l`entrepreneuriat et l`innovation au congo

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L’ENTREPRENEURIAT ET L’INNOVATION
AU CONGO-BRAZZAVILLE
Cet ouvrage a été réalisé grâce à une subvention
du Centre de Recherches
pour le Développement International (CRDI) du Canada
© L'HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-296-03286-6
EAN : 9782296032866
Sous la direction de
Jean-Christophe BOUNGOU BAZIKA
L’ENTREPRENEURIAT ET L’INNOVATION
AU CONGO-BRAZZAVILLE
Centre d’Études et de Recherche
sur les Analyses et Politiques Économiques
(CERAPE)
L'Harmattan
Etudes Africaines
Collection dirigée par Denis Pryen et François Manga Akoa
Déjà parus
Simon-Pierre E. MVONE NDONG, Bwiti et christianisme, 2007.
Simon-Pierre E. MVONE NDONG, Imaginaire de la maladie au Gabon,
2007.
Claude KOUDOU (sous la direction de), Côte d’Ivoire : Un plaidoyer
pour une prise de conscience africaine, 2007.
Antoine NGUIDJOL, Les systèmes éducatifs en Afrique noire. Analyses
et perspectives, 2007.
Augustin RAMAZANI BISHWENDE, Ecclésiologie africaine de
Famille de Dieu, 2007.
Pierre FANDIO, La littérature camerounaise dans le champ social,
2007.
Sous la direction de Diouldé Laya, de J.D. Pénel, et de Boubé Namaïwa,
Boubou Hama-Un homme de culture nigérien, 2007.
Marcel-Duclos EFOUDEBE, L’Afrique survivra aux afro-pessimistes,
2007.
Valéry RIDDE, Equité et mise en œuvre des politiques de santé au
Burkina Faso, 2007.
Frédéric Joël AIVO, Le président de la République en Afrique noire
francophone, 2007.
Albert M’PAKA, Démocratie et société civile au Congo-Brazzaville,
2007.
Anicet OLOA ZAMBO, L’affaire du Cameroun septentrional.
Cameroun / Royaume-Uni, 2006.
Jean-Pierre MISSIÉ et Joseph TONDA (sous la direction de), Les
Églises et la société congolaise aujourd’hui, 2006.
Albert Vianney MUKENA KATAYI, Dialogue avec la religion
traditionnelle africaine, 2006.
Guy MVELLE, L’Union Africaine : fondements, organes, programmes
et actions, 2006.
Claude GARRIER, Forêt et institutions ivoiriennes, 2006
Nicolas MONTEILLET, Médecines et sociétés secrètes au Cameroun,
2006.
TABLE DES MATIÈRES
Introduction : L’entrepreneuriat et l’innovation revisités
Jean-Christophe Boungou Bazika
11
Partie 1. Stratégies innovantes des entrepreneurs et
limites
Chapitre 1
Services d’appui à l’entrepreneuriat et innovation dans le
contexte de la mondialisation : l’exemple du Forum des Jeunes
Entreprises du Congo (FJEC)
Jean-Christophe Boungou Bazika
Chapitre 2.
Développement des micro entreprises dans l’agriculture urbaine,
contraintes et perspectives : cas de la ceinture maraîchère de
Brazzaville.
André Moulemvo
23
45
Chapitre 3.
Une démarche stratégique innovante en matière de création
d’entreprise au Congo : le cas de la société anonyme « La
Société Congolaise des Transports (SCOT) SA
Félix Mouko
67
Chapitre 4.
La gestion du risque et des connaissances et l’adoption de
stratégies innovantes : le cas des entreprises de transport fluvial à
Brazzaville
Jean-Christophe Boungou Bazika
91
Chapitre 5.
Les stratégies innovantes des entreprises face au VIH/SIDA
Martine Béatrice Pongui
5
117
Partie 2. Innovations de produits et de procédés,
contraintes et rôle de l’État
Chapitre 6.
Entrepreneuriat et innovation dans la menuiserie à Brazzaville
René Samba
Chapitre 7.
