Cetim Infos N°237 Mars 2017

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décryptage [ Dossier ]
© Fotolia - © Cetim
Biomécanique - Quand médecine
rime avec ingénierie
Population qui augmente, durée de vie moyenne qui s’allonge, le besoin de
personnalisation et de précision dans les diagnostics et les interventions est prégnant.
Nécessité d’agir vite et au meilleur prix afin d’offrir la santé à tous en respectant une
réglementation toujours plus stricte... la médecine du futur fait face à de nombreux
défis pour réparer la mécanique du corps.
État de l’art p.11
La mécanique au chevet
de la médecine du futur
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CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017
Points de vue p. 14
Encore des défis à relever
Démarche p. 16
Resmed passe au tout
numérique
Pratique p. 17
À lire, à voir, les
événements et les veilles
[ Dossier ] décryptage
État de l’art
La mécanique au chevet
de la médecine du futur
Avec une population qui vieillit et qui ne cesse d’augmenter, la médecine moderne cherche
des solutions pour soigner plus vite, mieux, moins cher… et à réparer les humains avec
des solutions qui durent. Dans cette quête de performance et de perfection tous azimuts,
le monde médical compte sur les mécaniciens. Leurs dernières innovations en termes
de matériaux, d’outils numériques, de procédés de fabrication et d’instrumentation,
notamment, apportent une contribution majeure aux progrès actuels.
E
n 1900, la France comptait
une centaine de centenaires.
En 2017, ils sont près de
18 000 et plus de 198 000 en 2060,
selon les projections de l’Institut national des études démographiques (Ined).
Vivre plus longtemps d’accord, mais
en bonne santé ! Tel est le défi que doit
relever la médecine de demain. Reste
que le corps humain s’use inexorablement. Il faut donc pouvoir remplacer
les éléments qui se dégradent avec des
produits adaptés à la morphologie de
chaque patient et durables.
Le vieillissement s’inscrit également
dans un contexte économique : la
médecine moderne est onéreuse.
Réduire le coût et le temps des
interventions chirurgicales pour
aller vers l’ambulatoire devient un
impératif, afin de rendre les progrès
technologiques accessibles à tous. Il
s’agit aussi d’aller vers une chirurgie
moins invasive et de renforcer la
sécurité des patients. D’où la nécessité d’anticiper les problèmes, de les
identifier pour intervenir précisément et au bon moment.
Une médecine connectée
et personnalisée
« Dans une dizaine d’années, la médecine sera connectée et personnalisée »,
affirme Patrice Caillat, responsable
marketing stratégique pour les dispositifs médicaux (DM) et les thérapies
innovantes au CEA-Leti. Il existe
déjà des montres connectées qui
suivent le rythme cardiaque et le
nombre de pas réalisés dans la journée
ou, pour traiter le diabète, le pancréas
artificiel qui mesure le taux de
glycémie d’un patient et délivre la
bonne quantité d’insuline. Ce n’est
qu’un début. « La miniaturisation des
capteurs et leur implantation dans le corps
humain vont permettre d’aller beaucoup
plus loin en ouvrant la voie de la télémédecine », prédit Jean-Marc Bélot du
Cetim. Bientôt, les informations
chimiques, biochimiques ou physiologiques collectées sur les humains
seront analysées au regard d’une base
de données universelle de connaissances, ce qui permettra de dresser un
premier diagnostic et d’alerter le corps
médical en cas d’anomalie. Le médecin décidera alors de l’approche thérapeutique à suivre.
« Un nouveau métier va apparaître,
estime Patrice Caillat, celui d’expert,
capable de pré-digérer les informations
pour le médecin, un peu comme un
aiguilleur du ciel oriente le pilote à l’atterrissage. » Ces diagnostics plus précoces
et plus précis reposent aussi sur les progrès de l’imagerie et de la simulation,
qui font appel à des équipes pluridisciplinaires (voir encadré p. 13). Spécialiste des logiciels de simulation
numérique, Ansys travaille sur des
applications destinées aux cliniciens.
