warhol

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Andy
WARHOL
Auteur : Eric Shanes
Mise en page : Baseline Co. Ltd
19-25 Nguyen Hue Blvd, District 1
Hô Chi Minh-Ville, Vietnam
ISBN 978-1-78042-288-6
© Confidential Concepts, worldwide, USA
© Sirrocco, Londres, UK (édition française)
© Warhol Estate / Artists Rights Society, New York, USA
Tous droits d’adaptation et de reproduction réservés pour tous pays.
Sauf mention contraire, le copyright des œuvres reproduites se trouve
chez les photographes qui en sont les auteurs. En dépit de nos
recherches, il nous a été impossible d’établir les droits d’auteur dans
certains cas. En cas de réclamation, nous vous prions de bien vouloir
vous adresser à la maison d’édition.
Sommaire
5
Sa vie
56
Son œuvre
154
Biographie
157
Bibliographie
158
Index
4.
Sa vie
Toute forme d’art illumine la culture dans laquelle il est créé, même si cette culture ne sert
ordinairement que de simple arrière-plan à la projection de quelque réalité plus idéale ou
différente de l’artiste. Dans le cas du Pop Art, c’est précisément la toile de fond de la culture
de masse qui a occupé le premier plan de l’art lui-même. En magnifiant le manque de goût,
l’extrême vulgarité ou le kitsch, sous-produits incontournables d’une mondialisation croissante
de la culture, les artistes Pop ont non seulement attiré l’attention sur cette dégradation du
jugement, mais aussi souligné leur propre détachement à son égard, comme pour affirmer leur
position d’individus privilégiés, en marge de cette société et vierges de toute corruption. En
inaugurant tout un éventail de techniques et par l’emploi de couleurs criardes traduisant la
violence visuelle si commune à la culture de masse, Andy Warhol jeta une lumière directe ou
indirecte sur le dégoût du monde, le nihilisme, le matérialisme, la manipulation politique,
l’exploitation économique, la consommation ostentatoire, l’adoration des héros médiatiques et
la fabrication artificielle de besoins et d’aspirations.
De prime abord, les images de Warhol peuvent sembler assez simples. C’est précisément cette
simplicité qui leur confère un impact visuel immédiat très fort. La répétition que Warhol
employa dans un grand nombre de ses tableaux était conçue pour imiter la colossale
reproduction d’images utilisée dans la culture de masse pour vendre des biens et des services, y
compris à travers des vecteurs de communication comme les films et les programmes TV. En
intégrant dans ses images les techniques mêmes de la production de masse, inhérentes à la
société industrielle moderne, Warhol reflétait directement les us et abus les plus importants de
la culture en accentuant, jusqu’à l’absurdité, le détachement complet de toute implication
émotionnelle qu’il constatait partout autour de lui. En outre, tout en faisant partie du
mouvement du Pop Art, Warhol poussa plus loin les assauts contre l’art et les valeurs
bourgeoises, inaugurés par les Dadaïstes en leur temps. Ainsi, en manipulant les images et la
personne publique de l’artiste, il fut capable de nous jeter au visage les contradictions et la
superficialité de la culture et de l’art contemporains. Enfin, c’est sa critique incisive de la
culture et la vivacité avec laquelle il l’exerçait, qui assureront une pertinence durable à ses
œuvres, longtemps après que les objets spécifiques qu’il représenta (les boîtes de soupe
Campbell et les bouteilles de Coca-Cola) seront devenus obsolètes ou que les personnages
éminents qu’il dépeignit (Marilyn Monroe, Elvis Presley et Mao Tse-Tung) se seront simplement
mués en superstars d’hier.
Andy Warhol naquit sous le nom d’Andrew Warhola le 6 août 1928 à Pittsburgh en
Pennsylvanie. Il était le troisième fils d’Ondrej et de Julia Warhola. Ses parents avaient tous
deux émigré d’un petit village situé en Ruthénie sub-carpatique près de Presov en Slovaquie
mais qui appartenait alors à l’Empire austro-hongrois.
1. Dick Tracy, 1960.
Caséine et crayon sur toile,
121,9 x 83,9 cm,
The Brant Foundation,
Greenwich.
Bien que Pittsburgh ait été, et demeure l’une des villes industrielles les plus dynamiques des
Etats-Unis, la Dépression affecta sérieusement son économie peu après la naissance de Warhol
et son père compta parmi les dizaines de milliers d’hommes laissés sans travail par la récession.
Mais Ondrej Warhola était un homme plein de ressources et sa famille n’eut pas à souffrir
excessivement de la crise. Vers 1934, il avait retrouvé une aisance financière suffisante pour lui
permettre d’installer sa famille dans un secteur plus salubre de Pittsburgh, et peu de temps
après, son plus jeune fils entra à la Holmes Elementary School où ses talents artistiques se
révélèrent bientôt. Dès l’âge de neuf ans, Warhol fut encouragé à participer régulièrement
aux cours d’éducation artistique au Carnegie Institute Museum of Art. Warhol bénéficia de
5.