L’enjeu de la diffusion des innovations auprès des entrepreneurs
ruraux : l'expérience du projet fruitier du district de Boko
137
Théophile Dzaka et Dominique Dumond
163
Chapitre 8.
Microfinance, innovation et entrepreneuriat au Congo
Bethuel Makosso
191
Chapitre 9.
Microfinance, transfert de fonds et innovation au Congo
Brazzaville : cas du Crédit Maouéné
Christian Balongana et Bertrand Mafouta
Chapitre 10.
Le rôle de l’État dans le développement de l’entrepreneuriat et
de l’innovation
Gaston Nkouika Dinghani Nkita
6
219
245
LISTE DES CONTRIBUTEURS (par ordre alphabétique)
Balongana Christian : chercheur au CERAPE détenteur d’une maîtrise
en macro-économie appliquée. Il mène des travaux de recherche sur les
institutions de microfinance et le développement humain durable.
Boungou Bazika Jean-Christophe : chercheur et Directeur du
CERAPE, docteur en Sciences Économiques. Il mène des travaux de
recherche sur l’entrepreneuriat, l’intégration régionale et la pauvreté.
Dumont Dominique : docteur en sciences économiques. Elle effectue
des recherches sur le financement de l’agriculture.
Dzaka-Kikouta Théophile : chercheur au CERAPE, membre du Comité
de Direction et docteur en sciences économiques. Il réalise des travaux
de recherche sur l’économie solidaire, l’entrepreneuriat et les échanges
transfrontaliers.
Makosso Bethuel : chercheur au CERAPE, Directeur Administratif et
Financier, docteur en sciences économiques. Il mène des recherches sur
la microfinance et les politiques industrielles.
Mafouta Bertrand : chercheur au CERAPE détenteur d’une maîtrise en
économie du développement. Il réalise des travaux de recherche sur
l’impact économique du VIH/SIDA.
Moulemvo André : chercheur au CERAPE, docteur en sciences
économiques. Il effectue des travaux de recherche sur l’agriculture périurbaine, le secteur pétrolier et la dette extérieure.
Mouko Félix : chercheur au CERAPE, docteur en sciences
économiques. Il réalise des travaux de recherche sur l’entreprise et
l’économie sous-régionale.
Nkouika Dinghani Nkita Gaston : chercheur au CERAPE, détenteur du
diplôme d’Études Supérieures Spécialisées en économie. Il mène des
7
travaux de recherche sur le secteur informel, l’agriculture et le rôle de
l’État.
Pongui Martine Béatrice : chercheuse au CERAPE, docteur en
médecine. Elle mène des recherches sur le VIH/SIDA et le travail des
enfants.
Samba René : chercheur au CERAPE, Directeur Adjoint. Il est docteur
en sciences économiques. Il effectue des travaux de recherche sur la
gestion durable de l’environnement et l’entrepreneuriat.
