
Les Mouches ...... ...... '" ........... 10
Huis-Clos .............................. 21
Conclusion ............................. 38
Bibliographie ................... ...... .41
-
3
Abstrait
La philo sophie existentialiste des ecritures de Jean-Paul Sartre a ete suffisamment
etudiee. Cependant, sa philosophie s'etend aussi ala politique. Selon l'existentialisme
de Sartre, l'etre existe avant qu'il n'assome l'essence cree par les decisions individuelles.
Theoretiquement, ni Dieu ni nature humaine n'exerce une influence sur ses jugements. I1
semble que la politi que ne soit pas inclue au chemin existentialiste. Pourtant, pendant la
Guerre 1939-1945, les circonstances politiques ont fait prendre decisions personnelles
pour tout individu. On voit donc un rapport entre la philosophie et la pen see politique,
qui est reflechi dans les pieces. Les Mouches, une piece (1943), et Huis-Clos (1944)
refletent ce rapport des idees. Par une analyse des paralleles entre l'encadrement
mythologique ou fantastique (respectivement) et Ie contexte historique de ces pieces, cet
essai tentera a expliquer quelques characteristiques de la philosophie politique de Sartre.
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Acknowledgements
I wish to thank my advisor, Dr. Donald Gilman, for aiding me at every step in the
process of creating what follows; his tireless and sound advice for improving my French
and, thus, my thesis; and his enthusiasm in encouraging me to refine my thesis and to
accomplish ambitious endeavors in the future.
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Introduction
La philosophie de Jean-Paul Sartre a ete amplement etudiee des la premiere
publication de ses essais philosophiques dans les annees trentes. Malgre la critique
considerable de ses reuvres n'a pas encore donne assez d'attention
a sa philo sophie
politique pendant la Guerre 1939-1945 ainsi que les implications qu'il a faites dans ses
pieces Les Mouches et Huis-Clos. Sartre etait apeine un nationaliste, mais une analyse
de certains themes philosophiques de ces pieces peut mieux illurniner ces implications
politiques.
En ce qui concerne l'actualisation humaine, l'action est crucielle au genre du
drame et egalement importante aux pen sees de Sartre. Selon Sartre, I'homme existe
avant de realiser son essence, un etat qui se voit par des decisions personelles, et qui ne
convient ni
a une nature universellement humaine ni par la volonte d'une plus haute
autorite soit institutionelle soit sumaturelle. Sartre n'a pas cru en une nature
universellement humaine, mais il a vu une condition universellement humaine, une
subjectivite que personne ne peut depasser car chaque etre humain s'efforce
arealiser sa
propre indentite et authenticite. Neanmoins, la subjectivite est universelle, car chaque
etre humain fait face
a la meme situation.
Une distinction est donc faite entre la personne
qui est pour-soi--ou celle qui accepte la responsabilite absolue de ses actions--et celle
qui est en-soi--ou celle qui la rejette. Sartre est clair sur ce point-ci, car cette acceptance
ou ce rejet est base seulement sur ses actions. En fait, si l'on n'agit pas d'une telle fa~on
donnee, comment est-ce qu'on pretend que c'est la bonne chose
-
a faire?
De plus, on agit
en mauvaise foi si l' on ne fait pas la bonne chose dans une situation. En outre, avec
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chaque action, on decide ce qui est juste personnellement dans ce cas-Ia particulier, et, en
meme temps, ce qui est juste pour toute la race humaine. Donc, avec chaque action, on
porte Ie poids du destin de toute l'humanite, tout ce qui supprime la possibilite de la
conduite hedonistique par les sacrifices les bien-etres des autres. Sartre croit sans aucun
doute, que ce poids de responsabilite mene a beaucoup d' angoisse, et maintient que
l'existentialisme est la philosophie la plus optimistique, car il est entierement a l'individu
de faire changer sa situation et celle de l'humanite.
Sartre developpe deja cette philosophie dans ses premiers essais ; pourtant,
curieusement, il ne voit pas de connexion entre sa philosophie et l'activite politique. En
fait, Francis Jeanson ecrit que c'etait comme si «he had above all proposed to pursue a
strictly personal adventure, to develop his aptitudes, his knowledge, and his concrete
experience of reality, at the expense of any commitment of a political or historical nature
(Sartre dans sa vie, 69).» Mais, dans la deuxieme guerre mondiale, apres qu'il avait
temoigne la« drole de guerre »et apres qu'il avait passe neuf mois dans des prisons
allemandes, Sartre a change. D'apres un biographe de Sartre, Catherine SavageBrosman, « Sartre discovered a different way of seeing the world, essentially one of
fraternity, solidarity, and a "unanimous life". The idea of freedom ... took on a concrete
meaning and moved to the forefront of his thought, along with a notion of commitment
(Brosman, 9) ». II a donc ecrit Les Mouches et Huis-Clos pour envoyer un message
clair-pas a cause d'une ferveur nationalistique-mais parce qu'il a vu que ses
compatriotes ne se rendaient compte ni de leur liberte ni de leur responsabilite d' agir.
Dans son essai philosophique «L'existentialisme est un humanisme, »Sartre
ecrit: «If I want to marry, to have children; even if this marriage depends solely on my
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own circumstances or passion or wish, I am involving all humanity in monogamy and not
merely myself ... First one can judge ... that certain choices are based on error and others
on truth. If we have defined man's situation as a free choice, with no excuses and no
recourse, every man who takes refuge behind the excuse of his passions, every man who
sets up a determinism, is a dishonest man» (17-8, 44-5). Ainsi, sa philophie politique se
manifeste dans ses essais philosophiques, mais pas clairement. Sartre montre bien la
necessite d'accepter la responsabilite des actions, qu'on est responsable pour tous les
actes qu'on commet, et qu'on peut etre juge si l'action mais illui restait de mettre en
pratique cette ethique. Dans ses pieces ecrite pendant l'occupation allemande de France,
il adapte ses idees metaphysiques et ethiques a la politique et au propagande.
Plusieurs critiques ont fait des commentaires sur Ie sens politique du drame de
Sartre. Dorothy McCall ecrit: «Sartre described as follows the new French plays born
during the Occupation: «Our plays are violent and brief, centered around one single
event; there are few players and the story is compressed within a short space of time,
sometimes only a few hours. As a result they obey a kind of 'rule of the three unities,'
which has only been a little rejuvenated and modified. A single set, a few entrances, a
few exits, intense arguments among the characters who defend their individual rights
with passion. » [Huis-ClosJ entirely fits that characterization» (McCall, 125). Elle
reconnait l'importance politique d' Huis-Clos, aussi bien que les reuvres des autres
ecrivains.
De plus, Jean Anouilh a ecrit Antigone en 1942 ou il declare que l' on ne peut
changer sa situation, et que la liberte reste toujours une illusion. Les Allemands ont
envahi la France, de meme que, dans cette piece, Ie roi Creon, qui a saisi Ie pouvoir de
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Thebes, doit resister a la revolte de sa niece Antigone qui vont enterrer son frere. Creon
demande
a Antigone pour qui elIe est re~oit comme reponse : « Pour personne.
Pour
moi »(174). ElIe commence a se battre contre les traditions en continuant a se revolter.
Selon H.G. McIntyre, Antigone presente un choix ala foule : «We may adopt Creon's
position ... He accepts the inevitable compromises, unpleasantness, dishonesty,
ruthlessness even, of the job precisely because Fate has placed him there the job must be
done. [Or] Antigone views life as an intensely individual experience and, in the absence
of external absolutes, she turns in upon herself. She dies to be true to this self»
(McIntyre,53-4). La regne de Creon est analogue au gouvernement de Vichy sous
l'Occupation. II est vrai que Sartre et Anouilh ne s'accordent pas toujours sur la
philosophie, mais il semble que ce choix ressemble
a un choix entre en-soi et pour-soi,
deux idees proposees par Sartre.
