La mondialisation renforce-t-elle les écarts entre croissance et

publicité
130
Résumé
STÉPHANIE TREILLET
LA MONDIALISATION RENFORCE-T-ELLE LES ÉCARTS
ENTRE CROISSANCE ET DÉVELOPPEMENT ?
Dans le contexte de la mondialisation contemporaine, on est conduit à se demander si ses effets contrastés constituent une occasion de refonder théoriquement la distinction – articulation entre croissance et développement, articulation fondatrice de l’économie du développement dans les années 1950 à 1970. Celle-ci consistait en effet à
considérer que les aspects qualitatifs et structurels du développement (amélioration des conditions de vie de la
population, diminution des inégalités régionales et sociales de tous ordres, meilleure articulation du tissu productif,
transformation durable des structures productives, des modes de vie et des mentalités…) ne procédaient pas automatiquement de la croissance du PIB. Si cet objectif spécifique de développement a été éclipsé par le court termisme de la doctrine de l’ajustement structurel dans les années 1980, il a resurgi à partir du milieu des années
1990 sous la forme de la notion de « développement humain » promue notamment par le PNUD. Cette dernière
notion est donc contemporaine de la phase actuelle de mondialisation.
Une étude préalable a porté sur les modalités actuelles de la mondialisation productive, via les flux d’investissement
directs étrangers dans l’industrie, et sur la nouvelle division internationale du travail qui en résulte dans un contexte
de libre-échange croissant. À travers l’exemple emblématique du Mexique, on observe que ces évolutions tendent
à accroître plutôt qu’à atténuer les différenciations sectorielles et régionales : des firmes multinationales implantent
désormais des unités productives intensives en capital et en technologie. Mais ces avancées circonscrites, faute
d’une politique industrielle cohérente, ne se diffusent ni à l’ensemble du tissu productif, ni à l’ensemble des États
fédérés. Il en est de même pour les inégalités sociales, notamment les inégalités de revenus qui tendent à s’accentuer. Dans un second temps de l’analyse, l’évolution des inégalités étant identifiée comme l’indicateur d’un décalage entre croissance et développement humain, une étude a été effectuée sur un échantillon diversifié de pays,
afin de mettre en regard leur intégration dans la mondialisation, le rythme de croissance qui en résulte, leurs indicateurs de développement humain, et l’évolution des inégalités de revenus qu’ils connaissent.
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
La mondialisation renforce-t-elle les écarts
entre croissance et développement ?
Stéphanie Treillet*
L
A distinction entre développement et croissance a, sur le plan théorique, un rôle fondateur en économie du développement. Remise en cause par la doctrine de l’ajustement structurel qui s’impose dans les Pays en développement (PED) à partir des
années 1980, cette distinction semble resurgir, dans le débat public comme dans la sphère
académique, à partir de la décennie 1990, à travers la notion de développement humain,
élaborée pour le PNUD par Amartya Sen. Paradoxalement, cette réélaboration se produit
alors même que les politiques d’ajustement structurel (PAS) se poursuivent dans la plupart
des pays en développement, et surtout au moment où la mondialisation fait véritablement
sentir ses effets différenciés sur leurs économies. Simultanément, deux catégories de faits
font évoluer ce questionnement. On observe, tout d’abord, la poursuite du creusement des
écarts internationaux de revenus par tête, qui peuvent être attribués à la mondialisation
mais cela fait débat. Ce creusement confirme les résultats les plus courants des recherches
sur la convergence internationale, en contribuant à remettre en cause la vraisemblance d’un
rattrapage général du « Nord » par le « Sud », alors même que les performances récentes de
la Chine et de l’Inde invitent à explorer les conditions d’un rattrapage extrêmement sélectif à l’intérieur des PED. On note, dans le même temps, que les modalités mêmes de ces
performances et leurs effets collatéraux font resurgir les débats sur les relations entre croissance et inégalités d’une part, entre croissance et développement humain d’autre part1.
Dans ce contexte, on est donc conduit à se demander si les effets contrastés de la mondialisation constituent une occasion de refonder théoriquement la distinction/articulation
entre croissance et développement. On s’interroge notamment sur les nouveaux contenus
de cette distinction qui peuvent être appréhendée au travers des indicateurs de développement élaborés par le PNUD : ceux-ci ne laissent-ils pas de côté certains aspects des conséquences contemporaines de la mondialisation sur le développement humain ?
Une telle refondation constitue un enjeu car cette distinction fait aujourd’hui l’objet d’une
double négation symétrique : d’un côté, si elle est mise en avant par le PNUD, elle continue à être largement occultée par les institutions internationales « de Washington » (FMI,
Banque mondiale) et par l’OMC pour qui, en fin de compte, le critère d’une intégration
réussie dans la mondialisation demeure la seule croissance du PIB ; de l’autre, des courants
de pensée, à la lisière de l’économie (puisque prétendant « sortir de l’économie »), refusent
* Économiste, maître de conférences, IUFM Créteil, [email protected]
1. Il convient de noter qu’au cours de la même période est promue la notion de développement durable, qui intègre une
dimension intergénérationnelle et environnementale qu’on ne traitera pas ici. Cependant la démarche est la même : au-delà
des différentes acceptions possible du développement durable que la définition très générale donnée par le rapport
Brundtland en 1987 permet de concevoir, il s’agit bien d’intégrer dans l’évolution des sociétés des dimensions non réductibles à la seule croissance de la production monétarisée et du revenu monétaire.
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
132
toute distinction entre développement et croissance du PIB. Ils considèrent qu’il ne peut y
avoir d’autre développement que le développement réellement existant qui a été mené dans
la continuité de la colonisation, toute prétention à emprunter une autre voie s’avérant
vaine2. Ils préconisent donc une posture de
refus du développement au nom du relativisme
culturel. Refonder une distinction théorique
entre développement et croissance dans le
contexte de la mondialisation consiste donc à
explorer les conditions théoriques d’une pluralité de stratégies de développement.
On cherchera dans ce texte à étudier en quoi
les conditions d’une intégration, plus ou
moins poussée, de différents PED dans la
mondialisation contemporaine, peuvent être
rapprochées de leurs évolutions différenciées
en termes de croissance, d’inégalités de revenu,
et d’indicateurs de développement humain.
L’angle d’approche adopté ici consiste à effectuer une mise en relation de ces variables pour
des pays en développement, sur la base de l’hypothèse – avancée dans les débuts de l’économie du développement et réaffirmée
aujourd’hui par le PNUD (2005) – que, audelà de la diversification contemporaine des
« Sud », des mécanismes spécifiques communs
continuent à faire barrage à la transformation,
d’une part de l’insertion dans la mondialisation en croissance et, d’autre part, de la croissance en développement humain.
L’évolution de la distinction
croissance-développement
La distinction théorique entre croissance et
développement, fondatrice de l’économie du
développement comme domaine d’étude et
approche spécifiques (Treillet 1996), a connu
une remise en cause d’ensemble au cours de la
décennie 1980, et une réapparition depuis le
début et surtout le milieu de la décennie 1990,
mais sous une forme et à travers des grilles
d’analyse théoriques en grande partie nouvelles.
2. Pour S. Latouche (2003), « qu’il soit “durable”, “soutenable” ou
“endogène”, il s’inscrit toujours, de manière plus ou moins violente,
dans la logique destructrice de l’accumulation capitaliste ».
