10 octobre 2013 Les vases communicants : quand l

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Note d’information n°4
Les sujets des PMA pour Bali – 10 octobre 2013
Les vases communicants : quand l’agenda de Bali se vide, celui du post-Bali
se remplit…
Introduction
Force est de constater que l’activité s’est intensifiée chez les négociateurs genevois. Le
nouveau DG a déclaré vouloir être « transparent, ouvert et inclusif ». Exactement ce que
nous pensons que le système lui-même devrait être, ou continuer à être. Roberto Azevêdo et
son équipe sont sur le pont et les réunions à tous niveaux et y compris avec les hauts
fonctionnaires des capitales, se succèdent à un rythme effréné. Les règles se sont aussi
durcies et les négociateurs ont été invités à réduire leurs interventions au strict minimum. Le
DG a également annoncé la possibilité de tenir des réunions dans un délai très court et à
des heures non conventionnelles… Tout cela démontre une énergie nécessaire et
bienvenue. Cela suffira-t-il pour inverser la vapeur ? De plus en plus de sujets pour lesquels
un accord ne semble pas être encore possible viennent grossir les rangs d’une liste déjà
longue de questions à discuter après-Bali. Du point de vue des négociations, il semble que
les trois « piliers » du paquet de Bali se résumeront à un seul : la facilitation des échanges.
En effet, les autres questions (sujets relatifs à l’agriculture et questions de développement)
se traiteront au travers de mesures transitoires, de déclarations d’intention et de la définition
de feuilles de route pour le futur. Il est trop tôt pour savoir si un accord sur la facilitation des
échanges sera suffisant pour redorer le blason de l’OMC. Tout dépendra de son contenu et
de la crédibilité du programme de travail qui l’accompagne. Ceci dit, sans accord sur la
facilitation des échanges, il sera impossible d’oser parler de « succès », ni même de résultat,
à Bali.
Questions de développements : une valse à trois temps
Un pas en avant, un petit pas sur le côté, un pas en arrière et au final on tourne en rond, on
piétine et on a la tête qui tourne… Les questions de développements risquent fort de se
1
retrouver à la marge d’un accord à Bali. Les 28 propositions de Cancún sur le Traitement
Spécial et Différencié (TSD) sont pour ainsi dire abandonnées, au moins pour Bali,
notamment en raison de divergences entre les PMA et les autres pays en développement et
de la nécessité impérieuse de les réadapter à la situation économique actuelle pour leur
redonner une réelle pertinence. Les discussions sur le mécanisme de surveillance se
poursuivent de manière relativement positive malgré la persistance de nombreuses
divergences conceptuelles sur le rôle de ce mécanisme, son mandat et ses limites face à
l’obligation de l’OMC de s’assurer du renforcement des provisions en matière de TSD.
Pour ce qui est des questions relatives aux PMA, le paquet potentiel se réduit comme peau
de chagrin. Si quelques avancées ont été notées sur les règles d’origine, force est de
constater que les membres sont toujours en attente d’une proposition concrète sur le coton
ainsi que sur l’opérationnalisation de la dérogation sur les services pour entreprendre des
discussions plus poussées. Concernant le DFQF, il faut malheureusement parler de recul
plus que de piétinement. Les divergences existantes au sein du groupe des PMA semblent
insurmontables à ce stade de la négociation. Le clivage se creuse entre les pays africains
bénéficiaires de l’AGOA et les pays asiatiques, premiers demandeurs d’un DFQF à 100% de
la part des Etats-Unis. Est-il possible que la question de la différenciation telle qu’elle existe
actuellement entre les membres de l’OMC – et dont la remise en question devient récurrente
ces derniers temps et devra être abordée un jour ou l’autre – finisse par rattraper également
le groupe des PMA ?
Agriculture : oui… mais
Les discussions sur l’agriculture avancent à tous petits pas1. Sur l’épineuse question de la
détention des stocks publics à des fins de sécurité alimentaire, il apparait clairement
aujourd’hui qu’il n’y aura pas d’accord définitif à Bali et que le processus se fera en deux
temps : une clause de paix temporaire permettant des dépassements limités et contrôlés des
niveaux de subventions à des fins de sécurité alimentaire (incluant des mesures relatives à
la transparence et aux notifications), et un accord sur le langage pour un programme de
travail pour la suite. La remise en question de l’Accord sur l’agriculture n’est pas à l’ordre du
jour de Bali.
Concernant la concurrence à l’exportation comme l’administration des contingents tarifaires,
les divergences priment (encore) sur les convergences. Toutefois, les discussions restent
ouvertes et certains espoirs mesurés sont permis.
