Soins des plaies - Une pratique quotidienne

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Sommaire
• La cicatrisation :
connaître les différents
mécanismes
• Différenciation des plaies :
pour mieux gérer les risques
Soins des plaies
Une pratique quotidienne
• Les soins :
au-delà des pansements
• Escarres :
la prévention passe par l’hygiène
et l’alimentation
• Ulcères de jambes :
être attentif aux causes
• De la brûlure légère à sévère :
du soin simple au soin complexe
• Le pied du diabétique :
des complications sournoises
La peau assure au corps une protection et joue un rôle
de barrière vis-à-vis des modifications physiques,
chimiques et microbiologiques du milieu. Lorsque
la peau subit une altération ou un dysfonctionnement,
un processus pathologique peut se produire. Inversement,
des pathologies altèrent la peau et interviennent
dans le phénomène de cicatrisation notamment.
a surface de la peau n’est déjà pas stérile. Toute
lésion cutanée, même minime, entraîne une
Lbrèche
dans ses défenses. Les microbes d’origine
tion de la part de l’infirmière. Car c’est toujours
un patient qui en souffre.
exogène peuvent contaminer la brèche créée et
s’y multiplier. C’est la colonisation de la plaie.
Quand l’invasion de la plaie et des tissus sains est
plus profonde, entraînant une réponse immunitaire de l’hôte et des signes cliniques, c’est l’infection. Douleur, érythème, pus, fièvre, tout cela
dépend du nombre de bactéries et de leur virulence. Mais la colonisation et l’infection ne se produisent que si certaines conditions sont réunies.
Les plaies aiguës
Les plaies aiguës et les plaies chroniques
Les plaies aiguës ont toujours relevé du champ
noble, présenté comme codifié et efficace, de la
chirurgie de parage. Elles sont associées au traumatisme. Elles évoquent l’urgence. Loin de l’exactitude et des certitudes prétendues de la chirurgie, les plaies chroniques ont été confiées aux
soignants, comme confinées dans un domaine où
les risques et la responsabilité de l’incurabilité
ne pouvaient bénéficier de la même détermination thérapeutique.
C’est un médecin qui cite l’un de ses maîtres, affirmant : « L’escarre apparaît quand le malade est
guéri ». Il admet que le praticien a eu longtemps
tendance à ne « regarder les fesses et les talons de
ses patients qu’après plusieurs semaines d’évolution » (1). Les chances de succès étaient minces.
Spécialistes, soignants et praticiens ont tenté, depuis cette époque, de faire cause commune pour
lutter contre ces « plaies douloureuses invalidantes,
repoussantes, contaminantes, qui accentuent l’image
d’incurabilité de certaines maladies et la misère de
certains lieux de soins ». Ces deux types de plaies,
aiguës et chroniques, réclament autant d’atten-
Les plaies aiguës sont provoquées par un agent
traumatique dans un tissu sain. La cicatrisation se
déroule normalement si le tissu est bien vascularisé. En revanche, une infection diffère la cicatrisation. Elle empêche la prolifération du tissu
conjonctif et retarde l’épithélialisation. Elle peut
détruire le nouvel épiderme comme les îlots de la
couche basale. Lorsque la cicatrisation est suspendue ou perturbée, les plaies aiguës peuvent devenir chroniques.
Les plaies chroniques
Les plaies chroniques surviennent généralement
sur des tissus non lésés ou déjà cicatrisés. Une
mauvaise fixation de l’épiderme sur le derme, ou
des anomalies, vasculaires ou métaboliques, peuvent faciliter la survenue de plaies chroniques. Elles
se caractérisent fréquemment par une abondance
de collagène réduisant la vascularisation et l’apport
d’oxygène. Elles font l’objet d’une attention croissante. De nombreux hôpitaux créent des groupes
de travail “plaies et cicatrisation”, conçoivent et diffusent des référentiels de la prise en charge ou des
guides du pansement de la plaie chronique. Ils publient aussi des guides sur le bon et le mauvais
usage des antiseptiques. Les équipes réalisent des
enquêtes de prévalence des escarres. L’ulcère de
jambe fait l’objet de “stratégies collectives ‘patientville-hôpital’”. Les risques de plaies des diabétiques
réclament des démarches d’éducation à la santé.
Marc Blin
(1) Delomie Y. Conférence inaugurale de la 1re Conférence nationale
des plaies et cicatrisations. Paris, 1997.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
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Soins des plaies
La cicatrisation
Connaître les différents mécanismes
Le processus de cicatrisation doit être connu pour être favorisé. Certains mécanismes
sont généraux. Certains facteurs diffèrent, selon qu’il s’agit, notamment, de plaies de
première ou de deuxième intention.
a cicatrisation de la plaie est un processus biologique naturel. Les tissus humains et animaux sont capables de réparer des lésions localisées par des processus de réparation et de régénération qui leur sont propres.
Chaque plaie provoque dans l’organisme des
phénomènes biologiques visant à remédier aux
dégâts le plus rapidement possible. Une activation du système vasculaire et du tissu conjonctif, accompagnée de réactions de défense, vise à
favoriser une cicatrisation, avec re-épithélisation
du tissu de remplacement.
L
Le processus de cicatrisation
La cicatrisation débute par l’apparition de phénomènes inflammatoires précoces. Des sécrétions se produisent à partir de vaisseaux sanguins
et lymphatiques, immédiatement après le traumatisme. La coagulation produit de la fibrine.
La réaction inflammatoire
L’inflammation est un processus dynamique constitué par un ensemble de réactions vasculaires,
cellulaires et humorales déclenchées par toute
lésion cellulaire. Elle permet l’élimination de
l’agent agresseur et des débris cellulaires, et la
réparation des tissus lésés.
Elle comprend trois phases intriquées dans le
temps :
– la phase initiale vasculo-exsudative, qui comprend une congestion active des vaisseaux, un
œdème, et la migration des leucocytes à partir
des veinules postcapillaires jusqu’au lieu de
l’inflammation ;
– la phase de constitution du granulome inflammatoire ;
– la phase de détersion, qui consiste en l’élimination des tissus nécrotiques, des germes, des corps
étrangers éventuels et du liquide d’œdème ;
– la phase de cicatrisation, qui comporte la formation d’un bourgeon charnu qui évoluera vers
une fibrose cicatricielle ou cicatrice.
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L’exsudation commence au bout de dix minutes
environ. Elle permet la défense contre l’infection.
Elle assure la détersion de la plaie. L’augmentation de la perméabilité capillaire favorise le passage de plasma sanguin avec anticorps, leucocytes (globules blancs) et macrophages vers la
région traumatisée.
