Session 2013" ECONOMIE" ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL" Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Le statut des monnaies virtuelles Document 1 : Le «bitcoin», monnaie virtuelle qu’on s’arrache, Le Monde, 10 avril 2013 Document 2 : Les fondations économiques de bitcoin, Banque Centrale Européenne, Octobre 2012, (http://www.ecb.int/pub/pdf/other/virtualcurrencyschemes201210en.pdf)" Document 3 : Virtual Currency Schemes - Conclusion du rapport, anque Centrale Européenne, Octobre 2012, (http://www.ecb.int/pub/pdf/other/virtualcurrencyschemes201210en.pdf)." Document 4 : Evolution de la valeur du bitcoin sur les douze derniers mois, http://bitcoincharts.com/ charts" DOCUMENT 1 Le « bitcoin », monnaie virtuelle qu'on s'arrache Article paru dans l'édition du 10.04.13" La « e-devise » s'échangeait, mardi, à 194 dollars, alors qu'elle en valait moins de 20 en janvier" L'histoire de ses origines est aussi obscure et mystérieuse que l'explication de son récent succès. Monnaie virtuelle au nom un peu barbare, longtemps apanage des seuls mordus de l'Internet, le « bitcoin » voit son cours littéralement flamber." Mardi 9 avril au matin, la « e-devise » s'échangeait autour de 194 dollars (149 euros), alors qu'elle en valait moins de 20 en janvier. La valeur totale de bitcoins en circulation représente quelque 2 milliards de dollars, soit un doublement en quelques jours. Une véritable frénésie qui met sous les projecteurs cette monnaie largement inconnue du grand public." Le bitcoin est né en janvier 2009. Son inventeur, un énigmatique programmeur informatique dissimulé sous le pseudonyme Satoshi Nakamoto, semble poursuivre une ambition : la création d'une monnaie échappant au contrôle des banques centrales et des Trésors nationaux." Celle-ci est mise au service d'un réseau de transactions financières, décentralisé, anonyme et sans frais visant à contourner le monopole des établissements bancaires. « Le bitcoin est bien plus qu'une simple devise, décrit Pierre Noizat, cofondateur de Paymium, une start-up spécialisée dans le paiement en bitcoins. C'est aussi un réseau et une technologie. »" Personne ne « possède » cette monnaie numérique, émise grâce à un puissant algorithme. Mais tous ceux qui consacrent la puissance de leur ordinateur à faire fonctionner le réseau et à vérifier l'authenticité des transactions sont récompensés en bitcoins. Ils peuvent, ensuite, les revendre, sur Internet, sur une vingtaine de places de marché. Dont la plus importante, MtGox, est établie au Japon." On recense autour de 11 millions de bitcoins en circulation. Le système est programmé de telle sorte que le volume total, à terme, n'excède pas 21 millions. Aujourd'hui, les acteurs de l'écosystème évaluent à quelques milliers le nombre de sites Web qui acceptent les bitcoins comme dons ou comme moyens de paiement." Mais d'où vient ce soudain accès de popularité ? La crise chypriote est citée par des analystes : la crainte de voir leurs dépôts lourdement taxés aurait poussé de nombreux épargnants à convertir leurs euros en bitcoins. « Mais il n'existe aucune preuve tangible, si ce n'est que les dates concordent », nuance Yannick Naud de la société londonienne d'investissement Glendevon King Asset Management." Pour ce gérant, c'est d'abord la spéculation qui est à l'oeuvre. Alors que le phénomène est alimenté par le brouhaha médiatique et les réseaux sociaux, « les gens achètent du bitcoin parce qu'ils pensent que sa valeur sera supérieure demain », résume M. Naud. Lui-même reçoit de plus en plus de demandes d'information de clients depuis quelques jours." La fièvre est telle que certains évoquent la formation d'une bulle sur le point de crever. Déjà, en 2011, le bitcoin était passé de quelques centimes à 30 dollars avant de s'effondrer sous les 3 dollars en l'espace de cinq mois. « On n'est pas dans une bulle, on est dans une logique où il faut mettre un prix sur quelque chose de nouveau », défend M. Noizat qui souligne qu'après quatre ans, le projet est sorti de sa phase purement expérimentale." Mais, même ses promoteurs admettent que l'extrême volatilité du bitcoin nuit à son bon fonctionnement. « Les virements deviennent compliqués si la monnaie prend 10 euros en quelques heures, note Philippe Herlin, économiste, chargé de cours au Conservatoire national des arts et métiers. Le bitcoin était dans l'enfance. Il entre dans l'adolescence avec son lot de crises. »" En attendant, la devise se développe sous le regard attentif et suspicieux des autorités monétaires. Dans un rapport d'octobre 2012, la Banque centrale européenne la décrivait comme « la monnaie virtuelle ayant le plus de succès ». Tout en soulignant la nécessité de réévaluer les risques si son usage venait à se généraliser." Aux Etats-Unis, les autorités se sont déjà inquiétées de la liberté et de l'opacité entourant le bitcoin. Le système est suspecté d'être utilisé à des fins de blanchiment ou de trafic de drogue." Marie de Vergès DOCUMENT 2 Les fondations économiques de Bitcoin Les racines théoriques de Bitcoin se trouvent dans l’école autrichienne et sa critique du système monétaire et des interventions entreprises par les gouvernements et les autres agences qui, selon elle, résultent en des cycles économiques exacerbés et une inflation massive." Un des sujets sur lesquels l’école autrichienne, menée par Eugen von Böhm-Bawerk, Ludwig von Mises et Friedrich Hayek, s’est concentré sur les cycles économiques. Brièvement, selon la théorie autrichienne, les cycles économiques sont la conséquence inévitable des interventions monétaires sur le marché où une expansion excessive des crédits bancaires provoque une augmentation de l’offre de monnaie à travers le processus de création monétaire d’un système bancaire à réserves fractionnées, ce qui conduit à son tour à des taux d’intérêt artificiellement bas. Dans ce cas, les entrepreneurs, guidés par le signal distordu des taux d’intérêt, se lancent dans des projets d’investissement trop ambitieux qui ne correspondent pas aux préférences des consommateurs en termes de consommation intertemporelle (c’est-à-dire leurs décisions concernant leurs consommations présente et futures). Tôt ou tard, ce déséquilibre n’est plus soutenable et conduit à une récession pendant la quelle les entreprises ont besoin de liquider les investissements qui ont échoué et de restructurer leurs structures de production en accord avec les préférences intertemporelles des consommateurs. Il en résulte que de nombreux économistes autrichiens en appellent à l’abandon d’un tel système et prônent le retour à l’étalon or qui ne peut pas être aussi facilement manipulé par les autorités." Un autre domaine dans lequel les économistes autrichiens ont été très actifs est la théorie monétaire. Un des noms les plus connus dans ce domaine est Friedrich Hayek. Il a écrit quelques publications très influentes telles que la Dénationalisation de la monnaie (1976), dans lequel il énonce que les gouvernements ne devraient pas avoir un monopole d’émission de la monnaie. Il suggère à la place que des banques privées soient autorisées à publier des certificats dénués de taux intérêt sur la base de leurs propres avoirs. Ces certificats (ces monnaies) devraient être exposées à la concurrence et seraient échangées selon des taux de change variables. N’importe quelle monnaie capable de garantir un pouvoir d’achat stable éliminerait du marché les autres monnaies moins stables. Le résultat de ce processus de concurrence et de maximisation du profit serait un système monétaire très efficace où seules les monnaies stables coexisteraient." Ces idées sont partagées par Bitcoin et ses supporters :" - ils voient Bitcoin comme un bon point de départ de la fin du monopole que les banques centrales possèdent dans l’émission de monnaie" - ils critiquent fermement le système bancaire actuel où les banques peuvent développer leur offre de crédit au-delà de leurs réserves et, simultanément, les déposants peuvent retirer leurs fonds dans leurs comptes courants à n’importe quel moment," - le système est inspiré de l’ancien étalon-or" Bien que ses racines théoriques peuvent se trouver dans l’école autrichienne, Bitcoin a soulevé de sérieuses inquiétudes parmi les économistes autrichiens contemporains. Leurs critiques concernent deux aspects généraux : les Bitcoins n’ont pas de valeur intrinsèque comme l’or puisque ce ne sont que de simples octets stockés sur des ordinateurs et le système ne vérifie pas le théorème Miséen de régression qui explique que la monnaie est acceptée non par un décret gouvernemental ou une convention sociale mais parce qu’elle a ses racines dans une matière première qui exprime un certain pouvoir d’achat. DOCUMENT 3 Bien que, en termes pratiques, les schémas de monnaie virtuels ne sont qu’une évolution, ils présentent des changements conceptuels importants lorsqu’on les compares aux monnaies réelles et aux systèmes de paiement. D’abord, les acteurs conventionnels (les institutions financières, les chambres de compensation ou les banques centrales) en sont absents. Ensuite, ils prolifèrent plus facilement en s’appuyant sur le contexte d’une énorme croissance des accès et de l’utilisation d’internet sous-tendue par les innovations qui sont derrière ces schémas. De plus, ils ne sont pas limités à un seul pays ou une seule zone monétaire, ce qui complique la mise en place de règlementations." L’analyse préliminaire livrée dans ce rapport peut conclure que, dans la situation actuelle, les schémas de monnaie virtuelle :" - ne posent pas de risque en termes de stabilité des prix, à condition que la création monétaire continue de se faire à des niveaux faibles," - présentent une nature instable mais ne mettent pas en danger la stabilité financière en raison de leur connexion limitée avec l’économie réelle, leurs faibles volumes échangés et le manque d’une acceptation généralisée," - ne sont réglementés ni surveillés par aucune institution publique même si la participation à ces schémas expose les utilisateurs à des risques de crédits, de liquidités ou même de règlementation," - pourraient représenter un défi pour les autorités publiques étant donnée l’incertitude juridique qui les entoure puisqu’ils peuvent être utilisés par des criminels, des fraudeurs ou des blanchisseurs d’argent sale," - pourraient avoir un impact négatif sur la réputation des banques centrales en supposant que l’utilisation de tels systèmes connaisse une forte croissance et qu’un incident n’attire la couverture des médias. Le public pourrait alors percevoir l’incident comme étant la conséquence, au moins partielle, d’une mauvaise gestion des banques centrales," - tombent dans le champ de responsabilité des banques centrales puisqu’ils partagent les caractéristiques des systèmes de paiement, qui créent le besoin d’examiner ses développements et de fournir des évaluations." Bien que ces schémas peuvent avoir des aspects positifs en termes d’innovation financière et de fourniture d’alternatives supplémentaires de moyens de paiement pour les consommateurs, il est clair qu’ils exposent également à des risques. En raison de la faible taille de ces dispositifs, ces risques n’affectent que leurs utilisateurs. Toutefois, on doit raisonnablement s’attendre à voir poursuivre la croissance de ces dispositifs, soutenue par plusieurs facteurs :" - l’expansion continue de l’internet et des utilisateurs de communautés virtuelles," - l’augmentation du commerce électronique et des biens numériques qui sont des plate-formes idéales pour ces dispositifs," - le degré d’anonymat plus élevé comparé aux autres instruments de paiement électroniques" - les coûts de transaction plus faibles," - le règlement plus direct et plus rapide des transactions qui est requis et souhaité dans les communautés virtuelles." Etant donné que l’évaluation actuelle des risques est très dépendante de la relative petite taille de ces dispositifs, l’hypothèse de leur croissance continue impose des examens périodiques de ces développements afin de bien surveiller l’évolution des risques. DOCUMENT 4 Session 2013! ECONOMIE! ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL! Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Un bon niveau d’inflation ? Document 1 : Dynamique des salaires par temps de crise, P. Askenazy, A. Bozio et C. Garcia-Penalosa, Les notes du CAE (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/CAE-note005.pdf), extraits.! Document 2 : Rethinking Macroeconomic Policy, O. Blanchard, G Dell’Ariccia et P. Mauro, IMF Staff Position Note, 2010, Should the Inflation Target Be Raised ?.! Document 3 : L’inflation telle qu’elle est perçue par les ménages, J. Accardo, C. Célérier, N. Herpin, D. Irac, INSEE Analyses, Juillet 2012.! ! ! ! DOCUMENT 1 L’idée selon laquelle les entreprises peuvent choisir de ne pas réduire les salaires par temps de crise est corroborée par une série d’études interrogeant leurs dirigeants, menées notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Suède10. Dans des environnements institutionnels pourtant très divers, ces études montrent que l’ajustement modéré des salaires nominaux en période de récession résulte en partie d’un choix fait par les dirigeants des entreprises11. Une des explications avancées est que les entreprises ne veulent pas réduire les salaires nominaux à cause de l’effet délétère qu’une telle réduction pourrait avoir sur le moral des travailleurs et par conséquent sur leur productivité (encadré 3). Les enquêtes réalisées auprès des directions d’entreprises en France confirment la présence d’une rigidité du salaire nominal. Selon l’enquête REPONSE 2010-201112, si la situation financière de l’entreprise est très majoritairement un critère « primordial » dans les décisions d’évolution salariale, la nécessité de maintenir un bon climat social est également citée comme « primordiale » par une majorité d’établissements de plus de dix salariés, cette proportion ayant même augmenté entre 2004-2005 et 2010-2011. Il n’est alors guère surprenant que, parmi les établissements de plus de dix salariés, à peine 1 % ait mené en réponse à la crise une politique de baisse des salaires nominaux sur la période 2008-2010, tandis qu’un gel a concerné une partie des personnels dans 10 % des établissements, et une modération dans environ 20 %. En définitive, une large majorité d’établissements n’aurait pas dégradé sa politique salariale en réponse à la crise, du moins jusqu’à fin 2010. Plus précisément, si la proportion d’établissements offrant des augmentations collectives est similaire en 2010-2011 par rap- port à 2004-2005, on observe un tassement de la pratique des augmentations individuelles pour les cadres comme pour les non-cadres, et ce pour toutes les tailles d’entreprises. En revanche, les proportions d’établissements distribuant des primes individuelles ou collectives sont stables. Une question importante est de comprendre l’effet du contexte macroéconomique sur les salaires des nouveaux entrants. Une série d’études13 montre que les salaires proposés à l’embauche réagissent plus fortement aux conditions du marché de travail que les salaires des individus déjà dans l’entreprise. Toutefois, même si les salaires d’embauche sont plus sensibles au cycle économique, le degré de flexibilité demeure modéré, notamment parce que les entreprises souhaitent maintenir une équité salariale par rapport aux travailleurs déjà dans l’entreprise (encadré 3). Des enquêtes sur quinze pays de l’Union européenne confirment que pour la majorité des entreprises, la préservation de la structure des salaires au sein de l’entreprise est plus importante pour déterminer les salaires d’embauche que les conditions du marché de travail. Pour autant, des différences importantes existent entre pays : en France, 32 % des entreprises jugent que les conditions externes du marché du travail déterminent leurs salaires d’embauche, tandis qu’en Irlande et en Espagne, ces proportions sont de 29 et 4 %, respectivement14. En définitive, les pratiques de rémunération des entreprises suivent des logiques de préservation des incitations ou du cli- mat social relativement indépendantes du cycle économique, de la situation de l’entreprise ou de l’état du marché du travail. Cette situation n’est pas particulière à la France. DOCUMENT 2 La crise a montré que des chocs macroéconomiques importants peuvent arriver et arrivent. Dans cette crise, ils sont venus du secteur financier mais ils pourraient venir d’ailleurs dans le futur (les effets d’une pandémie sur le tourisme ou le commerce ou les effets d’une attaque terroriste majeure sur un grand centre économique). La question se pose alors de savoir si les responsables de politique économique ne devraient pas avoir une cible d’inflation plus élevée dans des périodes normales afin d’accroître les marges de manoeuvre de la politique pour répondre à de tels chocs. Concrètement, est-ce que les coûts nets de l’inflation sont bien plus élevés avec une inflation disons à 4%, qu’avec une inflation à 2%, la cible actuelle des politiques monétaires ? Est-il plus difficile d’ancrer les anticipations à 4% plus qu’à 2 ? L’obtention d’une faible inflation par l’indépendance des banques centrales a été une réussite historique, particulièrement dans de nombreux pays émergents. Ainsi, répondre à ces questions implique de revisiter avec prudence la liste des coûts et des bénéfices de l’inflation. La taxe inflationniste est clairement une source de