8
Liste de sigles et abréviations
AEF
ADPME
ANA
ARV
ATC
AVOBRA
BCC
BIDC
BNDC
BRASCO
CAPPED
CAR
CAU
CCCE
CFCO
CIB
CEMAC
CMS
CNLS
CNSEE
CNTF
COBAC
CRF
CRRP
CTA
DIGENAF
DGMC
FAO
FEDAR
FJEC
: Afrique Équatoriale Française
: Agence de Développement des PME
: Agence Nationale de l’Artisanat
: Anti Rétroviraux
: Agence Transcongolaise de Communications
: Action pour la Valorisation des Ordures de Brazzaville
: Banque Commerciale Congolaise
: Banque Internationale de Développement du Congo
: Banque Nationale de Développement du Congo
: Brasserie du Congo
: Caisse de Participation à la Promotion des Entreprises et à leur
Développement
: Cellule d’Appui Rurale
: Cellule d’Appui Urbaine
: Centre Congolais du Commerce Extérieur
: Chemin de Fer Congo Océan
: La Congolaise Industrielle de Bois
: Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale
: Centre médico-social
: Conseil national de Lutte contre le Sida
: Centre National de la Statistique et des Études Économiques
: Compagnie Nationale de Transport Fluvial
: Commission Bancaire de l’Afrique Centrale
: Croix Rouge Française
: Centre Rural de Ressources Professionnelles
: Centre de Traitement Ambulatoire
: Direction Générale de Navigation Fluviale
: Direction Générale de la Monnaie et du Crédit
: Organisation pour l’alimentation et l’Agriculture
: Fonds Européen de Développement des Activités Rurales
: Forum des Jeunes Entreprises du Congo
9
FMI
IDE
IDH
IMF
IST
MUCODEC
OAPI
OCV
ODI
OIT
OHADA
OMS
ONG
ONUSIDA
ORSTOM
PACE
PCM
PNB
PNUD
PVVIH
SA
SEP
SCOT
SNAVIE
SOTELCO
TIC
TVA
UNOC
: Fonds Monétaire International
: Investissements directs étrangers
: Indicateur de Développement Humain
: Institutions de Microfinance
: Infections Sexuellement Transmissibles
: Mutuelle Congolaise d’Épargne et de Crédit
: Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
: Office des Cultures Vivrières
: Office du Développement Industriel
: Organisation Internationale du Travail
: Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires
: Organisation Mondiale de la Santé
: Organisation Non Gouvernementale
: Organisation des nations Unies contre le SIDA
: Office de Recherche Scientifique des Territoires d’Outre-Mer
: Programme d’Action Communautaire
: Programme Ceinture Maraîchère de Brazzaville
: Produit National Brut
: Programme des Nations Unies pour le Développement
: Personnes vivant avec le VIH
: Société Anonyme
: Secrétariat Exécutif Permanent
: Société Congolaise de Transport
Société Nationale Assurance Vie
Société des télécommunications du Congo
Technologies de l’Information et de la communication
Taxe sur la Valeur Ajoutée
Union Nationale des opérateurs Congolais
10
INTRODUCTION
L’ENTREPRENEURIAT ET L’INNOVATION REVISITÉS
Jean-Christophe Boungou Bazika
Les pays de l’Afrique subsaharienne ont besoin que des perspectives
soient apportées à la crise économique qui les frappe. Cette crise
aujourd’hui se traduit par ce que l’on a appelé la marginalisation de
l’Afrique dans le marché mondial (Banque Mondiale, 2000 ; Hugon,
2000). Le développement de l’Afrique subsaharienne est une
préoccupation majeure qui semble avoir été abandonnée avec la mise en
place des programmes d’ajustement structurel pendant les décennies
1980-1990. Avec les défaillances de l’État et la mise en relief du rôle du
secteur privé, l’entrepreneuriat acquiert de plus en plus une importance
particulière.
Mais cet entrepreneuriat doit remplir un certain nombre de conditions
pour jouer le rôle d’impulsion du développement que l’on attend de lui.
Il doit être entre autres innové. Selon Schumpeter, l’entrepreneur est
l’agent économique par excellence capable d’innover afin de modifier
les conditions de production et du marché. Sa conception se base sur un
type d’entrepreneur particulier, le capitaine de l’industrie, qui modifie de
façon permanente, dans un processus de destruction et de création, la
fabrication des biens. Il agit comme une locomotive pour le reste de
l’économie.
Schumpeter écrit à propos des nouvelles combinaisons qui traduisent les
innovations entrepreneuriales :
« Ce concept englobe les cinq cas suivants :
11
1)
Fabrication d’un bien nouveau, c’est-à-dire encore non familier
au cercle des consommateurs, ou d’une qualité nouvelle d’un bien.
2)
Introduction d’une méthode de production nouvelle, c’est-à-dire
pratiquement inconnue de la branche intéressée de l’industrie ; il n’est
nullement nécessaire qu’elle repose sur une découverte scientifiquement
nouvelle et elle peut aussi résider dans de nouveaux procédés
commerciaux pour une marchandise.
3)
Ouverture d’un débouché nouveau, c’est-à-dire d’un marché où
jusqu’à présent la branche intéressée de l’industrie du pays intéressé n’a
pas encore été introduite, que ce marché ait existé avant ou non.