De meme, Jean Girandoux attaque l'Occupation d'une fa~on allegorique et
philosophique. Dans sa piece, La FoIle de Chaillot, il decrit Ie bouleversement des
financiers par des paysans (mene par La FolIe). Apres que les financiers sont envoyes
a
un egout pour voir Ie petrole precieux, La FolIe demande a Irma (une autre pays anne
parisienne), la situation de tous ces hommes: «Evapores, Irma. lIs etaient mechants.
Les mechants s'evaporent. lIs disent qu'ils sont eternels, et on Ie croit, et ils font tout
pour l'etre. II n'y a pas plus prudent pour eviter les rhumes et les voitures. Mais pas du
tout! L'orgueil, la cupidite, l'egoYsme les chauffent a un tel degre de rouge que s'ils
passent sur un point ou la terre recele la bonte ou la pitie, ils s'evaporent » (179-80).
Cette piece a ete ecrite en 1945, mais eUe decrit les collaborateurs qui se servent de la
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France pendant 1'Occupation. Clairement, Giraudoux envoie aussi un vrai message:
eliminez les collaborateurs, n'importe comment!
II est evident que les deux pieces de Sartre ne sont pas exceptionnelles dans leurs
attaques politiques pendant cette peri ode tumultueuse en France. Pourtant chaque piece
presente une approche differente. Dans Les Mouches Sartre decrit l'action et la rebellion,
en repondant au besoin de se rendre compte de la responsabilite personnelle. Huis-Clos
est cependant une reaction au manque de prendre l'action, s'exprimant la douleur et
l'angoisse de la sequestration volontaire. Donc, par tous deux, Sartre utilise l'action pour
montrer sa philosophie aux Fran<;ais ala fois ou ils en ont besoin Ie plus, selon lui. Par
une analyse de Les Mouches et Huis-Clos, on verra l'emploi du drame de mettre en
pratique une philosophie metaphysique et ethique.
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,-
Les Mouches
Les Mouches, qui est base sur Ie mythe d'Oreste du drame grec classique,
explique, dans une certaine mesure, la pen see nouveau-nee politique de Sartre. II semble
que Sartre essaie de convaincre la France Occupee a reconsiderer sa passivete envers
I' Allemagne nazi et ses malheurs sur Ie pays. Selon la mythe grecque, Oreste rentre a sa
ville de naissance, Argos, avec la Pedagogue qui, en effet, l'a leve. IIs sont deguises. II
trouve que sa mere, Clytemnestre, avait tue son pere, Agamemnon, il y a quinze ans.
Depuis ce temps-la, elle a epouse de nouveau Egisthe. Oreste trouve aussi que sa sreur,
Electre, est une esclave au nouveau roi et sa reine. Le roi Egisthe a convaincu les gens
qu'ils sont tous coupables de l'assassinat du ancien roi. Avec l'aide de Jupiter, il essaie
de contenir Ie peuple dans un etat de penitence publique. Apres une ceremonie de deuil
qui horrifie Oreste et fait frapper d'ostracisme d'Electre (a cause de ses actes rebelles), ils
font un complot contre Ie roi et la reine. Oreste les tue. Ensuite, ils sont suivis et
tourmentes par Les Erinnyes, qui sont representes ici comme les mouches. Apres les
meurtres et Ie retour d'Electre ala culpabilite a cause de Jupiter, Oreste part d' Argos en
disant au peuple que tout doit commencer de nouveau, une proclamation de la liberte
ultime humaine.
En se servant de ce mythe grec par Les Mouches, Sartre a donc publie pour la
premiere fois une ecriture de telle sorte liee directement aux politiques. La piece s'est
presentee pour la premiere fois en 1943 a Paris (en recevant de mauvaises critiques que,
selon la plupart de savants, etait un resultat prevu du gouvemement Vichy et son
contr6Ie). Certes, Sartre ne pouvait pas faire des critiques bruyantes soit contre
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l' Allemagne nazi soit c~ntre Ie gouvernement Vichy. Cependant, son choix de ce mythe
comme histoire lui fournit l'intrique d'exprimer une philosophie politique.
Dans cette piece dramatique, les personnages representent alIegoriquement les
groupes importants vus dans la France Occupee. Egisthe est l' Allemagne, qui avait
envahi, et qui gouvernait Ie pays. Clytemnestre represente les Frafl(;ais qui avaient laisse
les Allemands aentrer la France, et qui avaient ete subsequemment recompenses de sa
loyaute par des postes dans Ie nouveau gouvernement Vichy. Electre s'est rappeIe les
meilleurs jours avant qu'Egisthe n' ait pris Ie trone d' Argos et elle revendiquait que Ie
meurtre de son pere soit venge. Ainsi, elle represente ceux en France qui voulaient que
les Allemands soient forces
aquitter la France, mais qui ne savaient pas Ie faire sans
attendre un sauveur. Dans l'esprit d'Electre, ce liberateur serait son frere, Oreste. Le
role d'Oreste en France Occupee est une representation claire de ceux qui se combattaient
dans la Resistance. Quand Agamemnon a ete tue et Egisthe est monte au trone par
Clytemnestre (l'envahissement de l' Allemagne de 1940 et la formation du gouvernement
Vichy), Oreste a quitte Argos pour sa surete (comme les resistants qui sont alles en
Angleterre, Afrique, ou Espagne, par exemple). Quand il est retourne, il savait qu'il
devait essayer de liberer Ie peuple de l'occupation (de l' Allemagne, en verite). Les
citoyens d' Argos deviennent donc une representation du peuple fran~ais lui-meme sous
l'Occupation. Ils suivent Ie «gouvernement fantoche » d'Egisthe et Clytemnestre sans
plainte ou pensee, ainsi que les
Fran~ais
Ie faisaient, selon Sartre.
Puis, il yale role de Jupiter dans la piece. Selon la mythologie grecque, il est Ie
dieu Ie plus puissant, et dans cette piece, son role allegorique represente toutes les formes
d'autorite. Aux Fran~ais, Jupiter aurait represente Dieu, l'Eglise Catholique, Ie
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gouvemement, et Ie devoir moral: n'importe quoi ou n'importe qui essaierait de
gouvemer ou influencer les actions d'humanite. Finalement, il y ales mouches. Elles
representent la responsabilite individuelle pour les actes personnels qui, dans Ie cas des
Fran~ais
et des eitoyens d' Argos, reflete une sorte de torture parce qu'ils ne peuvent pas
avoir une vue juste et reelle de cette responsabilite sans reconnaitre d'abord leur liberte.
Certainement, la philosophie de Sartre se trouve dans toutes les pages et dans tous
les discours de Les Mouches. Pourtant, ses messages politiques c1airs sont la question ici.
Sartre emploie la plupart de la piece pour exprimer les problemes dans la situation a
Argos, et ainsi la situation en France.
n y a un esc1avage defini des citoyens d' Argos.
Cet esc1avage vient directement d'eux-memes quand ils sui vent voluntairement et
respectueusement Ie roi Egisthe et la reine Clytemnestre ; ils sui vent, pour la plupart, a
cause de la peur. Dans Acte II, comme la foule s' assemble a se lamenter les morts, la
Pedagogue remarque : «Qu'ils sont laids! Voyez, mon maitre, leur teint de eire, leurs
yeux caves. Ces gens-Ia sont en train de mourir de pour» (Les Mouches, 49). Mais cette
observation n'est pas seulement unique a ceux qui vont a Argos de l'exterieur. Electre dit
dans Acte I que «les gens d'ici sont ronges par la peur» (34). Malheureusement, Ie
peuple d' Argos n'accepte ni ses vues ni ses mots rebelles pendant Ie jour de deuil. Leur
esc1avage a la peur est beaucoup trop fort. Au lieu d' essayer de controler cette crainte, ils
crient: «Mais non, elle ment, elle est folIe. Electre, va-fen de grace, sinon ton impiete
retombera sur nous »(57). Mais Electre a une raison differente pour son esc1avage : une
haine paralysante envers Ie roi et sa mere, Clytemnestre. C'est sa haine de la reine avec
laquelle elle ne peut vivre. La peur et la haine sont encouragees par la presence de
Jupiter a Argos. Trois fois dans des scenes I et II d' Acte II, Oreste essaie d'arreter la
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ceremonie de deuil en leur expliquant pourquoi ils ne devraient pas Ie faire ; chaque fois,
Jupiter Ie retient. Apres qu'Electre est humiliee quand sa danse rebelle est confrontee par
un signe surnaturel de Jupiter qui est cense de la rendre silencieuse, Jupiter declare:
«Voila une histoire morale, ouje me trompe fort: les mechants ont ete punis et les bons
recompenses» (61). Jupiter encourage et maintient cette ceremonie de deuil en se
servant de chaque occasion a ajouter au poids de leur esclavage.
