LA BALANCE DES PAIEMENTS Remarque : Cette fiche propose une simplification de la réalité pour mieux comprendre le principe de construction et la lecture de la balance des paiements. Pour une présentation plus rigoureuse, on peut se référer à l’ouvrage de Michel Karlin et Claude Dufloux « La balance des paiements », Economica 2004. 1. A quoi sert-elle ? La balance des paiements est un document statistique qui retrace l'ensemble des échanges réels (biens et services), monétaires (paiements de salaires, versement de revenus) et financiers (actions, obligations, emprunts/prêts) entre les agents économiques résidents d'une économie et les non-résidents au cours d'une période déterminée. Elle se présente sous la forme de 3 comptes : compte des transactions courantes, compte de capital et compte financier (plus une dernière ligne pour les erreurs et omissions). Exemple ci-dessous du compte des transactions courantes et du compte de capital : Source : Balance des paiements, Rapport annuel, Banque de France, 2012 La balance des paiements permet de savoir si les exportations permettent de financer les importations, si les créances de la nation excèdent les dettes ou inversement, si les échanges avec les autres pays peuvent être à l’origine de conséquences négatives sur l’économie du pays … Fiche : la balance des paiements – B. Papon-Vogler – 2012-2013 Page 1 2. Pourquoi est-elle toujours en équilibre ? La balance des paiements est un document comptable dans lequel chaque flux est comptabilisé deux fois : une fois sous forme de crédit et une fois sous forme de débit. Par conséquent, par sa construction même, la balance des paiements est toujours équilibrée. (Lorsque l’on observe des écarts entre la somme des crédits et la somme des débits, ils proviennent simplement de la diversité des sources d’information ; c’est pourquoi il existe un poste « erreurs et omissions » qui permet de rétablir l’équilibre si besoin). Par exemple, si Airbus vend un avion 320 millions d’euros au Brésil, l’exportation correspond à une entrée de devises. L’exportation sera comptabilisée en crédit du poste « biens » du compte de transactions courantes, alors que l’entrée de devises sera comptabilisée en débit du poste « avoirs de réserve » du compte financier. Ainsi, dans la balance des paiements, toute opération économique ou financière qui provoque une entrée de fonds donne lieu à une écriture de crédit, et l’entrée de fond elle-même donne lieu à une écriture de débit. Solde = crédits – débits (en millions d’euros) Crédit Débit Solde Compte des transactions courantes - Biens + 320 + 320 - Services, revenus, transferts Compte de capital Compte financier - Investissements directs Sur cette dernière ligne, un signe – au solde indique une entrée de devises (cela permet - Investissements de portefeuille d’équilibrer les comptes). Ici, la France -Avoirs et réserve + 320 - 320 connaît une diminution de ses Erreurs et omissions engagements en euros (une augmentation de ses devises) Total 320 320 0 En sens inverse, une importation de barils de pétrole (par exemple pour un montant de 400 millions d’euros) correspond à une sortie de devises. L’importation sera comptabilisé en débit du poste « biens » du compte de transactions courantes, alors que la sortie de devises sera comptabilisée en crédit du poste « avoirs de réserve » du compte financier. Solde = crédits – débits (en millions d’euros) Crédit Débit Solde Compte des transactions courantes - Biens + 320 + 400 - 80 - Services, revenus, transferts Compte de capital Compte financier - Investissements directs Sur cette dernière ligne, un signe + au solde - Investissements de portefeuille indique une sortie de devises (toujours -Avoirs et réserve + 400 + 320 + 80 pour équilibrer les comptes). Ici, la France Erreurs et omissions connaît une diminution de ses avoirs en Total 720 720 0 devises. Quand on entend à la radio ou qu’on lit dans un article que « la balance des paiements est en déséquilibre », il s’agit donc d’un abus de langage. En réalité, seuls les soldes de certains comptes peuvent être en déséquilibre. 3. Quels soldes étudier ? Le solde des transactions courantes permet de « voir » si les entrées de devises (au crédit) sont supérieures ou inférieures aux sorties de devises (au débit) lors des échanges de biens (balance commerciale au sens strict), de services (biens + services = balance commerciale au sens large), de revenus (revenus primaires : liés au travail ou au capital) et des transferts. Le solde du compte de capital est assez marginal, c’est pourquoi on simplifie souvent en disant que le solde de la balance des transactions courantes (en réalité le solde de la balance des transactions courantes + le solde du compte de capital) correspond au besoin ou à la capacité de financement de la Nation. En effet, un pays qui reçoit plus de devises qu’il n’en dépense grâce à son commerce extérieur (exportations de biens et services supérieures aux importations) et au rendement de ses investissements réalisés à l’étranger dans le passé (revenus perçus par les agents économiques nationaux supérieurs aux revenus versés aux agents économiques étrangers) est dans une situation de capacité de financement : il