4)
Conquête d’une source nouvelle de matières premières ou de
produits semi-ouvrés ; à nouveau, peu importe qu’il faille créer cette
source ou qu’elle ait existé antérieurement, qu’on ne l’ait pas prise en
considération ou qu’elle ait été tenue pour inaccessible.
5)
Réalisation d’une nouvelle organisation, comme la création
d’une situation de monopole (par exemple la trustification) ou
l’apparition brusque d’un monopole. (p.95)
Dans les analyses contenues dans le présent ouvrage, les auteurs
élargissent le concept de l’innovation. L’innovation est perçue comme
un procédé nouveau contribuant à améliorer les conditions de la
production de biens et services, comme un produit nouveau modifiant le
marché, mais aussi au-delà de la conception schumpetérienne, comme
une démarche nouvelle depuis l’idée de la création de l’entreprise
jusqu’à la matérialisation de celle-ci en projet et en entité agissante sur le
marché. L’innovation se situe à l’amont comme à l’aval de l’entreprise,
dans les actes de production et de vente, mais aussi dans les services
d’appui à l’entrepreneuriat, services qui créent un environnement
favorable à l’émergence des entreprises et à la consolidation de celles-ci
L’innovation, c’est aussi une stratégie nouvelle, permettant à
l’entrepreneur d’améliorer et à diversifier son positionnement sur le
12
marché, de s’adapter à un environnement fluctuant profondément
marqué par le risque et l’incertitude dans le contexte de la
mondialisation, qui est examiné ici.
Oliver Torres (2004) définit la stratégie comme « un ensemble d’actions
de long terme et finalisées en vue de s’insérer dans l’environnement »
(p.113). L’auteur montre les apports de l’économie industrielle dans la
compréhension de l’innovation stratégique à travers la séquence
Structure-Comportement-Performance (SCP). Cependant les limites de
cette analyse consistent à polariser la réflexion non sur l’entreprise et
l’entrepreneur, mais sur le secteur industriel en tant que système
d’interactions entre plusieurs entreprises et leur environnement.
L’analyse stratégique va réellement progresser lorsque les modèles vont
placer l’entreprise au centre de l’analyse (Torres, 2004). Dans ces
conditions, la stratégie devient un processus décisionnel concernant
l’avenir de l’entreprise, le choix de ses activités, l’organisation de ses
fonctions et son insertion dans le marché amont et aval. De même, les
services d’accompagnement de l’entrepreneur, l’approche adoptée pour
la création de l’entreprise, les décisions prises pour préserver ses
ressources principalement humaines, sont des actions à caractère
stratégique qui vont peser sur la pérennité de l’acte d’entreprendre. Le
comportement innovateur touche tous ces domaines et étend son
influence bien au-delà du champ initial décrit par Schumpeter, dans un
contexte fortement marqué par la libéralisation et l’accentuation du
risque.
Une approche nouvelle de l’innovation est apparue récemment. Elle
intègre la dimension sociétale en ce sens qu’elle tente de montrer que
l’innovation est une démarche qui vise à remédier aux insuffisances du
marché et aux défaillances de l’État par la création d’organisations
socio-économiques des exclus et des marginalisés de l’économie de
13
marché. Les innovations introduites par l’économie solidaire contribuent
à la survie des acteurs face aux déficiences du marché et de l’État. Cette
approche se fonde sur le principe d’entraide des acteurs économiques qui
mettent en place des institutions solidaires dans le domaine de la
microfinance et de la micro-assurance où « sont inventées des pratiques
novatrices et créatrices d’équité sociale » (Alcouffe et Parienté, 2004).
Les innovations sociales se distinguent des innovations technologiques et
institutionnelles de Schumpeter sur au moins deux points : ce sont des
innovations secondaires parce qu’elles n’entraînent pas de rupture
radicale. Elles combinent la sphère marchande et non marchande, le
producteur et le consommateur (Prades, 2004).
Un autre aspect important de l’innovation concerne son financement.