distorsions mais les autres impôts le sont aussi. La plupart des distorsions de l’inflation proviennent d’un système fiscal qui n’est pas neutre à l’inflation, par exemple les taux marginaux nominaux ou la déductibilité des paiements d’intérêt nominaux. Celles-ci pourraient être corrigées en permettant une inflation plus élevée. Si une inflation plus élevée est associée avec une variabilité plus élevée, des obligations indexées peuvent protéger les investisseurs du risque inflationniste. D’autres distorsions, telles que la plus faible détention d’encaisses monétaires réelles et une plus grande dispersion des prix relatifs sont plus difficiles à corriger (les preuves empiriques suggèrent toutefois que leurs effets sur la production sont difficiles à discerner tant que l’inflation reste à un seul chiffre). Le risque que l’inflation plus élevée ne modifie la structure de l’économie (telle que l’indexation des salaires sur les prix par exemple) qui pourrait amplifier les chocs de l’inflation et réduire l’efficacité des actions politiques. Mais les questions demeurent de savoir si ces coûts sont dépassés par les bénéfices potentiels apportés par une plus grande distance à la limite des taux d’intérêt nuls. Une question liée est de savoir si, quand l’inflation devient très faible, les responsables de politique économique devraient adopter une politique monétaire plus souple de sorte à minimiser la probabilité de déflation même si cela signifie accroître le risque d’une inflation plus forte dans le futur dans le cas d’un accroissement particulièrement fort de la demande. Il est est important de revenir sur ce problème qui occupait les esprits de la Réserve Fédérale au début des années 2000. DOCUMENT 3 L’indice des prix à la consommation (IPC) mesure l’inflation en agrégeant les évolutions de prix d’un très grand nombre de biens élémentaires, pondérées par leurs parts dans la consommation globale des ménages. Indépendamment de l’IPC, l’Insee recueille également les opinions personnelles sur l’inflation (OPI), exprimées par les consommateurs dans le cadre de l’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages. Ces deux mesures divergent fortement. Depuis 2004, l’OPI fluctue en moyenne six points au-dessus de l’inflation mesurée par l’IPC. Les opinions personnelles sur l’inflation présentent par ailleurs une très forte dispersion : des niveaux d’inflation perçue supérieurs à 20 % par an ne sont pas rares. Il est courant d’y voir un effet du passage à l’euro. Privés de leurs repères habituels, les consommateurs auraient développé une perception des prix largement déconnectée de leur évolution effective. Mais deux éléments relativisent cette thèse. D’une part, elle ne peut expliquer que le phénomène soit aussi durable : il aurait dû s’estomper avec l’accoutumance progressive à la nouvelle monnaie. D’autre part, on dispose d’informations sur la perception des prix pour quelques biens élémentaires, or elles s’avèrent relativement cohérentes avec les évolutions des prix de ces biens au sein de l’IPC. L’OPI aurait donc bien des bases objectives. D’autres explications de l’écart OPI/IPC sont envisageables. La perception des prix élémentaires n’aurait pas de biais systématique mais, contrairement à l’IPC fondé sur les parts budgétaires, les consommateurs donneraient un poids plus important aux biens à forte fréquence d’achat, et ils surpondéreraient ceux dont les prix sont en hausse. Un résultat classique de psychologie économique est en effet que les agents sont plus affectés par les nouvelles défavorables que par les nouvelles favorables. Si on combine ces deux dernières hypothèses, supposer une pondération deux fois plus importante pour les biens dont les prix augmentent permet de rendre compte de l’écart moyen entre OPI et IPC. Session 2013" ECONOMIE" ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL" Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Le chômage des jeunes Document 1 : La situation des jeunes sur le marché du travail, Statistiques de l’OCDE, http:// www.oecd.org/fr/emploi/emp/basededonneesdelocdesurlemploi.htm Document 2 : Principaux éléments du plan de l’OCDE pour les jeunes, http://www.oecd.org/fr/presse/ Plan-action-jeunes.pdf." Document 3 : Le contrat première embauche repose sur une erreur de diagnostic, P. Werquin et M. Taguma, Le Monde, 4 avril 2006." ! DOCUMENT 1 Statistiques des jeunes sur le marché du travail AUS AUT BEL CAN SUI ALL DAN ESP FRA GBR GRE ITA JAP COR HOL USA Taux d'emploi (% de la classe d'âge) 60,7 54,9 26,0 55,4 62,9 48,2 57,5 24,1 29,9 50,1 16,3 19,4 39,1 23,1 63,6 45,5 Taux de chômage (% de la population active) 11,3 8,3 18,7 14,1 7,7 8,5 14,2 46,4 22,1 20,0 44,4 29,1 8,0 9,6 7,7 17,3 Ratio de TC jeunes (15-24 ans)/TC adultes (25-54 ans) 2,9 2,3 2,9 2,3 2,1 1,6 2,2 2,3 2,7 3,3 2,6 3,9 1,8 3,1 2,1 2,2 Proportion de chômage (% de la classe d'âge) 7,8 5,0 6,0 9,1 5,3 4,5 9,6 20,9 8,5 12,5 13,0 8,0 3,4 2,5 5,3 9,5 Incidence du chômage de longue durée (% du chômage) 12,8 14,1 32,1 5,4 23,9 9,9 32,4 28,3 24,7 42,4 47,8 30,0 0,1 13,7 19,5 37,2 34,3 30,5 51,6 56,0 22,1 61,4 55,0 13,5 30,1 49,9 26,4 27,3 47,8 34,6 16,4 20,8 48,1 17,8 19,3 59,7 31,1 17,6 37,0 15,5 21,1 29,5 26,3 65,8 14,4 Incidence du travail temporaire (% de l'emploi) Incidence du travail à temps partiel (% de l'emploi) 43,4 *TC : taux de chômage DOCUMENT 2 Principaux éléments du Plan d’action de l’OCDE pour les jeunes Lutter contre la crise actuelle du chômage des jeunes! • Lutter contre une demande globale faible et stimuler la création d’emplois. " • Apporter une aide au revenu appropriée pour les jeunes chômeurs jusqu’à l'amélioration de la situation du marché du travail, mais sous réserve d’obligations mutuelles strictes en termes de recherche active d’emploi et d’engagement dans des mesures de développement de l’employabilité. " • Maintenir et, lorsque cela est possible, étendre les mesures actives du marché du travail efficientes, notamment les programmes de conseil, d’aide à la recherche d’emploi et de développement de l’entrepreneuriat, et apporter une aide plus intensive aux jeunes défavorisés, tels que les jeunes peu qualifiés ou issus de l'immigration. " • Réduire, du côté de la demande, les obstacles à l’embauche des jeunes peu qualifiés, tels que des coûts élevés du travail. " • Encourager les employeurs à poursuivre ou à étendre les programmes efficaces d’apprentissage et de stage, y compris au travers d’incitations financières additionnelles si nécessaire. " Améliorer les perspectives professionnelles des jeunes à long terme " • Renforcer le système éducatif et préparer tous les jeunes au monde du travail" - Affronter et réduire le décrochage scolaire et offrir une seconde chance à ceux qui n’ont pas terminé le deuxième cycle du secondaire ou équivalent. " - Veiller à ce que tous les jeunes atteignent un bon niveau de compétences de base et transversales. " - Offrir à tous les jeunes des compétences adaptées au marché du travail. " • Renforcer le rôle et l’efficacité de l’enseignement et de la formation professionnels" - Veiller à ce que les programmes d’enseignement et de formation professionnels (EFP) fournissent un bon niveau de compétences de base et proposent une aide complémentaire en cas de besoin. " - Veiller à ce que les programmes d'EFP soient plus à l’écoute des besoins du marché du travail et dotent les jeunes de compétences qui leur permettent de trouver un emploi. " - Veiller à ce que les programmes d’EFP donnent une réelle importance à la formation en milieu professionnel, adopter les combinaisons d’expérience professionnelle et de formation en milieu scolaire les plus efficaces pour l’acquisition des compétences adéquates et améliorer la qualité des programmes d'apprentissage, le cas échéant. " - Veiller à ce que les partenaires sociaux soient activement impliqués dans l'élaboration de programmes d’EFP qui non seulement soient adaptés aux exigences actuelles du marché du travail, mais qui favorisent également les compétences plus larges qui fondent l'employabilité." • Faciliter le passage à la vie active" - Faire que chaque jeune profite d’une expérience professionnelle pertinente avant de quitter le système éducatif. " - Proposer des services d’orientation professionnelle de qualité, reposant sur des informations fiables sur les carrières et les perspectives d’emploi, pour aider les jeunes à faire de meilleurs choix de carrière. " - Obtenir l’engagement des partenaires sociaux à soutenir une transition efficace vers l’emploi pour les jeunes, notamment en développant des parcours professionnels dans des secteurs et des professions spécifiques." • Reconfigurer les politiques et les institutions du marché du travail pour faciliter l’accès à l’emploi et lutter contre l'exclusion sociale" - Garantir un traitement plus égal en matière de protection de l'emploi aux travailleurs permanents et aux travailleurs temporaires, et prévoir des périodes d'essai de durée raisonnable pour permettre aux employeurs d’offrir aux jeunes qui manquent d’expérience une chance de faire leurs preuves et leur faciliter l’accès à un emploi régulier. " - Combattre l’emploi informel dans le cadre d’une stratégie globale. " - Pour les jeunes les plus défavorisés, des programmes intensifs peuvent être nécessaires, mettant fortement l’accent sur des formations de rattrapage, l’expérience professionnelle et le mentorat par des adultes. " DOCUMENT 3 Le contrat première embauche (CPE) repose sur une erreur de diagnostic : le marché du travail français, et celui des jeunes en particulier, n'est pas aussi rigide qu'on veut bien le dire, comme le montrent l'accumulation de contrats aidés depuis près de trente ans, et le recours massif aux contrats à durée déterminée (CDD) et à l'intérim. Le chômage des jeunes relève, en réalité, du manque de croissance économique, du déficit de confiance de la part de la population et d'un problème général d'éducation et de formation." Les deux premiers sont liés, car la confiance créerait une augmentation de la demande de biens adressée aux entreprises et relancerait - à inflation maîtrisée - la consommation et donc l'activité économique. C'est en partie là que le bât blesse car outre le fait que nos décideurs ne s'intéressent jamais vraiment au pouvoir d'achat des jeunes et ne communiquent pas du tout sur ce thème pourtant porteur politiquement, ils créent un contrat de travail qui panique toutes les générations. Ce n'est pas en précarisant toute une génération et en donnant des inquiétudes à celle de leurs parents qu'on va créer la confiance. Les jeunes, lorsqu'ils s'installent - même si c'est de plus en plus tardivement et c'est aussi un problème que le CPE va accentuer -, sont plus dépensiers que les générations plus anciennes alors même que la distribution des revenus est de plus en plus inéquitable, se montrant désormais en faveur des seniors. De plus, la structure de consommation des jeunes, tournée vers les loisirs et la grande distribution, serait source de croissance en France. Les emplois-jeunes, inscrits dans la durée, généraient du pouvoir d'achat et c'était aussi un de leurs attraits." Pourquoi précariser une génération alors que l'on peut laisser fonctionner le marché pour ceux, nombreux au demeurant, qui s'insèrent efficacement et rapidement ? Il est tout de même curieux que le gouvernement, théoriquement favorable au fonctionnement libre du marché, intervienne de manière aussi massive alors que de nombreuses embauches interviennent déjà naturellement. On peut aussi noter qu'à l'heure où l'on souhaite retenir, voire attirer les meilleurs éléments, la fuite des cerveaux risque de s'accentuer si on n'a pas mieux à proposer que de l'instabilité..." L'intervention publique, pour être efficace, devrait être beaucoup mieux ciblée sur les jeunes en difficulté. Pour eux, pourquoi ne pas concevoir en effet un contrat de travail nouveau, aménagé et astucieux. Un de plus ? Oui, un de plus, mais pourquoi pas ! Ceux qui s'expriment le plus sur le CPE ne sont pas forcément ceux qui, dans les banlieues par exemple, ont le plus besoin d'une intervention publique ciblée, massive et efficace." Il serait ainsi grand temps que l'on s'intéresse enfin au problème de la formation au sens large, depuis la maîtrise des compétences de base jusqu'à la formation professionnelle. Les jeunes ayant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle sont aussi ceux dont le déficit de formation est le plus criant. S'il n'est pas nouveau, le problème a toujours été mal traité. Les anciens contrats aidés visaient essentiellement à intervenir sur la file d'attente des jeunes à la recherche d'un emploi pour éviter les deux maux les plus dramatiques en termes de pertes de compétences et de confiance : l'inactivité et le chômage. C'était une bonne idée. En revanche, jamais ces passages, même courts, en contrats aidés de toutes sortes, depuis les plans Barre jusqu'aux emplois-jeunes, en passant par les contrats de qualification et d'adaptation, n'ont donné lieu à une validation quelconque en termes de compétences notamment, monnayable sur le marché du travail et/ou dans le système de formation pour acquérir des titres plus élevés ou réputés plus employables. Rien n'a jamais été inscrit dans le long terme, ni même dans le moyen terme d'ailleurs. Un manque d'autant plus curieux que les textes existent. La planète nous envie notre système de validation des acquis de l'expérience (VAE), et nous ne l'appliquons pas à ceux qui en auraient le plus besoin !" C'est là qu'une intervention publique aurait du sens pour contrecarrer les iniquités qui font que les plus formés se forment encore plus... Le CPE ne répond pas aux besoins du marché, soit, mais s'il ne devait pas être retiré, essayons au moins de l'utiliser pour construire, par le système de la formation pour adultes et la VAE, un avenir à ceux qui n'ont pas eu la chance d'accumuler le nécessaire en formation initiale. Les employeurs se trompent s'ils voient dans le CPE une solution durable, car ce dont ils ont besoin n'est pas une main-d'oeuvre taillable et corvéable à merci, mais d'une forme d'engagement des jeunes envers la logique d'entreprise, et d'un niveau de compétences suffisant pour se positionner sur des segments de production à forte valeur ajoutée, les seuls où ils peuvent décemment entrer dans la compétition mondiale." Le CPE tel quel n'a probablement aucun avenir - et il faudra sans doute rebaptiser son éventuel successeur -, mais la discussion sur les besoins des jeunes, des employeurs et de l'économie pourrait enfin commencer. On pourrait imaginer, par exemple, outre la réduction de la période de précarité et le rétablissement de la justification du licenciement, d'inscrire dans le contrat l'obligation pour l'entreprise de favoriser ou garantir l'acquisition d'un titre reconnu." PATRICK WERQUIN ET MIHO TAGUMA (OCDE)" Session 2013" ECONOMIE" ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL" Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Le chômage des jeunes Document 1 : La situation des jeunes sur le marché du travail, Statistiques de l’OCDE, http:// www.oecd.org/fr/emploi/emp/basededonneesdelocdesurlemploi.htm Document 2 : Un plan de 8 milliards d'euros pour lutter contre le chômage des jeunes en Europe, lemonde.fr, 28 juin 2013. " Document 3 : L’emploi des jeunes peu qualifiés en France, P. Cahuc, S. Carcillo et K. Zimmermann, Les notes du conseil d’analyse économique, avril 2013." DOCUMENT 1 Statistiques des jeunes sur le marché du travail AUS AUT BEL CAN SUI ALL DAN ESP FRA GBR GRE ITA JAP COR HOL USA Taux d'emploi (% de la classe d'âge) 60,7 54,9 26,0 55,4 62,9 48,2 57,5 24,1 29,9 50,1 16,3 19,4 39,1 23,1 63,6 45,5 Taux de chômage (% de la population active) 11,3 8,3 18,7 14,1 7,7 8,5 14,2 46,4 22,1 20,0 44,4 29,1 8,0 9,6 7,7 17,3 Ratio de TC jeunes (15-24 ans)/TC adultes (25-54 ans) 2,9 2,3 2,9 2,3 2,1 1,6 2,2 2,3 2,7 3,3 2,6 3,9 1,8 3,1 2,1 2,2 Proportion de chômage (% de la classe d'âge) 7,8 5,0 6,0 9,1 5,3 4,5 9,6 20,9 8,5 12,5 13,0 8,0 3,4 2,5 5,3 9,5 Jeunes ni en emploi, ni scolarisés, ni en formation (% de la classe d'âge)c 10,0 9,2 10,9 11,6 9,3 8,9 6,3 20,2 13,4 14,5 13,2 18,1 8,4 5,7 9,7 Sortants de l'école sans diplôme du 2e cycle du sec. (% de la classe d'âge)d 23,1 10,7 13,4 9,3 9,4 11,9 14,2 35,3 14,6 20,4 17,3 20,3 32,0 3,7 Ratio des TC (nondiplômés du 2e cycle du sec)/ TC (diplômés du supérieur)e 2,6 1,5 2,5 2,6 3,5 2,4 1,9 2,5 2,9 3,2 0,7 0,9 4,3 1,1 2,0 *TC : taux de chômage DOCUMENT 2 Les dirigeants européens se sont mis d'accord, dans la nuit de jeudi à vendredi 28 juin, pour accélérer le déblocage de 6 milliards d'euros pour lutter contre le chômage des jeunes, et faire passer l'enveloppe consacrée à ce plan à 8 milliards d'euros au total. La Commission européenne avait proposé que les 6 milliards d'euros prévus pour l'emploi des jeunes dans le budget européen 2014-2020 soient mobilisés sur deux ans au lieu de sept." Au terme d'un sommet européen à Bruxelles, les Vingt-Sept ont approuvé la proposition de la Commission. Ils sont même allés plus loin, en relevant l'enveloppe. Grâce à la flexibilité décidée dans la gestion du budget 2014-2020, qui permettra de réaffecter des fonds non utilisés, "l'initiative pour la jeunesse sera bien plus importante que les 6 milliards d'euros. Elle devrait au moins s'élever à 8 milliards d'euros, selon les projections", a annoncé M.Van Rompuy." Plus de 26 millions de personnes sont au chômage en Europe, dont 