De la remise en cause de la « théorie
des étapes » à la notion
de « développement humain »
Dans l’immédiat après-guerre et jusqu’aux
années 1960, au moment où dominent en économie les grands modèles de croissance (le
modèle néokeynésien d’Harrod-Domar et
celui néoclassique de Solow), l’économie du
développement s’élabore comme un domaine
d’étude spécifique, en se démarquant de ces
modèles même si elle s’en inspire. Elle s’affranchit notamment de la « théorie des étapes de la
croissance » de Rostow (1960), qui postule une
reproduction à l’identique dans les économies
« sous-développées » des étapes franchies par les
économies
d’Europe
occidentale
et
d’Amérique du Nord au moment de la révolution industrielle et depuis.
Cette critique se décline en plusieurs propositions :
– Le sous-développement n’est pas un retard
de développement, mais une situation historique spécifique qui est le produit du fonctionnement de l’économie mondiale (et
antérieurement de la colonisation).
– Les structures propres des sociétés « sousdéveloppées » ne permettent pas d’envisager
une trajectoire linéaire et un passage automatique d’une étape à l’autre. Différents blocages s’y opposent.
François Perroux oppose ainsi croissance
(notion exclusivement quantitative mettant
en jeu des agrégats homogènes), à développement (notion mettant en jeu des aspects qualitatifs, « les coûts de l’homme », et des transformations structurelles). Il définit le
développement comme « la combinaison des
changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global. » (1961 : 16). Ces changements se
distinguent de la simple croissance même s’ils
peuvent en procéder. « Il est remarquable que
l’analyse du concept même de croissance, tel
qu’il a été défini, utilisé théoriquement et formalisé au cours des trente dernières années,
révèle son insuffisance radicale pour fonder une
politique économique à l’égard des pays en développement ou pratiquée par eux. […] La croissance pour quoi, en vue de quoi ? La croissance,
bienfaisante sous quelles conditions ? La croissance pour qui ? Pour certains membres de la
communauté internationale, ou pour tous ?
Comment répondre pertinemment si l’on traite
d’agrégats supposés homogènes par construction ? » (1981 : 46).
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
Selon lui, l’observation des pays en développement révèle des déséquilibres spécifiques :
« mauvaise articulation des parties dans le tout »,
extraversion, cloisonnement des marchés,
« gaspillage des ressources humaines », « asymétrie » et « emprises de structures » dans les
contacts avec les économies développées. La
croissance n’est donc pas en soi un objectif suffisant : « Prendre en considération le développement c’est faire comprendre le risque de la croissance sans développement3. Il se réalise
manifestement quand, dans les pays en développement, l’animation économique se cantonne
autour des implantations de firmes étrangères ou
de grands travaux sans s’irradier dans l’ensemble. » (1981 : 47).
Les théoriciens structuralistes de la Cepal,
notamment H. Singer et R. Prebisch, à partir
des années 1950, se fondant sur un paradigme
centre-périphérie, mettent eux aussi l’accent
sur l’interaction entre les déséquilibres structurels des économies « sous-développées », (dualisme, faibles gains de productivité) et leur
position périphérique dans l’économie mondiale (détérioration des termes de l’échange).
Le rôle spécifique des faibles gains de productivité dans la perpétuation du sous-développement est, dans leur analyse, au cœur de cette
interaction à plusieurs niveaux :
– non maîtrise du progrès technique par les
pays de la périphérie ;
– progrès techniques plus lents dans le secteur primaire et à la périphérie que dans l’industrie et au centre ;
– mauvaise diffusion du progrès technique
compte tenu des structures internes des économies de la périphérie (enclaves) ;
– répartition inégale des gains de productivité, avec une progression des revenus à la
périphérie plus faible que celle de la productivité : ce décalage récurrent est lié à la fois
aux structures internationales du commerce
et aux structures internes des sociétés (surpopulation relative et sous-emploi, concentration des terres).
Il faut noter qu’au cours de cette période, la
caractérisation des spécificités structurelles du
sous-développement englobe une large palette
théorique dans la pensée économique. Un certain nombre d’économistes du développement, se rattachant pourtant au paradigme
néoclassique, mettent en avant les mécanismes
de blocage (cercle vicieux et pénurie d’épargne
pour Nurske [1953], dualisme pour Lewis
[1954] puis Harris et Todaro [1970]) qui font
obstacle à l’accumulation du capital et à la
croissance. Des modèles de croissance cher-
chent à adapter leurs hypothèses et concepts
aux spécificités du sous-développement
(Dumas 1982). À l’autre extrémité du champ
théorique, les théoriciens de la dépendance,
partant d’une critique des limites des politiques d’industrialisation inspirée du structuralisme (substitution d’importation) mettent
l’accent sur la façon dont l’insertion des économies périphériques dans le capitalisme mondial s’articule avec leur structure de classe
interne pour perpétuer des phénomènes de
« mal-développement » ou de « développement
du sous-développement » (Gunder-Frank
1967, Amin 1970). Dans la distinction entre
développement et croissance qui prévaut
jusqu’au début des années 1980, deux types de
mécanismes sont donc, la plupart du temps,
mis en avant à travers des grilles d’analyse
théorique qui peuvent être très différentes par
ailleurs :
– les modalités spécifiques d’insertion des
économies du tiers-monde dans l’économie
mondiale ;
– les déséquilibres de leurs structures internes.
Ainsi le développement n’est pas réductible à la
croissance, même si une certaine croissance est
indispensable au développement.
Le « Consensus de Washington » et la doctrine
de l’ajustement structurel vont faire table rase
de cette distinction au début des années 1980.
On citera ici J.-M. Fontaine et M. Lanzarotti
(2001 : 47) : « Dans un environnement intellectuel hostile à toute considération d’ordre structurel, le court terme est la seule voie d’entrée dans le
débat. » Pendant toute la décennie, il ne sera
plus question d’envisager une perspective de
moyen ou long terme, ni de prendre en
compte des dimensions structurelles ou qualitatives dans les critères d’appréciation des performances des économies. Seules comptent les
performances mesurables par des indicateurs
macroéconomiques conjoncturels. On peut
même avancer que dans les premières années
qui suivent la crise de la dette, non seulement
la distinction entre développement et croissance n’a plus lieu d’être mais l’objectif de
croissance lui-même passe au second plan, au
profit de l’objectif de restauration des grands
équilibres (équilibre budgétaire, équilibre de la
balance courante, maîtrise de l’inflation).
3. On notera qu’il ajoute « Quant au développement sans croissance il est, abstraitement, contenu dans le slogan superficiel et malfaisant qui a eu un certain succès en Europe, voici quelques années :
la croissance zéro. »
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
133
134
Il faudra attendre le début de la décennie 1990,
avec l’élaboration de la notion de développement humain, pour que la notion de développement entendue comme distincte de la croissance commence à recouvrer une légitimité
théorique. Les étapes en sont les suivantes :
– 1990 : élaboration de l’Indicateur de développement humain par A. Sen pour le
PNUD. De cette date à 1997, d’autres indicateurs suivront (Indicateur de pauvreté
humaine [IPH], Indicateur de pénurie des
capacités [IPC], Indicateur sexo-spécifique
de développement humain [ISDH])…, qui
tentent de répondre de façon variée à la
même préoccupation : mettre en évidence
différentes dimensions du développement
(santé, éducation, égalité de genre, satisfaction de différents besoins de base…) ;
– 1998 : A. Sen reçoit le « Prix Nobel d’économie », ce qui semble ouvrir une brèche
significative dans la doctrine de l’ajustement
structurel4.