Des monocytes se comportant comme les macrophages et les granulocytes apparaissent dans
la plaie. La re-épithélisation commence depuis
les berges de la plaie, dans lesquelles apparaît
une nouvelle matrice. La faible pression d’oxygène (pO2) stimule la néoangiogenèse (formation de nouveaux vaisseaux capillaires). Plus la
pO2 augmente, plus la synthèse du collagène
s’accentue. C’est entre le 6e et le 10e jour, en général, que cette maturation des fibres collagènes
débute. Sous l’effet de certaines cellules, les
myofibroblastes, la plaie se rétracte. S’appauvrissant en eau et renfermant de moins en moins
de vaisseaux, le tissu de granulation devient plus
ferme. La plaie est remodelée. Sa résistance augmente. Sa couleur change. La structure des
fibres se modifie.
Plaies de première intention
Ainsi, la cicatrisation d’une plaie se déroule en
plusieurs phases. Dans le cas d’une plaie cutanée
réalisée par un bistouri, les berges peuvent être
rapprochées par une suture chirurgicale. Cette cicatrisation est dite “de première intention”. L’incision détruit peu de kératinocytes et de cellules
conjonctives dermiques. La perte de substance
est limitée. Elle est comblée par une hémorragie,
qui va former un caillot sanguin constitué de fibrine et de cellules sanguines. La coagulation est
induite par l’activation de la thrombokinase libérée. Les berges de l’incision connaissent une réaction inflammatoire limitée. Celle-ci permet la
détersion (l’évacuation) des cellules détruites ou
altérées et la production d’un bourgeon charnu.
Ce bourgeon va peu à peu combler la perte de
substance. La partie superficielle de ce caillot sanguin forme une croûte. Elle recouvre la plaie et
l’isole de l’environnement extérieur.
Dès la vingt-quatrième heure, des kératinocytes
migrent à partir des berges de l’incision. Se
divisant activement, ils se faufilent entre la
croûte et les faces dermiques détergées, qu’ils
recouvrent totalement, formant un film monocellulaire.
Cette colonisation épithéliale se déroule aussi le
long des fils de suture. Une fois la perte de substance intégralement comblée par le bourgeon
charnu, la prolifération des fibroblastes et des
kératinocytes est bloquée. Le bourgeon se
change en tissu fibreux cicatriciel. Il se rétracte
alors par l’action contractile des fibroblastes.
Plaies de seconde intention
La plaie cutanée n’est pas suturée dans la cicatrisation de seconde intention. Les berges de la
perte de substance demeurent éloignées. La formation de la croûte ainsi que la constitution
d’un granulome inflammatoire se produisent
comme au cours de la cicatrisation cutanée
après suture. Les kératinocytes prolifèrent à
partir des berges de l’épiderme. Ils s’insinuent
entre le socle que constitue le derme et la
croûte. Cependant, ils ne recouvrent pas toute
la surface de la plaie. Le bourgeon charnu est
important dans la zone non épidermisée. Sa
contraction permet le recouvrement de l’épiderme. Il provoque le détachement de la croûte.
La cicatrice issue d’une cicatrisation de seconde
intention sera moins “esthétique”. En effet, la
rétraction est beaucoup plus ample que dans les
cicatrices avec sutures chirurgicales.
M.B.
Différenciation des plaies
Pour mieux gérer les risques
Les soignants partagent, dans leur pratique quotidienne, le souci de la cicatrisation
des plaies des patients. On distingue divers types de plaies, associés à divers objectifs
de soins et risques d’infection.
ne plaie se définit par une rupture de la
continuité des tissus de l’enveloppe corporelle. Elle est en général associée à une perte de
substance. Des lésions plus profondes peuvent
toucher les tissus musculaires, le squelette ou les
organes profonds. Elles sont alors appelées
“plaies complexes”.
En service de médecine et de réanimation, infirmières et équipes de soins partagent le souci de
la cicatrisation des plaies des patients. On y traite
au quotidien escarres, ulcères de jambes, plaies
des diabétiques, brûlures, moignons d’amputation, plaies aiguës, etc.
U
Les différents types d’escarres et d’ulcères
L’escarre nécrotique présente une nécrose noire et
sèche. En profondeur, elle adhère aux structures
sous-cutanées et, en périphérie, à la peau saine.
La nécrose noire et humide ou la plaque de nécrose qui sèche et tend à se rétracter laissent apparaître, en périphérie, un sillon d’élimination
humide. Les soins viseront à éliminer le tissu
nécrotique pour favoriser la réparation cutanée.
Dans l’ulcère nécrotique, un bilan et un traitement des causes sont effectués (cf. article Ulcères
de jambes, p. 28). Les soins visent aussi l’élimination du tissu nécrotique.
En cas d’escarre ou d’ulcère fibrineux, la plaie est
recouverte, en totalité ou en partie, d’un enduit
jaunâtre humide. Il adhère en profondeur à la
plaie. L’épaisseur de la couche de fibrine varie.
Elle peut couvrir un tissu dermique rouge ou des
structures plus profondes, à préserver (tendons,
capsules articulaires, os). Les soins visent l’élimination du tissu fibrineux, en sauvegardant les
tissus vivants qu’il recouvre. Les exsudats et les
bactéries seront contrôlés.
Dans l’escarre ou l’ulcère bourgeonnants, la plaie
est recouverte de bourgeons épais, luisants et
humides. Elle présente souvent un aspect inégal
ainsi qu’un enduit jaunâtre de fibrine qui doit
être éliminé. Les îlots d’épidermisation doivent,
au contraire, être protégés. Les soins visent à soutenir le développement des bourgeons de derme
et à contrôler les exsudats.
L’épithélisation se produit surtout à partir des
kératinocytes de l’épiderme intact autour de la
plaie. L’escarre ou l’ulcère présentent alors un
aspect rose, éventuellement nacré, voire beige.
La plaie sera gardée dans un milieu humide,
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
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Soins des plaies
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afin d’encourager la multiplication des jeunes
cellules épidermiques et d’éviter leur mort par
dessèchement.
Facteurs de risque et contamination
Des arbres décisionnels sur l’usage d’un pansement stérile ou non ont été élaborés par Francine
Rumeaux, cadre infirmier supérieur expert, et
Brigitte Faoro, pharmacien des hôpitaux, au CHU
de Montpellier. Ces choix dépendent des facteurs
de risque infectieux tels que le type de plaie.
Parmi les plaies aiguës, on distingue les plaies
franches. L’incision chirurgicale peut être rapidement suturée. Mais la mise en place de matériel peut être une voie de contamination. Plusieurs portes d’entrée sur une plaie chirurgicale
augmentent le risque. Quant à la plaie traumatique, elle sera d’emblée contaminée.
Dans les plaies chroniques, tels que les ulcères et
les escarres, la présence d’exsudat, de tissus nécrosés, d’hématome, constitue un milieu ouvert
sujet à colonisation.
