La transparence et la régulation au chevet de la

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La transparence et la régulation au chevet de la Bourse de Casablanca.
La plupart d’entre nous qui nous souvenons de l’introduction d’actions sur le marché de la
Bourse de Casablanca de mastodontes tels que la Société nationale d’investissement (SNI),
pouvons témoigner de la profonde et alarmante mutation. Il y a une quinzaine d’années, chacun
comptait dans son entourage au moins une personne qui avait embrassé cette déferlante
élevée au rang du phénomène de mode, cette euphorique culture et ce way of life prometteur
pour les
gold
en boys
en herbe. A l’époque, la totalité des initiés qui avaient acheté les valeurs idoines telles que la
SNI proposées au
grand public
par la Bourse de Casablanca avait démultiplié leurs capitaux de façon exorbitante. Bien des
fortunes s’étaient donc faites du jour au lendemain grâce à l’achat et à la revente quasi
immédiate des titres porteurs. L’économie marocaine étant articulée autour du libre marché,
l’avenir semblait radieux.
Dans la foulée, d’autres grosses entités, dont des banques, des compagnies d’assurance et
des holdings de participation, en mettant leurs actions sur le marché casablancais ont
également fait le bonheur d’investisseurs nationaux qui ont réalisé des gains loin d’être
négligeables. Inaugurant une « nouvelle ère de prospérité », chaque établissement banquier,
en dehors de petites entités créées pour gérer les transactions, a créé sa propre « salle de marché
» dédiée aux boursicoteurs.
Un socle stable et bien préparé pour la finance.
En plein boom de l’économie mondiale, rassérénée par l’énorme big bang engendré surtout
aux Etats-Unis et en Europe par le fulgurant développement du poids du secteur des nouvelles
technologies, l’économie mondiale se portait comme un charme. Et la « place casablancaise
» aussi. Le socle de cette nouvelle tendance économique basée sur la finance avait d’ailleurs
été méticuleusement déblayé par le lancement en 1986 du Programme d’ajustement structurel
avec les équilibres fondamentaux et la maîtrise de l’inflation à la clé. Et, en 1993, la
promulgation de textes juridiques dédiés à réformer et à consolider le marché boursier a
apporté de l’eau au moulin de l’investissement boursier.
Le Maroc a même commencé à clignoter sur les écrans radar de « veilleurs » de la finance
internationale. A l’exemple de George Soros, gourou Hongro-Américain de la finance, des
financiers internationaux ont dopé l’euphorie en achetant des valeurs marocaines proposées
par des holdings intégrés comme l’Omnium Nord Africain (ONA).
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Et puis, presque d’un seul coup, l’optimisme a commencé à céder la place au doute, voire au
risque. L’embellie, pourtant pressentie comme un phénomène complètement acquis et
irréversible, n’a malheureusement pas tenu plus d’une décennie. A qui la faute ? La grisaille
économique mondiale ? La surévaluation du foncier ? La crise de l’investissement interne ? Le
surendettement ? L’absence de l’épargne ? Les trop grosses prises de risques ? La
manipulation malveillante de certaines valeurs par de très gros donneurs d’ordre ? Aucun
analyste n’a réellement pu expliquer comment, en quelques années, la Bourse de Casablanca a
commencé à chanceler, en « lâchant » les heureux financiers qu’elle a contribué à faire.
Des boursicoteurs de plus en plus frileux…
« J’avais un portefeuille de quarante cinq millions de dirhams exclusivement constitué de
valeurs sûres, sur des sociétés qui avaient toujours d’excellents fondamentaux, avec des gains
annuels inédits dans des secteurs liés à l’immobilier qui est en plein boom au Maroc »,
rapporte un ex banquier reconverti à la Bourse. « Je n’ai investi que dans le ciment, le fer à béton, les grands groupes de promotion immobilière
qui affichent de gros gains annuels et se fixent des projets de plus en plus importants, et donc
on ne peut pas dire que j’ai pris trop de risques. Depuis 2007, sans raison apparente, en quatre
ou cinq ans, j’ai presque tout perdu. J’ai gardé mon portefeuille, avec les mêmes valeurs, mais
à partir d’un certain moment j’ai été obligé de commencer à vendre juste pour payer les intérêts
sur mes crédits. Je peux vous avouer qu’il me reste le dixième de ce que j’avais au départ.
