LA FRANCE DE LA Vè REPUBLIQUE : ASPECTS

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LA FRANCE DE LA Vè REPUBLIQUE :
ASPECTS ECONOMIQUES ET SOCIO-CULTURELS
I – L’évolution économique
Après la seconde guerre mondiale, la France entre dans une longue période de croissance
économique (5 % par an en moyenne) à laquelle l’économiste Jean Fourastié donnera le nom de Trente
Glorieuses. La croissance se brise cependant au début des années 70 donnant naissance à une longue
période de croissance hésitante (plus ou moins importante) qui ne retrouve pas cependant les valeurs
de la période 1945-75.
A) La fin des Trente Glorieuses à l’époque gaullienne (1958-1974)
1) la modernisation de l’économie
L’économie française connaît une modernisation qui touche tous les secteurs de l’économie et
transforme profondément ceux-ci.
L’agriculture française, qui était profondément traditionnelle et peu tournée vers le progrès,
connaît d’importantes mutations qu’il faut notamment relier à la création de la Politique Agricole
Commune (PAC) en 1962. La production augmente fortement grâce à un recours plus important à la
mécanisation et au machinisme agricole, à la sélection des espèces, au recours massif aux engrais qui
accroissent les rendements (en 1946, un actif agricole nourrissait 5 Français, dans les années 80 plus
de 30). Les productions se diversifient et la France, qui au début des années 50 devait importer des
produits agricoles, redevient un pays exportateur.
Après les destructions massives subies durant la seconde guerre mondiale du fait des
bombardements, la France redevient une grande nation industrielle grâce à l’effort de reconstruction.
De gros efforts sont effectués pour doter la France d’un appareil industriel plus moderne, mettant en
œuvre les dernières techniques de production (généralisation du taylorisme et du fordisme après la
guerre ; imitation de la stratégie de « sidérurgie sur l’eau » à Dunkerque et Fos à la fin de la période).
La croissance industrielle de la France se base aussi sur une plus forte concentration qui met fin à
l’existence de petites et de moyennes entreprises trop faibles pour résister dans le commerce mondial
et conduit à l’apparition de grands groupes industriels (Elf-Aquitaine dans le domaine pétrolier,
Aérospatiale ou Dassault-Bréguet dans le domaine de l’aviation, Saint-Gobain dans le domaine de la
métallurgie, Thomson-Brandt dans le domaine de l’électronique…). Faute de bras pour travailler dans
ces secteurs industriels en pleine croissance, la France a recours à une main d’œuvre étrangère
souvent originaire des anciennes colonies (et en particulier de l’Afrique du Nord).
Le secteur tertiaire est, comme dans tous les pays industrialisés, en forte augmentation. Les
activités de l’enseignement progressent fortement [le nombre des enseignants du secondaire double
entre 1960 et 1970]. Celles de la santé, du commerce, des transports, de l’administration, du tourisme
et des loisirs en font tout autant ; en 1972 la moitié des actifs français sont dans le secteur tertiaire
2) les facteurs de la forte croissance
La forte croissance économique française a démarré avant la Vè République mais ses causes
vont se trouver renforcées à l’époque des présidences de de Gaulle et Pompidou. En effet, la France
connaît un modèle économique particulier souvent désigné sous le nom de capitalisme d’Etat. S’il existe
en France une économie de marché caractéristique d’un pays capitaliste, l’Etat joue un rôle en matière
économique beaucoup plus important qu’à l’ordinaire. L’Etat est d’abord acteur des affaires
économiques parce qu’il est un organisateur et un client : depuis le lendemain de la guerre, l’Etat
planifie les aménagements en France (par l’intermédiaire d’un commissariat au plan), rôle qui est accru
sous de Gaulle avec la création de la DATAR (1963) qui est chargé de l’aménagement du territoire et
de l’action régionale (elle est ainsi à l’origine de la construction des stations littorales du Languedoc, de
l’équipement en stations de sports d’hiver des Alpes ou de la construction de grandes zones industrialoportuaires). C’est également l’Etat qui favorise la concentration des entreprises françaises afin de
disposer de grands groupes capables d’affronter la concurrence internationale. Depuis le lendemain de
la guerre, l’Etat est aussi patron car de nombreuses entreprises (banques et assurances notamment)
ont été nationalisées. Cela donne au pouvoir les moyens de peser sur la conjoncture (le crédit) en
même temps que l’action sur la monnaie [1960 : création du nouveau franc] permet de maintenir une
inflation qui ne rend pas l’endettement des ménages trop dramatique. Enfin, l’Etat est également le
garant de l’Etat-providence qui explique les nouvelles données du marché français.