« Pour prévenir les infarctus, le cardiologue réalise des images, illustre Michel
Rochette, directeur de la recherche. Il
peut observer un rétrécissement de l’artère,
mais ce qui est vraiment intéressant pour
lui, c’est de connaître la quantité de sang
et la pression avant et après la sténose. Ce
qu’on peut faire en développant un
modèle numérique de mécanique des
fluides.» Dans le cadre d’un projet
mené avec le CHU de Rennes, Ansys
a notamment développé un modèle
numérique qui permet de calculer
comment l’ensemble aorto-iliaque
incluant les collatérales (les artères
coronaires droites et gauches) va se
déformer au moment de la pose d’un
stent. Ce modèle permet d’anticiper
les problèmes.
Le Centre ingénierie de santé (CIS)
de l’École nationale supérieure des
Mines de Saint-Étienne travaille
également sur ces questions. « La
réussite d’une intervention endovasculaire sur un anévrisme de l’aorte nécessite un dimensionnement très précis de
l’endoprothèse, remarque Stéphane
Avril, directeur du CIS. Nous avons
Deux jours sur les implants
Les 27 et 28 juin 2017 se déroulent les Journées techniques
« Innovez dans les implants orthopédiques » à Saint-Étienne.
Durant ces deux jours, des conférences présentent le cycle
de développement des implants : choix des matériaux, des
procédés, aspects réglementaires, avec un focus particulier
sur la fabrication additive. Parallèlement aux conférences, le
salon Orthomanufacture présente les dernières nouveautés du
domaine.
CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017
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© Inserm
décryptage [ Dossier ]
>>> développé un logiciel qui simule le résul-
tat de l’intervention et permet de mieux
dimensionner le stent. » Tous ces progrès dans le domaine de la simulation
conduisent tout droit vers le clone
numérique pour chaque individu. Il
permettrait d’anticiper les pathologies, de mieux les identifier pour les
soigner avec davantage de précision.
Des matériaux nouveaux
Cette personnalisation des soins aux
spécificités du patient trouve tout son
sens dans le domaine des dispositifs
médicaux, en particulier les implants
et les prothèses. Pour Patrick Chabrand, responsable du groupe interdisciplinaire en biomécanique
ostéoarticulaire de l’Institut des
sciences du mouvement, Université
Aix-Marseille, « elle implique, d’une
part, de mieux connaître l’intégration de
la prothèse dans le système biologique et,
d’autre part, de développer des procédés,
la fabrication additive, par exemple, afin
de proposer des prothèses personnalisées
avec surfaces fonctionnalisées. Nous travaillons sur la régénération tissulaire
pour des pertes osseuses importantes de
l’ordre d’une fois et demie le diamètre de
l’os. Dans un futur proche, des biomatériaux ostéoinducteurs et résorbables
seront disponibles pour reconstituer de
grands volumes osseux. »
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CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017
Les avancées
des outils
numériques
(ici, un simulateur
d'entraînement
à la chirurgie)
permettent
d'anticiper les
problèmes lors
d'opérations.
C’est l’un des axes de recherche du
laboratoire Mateis (Insa de Lyon,
Université Lyon 1 et CNRS). « Nous
étudions les céramiques de type phosphate
de calcium sous forme de pièces poreuses
ou de ciments qui peuvent être vascularisés et envahis par les cellules osseuses,
détaille Laurent Gremillard, directeur
de recherche au CNRS. Au bout de
quelques temps le matériau est remplacé
par de l’os. » Le laboratoire se penche
également sur des céramiques pour
La podologie entre
dans l’ère numérique
Wefit 3D est une Start-up née fin 2015
du constat que la podologie reste un métier
très manuel. Bastien Villareale, le fondateur,
propose au contraire de suivre une chaîne
entièrement numérique : le podologue est
équipé d’un scanner 3D pour acquérir l’image
du pied du patient et d’un logiciel de CAO
lui permettant de garder la maîtrise de la
conception de la semelle ; via une plateforme
collaborative, le fichier est transmis à Wefit
3D, qui crée le programme et fabrique la
semelle sur une imprimante 3D spécialement
développée pour cette application.