2. Statue de la Liberté, 1963.
Peinture acrylique et sérigraphie
sur toile,
Collection Daros, Zurich.
3. Jasper Johns, Drapeau sur
rectangle orange II, 1958.
Encaustique sur toile,
92,7 x 37,2 cm,
Collection privée.
6.
7.
quelques rudiments d’histoire de l’art. En outre, les cours du Carnegie Institute lui offrirent
également un aperçu de la grande vie, plusieurs de ses coreligionnaires étant issus de milieux
très privilégiés qui, comme il le raconta plus tard, lui « firent entrevoir l’univers de la richesse
et du succès ».
En septembre 1941, Warhol entra à la Schenley High School de Pittsburgh, où ses talents
artistiques furent encore encouragés. Mais ces années furent assombries par l’aggravation de la
maladie et la mort du père de Warhol en mai 1942. Ceci contraignit non seulement la famille
à compter sur elle-même mais, et cela est compréhensible, elle communiqua au futur peintre
une peur de la mort et de la maladie.
Warhol obtint son diplôme de la Schenley High School en 1945 ainsi qu’une place au Carnegie
Institute of Technology (aujourd’hui Carnegie-Mellon University) de Pittsburgh, choisissant le
graphisme comme matière principale. Il souffrait du besoin d’affirmer sa personnalité
artistique. Très fréquemment, il produisait des œuvres visiblement conçues pour plaire à ses
professeurs plutôt que pour exprimer sa propre vision des choses. Par conséquent, à la fin de
sa première année, Warhol fut menacé d’exclusion des cours. Ceci eut un effet galvanisant sur
lui, et pendant les vacances qui suivirent, il travailla d’arrache-pied à réaliser des dessins de la
vie quotidienne à Pittsburgh. A l’automne, au moment où le collège reprit, Warhol avait déjà
réalisé quelques excellents travaux qui lui permirent de reprendre sa place au cours de
graphisme et lui valurent une exposition au sein du département artistique. Cette récompense
possédait une valeur inestimable pour Warhol car elle venait renforcer sa confiance en lui,
spécialement après la crainte de l’expulsion.
Warhol bénéficia d’une excellente formation artistique au Carnegie Institute of Technology.
C’est dans un livre de Moholy, The New Vision (La nouvelle vision), qu’il a pu appréhender l’idée
que le processus mental est une composante plus importante de l’acte créatif, que l’habilité de
la main. Moholy-Nagy célébrait aussi la création d’œuvres d’art grâce à des moyens
complètement mécaniques et détachés émotionnellement, et de telles recommandations
pourraient bien avoir influencé la pratique artistique de Warhol adulte.
Indirectement, un autre ancien enseignant du Bauhaus a certainement eu un effet immédiat sur
le développement stylistique de Warhol. Il s’agit du peintre suisse Paul Klee, dont le Pedagogical
Sketchbook était une lecture obligatoire pour les étudiants du Carnegie Tech. Il reçu aussi
l’influence d’un des plus éminents designers, Ben Shahn. Nombre d’illustrations du magazine
de Warhol de la fin des années 40 et des années 50 se rapprochent beaucoup du style des dessins
de Shahn, car c’est sûrement à partir de la technique des lignes discontinues de Shahn que
Warhol développa sa propre technique, plus vivante par l’aspect brouillé du trait. Warhol
réalisait une matrice de dessin dont il tirait ensuite un nombre incalculable d’impressions offset
en repassant sur les lignes à l’encre ou à l’aquarelle puis en pressant le dessin humide contre
une feuille de papier propre, afin d’en obtenir une image inversée. Cette technique spécifique
conférait au trait un aspect brouillé dû au ré-encrage inégal du dessin original et donnait aux
dessins de Warhol une originalité visuelle instantanée, et fut la première de ses nombreuses
techniques de reproduction d’images en masse.
Les autres artistes dont Warhol avait découvert la production au Carnegie Tech à la fin des
années 40 étaient Marcel Duchamp et Salvador Dalí. Plus tard, Warhol posséda même des
œuvres de Duchamp, et par son iconoclasme artistique, il se révéla certainement le digne
successeur du français, vidant la culture de ses prétentions et subvertissant les attentes de la
création.
4. Schéma de dance (Fox Trot),
1962. Caséine et crayon sur
Au printemps 1948, Warhol obtint un diplôme professionnel de pratique du dessin en
travaillant à mi-temps pour le service artistique du plus grand magasin de Pittsburgh.
8.
toile, 177,8 x 137,2 cm,
Collection Onnash.
9.
5. A la Recherche du Shoe Perdu,
1955. Lithographie et aquarelle,
chacune 24,5 x 34,5 cm,
The Andy Warhol Foundation for
the Visual Arts, Inc., New York.
10.
6. Publicité de chaussures pour
I.Miller, 1958.