La croissance économique française s’explique également par toute une série d’évolutions
structurelles de la France. Déjà le nombre de Français a fortement augmenté (ce qui accroît
automatiquement le nombre des consommateurs potentiels) ; avec le Baby Boom (période de forte
fécondité qui dure jusqu’au milieu des années 60), la France a vu sa population croître rapidement
(environ 40 millions d’habitants vers 1945, 45 millions en 1958, 52 millions en 1973). Ces Français
consomment plus et de manière différente avec le recours de plus en plus fréquent aux crédits, avec la
facilité qu’offre le chèque bancaire ou postal. Cette consommation est accentuée par la spectaculaire
croissance de la publicité (le diminutif « pub » entre dans le dictionnaire à la fin des années 60) dans la
presse, à la radio puis à la fin des années 60 à la télévision. Les produits qu’achètent les Français sont
de moins en moins des produits de consommation essentiels (vêtements, alimentation…) et de plus en
plus des produits répondant à de nouveaux besoins (télévision, appareils ménagers, automobiles,
logements neufs). C’est donc le pouvoir d’achat des Français qui connaît une fulgurante progression.
L’économie française a connu avec les années 60 une véritable révolution avec une ouverture
beaucoup plus franche sur le monde (ce qui explique le volontarisme de la période gaullienne et
pompidolienne). Ayant perdu son empire colonial avec lequel elle effectuait l’essentiel de son
commerce, la France a dû s’ouvrir au monde. Elle s’y est trouvée également forcée par la création du
Marché commun de la CEE qui a vu des produits étrangers pouvoir entrer librement sur son territoire
(alors que la France avait une solide tradition protectionniste). La CEE devient ainsi le partenaire
économique privilégié de la France.
3) une croissance avec des limites
La croissance française est importante et par moment spectaculaire (elle est parfois supérieure
à celle du Japon et de la RFA dont on a pourtant vanté les « miracles » économiques). Il n’empêche
que la période de haute croissance française n’est pas sans poser de problèmes.
Les choix effectués par le pouvoir politique de fonder la croissance sur l’ouverture au monde et
les lourds investissements se traduisent par une inflation persistante (autour de 5% par an). Si cette
hausse des prix est intéressante pour ceux qui ont emprunté (elle diminue le poids des intérêts), elle
rend fréquentes les demandes d’augmentation de salaires et conduit à une multiplication des
revendications syndicales.
La croissance fait des victimes dans la société car tout le monde n’en profite pas. Le
développement d’une agriculture plus productive frappe de plein fouet la petite paysannerie, l’apparition
des supermarchés (puis des hypermarchés encore plus vastes) fragilise gravement le petit commerce,
le choix de l’énergie pétrolière rend moins nécessaire l’exploitation du charbon et conduit aux premières
suppressions d’emplois dans le secteur des mines. Ces groupes sociaux victimes de la croissance sont
eux-aussi d’importants contestataires de la politique du pouvoir (mouvement poujadiste des petits
commerçants à la fin des années 50 ou mouvements paysans de plus en plus importants).
La croissance pense-t-on à tort durera de manière indéfinie car on estime pouvoir la maintenir.
Pourtant dès le milieu des années 60 certains signes (qu’on ne voit pas ou qu’on ne veut pas voir)
attestent d’un essoufflement. Le monde du travail commence à être saturé avec l’arrivée des premières
classes du Baby Boom sur le marché. L’équipement des familles commence à être en grande partie
assuré ce qui limite évidemment les nouveaux achats. La France de 1973 ne ressemble plus que de
très loin à celle de 1945 mais l’expansion rapide touche à sa fin.
B) Des évolutions plus chaotiques (1974-2009)
1973-1974 marque un retournement spectaculaire de la croissance. L’économie s’enfonce dans
un enlisement qui conduira à donner à la période qui suivra des noms aussi divers que « 20 piteuses »,
« 20 calamiteuses » avant que ne s’impose l’idée d’une croissance molle.