Le projet a été conçu en collaboration avec
des podologues.
des implants orthopédiques et dentaires. Objectif : améliorer les propriétés mécaniques, pour renforcer la
fiabilité et éviter les ruptures brutales.
Dans ce domaine, le projet européen
Longlife, qui vient de s’achever, a permis de mettre au point une céramique
en zircone-alumine à faible plasticité
qui se rapproche du métal en termes
de fiabilité.
Principal intérêt de la céramique, son
inertie chimique qui évite le rejet
d’ions par frottement. Pierre-François
Cardey, du Cetim, travaille ainsi sur
les surfaces de frottement des prothèses totales de hanche. « Il s’agit de
réaliser une fonctionnalisation de surface
(traitement, revêtement, texturation…)
qui permette de limiter les frottements
pour allonger la durée de vie de la prothèse et éviter le détachement de particules
d’usure potentiellement nocives pour l’organisme », explique-t-il.
Chez OOS (Orchid Orthopedics
Switzerland, anciennement Alhenia), du groupe Orchid, « nous avons
développé une technologie de traitement
de surface innovante par projection
plasma sous vide de titane et de céramique pour tout type d’implants
d’arthroplastie afin d’améliorer l’usure
pour des surfaces de frottement et en
même temps offrant un traitement antiallergies surtout pour des substrats en
alliage de cobalt-chrome », précise
Myriam Mercier. En répondant à
ces deux problématiques récurrentes
en chirurgie orthopédique, ce revêtement vise à contribuer à prolonger
la durée de vie des implants et à
améliorer le confort des patients.
Toutes ces recherches sur les matériaux associent de plus en plus ingénieurs et chirurgiens, à l’image de
Patrick Chabrand dont l’équipe de
recherche fondamentale est installée
dans un centre hospitalier, près du
bloc opératoire et du service radiologie. À l’image également de Bertrand
Boyer, chirurgien orthopédique au
CHU de Saint-Étienne et de Jean
Geringer, directeur du pôle Orthopédie de l’École des Mines de SaintÉtienne qui ont monté un laboratoire
commun sur les biomatériaux. « Avec
l’école des Mines, nous travaillons sur
l’adaptation de la prothèse de hanche au
patient, et non l’inverse, ce qui suppose
[ Dossier ] décryptage
Un débouché pour
l’impression 3D
Qui dit sur-mesure dit fabrication additive. Comme le fait remarquer Thierry
Manceau, directeur général de Wright
Medical France, « avec l’usinage classique,
nous étions des coupeurs de matière, avec la
fabrication additive, nous devenons créateurs de matière. Nous pouvons réaliser des
designs uniques, des formes géométriques
qu’aucun chirurgien n’aurait jamais osé
imaginer ».
Lauréat du concours mondial de la
Commission Innovation 2030 de Bpifrance, One Ortho, qui a intégré depuis
le groupe Menix, a vendu 400 implants
orthopédiques. Son fondateur, Christophe Alépée, a participé avec cinq
industriels au projet collaboratif Fadiperf du Cetim, une plateforme mutualisée pour partager le coût de mise au
point d’une technologie et d’un nouvel
outil industriel. « Nous avons intégré l’impression 3D en investissant dans une
machine installée en salle propre, indiquet-il. Trois semaines sont suffisantes pour
réaliser un produit sur-mesure. »
Parmi les fournisseurs historiques de
One Ortho, Marle Finishing réalise
des sets de pose à usage unique en
fabrication additive. « Pour poser des
modèles standards, les chirurgiens disposent de boîtes à outils avec des guides
de coupe pour recouper l’os et lui donner
la forme de l’implant, explique Jérôme
Precheur, responsable qualité opérationnelle. La fabrication additive permet de produire des guides parfaitement
adaptés à la morphologie du patient en
réduisant le nombre d’étapes préparatoires au bloc. »
Le médical figure parmi les principaux
débouchés pour les fabricants d’imprimantes 3D. Témoin, le Groupe EOS,
qui a fourni à Oxford Performance
Materials (OPM) une machine pour
fabriquer des implants crâniens à partir
Vous avez dit pluridisciplinaire ?
