triptyque_dossier_20..

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À PAS AVEUGLES….
DE PAR LE MONDE
Triptyque de la Compagnie Grizzli
1
« À PAS AVEUGLES DE PAR LE MONDE »
Triptyque intitulé « A pas aveugles de par le monde », sur les thématiques du
devoir de mémoire, de l’intégration et de l’acceptation des différences, et à
partir de l’écriture concentrationnaire (pour le 2e et 3e volet).
Tout allait bien
A partir de 5 ans, en direction des MS- GS-CP.
De Franck PREVOT
Editions Le Buveur d’encre
Monsieur Fugue
A partir de 14 ans, en direction des 3e et lycéens.
De Liliane ATLAN
Editions Ecole des Loisirs Théâtre
Himmelweg
Tout public à partir de 14 ans.
Juan MAYORGA
Editions Les Solitaires Intempestifs
2
« La gare n’est pas une gare, c’est la fin d’un rail. »
Charlotte DELBO
Aucun de nous ne reviendra
Les Editions de Minuit
Depuis très longtemps, le sort des victimes de la Shoah marque mon esprit.
Je ne saurais exactement déterminer le déclenchement de cette fascination mêlée
d’incompréhension, d’horreur et d’hébétude pour tout ce qui concerne cette page sombre de
l’histoire de l’humanité.
Aucun membre de ma famille n’a vécu « Le Grand Voyage » vers les camps de concentration
dont parle Jorge SEMPRUN dans son livre autobiographique.
Et pourtant, le bruit des rails me hante depuis des années.
Et pourtant, l’essentiel de mes lectures a porté et se tourne encore vers les récits et les
témoignages de cette époque.
Et pourtant, il m’a fallu trouver l’élément déclencheur de cette « obsession ».
A l’origine, il y a le souvenir.
De mon grand-père.
A l’origine, il y a la mémoire.
De mon grand-père mort en captivité.
La captivité n’est pas la déportation.
Mais mon grand-père est une victime de la guerre.
Alors la mémoire s’est déportée.
Vers d’autres victimes.
Vers d’autres rails.
Aujourd’hui, il me faut renouer le fil de la filiation.
Aujourd’hui, il me semble essentiel de perpétrer le devoir de mémoire
Christophe SAUVION – octobre 2012
3
Deux destins croisés
Jorge SEMPRUN et Jean GENY
Depuis très longtemps, l’exploration des textes abordant l’univers des camps de concentration a
constitué l’essentiel de mes lectures. Documents historiques, essais, romans, témoignages,
textes dramatiques et recueils qui constituent l’écriture concentrationnaire ont ainsi nourri mon
appétit de savoir et mon imaginaire sur cette période douloureuse, capitale et fondamentale de
notre mémoire collective. Des visites et des recherches documentaires régulières au Mémorial de
la Shoah à Paris ont élargi mon domaine d’investigation et complété ces lectures.
Parmi les nombreux auteurs, rescapés des camps ou non, qui ont marqué mon esprit, certains
grands noms de la littérature concentrationnaire –tels Primo LEVI, Annette WIEVIORKA,
Sarah KOFMAN, Charlotte DELBO ou Robert ANTELME- resteront à mes yeux des jalons
incontournables de mon parcours de lecteur.
Deux noms néanmoins restent pour moi des références essentielles. Deux figures aux
origines, à la notoriété et aux parcours de vie diamétralement opposés, mais réunis –sans le
savoir- par la même expérience d’internement au Camp de concentration de BUCHENWALD.
Jorge SEMPRUN (Le Grand
Voyage, l’Ecriture ou la Vie, Adieu vive clarté),
résistant, romancier, essayiste, cinéaste,
homme politique, mémoire incontournable
du vingtième siècle et de l’expérience des
camps, que j’ai eu le bonheur de rencontrer
au Mémorial de la Shoah.
Jean GENY, habitant de La Roche-sur-Yon, rescapé de la
marche de la mort qui le conduisait de Buchenwald à Dachau, auteur
d’un récit de ses années d’internement intitulé KLB F 38748, publié par
la Scène Nationale Le Grand R, témoignage poignant d’une expérience
unique dont j’ai eu le plaisir d’interpréter une lecture publique à La
Roche-sur-Yon.
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Deux personnalités aux origines sociales et aux histoires antinomiques que rien a priori ne
pouvait réunir, mais dont la grande Histoire s’est chargée de mêler les destins sur les terres de
GOETHE, à Buchenwald.
Deux silhouettes parcourant la place d’appel et les travées des baraquements du camp sans peutêtre jamais se croiser, mais dont je me suis imaginé fouler les mêmes pas lors de ma visite au
Camp de Buchenwald au mois de juillet 2006.
