Paul Sabatier Ju i n 2 0 0 9 M a g a z i n e s c i e n t i f i q u e - n u m é r o 16 Dossiers Les Nano-machines L’Evolution des Espèces Avec la participation de www.ups-tlse.fr Délégation Administration déléguée Midi-Pyrénées du CNRS Midi-Pyrénées, Limousin de l’Inserm édito Cinq ans déjà ! En juin 2004 est paru le premier numéro du magazine scientifique Paul Sabatier. Malgré quelques ajustements dans le format opérés au cours des premiers numéros, l’objectif est resté constant : faire connaître les résultats et les compétences des équipes de nos laboratoires. Le choix a été d’utiliser une forme d’écriture de bon niveau scientifique, mais compréhensible pour un lecteur non spécialiste. Le magazine s’est fait connaître par la qualité de ses dossiers scientifiques, qui permettent d’explorer une thématique, d’apporter les réponses des chercheurs à une question, de faire le point sur le niveau des connaissances dans un domaine donné. Au rythme de deux dossiers par numéro MAGAZINE UPS N° 16 — JUIN 2009 Illustration de couverture : Le propithèque à couronne dorée (Propithecus tattersali), espèce forestière menacée du nord de Madagascar. En surimposition une phylogénie des primates. (voir dossier ce sont 32 dossiers qui ont été publiés couvrant la presque totalité des champs disciplinaires de notre université. Accompagnant ces dossiers, les pages « vie des laboratoires » permettent de coller à l’actualité scientifique, en présentant des résultats significatifs qui ont donné lieu à des publications du plus haut niveau. Pour pouvoir diffuser le magazine dans les universités et institutions internationales, il a été décidé d’éditer une version en anglais, à partir du début 2008. Ce sont ainsi 600 exemplaires qui s’ajoutent aux 2000 exemplaires en langue française. Enfin, la possibilité d’accéder au magazine en ligne à travers le site web de l’UPS permet une large diffusion à tous les publics sur l'évolution des espèces). intéressés par la vie scientifique toulousaine. Directeur de la publication : Gilles Fourtanier Rédacteur en chef : Daniel Guedalia Comité de rédaction : Isabelle Berry Patrick Calvas Daniel Guedalia Guy Lavigne Fréderic Mompiou Aude Olivier Carine Desaulty (délégation Midi-Pyrénées du CNRS) Gaël Esteve (administration déléguée Midi-Pyrénées de l’Inserm) Conseillère de rédaction : Anne Debroise Diffusion : Joëlle Dulon Sachant que la presque totalité de nos laboratoires sont des unités mixtes, le magazine Paul Coordination dossiers scientifiques : Les nano-machines : Frédéric Mompiou L’évolution des espèces : Etienne Danchin Conception graphique et impression : Ogham-Delort 05 62 71 35 35 n°9100 dépôt légal : Juin 2009 ISSN : 1779-5478 Tirage : 2000 ex. Sabatier a souhaité rendre visible cette coopération entre établissements et organismes. Ainsi, une convention a été signée, dès les premiers numéros, avec la délégation régionale du CNRS et avec celle de l’Inserm. Cet accord permet au magazine de bénéficier des compétences du CNRS et de l’Inserm dans le comité de rédaction. Egalement, les enseignants-chercheurs de l’INP et de l’INSA appartenant aux unités mixtes participent activement au contenu de nos articles, malgré l’absence d’un accord formel avec ces deux établissements. Le magazine Paul Sabatier est bien la vitrine de la presque totalité des sciences, technologies et santé du site toulousain. Un anniversaire permet aussi de regarder le chemin parcouru et de féliciter le comité de rédaction de ce magazine pour son travail de qualité en l’encourageant à continuer dans cette voie. Le premier dossier présenté dans ce numéro traite des nano-machines. C’est un domaine particulier des nanosciences, qui nécessite une étroite collaboration entre spécialistes de la physique, de l’automatique et de la biologie. Domaine peu connu, dans lequel les équipes toulousaines sont parmi les meilleures au monde. Vous allez découvrir comment les chercheurs conçoivent des roues, des engrenages, des moteurs d’échelle nanométrique. Un vrai meccano utilisant les technologies les plus avancées. Fascinant ! Le deuxième dossier est consacré à l’évolution des espèces. Dans cette année Darwin, il nous a semblé intéressant de faire le point sur nos connaissances actuelles concernant les mécanismes de l’évolution. Si la génétique est devenue un outil incontournable, on verra qu’elle ne peut pas expliquer tous les modes d’évolution biologique. L’évolution fournit le cadre général à toute approche scientifique du vivant. De ce fait, ce thème majeur de l’étude du vivant joue un rôle structurant dans de nombreuses recherches à l’Université Paul Sabatier. Université Paul Sabatier 118, route de Narbonne 31062 Toulouse cedex 9 Je vous souhaite une agréable lecture… Gilles FOURTANIER Président de l’Université Paul Sabatier sommaire Dossier : Les nano-machines 4 Le prix international Amélia Earhart 12 Vie des laboratoires 14 - L’abus de fer Coup de chaleur sur l’océan La mission spatiale Biomass La biologie dans l’espace Les neurones… La sensibilité aux médicaments Dossier : 20 L’évolution des espèces Vos encouragements, vos critiques, vos suggestions, une seule adresse : [email protected] Vous pouvez consulter et télécharger ce magazine et les numéros antérieurs sur le site www.ups-tlse.fr (rubrique « diffusion des savoirs ») dOSSIER LES NANO-MACHINES Les nano-machines mécaniques Constituées d’une molécule unique ou d’un ensemble complexe de molécules parfaitement assemblées à l’échelle du nanomètre, les nano-machines réalisent des fonctions analogues aux machines mécaniques de notre échelle. Comprendre et maîtriser ces nano-machines est la motivation des chercheurs toulousains dans de nombreuses disciplines telles la biologie, la physique ou l’automatique. >>> Christian JOACHIM, directeur de recherche CNRS au Centre d'Elaboration de Matériaux et d'Etudes Structurales (CEMES, unité propre CNRS, associée à l’UPS), Laurence SALOMÉ, directrice de recherche CNRS à l’Institut de Pharmacologie et Biologie Structurale (IPBS, unité mixte UPS/CNRS) et Christophe VIEU, professeur à l’UPS, au Laboratoire d'Analyse et d'Architecture des Systèmes (LAAS, unité propre CNRS, associée à l’UPS). © Cyril Frésillon/CNRS De nos jours, la miniaturisation est omniprésente : voitures, hélicoptères, satellites, calculateurs, mémoires, téléphones…. Aujourd’hui on commence à construire des nano-machines dont les domaines d’application concernent des disciplines telles que la biologie, la physique, l’automatique… En fait, il y a bien longtemps qu’artisans puis ingénieurs s’évertuent à développer le savoirfaire d’une réduction en taille des machines pour nous faire bénéficier de ses avantages. On s’émerveille encore du calculateur astronomique d’Anticythère qui deux siècles avant notre ère faisait entrer un système solaire en miniature dans la maison du philosophe grec Hipparchus. Il était fait d’une trentaine d’engrenages en bronze chacun d’un diamètre de quelques centimètres. Transmis par la science arabe aux horlogers de la fin du moyen âge puis revisités par un Blaise Pascal pour sa machine à calculer mais aussi par les amoureux des automates, ces mécanismes miniatures ont longtemps tenu la technologie des machines sans trop se voir réduire en taille. La technologie monolithique inventée avec la micro électronique a ensuite donné une nouvelle impulsion à la miniaturisation des dispositifs électroniques et mécaniques. Il est devenu possible de fabriquer des engrenages en matériaux solides d’un diamètre inférieur à 100 nm. Du coup, une nouvelle question est apparue au début de ce siècle: à partir de cette échelle peut-on encore fabriquer et faire tourner des roues, assembler des trains d’engrenage ou des machineries mécaniques d’une taille encore plus petite ? De plus en plus petit Cette question intéresse bien sûr la technologie des machines puisqu’il est généralement admis page 4 que la réduction en taille d’une machine permet d’en améliorer le temps de réponse ou l’efficacité énergétique par rapport à une grande sœur non miniaturisée. Cette question interroge aussi les grands principes de la physique comme le principe de superposition de la mécanique quantique et le second principe de la thermodynamique. On sait aussi depuis le milieu des années soixante dix et grâce aux travaux précurseurs de Paul Boyer (Prix Nobel de chimie en 1997), que la Nature a devancé cette question. En effet, certains processus élémentaires de la vie d’une cellule utilisent des machineries macromoléculaires complexes en jouant sur des changements de conformation d’assemblages de protéines pour créer du mouvement. Un mot nouveau est donc apparu dans le vocabulaire scientifique : « nano-machine ». Pour les uns, une nanomachine est une machine dont la taille ne mesure que quelques nanomètres. Pour d’autres, une nano-machine est une machine miniature dont les pièces élémentaires sont fabriquées avec une précision de l’ordre du nanomètre. Les six contributions de ce dossier présentent des nano-machines répondant à ces deux définitions et qui sont explorées dans les laboratoires toulousains. Des systèmes et des approches variées A l’UPS, des équipes de biologistes ont disséqué le fonctionnement de plusieurs nano-machines du vivant à l’aide d’approches expérimentales in vitro novatrices à l’échelle de macromolécule, molécule unique. Ainsi, à l’Institut de pharmacologie et biologie structurale (IPBS, unité mixte UPS/CNRS), deux équipes travaillent à élucider les mécanismes de Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 Les nano-machines >>> Sur un fond représentant le calculateur d'Anticythère (IIème siècle avant notre ère, musée d'Athènes), quelques nano-machines (vue d'artiste). machineries de l’ADN responsables de sa réplication et de sa recombinaison, deux processus essentiels pour le maintien et l’évolution du génome. Pour l’étude de la réplication de l’ADN, les chercheurs analysent le résultat du travail effectué par cette nanomachine protéique dans la cellule en cartographiant individuellement les molécules d’ADN synthétisé. La méthode utilisée est le peignage moléculaire, mais une approche originale potentiellement plus performante est à l’étude en collaboration avec un chercheur du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS, unité propre CNRS, associée à l’UPS). Les machineries de la recombinaison sont elles étudiées au sein d’un deuxième groupe en collaboration avec des collègues du Laboratoire de Microbiologie et génétique moléculaires (LMGM, unité mixte UPS/CNRS). L’approche consiste cette fois à observer le travail effectué par la nano-machine impliquée en détectant au cours du temps les modifications induites sur la molécule d’ADN. Ceci est effectué à l’aide d’un « jokari » moléculaire : la technique de « Tethered Particle Motion ». Une variante de cet outil, la pince magnétique, permet d’étudier le comportement sous force des nano-machines biologiques. Elle est utilisée par une équipe du Laboratoire de biologie moléculaire eucaryote (LBME, unité mixte UPS/CNRS) pour élucider le mécanisme de migration d’une jonction de Holliday existant entre deux molécules d’ADN qui échangent leurs brins. Au LAAS, on étudie une machinerie protéique encore plus complexe faite d’une centaine de protéines assemblées en un moteur flagellaire de 45 nm de diamètre. Ce moteur naturel se trouve à la base du flagelle des bactéries et permet leur page 5 propulsion à des vitesses impressionnantes (60 fois leur longueur par seconde). L’objectif de ces chercheurs est double : comprendre le fonctionnement de ce nanomoteur et mettre en place une technologie capable de reconstituer cette nanomachine naturelle au sein d’un dispositif artificiel. Les chercheurs du LAAS étudient les raisons d’une telle efficacité et essayent de découvrir comment cette nanomachine s’auto-assemble. Pour comprendre son fonctionnement et son assemblage, rien de tel que d’essayer de la « remonter » à partir de ses rouages élémentaires : les protéines ! Au CEMES (unité propre CNRS, associée à l’UPS) les chercheurs du groupe Nanosciences (GNS) approchent la question des