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Session 2013"
ECONOMIE"
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL"
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Le statut des monnaies virtuelles
Document 1 : Le «bitcoin», monnaie virtuelle qu’on s’arrache, Le Monde, 10 avril 2013
Document 2 : Les fondations économiques de bitcoin, Banque Centrale Européenne, Octobre 2012,
(http://www.ecb.int/pub/pdf/other/virtualcurrencyschemes201210en.pdf)"
Document 3 : Virtual Currency Schemes - Conclusion du rapport, anque Centrale Européenne, Octobre 2012, (http://www.ecb.int/pub/pdf/other/virtualcurrencyschemes201210en.pdf)."
Document 4 : Evolution de la valeur du bitcoin sur les douze derniers mois, http://bitcoincharts.com/
charts"
DOCUMENT 1
Le « bitcoin », monnaie virtuelle qu'on s'arrache
Article paru dans l'édition du 10.04.13"
La « e-devise » s'échangeait, mardi, à 194 dollars, alors qu'elle en valait moins de 20 en janvier"
L'histoire de ses origines est aussi obscure et mystérieuse que l'explication de son récent succès. Monnaie virtuelle au nom un
peu barbare, longtemps apanage des seuls mordus de l'Internet, le « bitcoin » voit son cours littéralement flamber."
Mardi 9 avril au matin, la « e-devise » s'échangeait autour de 194 dollars (149 euros), alors qu'elle en valait moins de 20 en
janvier. La valeur totale de bitcoins en circulation représente quelque 2 milliards de dollars, soit un doublement en quelques
jours. Une véritable frénésie qui met sous les projecteurs cette monnaie largement inconnue du grand public."
Le bitcoin est né en janvier 2009. Son inventeur, un énigmatique programmeur informatique dissimulé sous le pseudonyme
Satoshi Nakamoto, semble poursuivre une ambition : la création d'une monnaie échappant au contrôle des banques centrales
et des Trésors nationaux."
Celle-ci est mise au service d'un réseau de transactions financières, décentralisé, anonyme et sans frais visant à contourner le
monopole des établissements bancaires. « Le bitcoin est bien plus qu'une simple devise, décrit Pierre Noizat, cofondateur de
Paymium, une start-up spécialisée dans le paiement en bitcoins. C'est aussi un réseau et une technologie. »"
Personne ne « possède » cette monnaie numérique, émise grâce à un puissant algorithme. Mais tous ceux qui consacrent la
puissance de leur ordinateur à faire fonctionner le réseau et à vérifier l'authenticité des transactions sont récompensés en
bitcoins. Ils peuvent, ensuite, les revendre, sur Internet, sur une vingtaine de places de marché. Dont la plus importante, MtGox, est établie au Japon."
On recense autour de 11 millions de bitcoins en circulation. Le système est programmé de telle sorte que le volume total, à
terme, n'excède pas 21 millions. Aujourd'hui, les acteurs de l'écosystème évaluent à quelques milliers le nombre de sites Web
qui acceptent les bitcoins comme dons ou comme moyens de paiement."
Mais d'où vient ce soudain accès de popularité ? La crise chypriote est citée par des analystes : la crainte de voir leurs dépôts
lourdement taxés aurait poussé de nombreux épargnants à convertir leurs euros en bitcoins. « Mais il n'existe aucune preuve
tangible, si ce n'est que les dates concordent », nuance Yannick Naud de la société londonienne d'investissement Glendevon
King Asset Management."
Pour ce gérant, c'est d'abord la spéculation qui est à l'oeuvre. Alors que le phénomène est alimenté par le brouhaha médiatique et les réseaux sociaux, « les gens achètent du bitcoin parce qu'ils pensent que sa valeur sera supérieure demain », résume M. Naud. Lui-même reçoit de plus en plus de demandes d'information de clients depuis quelques jours."
La fièvre est telle que certains évoquent la formation d'une bulle sur le point de crever. Déjà, en 2011, le bitcoin était passé de
quelques centimes à 30 dollars avant de s'effondrer sous les 3 dollars en l'espace de cinq mois. « On n'est pas dans une bulle,
on est dans une logique où il faut mettre un prix sur quelque chose de nouveau », défend M. Noizat qui souligne qu'après
quatre ans, le projet est sorti de sa phase purement expérimentale."
Mais, même ses promoteurs admettent que l'extrême volatilité du bitcoin nuit à son bon fonctionnement. « Les virements
deviennent compliqués si la monnaie prend 10 euros en quelques heures, note Philippe Herlin, économiste, chargé de cours au
Conservatoire national des arts et métiers. Le bitcoin était dans l'enfance. Il entre dans l'adolescence avec son lot de crises. »"
En attendant, la devise se développe sous le regard attentif et suspicieux des autorités monétaires. Dans un rapport d'octobre
2012, la Banque centrale européenne la décrivait comme « la monnaie virtuelle ayant le plus de succès ». Tout en soulignant la
nécessité de réévaluer les risques si son usage venait à se généraliser."
Aux Etats-Unis, les autorités se sont déjà inquiétées de la liberté et de l'opacité entourant le bitcoin. Le système est suspecté
d'être utilisé à des fins de blanchiment ou de trafic de drogue."
Marie de Vergès
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Les fondations économiques de Bitcoin
Les racines théoriques de Bitcoin se trouvent dans l’école autrichienne et sa critique du système monétaire et des interventions entreprises par les gouvernements et les autres agences qui, selon elle, résultent en des cycles économiques exacerbés
et une inflation massive."
Un des sujets sur lesquels l’école autrichienne, menée par Eugen von Böhm-Bawerk, Ludwig von Mises et Friedrich Hayek,
s’est concentré sur les cycles économiques. Brièvement, selon la théorie autrichienne, les cycles économiques sont la conséquence inévitable des interventions monétaires sur le marché où une expansion excessive des crédits bancaires provoque une
augmentation de l’offre de monnaie à travers le processus de création monétaire d’un système bancaire à réserves fractionnées, ce qui conduit à son tour à des taux d’intérêt artificiellement bas. Dans ce cas, les entrepreneurs, guidés par le signal
distordu des taux d’intérêt, se lancent dans des projets d’investissement trop ambitieux qui ne correspondent pas aux préférences des consommateurs en termes de consommation intertemporelle (c’est-à-dire leurs décisions concernant leurs
consommations présente et futures). Tôt ou tard, ce déséquilibre n’est plus soutenable et conduit à une récession pendant la
quelle les entreprises ont besoin de liquider les investissements qui ont échoué et de restructurer leurs structures de production en accord avec les préférences intertemporelles des consommateurs. Il en résulte que de nombreux économistes autrichiens en appellent à l’abandon d’un tel système et prônent le retour à l’étalon or qui ne peut pas être aussi facilement manipulé par les autorités."
Un autre domaine dans lequel les économistes autrichiens ont été très actifs est la théorie monétaire. Un des noms les plus
connus dans ce domaine est Friedrich Hayek. Il a écrit quelques publications très influentes telles que la Dénationalisation de la
monnaie (1976), dans lequel il énonce que les gouvernements ne devraient pas avoir un monopole d’émission de la monnaie. Il
suggère à la place que des banques privées soient autorisées à publier des certificats dénués de taux intérêt sur la base de
leurs propres avoirs. Ces certificats (ces monnaies) devraient être exposées à la concurrence et seraient échangées selon des
taux de change variables. N’importe quelle monnaie capable de garantir un pouvoir d’achat stable éliminerait du marché les
autres monnaies moins stables. Le résultat de ce processus de concurrence et de maximisation du profit serait un système
monétaire très efficace où seules les monnaies stables coexisteraient."
Ces idées sont partagées par Bitcoin et ses supporters :"
- ils voient Bitcoin comme un bon point de départ de la fin du monopole que les banques centrales possèdent dans l’émission
de monnaie"
- ils critiquent fermement le système bancaire actuel où les banques peuvent développer leur offre de crédit au-delà de leurs
réserves et, simultanément, les déposants peuvent retirer leurs fonds dans leurs comptes courants à n’importe quel moment,"
- le système est inspiré de l’ancien étalon-or"
Bien que ses racines théoriques peuvent se trouver dans l’école autrichienne, Bitcoin a soulevé de sérieuses inquiétudes parmi les économistes autrichiens contemporains. Leurs critiques concernent deux aspects généraux : les Bitcoins n’ont pas de
valeur intrinsèque comme l’or puisque ce ne sont que de simples octets stockés sur des ordinateurs et le système ne vérifie
pas le théorème Miséen de régression qui explique que la monnaie est acceptée non par un décret gouvernemental ou une
convention sociale mais parce qu’elle a ses racines dans une matière première qui exprime un certain pouvoir d’achat.
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Bien que, en termes pratiques, les schémas de monnaie virtuels ne sont qu’une évolution, ils présentent des changements
conceptuels importants lorsqu’on les compares aux monnaies réelles et aux systèmes de paiement. D’abord, les acteurs
conventionnels (les institutions financières, les chambres de compensation ou les banques centrales) en sont absents. Ensuite,
ils prolifèrent plus facilement en s’appuyant sur le contexte d’une énorme croissance des accès et de l’utilisation d’internet
sous-tendue par les innovations qui sont derrière ces schémas. De plus, ils ne sont pas limités à un seul pays ou une seule
zone monétaire, ce qui complique la mise en place de règlementations."
L’analyse préliminaire livrée dans ce rapport peut conclure que, dans la situation actuelle, les schémas de monnaie virtuelle :"
- ne posent pas de risque en termes de stabilité des prix, à condition que la création monétaire continue de se faire à des niveaux faibles,"
- présentent une nature instable mais ne mettent pas en danger la stabilité financière en raison de leur connexion limitée avec
l’économie réelle, leurs faibles volumes échangés et le manque d’une acceptation généralisée,"
- ne sont réglementés ni surveillés par aucune institution publique même si la participation à ces schémas expose les utilisateurs à des risques de crédits, de liquidités ou même de règlementation,"
- pourraient représenter un défi pour les autorités publiques étant donnée l’incertitude juridique qui les entoure puisqu’ils
peuvent être utilisés par des criminels, des fraudeurs ou des blanchisseurs d’argent sale,"
- pourraient avoir un impact négatif sur la réputation des banques centrales en supposant que l’utilisation de tels systèmes
connaisse une forte croissance et qu’un incident n’attire la couverture des médias. Le public pourrait alors percevoir l’incident comme étant la conséquence, au moins partielle, d’une mauvaise gestion des banques centrales,"
- tombent dans le champ de responsabilité des banques centrales puisqu’ils partagent les caractéristiques des systèmes de
paiement, qui créent le besoin d’examiner ses développements et de fournir des évaluations."
Bien que ces schémas peuvent avoir des aspects positifs en termes d’innovation financière et de fourniture d’alternatives supplémentaires de moyens de paiement pour les consommateurs, il est clair qu’ils exposent également à des risques. En raison
de la faible taille de ces dispositifs, ces risques n’affectent que leurs utilisateurs. Toutefois, on doit raisonnablement s’attendre à
voir poursuivre la croissance de ces dispositifs, soutenue par plusieurs facteurs :"
- l’expansion continue de l’internet et des utilisateurs de communautés virtuelles,"
- l’augmentation du commerce électronique et des biens numériques qui sont des plate-formes idéales pour ces dispositifs,"
- le degré d’anonymat plus élevé comparé aux autres instruments de paiement électroniques"
- les coûts de transaction plus faibles,"
- le règlement plus direct et plus rapide des transactions qui est requis et souhaité dans les communautés virtuelles."
Etant donné que l’évaluation actuelle des risques est très dépendante de la relative petite taille de ces dispositifs, l’hypothèse
de leur croissance continue impose des examens périodiques de ces développements afin de bien surveiller l’évolution des
risques.
DOCUMENT 4
Session 2013!
ECONOMIE!
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EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL!
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Un bon niveau d’inflation ?
Document 1 : Dynamique des salaires par temps de crise, P. Askenazy, A. Bozio et C. Garcia-Penalosa, Les
notes du CAE (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/CAE-note005.pdf), extraits.!
Document 2 : Rethinking Macroeconomic Policy, O. Blanchard, G Dell’Ariccia et P. Mauro, IMF Staff
Position Note, 2010, Should the Inflation Target Be Raised ?.!
Document 3 : L’inflation telle qu’elle est perçue par les ménages, J. Accardo, C. Célérier, N. Herpin, D. Irac,
INSEE Analyses, Juillet 2012.!
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DOCUMENT 1
L’idée selon laquelle les entreprises peuvent choisir de
ne pas réduire les salaires par temps de crise est
corroborée par une série d’études interrogeant leurs
dirigeants, menées notamment aux États-Unis, au
Royaume-Uni et en Suède10. Dans des
environnements institutionnels pourtant très divers,
ces études montrent que l’ajustement modéré des
salaires nominaux en période de récession résulte en
partie d’un choix fait par les dirigeants des
entreprises11. Une des explications avancées est que
les entreprises ne veulent pas réduire les salaires
nominaux à cause de l’effet délétère qu’une telle
réduction pourrait avoir sur le moral des travailleurs et
par conséquent sur leur productivité (encadré 3).
Les enquêtes réalisées auprès des directions d’entreprises en France confirment la présence d’une rigidité
du salaire nominal. Selon l’enquête REPONSE
2010-201112, si la situation financière de l’entreprise
est très majoritairement un critère « primordial » dans
les décisions d’évolution salariale, la nécessité de
maintenir un bon climat social est également citée
comme « primordiale » par une majorité
d’établissements de plus de dix salariés, cette proportion ayant même augmenté entre 2004-2005 et
2010-2011. Il n’est alors guère surprenant que, parmi
les établissements de plus de dix salariés, à peine 1 %
ait mené en réponse à la crise une politique de baisse
des salaires nominaux sur la période 2008-2010,
tandis qu’un gel a concerné une partie des personnels
dans 10 % des établissements, et une modération
dans environ 20 %. En définitive, une large majorité
d’établissements n’aurait pas dégradé sa politique
salariale en réponse à la crise, du moins jusqu’à fin
2010. Plus précisément, si la proportion
d’établissements offrant des augmentations collectives
est similaire en 2010-2011 par rap- port à 2004-2005,
on observe un tassement de la pratique des
augmentations individuelles pour les cadres comme
pour les non-cadres, et ce pour toutes les tailles
d’entreprises. En revanche, les proportions
d’établissements distribuant des primes individuelles
ou collectives sont stables.
Une question importante est de comprendre l’effet du
contexte macroéconomique sur les salaires des
nouveaux entrants. Une série d’études13 montre que
les salaires proposés à l’embauche réagissent plus
fortement aux conditions du marché de travail que les
salaires des individus déjà dans l’entreprise. Toutefois,
même si les salaires d’embauche sont plus sensibles
au cycle économique, le degré de flexibilité demeure
modéré, notamment parce que les entreprises souhaitent maintenir une équité salariale par rapport aux
travailleurs déjà dans l’entreprise (encadré 3). Des
enquêtes sur quinze pays de l’Union européenne
confirment que pour la majorité des entreprises, la
préservation de la structure des salaires au sein de
l’entreprise est plus importante pour déterminer les
salaires d’embauche que les conditions du marché de
travail. Pour autant, des différences importantes
existent entre pays : en France, 32 % des entreprises
jugent que les conditions externes du marché du
travail déterminent leurs salaires d’embauche, tandis
qu’en Irlande et en Espagne, ces proportions sont de
29 et 4 %, respectivement14.
En définitive, les pratiques de rémunération des
entreprises suivent des logiques de préservation des
incitations ou du cli- mat social relativement
indépendantes du cycle économique, de la situation
de l’entreprise ou de l’état du marché du travail. Cette
situation n’est pas particulière à la France.
DOCUMENT 2
La crise a montré que des chocs macroéconomiques
importants peuvent arriver et arrivent. Dans cette
crise, ils sont venus du secteur financier mais ils
pourraient venir d’ailleurs dans le futur (les effets d’une
pandémie sur le tourisme ou le commerce ou les effets
d’une attaque terroriste majeure sur un grand centre
économique). La question se pose alors de savoir si
les responsables de politique économique ne
devraient pas avoir une cible d’inflation plus élevée
dans des périodes normales afin d’accroître les
marges de manoeuvre de la politique pour répondre à
de tels chocs. Concrètement, est-ce que les coûts nets
de l’inflation sont bien plus élevés avec une inflation
disons à 4%, qu’avec une inflation à 2%, la cible
actuelle des politiques monétaires ? Est-il plus difficile
d’ancrer les anticipations à 4% plus qu’à 2 ?
L’obtention d’une faible inflation par l’indépendance
des banques centrales a été une réussite historique,
particulièrement dans de nombreux pays émergents.
Ainsi, répondre à ces questions implique de revisiter
avec prudence la liste des coûts et des bénéfices de
l’inflation. La taxe inflationniste est clairement une
source de distorsions mais les autres impôts le sont
aussi. La plupart des distorsions de l’inflation
proviennent d’un système fiscal qui n’est pas neutre à
l’inflation, par exemple les taux marginaux nominaux
ou la déductibilité des paiements d’intérêt nominaux.