1) les causes et les effets de la récession
Le ralentissement de la croissance économique (elle est généralement comprise entre 0 et 2 %
voire négative ce qui indique une période de récession) s’accompagne en France d’une forte inflation
(supérieure à 10 % par an). Ce phénomène de stagflation (mot formé à partir de stagnation et
d’inflation) est l’effet économique dominant de la période qui va jusqu’aux années 80. Cependant,
même lorsque l’inflation diminuera, les effets de la crise continueront à se manifester par d’autre biais.
La crise est en effet une crise industrielle violente qui frappe les vieux secteurs industriels issus de la
première révolution industrielle (activités minières et métallurgiques, textile…). L’industrie en France
perd ainsi un tiers de ses salariés entre 1974 et 2001 [dans le même temps, les emplois créés le sont
surtout dans le tertiaire, ce qui les rend souvent impossible d’accès aux anciens ouvriers licenciés]. Audelà du seul cas industriel, la réduction du nombre des emplois se traduit par une violente poussée du
chômage. Alors qu’il n’y a qu’environ 400 000 chômeurs en France au début des années 70 (ce qui ne
pèse guère dans une société où règne quasiment le plein emploi), les chiffres s’affolent dans les
années 70 et 80. On dépasse les 2 millions de chômeurs en 1982, les 3 millions en 1993. La période
est donc marquée par un chômage de masse (3 % de la population active en 1974, 12 % en 1997),
chômage souvent pour une longue période du fait des difficultés de reconversion.
Les économistes et les historiens avec le recul ont cessé de présenter la période inaugurée en
1973-74 comme une période de crise mais comme un simple ralentissement de la croissance. Les
origines de cette « crise » ne sont pas davantage clairement établies tant elle est le résultat d’une
conjonction de facteurs. Le premier facteur, celui qu’on a spontanément mis en avant au milieu des
années 70, est la forte augmentation des prix du pétrole suite à une décision de l’OPEP en octobre
1973 d’augmenter ses prix tout en réduisant sa production (en liaison avec la guerre israélo-arabe qui
venait d’éclater). L’augmentation du pétrole a augmenté la facture énergétique des pays développés,
fait croître le prix des produits utilisant le pétrole (essence, plastiques…) et donc entraîné un
ralentissement de la consommation des ménages. Cependant la crise n’est pas seulement imputable
aux pays pétroliers (même si un second choc pétrolier se produira en 1979). Différents éléments
avaient déjà fragilisé la situation économique mondiale comme la situation du dollar (il perd sa
convertibilité en or en 1971 puis est plusieurs fois dévalué par l’administration Nixon ce qui perturbe les
marchés financiers) ou la saturation des familles en nouveaux biens de consommation (télévisions,
automobiles etc..). De plus, on ne comprendrait pas les difficultés industrielles si on ne prenait pas en
compte le fait que l’industrie française et européenne se trouve désormais concurrencée par les pays à
faible coût de main d’œuvre (le Japon mais aussi les premiers pays ateliers d’Asie du Sud-Est). Les
difficultés sont donc également liées à une évolution de la situation industrielle mondiale, à une nouvelle
organisation de l’économie mondiale.
2) des politiques gouvernementales hésitantes
Face au déclenchement de la crise, la volonté des gouvernements français sera dans un
premier temps de relancer la croissance à tous prix avant de devoir sous la pression sociale affronter la
question du chômage. Deux grandes orientations politiques vont se succéder en matière économique.
On a d’abord des politiques dites de relance qui renouent avec les pratiques inspirées de
Keynes et de la lutte contre la crise des années 30. Il s’agit de relancer l’activité économique soit par
des travaux d’équipement importants, soit par des aides à la consommation des ménages. La politique
de relance est pratiquée par le gouvernement Chirac entre 1974 et 1976, puis après la victoire de
François Mitterrand par le gouvernement de Pierre Mauroy (dans ce dernier cas, il s’agit de conduire
une sortie de crise par une augmentation de la consommation des ménages grâce à une politique
favorisant l’emploi). Le problème des politiques de relance est qu’elles augmentent de manière
importante les dépenses de l’Etat, creusent le budget de la nation et affaiblissent la monnaie qui doit
être dévaluée à plusieurs reprises. La relance de la consommation a également pour conséquence
d’augmenter le déficit de la balance commerciale car beaucoup de produits d’équipement des familles
sont désormais produits hors des frontières françaises.