Les risques de contamination sont importants
à proximité des zones présentant une forte
concentration en germes : les mains, les orteils,
les creux axillaires, le cuir chevelu, les plis inguinaux, le périnée. Certains germes sont plus
fréquents : S. epidermidis, P. acnes, Corynebacterium aérobies. De nombreux autres germes sont
présents. Les concentrations peuvent aller jusqu’à 106 (aisselles, cuir chevelu, front), voire 108
(mains). Le pli inguinal, site utilisé pour les
soins, peut être contaminé à 105.
M.B.
Les facteurs de croissance
Les facteurs de croissance sont des protéines qui
contrôlent la prolifération et la différenciation
cellulaires. Au cours du processus de cicatrisation, les facteurs de croissance sont sécrétés par
les macrophages, les cellules endothéliales, les
fibroblastes et les plaquettes.
Les principaux facteurs de croissance impliqués
dans la cicatrisation sont le PDGF (Platelet
Derived Growth Factor), le TGF (Transforming
Growth Factor) alfa et bêta, le FGF (Fibroblast
Growth Factor) basique.
Les soins
Au-delà des pansements
Le soin de plaie doit être à la fois local et général. Il prend en compte la personne et
les particularités de la plaie. Il n’ignore pas la douleur. Au CHU de Montpellier, une
palette conçue par la Commission Plaies et cicatrisation offre aux infirmières une aide
en matière de choix thérapeutique.
es modalités de soins et de traitement des
plaies doivent faire l’objet de protocoles préaLlablement
définis en fonction des spécificités de
la plaie et de son stade d’évolution. Les protocoles sont rédigés par des groupes pluridisciplinaires. Les soignants doivent être formés à leur
application. Un dispositif d’évaluation du protocole permet de l’ajuster. Une transcription des informations permet d’assurer la continuité et la sécurité des soins. Le traitement est mis à profit
pour vérifier ou commencer l’information et
l’éducation du patient et de sa famille. Il faut
aussi rappeler que, devant toute plaie, l’infirmière doit anticiper la douleur du soin et assurer, si nécessaire, l’analgésie avant le pansement.
Cette méthodologie suit celle définie lors de la
Conférence de consensus “Prévention et traite22
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
ment des escarres de l’adulte et du sujet âgé” (1).
Au CHU de Montpellier, la rédaction, la diffusion et le suivi des protocoles sont réalisés avec
le concours de la Commission Escarres, créée en
1992, puis devenue Commission Plaies et cicatrisation. Celle-ci a travaillé à l’élaboration d’outils de suivi des plaies.
Parmi ces outils, la palette “De la plaie au pansement : vers une harmonisation” vise à aider au
choix thérapeutique. Elle se présente comme un
éventail (2). Chaque secteur présente un type de
plaie : plaie nécrotique, plaie très exsudative, plaie
fibrineuse, plaie infectée et malodorante, plaie anfractueuse, plaie hémorragique, plaie bourgeonnante, plaie hyperbourgeonnante, plaie en voie
d’épidermisation, greffe... « Pour chaque type de
plaie, la palette présente, en se rapprochant du centre
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Soins des plaies
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du demi-cercle, les produits du plus simple au plus
complexe », explique Sylvie Palmier. Le soignant
est donc invité à utiliser le produit le plus conventionnel (et le moins cher) en première intention.
S’il ne produit pas les améliorations souhaitables
pour le patient, le soignant passe au suivant, plus
spécialisé (et généralement plus coûteux).
Comment poser un pansement
postchirurgical
L’infirmière s’entretient avec le malade et le prévient. Elle
se lave les mains. Puis elle revêt des gants à usage
unique pour ôter le pansement souillé et le jeter à la
poubelle. Elle se relave les mains. La procédure est alors
la suivante :
– préparer le matériel. Pour les pinces : ouvrir le plateau
et sortir les pinces sans les déstériliser. Pour les gants stériles : sortir un champ stérile ou utiliser l’emballage des
gants. Préparer le matériel stérile ainsi que l’antiseptique ;
– mettre les gants ;
– une fois le matériel prêt et les compresses imbibées,
toujours travailler en conservant un côté propre et un
côté sale ;
– nettoyer la plaie au savon antiseptique, en passant
sur la plaie de haut en bas, puis de chaque coté de la
plaie, et ceci de plus en plus large autour de la plaie.
Changer de compresses à chaque fois ;
– rincer la plaie au sérum physiologique, de manière
à ôter tout le savon ;
– sécher avec une compresse sèche en tamponnant ;
– appliquer ensuite l’antiseptique en ne passant
qu’une fois de haut en bas ;
– observer la plaie ;
– déposer les compresses sèches sur la plaie ;
– fixer le ruban adhésif ;
– se laver les mains ;
– ranger le matériel ;
– transmissions.
Le pansement postchirurgical vise à prévenir l’infection,
à prémunir la plaie contre les traumatismes, à aider à
la cicatrisation et à favoriser la qualité de vie du patient.
De la plaie au pansement :
exemples de choix thérapeutiques
Pour la plaie nécrotique, seul l’hydrogel est
proposé, sous forme de gel ou de plaque. Il est associé à un pansement secondaire : hydrocolloïde
extramince ou film autoadhésif transparent.
Face à une plaie très exsudative, l’alginate (sauf la
forme mèche) ou l’hydrocellulaire constituent les
propositions les plus conventionnelles. Lorsque
les effets sont insuffisants, selon la palette de ce
CHU, les soignants font appel à l’hydrofibre.
Pour les plaies bourgeonnantes, la palette cite les
pansements gras, puis l’hydrocolloïde sous une
forme mince, puis l’hydrocellulaire.
Si la plaie présente un bourgeonnement excessif,
un corticoïde demeure le soin le plus conventionnel. A défaut d’amélioration, on utilise, localement, le nitrate d’argent en bâtonnet.
En cas de greffe, le pansement gras est d’abord
proposé, puis l’hydrocellulaire non adhésif.
« Nous avons conçu cette palette en format de poche,
explique Sylvie Palmier. Le service communication
l’a réalisée et publiée pour un usage interne aux services du CHU. » Dans sa partie graphique, la palette signale si les thérapeutiques font l’objet d’un
remboursement TIPS, d’un remboursement Sécurité sociale à 65 % ou si elles ne sont pas remboursées. Elle a été complétée par un dossier par
famille de produits, avec les noms et références
sous lesquels ils se présentent sur le marché. Par
ailleurs, la Commission Plaies et cicatrisation a
réalisé une enquête de prévalence des escarres
dans le CHU en 2002 ainsi qu’un audit des soins
d’escarres. « Puis nous avons réactualisé le protocole
de prise en charge des plaies et des escarres, poursuitelle. Il fut enrichi de ceux concernant le pied des diabétiques et les ulcères de jambes. Ces protocoles ont été
diffusés sous la forme et selon les méthodes préconisées par la délégation qualité. Nous allons prochainement renouveler cette enquête de prévalence des escarres. Nous allons aussi refaire un audit de la prise
en charge des plaies, escarres, pieds des diabétiques et
ulcères de jambes. »
M.B.