Celles-ci pourraient être corrigées en permettant une
inflation plus élevée. Si une inflation plus élevée est
associée avec une variabilité plus élevée, des
obligations indexées peuvent protéger les
investisseurs du risque inflationniste. D’autres
distorsions, telles que la plus faible détention
d’encaisses monétaires réelles et une plus grande
dispersion des prix relatifs sont plus difficiles à corriger
(les preuves empiriques suggèrent toutefois que leurs
effets sur la production sont difficiles à discerner tant
que l’inflation reste à un seul chiffre). Le risque que
l’inflation plus élevée ne modifie la structure de
l’économie (telle que l’indexation des salaires sur les
prix par exemple) qui pourrait amplifier les chocs de
l’inflation et réduire l’efficacité des actions politiques.
Mais les questions demeurent de savoir si ces coûts
sont dépassés par les bénéfices potentiels apportés
par une plus grande distance à la limite des taux
d’intérêt nuls.
Une question liée est de savoir si, quand l’inflation
devient très faible, les responsables de politique
économique devraient adopter une politique monétaire
plus souple de sorte à minimiser la probabilité de
déflation même si cela signifie accroître le risque d’une
inflation plus forte dans le futur dans le cas d’un
accroissement particulièrement fort de la demande. Il
est est important de revenir sur ce problème qui
occupait les esprits de la Réserve Fédérale au début
des années 2000.
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L’indice des prix à la consommation (IPC) mesure
l’inflation en agrégeant les évolutions de prix d’un très
grand nombre de biens élémentaires, pondérées par
leurs parts dans la consommation globale des
ménages. Indépendamment de l’IPC, l’Insee recueille
également les opinions personnelles sur l’inflation
(OPI), exprimées par les consommateurs dans le
cadre de l’enquête mensuelle de conjoncture auprès
des ménages.
Ces deux mesures divergent fortement. Depuis 2004,
l’OPI fluctue en moyenne six points au-dessus de
l’inflation mesurée par l’IPC. Les opinions personnelles
sur l’inflation présentent par ailleurs une très forte
dispersion : des niveaux d’inflation perçue supérieurs
à 20 % par an ne sont pas rares. Il est courant d’y voir
un effet du passage à l’euro. Privés de leurs repères
habituels, les consommateurs auraient développé une
perception des prix largement déconnectée de leur
évolution effective.
Mais deux éléments relativisent cette thèse. D’une
part, elle ne peut expliquer que le phénomène soit
aussi durable : il aurait dû s’estomper avec
l’accoutumance progressive à la nouvelle monnaie.
D’autre part, on dispose d’informations sur la
perception des prix pour quelques biens élémentaires,
or elles s’avèrent relativement cohérentes avec les
évolutions des prix de ces biens au sein de l’IPC.
L’OPI aurait donc bien des bases objectives.
D’autres explications de l’écart OPI/IPC sont
envisageables. La perception des prix élémentaires
n’aurait pas de biais systématique mais, contrairement
à l’IPC fondé sur les parts budgétaires, les
consommateurs donneraient un poids plus important
aux biens à forte fréquence d’achat, et ils
surpondéreraient ceux dont les prix sont en hausse.
Un résultat classique de psychologie économique est
en effet que les agents sont plus affectés par les
nouvelles défavorables que par les nouvelles
favorables. Si on combine ces deux dernières
hypothèses, supposer une pondération deux fois plus
importante pour les biens dont les prix augmentent
permet de rendre compte de l’écart moyen entre OPI
et IPC.
Session 2013"
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EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL"
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Le chômage des jeunes
Document 1 : La situation des jeunes sur le marché du travail, Statistiques de l’OCDE, http://
www.oecd.org/fr/emploi/emp/basededonneesdelocdesurlemploi.htm
Document 2 : Principaux éléments du plan de l’OCDE pour les jeunes, http://www.oecd.org/fr/presse/
Plan-action-jeunes.pdf."
Document 3 : Le contrat première embauche repose sur une erreur de diagnostic, P. Werquin et M. Taguma, Le Monde, 4 avril 2006."
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DOCUMENT 1
Statistiques des jeunes sur le marché du travail
AUS AUT
BEL CAN
SUI
ALL
DAN ESP
FRA GBR GRE
ITA
JAP COR HOL USA
Taux d'emploi (% de
la classe d'âge)
60,7
54,9
26,0
55,4
62,9
48,2
57,5
24,1
29,9
50,1
16,3
19,4
39,1
23,1
63,6
45,5
Taux de chômage (%
de la population
active)
11,3
8,3
18,7
14,1
7,7
8,5
14,2
46,4
22,1
20,0
44,4
29,1
8,0
9,6
7,7
17,3
Ratio de TC jeunes
(15-24 ans)/TC adultes
(25-54 ans)
2,9
2,3
2,9
2,3
2,1
1,6
2,2
2,3
2,7
3,3
2,6
3,9
1,8
3,1
2,1
2,2
Proportion de
chômage (% de la
classe d'âge)
7,8
5,0
6,0
9,1
5,3
4,5
9,6
20,9
8,5
12,5
13,0
8,0
3,4
2,5
5,3
9,5
Incidence du
chômage de longue
durée (% du
chômage)
12,8
14,1
32,1
5,4
23,9
9,9
32,4
28,3
24,7
42,4
47,8
30,0
0,1
13,7
19,5
37,2
34,3
30,5
51,6
56,0
22,1
61,4
55,0
13,5
30,1
49,9
26,4
27,3
47,8
34,6
16,4
20,8
48,1
17,8
19,3
59,7
31,1
17,6
37,0
15,5
21,1
29,5
26,3
65,8
14,4
Incidence du travail
temporaire (% de
l'emploi)
Incidence du travail à
temps partiel (% de
l'emploi)
43,4
*TC : taux de chômage
DOCUMENT 2
Principaux éléments du Plan d’action de l’OCDE pour les jeunes
Lutter contre la crise actuelle du chômage des jeunes!
• Lutter contre une demande globale faible et stimuler la création d’emplois. "
• Apporter une aide au revenu appropriée pour les jeunes chômeurs jusqu’à l'amélioration de la situation du
marché du travail, mais sous réserve d’obligations mutuelles strictes en termes de recherche active d’emploi
et d’engagement dans des mesures de développement de l’employabilité. "
• Maintenir et, lorsque cela est possible, étendre les mesures actives du marché du travail efficientes, notamment les programmes de conseil, d’aide à la recherche d’emploi et de développement de l’entrepreneuriat, et
apporter une aide plus intensive aux jeunes défavorisés, tels que les jeunes peu qualifiés ou issus de l'immigration. "
• Réduire, du côté de la demande, les obstacles à l’embauche des jeunes peu qualifiés, tels que des coûts élevés
du travail. "
• Encourager les employeurs à poursuivre ou à étendre les programmes efficaces d’apprentissage et de stage, y
compris au travers d’incitations financières additionnelles si nécessaire. "
Améliorer les perspectives professionnelles des jeunes à long terme "
• Renforcer le système éducatif et préparer tous les jeunes au monde du travail"
- Affronter et réduire le décrochage scolaire et offrir une seconde chance à ceux qui n’ont pas terminé le
deuxième cycle du secondaire ou équivalent. "
- Veiller à ce que tous les jeunes atteignent un bon niveau de compétences de base et transversales. "
- Offrir à tous les jeunes des compétences adaptées au marché du travail. "
• Renforcer le rôle et l’efficacité de l’enseignement et de la formation professionnels"
- Veiller à ce que les programmes d’enseignement et de formation professionnels (EFP) fournissent un bon niveau de compétences de base et proposent une aide complémentaire en cas de besoin. "
- Veiller à ce que les programmes d'EFP soient plus à l’écoute des besoins du marché du travail et dotent les
jeunes de compétences qui leur permettent de trouver un emploi. "
- Veiller à ce que les programmes d’EFP donnent une réelle importance à la formation en milieu professionnel,
adopter les combinaisons d’expérience professionnelle et de formation en milieu scolaire les plus efficaces
pour l’acquisition des compétences adéquates et améliorer la qualité des programmes d'apprentissage, le cas
échéant. "
- Veiller à ce que les partenaires sociaux soient activement impliqués dans l'élaboration de programmes d’EFP
qui non seulement soient adaptés aux exigences actuelles du marché du travail, mais qui favorisent également
les compétences plus larges qui fondent l'employabilité."
• Faciliter le passage à la vie active"
- Faire que chaque jeune profite d’une expérience professionnelle pertinente avant de quitter le système éducatif. "
- Proposer des services d’orientation professionnelle de qualité, reposant sur des informations fiables sur les
carrières et les perspectives d’emploi, pour aider les jeunes à faire de meilleurs choix de carrière. "
- Obtenir l’engagement des partenaires sociaux à soutenir une transition efficace vers l’emploi pour les jeunes,
notamment en développant des parcours professionnels dans des secteurs et des professions spécifiques."
• Reconfigurer les politiques et les institutions du marché du travail pour faciliter l’accès à l’emploi et lutter
contre l'exclusion sociale"
- Garantir un traitement plus égal en matière de protection de l'emploi aux travailleurs permanents et aux travailleurs temporaires, et prévoir des périodes d'essai de durée raisonnable pour permettre aux employeurs
d’offrir aux jeunes qui manquent d’expérience une chance de faire leurs preuves et leur faciliter l’accès à un
emploi régulier. "
- Combattre l’emploi informel dans le cadre d’une stratégie globale. "
- Pour les jeunes les plus défavorisés, des programmes intensifs peuvent être nécessaires, mettant fortement
l’accent sur des formations de rattrapage, l’expérience professionnelle et le mentorat par des adultes. "
DOCUMENT 3
Le contrat première embauche (CPE) repose sur une erreur de diagnostic : le marché du travail français, et celui
des jeunes en particulier, n'est pas aussi rigide qu'on veut bien le dire, comme le montrent l'accumulation de
contrats aidés depuis près de trente ans, et le recours massif aux contrats à durée déterminée (CDD) et à l'intérim. Le chômage des jeunes relève, en réalité, du manque de croissance économique, du déficit de confiance de la
part de la population et d'un problème général d'éducation et de formation."
Les deux premiers sont liés, car la confiance créerait une augmentation de la demande de biens adressée aux
entreprises et relancerait - à inflation maîtrisée - la consommation et donc l'activité économique. C'est en partie
là que le bât blesse car outre le fait que nos décideurs ne s'intéressent jamais vraiment au pouvoir d'achat des
jeunes et ne communiquent pas du tout sur ce thème pourtant porteur politiquement, ils créent un contrat de
travail qui panique toutes les générations. Ce n'est pas en précarisant toute une génération et en donnant des
inquiétudes à celle de leurs parents qu'on va créer la confiance. Les jeunes, lorsqu'ils s'installent - même si c'est
de plus en plus tardivement et c'est aussi un problème que le CPE va accentuer -, sont plus dépensiers que les
générations plus anciennes alors même que la distribution des revenus est de plus en plus inéquitable, se montrant désormais en faveur des seniors. De plus, la structure de consommation des jeunes, tournée vers les loisirs
et la grande distribution, serait source de croissance en France. Les emplois-jeunes, inscrits dans la durée, généraient du pouvoir d'achat et c'était aussi un de leurs attraits."
Pourquoi précariser une génération alors que l'on peut laisser fonctionner le marché pour ceux, nombreux au
demeurant, qui s'insèrent efficacement et rapidement ? Il est tout de même curieux que le gouvernement, théoriquement favorable au fonctionnement libre du marché, intervienne de manière aussi massive alors que de nombreuses embauches interviennent déjà naturellement. On peut aussi noter qu'à l'heure où l'on souhaite retenir,
voire attirer les meilleurs éléments, la fuite des cerveaux risque de s'accentuer si on n'a pas mieux à proposer
que de l'instabilité..."
L'intervention publique, pour être efficace, devrait être beaucoup mieux ciblée sur les jeunes en difficulté. Pour
eux, pourquoi ne pas concevoir en effet un contrat de travail nouveau, aménagé et astucieux. Un de plus ? Oui, un
de plus, mais pourquoi pas ! Ceux qui s'expriment le plus sur le CPE ne sont pas forcément ceux qui, dans les
banlieues par exemple, ont le plus besoin d'une intervention publique ciblée, massive et efficace."
Il serait ainsi grand temps que l'on s'intéresse enfin au problème de la formation au sens large, depuis la maîtrise
des compétences de base jusqu'à la formation professionnelle. Les jeunes ayant des difficultés d'insertion sociale
et professionnelle sont aussi ceux dont le déficit de formation est le plus criant. S'il n'est pas nouveau, le problème a toujours été mal traité. Les anciens contrats aidés visaient essentiellement à intervenir sur la file d'attente des jeunes à la recherche d'un emploi pour éviter les deux maux les plus dramatiques en termes de pertes
de compétences et de confiance : l'inactivité et le chômage. C'était une bonne idée. En revanche, jamais ces passages, même courts, en contrats aidés de toutes sortes, depuis les plans Barre jusqu'aux emplois-jeunes, en passant par les contrats de qualification et d'adaptation, n'ont donné lieu à une validation quelconque en termes de
compétences notamment, monnayable sur le marché du travail et/ou dans le système de formation pour acquérir
des titres plus élevés ou réputés plus employables. Rien n'a jamais été inscrit dans le long terme, ni même dans le
moyen terme d'ailleurs. Un manque d'autant plus curieux que les textes existent. La planète nous envie notre
système de validation des acquis de l'expérience (VAE), et nous ne l'appliquons pas à ceux qui en auraient le plus
besoin !"
C'est là qu'une intervention publique aurait du sens pour contrecarrer les iniquités qui font que les plus formés
se forment encore plus... Le CPE ne répond pas aux besoins du marché, soit, mais s'il ne devait pas être retiré,
essayons au moins de l'utiliser pour construire, par le système de la formation pour adultes et la VAE, un avenir à
ceux qui n'ont pas eu la chance d'accumuler le nécessaire en formation initiale. Les employeurs se trompent s'ils
voient dans le CPE une solution durable, car ce dont ils ont besoin n'est pas une main-d'oeuvre taillable et corvéable à merci, mais d'une forme d'engagement des jeunes envers la logique d'entreprise, et d'un niveau de compétences suffisant pour se positionner sur des segments de production à forte valeur ajoutée, les seuls où ils
peuvent décemment entrer dans la compétition mondiale."
Le CPE tel quel n'a probablement aucun avenir - et il faudra sans doute rebaptiser son éventuel successeur -,
mais la discussion sur les besoins des jeunes, des employeurs et de l'économie pourrait enfin commencer. On
pourrait imaginer, par exemple, outre la réduction de la période de précarité et le rétablissement de la justification du licenciement, d'inscrire dans le contrat l'obligation pour l'entreprise de favoriser ou garantir l'acquisition
d'un titre reconnu."
PATRICK WERQUIN ET MIHO TAGUMA (OCDE)"
Session 2013"
ECONOMIE"
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL"
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Le chômage des jeunes
Document 1 : La situation des jeunes sur le marché du travail, Statistiques de l’OCDE, http://
www.oecd.org/fr/emploi/emp/basededonneesdelocdesurlemploi.htm
Document 2 : Un plan de 8 milliards d'euros pour lutter contre le chômage des jeunes en Europe, lemonde.fr, 28 juin 2013. "
Document 3 : L’emploi des jeunes peu qualifiés en France, P. Cahuc, S. Carcillo et K. Zimmermann, Les
notes du conseil d’analyse économique, avril 2013."
DOCUMENT 1
Statistiques des jeunes sur le marché du travail
AUS AUT
BEL CAN
SUI
ALL
DAN ESP
FRA GBR GRE
ITA
JAP COR HOL USA
Taux d'emploi (% de
la classe d'âge)
60,7
54,9
26,0
55,4
62,9
48,2
57,5
24,1
29,9
50,1
16,3
19,4
39,1
23,1
63,6
45,5
Taux de chômage (%
de la population
active)
11,3
8,3
18,7
14,1
7,7
8,5
14,2
46,4
22,1
20,0
44,4
29,1
8,0
9,6
7,7
17,3
Ratio de TC jeunes
(15-24 ans)/TC adultes
(25-54 ans)
2,9
2,3
2,9
2,3
2,1
1,6
2,2
2,3
2,7
3,3
2,6
3,9
1,8
3,1
2,1
2,2
Proportion de
chômage (% de la
classe d'âge)
7,8
5,0
6,0
9,1
5,3
4,5
9,6
20,9
8,5
12,5
13,0
8,0
3,4
2,5
5,3
9,5
Jeunes ni en emploi,
ni scolarisés, ni en
formation
(% de la classe
d'âge)c
10,0
9,2
10,9
11,6
9,3
8,9
6,3
20,2
13,4
14,5
13,2
18,1
8,4
5,7
9,7
Sortants de l'école
sans diplôme du 2e
cycle du sec.
(% de la classe
d'âge)d
23,1
10,7
13,4
9,3
9,4
11,9
14,2
35,3
14,6
20,4
17,3
20,3
32,0
3,7
Ratio des TC (nondiplômés du 2e cycle
du sec)/
TC (diplômés du
supérieur)e
2,6
1,5
2,5
2,6
3,5
2,4
1,9
2,5
2,9
3,2
0,7
0,9
4,3
1,1
2,0
*TC : taux de chômage
DOCUMENT 2
Les dirigeants européens se sont mis d'accord, dans la nuit de jeudi à vendredi 28 juin, pour accélérer le déblocage de 6 milliards d'euros pour lutter contre le chômage des jeunes, et faire passer l'enveloppe consacrée à ce
plan à 8 milliards d'euros au total. La Commission européenne avait proposé que les 6 milliards d'euros prévus
pour l'emploi des jeunes dans le budget européen 2014-2020 soient mobilisés sur deux ans au lieu de sept."