1
Pour un rapport détaillé, voir Bridges, “Slow Progress on WTO Food Stockholding talks”, 3 octobre 2013,
http://ictsd.org/i/news/bridgesweekly/176972/
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La facilitation des échanges, incarnation du succès ou de l’échec de Bali
Il n’est pas utile de faire ici un rapport circonstancié des avancées sur le texte de l’accord sur
la facilitation des échanges. Le rythme de négociation est soutenu mais il est difficile
d’apprécier l’avancement des travaux étant donné que cette négociation est régulièrement
« prise en otage » par les autres éléments en discussion sur la table. Un accord sur ce sujet
est indispensable pour Bali et représenterait en soi un résultat substantiel en décembre.
L’accord sur la facilitation des échanges est important car il répond à un besoin réel du
commerce mondial et il bénéficie à tous ses membres : la diminution des coûts de
transaction est l’opération gagnants-gagnants par excellence. Il y a un réel consensus
aujourd’hui autour de l’intérêt pour la facilitation des échanges. Toutefois, nombreux sont
ceux à avoir constaté le consensus est moins fort à Genève que dans les capitales. L’on voit
apparemment là-bas la facilitation des échanges comme une avancée et sources de gains
alors qu’ici, on la voit d’abord comme un élément de négociation (bargaining chip).
Mais l’accord sur la facilitation des échanges est surtout important pour ce qu’il
représente(ra), à deux niveaux : (i) le sauvetage de Bali, et par extension du Cycle de Doha
et enfin de l’institution multilatérale elle-même, et (ii) l’incarnation du type d’accords que
l’OMC devrait conclure au cours du 21ème siècle.
La question de la facilitation des échanges est progressivement devenue essentielle pour le
Cycle comme pour le système, en tant qu’un accord sur ce sujet pourra montrer que le
système commercial multilatéral est capable de dégager un consensus sur les « nouvelles
questions » fondamentales pour un fonctionnement harmonieux de l’économie mondiale. Cet
accord, qui est innovant sur de nombreux aspects, pourrait bien devenir le « moule » des
futurs accords à l’OMC. Tout d’abord, il montre que le système sait répondre aux besoins de
l’économie et a du répondant face aux changements dans l’organisation des échanges
fondée sur les chaines de valeur globales. Deuxièmement, l’accord redéfinit la façon de
prendre en compte les situations particulières et les différents niveaux de développement
des membres de l’OMC. Il acte que les exemptions et autres exceptions pour les pays les
plus pauvres ne sont pas économiquement profitables pour ces pays et les marginalisent
plus qu’elles ne les aident à intégrer la chaine de distribution des tâches au niveau mondial.
Ainsi, l’accord sur la facilitation des échanges définit un système fondé sur des règles
identiques pour tous les pays, qu’ils soient très développés ou nouveaux venus dans le jeu
de l’économie mondiale. Mais l’accord reconnaît que les besoins et les objectifs sont
différents pour des pays ayant des niveaux de développement inégaux. Pour cette raison,
chaque pays peut définir les priorités et le temps nécessaire à la mise en œuvre des
engagements. Permettre des rythmes de mise en œuvres adaptés tout en poursuivant un
même chemin fait clairement de l’accord sur la facilitation des échanges un outil au service
3
du développement. Troisièmement, l’accord fera (nous l’espérons) un lien clair entre
assistance et engagement, reconnaissant ainsi que la capacité et la vitesse de mise en
œuvre de ces engagements dépendent de la coopération internationale. A notre
connaissance, ce serait la première fois qu’il y a une connexion nette entre (i) obligations et
aide ou (ii) un engagement juridique de fournir de l’assistance technique aux pays pauvres
pour les aider à appliquer les meilleures pratiques internationales à leurs transactions
internationales.
Les grands pontes diront peut-être que l’accord sur la facilitation des échanges ne fournira
en fait que peu de bénéfices économiques concrets en termes d’amélioration des
transactions dans la mesure où chaque pays pourra choisir quel engagement il prend et que
ne seront mis dans la catégorie 1 (application immédiate) que les engagements qui sont déjà
remplis… C’est en partie vrai, mais là n’est l’important. Il ne faut pas ignorer comment l’OMC
fonctionne : toutes les avancées dans les négociations passées ont été importantes car elles
ont contribué à définir un système qui oblige les membres à suivre un chemin commun dans
une même direction, plutôt que de délivrer une libéralisation immédiate. L’Accord sur
l’Agriculture et l’Accord Général sur le Commerce des Services sont de bons exemples car
ils ont permis de façonner un système commun permettant aux membres d’ajuster leurs
politiques à des standards communs et de paver ainsi la route pour une libéralisation future –
qui, du coup, se fait souvent unilatéralement ou à travers des Accords de Libre-Echange
(ALE). Il est certain que les différents ALE et méga-deals en cours de négociation iront bien
plus loin – sur une base plurilatérale – que l’accord de l’OMC sur la facilitation des échanges.