Deux destins aux antipodes l’un de l’autre, mais dont les mots et les œuvres soustendront mon
travail de création dans les différentes étapes de ce triptyque.
Une œuvre majeure
Jürgen BRODWOLF
C’est à l’occasion de ma visite du Camp de Buchenwald qu’une troisième rencontre s’est imposée
à moi et m’a ouvert les portes de l’exploitation d’une proposition artistique de tous les textes
précédemment lus. Pour la première fois, une forme plastique se révélait comme une
évidence.
Tous les écrivains, les artistes ou les cinéastes qui ont cherché à dire, à illustrer, à figurer ou à
raconter l’inénarrable se sont heurtés à la question « comment ». Comment représenter
l’inexprimable, comment dire l’innommable ?
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Dans l’une des salles du Camp de BUCHENWALD, une statue de Jürgen BRODWOLF,
posée à même le sol, figurait et symbolisait à elle seule les corps de tous les disparus des camps. A
elle seule, cette présence disait l’indicible.
A la fois fœtus, forme larvaire, corps calciné recroquevillé en un cri figé inaudible, momie
saisie par la lave cendrée, cette « Figur », telle que BRODWOLF la nomme, rejoignait les
figuren (marionnettes) que les officiers allemands en charge des fosses communes du
camp de CHELMNO voyaient dans les corps amoncelés.
Cette forme artistique –dont les quelques variations jalonnent ce dossier- constituera l’inspiration
essentielle des propositions graphiques et scénographiques de Monsieur Fugue et
d’Himmelweg, offrant aux deux textes une orientation résolument marionnettique, tant
dans leurs partis-pris visuels que dans les options de jeu et d’interprétation.
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Le grand roman des rescapés de la Shoah
C’est seulement dans les ghettos fermés et les camps de mort entourés de barbelés que des prophètes
aveugles apparaissent, cherchant la vérité en eux-mêmes et non dans l’univers. C’est le signe des
derniers jours, de la fin –quand les ténèbres descendent et recouvrent tout pour toujours. Les hommes
vont alors à pas aveugles de par le monde
Leïb ROCHMAN
Le titre générique du triptyque A pas aveugles de par le monde est emprunté au roman de
Leïb ROCHMAN publié aux éditions Denoël.
A elle seule, cette œuvre majeure donne le ton de l’ensemble des trois spectacles puisque les récits
qui le constituent livrent un message d’espoir aux générations futures tout en disant
l’indicible.
A pas aveugles de par le monde fait figure d'exception dans la littérature yiddish, non tant par son sujet
- l'anéantissement des Juifs d'Europe - que par sa conception et sa forme. De fait la Shoah n'y est
pas directement abordée.
Ce livre est une somme.
Sa puissance évocatrice surgit de chaque ligne, de chaque mot.
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Leïb ROCHMAN y raconte le retour de ceux qui ont connu Les Plaines, les lieux d’extermination,
confrontés aux épargnés, parfois aux bourreaux. Les premiers tentent de vivre, mais demeurent à
tout jamais des êtres de souvenir, portant leurs tragédies personnelles et la tragédie de l’Histoire ;
les seconds tentent juste d’oublier. Entre eux se tissent des liens : des drames anciens ou
nouveaux éclatent, les sentences tombent. Le cortège de morts et les héros du roman errent en
quête d’un lieu où le dénombrement pourra enfin advenir. Sous le poids du nombre et des
souffrances, c’est le monde tout entier qui menace de céder, mais c’est aussi l’espoir qui advient.
Le roman s'ouvre une semaine après la fin de la guerre alors que les deux héros, S et " Je ",
ainsi que plusieurs autres personnages, entament une véritable odyssée à travers l'Europe
dévastée. Réchappés d'un espace de non-humanité, ils retournent vers l'humanité d'après le
déluge. Le roman fonctionne sur une triple temporalité : le présent des protagonistes, leur passé
immédiat et, pour certaines des villes traversées comme Amsterdam ou Rome, la résurgence d'un
passé plus lointain. Le - les héros - car la focalisation oscille sans cesse de S à "Je" - vogue de lieu
en lieu; partout, pour mille et une raisons, il est retenu et comme happé par l'endroit qui
l'accueille. Chaque ville fait naître des romans dans le roman où se croisent des dizaines de
personnages - parmi eux ceux qui ont connu "les Plaines", comme l'auteur nomme les lieux
d'extermination, et les autres, ceux qui ont été épargnés. Les premiers tentent de vivre, mais
demeurent à tout jamais des êtres de souvenir portant partout avec eux leur tragédie personnelle
et la tragédie de l'Histoire; les seconds souhaitent juste oublier. Entre ces deux groupes d'hommes
des liens se tissent, des drames anciens ou nouveaux éclatent.