The Andy Warhol Foundation for
the Visual Arts, Inc., New York.
11.
7. Photographie d’Andy Warhol et
Jasper Johns, vers 1964.
12.
8. Cagney, 1962. Sérigraphie sur
papier, 76,2 x 101,6 cm,
Collection Mugrabi.
13.
14.
En juin 1949, Warhol acheva au Carnegie Institute of Technology des études couronnées par un
diplôme de Bachelor of Fine Arts. Le mois suivant, il s’installa à New York. Lors de son premier
voyage à New York en septembre 1948, Warhol avait lié connaissance avec Tina Fredericks, la
directrice artistique du magazine de mode Glamour et il chercha donc à la recontacter pour lui
demander du travail. Elle lui acheta un dessin et lui commanda une série d’illustrations de
chaussures, un thème dont Warhol allait bientôt faire sa spécialité. Lorsque ces illustrations
parurent dans le magazine en septembre 1949, la lettre « a » du nom de Warhol avait disparu
dans les crédits (peut-être par hasard) et l’artiste adopta cette orthographe par la suite.
Warhol était décidé à réussir à New York et il parcourut tous les bureaux des directeurs
artistiques en quête de travail, cultivant même un look de sans-le-sou, « Andy la guenille », pour
gagner la sympathie de clients potentiels. En relativement peu de temps, Warhol fut très
demandé pour ses illustrations pleines de caractère pour le groupe Condé Nast (auquel
appartenait le magazine Glamour).
Pendant l’année 1950, la carrière de Warhol se déroula honnêtement, et l’année suivante il créait
ses premiers dessins pour la télévision. Et en septembre 1951, l’un de ses dessins fut reproduit
en pleine page dans le New York Times pour vanter un nouveau programme de radio sur la
criminalité, ce qui favorisa grandement sa réputation professionnelle. Deux ans plus tard, cette
publicité lui valut sa première médaille d’or de l’Art Director’s Club.
En juin 1952, l’artiste organisa sa première exposition. Elle fut montée à la Galerie Hugo et
comprenait un ensemble de quinze dessins basés sur les écrits de Truman Capote. L’exposition
des dessins sur Capote fit l’objet d’une ou deux critiques mais Warhol ne vendit rien. Mais à
cette époque, sa carrière publicitaire connaissait un véritable essor. Très rapidement, Warhol
était devenu l’illustrateur de mode le plus recherché de New York.
Warhol avait découvert son homosexualité latente pour la première fois alors qu’il était
étudiant à Pittsburgh, mais naturellement, dans un tel environnement provincial, étriqué et
intolérant, il avait été très prudent quant à ses préférences sexuelles. Dans l’univers plus ouvert
de New York, il se sentait moins inhibé et au début il céda pleinement à ses tendances sexuelles,
bien que ses mœurs se firent de moins en moins débridées avec le temps. En effet, Warhol
établit par la suite un certain nombre de relations assez profondes, comme avec Charles
Lisanby, qu’il rencontra à l’automne 1954 et dont il fut très proche pendant une dizaine
d’années. Plus tard, Warhol eut d’autres relations et s’éprit fréquemment, mais la plupart du
temps, il minimisait sa dimension sexuée et souvent il sublimait sa sexualité par un voyeurisme
extrêmement manipulateur.
En 1954, Warhol organisa trois expositions à Galerie du Loft, dont la première fut éreintée dans
la presse parce que Warhol osait être à califourchon entre le monde des arts appliqués et celui
des Beaux-Arts. Cette même année, Warhol publia de nouveaux livres comme Twent y-f ive Cats
Name [sic] Sam and One Blue Pussy, qu’il vendait (comme ses dessins) essentiellement grâce à
l’épicerie-restaurant Serendipity.
9. Liasse de billets, 1962.
Crayon, feutre et crayon de
couleur sur papier,
101,6 x 76,4 cm,
Museum of Modern Art,
New York.
C’est en 1955, que Warhol obtint, pour la boutique de chaussures très à la mode I. Miller, la
commande d’une série de dessins destinés à paraître presque chaque semaine dans l’édition du
dimanche du New York Times. Les illustrations de chaussures de Warhol connurent un énorme
succès. Son nouvel assistant d’atelier, Nathan Gluck, avait de bonnes relations dans le milieu
du commerce et il s’arrangea pour que Warhol soit chargé de la conception des vitrines du
grand magasin Bonwit Teller. Warhol vendit beaucoup de dessins originaux de la publicité pour
les chaussures d’I. Miller par le biais du magasin Serendipity, et il publia ensuite un livre
comportant des dessins de chaussures très fantaisistes, intitulé A la Recherche du Shoe Perdu, les
chaussures étant des objets qui l’attiraient sexuellement. Plus tard, il collectionna des centaines
15.
10. Double Autoportrait, 19661967. Sérigraphie sur deux
panneaux, chacune
55,9 x 55,9 cm,
The Brant Foundation,
Greenwich.
16.
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