© Burger/Phanie
(1) Conférence de consensus “Prévention et traitement des escarres de
l’adulte et du sujet âgé”. ANAES, 2001.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
(2) La palette “De la plaie au pansement : vers une harmonisation”,
réalisée par S. Palmier, infirmière, C. Faure, pharmacienne, et O. Dereure,
praticien hospitalier en dermatologie, et présentée dans La Lettre du
CHU de Montpellier, mars 2000, no 103.
Escarres
La prévention passe par l’hygiène et l’alimentation
La mise en place des mesures générales de prévention des escarres débute dès l’identification des facteurs de risque. Elle concerne tous les professionnels en contact avec
le patient. La survenue de cette plaie est multifactorielle.
elon l’ANAES, des mesures de prévention des
escarres s’appliquent à tout patient dont l’état
cutané est intact mais estimé comme étant à
risque. Telles sont les préconisations de la Conférence de consensus “Prévention et traitement des
escarres de l’adulte et du sujet âgé” (1). Cet état
correspond au stade 0 de la classification de
Garches : peau intacte mais risque d’escarre. Les
facteurs de risque ont été définis par l’expérience
clinique. Davantage de recherches sont nécessaires, selon les conclusions de cette Conférence
de consensus, pour valider leur pertinence et apprécier leurs rôles respectifs.
S
Les facteurs explicatifs
Dès 1998, l’ANAES a défini les facteurs de risque.
Beaucoup relèvent de deux séries de facteurs explicatifs : les facteurs extrinsèques et les facteurs
intrinsèques.
• Les facteurs extrinsèques ou mécaniques :
– la pression (force exercée sur la peau par le
support, son intensité, sa durée et son gradient) ;
– la friction (lésion directe sur la peau suscitant
une abrasion) ;
– le cisaillement (forces s’appliquant de manière
oblique sur les plans cellulaires sous-cutanés :
corps en position semi-assise glissant vers le bas
par exemple) ;
– la macération de la peau.
• Les facteurs intrinsèques ou cliniques :
– l’immobilité (causée par des troubles de la
conscience ou des troubles moteurs) ;
– l’état nutritionnel et la malnutrition ;
– l’incontinence urinaire et fécale ;
– l’état de la peau ;
– la baisse du débit circulatoire ;
– la neuropathie, responsable d’une perte de sensibilité et de l’incapacité de changer de position ;
– l’état psychologique et le manque de motivation à participer aux soins ;
– l’âge.
En 2001, le britannique Royal College of Nursing
complétait la liste de l’ANAES. Il citait d’autres
facteurs de risque de niveau de preuve intermédiaire de niveau II ou de grade B1 (2) :
– les antécédents d’escarre ;
– la déshydratation ;
– certaines maladies aiguës ;
– les pathologies chroniques graves et la phase
terminale de pathologies graves.
Les facteurs prédictifs
La Conférence de consensus retient certains facteurs prédictifs de risque : l’immobilisation et la
dénutrition.
Elle souligne que la présence d’un de ces facteurs
augmente l’incidence de l’escarre dans deux
études apportant un niveau de preuve II (2). Experts et professionnels de cette Conférence de
consensus ont aussi examiné les facteurs de
risque propres aux pathologies relevant de certaines disciplines :
– neurologie, orthopédie, traumatologie ;
– gériatrie ;
– soins intensifs.
Identifier les facteurs de risque
La prévention des escarres débute dès que le
risque est identifié. Selon l’ANAES, la prévention reste cruciale pour réduire la fréquence
des escarres. Des recommandations existent
aux États-Unis depuis 1992 (AHCPR) et depuis
plus récemment en Europe (EPUAP, 1999 ;
RCN/NICE, 2001). L’identification des facteurs
de risque fait appel au jugement clinique, associé à l’utilisation d’une échelle validée d’identification des facteurs de risque. On peut se
référer, dans ce domaine, au guide pratique
Diagnostics infirmiers et interventions de Doenges,
Lefebvre et Moorhouse. Il précise, dès 1996, les
éléments cliniques à analyser : état d’affaiblissement général, réduction de la mobilité, troubles
de la sensibilité, modifications de la peau et de
la masse musculaire associées à l’âge, mauvais
état nutritionnel, présence d’une maladie chronique, incontinence, problèmes de soins personnels, traitement médicamenteux.
La prévention
Il importe que les soignants soient entraînés à la
reconnaissance des risques et formés à l’utilisation d’échelles de risque ango-saxonnes (Norton,
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
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Soins des plaies
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de la potence, ou qu’il acquiert en rééducation
(retournement, autosoulèvement du siège pour
soulager la pression au niveau des ischions...).
Braden, Waterloo) ou francophones (échelles des
Peupliers-Gonesse, d’Angers, de Genève). Cela
rend possibles le plan de soins infirmiers adapté,
la continuité des soins de prévention par la transmission d’informations écrites, l’information du
médecin pour le déclenchement d’actions de
prévention pluridisciplinaires.
Les postures
Diverses postures peuvent être adoptées pour réduire la pression sur les zones à risque. Il n’existe
pas de position idéale. Mais l’installation au lit
tiendra compte de la souplesse et de la configuration des articulations, des positions que peut
prendre le patient. Le programme de retournement, toutes les deux ou trois heures, implique
l’alternance du décubitus dorsal, du décubitus
latéral gauche et droit. On privilégiera le décubitus latéral oblique à 30o par rapport au plan du
lit. En revanche, le décubitus latéral “strict” ou
“à 90o” sera proscrit. En effet, il expose au risque
d’escarre la région trochantérienne, c’est-à-dire
celle des apophyses de l’extrémité supérieure du
fémur (1).
Au lit toujours, la position semi-assise, dossier
à 30o, peut être proposée à certains patients. Car
elle réduit la pression sur les ischions. Mais elle
nécessite l’élévation des membres inférieurs, afin
d’éviter le glissement du patient qui provoquerait des cisaillements de la peau. Ces installations peuvent être complétées par l’utilisation
d’accessoires appropriés (oreillers, mousses),
qui mettent en décharge des talons, mais ne
doivent pas créer une pression trop forte au niveau du tendon d’Achille et des mollets. L’utilisation des poches remplies d’eau sous le talon
est déconseillée (1).
Au fauteuil comme au lit, les autosoulèvements,
lorsqu’ils sont possibles, sinon les repositionnements par les soignants, seront favorisés. Ils modifient la répartition du poids, et peuvent permettre d’éviter le phénomène de glissement. Une
installation et une manutention adéquate du patient – par l’utilisation d’un lève-malade ou de
draps – doivent éviter les phénomènes de cisaillement et de frottement lors des glissements
du patient.
Diminuer la pression
La pression demeure le facteur le plus important
dans le développement des escarres. Les appuis
prolongés seront évités par différentes méthodes.