5,6 millions âgées de moins de 25 ans. La situation est alarmante dans certains pays comme la Grèce et l'Espagne, où plus d'un jeune sur deux est sans emploi. Cette "initiative pour la jeunesse"concerne les régions les plus frappées par le chômage des jeunes dans treize pays. Les principaux bénéficiaires devraient être en 2014 l'Espagne, la Grèce, l'Italie et la France, selon un diplomate européen." EN FRANCE, 300 000 JEUNES CONCERNÉS" Le plan bénéficiera à 300 000 personnes en France, pour un montant de 600 millions d'euros sur deux ans, a annoncé le président François Hollande. Seules seront concernées les régions françaises "où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 % de la population active de moins de 25 ans", a-t-il précisé." La France doit désormais traduire dans ses dispositifs nationaux la "garantie jeune" approuvée par tous les Etats membres de l'Union européenne. Ce dispositif prévoit qu'un jeune doit bénéficier, quatre mois après avoir perdu un emploi ou terminé une formation, d'une nouvelle formation, d'un stage ou d'un emploi." Les chefs d'Etat et de gouvernement ont également décidé d'améliorer le financement des petites et moyennes entreprises (PME), avec notamment la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement." DOCUMENT 3 L’emploi des jeunes peu qualifiés en France Début 2013, près de 1,9 million de jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni à l’école, ni en emploi, ni en formation, soit 17% de cette classe d’âge. Si la crise a affecté l’ensemble des pays développés, nombre de nos voisins européens connaissent des taux d’emploi des jeunes nettement supérieurs au nôtre. Le niveau d’étude est le critère décisif quant à la trajectoire du jeune. Or, aujourd’hui, 900 000 jeunes ont quitté le système scolaire sans diplôme. Aider ces jeunes à s’insérer dans la vie professionnelle est un défi majeur. Nous proposons pour cela deux types de mesures : celles qui ont pour objet d’améliorer la formation des jeunes et leur accompagnement vers l’emploi et celles qui visent à stimuler l’offre d’emploi des entreprises.! L’enseignement professionnel par l’alternance emploi-études est encore trop peu développé en France. En Allemagne, ce système bénéficie du soutien de tous les acteurs : employeurs, syndicats et gouvernement. La moitié des jeunes Allemands utilise cette voie, contre seulement le quart en France. En outre, la hausse récente de l’apprentissage en France est le fait des diplômés, alors que l’effort devrait être concentré sur les jeunes sans diplôme. Pour éviter toute dépense supplémentaire, nous proposons de réorienter les fonds alloués aux emplois d’avenir vers la formation des jeunes sans diplôme, en subventionnant 120 000 emplois avec une formation en alternance dans le secteur marchand et en finançant 75 000 formations à plein temps dans les programmes de la deuxième chance.! L’accompagnement vers l’emploi des jeunes en grande difficulté, confié notamment aux missions locales, souffre d’un manque cruel de moyens et d’un déficit de pilotage. Son renforcement pourrait, entre autres, s’appuyer sur le recours à des prestataires extérieurs. Pour faire entrer les jeunes dans une logique de formation et d’accompagnement vers l’emploi, nous proposons la création d’un RSA jeune activé, dont le versement doit être fortement conditionné, dans le cadre d’un accompagnement intensif. Le succès d’un tel dispositif est lui-même conditionné à une réorganisation de l’accompagnement et à un triplement des moyens alloués par l’Etat à l’accompagnement des jeunes.! Du côté de la stimulation de l’offre d’emploi, le salaire minimum nuit indiscutablement à l’emploi des jeunes les moins qualifiés. C’est pourquoi nous proposons des allègements de charges ciblés en réservant les contrats de génération aux rémunérations inférieures à 1,6 SMIC. Les ressources ainsi dégagées pourront être utilement réallouées à l’accompagnement des jeunes. ! Enfin, depuis une vingtaine d’années, l’essor du recours au CDD a engendré un marché du travail dual, où certains emplois, les CDI sont trop stables, tandis que d’autres, les CDD, le sont trop peu. Cette segmentation touche les jeunes faiblement qualifiés davantage que toute autre catégorie de travailleurs. Nous proposons de simplifier la rupture du contrat de travail pour motif économique et de moduler les cotisations des entreprises en fonction du volume de leurs destructions d’emplois. Session 2013" ECONOMIE" ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL" Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Faut-il stimuler la concurrence ? Document 1 : Concurrence et innovation : une relation complexe, N. Kawahama, Problèmes économiques, avril 2013. Document 2 : Regards croisés sur le cas Free, Problèmes Economiques, avril 2013." Document 3 : Joe Liberman’s Plan to Make Health Care Worse and More Expensive, P. Krugman, Blog the Conscience of a Liberal, http://krugman.blogs.nytimes.com/ 2011/06/10/joe-liebermans-plan-to-makehealth-care-worse-and-more-expensive/, traduction." DOCUMENT 1 Si la concurrence fait baisser les prix, elle peut aussi faire chuter les prodits - et, ajouterons certains, miner l’innovation. Comment, dès lors, les responsables politiques peuvent-ils concilier besoin à court terme de concurrence et besoin à long terme d’innovation ? Cet article plaide, dans le cadre de la mise en oeuvre des politiques de concurrence, la cause de l’innovation." [...] Dans une économie de marché, l’aiguillon du profit incite les entreprises à anticiper les demandes des consommateurs et à tenter toutes sortes d’expériences qui les conduiront à fournir, à des prix compétitifs, les produits correspondant à ces demandes. L’économie de marché fonctionne donc comme une machine à innover (Baumol 2002). " Pourtant, comme on le savait déjà du temps de Schumpter, une situation de monopole est plus propice à l’innovation qu’un marché concurrentiel. Pour faire des investissements et prendre des risques dans la recherche-développement (R&D), il faut un certain pouvoir de marché. En outre, pour susciter ces investissements, un profit détaché des critères de concurrence doit valider les innovations réussies." A l’inverse, on peut considérer, en suivant Arrow, par exemple, que le remplacement des produits existants détourne de l’innovation les entreprises en situation de monopole, alors qu’au contraire la concurrence relance l’innovation, qui permettra, espère-t-on d’y mettre un terme. Le marché concurrentiel encourage donc l’innovation." Si le corpus de recherche est disparate, on admet généralement une relation en «U» inversé, comme le montrent les travaux menés sous la direction de Philippe Aghion (2005). L’étude dégage une relation de ce type entre la concurrence sur le marché des produits, mesurée par les pourcentages de marge sur les coûts de revient, et l’innovation, évaluée en fonction des données provenant du marché britannique." [...]" La relation complexe décrite ci-dessus est semble-t-il à l’origine d’un problème majeur des politiques de concurrence. La plupart du temps, les autorités de surveillance ont pour critère d’intervention la formation, l’entretien ou le renforcement d’une position dominante - statique - sur le marché. Prennent-elles suffisamment en compte la concurrence dynamique, la plus pertinente pour l’économie nationale ? Une telle politique de concurrence n’at-elle pas tendance à privilégier le court terme et à sacrifier son efficacité ?" [...]" La question importante n’est-elle pas de promouvoir une concurrence dynamique, par le biais même de la politique de concurrence ? Quoi qu’on puisse penser de l’incidence de la concurrence statique sur l’innovation, certains types d’action tuent, dans certains cas, l’innovation concurrentielle. Ainsi, parmi les pratiques reprochées à Microsoft lors des procès de l’entreprise aux Etats-Unis, pour abus de position dominante, son exploitation du langage Java a-t-elle entravé le développement de la technologie compatible de Java. Ce qui posait problème était alors la monopolisation prolongée du marché des systèmes d’exploitation, résultant d’une suppression de l’innovation. Aux Etats-Unis, le marché de l’innovation a joué un rôle régulateur important depuis la publication, en 1995, des directives antitrust pour les licences de la propriété intellectuelle. Ces directives se fondent, entre autres, sur un espace d’évaluation indépendant des marchés de produits et de technologies, qui permet d’estimer l’activité concurrentielle au niveau de la R&D. Au Japon également, des pressions sur la valorisation des licences, et donc sur celle de la R&D sont considérées par l’autorité de régulation comme des entraves à la concurrence. C’est le cas ces clauses de non opposition imposées par Microsoft et par Qualcomm à leurs partenaires, au titre desquelles ces derniers s’engagent ces derniers s’engagent à ne pas faire valoir leurs droits sur certains brevets qu’ils détiennent." Ces exemples portent sur des pratiques qui excluent directement la concurrence dans le champ de l’innovation. Aux Etats-Unis, par exemple, les directives sur la fusion horizontale, révisées en 2010, établissent clairement que ce genre de fusion pose problème car elle décourage la R&D dans les entreprises achetées. [...]" Pour évaluer les pratiques qui restreignent la concurrence à l’intérieur du champ de l’innovation, il nous faudra déterminer leur degré d’influence sur les capacités innovantes et sur les incitations à innover. Ce peut être un long travail, mais le jeu n’en vaut-il la chandelle, d’autant qu’il peut s’appuyer sur les progrès théoriques récents réalisés dans l’analyse des rapports complexes qu’entretiennent l’innovation et la concurrence DOCUMENT 2 L’effet de Free sur le portefeuille! L’entrée sur le marché de Free a nettement entraîné les prix à la baisse. L’INSEE note à la fin de l’année 2012, dans une étude plus générale consacrée aux prix à la consommation : «le recul du mois de novembre est dû principalement à une nouvelle baisse des prix des télécommunications (3,3% sur un mois, -15,1% sur un an) à la suite de l’instauration de tarifs de téléphonie mobile plus avantageux». Le magazine 60 millions de consommateurs a également évalué l’effet Free. Selon ses calculs, la concurrence induite par le quatrième opérateur a permis de redonner aux utilisateurs près de sept euros par mois et par ménage en 2012. [...]! ! Evaluation des effets économiques du phénomène Free! Plusieurs économistes se sont penchés sur l’entrée de l’opérateur Free sur le marché et ont analysé les effets sur l’emploi et l’innovation, ainsi que sur les consommateurs. Ainsi, Augustin Landier et David Thesmar ont cherché à quantifier l’impact macroéconomique de Free Mobile. Selon leur étude, l’arrivée de Free Mobile pourrait, à terme, se traduire par 16 000 à 30 000 créations nettes d’emplois (chiffre estimé sur l’ensemble de l’économie française), notamment dans l’hôtellerie-restauration et dans l’agro-alimentaire. Cette estimations est basée sur une baisse de 10% de la facture totale des mobiles pour les consommateurs, ce qui représente un transfert d’environ deux milliards d’euros, principalement des actionnaires des opérateurs vers leurs clients [...]. Contrairement aux actionnaires, en grande partie étrangers, les utilisateurs vont recycler une bonne partie de cette économie en consommation, stimulant ainsi la demande et l’activité. [...]! Bruno Deffains, spécialiste des problématiques de régulation, ne partage pas cette analyse. Il estime qu’à court terme, la perte d’emploi l’emportera dans le secteur concerné. Selon lui, face à la conjoncture économique actuelle, le principe des vases communicants ne s’applique pas. Il fonde son analyse sur deux hypothèses : d’abord, selon la théorie des biens systèmes, le pouvoir d’achat s’orientera vers les autres composantes de l’offre télécom (le mobile lui-même et les applications). Pour la plupart d’entre eux, ces biens ne sont pas produits en France. Ensuite, et plus fondamentalement, l’entrée de Free a déclenché une guerre des prix, exerce un effet à la baisse des chiffres d’affaires (et donc de l’emploi) des opérateurs de l’ensemble du secteur (distributeurs, prestataires de service, fournisseurs, etc..) dont les effectifs s’élevaient en 2011 à près de 350 000 personnes. De possibles délocalisations aggraveront cet effet. [...]! ! Que disent les autorités de régulation ?! L’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) estime qu’il y avait, avant l’arrivée de Free, sur le marché, un oligopole favorisant un système de rente. En 2009, les opérateurs avaient ainsi, en moyenne, des marges brutes d’exploitation de 34 à 35% - un taux similaire à celui des opérateurs mobiles américains, mais très supérieur à la moyenne européenne. Ces marges ne bénéficiaient pas au consommateur. Les pouvoirs publics ont donc estimé qu’il fallait revoir le partage de la valeur ajoutée entre les actionnaires, le consommateur et les salariés, ce point de vue a motivé l’attribution de la licence à Free. L’ARCEP se félicite de la baisse des marges depuis l’entrée de cet opérateur sur le marché. Malgré une baisse de revenus d’à peu près 10%, tous les opérateurs restent pourtant très solides. Par ailleurs, le nombre de terminaux vendus s’est inscrit en baisse en 2012, le pouvoir d’achat au consommateur semble ainsi ne pas profiter aux fabricants de téléphones mobiles. Enfin, l’ARCEP confirme le chiffre de deux milliards de transfert de pouvoir d’achat au consommateur en 2012. DOCUMENT 3 Ainsi, Joe Liberman propose d’augmenter l’âge d’éligibilité au programme Medicare. C’est une idée bien cruelle ; si cela se produit, je connais plusieurs personnes qui vont attendre et repousser des soins médicaux nécessaires en espérant pouvoir atteindre les 65 ans avant que quelque chose de terrible ne se produise. Et si je connais de tels gens dans mes cercles sociaux plutôt bien abrités, imaginez à quel point ces histoires doivent être répandues.! Mais, au-delà de cela, réfléchissez à ce que cela signifie de déplacer des personnes du programme Medicare vers des programmes d’assurance privés, s’ils peuvent se le permettre.! Medicare a ses problèmes mais tout indique qu’il est substantiellement plus efficace en termes de coût que l’assurance privée. En partie parce qu’il a des coûts administratifs bien plus faibles et en partie parce que Medicare est capable d’utiliser son pouvoir de marché pour négocier des prix plus faibles. Et les statistiques internationales ne laissent pas de place au doute : les système à un seul payeur sont bien moins onéreux que les systèmes centrés sur l’assurance privée.! Alors, réfléchissez à cela en termes d’intérêts nationaux plutôt qu’en termes budgétaires : Liberman propose que nous déplacions un nombre élevé de vieux Américains dans un système de santé pire et plus cher. Pourquoi voudriez-vous faire une telle chose plutôt que de lever suffisamment de ressources budgétaires pour les conserver au sein de Medicare ? Session 2013! ECONOMIE! ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL! Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Le mode de financement des entreprises Document 1 : Le modèle américain et le modèle de la zone euro de financement des entreprises : lequel est préférable ?, P. Artus, Flash Economie Natixis, http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=63687, avril 2012, graphiques divers.! Document 2 : Rethinking Macroeconomic Policy, O. Blanchard, G Dell’Ariccia et P. Mauro, IMF Staff Position Note, 2010, Should the Inflation Target Be Raised ?.! ! ! ! DOCUMENT 1 DOCUMENT 2 La crise a montré que des chocs macroéconomiques importants peuvent arriver et arrivent. Dans cette crise, ils sont venus du secteur financier mais ils pourraient venir d’ailleurs dans le futur (les effets d’une pandémie sur le tourisme ou le commerce ou les effets d’une attaque terroriste majeure sur un grand centre économique). La question se pose alors de savoir si les responsables de politique économique ne devraient pas avoir une cible d’inflation plus élevée dans des périodes normales afin d’accroître les marges de manoeuvre de la politique pour répondre à de tels chocs. Concrètement, est-ce que les coûts nets de l’inflation sont bien plus élevés avec une inflation disons à 4%, qu’avec une inflation à 2%, la cible actuelle des politiques monétaires ? Est-il plus difficile d’ancrer les anticipations à 4% plus qu’à 2 ? L’obtention d’une faible inflation par l’indépendance des banques centrales a été une réussite historique, particulièrement dans de nombreux pays émergents. Ainsi, répondre à ces questions implique de revisiter avec prudence la liste des coûts et des bénéfices de l’inflation. La taxe inflationniste est clairement une source de distorsions mais les autres impôts le sont aussi. La plupart des distorsions de l’inflation proviennent d’un système fiscal qui n’est pas neutre à l’inflation, par exemple les taux marginaux nominaux ou la déductibilité des paiements d’intérêt nominaux. Celles-ci pourraient être corrigées en permettant une inflation plus élevée. Si une inflation plus élevée est associée avec une variabilité plus élevée, des obligations indexées peuvent protéger les investisseurs du risque inflationniste. D’autres distorsions, telles que la plus faible détention d’encaisses monétaires réelles et une plus grande dispersion des prix relatifs sont plus difficiles à corriger (les preuves empiriques suggèrent toutefois que leurs effets sur la production sont difficiles à discerner tant que l’inflation reste à un seul chiffre). Le risque que l’inflation plus élevée ne modifie la structure de l’économie (telle que l’indexation des salaires sur les prix par exemple) qui pourrait amplifier les chocs de l’inflation et réduire l’efficacité des actions politiques. Mais les questions demeurent de savoir si ces coûts sont dépassés par les bénéfices potentiels apportés par une plus grande distance à la limite des taux d’intérêt nuls. Une question liée est de savoir si, quand l’inflation devient très faible, les responsables de politique économique devraient adopter une politique monétaire plus souple de sorte à minimiser la probabilité de déflation même si cela signifie accroître le risque d’une inflation plus forte dans le futur dans le cas d’un accroissement particulièrement fort de la demande. Il est est important de revenir sur ce problème qui occupait les esprits de la Réserve Fédérale au début des années 2000. DOCUMENT 3 L’indice des prix à la consommation (IPC) mesure l’inflation en agrégeant les évolutions de prix d’un très grand nombre de biens élémentaires, pondérées par leurs parts dans la consommation globale des ménages. Indépendamment de l’IPC, l’Insee recueille également les opinions personnelles sur l’inflation (OPI), exprimées par les consommateurs dans le cadre de l’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages. Ces deux mesures divergent fortement. Depuis 2004, l’OPI fluctue en moyenne six points au-dessus de l’inflation mesurée par l’IPC. Les opinions personnelles sur l’inflation présentent par ailleurs une très forte dispersion : des niveaux d’inflation perçue supérieurs à 20 % par an ne sont pas rares. Il est courant d’y voir un effet du passage à l’euro. Privés de leurs repères habituels, les consommateurs auraient développé une perception des prix largement déconnectée de leur évolution effective. Mais deux éléments relativisent cette thèse. D’une part, elle ne peut expliquer que le phénomène soit aussi durable : il aurait dû s’estomper avec l’accoutumance progressive à la nouvelle monnaie. D’autre part, on dispose d’informations sur la perception des prix pour quelques biens élémentaires, or elles s’avèrent relativement cohérentes avec les évolutions des prix de ces biens au sein de l’IPC. L’OPI aurait donc bien des bases objectives. D’autres explications de l’écart OPI/IPC sont envisageables. La perception des prix élémentaires n’aurait pas de biais systématique mais, contrairement à l’IPC fondé sur les parts budgétaires, les consommateurs donneraient un poids plus important aux biens à forte fréquence d’achat, et ils surpondéreraient ceux dont les prix sont en hausse. Un résultat classique de psychologie économique est en effet que les agents sont plus affectés par les nouvelles défavorables que par les nouvelles favorables. Si on combine ces deux dernières hypothèses, supposer une pondération deux fois plus importante pour les biens dont les prix augmentent permet de rendre compte de l’écart moyen entre OPI et IPC. Session 2013! ECONOMIE! ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL! Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : L’indépendance des banques centrales Document 1 : Relation entre indépendance des Banques centrales et performances macroéconomique, A. Alesina, L. Summers, O. Blanchard, D. Cohen.! Document 2 : Comportement de la réserve fédérale comparée à une règle de Taylor (1970-1998). ! Document 3 : The Effectiveness of Central Bank Independence Versus Policy Rules, John Taylor, Stanford Institute for Economic Policy Research Discussion Paper, 2012, Extraits. ! ! ! ! DOCUMENT 1 DOCUMENT 2 DOCUMENT 3 De mon point de vue, les preuves empiriques soulèvent des questions sur la possibilité que l’indépendance de droit de la banque centrale génère une bonne politique monétaire. Il apparaît que la loi actuelle sur l’indépendance ne fonctionne pas. Elle n’empêche pas la banque centrale de s’engager dans des activités qui remettent en cause son indépendance vis-à-vis du reste du gouvernement. Si on regarde au-delà des Etats-Unis, un degré encore plus élevé d’indépendance de droit n’a pas empêché dans les dernières années la Banque d’Angleterre de largement ignorer sa cible d’inflation ou la Banque centrale européenne d’acheter de la dette souveraine en prenant l’excuse de la stabilité financière. Plus généralement, elle n’a pas empêché les banques centrales de s’éloigner de politiques qui conduisent à la fois à la stabilité des prix et à la stabilité de l’activité. Les preuves empiriques montrent que, en l’absence d’un cadre basé sur des règles, la Réserve fédérale a entrepris des actions qui ont conduit soit à un chômage élevé, soit à une inflation élevée. Pendant la période de 1983 à 2003, la politique de la Réserve fédérale semblait davantage inspirée par un comportement de règle que par un comportement discrétionnaire et la performance économique fut bonne. Au contraire, la discrétion et les interventions de la Réserve fédérale se sont multipliées autour de 2003 et ont continué, en particulier avec l’achat de titres adossés à des crédits hypothécaires et à des bons du Trésor à long terme, et le résultat a été une piètre performance. L’implication politique est que nous avons besoin de nous concentrer sur les manières de légiférer une politique davantage basée sur les règles. Nous avons besoin d’encourager une politique plus prévisible qui a fonctionné par le passé et de décourager les comportements discrétionnaires et l’indépendance de fait, qui n’ont pas fonctionné. [...] La tache est difficile mais le domaine reste largement ouvert. Session 2013" ECONOMIE" ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL" Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Inégalités et fiscalité Document 1 : Un système fiscal faiblement progressif.... ou franchement dégressif, C. Landais, T. Piketty et Emmanuel Saez, Pour une révolution fiscale, 2012, Graphiques. Document 2 : Comment réduire les inégalités et la pauvreté ?, Denis Clerc, L’économie Politique, juin 2012, Extraits. " Document 3 : Defending the One Percent, Gregory Mankiw, Journal of Economic Persecptives, 2013, Extraits." DOCUMENT 1 DOCUMENT 2 Le problème, ici est de parvenir à réduire la part dont bénéficient les plus riches. Le dixième le plus favorisé de la population percevait en 1996, 22,5% du total des revenus distribués. En 2009, il en perçoit 24%. On le voit, réduire les inégalités n’implique par une spoliation des plus riches, mais simplement une réduction de 7 à 8% des revenus perçus : une ponction de 20 milliards sur les 268 milliards de revenus nets (après impôts) perçus par ce dixième suffirait à ramener la part de ce dernier au niveau de 1996. Certes, le problèmes est compliqué par le fait que les inégalités se sont développées de façon fractale : si, globalement, le dixième le plus favorisé a vu ses revenus croître environ une fois et demie plus vite que le reste de la population, au sein même du dixième en question les inégalités se sont développées de façon similaire : les sous-ensembles les plus riches de ce dixième ont vu leur niveau de vie augmenter plus vite que celui des autres. Parallèlement, les statistiques fiscales montrent que, dans de dixième aisé, voire riche, plus le revenu fiscal du ménage est élevé, plus a part payée en impôt sur le revenu diminue : le millième le plus riche acquitte un impôt qui représente 20,5% du revenu déclaré, le dix-millième le plus riche acquitte 17,5% du revenu déclaré, le cent-millième le plus riche (soit 352 foyers fiscaux) n’acquitte plus que 15% [...]. Certes, il faut nuancer puisque ces statistiques ne portent que sur l’impôt sur le revenu, alors que la plupart des revenus du capital acquittent des retenues à la source qui ont sensiblement augmenté depuis 2009 et qui dépassent désormais 13% [...]. Mais ces prélèvements ne sont pas progressifs et ne changent donc rien à la dégressivité effective de l’impôt." C’est donc par la fiscalité des hauts revenus, en la rendant effectivement plus redistributive, que l’on pourra lutter efficacement contre les inégalités. En 2009, alors que le taux marginal le plus élevé de l’impôt sur le revenu s’établissait à 40% (41% actuellement plus une surtaxe «provisoire» sur les revenus dépassant 250 000 euros), le taux théorique moyen auquel ce dixième de foyers fiscaux les plus favorisés devrait être soumis si l’on appliquait le barème serait de 17% des revenus déclarés (55 milliards). Or, dans la réalité, grâce à tout un ensemble de dispositifs (allant du prélèvement libératoire sur les revenus du patrimoine aux charges déductibles de l’impôt, en passant par les multiples niches fiscales), ce dixième n’a acquitté en impôt que 35 milliards, soit 11% du revenu déclaré. C’est bien sûr le hasard mais la différence entre entre barème théorique et impôt effectif représente justement... 20 milliards d’euros. Evidemment, ces écart entre impôt théorique (issu du barème) et impôt effectif n’est pas propre à ce dixième, puisque, toujours selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires, les contribuables économisent 30 milliards d’impôt de façon légale grâce à ces multiples déductions possibles. [...] Il est clair que que c’est sur ces niches fiscales ou dispositifs dérogatoires à l’impôt sur le revenu, dont l’essentiel bénéficie aux contribuables les plus aisés, que devrait porter l’essentiel de l’effort à effectuer dans les années à venir pour en revenir à un partage plus équitable du revenu." [...]" Il importe en effet que ces efforts soient concentrés essentiellement sur les ménages les plus aisés. D’abord parce qu’ils ont les moyens de supporter une fiscalité plus lourde sans que cela remette en question leur niveau de vie actuel, si ce n’est à la marge et sous forme d’une réduction de leur épargne davantage que sous forme d’une compression des dépenses. Ensuite, ces ménages ont été les principaux bénéficiaires des réductions d’impôt accordées depuis le précédent quinquennat. Reste cependant que cet alourdissement fiscal ne doit pas être tel qu’il provoque un exil fiscal massif de la partie la plus riche de la population. [...] La proposition de réduire très fortement les niches fiscales par plafonnement global (ce qui permettrait de ne pas toucher à la fiscalité des contribuables ne faisant pas partie du dixième le mieux rémunéré) et de ramener les revenus du patrimoine dans le droit commun de l’impôt serait préférable, car, outre que le rendement de l’impôt en serait sensiblement accru, cela éviterait une modification du barème fiscal perçue comme confiscatoire. DOCUMENT 3 Imaginez une société avec une égalité économique parfaite. Par la plus grande des coïncidences, l’offre et la demande des différents types de travail produisent un équilibre où tout le monde gagne exactement le même revenu. Dans ce cas, personne ne se soucie de l’écart de revenu entre les riches et les pauvres, et personne ne débat de la question de l’ampleur de la politique redistributive. Puisque les gens gagnent la valeur de leur produit marginal, tout le monde est pleinement incité à fournir le montant efficace d’effort. Le gouvernement est toujours nécessaire pour fournir des biens publics, tels que la défense nationale, mais ils sont financés par un impôt forfaitaire. Il n’y a nul besoin d’impôts qui créeraient des distorsions d’incitation tels que des impôts sur le revenu puisqu’ils conduiraient à une situation pire pour tout le monde. Non seulement la société jouit d’une parfaite égalité mais aussi d’une parfaite efficacité.! Et puis, un jour, cette utopie égalitariste est perturbée par un entrepreneur qui a l’idée d’un nouveau produit. Pensez à Steve Jobs quand il développe l’iPod, J.K. Rowling quand elle écrit Harry Potter ou Steven Spielberg quand il dirige un de ses films à succès. Quand l’entrepreneur présente son produit, tout le monde dans la société veut l’acheter et chacun veut payer, disons 100 dollars. La transaction est un échange volontaire de sorte qu’elle améliore la situation de l’acheteur et du vendeur. Mais puisqu’il y a de très nombreux acheteurs et un seul vendeur, la distribution du bien-être économique est maintenant largement inégalitaire. Le nouveau produit rend l’entrepreneur bien plus riche que n’importe qui d’autre.! La société fait maintenant face à deux questions : dans quelle mesure cette perturbation d’un ordre égalitarien peut affecter la politique publique ? Doitelle rester la même parce que la situation était initialement acceptable pour tous et que l’entrepreneur l’a améliorée pour tout le monde ? Ou est-ce que les responsables gouvernementaux devraient déplorer cette inégalité et utiliser leurs pouvoirs d’impôts et de transferts pour répartir les gains plus égalitairement ?! De mon point de vue, cette expérience saisit, d’une manière extrême et stylisée, ce qui est arrivé dans la société américaine sur les dernières décennies. Depuis les années 1970, les revenus moyens ont crû mais la croissance n’a pas été uniforme pour toute la distribution des revenus. Les revenus les plus élevés, en particulier le 1% supérieur, ont augmenté bien plus vite que la moyenne. Ces hauts revenus ont apporté des contributions économiques significatives mais ils ont aussi récolté des gains importants. La question pour le débat public sur l’opportunité d’une intervention publique et sur ses formes.! Ce domaine est un des plus grands défis auquel fait face le corps politique. Quelques chiffres illustrent l’ampleur du problème. Les meilleures données que nous avons sur la partie supérieure de la distribution des revenus viennent des travaux de Piketty et Saez (2003, avec des mises à jour) avec leurs tableaux des rendements fiscaux individuels [...]. Selon leurs chiffres, la part de revenus, en excluant les gains en capitaux, gagnés par les 1% aux plus élevés est passée de 7,7% en 1973 à 17,4% en 2010. Encore plus frappant, la part des 0,01%, un groupe d’élite qui, en 2010, avait un ticket d’entrée d’un revenu annuel supérieur à 5,9 millions de dollars. La part de ce groupe dans le revenu total est passée de 0,5% en 1973 à 3,3,% en 2010. Ces chiffres ne peuvent être ignorés facilement. Ils ont par exemple contribué à motiver le mouvement Occupy Wall Street et ils ont conduit des responsables politiques de gauche à lancer des appels en faveur d’une fiscalité plus progressive.! Il est par ailleurs important de noter que s’attaquer à cette question des inégalités croissantes implique nécessairement pas seulement l’économie mais aussi une grande dose de philosophie politique. Nous, économistes, devons reconnaître non seulement les limites de ce que nous savons sur les causes des inégalités mais aussi les limites des capacités notre discipline à prescrire des recommandations de politique. Les économistes qui discutent des réponses politiques aux inégalités croissantes jouent souvent le rôle de philosophe politique amateur [...]. Etant donné le sujet, c’est peutêtre inévitable. Mais il est utile de garder à l’esprit quand nous écrivons en tant qu’économistes et quand nous nous aventurons au-delà des limites de notre expertise professionnelle. Session 2013! ECONOMIE! ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL! Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : La fatalité des inégalités Document 1 : Taux marginaux d’imposition de l’impôt sur le revenu : Etats-Unis et France, les-crises.fr! Document 2 : En Europe, depuis vingt ans, les fruits de la croissance bénéficient plus aux riches qu'aux pauvres, A. Bolis, Le Monde, 17 mai 2013.! Document 3 : Comment réduire les inégalités et la pauvreté ?, Denis Clerc, L’économie Politique, juin 2012, Extraits. ! ! DOCUMENT 1 DOCUMENT 2 Les pauvres s'appauvrissent et les riches s'enrichissent. Le constat n'est pas nouveau. Un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publié mercredi 15 mai, vient sans grande surprise le confirmer, en démontrant que la pauvreté et les inégalités salariales se sont accentuées dans trois quarts des trente pays de l'OCDE au cours des vingt dernières années. Avec toutefois une nuance : la "progression" n'est pas "aussi spectaculaire qu'on le pense généralement", et permet encore moins "de parler d'un éclatement de la société".! Cette hausse des inégalités aurait pu être pire si les pouvoirs publics ne les avaient pas contrebalancées par l'Etat-providence, et des dépenses de politiques sociales qui n'ont jamais été aussi élevées qu'aujourd'hui dans les pays de l'OCDE. La tendance actuelle à l'austérité pourrait néanmoins changer la donne, prévient l'organisation : si les gouvernements "ne dépensent plus autant en prestations sociales ou ne ciblent plus aussi étroitement la fiscalité et les transferts sur les personnes aux revenus les plus faibles, alors les inégalités augmenteront beaucoup plus rapidement".! Des inégalités de salaires accrues depuis la crise! Si cela fait vingt ans que les inégalités de salaire se creusent, la tendance s'est largement accélérée avec la crise économique : l'écart s'est davantage accru entre 2008 et 2010 que pendant les douze années précédentes. En 2010, le revenu des 10 % les plus riches était 9,5 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres.! Ces disparités s'expliquent surtout par l'envolée des hauts salaires, qui ont accentué leur avance sur les autres. En parallèle, les personnes qui ont un faible niveau d'éducation trouvent de moins en moins de travail, et les revenus des ménages les plus pauvres ont diminué, ou moins augmenté, par rapport à ceux des plus riches.! Les inégalités augmentent en Allemagne, baissent en France! Cette hausse des inégalités salariales s'observe tout particulièrement au Canada, en Allemagne, en Norvège ou encore aux Etats-Unis. Tout comme le Mexique, la Grèce ou le Royaume-Uni, la France se démarque, se plaçant du côté de la poignée de pays de l'OCDE qui voient leurs inégalités décroître depuis deux décennies. Au-delà de ces évolutions, les inégalités de salaire sont les plus fortes au Chili, au Mexique, aux Etats-Unis, en Turquie et en Israël, et les plus faibles en Islande, en Slovénie, en Norvège et au Danemark. ! En France, si le salaire annuel des plus riches et des classes moyennes se situe dans la moyenne de l'OCDE, celui des plus pauvres (6 967 euros par an) plane 25 % au-dessus. A contre-courant des autres pays de l'OCDE aussi, le taux d'emploi des moins scolarisés a augmenté.! L'Allemagne affiche quant à elle un tableau plus sombre, avec une hausse des inégalités de revenu particulièrement forte à partir de l'an 2000. Outre-Rhin, il y a davan- tage de jeunes et d'adultes pauvres aujourd'hui qu'en 1985 – même si cette pauvreté dure généralement moins de trois ans. "Les services publics en matière de santé, d'éducation et de logements sociaux ont globalement réduit les inégalités de revenu, mais moins que dans d'autres pays", analyse l'OCDE. ! Les enfants et les jeunes s'appauvrissent, pas les seniors ! Entre 2007 et 2010, le taux de pauvreté monétaire dans l'OCDE est passé de 13 à 14 % chez les enfants, et de 12 à 14 % chez les jeunes (le taux de pauvreté monétaire mesure la proportion de personnes ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, soit 60 % du niveau de vie médian, celui-ci étant le revenu net en deçà duquel se situe la moitié de la population en Métropole).! En Turquie, en Espagne ou en Belgique, la pauvreté des enfants a même augmenté de deux points. En 2005, un enfant sur huit vivait dans la pauvreté dans les pays de l'Organisation. "Pourtant, on est de plus en plus conscient que le bien-être des enfants est un déterminant clé de la vie qu'ils auront à l'âge adulte – cela influe sur leur niveau de revenu, sur leur état de santé, etc.", note l'OCDE. D'autant que plus les inégalités sont fortes, plus la mobilité sociale est en panne, empêchant donc les jeunes issus de ménages défavorisés de s'en sortir mieux que leurs parents. ! Chez les personnes âgées en revanche, la pauvreté a reculé, passant de 15 à 12 %. Elle a même été divisée par deux chez les 51-56 ans. Et ce sont les revenus des 55-75 ans qui ont le plus augmenté ces vingt dernières années. La crise aurait en effet, explique l'OCDE, davantage exposé les ménages actifs, tandis que les retraités bénéficiaient le plus souvent d'une protection sociale.! En cause : Internet, syndicats et structure familiale...! Si le monde semble de plus en plus inégal, "la mondialisation n'explique sans doute pas tout", note l'OCDE, qui avance plusieurs facteurs. Internet par exemple : l'écart entre ceux qui savent l'exploiter et les autres a introduit un "biais technologique", qui défavorise ceux qui n'ont pas ces compétences. L'affaiblissement des syndicats, aussi, a pu priver les travailleurs de la protection dont ils bénéficiaient auparavant.! La structure familiale, par ailleurs, est déterminante dans la hausse des inégalités, avec en première ligne le nombre grandissant de ménages comptant un seul adulte. "Les événements familiaux (divorce, naissance, etc.) jouent un rôle très important dans les situations de pauvreté temporaire, tandis que la réduction des revenus de transfert [prestations sociales, allocations chômage, prestations de sécurité sociale] – à la suite, par exemple, d'un changement dans les conditions ouvrant droit aux prestations – joue un plus grand rôle dans les situations de pauvreté pendant deux années consécutives", explique encore l'OCDE. ! ... mais l'emploi avant tout! La cause première des inégalités est avant tout liée à jonctures économiques, décrypte ainsi dans un entretien au site de Terra Eco : "Avant la crise, le creusement des écarts était dû à une diminution de la progressivité et de la redistribution des systèmes fiscaux et sociaux dans la plupart des pays. Il était aussi lié à une constante augmentation des revenus parmi les salariés. Depuis 2008 en revanche, c'est la croissance du chômage qui entraîne une hausse des inégalités."! Pour pallier ces inégalités croissantes, l'OCDE préconise donc des politiques "visant à stimuler la croissance et l'emploi", ainsi qu'une réforme fiscale "afin de veiller à ce que chacun paie sa juste part et reçoive en retour le soutien dont il a besoin". Le travail reste la priorité – le taux de pauvreté des familles sans emploi est presque six fois supérieur au taux de pauvreté des familles d'actifs –, et les gouvernements doivent donc s'efforcer de faciliter l'accès à l'emploi, à des salaires suffisants pour s'éloigner du seuil de pauvreté, à des perspectives d'évolution professionnelle. ! Toutefois, nuance l'Organisation, le travail ne fait pas tout, et plus de la moitié des personnes pauvres appartiennent à des ménages recevant des revenus d'activité trop faibles du fait du volume horaire ou du niveau de salaire.! DOCUMENT 3 Le problème, ici est de parvenir à réduire la part dont bénéficient les plus riches. Le dixième le plus favorisé de la population percevait en 1996, 22,5% du total des revenus distribués. En 2009, il en perçoit 24%. On le voit, réduire les inégalités n’implique par une spoliation des plus riches, mais simplement une réduction de 7 à 8% des revenus perçus : une ponction de 20 milliards sur les 268 milliards de revenus nets (après impôts) perçus par ce dixième suffirait à ramener la part de ce dernier au niveau de 1996. Certes, le problèmes est compliqué par le fait que les inégalités se sont développées de façon fractale : si, globalement, le dixième le plus favorisé a vu ses revenus croître environ une fois et demie plus vite que le reste de la population, au sein même du dixième en question les inégalités se sont développées de façon similaire : les sous-ensembles les plus riches de ce dixième ont vu leur niveau de vie augmenter plus vite que celui des autres. Parallèlement, les statistiques fiscales montrent que, dans de dixième aisé, voire riche, plus le revenu fiscal du ménage est élevé, plus a part payée en impôt sur le revenu diminue : le millième le plus riche acquitte un impôt qui représente 20,5% du revenu déclaré, le dix-millième le plus riche acquitte 17,5% du revenu déclaré, le cent-millième le plus riche (soit 352 foyers fiscaux) n’acquitte plus que 15% [...]. Certes, il faut nuancer puisque ces statistiques ne portent que sur l’impôt sur le revenu, alors que la plupart des revenus du capital acquittent des retenues à la source qui ont sensiblement augmenté depuis 2009 et qui dépassent désormais 13% [...]. Mais ces prélèvements ne sont pas progressifs et ne changent donc rien à la dégressivité effective de l’impôt.! C’est donc par la fiscalité des hauts revenus, en la rendant effectivement plus redistributive, que l’on pourra lutter efficacement contre les inégalités. En 2009, alors que le taux marginal le plus élevé de l’impôt sur le revenu s’établissait à 40% (41% actuellement plus une surtaxe «provisoire» sur les revenus dépassant 250 000 euros), le taux théorique moyen auquel ce dixième de foyers fiscaux les plus favorisés devrait être soumis si l’on appliquait le barème serait de 17% des revenus déclarés (55 milliards). Or, dans la réalité, grâce à tout un ensemble de dispositifs (allant du prélèvement libératoire sur les revenus du patrimoine aux charges déductibles de l’impôt, en passant par les multiples niches fiscales), ce dixième n’a acquitté en impôt que 35 milliards, soit 11% du revenu déclaré. C’est bien sûr le hasard mais la différence entre entre barème théorique et impôt effectif représente justement... 20 milliards d’euros. Evidemment, ces écart entre impôt théorique (issu du barème) et impôt effectif n’est pas propre à ce dixième, puisque, toujours selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires, les contribuables économisent 30 milliards d’impôt de façon légale grâce à ces multiples déductions possibles. [...] Il est clair que que c’est sur ces niches fiscales ou dispositifs dérogatoires à l’impôt sur le revenu, dont l’essentiel bénéficie aux contribuables les plus aisés, que devrait porter l’essentiel de l’effort à effectuer dans les années à venir pour en revenir à un partage plus équitable du revenu.! [...]! Il importe en effet que ces efforts soient concentrés essentiellement sur les ménages les plus aisés. D’abord parce qu’ils ont les moyens de supporter une fiscalité plus lourde sans que cela remette en question leur niveau de vie actuel, si ce n’est à la marge et sous forme d’une réduction de leur épargne davantage que sous forme d’une compression des dépenses. Ensuite, ces ménages ont été les principaux bénéficiaires des réductions d’impôt accordées depuis le précédent quinquennat. Reste cependant que cet alourdissement fiscal ne doit pas être tel qu’il provoque un exil fiscal massif de la partie la plus riche de la population. [...] La proposition de réduire très fortement les niches fiscales par plafonnement global (ce qui permettrait de ne pas toucher à la fiscalité des contribuables ne faisant pas partie du dixième le mieux rémunéré) et de ramener les revenus du patrimoine dans le droit commun de l’impôt serait préférable, car, outre que le rendement de l’impôt en serait sensiblement accru, cela éviterait une modification du barème fiscal perçue comme confiscatoire. Session 2013 ECONOMIE ÉPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : L’investissement des entreprises dans un contexte de crise Document 1 : Les taux de marge et d’autofinancement des sociétés non financières se replient (source INSEE, les Comptes de la Nation 2012) http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1447#inter6 Document 2 : Taux d’investissement et taux d’utilisation des capacités de production (source INSEE, Comptes nationaux) Document 3 : « Pour un environnement macroéconomique sain », Rapport d'information n° 35 (2002-2003) du Sénat, Octobre 2002. Document 4 : Flux net des crédits aux entreprises non financières, en milliards d’euros (source Banque de France) Document 5 : Taux d’intérêt débiteur sur les nouveaux crédits accordés aux Sociétés non Financières (SNF) tous montants et toutes maturités (source Banque de France) DOCUMENT 1 « Le taux de marge et d’autofinancement des sociétés non financières se replient » En 2012, la rémunération des salariés des sociétés non financières augmente plus rapidement que la valeur ajoutée […]. Au total, l’excédent brut d’exploitation se contracte (-1,5%), après une stabilité en 2011. Le taux de marge perd ainsi 0.8 point par rapport à 2011 pour s’établir à 28,4%, le niveau le plus bas depuis 1985 (26,4%). L’épargne des sociétés non financières diminue de nouveau (-9,7% après -8,5% en 2011) […]. Encore dynamique en 2011 (+5,7%), l’investissement des sociétés non financières recule en 2012 (-0 ,8%). Compte tenu par ailleurs du recul marqué de l’épargne, le taux d’autofinancement baisse fortement (-6,5 points) pour s’établir à 66,0%. DOCUMENT 2 DOCUMENT 3 « Pour un environnement macroéconomique sain » Les développements récents de la théorie économique soulignent l'intérêt qu'il y a, pour les Etats, à réduire l'incertitude qui caractérise l'environnement économique des entreprises. Le lien entre les décisions d'investissement et l'incertitude s'explique par l'existence d'un certain degré d'irréversibilité des investissements. L'investissement est, en grande partie, irréversible, parce qu'au coût d'achat des nouveaux biens s'ajoutent les coûts d'installation et d'adaptation au nouveau matériel. L'addition de ces dépenses peut rendre le coût du désinvestissement prohibitif. Dès lors, l'entreprise ne doit pas seulement arbitrer entre investir ou ne pas investir, mais entre investir maintenant et investir plus tard. Attendre ne représente pas seulement un coût d'opportunité, lié à la perte de profit qu'un investissement immédiat permettrait éventuellement d'obtenir, mais offre aussi un avantage. Cet avantage est à la mesure du coût que subirait l'entreprise si, après avoir choisi d'investir sans attendre, elle préférait finalement revendre le bien d'investissement en raison de l'évolution défavorable de l'environnement économique. Ainsi, attendre est une option pouvant présenter une certaine valeur, ce qui peut conduire une entreprise à différer ses investissements. […] DOCUMENT 4 30 En milliards d'Euros 25 20 15 10 5 0 -5 -10 -15 Flux nets de crédits aux entreprises non financières DOCUMENT 5 6 Taux d'intérêt débiteur (crédits aux SNF, toutes maturités) 5,5 5 En % 4,5 4 3,5 3 2,5 2 2003Q12004Q12005Q12006Q12007Q12008Q12009Q12010Q12011Q12012Q1 Session 2013" ECONOMIE" ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL" Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : L’efficacité des politiques budgétaires Document 1 : Peut-on recourir à la politique budgétaire ? Est-ce souhaitable ?, Revue de l’OFCE, p. 7-24, octobre 2002. Document 2 : Erreur de calcul du FMI ? Ou excès des zélateurs de l’austérité ?, Gabriel Colletis, Le Monde Economie, 28 janvier 2013." Document 3 : Coefficient multiplicateur : erreur de calcul ou bien erreur de modèle, D. Voydeville, Le Monde Economie, 28 janvier 2013. " Document 4 : Déficits budgétaires en % du PIB d’une sélection de pays, Fonds Monétaire International." “Organized public works, at home and abroad, may be the right cure for a chronic tendency to a deficiency of effective demand. But they are not capable of sufficiently rapid organisation (and above all cannot be reversed or undone at a later date), to be the most serviceable instrument for the prevention of the trade cycle.”! (Keynes, Collected Writings, vol. XXVII, p.122 ) DOCUMENT 1 [...]" L’équivalence ricardienne " Parmi les raisonnements susceptibles de justifier la disparition de la politique budgétaire du champ de la réflexion, celui que je viens d’évoquer ne semble donc pas convaincant, même s’il mériterait sans doute qu’on s’y attarde davantage. Pendant que j’en suis à ces considérations théoriques et abstraites, il me faut mentionner un argument ! du même ordre: à savoir que, même si la politique budgétaire était souhaitable, toute tentative de la mettre en œuvre serait inefficace d’un point de vue macroéconomique. Ce que j’ai en tête est la fameuse proposition dite «équivalence ricardienne», dont le principal protagoniste est Robert Barro. Si le monde fonctionnait de manière telle que l’équivalence ricardienne s’applique, alors le monde n’aurait sans doute pas besoin de politique budgétaire de toute façon. Mais les deux affirmations sont, conceptuellement, distinctes. ! La proposition de Barro est qu’il n’y a, d’un point de vue macroéconomique, pas de différence significative entre un financement par l’impôt et un financement par l’emprunt d’un montant donné de dépenses publiques. Dit autrement, l’argument est que le montant de l’épargne nationale n’est pas modifié par le remplacement de l’un par l’autre. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans un long exposé; un simple exemple permettra de comprendre de quoi il retourne. Supposons que l’économie est initialement dans un état que l’on peut qualifier d’équilibre ; pour simplifier, imaginons aussi que le budget du gouvernement est également équilibré. Supposons à présent que le gouvernement emprunte aux ménages un milliard d’euros et abaisse les impôts d’un même montant cette année. La dette peut prendre différentes formes, mais le plus simple serait une dette obligataire à coupon zéro, promettant de rembourser, disons dans 10 ans, un milliard d’euros plus les intérêts. Un raisonnement démodé aurait conclu qu’une telle politique budgétaire était expansionniste, réduisant l’épargne nationale et déplaçant la courbe IS vers la droite. Pourtant, selon l’équivalence ricardienne, cette politique n’est pas expansionniste, mais neutre. Pourquoi? ! À l’équilibre initial, chaque ménage est réputé avoir élaboré et mis en œuvre un plan intertemporel optimal d’épargne et de consommation, plan qui va même au-delà de la génération présente. Ce plan va être perturbé par la réduction d’impôts financée par émission obligataire, non seulement parce que le revenu disponible est actuellement plus élevé, mais aussi parce que les contribuables anticipent qu’ils devront acquitter des impôts supplémentaires l’année du remboursement de la dette publique2. Les ménages réagiront donc en revenant à une affectation intertemporelle qu’ils avaient jugée optimale: on voit bien que, pour ce faire, le plus simple est d’utiliser le montant de la réduction d’impôt accordée cette année pour acheter les obligations d’État qui, à échéance, procureront exactement les rentrées d’argent nécessaires au paiement des impôts qui seront prélevés pour rembourser la dette publique. En d’autres termes, il sera, pour les ménages, optimal de mettre de côté la réduction d’impôts; et ce surcroît d’épargne privée compensera exactement la désépargne publique, ce qui laissera inchangée l’épargne nationale. En l’absence de toute modification de l’équilibre épargne-investissement, cette politique est neutre sur le plan macroéconomique." ! [...] DOCUMENT 2 La publication, en ce début d'année, d'un document de travail du Fonds monétaire international (FMI) a mis les économistes du monde entier ainsi que certains médias en état d'ébullition." Il a été produit par l'économiste en chef du Fonds, le Français Olivier Blanchard, et par Daniel Leigh, un autre collaborateur du FMI qui suit à la loupe l'évolution des perspectives de l'économie mondiale. Ce texte est intitulé "Erreurs de prévisions de croissance et multiplicateurs budgétaires" (Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers, FMI, Working Paper no 2013/1, janvier 2013)." Dans ce rapport, Olivier Blanchard et Daniel Leigh admettent, non pas une erreur de calcul au sens strict, mais une difficile et sans doute mauvaise estimation du "multiplicateur budgétaire"." Il faut rappeler ici que le principe, très keynésien, du "multiplicateur budgétaire" établit qu'un euro dépensé ou économisé par un acteur public génère une augmentation ou une perte de revenu pour l'économie nationale concernée qui peut être supérieure ou inférieure, selon la valeur dudit multiplicateur, au montant de la dépense ou de l'économie publique. Ainsi, dans le cas d'une baisse de la dépense publique d'un euro, un multiplicateur supérieur à 1 suggère un repli du revenu national supérieur à un euro." Dans leur document de travail, Olivier Blanchard et Daniel Leigh, considérant qu'ils avaient retenu jusqu'ici un multiplicateur égal à 0,5, suggèrent, au vu des statistiques effectives de la croissance, que ce multiplicateur était sous-estimé et probablement supérieur à 1." Et les deux économistes de citer les travaux de leurs collègues Alan Auerbach et Yuriy Gorodnichenko (2012), tous deux de l'université californienne de Berkeley, effectués sur des données américaines, qui situent ce multiplicateur entre zéro en temps "normal" et environ... 