Cet esc1avage fait tomber Ie peuple a un etat perpetuel du remors. Chez les
citoyens d' Argos, il est montre Ie plus clairement par la ceremonie de deuil. Meme la
presence de ce deuil perpetuel montre, selon Sartre, l'inabilite des citoyens d' Argos (et
ainsi, de la France) d'accepter responsabilite de toute action qu'ils prennent. La ville
entiere se sent coupable depuis Ie jour Oil Agamemnon a ete meurtre, et on n'a rien fait
pour arreter l'injustice. En particulier, Clytemestre se sent miserable. Elle demande a
Oreste, avant qu'elle ne sache qui il est en verite, si « [TIs font dit] que la reine
Clytemnestre etait la plus coupable? Que son nom etait maudit entre tous » (38) ?
Electre tombe aussi sur ce desespoir pitoyable : «Je n'ai que moi. Je suis une gale, une
peste: les gens d'ici te Ie diront. Je n'ai pas d'amies ... Demande a rna mere: je
decourageais les creurs les plus tendres »(33). Electre craint que sa mere collaborative et
meme la population entiere la deteste a cause de ses idees. Une fois encore, Jupiter
soutient ses craintes en encourageant Ie peuple a penser aux fautes qu'ils avaient
commises, et en changeant la reprimande pour l'assassinat d'Egisthe au peuple.
Puisque les citoyens de la ville se sentent comme s'ils etaient des esclaves et dans
un etat perpetuel de remors, ils sont completement inactifs c~ntre l'injustice de la
conspiration d'Egisthe et Clytemnestre. TI semble qu'Electre soit la seule personne a
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-.
Argos qui est prete d'agir contre eux. Elle dit a une statue de Jupiter, qui est faite en bois
blanc, «tu sais qu'un coup de sabre te fendra net et que tu ne pourras meme pas saigner.
Du bois blanc ! Du bon bois blanc: <;a brule bien» (30-1). Mais,
a la fin, elle recule
meme apres qu'Oreste avait tue Ie roi et la reine. La tentation a se conformer est trop
fort, et elle retombe sur l'inactivite. La foule ala ceremonie de deuil est aussi presentee
comme inerte. Leurs seules objections ace qu'ils sont forces a faire sont les cris pour la
pitie du roi ; ils ne considerent jamais une rebellion contre la tyrannie sous laquelle ils se
trouvent.
Oreste devient de plus en plus la manifestation de la vue sartrienne de la reponse
propre a la situation en France. Egisthe et Jupiter discutent l'importance de continuer
l'esclavage d' Argos (84) :
Jupiter:
La meme secret pese lourdement dans nos creurs. Le secret
douloureux des Dieux et des rois: c'est que les hommes sont
libres. Ils sont libres, Egisthe. Tu Ie sais, et ils ne Ie savent pas.
Egisthe:
Parbleu, s'ils savaient, ils mettraient Ie feu aux quatre coins de
mon palais. Voila quinze ans que je joue la comedie pour leur
masquer leur pouvoir.
Neanmoins, ils parlent d'Oreste avec d'urgence (86) :
Jupiter:
Oreste sait qu'il est libre.
-
Egisthe:
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(vivement)
n sait qu'il est libre.
Alors ce n'est pas assez que
de Ie jeter dans les fers. Un homme libre dans une ville, c'est
comme une brebis galeuse dans un troupeau.
n va contaminer
tout mon royaume et ruiner mon reuvre.
Une personne vraiment libre est celle qui doit etre crainte, tout ce qui est au creur de la
philosophie de Sartre. Ceci ne signifie pas, bien sur, la liberte physique mais liberte en
essence. Oreste se rend compte de cette liberte Ie jour ou il tue sa mere et son epoux, Ie
roi.
n l'exprime Ie mieux quand il dit aJupiter:
«Je suis rna liberte! A peine m'as-tu
cree que j'ai cesse de fappartenir» (111). Cette reconnaissance de la liberte est exigee
chez Sartre avant qu'on ne puisse etre capable de changer la situation
a Argos (et
consequemment celle de la France).
En arrivant acette decision, Oreste accepte la responsabilite de ses actes. Donc,
selon Sartre, it change d'en-soi
a pour-soi.
Ce qui Ie mene
a l'acceptance de l'acte qu'il
doit prendre, en disant aElectre qu'il pense qu'il «peut-etre leur tordrai-je Ie cou » (72)
et qu'apres ce moment-l a «il n'y a plus rien eu au ciel, ni Bien ni Mal, ni personne pour
me donner des ordres »(112).
ordres des rois ou des dieux.
n faut donc poursuivre une voie pour soi-meme, sans les
n sait qu'il doit arracher d' Argos la tyrannie d'Egisthe et
Clytemnestre. Apres qu'Oreste donne un coup d'epee aEgisthe, Ie roi lui pose une
question importante avec incredulite (87) :
Egisthe:
Est-ce vrai que tu n'as pas de remords ?
Oreste:
Des remords? Pourquoi ? Je fais ce qui est juste.
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En tuant Egisthe, Oreste se rend compte de la necessite et des consequences de ses
actions. Pourtant, pour la premiere fois dans cette piece, un acte est commis pour lequel
lui ou elle ne se sent pas de remords base sur les influences ni de Jupiter ni du roi et de la
reine. C'est a ce moment ou Ie ton change nettement, surtout dans l'argument de Sartre
de la situation en France. Oreste ne s'arrete pas avant qu'il ne reprimande Ie roi de son
acquisition d'une nouvelle signification de lajustice: « II estjuste de fecraser,
immonde coquin, et de ruiner ton empire sur les gens d'Argos, il est juste de leur rendre
Ie sentiment de leur dignite »(88). II est impossible d' avoir des remords pour cet acte
parce qu'apres l'epiphanie d'Oreste, cet acte est tout a faitjuste etjustifie, en permettant
a Sartre de rationaliser la resistance aux Allemands. En effet, Sartre semble se rendre
compte que les nazis a « un empire sur les gens» de la France et qu'il serait juste pour
toute l'humanite (surtout la France) de quitter leur esc1avage et de se revolter. Selon
Jupiter lui-meme quand il dit a Egisthe: «Quand une fois la liberte a explose dans une
arne d'homme, les Dieux ne peuvent plus rien contre cet homme-lao Car c'est une affaire
d'hommes » (86).
C'est en effet cette proc1amation-ci qui reflete les pensees d'Oreste et de Sartre a
la fin. Ni les forces sumaturelles ni les autorites institutionelles ne peuvent affecter
l'action d'Oreste ace moment-lao II faisait ce qu'il etaitjuste; l'engagement peut etre
manifeste par les actes ; donc, il est juste de Ie faire. Les reactions des meurtres commis
par Oreste d'Egisthe et Clytemnestre semblent reflechir aux pensees de Sartres, comme il
ecrit allegoriquement de la France. Sartre craint la reaction du peuple et Electre. Sartre
presuppose un coup d'etat qui se manifeste par les assassinats d'Egisthe et Clytemnestre.
