Signets et marque-pages - Alain Ryckelynck, Bouquiniste de Paris

publicité
0
Contents
LES ALCOOLS ............................................................................................................................................. 2
LES TABACS & LA LOTERIE NATIONALE ............................................................................................... 5
LES METIERS DU LIVRE .............................................................................................................................. 7
LES EDITEURS ET LES AUTEURS ................................................................................................................. 8
LES LIBRAIRES ............................................................................................................................................ 9
LA PRESSE .................................................................................................................................................. 9
LA RADIO ................................................................................................................................................. 10
LE TOURISME .......................................................................................................................................... 11
DIVERS ..................................................................................................................................................... 14
LES MARQUE-PAGES ............................................................................................................................... 16
Trimestriel du Syndicat des Bouquinistes Professionnels des Quais de Paris ........................ 17
1
SIGNETS & MARQUE-PAGES
« Une noix, qu’y a-t’il à l’intérieur d’une noix ? » chante Charles Trénet.
Et un livre, qu’y a-t’il à l’intérieur d’un livre ? C’est le plaisir du bouquiniste collationnant
ses livres d’y découvrir signets et marque-pages, et parfois ex-libris. Nous admirerons ces
derniers dans un prochain Parapet.
Un signet est un ruban ou un carton prévu pour marquer les pages d’un livre tandis qu’un
marque-page, c’est n’importe quel objet de fortune utilisé pour l’occasion.
Bien qu’un signet ne s’utilise que dans les livres, sa publicité aborde aussi de nombreux
autres domaines de façon régulière : alcool, alimentation, banque, enseignement, tourisme,
radio, vêtement, évènements (salons), etc…
Certaines marques sont fidèles à ce mode de communication - carte de visite autant que
“réclame“ – comme Assimil, le cognac Martell, les Bons du Trésor (!), et les entreprises
étatisées de vente de rêve, Loterie Nationale et SEITA, qui font souvent bon ménage sur le
même signet, recto-verso.
La forme des signets est le plus souvent rectangulaire, ou ogivale comme un vitrail ; ils
sont en carton, celluloïd ou métal, et peuvent contenir un système : calendrier, agrafes,
puzzle, ruban, aimant !
Autrefois, leurs illustrations étaient souvent conçues par les plus grands illustrateurs avec
une recherche esthétique évidente. Aujourd’hui, l’imagination semble s’être réfugiée dans
les signets pour BD.
Visitons ensemble quelques thèmes abordés par ce “support publicitaire“.
LES ALCOOLS
Les viticulteurs emplissent parfois leurs signets d’informations sur l’origine et les vertus de
leurs produits, mais le plus souvent les illustrations suffisent à toucher la cible : la recherche
du plaisir. Regardez ce signet du Cognac Martell : il accompagne les moments de bonheur de
l’homme : la pause au tennis avec une belle disciple de Suzanne Lenglen, après un souper fin
avec deux belles jeunes femmes en tenue de soirée, au bar d’un club avec des femmes sport,
ou tout simplement seul avec un bon cigare et un journal – la télévision n’existe pas encore –
en négligé, dans un fauteuil qui nous donne l’époque du signet : 1930.
2
(ce signet, comme la plupart de ceux qui illustrent ce numéro, provient de
la collection d’Alain Gérard ; d’autres sont offerts par Véronique Legoff.)
A la même époque, Cherry Rocher allège un texte un peu redondant grâce aux dessins
épurés de A. Waton, sur le même thème de la détente.
3
Martini fait appel à nos mécanismes d’association mentale en se contentant d’associer
à son logo le dessin d’un jockey par Don.
St Raphaël fait aussi fort dans le dépouillement. Pourquoi décrire les bienfaits du Martini
ou du St Raphaël ? La simple évocation de leurs noms entraîne le réflexe de désir. Cette
simplification progressive du message se retrouve dans toute la “réclame“.
4
LES TABACS & LA LOTERIE NATIONALE
Les cigarettiers ont fait appel aux plus grands illustrateurs pour vendre leur poison.
Dans les années vingt, Fabiano affirme la suprématie de l’allumette en bois (!) et des tabacs
d’Orient de la Régie Française. L’homme qui plie sous le fardeau du tabac ne semble pas
apprécier cette huitième plaie d’Egypte mais à cette époque colonialiste, le “bon neg’
Banania“ amuse les européens, et c’est d’eux seuls qu’on sollicite l’agrément ; au verso on
voit que cigare et cigarette concluent un souper fin, et préludent à une soirée tendre.
5
René Vincent (page suivante) met en scène de ravissants bambins attendrissants et
rassurants. Le tabac n’est pourtant pas inoffensif et déjà on propose des cigarettes ANIC à
bout filtrant la nicotine.
Plus récemment, le grand affichiste Villemot donne une publicité sans message, simple
variation peu convaincante autour du mot “gitane“ : dommage.
La Loterie Nationale, elle, a trouvé en Poulbot son meilleur publicitaire :
“Si vous saviez, madame, comme mon mari est gentil
depuis qu’il est millionnaire.“
On imagine le jeu charmant des fillettes !
