UNIVERSITÉ MOHAMMED V-RABAT FACULTE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE –RABAT ANNEE : 2016 THÈSE N° : 118 RÔLE DE LA PHAGOTHÉRAPIE DANS LE TRAITEMENT DES INFECTIONS BACTÉRIENNES THÈSE Présentée et soutenue publiquement le:………..….…2016 PAR Mr. ABDESSAMAD ERRAFYG Né le 3 Novembre 1988 à Rabat Pour l'Obtention du Doctorat en pharmacie MOTS CLES : Phagothérapie – Bactériophage – Infection lytique – résistance bactérienne. MEMBRES DE JURY Mr. M. ZOUHDI PRÉSIDENT Professeurde Microbiologie Mr. Y. SEKHSOKH RAPPORTEUR Professeurde Microbiologie Mme. M. CHADLI ProfesseurAgrégé en Microbiologie Mme. S. TELLAL Professeurde Biochimie JUGES إ إ أ ا ا رة ا ة ا: 32 Dédicaces JE DEDIE CETTE THESE … A Allah Tout puissant Qui m’a inspiré Qui m’a guidé dans le bon chemin Je vous dois ce que je suis devenue Louanges et remerciements Pour votre clémence et miséricorde A MES PARENTS Pour leur amour inestimable, leur confiance, leur soutien, et toutes les valeurs qu'ils ont su m'inculquer. Aucune dédicace n’est susceptible de vous exprimer la profondeur de mon respect, de mon estime et l’infinie reconnaissance pour tous les sacrifices consentis avec dévouement pour mon éducation, vous m’avez supportée, pendant toute ces longues années d’études, qui s’achèvent aujourd’hui et qui n’auraient pu aboutir sans vous. Puisse Dieu, le Très Haut, vous accorder santé, bonheur et longue vie et faire en sorte que jamais je ne vous déçoive. A MES FRERES ET SŒURS Vous avez toujours été près de moi, vous m’avez toujours offert beaucoup de tendresse et d’affection et vous m’avez toujours épaulée pendant mon parcours estudiantin. Merci, d’avoir montré tant de complaisance et de serviabilité à mon égard. Puisse Allah, le Très Très-Haut, vous accorder une vie heureuse et un avenir prospère. A MES TRES CHERS AMIS Une pensée affective et pleine d’émotions pour toutes les personnes -mes ami(e)s- qui ont fait de mes années de faculté une magnifique et enrichissante expérience. J’ose espérer que le chemin de nos vies se recroisera le plus souvent possible. Remerciements À NOTRE MAITRE ET PRESIDENT DE THESE MONSIEUR LE PROFESSEUR MIMOUN ZOUHDI PROFESSEUR DE MICROBIOLOGIE C’est un immense honneur que vous nous faites, en acceptant de présider le jury de notre thèse. Votre courtoisie, votre modestie et votre sens de responsabilité font de vous un maître respecté et estimé par toute une génération d’étudiants. Veuillez trouver cher maître dans ce modeste travail, l’expression de mes remerciements les plus sincères et de ma profonde reconnaissance. À NOTRE MAITRE ET RAPPORTEUR DE THESE MONSIEUR YASSINE SEKHSOKH PROFESSEUR DE MICROBIOLOGIE Vous m’avez fait le grand honneur et le plaisir d’être le rapporteur de notre travail, et d’accepter de me diriger avec bienveillance et rigueur. Votre amabilité, votre dynamisme, votre dévouement, pour le travail et votre compétence ont suscité mon admiration. Je garde un excellent souvenir de la qualité de l’enseignement que vous nous avez prodigué. J’espère être digne de la confiance que vous avez placée en moi en me guidant dans l’élaboration et mise au point de ce travail. Veuillez accepter, chère maître, mes vifs remerciements et ma profonde gratitude pour l’aide précieuse que vous m’avez accordée pour réaliser ce travail. À NOTRE MAITRE ET JUGE DE THESE MADAME SAIDA TELLAL PROFESSEUR DE BIOCHIMIE Je suis particulièrement reconnaissant pour l’honneur que vous me faites en acceptant de jurer ce modeste travail, et d’avoir m’aider en coopération avec mon rapporteur à corriger mes erreurs, et de m’orienter correctement. j’ai apprécié votre effort avec beaucoup de respect, merci, Madame, pour votre soutien. Qu’il me soit permis, Madame, de vous exprimer toute ma gratitude, mon respect et mon estime. Veuillez croire, Madame, à l’expression de mes sentiments les plus distingués. À NOTRE MAITRE ET JUGE DE THESE MADAME MARIAMA CHADLI, PROFESSEURAGREGE EN MICROBIOLOGIE Nous mesurons l’honneur que vous nous faites en acceptant de siéger parmi notre jury de thèse. Qu’il me soit permis, Madame, de vous exprimer toute ma reconnaissance, mon respect et mon estime. Veuillez trouver, Madame, l’expression de ma haute considération et ma profonde gratitude. LISTE DES FIGURES Figure 1: Bactériophage et ses principales composantes. Figure2: Principales familles de bactériophages selon la nature de leur génome (ssDNA : ADN simple brin, dsDNA : ADN double brin, ssRNA : ARN simple brin, ds RNA : ARN double brin), leur capside et leur enveloppe. Figure 3 : Schéma d'un cycle lysogénique Figure 4 : Schéma d'un phage Figure5: Schéma du cycle lytique Figure 6 : Facteurs qui influent sur l'efficacité de l'utilisation des phages contre les bactéries pathogènes Figure 7 : Nombreuses (à gauche) et quelques (à droite) plages claires sur une nappe de culture de Staphylococcus aureus (cliché personnel) Figure 8 : Part relative des micro-organismes isolés d’infections nosocomiales en France Figure 9 : Part relative des sites infectieux d’infections nosocomiales Figure 10 : Le phénomène de « Synergie Phages-Antibiotiques » (PAS) avec le phage MFP sur Escherichia coli MFP Figure 11 : Le phénomène de « synergie phages-antibiotiques » (PAS) dans l’environnement (A) et en phagothérapie (B) Figure12: Schéma représentant le système CRISPR/Cas LISTE DES TABLEAUX Tableau I : Principales familles de bactériophages Tableau II : Caractéristiques de résistance aux anti-infectieux de certains micro-organismes isolés d’infection nosocomiale et prévalence des infections nosocomiales associées Tableau III : Evaluation générale des résultats de la thérapie phagique Tableau IV : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction des principales préparations phagiques utilisées Tableau V : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction de la voie d’administration des préparations Tableau V : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction de la voie d’administration des préparations Tableau VI : Durée cumulée du traitement phagique Tableau VII : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction du type d’infection des patients Tableau VIII : Influence de la thérapie phagique sur les marqueurs de l’inflammation LISTE DES ABREVIATIONS ACdeBMR : Alliance contre le développement des bactéries AMM : Autorisation de Mise sur le Marché ADN : Acide désoxyribonucléique ADNase : désoxyribonucléase ADVIN : Association des Victimes d’Infections Nosocomiales AFSSAPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé ARN :Acideribonucléique ARNm : ARN messager BLSE : bêta-lactamases à spectre étendu BMR : bactéries multirésistantes CAS : Centre d’Analyse Stratégique CDC : Centers for Disease Control and Prevention (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) CHU : Centre Hospitalier Universitaire CHUPS : Centre Hospitalier Universitaire Pitié-Salpêtrière CHPM : Committee for Medicinal Products for Human Use (Comité des médicaments à usage humain) CMR : committee on medical research CNAMTS : caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés C3G : céphalosporines de 3e génération CRISPR : ClusteredRegularlyInterspaced Short PalindromicRepeats (groupe de courtes répétitions palindromiques régulièrement espacées) CSP : code de la santé publique DG Sanco : Direction Générale de la Santé et des Consommateurs DGA : Direction Générale de l’Armement DMS : sulfure de diméthyle DOM : départements d’outre-mer DTRA : DefenseThreatReduction Agency (Agence de la défense pour la réduction des menaces) EARSS : Europeanantimicrobialresistance surveillance network ECDC : European Center for DiseasePrevention and Control (Centre européen de prevention et de contrôle des maladies) EFSA : European Food SafetyAuthority (Autorités européennes de sécurité des aliments) EIBMV : Eliana institue of bacteriophage, microbiology and virology EMA : EuropeanMedicines Agency (Agence européenne des médicaments) ENP : enquête nationale de prévalence EPA : environmental protection agency EPS : substances polymériques extracellulaires ESAC : European surveillance of antimicrobialconsumption FAO : Food and Agriculture Organization of the United Nations (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) FDA : Food and Drug Administration (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) FQRP : Pseudomonas aeruginosarésistante aux fluoroquinolones GRAS : Generallyrecognized as safe (généralement reconnu comme étant sans danger) HCASE : haut niveau de production de céphalosporinases Hfr : haute fréquence de recombinaison ICTV : International Committee on Taxonomy of Virus (Comité international de toxonomie des virus) IDSA : InfectiousDiseases Society of America (Société américaine des maladies infectieuses) IIET : institute of immunology and experimental therapy IL : Interleukine IN : infections nosocomiales ISO : infections du site opératoire JAMA : journal of the American medical association LAL : Lysat d’Amoebocyte de Limule LPS : Lipopolysaccharide LTF : Long tailfibers (Fibres longues de la queue) mL : millilitre MRSA : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline NCBI : National Center for Biotechnology Information (Centre national américain d’information en biotechnologie) NK : Natural killers (tueursnaturels) NRC : national research council OMS : Organisation Mondiale de la Santé PAL : phosphatases alcalines P.H.A.G.E. : Phages for Humain Application Group Europe (Groupe européen d’application de phages en médecine humaine) PAS : Phage-AntibioticSynergy (synergie phage-antibiotique) PDG : Président directeur général PFU : Plages Formant Unité PTU : phage therapy unit RAISIN : réseau d’alerte d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales SARM : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline SASM : Staphylococcus aureus sensibles à la méticilline SIDA : Syndrome d’immunodéficience acquise SDF : Sidetailfibers (crochets de la queue) Stx : Shiga-like toxine SWOT :Strenghts – Weaknesses – Opportunities – Threats (Forces – Faiblesses – Opportunités – Menaces) TA : Toxine-antitoxine TIA : toxi-infections alimentaires TNF : Tumornecrosis factor (facteur de nécrose tumorale) VRE : Enterococcirésistants à la vancomycine WHO : World HealthOrganization (Organisation Mondiale de la Santé) YOPI : Young – Old – Pregnant – Immunodepressed (Jeunes – Personnes Agés – Femmes enceintes – Personnes immunodéprimées) -GT : gamma glutamyltranspeptidases Table des matières INTRODUCTION ...................................................................................................................... 1 PREMIERE PARTIE : DESCRIPTION DES BACTÉRIOPHAGES................................ 3 I. Structure et classification ................................................................................................. 4 1. Définition ........................................................................................................................... 4 2. Différentes familles ........................................................................................................... 5 3. Description générale ......................................................................................................... 6 4. Habitat ............................................................................................................................... 8 5. Résistance dans l’environnement .................................................................................... 9 II. Types d’invasion de la cellule bactérienne ................................................................ 10 1. Principe du cycle chronique (phages filamenteux) ...................................................... 11 2. Principe du cycle lysogénique (phages tempérés) ........................................................ 11 3 .Principe et étapes du cycle lytique (phages virulents) .................................................... 13 a. Arrimage .......................................................................................................................... 15 b. Entrée du génome viral et réplication ........................................................................... 16 c. Libération des nouveaux phages.................................................................................... 17 III. Types de Transduction................................................................................................ 17 1. Transduction généralisée................................................................................................ 17 2. Transductionabortive ..................................................................................................... 17 3. Transduction localisée .................................................................................................... 18 IV. Avantages etinconvénients .......................................................................................... 18 1. Avantage .......................................................................................................................... 18 2. Inconvénients ................................................................................................................... 19 V. Méthodes d’obtention de phages à destinée thérapeutique......................................... 21 1. Propagation ..................................................................................................................... 21 2. Purification ...................................................................................................................... 22 3. Numération ...................................................................................................................... 22 4. Contrôle ........................................................................................................................... 22 DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DE LA PHAGOTHERAPIE ....................... 23 I. Définition ......................................................................................................................... 25 II. Historique de la phagothérapie .................................................................................. 25 III. Résistance à l’antibiothérapie et infections nosocomiales ....................................... 27 1. Les infections nosocomiales ............................................................................................ 28 a. Définition ......................................................................................................................... 28 b. Epidémiologie .................................................................................................................. 28 c. Mécanismes et origines des germes des infections nosocomiales ................................ 30 d. Les infections nosocomiales les plus fréquentes ........................................................... 30 2. Bactéries multi-résistantes (BMR) et infections nosocomiales ................................... 32 IV. Application thérapeutique de la phagothérapie ....................................................... 36 1. Protocole thérapeutique et patients ............................................................................... 37 2. Méthode d’évaluation de l’efficacité de la thérapie phagique .................................... 39 3. Evaluation générale des résultats de la thérapie phagique ......................................... 41 4. Evaluation détaillée de la phagothérapie ...................................................................... 51 5. Sécurité de la thérapie phagique ................................................................................... 55 a. Effets de la thérapie phagique sur les marqueurs inflammatoires ............................. 55 b. Effets indésirables de la thérapie phagique [38] : ........................................................ 58 V. Pharmacologie de la thérapie phagique ........................................................................ 61 1 .Pharmacocinétique ............................................................................................................. 61 2. Pharmacodynamie ............................................................................................................. 64 a. Effets directs .................................................................................................................... 64 b. Effets indirects ................................................................................................................. 65 VI. Antibiothérapie et phagothérapie .............................................................................. 70 VII. Administration de cocktails phagique ....................................................................... 74 1. Avantages potentiels ....................................................................................................... 75 2. Limite des cocktails ......................................................................................................... 