Au terme d'un sommet européen à Bruxelles, les Vingt-Sept ont approuvé la proposition de la Commission. Ils
sont même allés plus loin, en relevant l'enveloppe. Grâce à la flexibilité décidée dans la gestion du budget
2014-2020, qui permettra de réaffecter des fonds non utilisés, "l'initiative pour la jeunesse sera bien plus importante que les 6 milliards d'euros. Elle devrait au moins s'élever à 8 milliards d'euros, selon les projections", a annoncé M.Van Rompuy."
Plus de 26 millions de personnes sont au chômage en Europe, dont 5,6 millions âgées de moins de 25 ans. La situation est alarmante dans certains pays comme la Grèce et l'Espagne, où plus d'un jeune sur deux est sans emploi. Cette "initiative pour la jeunesse"concerne les régions les plus frappées par le chômage des jeunes dans
treize pays. Les principaux bénéficiaires devraient être en 2014 l'Espagne, la Grèce, l'Italie et la France, selon un
diplomate européen."
EN FRANCE, 300 000 JEUNES CONCERNÉS"
Le plan bénéficiera à 300 000 personnes en France, pour un montant de 600 millions d'euros sur deux ans, a annoncé le président François Hollande. Seules seront concernées les régions françaises "où le taux de chômage
des jeunes est supérieur à 25 % de la population active de moins de 25 ans", a-t-il précisé."
La France doit désormais traduire dans ses dispositifs nationaux la "garantie jeune" approuvée par tous les Etats
membres de l'Union européenne. Ce dispositif prévoit qu'un jeune doit bénéficier, quatre mois après avoir perdu
un emploi ou terminé une formation, d'une nouvelle formation, d'un stage ou d'un emploi."
Les chefs d'Etat et de gouvernement ont également décidé d'améliorer le financement des petites et moyennes
entreprises (PME), avec notamment la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement."
DOCUMENT 3
L’emploi des jeunes peu qualifiés en France
Début 2013, près de 1,9 million de jeunes de
15 à 29 ans ne sont ni à l’école, ni en emploi,
ni en formation, soit 17% de cette classe
d’âge. Si la crise a affecté l’ensemble des pays
développés, nombre de nos voisins européens
connaissent des taux d’emploi des jeunes nettement supérieurs au nôtre. Le niveau d’étude
est le critère décisif quant à la trajectoire du
jeune. Or, aujourd’hui, 900 000 jeunes ont quitté le système scolaire sans diplôme. Aider ces
jeunes à s’insérer dans la vie professionnelle
est un défi majeur. Nous proposons pour cela
deux types de mesures : celles qui ont pour
objet d’améliorer la formation des jeunes et
leur accompagnement vers l’emploi et celles
qui visent à stimuler l’offre d’emploi des entreprises.!
L’enseignement professionnel par l’alternance
emploi-études est encore trop peu développé
en France. En Allemagne, ce système bénéficie du soutien de tous les acteurs : employeurs, syndicats et gouvernement. La moitié
des jeunes Allemands utilise cette voie, contre
seulement le quart en France. En outre, la
hausse récente de l’apprentissage en France
est le fait des diplômés, alors que l’effort devrait être concentré sur les jeunes sans diplôme. Pour éviter toute dépense supplémentaire, nous proposons de réorienter les fonds
alloués aux emplois d’avenir vers la formation
des jeunes sans diplôme, en subventionnant
120 000 emplois avec une formation en alternance dans le secteur marchand et en finançant 75 000 formations à plein temps dans les
programmes de la deuxième chance.!
L’accompagnement vers l’emploi des jeunes
en grande difficulté, confié notamment aux
missions locales, souffre d’un manque cruel de
moyens et d’un déficit de pilotage. Son renforcement pourrait, entre autres, s’appuyer sur le
recours à des prestataires extérieurs. Pour
faire entrer les jeunes dans une logique de
formation et d’accompagnement vers l’emploi,
nous proposons la création d’un RSA jeune
activé, dont le versement doit être fortement
conditionné, dans le cadre d’un accompagnement intensif. Le succès d’un tel dispositif est
lui-même conditionné à une réorganisation de
l’accompagnement et à un triplement des
moyens alloués par l’Etat à l’accompagnement
des jeunes.!
Du côté de la stimulation de l’offre d’emploi, le
salaire minimum nuit indiscutablement à
l’emploi des jeunes les moins qualifiés. C’est
pourquoi nous proposons des allègements de
charges ciblés en réservant les contrats de
génération aux rémunérations inférieures à 1,6
SMIC. Les ressources ainsi dégagées pourront
être utilement réallouées à l’accompagnement
des jeunes. !
Enfin, depuis une vingtaine d’années, l’essor
du recours au CDD a engendré un marché du
travail dual, où certains emplois, les CDI sont
trop stables, tandis que d’autres, les CDD, le
sont trop peu. Cette segmentation touche les
jeunes faiblement qualifiés davantage que
toute autre catégorie de travailleurs. Nous proposons de simplifier la rupture du contrat de
travail pour motif économique et de moduler
les cotisations des entreprises en fonction du
volume de leurs destructions d’emplois.
Session 2013"
ECONOMIE"
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL"
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Faut-il stimuler la concurrence ?
Document 1 : Concurrence et innovation : une relation complexe, N. Kawahama, Problèmes économiques,
avril 2013.
Document 2 : Regards croisés sur le cas Free, Problèmes Economiques, avril 2013."
Document 3 : Joe Liberman’s Plan to Make Health Care Worse and More Expensive, P. Krugman, Blog
the Conscience of a Liberal, http://krugman.blogs.nytimes.com/ 2011/06/10/joe-liebermans-plan-to-makehealth-care-worse-and-more-expensive/, traduction."
DOCUMENT 1
Si la concurrence fait baisser les prix, elle peut aussi faire chuter les prodits - et, ajouterons certains, miner
l’innovation. Comment, dès lors, les responsables politiques peuvent-ils concilier besoin à court terme de
concurrence et besoin à long terme d’innovation ? Cet article plaide, dans le cadre de la mise en oeuvre des politiques de concurrence, la cause de l’innovation."
[...] Dans une économie de marché, l’aiguillon du profit incite les entreprises à anticiper les demandes des
consommateurs et à tenter toutes sortes d’expériences qui les conduiront à fournir, à des prix compétitifs, les
produits correspondant à ces demandes. L’économie de marché fonctionne donc comme une machine à innover
(Baumol 2002). "
Pourtant, comme on le savait déjà du temps de Schumpter, une situation de monopole est plus propice à l’innovation qu’un marché concurrentiel. Pour faire des investissements et prendre des risques dans la recherche-développement (R&D), il faut un certain pouvoir de marché. En outre, pour susciter ces investissements, un profit détaché des critères de concurrence doit valider les innovations réussies."
A l’inverse, on peut considérer, en suivant Arrow, par exemple, que le remplacement des produits existants détourne de l’innovation les entreprises en situation de monopole, alors qu’au contraire la concurrence relance
l’innovation, qui permettra, espère-t-on d’y mettre un terme. Le marché concurrentiel encourage donc l’innovation."
Si le corpus de recherche est disparate, on admet généralement une relation en «U» inversé, comme le montrent
les travaux menés sous la direction de Philippe Aghion (2005). L’étude dégage une relation de ce type entre la
concurrence sur le marché des produits, mesurée par les pourcentages de marge sur les coûts de revient, et
l’innovation, évaluée en fonction des données provenant du marché britannique."
[...]"
La relation complexe décrite ci-dessus est semble-t-il à l’origine d’un problème majeur des politiques de concurrence. La plupart du temps, les autorités de surveillance ont pour critère d’intervention la formation, l’entretien
ou le renforcement d’une position dominante - statique - sur le marché. Prennent-elles suffisamment en compte
la concurrence dynamique, la plus pertinente pour l’économie nationale ? Une telle politique de concurrence n’at-elle pas tendance à privilégier le court terme et à sacrifier son efficacité ?"
[...]"
La question importante n’est-elle pas de promouvoir une concurrence dynamique, par le biais même de la politique de concurrence ? Quoi qu’on puisse penser de l’incidence de la concurrence statique sur l’innovation, certains types d’action tuent, dans certains cas, l’innovation concurrentielle. Ainsi, parmi les pratiques reprochées à
Microsoft lors des procès de l’entreprise aux Etats-Unis, pour abus de position dominante, son exploitation du
langage Java a-t-elle entravé le développement de la technologie compatible de Java. Ce qui posait problème était
alors la monopolisation prolongée du marché des systèmes d’exploitation, résultant d’une suppression de l’innovation. Aux Etats-Unis, le marché de l’innovation a joué un rôle régulateur important depuis la publication, en
1995, des directives antitrust pour les licences de la propriété intellectuelle. Ces directives se fondent, entre
autres, sur un espace d’évaluation indépendant des marchés de produits et de technologies, qui permet d’estimer
l’activité concurrentielle au niveau de la R&D. Au Japon également, des pressions sur la valorisation des licences,
et donc sur celle de la R&D sont considérées par l’autorité de régulation comme des entraves à la concurrence.
C’est le cas ces clauses de non opposition imposées par Microsoft et par Qualcomm à leurs partenaires, au titre
desquelles ces derniers s’engagent ces derniers s’engagent à ne pas faire valoir leurs droits sur certains brevets
qu’ils détiennent."
Ces exemples portent sur des pratiques qui excluent directement la concurrence dans le champ de l’innovation.
Aux Etats-Unis, par exemple, les directives sur la fusion horizontale, révisées en 2010, établissent clairement que
ce genre de fusion pose problème car elle décourage la R&D dans les entreprises achetées. [...]"
Pour évaluer les pratiques qui restreignent la concurrence à l’intérieur du champ de l’innovation, il nous faudra
déterminer leur degré d’influence sur les capacités innovantes et sur les incitations à innover. Ce peut être un
long travail, mais le jeu n’en vaut-il la chandelle, d’autant qu’il peut s’appuyer sur les progrès théoriques récents
réalisés dans l’analyse des rapports complexes qu’entretiennent l’innovation et la concurrence
DOCUMENT 2
L’effet de Free sur le portefeuille!
L’entrée sur le marché de Free a nettement entraîné les prix à la baisse. L’INSEE note à la fin de
l’année 2012, dans une étude plus générale
consacrée aux prix à la consommation : «le recul
du mois de novembre est dû principalement à une
nouvelle baisse des prix des télécommunications (3,3% sur un mois, -15,1% sur un an) à la suite de
l’instauration de tarifs de téléphonie mobile plus
avantageux». Le magazine 60 millions de
consommateurs a également évalué l’effet Free.
Selon ses calculs, la concurrence induite par le
quatrième opérateur a permis de redonner aux utilisateurs près de sept euros par mois et par ménage en 2012. [...]!
!
Evaluation des effets économiques du phénomène Free!
Plusieurs économistes se sont penchés sur l’entrée
de l’opérateur Free sur le marché et ont analysé
les effets sur l’emploi et l’innovation, ainsi que sur
les consommateurs. Ainsi, Augustin Landier et David Thesmar ont cherché à quantifier l’impact macroéconomique de Free Mobile. Selon leur étude,
l’arrivée de Free Mobile pourrait, à terme, se traduire par 16 000 à 30 000 créations nettes d’emplois (chiffre estimé sur l’ensemble de l’économie
française), notamment dans l’hôtellerie-restauration
et dans l’agro-alimentaire. Cette estimations est
basée sur une baisse de 10% de la facture totale
des mobiles pour les consommateurs, ce qui représente un transfert d’environ deux milliards
d’euros, principalement des actionnaires des opérateurs vers leurs clients [...]. Contrairement aux
actionnaires, en grande partie étrangers, les utilisateurs vont recycler une bonne partie de cette économie en consommation, stimulant ainsi la demande et l’activité. [...]!
Bruno Deffains, spécialiste des problématiques de
régulation, ne partage pas cette analyse. Il estime
qu’à court terme, la perte d’emploi l’emportera
dans le secteur concerné. Selon lui, face à la
conjoncture économique actuelle, le principe des
vases communicants ne s’applique pas. Il fonde
son analyse sur deux hypothèses : d’abord, selon
la théorie des biens systèmes, le pouvoir d’achat
s’orientera vers les autres composantes de l’offre
télécom (le mobile lui-même et les applications).
Pour la plupart d’entre eux, ces biens ne sont pas
produits en France. Ensuite, et plus fondamentalement, l’entrée de Free a déclenché une guerre
des prix, exerce un effet à la baisse des chiffres
d’affaires (et donc de l’emploi) des opérateurs de
l’ensemble du secteur (distributeurs, prestataires
de service, fournisseurs, etc..) dont les effectifs
s’élevaient en 2011 à près de 350 000 personnes.
De possibles délocalisations aggraveront cet effet.
[...]!
!
Que disent les autorités de régulation ?!
L’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) estime qu’il y
avait, avant l’arrivée de Free, sur le marché, un oligopole favorisant un système de rente. En 2009,
les opérateurs avaient ainsi, en moyenne, des
marges brutes d’exploitation de 34 à 35% - un taux
similaire à celui des opérateurs mobiles américains, mais très supérieur à la moyenne européenne. Ces marges ne bénéficiaient pas au
consommateur. Les pouvoirs publics ont donc estimé qu’il fallait revoir le partage de la valeur ajoutée entre les actionnaires, le consommateur et les
salariés, ce point de vue a motivé l’attribution de la
licence à Free. L’ARCEP se félicite de la baisse
des marges depuis l’entrée de cet opérateur sur le
marché. Malgré une baisse de revenus d’à peu
près 10%, tous les opérateurs restent pourtant très
solides. Par ailleurs, le nombre de terminaux vendus s’est inscrit en baisse en 2012, le pouvoir
d’achat au consommateur semble ainsi ne pas profiter aux fabricants de téléphones mobiles. Enfin,
l’ARCEP confirme le chiffre de deux milliards de
transfert de pouvoir d’achat au consommateur en
2012.
DOCUMENT 3
Ainsi, Joe Liberman propose d’augmenter l’âge
d’éligibilité au programme Medicare. C’est une idée
bien cruelle ; si cela se produit, je connais plusieurs
personnes qui vont attendre et repousser des soins
médicaux nécessaires en espérant pouvoir atteindre les 65 ans avant que quelque chose de terrible ne se produise. Et si je connais de tels gens
dans mes cercles sociaux plutôt bien abrités, imaginez à quel point ces histoires doivent être répandues.!
Mais, au-delà de cela, réfléchissez à ce que cela
signifie de déplacer des personnes du programme
Medicare vers des programmes d’assurance privés, s’ils peuvent se le permettre.!
Medicare a ses problèmes mais tout indique qu’il
est substantiellement plus efficace en termes de
coût que l’assurance privée. En partie parce qu’il a
des coûts administratifs bien plus faibles et en partie parce que Medicare est capable d’utiliser son
pouvoir de marché pour négocier des prix plus
faibles. Et les statistiques internationales ne
laissent pas de place au doute : les système à un
seul payeur sont bien moins onéreux que les systèmes centrés sur l’assurance privée.!
Alors, réfléchissez à cela en termes d’intérêts nationaux plutôt qu’en termes budgétaires : Liberman
propose que nous déplacions un nombre élevé de
vieux Américains dans un système de santé pire et
plus cher. Pourquoi voudriez-vous faire une telle
chose plutôt que de lever suffisamment de ressources budgétaires pour les conserver au sein de
Medicare ?
Session 2013!
ECONOMIE!
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL!
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Le mode de financement des entreprises
Document 1 : Le modèle américain et le modèle de la zone euro de financement des entreprises : lequel
est préférable ?, P. Artus, Flash Economie Natixis, http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=63687, avril 2012,
graphiques divers.!
Document 2 : Rethinking Macroeconomic Policy, O. Blanchard, G Dell’Ariccia et P. Mauro, IMF Staff
Position Note, 2010, Should the Inflation Target Be Raised ?.!
!
!
!
DOCUMENT 1
DOCUMENT 2
La crise a montré que des chocs macroéconomiques
importants peuvent arriver et arrivent. Dans cette
crise, ils sont venus du secteur financier mais ils
pourraient venir d’ailleurs dans le futur (les effets d’une
pandémie sur le tourisme ou le commerce ou les effets
d’une attaque terroriste majeure sur un grand centre
économique). La question se pose alors de savoir si
les responsables de politique économique ne
devraient pas avoir une cible d’inflation plus élevée
dans des périodes normales afin d’accroître les
marges de manoeuvre de la politique pour répondre à
de tels chocs. Concrètement, est-ce que les coûts nets
de l’inflation sont bien plus élevés avec une inflation
disons à 4%, qu’avec une inflation à 2%, la cible
actuelle des politiques monétaires ? Est-il plus difficile
d’ancrer les anticipations à 4% plus qu’à 2 ?
L’obtention d’une faible inflation par l’indépendance
des banques centrales a été une réussite historique,
particulièrement dans de nombreux pays émergents.
Ainsi, répondre à ces questions implique de revisiter
avec prudence la liste des coûts et des bénéfices de
l’inflation. La taxe inflationniste est clairement une
source de distorsions mais les autres impôts le sont
aussi. La plupart des distorsions de l’inflation
proviennent d’un système fiscal qui n’est pas neutre à
l’inflation, par exemple les taux marginaux nominaux
ou la déductibilité des paiements d’intérêt nominaux.