Simulation de la
pose d'un
stent dans
une artère
© DR
d’améliorer sa fiabilité, indique Bertrand
Boyer. Nous étudions ainsi l’insert en
polyéthylène double mobilité qui permet
de supprimer la luxation, deuxième
cause de reprise de prothèse. Mais réaliser
un implant sur-mesure coûte cher. Il est
possible de contourner en partie le problème en proposant des kits modulaires,
le chirurgien construisant la prothèse pendant l’opération. »
Le Centre d’Ingénierie Santé de Mines de
Saint-Étienne développe des simulations numériques
sur les effets thérapeutiques des Dispositifs médicaux (DM)
dans les tissus mous (tout ce qui n’est pas de l’os). Il travaille
ainsi sur des produits tels que les bas de contention, des
ceintures lombaires, des genouillères, des bandages, etc.
Or, dans ce domaine, une approche mono-discipline connaît
vite des limites. « L’approche mécanique n’est pas suffisante
pour prédire l’évolution de tissus vivants comme la paroi
d’une artère, indique Stéphane Avril, le directeur du centre.
Leur comportement est plus compliqué à modéliser qu’un
matériau inerte. Il faut intégrer de la mécanique des fluides,
mais aussi des effets chimiques et biologiques. » Un travail
éminemment pluridisciplinaire.
de scanner et d’IRM. En chirurgie
crânienne, la parfaite adaptation de
l’implant à la morphologie du patient
est vitale. Cette technologie apporte
une solution efficace puisque pour la
première fois, l’agence américaine du
médicament a autorisé la mise sur le
marché d’un tel implant en polymère
produit par fabrication additive.
Pour aider le chirurgien à poser l’implant ou la prothèse, c’est l’Internet
des objets qui prend le relais en rendant les instruments intelligents.
In’tech Medical a ainsi conçu Wayvio, un module électronique installé
dans la poignée de certains instruments tels que des distracteurs, des
compresseurs, des impacteurs, des
limiteurs de couples, etc. Les capteurs
gardent en mémoire les événements
propres aux instruments réutilisables :
stérilisations, déclenchements, chutes,
etc. « Une sorte de boîte noire qui permet
de connaître l’utilisation réelle de l’instrument, illustre Patrick Khalifé, responsable Recherche & Développement.
Cela facilite la maintenance et permet de
garantir la précision des instruments ».
Une réglementation de plus
en plus stricte
D’autres procédés se révèlent également intéressants pour la fabrication de
DM. Ainsi, l’usinage par dissolution
ionique (PECM) permet de « créer des
états de surface très propres au niveau
métallurgique, et des rugosités intéressantes
lorsqu’on recherche des bonnes propriétés
tribologiques », indique Stéphane
Guérin, du Cetim. Au-delà des procédés, le Cetim travaille sur toute la
chaîne de valeur du développement
des implants, depuis la caractérisation
des matériaux et la simulation
jusqu’aux essais fonctionnels et aux
procédés de nettoyage.
« Nous aidons les industriels dans leur
démarche de maîtrise de la fiabilité,
ainsi que sur les méthodes de qualification pour répondre à une réglementation de plus en plus stricte », précise
Yanneck Suchier, du Cetim.
Une réglementation que beaucoup
d’industriels considèrent comme un
frein à l’innovation. « Par méconnaissance, les organismes certificateurs
voient l’innovation comme un risque
plutôt que comme une opportunité »,
estime Thierry Manceau. Cette
réglementation contribue, par ailleurs, à allonger le temps de mise sur
le marché, alors que l’industrie
cherche justement à réduire ce cycle
pour mieux affronter la concurrence. « Dans notre secteur, l’innovation est une obligation, conclut
Thierry Manceau. L’introduction de
la fabrication additive, par exemple, a
changé notre modèle économique.