L’innovation a un coût. Elle représente un risque que prend l’entreprise
et on estime que dans 50 % de cas, le risque aboutit à l’échec. Selon
Lachmann (1996), le financement de l’innovation obéit à l’approche
théorique de la « cheminée ». On peut distinguer 5 phases dans ce
processus évoluant en fonction du cycle du produit :
- la phase de faisabilité ou de définition du projet innovant (seed stage)
qui sera financée par une combinaison des ressources découlant de
l’autofinancement et des fonds publics ;
- la phase de création (start-up). Le financement est assuré par le capital
de départ et éventuellement des fonds publics ;
- la phase de première croissance (early stage). Le financement public
demeure important. Mais, il cède progressivement le pas aux
financements privés spécialisés dans le haut du bilan (capital risque) ou à
des prises de participation industrielle ;
- la phase de développement financée principalement par les ressources
bancaires à cause de la visibilité du projet et des garanties de chiffre
d’affaires qu’il donne.
14
- le dernier étage de la cheminée est le déclin. La sortie est nécessaire
pour les entreprises qui veulent préserver leur développement : soit le
produit est amélioré, soit, un nouveau cycle démarre avec un produit
nouveau qui nécessite un financement à l’échelle transnationale.
On voit à travers ces différentes phases, le rôle déterminant du
financement de l’État, notamment pendant la période de conception et de
démarrage de l’innovation. De nombreux auteurs montrent que la
subvention est l’un des moyens utilisés par l’État pour tenter
d’encourager l’innovation technologique (Stiglitz, 2000, Lachmann,
1996 ; Lipsey, Purvis et Steiner, 1988). En outre, il faut souligner
comme le fait Stiglitz (2000) que l’innovation est un bien collectif parce
que ses externalités sont souvent importantes. Elle procure à travers
l’imitation par les autres entreprises et l’amélioration du bien-être un
avantage global pour l’ensemble de la société appelé bénéfice social.
Parler de l’innovation au Congo, pays faiblement développé pourrait
sembler une gageure. En général, l’innovation est associée aux pays
industrialisés dans lesquels les Pouvoirs Publics et les firmes mettent un
accent particulier sur la recherche-développement. À chaque instant, de
nouveaux produits et procédés technologiques sont lancés sur le marché.
Cette approche restrictive de l’innovation peut s’expliquer par l’apparent
immobilisme des pays africains, le marasme de leurs économies et les
difficultés de réaliser leur décollage économique et leur industrialisation.
L’invasion de leur marché par les produits occidentaux et asiatiques
semble confirmer l’idée d’une absence d’innovations dans les pays de
l’Afrique subsaharienne. Enfin, cette opinion découle du fait que
l’innovation est perçue comme une rupture. Les changements mineurs
que celle-ci peut engendrer ne sont pas pris en considération (Prades,
2004).
15
Les auteurs de cet ouvrage collectif ont voulu se démarquer de cette
conception restrictive qui semble dénier à l’africain, l’esprit créatif et les
capacités intrinsèques de changer ses conditions matérielles en
appliquant des idées nouvelles. Même si les innovations radicales dans le
secteur industriel sont rares en Afrique du fait du faible développement
de l’industrie, les acteurs économiques et sociaux réalisent au quotidien
des innovations mineures sous peine de disparaître. En plus, la simple
observation empirique du marché congolais révèle l’existence de
l’innovation : apparition de nouvelles approches et de nouveaux produits
dans l’alimentation, la médecine traditionnelle, la vannerie, la couture, la
menuiserie, les matériaux de construction, la microfinance, les services
d’appui à l’entrepreneuriat, la création d’entreprise, la lutte des
entreprises contre le VIH/SIDA, etc.