Celles-ci pourraient être corrigées en permettant une
inflation plus élevée. Si une inflation plus élevée est
associée avec une variabilité plus élevée, des
obligations indexées peuvent protéger les
investisseurs du risque inflationniste. D’autres
distorsions, telles que la plus faible détention
d’encaisses monétaires réelles et une plus grande
dispersion des prix relatifs sont plus difficiles à corriger
(les preuves empiriques suggèrent toutefois que leurs
effets sur la production sont difficiles à discerner tant
que l’inflation reste à un seul chiffre). Le risque que
l’inflation plus élevée ne modifie la structure de
l’économie (telle que l’indexation des salaires sur les
prix par exemple) qui pourrait amplifier les chocs de
l’inflation et réduire l’efficacité des actions politiques.
Mais les questions demeurent de savoir si ces coûts
sont dépassés par les bénéfices potentiels apportés
par une plus grande distance à la limite des taux
d’intérêt nuls.
Une question liée est de savoir si, quand l’inflation
devient très faible, les responsables de politique
économique devraient adopter une politique monétaire
plus souple de sorte à minimiser la probabilité de
déflation même si cela signifie accroître le risque d’une
inflation plus forte dans le futur dans le cas d’un
accroissement particulièrement fort de la demande. Il
est est important de revenir sur ce problème qui
occupait les esprits de la Réserve Fédérale au début
des années 2000.
DOCUMENT 3
L’indice des prix à la consommation (IPC) mesure
l’inflation en agrégeant les évolutions de prix d’un très
grand nombre de biens élémentaires, pondérées par
leurs parts dans la consommation globale des
ménages. Indépendamment de l’IPC, l’Insee recueille
également les opinions personnelles sur l’inflation
(OPI), exprimées par les consommateurs dans le
cadre de l’enquête mensuelle de conjoncture auprès
des ménages.
Ces deux mesures divergent fortement. Depuis 2004,
l’OPI fluctue en moyenne six points au-dessus de
l’inflation mesurée par l’IPC. Les opinions personnelles
sur l’inflation présentent par ailleurs une très forte
dispersion : des niveaux d’inflation perçue supérieurs
à 20 % par an ne sont pas rares. Il est courant d’y voir
un effet du passage à l’euro. Privés de leurs repères
habituels, les consommateurs auraient développé une
perception des prix largement déconnectée de leur
évolution effective.
Mais deux éléments relativisent cette thèse. D’une
part, elle ne peut expliquer que le phénomène soit
aussi durable : il aurait dû s’estomper avec
l’accoutumance progressive à la nouvelle monnaie.
D’autre part, on dispose d’informations sur la
perception des prix pour quelques biens élémentaires,
or elles s’avèrent relativement cohérentes avec les
évolutions des prix de ces biens au sein de l’IPC.
L’OPI aurait donc bien des bases objectives.
D’autres explications de l’écart OPI/IPC sont
envisageables. La perception des prix élémentaires
n’aurait pas de biais systématique mais, contrairement
à l’IPC fondé sur les parts budgétaires, les
consommateurs donneraient un poids plus important
aux biens à forte fréquence d’achat, et ils
surpondéreraient ceux dont les prix sont en hausse.
Un résultat classique de psychologie économique est
en effet que les agents sont plus affectés par les
nouvelles défavorables que par les nouvelles
favorables. Si on combine ces deux dernières
hypothèses, supposer une pondération deux fois plus
importante pour les biens dont les prix augmentent
permet de rendre compte de l’écart moyen entre OPI
et IPC.
Session 2013!
ECONOMIE!
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL!
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : L’indépendance des banques centrales
Document 1 : Relation entre indépendance des Banques centrales et performances macroéconomique, A.
Alesina, L. Summers, O. Blanchard, D. Cohen.!
Document 2 : Comportement de la réserve fédérale comparée à une règle de Taylor (1970-1998). !
Document 3 : The Effectiveness of Central Bank Independence Versus Policy Rules, John Taylor, Stanford
Institute for Economic Policy Research Discussion Paper, 2012, Extraits.
!
!
!
!
DOCUMENT 1
DOCUMENT 2
DOCUMENT 3
De mon point de vue, les preuves empiriques
soulèvent des questions sur la possibilité que
l’indépendance de droit de la banque centrale génère
une bonne politique monétaire. Il apparaît que la loi
actuelle sur l’indépendance ne fonctionne pas. Elle
n’empêche pas la banque centrale de s’engager dans
des activités qui remettent en cause son
indépendance vis-à-vis du reste du gouvernement.
Si on regarde au-delà des Etats-Unis, un degré encore
plus élevé d’indépendance de droit n’a pas empêché
dans les dernières années la Banque d’Angleterre de
largement ignorer sa cible d’inflation ou la Banque
centrale européenne d’acheter de la dette souveraine
en prenant l’excuse de la stabilité financière. Plus
généralement, elle n’a pas empêché les banques
centrales de s’éloigner de politiques qui conduisent à
la fois à la stabilité des prix et à la stabilité de l’activité.
Les preuves empiriques montrent que, en l’absence
d’un cadre basé sur des règles, la Réserve fédérale a
entrepris des actions qui ont conduit soit à un
chômage élevé, soit à une inflation élevée. Pendant la
période de 1983 à 2003, la politique de la Réserve
fédérale semblait davantage inspirée par un
comportement de règle que par un comportement
discrétionnaire et la performance économique fut
bonne. Au contraire, la discrétion et les interventions
de la Réserve fédérale se sont multipliées autour de
2003 et ont continué, en particulier avec l’achat de
titres adossés à des crédits hypothécaires et à des
bons du Trésor à long terme, et le résultat a été une
piètre performance.
L’implication politique est que nous avons besoin de
nous concentrer sur les manières de légiférer une
politique davantage basée sur les règles. Nous avons
besoin d’encourager une politique plus prévisible qui a
fonctionné par le passé et de décourager les
comportements discrétionnaires et l’indépendance de
fait, qui n’ont pas fonctionné. [...] La tache est difficile
mais le domaine reste largement ouvert.
Session 2013"
ECONOMIE"
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL"
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Inégalités et fiscalité
Document 1 : Un système fiscal faiblement progressif.... ou franchement dégressif, C. Landais, T. Piketty et
Emmanuel Saez, Pour une révolution fiscale, 2012, Graphiques.
Document 2 : Comment réduire les inégalités et la pauvreté ?, Denis Clerc, L’économie Politique, juin 2012,
Extraits. "
Document 3 : Defending the One Percent, Gregory Mankiw, Journal of Economic Persecptives, 2013, Extraits."
DOCUMENT 1
DOCUMENT 2
Le problème, ici est de parvenir à réduire la part dont bénéficient les plus riches. Le dixième le plus favorisé de la
population percevait en 1996, 22,5% du total des revenus distribués. En 2009, il en perçoit 24%. On le voit, réduire les inégalités n’implique par une spoliation des plus riches, mais simplement une réduction de 7 à 8% des
revenus perçus : une ponction de 20 milliards sur les 268 milliards de revenus nets (après impôts) perçus par ce
dixième suffirait à ramener la part de ce dernier au niveau de 1996. Certes, le problèmes est compliqué par le
fait que les inégalités se sont développées de façon fractale : si, globalement, le dixième le plus favorisé a vu ses
revenus croître environ une fois et demie plus vite que le reste de la population, au sein même du dixième en
question les inégalités se sont développées de façon similaire : les sous-ensembles les plus riches de ce dixième
ont vu leur niveau de vie augmenter plus vite que celui des autres. Parallèlement, les statistiques fiscales
montrent que, dans de dixième aisé, voire riche, plus le revenu fiscal du ménage est élevé, plus a part payée en
impôt sur le revenu diminue : le millième le plus riche acquitte un impôt qui représente 20,5% du revenu déclaré,
le dix-millième le plus riche acquitte 17,5% du revenu déclaré, le cent-millième le plus riche (soit 352 foyers fiscaux) n’acquitte plus que 15% [...]. Certes, il faut nuancer puisque ces statistiques ne portent que sur l’impôt sur
le revenu, alors que la plupart des revenus du capital acquittent des retenues à la source qui ont sensiblement
augmenté depuis 2009 et qui dépassent désormais 13% [...]. Mais ces prélèvements ne sont pas progressifs et ne
changent donc rien à la dégressivité effective de l’impôt."
C’est donc par la fiscalité des hauts revenus, en la rendant effectivement plus redistributive, que l’on pourra lutter
efficacement contre les inégalités. En 2009, alors que le taux marginal le plus élevé de l’impôt sur le revenu s’établissait à 40% (41% actuellement plus une surtaxe «provisoire» sur les revenus dépassant 250 000 euros), le taux
théorique moyen auquel ce dixième de foyers fiscaux les plus favorisés devrait être soumis si l’on appliquait le
barème serait de 17% des revenus déclarés (55 milliards). Or, dans la réalité, grâce à tout un ensemble de dispositifs (allant du prélèvement libératoire sur les revenus du patrimoine aux charges déductibles de l’impôt, en passant par les multiples niches fiscales), ce dixième n’a acquitté en impôt que 35 milliards, soit 11% du revenu déclaré. C’est bien sûr le hasard mais la différence entre entre barème théorique et impôt effectif représente justement... 20 milliards d’euros. Evidemment, ces écart entre impôt théorique (issu du barème) et impôt effectif
n’est pas propre à ce dixième, puisque, toujours selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires, les contribuables
économisent 30 milliards d’impôt de façon légale grâce à ces multiples déductions possibles. [...] Il est clair que
que c’est sur ces niches fiscales ou dispositifs dérogatoires à l’impôt sur le revenu, dont l’essentiel bénéficie aux
contribuables les plus aisés, que devrait porter l’essentiel de l’effort à effectuer dans les années à venir pour en
revenir à un partage plus équitable du revenu."
[...]"
Il importe en effet que ces efforts soient concentrés essentiellement sur les ménages les plus aisés. D’abord
parce qu’ils ont les moyens de supporter une fiscalité plus lourde sans que cela remette en question leur niveau
de vie actuel, si ce n’est à la marge et sous forme d’une réduction de leur épargne davantage que sous forme
d’une compression des dépenses. Ensuite, ces ménages ont été les principaux bénéficiaires des réductions
d’impôt accordées depuis le précédent quinquennat. Reste cependant que cet alourdissement fiscal ne doit pas
être tel qu’il provoque un exil fiscal massif de la partie la plus riche de la population. [...] La proposition de réduire très fortement les niches fiscales par plafonnement global (ce qui permettrait de ne pas toucher à la fiscalité des contribuables ne faisant pas partie du dixième le mieux rémunéré) et de ramener les revenus du patrimoine dans le droit commun de l’impôt serait préférable, car, outre que le rendement de l’impôt en serait sensiblement accru, cela éviterait une modification du barème fiscal perçue comme confiscatoire.
DOCUMENT 3
Imaginez une société avec une égalité économique
parfaite. Par la plus grande des coïncidences,
l’offre et la demande des différents types de travail
produisent un équilibre où tout le monde gagne
exactement le même revenu. Dans ce cas, personne ne se soucie de l’écart de revenu entre les
riches et les pauvres, et personne ne débat de la
question de l’ampleur de la politique redistributive.
Puisque les gens gagnent la valeur de leur produit
marginal, tout le monde est pleinement incité à
fournir le montant efficace d’effort. Le gouvernement est toujours nécessaire pour fournir des biens
publics, tels que la défense nationale, mais ils sont
financés par un impôt forfaitaire. Il n’y a nul besoin
d’impôts qui créeraient des distorsions d’incitation
tels que des impôts sur le revenu puisqu’ils conduiraient à une situation pire pour tout le monde. Non
seulement la société jouit d’une parfaite égalité
mais aussi d’une parfaite efficacité.!
Et puis, un jour, cette utopie égalitariste est perturbée par un entrepreneur qui a l’idée d’un nouveau
produit. Pensez à Steve Jobs quand il développe
l’iPod, J.K. Rowling quand elle écrit Harry Potter ou
Steven Spielberg quand il dirige un de ses films à
succès. Quand l’entrepreneur présente son produit,
tout le monde dans la société veut l’acheter et chacun veut payer, disons 100 dollars. La transaction
est un échange volontaire de sorte qu’elle améliore
la situation de l’acheteur et du vendeur. Mais puisqu’il y a de très nombreux acheteurs et un seul
vendeur, la distribution du bien-être économique
est maintenant largement inégalitaire. Le nouveau
produit rend l’entrepreneur bien plus riche que
n’importe qui d’autre.!
La société fait maintenant face à deux questions :
dans quelle mesure cette perturbation d’un ordre
égalitarien peut affecter la politique publique ? Doitelle rester la même parce que la situation était initialement acceptable pour tous et que l’entrepreneur l’a améliorée pour tout le monde ? Ou est-ce
que les responsables gouvernementaux devraient
déplorer cette inégalité et utiliser leurs pouvoirs
d’impôts et de transferts pour répartir les gains plus
égalitairement ?!
De mon point de vue, cette expérience saisit, d’une
manière extrême et stylisée, ce qui est arrivé dans
la société américaine sur les dernières décennies.
Depuis les années 1970, les revenus moyens ont
crû mais la croissance n’a pas été uniforme pour
toute la distribution des revenus. Les revenus les
plus élevés, en particulier le 1% supérieur, ont
augmenté bien plus vite que la moyenne. Ces
hauts revenus ont apporté des contributions économiques significatives mais ils ont aussi récolté
des gains importants. La question pour le débat
public sur l’opportunité d’une intervention publique
et sur ses formes.!
Ce domaine est un des plus grands défis auquel
fait face le corps politique. Quelques chiffres illustrent l’ampleur du problème. Les meilleures données que nous avons sur la partie supérieure de la
distribution des revenus viennent des travaux de
Piketty et Saez (2003, avec des mises à jour) avec
leurs tableaux des rendements fiscaux individuels
[...]. Selon leurs chiffres, la part de revenus, en excluant les gains en capitaux, gagnés par les 1%
aux plus élevés est passée de 7,7% en 1973 à
17,4% en 2010. Encore plus frappant, la part des
0,01%, un groupe d’élite qui, en 2010, avait un ticket d’entrée d’un revenu annuel supérieur à 5,9
millions de dollars. La part de ce groupe dans le
revenu total est passée de 0,5% en 1973 à 3,3,%
en 2010. Ces chiffres ne peuvent être ignorés facilement. Ils ont par exemple contribué à motiver le
mouvement Occupy Wall Street et ils ont conduit
des responsables politiques de gauche à lancer
des appels en faveur d’une fiscalité plus progressive.!
Il est par ailleurs important de noter que s’attaquer
à cette question des inégalités croissantes implique
nécessairement pas seulement l’économie mais
aussi une grande dose de philosophie politique.
Nous, économistes, devons reconnaître non
seulement les limites de ce que nous savons sur
les causes des inégalités mais aussi les limites des
capacités notre discipline à prescrire des recommandations de politique. Les économistes qui discutent des réponses politiques aux inégalités croissantes jouent souvent le rôle de philosophe politique amateur [...]. Etant donné le sujet, c’est peutêtre inévitable. Mais il est utile de garder à l’esprit
quand nous écrivons en tant qu’économistes et
quand nous nous aventurons au-delà des limites
de notre expertise professionnelle.
Session 2013!
ECONOMIE!
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL!
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : La fatalité des inégalités
Document 1 : Taux marginaux d’imposition de l’impôt sur le revenu : Etats-Unis et France, les-crises.fr!
Document 2 : En Europe, depuis vingt ans, les fruits de la croissance bénéficient plus aux riches qu'aux
pauvres, A. Bolis, Le Monde, 17 mai 2013.!
Document 3 : Comment réduire les inégalités et la pauvreté ?, Denis Clerc, L’économie Politique, juin 2012,
Extraits. !
!
DOCUMENT 1
DOCUMENT 2
Les pauvres s'appauvrissent et les riches s'enrichissent.
Le constat n'est pas nouveau. Un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE), publié mercredi 15 mai, vient sans grande surprise le confirmer, en démontrant que la pauvreté et les
inégalités salariales se sont accentuées dans trois
quarts des trente pays de l'OCDE au cours des vingt
dernières années. Avec toutefois une nuance : la "progression" n'est pas "aussi spectaculaire qu'on le pense
généralement", et permet encore moins "de parler d'un
éclatement de la société".!
Cette hausse des inégalités aurait pu être pire si les
pouvoirs publics ne les avaient pas contrebalancées par
l'Etat-providence, et des dépenses de politiques sociales
qui n'ont jamais été aussi élevées qu'aujourd'hui dans
les pays de l'OCDE. La tendance actuelle à l'austérité
pourrait néanmoins changer la donne, prévient l'organisation : si les gouvernements "ne dépensent plus autant
en prestations sociales ou ne ciblent plus aussi étroitement la fiscalité et les transferts sur les personnes aux
revenus les plus faibles, alors les inégalités augmenteront beaucoup plus rapidement".!
Des inégalités de salaires accrues depuis la crise!
Si cela fait vingt ans que les inégalités de salaire se
creusent, la tendance s'est largement accélérée avec la
crise économique : l'écart s'est davantage accru entre
2008 et 2010 que pendant les douze années précédentes. En 2010, le revenu des 10 % les plus riches
était 9,5 fois supérieur à celui des 10 % les plus
pauvres.!