Nous n’avons plus besoin de stocks.
Autant d’argent qui peut servir à
d’autres choses : travailler sur notre stratégie, innover et développer l’employabilité de nos salariés. » n
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décryptage [ Dossier ]
Points de vue
Encore des défis à relever
Nos quatre témoins le confirment, la quête du corps médical et de ses alliés issus de l'industrie n'est
pas terminée, aussi bien sur les plans technologique et économique que réglementaire
« Des biomatériaux
qui favorisent l’intégration
des implants »
« Un marché
particulièrement
difficile en France »
Marie-Françoise
Cabel, directrice
qualité achats et
logistique de Maquet
(Groupe Getinge)
Comment favoriser l’intégration d’un implant
pour restaurer une fonction ? La réponse vient
des biomatériaux sur
lesquels travaille l’institut
Carnot Mica (Materials Institut Carnot Alsace) pour
donner aux surfaces des propriétés différentes. « Le
tissu doit coloniser l’implant à certains endroits et
pas à d’autres, explique Philippe Lavalle, directeur
de recherche. C’est la surface qui guide la prolifération. »
En 2013, en collaboration avec le CHU de Strasbourg, le professeur Christian Debry a réalisé une
première mondiale avec la pause d’une prothèse
trachée/larynx en silicone et titane poreux. Cette
nouveauté pourrait améliorer considérablement la
vie des patients qui, suite à un cancer, n’ont plus
ni trachée, ni larynx, en leur permettant à nouveau
de manger et de respirer normalement. Autre enjeu
majeur : la lutte contre les microbes, les antibiotiques ayant de moins en moins d’effet. « En étudiant un traitement de surface visant à réduire les
inflammations, sources de rejet des implants, nous
avons découvert, par hasard, que le polymère sur
lequel nous travaillions avait un effet antimicrobien »,
indique Philippe Lavalle. Le hasard fait parfois bien
les choses. Le concept a été breveté et le laboratoire est en phase de validation sur l’animal, avant
de lancer les essais cliniques sur l’être humain.
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CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017
DR
© Inserm
Philippe Lavalle
directeur de
recherche
Inserm/Institut
Carnot Mica
Le groupe Getinge est spécialisé dans les dispositifs
médicaux et les équipements pour les soins des
patients et les blocs opératoires : prothèses vasculaires, système de lavage et
de désinfection, isolateur, éclairage opératoire, tables
d’opération, etc. Aux États-Unis et en Europe, il s’agit
surtout d’un marché de renouvellement, plutôt que
de création de salles comme dans le reste du monde.
Et le marché est particulièrement difficile en France.
En proie à des difficultés financières, les établissements de soins se tournent en effet souvent vers du
matériel fabriqué dans les pays à bas coût. Face à
cette concurrence sévère, il faut innover et se tourner vers des produits haut de gamme, d’autant que
« nous avons affaire à des clients exigeants et connaisseurs avec des centrales d’achat qui surveillent particulièrement le rapport entre qualité et prix, souligne
Marie-Françoise Cabel, directrice qualité achats et
logistique pour la marque Getinge. Nous proposons
donc des produits aux fonctionnalités étendues, notamment en utilisant l’électronique. » Dans les systèmes d’éclairage des blocs opératoires, Maquet
propose ainsi des produits qui changent de couleurs
selon la température, qui détectent la tête du chirurgien, qui se positionnent pour suivre ses gestes, etc.
Autre exemple : le pilotage vidéo installé sur le même
système de suspension que l’éclairage permet au
praticien de travailler avec les dossiers d’imagerie du
patient devant ses yeux.
[ Dossier ] décryptage
« Créer des implants qui
soient le plus proche possible
de la morphologie du patient »
Améliorer la prise en charge
des patients, leur état fonctionnel, diminuer les douleurs et favoriser l’autonomie : autant d’enjeux en matière de chirurgie du rachis.