Les communications contenues dans le présent ouvrage illustrent ces
exemples et traduisent cette vision large de l’innovation. Elles ont fait
l’objet de beaucoup de débats, car présentées aux 8e et 9e aux journées
scientifiques du réseau Entrepreneuriat de l’Agence Universitaire de la
Francophonie à Rouen (2003), à Cluj-Napoca (2005) au cours desquelles
la thématique de l’entrepreneuriat et de l’innovation a engendré des
débats féconds. Ils ont été revus par les auteurs, rediscutés dans les
ateliers méthodologiques organisés par le Centre d’Études et de
Recherche sur les Analyses et Politiques Économiques (CERAPE)
auquel appartiennent les auteurs des communications sélectionnées.
L’ouvrage est le résultat du programme de recherche mis en place depuis
2002 par le CERAPE dont l’un des thèmes est l’entrepreneuriat et
l’innovation. Il est subdivisé en deux grandes parties et en 10 chapitres.
Le plan de l’ouvrage est organisé comme suit : la première partie
comprend 5 chapitres qui mettent en évidence les stratégies innovantes
16
des entrepreneurs et leurs limites. La deuxième partie est aussi
composée de 5 chapitres qui abordent les innovations de produits, de
procédés et de marché.
Dans le chapitre 1, J.C. Boungou Bazika aborde les services d’appui à
l’entrepreneuriat dans le contexte de la mondialisation. Il s’appuie sur
l’exemple d’une Organisation Non Gouvernementale, le Forum des
Jeunes Entreprises du Congo. Il montre en quoi, cette structure réalise
des innovations dans la combinaison des services d’appui financiers et
non financiers, dans la combinaison des services d’appui en milieu
urbain et rural, dans la mise en place d’un réseau d’entrepreneurs. Ce
faisant, le Forum se démarque des structures d’appui du secteur public
caractérisées de plus en plus par une crise sans précédent qui les
paralyse.
Dans le chapitre 2, André Moulemvo met en relief l’approche innovante
de l’Institut de développement AGRICONGO dans le soutien apporté à
l’agriculture urbaine. Alors que les cultures vivrières en milieu rural
tendent à décliner du fait de l’enclavement des campagnes, que l’exode
rural s’intensifie, l’agriculture urbaine et péri-urbaine apparaît comme
une alternative à l’alimentation de la population et à la lutte contre la
pauvreté à des coûts supportables. L’approche entrepreneuriale
innovante se traduit par cette forme d’incubation à savoir la formation
des maraîchers, leur financement et implantation dans des sites négociés
avec l’État ou les propriétaires fonciers, sites dotés d’équipements
communautaires.
Félix Mouko, dans le chapitre 3, analyse la création d’une entreprise de
transport et dégage le caractère innovant de la démarche adoptée par les
créateurs. Celle-ci est fondée sur la mise en commun de compétences
diversifiées en vue de constituer une société anonyme, forme juridique
nouvelle dans le contexte congolais marqué auparavant par la création
17
par les nationaux d’entreprises individuelles et de quelques sociétés à
responsabilité limitée. Dans la filière du transport fluvial, 27
entrepreneurs congolais décident de mettre ensemble leur « capital
social » au sens de Boutiller et Uzunidis (1999) et de constituer pour la
première fois une société anonyme. Il leur faut surmonter les contraintes
juridiques, psychologiques, culturelles et environnementales.
Dans le chapitre 4, Jean-Christophe Boungou Bazika examine les
stratégies entrepreneuriales innovantes des transporteurs fluviaux face au
risque constitué par le marché, l’environnement interne et externe. Il
indique les limites de ces stratégies, car l’environnement fluctuant peut
amener l’entrepreneur opportuniste à échouer s'il n’est pas capable de
s’adapter rapidement à de nouvelles contraintes.
Martine Pongui dans le chapitre 5, présente les stratégies innovantes
déployées par les entreprises du secteur privé face à la propagation du
VIH/SIDA. Cette pandémie engendre d’importants coûts pour les
entreprises : coûts en soins, en frais d’obsèques, en absentéisme, en
turnover. Les innovations de caractère organisationnel, juridique,
institutionnel sont les principales composantes des stratégies mises en
place pour faire face à l’infection en lien avec la stratégie de riposte
multisectorielle mise en œuvre par l’État.