Aux politiques de relance, on oppose des politiques libérales plus connues par la désignation
de « politiques de rigueur ». Elles visent à revenir à une stricte orthodoxie budgétaire, l’Etat devant
réduire son train de vie, abaisser les impôts afin que les entreprises puissent refaire des profits et
investir. Au lieu d’agir sur la demande, les politiques de rigueur entendent favoriser l’offre pour faire
repartir la machine économique et réduire l’inflation. Le problème de ces politiques est qu’elles se
traduisent par un coût social dramatique avec une forte croissance du nombre de chômeurs. Egalement
baptisée désinflation compétitive (ce qui précise bien son objectif premier), elle est pratiquée entre 1976
et 1981 par les gouvernements de Raymond Barre, puis la gauche s’y rallie après l’échec de la relance
à partir de 1983.
3) la fin du modèle traditionnel français ?
La longue période de stagnation économique va conduire à une réflexion sur le modèle
économique français et sur les inadaptations qui sont les siennes dans un monde de plus en plus
libéralisé. Aussi, après 1983, les politiques de droite comme de gauche vont avoir tendance (à quelques
exceptions près) à libéraliser l’économie française. L’Etat renonce ainsi à une partie de ses moyens
d’influencer la vie économique. A partir de la première cohabitation, le gouvernement va commencer à
vendre des entreprises ou des parts d’entreprises nationalisées (les banques et assurances, Renault,
TF1…), redonnant plus de poids au secteur privé. Ce virage libéral va conduire à une nouvelle
concentration des entreprises afin de faire face à la concurrence européenne et internationale. Les
règles propres à l’Union européenne (critères de convergence pour la création de la monnaie
européenne, banque européenne qui fait échapper à l’Etat le contrôle de la monnaie) contribuent à faire
perdre à l’Etat ses marges de manœuvre. Toutefois, les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations
sociales) ont continué à augmenter jusqu’en 1999… mais se révèlent insuffisants pour faire face aux
dépenses d’un Etat fortement endetté.
II – Les évolutions socio-culturelles
Les évolutions qui ont transformé l’économie de la France depuis la seconde guerre mondiale
se répercutent de manière souvent plus spectaculaires dans la société et la culture françaises.
A) Une mutation sociale profonde
1) l’évolution des structures sociales
La France a d’abord changé du fait de la forte expansion démographique due au Baby Boom.
Pays vieillissant jusqu’à la seconde guerre mondiale, la France voit sa population rajeunir jusqu’en 1968
(les jeunes finissent par représenter 1/3 de la population du pays). Ensuite, la France connaît une
déprime démographique qu’elle partage avec les autres pays développés (évolution des mœurs :
développement des moyens contraceptifs avec la loi Neuwirth en 1967 et légalisation de l’avortement
en 1975, modes de vie plus tournés vers les loisirs) ; c’est ce qu’on a appelé le « Papy Boom » ou le
« Baby Krach ». Depuis l’an 2000 cependant, une inversion s’est produite et l’indice de fécondité
dépasse à nouveau le seuil de renouvellement des générations. Sans être exceptionnelle cette reprise
est singulière dans une Europe où la fécondité demeure très faible.
L’évolution des mentalités a joué sur les normes familiales. Le divorce par consentement
mutuel adopté sous Valéry Giscard d’Estaing a facilité la rupture des mariages et conduit à une
multiplication des divorces (un divorce pour trois mariages) et au phénomène des familles
recomposées. L’émancipation des femmes et leur présence croissante sur le marché du travail a
également transformé les structures sociales du pays même si la situation de parité revendiquée et
inscrite dans la loi n’est toujours pas réelle (différence de niveaux de salaires, place aux postes de
responsabilité…).
La population active, en forte croissance avant de stagner, a connu un renversement
spectaculaire depuis la seconde guerre mondiale. Alors que la population du secteur primaire demeurait
très élevée, elle s’est effondrée. Le nombre des ouvriers du secteur secondaire a cessé de croître au
milieu des années 70 et n’a cessé depuis de diminuer. Dans le même temps, le secteur tertiaire a
connu une explosion remarquable faisant entrer la France dans la société post-industrielle dans les
années 70. De plus en plus féminisée, de plus en plus salariée, de mieux en mieux formée avec
l’augmentation de la durée des études, la population active n’en demeure pas moins soumise depuis les
années 70 à la lourde menace du chômage.