Cette chirurgie a connu plusieurs phases d’évolution :
« On a commencé par décomprimer les nerfs, explique
Christophe Nuti, puis fixer les vertèbres en ajoutant des
vis et des tiges pour éviter que leur déplacement ne
comprime d’autres nerfs. Ensuite est apparue la fusion
qui consiste à insérer une cage entre deux vertèbres
qui remplace le disque. » Cette cage est recouverte de
titane et remplie de substances qui favorisent la prolifération osseuse. « Aujourd’hui, toutes ces évolutions
sont intégrées pour arriver à un équilibre global du rachis, en tenant compte de sa courbure, de son angulation », précise Christophe Nuti. Un progrès que l’on
doit à de nouveaux matériaux, notamment pour les vis
et les cages, ce qui permet de s’adapter au mieux à
la morphologie du patient et d’obtenir un meilleur profilage de la colonne. Les développements en matière
d’imagerie médicale contribuent également à améliorer
les techniques. L’objectif est de créer des implants qui
soient le plus proche possible de la morphologie du
patient. Ce qui passe, selon Christophe Nuti, par « de
nouveaux progrès en matière d’imagerie médicale, mais
également par de nouvelles méthodes de fabrication, à
commencer par la fabrication additive ».
DR
DR
« Trois ans pour s’adapter
à la nouvelle réglementation
sur les dispositifs médicaux »
DR
DR
Christophe Nuti, neurochirugien à l’Hôpital privé de la Loire
Pascale Cousin, directrice affaires réglementaires du Syndicat
national de l’industrie des technologies médicales (Snitem)
Il n’y a pas de temps à
perdre. Les industriels ont
trois ans pour s’adapter à la nouvelle réglementation européenne sur les Dispositifs médicaux (DM).
Objectifs affichés par la Commission européenne :
renforcer la transparence, la traçabilité et l’évaluation,
harmoniser les pratiques et simplifier les procédures.
« La directive s’applique aux nouveaux produits mais
aussi à ceux existants, indique Pascale Cousin. Le
travail à accomplir est très important, d’autant que
le marché est constitué à 95 % de PME et de TPE. »
Principale évolution, le périmètre des DM s’élargit à des produits qui ne relèvent pas du soin. Par
exemple, le laser de « détatouage ». Par ailleurs, la
classification des DM est revue à la hausse, notam-
ment pour les implants, ce qui présente un impact
sur les procédures d’évaluation clinique.
« Les industriels doivent passer en revue leurs produits et mettre en place, le cas échéant, de nouveaux
programmes de recherche et d’évaluation clinique. »
Les exigences d’étiquetage et de packaging sont
également nouvelles, ce qui va d’ailleurs déclencher une révision des normes en la matière. Enfin, la
nouvelle directive prévoit de créer un code unique,
avec une base de données à l’échelle européenne,
pour permettre d’identifier chaque DM et d’assurer la
traçabilité jusqu’au patient pour les produits implantables. Une mesure qui vise à simplifier les procédures.
CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017
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décryptage [ Dossier ]
Démarche
Resmed passe au tout numérique
Depuis 2009, Resmed produit en fabrication additive des orthèses d’avancée
mandibulaire sur-mesure pour traiter l’apnée du sommeil. Aujourd’hui, elle met en œuvre
une chaîne numérique complète, depuis le scan des empreintes du patient jusqu’à la
livraison du produit.
L
e 19 janvier 2017, Christophe
Sirugue, secrétaire d’État à
l’Industrie a visité Resmed
France à Saint-Priest. Cette entreprise produit des Orthèses d’avancée
mandibulaire (OAM) sur-mesure par
fabrication additive avec une chaîne
numérique complète, d’où l’intérêt
du secrétaire d’État. L’OAM permet
de traiter les apnées du sommeil.
Selon l’Institut national de la santé et
de la recherche médicale (Inserm),
ce syndrome concerne 7,9 % des personnes âgées de 20 à 44 ans, 19,7 %
des 45-64 ans et 30,5 % des plus de
65 ans.