Ces disparités s'expliquent surtout par l'envolée des
hauts salaires, qui ont accentué leur avance sur les
autres. En parallèle, les personnes qui ont un faible niveau d'éducation trouvent de moins en moins de travail,
et les revenus des ménages les plus pauvres ont diminué, ou moins augmenté, par rapport à ceux des plus
riches.!
Les inégalités augmentent en Allemagne, baissent
en France!
Cette hausse des inégalités salariales s'observe tout
particulièrement au Canada, en Allemagne, en Norvège
ou encore aux Etats-Unis. Tout comme le Mexique, la
Grèce ou le Royaume-Uni, la France se démarque, se
plaçant du côté de la poignée de pays de l'OCDE qui
voient leurs inégalités décroître depuis deux décennies.
Au-delà de ces évolutions, les inégalités de salaire sont
les plus fortes au Chili, au Mexique, aux Etats-Unis, en
Turquie et en Israël, et les plus faibles en Islande, en
Slovénie, en Norvège et au Danemark. !
En France, si le salaire annuel des plus riches et des
classes moyennes se situe dans la moyenne de l'OCDE,
celui des plus pauvres (6 967 euros par an) plane 25 %
au-dessus. A contre-courant des autres pays de l'OCDE
aussi, le taux d'emploi des moins scolarisés a augmenté.!
L'Allemagne affiche quant à elle un tableau plus sombre,
avec une hausse des inégalités de revenu particulièrement forte à partir de l'an 2000. Outre-Rhin, il y a davan-
tage de jeunes et d'adultes pauvres aujourd'hui qu'en
1985 – même si cette pauvreté dure généralement
moins de trois ans. "Les services publics en matière de
santé, d'éducation et de logements sociaux ont globalement réduit les inégalités de revenu, mais moins que
dans d'autres pays", analyse l'OCDE. !
Les enfants et les jeunes s'appauvrissent, pas les
seniors !
Entre 2007 et 2010, le taux de pauvreté monétaire dans
l'OCDE est passé de 13 à 14 % chez les enfants, et de
12 à 14 % chez les jeunes (le taux de pauvreté monétaire mesure la proportion de personnes ayant un niveau
de vie inférieur au seuil de pauvreté, soit 60 % du niveau
de vie médian, celui-ci étant le revenu net en deçà duquel se situe la moitié de la population en Métropole).!
En Turquie, en Espagne ou en Belgique, la pauvreté des
enfants a même augmenté de deux points. En 2005, un
enfant sur huit vivait dans la pauvreté dans les pays de
l'Organisation. "Pourtant, on est de plus en plus
conscient que le bien-être des enfants est un déterminant clé de la vie qu'ils auront à l'âge adulte – cela influe
sur leur niveau de revenu, sur leur état de santé, etc.",
note l'OCDE. D'autant que plus les inégalités sont fortes,
plus la mobilité sociale est en panne, empêchant donc
les jeunes issus de ménages défavorisés de s'en sortir
mieux que leurs parents. !
Chez les personnes âgées en revanche, la pauvreté a
reculé, passant de 15 à 12 %. Elle a même été divisée
par deux chez les 51-56 ans. Et ce sont les revenus des
55-75 ans qui ont le plus augmenté ces vingt dernières
années. La crise aurait en effet, explique l'OCDE, davantage exposé les ménages actifs, tandis que les retraités bénéficiaient le plus souvent d'une protection sociale.!
En cause : Internet, syndicats et structure familiale...!
Si le monde semble de plus en plus inégal, "la mondialisation n'explique sans doute pas tout", note l'OCDE, qui
avance plusieurs facteurs. Internet par exemple : l'écart
entre ceux qui savent l'exploiter et les autres a introduit
un "biais technologique", qui défavorise ceux qui n'ont
pas ces compétences. L'affaiblissement des syndicats,
aussi, a pu priver les travailleurs de la protection dont ils
bénéficiaient auparavant.!
La structure familiale, par ailleurs, est déterminante dans
la hausse des inégalités, avec en première ligne le
nombre grandissant de ménages comptant un seul
adulte. "Les événements familiaux (divorce, naissance,
etc.) jouent un rôle très important dans les situations de
pauvreté temporaire, tandis que la réduction des revenus de transfert [prestations sociales, allocations chômage, prestations de sécurité sociale] – à la suite, par
exemple, d'un changement dans les conditions ouvrant
droit aux prestations – joue un plus grand rôle dans
les situations de pauvreté pendant deux années consécutives", explique encore l'OCDE. !
... mais l'emploi avant tout!
La cause première des inégalités est avant tout liée à
jonctures économiques, décrypte ainsi dans un entretien au site de Terra Eco : "Avant la crise, le creusement
des écarts était dû à une diminution de la progressivité
et de la redistribution des systèmes fiscaux et sociaux
dans la plupart des pays. Il était aussi lié à une
constante augmentation des revenus parmi les salariés.
Depuis 2008 en revanche, c'est la croissance du chômage qui entraîne une hausse des inégalités."!
Pour pallier ces inégalités croissantes, l'OCDE préconise donc des politiques "visant à stimuler la croissance
et l'emploi", ainsi qu'une réforme fiscale "afin de veiller à
ce que chacun paie sa juste part et reçoive en retour le
soutien dont il a besoin". Le travail reste la priorité – le
taux de pauvreté des familles sans emploi est presque
six fois supérieur au taux de pauvreté des familles
d'actifs –, et les gouvernements doivent donc s'efforcer
de faciliter l'accès à l'emploi, à des salaires suffisants
pour s'éloigner du seuil de pauvreté, à des perspectives
d'évolution professionnelle. !
Toutefois, nuance l'Organisation, le travail ne fait pas
tout, et plus de la moitié des personnes pauvres appartiennent à des ménages recevant des revenus d'activité
trop faibles du fait du volume horaire ou du niveau de
salaire.!
DOCUMENT 3
Le problème, ici est de parvenir à réduire la part dont
bénéficient les plus riches. Le dixième le plus favorisé
de la population percevait en 1996, 22,5% du total des
revenus distribués. En 2009, il en perçoit 24%. On le
voit, réduire les inégalités n’implique par une spoliation des plus riches, mais simplement une réduction
de 7 à 8% des revenus perçus : une ponction de 20
milliards sur les 268 milliards de revenus nets (après
impôts) perçus par ce dixième suffirait à ramener la
part de ce dernier au niveau de 1996. Certes, le problèmes est compliqué par le fait que les inégalités se
sont développées de façon fractale : si, globalement, le
dixième le plus favorisé a vu ses revenus croître environ une fois et demie plus vite que le reste de la population, au sein même du dixième en question les
inégalités se sont développées de façon similaire : les
sous-ensembles les plus riches de ce dixième ont vu
leur niveau de vie augmenter plus vite que celui des
autres. Parallèlement, les statistiques fiscales montrent
que, dans de dixième aisé, voire riche, plus le revenu
fiscal du ménage est élevé, plus a part payée en impôt
sur le revenu diminue : le millième le plus riche acquitte un impôt qui représente 20,5% du revenu déclaré, le dix-millième le plus riche acquitte 17,5% du
revenu déclaré, le cent-millième le plus riche (soit 352
foyers fiscaux) n’acquitte plus que 15% [...]. Certes, il
faut nuancer puisque ces statistiques ne portent que
sur l’impôt sur le revenu, alors que la plupart des revenus du capital acquittent des retenues à la source
qui ont sensiblement augmenté depuis 2009 et qui
dépassent désormais 13% [...]. Mais ces prélèvements
ne sont pas progressifs et ne changent donc rien à la
dégressivité effective de l’impôt.!
C’est donc par la fiscalité des hauts revenus, en la
rendant effectivement plus redistributive, que l’on
pourra lutter efficacement contre les inégalités. En
2009, alors que le taux marginal le plus élevé de
l’impôt sur le revenu s’établissait à 40% (41% actuellement plus une surtaxe «provisoire» sur les revenus
dépassant 250 000 euros), le taux théorique moyen
auquel ce dixième de foyers fiscaux les plus favorisés
devrait être soumis si l’on appliquait le barème serait
de 17% des revenus déclarés (55 milliards). Or, dans la
réalité, grâce à tout un ensemble de dispositifs (allant
du prélèvement libératoire sur les revenus du patrimoine aux charges déductibles de l’impôt, en passant
par les multiples niches fiscales), ce dixième n’a acquitté en impôt que 35 milliards, soit 11% du revenu déclaré. C’est bien sûr le hasard mais la différence entre
entre barème théorique et impôt effectif représente
justement... 20 milliards d’euros. Evidemment, ces
écart entre impôt théorique (issu du barème) et impôt effectif n’est pas propre à ce dixième, puisque,
toujours selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires, les contribuables économisent 30 milliards
d’impôt de façon légale grâce à ces multiples déductions possibles. [...] Il est clair que que c’est sur ces
niches fiscales ou dispositifs dérogatoires à l’impôt sur
le revenu, dont l’essentiel bénéficie aux contribuables
les plus aisés, que devrait porter l’essentiel de l’effort
à effectuer dans les années à venir pour en revenir à
un partage plus équitable du revenu.!
[...]!
Il importe en effet que ces efforts soient concentrés
essentiellement sur les ménages les plus aisés. D’abord
parce qu’ils ont les moyens de supporter une fiscalité
plus lourde sans que cela remette en question leur
niveau de vie actuel, si ce n’est à la marge et sous
forme d’une réduction de leur épargne davantage que
sous forme d’une compression des dépenses. Ensuite,
ces ménages ont été les principaux bénéficiaires des
réductions d’impôt accordées depuis le précédent
quinquennat. Reste cependant que cet alourdissement
fiscal ne doit pas être tel qu’il provoque un exil fiscal
massif de la partie la plus riche de la population. [...]
La proposition de réduire très fortement les niches
fiscales par plafonnement global (ce qui permettrait de
ne pas toucher à la fiscalité des contribuables ne faisant pas partie du dixième le mieux rémunéré) et de
ramener les revenus du patrimoine dans le droit
commun de l’impôt serait préférable, car, outre que le
rendement de l’impôt en serait sensiblement accru,
cela éviterait une modification du barème fiscal perçue comme confiscatoire.
Session 2013
ECONOMIE
ÉPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : L’investissement des entreprises dans un contexte de
crise
Document 1 : Les taux de marge et d’autofinancement des sociétés non financières se
replient (source INSEE, les Comptes de la Nation 2012)
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1447#inter6
Document 2 : Taux d’investissement et taux d’utilisation des capacités de production
(source INSEE, Comptes nationaux)
Document 3 : « Pour un environnement macroéconomique sain », Rapport d'information
n° 35 (2002-2003) du Sénat, Octobre 2002.
Document 4 : Flux net des crédits aux entreprises non financières, en milliards d’euros
(source Banque de France)
Document 5 : Taux d’intérêt débiteur sur les nouveaux crédits accordés aux Sociétés non
Financières (SNF) tous montants et toutes maturités (source Banque de France)
DOCUMENT 1
« Le taux de marge et d’autofinancement des sociétés
non financières se replient »
En 2012, la rémunération des salariés des sociétés non financières augmente plus rapidement
que la valeur ajoutée […]. Au total, l’excédent brut d’exploitation se contracte (-1,5%),
après une stabilité en 2011. Le taux de marge perd ainsi 0.8 point par rapport à 2011 pour
s’établir à 28,4%, le niveau le plus bas depuis 1985 (26,4%).
L’épargne des sociétés non financières diminue de nouveau (-9,7% après -8,5% en 2011) […].
Encore dynamique en 2011 (+5,7%), l’investissement des sociétés non financières recule en
2012 (-0 ,8%). Compte tenu par ailleurs du recul marqué de l’épargne, le taux
d’autofinancement baisse fortement (-6,5 points) pour s’établir à 66,0%.
DOCUMENT 2
DOCUMENT 3
« Pour un environnement macroéconomique sain »
Les développements récents de la théorie économique soulignent l'intérêt qu'il y a, pour les
Etats, à réduire l'incertitude qui caractérise l'environnement économique des entreprises. Le
lien entre les décisions d'investissement et l'incertitude s'explique par l'existence d'un certain
degré d'irréversibilité des investissements. L'investissement est, en grande partie,
irréversible, parce qu'au coût d'achat des nouveaux biens s'ajoutent les coûts d'installation et
d'adaptation au nouveau matériel. L'addition de ces dépenses peut rendre le coût du
désinvestissement prohibitif.
Dès lors, l'entreprise ne doit pas seulement arbitrer entre investir ou ne pas investir, mais
entre investir maintenant et investir plus tard. Attendre ne représente pas seulement un
coût d'opportunité, lié à la perte de profit qu'un investissement immédiat permettrait
éventuellement d'obtenir, mais offre aussi un avantage. Cet avantage est à la mesure du coût
que subirait l'entreprise si, après avoir choisi d'investir sans attendre, elle préférait
finalement revendre le bien d'investissement en raison de l'évolution défavorable de
l'environnement économique. Ainsi, attendre est une option pouvant présenter une certaine
valeur, ce qui peut conduire une entreprise à différer ses investissements. […]
DOCUMENT 4
30
En milliards d'Euros
25
20
15
10
5
0
-5
-10
-15
Flux nets de crédits aux entreprises non financières
DOCUMENT 5
6
Taux d'intérêt débiteur (crédits aux SNF, toutes maturités)
5,5
5
En %
4,5
4
3,5
3
2,5
2
2003Q12004Q12005Q12006Q12007Q12008Q12009Q12010Q12011Q12012Q1
Session 2013"
ECONOMIE"
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL"
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : L’efficacité des politiques budgétaires Document 1 : Peut-on recourir à la politique budgétaire ? Est-ce souhaitable ?, Revue de l’OFCE, p. 7-24,
octobre 2002.
Document 2 : Erreur de calcul du FMI ? Ou excès des zélateurs de l’austérité ?, Gabriel Colletis, Le
Monde Economie, 28 janvier 2013."
Document 3 : Coefficient multiplicateur : erreur de calcul ou bien erreur de modèle, D. Voydeville, Le
Monde Economie, 28 janvier 2013. "
Document 4 : Déficits budgétaires en % du PIB d’une sélection de pays, Fonds Monétaire International."
“Organized public works, at home and abroad, may be the right cure for a chronic tendency to a deficiency of effective demand. But they are not capable of sufficiently rapid organisation (and above all cannot be reversed or undone at a later date), to be the most serviceable instrument for the prevention of
the trade cycle.”!
(Keynes, Collected Writings, vol. XXVII, p.122 )
DOCUMENT 1
[...]"
L’équivalence ricardienne "
Parmi les raisonnements susceptibles de justifier la disparition de la politique budgétaire du champ de la réflexion,
celui que je viens d’évoquer ne semble donc pas convaincant, même s’il mériterait sans doute qu’on s’y attarde
davantage. Pendant que j’en suis à ces considérations théoriques et abstraites, il me faut mentionner un argument !
du même ordre: à savoir que, même si la politique budgétaire était souhaitable, toute tentative de la mettre en
œuvre serait inefficace d’un point de vue macroéconomique. Ce que j’ai en tête est la fameuse proposition dite
«équivalence ricardienne», dont le principal protagoniste est Robert Barro. Si le monde fonctionnait de manière
telle que l’équivalence ricardienne s’applique, alors le monde n’aurait sans doute pas besoin de politique budgétaire
de toute façon. Mais les deux affirmations sont, conceptuellement, distinctes. !
La proposition de Barro est qu’il n’y a, d’un point de vue macroéconomique, pas de différence significative entre un
financement par l’impôt et un financement par l’emprunt d’un montant donné de dépenses publiques. Dit autrement, l’argument est que le montant de l’épargne nationale n’est pas modifié par le remplacement de l’un par
l’autre. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans un long exposé; un simple exemple permettra de comprendre de quoi
il retourne. Supposons que l’économie est initialement dans un état que l’on peut qualifier d’équilibre ; pour simplifier, imaginons aussi que le budget du gouvernement est également équilibré. Supposons à présent que le gouvernement emprunte aux ménages un milliard d’euros et abaisse les impôts d’un même montant cette année. La dette
peut prendre différentes formes, mais le plus simple serait une dette obligataire à coupon zéro, promettant de
rembourser, disons dans 10 ans, un milliard d’euros plus les intérêts. Un raisonnement démodé aurait conclu
qu’une telle politique budgétaire était expansionniste, réduisant l’épargne nationale et déplaçant la courbe IS vers
la droite. Pourtant, selon l’équivalence ricardienne, cette politique n’est pas expansionniste, mais neutre. Pourquoi? !
À l’équilibre initial, chaque ménage est réputé avoir élaboré et mis en œuvre un plan intertemporel optimal d’épargne et de consommation, plan qui va même au-delà de la génération présente. Ce plan va être perturbé par la
réduction d’impôts financée par émission obligataire, non seulement parce que le revenu disponible est actuellement plus élevé, mais aussi parce que les contribuables anticipent qu’ils devront acquitter des impôts supplémentaires l’année du remboursement de la dette publique2. Les ménages réagiront donc en revenant à une affectation
intertemporelle qu’ils avaient jugée optimale: on voit bien que, pour ce faire, le plus simple est d’utiliser le montant
de la réduction d’impôt accordée cette année pour acheter les obligations d’État qui, à échéance, procureront
exactement les rentrées d’argent nécessaires au paiement des impôts qui seront prélevés pour rembourser la
dette publique. En d’autres termes, il sera, pour les ménages, optimal de mettre de côté la réduction d’impôts; et
ce surcroît d’épargne privée compensera exactement la désépargne publique, ce qui laissera inchangée l’épargne
nationale. En l’absence de toute modification de l’équilibre épargne-investissement, cette politique est neutre sur
le plan macroéconomique."