– le rapport 2000-2001 de la Banque mondiale, Attacking poverty, se réclame pour la
première fois d’une conception multidimensionnelle de la pauvreté qui dépasse la
conception uniquement monétaire utilisée
jusqu’alors
et
largement
critiquée
(Destremau 1998, Destremau, Salama
2002). Reprenant à son compte une partie
des analyses de Sen (en les édulcorant en
grande partie dans un processus d’élaboration de ce que certains nommeront un
« post-Washington-Consensus »5), la Banque
mondiale (comme le FMI) met en avant non
seulement les conditions de vie (santé, éducation, logement…), mais également la
liberté de choix, la possibilité de faire valoir
des droits, la démocratie…
C’est la combinaison de ces différents aspects
qui constitue la notion de « développement
humain », telle qu’elle est aujourd’hui largement diffusée par les institutions internationales. Si certains aspects, pour qualitatifs qu’ils
soient (éducation, santé, logement…) peuvent
faire l’objet de mesures sous forme d’indicateur
quantitatifs, soit en termes de moyens (nombre de personnels de santé, accès à l’eau potable, part des dépenses dans le PIB ou le budget de l’État…), soit en termes de résultats
(mortalité infantile ou maternelle, espérance
4. Pour une critique des théories de Sen, notamment de la
notion d’empowerment, cf. B. Prévost 2004.
5. Hakim Ben Hammouda, L’Économie politique du post-ajustement, Paris, Karthala, 1999.
6. Comme l’Indicateur de la participation des femmes (IPF) à
l’activité économique et à la vie politique.
de vie, taux d’alphabétisation et de scolarisation…), tout ce qui a trait à la démocratie, aux
droits et à la liberté est beaucoup plus difficilement mesurable, même si des tentatives existent6. En même temps, on peut considérer que
ce sont ces aspects qui constituent la nouveauté de la définition du développement
humain, par rapport à une définition plus traditionnelle du développement telle que celle
formulée par F. Perroux.
Mondialisation et aggravation
des inégalités mondiales
Au cours de cette période, les inégalités mondiales s’accentuent. Plusieurs études (Bourguignon
Morrisson 2002, Milanovic 2002), montrent
que cette évolution est due avant tout à une
aggravation des inégalités internes aux différents
pays (au Nord comme au Sud), qui avaient
régressé de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années
1960. Cependant les inégalités internationales
ne sont pas exonérées de cette évolution, même
si tous les auteurs ne s’accordent pas sur ce
point. La littérature sur la convergence internationale, très abondante, met depuis longtemps
l’accent sur la convergence conditionnelle qui
permet de rendre compte de l’absence de rattrapage Sud-Nord, des différences structurelles
entre pays dessinant des entiers de croissance
différents autour desquels s’effectue la convergence. La période récente semble dessiner les
scenarii de mécanismes de rattrapage très sélectifs (certains parlent de « bipolarisation » (Quah
1996), ou de « club de convergence ». En ce qui
concerne l’évolution des inégalités mondiales, le
rattrapage rapide en matière de revenu par tête
de grands pays très peuplés, comme la Chine et
l’Inde, peut contribuer à masquer à l’échelle globale le creusement des écarts d’un grand nombre de PED, dont les plus pauvres, avec les pays
industrialisés.
Cette évolution semble conforter l’idée, couramment développée, que la mondialisation
comporte, parmi les PED, des gagnants et des
perdants : les premiers, faisant preuve d’une
intégration dynamique dans le processus de
mondialisation (échanges de marchandises et
flux de capitaux), connaîtraient un processus de
rattrapage sur le plan de la croissance et du
revenu par tête qui se traduirait par des performances encourageantes en matière de développement humain ; les second se trouveraient dans
une situation de marginalisation par rapport à la
mondialisation, ayant en quelle que sorte « raté
le coche », et verraient à la fois se creuser l’écart
en matière de croissance, de revenu monétaire,
et de développement humain. Cette proposi-
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
tion repose sur plusieurs hypothèses de corrélations qu’il convient d’interroger.
En effet, dans son Rapport sur le développement
humain de 2005, le PNUD revient sur le bilan
de l’avancée du développement humain depuis
quinze ans, notamment par rapport aux possibilités d’atteindre les Objectifs de développement du millénaire (ODM) pour 2015, et formule le constat suivant : « Les revenus moyens
dans les pays en développement ont vu une croissance beaucoup plus forte depuis 1990.
Cependant cette croissance des revenus n’a pas
marqué une orientation mondiale vers les ODM,
dont la plupart ne seront pas atteints dans la
majorité des pays. Une partie du problème réside
dans le fait que la croissance a été distribuée à des
niveaux inégaux entre les pays et à l’intérieur des
pays. Le problème plus grave est qu’une plus
grande richesse ne soit pas convertie en développement humain au degré nécessaire pour se rapprocher des ODM. » (p. 20).
On retrouve ce même décalage dans l’évolution des résultats de différents pays : le fait de
connaître une avancée de l’IDH plus rapide
que celle du revenu par tête ne dépend ni du
niveau de départ de celui-ci, ni de la rapidité
de sa croissance. C’est en effet le cas de la
Chine, comme du Bengladesh, dont l’IDH a
progressé de 20 % depuis 1990. Pourtant le
Bengladesh a avancé plus vite dans l’échelle de
l’IDH que dans l’échelle du PIB par tête,
contrairement à la Chine (qui a connu la croissance très rapide que l’on sait). Les cas de
figure inverses sont aussi vrais : « Malgré un
revenu moyen par habitant presque deux fois
supérieur à celui du Vietnam, le Guatemala est
moins bien classé sur échelle de l’IDH. » (p. 26).
Le même type de comparaison vaut pour
l’Arabie Saoudite et la Thaïlande, etc.
De fait, « certains pays, parmi les plus fréquemment cités à titre d’exemple de « réussite » de la
mondialisation, ont de plus en plus de difficultés
à tirer parti de la prospérité croissante pour favoriser le développement humain » (p. 21).
Les relations mondialisation-croissance-développement humain semblent donc moins unilatérales que ce qu’une typologie simpliste pourrait laisser penser. D’une part parce que des
sociétés peuvent pâtir d’une croissance obtenue
grâce à une intégration très rapide ou mal
contrôlée à la mondialisation, lorsque les modalités de celle-ci s’avèrent génératrices de crises
violentes (Argentine) ou d’instabilité (Mexique,
Thaïlande…), ou lorsqu’elles contribuent par
leur nature même à faire obstacle à la transfor-
mation du revenu supplémentaire en développement humain. D’autres pays à l’opposé, qui
paraissent oubliés de la mondialisation, et dont
les échecs en matière de développement humain
semblent la rançon d’une croissance faible ou
nulle (Afrique subsaharienne), pâtissent en réalité d’une intégration asymétrique dans la mondialisation : ils voient l’économie mondiale
peser de manière très forte sur leurs économies,
si la réciproque n’est pas vraie. D’autre part, les
exemples d’économies considérées comme des
réussites conduisent à s’interroger sur les mécanismes qui favorisent (ou entravent) la transformation de la croissance du revenu en développement humain dans le contexte de la
mondialisation. Ainsi, la croissance très rapide
du revenu par tête de la Chine s’est traduite par
une augmentation des inégalités sociales (inégalités entre groupes sociaux, entre régions, entre
ville et campagne). Malgré cette évolution, la
pauvreté a reculé, par un simple effet mécanique
de « ruissellement » (trickle down) ; ce qui signifie en revanche que la pauvreté relative n’a pas
reculé, et a même probablement augmenté. Si la
Chine, on l’a vu, n’a pas progressé aussi vite
dans son IDH que dans son revenu par tête, elle
conserve en 2003 une avance (de + 5) dans son
classement d’IDH par rapport à celui du revenu
par tête. Or, selon le PNUD, « des écarts importants entre le revenu et le classement sur l’échelle de
l’IDH (écart négatifs, NDA) sont généralement
révélateurs d’inégalités structurelles profondes et
telles que la création de richesse ne s’accompagne
pas d’un développement humain. Ils indiquent
également des lacunes dans les politiques publiques » (p. 26). La réflexion sur la relation de
Kuznets (1957), qui fait de l’augmentation des
inégalités de revenus un corollaire des premières
étapes de la croissance, que les étapes suivantes
contribuent à résorber, a été très nourrie dans le
contexte d’un renouvellement plus général des
recherches sur les inégalités (Banque mondiale
2006). Il convient donc de prendre en compte
ces interrogations, à la lumière des épisodes
récents de croissance rapide dans certains grands
PED.