La verticalisation
Mise au fauteuil, verticalisation et reprise de la
marche sont recommandées dès que possible,
surtout pour les personnes âgées.
Changer de position
Un “programme de retournement” doit être instauré sitôt le risque identifié. Des changements
de position doivent être effectués toutes les deux
ou trois heures, en tenant compte du patient, de
son âge, de ses troubles, de ses besoins et de ses
habitudes. La planification et la réalisation de ces
changements de position, leur transcription dans
le dossier du patient, permettent d’assurer la cohérence et la continuité des soins.
Alterner position assise et position couchée
L’alternance entre la position assise au fauteuil ou
la position couchée reste impérative. Son rythme
doit être inférieur à deux heures pour les patients
à haut risque. La mobilité du patient est sollicitée en fonction des mouvements qu’il souhaite
spontanément effectuer, avec l’aide éventuelle
© Raguet/Phanie
Utiliser des supports
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
La Conférence de consensus sur la prévention
des escarres recommande l’utilisation de supports (matelas, surmatelas, coussins de siège)
adaptés au patient comme à son environnement.
Pour les interventions vasculaire, orthopédique
ou de longue durée ainsi que pour les patients
identifiés comme étant à risque, il est préconisé
d’équiper la table du bloc opératoire d’un support adapté d’aide à la manutention. Cette recommandation vaut aussi pour la salle de réveil
et en postopératoire.
circulatoire moyen et ont un effet traumatisant
sur la peau des zones à risque, ils sont interdits.
Si possible, on éduquera le patient à l’autoobservation de la peau, en particulier aux différents points de pression. Il faut aussi lui apprendre la palpation afin qu’il détecte tout durcissement, toute chaleur.
L’importance de l’hygiène de la peau est soulignée par la Conférence de consensus sur la prévention de l’escarre. La toilette corporelle doit
être “quotidienne” et “précautionneuse sur les
zones à risque”. Les soins d’hygiène doivent être
“renouvelés lors des changes des patients incontinents ou qui transpirent” afin d’éviter la
macération et l’irritation cutanée. Les soins spécifiques visant à isoler les selles ou les urines
(étui pénien, collecteur fécal, change) doivent
être rigoureux pour prévenir l’apparition de lésions cutanées.
Les pratiques et leur évaluation ont conduit, au
Québec, à l’élaboration de recommandations (3).
Elles soulignent que les soins d’hygiène corporelle permettent de garder la peau propre et sèche,
et d’exercer, plusieurs fois par jour, toutes zones
d’appui. La réduction de l’humidité compte, car
une peau qui macère est très vulnérable.
Diverses règles complètent cette approche :
– conserver le lit propre et sec ;
– encourager le patient à ôter ses sous-vêtements
une partie de la journée afin de laisser sécher et
d’aérer la peau ;
– nettoyer la peau humide à l’aide d’un produit
de soins cutanés ;
– éviter l’eau chaude et les savons alcalins ou
désodorisants ainsi que l’alcool et les produits
colorés ou parfumés ;
Avec les patients artéritiques, diabétiques, amputés, tétra- ou paraplégiques, des mesures de prévention d’escarres spécifiques seront envisagées
et élaborées avec des professionnels spécialisés.
Hygiène et observation
L’observation et la palpation régulières de l’état
cutané permettent d’examiner les zones à risque
et de détecter tout signe précoce d’altération
cutanée, notamment pour les peaux pigmentées.
“Cette observation est systématique à chaque
changement de position et lors des soins d’hygiène (1).” Une palpation légère permet de repérer toute survenue de chaleur ou d’induration.
Le massage et la friction des zones à risque sont
proscrits. Comme ils diminuent le débit micro-
●●●
© Burger/Phanie
L’alimentation
L’évaluation de l’état nutritionnel est réalisée par
l’équipe soignante, note l’ANAES (1). Cette mesure comprend :
– le poids et l’index corporel ;
– la notion de perte de poids récente ;
– l’aspect clinique (atrophie de la peau, des
muscles, du tissu graisseux sous-cutané), qui
peut faire l’objet d’éventuelles mesures anthropométriques (périmètre brachial, pli cutané) ;
– l’évaluation des prises alimentaires à travers
celle des groupes d’aliments consommés ;
– le dosage de l’albumine comme témoin d’un
éventuel hypermétabolisme.
En ce qui concerne la nutrition de la personne
âgée, l’insuffisance d’apports protido-caloriques
est un facteur de risque selon de nombreuses
études de niveau de preuve II (2). L’hypoalbuminémie est associée, dans de nombreuses études
de niveau de preuve II, à la survenue d’escarres.
“Mais elle peut être la conséquence d’un hypermétabolisme induit par l’escarre elle-même du
fait du syndrome inflammatoire associé. L’administration de suppléments protido-caloriques
chez des sujets âgés a permis, dans une étude, de
réduire l’incidence des escarres (1).”
La prise en charge nutritionnelle de l’escarre peut
être utile dans certains cas. Les experts de la
Conférence de consensus ont toutefois jugé que
son évaluation restait insuffisante. Concrètement, il convient d’assurer une reprise progressive des apports protéiques et caloriques chez le
malade présentant une carence d’apport alimentaire. Il faut maintenir un apport en protéines et
vitamines chez le malade en hypermétabolisme
d’origine inflammatoire (albumine basse). Dans
ce cas, seule la suppression de la cause du syndrome d’hypermétabolisme permettra l’amélioration de l’état nutritionnel.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
27
Soins des plaies
●●●
– protéger les téguments en utilisant un agent
émollient ou appliquer une mince couche de
fécule de maïs ou de talc sur la peau pour absorber la sueur.
Aucune matière imperméable ne sera en contact
direct avec la peau. On évitera donc les alèses de
caoutchouc comme les alèses avec recouvrement
de plastique (3). Si l’escarre “se complique d’un
suintement ou d’un écoulement important”, si
elle “risque de se souiller” (incontinence urinaire
ou fécale), un agent protecteur (pellicule per-
Hygiène et réfection
des pansements
De nombreuses études ont montré le rôle des
soignants dans la transmission des germes,
notamment les SARM lors de la réfection des
pansements. Les plaies chroniques infectées
représentent des sources importantes de bactéries hospitalières. Bien souvent, la souche bactérienne présente sur la plaie est retrouvée dans
l’air. L’aérobicontamination peut persister pendant vingt minutes. Les aérosols utilisés pour le
décollement des plaies justifient le port du
masque.
méable ou pansement hydrocolloïde) sera appliqué autour de la plaie.
Information, éducation à la santé
et continuité des soins
En règle générale, la participation du patient et
de son entourage à la prévention des escarres
sera favorisée. Ils doivent être informés, qu’il
s’agisse de l’état du malade ou des soins. Des actions éducatives, ciblées en fonction du caractère
temporaire ou permanent du risque d’escarre,
seront proposées à chaque fois que c’est possible.
