Daniel Cohen, La prospérité du vice : une introduction (inquiète) à l'économie, édition Albin Michel, coll. Le livre de poche, 2011 (1ere éd. 2009) Intro : Aujourd'hui, la révolution industrielle gagne de nouveaux pays et les rivalités s'intensifient pour les matières premières. Le risque pour le XXI è siècle est donc la répétition de l'histoire de l'Occident. En effet, l'Europe n'est pas sortie sans dommage de la révolution industrielle, c'est ce que montre les deux guerres mondiales. Philippe Martin montre que la prospérité ne mène pas à un climat de paix et que le commerce international ne réduit pas le risque de guerres puisqu'il permet d'attaquer plus facilement un pays ennemie et de multiplier ses sources d'approvisionnement pendant la guerre. L'éducation non plus n'adoucit pas un homme mauvais et comme le dit Christian Baudelot elle lui permet de trouver de nouvelles façons de le rester. Les terroristes ne sont ni alphabètes ni pauvres : ils sont souvent diplômés de l'enseignement supérieur et parfois très riches. Ainsi, si rien de tout ça ne pacifie les pays, l'Asie et les nouveaux pays risquent, en s'occidentalisant, de répéter l'histoire sanglante de l'Europe. Pendant longtemps, la loi de Malthus a régné et le revenu moyen restait stable car une augmentation du revenu entrainait une augmentation de la démographie qui provoquait la baisse du revenu moyen par tête. Des études montrent que le niveau de vie d'un esclave romain n'est pas vraiment différent de celui d'un ouvrier de la grande industrie au XIX è siècle. Ainsi, plus il y a de mortalité dans un pays, plus il est prospère : c'est la prospérité du vice. Pourtant, récemment, l'Europe a trouvé la « pierre philosophale » et a réussi à avoir une croissance du revenu moyen qui s'appuie sur un renouvellement technologique permanent. Celui ci permet de dépasser la croissance démographie et donc d'augmenter le revenu moyen. On peut alors se demander pourquoi cela s'est fait en Europe alors que l'Asie semblait mieux partie au départ et comment l'Europe est arrivée à ces deux guerres. L'industrialisation bouleverse l'équilibre des puissances car chacune veut dominer les autres et quand une y arrive, les autres déclenchent une coalition pour l'abattre. L'industrialisation transforme aussi le fonctionnement à l'intérieur des sociétés. Selon Schumpeter, le capitalisme est un processus de « destruction créatrice » qui a besoin d'un soin constant pour que les pays ne tombent pas dans la dépression que sont les crises. Le capitalisme promet prospérité autant que crise. Cela pose des questions d'ordre économique sur le capitalisme, mais aussi des questions d'ordre moral. En effet, la valeur principale du capitalisme est la consommation qui provoque des frustrations : elle est comme une drogue et le plaisir qu'elle procure est éphémère. Ainsi, les sociétés riches ne sont pas plus heureuses que les sociétés pauvres. La question morale de l'écologie se pose aussi de plus en plus car l'avenir de la planète est menacé. La mondialisation ne fait pas que circuler des biens matériels, le transfert immatériel se développe beaucoup avec la communication des idées bonnes ou mauvaises et des savoirs par internet. Chacun peut alors avoir son « quart d'heure de célébrité ». Avec ce cybermonde, l'espoir d'une solidarité entre l'humanité naît. Partie I : Pourquoi l'Occident ? I. La genèse A. Naissance de l'économie Le principal problème de l'homme a toujours été de se nourrir et pendant longtemps il a utilisé les produits de la nature pour subvenir à ses besoins. C'est ensuite qu'une révolution néolithique s'est produite : l'homme apprend à cultiver la terre, à élever des troupeaux et la propriété privée nait. Selon Gordon Childe cette révolution aurait été nécessaire après une pénurie alimentaire qui aurait ensuite transformée le mode de vie de l'homme, le rendant sédentaire. De récentes recherches affirment le contraire : la sédentarité aurait précédé l'agriculture. La croyance en des Dieux serait aussi antérieure et elle aurait permis un changement considérable : le fait que l'homme devienne un producteur actif. En effet, si l'homme a été crée, il peut ensuite devenir lui même créateur et cessé d'être