77 VIII. Limites potentielles de la phagothérapie ............................................................... 79 1. Une redécouverte compliquée ........................................................................................ 79 a. Mauvaise image du passé ............................................................................................... 79 b. Peu d’informations dans l’enseignement médical ........................................................ 81 c. Absence de réglementation adaptée .............................................................................. 82 2. Accès difficile aux soins .................................................................................................. 85 3. Résistance bactérienne.................................................................................................... 86 a. Mécanismes mis en jeu ................................................................................................... 86 b. Conséquences................................................................................................................... 89 4. Limites pharmacologiques ............................................................................................. 90 a. Traitement ciblé .............................................................................................................. 90 b. Seuil bactérien ................................................................................................................. 91 c. Le phénomène de translocation ..................................................................................... 92 d. Infections à bactéries intracellulaires............................................................................ 92 TROISIEME PARTIE : PHAGOPROPHYLAXIE ........................................................... 94 I. Utilisation en agro-alimentaire ...................................................................................... 95 II. Décontamination alimentaire ..................................................................................... 97 III. Désinfection des surfaces inertes ................................................................................ 98 IV. Prévention des infections dans le domaine médical ................................................. 98 V. Avantages et limites dans le domaine médical ............................................................. 99 1. Avantages ......................................................................................................................... 99 2. Limites .............................................................................................................................. 99 CONCLUSION ..................................................................................................................... 101 RESUME .............................................................................................................2 BIBLIOGRAPHI ET WEBOGRAPHIE .............................................................................. 102 INTRODUCTION 1 Le développement des infections bactériennes multi-résistantes, dont les infections nosocomiales, est un véritable enjeu de santé publique et nécessite la mise au point de nouvelles thérapies. Entre les industries pharmaceutiques qui se refusent à de coûteuses recherches en ce qui concerne les antibiotiques et la surconsommation de ces derniers dans le monde, l’arsenal thérapeutique pour lutter contre les bactéries s’amenuise. De plus, aujourd’hui, pour diverses raisons, le développement de nouvelles molécules est quasi inexistant à tel point que certains n’hésitent pas à évoquer la fin d‘une période et annoncent une ère « post antibiotique » C’est pourquoi on peut se poser la question de savoir s’il existe une alternative à ce problème. C’est là qu’entrent en jeu les bactériophages (ou simplement phages), qui sont les virus naturels des bactéries (littéralement: mangeurs de bactéries), ils reconnaissent, parasitent et tuent spécifiquement, pour la plupart d’entre eux, et pour chaque phage au moins une bactérie. En revanche, ils sont incapables d’infecter les cellules végétales ou animales L’utilisation des prédateurs naturels des bactéries est venue de l’un de ses découvreurs, Felix d’Hérelle, qui l’a également mise en application en médecine humaine. Il a fallu, pour se faire, mettre au point les préparations phagiques, c’est à dire isoler un phage dirigé contre la bactérie pathogène, le propager, purifier la préparation et contrôler son activité. Pour diverses raisons, la médecine occidentale a délaissé ce traitement antibactérien au profit des antibiotiques. En revanche, la phagothérapie a été largement exploitée dans l’ex-empire soviétique Le principal objectif de cette étude est de redécouvrir cette phagothérapie et de comprendre sa place dans l’enjeu actuel de lutte contre les infections multi-résistantes aux traitements antibactériens. 2 PREMIERE PARTIE : DESCRIPTION DES BACTÉRIOPHAGES 3 I. Structure et classification 1. Définition Les bactériophages sont présents partout sur la planète et sont reconnus comme étant l’entité vivante la plus abondante sur Terre ( figure 1). Ils seraient dix fois plus nombreux que les bactéries[1].En effet, on estime entre 1030 et 1032bactériophages dans notre environnement. Ils se retrouvent dans les océans, dans le sol, dans l’eau potable et même dans la nourriture que nous consommons. Ils sont définis comme des virus qui infectent les bactéries et tout comme les virus, ils sont reconnus comme étant des parasites absolus. En effet, ils ne possèdent pas la machinerie nécessaire à leur réplication et ont donc besoin d’emprunter celle de leur hôte de manière à pouvoir proliférer librement. Chaque phage contient son génome qui est enveloppé dans une couche de protéines ou de lipoprotéines appelée capside[2]. Figure 2: Bactériophage et ses principales composantes[3] 4 2. Différentes familles La structure sur laquelle est basée la classification des bactériophages est extrêmement variée. Les critères de classification sont[4] : - la nature de l’acide nucléique : généralement ADN double brin, parfois ARN simple brin[5] - La forme de la capside (icosaédrique ou tubulaire) ; - La présence ou non d’une enveloppe (nommée péplos). La classification de l’ensemble des virus (phages ou non) est gérée par un comité appelé « International Committee on Taxonomy of Virus », ou ICTV. C’est à lui que revient l’établissement de la nomenclature et de la taxonomie des virus[6]. D’après la banque de données de l’ICTV, 95 % des bactériophages appartiennent à l’ordre des Caudovirales. Les virus de l’ordre des Caudoviralesprésentent une structure dite « à symétrie binaire » ou « caudée », c’est-à-dire se composant d’une tête et d’une queue identifiables, et sont partagés en trois familles : les Myoviridae, les Podoviridaeet les Siphoviridae. Les 5 % des phages n’appartenant pas à l’ordre des Caudoviralesprésentent une structure à symétrie non binaire qui peut être soit cubique, soit hélicoïdale, soit complexe (tableau I). 5 Tableau I : Principales familles de bactériophages[7] Les bactériophages appartiennent principalement à l’ordre des Caudovirales, qui se compose des phages dit « à symétrie binaire », également appelés « phages caudés ». Les autres familles sont minoritaires quantitativement. L’acide nucléique des phages présente des structures variées : ARN ou ADN, et Sb : simple brin, db : double brin, C : circulaire, L : linéaire, E : super-enroulé, S : segmenté. 3. Description générale La description morphologique suivante se base sur celle du phage T4 (structure comprenant une tête et une queue), un des phages les plus étudiés en laboratoire, appartenant 6 à la famille Myoviridaeet permet de présenter la structure à symétrie binaire correspondant aux Caudoviralesordre comprenant l’écrasante la majorité des phages connus à ce jour. Les bactériophages présentent une taille comprise entre 60 et 300 nanomètres (le phage T4 mesure environ 200 nanomètres), soit environ un centième de la taille moyenne d’une bactérie. La tête d’un bactériophage se compose d’une capside protéique et du génome viral (formé chez le phage T4 d’un ADN double brin). La capside de la plupart des phages est sous forme d’un polyèdre[4, 8]. La queue du phage, de nature protéique, est nécessaire à l’absorption du virion dans la cellule hôte [5]. Elle se présente comme un tube central creux comportant une gaine contractile, 6 fibres caudales et une plaque terminale [4]. Cette description vaut pour l’ordre des Caudovirales, où sont inclus la majorité des phages, cependant, les familles de phages n’appartenant pas à cet ordre présentent une morphologie plus variée, qui peut être plus ou moins proche de cette description (figure 2). Par exemple, les phages filamenteux, que nous évoquerons rapidement, n’appartiennent pas à l’ordre des Caudoviraleset leur structure n’est donc pas à symétrie binaire, mais à symétrie hélicoïdale. Ils présentent généralement un ADN simple brin de 6,4 kilobases et mesurent 6,5 nm sur 900 nm. Parmi ces phages on peut citer les phages M13, fd ou f1 (famille des Inoviridae) dirigés contre Escherichia coli[7, 9]. 7 Figure2: Principales familles de bactériophages selon la nature de leur génome (ssDNA : ADN simple brin, dsDNA : ADN double brin, ssRNA : ARN simple brin, ds RNA : ARN double brin), leur capside et leur enveloppe [7]. 4. Habitat Dans la nature, les bactériophages sont extrêmement nombreux. Dans un milieu donné, leur nombre est en général dix, voire cent fois plus élevé que la quantité de bactéries présentes[10]. Des bactériophages dirigés contre les archaebactéries ont également été identifiés[11]. On peut rencontrer des phages dans différents environnements naturels : sur le sol, dans les eaux salées ou douces, sur les surfaces cutanées et muqueuses des êtres vivants (et entre 8 autres dans l’appareil digestif), …ou plus généralement dans tous les environnements comportant des bactéries. Ces virus particuliers participent activement à l’évolution desécosystèmes, en détruisant une partie des bactéries, engendrant ainsi un renouvellement de la biomasse bactérienne, ou en interagissant avec les bactéries de telle sorte que des échanges de gènes entre bactéries aient lieu. On estime qu’en règle générale, les bactériophages réduisent la population bactérienne globale de près de moitié toutes les 48 heures[8, 12]. Les études datant d’une trentaine d’années parlent d’une population de bactériophages de l’ordre de 107 par millilitre dans les milieux marins (le milieu aquatique contenant la plus grande quantité de phages étant les eaux usées). On peut trouver en particulier une grande quantité de phages dans les sédiments marins, que l’on estime actuellement à 109 phages par gramme de sédiment [12]. Cependant, les études des quinze dernières années ont montré que leur population dans les eaux douces et dans les habitats marins était bien plus importante qu’elle n’avait était imaginée auparavant [13]. Dans ces milieux, les bactériophages œuvrent à la dynamique du renouvellement biochimique, en éliminant une partie du bactério-plancton. En effet, la lyse de ce dernier permet de rendre le carbone organique biodisponible, en le faisant passer de l’état particulaire, sous forme de cellules bactériennes, à l’état dissous exploitable, sous forme de produits de lyse[12]. 5. Résistance dans l’environnement Dans les premières recherches de d’Hérelle[14], le bactériophage qu’il étudiait pouvait survivre à une température dépassant 65 °C, température létale pour la majorité des bactéries non sporulées, et ce bactériophage était assez difficilement détruits par des agents physiques (chaleur ou rayons ultra-violets par exemple) et chimique (antiseptiques par exemple). Depuis, la recherche a fait des progrès, et a permis de comprendre qu’il n’existait pas un unique bactériophage mais des milliers de type et que chaque bactériophage possédait des caractéristiques différentes. Cependant, certaines caractéristiques sont communes à tous les bactériophages, notamment leur résistance aux milieux extrêmes, généralement meilleure que celle des bactéries [12]. D’après certains auteurs [10, 12], nombre de ces virus peuvent 9 survivre des semaines à des années dans différents milieux (aqueux ou non) et ainsi demeurer dans les milieux les plus arides telsque les déserts chauds ou froids, à l’instar des phages observés dans le désert du Chihuahua au Mexique [15], les sources chaudes ou les fosses marines où la pression est énorme. De nombreux phages demeurent virulents malgré une exposition à une température supérieure à 60 °C, à des rayons ultra-violets, à de multiples antiseptiques ou à des milieux alcalins ou acides [12]. D’après Stephan Jacquet, chercheur à l’Institut Pasteur, il existerait des variations saisonnières de la quantité de bactériophages dans un milieu donné, en fonction de la température extérieure, de l’intense du rayonnement ultra-violet, etc. Ainsi, la population de phages serait 100 fois plus importante en été qu’en hiver. L’étude des populations bactériennes hôtes correspondantes dans un milieu donné montre quant à elle qu’une diminution de population bactérienne existe également, en parallèle de celle des bactériophages, mais qu’elle serait d’un facteur bien inférieur. La corrélation entre les variations des deux populations est cependant délicate à interpréter[16]. II. Types d’invasion de la cellule bactérienne On discerne trois types de bactériophages : les phages dits « virulents » ou « lytiques », représentant près de 90 % des bactériophages, ceux dits « tempérés » ou « endogènes » représentant environ 10 % et ceux dits « filamenteux », bien plus minoritaires (moins d’1 %). Parmi tous les bactériophages existants, les plus étudiés sont le phage T4, appartenant aux phages virulents, et le phage λ, appartenant aux phages tempérés. Le type de cycle qui nous intéresse pour les traitements thérapeutiques correspond au cycle des phages virulents, appelé « cycle lytique » ; nous utiliserons donc le phage T4 comme modèle dans notre étude[4]. Le cycle dit « lysogène » ou « lysogénique », correspondant à celui des phages tempérés, ne sera évoqué que brièvement car il n’est pas exploitable pour la phagothérapie. La différence principale entre les deux principaux types de phages (virulents et tempérés) réside dans leur comportement vis-à-vis de la bactérie après intrusion : un phage lytique va directement détruire la bactérie, tandis qu’un phage tempéré va intégrer son 10 génome à celui du chromosome bactérien, rester « silencieux » un temps et se multiplier avec lui [5]. Le troisième type de phages existant, appelé phage filamenteux ne sera que très peu abordé car ses représentants sont rares et son cycle, nommé cycle chronique, non exploitable pour la phagothérapie (comme le cycle lysogène). Après pénétration dans la bactérie hôte, ce phage ne va pas la lyser mais va produire en continu de nombreux phages par bourgeonnement de la membrane bactérienne [7]. Il existe un quatrième type de cycle de reproduction, nommé pseudo-lysogénie. Il s’agit d’un intermédiaire entre les cycles lytiques et lysogéniques, au cours duquel le génome viral ne s’intègre pas au génome de la cellule hôte, et demeure latent dans le cytoplasme. Ce cycle reste encore mal compris [17]. 1. Principe du cycle chronique (phages filamenteux) La durée d’un cycle de réplication typique chez les phages filamenteux varie entre 10 et 15 minutes. Lors de ce cycle, le phage se fixe sur la membrane de la bactérie à partir du pili sexuel bactérien et injecte son ADN dans la bactérie. L’ADN viral introduit dans la cellule bactérienne est converti de simple brin à double brin puis répliqué et transcrit en ARNm ; les ribosomes bactériens traduisent ensuite les ARNm en protéines de la capside virale, qui s’insèrent ensuite dans la membrane bactérienne, et s’assemblent entre elles en entourant un nouveau brin d’ADN viral, tout en traversant la membrane bactérienne jusqu’à être totalement excrétées sous forme de nouveaux virions. Cette invasion ne détruit généralement pas les bactéries et n’est donc pas intéressante en ce qui concerne la phagothérapie[7]. 2. Principe du cycle lysogénique (phages tempérés) Le cycle lysogénique, aussi nommé « lysogénisation »[10], a lieu lorsqu’un phage tempéré pénètre dans une cellule bactérienne (figure3). Le génome du phage s’insère dans celui de la bactérie et devient dès lors partie intégrante de celle-ci (on appelle le génome viral 11 intégré « prophage »). La réplication de ce matériel génétique a ainsi lieu en même temps que celui de la bactérie. Celle-ci, dont le chromosome bactérien a été envahi, transmet ensuite lors de sa division ce nouveau patrimoine génétique à sa descendance [4]. Cet état « silencieux » demeure jusqu’à ce qu’à un moment donné, le cycle lysogénique s’active en cycle lytique et que le génome du phage s’excise du chromosome bactérien. Ce changement d’état est relativement rare : un cas pour 100 000 phages tempérés environ [4], mais sa fréquence est augmentée lors d’un stress, induit par exemple par des rayons ultraviolets, des rayons X ou des substances chimiques comme des oxydants. Figure 3 : Schéma d'un cycle lysogénique[18] Lors du cycle d’un phage tempéré, le génome phagique va s’intégrer au génome bactérien et prendre le nom de « prophage ». Ce prophage peut être transmis par transfert bactérien vertical (cellule mère à cellule fille) ou horizontal (entre deux bactéries sans lien de 12 parenté). Parfois le cycle lysogénique s’active en cycle lytique notamment à l’occasion d’un stress[18]. 