nano-machines par en bas. Au lieu de poursuivre, avec les outils standard de la miniaturisation, la fabrication de machines de plus en plus petites, ils partent des atomes eux même. Ils remontent en taille pour trouver le nombre d’atomes juste nécessaire à la construction par exemple d’un engrenage, d’une crémaillère ou même d’une voiture. Cette approche moléculaire des nano-machines est née à Toulouse. Pour faire fonctionner une moléculemachines, les chercheurs du GNS utilisent le microscope à effet tunnel. Dernier né des microscopes (inventé en 1981), il permet de cartographier la surface d’un métal ou d’un semi-conducteur avec une précision meilleure que 0.01 nm. Une fois la pointe de ce microscope fabriquée avec soin, l’expérimentateur peut manipuler un seul atome ou une seule molécule à la fois et donc fournir à une molécule machine complexe l’énergie nécessaire à son fonctionnement. Contact : [email protected], [email protected], [email protected] dOSSIER Les nano-machines Les nano-machines de la recombinaison génétique Au cours de la vie d’une cellule, l’ADN, support de notre patrimoine héréditaire, est régulièrement recombiné de manière spontanée ou en réponse à des dommages (agressions chimiques, rayonnements). La recombinaison consiste en une succession de réactions de coupure et de ligature assurées par des complexes protéiques, véritables nano-machines du vivant. En permettant des échanges entre brins d’ADN, ces machines sont les moteurs de la diversité génétique, premier pas de l’évolution. Sur le campus de l’université Paul Sabatier, trois équipes de recherche étudient différents types de recombinaisons génétiques à l’échelle de la molécule >>> de gauche à droite : Philippe ROUSSEAU Maître de conférences à l’UPS, au LMGM, unique : la transposition, la recombinaison spécifique de Mikhail GRIGORIEV, Chargé de recherche site et la recombinaison homologue, chacun catalysé par Inserm au LBME, Catherine Tardin, Maître de une machinerie enzymatique propre (suffixe -ase). conférences à l‘UPS à l’IPBS, François CORNET Les transposases catalysent le déplacement de Directeur de recherche CNRS au LMGM, séquences d’ADN d’une position à une autre d’un Michael CHANDLER, Directeur de recherche CNRS au LMGM et Laurence SALOMÉ, génome (transposition). Ces séquences colonisant tous Directeur de recherche CNRS à l’IPBS. les génomes (40% du génome humain), la compréhension du fonctionnement de ces machines, objectif des travaux d’une équipe du Laboratoire de microbiologie et génétique moléculaires (LMGM), est un enjeu majeur. En outre, la maîtrise in vitro du processus de transposition ouvre actuellement des applications importantes dans le domaine de la santé (thérapie génique). Les recombinases réalisent, quant à elles, des recombinaisons entre chromosomes au niveau de séquences bien identifiées. Par exemple, les recombinases XerC et XerD, étudiées dans une autre équipe du LMGM, séparent les chromosomes dans les dimères formés accidentellement lors de la réplication chez E. coli. Cette machine en rétablissant l’intégrité du génome assure la survie des bactéries affectées par cette anomalie génétique. Les propriétés et les performances des recombinases sont à la base des techniques actuelles de transgénèse. Les hélicases étudiées dans une équipe du Laboratoire de Biologie Moléculaire Eucaryote (LBME) s’assemblent pour former des moteurs de l’échange de brins entre deux >>> Le mouvement d’une bille attachée à l’extrémité libre d’une molécules d’ADN similaires. Ce molécule d’ADN permet de suivre l’action de nano-machines du processus de recombinaison vivant. Haut : une transposase ou une recombinase en rassemblant homologue, mis en place en réponse à deux sites spécifiques d’une même molécule y forment une boucle des cassures de la double hélice accompagnée par une amplitude de mouvement plus faible. Bas : une hélicase catalyse la migration de la jonction entre deux molécud’ADN, joue un rôle prépondérant les d’ADN échangeant leurs brins, révélée par une diminution contidans la réparation de l’ADN et le nue de l’amplitude du mouvement. maintien de l’intégrité des génomes. page 6 Observer les machines de recombinaison au travail La caractérisation de ces machines biologiques a commencé à l’aide de méthodes biochimiques classiques. Elles ont montré que les recombinaisons mettent en jeu différentes étapes savamment orchestrées et que l’autoassemblage de leurs machineries est déterminant pour leur efficacité et leur régulation. Pour élucider le détail structurel et dynamique des processus, nos équipes se sont récemment tournées vers des techniques de mesure à l’échelle de la molécule individuelle. La technique de Tethered Particle Motion, développée à l’IPBS, consiste à détecter le déplacement d’une nanoparticule fixée à l’extrémité d’une molécule d’ADN ancrée sur une lamelle de verre. Elle permet de suivre la dynamique de l’ADN et donc des changements de longueur, de rigidité ou de courbure. Très sensible, la technique peut détecter la liaison d’une protéine à l’ADN. Ces expériences ont conduit à des résultats importants comme la démonstration de la formation d’une boucle dans la molécule d’ADN par la transposase comme première étape de la transposition et la mesure de la vitesse de migration d’une jonction de Holliday (point d’échange des brins des ADN). Avec une particule micrométrique magnétique, une force (<10 pN ou 10-11Newton) peut être appliquée à l’ADN. Cette méthode dite « pince magnétique » est utilisée par l’équipe du LBME pour mieux comprendre l’hélicase mais aussi d’autres enzymes introduisant une torsion de l’ADN. Les chercheurs des équipes du LMGM et de l’IPBS complètent l’étude des recombinases et transposases par une visualisation directe de leur action sur des molécules d’ADN au moyen des microscopes à force atomique de la plateforme ITAV (Institut des Technologies Avancées en sciences du Vivant). Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 Les nano-machines Les nano-techniques pour visualiser la duplication de l’ADN L’essor récent de techniques permettant de visualiser la nano-machinerie de la réplication de fibres individuelles d’ADN ouvre de nouvelles perspectives. Objectif : mieux comprendre les liens entre défauts de réplication et instabilité génétique. Aurélien BANCAUD, Chargé de recherche CNRS au LAAS (unité CNRS, associée à l’UPS) >>> >>> Marie-Jeanne PILLAIRE, Chargé de recherche Inserm et Jean-Sébastien HOFFMANN, Directeur de recherche Inserm à l’IPBS (unité mixte UPS/CNRS) La machinerie de réplication de l’ADN est une nanomachine biologique particulièrement efficace et critique qui assure la duplication de l’ensemble du génome humain avant la ségrégation des chromosomes. Elle débute au niveau de régions précises appelées « origines de réplication » et progresse sous la forme de fourches de réplication, composées par de nombreux facteurs essentiels pour la polymérisation fidèle de l’ADN (les ADN polymérases) et pour la stabilisation de ces fourches en cas de rencontres d’obstacles endogènes (domaines chromosomiques complexes et structurés) ou exogènes (facteurs génotoxiques de l’environnement). La moindre défaillance dans l’expression ou l’activité des facteurs de réplication peut affecter le maintien de l’intégrité du génome et avoir des conséquences en pathologie humaine. C’est le cas notamment lors du développement de certains cancers où l’instabilité génétique est un élément moteur dans les processus d’initiation et de progression de la maladie, mais également dans les mécanismes de résistance thérapeutique. Les mécanismes moléculaires à l'origine de ces défauts de réplication dans les cancers restent encore mal connus. En effet, les profils de réplication varient considérablement d’une cellule à l’autre et les approches biochimiques existantes ne permettent d’obtenir qu’une image moyenne de la réplication dans une population de cellules. >>> (A) Fibres d’ADN peignées sur lame ayant incorporé des analogues de nucléotides fluorescents ; (B) Cliché de microscopie électronique de nano-canaux gravés dans du silicium. Les structures mesurent ~150 nm de largeur et de hauteur, et sont réalisées en parallèle. L'insert représente un cliché de microscopie à fluorescence d'ADN insérés dans les nanocanaux (flèches rouges), et d'autres ADN en forme circulaire, non contraints, sont visibles à gauche de la photo, et se trouvent dans des canaux d'arrivée macroscopiques. Peigner l’ADN L’essor récent de nano-techniques permettant de visualiser la réplication au niveau de fibres individuelles d’ADN ouvre de nouvelles perspectives pour la compréhension des liens existant entre défauts de réplication et instabilité génétique dans les cancers. Ces nouvelles approches permettent non seulement d’identifier l’origine des défauts de réplication dans les lésions précancéreuses, mais aussi de définir de nouvelles stratégies thérapeutiques anti-tumorales afin de potentialiser l'effet des traitements actuels agissant sur les fourches de réplication. La plus performante de ces approches, appelée page 7 peignage moléculaire (brevetée par le CNRS et l’Institut Pasteur), a été développée en France par le Dr. Aaron Bensimon, et n’est encore utilisée que par un nombre réduit d’équipes dans le monde, dont notre équipe « Instabilité Génétique et Cancer » (IGC) à IPBS. Le peignage moléculaire (ou DNA Combing en anglais) permet d’accrocher et d’étirer les fibres d’ADN sur une lame de verre silanisée. Une fois peignées, ces fibres individualisées, qui peuvent mesurer quelques Megabases (Mb), apparaissent linéaires et parallèles les unes aux autres. Leur visualisation est possible grâce à l’incorporation d’analogues de nucléotides fluorescents. D’une résolution de 0.005Mb environ, le peignage moléculaire de l’ADN permet de décrypter le programme de réplication (densité d’origines, cinétique des fourches,…). Cette technologie a récemment permis à notre équipe IGC d’expliquer une origine de la perturbation du programme réplicatif des tumeurs(1). Mettre de l’ADN dans des nano-tubes L’équipe Nano-Ingénieurie et Intégration des Systèmes au LAAS développe actuellement des aspects méthodologiques innovants, fondés sur les techniques de nano-fabrication et alternatifs au peignage. Grâce aux outils issus de la microélectronique, qui permettent de structurer la matière jusqu’à l’échelle de quelques nanomètres, il est en effet possible de concevoir des nano-capillaires d’environ 100 nm de diamètre. Compte tenu du confinement, les molécules d’ADN insérées dans ces nano-tubes sont étirées longitudinalement, d’une manière comparable au peignage d’ADN. Ce peignage strictement parallèle est dynamique car il ne nécessite pas de figer les molécules sur des surfaces, ce qui ouvre une voie vers des applications médicales à haut débit. (1) (Pillaire et al., Cell Cycle 2007, recommended article in Faculty of 1000 Biology) Contact : [email protected] Les nano-machines De la roue nanométrique aux véhicules moléculaires Dans l’histoire des inventions, la roue est à l'origine de développements scientifiques et technologiques considérables. Les chercheurs du CEMES ont été parmi les premiers à concevoir des nano-machines équipées de roues ouvrant ainsi la voie à la conception d'une nano voiture constituée d'une molécule unique. >>> Christian JOACHIM, directeur de recherches au CNRS ; Henri-Pierre JACQUOT, doctorant ; Gwénaël RAPENNE, maître de conférences à l'UPS, chercheurs au Centre d'Elaboration de Matériaux et d'Etudes Structurales (CEMES, unité propre CNRS associé à l’UPS). dOSSIER © Cyril Frésillon/CNRS page 8 L’utilisation du mouvement de rotation d’une roue autour d’un axe a conduit à la conception de machineries mécaniques à engrenages multiples puis, plus tard, aux moteurs lançant ainsi la révolution industrielle. L’échelle d’un nanomètre, la plus petite échelle pour créer une roue, représente aux yeux des chimistes et des physiciens un véritable défi. Depuis quelques années, les chimistes du CEMES travaillent à la conception puis à la synthèse de molécule-machines munies de roues. Étape par étape, ils