2,5 en période de récession." Que concluent les deux économistes du FMI ? D'abord, de façon humble, qu'"il n'y a pas un seul multiplicateur en tout temps et pour tous les pays" et que "les multiplicateurs peuvent être plus ou moins élevés au cours du temps et d'une économie à l'autre". Ensuite, qu'"il semble prudent, pour le moment, lorsque l'on pense à la consolidation budgétaire, de supposer que les multiplicateurs sont plus élevés qu'avant la crise". Enfin, que leurs résultats "ne signifient pas que la consolidation budgétaire n'est pas souhaitable"." En tentant de prendre un peu de recul, on peut considérer que, effectivement, les économistes du FMI ont sous-estimé de façon significative l'augmentation du chômage et la baisse de la demande intérieure associées à la "consolidation fiscale"." Leur modèle n'a pas davantage correctement prévu l'effet de l'austérité dès lors que, les taux d'intérêt étant déjà proches de zéro, les ménages comme les entreprises adop- teraient le même comportement de désendettement que celui des Etats." Pour autant, comme on vient de le voir, Olivier Blanchard et David Leigh ne proposent en rien de renoncer aux politiques de consolidation budgétaire, mais suggèrent de les mettre en oeuvre... avec discernement." En cela, le premier est fidèle à ce qu'il déclarait déjà au quotidien économique La Tribune le 24 mai 2010, à savoir que "le risque est en effet que, sous la pression des marchés, certains pays fassent du zèle dans l'austérité. Ce serait une erreur". Et manifestement, ce scénario s'est effectivement réalisé ; le zèle l'a emporté et il serait exagéré d'en imputer la faute, aujourd'hui, aux (seuls) économistes du FMI." Contrairement à ceux qui affirment que la "faute" de l'austérité est essentiellement imputable aux technocrates de tous poils, aux économistes et à tous les idéologues, nous préférons considérer que cette volonté de rigueur correspond bien à une doxa qui prône le retour à l'équilibre des finances publiques comme condition d'un retour à la croissance. Alors que l'on peut tout aussi bien considérer qu'à l'inverse, c'est le retour à la croissance qui permet de rétablir les finances publiques..." Car désigner "la gestion désastreuse des finances publiques depuis trente ou quarante ans" pour justifier les politiques d'austérité est tout simplement fallacieux, puisque le surendettement actuel (et non pas l'endettement) des Etats est entièrement dû aux conséquences directes de la crise financière." Ce que craignent sans doute les économistes du FMI aujourd'hui, c'est que la poursuite - même dans un pays comme l'Allemagne, dont la croissance est certes en berne mais le budget à l'équilibre - et la généralisation de l'austérité et de la consolidation budgétaire dans le contexte global actuel ne conduisent tout simplement le monde vers une récession de grande ampleur..." Si l'on admet que l'atténuation, voire la fin des politiques d'austérité ne peuvent plus être écartées raisonnablement, deux questions se posent alors immédiatement." La première est : comment faire revenir la croissance ? La seconde, non moins redoutable, est : comment faire admettre la remise en question de l'austérité aux catégories sociales qui ont su profiter de la crise ? Car force est de constater, en effet, que la crise s'est accompagnée d'un creusement des inégalités..." Nul doute que la réponse à ces deux interrogations passe par un nouveau modèle de développement, et non par quelques mesures de soutien de la croissance. Et ce nouveau modèle de développement devra prévoir un autre mode de redistribution des revenus visant à atténuer, voire à corriger cette inquiétante montée des inégalités." ! Gabriel Colletis, Université Toulouse-I DOCUMENT 3 Un journal télévisé de 20h, de grande audience, nous apprend mi janvier que des erreurs de calculs sont apparues dans l'élaboration du multiplicateur budgétaire du Fonds monétaire international (FMI). Derrière ce jargon que cela signifie-t-il ? Que, quand l'État réduit son déficit de 1, l'effet négatif sur le PIB est non pas de 0,5 comme prévu par le modèle, mais de 0,9 à 1,7. C'est-à-dire, quand la France réduit son déficit public de 1 milliard d'euros, son PIB diminue corrélativement de 0,9 à 1,7 milliards d'euros, soit jusqu'à trois fois plus que le modèle ne le prévoit (publication du FMI octobre 2012)." Avec un écart de 200 %, ce n'est plus une erreur de calcul, mais bien sûr une erreur dans la conception du modèle. Le modèle du FMI est conçu dans le cadre des anticipations rationnelles. Dans ce type d'approche, les individus exercent leur choix en toute connaissance de cause. Si l'État augmente son déficit, les consommateurs augmentent leur épargne en vue d'assurer leur retraite que l'État et la sécurité sociale ne pourront pas assumer, vu leur comportement dépensier. C'est la situation de stagflation des années 1970. L'effet de relance du déficit public est alors annulé. En cas de réduction de déficit public (comme entre 2010 et 2012), le consommateur réduit sa consommation moins que son revenu ne diminue, le multiplicateur est égal à 0,5, car le comportement de l'Etat est censé le rassurer. Mais ceci ne correspond pas à la réalité économique dont les modèles sont censés rendre compte." Le consommateur, dans ce contexte de crise, voit son revenu stagner ou diminuer, il réduit sa consommation d'autant et même plus, proportionnellement, comme le montre le pic du taux d'épargne du début de la crise : il est passé de 19 % au milieu des années 2000 à 21 % en 2007 avant de redescendre autour de 18 % actuellement. L'épargne finit par baisser dans un deuxième temps de la crise, en raison de la pression exercée sur les revenus par la crise. Le consommateur diminue ses dépenses, les entreprises réduisent leur production, le chômage augmente, les impôts rentrent mal, le déficit budgétaire s'accroît. Le circuit de la diminution des revenus et de la production s'enchaîne. Dans ce contexte, la réduction du déficit à grande vitesse amplifie la crise, comme le FMI le reconnaît finalement avec ses erreurs de calculs admises en octobre 2012. C'est un demi aveu, caché par des termes techniques, sur le manque de pertinence de leur modèle rationnel. Les décisions économiques sont prises dans le temps réel du circuit économique, de l'incertitude prolongée de la crise, de la grande récession, et non pas instantanément, en toute sérénité, dans un processus d'allocations intemporelles, sans ressenti ni souffrance psychologique." Mais les erreurs ne s'arrêtent pas là. Depuis deux ans, les prévisions de PIB des organisations internationales (Organisation pour la coopération et le développement économique - OCDE, FMI, Union européenne) sont constamment révisées à la baisse. Les prévisions de croissance du PIB 2012 du FMI pour la zone euro sont passées de + 1,8% en avril 2011 à + 1,1% en septembre 2011, - 0,5% en janvier 2012 et -0,4% en octobre 2012. Le même phénomène se reproduit pour 2013. Les prévisions du FMI pour la croissance de la zone euro passent de + 1,5% en septembre 2011 à + 0,8% en janvier 2012 et enfin + 0,2% en octobre 2012. Le modèle du FMI se trompe sur ses prévisions dans un rapport de 1 à 3." A nouveau, s'agit-il d'erreur de calculs, ou d'erreurs de conception ? Il faut relire les grands auteurs spécialistes du circuit monétaire (Keynes, Kalecki), du surfinancement bancaire et du surinvestissement (Hayek), de l'incertitude économique (Knight), des crises financières (Kindleberger). Ils ont écrit, eux aussi en temps de crise. Il faut les actualiser et les prolonger pour refonder une science économique appliquée, adaptée et éclairante. Le FMI, l'OCDE, l'UE doivent concevoir des modèles économiques fiables, qui aident nos femmes et nos hommes politiques à prendre leurs difficiles décisions en connaissance de cause, en les éclairant et non pas en les induisant en erreur. Ces erreurs de calculs sont en réalité des erreurs de conception dangereuses dans les circonstances actuelles. Une refonte des modèles de prévisions est nécessaire et urgente. Pour sortir de la crise il faut la comprendre." (Voir également, sur le même sujet, "Erreur de calcul du FMI ? Ou excès des zélateurs de l'austérité ?", par Gabriel Colletis.)" ! Didier Voydeville, Economiste et conseiller en stratégie financière DOCUMENT 4 Session 2013" ECONOMIE" ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL" Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : L’efficacité des politiques budgétaires ? Document 1 : Peut-on recourir à la politique budgétaire ? Est-ce souhaitable ?, Revue de l’OFCE, p. 7-24, octobre 2002. Document 2 : Erreur dans une étude sur l’austérité : «ça fait désordre», A. Villechon, Le Monde , 18 avril 2013." Document 3 : Dettes publiques en % du PIB d’une sélection de pays, Fonds Monétaire International." “Organized public works, at home and abroad, may be the right cure for a chronic tendency to a deficiency of effective demand. But they are not capable of sufficiently rapid organisation (and above all cannot be reversed or undone at a later date), to be the most serviceable instrument for the prevention of the trade cycle.”! (Keynes, Collected Writings, vol. XXVII, p.122 ) DOCUMENT 1 [...]" L’équivalence ricardienne " Parmi les raisonnements susceptibles de justifier la disparition de la politique budgétaire du champ de la réflexion, celui que je viens d’évoquer ne semble donc pas convaincant, même s’il mériterait sans doute qu’on s’y attarde davantage. Pendant que j’en suis à ces considérations théoriques et abstraites, il me faut mentionner un argument ! du même ordre: à savoir que, même si la politique budgétaire était souhaitable, toute tentative de la mettre en œuvre serait inefficace d’un point de vue macroéconomique. Ce que j’ai en tête est la fameuse proposition dite «équivalence ricardienne», dont le principal protagoniste est Robert Barro. Si le monde fonctionnait de manière telle que l’équivalence ricardienne s’applique, alors le monde n’aurait sans doute pas besoin de politique budgétaire de toute façon. Mais les deux affirmations sont, conceptuellement, distinctes. ! La proposition de Barro est qu’il n’y a, d’un point de vue macroéconomique, pas de différence significative entre un financement par l’impôt et un financement par l’emprunt d’un montant donné de dépenses publiques. Dit autrement, l’argument est que le montant de l’épargne nationale n’est pas modifié par le remplacement de l’un par l’autre. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans un long exposé; un simple exemple permettra de comprendre de quoi il retourne. Supposons que l’économie est initialement dans un état que l’on peut qualifier d’équilibre ; pour simplifier, imaginons aussi que le budget du gouvernement est également équilibré. Supposons à présent que le gouvernement emprunte aux ménages un milliard d’euros et abaisse les impôts d’un même montant cette année. La dette peut prendre différentes formes, mais le plus simple serait une dette obligataire à coupon zéro, promettant de rembourser, disons dans 10 ans, un milliard d’euros plus les intérêts. Un raisonnement démodé aurait conclu qu’une telle politique budgétaire était expansionniste, réduisant l’épargne nationale et déplaçant la courbe IS vers la droite. Pourtant, selon l’équivalence ricardienne, cette politique n’est pas expansionniste, mais neutre. Pourquoi? ! À l’équilibre initial, chaque ménage est réputé avoir élaboré et mis en œuvre un plan intertemporel optimal d’épargne et de consommation, plan qui va même au-delà de la génération présente. Ce plan va être perturbé par la réduction d’impôts financée par émission obligataire, non seulement parce que le revenu disponible est actuellement plus élevé, mais aussi parce que les contribuables anticipent qu’ils devront acquitter des impôts supplémentaires l’année du remboursement de la dette publique2. Les ménages réagiront donc en revenant à une affectation intertemporelle qu’ils avaient jugée optimale: on voit bien que, pour ce faire, le plus simple est d’utiliser le montant de la réduction d’impôt accordée cette année pour acheter les obligations d’État qui, à échéance, procureront exactement les rentrées d’argent nécessaires au paiement des impôts qui seront prélevés pour rembourser la dette publique. En d’autres termes, il sera, pour les ménages, optimal de mettre de côté la réduction d’impôts; et ce surcroît d’épargne privée compensera exactement la désépargne publique, ce qui laissera inchangée l’épargne nationale. En l’absence de toute modification de l’équilibre épargne-investissement, cette politique est neutre sur le plan macroéconomique." ! [...] DOCUMENT 2 L'affaire prend des airs de scandale. Les conclusions d'un article, "Croissance en période de dette" ("Growth in a Time of Debt"), publié en 2010 par deux économistes réputés de Harvard et ancien cadres du FMI, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff ("R & R"), ont été remises en question par un trio de l'Université du Massachusetts (UMass) Amherst – ce qui est loin d'être rare, comme le rappelle le New York Times." L'article original démontrait que le taux de croissance d'un pays est corrélé négativement à son endettement public, dès lors que celui-ci dépasse la barre des 90 % du PIB. Or, leurs confrères de l'UMass Amherst, Thomas Herndon, Michael Ash et Robert Pollin parviennent, avec les mêmes données, à un résultat différent : le seuil des 90 % n'a dans leurs conclusions aucune signification particulière, et ils ne trouvent qu'une très faible corrélation entre croissance du PIB et endettement. " Depuis la parution de la contre-étude, la polémique bat son plein, car l'article de R & R a servi en grande partie d'assise scientifique pour justifier la mise en place de programmes d'austérité de part et d'autre de l'Atlantique. Le site collaboratif Quartz fait le tour, dans un petit florilège, des mentions de cet article par les politiques et économistes des deux côtés de l'Atlantique." COMBIEN D'AUTRES CAS ?" Avant tout commentaire, un billet publié dans le Washington Post pose d'abord ce constat : "Si vous suivez le débat sur la dette, même nonchalamment, il y a de bonnes chances que vous ayez entendu un politicien ou un spécialiste dire que la dette souveraine des Etats-Unis est soit proche du point critique des 90 % du PIB, soit l'a déjà dépassé." Selon le site d'information Slate, pas moins de 500 articles universitaires citent l'étude en question." Pour autant, le quotidien refuse de remiser les conclusions de R & R au placard : "Ça ne vide pas le dossier, ça complique juste sa défense." Et de poursuivre très ironiquement : "Tout de même, ça fait un peu désordre. (...) Combien d'autres assertions répandues sont basées sur de petites erreurs de calcul ?"" Même ton au Los Angeles Times qui, pour mieux relativiser le postulat de départ de l'étude, rappelle que, comme l'a démontré l'économiste Robert Shiller, "mettre en perspective la dette avec le ratio du PIB ne révèle pas forcément quelque chose d'utile" : la dette est en effet mesurée en valeur absolue, tandis que le PIB est mesuré sur une année. Or, utiliser une mesure de temps comme une année n'a "pas de signification économique particulière" : s'il était mesuré sur cinq ou dix ans, le ratio dette-PIB serait plus faible, puisque celle-ci se rembourse à long terme." "MAUVAIS,VRAIMENT MAUVAIS"" L'économiste et éditorialiste du New York Times Paul Krugman n'y va pour sa part pas avec le dos de la cuillère, et qualifie les travaux de R & R de "vraiment, vraiment mauvais"." Après avoir fait ses propres calculs, sur une période (19502007) et un panel (les pays du G7) plus réduits, Krugman ne trouve "aucune corrélation entre dette élevée et croissance faible" pour l'ensemble des pays examinés. Seuls deux pays se détachent du diagramme : l'Italie et le Japon. Sauf qu'au regard de leur histoire, il est "assez clair" pour Krugman que leur énorme dette est largement le fait du ralentissement de leur croissance, et non l'inverse, comme le suggèrent Reinhart et Rogoff." POUSSER PLUS LOIN LES RECHERCHES" Plus clément, le Wall Street Journal (WSJ) estime que l'erreur "regrettable" relevée dans cette étude n'affecte pas "de manière significative le message central du document". Un avis partagé par le britannique Financial Times : il est "très difficile de savoir si l'étude de R & R a effectivement changé la la politique économique alors en élaboration, ou si elle est simplement utilisée comme une justification a posteriori de mesures de toute façon inévitables"." Après avoir fait ses propres calculs – "c'est un domaine très excitant" –, le WSJ conclut finalement que "clairement, plus de recherches à ce sujet sont nécessaires sur la dette et la croissance, et tous les efforts sont les bienvenus (...). Nous avons maintenant des données sur la dette d'un plus grand nombre de pays et sur une plus longue période que l'échantillon original, qui nous permettent de pousser plus loin la recherche." Un argument partagé par les auteurs de l'étude originale." Reinhart et Rogoff ont, en effet, fait parvenir une réponse aux critiques, publiée mardi par le New York Times. Ils estiment que leur démonstration est "cohérente", et surtout que leurs résultats sont assez similaires à ceux du trio de l'UMass, "sauf que ce ne sont pas ces similitudes que les auteurs ont choisi de mettre en avant". Mais si Reinhart et Rogoff se défendent notamment d'avoir fait passer des "associations" pour "des relations de cause à effet", ils reconnaissent que les données sur lesquelles ils ont travaillé sont "très nouvelles" et "doivent faire l'objet de recherches plus poussées". " Au-delà de la controverse, l'hebdomadaire Time souligne que, "malheureusement, remettre l'étude de Reinhart et Rogoff en question ne répond pas à la question fondamentale : quel niveau d'endettement un Etat ne doit-il pas dépasser ? Nous ne savons toujours pas avec certitude si nos niveaux d'endettement actuels sont une menace imminente."" ! Anna Villechenon DOCUMENT 3 Session 2013! ECONOMIE! ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL! Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : la régulation des prix de marché par l’exemple des loyers Document 1 : Plafonner ou subventionner les loyers, d’après Introduction à la microéconomie moderne (2ème édition), Michael Parkin, Robin Bade et Marc Van Audenrode! Document 2 : Quelle régulation du marché locatif privé ? Etat des lieux et évaluation des dernières mesures gouvernementales, S. Le Bayon, P. Madec et C. Rifflart, Revue de l’OFCE, 2013, Conclusion.! Document 3 : Indice du loyer de marché / revenu par unité de consommation à Paris et en Province, Revue de l’OFCE, 2013.! Document 4 : Des toits ou des plafonds ?, P. Weil, Blog de l’OFCE, http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/? p=4100, 2013.! ! ! ! DOCUMENT 1 Réguler le marché par le contrôle des prix ou la subvention 3000 3000 O OCT 2500 2500 O Plafond des loyers 1500 1000 1500 D 1000 D 500 300 n 2000 Montant des loyers Montant des loyers 2000 ti o en bv Su 500 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Quantité de logement Le plafond sur les loyers réduit le prix d’équilibre mais au détriment des quantités mises sur le marché. Comme la dernière unité de logement disponible vaut plus cher que le plafond fixé que le plafond fixé par les autorités, les consommateurs passeront du temps à chercher un logement, et certains règleront leur problème en se rabattant sur le marché noir. 300 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Quantité de logement La subvention permet aux offreurs de proposer davantage de biens sur le marché, à prix égaux. Cela contribue à faire baisser le prix d’équilibre et à augmenter les quantités d’équilibre. DOCUMENT 2 L’encadrement des loyers peut-il favoriser la mobilité et redonner du pouvoir d’achat aux ménages ? Le dispositif Duflot permettra-t-il d’augmenter l’offre locative privée et de redresser le taux de rendement locatif en zone tendue ? Concernant l’encadrement des loyers, la mesure devrait bénéfi- cier à court terme à l’ensemble des ménages potentiellement mobiles. Les ménages déjà mobiles avant l’encadrement verront leur taux d’effort augmenter au plus de l’IRL. Les ménages présents depuis longtemps dans leur logement et souhaitant ou devant le quitter subiront lors de la relocation des hausses de loyers bien inférieures à celle observées avant la mise en place de la mesure. A contrario, pour les ménages dont le taux d’effort est déjà maximal, le décret ne devrait rien changer puisqu’ils ne pourront toujours pas supporter le surcoût d’une relocation, et ce même si ce dernier est réduit de moitié par rapport à celui observé actuellement. A moyen-long terme, même si une baisse significative des loyers de marché reste peu probable, la convergence entre le loyer avant relocation et le loyer de marché devrait avoir lieu. Cela prendra du temps d’autant que certains propriétaires peuvent être tentés de mettre en place des mécanismes de compensation (dessous-de-table au moment de la relocation, loyer supérieur au prix de marché au moment de la première mise en location d’un logement, ...) ou de montée en gamme de leur logement par le biais de gros travaux. Les effets positifs attendus dépendent en outre de l’application concrète de cette mesure. Pour qu’elle soit efficace, il faut de l’information et de la transparence. Information auprès des propriétaires pour que ceux-ci aient connaissance des nouvelles modalités de fixation des loyers lors de la relocation. Transparence sur le loyer au moment du changement de locataire, l’ancien et le nouveau loyer devant figurer dans le contrat pour éviter tout litige. Concernant le dispositif Duflot, la volonté du gouvernement était de développer un programme à destination des ménages des classes moyennes dans les zones les plus tendues. Dans les faits, à l'exception des petites surfaces pour lesquelles le taux d'effort devrait baisser, les plafonds de loyers sont, en général, peu contraignants par rapport aux loyers de marché dans les zones les plus tendues. De même, les plafonds de ressources étant légèrement supérieurs aux plafonds sociaux et les propriétaires cherchant les locataires éligibles aux ressources les plus élevées, les ménages modestes en attente d'un logement social ne devraient pas bénéficier du dispositif. Néanmoins, ce dispositif viendra compléter la dynamique, lancée par le décret sur l’encadrement, de modération des loyers. Pour l’investisseur, les maigres contraintes qui pèsent sur les loyers seront plus que compensées par la réduction d’impôt plus élevée que dans le dispositif Scellier de 2012 : au final, le rendement net du dispositif sera donc supérieur au Scellier de 2012, bien qu’inférieur à celui de 2011. Par ailleurs, étant donné le niveau relativement élevé des plafonds de ressources, les investisseurs ne prendront que peu de risques supplémentaires par rapport à une location « classique ». De plus, l'absence de placements de substitution devrait contribuer à attirer des investisseurs désireux de placer leur argent dans un actif relativement sûr. Enfin, pour optimiser les résultats escomptés, plusieurs obstacles inhérents à la mise en application de ces mesures devront être franchis. Tout d'abord, ces mesures nécessitent la mise en place d’observatoires des loyers fiables au niveau des agglomérations et des départements, pour que bailleurs et locataires puissent juger de la sousévaluation ou de la surévaluation du loyer et faire valoir leurs droits dans le cadre du décret. Les augmentations hors gros travaux étant encadrées, le contrat de location devrait notifier l'ancien loyer, le nouveau loyer et la justification de la différence. De même, il faudra que le régime des logements meublés soit aligné sur celui des logements vides, dans le cadre de la prochaine loi prévue pour 2013, pour éviter le report des propriétaires (notamment de petites surfaces) vers ce marché dont les loyers ne sont pas encadrés. La décision du gouvernement de maintenir un dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif privé visant à desserrer les tensions sur l’offre et à accueillir des ménages éligibles au logement intermédiaire subventionné ne peut être une solution de long terme viable. L'effet d'aubaine existe et on ne peut conclure avec certitude sur le nombre de constructions qu'on aurait observé sans dispositif. Le développement de l’offre locative sociale (malgré des délais de livraison plus élevés) et de l’accession sociale à la propriété sont les leviers publics les plus puissants pour agir effica- cement à moindre coût et dans la durée sur l’offre de logements et donc sur les prix. DOCUMENT 3 DOCUMENT 4 Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové prévoit d’encadrer les loyers «principalement dans les agglomérations où existe un fort déséquilibre entre l’offre et la demande de logements et où les loyers ont connu la progression la plus forte au cours des dernières années ». Les loyers dépassant de plus de 20 % un loyer médian, fixé par quartier et type de logement, « auront vocation à être abaissés ». L’objectif de ce plafonnement est certes louable puisqu’il « vise à combattre la crise du logement, marquée depuis de nombreuses années par une forte augmentation des prix, une pénurie de logements et une baisse du pouvoir d’achat des ménages ». L’enfer est hélas pavé de bonnes intentions car les plafonds d’aujourd’hui détruisent bien souvent les toits de demain : Le plafonnement des loyers [...] entraîne une répartition aléatoire et arbitraire des logements et rend leur utilisation inefficace. Il retarde la construction de nouveaux logements et prolonge indéfiniment le plafonnement des loyers, ou déprime la construction future en subventionnant aujourd’hui la construction résidentielle. Un rationnement formel des logements par les autorités publiques aurait des effets sans doute pire encore. S’opposer au plafonnement des loyers ne signifie pas cependant se résoudre aux inégalités qui se manifestent en matière de logement : Le constat que, dans des conditions de marché, ceux qui ont des revenus ou patrimoines plus élevés occupent de meilleurs logements est plutôt une raison de prendre des mesures de long terme pour réduire les inégalités de revenus et de richesse. Pour ceux qui, comme nous, voudraient encore plus d’égalité qu’aujourd’hui – en matière de logement comme pour tous les produits –, il est certainement préférable d’attaquer directement à leur source les inégalités existantes de revenu et de richesse plutôt que de rationner chacun des centaines des produits et services qui déterminent notre niveau de vie. Permettre aux individus de recevoir des revenus monétaires inégaux puis prendre des mesures complexes et coûteuses afin de les empêcher d’en bénéficier est le comble de la folie. Les auteurs de ces deux citations, qui nous enjoignent de laisser le système de prix libre d’allouer aux locataires les logements disponibles tout en préconisant d’attaquer à leur source les inégalités de revenu et de richesse, ne sont autres que Milton Friedman et George Stigler – les deux fondateurs de l’école de Chicago. Le titre de ce billet est emprunté – qu’ils me le pardonnent – à leur article de 1946 « Roofs or Ceilings : the Current Housing Problem ».[1] Le projet de loi Duflot envisage un mécanisme d’encadrement des loyers bien plus sophistiqué que celui que dénonçaient Friedman et Stigler il y a près de soixante-dix ans. Ses effets sur le parc immobilier français pourront être évalués dans quelques années mais la littérature économique récente nous prévient que les mécanismes de contrôle des loyers dits de « seconde génération » ont des effets souvent ambigus[2] – pas toujours négatifs mais pas obligatoirement positifs[3]. On peut regretter, dans ces conditions, qu’une expérimentation préalable, que la prudence exigerait, ne soit pas envisagée dans certaines villes choisies aléatoirement. L’urgence politique plaide certes contre les retards qu’elle entraînerait mais, en économie comme en médecine, il convient de s’assurer qu’on ne tue pas le patient en tentant de le guérir. Reste, pour finir, l’avertissement de Friedman et Stigler : les inégalités de revenus et de patrimoine doivent être attaquées à leur source et pas dans leurs manifestations. Session 2013" ECONOMIE" ! EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL" Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : La relance par la politique monétaire Document 1 : La Banque centrale européenne cherche comment relancer le crédit aux PME dans la zone euro, M. de Vergès, Le Monde, 30 mai 2013. Document 2 : Zone euro : pourquoi n’y a-t-il pas plus d’inflation ? J.P. Dumas, Cercle des Echos, Octobre 2012. " Document 3 : Evolutions comparées de l’indice CAC40 et du climat des affaires depuis juillet 2011." DOCUMENT 1 Le temps des vaches maigres continue pour les entreprises de la zone euro. Selon les statistiques de la Banque centrale européenne (BCE), publiées mercredi 29 mai, le crédit au secteur privé a reculé pour le douzième mois consécutif en avril, de 0,9 %. Ce chiffre cache de fortes disparités : la pénurie de crédit frappe d'abord les petites et moyennes entreprises (PME) d'Europe du Sud, au risque d'hypothéquer durablement le retour de la croissance." "C'est devenu le vrai chantier de la Banque centrale européenne : comment aider au financement des PME", note Frédérik Ducrozet, économiste au Crédit agricole-CIB. L'institution de Francfort a ramené, au début du mois de mai, son principal taux directeur au niveau historiquement bas de 0,5 %. Mais elle constate que son action ne s'est pas traduite jusqu'ici en prêts abondants et bon marché." D'autres pistes sont donc passées en revue, quand bien même les marges de manoeuvre de l'institution sont désormais limitées." Relancer la titrisation La BCE voudrait revitaliser le marché des "ABS" (asset-backed securities), ces paquets de titres adossés à des créances – en l'occurrence, des prêts consentis à des entreprises. Il ne s'agit pas encore pour la BCE de racheter elle-même ces instruments financiers. Mais, pour soutenir le crédit, elle pourrait assouplir ses règles de "collatéral" (adossement) et accepter ces ABS en garantie contre du financement bancaire." Mais la route promet d'être longue. Le marché des ABS "est mort depuis longtemps", a reconnu le patron de la BCE, Mario Draghi, début mai. "Une difficulté est qu'elle n'est pas directement à la manoeuvre, note Fabrice Montagné, économiste chez Barclays. Son rôle est essentiellement de favoriser les initiatives." La BCE a donc lancé des consultations avec la Banque européenne d'investissement et la Commission européenne. L'enjeu est notamment de rendre ce marché plus transparent. C'est la deuxième difficulté : la réputation des ABS est durablement ternie pour avoir, par leur opacité, largement contribué à la crise des subprimes, ces crédits immobiliers à risque, en 2008." "CE N'EST PAS SEULEMENT UN PROBLÈME D'OFFRE"" Instaurer un taux de dépôt négatif L'hypothèse circule depuis quelques semaines, défendue, mercredi, par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Avec un taux négatif, les banques devraient payer plutôt que d'être rémunérées lorsqu'elles déposent des fonds auprès de la BCE. Une sorte de "taxe" qui les encouragerait à réinjecter les liquidités dans l'économie et à distribuer des prêts." Mais la mesure a ses bémols. "Le problème du crédit n'est pas seulement un problème d'offre. C'est aussi – et parfois surtout – un problème de demande", rappelle, dans une note, René Defossez, analyste chez Natixis. Inquiètes face à la récession, les entreprises ne se précipitent pas pour emprunter. Des taux négatifs ne changeraient pas la donne. Pis, les banques pourraient chercher "à compenser ce coût supplémentaire par une hausse des taux pratiqués à leurs clients, ce qui rendrait la mesure contre-productive", poursuit M. Defossez." Néanmoins, les membres de la BCE ont commencé à préparer le marché à une telle éventualité... tout en exprimant leur scepticisme. "C'est techniquement très délicat", a insisté, mercredi, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. L'exemple du Danemark, l'un des rares pays qui aient tenté l'expérience ces dernières années, n'est pas vraiment probant. L'impact sur le crédit a été quasi nul." Au début du mois de mai, M. Draghi a affirmé que le taux directeur pourrait encore être abaissé jusqu'à 0,25 %, si nécessaire. Mais les derniers assouplissements monétaires n'ont pas eu l'effet escompté. Une majorité d'économistes estime que la BCE ne grillera pas cette cartouche dès sa prochaine réunion, jeudi 6 juin." ! Marie de Vergès DOCUMENT 2 Après ce détour, revenons à la question qui nous préoccupe, pourquoi n’y a-t-il pas d’inflation en dépit de la création de monnaie de la part de la Banque Centrale ? Parce que cette création monétaire (sous forme d’achat de bons du Trésor) est stérilisée par le biais des réserves bancaires : dans un cas la masse monétaire n’augmente