3 .Principe et étapes du cycle lytique (phages virulents) Contrairement aux phages tempérés, les bactériophages virulents possèdent la capacité de se multiplier selon leur propre rythme, et non pas au gré des divisions bactériennes. La reproduction d’un tel phage permet d’engendrer simultanément plusieurs dizaines de virus tous identiques. Pour décrire ce cycle, le microbiologiste Mark Müller a déclaré « Les bactéries ne meurent pas, elles explosent en multiples phages. » Un cycle lytique complet prend quelques minutes à maximum une heure pour se réaliser. À côté de cela, la réplication bactérienne ne permet, dans les conditions optimales, de générer que deux bactéries filles toutes les demi-heures chez les espèces bactériennes à développement rapide. Cette réplication dichotomique bactérienne n’est pas en mesure de résister à une lyse par les dizaines, et même les centaines de bactériophages produits lors de leur réplication. Une colonie bactérienne entière même abondante est ainsi rapidement détruite par le nombre de bactériophages à croissance exponentielle [4]. Pour étudier le cycle lytique, comme indiqué précédemment, Je vais me baser sur le phage T4 (figure 17). Ce phage, dirigé contre la bactérie Escherichia coli, a fait l’objet de multiples études pendant de très nombreuses années [19]. Sa séquence nucléotidique, complètement décryptée dans les années 1990 est accessible via le site internet du Centre National pour l’Information Biotechnologique (NCBI, National Center for Biotechnology Information) sous les dénominations AF158101 (au sein de la base de données GenBank) et NC_000866 (au sein de la base de données NCBI) (NCBI, 2005)[20, 21]. 13 Figure4 : Schéma d'un phage T4[22] T4 Le bactériophage T4, phage virulent appartenant à la famille des Myoviridae, se compose d’une tête comportant une capside polyédrique et un ADN double brin, et d’une queue sur laquelle se situent entre autres autres des éléments essentiels à l’arrimage du phage sur une bactérie : des fibres (LTF, long tailfibers), tailfibers des crochets (STF, sidetailfibers) sidetailfibers et une plaque basale. 14 Figure 5: Schéma du cycle lytique [18] Lors d’un cycle lytique, un phage virulent va pénétrer au sein de la cellule bactérienne, détruire le génome bactérien, en détourner la machinerie pour produire des éléments constitutifs de nouveaux phages et enfin lyser la bactérie pour libérer ces nouveaux virions. a. Arrimage La fixation d’un bactériophage sur la membrane plasmique d’une bactérie fait intervenir deux types de structures : une ou plusieurs fibres caudales du bactériophage, et des molécules particulières situées à la surface de la membrane externe de la bactérie hôte qui vont jouer le rôle de « récepteurs » pour le virus. Dans le cas du phage T4, par exemple, plusieurs fibres caudales, dont les six fibres caudales longues (LTF, long tailfibers), vont venir se fixer aux lipopolysaccharides (LPS) et aux protéines membranaires C (OmpC). Cette fixation, souvent 15 réversible, permet un rapprochement du virus et de la bactérie. S’en-suit un changement de conformation des fibres qui signale au plateau situé à la base de la queue du phage que l’attachement est correctement en place. Ce plateau va alors lui aussi se placer sur la membrane bactérienne sur le site adéquat pour injecter le génome viral. De nouvelles fibres vont s’accrocher à des molécules de surface bactériennes pour stabiliser l’attache : pour le phage T4, il s’agit de 6 fibres caudales courtes (STF, sidetailfibers) dont l’attache est irréversible. Ces nouvelles fixations vont entrainer un changement de conformation du plateau(pour le phage T4, passage d’une conformation hexagonale à une conformation en étoile) et vont être à l’origine d’une contraction de la gaine contractile de la queue. Toutes ces étapes de fixation durent environ dix secondes et l’ensemble s’appelle l’arrimage[4]. b. Entrée du génome viral et réplication Une enzyme du phage perce la paroi cellulaire de la bactérie, ce qui permet à l’axe central rigide de la queue de traverser cette paroi. L’extrémité de cet axe entre en contact avec la membrane plasmique de la bactérie et interagit avec des molécules membranaires : pour le phage T4, il s’agit de lipides particuliers comme des phosphatidylglycérols ou des cardiolipides. Cette interaction entraîne la perforation de la membrane bactérienne. Le génome du phage se retrouve éjecté de la capside virale vers le cytoplasme bactérien, tandis que la capside reste à l’extérieur. Ce génome exogène détourne alors le métabolisme de la cellule hôte à son profit : une endonucléase découpe l’ADN bactérien en de nombreux fragments inactifs, puis le génome viral puise dans les réserves d’énergie de la bactérie et se sert des ribosomes hôtes pour se reproduire et pour synthétiser différentes protéines nécessaire à la formation de nouvelles particules virales. Tous ces nouveaux éléments viraux sont ensuite assemblés pour composer les nouveaux virus, tous similaires au phage infectant initial[4]. 16 c. Libération des nouveaux phages En plus des protéines utilisées dans l’assemblage des nouvelles unités virales, le phage force la synthèse d’enzymes lysozymialesdestinées à détruire la membrane bactérienne après la constitution d’une quantité importante de nouveaux virions. L’éclatement de la bactérie hôte permet alors la libération de dizaines de nouveaux virus qui, à leur tour, attaquent les bactéries voisines[4]. III. Types de Transduction C’est le transfert indirect de matériel génétique bactérien entre deux bactéries plus ou moins proches phylogénétiquement, par l’intermédiaire d’un bactériophage, qui joue donc le rôle de vecteur. Ces échanges de gènes peuvent être à l’origine de la dissémination dans la population bactérienne de gènes de résistance aux antibiotiques ou de facteurs de pathogénicité[23]. On distingue trois types de transduction : 1. Transduction généralisée L’ADN bactérien est fragmenté par une nucléase phagique, par conséquent, lors de l’assemblage des virions dans la cellule hôte, des morceaux d’ADN bactérien peuvent s’incorporer, au hasard, dans la capside d’un bactériophage. Puis, le phage peut transférer cet ADN bactérien à une autre bactérie réceptrice, où il sera intégré et recombiné à son génome. La transduction est alors complète. Il faut noter que cette transductiongénéraliséepeutégalementêtreeffectuéeparunphagevirulent. 2. Transductionabortive C’est le même mécanisme que la transduction généralisée, cependant l’ADN injecté 17 dans la cellule réceptrice n’est pas intégré au génome bactérien et ne sera donc pas transmis à la descendance de la bactérie. Néanmoins, il reste fonctionnel et s’exprime normalement mais il sera dilué au cours des divisions cellulaires successives. 3. Transduction localisée Cette transduction n’est réalisée que par les phages tempérés. Lors de la libération du prophage du génome bactérien pour réaliser un cycle lytique, on observe parfois,uneexcisionanormaleaboutissantàunprophagecontenantunepartiedu génome de l’hôte. Les gènes bactériens peuvent donc être transmis à une autre bactérie lors d’une nouvelle infestation. Après avoir développé les deux cycles majoritaires des phages, on comprend bien l’intérêt de sélectionner des bactériophages lytiques en thérapeutique. En effet, en plus de leur inefficacité pour lyser les bactéries, les bactériophages lysogéniques peuvent être les vecteurs de gènes de pathogénicité ou de résistance aux antibiotiques. Bien qu’ils jouent un rôle majeur dans l’évolution des bactéries, la part des phages tempérés ne représenterait qu’environ 10% des bactériophages [24]. IV.Avantages etinconvénients Si l’on compare les caractéristiques des bactériophages vis-à-vis des antibiotiques, la référence thérapeutique des agents antibactériens, on comprend aisément tous les avantages que l’on peut en tirer, pour des inconvénients relativement mineurs et contournables (Figure 11) [25]. 1. - Avantage Action bactéricide puissante et rapide avec une forte spécificité bactérienne : pas de déséquilibre de la flore commensale à l’origine d’effets iatrogènes ni de sélection de résistance chez d’autres bactéries comme antibiotiquesbactériostatiques. 18 cela peut être le cas avec les - Très peu d’effets secondaires avec les préparations phagiques, à condition qu’ellessoient purifiées des endotoxines produites lors de l’amplification des bactériophages sur des cultures de bactéries vivantes. Par conséquent, l’usage de phages est intéressant chez les personnes allergiques à certains antibiotiques ou chez celles subissant de lourds effets indésirables. − Pas d’interaction médicamenteuse nécessitant un réajustement des traitements concomitants ni d’adaptation posologique en fonction de l’âge ou du poids du patient. − Une synergie phage-antibiotique qui permet d’augmenter la virulence desphages. − Une facilité de fabrication avec un coût de production faible, notamment grâce à un vivier de bactériophage quasi inépuisable et facilementaccessible. 2. Inconvénients − Spécificité étroite avec le germe, nécessitant l’isolement et l’identification précise de la bactérie pathogène. Ce qui explique la difficulté d’un traitement probabiliste ainsi que la complexité des infections à germes multiples. Néanmoins, les infections polymicrobiennes peuvent être traitées par l’utilisation de cocktails de phages[25]. − Nécessité d’utiliser un bactériophage lytique et non un bactériophage tempéré car en plus d’être inefficace il peut être à l’origine de transfert de gènes pathogènes vers les bactéries. Cependant, grâce à la biologie moléculaire et au séquençage du génome viral, on peut rapidement éliminer les phages contenant des séquences génomiques potentiellement dangereuses (gènes de toxines, gènes de virulence, gène de résistance aux antibiotiques,etc.). − Le traitement des infections autres que locales (plaies, brûlures, otites, etc.) est délicat car les phages sont considérés comme des éléments extérieurs l’organismeetpeuventêtredétruitsparlesystèmeimmunitaire. − 19 − La concentration du phage: L’administration du phage : Traitement de phage :administration par voie orale, topique, intrapéritonéale, intraveineuse et intranasale en fonction du site d'infection. pour des expériences in vitro et in vivo, MOI (multiplicité d'infection) varie de 0,01 à 100. Les conditions environnementales: La survie et la persistance de bactériophages sont affectées par des facteurs physicochimiques (pH, température Pour quelques cas, un traitement par voie intraveineuse était plus rapide que celle intramammaire. ...) La dose et le moment du traitement: Spécifité : Les phages doivent être lytiques et capables d'infecter les bactéries cibles. L’utilisation d'un cocktail de phages pourrait augmenter le spectre d'activité du phage. L'efficacité du traitement du phage. L’application du phage a été le plus utile lorsque le traitement était précoce.Pour un traitement précoce, les doses multiples sont meilleures que d'une seule dose. La résistance au phage : Accessibilité de cibler les bactéries: Neutralisation: Les bactéries peuvent devenir résistantes aux phages. Les agents pathogènes développent dans les tissus ou les organes des compartiments inaccessibles aux phages.Les phages sontlimités par leur diffusion dans des matrices solides. Les facteurs immunitaires dans le lait cru pourraient protéger les bactéries contre les phages Les phages peuvent être neutralisés par des Utiliser un cocktail de phages. Isoler les nouveaux phages. anticorps ou d'autres composés. Répéter l'administration ou augmenter les doses ou l'administration de différents phages plus résistants ou protection des phages par encapsulation. Figure 6: Facteurs qui influent sur l'efficacité de l'utilisation des phages contre les bactéries pathogènes[25]. 20 V.Méthodes d’obtention de phages à destinée thérapeutique Les bactériophages sont présents partout autour de nous, il n’est donc pas difficile de les trouver. Cependant, c’est dans les milieux liquides que l’on peut le plus facilement les extraire : eaux usées, eaux de rivière, eaux d’égouts, etc. La technique actuelle d’isolement du phage ne diffère que très peu de celle employée par Félix d’Hérelle à ses débuts et elle se base sur l’effet visible du phénomène lytique[26]. 1. Propagation On recueille un échantillon d’eaux résiduaires qui doit ensuite être centrifugé et décanté, de manière à éliminer les grosses particules, puis le surnageant de la décantation doit être filtré (filtre de 0,2 micromètres) pour éliminer les bactéries. On obtient ainsi une préparation contenant une grande quantité de phages. Il faut ensuite déterminer si le ou les bactériophages recherchés, c’est-à-dire celui ou ceux dirigés contre une bactérie donnée, sont présents dans la préparation obtenue. Pour cela on ajoute une suspension contenant la bactérie ciblée à la préparation et on incube le mélange pendant quelques heures à 35°C et sous agitation douce (pour la plupart des phages recherchés). À l’issue de cette incubation, si un ou plusieurs phages se sont propagés au détriment des bactéries, il s’agit alors des virus recherchés. En effet, chaque phage dirigé contre la bactérie aura réalisé plusieurs cycles de propagation, augmentant fortement le nombre de particules virales. Il faut enfin centrifuger de nouveau et filtrer pour éliminer les débris bactériens. Ces tests peuvent aussi être réalisés en plaçant une goutte de la préparation dans une boîte de Petri avec une gélose contenant la bactérie étudiée. Si l’on observe un trou dans le film bactérien après incubation, la préparation contenait bien le ou les bactériophages correspondants à la bactérie étudiée[4]. 21 2. Purification De manière à isoler les bactériophages d’intérêt, il faut tout d’abord diluer sériellement la préparation précédemment réalisée, puis étaler les différentes préparations dilutions en boîte de Petri sur des géloses comportant les bactéries étudiées réparties de manière homogène en surface. Après incubation, de multiples plages de lyse vont se former sur la gélose. À chaque plage de lyse correspond un clone de bactériophage et l’aspect des plages diffère selon le bactériophage impliqué dans le processus de lyse. On prélève alors une ou plusieurs plages que l’on propage dans un bouillon bactérien (comme réalisé à l’étape précédente de propagation) de sorte d’obtenir une quantité suffisante de clones et de bien les adapter à la bactérie étudiée ; cette étape peut être réalisée plusieurs fois (généralement 2 à 3 fois). Il est ensuite nécessaire d’éliminer les bactéries restantes ainsi que les débris de lyse bactérienne. Plusieurs méthodes existent pour cela : centrifugation et filtration, précipitation des phages à l’aide de polyéthylène glycol ou chromatographie d’affinité [27]. 3. Numération Cette étape permet de connaître la quantité de bactériophages obtenus et ainsi être certain que cette quantité sera suffisante d’un point de vue thérapeutique. On mesure le titre de phages (le nombre de phages lytiques par unité de volume) en nombre d’Unité Formant Plages (UFP) par millilitre. 