Centre de recherche
et de production
Qu’est-ce qui provoque l’apnée du
sommeil ? À l’inspiration, un relâchement de la langue et des muscles
de la gorge provoque l’obstruction
des voies respiratoires, un peu
comme un tuyau qui s’écrase, ce qui
bloque l’entrée de l’air dans les poumons. L’apnée peut durer de quelques
secondes à quelques minutes, jusqu’à
ce qu’un micro-réveil permette à la
personne de reprendre son souffle.
Généralement, l’apnée du sommeil
est traitée par un appareil qui envoie
de l’air sous pression à travers un
masque porté par le patient. C’est le
principe de la pression positive continue, inventée par Colin Sullivan, un
médecin australien qui s’est associé à
un industriel, Peter Farrel, pour créer
Resmed voilà 25 ans. En 2009, l’entreprise australienne achète le laboratoire lyonnais Narval qui a mis au
point les OAM.
Resmed France compte près de 220
salariés, dont une cinquantaine
dédiée à l’orthèse Narval. Le site de
Saint-Priest est aujourd’hui un
centre de recherche et de production
des orthèses Narval pour l’ensemble
du monde, à l’exception des
États-Unis.
Adapter l’appareil à la
morphologie du patient
« L’OAM est une sorte de protège-dents
qui comprend deux gouttières, l’une
fixée sur les dents du haut, l’autre sur les
2
© Resmed
1
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CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017
dents du bas, décrit Ludovic Baratier,
inventeur de l’OAM Narval et directeur recherche et technologie chez
Resmed. Les deux gouttières sont
reliées par des biellettes réglables. Ce système permet d’opérer mécaniquement
une avancée de la mandibule pour
réduire l’obstruction des voies aériennes. »
Ce dispositif médical est beaucoup
moins imposant que la machine de
pression positive continue. Discret, il
est souvent mieux accepté par les
patients, notamment les plus jeunes,
et offre une véritable alternative de
traitement des apnéiques sévères ne
supportant pas la pression positive
continue. Pour fabriquer l’OAM, le
spécialiste dentaire envoie une
empreinte des dents du patient prise
avec de la pâte. Cette empreinte permet de couler un modèle en plâtre qui
est scanné. À partir du scan 3D, l’orthèse est conçue sur-mesure via un
logiciel de Conception et fabrication
assistées par ordinateur (CFAO). Il
faut ensuite programmer la machine
de fabrication additive. En sortie de
machine par frittage laser de poudre
[ Dossier ] décryptage
de plastique, la pièce construite
couche par couche est nettoyée, polie
et recontrôlée sur le modèle en plâtre,
avant d’être expédiée chez le spécialiste dentaire qui assure le suivi, avec
notamment le réglage des biellettes.
L’utilisation de la fabrication additive
permet d’adapter l’OAM au plus près
de la morphologie du patient. « Avec le
Cetim, nous avons travaillé sur le choix
du procédé de fabrication additive, le
matériau et sur le design pour répondre à
des contraintes très fortes, explique
Ludovic Baratier. Au cours de la nuit,
les gens serrent les mâchoires et grincent
des dents au point de les user, alors qu’il
s’agit d’une matière particulièrement résistante. Il a donc fallu trouver des matériaux très durs, en l’occurrence du
polyamide 12 pour les gouttières et du
polyamide 11 pour les biellettes. » Autre
contrainte, les biellettes doivent supporter un niveau de compression
élevé, des frottements et des mouvements pour maintenir la mâchoire en
position avancée. Enfin, puisqu’il
s’agit d’un dispositif médical, l’aspect
sanitaire est important et implique des
tests de biocompatibilité.
Une chaîne numérique
complète
Fin 2008, le projet est finalisé et la
fabrication démarre début 2009.
« Il a fallu apprendre à maîtriser le process et être capable d’intégrer tout type de
modèle, chaque patient ayant des dents
et une morphologie différentes », insiste
Ludovic Baratier. Une fois bien maîtrisée la technologie de la fabrication
Pratique
additive, qui représentait à l’époque
une petite révolution, Resmed franchit une étape supplémentaire, avec la
mise en place d’une chaîne 100 %
numérique, de la conception jusqu’à
la livraison. Comment ? En remplaçant la prise d’empreinte manuelle
par l’utilisation d’un scanner intraoral : une caméra placée dans la
bouche du patient scanne directement les dents du haut et du bas.