ont été les premiers à défricher ce domaine avec leurs collègues de l'Université Libre de Berlin (équipe du Dr Leonhard Grill). L'originalité de l’approche consiste à travailler sur une seule molécule à la fois, choisie parmi un grand nombre, déposée sur une surface métallique. Avec sa pointe ultra fine stabilisée à moins de 1 nm de la surface par un courant électrique induit par l'effet tunnel, le microscope à effet tunnel (STM) cartographie ces molécules. Cette pointe permet ensuite de les manipuler une à la fois afin d’étudier les propriétés mécaniques de chacune de ces moléculemachines. La molécule brouette Après la synthèse et l’observation en 2005 d’une molécule-brouette (c'est à dire une molécule constituée d'un plateau rigide, de deux pieds et de deux roues), les chercheurs ont montré en 2007 qu’une des deux roues moléculaires montées sur un essieu pouvait tourner lors de son déplacement induit par la pointe du STM. Ils ont réussi à contrôler son sens de rotation ce qui ouvre la voie à la synthèse de nano-véhicules fonctionnels. L’expérience consistait à déposer délicatement ces molécules sur une surface de cuivre très propre et de les repérer par imagerie STM. Ensuite, la pointe du STM se comporte comme un doigt et déclenche le mouvement de rotation de la roue interagissant avec l'extrémité atomique de la pointe. Auparavant, cet apex avait été placé intentionnellement à la verticale d’une roue mais un peu en retrait pour déclencher le mouvement de rotation (voir la figure). >>> L'essieu terminé par deux roues est poussé par l'apex de la pointe (en gris) du microscope à effet tunnel sur une surface de cuivre. Vers une nano-voiture Ces roues ont néanmoins un défaut intrinsèque de par leur structure à trois pâles sans « pneu ». Aujourd’hui, les chercheurs du CEMES développent une nouvelle famille de roues rigides, circulaires et de forme incurvée ce qui permet à la fois de minimiser les interactions mécaniques avec la surface tout en augmentant la rigidité nécessaire à la rotation de la roue autour de son axe lors d’une poussée arrière par l’apex de la pointe. Ces résultats ouvrent la voie à la création de molécule-machines mécaniques avec pour objectif à long terme de pouvoir embarquer dans une seule molécule toute la machinerie d’une nano-voiture : ses quatre roues, son châssis et son moteur, ceci pour transporter de la matière dans le nanomonde. Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 Les nano-machines Une famille de moteurs moléculaires Bien que le principe de fonctionnement d’un moteur soit simple –transformer de l’énergie en mouvement– la conception d’un nano-moteur constitué d’une molécule unique est un défi sérieux. Les chercheurs du CEMES ont pourtant réussi à le relever en s’appuyant sur le modèle original du moteur électrostatique. >>> Gwénaël RAPENNE, maître de conférences à l'UPS et Jean-Pierre LAUNAY, professeur à l'UPS et directeur du laboratoire, chercheurs au Centre d'Elaboration de Matériaux et d'Etudes Structurales (CEMES, unité propre CNRS, associé à l’UPS). Dans le domaine des nanosciences et de la nanomécanique moléculaire en particulier, un des défis est la conception et la construction d’un moteur moléculaire de taille nanométrique. Il s'agit d'une machine qui transforme de manière continue l’énergie en produisant un travail via un mouvement de rotation unidirectionnel contrôlé. Ce mouvement doit être réversible et d’une amplitude suffisamment grande pour qu’il soit mesurable et exploitable. © Cyril Frésillon/CNRS. Moteur électrostatique Les moteurs que l’on a synthétisés ont été pensés pour être adressés individuellement. Le principe de fonctionnement implique de pouvoir connecter la molécule par deux nano-électrodes servant de réservoirs d’électrons comme représenté sur la figure. La molécule comporte une partie fixe (stator) greffée à la surface et une partie mobile (rotor) portant des sites oxydables. En présence d’une polarisation, l’électrode positive injecte à la partie mobile de la molécule des charges de même signe dont la répulsion avec l’électrode provoque un mouvement de rotation. Il s’agit ainsi d’un moteur électrostatique, fonctionnant sur un principe décrit par Benjamin Franklin en 1748 ! Le moteur tourne en consommant l’énergie provenant du transport des électrons d’une zone de bas potentiel électrique à une zone de haut potentiel. La dissymétrie du système permettra de contrôler le sens de rotation. Ces moteurs ont une structure générale en tabouret de piano. Ils sont composés d'une partie fixe (en noire sur la figure) liée de manière covalente à la surface. La seconde est une plateforme (bleue) terminée par cinq groupements électro-actifs. Ces groupements seront le siège de transferts d'électrons successifs qui induiront la rotation de la partie mobile de la molécule et ceci en privilégiant un sens donné. Entre ces deux parties, un atome de ruthénium joue le rôle de rotule conférant à cette molécule un caractère organométallique. page 9 >>> Une famille de moteurs moléculaires de quelques nanomètres de diamètre positionnée entre 2 électrodes métalliques fabriquées avec une résolution atomique Nous avons synthétisé plusieurs molécules de taille et de constitution différentes qui illustrent les différentes contraintes à respecter. Tout d’abord le système doit être le plus rigide possible, c’est à dire ne pas présenter de degrés de rotation inutiles, qui entraîneraient une déperdition d’énergie dans des mouvements non souhaités. Ensuite, il faut que la rotation soit aisée autour de l’axe vertical, mais sans qu’il y ait de tendance à la dissociation entre la partie fixe et la partie mobile. Enfin il faut que l'ensemble des potentiels rédox soient compatibles avec le processus souhaité. Plusieurs collaborations internationales sont mises en œuvre avec des équipes complémentaires de physiciens (à l'Institut Max Plank de Stuttgart et à l'Université d'Ohio) pour déposer et étudier cette rotation électroinduite. A plus long terme ces moteurs pourraient intégrer des robots nanométriques capables de remplir une grande variété de fonctions allant de la médecine aux applications quotidiennes ou bien motoriser les nanovéhicules que nous développons par ailleurs. Contact : [email protected] Les nano-machines Une crémaillère moléculaire avec sa molécule-pignon Pour développer des machineries moléculaires complexes, il est indispensable de maîtriser la mécanique à l’échelle moléculaire. Des expériences dans ce sens ont été effectuées de manière à faire déplacer un pignon sur une crémaillère moléculaire. >>> Christian JOACHIM, et André GOURDON, directeurs de recherche CNRS, membres du Groupe Nanosciences du CEMES (unité propre du CNRS, associée à l'UPS). © Cyril Frésillon/CNRS. La conception et la synthèse de molécules capables d'effectuer des actions mécaniques précises sont une des clés du développement de futures nanomachineries moléculaires complexes dont les pièces élémentaires auront un diamètre de l’ordre du nanomètre. Pour cela, il était d’abord indispensable de démontrer comment un mécanisme aussi simple qu’un pignon se déplaçant le long d’une crémaillère est réalisable à l’échelle moléculaire en utilisant une molécule-pignon d’un nanomètre de diamètre se déplaçant mécaniquement le long d’une crémaillère moléculaire. >>> A- Image STM d'un cristal 2D d'hexa-tert-butyl-pyrimidylpenta- Une molécule-pignon en forme d'étoile à six branches a d’abord été conçue puis synthétisée. Afin de pouvoir suivre ses rotations lors d’expériences de mécanique, une des branches est chimiquement différente des cinq autres avec deux atomes d'azote, en bleu sur le modèle moléculaire (voir figure). Ainsi, quand une image en microscope à effet tunnel (STM) de cette molécule est réalisée, cette branche est cartographiée avec un large contraste tunnel. On peut ainsi déterminer l'orientation de la molécule dans chaque image STM. Ces molécules sont aussi capables de s'auto-assembler sur une surface métallique ultra propre. Elles forment spontanément des ilots cristallins bidimensionnels composés chacun d'une monocouche parfaitement organisée de molécules, de véritables nano-cristaux de pignons. Les bords d’un de ces ilots cristallins et plats conservent la dentelure de la molécule qui le compose et vont donc servir de crémaillère. Une pointe pour déplacer la molécule L'expérience de mécanique moléculaire est réalisée de la manière suivante. 1) Une molécule-pignon isolée est préalablement manipulée par la pointe STM en direction de la crémaillère pour qu’au moins une de ses branches s’enclenche dans les dents moléculaires de la crémaillère. 2) La pointe du STM est alors placée à la verticale et dans l'axe d'une moléculepignon. 3) La pointe est approchée de la molécule pour devenir son axe de rotation. 4) La pointe est alors déplacée par l’expérimentateur, pas à pas, parallèlement à la crémaillère. La molécule-pignon page 10 phenylbenzène; une des molécules a été déplacée à l'aide de la pointe du microscope de façon à l'enclencher sur le bord de la monocouche, qui fait office de crémaillère B- Concept de la crémaillère; C- La présence des atomes d'azote, qui apparaissent comme des points blancs, permet de suivre la rotation de la roue dentée lors de son déplacement le long du bord de marche. se met à tourner autour de son axe au rythme des dents de la crémaillère rencontrées lors de son déplacement par le pignon. Cette rotation est observée soit dans le courant tunnel enregistré au cours du déplacement de la pointe STM soit en réalisant une image STM du pignon à chaque rotation d’un sixième de tour. Nous avons pu ainsi démontrer que le concept d'engrenage s’applique à l'échelle d’une molécule. Les mouvements mécaniques de la molécule-pignon autour de son axe sont en apparence classiques. Le sens de rotation du pignon est contrôlable par la direction du déplacement de la pointe le long de la crémaillère. Reste maintenant à remplacer la pointe du STM par un axe lui-même défini à l’échelle atomique et adsorbé sur la surface afin de construire un train de molécule-engrenages et poursuivre le montage de machineries moléculaires complexes. Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 Les nano-machines Le nano-moteur des bactéries à flagelles Les bactéries ont développé au cours de l’évolution une nano-machine complexe mais très efficace pour se déplacer : un moteur rotatif couplé à des flagelles servant d’hélice. Aujourd’hui les chercheurs du LAAS décortiquent et réassemblent cette machinerie à l’aide des outils de la nano-bio-technologie. >>> Jérôme CHALMEAU, doctorant et Christophe VIEU, Professeur à l’UPS, membres du groupe nanobiosystèmes du LAAS (unité propre CNRS, associée à l’UPS) Les micro-organismes, comme les bactéries ont développé des organes, appelés organelles, qui leur permettent de remplir toutes sortes de fonctions liées à leur survie. Ces organelles représentent de formidables assemblages moléculaires d’une complexité encore inaccessible à l’homme. Le système assurant la mobilité des bactéries comporte un moteur rotatif à la base du flagelle dont la dimension est 2000 fois plus petite que le diamètre d’un cheveu, et 45 fois plus petit que la bactérie elle-même. Ce flagelle fonctionne comme l’hélice d’un bateau, sa rotation rapide, de l’ordre de 10000 rotations par minute pour certaines espèces, permet à cet organisme de se déplacer à grande vitesse. La nature, au cours d’évolutions successives, a donc réussi à faire émerger des architectures moléculaires de nanomoteur rotatif. Le projet de l’équipe est double : d’une part comprendre son fonctionnement et d’autre part mettre en place une technique permettant de procéder à son assemblage à partir de ses constituants élémentaires, les protéines. En effet, le mécanisme de ce nano-moteur reste encore sujet à débat. Dans l’optique de comprendre son fonctionnement, nous utilisons les outils offerts par les nano-bio-technologies afin de réassembler, pièce par pièce, ce moteur sur des dispositifs artificiels. Assemblage du moteur biologique Cette approche, où la compréhension passe par la