4. Contrôle 22 Cette étape est surtout importante lorsqu’on est en présence d’une préparation de phages dont on ne connait pas les caractéristiques. Elle permet de déterminer l’activité et le nombre de particules virales actives. DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DE LA PHAGOTHERAPIE 23 24 I. Définition La phagothérapie est un mot apparu en 1926 construit à partir de « phagos » et « therapeia » (cure). On peu toute fois signalerque le terme phagothérapie avait été préalablement utilisé dans un tout autre sens : en 1912, Fernand Boivin l’utilise dans sa thèse en tant que traitement qui modifie la façon de se nourrir. Bien que supplanté par le sens de d’Hérelle, on trouve encore quelques fois l’usage de ce mot avec cette acceptation. La phagothérapie est l’utilisation de bactériophages (parfois simplement appelés phages) dansle but de traiter et de guérir des infections bactériennes. La phagothérapie est donc untraitement spécifique de maladies bactériennes par des phages. Elle met à profit les propriétésdestructrices, lytiques et spécifiques de tel ou tel phage vis à vis d’une bactérie infectante.Formellement, il serait plus exact d’utiliser le terme de « bactériophagothérapie ». Bienqu’existant, ce terme reste néanmoins très peu utilisé du fait de sa longueur.Enfin, dans certains écrits en français l’expression « thérapie phagique » (à l’instar de « phagetherapy » des Anglo-saxons) peut être employée en lieu et place de phagothérapie[28]. La phagothérapie s’est développée dans le bloc soviétique. Dans les années 20, après une visite à l’institut Pasteur, un chercheur géorgien GeorgyEliava fut à l’origine de la construction à Tbilissi d’un institut dédié à la recherche et à l’application médicale des bactériophages. Cet institut est toujours en activité aujourd’hui. Un seul autre centre de recherche, à Wroclaw en Pologne propose des traitements à base de bactériophages[4]. II. Historique de la phagothérapie Pendant la première guerre mondiale, à l’Institut Pasteur de Paris, un chercheur, Félix d’Hérelle (1873—1949), étudiait les analyses in vitro des déjections de malades atteints de dysenterie bacillaire, diarrhée provoquée par la bactérie nommée Shigelladysenteriae. Au cours de l’épidémie, le chercheur fit la remarque que l’évolution favorable de la maladie était précédée par l’apparition d’un « principe lytique » (apparition de plages claires sur les cultures en milieu solide ou éclaircissement d’un bouillon) dans les selles du malade (fig 7). À 25 l’inverse, en son absence, l’évolution était souvent mortelle. Sur ce constat, il fit l’hypothèse que ce « principe lytique » est responsable de l’issue favorable de la maladie et qu’il s’agit d’un virus antagoniste de la bactérie pathogène. Il l’appela « bactériophage », littéralement « mangeur de bactérie ». Difficilement acceptée à cette époque car on connaissait mal les virus, il avança aussi la théorie d’un « principe » corpusculaire, responsable de « la guérison naturelle » des maladies bactériennes [14]. La phagothérapie semblait pouvoir être généralisée à un grand nombre d‘infections jusque-là souvent mortelles. C‘est ainsi qu‘apparut la commercialisation de préparations à usage thérapeutique. Le principal germe concerné était le staphylocoque, mais de nombreuses maladies infectieuses cutanées, intestinales, génitales, respiratoires étaient traitées. Les résultats de la phagothérapie souvent rapportés dans la presse scientifique, et même les quotidiens et revues « grand public », éveillèrent l‘attention de plusieurs entreprises pharmaceutiques importantes : Parke-Davis, Eli Lilly, Abbott et Squibb aux États-Unis ou plus modestes en Allemagne et en Angleterre. En France, les laboratoires Robert et Carrière, proposèrent à d‘Hérelle d‘installer en 1928 le laboratoire du bactériophage. La firme se réservait l‘exclusivité de la commercialisation pour la France. Les cinq spécialités à base de phages (bacté-intesti-phage; bacté-coli-phage; bactérhino-phage; bacté-pyo-phage ; bacté-staphy-phage) auront été pendant les années 1930 parmi les dix meilleures ventes des médicaments de l‘entreprise [29]. Une monographie a fait la synthèse des possibilités thérapeutiques connues [30, 31] à cette époque. En 1934, D‘Hérelle reçoit une offre étonnante : Staline lui propose de venir créer un institut sur les bactériophages dans sa contrée d‘origine, la Géorgie. Socialiste à ses heures, D‘Hérelle accepte et fonde avec son ami géorgien Georges Éliava un institut qui porte le nom de ce dernier [32]. En 1980, le biochimiste britannique Frederick Sangerreçut le prix Nobel pour avoir réussi à séquencer l'ADN en utilisant un phage. Et donc considéré les bactériophages comme un outil fondamental de recherches ainsi ont permis à l‘essor de la biologie moléculaire. 26 Les connaissances acquises, tant au laboratoire que dans la nature, sur les phages eux mêmes et la relation avec leurs hôtes sont aujourd‘hui très nombreuses. Toutes les données accumulées depuis des décennies assurent une meilleure approche et donnent l‘opportunité de revoir la phagothérapie dans des conditions satisfaisantes [33]. Figure7 : Nombreuses(àgauche)etquelques(àdroite)plagesclairessurunenappedeculturedeSta phylococcusaureus(clichépersonnel)[10]. III. Résistance à l’antibiothérapie et infections nosocomiales Les antibiotiques, qui ont sauvé tant de vies humaines, risquent de devenir inefficaces en raison d’une inquiétante augmentation de la résistance des bactéries à leur encontre et de la raréfaction des nouveaux produits mis sur le marché[34]. Ainsi, des échecs thérapeutiques surviennent déjà pour des infections pourtant banales, mais causées par des bactéries multirésistantes aux antibiotiques (BMR), voire résistantes à tous les antibiotiques. L’émergence des bactéries multirésistantes (BMR) est aujourd’hui un phénomène planétaire préoccupant. Ces bactéries sont responsables d’infectionspouvant menacer le pronostic vital des patients sans solutions thérapeutiques satisfaisantes [35]. Par ailleurs, certains actes vont devenir beaucoup plus périlleux (interventions chirurgicales lourdes, greffes d’organes ou traitements immunosuppresseurs). 27 Les antibiotiques sont des médicaments uniques, car leurs cibles, les bactéries, sont des êtres vivants, capables de s’adapter, en acquérant des mécanismes de résistance aux antibiotiques (mutations ou acquisition de supports portant des gènes de résistance). Charles DARWIN disait que : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements »[36]. Les bactéries sont dites multirésistantes aux antibiotiques lorsque du fait de l’accumulation de résistances acquises à plusieurs familles d’antibiotiques, elles ne sont plus sensibles qu’à un Petit nombre d’antibiotiques utilisables en thérapeutique (résistance à plus de 3 familles différentes). La multirésistance est une étape vers l’impasse thérapeutique. Elle concerne lesbactéries des infections communautaires (ex : pneumocoque, bacille de la tuberculose) et les bactéries des infections nosocomiales. 1. Les infections nosocomiales a. Définition Il s’agit d’une « infection qui était absente à l’admission à l’hôpital. Ce critère est applicable à toutes les infections. Lorsque la situation précise à l’admission, un délai d’au moins 48 heures après l’admission (ou un délai supérieur à la période d’incubation lorsque celle-ci est connue) est communément accepté pour séparer une infection d’acquisition communautaire d’une infection nosocomiale. Pour les infections de stades opératoires (ou infections de site opératoire ISO), on accepte comme nosocomiale les infections survenues dans les 30 jours suivants l’intervention ou, s’il y a mise en place d’une prothèse ou d’un implant, dans l’année qui suit l’intervention [37]. b. Epidémiologie L’enquête nationale de prévalence (ENP) des infections nosocomiales et des traitements anti infectieux en établissements de santé de 2012 est la cinquième de ce type réalisée en 28 France depuis 1990 par le Réseau d’alerte d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales . Au total 1938 établissements de santé, représentant 376 012 lits d’hospitalisation en France, ont participé à cette enquête. En nombre de lits, la participation des établissements publics était proche de l’exhaustivité : les 848 établissements de soins publics représentaient 96,8% des lits d’hospitalisation publique français. Elle était plus faible pour les établissements de soins privés d’intérêt collectif (83,4%) et les établissements de soins privés à but lucratif (74,8%). L’enquête a inclus au total 300 330 patients. Au jour de l’enquête, la prévalence de patients infectés était de 5,1% avec une prévalence des infections nosocomiales de 5,3% (dont 3,9% d’infections nosocomiales acquises dans l’établissement, 1,2% d’infections nosocomiales importées d’un autre établissement et 0,2% d’infections nosocomiales d’origine indéterminée). En d’autres termes, le jour de l’enquête, 15 180 des 300 330 patients avaient une ou plusieurs infections et 16 024 infections nosocomiales ont été recensées. Ce chiffre s’explique par la possibilité de poly-infection des patients. Sur l’ensemble des établissements de santé ayant participé aux deux enquêtes de 2006 et 2012, laprévalence brute des patients infectés est restée pratiquement stable (+0,5% en accroissement relatif), alors que la prévalence des patients présentant au moins une infection nosocomiale acquise dans l’établissement de santé a légèrement diminué (de 4,1% en 2006 à 3,9% en 2012, soit pratiquement 5% de diminution relative). Cependant, la prévalence des patients infectés présentant au moins une infection importée est passée de 0,9% à 1,2% (25% d’augmentation). Par ailleurs, les enquêteurs pouvaient indiquer que l’origine de l’infection était indéterminée, possibilité qui ne leur était pas offerte en 2006. En 2012, 691 patients (0,2%) présentaient une infection mentionnée comme d’origine indéterminée, alors que seulement 9 patients avaient une infection d’origine non documentée en 2006. Les patients infectés sont relativement plus nombreux dans les CHU (Centres Hospitaliers Universitaires), dans les centres de réanimation et dans les centres de lutte contre le cancer. Les sujets âgés, de sexe masculin, atteints d’une maladie sévère et/ou immunodéprimés, opérés ou exposés à un dispositif invasif (sonde urinaire, cathéter vasculaire ou intubation/trachéotomie) sont également plus touchés que les autres[37]. 29 A l’échelle mondiale, l’OMS estime que 1,4 millions de personnes souffrent à tout momentd’une infection contractée à l’hôpital (chiffre de 2008). Les prévalences maximales sontrapportées en Méditerranée orientale (11,8%), en Asie du Sud-Est (10%) et en Pacifiqueoccidental (9%). Les infections nosocomiales représentent donc un problème de santé publique planétaire. c. Mécanismes et origines des germes des infections nosocomiales Les patients peuvent s’infecter par des germes endogènes, dont ils sont porteurs (commensaux, saprophytes et parfois pathogènes). Ils contaminent le plus souvent le patient lors de soins, comme par exemple la pose d’une sonde urinaire, une intubation trachéale ou dans le cas d’une infection sur site opératoire. Les patients peuvent également s’infecter par des germes exogènes présents dans l’environnement hospitalier. Ces germes peuvent contaminer le patient par des routes inanimées (eau, air, aliment) ou animées (patients, personnels). d. Les infections nosocomiales les plus fréquentes Trois bactéries sont responsables de plus de la moitié des infections nosocomiales. Les trois micro-organismes les plus fréquemment retrouvés sont : Escherichia coli (26%), Staphylococcus aureus (15,9%, dont 38,1% résistants à la méticilline) et Pseudomonas aeruginosa(8,4%). Si on s’intéresse aux entérobactéries dans leur ensemble, elles représentent environ 40% des infections nosocomiales (figure 8). D’une manière générale, les principaux micro-organismes isolés d’infections nosocomialesétaient similaires à ceux décrits lors de l’ENPde 2006 et sont stables d’une enquête à l’autre. La prévalence des infections à clostridium difficile a cependant doublé en France depuis 2006,restant toutefois assez faible. Cette évolution peut être liée à l’amélioration des techniquesdiagnostiques ou à la sensibilisation des établissements de santé suite à l’épidémie 30 liée auclone 027 en 2006 et 2007. L’augmentation de la prévalence des infections digestives (toutesétiologies confondues, y compris indéterminées) entre 2006 et 2012 est en faveur fa d’une telleaugmentation, qui reste malgré tout modérée. Cette même enquête met en évidence les principaux sites des infections nosocomiales. Lesinfections urinaires (29,9%) sont les plus fréquentes, devant les pneumonies (16,7%), lesinfections du site opératoire (ISO) (13,5%) et les bactériémies/septicémies (10,1%). Cesquatre localisations d’IN représentent 70,2% des sites infectieux documentés (figure (fig 9). Lesinfections de la peau et des tissus mous représentent 7% des sites infectieux. La distribution des sites infectieux a aussi évolué de 2006 à 2012. Les infections urinairesrestent ainsi les plus fréquentes quoiqu’en diminution. Les pneumonies restent au second rang mais sont en augmentation. Par ailleurs, les infections du site opératoire ou de la peau eau et destissus mous sont toutes les deux en diminution. Enfin, la prévalence desbactériémies/septicémies augmente[37]. augmente . Figure 8 : Part relative des micro-organismes micro organismes isolés d’infections nosocomiales en France [37] . 31 Figure 9 : Part relative des sites infectieux d’infections nosocomiales[37]. nosocomiales 2. Bactéries multi-résistantes résistantes (BMR) et infections nosocomiales Les BMR représentent 20 à 30 % des infections nosocomiales. L’utilisation massive des antibiotiques à l’hôpital détermine une pression de sélection formidable favorisant l’émergence des BMR. Chez les patients, cette pression de sélection amène une réduction réductio des flores commensale et saprophyte en faveur des BMR, soit en portage soit directement 32 impliquéesdans des processus pathogènes. Dans l’environnement, la pression de sélection exercée par les antibiotiques et antiseptiques renforce l’émergence des bactéries les plus résistantes. Ces réservoirs de BMR, environnementaux et humains, conjugués aux nombreux facteurs de risque de transmission croisée de pathogènes en milieu hospitalier (densité de population, fréquence des soins, mobilité des malades au sein de la structure…) favorisent l’implication des BMR dans les infections nosocomiales. Parmi les BMR impliquées dans les infections nosocomiales, on trouve notamment : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), les entérocoques (Enterococcusfaecalis, Enterococcusfaecium), Pseudomonas aeruginosarésistant (PAR) à la ceftazidime etaux carbapénèmes, les entérobactéries (notamment Escherichia coli, Klebsiellapneumoniae)résistantes aux céphalosporines de 3e génération par haut niveau de production de céphalosporinase (HCASE) ou par sécrétion d’une bêta-lactamase à spectre étendu (BLSE) et Acinetobacterbaumanniimultirésistant. Les données de résistance sont disponibles pour la très grande majorité (87,4%) des 9450 souches concernées (Tableau II). 33 Tableau II : Caractéristiques de résistance aux anti-infectieux de certains microorganismesisolés d’infection nosocomiale et prévalence des infections nosocomiales associées[37]. Les données de l’ENP de 2012 indiquent que 38,1% des Staphylococcus aureus isolés sontrésistants à la méticilline, pour une prévalence de 0,2%. La proportion de SARM a diminué de28% entre 2006 (52,9%) et 2012 (38,1%). En termes de prévalence, les chiffres sont respectivement de 0,4% et de 0,2%. Cette évolution est cohérente avec celles rapportées parailleurs. En effet, le réseau BMR-Raisin a mesuré une diminution de 36% de l’incidence desSARM entre 2006 et 2011, passant de 0,59 cas pour 1000 journées d’hospitalisation à 0,38cas pour 1000 journées d’hospitalisation. Par contre, la prévalence des infections à 34 staphylocoques sensibles à la méticilline (SASM) est restée très stable. Cette diminution de laprévalence des infections à SARM a donc pour corollaire la diminution globale des infections à Staphylococcus aureus. Concernant les entérobactéries, la résistance aux céphalosporines de 3e génération (C3G) chez Escherichia coli est de 17,6% en 2012 ; 11% des souches sont productrices d’une β-lactamase à spectre étendu (BLSE). Pour Klebsiellapneumoniae, ces pourcentages sont respectivement de 37,7% et de 31,6%. Les données montrent une nette augmentation de la résistance aux C3G pour Escherichia coli (9,8% en 2006 à 17,6% en 2012, soit +79%) et pour Klebsiellapneumoniae (17,2% en 2006 à 37,7, soit + 119%). Il n’est, en revanche, pas possible d’analyser l’évolution des BLSE car elles n’étaient pas documentées lors de l’ENP de 2006. En 2012, les proportions de souches productrices de BLSE parmi celles résistantes aux C3G sont toutefois élevées : 62% pour Escherichia coli et 84% pour Klebsiellapneumoniae. L’évolution observée via l’ENP est cohérente avec celle observée par le réseau BMR-Raisin, qui rapporte une augmentation de 130% des entérobactéries productrices de BLSE entre 2006 et 2011. Enfin, l’accroissement des souches résistantes aux C3G s’accompagne d’une augmentation des infections à Klebsiellapneumoniae, mais pas à Escherichia coli (ce qui est cohérent avec leur épidémiologie).La résistance aux carbapénèmes des entérobactéries reste faible en 2012 : 1,4% des souches d’Escherichia coli isolées d’infections nosocomiales et 2,3% des souches de Klebsiellapneumoniae.Enfin, la proportion de résistance aux glycopeptides chez les entérocoques est, en 2012, de 4,1% pour Enterococcusfaeciumet de 0,6% pour Enterococcusfaecalis. Les données montrent une diminution des pourcentages de résistance de 52,3% pour Enterococcusfaecium(8,6% en 2006 contre 4,1% en 2012) et une diminution de 73,9% pour Enterococcusfaecalis(2,3% en 2006 contre 0,6% en 2012). Les données du réseau EARS-Net mettent en évidence des évolutions comparables avec 56% de diminution pour Enterococcusfaeciumet des pourcentages de résistance très faible pour Enterococcusfaecalis(de l’ordre de 0,1%). Globalement, et ce quel que soit le couple bactérie-antibiotique étudié, les tendances produites par l’analyse des données des ENP de 2006 et 2012 sont donc très cohérentes avec celles issues d’autres sources de données. 