passif. L'homme a donc modifié son cadre de pensée avant de modifier la nature autour de lui. L'agriculture s'impose dans tout le monde, qu'elle soit importée ou découverte. Cela montre une première mondialisation et c'est un premier indicateur de la « tyrannie de la productivité » puisque les agriculteurs gagnent face aux chasseurs-cueilleurs. Avec l'abondance et la sédentarité, la population augmente et une classe « oisive » se détache des paysans : les prêtres, les guerriers, les rois... En effet, le surplus leur permet d'être nourri sans travailler la terre. Cela permettra ensuite des inventions technologiques comme le bronze et le fer mais aussi l'écriture. B. Le destin brisé de l'Occident L'avantage technologique n'était pas à l'Occident à cette époque, on peut alors se demander pourquoi c'est l'Europe qui s'est finalement imposée. En effet, même si les Romains possédaient beaucoup de technologies héritées des Grecs comme les égouts ou les routes, celles ci sont restées en sommeil pendant des millénaires. L'Occident maitrise les techniques sociales comme la politique, le droit, l’administration, etc mais est très en retard sur les techniques industrielles par rapport à la Chine par exemple. De plus, l'esclavage va finir la descente de l'Europe. En effet, l'esclavage crée une diminution des petites propriétés et un très grand chômage. C'est ainsi que le déclin de l'Empire romain va se faire. II. Naissance du monde moderne A. Le miracle européen L'Europe au Xè siècle a donc perdu ce qui faisait la grandeur de Rome et d'Athènes, elle a régressé vers une situation d'autarcie. Ce n'est que lorsque les menaces vikings disparaissent que le commerce reprend car les routes deviennent praticables. Les villes se développent ou se créent comme Venise. Entre le XIIe et le XVIIIe le travail cesse d'être vu comme une punition s'il est une oeuvre et les inventions se multiplient (imprimerie, lunettes, horloges à pendules...). Cependant, elles n'ont pas encore beaucoup d'impact car elles se sont encore que des produits de luxe. Une révolution scientifique se fait aussi entre Galilée et Newton, elle créera une modification de la pensée avec une sécularisation de celle ci. L'homme moderne prend ses racines à ce moment. B. L'équilibre des puissances Avec la chute de l'Empire Romain, la lutte pour occuper les terres vacantes va prendre de l'ampleur. Cela explique la concurrence et le cycle incessant de guerre et de paix en Europe : chacun veut construire un Empire. Les guerres et la peste bubonique réduisent beaucoup le nombre d'homme ce qui permet une plus grande liberté aux paysans. En effet, si leur seigneur ne veut pas leur accorder des avantages ils sont accueillis à bras ouverts autre part puisque la main d'oeuvre manque. Les conséquences des guerres sont tellement importantes qu'il y a une tentative de pacification entre les pays. Avec cela, le droit apparaît ainsi que les assemblées (parlement, états généraux...) qui doivent s'occuper des besoins budgétaires des Etats. La Magna Carta est adopté au Royaume Uni : elle permet une augmentation de la justice et une diminution du pouvoir du roi. Un nouveau modèle politique se met donc en place en Europe : celui de l'Etat-nation. Les rivalités entre ces Etats vont ensuite être le moteur du progrès. III. La loi de Malthus A. Le verrou agricole Le problème est que malgré le progrès, l'Europe est victime de nombreuses famines. C'est alors que Malthus va développer sa théorie. Celle ci est confirmée par des études récentes comme celle de Gregory Clark : le salaire journalier moyen à Babylone (1800 av J.C.) était sensiblement le même qu'en Angleterre en 1870. La loi des rendements décroissants nait de la première loi de Malthus. B. La science sinistre Avec la loi de Malthus, la science économique prend le nom de science sinistre car elle montre qu'un bon gouvernement nuit à la prospérité et que les vices comme la guerre ou la famine lui sont bénéfiques. De plus, selon Malthus les inégalités sont une bonne chose. C'est le règne de la prospérité du vice. IV. Prométhée libéré A. La révolution industrielle Une deuxième révolution arrive au XVIIIe siècle, comparable à la révolution néolithique : la