peut alors prêter des devises à des agents économiques extérieurs qui en ont besoin. En sens inverse, un pays dont le solde courant (= solde des transactions courantes = solde de la balance des transactions courantes) est débiteur est un pays qui est en situation de besoin de financement : il lui faut donc trouver à l’étranger la source de financement de ses dépenses (exemples : délais de paiement pour les importations ; vente d’actions ou d’obligations à des résidents étrangers ; emprunts auprès de banques étrangères ; …) Les principaux soldes étudiés sont donc les suivants : Fiche : la balance des paiements – B. Papon-Vogler – 2012-2013 Page 2 Transferts en capital Solde + si transferts financiers reçus > transferts financiers versés (essentiellement entre la France et les institutions de l’Union Européenne) Acquisition d’actifs non financiers Solde + si vente de brevets > achats de brevets Solde – si vente de brevets < achats de brevets Investissements directs IDE : investissements directs à l’étranger = acquisition d’au moins 10% du capital social d’une entreprise par une autre, d’une autre nationalité, dans le but d’établir un partenariat durable avec elle « Avoirs » : des entreprises résidentes achètent (- au crédit) ou vendent (+ au crédit) des actions étrangères « Engagements » : des entreprises étrangères achètent (- au débit) ou vendent (+ au débit) des actions françaises Solde + si avoirs > engagements => un solde positif peut donc résulter d’une bonne conjoncture économique (les entreprises étrangères investissent en France) ou d’une mauvaise (les entreprises françaises vendent leurs actions étrangères) Solde – si avoirs < engagements Investissements de portefeuille Même principe Autres investissements Même principe : « Avoirs » : les agents économiques français prêtent des fonds à l’étranger (-) ou se font rembourser (+) « Engagements»: les agents économiques français empruntent des fonds à l’étranger (+) ou les remboursent (-) Avoirs de réserve Chaque opération avec l’extérieur induit une entrée de devises (ex : une exportation de voiture au Japon induit une entrée de yen) ou une sortie de devises (ex : achat de pétrole aux Emirats Arabes induit une sortie de dollars, IDE implique sortie d’€ ou de $, …). Ce poste est ainsi la contrepartie du solde global des autres postes Les avoirs de réserve sont ainsi essentiellement constitués des devises étrangères détenues sur le territoire national = réserves de change. Alors que dans les autres lignes, un signe + indique des entrées de devises, au contraire, dans cette ligne, un signe + correspond à une diminution des réserves de change de la Banque de France => c’est ce qui permet d’équilibrer les comptes. Solde des flux financiers Compte financier Remarque : le compte financier a une double nature : - comptable : les flux monétaires retracent la contrepartie des flux réels. Toute opération réelle ou financière a une contrepartie (que nous avons indiquée pour simplifier en augmentation ou diminution des avoirs de réserve) - financière : le compte financier retrace les opérations d’investissements (à comprendre ici plutôt dans le sens de « placements financiers »). Dans ce second cadre, plutôt que de « crédit et de « débit » on parle de « créances » (ou «d’avoirs ») et « d’engagements ». Un signe + au crédit indique encore une entrée de devises, un signe – une sortie de devises (et inversement au débit). Balance des transactions courantes +compte de capital = Capacité ou besoin de financement de la nation Transferts courants Généralement solde – en France opérations sans contrepartie (envoi de fonds à l’étranger à la famille ou à des associations d’aide humanitaire, dons de l’Etat français aux pays en développement) Variation de la position extérieure (variation du patrimoine financier vis-à-vis du reste du monde) Revenus Solde + si transferts de revenus résultant des « exportations » de travail (salaires des travailleurs français qui travaillent en Suisse) ou de la perception d’intérêts versés > « importations » de travail (paiement des salariés qui travaillent en France et résident à l’étranger) ou versement de dividendes Solde – si revenus perçus < revenus versés Solde commercial Services Solde + si exportations de services (hébergement en hôtel des Américains qui viennent visiter la France, assurances d’un britannique en France pour sa résidence secondaire en Bretagne, hospitalisation d’un patient étranger, …) > importations de services (transports étrangers utilisés pour les exportations de biens, …) Solde – si exportations < importations Balance des invisibles (transferts, revenus, services) Compte des transactions courantes Compte de capital Biens Solde + si exportations de biens (ex : voitures, agro …) > importations de biens (textiles, PC, …) Solde- si exportations < importations Erreurs et omissions Fiche : la balance des paiements – B. Papon-Vogler – 2012-2013 Page 3 4. Pour approfondir l’analyse … a) L’explosion des investissements de portefeuille La libéralisation des économies (en particulier dérégulation, décloisonnement, désintermédiation sur les marchés financiers) d’une part, le vieillissement de la population et les difficultés de financement