Facteurs de risque, observation de l’état cutané et
mesures de prévention doivent être notés dans le
dossier du patient. Cela favorise une bonne continuité des soins. Toutes les recommandations internationales insistent sur l’enregistrement et la
documentation des interventions.
M.B.
(1) Conférence de consensus “Prévention et traitement des escarres de
l’adulte et du sujet âgé”. ANAES, 2001.
(2) Une recommandation de grade A est fondée sur une preuve
scientifique établie par des études de fort niveau de preuve (niveau I).
Une recommandation de grade B est fondée sur une présomption
scientifique fournie par des études de niveau de preuve intermédiaire
(niveau II).
(3) La personne âgée et ses besoins - Intervention infirmière, ouvrage
réalisé sous la direction de Sylvie Lauzon et d’Evelyn Adam, Paris, Seli
Arslan, 1996, 870 p.
Ulcères de jambes
Être attentif aux causes
Les soins importent d’autant plus que les ulcères de jambes ne présentent guère de tendance spontanée à la cicatrisation. Les ulcères de jambes commencent par une plaie dont
la surface est variable. Les causes doivent être dépistées et traitées en même temps.
onstituée par des cellules de revêtement, dites
épithéliales, la zone de protection de la peau
est détruite. Les ulcères de jambes ont trois
causes principales : l’insuffisance veineuse profonde et ou superficielle, l’artériopathie des
membres inférieurs, l’angiodermite nécrotique.
Le bilan initial des ulcères de jambes est axé sur
l’interrogatoire et l’examen clinique. Il est complété par des examens biologiques (mesure des
paramètres de l’inflammation, recherche d’un
diabète, d’une anémie ou d’une insuffisance rénale). On réalise un écho-doppler veineux et,
éventuellement, artériel, afin de préciser la maladie artérielle ou veineuse sous-jacente. La prise
en charge thérapeutique en dépend largement. Si
C
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
l’ulcère est “sale”, un prélèvement bactériologique permet de disposer d’un antibiogramme en
cas d’antibiothérapie. Si l’ulcère est d’allure suspecte (trop bourgeonnant, bords indurés), une
biopsie cutanée est réalisée.
L’ulcère d’origine veineuse est en général situé
au niveau des deux malléoles, de chaque côté
de la cheville. Ce sont des ulcères relativement
douloureux. Ils s’accompagnent d’une dermite
ocre, d’un œdème, de varices palpables ou
d’antécédents de thrombose veineuse profonde.
L’ulcère d’origine artérielle est plus petit, mais
plus douloureux. Creusant, avec abolition des
pouls, il est situé sur le pied. Les ulcères mixtes
associent les deux variétés d’ulcères précédents.
Traitement
Quel que soit le type d’ulcère, le traitement passe
par plusieurs étapes, avec, pour corollaire, l’indispensable prise en charge de la douleur.
Améliorer l’état général
Détersion
Éviter les facteurs favorisants
Il convient de supprimer autant que possible les
facteurs favorisants :
– station debout dans l’exercice de certaines professions par exemple (coiffeurs, etc.) ;
– alcool ;
– tabac ;
– troubles de la circulation veineuse et artérielle ;
– traumatismes : se gratter de manière intempestive, coups, blessures... ;
– hypercholestérolémie ;
– hypertension artérielle ;
– troubles de la coagulation sanguine.
Une grossesse peut être contre-indiquée. Il
convient de diminuer la consommation de
graisses alimentaires afin d’éviter un taux trop
élevé de cholestérol dans le sang. Toute maladie
variqueuse requiert une prise en charge rapide
chez ce type de patients.
En cas d’infection active ou d’ulcère très suintant, l’hospitalisation peut être conseillée. Elle
permet d’effectuer au mieux le drainage postural. Il en va de même en cas d’ulcère artériel,
qui requiert une solution de revascularisation,
ou en cas d’angiodermie nécrotique pour la réalisation de greffes.
La détersion permet de retirer les débris de tissus morts. On procède alors au nettoyage puis
à la désinfection par l’utilisation d’antiseptiques (permanganate de potassium, Dakin),
destinés à détruire les bactéries et à empêcher
leur prolifération. Ce nettoyage peut aussi s’effectuer avec des produits contenant des enzymes protéolytiques, c’est-à-dire supposés détruire les protéines constituant les tissus morts.
Il peut se faire également au bistouri. Il nécessite parfois un acte chirurgical avec anesthésie
générale, lorsque l’ulcère est très étendu et
profond.
Bourgeonnement
Après la perte de substance au nettoyage, l’usage
de corps gras, en pommade ou en pansement,
permet de faire bourgeonner les cellules.
Cicatrisation
Troisième étape, l’épidermisation dure parfois
plusieurs mois. Il s’agit de cicatriser la plaie.
Lorsque la cicatrisation s’effectue mal, une greffe
de peau peut être nécessaire. Quand elle est trop
importante, l’usage local de nitrate d’argent vise
à diminuer cette hypertrophie.
Traiter le terrain reste crucial. Le port d’une bande
élastique ou de bas de contention vise l’amélioration de la circulation artérielle et veineuse.
M.B.
De la brûlure légère à sévère
Du soin simple au soin complexe
Si les brûlures légères nécessitent un traitement simple, les brûlures graves requièrent
une véritable chaîne de soins que tout brûlé doit parcourir. La constance de la qualité
reste garante de la meilleure efficacité thérapeutique.
rès de 500 000 brûlures surviennent en
France chaque année. Plus de 10 000 personnes sont atteintes suffisamment gravement
pour être hospitalisées. Parmi celles-ci, 3 500 le
sont dans un service de grands brûlés, selon le
Pr Daniel Wassermann, du service des brûlés
de l’hôpital Cochin, à Paris (1). Les brûlures
sont surtout thermiques (94 %), par flammes,
par contact, par vapeurs chaudes ou par liquides
bouillants. Elles sont aussi électriques (2 %)
P
ou chimiques (2,5 %), par projection d’acides
(chlorhydrique, sulfurique, nitrique) ou d’une
base forte (soude, potasse).
La fréquence des brûlures est trois fois plus
importante chez les enfants âgés d’un à trois ans.
Ces derniers sont fréquemment victimes de lésions par liquides chauds. Les brûlures graves
des adultes surviennent surtout lors d’accidents
domestiques. Elles sont en majorité dues aux
flammes.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
●●●
29
Soins des plaies
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30
Premiers secours et soins
Les premiers secours relèvent du contrôle des
fonctions vitales : libération des voies respiratoires si besoin, et oxygénation au masque. Il
convient d’ôter immédiatement les vêtements et
de refroidir la brûlure (15 minutes) sous l’eau du
robinet (entre 8 et 25 °). Couvrir le brûlé le protégera contre l’hypothermie.