fabrication de l’objet soulève en corolaire une question scientifique cruciale : est-il possible de maîtriser l’assemblage de protéines sur des surfaces et de reconstituer des nano-machines naturelles ? La figure montre une image de synthèse d’un possible arrangement des différentes parties du nano-moteur (rotor, stator), ainsi qu’une image obtenue en microscopie à force atomique (AFM) en milieu liquide de l’un des anneaux de ce nanomoteur (l’anneau M) reconstitué sur une surface mimétique obtenue par nanolithographie douce. Ces premiers résultats ouvrent la voie pour la mise au point d’outils et de technologies permettant de reconstruire des nano-machines biologiques naturelles et de les intégrer au sein de nanodispositifs artificiels (biocapteurs, nanotransporteurs …). Le montage artificiel de ce moteur biologique, bloc après bloc est un défi technologique ambitieux qui couple différentes techniques qui se situent au meilleur niveau international : production et purification de protéines, chimie de surface et auto-assemblage, nano-lithographie et imagerie dynamique à l’échelle moléculaire par AFM. Ce travail est fait en collaboration avec le LISBP (INSA Toulouse) et l’IPBS (unité mixte UPS/CNRS). Contact : [email protected] >>> A droite, image de synthèse de l’architecture du nanomoteur flagellaire des bactéries. Base du flagelle et rotor en gris, Stator (en bleu sombre et en orange), anneau C (bleu clair) responsable du changement du sens de rotation du moteur. A gauche, image en microscopie à force atomique en milieu liquide de l’auto-assemblage en anneau de protéines issues du nanomoteur flagellaire des bactéries (protéines FliG) sur une surface mimétique préparée par nanolithographie douce sur une lame de verre. page 11 Prix international Quatre doctorantes de laboratoires par le prix international Amélia Ce prix, décerné chaque année par le Zonta International(*), est convoité mondialement. Il récompense des jeunes femmes pour l’excellence de leurs travaux en sciences et ingénierie liés au domaine aéronautique et spatial. À l’image de cette pionnière de l’aviation qui fut la première femme à traverser l’Atlantique en 1932, les lauréates du prix « Amelia Earhart » sont sélectionnées par un jury scientifique international pour des travaux de recherche à caractère innovant et prometteur. Ce prix représente un enjeu de taille pour les candidates puisqu’il leur permet de recevoir, chacune, 10 000 $ US. Pour l’année universitaire 2008-2009, le Prix Amelia Earhart a permis de distinguer, parmi 180 candidates de toutes nationalités, 35 jeunes étudiantes en thèse ou PhD. Céline Casenave, de nationalité française, entre en 2006 au LAAS(1) après un Master recherche à Supaéro. Cette formation lui permet d’acquérir une solide formation en mathématiques appliquées mais aussi d’effectuer un stage dans le domaine de l’automatique. Aujourd’hui en 3ème année de thèse, elle travaille sur la «formulation diffusive d’équations opérationnelles et application à certains problèmes dynamiques non linéaires ». Elle obtient des résultats significatifs concernant le problème fondamental d’« inversion opératorielle », résultats qu’elle a, par ailleurs, commencé à appliquer avec succès en situation concrète pour la simulation et l'identification de certains modèles en © Cyril Frésillon/CNRS. aéroacoustique et combustion. Elle bénéficie d’une allocation de recherche du Ministère et participe à l’enseignement, grâce à ses fonctions de monitrice à l’Université Paul Sabatier. (1) Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (unité CNRS, associée à l’UPS) Benedetta Franzelli, de nationalité italienne, est actuellement en 2ème année de thèse en combustion au CERFACS(2) de Toulouse. C’est avec une solide formation en calcul scientifique pour la dynamique des f luides acquise en Italie qu’elle arrive au CERFACS en 2008. Sa thèse est entièrement financée par une bourse obtenue dans le cadre du projet Européen Marie Curie ECCOMET. Ses travaux de recherche portent sur la simulation numérique aux grandes échelles des chambres de combustion des turbines à gaz. C’est grâce à la simulation numérique que l’on peut envisager de modéliser et d’étudier le comportement de chambres de combustion complexes et difficilement étudiables par des expériences. © Cyril Frésillon/CNRS. (2) Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique (société civile entre le CNES, EADS, EDF, Météo-France, l’ONERA, SAFRAN et TOTAL). page 12 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 Prix international toulousains récompensées Earhart 2009 du Zonta Elsy Kaddoum, de nationalité libanaise, est en première année de thèse à l’IRIT(3), dans l’équipe « systèmes multi agents coopératifs ». C’est lors d’un projet réalisé pendant son année de Master qu’elle rencontre cette équipe reconnue mondialement, et qu elle décide d’y effectuer son stage de fin d’étude. Attirée par la résolution de problèmes complexes tels que la conception aéronautique elle obtient à la fin de son Master, une allocation du Ministère et intègre l’IRIT en tant que doctorante. Ses travaux de recherche portent sur l’optimisation sous contraintes des problèmes distribués par auto-organisation coopérative. Le but de sa thèse est de pouvoir analyser et évaluer la complexité de ces problèmes ainsi que les méthodes de résolution spécifiques existantes, afin d’établir une approche © Cyril Frésillon/CNRS. générique de résolution basée sur les systèmes multi-agents auto-organisateurs. (3) Institut de recherche en informatique de Toulouse (unité mixte CNRS/UPS/INP/UT1/UTM) Aurélie Vande Put, de nationalité française, est en 3ème année de thèse à l’Institut Carnot CIRIMAT(4) dans l'équipe Mécanique, microstructure, oxydation, corrosion (MEMO). Elle arrive au CIRIMAT en 2006 à la suite d’une candidature spontanée. Elle recherchait avant tout une thèse sur les matériaux dans un laboratoire du CNRS et qui soit en relation avec un industriel. Ses travaux de thèse, financée en partenariat par le CNRS et la société TURBOMECA, concernent les relations entre les paramètres d’élaboration de systèmes de barrières thermiques, cinétique d’oxydation, évolution microstructurale et écaillage. (4) Centre d'Elaboration de Matériaux et d'Etudes Structurales (unité mixte CNRS/UPS/INP) © Cyril Frésillon/CNRS. Rédaction faite par Audrey Morazin (*) Le ZONTA INTERNATIONAL, club féminin présent dans 68 pays, oeuvre pour améliorer l’autonomisation des femmes en agissant sur le développement de leur statut légal, juridique et social, leur accès à la culture, à l’éducation et à la santé. Depuis 2008, une convention lie le Zonta à la Fondation toulousaine « Sciences et technologies pour l’aéronautique et l’espace » (STAE) du RTRA du même nom, pour assurer la promotion de ce prix. Pour en savoir plus : www.zonta.org et www.fondation-stae.net page 13 Vie des laboratoires Vie des laboratoires Le fer, une molécule à consommer avec modération >>> Marie-Paule ROTH, Directrice de recherche INSERM (à droite) et Helene Coppin directrice de recherche Inserm (à gauche) avec leur équipe du centre de physiopathologie de Toulouse Purpan, (CPTP, unité mixte Inserm / Université Paul Sabatier) Beaucoup de compléments alimentaires sont riches en fer, pourtant notre organisme n’en nécessite que très peu pour fonctionner. Trop de fer est même toxique comme peuvent en témoigner les 180 000 français atteints d’hémochromatose. Une équipe toulousaine vient de découvrir la molécule régulant l’absorption de ce nutriment essentiel(1)…mais à consommer avec modération. Entretien avec Marie Paule Roth du CPTP. ➜ En quoi le fer est-il un nutriment particulier ? Le fer est indispensable à la synthèse de l'hémoglobine des globules rouges ainsi qu’à de très nombreux processus cellulaires tels que le transport de l’oxygène ou la respiration. Il s'agit donc d'un élément vital pour l’organisme. Sa carence ou au contraire son excès sont à l’origine de graves maladies. Le fer est absorbé dans l’organisme par les cellules intestinales. Cependant l’organisme ne peut pas le rejeter. L’absorption doit donc être régulée en fonction des besoins pour éviter que ne s’installe une surcharge en fer potentiellement toxique. ➜ En quoi consiste l’hémochromatose ? Qui est concerné ? C’est la maladie génétique la plus fréquente et touche près de 180 000 français. Elle est plus répandue que mucoviscidose, phénylcétonurie et dystrophie musculaire réunies. Elle provoque une forte surcharge en fer dans l’organisme. En l’absence de prise en charge adaptée, elle conduit dans la majorité des cas à l’apparition de lésions hépatiques sévères. ➜ Qu’est-ce qui vous a mené à cette découverte ? En 2001, des chercheurs de Rennes et de Paris ont découvert le rôle de l’hepcidine, une molécule produite par le foie lorsque la quantité de fer dans l’organisme devient trop importante. L’hepcidine est véhiculée par >>> L’absence de BMP6 chez la souris (à droite) entraîne une augmentation très importante la circulation de la ferroportine (en brun) dans les cellules intestinales. sanguine et va, La porte d’entrée du fer dans l’organisme est grande ouverte. dans l’intestin, page 14 bloquer la ferroportine, porte d’entrée du fer dans l’organisme. Cependant la synthèse de cette protéine demeurait un mystère. Notre équipe vient de trouver la molécule qui permet cette synthèse. Il s’agit de la molécule BMP6 que l’on pensait jusqu’ici à tort impliquée dans le développement du squelette (BMP pour Bone Morphogenetic Protein). Nous avons tout d’abord trouvé, par l’analyse de puces à ADN, que la synthèse de BMP6 augmente lorsque les stocks en fer de l’organisme sont trop élevés et au contraire diminue en cas de carence en fer. Nous avons ensuite montré qu’en l’absence de BMP6, les souris sont incapables de produire de l’hepcidine, et par conséquent que la porte d’entrée du fer dans l’organisme ne peut plus être bloquée. Cette dernière restant grande ouverte, le fer s’engouffre, provoquant surcharge massive et lésions. ➜ Peut-on déjà envisager une nouvelle thérapie ? Si la protéine BMP6 est indispensable pour adapter l’absorption du fer aux besoins réels de l’organisme, nous envisageons déjà les applications thérapeutiques à venir. Basées sur cette découverte, sur le rôle de BMP6, elles pourraient permettre aux personnes atteintes d’hémochromatose un espoir de développer un traitement autre que la saignée qui reste encore à l’heure actuelle la seule thérapie. (1) : Meynard D, Kautz L, Darnaud V, Canonne-Hergaux F, Coppin H, Roth MP. Lack of bone morphogenetic protein BMP6 induces massive iron overload. Nature Genetics 2009, 41: 478-481. Propos recueillis par Gaël Esteve Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 Vie des laboratoires Coup de chaleur sur l’océan Pacifique tropical Une équipe d’océanographes du LEGOS, en collaboration avec des chercheurs américains de la NOAA et de l’université de Miami, ont découvert que depuis 1955 les couches superficielles du Pacifique tropical Ouest se sont réchauffées et dessalées(1). Découverte importante, dans une région qui pilote des phénomènes régulateurs du climat comme El Niño. Entretien avec Sophie Cravatte, chargée de recherche IRD au LEGOS. ➜ Pouvez-vous rappeler le rôle de la « warm pool » dans les échanges de chaleur ? Avec une température des eaux supérieure à 28.5°C sur une surface grande comme 17 fois la France et environ 100 m de profondeur, la « Warm Pool » représente le plus grand réservoir d’eaux chaudes de la planète, et une source importante d’humidité pour l’atmosphère. Elle joue un rôle majeur dans le phénomène climatique ENSO (El Niño Southern Oscillation) >>> Sophie CRAVATTE, chargée de recherche IRD et Thierry DELCROIX, directeur de recherche IRD, tous les deux au LEGOS (unité mixte UPS/CNRS/CNES/IRD) ➜ Quels moyens avez-vous utilisé pour mettre en évidence l’évolution des températures et salinités? Pour les températures, nous avons utilisé deux produits de compilation de différentes données in situ et satellitaires, réalisés par des centres de recherche européens et américains. Pour les salinités, nous