La France est devenue depuis les lendemains de la seconde guerre mondiale un pays urbain.
L’industrialisation a continué à drainer les populations des campagnes (exode rural) tandis que les
besoins en main d’œuvre faisaient arriver en France des populations immigrées qu’il fallait loger. Le
problème du logement se posait également du fait de la croissance naturelle de la population. De
grands aménagements ont permis de faire face à cette demande en logements. Alors que la population
s’entassait encore dans les années 50 dans des logements trop petits voire dans de véritables
bidonvilles, la France se hérisse dans les années 60 et 70 de grands ensembles, tours et barres (on
passe de 16 à 21 millions de logements en France entre 1962 et 1975). Ces nouveaux logements font
entrer le confort moderne dans la vie des Français (chambre individuelle, salle de bains et toilettes…).
Ils sont cependant rapidement pointés du doigt pour leur inadaptation à la vie collective (manque
d’équipements) et la déprime qu’ils provoquent chez leurs habitants (« la sarcellite ») soumis au
« métro, boulot, dodo ». Les années 70 voient naître, en liaison avec la possession d’une automobile et
la volonté d’un habitat individuel pavillonnaire, le phénomène de la périurbanisation. Cette évolution va
se traduire par une expansion spatiale des villes avec des banlieues de plus en plus étendues. Les
dernières années montrent une certaine reprise de vitalité des centres-villes en liaison avec le
renchérissement du pétrole et la saturation des axes de transports urbains et périurbains.
2) l’essor de la société de consommation
Dans son film « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » (1972), Jean Yanne
montre la France qui pénètre dans une société où il faut consommer, où la radio n’a de sens que pour
véhiculer des messages publicitaires et amener les gens à acheter. Cette situation est liée à la forte
augmentation du pouvoir d’achat dans les années 50 et 60, grâce à l‘augmentation fréquente des
salaires (rattrapage de l’inflation) et aux mesures gouvernementales (création du SMIG puis du SMIC
qui garantit un salaire minimum, pérennisation des revenus sociaux, mensualisation des salaires…).
Mieux payés, les Français peuvent se laisser aller à moderniser leur intérieur en achetant les nouveaux
produits qui ne vont cesser de leur être proposés (télévision, magnétoscope, chaîne Hifi, ordinateur,
téléphone portable dessinent ainsi une évolution dans le domaine de l’équipement électronique des
Français). La consommation prend aussi la forme d’achat de biens non matériels comme les voyages
ou les spectacles dont le commerce profite de l’augmentation du temps libre (réduction de la semaine
de travail, quatrième puis cinquième semaine de congés payés). La société de consommation, par ses
effets de mode, contribue ainsi à une certaine uniformisation des modes de vie.
3) le creusement des inégalités
La société française à l’époque des Trente Glorieuses voyait les écarts sociaux se réduire du
fait de l’impulsion donnée au relèvement des bas salaires. Le ralentissement économique des années
70 et l’explosion d’un chômage de masse va au contraire conduire à un creusement des inégalités, à un
fractionnement social de plus en fort (de là le succès de l’idée de la « fracture sociale » dans la bouche
de Jacques Chirac aux présidentielles de 1995).
En laissant sur le carreau de nombreux travailleurs qui ne trouvent pas d’emploi (soit parce qu’il
n’existe plus de travail dans leur domaine, soit parce qu’ils sortent de l’école sans qualification, soit
parce qu’entrés au chômage au-delà de la cinquantaine plus personne ne souhaite les engager), la
crise de l’emploi fragilise les êtres, les familles… mais aussi les comptes de la nation (déficit de
l’assurance chômage). C’est surtout depuis le tournant libéral des années 80, avec la volonté de
réduction des interventions de l’Etat-providence pour lutter contre l’inflation, que le chômage a cru et
que s’est enclenchée une véritable rupture au sein de la société (société duale). L’exclusion est
devenue une notion importante dans la vie quotidienne de ceux qui sont en fin de droit, des femmes
seules avec enfant, des habitants de certains quartiers « sensibles » baptisés par les médias des noms
de « banlieues » ou de « quartiers ».