»
Il ne s’agit pas là d’une simple mésaventure isolée. Beaucoup d’investisseurs financiers se
trouvent aujourd’hui de moins en moins rassurés. « Nous sommes pourtant au Maroc »,
explique un autre investisseur. « Tous ces produits financiers toxiques et hyper complexes comme les Swaps, toutes ces
banques d’affaires qui font la pluie et le beau temps sur Wall Street et qui ont été à l’origine de
la crise aux Etats-Unis n’existent pas ici. Nous avons une économie bâtie sur des valeurs
matérielles sûres et les banques sont des acquis solides et ne mettent jamais un client sur une
piste risquée. Je ne comprends pas comment les choses ont mal tourné à ce point…
»
La Bourse a tout de même créé des fortunes.
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Sans pour autant être un analyste affiné et rompu au monde de la finance, il ne serait
certainement pas tout à fait absurde de faire un lien, aussi faible fut-il, entre le comportement du
marché financier casablancais et l’affaissement économique des grandes puissances. « Il est
clair que quand les gens voient ce qui se passe en Europe, dans des pays comme l’Espagne, la
Grèce, voire la France, des pays où la tendance est au retrait des marchés financiers et du
placement sur d’autres valeurs plus sûres comme l’or, ils ont tendance à se crisper, à retirer
leurs billes, et il n’y a rien de plus mauvais qu’un marché méfiant
», note un agent de change. D’un autre côté, « il ne faut pas oublier que la plupart des investisseurs qui se plaignent aujourd’hui ont tout de
même fait leurs fortunes grâce à la Bourse
», ajoute-t-il.
L’appareil régulateur doit être plus efficace en cas de besoin.
Du côté des régulateurs du marché, on a tendance à expliquer (au moins partiellement) les
déboires du marché par l’absence de moyens efficaces assurant la capacité de pénaliser les
délits d’initiés, les manipulateurs des cours des valeurs. « Aucun administrateur de l’autorité de
marché ne doit émaner d’une structure qu’elle régule
», explique dans un entretien à l’Economiste Hassan Bouknadel, patron du CDVM, gendarme
du marché financier. Selon lui, la loi sur l’autorité marocaine du marché des capitaux qui sera
bientôt implémentée a pour but de garantir cette indépendance. « L’information financière est le moteur du marché
», rappelle-t-il. « Il est vital qu’elle soit utilisée à bon escient
», commente un spécialiste.
La communication des entreprises sur leurs fondamentaux laisserait également à désirer.
Jusqu’ici opaques ou rares, les indicateurs doivent être entièrement et facilement accessibles
aux investisseurs tous les trois mois. La nouvelle loi en gestation, entre autre destinée à mettre
fin aux pratiques illégales telles que les délits d’initiés est censée « durcir les sanctions ». Pour
être plus efficace, le collège de sanction comprendra, entre autres, un magistrat désigné par le
ministre de la Justice.
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Autre mesure préconisée par Hassan Bouknadel, les investisseurs crispés ont tendance à ne
plus participer à la dynamique et donc à figer leurs transactions. Résultat, la circulation des
fonds entre les créditeurs qui prêtent aux clients pour investir dans la Bourse se resserre de
plus en plus. La difficulté des emprunts octroyés aux investisseurs amplifie le phénomène. D’où
un goulot d’étranglement qui accentue l’incapacité des débiteurs à s’affranchir de leurs crédits,
voire des intérêts de leurs dettes. Selon le patron du CDVM, la nouvelle loi qui régira les prêts
et les emprunts en protégeant les deux partis dès le mois prochain devrait être à l’origine de
l’ouverture d’une grosse soupape et tendre à éliminer l’obstacle.
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