Lorsque les brûlures sont légères, les soins comportent l’excision des phlyctènes et la réalisation
d’un pansement. Outre l’usage d’un antiseptique
non alcoolisé, ce pansement comprend un pansement gras, non compressif renouvelé tous les
deux jours.
Quelle que soit la gravité de la lésion, le traitement médical comprend, à partir du deuxième
ou du troisième degré, une prévention antitétanique, la prescription d’antalgiques, la confection de pansements par tulle vaseliné ou sulfadiazine d’argent, renouvelés tous les deux jours.
Lorsque ces lésions du deuxème ou du troisième
degré dépassent 10 % de la surface corporelle, la
mise en place en urgence d’une perfusion à très
haut débit devient une priorité absolue. Au cours
de la première heure après la brûlure, il faut en
effet perfuser une quantité de 20 ml par kilo de
poids corporel de liquide de Ringer lactate, rappelle le Pr Wassermann. Les fuites de plasma exposent à la déshydratation et au choc hypovolémique. Cette situation peut être mortelle si ces
perfusions massives, à raison de plus de 15 litres
par 24 heures, ne sont pas appliquées pour les
brûlés les plus graves.
La victime présente d’autant plus de perturbations organiques générales que la brûlure est
étendue. Une dénutrition majeure apparaît en
quelques jours. Elle compromet les capacités de
cicatrisation et le combat de l’organisme contre
les infections.
La destruction de la barrière cutanée favorise un
risque d’infections généralisées (septicémies). De
nos jours encore, elles sont la principale cause de
décès chez les grand brûlés, malgré la puissance
des antibiotiques modernes et l’abondance des
mesures d’asepsie.
Ainsi, traitement général et traitement local sont
intimement associés et dépendants l’un de
l’autre. La prise en charge de la douleur constitue aussi une priorité. Les morphiniques sont
largement utilisés pendant et entre les soins. Les
soins douloureux sont souvent réalisés sous
anesthésie générale. En raison de la sévérité des
douleurs ressenties par les patients les plus gravement atteints, précise enfin le Pr Wassermann,
ceux-ci sont souvent maintenus dans un état de
semi-coma pharmacologique.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
Des unités de réanimation comme celle de
l’hôpital Cochin ont acquis des matériels
conçus pour faciliter la manipulation de ces patients. Une table d’opération/réceptacle de
douche permet d’effectuer la réfection des pansements, les excisions et les greffes. Un bras élévateur plafonnier permet de soulever le patient
du plan de son lit et de remplacer le lit par la
table d’opération/réceptacle de douche au moment des soins, sans infliger au patient des déplacements latéraux.
La chirurgie des brûlures
Mais la survie définitive du patient n’est possible qu’avec la cicatrisation des plaies. Le traitement chirurgical en phase aiguë présente
deux fonctions, selon les Drs Castede, Isacu et
La brûlure
en réanimation
En réanimation, la première urgence de la brûlure est de traiter la déshydratation. Dans les cas
les plus graves, il faut perfuser 15 litres de soluté, soit 30 % du volume d’eau du total de l’organisme en 24 heures. Un grand brûlé peut
perdre jusqu’à 1,5 litre de plasma (sur 3) en
une heure. Le suivi de réanimation se fait quart
d’heure par quart d’heure. Un cinquième des
décès survient au cours de la période de réanimation. L’inhalation de fumées d’incendie provoque des lésions respiratoires qui doublent la
mortalité et conduisent à des insuffisances respiratoires difficiles à traiter mais qui, lorsqu’elles
guérissent, laissent généralement peu de
séquelles. Le phénomène d’hypermétabolisme
provoque une surconsommation de calories :
5 000 au lieu des 2 500 habituelles. La prise en
charge nutritionnelle est donc déterminante
pour tenter de compenser les calories nécessaires. Chez le grand brûlé, la dépense énergétique est plus importante que la quantité de
calories qu’il peut absorber par nutrition artificielle. D’où le revêtement cutané qu’il faut poser
le plus rapidement possible pour éviter l’infection d’un organisme “pris d’emballement”. Le
choc hypovolémique doit être traité en même
temps que le choc traumatique lié aux lésions tissulaires. Il faut prendre en charge la douleur. La
réanimation des grands brûlés pose le problème
des soins palliatifs et de l’évaluation des chances
de survie avant d’entreprendre des traitements
éprouvants.
L’étendue des brûlures
Elle est exprimée en pourcentage de la surface
corporelle, à l’aide d’abaques et de la règle
des 9 % :
9 % pour la tête ; 9 % pour chaque bras ; 18 %
pour la face antérieure du tronc ; 18 % pour la
face postérieure ; 18 % pour chaque jambe ; 1 %
pour le cou, le périnée et les organes génitaux.
Les brûlures étendues qui affectent plus de
10 % de la surface corporelle exigent une
réanimation par voie intraveineuse. Les brûlures
circonscrites qui affectent moins de 10 % de la
surface corporelle relèvent d’un traitement
ambulatoire.
Casoli, du service des brûlés de l’hôpital Pellegrin, au CHU de Bordeaux (1). Ce traitement
doit assurer la prévention de l’ischémie par des
incisions de décharge, notamment des brûlures
profondes circulaires. Il doit permettre l’excision précoce et le recouvrement rapide des lésions. L’excision-greffe précoce est, à leurs yeux,
le traitement de choix pour réduire la mortalité
et la morbidité des brûlures.
La couverture de la lésion est la seule voie de
guérison, souligne le Pr Wassermann. Elle peut
survenir spontanément, lors des cicatrisations
des brûlures du 1er degré et du 2e degré, ou nécessiter une greffe pour les brûlures au 3e degré.
Cette couverture n’est jamais immédiate. Cela
impose un traitement local – pansements antiseptiques, asepsie draconienne – destiné à éviter les infections.
Le recouvrement est en général obtenu par des
autogreffes. En cas de brûlures étendues, la
faible disponibilité des sites donneurs commande le recours à des méthodes plus complexes, précisent les responsables du service des
brûlés du CHU de Bordeaux. Elles feront appel
à des recouvrements temporaires, des greffes en
sandwich combinant celles provenant du patient lui-même (autogreffes) et celles provenant
d’un donneur humain (allogreffes, celles-ci
étant rejetées en deux semaines environ). Elles
feront appel à des techniques de recouvrement
définitives par des cultures de cellules épithéliales autologues ou des substituts cutanés intégrables (dermes équivalents, Intégra®) ou encore, demain, à des cultures composites de peau
auto- ou allogéniques.
Après une greffe de peau mince, les pansements
sont effectués à un rythme variable selon les
équipes. Mais ces pansements doivent toujours
éviter les phénomènes de cisaillement, qui, avec
les hématomes et l’infection, nuisent à la prise
de greffe, souligne le Dr C. Romana, de l’unité
des brûlés du service de chirurgie orthopédique
et réparatrice de l’enfant, à l’hôpital ArmandTrousseau (AP-HP), à Paris.