révolution industrielle. Elle nait d'une multitude d'innovations dont la principale est la machine à vapeur. Les progrès s'enchainent : les progrès dans les machines à tisser entrainent des progrès nécessaires dans l'industrie chimique (pour le blanchissage qui doit aller plus vite)... L'énergie créatrice de l'homme est a nouveau libérée grâce à la science. B. Le charbon, le blé et les esclaves A la grande surprise des économistes malthusiens, pendant cette période la croissance démographique n'entraine pas une baisse de revenu par tête, il y a même une hausse de celui ci. La loi de Malthus n'est donc plus vérifiée. Cela est permis grâce à l'exportation des produits industriels, possible grâce à l'invention de la machine à vapeur. Cette exportation permet l'importation des denrées manquantes. L'exploitation de terres étrangères se fait principalement aux EU et cela déclenche le fameux commerce triangulaire. L'abondance d'esclave africain a donc permis la croissance européenne (et principalement anglaise). Le charbon présent dans les sols européens est aussi très important dans la croissance car il devient la source d'énergie principale. V. La croissance perpétuelle A. Smith, Marx et les humanoïdes L'économie commence à être pensée comme entièrement régie par le fonctionnement des marchés, notamment par Smith. Il explique avec sa théorie de la « main invisible » que le marché se régule naturellement lorsque les hommes suivent leurs propres intérêts et même leurs vices. Les vices privés deviennent des vertus publiques. Le bien et le mal ne compte donc pas dans le marché, seul le taux d'effort est pris en compte. De plus, avec la division du travail, la productivité augmente ainsi que la croissance. Smith souhaite que la sphère du marché soit aussi étendue que possible. On commence à penser qu'un enrichissement indéfini est possible. Marx s'oppose à Smith un siècle plus tard : pour lui, le marché n'est pas un facteur d'enrichissement mais d'exploitation. Ainsi, pour maintenir les profits il faut qu'il y ait une « armée industrielle de réserve » qui fait tendre les salaires à la baisse. Le capitalisme a besoin de la misère pour fonctionner. Marx est aussi contre les machines car pour lui elles rivalisent avec l'ouvrier. Pourtant, elles peuvent aussi permettre d'améliorer la productivité du travailleur et donc son salaire. C'est ce que les néoclassiques défendent : pour eux l'homme et la machine sont complémentaires, comme l'était l'homme et la terre. La grande nouveauté qui contredit la loi de Malthus est que lorsque la population augmente on peut augmenter le nombre de machines alors qu'on ne pouvait pas augmenter indéfiniment les terres. L'industrie n'obéit donc pas à la loi des rendements décroissants mais à celle des rendements constants. En ajoutant le progrès technique on arrive à une croissance par tête et pas seulement une constance. B. Mozart et Schumpeter Michael Kremer essaye d'expliquer la production d'idées et donc d'innovations. Il propose « le principe de Mozart » qui affirme que chacun a une chance d'avoir une idée de génie, « d'être un Mozart en puissance ». Ainsi, plus il y a d'hommes plus il y a d'idées et donc de progrès techniques. D'autres économistes comme R. Lucas vont établir la loi des rendements d'échelle croissants : plus le marché est étendu, plus il est intéressant d'innover car les consommateurs touchés sont plus nombreux. Cependant, cette loi poussée à son terme contredit la loi de la concurrence puisque les grandes firmes avec la division du travail éclipsent les petites entreprises. Schumpeter va allier les deux lois avec le terme un peu étonnant de « concurrence monopolistique ». Pour lui, les monopoles sont éphémères car dès qu'une entreprise l'a une autre va tenté de dépasser la première en innovant. Cependant, le progrès technique peut tout autant être créateur que destructeur. Partie II : Prospérité et dépression VI. Les conséquences économiques de la guerre A. Les conséquences économiques de la paix Après la Première Guerre mondiale, Clemenceau veut casser l'Allemagne avec le traité de Versailles car elle avait acquis une puissance économique nouvelle inquiétante. A cause de l'exigence de ce traité, l'Allemagne