-
(Encore une fois, Electre represente ceux en France qui haissent la presence des
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Allemands et Ie gouvernement Vichy tandis que Ie peuple d' Argos represente Ie peuple
de la France.) Electre reagit avec hesitation. «Pendant des annees, j'ai joui de cette mort
par avance, et a present, mon creur est serre dans un etau. Est-ce que je me suis menti
pendant quinze ans » (88)? Les personnes qui ressemblaient a Electre en France
voulaient que les Allemands quittent, n'importe que I prix, a cause d'une haine resolue.
Cependant, Sartre craint qu'ils ne reculent de leurs desirs originaux et ne veuillent rentrer
ala securite de l'ancien ordre, comme Electre qui, a la fin de la piece, supplie Jupiter de
se defendre: «Jupiter, roi des Dieux et des hommes, mon roi, prends-moi dans tes bras,
emporte-moi, protege-moi. Je suivrai ta loi, je serai ton esclave et ta chose, j'embrasserai
tes pieds et tes genoux ... Je consacrerai rna vie entiere a rexpiation. Je me repens,
Jupiter, je me repens »(116). L'autre reaction est celle du peuple d' Argos. Leur reaction
peut etre plus horrifiante a Sartre. Leurs exclamations a Oreste incluent: «Sacrilege!
Assassin ! Boucher! On fecartelera. On versera du plomb fondu dans tes blessures. »
«Je fattacherai les yeux.» «Je te mangerai Ie foie »(119). Le peuple se con sterne ace
qu'Oreste a fait sans considerer pourquoi ill'a fait. Ceci consterne aussi Sartre, et il
semble qu'il suggere ici que l'extermination du contrale allemand sur la France peut etre
vile, mais il faut que tout se passe.
D'apres Sartre, et selon la logique des themes de liberte et d'authenticite
personnelle, les collaborateurs
fran~ais
sont compatriotes, mais les Allemands n'ont
aucun droit d' occuper la France. Bref, ils devraient etre arraches du pays. Oreste dit au
peuple d' Argos: «0 mes hommes, je vous aime, et c'est pour vous que j'ai tue ... Vos
fautes et vos remords, vos angoisses nocturnes, Ie crime d'Egisthe, tout est a moi, je
prends tout sur moi »(120). Sartre est clair ici : la necessite de la rebellion qui provient
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de et, paradoxalement, mene a une liberte absolue. Selon Sartre, quand on pense que
quelque chose est juste a faire et on Ie fait, on choisit cette action-Ia comme juste pour
toute l'humanite. Pour cette raison ceux qui sont engages par la Resistance peuvent
justifier la rebellion comme un bienfait de toute l'humanite.
Pourtant Oreste, meme s'il sait qu'il a fait la bonne chose, comprend qu'il ne peut
forcer Ie peuple a etre libre des remords. En ce qui concerne Electre, il dit que «ses
souffrances viennent d'elle, c'est elle seule qui peut s'en delivrer: eUe est libre » (105).
Pour sa part, il peut prendre la responsabilite sur lui-meme, parce qu'il est libre ; la seule
bonne chose a faire en ce moment-l a serait de faire tout ce qu'il pourrait liberer Ie peuple
d' Argos, en prenant leurs poids (les mouches) d'eux.
Sartre ne veut pas simplement que la vie retoume a l'ancien ordre apres la Guerre,
car Oreste quitte Argos a la fin de la piece. II declare qu'il prendra les mouches avec lui
lorsqu'il partira, une action qui rappelle la philosophie de Sartre. Puisqu'Oreste prend la
responsabilite de ses actes, il croit qu'il fait la bonne chose dans cette situation et pour
toute l'humanite. En enlevant les mouches (ou la responsabilite) des gens d' Argos, illes
prend leurs remords. En acceptant la responsabilite du crime, il reconnalt a la fois sa
culpabilite et sa liberte: «Tout est a moi. Je prends tout sur moi.» A la fin, il remarque
avec conscience et fierte: «Adieu, mes hommes, tentez de vivre: tout est neuf ici, tout
est a commencer» (120). Les mouches vont partir; Ie poids de la responsabilite du
meurtre d' Agamemnon ne pese plus sur eux. Sartre souhaite que Ie peuple commence de
nouveau en France apres s'etre revolte contre les Allemands. La passivite du peuple reste
toujours, car Agamemnon est decrit comme etant parce qu' Agamemnon «n'avait pas
permis que les executions capitales eussent lieu en public» (18). D'apres Sartre un
19
ancien ordre fran~ais reste intolerant de la liberte de I'homme et d'un nouvel ordre.
Cependant, Sartre decrit un nouvel ordre quand il ecrit « tout est a commencer.» C'est
precisement pour cette raison qu'Oreste ne veut pas Ie trone de son pere.
II est difficile d'imaginer exactement Ie contexte historique dans lequel Les
Mouches a ete presente pour la premiere fois. Pourtant, si l' on examine Ie mythe grec et
la dramaturgic dans les contextes philosophiques et politiques, Ie theme de la liberte
personnelle reflete une attaque allegorique c~ntre les oppressions allemandes pendant la
deuxieme guerre mondiale. Sartre regardait, sans doute,
aut~ur
de lui-meme un pays
complaisant, esc1ave par des remords et de la pitie dans leur situation. Pour lui, Ie
remords ne signifie plus rien, car Oreste admet que ceux qui viennent de Corinthe (oll il
habitait pendant son absence d' Argos) souffrent quelquefois des remords. Neanmoins, ils
acceptent leur remords, et qu'ils se battent contre l'ennemi-les Allemands et les
collaborateurs
fran~ais.
Le choix d'un drame allegorique etait donc si brill ant : Sartre
pouvait parler directement au public sous les nez des censures allemandes qu'il voulait
deplacer. L'amour de Sartre pour son peuple est evident dans I'existence de Les
Mouches, car il a vu ce qui se passait aut our de lui comme une injustice, et il s'est engage
achanger la situation et afaire reconnaitre par les Fran~ais I'importance de la liberte
personnelle et de l'authenticite culturelle est devenu engage a agir pour un changement.
Le commencement de sa pen see politique (et ainsi, I'activite) de Sartre est place en
dedans de cette piece. Car ses craintes de l' avenir de la France sont bien representees,
ainsi que ses esperances pour son renouvellement. De meme qu'Oreste a commence
« une etrange vie» (120) en disant adieu aux citoyens d' Argos, et en les encourageant a
«tentez de vivre, » Sartre doit faire la meme. Comme cette tragedie de vengeance nous
20
explique, les vies des Fran~ais doivent etre reformees malgre la douleur de l' angoisse, Ie
besoin de rejeter la mauvaise foi de I' oppression politi que, et la volonte de commettre les
atrocites qui finiront par la realisation de la liberte personelle et de l'essence humaine.
En verite, la philosophie de Sartre dans Les Mouches propose une declaration politique,
et, en meme temps, affirme une croyance ala liberte et l'authenticite personnelle.
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Huis-Clos
D'apres Catherine Savage-Brosman, Huis-Clos etait, sans doute, la piece la plus
connue de Sartre (Brosman, 75). II est vrai que c'est un texte tres clair de sa philosophie,
appliquee et mise en scene pour la premiere fois. D'ailleurs, Huis-Clos a ete produit en
1944, un an apres la publication de L'Etre et Ie Neant, sa these philosophique. Done,
Huis-Clos il etait beaucoup mieux connu en ce moment-lao Grace au dialogue, sa pen see
est vivante pour les spectateurs. Francis Jeanson a decrit Huis-Clos comme «a kind of
ontological tragedy in which one of the essential components of our condition has been
isolated from context and carried mythically to its limit» (<< Le Theatre de Sartre, ou les
Hommes en proie a l'homme » 9).
