Le tabagisme au féminin

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Extrait d’article de la revue Mutuelle et Santé n° 39 Santé
UNE ACCUMULATION DE RISQUES
Le tabagisme au féminin
Le nombre de femmes fumeuses, notamment les adolescentes, ne cesse d’augmenter. Ce
constat est d’autant plus inquiétant que l’on connaît déjà très bien les ravages causés
par le tabac dans la population masculine ; les responsables de santé craignent à terme,
pour les femmes, des conséquences pires encore
« Hé ! Monsieur, une cigarette/Une cibiche ça n’engage à rien… » chantait-on
au début du siècle dernier, quand le tabac – le gris, dans ses doigts que l’on
roule – était encore assimilé, pour une femme, à la débauche. L’évolution des
mœurs, en quelques décennies, a submergé tout cela : les bouts dorés, les
blondes – ce tabac-là, dit toujours la chanson, « c’est du chiqué » – puis les
filtres ont en quelque sorte féminisé la cigarette, l’ont civilisée d’ailleurs à tel
point que tout le monde, homme ou femme, jeune ou moins jeune, fume à peu
près, aujourd’hui, le même type de cigarette.
Ce qui est nouveau pourtant, depuis quelques années, c’est que le tabagisme
masculin a régressé alors que, chez les femmes, la tendance est inverse, le
pourcentage des adolescentes fumeuses ayant même dépassé celui des garçons
fumeurs du même âge.
Un marqueur social
La consommation masculine a d’abord été l’apanage des classes supérieures,
puis la pratique a gagné les hommes des milieux populaires dans la première
moitié du XXe siècle, en relation étroite d’ailleurs avec l’alcoolisme.
Aujourd’hui, on note un reflux de la consommation du tabac dans les classes
moyennes et supérieures mais une stagnation dans le monde des ouvriers et
employés. Quoi qu’il en soit, on peut considérer, globalement, que le
tabagisme masculin a désormais atteint son apogée et se trouve plutôt en
phase de régression.
Extrait d’article de la revue Mutuelle et Santé n° 39 C’est loin d’être le cas pour la population féminine. Avec environ deux
générations de décalage, on assiste à un processus similaire à celui des
hommes : pour les femmes de la seconde moitié du XXe siècle, fumer a d’abord
été le privilège d’une classe sociale cultivée et aisée en même temps qu’un
signe d’émancipation. Ce sont ces femmes qui, à l’heure actuelle, fument
davantage, mais la diffusion de la pratique dans les milieux plus modestes,
encore, hélas ! à ses débuts, laisse augurer un phénomène analogue à celui
qu’on a connu dans la population masculine, à savoir qu’il faudra sans doute
beaucoup de temps pour que l’on parvienne à une phase globalement
descendante.
Une question d’image
Voir une femme fumer dans la rue, au milieu des années soixante, suscitait
pour le moins de l’étonnement. Dix ans plus tard, cela n’étonnait plus grand
monde mais ce n’était pas très fréquent. Aujourd’hui, on fume jusque dans les
cours de collèges, ou en tout cas sur le trottoir, devant l’entrée du lycée, et les
filles encore plus que les garçons si l’on se réfère aux statistiques relatives aux
moins de 18 ans.
Chez les adolescentes, la cigarette symbolise sans doute l’égalisation des
chances entre garçons et filles, ainsi que l’affirmation de l’indépendance, voire
de l’accession à la réussite sociale. Le milieu familial ne joue pas un mince rôle
dans l’affaire : l’accompagnement tabagique de l’émancipation de maman à la
génération précédente sera d’autant mieux reproduit que maman continue de
fumer à la maison. Mais le déterminant social joue tout autant : si les garçons
fument, c’est pour faire comme les copains ; pour les filles, c’est plutôt
l’inverse, par désir de se singulariser et pour donner de soi une image à la fois
originale et conforme aux stéréotypes de la mode véhiculés par les émissions
de télé et les magazines féminins.