sera blessée et le traité sera inapplicable. B. La République se meurt La République de Weimar nait en novembre 1818 mais elle peine à établir sa légitimité. En effet, à droite elle est considéré comme celle qui a mis « un coup de poignard dans le dos » de l'Allemagne et à gauche elle est vue comme celle qui a réprimé les révolutionnaires et engendré des affrontements sanglants. Le fait qu'elle soit née de la guerre l'a fragile dès le départ, pourtant la croissance en Allemagne reprend entre 1924 et 1929. La crise de 1929 provoquera la dérive de la République de Weimar et la prise du pouvoir par Hitler en 1933. VII. La grande crise et ses leçons A. 1929 La crise de 1929 fût la plus noire jamais atteinte à ce moment là et elle est encore crainte aujourd'hui. Elle interrompt des années de croissance : les roaring twenties pendant lesquelles le mode de vie américain se diffuse avec les voitures, les machines à laver... Or, ce sont ces biens qui vont être les plus touchés puisque le principal est d'abord de se nourrir en période de crise. Le problème est que la chute des ventes de biens durables est un multiplicateur de crise car les ouvriers perdent leurs emplois et ne peuvent pas acheter dans d'autres secteurs, etc. La crise financière s'amplifie aussi car par peur les agents retirent leur dépôts ce qui crée des faillites. Le commerce international s’effondre ainsi que le système monétaire international. Pourtant les auotités monétaires ne réagissent pas. B. La théorie générale de Keynes Après cette crise, Keynes réagit aux conceptions classiques en s'opposant à la loi de Say, jusque là dominante. Il défend la demande contre l'offre et pense le nouvel équilibre macroéconomique. Pour lui, le plus important est de consommer car cela crée des emplois qui vont ensuite permettre aux employés de consommer à leur tour. C'est pourquoi le gouvernement doit agir. Laissé seul, le marché est instable, l'action du gouvernement est donc nécessaire pour le stabiliser. C'est la base de l'Etat providence. VIII. L'âge d'or et sa crise A. Les Trente Glorieuses Pendant les Trente Glorieuses, une transformation du monde occidental se fait. J. Fourastié le montre en prenant l'exemple d'une ville nommée Duelle. Il y a une augmentation des biens durables : des télévisions dans presque tous les foyers, des frigos, des voitures... Il y a aussi un passage de l'agriculture à l'industrie puis de l'industrie aux services. En effet, ces derniers ne peuvent pas être remplacé par une machine, il y a besoin du facteur humain. B. Trente ans après Même si le nombre d'ouvrier a diminué, les objets prolifèrent encore dans une société de services, il faut donc les réparer et les déplacer, c'est donc souvent le nouvel emploi des ouvriers. Le gros problème des Trente Glorieuses est que les personnes, et même les économistes, ont tendance à penser que cette croissance très forte durera toujours. Pourtant, la croissance n'avait jamais été aussi grande, ils auraient dû se douter qu'elle ne durerait pas pour toujours. La cause aujourd'hui invoquée de la fin de la croissance forte est la fin du rattrapage américain. La France connaissait une grande différence de mode de vie et de connaissances avec les EU, elle les a donc rattrapé mais arrivé à un bon niveau, la croissance s'affaiblit. IX. La fin des solidarités A. Le siècle de l'Etat providence L'Etat providence nait avec les transformations dues aux Trente Glorieuses. Beveridge expose en 1942 les principes de l'Etat providence que nous connaissont aujourd'hui à la suite d'une demande de rapport par Churchill. Inspiré par Keynes, il demande que l'Etat prenne en charge la question sociale. Bien sûr, cela a déjà été fait en partie mais le XX e siècle va être le siècle des réformes sociales. La demande est très présente en Europe et les gouvernements n'ont pas le choix que de suivre ces demandes. B. Le dilemme des générations Après les Trente Glorieuses, le crise des finances publiques est devenue patente. Les liens vont donc se déliter petit à petit, et en période de faible croissance, les personnes se lassent de la solidarité. Les liens entre les générations se détendent car il n'y a jamais coïncidence des besoins entre les