Face à cette fracture croissante au sein de la société, l’Etat a abandonné une partie de ses
responsabilités à des associations caritatives. La crise de la protection sociale (forts déficits des
différents régimes) fait que c’est aux associations qu’est laissé le soin d’aider ceux qui sont en difficulté
que ce soit dans le domaine alimentaire (comme les Restos du Cœur lancé en 1985 par Coluche), la
santé, l’éducation. Les difficultés accrues de l’économie à partir de 2008 devraient contribuer à creuser
encore les écarts (ce qui explique la vigilance des pouvoirs et des médias à critiquer les revenus
extravagants de certains grands patrons).
B) L’évolution des pratiques culturelles des Français
1) le poids maintenu des traditions
L’évolution des pratiques culturelles des Français s’effectue dans un cadre général qui reste
fortement marqué par le passé. Le niveau social joue considérablement sur les goûts et les pratiques
culturelles. Les classes populaires restent attachées aux fêtes et aux bals, au cinéma comique et
d’aventure, aux sports collectifs, à la pêche ou au bricolage ; la pratique religieuse y est généralement
assez relâchée. Inversement dans les milieux bourgeois, où le poids de la religion demeure et provoque
un certain conservatisme, la culture est beaucoup plus élitiste (musique classique, théâtre, musée) et
basée sur le classicisme.
Cependant des évolutions sont en cours depuis le début du siècle. Les années 50 voient les
différentes classes sociales se retrouver à travers le développement de médias modernes (le cinéma
qui est à son âge d’or, la presse dont les formes se diversifient avec la naissance d’une presse
magazine, la radio qui entre dans tous les foyers surtout avec la naissance du transistor). De même
l’allongement de la scolarité et les initiatives de certains artistes (comme Jean Vilar, fondateur du TNP,
Théâtre National Populaire) vont permettre aux milieux populaires de commencer à rencontrer la culture
des élites.
2) l’essor de la culture de masse
Les années 60 voient la véritable explosion d’une culture de masse qui touche les populations
sans véritable distinction de niveau sociale. Cette explosion est à mettre en relation avec la société de
consommation et l’essor des médias de masse. La radio voit le développement de radios périphériques
(Europe 1, Radio-Luxembourg, RMC) avant dans les années 80 l’apparition des radios libres qui
émettent en FM. La télévision d’abord réservée à des privilégiés n’a qu’une seule chaîne jusqu’en 1964,
passe en couleur à la fin des années 60, gagne une troisième chaîne en 1971 ; les années 80 voient
l’arrivée d’une télévision privée (création de Canal+, de la 5 et de TV6, puis privatisation de TF1) avant
qu’à la fin des années 90 le satellite, puis la TNT, ne conduisent à une explosion du nombre de chaînes
disponibles. La culture de masse passe aussi par le disque qui véhicule, d’abord sur vinyle puis sur
support numérisé, une grande diversité de styles musicaux, mais aussi par la publicité qui contribue
une homogénéité des modes.
L’Etat joue un rôle important dans la massification de la culture. En premier lieu, il effectue un
effort considérable à partir des années 60 pour allonger la durée de la présence scolaire, volonté qui
trouve son aboutissement dans le collège unique (réforme Haby en 1975) ; le niveau d’études des
jeunes Français progresse jusqu’à ce que Jean-Pierre Chevènement affirme dans les années 80 la
volonté d’atteindre 80 % d’une classe d’âge au niveau du Bac. L’Etat entreprend également de mettre le
peuple en rapport avec la culture. Dès les débuts de la Vè République, de Gaulle crée un Ministère des
affaires culturelles qu’il confie à l’écrivain André Malraux ; celui-ci va mettre en place une politique
d’aide aux artistes (notamment au cinéma français), de défense du patrimoine français qui sera
poursuivie par ses successeurs, de créations ou de modernisations de structures (rénovation de
musées comme le Louvre, création du centre Beaubourg ou du musée d’Orsay ; création de l’Opéra
Bastille ou de la nouvelle Bibliothèque de France sur le site de Tolbiac). Un second ministre a laissé
une œuvre marquante dans le domaine de la culture. Ancien directeur de théâtre, Jack Lang est
nommé au ministère de la culture par François Mitterrand en 1981. Il est à l’origine de la création des
radios libres (avec Georges Fillioud, ministre de la Communication), des fêtes du cinéma et de la
musique, des grands travaux culturels dans Paris. L’Etat, dont le rôle est aujourd’hui complété par les
collectivités territoriales qui financent festivals et sites culturels, jouera également un rôle majeur dans la
défense de « l’exception culturelle » dans les négociations sur le commerce mondial face aux EtatsUnis qui considèrent que les produits culturels (films, disques…) sont des marchandises comme les
autres.