La spécificité et la grande force du livre tiennent au talent avec lequel Leïb ROCHMAN mêle les
épisodes extrêmement romanesques des récits de vie de cette sorte de tribu d'endeuillés à une
méditation plus générale. L’écriture évolue ainsi de descriptions réalistes en évocations lyriques,
de monologues intérieurs hallucinés en profondes réflexions sur l'histoire et sur la nature
humaine. Une oeuvre majeure sur les thèmes de la quête et du souvenir.
« Sous la plume de Leïb ROCHMAN, chaque mot est une victime dont il cherche à honorer le souvenir. Son
écriture déferlante charrie les morts, puis se laisse porter par le vent, absorber par la terre, rouler par les vagues.
Jusqu'à s'éteindre, asséchée. Débarrassée de ses larmes. Happée par le vide. » (Télérama)
« A pas aveugles de par le monde » est une ivresse musicale autant que romanesque, une incantation, un poème, une
hallucination. » (Le Monde)
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Notes d’intention
* Devoir de mémoire et métaphore théâtrale
Proposer un triptyque à partir de la thématique des camps de concentration ne consiste en rien à
plonger les spectateurs dans la présentation lourde de témoignages de rescapés des camps.
Il s’agit bien, grâce à des textes forts, d’ancrer le propos du devoir de mémoire dans la
métaphore théâtrale afin d’en actualiser le propos et d’aborder avec les publics concernés
les thématiques afférentes à la problématique d’origine que sont l’intégration et
l’acceptation des différences.
En ce sens, les trois textes choisis permettent d’adapter cette intention générale aux différents
publics visés.
* Un parti-pris récurrent : la forme marionnettique
A la faveur de la découverte des œuvres de Jürgen BRODWOLF, la manipulation marionnettique
s’est imposée à mes yeux comme la forme et la métaphore théâtrale la mieux à même d’évoquer
ou de parler explicitement ou implicitement des camps de la mort.
De toute évidence, cette forme artistique permet à la fois de suggérer la réalité des rapports
qui liaient les victimes et leurs bourreaux et la mise à distance nécessaire de cette même
réalité afin d’en atténuer les sentiments d’abjection voire de rejet- et de créer les conditions d’un
regard lucide et objectif sur le propos. Dans le même sens, la posture des manipulateurs est
empreinte d’une ritualisation des attitudes et des gestes qui confère à l’interprétation, à
l’histoire représentée et au propos une portée universelle et intemporelle.
Ce parti-pris fort sera exploité sous des formes différentes dans les trois volets du triptyque, du
théâtre d’objets (Tout allait bien) à la manipulation de corps-pantins (Himmelweg) en passant par le
corps marionnettique (Monsieur Fugue).
* Une Compagnie – des équipes artistiques
Fidèles à la volonté de recherche artistique de la Compagnie, les spectacles donneront lieu à une
recherche esthétique et scénographique particulière. De même, les partis-pris de jeu
d’acteurs et de mise en scène reflèteront les potentialités artistiques des équipes de comédiens qui
interpréteront les trois volets, de sorte que le public puisse assister à des spectacles aux tonalités
variées et alternant jeu d’acteurs, manipulation de formes marionnettiques, chant, danse.
L’un des objectifs majeurs de cette proposition artistique originale est de permettre aux différents
comédiens qui travaillent régulièrement ou de manière plus occasionnelle pour la Compagnie
Grizzli de se retrouver à la faveur d’une création ambitieuse qui leur permette de se fédérer et de
refléter la richesse de leurs personnalités et de leurs pratiques artistiques.
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Un triptyque
Premier volet
Tout allait bien
Adaptation de l’album de Franck PREVOT publié aux
Editions « Le Buveur d’encre »
Spectacle adressé aux enfants de MS-GS-CP
Tout allait bien...quand quelque chose de bizarre arriva !
Tout allait bien dans le petit monde des boutons tout rouges. Mais un jour, un bouton bleu
apparaît... Tout de suite, une méfiance s’installe malgré les apparentes bonnes intentions du
bouton bleu...
Franck PREVOT écrit une histoire très efficace. A l’aide des illustrations composées de simples
boutons, Franck PREVOT emmène le lecteur sur le chemin de la rencontre avec l’inconnu, celui
qui fait peur.
Un petit album très pertinent qui permet d’aborder de manière ludique avec de jeunes enfants les
thématiques de la différence et de l’intégration.