générations. Le système de retraite marche bien en période de croissance puisque les jeunes qui donnent pour les personnes âgées savent que lorsqu'ils seront devenus plus vieux les jeunes qui donneront seront plus riche encore. Cependant, en période de croissance faible, les jeunes sont plus réticents car ils ne savent pas ce qu'ils vont recevoir plus tard. Les liens s'affaiblissent donc, l'Etat providence est donc en « crise ». C. La quête impossible du bonheur Le bonheur des individus est touché lorsqu'ils comprennent que la croissance ne reviendra plus au même niveau. En effet, ils sont victimes d'une sorte d'addiction à la croissance. Lorsqu'on demande à quelqu'un comment il définit le bonheur, le critère de bien gagner sa vie est le plus donné. Pourtant, des études ont montré que ce n'est pas tant la richesse en soi qui rend heureux mais plutôt la croissance. En effet, celle ci donne l'espoir, même éphémère, de pouvoir sortir de sa condition initiale, d'améliore sa situation. Avec la croissance qui ralentit, l'Europe est rattrapée par la frustration. X. La guerre et la paix A. Les cycles de Kondratiev Il est difficile de savoir si les guerres se déclenchent plutôt dans un climat de crise ou de prospérité puisque la Première Guerre mondiale a débuté dans un climat de prospérité et que la Deuxième l'a fait dans un climat de crise. Kondratiev se rend compte que l'économie alterne des périodes de prospérité et des périodes de crise tous les 25 ans environ. Bien sûr, les chiffres de 25 ne sont exacts mais les cycles montrent surtout qu'une croissance régulière est impossible. De plus, une correspondance entre les cycles économiques et les cycles politiques et militaires s'impose. On observe que c'est au cours des périodes d'expansion que les guerres sont les plus nombreuses. B. Economie et politique Les guerres semblent naitre de la croissance car elles arrivent souvent à la fin du cycle de croissance. La croissance relâche les contraintes budgétaires des Etats et leur permet de suivre leurs ambitions propres de puissance. Ce n'est pas le capitalisme pur qui provoque cela car les capitalistes purs sont des êtres rationnels et calculateurs, c'est donc la survivance des idées de puissance précapitalistes qui provoque ce phénomène. Ce sont les passions qui déterminent les guerres même si elles dépendent de l'économie : le bien collectif sont privilégiés en période de croissance puisque les biens privés sont déjà satisfaits. La Seconde Guerre mondiale paraît pourtant être différente. En réalité, l'Angleterre et la France ne voulait pas de la Guerre à cause de la crise, mais Hitler l'avait compris et en a profité. Partie III : A l'heure de la mondialisation XI. Le retour de l'Inde et de la Chine A. La grande divergence Avec la mondialisation, l'Inde et la Chine font leur retour dans le jeu du capitalisme mondial. Ces deux pays ont été éclipsées au cours des trois derniers siècles. Pour certains, comme Max Weber, c'est parce qu'ils n'ont pas acquis la façon rationnelle de gérer les relations commerciales. Pourtant, la forte population asiatique montre que les pays asiatiques ont réussi à résoudre le problème de l'alimentation de la même façon que les européens. L'Asie était aussi maître de la production manufacturière avec les porcelaines chinoises et les cotonnades indiennes. L'océan indien était une véritable zone marchande de laisser-faire. La Chine était en avance sur presque tous les domaines : ils inventent la poudre ainsi que la boussole. Il semble que la science de Galilée et Newton aurait du se développer en Chine et non en Occident. Pour expliquer l'effacement de l'Asie qui a suivi, on peut mettre en avant l'invasion mongole qui a déstabilisé le pays, mais c'est surtout le fait que la Chine s'est refermée sur elle même : elle a donc manqué de concurrence, contrairement à l'Europe. B. Le retour de la Chine La Chine s'est aujourd'hui bien rattrapé et elle est le troisième exportateur mondial. En extrapolant les chiffres, la Chine devrait être le pays le plus riche d'ici 2030. Cela tient au poids de la population, il y a un milliard trois cents millions de personnes prêtent à travailler pour presque rien : c'est « l'armée de réserve » dont parlait Marx. La Chine reste un pays pauvre lorsqu'on calcule le revenu par tête. Le changement de l'économie chinoise a été décidé après la mort de Mao. Les autorités ont libéralisé le prix des produits agricoles et encouragé le développement massif du secteur industriel. La monnaie est sous-évalué volontairement pour doper les exportations, l'éducation est intensive et le taux d'épargne est élevé, environ 50%. Ces trois politiques font penser à la stratégie mise en place au Japon. L'exode rural est très limité avec un système assez spécial : les enfants ne peuvent bénéficier de l'école publique et de l'accès au soin que dans le lieu de résidence assigné à sa mère. Il faut donc « retourner au pays » pour pouvoir fonder une famille. En période de croissance ce système est inefficace puisque quand les travailleurs retournent dans leur lieu de résidence pour fonder une famille ils ne travaillent plus. Cependant, en période de crise il permet d'éloigner les populations à risque du centre et devient efficace. Le problème est que cela crée des tensions entre les régions. La solution est donc de développer le nationalisme mais cela inquiète car on ne peut s'empêcher de penser aux nationalismes européens qui ont déclenché les deux guerres mondiales. C. Le réveil indien Les prouesses techniques indiennes n'ont pas été jusque là aussi importante que celles de la Chine. C'est pourquoi on peut comparer l'Inde a l'Europe de l'est. Après l'indépendance, le système économique va se fermer au reste du monde et la corruption va prospérer. Cependant, paradoxalement, la fermeture de l'économie a permis une « accumulation primitive » de talents qui permet à l'Inde de s'ouvrir sur le monde sans difficulté. Les inégalités restent quand même très présentes, et malgré une croissance élevé le pays reste pauvre. Cela peut paraître paradoxal puisque l'Inde prétend être la « plus grande démocratie du monde ». En effet, les processus de démocratie sont toujours respectés, mais c'est plus une démocratie formelle qu'une démocratie sociale. Les castes restent ancrées dans les esprits et la mobilité sociale reste limitée. Des efforts sont quand même fait aujourd'hui avec une discrimination positive en faveur des castes défavorisées. XII. La fin de l'histoire et l'Occident A. La tragédie des nations faibles Le retour de l'Inde et de la Chine s'est fait au même moment que le chute de l'URSS. En effet, à ce moment les socialismes d'Etat ont progressivement changé de stratégie. La chute du mur de Berlin fait alors penser à la fin de l'histoire dont parle Hegel et qu'a repris Fukuyama. Cette théorie explique que chaque peuple tendrait vers la même destination : l'économie de marché et la démocratie représentative. Cependant, l'attentat de 2001 déclenche beaucoup d'opposition à cette thèse, notamment par Samuel Huntington qui parle de choc des civilisations. L'idée d'une paix universelle que défend Fukuyama ne semble pas tenir le coup. En effet, beaucoup de massacres sont encore mis en place comme en Yougoslavie ou au Rwanda. Les minorités des pays sont persécutées, qu'elles soient riches ou pauvres. Amy Chua explique sa propre expérience : elle appartint à la minorité prospère des Chinois émigrés aux Philippines et a vu le massacre des siens, notamment le meurtre de sa tante. Les minorités sont toujours coupables : si elles sont riches, elles sont le symbole des élites ; si elles sont pauvres, elles sont le symbole de l'échec du pays. Lorsqu'elles sont pauvres, elles sont exclues économiquement et culturellement. En période de crise, la majorité essaye de trouver ce qu'elle est en éliminant ce qu'elle n'est pas, c'est-à-dire les minorités. Pour contré cela il faut des Etats-nations modernes car la croissance économique les nécessite : il faut un apport de capital humain (éducation et soin) et d'institutions efficaces (marchés organisés, justice impartiale) en plus du capital qui ne peuvent qu'être apportés par l'Etat-nation. B. La critique de l'Occident Huntington s'oppose à Fukuyama : pour lui les civilisations ne convergent pas les unes vers les autres et elles menacent de s'affronter. Le rejet en Orient des valeurs de l'Occident a pourtant le plus souvent été