Des risques accrus
Le tabac tue en France environ 60 000 personnes chaque année, dont la moitié
par cancer du poumon ou des voies respiratoires, de l’œsophage, du côlon, de
la vessie… Tous les fumeurs courent des risques communs et, actuellement, la
mortalité masculine par cancer du poumon l’emporte largement sur la
mortalité féminine pour la même affection. Cependant, cette dernière en
région parisienne dépasse déjà celle causée par le cancer du sein, or il y a tout
lieu de s’inquiéter en outre des interactions néfastes entre le système hormonal
féminin et le tabac : des études montrent que le cancer du col de l’utérus est
quatre fois plus fréquent chez les femmes fumeuses, et les accidents
vasculaires sont multipliés par dix pour les femmes qui associent tabac et
pilule contraceptive, surtout après 35 ans
D’autres effets liés à l’action anti-œstrogène du tabac ont été constatés, comme
une baisse sensible de la fertilité et une ménopause plus précoce.
Extrait d’article de la revue Mutuelle et Santé n° 39 Parallèlement, le tabagisme au long cours finit par provoquer des affections
bucco-dentaires rebelles aux actes de chirurgie tels les implants ou les greffes
osseuses ainsi que les traitements parodontaux. D’un point de vue
dermatologique enfin, le tabac altère les fibres élastiques de la peau – ce qui
nuit à une bonne cicatrisation –, favorise les rides et donne un teint grisâtre.
Pour en sortir
L’information sur les ravages du tabagisme est largement faite ; les interdits –
d’affichage, de publicité, de vente aux mineurs, de fumer à peu près partout…
– s’accumulent et finissent par s’imposer peu ou prou ; les prix de l’herbe à
Nicot montent inexorablement – à un point tel d’ailleurs que la contrebande
fleurit et que les diverses mafias recommencent à s’intéresser à ce marché – et
pourtant, comme nous l’avons vu au début, la décrue est lente et ne s’applique
pas à la population féminine prise dans son ensemble. Les jeunes femmes,
notamment, non seulement ne « décrochent » pas mais sont de plus en plus
nombreuses à fumer.
Parmi toutes les mauvaises raisons qui expliquent ce phénomène, on peut en
retenir deux qui se conjuguent en se contrariant mutuellement : si l’acte de
fumer, initié relativement tôt pour les raisons énoncées plus haut, est une
forme de réponse au stress de la vie moderne où les femmes se trouvent dans
la situation de devoir faire doublement leurs preuves professionnelles tout en
essayant d’accomplir au mieux leur vie familiale, le fait de vouloir arrêter de
fumer leur fait craindre non seulement de se priver d’un « anxiolytique »
agréable et convivial mais de devoir ensuite lutter encore plus difficilement
contre la prise de poids que le sevrage induit quasi systématiquement.
Il faut pourtant sortir de ce cercle vicieux, par des réponses différenciées qui,
précisément, tiendront compte, pour les jeunes femmes, de cet épouvantail du
surpoids qui paralyse souvent les meilleures volontés. Les mesures diététiques
et les conseils psychologiques sont les deux axes de la prise en charge
nécessaire, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de femmes enceintes, où la notion
de risques accrus concerne à la fois la mère et le futur enfant.
Dans le domaine de la prévention, signalons cette initiative toute simple qui a
été lancée par un médecin du Nord – Pas-de-Calais, qui consiste à effectuer
une mesure systématique du taux d’oxyde de carbone dans l’air expiré.
Appliquée expérimentalement dans les écoles et collèges – mais pourquoi pas
dans les administrations ou les entreprises –, elle est une excellente approche
pour l’arrêt de la cigarette car elle permet au fumeur de prendre
immédiatement conscience de son degré d’intoxication.
Extrait d’article de la revue Mutuelle et Santé n° 39 Des adresses utiles
• Office français de prévention du tabagisme : 66, boulevard Saint-Michel,
75006 Paris. Tél. : 01 43 25 19 65. Il informe sur tous les centres de sevrage
tabagique en France.
• Comité national contre le tabagisme : 31, avenue Michel-Bizot, 75012 Paris.
Tél. : 01 44 23 04 00.
Tabac et grossesse
Malgré toutes les mises en garde à propos du caractère hautement nuisible du
tabac pour le développement du fœtus, on estime que les grossesses sous
dépendance tabagique sont trois fois plus nombreuses aujourd’hui qu’il y a
vingt-cinq ans. D’où la multiplication des risques :
• d’avortement spontané,
• d’accouchement prématuré,
• de retard de croissance à la naissance,
• d’infections respiratoires et ORL du nouveau-né,
• de mort subite du nourrisson.
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