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Deuxième volet
Monsieur Fugue
Texte théâtral de Liliane ATLAN publié à l’Ecole des Loisirs, collection
Théâtre
Spectacle adressé aux Collégiens et Lycéens
Dans un ghetto, des soldats s'amusent à tendre un piège aux derniers survivants cachés dans les
égouts. Ce sont des enfants qui surgissent. Ils sont quatre et ils ne sont déjà plus des enfants mais
des êtres détruits qui regardent sans pitié ce monde qui les a faits et les condamne. On les
emmène à Bourg-Pourri, ou la Vallée des Ossements. Mais Grol, un soldat, dit Monsieur Fugue,
décide de monter dans le camion, avec eux. Pour leur inventer, malgré l'horreur, une ultime fois,
l'aventure de toute une vie. Il n'a qu'une heure.
Monsieur Fugue ou le mal de terre, de Liliane ATLAN, est l’un des textes références sur la
thématique du devoir de mémoire adressés au public collégien et lycéen. Le texte mêle histoire
réelle et imaginaire poétique afin de livrer un message d’espoir aux jeunes générations.
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Troisième volet
Himmelweg
Texte théâtral de Juan MAYORGA publié aux Solitaires Intempestifs
Spectacle tout public
Quelque part près de Berlin pendant et après la Seconde Guerre Mondiale. Un inspecteur de la
Croix Rouge obtient la permission de visiter un camp de concentration. Reçu aimablement par le
commandant du camp, un érudit féru de théâtre, qui l'accompagne et l'encourage à prendre des
photos pendant la visite, l'inspecteur ne sait pas qu'il assiste à une macabre mise en scène
représentant le camp, regroupant les juifs, comme un espace heureux avec des gens qui se
promènent dans les rues, des couples assis sur les bancs, de enfants en train de jouer. Pourtant
quelques signes troublent cette apparente normalité. Pouvaient-ils avertir l'inspecteur que ce qu'il
voyait était un mensonge ?
A travers cette vision du camp transformé en scène où les condamnés à mort jouent la normalité
dans l'espoir de survivre, Juan MAYORGA nous renvoie au grand théâtre du monde actuel avec
ses jeux de rôles, en interrogeant le théâtre comme l'art du mensonge, le rapport entre la politique
et l'Histoire, et le conflit entre la mémoire et le pouvoir qui a besoin d'imposer une certaine vision
des événements.
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Parti-pris artistiques
Tout allait bien
Pour ce premier volet adressé au tout jeune public, la forme théâtrale envisagée associe jeu
d’acteur (deux personnages) et manipulation d’objets.
Les partis-pris artistiques s’inspirent de la matière même de l’album de Franck PREVOT.
Le choix pertinent des boutons (variétés des couleurs, des formes, des dimensions, des « familles
») comme métaphore de toutes les diversités et de leur questionnement inhérent (intégration et
exclusion) nous a conduit à explorer nos représentations respectives des boîtes à couture de nos
mères et de nos grands-mères ! Nous avons ainsi vidé ces boîtes de leur contenu afin d’en extraire
la matière marionnettique de l’adaptation de l’album : boutons (choix de leur mode de
rangement), fils, rubans, morceaux d’étoffes, élastiques, aiguilles, dés, fermetures éclair… Afin
d’élargir le champ d’exploration, nous avons étendu cet inventaire à l’espace de la mercerie
(devanture à l’ancienne, mobilier de rangement et de classification –étagères, tiroirs), comptoir,
accessoires…
Très rapidement, il est apparu que ce monde de « l’infiniment petit » tel qu’il est représenté dans
l’album et tel que nous le retrouvons dans les boîtes à couture et les merceries est riche de sens
dès lors qu’on l’observe sous l’angle métaphorique des rapports humains. La diversité des
objets qui le constitue compose un univers où la paix, la douceur et l’attendrissement (boutons,
étoffes…) côtoie la menace et la violence (ciseaux, fer à repasser, déchirements…).
Le parti-pris de la manipulation d’objets
pose inévitablement la question du
statut des marionnettistes. Pour
l’adaptation de l’album de Franck
PREVOT,
deux
personnages
féminins, d’âges différents, assurent à
vue cette option afin d’être clairement
identifiées par les enfants. L’arrivée d’un
petit bouton rouge dans l’univers de ces
deux femmes perturbe leur quiétude et
l’ordonnance de leur espace. Elles
doivent malgré elles prendre en charge
l’histoire de ce petit être dérangeant
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pour, progressivement, le reconnaître et l’accepter. Affairées à leurs activités coutumières, elles
sont entourées des objets familiers qui constituent leur atelier et qui deviendront les personnages
ou les décors de l’histoire qu’elles racontent.