formulé... en Occident. En effet, la philosophie des Lumières a été critiqué par le romantisme allemand qui pense le déclin de l'Occident. Ce dernier dénonce la science qui désenchante le monde. La lâcheté bourgeoise est aussi mise en cause. Ainsi, il n'y a pas d'opposition fondamentale entre les civilisations : les première critiques de l'Occident viennent de l'Occident. Or, le ressentiment contre l'intrusion du monde moderne a déclenché la Seconde Guerre mondiale. Il ne faut donc pas attendre que ce ressentiment passe puisqu'on arrive à des guerres terribles. En effet, pour exister en tant que membre d'une communauté, il faut tuer l'autre. Or, la violence est interdite, la seule légitime est la guerre. De plus, la violence se cache partout dans l'imaginaire : roman, films policier, films d'horreur ou encore jeux vidéos. XIII. Le krach écologique A. La planète encombrée Le dernier bien commun de l'homme est menacé : la planète. En effet, les pays émergents suivent le chemin de l'Occident car ils veulent profiter de la croissance promise. Cependant, la Terre n'est pas préparé à un tel bouleversement. Il n'y a pas que la hausse de consommation due à la croissance qui pose problème mais aussi l'augmentation du nombre de personnes. La Chine est un pays très peuplé, ainsi en rentrant dans la dynamique capitaliste elle bouleverse tout et devient la première consommatrice des matières premières : les céréales, la viande, le charbon et l'acier. Si elle s'égalise au niveau américain, rien que sa consommation de papier à elle seule serait capable d'engloutir l'ensemble des forêts de la planète. Comme l'explique Lester Brown, le modèle économique moderne n'est pas applicable à une population si nombreuse (1,45 milliards de chinois), sans compter l'Inde. Le réchauffement de la planète a été très fort entre 1995 et 2006 et a beaucoup de conséquence. Beaucoup d'espèces risquent de disparaître et l'eau douce risque de manquer : l'agriculture ne pourra pas faire face au manque d'eau. B. Que faire ? Beaucoup de conventions ont été mise en place, pourtant, le monde est très en retard sur la mise en œuvre de ces agendas. L'écart entre les intentions et les réalisations reste énorme. Le prix des objets est devenu inférieur aux coûts environnementaux qu'ils provoquent : tout est jetable. La première solution est de taxer les pollueurs, mais cela est couteux à cause de la surveillance nécessaire. La suppression des aides pour les activités destructrices de l'environnement peut aussi faire partie des solutions. Il faut aussi investir dans les énergies propres. Cependant, cela ne suffit pas, il faut surtout une nouvelle manière de concevoir la croissance économique. XIV. Le krach financier A. Le nouveau capitalisme financier La production de richesse utilise des matières premières, du travail et du capital. Avec la mondialisation, il y a une répartition géographique de ces catégories : les matières premières se trouvent en Afrique et au Moyen Orient, le travail en Asie et les pays riches gardent le capital. Le capital c'est des fonds mais aussi des biens immatérielles comme la recherche et le développement, la publicité, etc. Cependant, le monde financier subit des difficultés qui montre son incapacité à comprendre les risques qu'il encoure. Avec la crise de 1973 et 1978, le keynésianisme va être remis abandonné à cause de la stagflation : le chômage et l'inflation se font en même temps alors que les théories de Keynes disaient que l'une n'allait pas avec l'autre. Cette stagflation est causé par un manque d'offre, tandis que Keynes se base sur la demande. Ainsi, Friedman et l'école de Chicago vont s'imposer en dénonçant l'intervention de l'Etat. Le marché reprend donc toute sa puissance avec la Bourse. Le capitalisme actionnarial se développe et engendre la sous traitance pour la concurrence, puis l'exportation avec la mondialisation. Le système financier va aussi être bouleversé. Le « shadow banking system » permet de financer à crédit des opérations à haut rendement, sans mobiliser ses fonds propres. Les traders se financent uniquement sur le marché et n'ont plus besoin de collecter les dépôts des particuliers. Ils divisent les portefeuilles de créances