On s’interrogera ainsi sur l’influence propre
que ces deux paramètres, inégalités structurelles et politiques publiques, sont susceptibles
d’avoir dans le contexte de la mondialisation,
et des processus de déréglementation qu’elle a
engendré ou favorisé.
Afin d’étayer ces différentes articulations, je
tenterai ici de bâtir une esquisse de typologie,
à partir d’un échantillon de différents pays en
développement, autour de la confrontation
d’une sélection de variables.
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
135
136
ENCADRÉ 1
Les indicateurs d’inégalités
Le coefficient de Gini
Le coefficient de Gini est une mesure du degré d’inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée. Il s’agit
d’un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite (tout le monde a le même revenu) et 1 signifie l’inégalité parfaite
(une personne a tout le revenu, les autres n’ont rien). Il mesure la surface entre la bissectrice (qui marque la situation où la
distribution des revenus serait totalement équitable) et la courbe de Lorenz qui indique la distribution effective des revenus
dans une population donnée (en abscisse, pourcentage de la population par revenu croissant ; en ordonnée, pourcentage de
revenu cumulé).
La comparaison des inégalités de revenus entre pays sur la base du coefficient de Gini présente certaines limites spécifiques :
par exemple il peut être calculé dans certains cas sur la base du revenu disponible, dans d’autres sur la base des dépenses
des ménages ; dans ce dernier cas il est presque systématiquement moins élevé. Son actualisation est irrégulière, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’un pays pauvre. Ainsi, dans le Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale de
2006, consacré aux inégalités, les dates vont de 1993 en Namibie et en Guinée-Bissau, à 2002 et 2003 pour un très petit
nombre de pays. Le chiffre le plus récent pour la grande majorité des économies remonte à 1998 ou 1999. La faible fréquence
de l’actualisation fait qu’il est difficile de comparer l’évolution de ce coefficient sur une décennie pour de nombreux pays.
Enfin, il n’est pas calculé pour tous les pays, et rarement actualisé pour les pays les plus pauvres7.
Malgré toutes ces limites statistiques, le classement des pays en fonction du coefficient de Gini donne une indication assez pertinente des différents profils nationaux et régionaux d’inégalités de revenus. Ainsi, la comparaison avec le classement en fonction du rapport inter décile 90/10 (Banque mondial 2006) – c’est-à-dire le rapport entre le revenu du dixième de population
ayant le revenu le plus élevé et le dixième ayant le revenu le plus faible, corrobore presque systématiquement ce classement.
Les éléments de distinction
entre croissance et développement :
essai de typologie
L’exercice de construction de cette typologie
consiste à confronter, pour une cinquantaine
de pays en développement, les variables suivantes pour les années les plus récentes :
• taux de croissance du PIB par tête, sur la
période 1900-2003 (comparé à la période
1980-1989),
• degré d’intégration des économies dans la
mondialisation en 2003, avec deux indicateurs :
– degré d’ouverture commerciale de l’économie, c’est-à-dire poids du commerce extérieur
dans le PIB (exportations + importations/PIB),
– part des flux d’Investissements directs
étrangers (IDE) dans la Formation brute de
capital fixe (FBCF),
• degré d’inégalités de revenus, avec le coefficient de Gini à la fin de la décennie 1990
ou au début des années 2000 (cf. encadré 1),
• différence de classement entre le PIB par
tête et l’Indicateur de développement
humain (IDH) en 2003.
encadré 1) et donc un appareillage beaucoup
plus lourd. Il s’agit seulement, sur la base de
cet essai de typologie, de commencer à esquisser des pistes de réflexion sur les modalités
d’articulation entre les différentes variables
évoquées précédemment, et la façon dont la
mondialisation est susceptible de remettre en
question des liaisons couramment admises
entre rythme de croissance, inégalités de revenus, développement humain.
Seuls les pays pour lesquels tous ces chiffres
sont disponibles sont retenus, ce qui exclut
beaucoup de très petits pays pour lesquels le
coefficient de Gini (ou l’IDH) ne sont pas calculés.
Les pays qui connaissent une forte
croissance depuis le début des années
1990 connaissent-ils tous un degré
important d’internationalisation ?
Il ne s’agit pas ici d’établir des corrélations systématiques, ce qui nécessiterait des méthodes
de calcul statistique non utilisées, la prise en
compte de l’évolution de ces variables (d’ailleurs difficile pour le cœfficient de Gini, cf.
L’analyse mise en avant par les institutions
financières internationales attribue en général
les performances de pays en développement
qui ont connu une forte croissance à l’orientation de leur économie vers le marché mondial
et au degré de libéralisation des mouvements
de capitaux, notamment les IDE. Or pour
l’échantillon de pays étudié, un examen au cas
par cas semble remettre en cause une telle corrélation.
7. Il est inconnu notamment au : RDC, Togo, Angola, Bénin,
Barbade, Cuba, Qatar, Liban, Surinam, Maurice, Tchad, Syrie,
Guyana, Arabie Saoudite, Libye, Maldives, Belize, Cap Vert,
Oman, Fidji, Myanmar, Vanuatu, Djibouti, Congo, Comores,
Soudan, Haïti, Guinée éq., Erythrée…
Quels sont les pays qui connaissent
une croissance rapide ?
Deux critères seront alternativement utilisés
pour qualifier de rapide la croissance d’un pays
de l’échantillon sélectionné :
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
– la comparaison entre deux périodes séparées par une décennie : un rythme de croissance du PIB réel par tête ayant connu, en
moyenne annuelle, une accélération significative au cours de la période 1990-2003 par
rapport à la période 1980-1989.
– la comparaison internationale : un rythme
de croissance au cours de cette période significativement supérieur à la moyenne régionale (cf. annexe statistique).
En Amérique latine, on observe que cela ne
concerne, parmi les économies d’Amérique du
Sud, que le Chili et trois pays d’Amérique centrale, le Costa Rica, El Salvador et Panama,
ainsi qu’une économie dans les Caraïbes, la
République dominicaine.
Une grande partie de l’Asie de l’Est et du Sud
est restée également à l’écart, à l’exception
notable du Vietnam, du Cambodge, du Laos,
et bien sûr de la Chine.