!
[...]
DOCUMENT 2
La publication, en ce début d'année, d'un document de travail du Fonds monétaire international (FMI) a mis les économistes du monde entier ainsi que certains médias en état
d'ébullition."
Il a été produit par l'économiste en chef du Fonds, le Français Olivier Blanchard, et par Daniel Leigh, un autre collaborateur du FMI qui suit à la loupe l'évolution des perspectives de l'économie mondiale. Ce texte est intitulé "Erreurs
de prévisions de croissance et multiplicateurs
budgétaires" (Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers,
FMI, Working Paper no 2013/1, janvier 2013)."
Dans ce rapport, Olivier Blanchard et Daniel Leigh admettent, non pas une erreur de calcul au sens strict, mais
une difficile et sans doute mauvaise estimation du "multiplicateur budgétaire"."
Il faut rappeler ici que le principe, très keynésien, du "multiplicateur budgétaire" établit qu'un euro dépensé ou économisé par un acteur public génère une augmentation ou
une perte de revenu pour l'économie nationale concernée
qui peut être supérieure ou inférieure, selon la valeur dudit
multiplicateur, au montant de la dépense ou de l'économie
publique. Ainsi, dans le cas d'une baisse de la dépense publique d'un euro, un multiplicateur supérieur à 1 suggère un
repli du revenu national supérieur à un euro."
Dans leur document de travail, Olivier Blanchard et Daniel
Leigh, considérant qu'ils avaient retenu jusqu'ici un multiplicateur égal à 0,5, suggèrent, au vu des statistiques effectives
de la croissance, que ce multiplicateur était sous-estimé et
probablement supérieur à 1."
Et les deux économistes de citer les travaux de leurs collègues Alan Auerbach et Yuriy Gorodnichenko (2012), tous
deux de l'université californienne de Berkeley, effectués sur
des données américaines, qui situent ce multiplicateur entre
zéro en temps "normal" et environ... 2,5 en période de récession."
Que concluent les deux économistes du FMI ? D'abord, de
façon humble, qu'"il n'y a pas un seul multiplicateur en tout
temps et pour tous les pays" et que "les multiplicateurs
peuvent être plus ou moins élevés au cours du temps et
d'une économie à l'autre". Ensuite, qu'"il semble prudent,
pour le moment, lorsque l'on pense à la consolidation budgétaire, de supposer que les multiplicateurs sont plus élevés
qu'avant la crise". Enfin, que leurs résultats "ne signifient pas
que la consolidation budgétaire n'est pas souhaitable"."
En tentant de prendre un peu de recul, on peut considérer
que, effectivement, les économistes du FMI ont sous-estimé
de façon significative l'augmentation du chômage et la baisse
de la demande intérieure associées à la "consolidation fiscale"."
Leur modèle n'a pas davantage correctement prévu l'effet
de l'austérité dès lors que, les taux d'intérêt étant déjà
proches de zéro, les ménages comme les entreprises adop-
teraient le même comportement de désendettement que
celui des Etats."
Pour autant, comme on vient de le voir, Olivier Blanchard et
David Leigh ne proposent en rien de renoncer aux politiques de consolidation budgétaire, mais suggèrent de les
mettre en oeuvre... avec discernement."
En cela, le premier est fidèle à ce qu'il déclarait déjà au quotidien économique La Tribune le 24 mai 2010, à savoir que
"le risque est en effet que, sous la pression des marchés,
certains pays fassent du zèle dans l'austérité. Ce serait une
erreur". Et manifestement, ce scénario s'est effectivement
réalisé ; le zèle l'a emporté et il serait exagéré d'en imputer
la faute, aujourd'hui, aux (seuls) économistes du FMI."
Contrairement à ceux qui affirment que la "faute" de
l'austérité est essentiellement imputable aux technocrates
de tous poils, aux économistes et à tous les idéologues,
nous préférons considérer que cette volonté de rigueur
correspond bien à une doxa qui prône le retour à l'équilibre des finances publiques comme condition d'un retour à
la croissance. Alors que l'on peut tout aussi bien considérer
qu'à l'inverse, c'est le retour à la croissance qui permet de
rétablir les finances publiques..."
Car désigner "la gestion désastreuse des finances publiques
depuis trente ou quarante ans" pour justifier les politiques
d'austérité est tout simplement fallacieux, puisque le surendettement actuel (et non pas l'endettement) des Etats est
entièrement dû aux conséquences directes de la crise financière."
Ce que craignent sans doute les économistes du FMI aujourd'hui, c'est que la poursuite - même dans un pays
comme l'Allemagne, dont la croissance est certes en berne
mais le budget à l'équilibre - et la généralisation de l'austérité et de la consolidation budgétaire dans le contexte global
actuel ne conduisent tout simplement le monde vers une
récession de grande ampleur..."
Si l'on admet que l'atténuation, voire la fin des politiques
d'austérité ne peuvent plus être écartées raisonnablement,
deux questions se posent alors immédiatement."
La première est : comment faire revenir la croissance ? La
seconde, non moins redoutable, est : comment faire admettre la remise en question de l'austérité aux catégories
sociales qui ont su profiter de la crise ? Car force est de
constater, en effet, que la crise s'est accompagnée d'un
creusement des inégalités..."
Nul doute que la réponse à ces deux interrogations passe
par un nouveau modèle de développement, et non par
quelques mesures de soutien de la croissance. Et ce nouveau modèle de développement devra prévoir un autre
mode de redistribution des revenus visant à atténuer, voire
à corriger cette inquiétante montée des inégalités."
!
Gabriel Colletis, Université Toulouse-I
DOCUMENT 3
Un journal télévisé de 20h, de grande audience, nous
apprend mi janvier que des erreurs de calculs sont
apparues dans l'élaboration du multiplicateur budgétaire du Fonds monétaire international (FMI). Derrière
ce jargon que cela signifie-t-il ? Que, quand l'État réduit son déficit de 1, l'effet négatif sur le PIB est non
pas de 0,5 comme prévu par le modèle, mais de 0,9 à
1,7. C'est-à-dire, quand la France réduit son déficit
public de 1 milliard d'euros, son PIB diminue corrélativement de 0,9 à 1,7 milliards d'euros, soit jusqu'à trois
fois plus que le modèle ne le prévoit (publication du
FMI octobre 2012)."
Avec un écart de 200 %, ce n'est plus une erreur de
calcul, mais bien sûr une erreur dans la conception du
modèle. Le modèle du FMI est conçu dans le cadre
des anticipations rationnelles. Dans ce type d'approche, les individus exercent leur choix en toute
connaissance de cause. Si l'État augmente son déficit,
les consommateurs augmentent leur épargne en vue
d'assurer leur retraite que l'État et la sécurité sociale
ne pourront pas assumer, vu leur comportement dépensier. C'est la situation de stagflation des années
1970. L'effet de relance du déficit public est alors annulé. En cas de réduction de déficit public (comme
entre 2010 et 2012), le consommateur réduit sa
consommation moins que son revenu ne diminue, le
multiplicateur est égal à 0,5, car le comportement de
l'Etat est censé le rassurer. Mais ceci ne correspond
pas à la réalité économique dont les modèles sont
censés rendre compte."
Le consommateur, dans ce contexte de crise, voit son
revenu stagner ou diminuer, il réduit sa consommation
d'autant et même plus, proportionnellement, comme
le montre le pic du taux d'épargne du début de la
crise : il est passé de 19 % au milieu des années 2000 à
21 % en 2007 avant de redescendre autour de 18 %
actuellement. L'épargne finit par baisser dans un
deuxième temps de la crise, en raison de la pression
exercée sur les revenus par la crise. Le consommateur
diminue ses dépenses, les entreprises réduisent leur
production, le chômage augmente, les impôts rentrent
mal, le déficit budgétaire s'accroît. Le circuit de la diminution des revenus et de la production s'enchaîne.
Dans ce contexte, la réduction du déficit à grande
vitesse amplifie la crise, comme le FMI le reconnaît
finalement avec ses erreurs de calculs admises en octobre 2012. C'est un demi aveu, caché par des termes
techniques, sur le manque de pertinence de leur modèle rationnel.
Les décisions économiques sont prises dans le temps
réel du circuit économique, de l'incertitude prolongée
de la crise, de la grande récession, et non pas instantanément, en toute sérénité, dans un processus d'allocations intemporelles, sans ressenti ni souffrance psychologique."
Mais les erreurs ne s'arrêtent pas là. Depuis deux ans,
les prévisions de PIB des organisations internationales
(Organisation pour la coopération et le développement économique - OCDE, FMI, Union européenne)
sont constamment révisées à la baisse. Les prévisions
de croissance du PIB 2012 du FMI pour la zone euro
sont passées de + 1,8% en avril 2011 à + 1,1% en septembre 2011, - 0,5% en janvier 2012 et -0,4% en octobre 2012. Le même phénomène se reproduit pour
2013. Les prévisions du FMI pour la croissance de la
zone euro passent de + 1,5% en septembre 2011 à +
0,8% en janvier 2012 et enfin + 0,2% en octobre 2012.
Le modèle du FMI se trompe sur ses prévisions dans
un rapport de 1 à 3."
A nouveau, s'agit-il d'erreur de calculs, ou d'erreurs de
conception ? Il faut relire les grands auteurs spécialistes du circuit monétaire (Keynes, Kalecki), du surfinancement bancaire et du surinvestissement (Hayek),
de l'incertitude économique (Knight), des crises financières (Kindleberger). Ils ont écrit, eux aussi en temps
de crise. Il faut les actualiser et les prolonger pour
refonder une science économique appliquée, adaptée
et éclairante. Le FMI, l'OCDE, l'UE doivent concevoir
des modèles économiques fiables, qui aident nos
femmes et nos hommes politiques à prendre leurs
difficiles décisions en connaissance de cause, en les
éclairant et non pas en les induisant en erreur.
Ces erreurs de calculs sont en réalité des erreurs de
conception dangereuses dans les circonstances actuelles. Une refonte des modèles de prévisions est
nécessaire et urgente. Pour sortir de la crise il faut la
comprendre."
(Voir également, sur le même sujet, "Erreur de calcul
du FMI ? Ou excès des zélateurs de l'austérité ?", par
Gabriel Colletis.)"
!
Didier Voydeville, Economiste et conseiller en stratégie financière
DOCUMENT 4
Session 2013"
ECONOMIE"
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL"
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : L’efficacité des politiques budgétaires ?
Document 1 : Peut-on recourir à la politique budgétaire ? Est-ce souhaitable ?, Revue de l’OFCE, p. 7-24,
octobre 2002.
Document 2 : Erreur dans une étude sur l’austérité : «ça fait désordre», A. Villechon, Le Monde , 18 avril
2013."
Document 3 : Dettes publiques en % du PIB d’une sélection de pays, Fonds Monétaire International."
“Organized public works, at home and abroad, may be the right cure for a chronic tendency to a deficiency of effective demand. But they are not capable of sufficiently rapid organisation (and above all cannot be reversed or undone at a later date), to be the most serviceable instrument for the prevention of
the trade cycle.”!
(Keynes, Collected Writings, vol. XXVII, p.122 )
DOCUMENT 1
[...]"
L’équivalence ricardienne "
Parmi les raisonnements susceptibles de justifier la disparition de la politique budgétaire du champ de la réflexion,
celui que je viens d’évoquer ne semble donc pas convaincant, même s’il mériterait sans doute qu’on s’y attarde
davantage. Pendant que j’en suis à ces considérations théoriques et abstraites, il me faut mentionner un argument !
du même ordre: à savoir que, même si la politique budgétaire était souhaitable, toute tentative de la mettre en
œuvre serait inefficace d’un point de vue macroéconomique. Ce que j’ai en tête est la fameuse proposition dite
«équivalence ricardienne», dont le principal protagoniste est Robert Barro. Si le monde fonctionnait de manière
telle que l’équivalence ricardienne s’applique, alors le monde n’aurait sans doute pas besoin de politique budgétaire
de toute façon. Mais les deux affirmations sont, conceptuellement, distinctes. !
La proposition de Barro est qu’il n’y a, d’un point de vue macroéconomique, pas de différence significative entre un
financement par l’impôt et un financement par l’emprunt d’un montant donné de dépenses publiques. Dit autrement, l’argument est que le montant de l’épargne nationale n’est pas modifié par le remplacement de l’un par
l’autre. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans un long exposé; un simple exemple permettra de comprendre de quoi
il retourne. Supposons que l’économie est initialement dans un état que l’on peut qualifier d’équilibre ; pour simplifier, imaginons aussi que le budget du gouvernement est également équilibré. Supposons à présent que le gouvernement emprunte aux ménages un milliard d’euros et abaisse les impôts d’un même montant cette année. La dette
peut prendre différentes formes, mais le plus simple serait une dette obligataire à coupon zéro, promettant de
rembourser, disons dans 10 ans, un milliard d’euros plus les intérêts. Un raisonnement démodé aurait conclu
qu’une telle politique budgétaire était expansionniste, réduisant l’épargne nationale et déplaçant la courbe IS vers
la droite. Pourtant, selon l’équivalence ricardienne, cette politique n’est pas expansionniste, mais neutre. Pourquoi? !
À l’équilibre initial, chaque ménage est réputé avoir élaboré et mis en œuvre un plan intertemporel optimal d’épargne et de consommation, plan qui va même au-delà de la génération présente. Ce plan va être perturbé par la
réduction d’impôts financée par émission obligataire, non seulement parce que le revenu disponible est actuellement plus élevé, mais aussi parce que les contribuables anticipent qu’ils devront acquitter des impôts supplémentaires l’année du remboursement de la dette publique2. Les ménages réagiront donc en revenant à une affectation
intertemporelle qu’ils avaient jugée optimale: on voit bien que, pour ce faire, le plus simple est d’utiliser le montant
de la réduction d’impôt accordée cette année pour acheter les obligations d’État qui, à échéance, procureront
exactement les rentrées d’argent nécessaires au paiement des impôts qui seront prélevés pour rembourser la
dette publique. En d’autres termes, il sera, pour les ménages, optimal de mettre de côté la réduction d’impôts; et
ce surcroît d’épargne privée compensera exactement la désépargne publique, ce qui laissera inchangée l’épargne
nationale. En l’absence de toute modification de l’équilibre épargne-investissement, cette politique est neutre sur
le plan macroéconomique."
!
[...]
DOCUMENT 2
L'affaire prend des airs de scandale. Les conclusions d'un
article, "Croissance en période de dette" ("Growth in a
Time of Debt"), publié en 2010 par deux économistes réputés de Harvard et ancien cadres du FMI, Carmen Reinhart
et Kenneth Rogoff ("R & R"), ont été remises en question
par un trio de l'Université du Massachusetts (UMass) Amherst – ce qui est loin d'être rare, comme le rappelle le
New York Times."
L'article original démontrait que le taux de croissance d'un
pays est corrélé négativement à son endettement public,
dès lors que celui-ci dépasse la barre des 90 % du PIB. Or,
leurs confrères de l'UMass Amherst, Thomas Herndon, Michael Ash et Robert Pollin parviennent, avec les mêmes
données, à un résultat différent : le seuil des 90 % n'a dans
leurs conclusions aucune signification particulière, et ils ne
trouvent qu'une très faible corrélation entre croissance du
PIB et endettement. "
Depuis la parution de la contre-étude, la polémique bat son
plein, car l'article de R & R a servi en grande partie d'assise
scientifique pour justifier la mise en place de programmes
d'austérité de part et d'autre de l'Atlantique. Le site collaboratif Quartz fait le tour, dans un petit florilège, des mentions de cet article par les politiques et économistes des
deux côtés de l'Atlantique."
COMBIEN D'AUTRES CAS ?"
Avant tout commentaire, un billet publié dans le Washington Post pose d'abord ce constat : "Si vous suivez le débat
sur la dette, même nonchalamment, il y a de bonnes
chances que vous ayez entendu un politicien ou un spécialiste dire que la dette souveraine des Etats-Unis est soit
proche du point critique des 90 % du PIB, soit l'a déjà dépassé." Selon le site d'information Slate, pas moins de 500
articles universitaires citent l'étude en question."
Pour autant, le quotidien refuse de remiser les conclusions
de R & R au placard : "Ça ne vide pas le dossier, ça complique juste sa défense." Et de poursuivre très ironiquement
: "Tout de même, ça fait un peu désordre. (...) Combien
d'autres assertions répandues sont basées sur de petites
erreurs de calcul ?""
Même ton au Los Angeles Times qui, pour mieux relativiser
le postulat de départ de l'étude, rappelle que, comme l'a
démontré l'économiste Robert Shiller, "mettre en perspective la dette avec le ratio du PIB ne révèle pas forcément
quelque chose d'utile" : la dette est en effet mesurée en
valeur absolue, tandis que le PIB est mesuré sur une année.
Or, utiliser une mesure de temps comme une année n'a
"pas de signification économique particulière" : s'il était mesuré sur cinq ou dix ans, le ratio dette-PIB serait plus faible,
puisque celle-ci se rembourse à long terme."