Sartre a peut-etre ecrit Huis-Clos pour plusieurs raisons. Premierement, il avait
trois amis, et il voulait ecrire une piece ou personne n' aurait un plus grand role que les
autres. (A la fin, les trois amis n'apparaissent jamais.) Ensuite, il voulait qu' Huis-Clos
exprime ses idees sur la liberte, l'endurcissement, et les rapports personnels. Tout ceci se
passe dans Ie contexte de la France de 1943, quand Sartre avait commence a ecrire HuisClos. La Deuxieme Guerre Mondiale continuait. Au moment ou Huis-Clos a ete
presente pour la premiere fois, l' Allemagne a eu l' avantage dans la guerre. Sartre etait
rentre de l'imprisonnement il y a trois ans, selon Simone de Beauvoir, un homme change,
et il avait bien participe brievement a un mouvement de la Resistance-quoiqu'il n'ait
jamais pris Ie rOle du chef. La meme annee ou il a produit Les Mouches la premiere fois,
il ecrivait une autre piece, Huis-Clos.
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"Huis-clos" est un tenne judiciaire. Si un proces est a huis-clos, Ie public n'est
pas permis d'y assister. Evidemment, il est clair qu'on voit la meme situation dans HuisClos. L'action se deroule dans l'enfer et il y a trois personnages principaux, qui sont
seuls dans une salle. Le Gar~on leur montre la salle etemelle separemment. Apres que
Garcin, Ines, et Estelle se presentent les uns aux autres, ils cherchent la raison d'etre
places dans Ie meme endroit. De plus, ils peuvent voir les personnes et les lieux qui leur
etaient importants. Cependant, on ne voit que les personnes jusqu' ace qu'ils cessent de
parler. Peu a peu, tous les trois s'adapte a la nouvelle situation, en apprenant de la vie
des autres. Puis, ils decouvrent la cause de la mort de chacun et Ie crime que chaque
personne a commis pendant sa vie naturelle. D'ailleurs, les trois citoyens a la longue se
rendent compte que leur situation est vraiment etemelle, et qu'ils doivent souffrir des
consequences de leurs actions sur terre. Ines s'en rend compte d'abord, Garcin et Estelle
suivant. Vers la fin de la piece, Garcin veut que la porte soit ouverte pour qu'il puisse se
sauver. Estelle veut partir avec lui. Pourtant, quand la porte s'ouvre brusquement,
Garcin decide de rester. A ce moment, Estelle Ie veut aussi. Ensuite, Garcin fenne la
porte. Apres que Garcin essaie de convaincre Ines qu'il n'est pas lache, Estelle, se fftche
contre Garcin, car il ne l'embrasse pas. En se sentant rejetee, Estelle frappe Ines plusieurs
fois avec un coupe-papier. Quand Estelle se rend compte qu'Ines ne va pas mourir
encore, ils rient tous. Finalement, Garcin se Ieve en disant, «Eh bien, continuons »
(119), pour faire rouler Ie match etemel.
Pour mieux comprendre la philosophie politique presentee dans Huis-Clos, on
doit analyser la situation et la perspective de Garcin, Estelle, et Ines. Joseph Garcin est
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un brazilien de Rio, Ie premier a arriver dans la salle. Un garc;on lui montre sa nouvelle
salle. D'abord, il est tout a fait dec;u de la verite d'enfer (84) :
Garcin:
AU sont les pals?
Le Garc;on :
Quoi?
Garcin:
Les pals, les grils, les entonnoirs de cuir.
Le Garc;on :
Vous voulez rire ?
Garcin:
Ah ? Ah bon. Non, je ne voulais pas rire. (Un silence. Il
se promene.) Pas de glaces, pas de fenetres, naturellement.
Rien de fragile. (Avec une violence subite.) Et pourquoi
m'a-t-on ote rna brosse a dents?
Apres avoir vu que les images d'enfer qu'on imagine toujours ne sont pas vraies, il se
sent immediatement plus
a l'aise, en demandant au Garc;on:
«Je vous prie de
m'epargner de vos familiarites. Je n'ignore rien de rna position, mais je ne supporterai
pas que vous ... »(84). II parle au Garc;on comme s'il se trouvait dans un hotel, ou les
employes traitent les visiteurs avec respect.
Cette situation-l a revele Ie grand besoin de Garcin: etre respecte. Dans sa vie,
Garcin dirigeait un journal pacifiste. Quand la guerre s'est ec1atee, il a fui au Mexique.
On l'y a fusille douze fois. Et toujours, il veut que tout Ie monde sache qu'il n'en a
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jamais peur: «Je puis vous affirmer que je ne n'ai pas peur. Je ne prends pas la
situation a la legere et je suis tres con scient de sa gravite. Mais je n' ai pas peur »(88). II
pense toujours que ses amis croient qu'il est lache. Et cela Ie gene beaucoup parce qu'il
voulait toujours etre un heros. II comptait sur une mort brave, surtout apres il a fui Ie
Bresil (112).
Garcin:
A la fin, j'ai pense: c'est rna mort qui decidera ; si je meurs
proprement, j'aurai prouve que je ne suis pas un lache ...
Ines:
Et comment es-tu mort, Garcin ?
Garcin:
Mal.. .Je n'en ai pas honte. Seulement tout est reste en
suspens pour toujours.
Garcin n'est pas sur que tous les hommes comprennent ses intentions: etre brave,
fonder un journal pacifiste au Mexique, etre un heros. Mais quand il voit ses amis, il est
horrifie d'imaginer ce qu'ils pensent de lui: «lIs dodelinent de la tete en tirant sur leurs
cigares ; ils pen sent : Garcin est un lache !. .. Voila ce qu'ils ont decide, eux, mes
copains. Dans six mois, ils diront: lache comme Garcin »(113). II ne dirige ses pen sees
qu'a sa place de l'histoire.
Des Ie debut de la piece, il dit qu'il met « sa vie en ordre »(92). Mais il ne fait
jamais attention a son vrai crime: il a torture sa femme,« parce que c'etait fa~ile ... Voici
une anecdote: j'avais installe chez moi une mulatresse. Quelles nuits ! rna femme
-.
couchait au premier, elle devait nous entendre. Elle se levait la premiere et, comme nous
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faisions la grosse matinee, elle nous apportait Ie petit dejeuner au lit» (101-2). Mais cela
touche rarement ses pensees. Sa vie dans un bon ordre ne se rapporte qu'aux les hommes
qui pensent peut-etre que Garcin est un lache. Les moments ou Garcin fait mention de sa
femme (y compris sa propre mort de chagrin) ne sont que des details en passant. lIne
repent de rien sauf sa mort.
Et bien, son incertitude l'invite a subir a la torture. II sait qu'il ne peut se justifier
par ses actes connus par les hommes a Rio. Donc, il se tourne vers Estelle et Ines. II finit
par dire que «s'il y avait une arne, une seule, pour affirmer de toutes ses forces que je
n'ai pas fui, que je ne peux pas avoir fui, que fai du courage, que je suis propre, je ... je
suis sur que je serais sauve» (114) !
Pourtant, Estelle ne peut Ie satisfier. Elle est trop vite de Ie rassurer avec
confiance qu'il n'est pas un lache. Et Garcin croit qu'elle n'est pas honnete. II se tourne
donc vers Ines, parce qu'elle sait «ce que c'est que Ie mal, la honte, la peur. .. Qui, tu
connais Ie prix du mal...C'est toi que je dois convaincre: tu es de rna race ... Toi, toi qui
me hais, si tu me crois, tu me sauves »(116). Cependant, Ines Ie torture quand il
commence aessayer de la convaincre de son courage. Elle dit: «Seuls les actes
decident de ce qu'on a voulu ... Tu n'es rien d'autre que ta vie» (117). Enfin, il ne peut
etre sauve. Pour lui, «renfer, c'est les Autres »(118). Sans les Autres, Garcin serait
libre de se voir comme il veut.