Pour l’Asie du Sud, on trouve l’Inde et le
Bangladesh, et pour le Maghreb-Machrek,
l’Iran, la Tunisie et la Mauritanie
TABLEAU 1
Classement des pays de l’échantillon par régions et rythmes de croissance
Croissance réelle du PIB par tête
1990-2003
Croissance rapide
Croissance moyenne
Croissance lente
Région
Amérique latine
Chili
Argentine
Colombie
Costa Rica
Bolivie
Équateur
El Salvador
Brésil
Honduras
Panama
Guatemala
Nicaragua
Rép. dominicaine
Jamaïque
Paraguay
Mexique
Venezuela
Pérou
Asie de l’Est et du Sud-Est
Cambodge
Malaisie
Chine
Philippines
Laos
Singapour
Vietnam
Asie du Sud
Thaïlande
Bangladesh
Sri Lanka
Inde
Maghreb-Machrek
Indonésie
Népal
Pakistan
Iran
Égypte
Algérie
Mauritanie
Jordanie
Tunisie
Maroc
Turquie
Afrique
subsaharienne
Botswana
Cameroun
Afrique du Sud
Ghana
Burundi
Lesotho
Côte d’Ivoire
Malawi
Gambie
Mozambique
Guinée Bissau
Namibie
Kenya
Ouganda
Madagascar
Tanzanie
Niger
Nigeria
Rép. centrafricaine
Sénégal
Sierra Leone
Swaziland
Zambie
Zimbabwe
Sources : PNUD, Human Development Report 2005.
CNUCED, World Investment report 2005.
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
137
138
Enfin, on y trouve un petit nombre de pays
d’Afrique subsaharienne, dont quatre pays
d’Afrique australe avec une forte spécialisation
minière.
ne concerne en effet que deux pays pour les
deux critères, et huit pour un seul des deux
(dans la plupart des cas, une part du commerce
extérieur élevé mais une faible part des IDH,
cette catégorie comprenant la Chine).
Quels sont les pays qui connaissent un
degré important d’internationalisation ?
On caractérisera ici le degré d’internationalisation par deux indicateurs :
– le taux d’ouverture, c’est-à-dire le poids du
commerce extérieur dans le PIB (exportations + importations/PIB),
– la part des flux d’IDE dans la FBCF.
À l’opposé, il existe des pays (dont l’Inde) qui
connaissent une croissance élevée sans être
pour autant très internationalisés (degré d’internationalisation faible ou moyen).
En ce qui concerne le commerce international,
on caractérisera comme très élevé un taux
d’ouverture de l’économie où l’échange international est du même ordre de grandeur que la
richesse produite, sachant que cet ordre de
grandeur n’est largement dépassé que pour un
petit nombre d’économies d’Asie de l’Est et du
Sud-Est.
En ce qui concerne l’IDE, on caractérisera
comme très élevé un poids supérieur à 30 % de
l’investissement total, là encore en fonction des
chiffres les plus courants observés dans les pays
étudiés.
Ces différentes catégories de pays
permettent-elles d’identifier
une typologie repérable, en termes
d’inégalités et de développement
humain ?
On vient de voir que les évolutions des pays en
termes de croissance ne semblent pas être corrélées directement avec leur degré d’intégration dans la mondialisation, telle que mesurée
par les indicateurs ci-dessus. Celui-ci n’est pertinent que mis en regard avec des variables
internes aux pays, structures sociales et politiques publiques.
Il s’agit donc d’appréciations fondées sur la fréquence des grandeurs observées dans l’échantillon.
Le croisement de ces deux critères permet de
repérer quatre catégories de pays (tableau 2) :
a) Catégorie 1 : pays très internationalisés
des deux points de vue (parts du commerce
extérieur et des IDE élevées et très élevées),
b) Catégorie 2 : pays avec poids élevé du
commerce extérieur sur le PIB, faiblesse de
part des IDE dans la FBCF (part du commerce extérieur élevée et très élevée, part des
IDE faible et très faible),
c) Catégorie 3 : pays avec une part importante des IDE dans la FBCF, faiblesse de la
part du commerce extérieur dans le PIB
(part du commerce extérieur faible et très
faible, part des IDE élevée et très élevée),
d) Catégorie 4 : Pays peu internationalisés
des deux points de vue (parts du commerce
extérieur et des IDE faibles et très faibles).
Les pays qui connaissent une croissance rapide
au cours de la période considérée sont marqués
en caractères gras dans les tableaux 2 et 3.
On peut faire le constat que la majorité d’entre
eux ne sont pas les plus internationalisés. Cela
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
139
TABLEAU 2
Classement des pays de l’échantillon par régions et degré d’internationalisation
Degré d’internationalisation 2003
Catégorie 1
Catégorie 2
Catégorie 3
Catégorie 4
Élevé des deux points
de vue
Poids élevé
du commerce extérieur,
faible poids des IDE
Poids important des IDE,
faible poids
du commerce extérieur
Faible des deux points
de vue
Chili
Costa Rica
Bolivie
Argentine
Équateur
El Salvador
Uruguay
Brésil
Jamaïque
Honduras
Venezuela
Guatemala
Régions
Amérique latine
Mexique
Nicaragua
Paraguay
Singapour
Asie de l’Est
et du Sud-Est
Cambodge
Chine
Malaisie
Philippines
Thaïlande
Vietnam
Asie du Sud
Bangladesh
Inde
Pakistan
Népal
Maghreb-Machrek
Mauritanie
Algérie
Égypte
Maroc
Arabie Saoudite
Jordanie
Tunisie
Turquie
Afrique
subsaharienne
Zambie
Côte d’Ivoire
Tanzanie
Burundi
Ghana
Cameroun
Madagascar
Niger
Malawi
République centrafricaine
Mozambique
Zimbabwe
Namibie
Nigeria
Sénégal
Togo
Sources : PNUD, Human Development Report 2005.
Degré d’ouverture commerciale
(M+X/PIB)
Très élevé : + de 100 %
Élevé : + de 50 %
Moyen : de 50 % à 40 %
Faible : de 40 à 25 %
Très faible : moins de 25 %
Part de l’investissement étranger
dans l’investissement total
IDE/FBCF :
Très élevé : plus de 30 %
Élevé : plus de 20 %
Moyen : de 10 à 20 %
Faible : de 5 à 10 %
Très faible : moins de 5 %
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
TABLEAU 3
140
Classement des pays de l’échantillon par régions et degré d’inégalité
Régions
Coefficient de Gini 2003
Très élevé
Amérique latine
Élevé
Brésil + 4
Pérou + 14
Chili + 17
République dominicaine - 21
Colombie + 8
Venezuela + 22
Moyen
Jamaïque + 9
El Salvador -5
Guatemala - 11
Honduras + 3
Mexique + 7
Panama + 17
Paraguay + 13
Asie
de l’Est
et du Sud-Est
Cambodge - 3
Indonésie + 5
Chine + 11
Laos + 7
Malaisie - 3
Vietnam + 16
Philippines + 19
Singapour - 4
Thaïlande - 7
Asie
du Sud
Bangladesh -1
Inde - 9
Népal + 15
Pakistan - 5
Sri Lanka + 17
Maghreb-Machrek
Iran - 29
Algérie - 5
Égypte -10
Jordanie + 14
Maroc - 16
Mauritanie - 13
Tunisie - 20
Turquie - 18
Afrique
subsaharienne
Afrique du Sud - 68
Cameroun - 19
Burundi + 5
Botswana - 70
Côte d’Ivoire -14
Ghana -17
Lesotho - 26
Gambie - 19
Mozambique - 12
Namibie - 44
Guinée Bissau - 1
Tanzanie + 11
République centrafricaine - 12
Kenya + 7
Sierra Leone + 1
Madagascar + 24
Swaziland - 47
Niger - 8
Zimbabwe - 20
Nigeria + 2
Sénégal - 10
Zambie + 1
Sources : PNUD, Human Development Report 2005. CNUCED, World Investment report 2005. Banque mondiale,
World Development Report 2006.
Comment les pays se répartissent-ils
en fonction des inégalités de revenus ?
Les différentes catégories de pays sont classées
selon le coefficient de Gini :
très élevé : + 0,55
élevé : + 0,40 à 0,55
moyen : + 0,30 à 0,40
faible : + 0,25 à 0,30
très faible : - de 0,25
La répartition des pays en fonction des inégalités de revenu semble tout d’abord obéir en
grande partie à une logique régionale.