"MAUVAIS,VRAIMENT MAUVAIS""
L'économiste et éditorialiste du New York Times Paul
Krugman n'y va pour sa part pas avec le dos de la cuillère,
et qualifie les travaux de R & R de "vraiment, vraiment
mauvais"."
Après avoir fait ses propres calculs, sur une période (19502007) et un panel (les pays du G7) plus réduits, Krugman ne
trouve "aucune corrélation entre dette élevée et croissance
faible" pour l'ensemble des pays examinés. Seuls deux pays
se détachent du diagramme : l'Italie et le Japon. Sauf qu'au
regard de leur histoire, il est "assez clair" pour Krugman
que leur énorme dette est largement le fait du ralentissement de leur croissance, et non l'inverse, comme le suggèrent Reinhart et Rogoff."
POUSSER PLUS LOIN LES RECHERCHES"
Plus clément, le Wall Street Journal (WSJ) estime que
l'erreur "regrettable" relevée dans cette étude n'affecte pas
"de manière significative le message central du document".
Un avis partagé par le britannique Financial Times : il est
"très difficile de savoir si l'étude de R & R a effectivement
changé la la politique économique alors en élaboration, ou
si elle est simplement utilisée comme une justification a
posteriori de mesures de toute façon inévitables"."
Après avoir fait ses propres calculs – "c'est un domaine très
excitant" –, le WSJ conclut finalement que "clairement, plus
de recherches à ce sujet sont nécessaires sur la dette et la
croissance, et tous les efforts sont les bienvenus (...). Nous
avons maintenant des données sur la dette d'un plus grand
nombre de pays et sur une plus longue période que l'échantillon original, qui nous permettent de pousser plus loin la
recherche." Un argument partagé par les auteurs de l'étude
originale."
Reinhart et Rogoff ont, en effet, fait parvenir une réponse
aux critiques, publiée mardi par le New York Times. Ils estiment que leur démonstration est "cohérente", et surtout
que leurs résultats sont assez similaires à ceux du trio de
l'UMass, "sauf que ce ne sont pas ces similitudes que les
auteurs ont choisi de mettre en avant". Mais si Reinhart et
Rogoff se défendent notamment d'avoir fait passer des
"associations" pour "des relations de cause à effet", ils reconnaissent que les données sur lesquelles ils ont travaillé
sont "très nouvelles" et "doivent faire l'objet de recherches
plus poussées". "
Au-delà de la controverse, l'hebdomadaire Time souligne
que, "malheureusement, remettre l'étude de Reinhart et
Rogoff en question ne répond pas à la question fondamentale : quel niveau d'endettement un Etat ne doit-il pas dépasser ? Nous ne savons toujours pas avec certitude si nos
niveaux d'endettement actuels sont une menace
imminente.""
!
Anna Villechenon
DOCUMENT 3
Session 2013!
ECONOMIE!
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL!
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : la régulation des prix de marché par l’exemple des loyers
Document 1 : Plafonner ou subventionner les loyers, d’après Introduction à la microéconomie moderne
(2ème édition), Michael Parkin, Robin Bade et Marc Van Audenrode!
Document 2 : Quelle régulation du marché locatif privé ? Etat des lieux et évaluation des dernières
mesures gouvernementales, S. Le Bayon, P. Madec et C. Rifflart, Revue de l’OFCE, 2013, Conclusion.!
Document 3 : Indice du loyer de marché / revenu par unité de consommation à Paris et en Province,
Revue de l’OFCE, 2013.!
Document 4 : Des toits ou des plafonds ?, P. Weil, Blog de l’OFCE, http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/?
p=4100, 2013.!
!
!
!
DOCUMENT 1
Réguler le marché par le contrôle des prix ou la subvention
3000
3000
O
OCT
2500
2500
O
Plafond des loyers
1500
1000
1500
D
1000
D
500
300
n
2000
Montant des loyers
Montant des loyers
2000
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en
bv
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500
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Quantité de logement
Le plafond sur les loyers réduit le prix
d’équilibre mais au détriment des
quantités mises sur le marché. Comme la
dernière unité de logement disponible
vaut plus cher que le plafond fixé que le
plafond fixé par les autorités, les
consommateurs passeront du temps à
chercher un logement, et certains
règleront leur problème en se rabattant
sur le marché noir.
300
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Quantité de logement
La subvention permet aux offreurs de
proposer davantage de biens sur le
marché, à prix égaux. Cela contribue à
faire baisser le prix d’équilibre et
à
augmenter les quantités d’équilibre.
DOCUMENT 2
L’encadrement des loyers peut-il favoriser la mobilité
et redonner du pouvoir d’achat aux ménages ? Le
dispositif Duflot permettra-t-il d’augmenter l’offre
locative privée et de redresser le taux de rendement
locatif en zone tendue ?
Concernant l’encadrement des loyers, la mesure
devrait bénéfi- cier à court terme à l’ensemble des
ménages potentiellement mobiles. Les ménages déjà
mobiles avant l’encadrement verront leur taux d’effort
augmenter au plus de l’IRL. Les ménages présents
depuis longtemps dans leur logement et souhaitant ou
devant le quitter subiront lors de la relocation des
hausses de loyers bien inférieures à celle observées
avant la mise en place de la mesure. A contrario, pour
les ménages dont le taux d’effort est déjà maximal, le
décret ne devrait rien changer puisqu’ils ne pourront
toujours pas supporter le surcoût d’une relocation, et
ce même si ce dernier est réduit de moitié par rapport
à celui observé actuellement.
A moyen-long terme, même si une baisse significative
des loyers de marché reste peu probable, la
convergence entre le loyer avant relocation et le loyer
de marché devrait avoir lieu. Cela prendra du temps
d’autant que certains propriétaires peuvent être tentés
de mettre en place des mécanismes de compensation
(dessous-de-table au moment de la relocation, loyer
supérieur au prix de marché au moment de la
première mise en location d’un logement, ...) ou de
montée en gamme de leur logement par le biais de
gros travaux.
Les effets positifs attendus dépendent en outre de
l’application concrète de cette mesure. Pour qu’elle
soit efficace, il faut de l’information et de la
transparence. Information auprès des propriétaires
pour que ceux-ci aient connaissance des nouvelles
modalités de fixation des loyers lors de la relocation.
Transparence sur le loyer au moment du changement
de locataire, l’ancien et le nouveau loyer devant figurer
dans le contrat pour éviter tout litige.
Concernant le dispositif Duflot, la volonté du
gouvernement était de développer un programme à
destination des ménages des classes moyennes dans
les zones les plus tendues. Dans les faits, à
l'exception des petites surfaces pour lesquelles le taux
d'effort devrait baisser, les plafonds de loyers sont, en
général, peu contraignants par rapport aux loyers de
marché dans les zones les plus tendues. De même,
les plafonds de ressources étant légèrement
supérieurs aux plafonds sociaux et les propriétaires
cherchant les locataires éligibles aux ressources les
plus élevées, les ménages modestes en attente d'un
logement social ne devraient pas bénéficier du
dispositif.
Néanmoins, ce dispositif viendra compléter la
dynamique, lancée par le décret sur l’encadrement, de
modération des loyers. Pour l’investisseur, les maigres
contraintes qui pèsent sur les loyers seront plus que
compensées par la réduction d’impôt plus élevée que
dans le dispositif Scellier de 2012 : au final, le
rendement net du dispositif sera donc supérieur au
Scellier de 2012, bien qu’inférieur à celui de 2011. Par
ailleurs, étant donné le niveau relativement élevé des
plafonds de ressources, les investisseurs ne prendront
que peu de risques supplémentaires par rapport à une
location « classique ». De plus, l'absence de
placements de substitution devrait contribuer à attirer
des investisseurs désireux de placer leur argent dans
un actif relativement sûr.
Enfin, pour optimiser les résultats escomptés,
plusieurs obstacles inhérents à la mise en application
de ces mesures devront être franchis.
Tout d'abord, ces mesures nécessitent la mise en
place d’observatoires des loyers fiables au niveau des
agglomérations et des départements, pour que
bailleurs et locataires puissent juger de la sousévaluation ou de la surévaluation du loyer et faire
valoir leurs droits dans le cadre du décret. Les
augmentations hors gros travaux étant encadrées, le
contrat de location devrait notifier l'ancien loyer, le
nouveau loyer et la justification de la différence. De
même, il faudra que le régime des logements meublés
soit aligné sur celui des logements vides, dans le
cadre de la prochaine loi prévue pour 2013, pour éviter
le report des propriétaires (notamment de petites
surfaces) vers ce marché dont les loyers ne sont pas
encadrés.
La décision du gouvernement de maintenir un
dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif
privé visant à desserrer les tensions sur l’offre et à
accueillir des ménages éligibles au logement
intermédiaire subventionné ne peut être une solution
de long terme viable. L'effet d'aubaine existe et on ne
peut conclure avec certitude sur le nombre de
constructions qu'on aurait observé sans dispositif. Le
développement de l’offre locative sociale (malgré des
délais de livraison plus élevés) et de l’accession
sociale à la propriété sont les leviers publics les plus
puissants pour agir effica- cement à moindre coût et
dans la durée sur l’offre de logements et donc sur les
prix.
DOCUMENT 3
DOCUMENT 4
Le projet de loi pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové prévoit d’encadrer les loyers
«principalement dans les agglomérations où existe un
fort déséquilibre entre l’offre et la demande de
logements et où les loyers ont connu la progression la
plus forte au cours des dernières années ». Les
loyers dépassant de plus de 20 % un loyer médian,
fixé par quartier et type de logement,
« auront
vocation à être abaissés ». L’objectif de ce
plafonnement est certes louable puisqu’il « vise à
combattre la crise du logement, marquée depuis de
nombreuses années par une forte augmentation des
prix, une pénurie de logements et une baisse du
pouvoir d’achat des ménages ». L’enfer est hélas pavé
de bonnes intentions car les plafonds d’aujourd’hui
détruisent bien souvent les toits de demain :
Le plafonnement des loyers [...] entraîne une
répartition aléatoire et arbitraire des logements
et rend leur utilisation inefficace. Il retarde la
construction de nouveaux logements et
prolonge indéfiniment le plafonnement des
loyers, ou déprime la construction future en
subventionnant aujourd’hui la construction
résidentielle. Un rationnement formel des
logements par les autorités publiques aurait des
effets sans doute pire encore.
S’opposer au plafonnement des loyers ne signifie pas
cependant se résoudre aux inégalités qui se
manifestent en matière de logement :
Le constat que, dans des conditions de marché,
ceux qui ont des revenus ou patrimoines plus
élevés occupent de meilleurs logements est
plutôt une raison de prendre des mesures de
long terme pour réduire les inégalités de
revenus et de richesse. Pour ceux qui, comme
nous, voudraient encore plus d’égalité
qu’aujourd’hui – en matière de logement
comme pour tous les produits –, il est
certainement préférable d’attaquer directement
à leur source les inégalités existantes de
revenu et de richesse plutôt que de rationner
chacun des centaines des produits et services
qui déterminent notre niveau de vie. Permettre
aux individus de recevoir des revenus
monétaires inégaux puis prendre des mesures
complexes et coûteuses afin de les empêcher
d’en bénéficier est le comble de la folie.
Les auteurs de ces deux citations, qui nous enjoignent
de laisser le système de prix libre d’allouer aux
locataires les logements disponibles tout en
préconisant d’attaquer à leur source les inégalités de
revenu et de richesse, ne sont autres que Milton
Friedman et George Stigler – les deux fondateurs de
l’école de Chicago. Le titre de ce billet est emprunté –
qu’ils me le pardonnent – à leur article de 1946 «
Roofs or Ceilings : the Current Housing Problem ».[1]
Le projet de loi Duflot envisage un mécanisme
d’encadrement des loyers bien plus sophistiqué que
celui que dénonçaient Friedman et Stigler il y a près
de soixante-dix ans. Ses effets sur le parc immobilier
français pourront être évalués dans quelques années
mais la littérature économique récente nous prévient
que les mécanismes de contrôle des loyers dits de
« seconde génération » ont des effets souvent
ambigus[2] – pas toujours négatifs mais pas
obligatoirement positifs[3]. On peut regretter, dans ces
conditions, qu’une expérimentation préalable, que la
prudence exigerait, ne soit pas envisagée dans
certaines villes choisies aléatoirement. L’urgence
politique plaide certes contre les retards qu’elle
entraînerait mais, en économie comme en médecine, il
convient de s’assurer qu’on ne tue pas le patient en
tentant de le guérir.
Reste, pour finir, l’avertissement de Friedman et
Stigler : les inégalités de revenus et de patrimoine
doivent être attaquées à leur source et pas dans leurs
manifestations.
Session 2013"
ECONOMIE"
!
EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL"
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : La relance par la politique monétaire
Document 1 : La Banque centrale européenne cherche comment relancer le crédit aux PME dans la
zone euro, M. de Vergès, Le Monde, 30 mai 2013.
Document 2 : Zone euro : pourquoi n’y a-t-il pas plus d’inflation ? J.P. Dumas, Cercle des Echos, Octobre
2012. "
Document 3 : Evolutions comparées de l’indice CAC40 et du climat des affaires depuis juillet 2011."
DOCUMENT 1
Le temps des vaches maigres continue pour les entreprises de la zone euro. Selon les statistiques de la
Banque centrale européenne (BCE), publiées mercredi 29 mai, le crédit au secteur privé a reculé pour
le douzième mois consécutif en avril, de 0,9 %. Ce chiffre cache de fortes disparités : la pénurie de crédit frappe d'abord les petites et moyennes entreprises (PME) d'Europe du Sud, au risque d'hypothéquer
durablement le retour de la croissance."
"C'est devenu le vrai chantier de la Banque centrale européenne : comment aider au financement des
PME", note Frédérik Ducrozet, économiste au Crédit agricole-CIB. L'institution de Francfort a ramené,
au début du mois de mai, son principal taux directeur au niveau historiquement bas de 0,5 %. Mais elle
constate que son action ne s'est pas traduite jusqu'ici en prêts abondants et bon marché."
D'autres pistes sont donc passées en revue, quand bien même les marges de manoeuvre de l'institution
sont désormais limitées."
Relancer la titrisation La BCE voudrait revitaliser le marché des "ABS" (asset-backed securities), ces paquets de titres adossés à des créances – en l'occurrence, des prêts consentis à des entreprises. Il ne
s'agit pas encore pour la BCE de racheter elle-même ces instruments financiers. Mais, pour soutenir le
crédit, elle pourrait assouplir ses règles de "collatéral" (adossement) et accepter ces ABS en garantie
contre du financement bancaire."
Mais la route promet d'être longue. Le marché des ABS "est mort depuis longtemps", a reconnu le patron de la BCE, Mario Draghi, début mai. "Une difficulté est qu'elle n'est pas directement à la manoeuvre, note Fabrice Montagné, économiste chez Barclays. Son rôle est essentiellement de favoriser
les initiatives." La BCE a donc lancé des consultations avec la Banque européenne d'investissement et la
Commission européenne. L'enjeu est notamment de rendre ce marché plus transparent. C'est la
deuxième difficulté : la réputation des ABS est durablement ternie pour avoir, par leur opacité, largement contribué à la crise des subprimes, ces crédits immobiliers à risque, en 2008."
"CE N'EST PAS SEULEMENT UN PROBLÈME D'OFFRE""
Instaurer un taux de dépôt négatif L'hypothèse circule depuis quelques semaines, défendue, mercredi,
par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Avec un taux négatif, les banques
devraient payer plutôt que d'être rémunérées lorsqu'elles déposent des fonds auprès de la BCE. Une
sorte de "taxe" qui les encouragerait à réinjecter les liquidités dans l'économie et à distribuer des prêts."
Mais la mesure a ses bémols. "Le problème du crédit n'est pas seulement un problème d'offre. C'est
aussi – et parfois surtout – un problème de demande", rappelle, dans une note, René Defossez, analyste
chez Natixis. Inquiètes face à la récession, les entreprises ne se précipitent pas pour emprunter. Des
taux négatifs ne changeraient pas la donne. Pis, les banques pourraient chercher "à compenser ce coût
supplémentaire par une hausse des taux pratiqués à leurs clients, ce qui rendrait la mesure contre-productive", poursuit M. Defossez."
Néanmoins, les membres de la BCE ont commencé à préparer le marché à une telle éventualité... tout
en exprimant leur scepticisme. "C'est techniquement très délicat", a insisté, mercredi, le gouverneur de
la Banque de France, Christian Noyer. L'exemple du Danemark, l'un des rares pays qui aient tenté
l'expérience ces dernières années, n'est pas vraiment probant. L'impact sur le crédit a été quasi nul."
Au début du mois de mai, M. Draghi a affirmé que le taux directeur pourrait encore être abaissé jusqu'à
0,25 %, si nécessaire. Mais les derniers assouplissements monétaires n'ont pas eu l'effet escompté. Une
majorité d'économistes estime que la BCE ne grillera pas cette cartouche dès sa prochaine réunion,
jeudi 6 juin."
!
Marie de Vergès
DOCUMENT 2
Après ce détour, revenons à la question qui nous préoccupe, pourquoi n’y a-t-il pas d’inflation en dépit
de la création de monnaie de la part de la Banque Centrale ? Parce que cette création monétaire (sous
forme d’achat de bons du Trésor) est stérilisée par le biais des réserves bancaires : dans un cas la masse
monétaire n’augmente pas, dans l’autre elle augmente."