hypothécaires et créent des actifs plus ou moins intéressants. La qualité des crédits s'est alors profondément détérioré et des fraudes ont été commises. Il y a donc eu une circulation de « fausse monnaie financière », et cela a produit la crise des subprimes de 2008. B. Greed Pour Weber, la cupidité n'est pas le seul trait du capitalisme. Justement, le capitalisme tente de le limiter en créant des contrats et des rapports de confiance régulés par des lois et une éthique. Cependant, cette vision est remise en question avec la hausse des inégalités dans les années 80. Avec les nouveaux crédits les investisseurs gagne à chaque puisqu'ils n'investissent pas leur propre argent. Si le placement rapporte, ils remboursent le crédit et retirent des profits, mais s'il ne rapporte pas, ce sont ceux qui ont prêté l'argent qui perdent leur argent. C'est une sorte de « face je gagne, pile tu perds ». Le risque n'est plus aussi grand pour eux, donc ils tentent tout. Les Américains suivent le même mode de consommation et vivent à crédit. C. L'effondrement La véritable coup d'envoie de la crise de 2008 est la faillite de la banque Lehman Brothers. Les trésoriers d'entreprise ont compris que leurs refinancement de leurs crédits n'était plus garanti. Les entreprises ont donc arrêté d'investir et ont liquidé leurs stocks. Ensuite, tout le domino de la finance de marché est tombé. Le secteur des biens durables, celui du logement et le commerce international sont très touchés, comme en 1929. Il faut alors sauver les banques et relancer la consommation. La crise a rappelé les principes keynésiens car sans l'intervention de l'Etat, la crise aurait surement eu l'ampleur de celle de 1929. Cette crise manifeste aussi les difficultés à penser ex ante les risques et à les résoudre ex post. XV. Le capitalisme immatériel A. La nouvelle économie La crise de subprimes a montré les problèmes du capitalisme, avec les salaires exorbitants des patrons et les risques trop importants. Il faut donc contrôlé « l'empire du greed ». Le problème le plus important ne réside cependant pas dans la concentration de richesse dans les mains de quelques hommes, car pour cela il suffit de mettre en place des régulations. Il réside plutôt dans la dématérialisation de l'économie : c'est l'entrée dans le cybermonde des technologies de l'information et de la communication. Le terme « nouvelle économie » est utilisé pour désigner cela. Les coûts sont différents de l'économie habituelle. Par exemple, pour un logiciel, la conception coûte chère mais qu'on le diffuse à un pays ou au monde entier, le coût n'augmente pas. La production est donc dans la conception pas dans la fabrication. Le prix ne relève plus du temps à fabriquer le produit mais du marché possible à démarcher. Dans un film, l'acteur est payé selon sa notoriété, selon le marché mobilisé grâce à son apparition. Dans ce domaine, la suprématie des Etat Unis est indéniable. L'Europe, elle, est à la traine à cause d'un manque de coopération entre les pays qui fait que les recherches ne sont qu'un empilement des recherches nationales. De plus, les Etats Unis ont besoin de beaucoup de technologies de guerre. La pentagone fait donc de grandes commandes, ce qui génère de l'innovation. B. Dans le cybermonde Les industries culturelles montrent bien les mécanismes à l'oeuvre dans le cybermonde avec le « star-system ». Il y a énormément de possibilités mais une seule petite partie des films ou œuvres remportent un succès. Cela est se fait à cause du mimétisme : quand il y a trop d'information, on suit ce que les autre font. La diffusion de la culture et des normes occidentales se fait donc très vite. Cependant, il est parfois difficile de faire la part entre le monde réel et le monde rêvé. Conclusion : La démographie est de plus en plus forte et cela produit des problèmes d'alimentations. Cependant la multiplication des hommes permet la multiplication des idées et des découvertes. La prospérité matérielle s'est faite en Europe et se diffuse au monde. Elle semble être un cadeau inespéré mais qui ne résout pas tout. Les violences se reproduisent à l'échelle mondiale. Cependant, il n'y a pas qu répétition de l'histoire : le cybermonde est né.