Dans le tableau 3, l’écart, positif ou négatif,
entre le rang d’IDH et le PIB par tête, est noté
devant chaque pays par un chiffre marqué d’un
signe + ou -.
En revanche, si plusieurs pays d’Asie de l’est et
du sud-est (dont la Chine) ont un coefficient
de Gini élevé, aucun n’en a un très élevé. Les
pays d’Asie du Sud ont presque tous un coeffi-
On constate en effet que tous les pays
d’Amérique latine (sauf la Jamaïque) ont un
coefficient de Gini élevé ou très élevé. C’est
aussi le cas de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, dont tous les pays d’Afrique australe
(y compris l’Afrique du Sud).
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
cient de Gini moyen, comme les pays du
Maghreb-Machrek (sauf l’Iran).
Aucun des pays de l’échantillon n’a un coefficient de Gini faible ou très faible, ce qui
confirme, malgré les disparités sur ce plan
entre pays industrialisés8, que de fortes inégalités de revenus (et de patrimoine, mais les statistiques manquent) restent bien un des critères distinctifs du sous-développement.
Les pays les plus inégalitaires sont-ils ceux
qui ont connu une forte croissance
au cours des quinze dernières années ?
On rappelle que les pays à forte croissance sont
en caractère en gras dans les tableaux 2 et 3.
a) On observe l’existence d’une catégorie significative de pays à forte croissance et à coefficient de Gini très élevés ou élevés :
– en Amérique latine : à noter que le Chili a
un coefficient de Gini très élevé,
– en Afrique australe.
Inversement, dans ces régions, plusieurs pays
fortement inégalitaires n’ont pas connu une
forte croissance.
b) L’Asie de l’Est et du Sud-Est présentent une
répartition dans les différentes catégories analogue à celle de l’Amérique latine, mais avec un
degré général d’inégalités moindres :
– s’il existe dans cette région une catégorie
de pays à forte croissance avec un coefficient
de Gini élevé (dont fait partie la Chine), on
y trouve aussi deux pays à forte croissance
avec un coefficient de Gini moyen, le
Vietnam et le Laos,
– en revanche, des pays à rythme de croissance moyen ou faible, ont des coefficients
de Gini élevés ou moyens.
c) Les pays répertoriés d’Asie du Sud ont tous
un coefficient de Gini moyen, et deux d’entre
eux, dont l’Inde, ont une croissance élevée.
d) Le constat est analogue pour les pays du
Maghreb-Machrek (à l’exception de l’Iran, qui
a un coefficient de Gini élevé et une croissance
forte).
e) Si on trouve des pays d’Afrique subsaharienne dans toutes les catégories, il faut noter
que trois sur quatre de ceux qui ont un coefficient de Gini moyen ont une croissance forte.
Il convient de rapprocher ce classement de la
prise en considération des évolutions : le
Rapport sur le développement dans le monde
2006 de la Banque mondiale constate une aug-
mentation marquée des inégalités de revenus
en Chine au cours des années 1980 et 1990, et
d’une façon plus marquée dans les économies
est-asiatiques de la deuxième génération de
croissance rapide (Chine, Vietnam) que dans
celles de la première génération (Hongkong,
Corée, Malaisie, Singapour, Taïwan).
Cependant, plusieurs études indiquent que
l’augmentation la plus prononcée des inégalités de revenus en Chine correspond à la
période où la croissance et la réduction de la
pauvreté ont été les moins rapides au cours de
la période considérée, la Chine ne confirmant
ainsi pas « la vision selon laquelle une augmentation de l’inégalité serait inévitable pour une croissance rapide et une réduction de la pauvreté »
(Banque mondiale 2006 : 45). Si les inégalités
en Asie du Sud apparaissent relativement
modérées et stables (ce qui est dû en partie à la
construction du coefficient de Gini à partir des
dépenses de consommation, cf. encadré 1), des
changements sont survenus au cours des deux
dernières décennies : même si la comparaison
des mesures dans le temps présente des difficultés, on estime que les inégalités de revenu
ont connu des aggravations, limitées dans le
cas de l’Inde, considérables dans les cas du
Népal, du Bengladesh et du Sri Lanka à partir
de la fin des années 1980. Un diagnostic clair
des évolutions semble plus difficile à effectuer
dans les autres régions du monde. Si en
Amérique latine les inégalités augmentent
rapidement dans tous les pays durant la
« décennie perdue » des années 1980, ce n’est le
cas, et de façon moins prononcée, que dans la
moitié des pays au cours de la décennie suivante, tout autant dans les périodes de croissance que dans les phases de crise (en
Argentine par exemple). Enfin, l’absence de
comparabilité des données fait obstacle à un
véritable diagnostic de l’évolution des inégalités en Afrique comme au Moyen-Orient.
En résumé, la confrontation de ces deux classements semble indiquer qu’aucune corrélation significative générale ne peut être inférée
de la confrontation du degré d’inégalités (ou
de leur rythme d’évolution) et du rythme de
croissance des différents pays, ce qui semble
corroborer les remises en questions récentes
d’une relation du type courbe de Kuznets
(Banque mondiale 2006) : un processus de rat-
8. Autour de 25 ou en dessous, on trouve plusieurs pays industrialisés (Norvège, Suède, Danemark, Canada, Belgique,
Autriche, Japon…) mais les États-Unis, le Royaume-Uni et
l’Australie sont entre 25 et 40, la France et les pays d’Europe du
Sud occupant des positions intermédiaires.
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
141
142
trapage du niveau de revenu par tête pour un
PED ne passe pas obligatoirement par une
aggravation, même provisoire, des inégalités de
revenus ; en retour, la prolongation de la croissance sur une longue période et l’élévation
significative ne s’accompagne pas automatiquement d’un processus de régression de ces
inégalités. Ainsi, T. Piketty (1999) analyse
dans les pays industrialisés un processus d’arrêt
de la réduction séculaire des inégalités interne
de revenu, en raison du dumping fiscal à l’œuvre, comme résultat des politiques de déréglementation liées à la mondialisation. Ce raisonnement pourrait également s’appliquer aux
PED, même si la fiscalité, et notamment la fiscalité sur le revenu y sont au départ moins
développées – les réformes liées aux PAS ayant
eu tendance par ailleurs à augmenter la part
dans les recettes fiscales des impôts indirects
assis sur la consommation, mécaniquement
plus inégalitaires.
On sera donc amené à s’interroger sur les variables intermédiaires dans les liaisons entre inégalités et croissance, de même qu’entre degré
d’intégration dans la mondialisation et croissance.
Deux axes d’interprétations complémentaires
semblent se dessiner :
– le degré d’inégalités structurelles des sociétés semble rendre compte d’une partie des
différences significative observées. On peut
appréhender les inégalités héritées de l’histoire, qui se traduisent notamment par un
certain modèle de répartition foncière, des
normes sociales de tolérance plus ou moins
grande d’inégalités de richesse, ainsi que des
modèles éducatifs plus ou moins à même
d’atténuer les effets des inégalités sociales.
C’est, par exemple, le degré d’inégalité foncière, hérité des modalités de la colonisation,
qui semble pouvoir rendre compte des
degrés systématiquement plus élevés d’inégalités de revenu en Amérique latine par rapport à l’Asie, ou en Afrique australe par rapport au reste de l’Afrique subsaharienne, à
niveaux de revenu par tête équivalents.