La deuxième partie du livre aborde les innovations de produits, de
procédés, de marché ainsi que les contraintes auxquelles les
entrepreneurs doivent faire face. Elle examine aussi le rôle joué par
l’État.
Dans le chapitre 6, René Samba montre que les ateliers de menuiserie
réalisent des performances en fonction des innovations introduites dans
le processus de production au niveau de la qualité et de la vente du
18
produit. Les ateliers qui innovent sont ceux qui ont des équipements
modernes et qui s’inspirent des catalogues. Ils font plus de l’imitation
que de l’innovation. Dans certains cas, les entrepreneurs menuisiers
peuvent innover. Mais, ceux-ci représentent une minorité. En se basant
sur une enquête de terrain, il constate que l’incidence de l’innovation sur
le résultat se traduit par l’amélioration du résultat de l’entreprise.
Théophile Dzaka-Kikouta et Dominique Dumont abordent dans le
chapitre 7 l’incidence du projet fruitier de Boko, localité située à 150 km
de Brazzaville, sur les entrepreneurs ruraux. Ils observent que ce projet a
contribué à introduire des innovations sur le plan technique, cultural,
commercial, financier et social. Le contexte de l’économie solidaire a
favorisé l’appropriation par les acteurs de ces innovations. Le résultat est
l’accroissement de la productivité et des revenus des agriculteurs. Une
des conditions de la propagation de l’innovation en milieu rural est la
réussite de celle-ci.
Bethuel Makosso dans le chapitre 8 traite de l’innovation et de la
microfinance. Il montre que les crédits octroyés par la microfinance aux
entrepreneurs ont peu d’impact sur leurs capacités innovantes. Les
micros crédits sont plus destinés au secteur commercial et à l’aide
sociale. Le montant destiné au secteur productif est dérisoire et les délais
sont courts. C’est pourquoi, l’incidence sur l’innovation est très faible
voire nulle. Ainsi, la microfinance tend à développer un entrepreneuriat
de survie.
Dans le chapitre 9, Christian Balongana et Bertrand Mafouta traitent
du transfert de fonds par l’entreprise Maouéné. Ils montrent en quoi,
cette entreprise de microfinance réalise une innovation en lançant sur le
marché un nouveau produit, le transfert de fonds, qui connaît aujourd’hui
un grand succès. L’innovation porte aussi sur le procédé avec la
19
contribution des technologies de l’information et de la communication.
La clientèle constituée entre autres de petits entrepreneurs qui transfèrent
des fonds pour les transactions commerciales représente une innovation
de marché.
Enfin, Gaston Nkouika examine le rôle de l’État et sa politique en
matière de soutien à l’entrepreneuriat et à l’innovation dans le chapitre
10. En dehors d’actions ponctuelles pour faire connaître quelques
innovations réalisées par les entreprises, il n’existe pas de politique
d’innovation à proprement parler. Aucun fonds public destiné à financer
l’innovation n’est mis en place. Cette situation ne crée pas un climat
incitatif pour les PMEs. Le faible nombre d’inventions enregistrées à
l’OAPI le montre nettement.
Dans la mesure où les contributions contenues dans cet ouvrage peuvent
susciter de nouvelles réflexions et de fructueux débats auprès des
lecteurs, les auteurs auraient alors atteint leur but.
Bibliographie
Alcouffe A., Parienté J., 2004, Innovation et économie solidaire,
Terminal nº 91, pp. 29-43, L’Harmattan, Paris.
Banque Mondiale, 2000, L’Afrique peut-elle revendiquer sa place au
21e siècle ? Washington DC.
Boutillier S et Uzunidis D, 1999, Entrepreneur, esprit d’entreprise et
économie : un enseignement (supérieur) base sur la triptyque structurescomportements-performances, Lille France.
Hugon Ph, 2000, Économie de l’Afrique, 4e édition, La découverte,
Paris.
Lachmann J. 1990, Financer l’innovation des PME, Economica, Paris.
Lipsey R. G., Purvis D. D., Steiner P. O. 1988, Microéconomique,
Gaëtan Morin, Québec.
20
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