35 IV. Application thérapeutique de la phagothérapie De nombreuses études sont actuellement menées sur les possibilités thérapeutiques qu’offre la phagothérapie. Elles s’intéressent pour la plupart à l’efficacité de un ou plusieurs phages (ou cocktail de phages) contre une souche bactérienne donnée. Ces études sont indispensables pour acquérir les connaissances suffisantes et nécessaires à l’établissement éventuel de protocoles thérapeutiques. Cependant, elles ne permettent pas d’avoir une vue d’ensemble des possibilités de la phagothérapie, ni de répondre à certaines questions essentielles : la phagothérapie peut-elle être utilisée efficacement contre tous types d’infection ? Les phages peuvent-ils être administrés par différentes voies Le cas échéant, quelles voies semblent être les plus efficaces ? La phagothérapie est-elle une approche thérapeutique dénuée de risques ? Quelle est l’influence des bactériophages sur différents marqueurs biologiques ? Une étude très complète menée par l’Institut de Thérapie Expérimentale Immunologique (IIET : ExperimentalTherapy)LudwickHirszfeld, Institute au of Immunology laboratoirebactériophage, à and Wroclaw (Pologne)[5, 38], entre 2008 et 2012, permet d’obtenir des réponses à laplupart des questions posées (« Clinical aspect of phage therapy ». Cette étude regroupe 157 participants (ce qui correspond à une population de phase II d’essaiclinique) qui sont, pour la plupart, dans une situation d’impasse thérapeutique. Elle évalue surcette même population l’efficacité de la phagothérapie sur différentes infections bactériennes(notamment les infections à Staphylococcusaureus, Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa), la durée moyenne du traitementphagique, les différentes voies d’administration utilisées et leur efficacité respective, latolérance clinique et l’impact des phages sur certains marqueurs biologiques. Enfin, ellepermet d’envisager la phagothérapie comme un recours possible aux infections bactériennesrésistantes aux antibiotiques. Une analyse plus précise de cette étude est présentée ci-dessous, sont issues dans (« Clinical aspect of phage therapy »[38]. 36 1. Protocole thérapeutique et patients Cent cinquante-sept patients, dont 68 femmes et 89 hommes, ont été admis à l’unité dethérapiephagique (PTU : Phage Therapy Unit) entre janvier 2008 et décembre 2010 pourdiverses infections résistantes aux traitements antibiotiques. Plusieurs cas de figure étaientpossibles : • Une infection causée par une bactérie multirésistante. • Une infection persistante malgré un traitement par des antibiotiques adaptés, lorsquede l’avis de spécialiste, l’antibiothérapie était inefficace ou ne permettait l’évolution escomptée. • L’impossibilité d’utiliser l’antibiotique de choix, de par une contre-indication absolue. Seuls les patients âgés de plus de 18 ans qui ont signé un consentement écrit pouvaientrecevoir le traitement phagique. Un prérequis indispensable au traitement était la sensibilité dela bactérie, isolée depuis le site de l’infection, à au moins un phage de la collection de l’Institut de Thérapie Immunologique et Expérimental. Les patients inclus dans l’étude souffraient de diverses infections : infections génitales eturinaires, infections des tissus mous, infections orthopédiques et infections de l’arbrerespiratoire. Les agents en cause de l’infection étaient là encore différents. En majorité, il yavait une monoinfection à Staphylococcus aureus (76 patients, dont 7 infections par SARM),puis des infections à Enterococcusfaecalis(17 patients) et Escherichia coli (15 patients) etenfin des infections à Pseudomonas aeruginosa(13 patients). Des polyinfections, définies parla présence d’au moins deux bactéries pathogènes avant le début de la thérapie phagique oupar l’apparition de nouveaux pathogènes entre les cycles d’administration de phages, étaientégalement traitées. Parmi ces polyinfections, on retrouvait notamment une co-infection parEnterococcusfaecalis et Escherichia coli (9 patients). Les préparations phagiques dirigés contre Staphylococcus, Enterococcus, Escherichia coli,Pseudomonas, Klebsiella, Enterobacter, 37 Proteus, Citrobacter, Salmonella etStenotrophomonasont été administrées par voie topique, orale, intrarectale, intravaginale ou par inhalation d’aérosols. Chez certains patients, des combinaisons associant voie orale et topique ou voie intrarectale et topique ont été utilisées. La voie topique inclut des préparations phagiques, administrées deux fois par jour en gargarisme, en gouttes auriculaires, en gouttes ophtalmiques, en bain de siège, en irrigation (vaginale, d’un abcès, d’une fistule) ou par des compresses humidifiées de préparations phagiques. Par voie orale, l’administration de 10 à 20 ml de préparations phagiques trois fois par jour sefait au moins 30 minutes avant les repas. Dix millilitres d’une suspension orale de carbonate sodique de dihydroxyaluminium, titrée à 68 mg/ml, sont administrés environ 20 minutes avant la préparation phagique, en vue de protéger les virions de l’inactivation par les sucs gastriques. Par voir rectale, les préparations phagiques sont administrées à une posologie de 10 à 20 mldeux fois par jour. La durée maximale cumulée du traitement phagique est de 12 semaines. Cependant, le traitement peut être prolongé de 12 semaines supplémentaires en cas d’infection persistante malgré une bonne réponse au traitement. L’interruption du traitement par phages est possibleen cas de raisons le justifiant (par exemple, si une nouvelle préparation phagique, plus adaptée et efficace, est nécessaire). Si ces interruptions durent plus de 4 semaines, le traitement phagique est alors divisé en cycles. Dans le cas d’une infection récidivante, une nouvelle thérapie phagique peut être menée, à condition de respecter un arrêt de minimum 4 mois. Pour chaque patient, seules des préparations contenant des phages lytiques dirigés contre la souche bactérienne isolée sont utilisées. Cette propriété des phages est préalablement vérifiée par l’observation de plages claires (plages de lyse) lorsqu’ils sont ensemencés sur les colonies bactériennes en question. Parmi les phages actifs de la collection, celui présentant la meilleure activité est sélectionné pour le traitement. Les préparations phagiques administrées contiennent seulement une lignée virale. 38 Dans le cas d’une co-infection à deux souches bactériennes, il est alors possible de préparerdes phages dirigés contre chacune des deux souches isolées. Le patient prend alors alternativement les préparations monophagiques. Enfin, l’administration concomitante d’antibiotiques dirigés contre la bactérie pathogène, ainsi que d’autres traitements liés aux pathologies du patient, est autorisée[38]. 2. Méthode d’évaluation de l’efficacité de la thérapie phagique L’efficacité de la thérapie phagique est évaluée par le praticien en s’appuyant sur les résultats des tests de contrôle microbiologique, notamment les cultures bactériennes, sur des dosages de contrôle, sur l’estimation de l’intensité des symptômes infectieux et d’après les avis des spécialistes médicaux. Les résultats de la thérapie phagique sont classés selon sept principales catégories : • A : L’éradication du pathogène (confirmée par les résultats des cultures bactériennes) et/ou le rétablissement du patient (confirmé par la guérison de la plaie ou la disparition totale des symptômes infectieux). • B : De bons résultats cliniques : une disparition presque totale des symptômes infectieux confirmée par les résultats des tests laboratoires et associée à une amélioration de la condition générale du patient à la fin de la thérapie phagique. • C : L’amélioration clinique : une réduction de l’intensité d’une partie des symptômes de l’infection, à un niveau jamais atteint avant le traitement, à la fin de la thérapie phagique ou à la fin d’un cycle de traitement. • D : L’amélioration cliniquement discutable : une réduction de l’intensité d’une partie des symptômes de l’infection est observée mais est très modérée (une intensité similaire pouvait être atteinte avant la thérapie phagique ou entre les cycles de thérapie phagique), si bien que l’impact de la phagothérapie ne peut être clairement établi. 39 • E : L’amélioration clinique transitoire : une réduction de l’intensité de certains symptômes de l’infection observée seulement durant l’administration des préparations phagiques mais qui ne dure pas à la fin du traitement. • F : L’absence de réponse au traitement phagique. • G : La détérioration clinique : une exacerbation des symptômes de l’infection à la fin de la thérapie phagique. En résumé, les catégories A à C peuvent être considérées comme une réponse satisfaisante à la thérapie phagique et les catégories D à G comme une réponse insuffisante à la thérapie phagique. Dans les cas où la thérapie est menée par cycles, l’évaluation des effets cliniques du traitement est faite à l’issue de chaque cycle thérapeutique. Des échantillons sont prélevés au moins une fois avant chaque cycle, chez tous les patients, pour effectuer des tests bactériologiques. Des échantillons contrôles de culture bactérienne et de lysotypie sont systématiquement réalisés lorsque des signes de surinfection sont observés ou que les résultats de la thérapie ne sont pas satisfaisants du point de vue du praticien. Là encore ces échantillons sont prélevés entre les cycles dethérapie phagique ou à la fin du traitement. La durée cumulée du traitement est calculée en additionnant le nombre de jours durant lesquels les phages sont administrés au patient, indépendamment de la dose du traitementainsi que de la voie d’administration. Pour évaluer l’influence de la voie d’administration surl’efficacité de la thérapie phagique, les traitements par application vaginale et par inhalationsont analysés séparément des autres administrations par voie topique.Les changements de concentration sérique de protéine C-réactive, de la vitesse desédimentation érythrocytaire et du nombre de globules blancs sont évalués à deux périodes dela thérapie phagique : tôt après le début du traitement (entre les jours 5 à 8) et plus tard (entreles jours 9 à 32 du traitement). Les paramètres hématologiques et biochimiques sont étudiés àquatre périodes de la thérapie : entre 3 et 6 jours, puis entre 7 et 20 jours, entre 21 et 48 jourset enfin entre 49 et 84 jours de thérapie cumulée. La moyenne des résultats obtenus durant cespériodes d’analyse est ensuite calculée. Les résultats des tests réalisés juste avant la thérapiephagique servent de valeurs témoins[38]. 40 3. Evaluation générale des résultats de la thérapie phagique L’analyse de l’efficacité du traitement phagique se base sur 153 patients. L’observation clinique n’a pas été possible chez 4 patients (sur les 157 patients de départ) puisque le protocole de thérapie phagique a dû être interrompu. Les caractéristiques détaillées de l’efficacité de la thérapie phagique sont données par le tableau suivant (tableau III). L’analyse de cette figure montre qu’une bonne réponse au traitement phagique est observée chez 61 patients, soit 39,9%. En particulier, l’éradication du germe pathogène ou le rétablissement du patient est obtenu chez 28 patients, soit 18,3%. Cependant, une réponse insuffisante au traitement est rapportée chez 98 patients, soit 60,1%. Il n’y a pas de différence significative en ce qui concerne l’efficacité de la thérapie phagique entre les femmes et les hommes (données non rapportées dans le tableau). De plus, la comparaison des résultats obtenus entre les patients ayant une monoinfection (123 patients) et ceux ayant une polyinfection (30 patients), ne révèle pas de différence significative d’efficacité de la thérapie phagique, que ce soit en termes de pourcentage de bonnes réponses au traitement, ou de taux d’éradication du germe pathogène ou encore de rétablissement du patient. Les préparations phagiques qui ont été les plus administrées sont celles ayant des phages dirigés sélectivement contre Staphylococcus (51,6%), Enterococcus(11,1%), Escherichia coli (11,1%) et Pseudomonas (9,8%). L’efficacité de la thérapie phagique varie considérablement selon le type de préparation (figure 28). Le plus important pourcentage de bonnes réponses au traitement (64,7%), ainsi que le plus haut taux d’éradication du germe pathogène et/ou rétablissement du patient (47,1%) sont obtenus avec les phages dirigés contre Enterococcus. Leur efficacité thérapeutique est significativement plus élevée que celle des phages dirigés contre Staphylococcus (36,7% de bonnes réponses à la thérapie phagique, р = 0,035) et que celle des phages dirigés contre Pseudomonas (20% de bonnes réponses, р = 0,029)[38]. 41 42 Tableau III : Evaluation générale des résultats de la thérapie phagique[38] Type d'infection Catégorie de réponse au usage d'antibiotiques évaluation Mono- Poly- générale infection infections (n=153) (n=123) (n=30) ATB Sans ATB utilisé (n=109) pendant PT (n=44) n % N % n % n % n % 28 18,3 22 17,9 6 20 22 20,2 6 13,6 B- Bon résultat clinique 13 8,5 11 8,9 2 6,7 7 6,4 6 13,6 C- Amélioration clinique 20 13,6 14 11,4 6 20 15 13,8 5 11,4 10 6,5 8 6,5 2 6,7 8 7,3 2 4,6 33 21,6 27 22 6 20 22 20,2 11 25 F- Aucune réponse au traitement 39 25,5 32 26 7 23,3 28 25,7 11 25 G- Détérioration clinique 10 6,5 9 7,3 1 3,3 7 6,4 3 6,8 Bonne réponse (A-C) 61 39,9 47 38,2 14 46,7 44 40,4 17 38,6 92 60,1 76 61,8 16 53,3 65 59,6 27 61,4 traitement A- Eradication et/ou récupération de l'agent pathogène D- Amélioration clinique douteuse E- Amélioration clinique transitoire Réponse inadéquate (Total DG) L’évaluation générale de la phagothérapie montre une réponse satisfaisante chez 61 patients, avec uneéradication du pathogène/rétablissement complet du patient chez 28 sujets, de bons résultats cliniqueschez 13 sujets et une amélioration clinique chez 20 patients. Au contraire, une réponse insuffisante estobservée chez 92 patients : 10 patients ont une 43 amélioration clinique discutable, 33 patients présententune amélioration clinique transitoire, 39 patients n’ont pas de réponse au traitement et 10 patients voient leur état clinique se détériorer. Il n’y a pas de différences significatives entre les patients ayant une monoinfection (123 patients) et ceux ayant une polyinfection (30 patients) en ce qui concerne les bonnes réponses au traitement phagique (respectivement 38,2% et 46,7% de bonnes réponses) et les réponses insuffisantes (respectivement 61,8% et 53,3% de réponses insuffisantes). A noter que les patients polyinfectés sont définis par la présence d’au moins deux bactéries pathogènes différentes avant le début de la thérapie phagique, ou par l’apparition d’un nouveau pathogène entre deux cycles de thérapie phagique. De manière plus détaillée, aucune des sept catégories (de A à G) ne révèle des modifications statistiquement significatives. Enfin, parmi les 109 patients traités seulement par phages, il y a 40,4% de bonnes réponses au traitement (44 patients) et 59,6% de réponses inadéquates (65 patients). Lorsque la phagothérapie est associée à d’autres antibactériens (antiseptiques et/ou antibiotiques) (44 patients), une bonne réponse est observée dans 38,6% des cas (17 patients) et une réponse inadéquate dans 61,4% (27 patients). En conclusion, l’administration conjointe d’antibactérien n’impacte pas (n’augmente notamment pas) l’efficacité du traitement phagique. De même, aucune des sept catégories ne montre des différences statistiquement significatives entre les patients traités uniquement par phages et ceux traités par phages et antibactériens. 