de la protection sociale (avec les inquiétudes sur l’avenir du système de retraite par répartition) d’autre part, ont fortement contribué au développement des investissements de portefeuille. La généralisation des systèmes de capitalisation (les actifs préparent leur retraite en épargnant eux-mêmes durant leur vie active), couplée avec le développement de la mondialisation et des investissements directs à l’étranger, a ainsi entraîné une véritable explosion des échanges financiers. Cette envolée des marchés financiers semble en partie atténuée dans la balance des paiements car celle-ci ne retrace que le solde net des opérations. Par exemple, si un agent économique résidant en France achète des actions étrangères pour un montant de 400 € (signe – dans la colonne « avoirs » [crédit] dans le compte financier au poste investissements de portefeuille), les revend pour un montant de 450€ (signe + dans la même colonne), puis en rachète pour un montant de 550€ (signe -), on lira simplement au final -500€ (= -400 +450 -550) dans la colonne « avoirs ». b) Les déséquilibres des transactions courantes On peut observer trois grands types de configuration : un pays peut être en équilibre (solde de la balance des transactions courantes ≈ solde de la balance des capitaux [balance des capitaux = balance du compte de capital + balance du compte financier]) ; en capacité de financement (excédent de la balance des transactions courantes, donc déficit de la balance des capitaux) ou en besoin de financement (déficit de la balance des transactions courantes, excédent balance des capitaux). Un excédent de balance courante peut s’expliquer : - par des facteurs conjoncturels : un pays exportateur de biens ou de services assez peu dépendant de l’extérieur pour ses approvisionnements est positivement touché par une croissance importante de l’économie mondiale et au contraire négativement affecté par une période de récession (exemple : Irlande) - par des facteurs structurels : certains pays bénéficient d’avantages de compétitivité importants en raison de la qualité de leur produit (compétitivité hors-prix : Allemagne ou Japon) ou de la faiblesse de leurs coûts de production, souvent liée à une maind’œuvre faiblement rémunérée ou un taux de change attractif pour les consommateurs étrangers (compétitivité-prix : Chine). Un déficit de la balance courante peut s’expliquer par des raisons inverses. Toutefois, même si on établit souvent un lien entre déficit de la balance commerciale et besoin de financement, il ne faut pas confondre balance commerciale et balance des transactions courantes. En effet, d’autres facteurs que le commerce international (exportations et importations) entrent en jeu. Ainsi, un pays peut présenter en même temps un déficit de sa balance commerciale et une capacité de financement (excès d’épargne, balance des capitaux en déficit) s’il perçoit d’importants revenus (intérêts, dividendes) liés à ses investissements passés. c) Les processus de régulation : variation des taux de change et taux d’intérêt Comptablement, un pays ne peut pas être en même temps en situation d’excédent des transactions courantes et d’excédent des capitaux. Par contre, il peut connaître une tendance à l’excédent des transactions courantes (par exemple, c’est un pays compétitif, qui exporte davantage qu’il n’importe) et une tendance à l’excédent de sa balance des capitaux (les échanges de capitaux sont aujourd’hui beaucoup plus développés que les échanges de biens et services, et un pays peut « attirer » fortement les capitaux extérieurs, par exemple car les taux d’intérêt y sont plus élevés, ou car les investisseurs étrangers pensent que son économie est plus forte, que ses institutions sont plus solides, …). Dans les deux cas, la monnaie du pays en question est plus demandée par les résidents étrangers que les devises étrangères ne sont demandées par les résidents du pays. Sur le marché des changes, comme le prix de la monnaie varie en fonction des offres et des demandes, le taux de change de la monnaie s’apprécie. L’appréciation du taux de change entraîne alors une désincitation à investir dans le pays concerné ou à acheter ses produits, qui deviennent alors relativement plus chers pour les agents étrangers. En sens inverse, les agents du pays concernés sont davantage incités à investir à l’étranger ou à consommer des produits étrangers (qui eux deviennent relativement moins onéreux). Par contre, si les investisseurs étrangers ont des comportements très rigides et souhaitent toujours acquérir des capitaux du pays, quel que soit le taux de change, alors l’équilibre de la balance des paiements passera par un déficit de la balance des transactions courantes (en d’autres termes, les producteurs du pays seront fortement pénalisés par la hausse du taux de change qui nuit à la compétitivité – Exemple de l’euro « fort » et de certains pays européens). Eventuellement, les autorités monétaires peuvent alors décider de réduire les taux d’intérêt directeurs, afin que les investisseurs étrangers (au moins à court terme) trouvent moins attractifs les placements dans la devise du pays considéré. Fiche : la balance des paiements – B. Papon-Vogler – 2012-2013 Page 4