La narration et la forme choisies par Franck PREVOT nous permettent d’ancrer l’histoire de Tout
allait bien à la fois dans une perspective historique et dans l’actualité, l’exclusion des boutons
nous offrant l’occasion de rappeler certains voyages dont on ne revient pas : tissu rayé, morceaux
d’étoffes cousus sur les vestes dans les camps ; boat people avec le bruit de la main plongée dans
une boîte à boutons semblable à celui de la mer ; train de boutons tracté par un fer à repassertrain
à
vapeur…
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Monsieur Fugue
La force du texte de Liliane ATLAN réside dans la situation des personnages et dans la
puissance de l’écriture. Extraits des égouts et capturés par des soldats, les enfants et leur
accompagnateur vont inéluctablement vers leur fin. Le laps de temps qui les sépare de cette issue
donne aux scènes et aux propos une tension poignante. L’écriture alterne entre le réalisme le
plus cru et le plus sordide (propos des soldats, réalité de cet ultime voyage) et la poésie la plus
onirique (évocation des scènes et des rêves des enfants afin d’atténuer la cruauté du voyage).
L’unité de lieu (le camion dans lequel sont emmenés les enfants), de temps (la durée du voyage)
et d’action (histoires rêvées ou revécues pour adoucir le sort) confèrent à l’histoire les dimensions
d’une véritable tragédie.
Dans le film Shoah, de Claude LANZMANN, l’un des survivants chargés d’extraire les cadavres
des fosses communes afin de les brûler, rapporte que l’officier allemand chargé de l’opération
demandait aux hommes de ce commando de considérer les cadavres non pas comme des êtres
humains, mais comme des figuren, des « marionnettes ».
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Dans son texte, Liliane ATLAN rend présent l’un de ses personnages, TAMAR (une enfant) par
la poupée qui lui appartenait (LA POUPEE DE TAMAR). A tour de rôle, les enfants font vivre
cette poupée, ou deviennent eux-mêmes leur propre personnage-poupée.
Le parti-pris artistique de Monsieur Fugue s’inspirera de ces deux références, la recherche du jeu
d’acteur explorant tous les possibles de cette dualité personnage-marionnette.
L’autre parti-pris du spectacle consistera à donner une réalité au camion qui emporte les enfants
vers Bourg-Pourri. En effet, Liliane ATLAN lui donne un rôle à part entière ; c’est un
personnage. Elle le décrit comme une grande cage grillagée, pleine de paille, mi-autobus, mi-fourgon à
bestiaux. Sa gueule a quelque chose d’humain et de bestial, ce n’est pourtant qu’une machine. Toujours dans
l’optique de la manipulation des personnages-figuren, la scénographie cherchera à donner corps et
vie à cette machine en s’inspirant de la machine du spectacle Enfants, de Boris CHARMATZ.
Cette machine ainsi conçue et manipulée par les soldats renforcerait le réalisme du lieu de l’action
tout en se transformant en espaces propices aux différents décors des rêves et des histoires que
Monsieur Fugue raconte aux enfants.
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Himmelweg
A l’origine du texte
La pièce de Juan MAYORGA raconte l’histoire vraie d’un camp de concentration postiche créé
de toutes pièces en 1944, le camp tristement célèbre de Terezin. Les Allemands y obligeaient les
juifs à jouer la comédie de l’incarcération « normale », voire heureuse, pour donner le change à la
communauté internationale, tandis que ces « acteurs » forcés guettaient avec angoisse le bruit des
trains, au loin, et la fumée des fours crématoires. Pour ne pas subir le même sort, ils devaient
jouer la comédie.
Juan Mayorga s'est inspiré de Maurice Rossel, Suisse envoyé à Berlin pendant la Seconde Guerre
mondiale comme délégué de la Croix-Rouge pour inspecter les camps de prisonniers de guerre. Il
visita Auschwitz mais aussi le "ghetto modèle" de Terezin en juin 1944 et fit un rapport
approbateur. Comment les nazis ont-ils pu faire croire qu'un camp de concentration de
Tchécoslovaquie était une cité heureuse ? Comment ce délégué de la Croix-Rouge ne s'est-il pas
suicidé en découvrant la supercherie dont il avait été l'involontaire complice ? Autant de questions
qui ont nourri Juan MAYORGA.
Himmelweg ("chemin du ciel" en allemand, du nom que l'on donnait aux rampes menant des trains
aux fours crématoires) est un texte limpide qui nous plonge dans l’enfer de ce ghetto, mis en
scène par les nazis pour camoufler le génocide.
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L’histoire
Le texte de Juan MAYOGA débute par le récit d’un ex-délégué de la Croix-Rouge qui revient au
camp de concentration qu'il inspecta pendant la guerre. Il cherche les voies ferrées, revoit la rivière
qui entoure les lieux et retrouve la rampe de ciment qui reliait directement la gare d'arrivée à ce
qu'on appelait l'infirmerie. Maintenant, tout le reste a été dévoré par le temps et la nature s'est
emparée des ruines. Cependant, les traces de toutes les souffrances et les cris étouffés des victimes
restent gravés dans la pierre, tels d'étranges hiéroglyphes.