44 Tableau IV : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction des principales préparations phagiques utilisées[38] Préparations de Préparations de Préparations de Préparations de phage de phage phage phage de d’E.coli(n=17) Pseudomonas Staphylocoque d'Enterocoque(n=17) (n=79) Catégorie de réponse au (n=15) n % n % n % n % 12 15,2 8 47,1 2 11,8 1 6,7 B- Bon résultat clinique 7 8,9 2 11,8 1 5,9 1 6,7 C- Amélioration clinique 10 12,7 1 5,9 3 17,6 1 6,7 6 7,6 0 0 0 0 1 6,7 18 22,8 0 0 6 35,3 6 40 20 25,3 6 35,3 5 29,4 2 13,3 G- Détérioration clinique 6 7,6 0 0 0 0 3 20 Bonne réponse (A-C) 29 36,7 11 64,7 6 35,3 3 20 50 63,3 6 35,3 11 64,7 12 80 traitement A- Eradication et/ou récupération de l'agent pathogène D- Amélioration clinique douteuse E- Amélioration clinique transitoire F- Aucune réponse au traitement Réponse inadéquate (Total D-G) Des préparations phagiques dirigées contre les Entérocoques ont été utilisées chez 17 patients, avec de bonnes réponses pour 11 d’entre eux et des réponses insuffisantes chez 6 patients. En particulier, on retrouve une éradication du pathogène et/ou rétablissement complet chez 8 patients, de bons résultats cliniques chez 2 patients, une amélioration clinique 45 chez un patient et une absence de réponse à la phagothérapie chez 6 patients. Ces préparations ont été les plus efficaces. Les préparations phagiques dirigées contre Escherichia coli (11 patients) ont amené des réponses satisfaisantes chez 6 patients avec en particulier une éradication du pathogène et/ou un rétablissement pour 2 d’entre eux. Les réponses insuffisantes (11 patients) comportent des améliorations cliniques transitoires (6 patients) et des absences de réponse au traitement (5 patients). Les chiffres rapportés pour les préparations dirigéescontre les staphylocoques (79 patients) sont proches. De bonnes réponses à la phagothérapie ont étéobservées chez 29 patients avec notamment une éradication du pathogène et/ou rétablissement chez 12patients, de bons résultats cliniques chez 7 patients et une amélioration clinique chez10patients. Lesréponses non satisfaisantes (50 patients) mettent en évidence une amélioration clinique transitoire chez18 sujets, une absence de réponse à la phagothérapie chez 20 sujets et une détérioration clinique chez 6sujets. Enfin, les moins bons résultats reviennent aux préparations phagiques dirigées contrePseudomonas (15 patients). En effet, il y a seulement 3 patients qui présentent de bonnes réponses à laphagothérapie, dont une éradication du pathogène et/ou rétablissement du patient. Les réponsesinsuffisantes (12 patients) sont principalement représentées par des améliorations cliniques transitoires (6 patients). Mais, il faut également souligner une absence de réponse au traitement chez 2 patients etune détérioration clinique chez 3 patients. Une question importante est de savoir si la voie d’administration des préparations influence l’efficacité du traitement. Le tableau suivant (figure 29) présente les résultats obtenus avec les différentes voies d’administration, ainsi qu’avec l’association de plusieurs de ces voies (si au moins 3 patients ont reçu le traitement avec cette association). La plus importantepourcentage de bonnes réponses au traitement a été trouvé chez les patients recevant le traitement par voie orale (72,2% de bonnes réponses), tandis que le taux le plus élevé d’éradication du germe pathogène et/ou rétablissement du patient a été observé chez les patients recevant le traitement par voie intrarectale (44%). La différence d’efficacité de la thérapie entre les patients recevant le traitement par voie orale et ceux recevant le traitement par voie topique (28,6% de bonnes réponses) est statistiquement significative (р = 0,012). De plus, l’administration intrarectale des préparations phagiques et l’association 46 d’administration par voie orale et topique sont significativement plus efficaces que la voie topique seule (respectivement р = 0,026 et р = 0,0312). Chez 44 patients du protocole (28,8%), la thérapie phagique a été utilisée en association à d’autres agents antibactériens, que ce soit simultanément ou entre les cycles d’administration phagique. Les agents utilisés regroupent des antibiotiques (41 patients), des désinfectants (9 patients) et/ou des produits à base de plantes utilisées lors de certaines infections (4 patients). Ces agents peuvent être utilisés séparément ou en association. Dans la majorité des cas, ils sont administrés en continuité de l’antibiothérapie, débutée avant la thérapie phagique, ou pendant la thérapie phagique à cause de l’aggravation des symptômes de l’infection (25 cas). Chez d’autres sujets, ils ont été administrés suite à l’apparition d’une nouvelle infection non relative à la thérapie phagique (7 patients), pour pallier au manque de phage lytique dirigé contre un ou plusieurs germes pathogènes chez des patients ayant une polyinfection (5 patients), lors d’une surinfection développée au cours de la thérapie phagique (5 patients), ou lors de l’aggravation des symptômes de l’infection entre les cycles de thérapie phagique (2 patients). La comparaison de l’efficacité de la thérapie phagique chez les patients traités uniquement par phages et ceux recevant une association phage/agent antibactérien ne montre pas de différences significatives. En effet, on retrouve 40,9% de bonnes réponses au traitement chez les patients traités par phages et 38,6% chez ceux recevant l’association phages/agents antibactériens. Le taux d’éradication du pathogène est même plus élevé chez les patients traités par phages seuls que chez les patients traités par l’association phages/agents antibactériens (13,6%). Cependant, la différence entre les deux groupes n’estpas statistiquement significative. En apparence donc, l’utilisation d’agents antibactériens par les patients durant la thérapie phagique n’a pas influencé le résultat de lathérapie[38]. 47 Tableau V : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction de lavoie d’administration des préparations[38] Topique(n=70) Orale Orale / Rectale Rectale / (n=11) Topique (n=18) Topique (n=22) Catégorie de réponse au traitement A- Eradication et/ou récupération de l'agent pathogène B- Bon résultat clinique C- Amélioration clinique D- Amélioration clinique douteuse E- Amélioration clinique transitoire F- Aucune réponse au traitement G- Détérioration clinique Bonne réponse (A-C) Réponse inadéquate (Total D-G) n % n 9 12,9 3 5 7,1 6 % (n=6) d'aérosol (n=14) (n=3) % n % n % n % n % 27,3 4 18,2 8 44,4 3 21,4 1 16,7 0 0 4 36,4 1 4,5 1 5,6 1 7,1 0 0 1 33,3 8,6 1 9,1 7 31,8 1 5,6 1 7,1 2 33,3 0 0 5 7,1 0 0 2 9,1 0 0 2 14,3 0 0 1 33,3 19 27,1 1 9,1 4 18,2 2 11,1 2 14,3 1 16,7 0 0 18 25,7 2 18,2 4 18,2 6 33,3 5 35,7 2 33,3 0 0 8 11,4 0 0 0 0 0 0 0 0 1 33,3 20 28,6 8 72,7 12 54,5 10 55,6 5 35,7 3 50 1 33,3 50 71,4 3 27,3 10 45,5 8 44,4 9 64,3 3 50 2 66,7 0 n Vaginale Inhalations 0 48 Le tableau présente les voies d’administration de la phagothérapie, ou leurs associations, utilisées chez au moins 3 patients. Dans le cas d’associations, les voies d’administration peuvent être utilisées de manière concomitante ou consécutive. La voie orale seule (11 patients) permet d’obtenir le meilleur pourcentage de bonnes réponses au traitement phagique (8 patients soit 72,7%), avec en particulier 3 patients chez qui une éradication du pathogène et/ou rétablissement a été possible et 4 patients pour lesquels de bons résultats cliniques ont été obtenus. La voie rectale seule (18 patients) permet également d’obtenir de bonnes réponses (10 patients, soit 55,6%), avec notamment 8 cas d’éradication du pathogène et/ou rétablissement complet. Les cas de réponses insuffisantes (8 patients soit 44,4%) sont principalement représentés par des absences de réponse au traitement (6 patients). L’association des voies orales et topiques (22 patients) est génératrice de bonnes réponses chez 12 patients (54,5%) : une éradication du pathogène et/ou rétablissement complet chez 4 patients et une amélioration clinique chez 7 patients. Les 10 patients pour lesquels la réponse au traitement a été insuffisante regroupent des améliorations cliniques transitoires (4 patients), des améliorations cliniques discutables (2 patients) et une absence de réponse à la phagothérapie (4 patients). La voie vaginale (6 patients) présente autant de bonnes réponses au traitement que de réponses inadéquates. L’association des voies rectales et topiques (14 patients) entraîne des résultats contrastés : 35,7% de bonnes réponses, dont 21,4% d’éradication du pathogène et/ou rétablissement complet, mais 64,3% de réponses inadéquates, dont 35,7% d’absence de réponse autraitement. La voie topique a été largement utilisée (70 patients) mais n’a pas montré une grande efficacité : 28,6% de bonnes réponses (20 patients) contre 71,4% de réponses inadéquates (50 patients). En particulier, une éradication du pathogène et/ou rétablissement complet a été observée chez 9 patients, mais les améliorations cliniques transitoires (19 patients), les absences de réponse au traitement (18 patients) et surtout les détériorations cliniques (8 patients) ont étéfréquentes. La voie pulmonaire est difficile à juger parce que l’inhalation d’aérosols a été utilisée chez 3 patients seulement. A noter, un bon résultat clinique mais, a contrario, une détérioration de l’état clinique d’un patient. 49 Une autre question importante est de savoir s’il existe une corrélation entre la durée de la thérapie phagique et son efficacité. L’analyse se base sur 149 patients, chez qui la date de la dernière administration de phages est connue. La durée cumulée du traitement (somme des jours où le traitement a été administré) varie considérablement selon les résultats de la thérapie phagique, l’apparition d’effets indésirables et la voie d’administration employée. La durée cumulative moyenne du traitement est de 55 jours. La durée minimale du traitement est de 3 jours et la durée maximale est de 328 jours. D’après les données obtenues, il n’y a pas de corrélation significative entre la durée du traitement et son efficacité (tableau 6)[38]. Tableau VI : Durée cumulée du traitement phagique[38] Catégorie de réponse au traitement Numéro de patients A- Eradication et/ou récupération de l'agent pathogène 27 43 6 165 B- Bon résultat clinique 13 71 21 165 C- Amélioration clinique 19 87 12 209 D- Amélioration clinique douteuse 10 68,5 14 161 E- Amélioration clinique transitoire 33 63 16 328 F- Aucune réponse au traitement 37 46 4 144 G- Détérioration clinique 10 34,5 3 89 Total : 149 55 3 328 50 Moyenne Minimum maximum (jours) (jours) (jours) L’éradication du pathogène et/ou le rétablissement complet, obtenue chez 27 patients, s’opère en moyenne plus rapidement que les bons résultats cliniques (catégorie B) et l’amélioration clinique (catégorie C) (respectivement 43 jours en moyenne, contre 71 jours et 87 jours). De la même manière, le nombre minimum de jours pour obtenir ces réponses est plus court dans le cas d’éradication du pathogène (6 jours) que dans le cas d’un bon résultat clinique (21 jours) ou de l’amélioration clinique (12 jours). Parallèlement, et de manière assez prévisible, l’absence de réponse au traitement et la détérioration clinique sont les plus rapides des réponses insuffisantes (respectivement 46 jours et 34,5 jours en moyenne). Les améliorations cliniques discutables et transitoires sont des réponses plus lentes à se mettre en place et relativement proches en durées moyennes (68,5 jours et 63 jours en moyenne). Enfin, la durée globale moyenne du protocolephagique est de 55 jours. La durée minimale du traitement est de 3 jours (elle correspond à une détérioration clinique) et la durée maximale est de 328 jours (elle correspond à une amélioration clinique transitoire). 4. Evaluation détaillée de la phagothérapie Une analyse comparative des résultats obtenus chez 152 patients est réalisée en fonction du type d’infection contractée. Les infections sont réparties en 6 catégories (tableau VII) :infections génitales et urinaires de l’homme (29 patients), infections génitales et urinaires dela femme (22 patientes), infections des tissus mous (30 patients), infections cutanées (10patients), infections orthopédiques (37 patients) et infections respiratoires (24 patients). Unpatient souffrant de bactériémie récurrente à Enterococcusfaecalisest exclu (car il n’entredans aucune des six catégories du tableau). Il est traité par des phages dirigés contre entérocoques par voie orale et par antibiotiques. Une bonne réponse au traitement estobtenue.Une bonne réponse à la thérapie phagique a été obtenue chez 48,3% des hommesayant uneinfection génitale ou urinaire, 45,9% des patients ayant une infection orthopédique, 36,7% despatients ayant une infection des tissus mous, 36,4% des femmes 51 ayant uneinfection génitaleou urinaire, 30% des patients ayant une infection cutanée et 29,2% des patients avec uneinfection de l’arbre respiratoire. Cependant, les différences d’efficacité des traitementsphagiques en fonction du type d’infections ne sont pas statistiquement significatives.Le plus haut taux d’éradication du pathogène et/ou rétablissement du patient est obtenu chezles hommes ayant une infection génitale ou urinaire (37,9%). Cette valeur est très largementsupérieure au taux d’éradication du pathogène et/ou rétablissement des patients ayant uneinfection de l’arbre respiratoire ou une infection cutanée (respectivement 8,3% et 0%). Ladifférence est cette fois statistiquement significative (respectivement р = 0,01 et р = 0,021)[38]. 52 Figure VII : Evaluation des résultats de la thérapie phagiqueen fonction du type d’infection des patients[38] Catégorie de réponse au Infections Infections Infections Infections Infections Infections des voies des voies des tissus cutanées orthopédiques des voies génitales et génitales et mous (n=10) (n=37) respiratoires urinaires urinaires (n=30) chez chez la l'homme femme (n=29) (n=22) (n=24) n % n % n % n % n % n % 11 37,9 3 13,6 5 16,7 0 0 7 18,9 2 8,3 B- Bon résultat clinique 2 6,9 0 0 2 6,7 2 20 3 8,1 3 12,5 C- Amélioration clinique 1 3,4 5 22,7 4 13,3 1 10 7 18,9 2 8,3 2 6,9 0 0 2 6,7 0 0 3 8,1 3 12,5 5 17,2 4 18,2 8 26,7 5 50 8 21,6 3 12,5 8 27,6 10 45,5 6 20 1 10 7 18,9 7 29,2 G- Détérioration clinique 0 0 0 0 3 10 1 10 2 5,4 4 16,7 Bonne réponse (A-C) 14 48,3 8 36,4 11 36,7 3 30 17 45,9 7 29,2 Réponse inadéquate (Total D-G) 15 51,7 14 63,6 19 63,3 7 70 20 54,1 17 70,8 traitement A- Eradication et/ou récupération de l'agent pathogène D- Amélioration clinique douteuse E- Amélioration clinique transitoire F- Aucune réponse au traitement 53 Les hommes atteints d’infections génitales et urinaires (29 patients) regroupent 13 cas de prostatite bactérienne chronique, 10 cas d’infections urinaires et 6 cas de prostatite chronique associée à une infection urinaire. Cette catégorie répond de manière positive au traitement dans 48,3% des cas, dont 37,9% d’éradication du pathogène et/ou rétablissement complet. Les réponses inadéquates (51,7%) sont majoritairement une absence de réponse au traitement (27,6%) et une amélioration clinique transitoire (17,2%). Les femmes atteintes d’infections génitales et urinaires (22 patientes) regroupent 14 cas d’infection urinaire, 3 cas d’infection vaginale et 5 cas d’infection urinaire associée à une infection vaginale. Les bonnes réponses au traitement (8 patientes) sont matérialisées par 3 cas d’éradication du pathogène et5 cas d’amélioration clinique. Les réponses inadéquates (63,6%) sont constituées par patientes ayant une amélioration clinique transitoire et 10 patientes ne répondant pas au traitement. Les infections des tissus mous (30 cas) regroupent des infections post-opératoires (6 patients), des ulcères de la jambe (8 cas), des abcès et phlegmon (5 cas) et des infections des tissus profonds (11 cas). Les bonnes réponses au traitement (36,7%) se manifestent principalement par une éradication du pathogène (5 patients) et une amélioration clinique (4 patients). Les réponses insuffisantes (19 patients) sont liées à une amélioration clinique transitoire (8 patients), à une absence de réponse au traitement (6 patients) et à une détérioration clinique (3 patients). Les infections cutanées (10 patients) regroupent des infections auriculaires externes (3 patients), des infections locales (3 patients), une dermatite atopique compliquée par une infection staphylococcique (1 patient), un cas d’acné, un cas d’eczéma surinfecté et un cas de furonculose. De bons résultats cliniques sont obtenus chez 3 patients seulement. Cependant, les réponses inadéquates sont majoritairement représentées par des améliorations cliniques transitoires (5 patients). A noter, une absence de réponse au traitement chez un patient et une détérioration clinique chez un autre patient. Les infections orthopédiques (37 patients) regroupent les infections des prothèses articulaires (8 patients), les ostéomyélites (21 patients), les infections articulaires (5 patients), l’association d’ostéomyélite et d’infection articulaire (2 patient) et une discite (1 patient). Les réponses favorables au traitement sont obtenus chez 17 patients dont 7 cas d’éradication du pathogène et/ou rétablissement complet. Les réponses inadéquates (20 patients) sont dominées par les 54 améliorations cliniques transitoires (8 patients) et l’absence de réponse au traitement (7 patients). Il faut souligner 2 cas dedétérioration clinique lors du traitement. Enfin, les infections respiratoires (24 patients) regroupent des infections de l’arbre respiratoire supérieur (17 patients), des infections de l’arbre respiratoire inférieur (4 patients) et 3 cas d’infections mixtes. Les réponses au traitement sont moyennes dans l’ensemble : 7 cas d’amélioration clinique et 17 cas de réponses défavorables dont 7 cas d’absence de réponse au traitement et 4 cas de détériorationclinique[38]. 