6
LES METIERS DU LIVRE
ASSIMIL
Personne dans les métiers du livre n’a su comme Assimil utiliser le signet comme support
publicitaire jeune, gai, direct et efficace. En voici quelques uns dont le signet à système
“possédez rapidement une langue !“ dont l’agrafe joue le rôle de langue en effet : humour
sans prétention…
7
LES EDITEURS ET LES AUTEURS
Ce sont les éditeurs de BD qui réalisent les signets les plus intéressants aujourd’hui. Dans
le passé, malgré quelques beaux exemplaires il est triste de constater que ce sont les métiers
du livre qui ont le moins apporté à la création dans ce domaine.
L’utilisation du signet pour la promotion d’auteurs est toute récente, et connaît des succès
artistiques en BD, évidemment. Celui de Jean Nocher, précurseur, date sans doute des débuts
de la guerre froide dans les années 50.
8
LES LIBRAIRES
Bravo à la librairie Galignani qui a semé un grand nombre de ses sympathiques signets : les
bouquinistes en retrouvent souvent au mitan de leurs livres. Pour Gibert-Jeune, si vous en
voulez, c’est là ! Bon, d’accord…
LA PRESSE
Deux conceptions bien différentes de la communication chez Match dont le nom suffit, et
chez Télérama qui tente d’accrocher l’intérêt du lecteur en donnant un sommaire si complet
qu’il lasse son attention (page suivante).
9
LA RADIO
Livre et musique font bon ménage aussi. Les signets de Pathé d’après une affiche de
Cassandre sont d’un graphisme dynamique et pur. La publicité de GIF-Radio (page suivante),
bien surannée, a un agréable goût de souvenir.
10
LE TOURISME
Les signets touristiques sont très souvent artistiques, et apportent par ailleurs des
renseignements sur les destinations à la mode à l’époque. Le bel exemplaire de la première
page fait passer une information aride par son style inspiré semble-t’il de Juan Gris.
Les lieux de vacances comme les moyens de transport offrent des sujets inépuisables
d’illustration de signets, et le style le plus moderne côtoie le plus traditionnel. Les textes
sont très informatifs, avec horaires et prix, ou absents, l’illustration se suffisant à elle-même.
On se rendait “aux eaux“, mais aussi en Angleterre ou sur les côtes normandes, en
Bretagne, et déjà à Nice. L’Afrique du Nord avait ses lignes régulières et ses hôtels réputés où
le vacancier retrouvait le confort occidental dans un décor oriental… comme aujourd’hui !
Le tourisme était encore élitiste, et on imagine le luxe des hôtels, la qualité des circuits,
et le confort des trains et paquebots. PLM met l’accent sur la vie au grand air. L’avion d’AirFrance semble un peu sommaire, et les voyageurs des années trente avaient quelque chose
d’aventuriers. Mais quels souvenirs !
11
12
13
DIVERS
Les commerces les plus divers se sont emparés de ce moyen de communication,
quelquefois sans lendemain hélas.
14
Voici deux signets bien différents sur le thème du vêtement, celui d’Astra-Iris donnant
avec précision et délicatesse des détails vestimentaires qui font rêver aujourd’hui encore,
tandis que Rick semble être le tailleur de Fernand Reynaud !
Le concessionnaire automobile Autex-Delage, le rouge à lèvres Violet reprenant un dessin de
Van Dongen ou le chenil des Champs-Elysées comme la Préfecture de la Seine, avec un dessin
de Barberousse, ont aussi commis des signets tout à fait chouettes…
15
Les laboratoires pharmaceutiques étaient jadis autorisés à pratiquer
une publicité tapageuse, et c’était une surprise constante pour les
médecins que ces publications de toutes sortes. Le signet, avec plus de
discrétion, se faufilait entre tous ces cadeaux avec un esprit parfois
“salle de garde“, plus souvent “infirmière-chef“ : en voici un qui vous
sera peut-être utile ! Et sachez que l’original est en métal !
LES MARQUE-PAGES
Ces signets de fortune oubliés dans les livres offrent une bien
grande variété, de la simple page écornée aux tickets de bus, métro,
billets de train ou d’avion, lettres, enveloppes, images pieuses, photos
d’êtres chers, billets de banque (!), fleurs séchées, cartes d’identité,
cartes de restrictions, cartes postales…
Unis au livre, les signets et marque-pages en font un témoin de
notre vie. Concluons par ces quelques mots
d’une lectrice
passionnée :
« J’aime utiliser comme marque-page une carte postale que je viens
de recevoir. La lecture terminée, je la laisse dans le livre. Lorsque je
le rouvre des années plus tard, la carte “oubliée“ me replonge dans l’atmosphère du
passé, comme un parfum. Si je donne le bouquin, je laisse la carte dedans
16
volontairement, elle sera une énigme ou une confidence pour son “inventeur“ (comme
pour un trésor) qui aura plaisir je l’espère à tenter d’en saisir aussi le parfum de
madeleine. »
L’idée est bien belle, je vous l’offre.
Recevez aussi tous les vœux des bouquinistes des quais de Paris, et en cadeau pour la
nouvelle année… un signet, bien sûr !
Alain Ryckelynck
Trimestriel du Syndicat des Bouquinistes Professionnels des Quais de Paris
1, RUE DE LA BASSE ROCHE, 91140 VILLEBON SUR YVETTE
01 60 10 35 01 – [email protected]
17
Téléchargement