L'ex-inspecteur nous raconte l'expérience de sa visite et redit l'objectivité de son rapport final. Ce
jour-là dans le camp, au cœur de la guerre, tout était normal. Des enfants jouaient à la toupie, des
musiciens répétaient sur la place, des marchands de ballons offraient leurs marchandises aux
promeneurs. Partout, il crut voir la normalité. Le Commandant fort aimable et surtout, plus aimable
encore, un "pensionnaire" du camp qu'on lui présenta comme le Maire de la ville, accompagnèrent
ses pas, prêts à satisfaire toute curiosité. Personne ne s'approcha pour exprimer une plainte, lui faire
un signe d'inquiétude ou lancer un appel au secours. Ainsi, après un déjeuner correct partagé avec la
famille du maire, le bon juif Gershom, il se retira et dés son retour à Berlin, rédigea un rapport
positif sur tout ce qu'il venait de voir. Pourtant, une certaine raideur dans le comportement des juifs
l'avait troublé, quelque chose d'étrangement mécanique. Il les jugea impénétrables, repliés sur euxmêmes, dans leur culture et leurs traditions trop étrangères aux siennes pour les comprendre.
Himmelweg met en scène trois personnages. Le délégué de la Croix-Rouge, qui retourne dans sa
tête la visite de la ville ghetto déguisée en colonie de repeuplement juif, sa place paisible, ses enfants
jouant à la toupie, son maire au sourire impassible qui parle de l'histoire d'une horloge centenaire. Il
attendait un appel au secours, mais il ne repartit qu’avec une vague impression de raideur dans les
gestes de ces gens.
Avec l'arrivée du commandant, c'est l'incroyable mensonge, mis en scène telle une pièce de
théâtre pour démentir les soupçons sur les pratiques exterminatrices des nazis, qui se dévoile.
Dans son bureau, le commandant se prend pour un dramaturge, citant Aristote ou Spinoza, et
convoque Gottfried, représentant juif du camp, pour composer avec lui sa farce macabre. On
assiste alors aux coulisses des répétitions du camp idyllique, destiné à être joué par les
pensionnaires euxmêmes.
Le nazi oblige un Gottfried à « traduire » ses consignes pour que « les siens » jouent le jeu. Le juif
lutte pour qu’au moins le texte à « jouer » tienne la route : « dans la vie, on ne parle pas comme ça », ditil pour défendre les autres prisonniers qui peinent sur « leurs scènes ». En guise de réponse, le nazi
se lance alors dans une grande théorie visant à démontrer la prépondérance du geste sur le
discours, à la vie comme à la scène…
On oscille entre le comique ridicule des prétentions théâtrales chez le nazi et les dilemmes
insoutenables du Juif, obligé, pour sauver une partie de sa communauté, d'entrer dans ce jeu
pervers. Son application résignée, alors qu'au dehors sifflent les trains de la mort, est déchirante.
"Si on joue bien, on reverra Maman dans un de ces trains", dit-il à une petite fille.
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Portée du texte et parti-pris
Dans Himmelweg, Juan Mayorga nous raconte et nous fait découvrir l'autre côté du miroir dans une
vision épurée et dramatique. Le Théâtre occupe tout l'espace. Physique et mental. On assiste aux
essais partiels de la construction d'une immense supercherie et à ses répétitions. Le jeu théâtral, le
"mensonge" du théâtre, viennent au secours de l'horreur en masquant la vérité.
Himmelweg met en abyme cette mascarade de l’histoire. Le texte fait entendre comment les mots
peuvent aisément nier le réel et à quel point la pente de la négation ne tient parfois qu’à un simple
jeu.
Les partis-pris d’interprétation et esthétiques seront ancrés dans ce postulat. Afin de servir
au mieux cette mise en abyme et de renforcer la force intrinsèque du théâtre comme espace et
prétexte au mensonge et à la supercherie, seuls deux comédiens-manipulateurs assureront
l’ensemble des rôles de la pièce en manipulant des corps-pantins inspirés des sculptures de
Jürgen BRODWOL.
Ce choix permettra de servir l’angle d’attaque du texte, à savoir la réminiscence dans l’esprit de
l’ex-délégué de la Croix-Rouge des souvenirs liés à son expérience dans le camp qu’il a visité. En
manipulant des pantins inanimés, il redonne vie à ses souvenirs tout en maintenant son
interrogation sur la véracité et la vérité de son expérience (l’a-t-il vraiment vécu ?) et se
donne les moyens d’expier en quelque sorte son aveuglement dans la mesure où les
marionnettes entretiennent dans son esprit l’illusion de maintenir en vie des êtres qu’il sait
disparus.