5. Sécurité de la thérapie phagique L’étude menée par l’Institut de Thérapie Expérimentale Immunologique LudwikHirszfeld(IIET) entre 2008 et 2012 s’est intéressée aux effets indésirables potentiels de la thérapie phagique. De la même manière que précédemment, les figures 38 à 40 sont issues de cette étude (« Clinical aspect of phage therapy »[38]. a. Effets de la thérapie phagique sur les marqueurs inflammatoires L’impact de la thérapie phagique, en réponse à une infection, sur les marqueurs de l’inflammation a été étudié par deux analyses statistiques. Les marqueurs permettant les études sont la vitesse de sédimentation, le taux de protéine C réactive et de leucocytes. Dans chacune des études, les paramètres sont étudiés après respectivement 5 à 8 jours, puis 9 à 32 jours de phagothérapie. Les résultats sont ensuite comparés à ceux trouvés lors du prélèvement réalisé juste avant le début de la phagothérapie (Tableau VIII). La première analyse (groupe A) inclut tous les patients chez qui les données ont pu être collectées avant, pendant et/ou après la thérapie phagique, quel que soit le type d’infection et l’administration conjointe ou non d’agents antibactériens. La comparaison des marqueurs de l’inflammation avant le début de la thérapie phagique et pendant l’administration de phages ne révèle pas de différences significatives. En particulier, on n’observe pas d’hyperleucocytose qui témoignerait d’un phénomène inflammatoire (et/ou infectieux) au 55 cours du traitement phagique, ni de leucopénie qui traduirait un déficit immunitaire. La vitesse de sédimentation érythrocytaire (test de dépistage des maladies inflammatoires et cancéreuses) et la concentration sanguine en protéine C réactive (marqueur précoce, sensible et spécifique de la réaction inflammatoire, augmentant proportionnellement à son intensité) sont assez élevées avant le début du traitement phagique et ne sont pas modifiées significativement par l’administration de phages. Tableau VIII : Influence de la thérapie phagique sur les marqueurs de l’inflammation[38]. Biomarqueur Nombre WBC (10³/mm³) Tous les patients (A) Référence : après 5-8 jours : Référence : Après 9-32 jours Référence : Sédimentation des Groupes sélectionnés (B) n Signification ±SE n 32 6,5 ±0,3 15 7 ±0,3 32 6,7 ±0,4 15 7,6 ±0,5 110 7 ±0,2 46 7,1 ±0,3 46 7,3 ±0,3 110 6.9 ±0,2 30,1 ±6,9 22 Après 5-8 jours : 22 29,0 Signification ±SE 12 42,4 ±10,1 12 43,3 ±9,6 ±6,5 érythrocytes Taux (mm/hr) Protéine C-réactive Référence : 77 24,4 ±3,1 31 34,8 ±5,6 Après 9-32 jours : 77 23,9 ±3,0 31 36,1 ±5,7 Référence : 22 8,3 ±2,5 12 13,7 ±4,1 Après 5-8 jours : 22 9,0 ±2,7 12 14,7 ±4,4 Référence : 79 10,3 ±1,6 36 16,2 ±2,9 Après 9-32 jours : 79 11,1 ±1,6 36 16,7 ±3,0 La colonne A (tous les patients) regroupe tous les patients pour lesquels des résultats pertinents ont été obtenus selon un protocole similaire. La colonne B (groupes sélectionnés) regroupe seulement des patients atteints d’ostéomyélites, d’infections orthopédiques (dont les infections de prothèse orthopédique), cutanées, des tissus mous ou de l’arbre respiratoire bas, 56 traités uniquement par phages pendant toute la durée du protocole. Les données présentées ont été obtenues selon un protocole similaire. n est le nombre de patients de chaque catégorie. Le « WBC count » est le taux de leucocytes. Les valeurs normales sont comprises entre 4 et 10 G/L, soit 4000 à 10 000/mm3. Les résultats obtenus ne montrent pas de modifications significatives du taux de leucocytes par le traitement phagique : le taux de leucocytes est respectivement de 6700/mm3 après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle : 6500/mm3; 32 patients) et de 6900/mm3 après 9 à 32 jours de traitement (valeur contrôle : 7000/mm3 ; 110 patients) pour l’ensemble des patients. Chez les patients traités uniquement par phages, le taux de leucocytes est de 7600/mm3 après 5 à 8 jours de traitement phagique (valeur contrôle : 7000/mm3 ; 15 patients) et de 7300/mm3 après 9 à 32 jours (valeur contrôle 7100/mm3 ; 46 patients). La vitesse de sédimentation érythrocytaire est exprimée en millimètre par heure (mm/h). Les vitesses « normales » sont inférieures à 15 mm/h chez l’homme de moins de 50 ans et inférieures à 20 mm/h chez l’homme de plus de 50 ans. Chez les femmes, les valeurs normales sont inférieures à 20 mm/h chez les patientes de moins de 50 ans et inférieures à 30 mm/h chez les patientes de plus de 50 ans. On ne remarque pas de modifications significatives de la vitesse de sédimentation érythrocytaire chez les patients au cours du traitement phagique. Chez l’ensemble des patients, la vitesse de sédimentation érythrocytaire est de 29 mm/h après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle : 30,1 mm/h ; 22 patients) et de 23,9 mm/h après 9 à 32 jours de traitement (valeur contrôle 24,4 mm/h ; 77 patients). Chez les patients traités uniquement par phages, la vitesse de sédimentation érythrocytaire est de 43,3mm/h après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle : 42,4 mm/h ; 12 patients) et de 36,1 mm/h après 9 à 32 jours de traitement (valeur contrôle : 34,8 mm/h ; 31 patients). On remarque une diminution globale de la vitesse de sédimentation érythrocytaire, que ce soit chez l’ensemble des patients ou chez les patients traités uniquement par phages. La concentration sanguine en protéine C réactive (CRP) est normalement inférieure à 6 mg/L. Le traitement phagique n’impacte pas significativement ce marqueur biologique de l’inflammation. Chez l’ensemble des patients, la concentration en CRP est de 9 mg/L après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle : 8,3 mg/L ; 22 patients) et de 11,1 mg/L (valeur 57 contrôle : 10,3 mg/L ; 79 patients). Chez les patients traités uniquement par phages, la concentration en CRP est de 14,7 mg/L après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle 13,7 mg/L ; 12 patients) et de 16,7 mg/L (valeur contrôle : 16,2 mg/L ; 36 patients). Les concentrations élevées de CRP peuvent s’expliquer par le phénomène infectieux. La seconde analyse (groupe B) s’intéresse aux patients ayant des infections orthopédiques, des infections cutanées, des infections des tissus mous ou de l’arbre respiratoire bas, chez qui aucun autre agent antibactérien (que le phage) n’a été administré. Elle inclut au total 62 patients, dont 70% ont une infection à Staphylococcus aureus. Là encore, l’analyse statistique ne montre pas de modifications significatives des marqueurs de l’inflammation au cours du traitement phagique. Cependant, une réduction significative de la concentration de protéine C-réactive de 22,5%(de 26,2 mg/L à 20,3 mg/L ; p = 0,006) a été observée chez un sous-groupe de patients (26patients) après 9 à 32 jours de thérapie phagique. Ce sous-groupe a été constitué en fonctiondes concentrations en CRP des patients. Seuls les patients, ayant une concentration en CRPsupérieure à 25 mg/L, ont été sélectionnés. En conclusion, on peut considérer un impact très modéré de la thérapie phagique sur les marqueurs inflammatoires lorsqu’ils sont dans des proportions normales ou subnormales. L’impact pourrait être légèrement plus important lorsque le processus inflammatoire est plus marqué. La phagothérapie pourrait alors participer à réduire le processus inflammatoire. b. Effets indésirables de la thérapie phagique[38] : Les principaux effets indésirables de la thérapie phagique dans cette étude sont dessymptômes digestifs, des réactions locales au site d’administration phagique, des surinfectionset une élévation de la température corporelle. • Symptômes digestifs Les symptômes digestifs sont étudiés chez les patients recevant le traitement phagique par 58 voie orale (11 patients recevant le traitement phagique par voie orale seule et 22 patients recevant le traitement phagique par voies orale et topique, soit 33 patients au total). Les principaux effets relevés sont des nausées (3 patients sur 33 soit 9%), des douleursabdominales chez un patient et une réduction de l’appétit chez un autre patient. De plus, cinq patients ont noté un gout désagréable de la préparation phagique administrée. • Réactions locales au site d’administration Les réactions locales au site d’administration de la préparation phagique sont observées chez 26 des 141 patients traités (soit 18,4%). Les préparations concernées sont des gouttes nasales, des compresses imprégnées, des bains de siège, des gargarismes, des irrigations fistulaires ou vaginales et des suppositoires. Les réactions rapportées sont, pour la plupart, mineures : rougeurs, picotements, démangeaisons, douleurs locales, irritations cutanées, sentiment d’inconfort suite à l’irrigation vaginale, sècheresse et irritation des muqueuses de l’arbre respiratoire supérieur, aggravation d’une dermatite atopique (chez 1 patient), urticaire (chez 1 patient) et cloques purulentes (chez 1 patient). La sensation de picotements et de douleur locale a été rapportée chez 8 patients. Dans une grande majorité de cas, ces réactions sont des épisodes brefs (jusqu’à 30 minutes) et transitoires : elles cessent après plusieurs jours d’administration phagique ou lors du remplacement de la préparation phagique par une autre. Le protocole a dû être interrompu chez 2 sujets (soit 1,4%) à cause de fortes réactions locales : dans un cas il s’agit d’importantes douleurs locales persistantes et dans l’autre cas d’une aggravation de la dermatite atopique au site d’administration du phage. Les composants des préparations phagiques responsables des réactions observées n’ont pas été identifiés par les auteurs. • Surinfection Une surinfection nécessitant la modification du traitement phagique, un arrêt de la phagothérapie ou l’administration supplémentaire d’antibiotiques ou d’antifongiques, s’estdéveloppée chez 7 des 153 patients analysés (soit 4,6%). Chez 5 de ces patients, la 59 préparation phagique a été administrée uniquement par voie topique. Par ailleurs, une candidose a été diagnostiquée chez deux patients. Le risque de surinfection n’est pas uneconséquence directe de l’administration de phages. Cependant, le spectre d’action étroit despréparations monophagiques exposent les patients à de tels risques. L’administration de cocktails phagiques, permettant d’élargir le spectre d’action, pourrait minimiser le risque desurinfection. Enfin, pour un patient, l’arrêt de la thérapie phagique s’est imposé au bout de 9 jours en raison d’une importante exacerbation des symptômes inflammatoires, associant oedème et douleur au niveau du site de l’infection. La nature de l’infection de départ (germe et site infectieux) chez ce patient n’est pas précisée par les auteurs. • Elévation de la température corporelle Une élévation de la température corporelle est observée chez 10 des 153 patients (soit 6,5%). Chez cinq patients, il s’agit d’une température subfébrile (entre 37° et 38°C) et chez les cinq autres d’une température fébrile (> 38°C). Cet effet indésirable fait suite à l’administration dephages par voie topique (5 patients), par l’association des voies topique et orale (2 patients),par voie orale seule (1 patient), par voie rectale (1 patient) et par inhalation d’aérosols (1patient). L’élévation de la température apparait quelques heures seulement aprèsl’administration de la première dose de phages. Dans la majorité des cas (9 patients), latempérature corporelle est revenue à la normale soit spontanément, ou suite à l’administrationd’antipyrétique(s) ou du remplacement de la préparation phagique. Au contraire, l’élévationde la température corporelle a nécessité l’arrêt du protocole phagique chez un patient. Cetteélévation était importante et persistante malgré l’administration d’antipyrétiques. L’arrêt dutraitement phagique a coïncidé avec un retour à la normale de la température corporelle.Les composants responsables de cette élévation de température corporelle n’ont pas étéidentifiés par les auteurs. De plus, le pourcentage de pureté des préparations administréesn’est pas mentionné. On ne peut donc pas exclure que les préparations phagiques soient dépourvues de substances pyrogènes d’origine bactérienne 60 (comme les LPS). La lyse bactérienne in situ, par les phages, pourrait également entraîner une libération de substances pyrogènes. Enfin, il est également possible qu’un ou plusieurs composant(s) de la préparation phagique induise(nt) une élévation de la température corporelle via la synthèse de cytokines impliquées dans la régulation thermique. V. Pharmacologie de la thérapie phagique À l’orée de la découverte du pouvoir thérapeutique des bactériophages, avant même de bien connaître la nature exacte de ces virus, quelques études se sont penchées sur leur pharmacologie. Les nombreuses lacunes scientifiques de l’époque ont quelque peu faussé certaines interprétations de ces travaux, mais les résultats demeurent pour le moins intéressants. 1 .Pharmacocinétique La pharmacocinétique traite du devenir d’une substance au sein d’un organisme. Elle se divise en quatre phases [39] : - l’absorption : la substance passe du milieu extérieur vers la circulation sanguine ; - la diffusion : la substance, passée dans la circulation systémique, va migrer dans les différents organes, en se liant ou non à des protéines plasmatiques ; - la métabolisation : la substance est transformée par les organes du corps ; - l’élimination : la substance, inchangée ou transformée lors de la métabolisation, est éliminée de l’organisme. • Absorption : Lors de la phase d’absorption, la molécule doit être capable de traverser les membranes biologiques pour atteindre la circulation systémique. Il peut s’agir des parois stomacale ou intestinale, de la peau, de muqueuse diverses, … Au début des études pharmacologiques, quelques travaux ont mis en évidence la présence de phages dans la circulation sanguine des animaux et des humains, qu’ils soient malades ou sains. Les scientifiques se sont alors interrogés sur l’origine de cette « phagémie » 61 et ont étudié la possibilité d’un passage de la barrière gastro-intestinale par les phages, qu’ils ont nommé « translocation phagique ». La durée déterminée pour ce passage varie d’une étude à l’autre. Keller et Engley ont par exemple montré, en 1958, que des phages, introduits dans le tube digestif de souris, étaient retrouvés cinq minutes après dans le sang. Une autre étude, citée par l’équipe de Górski et réalisée par Reynaud en 1992 chez le lapin parle d’un délais de quatre jours pour cette absorption[40]. Concernant l’être humain, très peu de documents traitent de l’absorption des bactériophages. L’équipe de Górski relate une étude réalisée par Weber-Dabrowska en 1987 dans laquelle le scientifique atteste de la présence de bactériophages dans le flux sanguin de patients au bout de dix jours de traitements oraux par phagothérapie contre diverses infections [40, 41]. • Diffusion : Il a tout d’abord été mis en évidence, par les travaux d’Appelmans en 1921, que des phages injectés par voie intraveineuse disparaissaient de la circulation sanguine en deux heures [42]. Cela signifiait qu’il y avait potentiellement une migration des particules virales du sang vers un autre compartiment. La question était à présent de savoir où ces particules diffusaient. Des études russes réalisées par Bogovazova en 1991 et 1992 et relatées par l’équipe de Sulakvelidze indiquent qu’après administration orale de phages à des animaux de laboratoire, on les retrouve deux à quatre heures après dans la circulation sanguine, puis dix heures après dans divers organes comme le foie, les reins ou la rate [19]. Certains auteurs décrivent une possible liaison entre des bactériophages et des érythrocytes. C’est le cas de Bystricky en 1964 ainsi que celui de Reynaud en 1992 à propos de coliphages CF 0103. D’autres affirment n’avoir pas trouvé de liaisons, comme Keller et Engley en 1958 à propos de coliphages T1 [40]. D’autre part, il a été également montré, que des phages injectés par voie intrapéritonéale à des souris, saines ou présentant une encéphalite causée par Shigelladysenteriae, étaient décelés au sein de leur encéphale, dans une très forte proportion lorsqu’ils s’agissaient des 62 souris infectés, témoignant d’une dissémination vers le cerveau et, lors d’infection, de la multiplication des phages sur le lieu d’infection [43]. Il y a donc une dissémination des bactériophages dans différents organes de l’organisme, et notamment dans les organes où se situe l’infection bactérienne ciblée. Cependant, Skurnik et Strauch affirment, sans les citer, que certaines parties de l’organisme ne permettraient pas une bonne diffusion des bactériophages jusqu’à la zone d’infection[11]. • Métabolisation : Sur ce point, les travaux d’Evans ont montré, en 1933, l’inhibition in vitro de la capacité de phagocytose des phages lors de mise en contact avec du sang, du pus, de la bile ou de la salive [44]. Bien plus tard, Smith et Huggins ont observé une inactivation des phages par l’acidité de l’estomac, par des anticorps dirigés contre ces phages ou par une température non optimale[45]. La mise en évidence de l’inactivation des phages par certains fluides corporelle plongea, à cette époque, les scientifiques dans le doute concernant l’efficacité de la phagothérapie. Ces observations in vitro ne concordaient pas avec la réussite des traitements généralement observée in vivo. Les scientifiques avaient remarqué une activité immunogène lors d’administration de suspensions de phages. Certains ont alors supposé que les réussites thérapeutiques observées n’étaient pas dues au pouvoir bactéricide des bactériophages, mais aux débris bactériens présents au sein des suspensions (les suspensions n’étant effectivement pas toujours correctement purifiées) susceptibles de stimuler le système immunitaire adaptatif ou à l’introduction de protéines (la capside des phages étant elle-même de nature protéique) à même d’induire une réponse immunitaire innée. Cependant, il n’existait à cette époque pas vraiment d’alternative au traitement des infections bactériennes et les médecins continuèrent donc de prescrire des suspensions de bactériophages. Les mécanismes mis en jeu restèrent obscurs jusqu’à la véritable compréhension de la nature et du fonctionnement des bactériophages[44, 46]. 