avons compilé nous-mêmes toutes les données in situ disponibles, dont une grande partie provient des mesures réalisées par les navires marchands sélectionnés par le système d’observation SSS, labellisé par l’INSU et sous la responsabilité de l’Observatoire Midi-Pyrénées de l’UPS. ➜ Quels sont les points importants de vos résultats ? Nous avons montré qu’en 50 ans la Warm Pool s’était réchauffée en moyenne de 0.29°C et déssalée. Sa taille a beaucoup augmenté. Par exemple, l’aire couverte par des eaux de température supérieure à 29°C a doublé en 50 ans, et il est maintenant fréquent d’observer des poches d’eaux dont la température dépasse les 30°C. La Warm Pool s’est aussi approfondie d’une dizaine de mètres. ➜ Peut-on connaître ce qui a déclenché ce réchauffement et cette dessalure ? L’ensemble du Pacifique tropical s’est réchauffé, et si nous ne le prouvons pas dans cette étude, il est probable que ce réchauffement soit lié au changement climatique global observé actuellement. Quant à la dessalure, nous suggérons qu’elle indique une augmentation de l’humidité atmosphérique au dessus page 15 >>> Tendance linéaire de la température (en °C) et de la salinité (en pss, échelle pratique de salinité) des eaux de surface du Pacifique Tropical Ouest entre 1955 et 2000, par 50 ans. des eaux chaudes due au réchauffement qui se traduit par des précipitations plus importantes dans la warm pool sous l’effet de la circulation atmosphérique. Nous suggérons donc que le cycle hydrologique s’est intensifié, avec plus de précipitations dans les zones humides et plus d’évaporation (et moins de précipitations) dans les zones sèches. ➜ Quelles seront les conséquences prévisibles de cette découverte ? C’est difficile à anticiper car l’océan et l’atmosphère constituent un système couplé complexe. Il est probable que l’extension de la Warm Pool affectera le phénomène ENSO et modifiera les échanges océanatmosphère. Cependant, d’autres changements, comme une modification de la circulation atmosphérique moyenne, pourraient contrebalancer les effets de cette extension et doivent être pris en compte. Notre étude ne fait donc que commencer. (1) : Cravatte S. et al., 2009 : Observed freshening and warming of the western Pacific Warm Pool. Climate Dynamics Propos recueillis par Daniel Guédalia Contacts : [email protected] et [email protected] Vie des laboratoires La mission spatiale BIOMASS : suivre des stocks et flux de carbone labos Une nouvelle mission spatiale appelée BIOMASS a été pré-sélectionnée par l’Agence Spatiale Européenne (ESA) en mars 2009. Cette expérience, initiée par un laboratoire toulousain permettra de suivre les flux et stocks du carbone à l’échelle planétaire. Entretien avec Thuy Le Toan, chercheur au CESBIO (unité mixte UPS/CNRS/CNES/IRD). >>> Thuy LE TOAN, chercheur CNRS au Centre d’études spatiales de la biosphère (CESBIO, unité mixte UPS/CNRS/CNES/IRD) ➜ Quel est l’objectif de la mission BIOMASS ? La mission mesurera la distribution spatiale et la dynamique de la biomasse forestière, liée à la déforestation et à la croissance des arbres, afin d’améliorer les estimations des stocks et flux de carbone à l’échelle du globe. ➜ Quel instrument sera utilisé ? BIOMASS embarquera un radar à synthèse d’ouverture (SAR, Synthetic Aperture Radar) qui travaillera dans la plus grande longueur d’onde possible depuis l’espace, (68 centimètres, soit la bande P, de 432 à 438 MHz en fréquence). Il offrira une résolution spatiale de 50 à 100 mètres et une répétitivité de l’ordre de 25 jours. Actuellement disponible en version aéroportée, ce type d’instrument, qui n'a encore jamais été mis en orbite, constitue un défi technologique qui motive fortement les industries spatiales, dont Thales Alenia Space à Toulouse. ➜ Vous travaillez sur ce projet depuis 2005. Quel a été le cheminement ? L’idée de l’utilisation d’un radar embarqué sur satellite pour mesurer la biomasse a vu le jour dans les années 90, lors d’une expérience que nous avons menée sur la forêt des Landes avec un radar aéroporté multi fréquences de la NASA. Nous avons démontré que la biomasse forestière peut être mesurée par un radar bande P. Or à cette époque, il n’y avait pas de fréquences allouées dans cette bande pour l’observation de la terre depuis l’espace. Il a fallu attendre jusqu’à juin 2003 pour enfin obtenir l’allocation de cette bande de fréquence. Le projet déposé en 2005, suite à ce déblocage, est fondé sur les expériences du passé, mais bénéficie de grandes avancées technologiques et scientifiques récentes dans la communauté internationale. En 2006, BIOMASS a été classé premier sur les 25 projets déposés. En mars 2009, à l’issue de la phase 0, le projet est sélectionné pour la phase A. page 16 Les travaux sont actuellement intensifiés pour consolider la mission. Dans ce cadre, nous allons faire une expérience sur la Guyane. Il s’agit de l’expérience TropiSAR prévue en août 2009, financée par l’ESA et le CNES, et conduite par le CESBIO, le laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB, unité mixte UPS/CNRS), et l’ONERA. TropiSAR impliquera en outre 11 autres équipes françaises dans la phase d’exploitation, et plusieurs laboratoires en Europe. ➜ Pourquoi BIOMASS permettra de pallier à un manque dans ce domaine ? La biosphère continentale, son état, sa dynamique, son évolution, est l’élément le moins bien compris du cycle du carbone global. Or, pour mieux comprendre le rôle de la biosphère dans l’évolution du climat, il est essentiel de quantifier correctement la distribution géographique et la dynamique des puits et sources de carbone. Pour les estimer avec précision il faut une meilleure évaluation de la biomasse forestière, et cela avec une bonne répétitivité et à l’échelle du globe. Seuls les satellites peuvent assurer un tel suivi alors que l’on ne dispose actuellement que de mesures locales. Par ailleurs, la quantification des puits et sources de carbone par BIOMASS est un enjeu économique important des années à venir, suite à la mise en place du processus REDD (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation), annexé à la convention Climat de l'ONU. ➜ A quelle date est prévu le lancement ? Le lancement est prévu en 2016, si le projet est retenu pour la phase B en 2011. Propos recueillis par Daniel Guedalia Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 Vie des laboratoires De la biologie végétale dans l’espace Sélectionnée par le Cnes, l’expérience « Gravigen » menée par une équipe du Laboratoire des Surfaces Cellulaires et Signalisation chez les Végétaux (LSCSV, unité mixte CNRS-UPS), va analyser l’influence des forces gravitationnelles sur l’expression des gènes des plantes. Cette expérience a été réalisée avec succès grâce à une coopération internationale entre l’Europe, les Etats-Unis et la Russie. Entretien avec Annick Graziana, professeur à l’UPS et responsable du projet. >>> Annick GRAZIANA, professeur à l’UPS, membre du LSCSV (unité mixte UPS/CNRS) ➜ Quel est l’objectif de cette expérience ? La gravité a façonné, pendant des millions d'années, les organismes vivants que nous connaissons sur Terre. La démarche scientifique consiste donc, pour mieux connaître un système, à étudier les conséquences de son exclusion. Cette expérience spatiale avait pour objectif d'essayer de décrypter l'influence de la gravité sur le développement des plantes. ➜ Comment votre projet a réussi à être sélectionné dans le laboratoire Columbus ? En répondant à un appel d'offre du CNES dans le cadre de projets de biologie spatiale. ➜ Quelles ont été les principales difficultés pour intégrer la station ISS ? Répondre à des critères très précis imposés pour les expériences spatiales. Les chambres de culture doivent permettre à la fois la culture des plantes et répondre au cahier des charges du dispositif expérimental Kubik présent dans l'ISS : miniaturisation des chambres de culture, limitation du « temps astronaute ». La taille et le poids du matériel embarqué pour réaliser l’expérience doivent rester compatibles avec la charge acceptée pour l'acheminement vers la station spatiale avec la fusée Soyouz russe. Opportunité de vol en phase avec la disponibilité de l'instrument présent dans le laboratoire spatial pour y réaliser l'expérience. >>> Casettes contenant les chambres de culture. ➜ Pouvez-vous décrire l’expérience dans l’espace ? Des graines de colza sont orientées et fixées sur un support papier et introduites dans une chambre de culture de taille inférieure à celle d’un paquet de cigarettes qui contient un réservoir d'eau pour l’hydratation et la germination des graines dans l’espace et un réservoir de fixateur pour stopper l’expérience. Chaque chambre de culture pré programmée est introduite dans l'instrument Kubik ou sera réalisée l'expérience. L'hydratation automatique permet la germination des graines. page 17 >>> Retour de l’expérience le 7 avril 2009 dans la capsule habitable avec les cosmonautes de Soyouz. Après 44 h de croissance dans l'obscurité, les jeunes plantes sont immergées dans le fixateur chimique compatible avec le maintien de l'intégrité des ARNm qui seront utilisés ensuite pour mesurer le niveau de transcrits. Les chambres de culture sont ensuite ramenées sur terre dans la capsule du Soyouz et le matériel végétal est récupéré pour être analysé. ➜ A quelle date l’expérience est revenue sur Terre ? L'expérience a été lancée de Baïkonour, mission Soyouz, le 26 mars 2009 et est revenue dans les plaines du Kazakhstan le 7 avril 2009. ➜ Qu’attendez-vous du dépouillement des échantillons ? Des expériences préliminaires au sol à l'aide d'un clinostat qui permet de recréer une micropesanteur simulée, ont permis de sélectionner un certain nombre de gènes dont l'expression est affectée par la force gravitationnelle. Notre objectif est de rechercher si ces mêmes gènes voient leur expression effectivement modifiée en micropesanteur dans l'espace. Propos recueillis par Daniel Guedalia Contact : [email protected] Vie des laboratoires De nouveaux neurones mettent à jour les souvenirs Pas facile de retrouver sa chambre d’étudiant lorsqu’on a quitté l’université il y a 30 ans… Mais une fois cette chambre retrouvée, on y retourne aisément le lendemain. Pour cela, le cerveau sollicite de nouveaux neurones, nés une semaine avant la mémorisation de cette information. C’est ce que viennent de démontrer, sur des souris, des chercheurs du CRCA, en collaboration avec un chercheur du Centre de neurosciences intégratives et cognitives de Bordeaux. Claire Rampon, responsable de l’étude au CRCA répond à nos questions. >>> Claire RAMPON, chargée de recherche CNRS au Centre de recherche sur la cognition animale (CRCA, unité mixte UPS/CNRS) >>> “Une souris qui a appris l’emplacement de la plateforme lui permettant d’échapper à l’eau de la piscine est capable d’y retourner un mois après l’apprentissage.” © CNRS/Cyril Frésillon page 18 ➜ Votre recherche concerne le cerveau et la mémoire. Dans quel contexte vous êtes-vous plus particulièrement intéressée aux nouveaux neurones ? Cet intérêt en terme de recherche scientifique est relativement récent puisque ce n’est qu’en 1998 que l’on a démontré que le cerveau des mammifères adultes (dont l’homme), pouvait produire de nouveaux neurones dans certaines régions. Cette découverte d’une nouvelle forme de plasticité cérébrale allait à l’encontre d’un dogme établi depuis de nombreuses années selon lequel la neurogenèse chez les mammifères était exclusivement un processus péri-développemental et que le cerveau ne pouvait en aucun cas se renouveler. Notre équipe s’intéresse en particulier aux liens qui existent entre les nouveaux neurones qui naissent dans l’hippocampe d’un cerveau déjà adulte et les processus de la mémoire. ➜ Comment avez-vous fait cette découverte et quel en est l’intérêt majeur ? Depuis dix ans, des études ont fourni des arguments corrélatifs en faveur d’un rôle des nouveaux neurones dans certains processus de la mémoire. Par exemple, si l’on stimule la naissance de ces nouveaux neurones, on améliore les performances de la mémoire, en particulier la