Estelle Rigault est aussi unique, comme les autres en verite. Elle est une
Parisienne qui etait nee tres pauvre, mais elle s'est mariee a un vieil homme tres riche.
En arrivant a la salle, elle se triche avec sa naiVete. Elle se de~oit par les denis. En ce qui
concerne Ie Gar~on, elle croit aussi qu'elle est passagere a l'hotel. Le Gar~on dit :
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« A vez-vous encore besoin de moi ?» Ce aquoi elle repond: «Non, allez. Je vous
sonnerai »(90). Elle n' a aucune main a la realite.
Dans ses premiers contacts avec les autres, elle veut etre
a l'aise, malgre les autres
(90) :
Estelle:
Mais ces canapes sont si laids ... Celui-ci est a moi ? (Au
Garr;on.) Mais je ne pourrai jamais m'asseoir dessus, c'est
une catastrophe: je suis en bleu clair et il est vert epinard.
Ines:
Voulez-vous Ie mien?
-
Estelle:
..
Le canape bourdeaux ? Vous etes trop gentille, mais
~a
ne
vaudrait guere mieux ... Le seul qui conviendrait a la rigueur,
c'est celui de Monsieur.
Garcin:
Le ... canape. Oh ! Pardon. (II se leve.) II est a vous,
Madame.
Estelle:
Merci. Faisons connaissance puisque nous devons habiter
ensemble.
Dans ce contexte «habiter» signifie presque «vivre », un choix de mot ironique,
surtout par rapport aceux qu'ils sont morts. Des son arrivee, Estelle compte etre civile et
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gentille, selon sa vie bourgeoise. En effet, elle cherche la continuer dans ce nouveau
milieu. Ses actions realisent ces idees encore une fois quand elle est se degoute
d' entendre dire Ie mot « mort ». Elle refuse a l'employer. «Si seulement vous vouliez
bien ne pas user de mots si crus. C'est...c'est choquant.. .S'il faut absolument nommer
cet.. .etat de choses, je propose qu'on nous appelle des absents, ce sera plus correct»
(91). EIIe ne peut accepter Ie fait que sa nouvelle situation est etemelle.
D'ailleurs, elle est la demiere personne qui raconte son histoire pecheuse. Elle
avait eu une affaire avec un homme tres pauvre qui s'appellait Roger. II voulait qu'elle
quitte son epoux et ait un enfant. Bien qu'elle ne l'ait pas voulu, une fille est arrivee.
Puis, avec aucune emotion, elle finit sa confession. «II y avait un baleon, au-dessus d'un
lac. rai apporte une grosse pierre. II criait: 'Estelle, je fen prie, je fen supplie.' Je Ie
detestais. II a tout vu. II s'est penche sur Ie bale on et il a vu des ronds sur Ie lac» (104).
Roger s' est suicide, et Estelle est morte de la pneumonie.
Pourtant, elle ne s'inquiete que d'un jeune homme qui s' appelle Pierre. II
appartenait aelle. Mais maintenant, une fausse amie Olga sort avec lui. lIs dansent, et
puis, Olga raconte l'histoire veritable d'EsteIle, tout ce qui la fait pleurer; elle est tout a
fait tourmentee.
Cette scene explique qu spectateur Ie grand besoin d'Estelle: etre admiree par
des hommes. Elle ne les aime pas necessairement, mais elle a besoin de leur admiration.
Et dans cette situation-ci, elle cherche Ie confort, en esperant que Garcin lui appellerait
«son eau vive» (107) (comme d'autres amants lui avaient dit dans sa vie anterieure).
Elle est torturee quand il ne Ie fera pas. Et quand Estelle refuse a tutoyer Ines, elle
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repond qu'Estelle a «une plaque rouge» (99), tout ce qui la gene beaucoup a cause de sa
vanite.
Cependant Garcin reste son grand bourreau. Elle est degofitee par les avances
homosexuelles d'Ines, et Garcin est l'homme. II peut satisfaire Ie desir d'Estelle ; il peut
l'admirer. Elle Ie seduit pour qu'illui rende plus a l'aise. Pourtant, au moment ou ils
s'approchent l'un de l'autre, Garcin devient distraite. Elle dit avec un geste de depit :
«Ha! Je fai dit de ne pas faire attention a [Ines] »(111). Elle devient tres impatiente
avec Garcin, qui n'arrive pas
aremplir ses besoins.
Encore une fois, Garcin recule de ses avances. II veut qu'Estelle ait de la
confiance en lui, ce aquoi elle repond avec desespoir: «Tu as rna bouche, mes bras,
mon corps entier, et tout pourrait si simple» (111). Et plus tard, apres avoir essaye de
nouveau de gagner l'admiration de Garcin, qui la refuse, elle dit: «Lache! Lache!
Oh ! C'est bien vrai que tu es lache» (115). Son salut a l'enfers est, effectivement,
l'admiration de Garcin. Sans cela, elle ne doit souffrir que de la torture.
Ines Serrano est Ie demier des trois personnages principaux. En tant qu'une
employee aux Postes, elle arrive al'enfers d'une fa<;on differente que les autres. Elle n'a
ni de questions ni de plaisanteries pour Ie Gar<;on. Au lieu de tout cela, elle croit
immediatement que Garcin est Ie bourreau physique. De plus, elle veut savoir ou est
Florence. Quand Garcin n'a aucune idee, elle repond: «La torture pas l'absence? Eh
bien, c'est manque. Florence etait une petite sotte, etje ne la regrette pas» (88). Elle
coupe sa relation la plus familiere bientot apres son arrivee, comme elle Ie dit, sans aucun
regret.
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Florence s'implique dans Ie crime d'Ines. Ines s'appelle une femme« deja
damnee » (102). Elle explique Ie deroulement du drame qui se finit par les morts de trois
personnes (elle-meme indus) (102-3).
Ines:
Lui d'abord, ensuite elle et moi.
Garcin:
n s'est tue ?
Ines:
Lui?
n en etait bien incapable ... Non:
c'est un tramway
qui l'a ecrase ... C'etait mon cousin.
Garcin:
Vous avez ete degofitee de lui ?
Ines:
Petit a petit. Un mot, de-ci, de-lao Par exemple, il faisait du
bruit en buvant ; il soufflait par Ie nez dans son verre. Des
riens. Oh! C'etait un pauvre type, vulnerable ... Je me suis
glissee en [Florence], elle l'a vu par mes yeux ... Pour finir,
elle m'est restee sur les bras. Nous avons pris une chambre a
l'autre bout de la ville ... Elle s'est levee une nuit ; elle a ete
ouvrir Ie robinet du gaz sans que je m'en doute, et puis elle s'est
recouchee pres de moi.
--
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Sa mort ne la derange pas beaucoup. II semble qu'elle soit contente d'avoir fini son
complot, tout ce qui dec ouvre son grand besoin: avoir l'autorite sur les autres, surtout
les femmes.
Ines se trouve contente a l'enfers quand elle est presentee avec une nouvelle
victime: Estelle. Pour elle, a cause de sa constitution homosexuelle, Garcin n'est pas si
important. Cela se fait voir clairement quand elle dit aEstelle: «En chemise ou non, je
n'aime pas beaucoup des hommes »(93). Et plus tard (99) :
Estelle:
le te plais ?
Ines:
Beaucoup!
Son but est de faire la meme chose aEstelle qu'elle a fait a Florence. Mais elle est
torturee par Ie rejet d'Estelle, qui seduait Garcin. Un tel rejet lui deplait beaucoup, en Ie
lui faisant essayer de nouveau, plus fortement. Enfin, elle supplie (109) :
Ines:
Estelle! Mon eau vive, mon cristal.
Estelle:
Votre cristal ? C'est bouffon. Qui pensez-vous tromper? .. le
ne suis plus qu'une peau--et rna peau n'est pas pour vous.