– les politiques publiques. Les politiques
industrielles peuvent permettre à un pays de
tirer efficacement parti de la mondialisation
(la comparaison à cet égard entre l’Asie de
l’Est et du Sud-est et l’Amérique latine,
notamment le Mexique, est éclairante,
PNUD 2005), ou au contraire vont le
conduire à la subir et à en retirer une vulnérabilité accrue (aux mouvements de capitaux
spéculatifs, aux variations de cours de matières premières). Les politiques de mise en place
d’infrastructures d’éducation ou de santé sont
susceptibles d’avoir une plus ou moins grande
efficacité dans la transformation de la croissance en développement humain.
Si la possibilité de mise en place de telles politiques a, depuis vingt-cinq ans, été mise à mal
pour tous les pays par les PAS, et surtout
depuis le milieu des années 1990 par les règles
de l’OMC, il semble demeurer des différences
nationales importantes, à tous les niveaux de
revenus par tête. À cet égard, on n’observe pas
la même cohérence régionale que pour les inégalités structurelles : les différence intrarégionales peuvent être significatives.
Croissance, inégalités,
et développement humain
Croissance et inégalités de revenus sont les
deux variables que le PNUD met en avant,
dans son rapport de 2005, pour rendre compte
du fait que, dans le contexte de la mondialisation, certains pays parviennent mieux que
d’autres à transformer leur croissance en développement humain. On sera donc conduit à
poursuivre la réflexion en confrontant les données constatées à l’IDH (le même type de
réflexion mériterait d’être poursuivi à propos
de l’IPH, de l’ISDH…).
Dans le tableau 3, l’écart, positif ou négatif,
entre le rang d’IDH et le PIB par tête est noté
devant chaque pays par un chiffre marqué d’un
signe + ou -. Ce classement est effectué pour
2003, mais il faut noter que ces décalages, à
quelques exceptions près, présentent une
grande stabilité dans temps (l’IDH étant par
ailleurs un indicateur assez stable : une crise
profonde comme celle de l’Argentine en 2001
ne l’a pas fait régresser de façon significative, à
l’encontre de ce qui peut être observé sur le terrain en termes d’aggravation de la pauvreté et
des conditions de vie de la population.)
Le constat que l’on peut tirer de la comparaison
avec la classification selon le coefficient de Gini
est assez paradoxal. En effet, les pays d’Amérique
latine, sauf le Guatemala, la République dominicaine et El Salvador, présentent un écart positif
qui concerne même le Brésil, ce qui constitue
une nouveauté par rapport aux années récentes.
De nombreux pays d’Asie de l’Est, du Sud-est et
du Sud présentent un écart négatif (la Chine faisant partie des exceptions). Dans l’ensemble, les
pays du Maghreb-Machrek présentent un écart
négatif (la Jordanie faisant exception).
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
Ce classement contredit presque totalement la
typologie effectuée en fonction des inégalités
de revenu : les pays d’Amérique latine, la
Chine, les Philippines (où la répartition foncière est plus comparable au reste de
l’Amérique latine que celle des autres pays
d’Asie) sont plus inégalitaires, mais leur revenu
monétaire correspondrait à des résultats en termes de développement humain proportionnellement meilleurs que ceux de pays d’Asie de
l’Est, du Sud-Est et du Sud, ou du MoyenOrient et d’Afrique du Nord, pourtant relativement moins inégalitaires.
Le seul groupe de pays où un écart négatif prononcé des rangs d’IDH-PIB semble cohérent
avec le degré élevé d’inégalités de revenus est
constitué par les pays d’Afrique australe :
l’écart négatif est même considérable, pour des
pays où le coefficient de Gini des inégalités
revenus est également très élevé. On peut évoquer plusieurs facteurs : non seulement,
comme en Amérique latine, une répartition
des terres très inégale, et en Afrique du Sud les
séquelles de l’apartheid, mais aussi un modèle
d’intégration dans la mondialisation très
dépendant de l’exploitation minière (diamants, cuivre…). Ce qui indique que si le
degré d’internationalisation en tant que telle
n’a pas d’influence directe, le contenu de cette
intégration a une influence essentielle : la
dépendance par rapport au marché des matières premières et l’incidence négative des phénomènes de rente dans le cas des produits
miniers joue un rôle essentiel.
Conclusion
Globalement, parmi les pays qui présentent un
degré élevé d’internationalisation et un taux de
croissance élevé, cinq ont un coefficient de
Gini élevé ou très élevé : le Chili, El Salvador,
le Costa Rica, la Chine et la Namibie.
Dans le dernier cas, on a affaire au modèle
minier extraverti mentionné ci-dessus, et à un
écart entre rang d’IDH et de PIB particulièrement prononcé.
Dans les quatre autres cas on a affaire, à des
échelles très différentes, à des pays d’accueil
importants des IDE industriels destinés à l’exportation (plus particulièrement orientés vers
l’agroalimentaire dans le cas du Chili), mais les
résultats en matière d’IDH sont meilleurs que
ce qu’on aurait pu attendre compte tenu du
degré d’inégalités de revenus.
Parmi les pays relativement peu internationalisés, l’Inde et le Bengladesh connaissent un taux
de croissance élevé et un coefficient de Gini
moyen. Le PNUD a examiné en 2005 de
quelle façon leurs indicateurs d’IDH s’améliorent mais restent en deçà de possibilités qui
pourraient sembler ouvertes par la croissance
des revenus par tête, surtout pour l’Inde.
Pour rendre compte de ces écarts, il faut considérer les différentes composantes de l’IDH.
Ainsi, pour des PIB par habitant proches, les
taux d’alphabétisation des adultes sont de
88,7 % en Malaisie et de 90,3 % au Mexique
et les taux bruts de scolarisation combinés sont
respectivement de 71 % et 75 %. La différence
peut paraître faible mais elle est suffisante pour
expliquer les écarts. Politiques éducatives et
politiques sanitaires peuvent faire partie des
facteurs explicatifs, comme l’analyse le PNUD.
Or dans les cas de réussite, la continuité de celles-ci dans le temps ne risque-t-elle pas d’être
remise en cause par les modalités actuelles de la
mondialisation dans le cadre de l’OMC ?
Ainsi, le Brésil a mis en place depuis plusieurs
années une politique publique exemplaire de
prévention du Sida, notamment par la diffusion
gratuite de médicaments génériques, et donc
susceptible d’améliorer sensiblement les résultats en matière de développement humain9. Or
les règles de propriété intellectuelle mises en
place dans le cadre de l’ADPIC remettent en
cause la possibilité de poursuivre cette politique.
Le même type de raisonnement peut être appliqué, comme l’analyse le PNUD dans un diagnostic sans appel (2005), aux obstacles que
l’OMC impose à des politiques industrielles ou
agricoles actives : l’interdiction pour un pays
d’imposer des conditions aux IDE (en termes de
transfert de technologie, d’emploi, de recours
aux fournisseurs locaux), conditions que les
pays d’Asie de l’Est avaient appliquées antérieurement avec succès, compromet la diffusion des
externalités positives des IDE au tissu industriel
local. Les limites imposées par l’ADPIC aux
transferts de technologies renforcent la concentration mondiale des brevets et empêchent les
transferts imitatifs pratiqués, là encore, par des
pays d’Asie antérieurement. Enfin la libéralisation trop rapide et incontrôlée des échanges
mondiaux de produits agricoles, sans intégration dans les politiques de développement cohérentes, qui prévoiraient notamment des com9. On sait que l’extension de la prévalence du VIH est la cause
principale du recul dramatique de l’Indicateur de développement humain dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
143
144
pensations pour les pays les plus vulnérables,
provoquent la ruine et l’exclusion des petits producteurs ruraux, y compris des marchés les plus
porteurs, comme l’a montré l’exemple des
exportations maraîchères au Kenya.