Dans le même ordre d’idée, la manipulation étant assurée par deux comédiensmanipulateurs,
ceux-ci pourront aisément inverser les rôles des trois protagonistes de l’histoire (le délégué
de la Croix-Rouge, le commandant du camp et le juif choisi pour échafauder l’horrible mascarade)
afin de représenter la versatilité des destins qui s’engagent en pareilles circonstances.
Du point de vue scénographique, l’espace pourrait être seulement occupé par des sculptures
inspirées des formes de Jürgen BRODWOLF, à même le sol, et manipulées au besoin par les
comédiens-manipulateurs. Ces formes larvaires ont une puissance évocatrice très forte qui fait
écho au texte de Juan MAYORGA. La rencontre des corps vivants des comédiens errant au
milieu de ces formes inertes ou les manipulant provoquerait un choc d’où les mots
feraient éclater leur pouvoir de raconter et de transmettre.
Christophe SAUVION
Directeur artistique
Compagnie Grizzli
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Equipes artistiques pressenties et calendrier prévisionnel
° Premier volet du triptyque : Tout allait bien
Odile BOUVAIS
Aude RIVOISY
Mise en scène Christophe SAUVION
° Deuxième volet du triptyque : Monsieur Fugue
Karl BREHERET
Mickaël FRESLON
Jean-Claude GAUTHIER
Cédric GODEAU
Hélène PETIT
Nadège TARD
Mise en scène Christophe SAUVION
° Troisième volet du triptyque : Himmelweg
Philippe RODRIGUEZ-JORDA
Christophe SAUVION
Mise en scène – collaboration artistique : François LAZARO
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Calendriers réalisés et prévisionnels
Premier volet du triptyque : Tout allait bien
Répétitions : Décembre 2013 – Février 2014 : à La Gobinière - Orvault (44), la Goutte de Lait La Roche-sur-Yon ; l’Espace Herbauges – Les Herbiers (85), Le Piment Familial - Mortagne-sursèvre (85) ; Le Champilambart à Vallet (44)
Création du spectacle en février 2014 à Vallet (44) puis tournées de 50 dates :
Saison 2013-2014 : tournée de 31 dates : Festival CEP Party à Vallet (44), St Hilaire de Riez (85),
Espace Herbauges-Les Herbiers (85), Théâtre de la Gobinière –Orvault (44), Treize-Vents et
Tiffauges (85)
Saison 2014-2015 : tournée de 11 dates : Grand R, scène nationale de La Roche-sur-Yon (85),
Théâtre Agora – Le Rheu (35), Théâtre le marais- Challans (85), Salle La Griotte –Cerizay (79)
Saison 2015-2016 : tournée de 8 dates : Festival de Marionnettes à Aigrefeuille sur Maine (44),
avec le Pays Né de la Mer, Luçon et St Michel en l’Herm (85), Espace La Fleuriaye - Carquefou
(44).
Deuxième volet du triptyque : Monsieur Fugue
Répétitions : Printemps/été 2016
Création du spectacle : Octobre 2016
Saison 2016-2017 : Tournée
Troisième volet du triptyque : Himmelweg
Répétitions / création : 2017-2018
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Présentation de la Compagnie Grizzli - 85000 LA ROCHE SUR YON LI PHILIBERT
TAMBOUR e de la République -85000 LA ROCHE SUR YON
Née en 1990 sous le nom de « Grizzli Philibert Tambour », la Compagnie renommée « Grizzli »,
en 2014, crée et diffuse ses spectacles de théâtre d’auteurs contemporains, principalement en
direction du jeune public. Dirigée par Christophe Sauvion depuis 2011, la Compagnie regroupe
une dizaine de comédiens et techniciens autour de ses projets.
En parallèle, la Compagnie Grizzli axe son travail sur la transmission du jeu dramatique (initiation et
perfectionnement), en direction d’un large public. Dans ce cadre, la Compagnie travaille
régulièrement avec des troupes de théâtre amateur, des établissements scolaires, des associations
culturelles mais aussi des entreprises et des collectivités territoriales.
Au service de projets artistiques et pédagogiques, la Compagnie Grizzli s’engage auprès des plus
jeunes, toujours avec le même souci d’exigence de qualité. Elle les amène à se confronter au
spectacle vivant et à l’objet artistique, pour leur permettre de se découvrir et de se construire.
Les créations de la compagnie sous la direction de Christophe SAUVION :
« TOUT ALLAIT BIEN » adaptation de l’album de Franck PREVOT.
Mise en scène de Christophe SAUVION.
Création 2014, en direction des 5-7 ans. Festival jeune public Cep Party à Vallet (44).
50 représentations dont 6 séances au Grand R Scène nationale de La Roche-sur-Yon.
« PREMIER AMOUR » de Samuel BECKETT.