pas, dans l’autre elle augmente." C’est tout à fait différent du cas où les réserves des banques sont transformées en prêts à l’économie où seule la partie réserves obligatoires à la Banque Centrale est gardée. Les crédits crédits font des dépôts, les augmentations de dépôts sont de la création monétaire. L’accroissement final de la masse monétaire sera le multiplicateur de crédit." On se retrouve à l’heure actuelle dans la situation où les réserves ne sont pas monétisées." Par ailleurs, " - les bilans (la base monétaire) de la BCE (et a fortiori des autres BC) augmentent considérablement, alors que la masse monétaire s’accroît peu. La relation traditionnelle fixe entre la base monétaire (B) et la masse monétaire (M) est rompue (M=mB) particulièrement en période de crise. Il n’y a pas ou peu de création monétaire. Il y a en quelque sorte stérilisation de la part des banques. Cette monnaie additionnelle est stérilisée à la BC sous forme de réserves et et ne va pas servir à octroyer de nouveaux prêts par les banques." - La relation traditionnelle base monétaire, offre de monnaie (le multiplicateur) se rompt à partir de 2008 après la chute de Lehman Brothers. Cela s’explique par la crise financière, l’offre de monnaie n’est plus un multiple constant de la base monétaire. Quand il y a une crise financière, les banques veulent des liquidités pour des raisons de précaution et n’en trouvent pas sur le marché interbancaire. Afin de sauver le système bancaire, les banques centrales ont accru (à juste titre) l’accès à la liquidité des banques, lesquelles ont été tétanisées par la crise et au lieu de prêter au secteur privé, ont acheté des bons souverains et ont laissé leur argent à la banque centrale sous forme de réserves." - Il n’y a pas d’accroissement de la monnaie (M3) en Europe, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, cela signifie qu’il n’y a pas d’accroissement des prêts par les banques alors que leur bilan s’accroît. Les seuls actifs que les banques achètent sont ceux qui, à tort où à raison ne sont pas considérés comme risqués, les bons du Trésor." - La BCE a fourni relativement moins de liquidité que le Japon, les Etats-Unis et le Royaume-Uni même après les opérations de refinancement à long terme (LTRO). La base monétaire de la Fed, de la Banque du Japon et de la Banque d’Angleterre a été multipliée par trois par rapport à son niveau pré-Lehman alors que celle de la BCE a doublé." - Cet accroissement de la base monétaire s’est fait sans inflation, car on note qu’elle n’a pas été accompagnée d’un accroissement de la monnaie (M3). Il reste donc de la marge d’action pour la BCE. 3000 85 3200 Cours du CAC40 3400 3600 90 95 Climat des affaires 3800 100 4000 DOCUMENT 1 2011m7 2012m1 2012m7 mois Cours du CAC40 2013m1 Climat des affaires 2013m7 Session 2013 ECONOMIE ÉPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Consommation et épargne en temps de crise Document 1 : Variation du revenu disponible brut, du pouvoir d’achat et de la consommation des ménages (source INSEE, Comptes Nationaux, Base 2005, en %) Document 2 : Taux d’intérêt débiteur moyen sur les crédits à la consommation (en %, source Banque de France). Document 3 : Taux d’épargne des ménages (source INSEE, Comptes nationaux, en %) http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=nattef08148 Document 4 : Dette des administrations publiques au sens de Maastricht (milliards d’Euros et points de PIB en %, source INSEE, Comptes Nationaux Trimestriels) http://www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=16&sous_theme=3 Document 1 Document 2 Taux débiteur moyen sur les crédits à la consommation (en %) 8,5 8 7,5 7 6,5 6 5,5 Document 3 Taux d’épargne des ménages 2000 2005 2010 2011 14,4 14,7 15,9 16,0 Document 4 Session 2013 ECONOMIE ÉPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : La dette publique Document 1 : Réduire la dette publique, une priorité ? H. Sterdyniak, OFCE) Document 2 : Pourquoi et comment faut-il réduire la dette publique ?(Le Monde, 21/06/2010, M. Pucci et B. Tinel) Document 1 La crise des années 2008-2012 ne provient pas de la hausse excessive des dépenses, des déficits ou des dettes publics. En 2007, le solde public de l’ensemble des pays de l’OCDE ne présentait qu’un déficit de 1,3% du PIB ; celui de l’ensemble des pays de la zone euro de 0,7%. Les dettes publiques étaient stables, à 40% du PIB pour la dette nette de l’ensemble des pays de l’OCDE. Mais la crise a provoqué une forte hausse des déficits et dettes publics puisque les États ont dû intervenir pour sauver les systèmes financiers, pour soutenir l’activité et ont enregistré une forte baisse de leurs recettes fiscales. […] En 2012, les déficits des États-Unis et du Royaume-Uni restent de 8,5% du PIB, celui du Japon de 10%, dans la zone euro, le déficit moyen est de 3,3% du PIB. […] Deux points de vue s’opposent : pour les uns, la priorité est de réduire les dettes publiques, d’autant plus que celles-ci pèseront lourdement sur nos enfants. Cette réduction rétablira la confiance et permettra la baisse des impôts, ce qui relancera la croissance. Pour les autres, la mise en œuvre simultanée de politiques budgétaires restrictives dans tous les pays de la zone Euro, ou pire de l’OCDE, se traduirait par une chute de la production, une baisse des recettes fiscales, une dégradation du ratio d’endettement, sans pour autant rassurer les marchés. La crise n’en serait que prolongée. […] En France, il est souvent avancé que la charge de la dette constitue le deuxième poste de dépenses de l’État et absorbe l’équivalent de la quasi-totalité des recettes de l’impôt sur le revenu, et que la France vit à crédit depuis 30 ans, les générations actuelles reportant la charge des dépenses publiques sur les générations futures : chaque nouveau-né en France hériterait ainsi d’une dette de l’ordre de 25 000 euros. Il faudrait donc réduire fortement les dépenses publiques, puisqu’il ne serait plus possible d’augmenter les impôts, qui, déjà trop élevés, décourageraient l’investissement et le travail, nuiraient à la compétitivité, et feraient fuir à l’étranger les capitaux et les talents. Certes, de 1974 à 2011, la France, comme l’Italie, n’a jamais connu d’excédent budgétaire, mais l’Allemagne n’a connu que 2 années d’excédent, les États-Unis 3, la Grande-Bretagne 4, le Japon 5. […] En termes de dette nette (la dette financière moins les actifs financiers détenus par les administrations), la France était, fin 2011, à 63% du PIB, nettement en dessous du Japon (125%), de l’Italie (94%), des États-Unis (80%). Il n’y a aucune spécificité française […]. En 2011, la charge de la dette était de 2,5% du PIB, pour une dette de 84% du PIB ; soit, un taux d’intérêt moyen sur la dette de 3%, nettement en dessous du taux de croissance nominal. […] Quand le taux d’intérêt est égal au taux de croissance, le vrai coût de la dette, c’est-à-dire l’excédent primaire nécessaire pour stabiliser la dette, est nul. […] En situation d’incertitudes économiques, de pessimisme des entrepreneurs, la demande privée est insuffisante pour maintenir un niveau satisfaisant d’activité. La politique optimale consiste à faire baisser le taux d’intérêt jusqu’à ce que la demande soit suffisamment relancée. Elle a l’avantage de ne pas augmenter la dette publique, de favoriser l’accumulation du capital et de réduire le taux de profit exigé par les entreprises pour investir. Mais elle peut être inefficace, en période de forte dépression, si les agents privés sont réticents à s’endetter. […] Le gouvernement doit alors accepter un certain déficit budgétaire. Celui-ci n’a aucun effet d’éviction des dépenses privées : il ne provoque pas de hausse du taux d’intérêt, puisque par définition le taux d’intérêt est à son plus bas niveau possible. […] Ce rôle stabilisateur de l’endettement public peut néanmoins être bloqué si les ménages sont Barro-Ricardiens. Document 2 Que l'on parle de rigueur ou d'assainissement des finances publiques, la contraction des dépenses publiques est partout brandie comme le remède à la dette […]. L'argument repose sur une assimilation entre les comptes publics et le budget des ménages : lorsqu'on est trop endetté, il faut réduire son train de vie au risque de léguer une dette à ses enfants. Or, en 2008, les administrations publiques françaises sont endettées à hauteur de 1 685 milliards d'euros tandis que leur patrimoine financier s'élève à 822 milliards et leur patrimoine non financier à 1 450 milliards (dont 624 milliards de terrains, logements et équipements). Ce n'est donc pas une dette qu'elles lèguent aux générations futures mais un patrimoine net de 587 milliards, qui s'ajoute à la richesse humaine accumulée en particulier en éducation et en santé. De notre point de vue, s'il est crucial de réduire l'endettement public, c'est en raison de ses effets redistributifs des pauvres vers les riches. En effet, une part des impôts prélevés sur l'ensemble des contribuables servent en partie à payer la charge de la dette (39 milliards d'euros en 2009), alors qu'ils auraient pu être affectés à d'autres usages tels que la santé ou l'éducation, tandis que ces intérêts sont versés en partie aux contribuables rentiers qui détiennent 35 % de la dette publique. Les finances publiques servent donc d'intermédiaire à un transfert de revenu vers les ménages les plus aisés. Pour trouver des remèdes à l'endettement excessif des administrations publiques, il faut chercher les causes profondes de l'augmentation continue du poids de la dette, avant même les effets récents de la crise. Certains avancent que c'est l'explosion des dépenses publiques qui est en cause, mais les chiffres démentent ce diagnostic : la part des dépenses publiques dans le PIB est relativement stable depuis 25 ans, passant de 52 % en 1985, à 54 % en 1995, et 53 % en 2008. En fait, la hausse de la part de la dette publique dans le PIB s'explique d'abord par le manque de croissance économique et les crises économiques de 1993 et 2008. Ensuite, les taux d'intérêts très élevés que nous avons connus jusqu'au début des années 2000 ont gonflé le coût de la dette et provoqué un effet boule de neige, les administrations publiques devant s'endetter pour rembourser les intérêts de la dette. Enfin, les réformes fiscales ont contribué à accroître le poids de la dette. La part des recettes de l'Etat dans le PIB n'a cessé de diminuer, passant de plus de 22 % en 1981 à 17 % en 2008. En parallèle, la structure des prélèvements a changé. Les nombreuses niches fiscales, les changements de barèmes de l'impôt sur le revenu et les défiscalisations de revenus du capital ont principalement bénéficié aux ménages aisés, tandis que la montée en charge de la CSG était supportée par l'ensemble des ménages. Ces évolutions de la fiscalité, en partie responsables de l'accroissement des déficits, n'ont pas eu les effets attendus sur l'emploi et la croissance. Les avantages fiscaux accordés aux ménages aisés leur ont permis d'épargner davantage, stimulant finalement assez peu la demande intérieure. On peut donc s'inquiéter de l'opportunité des mesures de contraction des dépenses publiques annoncées. La crise n'est en effet pas terminée et cela risque d'affaiblir davantage la croissance. Il serait plus raisonnable de refonder le système fiscal de manière à ce que les ménages aisés, qui ont vu leurs revenus augmenter à la fois par les baisses d'impôt et par les intérêts de la dette, contribuent à nouveau au financement des administrations publiques par l'impôt plutôt que par leur épargne. Seule une augmentation des recettes fiscales peut en effet permettre de réduire le poids de la dette tout en maintenant un service public de qualité et en soutenant l'économie par les dépenses publiques. Session 2013 ECONOMIE ÉPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge Sujet : Economie de l’environnement Document 1 : « Quel taux d’actualisation pour quel avenir ? », C. Gollier, Revue Française d’Economie, 19(4), 2005, pp. 59-81. Extraits. Document 2 : « Les instruments économiques au service environnementales », C. Wendling, Trésor-Eco n.19, sept. 2007. Extraits. des politiques Document 1 L’émergence de questions environnementales liées à la notion floue de développement durable a conduit les économistes à réfléchir au choix du taux d’actualisation pour des horizons temporels beaucoup plus éloignés que ceux usuellement considérés sur les marchés financiers. Pour illustrer, considérons la possibilité pour la génération présente de modifier l’architecture d’un site de stockage de déchets nucléaires de manière à réduire de 1 million d’euros de 2005 le coût d’une intervention in situ en 2205. Si un taux de 6% est utilisé, il n’est désirable de réaliser cette modification que si son coût est inférieur à la valeur actualisée de ce bénéfice futur, qui est égale à… 106/1.06200 = 8,7 euros ! Dès lors, de nombreuses voix se sont élevées pour rejeter le calcul économique sur la base du fait que cette méthode ne prend pas en compte, ou si peu, les intérêts des générations futures. D’autres proposent d’utiliser un taux d’actualisation plus faible pour des horizons éloignés, de manière à valoriser plus les coûts et bénéfices futurs. Document 2 Si la réglementation constitue un instrument classique, qui vise à contraindre le comportement des pollueurs, les instruments économiques s'appuient sur une approche incitative pour favoriser les comportements plus vertueux. La fiscalité environnementale et les marchés de permis en constituent les formes principales et sont déjà utilisés dans l’Union Européenne et dans plusieurs pays de l'OCDE. En donnant un prix à des biens environnementaux, via le taux de la taxe ou le prix du permis, ils incitent les pollueurs à modifier leur comportement. Ils présentent de nombreux avantages par comparaison avec l'approche réglementaire. En écartant toutes les actions dont le coût est supérieur au prix du permis ou au montant unitaire de la taxe, ils permettent tout d'abord d'atteindre un objectif environnemental donné à moindre coût. Ils constituent également des incitations à la recherche permanente de solutions moins coûteuses et amplifient l'effort d'innovation des acteurs économiques, ce qui peut être déterminant à long terme. Il est alors possible d'établir une hiérarchie sur l'efficacité des instruments en fonction des problèmes environnementaux considérés. Ainsi, un marché de permis permet de garantir ex-ante un résultat environnemental alors que la fiscalité environnementale permet au contraire de fixer ex ante le coût de cette politique pour les agents. La réglementation peut, quant à elle, être parfaitement légitime dans certains cas, notamment face à des risques de dommages catastrophiques et/ou irréversibles. […] Les différents exemples étrangers ont montré que le respect de la neutralité financière de la réforme constituait une des clés essentielles de son acceptabilité. L'objet des instruments économiques n'est pas d'augmenter le volume global des recettes fiscales ou publiques ni le taux global des prélèvements obligatoires. La mise en œuvre de nouveaux instruments devrait, en règle générale, s'accompagner de compensations appropriées ou de redistributions des recettes fiscales. Ce principe doit en théorie se concevoir au niveau de l'économie dans son ensemble. […] En pratique, une solution transitoire et intermédiaire peut toutefois être recherchée, le recyclage ciblé des recettes constituant un levier pour favoriser l'acceptation des réformes, en annulant ou en réduisant les conséquences sur la compétitivité des secteurs assujettis et les effets redistributifs sur les ménages. Ainsi, lorsque les taxes ne sont pas harmonisées au niveau international et lorsqu'il apparait trop difficile de mettre en place une taxe d'ajustement aux frontières sur les importations (ou une subvention à l'exportation), le maintien de la compétitivité des industries les plus touchées peut justifier la restitution totale ou partielle des recettes des écotaxes aux pollueurs. Un tel recyclage des recettes atténue le caractère incitatif de la taxe mais ne l'annule pas dès lors que le critère de redistribution ne s'avère pas parfaitement corrélé avec la pollution émise. La taxe suédoise sur les émissions de NOx des installations de combustion est ainsi redistribuée au prorata de la production d'énergie des redevables. Cette taxe constitue un succès remarquable, dans la mesure où elle a exercé un impact avéré sur les émissions sans nuire à la compétitivité des entreprises assujetties. Par ailleurs, le choix d'un marché de permis avec allocation initiale gratuite (ou partiellement gratuite), comme dans le cas du marché européen de CO2, permet de limiter les effets redistributifs de la taxe. Enfin, ignorer la dimension redistributive dans la conception et la mise en œuvre des instruments peut conduire rapidement à un rejet et un échec de la politique environnementale. En effet, tout instrument économique a deux dimensions : il influence l'allocation des ressources (et, du point de vue des politiques environnementales, c'est là sa raison d'être), et, simultanément, il affecte la distribution des revenus. Cet effet dépend du niveau de contrainte des efforts demandés aux agents, de leur coût d'abattement et du choix de l'instrument (une taxe sans redistribution peut induire des flux financiers importants). Des instruments spécifiques peuvent ainsi être envisagés, comme une baisse de la fiscalité directe par exemple.