Centres de rééducation
et chirurgie réparatrice
En dépit de la qualité des soins initiaux dans les
services des brûlés, séquelles et cicatrices sont
souvent considérables. Au sortir de ces centres,
le patient gravement brûlé est généralement
hospitalisé dans un centre de rééducation spécialisé. La lente amélioration de la mobilité
comme de la souplesse cutanée sera obtenue
par des soins cutanés importants, une kinésithérapie intensive, l’application de vêtements
compressifs sur les cicatrices. Des séjours en
cures thermales spécialisées (Saint-Gervais, La
Roche-Posay) peuvent raffermir les résultats
obtenus.
Souvent, la chirurgie réparatrice sera indispensable. Intervention après intervention, elle permettra de refaire un revêtement cutané, qui,
même s’il ne retrouve pas à l’identique sa physionomie antérieure, deviendra acceptable pour
la victime et ses proches.
M.B.
(1) L’approche de l’équipe du Pr Wassermann était décrite lors de la
présentation du nouveau Centre des brûlés du groupe hospitalier
Cochin/Saint-Vincent-de-Paul/La Roche-Guyon, le 23 janvier 2001, et
lors des ateliers de la 7e Conférence nationale des plaies et cicatrisations
(CPC), le 13 janvier 2003, à Paris. Celle du CHU de Bordeaux le fut aussi
lors de ces ateliers.
Les plaies
dues aux irradiations
Le syndrome radique cutané (SRC) est la conséquence de la surexposition cutanée accidentelle
des radiations ionisantes.
En phase aiguë, des phlyctènes et érosions
cutanées sont présentes. Elles sont extrêmement douloureuses. La fibrose progressive évolue à distance vers des ulcérations secondaires.
La prise en charge de ces plaies fait appel aux
pansements humides, lipido-colloïdes ou hydrocolloïdes. Ils sont associés à un traitement antiinflammatoire, à un traitement systémique par
interféron gamma en phase chronique des
lésions, pour prévenir la surinfection locale ainsi
qu’une évolution péjorative.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
31
Soins des plaies
Le pied du diabétique
Des complications sournoises
Complication fréquente et précoce du diabète, la neuropathie sensitive ou motrice touche
30 % des patients diabétiques. Elle est tenue pour responsable de 60 à 80 % des ulcères.
La plaie du pied diabétique est encore responsable d’un trop grand nombre d’amputations.
rois grands mécanismes causent ou favorisent
l’évolution de ces troubles trophiques : la
neuropathie périphérique, l’artériopathie des
membres inférieurs et l’infection. C’est dire si
l’éducation du diabétique importe et si les soins
sont nécessaires. La prise en charge d’une lésion,
chez ces patients, impose au préalable un bilan.
Celui-ci permet de définir le type et le pronostic
de la lésion. Il oriente soins et traitements.
T
Soins locaux
En l’absence d’ischémie tissulaire, les plaies neuropathiques requièrent la prise en compte de tous
les mécanismes en cause dès leur apparition. Un
débridement est réalisé avec l’exérèse de l’hyperkératose des tissus remaniés ou infectés. Il vise
à obtenir une plaie propre ainsi qu’un tissu de granulation. Ce débridement peut être pratiqué au lit
du malade ou en consultation, le plus souvent, ou
bien nécessiter un acte chirurgical si l’atteinte tissulaire est trop extensive. La réalisation d’un pansement est alors indispensable, afin de maintenir
la plaie propre et de favoriser le bourgeonnement.
Une récente étude a été menée sur les produits et
pratiques auxquels font appel, dans 64 structures,
99 infirmières, diabétologues ou podologues (1).
Pour les lavages en cas d’ulcération atone par frottement au niveau de la première tête métatarsienne, 33 % des équipes interrogées utilisent des
antiseptiques. Face à une nécrose d’orteil avec
neuropathie des membres inférieurs avec ou sans
athérome diffus, 63,5 % utilisent de l’eau ou du
sérum physiologique. En cas de maux perforants
plantaires (MPP) avec ou sans infection, 100 % des
équipes font appel à des antiseptiques. En cas d’infection patente, ils sont accompagnés d’antibiotiques locaux pour 21 % des équipes.
Une hygiène parfaite s’impose dans tous les cas. Elle
nécessite souvent l’aide d’une infirmière. Le pansement est réalisé avec des compresses sèches non adhérentes ou un pansement gras.
L’antibiothérapie, qui s’impose si la plaie est profonde, sera adaptée à l’antibiogramme. Elle couvrira le staphylocoque doré et les anaérobies de façon privilégiée, selon le Dr Martini, du CHU de
Rangueil. En raison du risque rénal chez ces pa32
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003
tients, on évitera les antibiotiques néphrotoxiques.
La durée minimale de traitement ne doit pas être
inférieure à dix jours.
Détersion et méchage
La détersion est mécanique, pour 61,5 % des soignants interrogés, en cas d’ulcération de la première tête métatarsienne par frottement. Après
détersion, ils utilisent l’hydrogel (20 %), l’hydrocolloïde (17,5 %), l’hydrocellulaire (15 %), l’alginate (15 %), l’hydrofibre (11 %), le charbon (11 %)
et l’acide hyaluronique (1 %).
Pour le méchage, la mèche peut être iodoformée
en cas de MPP avec infection patente (92,5 %) et
sans infection (76,7 %). Elle peut être imbibée
d’antiseptique en cas de MPP avec infection
(21,3 %) et sans infection (20 %).
L’appareillage
L’appareillage est primordial. Il protège la plaie. Il
permet d’éviter la suppression de l’appui anormal
au niveau de la lésion. Réduire la marche et les activités en position debout est indispensable.
Lors du traitement ambulatoire, l’usage de chaussures de décharge de l’avant-pied ou du talon à
usage temporaire sera conseillé. Il vise à supprimer
les traumatismes répétés. L’observance du patient
reste toutefois difficile à obtenir, car ces chaussures
sont peu confortables.
Pour la décharge, les chaussures sont utilisées par
55 % des équipes en cas de MPP avec infection et
par 49 % d’entre elles en cas de MPP sans infection.
Les semelles sont utilisées dans 21 % des cas si la
plaie est accompagnée d’infection, et dans 20 % des
cas si elle ne l’est pas. Certaines équipes anglosaxonnes préconisent l’usage, fort efficace, de plâtres
de décharge. Cette approche nécessite une bonne
maîtrise de sa réalisation ainsi qu’une surveillance
étroite. Ces plâtres peuvent être source de lésion iatrogène en raison de l’anesthésie thermoalgique.
Dans l’enquête menée, la diversité des réponses souligne l’absence et le besoin de consensus pour les
soins podologiques des patients diabétiques.
M.B.
(1) Clavel S. et coll. Soins podologiques des patients diabétiques en
France. 7e CPC, Paris, 12, 13 et 14 janvier 2003.
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