Ines:
Viens! Tu seras ce que tu voudras: eau vive, eau sale, tu te
retrouveras au fond de mes yeux telle que tu te desires.
-.
Estelle:
31
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Lachez-moi ! Vous n'avez pas d'yeux. Mais qU'est-ce qu'il
faut que je fasse pour que tu me laches? (Elle lui crache a la
figure.)
Pour la premiere fois, Ines a trouve une proie qui ne lui soumet pas. Mais Ines sait, sans
aucun doute, qu'elle a besoin de la soumission d'Estelle, en disant a Garcin: «Je l'aurai,
elle vous verra par mes yeux, comme Florence voyait l'autre » (106).
De plus, Ines est torturee par l'image de son ancien appartement. II y a un couple
Ia maintenant, et Ines ne peut les torturer. Elle n'a aucune autorite ni sur ceux-Ia ni sur
Estelle, elle ne trouve donc aucune consolation dans sa situation.
Alors, Garcin, Estelle, et Ines se trouvent dans cette salle. Sartre a brillamment
decrit ces trois personnages. II voyait beaucoup de problemes dans les citoyens de la
France Occupee, qui se manifestent a travers Huis-Clos. Considerons premierement Ie
theme de la liberte et de l'esc1avage, dont il y a beaucoup d'exemples dans la piece, mais
en particulier Ie bronze situe dans la salle (86) :
Garcin:
Et si je balan~ais Ie bronze sur Ia lampe electrique, est-ce
qu'elle s'eteindrait ?
Le
Gar~on:
II est trop lourd.
Garcin:
(prend Ie bronze dans ses mains et essaye de Ie soulever.)
Vous avez raison. II est trop lourd.
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-
Tout d'abord, il faut mentionner que I' electricite ne soit jamais coupee. Cependant Ie
Gar<;on prend soin de ne pas dire qu'il est impossible de la couper. Le bronze represente
donc la responsabilite personnelle pour les actes. Si Garcin etait capable d' accepter la
responsabilite, il pourrait soulever Ie bronze. Par consequence, s'il pouvait soulever Ie
bronze, il pourrait couper l'electricite, et il serait 'pour-soi'; tout ce qui aboutirait a la fin
d'une grand partie de la torture: dormir et etre soulage par la tenebres. II pourrait se
detendre et mettre sa vie en «ordre ». Mais Garcin n'en est pas capable.
C'est aussi Ie cas avec Ie coupe-papier, don't Ie role metaphysique n'est pas vu
jusqu'a la fin. Enfin, quand Estelle veut tuer Ines, elle Ie prend et lui porte plusieurs
coups. Ce coupe-papier devient donc un instrument de la torture a l' enfers. Estelle ne se
rend pas compte que rien ne marche pour tuer les autres. Comme Ines dit, «c'est deja
fait» (119). II est impossible de changer la situation avec Ie coupe-papier, il n'augmente
que l'amertume des habitants de la salle. C'est une image claire de la douleur de cet
enfers.
Sartre voit aussi chez les Fran<;ais d'une telle fa<;on. On ne voit pas un rOle
personnel dans l'Occupation, et on ne peut accepter la responsabilite pour les actes. Par
consequent, on est condamne a continuer la torture de l'Occupation (en essence, du point
de vue personnel et national).
Selon Sartre, un autre element de cette occupation est l'indifference. Pendant
to ute cette periode, les Fran<;ais s'etaient adaptes a leur situation, comme dans la piece ou
les personnages ne pen sent jamais a se reformer. De leur perspective, il n'y avait aucune
possibilite de changer. C'est une idee etrange aux personnages. Par exemple, Ines
--
reprimande Garcin pres de la fin de la piece (117) :
33
Garcin:
Je n'ai pas reve cet heroYsme. Je l'ai choisi. On est ce qu'on
veut.
Ines:
Seuls les actes decident de ce qu'on a voulu.
Garcin:
Je suis mort trop tot. On ne m'a pas laisse Ie temps de faire
mes actes.
Ines:
On meurt toujours trop tot-ou trop tard. Et cependant la vie
est la, terminee ; Ie trait est tire, il faut faire la somme. Tu n'es
rien d'autre que ta vie.
D'apres la philosophie de Sartre, Ines a de bonnes idees ici. Mais d' ailleurs, elle se
contredit. «Je suis seche. Je ne peux ni recevoir ni donner; comment voulez-vous que
je vous aide? Une branche morte, Ie feu va s'y mettre »(106). Les Fran<;ais ne se
rendent pas compte qu'il n'estjamais trop tard a se realiser. Nos actes nous determinent.
Pourtant, comme Garcin, quelques Fran<;ais ne s'en rendent jamais compte. Et, parmi
lesquels qui Ie croient, il n'y en a pas beaucoup qui mettent en pratique cette croyance.
On devrait aussi souligner que chez Ines, cette resignation de vivre avec ses fautes
et ses defauts est fonde sur la croyance gu'on a tout projete: la salle, les trois habitants
(avec les fautes et leurs vulnerabilites particulieres), les mots gu'ils se disent, et les
environs (la chaleur, Ie bronze, un coupe-papier). Estelle, sans doute, est tres ardent au
commencement, en disant: «je ne peux pas supporter qu'on attend quelque chose de
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moL <;a me donne tout de suite envie de faire Ie contraire »(94). Dans ce cas-ci, Ines
veut bien la decourager. «Vous ne savez meme pas ce qu'ils veulent »(94). Les actions
de telles personnes sont, pour Sartre, degofitantes et inauthentiques. Malheureusement, il
les voit partout. La complaisance des Fran~ais apres l'envahissement allemand n'est que
Ie demier chapitre de France. Sartre croit que meme s'il y avait une telle autorite, celle
ne pourrait pas changer les actes des hommes.
Ces deux themes, la liberte et l'indifference, sont cIairement vus dans la situation
ou la porte s'ouvre brusquement. Les trois decident de rester au lieu de quitter. Chez les
Fran~ais,
Sartre voit que les gens aiment leur situation. Comme les personnages, ils ont
l'occasion de realiser leur liberte, mais on continue a vivre en mauvaise foi. De plus, les
gens, comme Garcin, ferment personnellement la porte qui les separe de la liberte. En
faisant allusion a Ines, Garcin se justifie: «c'etait a cause d'elle que je suis reste »
(116). II s'inquiete de sa place dans l'histoire, ainsi que les Fran~ais. Cependant, Sartre
dit qu'on ne peut compter sur les ages suivants de Ie placer correctement dans l'histoire.
Selon lui, qui sait ou on finira ? Et Garcin, comme les Fran~ais, fait face a ce probleme, a
cause de son escIavage voluntaire et la resignation qui en provient.
De plus, il yale theme des rapports personnels. Cela joue un grand role politi que
et c'est Ie cas aussi dans Huis-Clos. Les Fran~ais, comme les personnages, veulent se
connaitre parfaitement comme des etres humains. Pourtant, dans Ie milieu du temoignage
personnel de Garcin, il demande a Ines (101-2) :
Enfin voila: [rna femme] m'adrnirait trop. Comprenezvous
~a
?
Ines:
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Non. On ne m'admirait pas.
Garcin:
Tant mieux. Tant mieux pour vous. Tout cela doit vous
paraitre abstrait.
lIs ne peuvent pas se comprendre. Pourtant veulent-ils se comprendre? Au milieu du
recit d'Ines, Garcin l'interrompt en demandant si Florence etait blonde? Ines est un peu
agacee. Apres qu'ils se connaissent «nus comme des vers » (100), ils sont tous prets a se
torturer les uns les autres. lIs s'y amusentjusqu'au point que Garcin declare que
« renfers est les Autres.» Sartre ne pense pas que ce soit toujours Ie cas. Cependant ici,
et parmi lesquels qui sont 'en-soi', c'est vrai. N'importe qui est la, si l'on est 'en-soi', les
Autres sont l'enfer, parce que la paix n'existe pas sans responsabilite et engagement.
