non-vérité. Un vérité-fait n`a pas d`autre but que celui d`handicaper la

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mercredi 22 décembre 2004
CONFERENCE 16
L´ART ET LES FAITS
“ Je crois que l’idéologie la plus pointue qu’il existe est celle qui prend la réalité pour réel.”
Alexander Kluge
L’espace public est l’espace de la vie publique. C’est l’espace des
faits établis. L’espace public n’est pas neutre. Il n’est pas indifférent.
L’espace public est l’espace d’une certaine violence. C’est la violence
des faits, de la doxa économique, sociale, politique, culturelle, sexuelle.
La DOXA est le mot pour une OPINION, qui n’est pas une vérité. Il
fait partie de la doxa le fait qu’elle se donne pour vérité. La doxa semble
être une vérité. Elle est illusion réelle, une illusion fonctionnant dans la
réalité, qui recouvre le contact avec le réel. Elle est VERITE DE FAITS,
afin de ne pas être VERITE DU REEL. La doxa est aussi le nom du
simple intérêt.
L’espace public est l’espace de la doxa, l’espace des intérêts et
des illusions, qui alourdissent ou handicapent le contact à la vérité du
réel. L’espace public est l’espace des vérités-faits. C’est l’espace de la
non-vérité. Un vérité-fait n’a pas d’autre but que celui d’handicaper la
vérité. C’est pourquoi le sujet du vérité-fait est sujet du CYNISME, de la
DEPRESSION, du NARCISSIME et de sa LARMOYANCE PLAINTIVE.
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S’appuyer sur des faits signifie prendre des précautions contre la
possibilité de vérité en insistant sur son impossibilité. Les faits sont des
non-vérités que l’on invente pour handicaper les vérités. Des sujets, qui
ne veulent pas être sujets, s’appuient sur des faits. Les sujets-faits sont
sujets d’une continuelle désubjectivation de soi. Le sujet-fait se rapporte
à lui-même comme à une chose, à un objet, un factum immuable. C’est
le sujet d’une impuissance volontaire. C’est le sujet de la PEUR. Il fuit la
nécessité de se décider en faveur d’une vérité, donc contre les “faits”.
L’art dans l’espace-fait public est l’art en tant qu’affirmation de la
vérité et de la forme au-delà de l’intérêt. L’art dans l’espace public exige
que l’artiste s’affirme au sein des faits comme SUJET DE LA VERITE
(c’est-à-dire d’une vérité affirmée par lui, par son travail). L’art dans
l’espace public est l’art dans la non-vérité.
L’art doit s’affirmer dans le tourbillon des faits comme quelque
chose d’autre que des faits. L’art n’est pas un fait. L’ART N'EST PAS
EVIDENT. L’art manque de toute évidence de faits. L’art doit produire,
défendre et affirmer une autre évidence. L’évidence de l’art repose dans
son CONTACT AVEC LE REEL. Le réel est le nom pour ce qui
n’appartient pas à l’espace des faits. Le réel nomme la frontière et
l’extériorité constitutive de cet espace. Le réel n’est pas la réalité.
Le réel est plus réel que la réalité. C’est ce qui inscrit une
INCONSISTANCE ESSENTIELLE dans le calcul “réaliste”, dans
l’économie de la doxa. Le contact avec le réel est contact avec cette
inconsistance, le point faible de ce système de faits. L’art se refuse de
participer à ce recouvrement dans l’espace de recouvrement du réel, en
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cherchant le réel pour le toucher. L’art résiste à l’imaginaire du monde
des faits tandis qu’elle tente de donner forme à ce contact. En ce sens,
l’art est la tentative de l’impossible. Car le réel, la verité, est
L’INTOUCHABLE. Il marque la frontière de toute compétence.
L’art est souverain en faisant avec son impossibilité. L’art affirme
L’IMPOSSIBLE. Il assentit ce qu’il limite. Et, il recouvre de force avec cet
assentiment des limites, celle-ci pousse au dépassement volontaire des
limites.
Le MONDE DES FAITS est le monde des limites établies, des
rituels et symboles, lois, interdits et règles. Et il est également le monde
de la protection imaginaire de soi face à la violence des faits. Il est en soi
divisé. Il se subdivise en un ordre symbolique (l’univers de la loi, la
langue.) et en un monde du rêve, de l’imagination, des phantasmes, qui
est à la fois élément de l’ordre symbolique, une sorte de supplément
(inhérent).