Mise en scène et interprétation de Christophe SAUVION.
Recréation en 2013, après une création aux Rencontres Nationales de la Marionnette en juillet
2001 à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon sous la Direction d’acteur de François LAZARO
du Clastic Théâtre.
« AH ! ANABELLE » de Catherine ANNE.
Mise en scène de Christophe SAUVION.
Création 2011 à La Roche-sur-Yon au Grand R. A partir de 7 ans.
70 représentations, en Vendée, Région des Pays de la Loire, tournée en Alsace et Oise et en
Espagne. Festival Off Avignon au Grenier à sel (Région Pays de la Loire).
« Y’A PAS DE DANGER », montages de textes.
Mise en scène d’Odile BOUVAIS.
Créé en 2011. A l’initiative de la Fédération Familles Rurales de Vendée.
Autour des problématiques rencontrées par les personnes âgées et leurs familles.
20 représentations en Vendée.
Les créations de la compagnie de 1990 à 2010 :
« LE PIED DE MOMIE » inspiré du conte égyptien de Théophile GAUTIER.
Mise en scène de Jean-Claude GAUTHIER. Adaptation théâtrale d’Aude RIVOISY.
Création 2008 à l’occasion du festival jeune public Cep Party à Vallet (44). A partir de 7 ans.
38 représentations dont 9 programmées au Grand R à La Roche-sur-Yon et 2 séances dans le
cadre du Festival « Y’a pas que les Grands » à Nantes.
« CHAMBRE AVEC GISANT » d’après le roman d’Eric PESSAN.
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Mise en scène de Nicole TURPIN.
Création 2006.
26 représentations, dont festival Off Avignon, au Grenier à sel (Région Pays de la Loire) en 2007.
« TERRE » de Gaston COUTE.
Mise en scène de Guy BLANCHARD. Création 2004.
50 représentations, dont festival Off d’Avignon au Grenier à sel (Région Pays de la Loire) en
2005.
« EN ATTENDANT LE PETIT POUCET » de Philippe DORIN.
Mise en scène de Guy BLANCHARD.
Création 2002. Spectacle jeune public à partir de 5 ans.
43 représentations en Vendée et la région des Pays de Loire.
« BIRDY », adaptation du roman de William WHARTON.
Mise en scène de Guy BLANCHARD.
Création 2002, spectacle tout public à partir de 16 ans.
10 représentations, spectacle interrompu (cas force majeur).
“HAMELIN », de Jean PERROCHAUD.
Mise en scène de Jean-Claude GAUTHIER.
Création 2000, spectacle tout public à partir de 9 ans.
30 représentations en Vendée, Région des Pays de Loire et au-delà.
« CAUSETTE ET PETIT CLOU », de Jean PERROCHAUD.
Mise en scène de Jean-Claude GAUTHIER et Guy BLANCHARD.
Création 1998, spectacle tout public à partir de 6 ans.
130 représentations en Vendée, Région Pays de Loire, Poitou Charentes et avec la FOL d’Albi.
« CHAMBRES », de Philippe MINYANA.
Mise en scène de Guy BLANCHARD.
Création 1998, spectacle adulte.
18 représentations en Vendée.
« GASPARD ET LES PIRATES », de Jean PERROCHAUD.
Mise en scène de Jean-Claude GAUTHIER et Guy BLANCHARD.
Création 1996, spectacle tout public à partir de 6 ans.
87 représentations en région Pays de Loire, Bretagne, Poitou Charente, Sud-Ouest, Centre, Est.
« PINOCCHIO », de Jean PERROCHAUD.
Mise en scène de Jean-Claude GAUTHIER.
Création 1994, spectacle tout public à partir de 6 ans.
140 représentations : Pays de Loire, Bretagne, Poitou Charente, Sud-Ouest, Centre, Est,
Ardennes.
« BABEL QUAI 11 »
Création 1993, spectacle tout public.
23 représentations.
« LE PARADIS SUR TERRE » de Tennessee WILLIAMS.
Création 1990, spectacle tout public. 27 représentations.
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COORDONNEES
Compagnie Grizzli
71 Bd Aristide Briand, Pôle associatif - Boite 67
85000 LA ROCHE-SUR-YON
Tél : 02.51.46.14.82 – 06.88.33.73.65
Mail : [email protected]
www.theatre-grizzli.fr
facebook.com/cie.grizzli
facebook.com/Cie.Grizzli.spectacles
Directeur Artistique
Christophe SAUVION
06 61 87 46 94
[email protected]
Administration/Diffusion
Emmanuelle ROBERT
02 51 46 14 82
06.88.33.73.65
[email protected]
Siret : 37934499700034
APE : 9001Z
Licences spectacle : 2-1085557 et 3-1085558
Agrément JEP : 09-85-567
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