UN TTJMULUS DU BEONZE I ? A DARCEY (Côte-d'Or)1 Par M. Henry COROT MEMBRE NON RÉSIDANT II est fait mention pour la première fois de la très intéressante découverte que nous signalons aujourd'hui, par M. Albert Bruzard, dans une étude sur l'âge du Bronze dans l'arrondissement de Semur-en-Auxois 2 , où on peut lire que vers 1861 ou 1862, au lieu dit : Champs de Courbevoie, à dix mètres de la route de Darcey à Frôlois, M. Jean-Baptiste Vendeuvre, ancien maire de Darcey'', trouva sous un lit de pierres, recouvert d'un tertre, cinq bracelets mêlés à des ossements. Puis, en 1878, la Société des sciences de Semur échangea à M. Mailly, un bracelet de la sépulture de Darcey, contre une hache de la cachette de Nan-sous-Thil. C'étaient là les seules mentions que nous connaissions de cette sépulture, quand, en 1913, au mois de novembre, M. Louis Mailly, ancien percepteur, fit donation à la ville de Montbard, de son importante collection archéologique, et me pria de bien vouloir procéder à son installation. Lors d'un classement sommaire, je remarquai quelques objets du Bronze, qui me parurent provenir du mobilier d'une sépulture, et je m'enquis auprès du donateur de leur origine et des circonstances de la découverte. Quelques jours après, j'apprenais que j'avais là, sous la main, la majeure partie des objets du tumulus de Darcey, que l'on considérait comme perdus. 1. Séance du 12 mars 192U. — Darcey, village du canton de Venarey-lesLaumes, arrondissement de Semur. 2. Bulletin de la Société des sciences de Semur, année 1867, p. 28, note 1. 3. M. J.-B. Vendeuvre est mort à Dare.ey.dans le courant de l'année 1896. 11 146 UN TUMULUS DU BRONZE IV A DARCEY Cette sépulture tumulienne comprenait, d'après l'enquête minutieuse à laquelle je me suis livré i, les objets suivants : 1° Deux bracelets ornés de la collection Mailly ; 2° Un autre bracelet également orné, au musée de la ville de Semur-en-Auxois ; 3° Trois épingles dans la collection Mailly. La reproduction des deux bracelets de la collection Mailly, BRACELETS ORNÉS DE LA COLLECTION MAILLY (grandeur naturelle). dont le dessin est dû à la plume experte de mon excellent ami M. Lorimy, ainsi que celui de la photographie du Musée de Semur que j'ai pu faire avec le très bienveillant concours de M. L. Nodot, conservateur du musée, me dispensera de les décrire plus amplement. II n'en est pas de même pour les trois épingles, qui méritent chacune une description minutieuse, tant à cause de leur forme, que pour les gravures qui les ornementent. 1. Il est regrettable que Bruzard ne dise pas s'il a vu les cinq bracelets qu'il signale. J'ai toutefois lieu de croire que le résultat de mon enquête comprend la totalité des objets recueillis dans cetumulus par J..-B. Vendeuvre, qui a cédé l'ensemble de sa découverte à M. Mailly. UN TUMULUS DU BHONZE IV A DAHCEY 147 La plus grande est surtout intéressante par la perforation qui se voit sous la tête, sur un aplatissement de la tige. Ce trou servait-il à la fixer au moyen d'une chaînette pour la maintenir au vêtement, ou bien servait-il au passage d'une tige de bronze recourbée en archet pour former ainsi le prototype de la fibule ? Au Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques i, M. O. Montelius signale une épingle-fibule qu'il regarde comme un dérivé de la fibule primitive, dite de « Pescheria ». Nous ne partageons pas cette manière de voir, et préférons suivre Déchelette 2, qui voit, dans ces épingles à tige perforée, le prototype de la fibule. Quoi qu'il en soit, la forme de sa tête, en cône fortement aplati et orné de traits circulaires profondément gravés, ainsi que la EPINGLES DU TUMULUS DE DARCEY (gr. nat.). protubérance c y l i n 1. C. I. A. Monaco, 1906, t. II ; O. Montelius, L'âge du Bronze en Suède, p. 257, flg. 179. 2. Déchelette, Manuel, t. II, p. 331, Jîg. 130 bis. L'épingle de Darcey est la seule que nous connaissions en France. 148 UN ÏUMULUS DU BRONZE IV A DARCEV drique qui le surmonte au centre, me paraissent caractéristiques de la fin du Bronze III ou du commencement du Bronze IV. La seconde épingle, dont la tête est ornée sur sa périphérie extérieure de deux traits gravés très profondément, est d'un type commun qui rappelle la tête de certains de nos clous. Mais la plus intéressante est assurément la troisième, dont la tête est particulièrement ornée. A sa partie inférieure, on voit deux sillons circulaires et, à la partie supérieure, sont gravés quatre peignes, disposés en croix, les dents du côlé de la péri- 1 nr: 1-2, détails de l'épingle n° 3. — 3, ornement estampé de la ceinture du tumulus n° 4 de Parençot, près Ivory (Jura). pbérie qui est elle-même ornée de quatre sillons annulaires, à fort relief. Cet ornement pectiniforme est très rare sur les objets du Bronze; je serais même tenté de le croire unique jusqu'à ce jour (voir figure ci-dessus : 1, 2, détails de l'épingle n° 3), et on ne trouve d'approchant que l'ornement d'une ceinture de bronze estampée de l'époque hallstattienne, qui a été recueillie par M. M. Piroutet dans le tumulus n° 2 de Parençot 1 , sur les confins de la forêt des Moidons ; on verra, mieux que nous ne saurions l'expliquer, la forme de l'objet figuré sous le n° 3 de la figure, due à la plume de notre toujours dévoué confrère M. Lorimy. 1. Maurice Piroutet, Nouvelles fouilles de lumulns aux environs de Salins (Jura), in Anthropologie, t. XV, 1904, p. 306, flg. 14. UN TUMULUS DU BRONZE IV A DARCEY 149 L'objet en question, maintes fois répété dans les carrés d'un damier, offre trop d'analogie avec celui figuré sur l'épingle de Darcey, pour que nous n'attirions pas l'attention sur sa forme; tous deux paraissent représenter un objet usuel, avec une poignée servant à le tenir en main ; la seule différence est dans la forme de la partie préhensible et dans le nombre de dents. Celui de la ceinture a été obtenue l'aide d'une matrice ou d'un poinçonmatrice, qui ne s'est encore rencontré nulle part ailleurs, tandis que celui figuré sur l'épingle est gravé au burin. Il est fort regrettable que cette découverte de Darcey n'ait pu être suivie par un archéologue, qui eût pu noter les circonstances particulières de cette inhumation du Bronze, notamment son orientation, et recueillir les ossements ; les inhumations sont si rares à cette époque, qu'on souhaite, en cas de pareille découverte, que l'inventeur fasse appel au concours d'un archéologue, qui noterait la position exacte des objets et ferait tenir avec soin, en la passant même au tamis, la terre entourant le cadavre, afin de recueillir les plus menus débris accompagnant le dépôt funèbre. Nous connaissons très mal cette civilisation du Bronze, tant au point de vue de la race qu'à celui des coutumes et du port des objets de parure ; et c'est avec l'aide des sépultures à inhumation que nous pourrons soulever le voile épais qui cache les menus détails que nous voudrions connaître.