C’est tout à fait différent du cas où les réserves des banques sont transformées en prêts à l’économie
où seule la partie réserves obligatoires à la Banque Centrale est gardée. Les crédits crédits font des dépôts, les augmentations de dépôts sont de la création monétaire. L’accroissement final de la masse monétaire sera le multiplicateur de crédit."
On se retrouve à l’heure actuelle dans la situation où les réserves ne sont pas monétisées."
Par ailleurs, "
- les bilans (la base monétaire) de la BCE (et a fortiori des autres BC) augmentent considérablement,
alors que la masse monétaire s’accroît peu. La relation traditionnelle fixe entre la base monétaire (B) et
la masse monétaire (M) est rompue (M=mB) particulièrement en période de crise. Il n’y a pas ou peu
de création monétaire. Il y a en quelque sorte stérilisation de la part des banques. Cette monnaie additionnelle est stérilisée à la BC sous forme de réserves et et ne va pas servir à octroyer de nouveaux
prêts par les banques."
- La relation traditionnelle base monétaire, offre de monnaie (le multiplicateur) se rompt à partir de
2008 après la chute de Lehman Brothers. Cela s’explique par la crise financière, l’offre de monnaie n’est
plus un multiple constant de la base monétaire. Quand il y a une crise financière, les banques veulent
des liquidités pour des raisons de précaution et n’en trouvent pas sur le marché interbancaire. Afin de
sauver le système bancaire, les banques centrales ont accru (à juste titre) l’accès à la liquidité des
banques, lesquelles ont été tétanisées par la crise et au lieu de prêter au secteur privé, ont acheté des
bons souverains et ont laissé leur argent à la banque centrale sous forme de réserves."
- Il n’y a pas d’accroissement de la monnaie (M3) en Europe, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, cela
signifie qu’il n’y a pas d’accroissement des prêts par les banques alors que leur bilan s’accroît. Les seuls
actifs que les banques achètent sont ceux qui, à tort où à raison ne sont pas considérés comme risqués,
les bons du Trésor."
- La BCE a fourni relativement moins de liquidité que le Japon, les Etats-Unis et le Royaume-Uni même
après les opérations de refinancement à long terme (LTRO). La base monétaire de la Fed, de la Banque
du Japon et de la Banque d’Angleterre a été multipliée par trois par rapport à son niveau pré-Lehman
alors que celle de la BCE a doublé."
- Cet accroissement de la base monétaire s’est fait sans inflation, car on note qu’elle n’a pas été accompagnée d’un accroissement de la monnaie (M3). Il reste donc de la marge d’action pour la BCE.
3000
85
3200
Cours du CAC40
3400
3600
90
95
Climat des affaires
3800
100
4000
DOCUMENT 1
2011m7
2012m1
2012m7
mois
Cours du CAC40
2013m1
Climat des affaires
2013m7
Session 2013
ECONOMIE
ÉPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Consommation et épargne en temps de crise
Document 1 : Variation du revenu disponible brut, du pouvoir d’achat et de la
consommation des ménages (source INSEE, Comptes Nationaux, Base 2005, en %)
Document 2 : Taux d’intérêt débiteur moyen sur les crédits à la consommation (en %,
source Banque de France).
Document 3 : Taux d’épargne des ménages (source INSEE, Comptes nationaux, en %)
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=nattef08148
Document 4 : Dette des administrations publiques au sens de Maastricht (milliards
d’Euros et points de PIB en %, source INSEE, Comptes Nationaux Trimestriels)
http://www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=16&sous_theme=3
Document 1
Document 2
Taux débiteur moyen sur les crédits à la consommation (en %)
8,5
8
7,5
7
6,5
6
5,5
Document 3
Taux d’épargne des ménages
2000
2005
2010
2011
14,4
14,7
15,9
16,0
Document 4
Session 2013
ECONOMIE
ÉPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : La dette publique
Document 1 : Réduire la dette publique, une priorité ? H. Sterdyniak, OFCE)
Document 2 : Pourquoi et comment faut-il réduire la dette publique ?(Le Monde,
21/06/2010, M. Pucci et B. Tinel)
Document 1
La crise des années 2008-2012 ne provient
pas de la hausse excessive des dépenses, des
déficits ou des dettes publics. En 2007, le
solde public de l’ensemble des pays de
l’OCDE ne présentait qu’un déficit de 1,3%
du PIB ; celui de l’ensemble des pays de la
zone euro de 0,7%. Les dettes publiques
étaient stables, à 40% du PIB pour la dette
nette de l’ensemble des pays de l’OCDE.
Mais la crise a provoqué une forte hausse
des déficits et dettes publics puisque les
États ont dû intervenir pour sauver les
systèmes financiers, pour soutenir l’activité
et ont enregistré une forte baisse de leurs
recettes fiscales. […] En 2012, les déficits
des États-Unis et du Royaume-Uni restent
de 8,5% du PIB, celui du Japon de 10%, dans
la zone euro, le déficit moyen est de 3,3% du
PIB. […]
Deux points de vue s’opposent : pour les
uns, la priorité est de réduire les dettes
publiques, d’autant plus que celles-ci
pèseront lourdement sur nos enfants. Cette
réduction rétablira la confiance et permettra
la baisse des impôts, ce qui relancera la
croissance. Pour les autres, la mise en œuvre
simultanée de politiques budgétaires
restrictives dans tous les pays de la zone
Euro, ou pire de l’OCDE, se traduirait par
une chute de la production, une baisse des
recettes fiscales, une dégradation du ratio
d’endettement, sans pour autant rassurer les
marchés. La crise n’en serait que prolongée.
[…] En France, il est souvent avancé que la
charge de la dette constitue le deuxième
poste de dépenses de l’État et absorbe
l’équivalent de la quasi-totalité des recettes
de l’impôt sur le revenu, et que la France vit
à crédit depuis 30 ans, les générations
actuelles reportant la charge des dépenses
publiques sur les générations futures :
chaque nouveau-né en France hériterait ainsi
d’une dette de l’ordre de 25 000 euros. Il
faudrait donc réduire fortement les
dépenses publiques, puisqu’il ne serait plus
possible d’augmenter les impôts, qui, déjà
trop élevés, décourageraient l’investissement
et le travail, nuiraient à la compétitivité, et
feraient fuir à l’étranger les capitaux et les
talents.
Certes, de 1974 à 2011, la France, comme
l’Italie, n’a jamais connu d’excédent
budgétaire, mais l’Allemagne n’a connu que 2
années d’excédent, les États-Unis 3, la
Grande-Bretagne 4, le Japon 5. […] En
termes de dette nette (la dette financière
moins les actifs financiers détenus par les
administrations), la France était, fin 2011, à
63% du PIB, nettement en dessous du Japon
(125%), de l’Italie (94%), des États-Unis
(80%). Il n’y a aucune spécificité française
[…].
En 2011, la charge de la dette était de 2,5%
du PIB, pour une dette de 84% du PIB ; soit,
un taux d’intérêt moyen sur la dette de 3%,
nettement en dessous du taux de croissance
nominal. […] Quand le taux d’intérêt est
égal au taux de croissance, le vrai coût de la
dette, c’est-à-dire l’excédent primaire
nécessaire pour stabiliser la dette, est nul.
[…]
En situation d’incertitudes économiques, de
pessimisme des entrepreneurs, la demande
privée est insuffisante pour maintenir un
niveau satisfaisant d’activité. La politique
optimale consiste à faire baisser le taux
d’intérêt jusqu’à ce que la demande soit
suffisamment relancée. Elle a l’avantage de ne
pas augmenter la dette publique, de favoriser
l’accumulation du capital et de réduire le
taux de profit exigé par les entreprises pour
investir. Mais elle peut être inefficace, en
période de forte dépression, si les agents
privés sont réticents à s’endetter. […] Le
gouvernement doit alors accepter un certain
déficit budgétaire. Celui-ci n’a aucun effet
d’éviction des dépenses privées : il ne
provoque pas de hausse du taux d’intérêt,
puisque par définition le taux d’intérêt est à
son plus bas niveau possible. […] Ce rôle
stabilisateur de l’endettement public peut
néanmoins être bloqué si les ménages sont
Barro-Ricardiens.
Document 2
Que l'on parle de rigueur ou
d'assainissement des finances publiques, la
contraction des dépenses publiques est
partout brandie comme le remède à la
dette […]. L'argument repose sur une
assimilation entre les comptes publics et le
budget des ménages : lorsqu'on est trop
endetté, il faut réduire son train de vie au
risque de léguer une dette à ses enfants.
Or, en 2008, les administrations publiques
françaises sont endettées à hauteur de 1
685 milliards d'euros tandis que leur
patrimoine financier s'élève à 822 milliards
et leur patrimoine non financier à 1 450
milliards (dont 624 milliards de terrains,
logements et équipements). Ce n'est donc
pas une dette qu'elles lèguent aux
générations futures mais un patrimoine net
de 587 milliards, qui s'ajoute à la richesse
humaine accumulée en particulier en
éducation et en santé.
De notre point de vue, s'il est crucial de
réduire l'endettement public, c'est en
raison de ses effets redistributifs des
pauvres vers les riches. En effet, une part
des impôts prélevés sur l'ensemble des
contribuables servent en partie à payer la
charge de la dette (39 milliards d'euros en
2009), alors qu'ils auraient pu être affectés
à d'autres usages tels que la santé ou
l'éducation, tandis que ces intérêts sont
versés en partie aux contribuables rentiers
qui détiennent 35 % de la dette publique.
Les finances publiques servent donc
d'intermédiaire à un transfert de revenu
vers les ménages les plus aisés.
Pour trouver des remèdes à l'endettement
excessif des administrations publiques, il
faut chercher les causes profondes de
l'augmentation continue du poids de la
dette, avant même les effets récents de la
crise. Certains avancent que c'est l'explosion
des dépenses publiques qui est en cause, mais
les chiffres démentent ce diagnostic : la part
des dépenses publiques dans le PIB est
relativement stable depuis 25 ans, passant de
52 % en 1985, à 54 % en 1995, et 53 % en
2008. En fait, la hausse de la part de la
dette publique dans le PIB s'explique
d'abord par le manque de croissance
économique et les crises économiques de
1993 et 2008.
Ensuite, les taux d'intérêts très élevés que
nous avons connus jusqu'au début des
années 2000 ont gonflé le coût de la dette
et provoqué un effet boule de neige, les
administrations publiques devant s'endetter
pour rembourser les intérêts de la dette.
Enfin, les réformes fiscales ont contribué à
accroître le poids de la dette. La part des
recettes de l'Etat dans le PIB n'a cessé de
diminuer, passant de plus de 22 % en 1981
à 17 % en 2008. En parallèle, la structure
des
prélèvements
a
changé.
Les
nombreuses
niches
fiscales,
les
changements de barèmes de l'impôt sur le
revenu et les défiscalisations de revenus du
capital ont principalement bénéficié aux
ménages aisés, tandis que la montée en
charge de la CSG était supportée par
l'ensemble des ménages. Ces évolutions de
la fiscalité, en partie responsables de
l'accroissement des déficits, n'ont pas eu
les effets attendus sur l'emploi et la
croissance. Les avantages fiscaux accordés
aux ménages aisés leur ont permis
d'épargner davantage, stimulant finalement
assez peu la demande intérieure.
On peut donc s'inquiéter de l'opportunité
des mesures de contraction des dépenses
publiques annoncées. La crise n'est en effet
pas terminée et cela risque d'affaiblir
davantage la croissance. Il serait plus
raisonnable de refonder le système fiscal de
manière à ce que les ménages aisés, qui ont
vu leurs revenus augmenter à la fois par les
baisses d'impôt et par les intérêts de la
dette, contribuent à nouveau au
financement des administrations publiques
par l'impôt plutôt que par leur épargne.
Seule une augmentation des recettes
fiscales peut en effet permettre de réduire
le poids de la dette tout en maintenant un
service public de qualité et en soutenant
l'économie par les dépenses publiques.
Session 2013
ECONOMIE
ÉPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL
Jury : Alexis Penot et Grégory Levieuge
Sujet : Economie de l’environnement
Document 1 : « Quel taux d’actualisation pour quel avenir ? », C. Gollier, Revue Française
d’Economie, 19(4), 2005, pp. 59-81. Extraits.
Document 2 : « Les instruments économiques au service
environnementales », C. Wendling, Trésor-Eco n.19, sept. 2007. Extraits.
des
politiques
Document 1
L’émergence de questions environnementales liées à la notion floue de développement
durable a conduit les économistes à réfléchir au choix du taux d’actualisation pour des
horizons temporels beaucoup plus éloignés que ceux usuellement considérés sur les
marchés financiers. Pour illustrer, considérons la possibilité pour la génération présente de
modifier l’architecture d’un site de stockage de déchets nucléaires de manière à réduire de 1
million d’euros de 2005 le coût d’une intervention in situ en 2205. Si un taux de 6% est
utilisé, il n’est désirable de réaliser cette modification que si son coût est inférieur à la valeur
actualisée de ce bénéfice futur, qui est égale à… 106/1.06200 = 8,7 euros ! Dès lors, de
nombreuses voix se sont élevées pour rejeter le calcul économique sur la base du fait que
cette méthode ne prend pas en compte, ou si peu, les intérêts des générations futures.
D’autres proposent d’utiliser un taux d’actualisation plus faible pour des horizons éloignés,
de manière à valoriser plus les coûts et bénéfices futurs.
Document 2
Si la réglementation constitue un instrument
classique, qui vise à contraindre le
comportement des pollueurs, les instruments
économiques s'appuient sur une approche
incitative pour favoriser les comportements
plus vertueux.
La fiscalité environnementale et les marchés
de permis en constituent les formes
principales et sont déjà utilisés dans l’Union
Européenne et dans plusieurs pays de l'OCDE.
En donnant un prix à des biens
environnementaux, via le taux de la taxe ou le
prix du permis, ils incitent les pollueurs à
modifier leur comportement. Ils présentent de
nombreux avantages par comparaison avec
l'approche réglementaire. En écartant toutes
les actions dont le coût est supérieur au prix
du permis ou au montant unitaire de la taxe,
ils permettent tout d'abord d'atteindre un
objectif environnemental donné à moindre
coût. Ils constituent également des incitations
à la recherche permanente de solutions moins
coûteuses et amplifient l'effort d'innovation
des acteurs économiques, ce qui peut être
déterminant à long terme.
Il est alors possible d'établir une hiérarchie sur
l'efficacité des instruments en fonction des
problèmes environnementaux considérés.
Ainsi, un marché de permis permet de garantir
ex-ante un résultat environnemental alors que
la fiscalité environnementale permet au
contraire de fixer ex ante le coût de cette
politique pour les agents. La réglementation
peut, quant à elle, être parfaitement légitime
dans certains cas, notamment face à des
risques de dommages catastrophiques et/ou
irréversibles. […]
Les différents exemples étrangers ont montré
que le respect de la neutralité financière de la
réforme constituait une des clés essentielles
de son acceptabilité. L'objet des instruments
économiques n'est pas d'augmenter le volume
global des recettes fiscales ou publiques ni le
taux global des prélèvements obligatoires. La
mise en œuvre de nouveaux instruments
devrait, en règle générale, s'accompagner de
compensations
appropriées
ou
de
redistributions des recettes fiscales.
Ce principe doit en théorie se concevoir au
niveau de l'économie dans son ensemble. […]
En pratique, une solution transitoire et
intermédiaire peut toutefois être recherchée,
le recyclage ciblé des recettes constituant un
levier pour favoriser l'acceptation des
réformes, en annulant ou en réduisant les
conséquences sur la compétitivité des
secteurs assujettis et les effets redistributifs
sur les ménages. Ainsi, lorsque les taxes ne
sont pas harmonisées au niveau international
et lorsqu'il apparait trop difficile de mettre en
place une taxe d'ajustement aux frontières sur
les importations (ou une subvention à
l'exportation), le maintien de la compétitivité
des industries les plus touchées peut justifier
la restitution totale ou partielle des recettes
des écotaxes aux pollueurs. Un tel recyclage
des recettes atténue le caractère incitatif de la
taxe mais ne l'annule pas dès lors que le
critère de redistribution ne s'avère pas
parfaitement corrélé avec la pollution émise.
La taxe suédoise sur les émissions de NOx
des installations de combustion est ainsi
redistribuée au prorata de la production
d'énergie des redevables. Cette taxe constitue
un succès remarquable, dans la mesure où elle
a exercé un impact avéré sur les émissions
sans nuire à la compétitivité des entreprises
assujetties. Par ailleurs, le choix d'un marché
de permis avec allocation initiale gratuite (ou
partiellement gratuite), comme dans le cas du
marché européen de CO2, permet de limiter
les effets redistributifs de la taxe.
Enfin, ignorer la dimension redistributive dans
la conception et la mise en œuvre des
instruments peut conduire rapidement à un
rejet et un échec de la politique
environnementale. En effet, tout instrument
économique a deux dimensions : il influence
l'allocation des ressources (et, du point de vue
des politiques environnementales, c'est là sa
raison d'être), et, simultanément, il affecte la
distribution des revenus. Cet effet dépend du
niveau de contrainte des efforts demandés aux
agents, de leur coût d'abattement et du choix
de l'instrument (une taxe sans redistribution
peut induire des flux financiers importants).
Des instruments spécifiques peuvent ainsi être
envisagés, comme une baisse de la fiscalité
directe par exemple.
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