mémoire spatiale. Nous avons voulu aller plus loin et examiner la fonction précise de ces nouveaux neurones dans les processus mnésiques. Pour cela, nous avons étudié dans quelles situations les nouveaux neurones étaient utilisés dans le cerveau de souris. Stéphanie Trouche, doctorante dans l’équipe, a élaboré une technique de triple marquage pour visualiser les nouveaux neurones qui sont activés lorsque l’animal se souvient. Les souris ont été entraînées à nager dans une piscine où la seule possibilité d’échapper à l’eau consistait à monter sur une plateforme cachée sous la surface de l’eau. Placées dans l’eau à des points de départ variables, elles apprennent au fur et à mesure le plus court chemin pour rejoindre cette plateforme. Un mois plus tard, nous les avons remises dans la piscine et nous avons observé leur cerveau après qu’elles aient retrouvé la position de la plateforme. C’est alors que nous avons constaté que pour se souvenir de cette position, la souris utilise les neurones nés un mois auparavant. Ces nouveaux neurones servent à mettre à jour et à renforcer la mémoire spatiale formée lors de l’apprentissage un mois avant. ➜ Quelles perspectives apporte ce résultat ? Nos données nous éclairent sur la fonction des nouveaux neurones qui continuent à naître au cours de la vie adulte. De ce fait, notre découverte ouvre des perspectives thérapeutiques, notamment dans le contexte des maladies dégénératives comme celles d’Alzheimer ou de Parkinson. En effet, on pourrait imaginer un jour stimuler la naissance de ces nouveaux neurones dans un cerveau humain malade, de façon à combler les pertes neuronales liées à la pathologie et peut-être restaurer des fonctions cérébrales affectées. En dehors des situations pathologiques, nous souhaiterions aussi savoir ce que deviennent les souvenirs codés par les nouveaux neurones lorsque ceux-ci meurent ? De nombreuses questions restent encore en suspens, il faut donc développer de nouvelles techniques pour y répondre… Et être patient : cette découverte sur les nouveaux neurones est le fruit d’un travail de quatre ans, une belle thèse ! Propos recueillis par Audrey Morazin Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 Vie des laboratoires La sclérose en plaques (SEP) et la médecine personnalisée : diagnostic et thérapeutique Un résultat récent(1) obtenu par une équipe du CPTP ouvre de nouvelles perspectives dans l’étude de la sensibilité de cette maladie à un traitement donné. Entrevue avec David Brassat, un des responsables de l’étude. >>> David Brassat, Professeur universitairehospitalier (PU/PH) et son groupe de recherche « biomarqueurs et traitement de la SEP » au centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (CPTP, unité mixte UPS/Inserm). ➜ Quels sont vos axes de recherche ? Il existe dans l’étude de la SEP 3 axes différents. La susceptibilité génétique à la maladie, la susceptibilité à la sévérité de la maladie, la susceptibilité à la réponse au traitement. Dès la naissance, on est plus ou moins prédisposé à répondre aux médicaments. On sait en effet que la réponse est influencée par la génétique. Enfin je travaille sur l’épigénétique. Cette dernière rassemble la transmission de caractères non liés à l’ADN. ➜ Votre axe principal de recherche est la pharmacogénétique ? Mon axe principal est la pharmacogénétique ou plutôt la pharmacogénomique, celle-ci, plus large, englobe les biomarqueurs qui sont eux, influencés par la maladie contrairement à la génétique, complètement invariable. Ainsi, si l’ADN se limite à la pharmacogénétique, l’ARN entre dans le champ de la pharmacogénomique. ➜ Quelle est l’utilité d’un biomarqueur ? Actuellement quand on choisit un traitement, les critères ne sont ni consensuels ni parfaits. Ils ne sont pas non plus basés sur l’étude de la maladie, par exemple la SEP implique souvent les lymphocytes T mais cela peut parfois être les lymphocytes B. Les médicaments quant à eux deviennent de plus en plus ciblés, souvent des anticorps monoclonaux. Il reste donc à déterminer pour chaque patient quel traitement utiliser en fonction de la pathogénie de la maladie. Par ailleurs, la susceptibilité génétique n’est pas prise en compte. Il faut donc utiliser des biomarqueurs pour choisir un traitement. Nos gènes d’intérêt sont les gènes de la voie de signalisation des interférons de type I. On effectue la même procédure avec l’ARN, qui est plus proche du mécanisme de la maladie. On cherche à savoir quels sont les profils de gènes exprimés. C’est un travail statistique. D’où l’importance du médecin/chercheur, car il n’y a pas de critères établis pour la limite réponse/non-réponse, et c’est donc au médecin de la définir par des observations telles que le nombre et la force des poussées… J’ai obtenu un résultat préliminaire, aujourd’hui breveté(2) dans le cadre d’une étude de patients pyrénéens à Barcelone, Pampelune et Toulouse. On travaille de plus sur un programme hospitalier de recherche national de 1000 patients. On effectue le traitement et on note les résultats 5 ans plus tard. Cela justifiera, je l’espère, l’utilité des biomarqueurs. ➜ Où en sont les traitements ? Actuellement, on utilise 3 lignes de médicaments contre la SEP. En première ligne, les immunomodulateurs, en deuxième le natalizumab (Tysabri) qui agit pour empêcher les lymphocytes de franchir la barrière hémato-encéphalique et finalement des immunosuppresseurs. L’efficacité de ces 3 lignes de traitements évolue dans le même sens que les effets secondaires. En conclusion, il est raisonnable d’espérer qu’avec les biomarqueurs, nous puissions trouver pour un patient donné quel est le traitement qui possède le meilleur rapport bénéfice/risque. C’est se diriger vers la médecine personnalisée. (1) Couturier N and al., 2009 : IFIH1-GCA-KCNH7 locus is not associated with genetic susceptibility to multiple sclerosis in French patients. European Journal of Human Genetics. (2) Le brevet porte sur le rôle de polymorphisme du gêne >>> Sclérose en plaques, les cellules en rouge sont en train de mourir. Astrocytes exposés au facteur glycotoxique. © Inserm, Rieger F. ➜ Où en êtes-vous dans ces recherches ? Nous collectons des cohortes de patients dont nous déterminons la qualité de la réponse à un traitement. Puis nous recherchons des polymorphismes de gènes qui pourraient expliquer, au moins partiellement, les différences de réponses. page 19 OAS1 comme marqueur de la réponse au traitement par interferon beta dans la sclérose en plaques. Propos recueillis par Gaël Esteve Contact: [email protected] L’ÉVOLUTION DES ESPÈCES L’évolution un cas d’espèces Comme l’a formulé très justement Dobzhansky en 1973(1) « rien en biologie n’a de sens si ce n’est à la lumière de l’évolution ». Autrement dit, l’évolution fournit le cadre général pour toute approche scientifique du vivant. De ce fait, l’évolution est un thème majeur de l’étude du vivant et à ce titre ce concept joue un rôle structurant dans de nombreuses approches sur le vivant à l’Université Paul Sabatier. >>> Etienne DANCHIN, directeur de recherche CNRS, membre du Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB, unité mixte dOSSIER UPS/CNRS/ENFA). Aujourd’hui les approches évolutionnistes changent très rapidement, à tel point qu’il est tout à fait possible que plus tard, lorsque les historiens des sciences regarderont notre période, ils aient tendance à utiliser des mots forts comme par exemple ‘révolution’ pour décrire la période que nous vivons. Ces changements ont deux origines à la fois différentes et en même temps connexes. D’une part, de nombreux auteurs défendent l’idée que l’on ne peut pas comprendre les processus évolutifs sans intégrer le développement dans toutes ses dimensions. C’est l’approche qualifiée souvent d’Evo-Dévo pour évolutiondéveloppement. D’autre part, il est apparu de plus en plus clairement que l’hérédité ne se limite pas seulement à une transmission d’information génétique entre générations mais implique plusieurs autres processus importants susceptibles d’influencer profondément les dynamiques évolutives. Dans ce contexte, depuis des décennies, de nombreux auteurs ont affirmé que l'hérédité ne se réduit pas au seul transfert d'information génétique entre générations. L'importance de l'hérédité non génétique a été mise en évidence dans plusieurs domaines de la biologie. Le plus florissant depuis deux à trois ans est le domaine de l’hérédité épigénétique qui est 1. Dobzhansky T (1973) "Nothing in Biology Makes Sense Except in the Light of Evolution". The American Biology Teacher 35: 125-129. page 20 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 L’évolution des espèces >>> Le réseau des diverses formes d’hérédité et leurs interactions. Ces formes d’hérédité sont placées selon un gradient depuis l’hérédité ‘dure’ (information numérisée et peu sujette à modification lors de la transmission) jusqu’à l’hérédité dite molle (information encodée de manière analogique et plus susceptible de modifications lors de la transmission). définie comme l’étude de la variation transmise (on dit héritable) qui n’est pas due à des changements dans la séquence de l’ADN mais à des changements dans le niveau d’expression des gènes que l’on appelle souvent épimutation. Celles-ci résultent de modifications du ‘packaging’ de l’ADN pouvant activer, réduire ou complètement inactiver l’expression des gènes concernés. Elles peuvent profondément changer le phénotype (i.e. l’aspect extérieur) des individus. Elles expliquent, par exemple, comment des cellules ayant la même séquence d’ADN, peuvent prendre des formes aussi différentes que des neurones ou des cellules de foie, de rein, d’os ou encore de peau. Les épimutations peuvent aussi expliquer des changements drastiques de forme comme par exemple le type de symétrie de la fleur d’une plante donnée, ce qui peut fortement affecter leur capacité à transmettre leurs gènes. Le point important est qu’une série de mécanismes conduisent à l’hérédité de ces épimutations. Cette variation est alors héritable et donc ouverte à la sélection naturelle. Nous commençons seulement à étudier l’impact évolutif de ces épimutations. De ce fait, plusieurs auteurs appellent de leurs voeux la mise en place d’une "nouvelle synthèse des mécanismes de l'évolution" intégrant le développement. Des chercheurs du Centre de Biologie du Développement (CBD, unité mixte UPS/CNRS) travaillent actuellement sur l’importance du développement comme processus évolutif. page 21 Il faut cependant aller encore plus loin en intégrant aussi l’hérédité non génétique. C’est ce qu’affirment des chercheurs du laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB, unité mixte UPS/CNRS) qui travaillent sur certaines formes d’hérédité non génétique. Prendre en compte toutes les formes d’hérédité, génétique ou non, ramènera l'hérédité à ce qu'elle n'aurait jamais du cesser d'être, multidimensionnelle. Cette nouvelle synthèse est en émergence actuellement, et les chercheurs de l’UPS y travaillent activement. Cette émergence remet en fait en cause des dogmes profondément établis, aussi bien dans le grand public que parmi les chercheurs eux-mêmes. Cette nouvelle synthèse permettra de prendre en compte toute la richesse des mécanismes de l'évolution, richesse actuellement sous-estimée par la non prise en compte de l'hérédité non génétique. En d’autre terme, les sciences de l’évolution sont en train de vivre une profonde évolution. Ce dossier se situe dans ce contexte. Il fournit une série de flashs montrant la diversité des approches de l’évolution dans les laboratoires de notre université tout en montrant leur participation aux grandes avancées en cours dans ce domaine. Contact : [email protected] L’évolution des espèces Evolution morphologique chez les insectes dOSSIER Le décryptage des génomes bouleverse notre vision des mécanismes de l’évolution. Si les gènes animaux apparaissent très conservés, on découvre l’importance de la variation de leurs interactions. >>> François PAYRE, directeur de recherche CNRS au Centre de biologie du développement (CBD, unité mixte UPS/CNRS). © C. Fresillon/CNRS >>> Trichomes de drosophile, observés en microscopie électronique. © F. Payre. page 22 Depuis l’antiquité, l’extraordinaire diversité morphologique des animaux a frappé les esprits et son étude a eu un impact majeur pour la théorie de l’évolution. On sait aujourd’hui que l’ensemble des gènes d’une espèce, son génome, gouverne le plan d’organisation du corps. Les gènes interagissent entre eux en formant des réseaux de régulation complexes qui déterminent les caractères morphologiques au cours du développement. Le séquençage des génomes a provoqué une véritable révolution. En effet, les gènes et leurs produits, les protéines, sont étonnamment conservés, depuis les animaux les plus primitifs jusqu’à l’homme. Comment l’évolution des gènes a-t-elle alors permis l’apparition d’une telle diversité morphologique ? Comme souvent, c’est l’interaction entre disciplines qui déclenche des avancées. Notre équipe au « Centre de biologie du développement » étudie la différentiation de l’épiderme qui produit des structures cuticulaires, les trichomes, caractérisant la morphologie externe des drosophiles. Il existe une grande diversité des trichomes entre espèces d’insectes. Pour comprendre cette évolution morphologique, nous collaborons avec l’équipe de David Stern à Princeton (USA), qui s’intéresse à la variation évolutive. Cette approche alliant évolution et développement (Evo-Devo) a permis des découvertes apportant un éclairage nouveau aux mécanismes de l’évolution. Evolution parallèle Par l’analyse génétique d’hybrides entre espèces avec des trichomes différents, nous avons identifié les régions du génome responsables de cette diversification. De manière surprenante, c’est la modification d’un seul gène qui a causé l’évolution des trichomes, et ce dans tous les cas étudiés. Plus surprenant encore, alors que des centaines de gènes peuvent modifier les trichomes au laboratoire, il s’agit à chaque fois du même gène qui a évolué de manière indépendante, en parallèle, dans des espèces éloignées de plus de 40 millions d’années ! Les gènes d’un même réseau présentent donc un potentiel différent pour l’évolution morphologique. Ceci suggère l’existence de contraintes liées au développement, qui favorisent la fixation de modifications évolutives seulement à certaines positions des réseaux de régulation génique. Micro ou Macro mutations Les mécanismes de l’évolution font l’objet de vifs débats théoriques. L’évolution pourrait procéder par l’accumulation au cours du temps de mutations de faible effet individuel, ou micromutations. Au contraire, seules des mutations brutales d’effet majeur, ou macromutations, seraient capables de modifier en profondeur les programmes du développement. La diversification évolutive des trichomes offrait l’opportunité de tester expérimentalement ces hypothèses. Nos travaux ont montré une modification brutale, tout ou rien, de l’expression du gène dans l’épiderme, confirmant l’importance de variations majeures. Cependant, ce changement résulte de mutations dans au moins trois régions distinctes! Prise individuellement, l’évolution d’une seule région n’est pas suffisante pour changer la morphologie. Au moins dans ce cas, une modification majeure à l’échelle macroscopique peut être due à l’accumulation de « micro » mutations. Evolution « entre » les gènes Les modifications identifiées n’affectent pas directement le gène, c'est-à-dire la région qui code la protéine, mais des régions génomiques avoisinantes, qui régulent son expression. Ces mutations modifient le code d’interaction entre le gène et ses gènes régulateurs, situés en amont dans le réseau de régulation. Le décodage de cette grammaire de régulation entre gènes du développement nous permettra de mieux comprendre les mécanismes intimes de l’évolution. Les séquences intergéniques constituent cependant la grande majorité de notre génome (>90%) et restent mal connues. Les approches fonctionnelles chez des organismes modèles devront être encore mises à contribution pour percer l’ensemble de leurs secrets. Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 L’évolution des espèces dOSSIER Évolution et paléontologie : quoi de neuf ? Comprendre le vivant c’est connaître son avènement au fil du temps. Grâce aux avancées technologiques, les paléontologues avancent dans leur analyse de la biodiversité fossile. A la clef, des résultats variés. >>> Pierre-Olivier ANTOINE, Maître de conférences au Laboratoire des Mécanismes et Transferts en Géologie (LMTG, unité mixte UPS/CNRS/IRD). Discipline à l’interface de la biologie – pour les objets traités – et des sciences de la terre – pour leur contexte –, la paléontologie s’est développée au cours des deux derniers siècles sous l’impulsion de figures marquantes comme Georges Cuvier, Jean-Baptiste Lamarck, Alcide d’Orbigny, George G. Simpson ou Stephen J. Gould. La théorie de l’évolution, énoncée par Charles Darwin (et Alfred R. Wallace) il y a 150 ans, a évidemment joué un rôle considérable pour la compréhension des phénomènes observés sur les organismes fossiles, à la fois du point de vue de leur morphologie et de leur diversité. Ces progrès sont toutefois indissociables d’autres avancées scientifiques plus récentes, comme la tectonique des plaques, les datations radiométriques (on compte désormais en millions, voire en milliards d’années), l’avènement de la génétique (qui permet d’expliquer les phénomènes évolutifs sous-jacents, sur les organismes actuels). Une approche nouvelle Depuis une vingtaine d’années, l’émergence des méthodes de reconstruction phylogénétique informatisées a permis aux biologistes et aux paléontologues de reconsidérer l’arbre du vivant, à la fois dans son ensemble et dans le détail. Les chercheurs s’attachent désormais à reconstruire des phylogénies – arbres « généalogiques » en termes de groupes frères ou d’espèces sœurs – fondées sur le partage de caractères évolués, au détriment des classiques relations ancêtre-descendant. Les données recueillies (caractères morphologiques, mutations génétiques) sont traitées à l’aide de logiciels spécialisés, qui permettent la formalisation objective et réfutable d’un très grand nombre de données : c’est la fin de l’argument d’autorité. >>> Fragment de radius de rhinocéros géant provenant de l’Oligocène d’Anatolie (Turquie, environ 25 millions d’années), à gauche. Au centre, dessin interprétatif du même spécimen. A droite, comparaison avec le plus gros spécimen connu jusqu’alors (Oligocène de Mongolie). Tous sont à la même échelle (barre = 10 cm). © P.-O. Antoine. Relations de parenté En termes de phylogénie, seule la paléontologie procure des informations directes sur les changements morphologiques et l’évolution de la biodiversité au cours des temps : l’échantillonnage des taxons disponible en paléontologie est largement supérieur à celui du monde vivant, d'autant que les paléontologues travaillent indifféremment sur les organismes éteints et vivants. Enfin, les fossiles permettent de travailler dans un cadre chronostratigraphique fiable, notamment lorsqu’il s’agit de calibrer les âges de divergence au sein des arbres phylogénétiques. Une fois établies puis contraintes du point de vue chronologique, les relations de parenté peuvent ainsi être interprétées en termes de dispersion géographique, pour des espèces fossiles et actuelles. Les géologues peuvent alors utiliser ces données, de manière notamment à reconstituer la géographie des régions. La récente mise au jour de restes de rhinocéros géants, associés à d'autres mammifères et datés de plus de 25 millions d’années en Anatolie (Turquie), prouve l’existence de communications terrestres et de relations étroites avec les Balkans et l’Asie à l’Oligocène. Contrairement à ce qui était admis jusqu’alors – en l'absence d'indices –, l’Anatolie n’était donc pas un archipel à l’époque. C’est ce qu’ont montré en 2008 des paléontologues et des géologues de notre laboratoire, en collaboration avec le Muséum National d’Histoire Naturelle (Paris) et les services géologiques turcs, à partir de quelques ossements(1) ! De même, la découverte en Amazonie péruvienne, (par des écologues, géologues et paléontologues d’EcoLab (unité mixte UPS/CNRS) et de notre laboratoire), de bambous fossiles apparentés au genre actuel Guadua et datés de plus de 50000 ans(2) vientelle de permettre de réfuter l’hypothèse, jusqu’alors consensuelle, d’une dispersion anthropique de ces bambous depuis l’Amérique du nord. En d'autres termes, la paléontologie a tout à gagner des échanges avec les sciences connexes. Une telle multidisciplinarité permet en effet d'augmenter considérablement la portée des résultats obtenus. Le salut de cette science naturaliste pluri-séculaire passe sans nul doute par là. Contact : [email protected] (1) Antoine P.-O. et al., 2008. Zoological Journal of the Linnean Society, 152: 581-592. (2) Olivier J. et al., 2009. Review of Palaeobotany and Palynology, 153: 1-7. page 23 L’évolution des espèces L’évolution n’est pas qu’une affaire de gènes Longtemps perçue sous le joug unique de son volet génétique, l’évolution est aujourd’hui appréhendée plus globalement. L’environnement de chaque individu influe sur son développement. Et donc sur l’héritage qu’il transmet à sa descendance… >>> Etienne DANCHIN, directeur de recherche CNRS, avec à ses côtés, Simon BLANCHET, postdoctorant et Susana Varela, Doctorante. Équipe travaillant sur l’évolution culturelle animale au Laboratoire Evolution et Diversité dOSSIER Biologique (EDB, unité mixte UPS/CNRS/ENFA). >>> Femelle préférant copuler avec un mâle rose et non avec un mâle vert après avoir vu trois mâles de ce type copuler avec des femelles et trois mâles verts se faire rejeter par des femelles. page 24 La vie est essentiellement une question de transfert d'informations entre générations. Parce qu'il ne connaissait rien aux mécanismes sous jacents, Darwin avait une vision très large de l'hérédité. Une phrase présente dès la première version de ‘L’Origine des espèces’ (1859) résume parfaitement sa vision : « Toute variation qui n’est pas transmise n’est pas importante pour nous ». D’après Darwin, la variation entre individus a deux composantes: celle qui est transmise, versus celle non transmise à la génération suivante. Cependant, la découverte à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle de la capacité de la molécule d'ADN à coder et à transmettre des informations entre générations a conduit à une réduction de l'hérédité à sa seule composante génétique. Ce qui conduit aujourd’hui les auteurs à opposer la variation d’origine génétique à celle d’origine environnementale. Cette décomposition classique tout en insistant sur le rôle central de la génétique revient à rejeter tout rôle évolutif aux autres formes de variation héritée. Dans les faits, le point important pour l’évolution est que la variation soit héritée quelque soit le mécanisme d’hérédité. Influence sociale C’est dans ce contexte qu’émerge actuellement la notion d’hérédité culturelle, c’est-à-dire d’informations transmises entre les générations par apprentissage social. Justement, cet apprentissage affecte de nombreux comportements considérés jusque-là comme uniquement déterminés génétiquement. Par exemple, les préférences sexuelles de nombreuses espèces de vertébrés sont fortement influencées par le fait d’avoir vu d’autres femelles préférer tel ou tel type de mâle. On peut ainsi créer des préférences pour des traits totalement nouveaux, tels une plume rouge ou bleue sur la tête d’un oiseau. Nous avons récemment démontré qu’il est possible de déclencher une préférence chez les femelles drosophiles pour des mâles ayant une coloration verte ou rose. De telles influences sociales sur les préférences sexuelles peuvent alors conduire a l’émergence de populations dans lesquelles les femelles préfèrent les mâles richement colorés et d’autres dans lesquelles les mâles peu colorés sont préférés. Par leurs choix les femelles exercent une forte pression de sélection sur les mâles, pouvant aboutir à deux types de populations, certaines où les femelles préfèrent les mâles peu colorés et où ceux-ci sont peu colorés, d’autres où les mâles sont colorés et les femelles préfèrent les mâles colorés. À terme de telles populations peuvent diverger au point de s’ignorer complètement lorsqu’elles se retrouvent, éliminant tout flux de gènes entre elles. Les populations sont alors séparées et donc en route vers la spéciation, initiée par un processus culturel. Transmission culturelle Les chercheurs du laboratoire EDB travaillent sur l’importance de l’hérédité culturelle animale en évolution. Les comportements concernés sont les préférences sexuelles des poissons et des insectes. Nous avons par exemple montré récemment que les femelles de Drosophila melanogaster font preuve de capacités cognitives insoupçonnées aux vues de la taille de leur cerveau. Ces capacités conduisent à envisager l’existence de comportements hérités culturellement chez cette espèce. Parmi toutes les formes d’hérédité connues, la transmission culturelle à l’originalité de ne pas seulement se produire verticalement (i.e. de parent à enfant) mais aussi horizontalement (entre individus de la même génération) ou obliquement (entre individus non apparentés de générations différentes). De ce fait, la transmission culturelle doit profondément affecter l’évolution à tel point que certains processus impossibles avec une transmission uniquement verticale (comme c’est le cas de la transmission génétique) peuvent devenir possibles avec la transmission culturelle. De ce fait, intégrer toutes les formes d’hérédité dans le raisonnement évolutif augmente sensiblement le champ de l’évolution. Gageons que la prise en compte de toutes les formes de l’hérédité va fortement changer notre manière d’appréhender l’évolution dans les années à venir. Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 L’évolution des espèces dOSSIER L’influence des transitions écologiques Véritables témoins des changements, les micro-organismes doivent s’adapter vite. Leur évolution, mieux appréhendée grâce aux progrès du séquençage, prouve le rôle majeur des contraintes environnementales sur le développement biologique. >>> Catherine MASSON-BOIVIN, directeur de recherche INRA, au Laboratoire des Interactions Plantes Micro-organismes (LIPM, unité mixte INRA/CNRS), rattachée à l’Institut fédératif Agrobiosciences, intéractions et biodiversités (IFR 40) Les transitions écologiques ont un impact fort sur l’environnement et représentent une source majeure de biodiversité. Grâce à la plasticité de leur génome, les bactéries sont particulièrement enclines aux transitions écologiques. Elles ont évolué depuis des milliards d’années en réponse aux contraintes environnementales. Des stratégies d’évolution expérimentale en laboratoire visent à recréer l’évolution en accéléré afin d’analyser les mécanismes qui sous-tendent l’adaptation des bactéries à de nouvelles niches écologiques. Les nouvelles technologies de séquençage à haut débit permettent aujourd’hui le re-séquençage du génome des bactéries à différents stades de ces expériences d’évolution et l’identification des mutations adaptatives. Variations de genres Les bactéries appelées rhizobia sont un cas typique de micro-organimes issus d’évènements indépendants et répétés de transition écologique. Les rhizobia sont des bactéries du sol capables d’établir avec les plantes de la famille des légumineuses une symbiose d’intérêt écologique majeur. En effet, cette symbiose se traduit par la formation sur les racines de la plante de nouveaux organes, les nodules, dans lesquels les bactéries fixent l’azote atmosphérique. Les plantes nodulées peuvent ainsi croître en absence d’engrais azotés dont la synthèse et l’utilisation agricole sont à la fois coûteux et polluants pour l’environnement. Cette symbiose se met en place au moyen d’un processus complexe (organogénèse, pénétration des tissus via des cordons d’infection, infection intracellulaire des cellules végétales) qui fait intervenir des échanges de signaux moléculaires entre les deux partenaires. >>> Infection de Mimosa pudica par le rhizobium Cupriavidus taiwanensis (en vert). Bien que partageant une même fonction biologique complexe, les rhizobia ne forment pas un groupe taxonomique homogène mais sont dispersés au sein des alpha- et béta-protéobactéries où ils représentent page 25 plus de 10 genres et 60 espèces inter mêlés avec des pathogènes et des saprophytes. Cette biodiversité soulève de fascinantes questions quant à l’émergence et l’évolution des rhizobia. Symbiose adaptative Pour répondre à ces questions, nous avons entrepris en collaboration avec P. Heeb (laboratoire EDB, unité mixte UPS/CNRS) l’évolution d’un pathogène de plante, Ralstonia solanacearum, en symbiote de légumineuse, au moyen d’une stratégie dite « design then evolve ». Cette stratégie consiste à construire par génie génétique une souche dotée d’un potentiel symbiotique, et à faire évoluer cette souche en utilisant une légumineuse comme pression de sélection. Cette stratégie nous a permis de faire évoluer des dérivés nodulants et infectieux intracellulaires d’une légumineuse (le mimosa) à partir d’un pathogène extracellulaire. Les génomes de ces bactéries évoluées sont en cours d’analyse (collaboration avec Claudine Médigue, Genoscope à Evry) afin d’identifier les mutations adaptatives apparues au cours de l’expérience d’évolution contrôlée. Ainsi, les mécanismes moléculaires qui accompagnent l’adaptation à la symbiose avec une légumineuse seront analysés. Ceci devrait nous permettre de mieux comprendre l’évolution et le maintien de cette symbiose dans la nature. Contact : [email protected] L’évolution des espèces Diversité génétique et évolution humaine Si l’évolution humaine a longtemps été le domaine réservé des anthropologues, des linguistes et archéologues, les travaux scientifiques sur l’évolution ou la diversité humaine font de plus en plus appel à des généticiens. >>> Lounès CHIKHI, chargé de recherche CNRS au Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB, unité mixte UPS/CNRS/ENFA), est actuellement mis à disposition à l’Instituto dOSSIER Gulbenkian de Ciência, au Portugal. page 26 Les données fossiles suggèrent que les premiers êtres humains « modernes » sont très probablement apparus en Afrique il y a 150 000 à 200 000 ans. Il serait bien entendu naïf de croire que les données génétiques obtenues sur des populations actuelles, quelque 5 à 10 000 générations plus tard, pourront nous donner des informations précises sur cette histoire complexe faite d’expansions, de colonisations de nouveaux territoires, de retours en arrière, d’extinctions, de rencontres et de mélanges. Mais, les données génétiques ont véritablement révolutionné le regard que nous portons sur notre espèce au cours des dernières décennies. Ainsi, jusqu’aux années 1960, la majeure partie des spécialistes pensaient que l’espèce humaine avait divergé depuis au moins 15 millions d’années des autres primates, Les datations faites à partir de données moléculaires ont permis de montrer que (i) nous sommes plus proches des gorilles et chimpanzés qu’eux-mêmes ne le sont des orangs-outangs, (ii) cette divergence est très récente, de l’ordre de 5 à 7 millions d’années. Espèce jeune Les données génétiques ont aussi contribué à montrer, de façon répétée, que les populations humaines sont peu différenciées les unes des autres à l’échelle mondiale, en accord avec l’idée que notre espèce est bien une espèce jeune ayant colonisé la planète très récemment, et dans laquelle la notion de race biologique est inopérante. Ces résultats s’opposent donc aux théories d’origines multiples qui postulaient, jusqu’il y a encore peu, que plusieurs espèces ou races humaines étaient apparues sur les différents continents à partir des Homo erectus qui avaient quitté l’Afrique il y a plus d’un million d’années (les fameux hommes de Pékin et de Java). Au cours des trente dernières années, de nombreux travaux nous ont permis de mieux comprendre comment des événements démographiques tels que des expansions (lors de la colonisation à partir de l’Afrique), des contractions (lors des dernières glaciations en Europe), ou des mélanges de populations (lors de la transition Néolithique qui a mis en contact les premiers agriculteurs venant du Proche Orient et les chasseurs-cueilleurs qui >>> Le propithèque à couronne dorée (Propithecus tattersalli) vit dans une petite région du nord de Madagascar. Nous étudions l’impact de la fragmentation de son habitat sur sa diversité génétique, et en particulier les effets respectifs de la fragmentation due à l’espèce humaine et ceux dus aux changements climatiques, plus anciens, sur cette diversité (© Erwan Quéméré, doctorant au laboratoire EDB). occupaient l’Europe) pouvaient influencer la diversité génétique des populations actuelles. Il est ainsi assez bien établi que l’espèce humaine est une espèce jeune dont la distribution actuelle est le résultat d’une expansion à partir de populations qui vivaient en Afrique il y a 50 à 100 000 ans (c'est-à-dire bien après l’apparition des premiers hommes modernes, en Afrique également). Les données génétiques semblent aussi indiquer que l’espèce humaine ne s’est pas (ou très peu) mélangée avec celle des néandertaliens. Dans notre laboratoire nous essayons ainsi de comprendre comment les mélanges de populations peuvent être quantifiés même lorsqu’ils sont anciens (comme pour la transition Néolithique en Europe). Nous analysons des données publiées ou étudions les propriétés de données simulées par ordinateur. Les applications ne se limitent pas à l’espèce humaine et nous permettent de reconstruire l’histoire démographique d’espèces menacées, afin de mieux comprendre l’impact de phénomènes naturels ou anthropogéniques. Un des défis de la génétique des populations humaines (ou d’autres espèces) sera, dans le futur, d’arriver à reconstruire leur histoire récente, dans le cadre de modèles moins simplistes que ceux que nous sommes parfois obligés d’utiliser aujourd’hui. Contact : [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16 La Recherche à l’UPS Le potentiel de recherche de l’Université Paul Sabatier se répartit sur 74 laboratoires, dont 64 reconnus au niveau national, la plupart unités mixtes avec le CNRS, l’INSERM, l’IRD, l’INRA, le CNES… Plus de 2350 chercheurs et enseignants-chercheurs et 1400 personnels technique et administratif travaillent dans ces laboratoires. 1500 doctorants sont inscrits à l’UPS, répartis dans 6 Ecoles doctorales. Les huit grands domaines de recherche sont : > > > > > Mathématiques : 1 laboratoire mixte. Physique et nanophysique : 4 laboratoires mixtes, 1 unité CNRS, 1 fédération. Chimie et matériaux : 6 laboratoires mixtes, 1 unité CNRS, 2 fédérations. Sciences pour l'ingénieur : 3 laboratoires mixtes, 3 EA, 2 fédérations. Sciences et techniques de l'information et de la communication : 1 laboratoire mixte, 1 unité CNRS, 1 EA. > Sciences de la planète, de l'espace et de l'univers : 7 laboratoires mixtes, 1 Observatoire. > Sciences de la vie et de la santé, biotechnologies : > Biologie et Sciences de la Vie : 10 laboratoires mixtes, 1 EA, 3 fédérations. > Sciences de la Santé : 7 laboratoires mixtes, 7 EA, 3 fédérations. > Sciences de l'homme et de la société : 4 EA. EA : équipe d’accueil © P. DUMAS © OMP Pour plus de détails consultez : www.ups-tlse.fr rubrique “recherche” Les MASTERS à L’UPS 19 mentions différentes > Biochimie et biotechnologies Biologie, santé Chimie Ecologie Electronique, électrotechnique, automatique Génie mécanique, génie civil, génie de l'habitat Information - Communication Informatique Informatique des organisations Management Management des organisations Matériaux Mathématiques et applications Mécanique, énergétique, procédés Microbiologie - Agrobiosciences Physique et astrophysique Santé publique Sciences de la Planète, de la Terre et de l'environnement Sciences du sport et du mouvement humain Le cursus master comporte une centaine de spécialités « recherche » et « professionnelles », dont certaines sont cohabilitées avec d’autres universités et établissements de Toulouse.