L’image numérique 3D est envoyée
sur une plateforme d’échanges avec
Resmed. Tous les fichiers sont bien
sûr sécurisés puisqu’il s’agit de données médicales.
Outre un meilleur confort pour le
patient, le scanner intra-oral garantit
la qualité de la prise d’empreinte pour
une fabrication de haute précision de
l’orthèse. Plus besoin de convoquer la
personne si l’empreinte a été mal
prise ou s’est détériorée dans le transport. « La numérisation nous permet de
travailler avec n’importe quel praticien
dans le monde, remarque Ludovic
Baratier. Et l’on peut vérifier immédiatement que l’OAM s’adapte bien à la
morphologie du patient. »
Depuis 2009, Resmed a vendu près
de 200 000 orthèses dans le monde
entier. À l’avenir, l’entreprise compte
réaliser 100 % de ses produits en
mode « tout numérique ». Le temps
que les spécialistes dentaires
s’équipent d’un scanner intra-oral qui
leur permettrait aussi de fabriquer des
couronnes, des bridges ou tout autre
implant dentaire. n
À LIRE
Guide pratique Gestion des risques des
dispositifs médicaux - Édition 2016 Prise en compte des risques « logiciels »
Cetim, Snitem - Réf. : 6D54
À VOIR
Rencontres 5.0 - Conférences Thème
Santé
Fini le temps des prothèses standard ! Désormais,
il est possible de remplacer de façon individualisée
certaines parties du corps humain ! Exemple avec
l’histoire vraie d’un alpiniste, dévoilée pendant
les « Rencontres 5.0 », cérémonie de clôture des
50 ans du Cetim, le 5 juillet 2016 à Bercy.
Youtube – chaîne Cetim France
Resmed - Reconception d’orthèses
spécifiques
Réalisation d’orthèses par fabrication additive
(personnalisation du design) compatible avec les
nouvelles techniques de prises d’empreintes
optiques sur le marché (scanner intra-oral et
imagerie 3D).
Youtube – chaîne Cetim France
ÉVÉNEMENTS
Contaminexpo
Le salon de la maîtrise de la contamination et des
salles propres.
Du 28 au 30 mars 2017 à Paris, Porte de Versailles.
Medtec Europe
Le salon européen des dispositifs médicaux et des
technologies médicales.
Du 4 au 6 avril 2017 à Stuttgart (Allemagne).
Journées « Innovez dans les implants
orthopédiques » et Orthomanufacture
Deux jours de conférences et présentations des
dernières avancées du domaine, complétées par un
salon dédié aux industries de la filière des implants
et instruments en orthopédie, traumatologie, rachisdentaires. Les 27 et 28 juin 2017 à Saint-Étienne.
cetim.fr, rubrique « Agenda »
DOSSIER RÉALISÉ PAR ALAIN LAMOUR
Resmed a mis en place une chaîne numérique complète
pour la réalisation d'orthèses d'avancée mandibulaire. Après
le scan du patient (1), les ingénieurs conçoivent l'orthèse en
CAO (2) puis la produisent en fabrication additive avant le
contrôle final (3).
VEILLE
Retrouvez les notes de veille du Cetim
traitant de ce sujet sur cetim.fr, rubrique
« Mécathèque » :
© Resmed
© Resmed
3
• Biomimétisme et dispositifs médicaux.
Deux implants et prothèses orthopédiques
(janvier 2017)
• Évolutions des alliages et surfaces en DM
implantés. Trois revêtements innovants de
dispositifs médicaux sur le marché (octobre 2016)
• Emballage – Nouveaux enjeux de l’emballage
médical (octobre 2016)
• Workshop ASTM 2016: fabrication additive
pour applications médicales (juillet 2016)
• Medtec Europe 2016 : l’ère connectée et
l’ingénierie des surfaces (mai 2016)
CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017
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