Chaque etre humain doit se rendre compte de soi-meme pour eviter cette proclamation
noire. Pour ceux qui sont pour-soi, on peut bien profiter des rapports personnels. En ces
cas, on profite des amis, parce qu'on peut partager les actes et les desirs pour ameliorer la
situation de soi-meme et, par consequence, la situation de toute l'humanite.
II est important de se rappeler qu'il y a trois grands besoins de ces personnages :
Ie respect, l'admiration, et l'exercice de l'autorite. C'etaient les memes besoins que Sartre
croyait que les Fran<;ais voulaient remplir en 1944. (Probablement, ces trois besoins
existent toujours, oll qu'il y ait des gens 'en-soi'.) Pourtant, Sartre croit que ces
motivations ne sont pas bonnes. En fait on encourage son esclavage, parce qu'on depend
des autres: peut-etre la famille, les personnes, Ie gouvemement, ou les institutions.
N'importe quoi. Cette situation mene a un determinisme, un ennemi dans Ie cadre
philosophique de Sartre. Si l'on fait ce qu'on croit etre juste, comment est-ce que
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quelqu'un peut Ie juger? Si l'on est confronte par une situation qui exige une decision, il
n'y a personne qui la comprend bien; et il faut qu'on decide par les circonstances et Ie
courage individuel. Pourtant, ces personnages (et les Franc;ais) sont aveugles
a cause de leurs volontes.
atout cela,
Donc, l'enfers est en fait les Autres pour eux.
Huis-Clos est bien different de Les Mouches. Dans Les Mouches, Sartre sonne un
appel clair aux Franc;ais: se liberer, ne pas repentir, et se revolter contre les Allemands.
Cependant, il n'y a pas assez d'espoir dans Huis-Clos. II n'y a aucune possibilite reelle
de se reformer. La realite de la situation reste invariable: les Franc;ais vont rester comme
ils sont--crue1s, des esclaves a eux-memes, en angoisse, et parlyses par la peur et
l'insecurite. Dans Les Mouches, Sartre est clair quand Oreste dit: «Adieu, mes
hommes, tentez de vivre: tout est neuf ici, tout est acommencer.» Cependant, dans
Huis-Clos, il n'y a aucun de cet espoir (119) :
Ines:
Nous sommes ensemble pour toujours. (Elle rit.)
Estelle:
(eclatant de rire) Pour toujours, mon Dieu que c'est drole !
Pour toujours !
Garcin:
(rit en les regardent toutes deux) Pour toujours !
(lIs cessent de rire et se regardent. Garcin se leve.)
Eh bien, continuons.
-
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Ce qui est vraiment tragi que a Sartre est ceci: les Fran~ais sont completement contents
de rester dans cet etat. II n'y a pas de fin; il n'y a pas de responsabilite; iI n'y a pas de
liberte. On est coince comme esclaves, et on en rit.
Sans etre engage a se choisir par les actes, on fait face
a la realite et I'etemite.
Chez Sartre, r optimisme est vraiment mort, pour ceux qui choisissent de rester dans I'etat
d'en-soi. Huis-Clos est donc un avertissement aux
politiques et philosophiques.
-
Fran~ais,
en faisant des declarations
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-
Conclusion
De la perspective politique, Sartre s'est beaucoup change apres la deuxieme guerre
mondiale, en mettant en pratique et en action ses idees metaphysiques et ethiques. Avant
la Guerre, il ne s'interessait pas ala politi que. Mais apres, il voyait Ie besoin d'etre
engage. En 1948, il est devenu membre du Rassemblement Democratique
Revolutionnaire, un groupe neutre, parce qu'il ne pouvait plus soutenir ni I'Union
Sovietique ni les Etats-Unis.
Apres avoir quitte Ie groupe l' annee suivante, Sartre s'est mis a examiner de
nouveau ses vues politiques. II a decide d' accepter Ie marxisme quand il a abandonne
son idealisme, et ses liens aux communistes ont dure jusqu'a sa mort en 1980. Mais
Sartre n'ajamais accepte la politique de l'Union Sovietique, en condamnant les
envahissements actifs de la Hongrie en 1956 et de la Tchecoslovaquie en 1968, aussi bien
que les camps de travail des annees cinquantes.
D'ailleurs, Sartre a continue a developper et elaborer ses idees politiques. On
voit, par exemple, des rapports entre Les Mouches et Le Diable et Ie Bon Dieu : Gretz
joue un role analogue a celui d'Oreste dans Les Mouches. De plus, dans Acte III, Gretz
dit a Heinrich: «Ah oui, il y a rEnfer. Eh bien, ~a me changera ». Heinrich lui
repond: « <;a ne te changera pas: tu yes» (449). Comme Oreste, Gretz se reduit a
l'esclavage des autres (dans ce cas, Ie diable et Dieu). Cependant, Dorothy McCall fait
une bonne comparaison entre ces deux pieces: «In 1951, the revolutionary Gretz,
rejecting God and all other absolutes, discovers his fellow man and takes command of the
-
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peasant army. In both [Les Mouches] and [Le Diable et Ie Bon Dieu] the denouement
involves not only the hero's liberation, but also his salvation» (42).
De plus, quelques auteurs voient des similarites entre Huis-Clos et Les Sequestres
d'Altona. En tant qu'une allegorie, Les Sequestres d'Altona presente une situation affreuse
et horrifiante de la torture des Algeriens par les
Fran~ais.
Cependant, afin de cacher la
realite de la situation, Sartre fait derouler l'action en Allemagne qui represente un des
themes principaux, comme celui dans Huis-Clos. D'ailleurs, selon Catharine SavageBrosman, «The dynamics among these five characters [recall] the ceaseless conflicts in
Huis-Clos »(95). Sartre continue donc a essayer de changer les Fran~ais par Ie theatre.
Pendant les trente demieres annees de sa vie, Sartre ecrit de moins en moins du
drame et des romans. En se concentrant sur les causes qu'il croyait etre justes, il a visite
beaucoup de pays: la Chine, Ie Japon, I'Egypte, et ceux de I'Europe d'est.
n a presente
des conferences, a participe aux protestations, et a fait beaucoup de declarations contre
I'injustice et l'oppression. De plus, Sartre n'a pas limite ses critiques aux pays etrangers'
au contraire, il a severement critique son propre pays. En particulier, il a reprimande De
Gaulle et la constitution de la Republique Cinquieme. En voyant I' oppression politique
fran~aise
contre l' Algerie, il a soutenu Ie mouvement d'independance de ce pays. De
plus, il etait actif plus tard dans la vague des etudiants fran~ais en mai 1968 contre Ie
systeme universitaire et la police.
Sartre a bien represente ses vues politiques dans sa vie. D'apres sa philosophie et
sa politique, il faut mettre en pratique les idees metaphysiques et ethiques. Dans ses
ecritures et ses actions, il n'a cesse de realiser ses principes. Comme nous avons deja vu,
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la deuxieme guerre mondiale et l'occupation allemande de France lui ont presente une
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crise de conscience. Les circonstances politiques et policieres l'ont empeche d'agir contre
un systeme totalitaire. Neanmoins, Ie drame lui a presente Ie moyen de protester contre
une telle condition et, en meme temps, de faire voir Ia Hichete, l'inauthenticite, et
l'angoisse des
fa~on
Fran~ais.
En empruntant au mythe grec, il represente dans Les Mouches Ia
et les resultats d'une protestation contre l'oppression politique. En decrivant dans
Huis-Clos une situation imaginaire dans l'enfer, il examine les regrets et Ia douleur qui
resultent de l'insecurite et l'hypocrisie. Dans une certaine mesure, ces deux pieces
dramatiques, qui lient la theorie et la pratique, deviennent donc pour Sartre des exemples
d'une moralite qu'il a mise en action pour Ie reste de sa vie.
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Bibliographie
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