Il est néanmoins crucial pour un système inclusif tel que le nôtre de définir multilatéralement
une approche de base ainsi que les critères et termes utilisés dans un tel exercice pour
s’assurer que les différents accords bilatéraux suivent les mêmes principes et permettent
ainsi d’être multilatéralisés dans le futur. Ceci pourrait bien être le cadre juridique commercial
du 21ème siècle.
Un accord sur la facilitation des échanges à Bali ne se limite pas aux seuls aspects relatifs à
la facilitation des échanges, et pourrait bien être une étape majeure dans le développement
et l’adaptation du système commercial au nouveau contexte économique mondial. Certes, si
Bali se limite à un accord sur la facilitation des échanges, les PMA seront déçus.
Néanmoins, il conviendra de tirer le meilleur parti de cette situation. Mettre en danger l’OMC
en tant que forum de négociation nuira encore davantage aux pays pauvres qui en
dépendent. Comme l’a dit Michael Froman, Représentant des Etats-Unis pour les questions
commerciales, au Forum Public de l’OMC, « les grands pays auront toujours d’autres
options. Justes ou injustes, c’est une réalité ». 2
2
Discours de l’USTR Michael Froman, Forum Public de l’OMC, 2 octobre 2013,
http://www.wto.org/french/news_f/news13_f/pfor_01oct13_f.htm, traduction libre.
4
Rétablir la crédibilité du processus de négociation multilatéral
Jusqu’à maintenant, les préparations de Bali se sont concentrées sur le petit paquet. Tout ce
sur quoi on ne peut atteindre un consensus est scrupuleusement repoussé à l’après-Bali.
Mais pour asseoir la crédibilité de Bali et continuer les négociations, il faut pouvoir s’assurer
que de vrais changements sont proposés dans le processus et la méthode de négociation
eux-mêmes. Il est urgent que les acteurs aient une discussion franche afin de déterminer si
les autres instruments de libéralisation en concurrence directe avec l’OMC seront, au final,
complémentaires au processus multilatéral ou frontalement contradictoires avec l’inclusivité
revendiquée du système. Bali se devrait d’être l’occasion « … pour explorer des voies par
lesquelles l’OMC peut être un forum pour résoudre les nouveaux problèmes, pointer les
nouvelles opportunités alors que l’innovation continue et que le commerce mondial
évolue ».3
Conclusion
Bali, et plus particulièrement son fameux Centre de Conférences International de Nusa Dua,
semble être ces jours-ci, « the place to be ». Mais ce qui attire les foules c’est, outre le
concours de Miss Monde, le sommet de l’APEC, qui a réuni début octobre un parterre de
chefs d’Etats et de ministres impressionnant, et ce malgré l’absence de dernière minute du
Président Obama. Ce « Bali avant Bali » aura-t-il donné le coup de fouet nécessaire ou serat-il au contraire une ombre pesante sur le Bali multilatéral en incarnant (brillamment) le
monde et le commerce à l’extérieur de l’OMC ? Les représentants du monde des affaires
sont présents en masse au sommet de l’APEC. Eux n’attendront pas un hypothétique deal à
l’OMC. Le monde continuera de tourner et les affaires de se faire, avec ou sans l’OMC.
Aujourd’hui, le Programme de Doha tel que nous l’avons connu jusqu’à maintenant n’est
plus. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus rien à faire. Au contraire, sans abandonner les
principes et les valeurs qui ont façonné le PDD, il faudra pouvoir adapter Doha (et l’OMC)
aux nouveaux défis de l’économie mondiale.
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Les projets menés par IDEAS Centre ont pour objectif principal de faciliter l’intégration des pays en
développement dans l’économie mondiale. Le Centre est fort de ses 10 années d’expérience sur cette
problématique. Sa mission consiste à aider les responsables politiques à élaborer des stratégies
permettant de tirer profit de la mondialisation en faveur du développement et de lutter efficacement
3
Ibid.
5
contre la pauvreté dans chaque pays et au sein d’un système commercial international mieux intégré
et plus juste.
Nos notes d’information sont accessibles sur notre site: www.ideascentre.ch
Pour plus d’information sur IDEAS Centre, voir notre site : www.ideascentre.ch.
IDEAS Centre, 10, rue de l'Arquebuse, 1204 Genève, Suisse
T +41 22 807 17 40, F +41 22 807 17 41
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