L’art dans l’ordre des faits est l’art dans la non-vérité du
symbolique et de l’imaginaire. L’art dans l’espace public doit s’affirmer
contre la violence du symbolique et la violence de l’imaginaire. L’art est
une violence-affirmation. Il partage, avec la philosophie, le COURAGE
d’affirmer. Son affirmation est affirmation de la forme et de la vérité. Elle
est aussi affirmation de soi. L’art et la philosophie sont des violencesauto-affirmations.
L’auto-affirmation de l’art et de la philosophie advient dans l’espace
public. Elle s’oppose à cet espace et à des non-vérités de faits, qu’il
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pénètre, administre et représente. Les vérité-faits sont les non-véritésfaits: des mensonges avérés.
La philosophie et l’art s’opposent à ce MENSONGE. La philosophie
et l’art sont contre les violences, qui traversent l’espace des mensonges,
dans le but de dévoiler une vérité évidente. Il n’y a peut-être pas d’audelà de la réalité dans la mesure où nous posons la réalité comme
identique au monde des faits (le monde public). L’art et la philosophie
sont pour toujours objectivement aliénés. Cependant, l’art et la
philosophie s’opposent à l’aliénation en insistant sur la nécessité du
contact avec une vérité au-delà des non-vérités de faits : “au lieu de
partir d’un droit de l’art dans l’espace public, au lieu de démontrer la
légitimité de l’art dans la sphère publique, au lieu de procurer à l’art un
passage vers un espace public ouvert préalablement, on doit penser une
ouverture, qui est un DEVENIR. L’art n’est peut-être pas beaucoup plus
et pas beaucoup moins que l’expérience de telle ouverture qui ne peut
seulement obtenir une légitimité qu’ultérieurement.”1
L’art et la philosophie sont insistants. L’ART ET LA PHILOSOPHIE
INSISTENT ! L’art et la philosophie veulent être libre dans l’espace de
l’aliénation, dans l’espace des faits. L’art et la philosophie ne sont rien,
quand ils n’affirment pas la LIBERTE dans l’aliénation réelle. L’art et la
philosophie sont les mouvements risqués de l’accélération de soi; L’art
et la philosophie accélèrent au-delà des faits. L’art et la philosophie sont
des violences de l’auto-accélération, qui font un compromis nécessaire
avec les vérités établies. L’art et la philosophie s’opposent au croyance-
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Alexander García Düttmann, Kunstenden. Drei ästhetische Studien, Frankfurt 2000, p. 161.
fait de ceux qui combattent la vérité en tant que simple illusion. L’art et la
philosophie insistent sur la possibilité et la nécessité de la vérité.
La vérité n’est pas justifiée par l’art et la philosophie. La vérité est
assertée. Une affirmation de la vérité est en même temps une
AFFIRMATION DE LA FORME. La philosophie affirme sa forme en tant
qu’affirmation de la vérité. L’art affirme sa vérité en tant qu’affirmation de
la forme. Il existe un moment au cours duquel l’art et la philosophie ne
sont pas différenciables. L’art et la philosophie constituent l’alliance de
l’insistance séparée de la vérité et la forme. Cette alliance est une sorte
de communauté de combat. Cette communauté de combat s’oppose à la
dictature de la croyance-fait, aux impératifs de la force.
La violence de l’art et de la philosophie est une violence qui
s’oppose à la violence de L'UNIVERS DES FAITS. Cependant, cette
violence n’est pas en réaction. Au contraire, l’univers des faits engage
les sujets à la simple réaction qui y demeurent. Dans l’univers des faits,
les options qui président à la prise de décision sont définies et prescrites.
L’univers des faits, l’espace public, est l’espace des prescriptions, de la
DICTATURE DES FAITS.
L’art et la philosophie dans l’espace public signifie : l’art et la
philosophie dans l’univers des prescriptions. Une vérité et une forme
affirmatives, ainsi que la philosophie et l’art en prennent le risque,
signifie donc s’opposer aux prescriptions, faire quelque chose d’autres
que ce qui est prescrit. Il ne s’agit pas s’enfermer dans la NEGATIVITE,
c’est-à-dire dans le refus des prescriptions. Mais dès que la philosophie
et l’art entrent en contact avec la vérité, la dimension de la prescription
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est nécessairement touchée par cela. Une vérité advient toujours
seulement quand un espace public devient un espace-expérience d’une
certaine cécité, quand l’addition des mathématiques des faits n’est pas
faire, quand le calcul du non-calculable, quand le pragmatisme de la
“bonne décision” sont éprouvés par la force des inutiles, quand
l’évidence des faits EXPLOSE sous la pression d’une vérité.
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