3) des pratiques culturelles diversifiées
Derrière l’uniformisation culturelle que le développement des nouveaux médias a engendré, on
constate cependant que les pratiques culturelles demeurent fortement diversifiées.
Les pratiques religieuses ont connu une forte désaffection depuis les années 60 au point que
les églises catholiques sont aujourd’hui en grande difficulté pour assurer leur fonctionnement (appel à
l’aide de l’évêque d’Evry sur le site internet du diocèse en 2008) ; cela ne signifie pas pour autant que le
recul de la foi soit aussi fort que peut le laisser penser le vide des églises à l’heure de la messe, les
catholiques se recentrant surtout sur les grands moments de la vie du chrétien (baptêmes,
communions, mariages…). Certaines positions des responsables de l’église (Jean-Paul II et surtout
Benoît XVI) semblent cependant avoir éloigné les Français même croyants de l’Eglise. Ayant progressé
avec le phénomène de l’immigration, l’islam est aujourd’hui la deuxième religion en France. Elle prend
souvent une grande importance dans la revendication identitaire des jeunes issus de l’immigration et
trouve de ce fait un dynamisme plus important que les religions chrétiennes (20 mosquées en 1970
contre plus de 1500 aujourd’hui).
Les pratiques culturelles ont pu se développer et se multiplier du fait de l’augmentation du
temps disponible pour les Français. La « récupération » du dimanche matin, temps de la messe, n’en
est qu’un aspect. Avec la réduction du temps de travail des travailleurs (de 40 heures à 35 heures par
semaine ; de 2 à 5 semaines de congés payés) comme des enfants (suppression du samedi après-midi
à l’école dans les années 60 puis du samedi matin), le temps libre est devenu une réalité (sanctionnée
en 1981 par la création d’un ministère qui lui était dédié) ; on estime qu’un Français passe aujourd’hui
8% de sa vie à travailler contre 25 % au début du XXè siècle. Cela se traduit par des départs en
vacances plus nombreux et plus fréquents (même si les dernières années ont montré un recul ou du
moins une évolution du phénomène), par des activités sportives plus développées (notamment avec la
progression de sports individuels comme le jogging, le cyclotourisme ou le tennis dans les années 7080)
Le sociologue Edgar Morin a pointé dans les années 60 l’émergence d’une nouvelle forme de
culture liée à l’âge à laquelle il a donné le nom de « culture jeune ». Conséquence du Baby Boom qui
rajeunit la population et de la naissance d’une société de consommation, cette culture se fonde sur la
différence de la jeunesse en matière vestimentaire, musicale ou technologique. Elle se traduit par
l’apparition de produits culturels spécifiques qui visent à se distinguer des autres groupes d’âge de la
société. D’abord centrée sur la fin de l’adolescence et le jeune âge adulte, on peut constater depuis les
années 2000 une véritable expansion vers l’enfance (possession précoce d’un ordinateur ou d’un
portable, vêtements imitant les vêtements des ados).
Conclusion
La France de 2009 ne ressemble guère à celle de la fin des années 50. En un demi-siècle, les
évolutions au plan économique, social et culturel ont été remarquables par leur intensité. La France est
entrée dans une période où le confort domestique individuel ou l’accès à la culture et à l’information
apparaît comme une évidence à laquelle on refuse de renoncer. Toutefois, parallèlement à ces
évolutions qui font vivre mieux une grande partie des citoyens, les difficultés économiques n’ont cessé
de fragiliser, d’écarter, de marginaliser une partie croissante des Français. Les temps de crise qui
s’ouvrent semblent annoncer un nouvel accroissement de cet écart.
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