Une telle ébauche de typologie, sans remettre
totalement en question la possibilité de corrélations entre rythme de la croissance du PIB,
degré d’internationalisation des économies,
importance des inégalités de revenus et développement humain, invalide l’idée de liens de
causalité directs entre ces variables. Cela met
en évidence l’importance des politiques publiques, qu’elles portent sur les échanges internationaux, les choix industriels et technologi-
ques, la formation et l’éducation, les infrastructures ou les politiques sanitaires. Cela
pointe aussi en filigrane les obstacles institutionnels qui s’y opposent aujourd’hui.
On touche peut-être là à la limite de la conception contemporaine de développement humain,
comparée à la conception antérieure du développement : celle-ci en effet mettait en avant les
effets de structure et de domination, aussi bien
internes aux qu’internationaux. La notion de
« capabilities » mise en avant par les théories de
Sen laisse de côté cet aspect : faut-il envisager un
retour à des stratégies volontaristes susceptibles
de permettre aux sociétés de surmonter des blocages imputables à ces effets de domination ? ■
BIBLIOGRAPHIE
AMIN S., 1970, L’Accumulation à l’échelle mondiale, Paris, Anthropos.
BEN HAMMOUDA H., 1999, L’Économie politique du post-ajustement, Paris, Karthala.
BEN HAMMOUDA H., 2001, « Renouveau structuraliste : contexte, intérêt et limites », Mondes en développement,
113/114, Banque interaméricaine de développement, « Facing up to inequality in Latin America », Rapport
1998-9.
BANQUE MONDIALE, 2001, World development report, « Attacking poverty ».
BANQUE MONDIALE, 2006, World development report, « Equity and Development ».
BOURGUIGNON F., MORRISSON C., 2002, « Inequality among world citizens : 1820-1992 », CNUCED, Rapports
sur le commerce et le développement, 2001 à 2005.
DESTREMAU B., 1998, « Les indicateurs de la pauvreté dans les approches de la Banque mondiale et du PNUD :
une analyse critique », in POULIN R. et P. SALAMA (dir.), L’Insoutenable misère du monde, Vents d’Ouest, Québec,
65-89.
DESTREMAU B., SALAMA P., 2002, Mesures et démesure de la pauvreté, Paris, PUF.
DUMAS A., 1982, « Les modèles de développement », Économies et sociétés, Grenoble, PUG.
FONTAINE J.-M., LANZAROTTI M., 2001, « Le néostructuralisme, de la critique du Consensus de Washington à
l’émergence d’un nouveau paradigme », Mondes en développement, 47-62.
GUNDER-FRANK A., 1967, Capitalism and Underdevelopment in Latin America, New York, Monthly Review Press.
HARRIS J., TODARO M., 1970, « Migration, Unemployment & Development: A Two-Sector Analysis », American
Economic Review, mars, 60 (1), 126-143.
KUZNETS S., 1957, « Quantitative aspects of the economic growth of nations: II. Industrial distribution of
national product and labour force », en Economic Development and Cultural Change, vol. 5 (Chicago, Research
Center in Economic Development and Cultural Change).
LATOUCHE S., 2003, Manifeste pour l’après-développement.
LEWIS A., 1954, « Economic Development with Unlimited Supply of Labour », Manchester School of Economic
and Social Studies, vol. 22, 139-191.
MILANOVIC B., 2002, « True world income distribution, 1988 and 1993: First calculation based on household
surveys alone », World Bank policy research working paper, n° 2244, 51-92.
NURKSE R., 1953, Problems of Capital Formation in Underdeveloped Countries, Oxford, Blackwell.
PERROUX F., 1961, « Qu’est-ce que le développement ? », Études, janvier, 16-33.
PERROUX F., 1981, Pour un philosophie du nouveau développement, Paris, Aubier.
PIKETTY T., 1999, L’Économie des inégalités, Paris, La Découverte, Repères.
PNUD, 2005, Rapport sur le développement humain.
PREBISCH R., 1950, The Economic Development of Latin America and its Principal Problems, New York, United Nations.
PRÉVOST B., 2004, « Droits et lutte contre la pauvreté, où en sont les Institutions de Bretton-Woods ? », in Droits
et développement, Nancy, 25-27 mai.
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
QUAH D. T., 1996, « Twin Peaks: Growth and Convergence in Models of Distribution Dynamics », The Economic
Journal, n° 106, juillet.
ROSTOW W.W., 1960, Les Étapes la croissance économique, Seuil.
SEN A., 1983, « Development: Which Way Now? », Economic Journal 93, 745-762.
SEN A., 1984, Resources, Values and Development, Oxford, Blackwell.
SEN A., 1999, Development as Freedom, Oxford, Oxford University Press.
SINGER H., 1950, « The Distribution of Trade between Investing and Borrowing Countries », American Economic
Review, n° 40, 473-485.
STIGLITZ J., 1998, « More Instruments and Broader Goals: Moving Towards the Post-Washington Consensus »,
Wider Annual Lectures, World Institute for Development, octobre.
TREILLET S., 1996, « Des conditions de la reconstitution d’une économie du développement hétérodoxe », revue
Économies et sociétés, n° 9, septembre.
ANNEXE
STATISTIQUE
X + M/PIB
IDE/FBCF
X + M/PIB
Très élevé
IDE/FBCF
Moyen
Singapour
321,45
31
Mali
48,12
5
Malaisie
196,71
11
Afrique du Sud
47,53
1
Mongolie
172,59
36
Kenya
46,86
1
Madagascar
167,51
1
Haïti
46,65
22
Vietnam
126,65
12
Iran
50,85
1
Cambodge
118,34
9
Indonésie
44,98
-2
Thaïlande
118,10
6
Venezuela
44,51
26
Congo
107,66
40
Bolivie
44,04
22
Jordanie
105,95
19
Élevé
Faible
Sierra Leone
39,53
2
Philippines
95,15
2
Népal
39,26
1
Tunisie
79,56
10
Guatemala
37,20
3
Costa Rica
79,20
18
Argentine
37,38
10
Namibie
78,45
13
Tanzanie
36,63
30
Ghana
78,19
9
Bangladesh
35,62
2
Honduras
73,94
12
Burundi
33,79
0
République dominicaine
71,33
18
Colombie
33,50
14
Chine
70,02
9
Bénin
33,62
7
Sri Lanka
68,56
5
Pérou
32,67
12
Malawi
67,02
7
Pakistan
32,50
5
Arabie Saoudite
64,86
2
Niger
32,13
3
Paraguay
63,72
2
Cameroun
32,10
0
Jamaïque
62,59
34
Ouganda
31,98
15
Nigeria
62,32
20
Burkina
31,72
4
Nicaragua
60,99
16
Égypte
27,30
2
Tchad
60,68
60
Brésil
26,85
10
Salvador
60,44
1
Chili
60,38
28
Inde
24,24
3
Côte d’Ivoire
59,86
12
Zimbabwe
23,89
5
Algérie
58,96
3
19,53
1
Mexique
58,40
9
Zambie
57,15
25
Mozambique
56,87
17
Mauritanie
56,37
46
Sénégal
54,92
4
Maroc
54,29
23
RDC
53,87
40
Turquie
52,97
3
Liban
50,93
11
Équateur
50,85
20
Très faible
Rép. centrafricaine
Sources : PNUD, Human Development Report 2005 ; CNUCED, World Investment report 2005.
Cahier du GEMDEV n° 31 • La mesure de la mondialisation
145
Téléchargement