63 • Élimination : De nombreux travaux témoignent de l’élimination des bactériophages dans l’urine ou dans les fèces. La présence de phages dans les fèces est par exemple démontrée par les expériences de Smith et Huggins portant sur plusieurs phages administrés oralement à des veaux , ou plus tard lors de celles de Bruttin et Brüssow portant sur des phages T4 administrés oralement à des humains cette fois-ci [45, 47]. Cette élimination s’effectue après une période plus ou moins longue (jusqu’à plusieurs jours) de persistance des phages au sein de l’organisme. Lors de ses travaux, l’équipe de Merril a réussi à sélectionner in vivo des bactériophages mutants dont la persistance dans le corps était accrue grâce à un mécanisme d’échappement par rapport au système immunitaire, et qui présentaient en plus une meilleure efficacité thérapeutique[19, 48]. 2. Pharmacodynamie a. Effets directs Pendant longtemps, peu d’études véritablement ciblées sur la pharmacodynamique ont été publiées. De nombreux travaux expérimentaux dont le but était plutôt d’étudier les résultats de la thérapie ont livré quelques informations sur ce domaine mais les informations devraient être considérées avec précaution du fait du manque de méthodologie scientifique Plusieurs scientifiques se sont intéressés à la dynamique de population des bactériophages au sein de l’organisme et ont élaboré des modèles mathématiques théoriques pour la décrire ,ou se sont basés sur des études plus expérimentales [49-53]. Par exemple, dans leur étude sur ce point, Kasman et ses collaborateurs ont confirmé les informations déjà présentées auparavant par Wiggins et Alexander. Tout d’abord, ils ont indiqué que l’interaction entre phage et bactérie était, comme pour tous les virus, due à une collision aléatoire entre les deux éléments. Ensuite, ils ont observé qu’une trop faible population bactérienne ne permettait pas un bon développement de la population des bactériophages, et ont donc conclu à l’existence d’un seuil de densité bactérienne nécessaire à 64 atteindre pour la bonne prolifération des phages. Dans le cas d’une faible concentration bactérienne initiale, la population bactérienne met du temps à atteindre la densité nécessaire à une augmentation de la concentration en bactériophages. Il apparait de plus qu’une faible probabilité de rencontre entre phages et bactéries, selon le site d’infection, le nombre de phage administrés, etc., augmenterait la valeur de ce seuil, et vice versa [11,52, 54]. Ainsi, débuter une phagothérapie au plus tôt est primordial pour la guérison, mais la débuter trop tôt, c’est-à-dire alors qu’il n’y a encore qu’une faible population bactérienne au niveau du site d’infection, ne permettrait pas aux phages de se propager et ceux-ci seraient éliminés de l’organisme avant même d’avoir initié un début de thérapie. b. Effets indirects Interaction avec le système immunitaire il est reconnu que les protéines, surtout sous forme d’assemblage particulaire, sont très souvent fortement immunogènes lorsqu’elles sont introduites dans un organisme. De plus, normalement, le système immunitaire de tout être vivant réagit à l’intrusion d’un agent infectieux (virus, bactérie ou parasite). La capside des bactériophages étant de nature protéique et le phage lui-même étant un virus, il est donc légitime de s’intéresser aux effets immunologiques que peut induire l’introduction de bactériophages dans un organisme. La recherche a établi que les phages diffusant dans un organisme étaient reconnus comme des intrus par le système immunitaire de cet organisme (Dublanchet et Patey, 2011). Diverses expériences ont été menées sur de nombreuses espèces de phages en ciblant différents facteurs tels que le mode d’administration, et ont permis d’observer que, selon les cas, il existait une immunostimulation, une immunosuppression ou encore une immunotolérance [10, 55]. • Effets des phages sur les phagocytes La première description de l’influence des phages sur les phagocytes a été rapportée par Felixd’Hérelle, qui a étudié l’effet de phages dirigés contre Shigellasur les « leucocytes » decochons d’inde (l’auteur n’a pas spécifié s’il étudiait les cellules péritonéales, qui sont 65 principalement des macrophages, ou des leucocytes périphériques, qui sont majoritairement des granulocytes). Après l’incubation de bactéries, de phages et de leucocytes pendant 10 minutes, l’index phagocytaire des cellules a augmenté de manière importante par rapport au contrôle (composé seulement de bactéries et de leucocytes). Felix d’Hérelle a également mis en avant que le développement de la résistance bactérienne contre les phages est accompagné d’une résistance des bactéries à la phagocytose. Il a alors conclu que les phages agissent comme des opsonines (substance qui se lie à des antigènes et induit leur phagocytose par des macrophages, des monocytes ou des leucocytes neutrophiles) qui participent manifestement à la phagocytose bactérienne. Cet effet est selon lui médié par un facteur soluble présent dansles préparations phagiques[56]. Une autre étude menée chez les cochons d’inde a démontré que le phage T5 n’affecte pas la phagocytose d’Escherichia coli par les granulocytes. Les phages adsorbés aux bactéries pouvaient rester actifs jusqu’à la phagocytose des bactéries par les granulocytes. Cependant, des travaux menés par les mêmes auteurs montrent que le phage T2 pourrait diminuer la phagocytose bactérienne (par les granulocytes) de différentes espèces bactériennes, dont Staphylococcus aureus, Escherichia coli et Mycobacteriumtuberculosis, chez les chevaux. Les auteurs ont montré que cet effet était dose dépendant : à une concentration phagique de 1010/mL, l’inhibition de la phagocytose était presque totale alors qu’à de plus faibles concentrations de phages, la diminution de l’activité des granulocytes était plus modérée. Le processus d’inhibition est également temps dépendant : l’augmentation de la durée d’incubation entraîne une diminution de la destruction bactérienne par la phagocytose. Enfin, le processus peut être provoqué par des phages qui sont actifs ou inactifs et il est impacté par la température. La plus forte inhibition intervient d’ailleurs lorsque les phages sont inactivés par les anticorps, ce qui suggère que les complexes immuns auraient un rôle prépondérant dans la diminution de la phagocytose bactérienne parles granulocytes[57]. Une autre étude s’est intéressée aux effets de deux phages T4 et F8 (dirigés contrePseudomonas aeruginosa) sur la phagocytose d’Escherichia coli .Lesexpériences in vitro, par coincubation des 2 phages avec les cellules phagocytaires, ontmontré une inhibition de la phagocytose bactérienne d’Escherichia coli de manière dosedépendante. 66 Cependant, l’incubation d’Escherichia coli avec le seul phage T4 (et les cellulesphagocytaires) entraîne une légère augmentation de l’efficacité de la phagocytose. Des résultats similaires ont été obtenus avec les neutrophiles et les monocytes. Dans cette mêmeétude, des expériences menées sur des souris ont montré que le phage T4 augmente l’intensitéde la phagocytose par les neutrophiles, lorsque les souris sont infectées par des bactéries. Acontrario, lorsque les souris ne sont pas infectées, le phage T4 diminue faiblement laphagocytose par les monocytes et n’a pas d’effets significatifs sur l’intensité de la phagocytose par les neutrophiles[58]. In vitro, le monitoring de la phagocytose de Staphylococcus aureus par des neutrophiles isolés de patients traités par thérapie phagique, a révélé que les phages pourraient, à terme, diminuer la phagocytose. La corrélation entre l’altération de la phagocytose et le traitement phagique n’est pas clairement établie. Cependant, l’activité des neutrophiles des patients a retrouvé un niveau normal 3 mois après l’arrêt du traitement phagique. De plus les phages accélèrent le turn-over des neutrophiles. Cela a été montré par l’augmentation du nombre de cellulesimmatures et la diminution concomitante du nombre de cellules matures[41]. En conclusion, la phagocytose des bactéries par des granulocytes et des monocytes peut être inchangée, augmentée ou diminuée en fonction des phages utilisés, des doses administrées ainsi que des bactéries étudiées [38]. • Effets sur les cellules tueuses NK Peu d’études s’intéressent aux lymphocytes NK (cellules tueuses naturelles). Les bactériophages pourraient avoir un impact sur les cellules NK. En effet, une étude révèle que le nombre de cellules NK était diminué chez une partie des patients, après 49 à 84 jours d’administration de bactériophages par voie intrarectale. En revanche, il n’y avait pas de modification du nombre de cellules tueuses naturelles lors d’administration par voie topique ou orale[38]. • Effets sur les cellules dendritiques 67 En ce qui concerne les cellules dendritiques, il a été mis en évidence une diminution de l’activité phagocytaire de ces cellules suite à l’administration de phages par voie orale. Ceci aurait pour conséquence de limiter leur rôle dans le déclenchement de la réponse immunitaire Adaptative[40]. • Interactions des phages avec les lymphocytes T et B Les données suggèrent que les préparations phagiques pourraient moduler les fonctionsimmunitaires par des interactions directes avec les lymphocytes T et B. De manière générale,les préparations purifiées de phages semblent provoquer des effets phages anti- immunodépresseurs. Cependant, certaines préparations (notamment les lysats de staphylococciques)auraient, quant à elles, des effets immunostimulateurs. Des études ont rapporté une diminution de la réaction cutanée à la tuberculinede cochons d’Inde tuberculeux, suite à l’administration intrapéritonéale demycobactériophages. De plus, ces auteurs ont démontré que lorsque les mycobactériophages étaient ajoutés à des cultures de lymphocytes, ils pouvaient inhiber, de manière dosedépendante, l’activation de ces lymphocytes induite par des phytohémagglutinines. Le fait que les phages puissent exercer in vitro une activité immunodépressive a été confirmé par des études montrant qu’une préparation purifiée de phages T4 inhibait la prolifération des lymphocytes T humains induite par le complexe CD3-TCR [40, 59]. Cependant, ont montré que il y a des préparations purifiées de phages dirigés contre Staphylococcus aureus pourraient exercer des effets stimulateurs sur l’activité des splénocytes[60]. Un autre axe de recherche s’intéresse à l’adhésion des phages aux cellules immunitaires. Les cellules T humaines interagissent avec des phages T4 et HAP1 (phage T4 mutant sans protéine Hoc). Les expériences menées sur des protéines phagiques recombinantes purifiées ont montré que les cellules T humaines adhèrent à la protéine gp 24(une protéine de la capside du phage T4) et non pas aux protéines Hoc Les anticorps monoclonaux bloquant les chaînes communes des intégrines β1 et β3 diminuent significativement ces interactions. Ceci suggère 68 que les interactions dépendent, au moins en partie, de la fixation à des récepteurs appartenant à la famille des intégrines. De plus, les expériences semblent montrer que la protéine VLA-5 (intégrine α5β1) est la principale intégrine responsable de l’adhésion des cellules T humaines à la protéine gp 24. Les phages pourraient également diminuer la production, in vitro, d’immunoglobulines induites par des alloantigènes, ainsi que la réponse en anticorps spécifiques chez les souris . De plus, les phages inhibent l’activation de NF-kB, un facteur de transcription clef dans la régulation de nombreux gènes, dont ceux codant pour des cytokines proinflammatoires Ces effets immunodépresseurs des phages in vitro ont été confirmés par des expériences in vivo. Ces dernières ont montré que les phages ontconsidérablement augmenté la survie d’une transplantation cutanée allogénique, que ce soitchez des souris sensibilisées ou non sensibilisées, ainsi que la réponse inflammatoire auniveau du site de transplantation [40, 61]. • Effet des phages sur la production de cytokines Plusieurs études ont montré que les phages peuvent affecter, substantiellement, la productionde diverses cytokines. Les effets sur la production de cytokines peuvent néanmoins varier enfonction des phages administrés et des infections étudiées [38].Une augmentation de la synthèse de cytokines a ainsi été observée après l’inoculation depréparations phagiques. Par exemple, l’administration d’une préparation purifiée de phagesdirigés contre Staphylococcus aureus a eu pour conséquence d’activer la production d’IL-6dans des splénocytes cultivés invitro[60]. Au contraire, d’autres travaux démontrent une diminution de la concentration de certainescytokines dans l’organisme. L’administration de phages dirigés contre Klebsiellapneumoniaeà des souris infectées (infections cutanées compliquées en bactériémies) a entraîné unediminution des concentrations en IL-1β, TNF-α et IL-10 dans le sérum et dans poumons des souris [62]. La diminution des cytokines IL-6 et TNF-α a également été mise en évidence suite à l’administration de suspensions de bactériophages pour traiter des infections respiratoires à Pseudomonas aeruginosa[63]. 69 Ces données expérimentales ont été confirmées chez l’homme par une étude clinique qui a démontré que la thérapie phagique influence la production de cytokines chez les patients traités. Les effets de la phagothérapie sont variables selon le niveau de TNF-α des patients avant le début du traitement : ceux ayant un niveau sérique bas, voire modéré, de TNF-α ont vu une normalisation (augmentation) de la production de cytokines sous traitement phagique ; ceux ayant un niveau initialement élevé de TNF-α ont vu le taux de TNF-α diminuer lors du traitement phagique. Les phages agissent de manière similaire, in vitro sur des cellules de patients atteints de mononucléose, sur la production de cytokines induite par des lipopolysaccharides[64]. • Conséquences La plupart des observations décrites sur les interactions avec le système immunitaire résultent d’études in vitro. Ces interactions varient selon de nombreux paramètres : le mode d’administration des phages, le type et la localisation de l’infection, la dose et la nature des phages utilisés. De plus, il faut garder en mémoire que, malgré l’étape de purification, une suspension phagique contient toujours une faible quantité de débris bactériens, qui peuvent également interagir avec le système immunitaire. De la même manière, les fragments de lyse bactérienne entraînés par la phagothérapie peuvent interagir avec le système immunitaire. L’importance des phénomènes immunologiques liés à la phagothérapie au sein de l’organisme n’est pas clairement définie. Des études plus approfondies sont donc nécessaires à une bonne connaissance de l’impact des phages sur le système immunitaire. VI. Antibiothérapie et phagothérapie Les bactériophages et les antibiotiques ont une action commune, à savoir le contrôle et/oul’éradication d’une bactérie pathogène. Leur mode d’action respectif est, par contre,radicalement différent. Une majorité d’articles récents propose la phagothérapie commealternative à l’antibiothérapie, lorsque celle-ci est devenue inefficace. Ceci contribue à placerla phagothérapie dans une situation inconfortable, qui a, par le passé, semé le trouble 70 sur sonefficacité. La question est de savoir si l’association de ces deux thérapies est intéressante et mérite d’être explorée. Comme c’est le cas dans l’étude menée par l’Institut de Thérapie Expérimentale Immunologique LudwikHirszfeld , certains travaux tendent à montrer que l’association del’antibiothérapie et de la phagothérapie n’a pas d’intérêts cliniques. Les antibiotiquesadministrés en association aux phages, ainsi que les modalités d’administration des deux thérapies ne sont pas toujours documentées[65]. Certains scientifiques émettent, au contraire, l’hypothèse qu’une telle association peut être bénéfique. Les phages, appliqués localement, vont permettre de réduire la masse bactérienne dans un premier temps. La cinétique de l’action lytique des phages étant rapide, elle laisse le temps aux antibiotiques d’atteindre une concentration suffisante au niveau du foyer infectieux. Le fait que les antibiotiques ne soient pas détruits par les phages et que ces derniers peuvent être autoproduits in situ renforce leurs actions. Cette stratégie en deux temps permet aussi de pallieràlanon destruction des bactéries quiescentes par les phages. Dans un premier temps, la phagothérapie agit sur le foyer infectieux actif. Dans un second temps, l’antibiothérapie intervient sur un faible inoculum. Il a été montré que l’addition à des cultures bactériennes de faibles doses d’antibiotiques, qui bloquent la division cellulaire et induisent la formation de filaments, augmente significativement la production phagique. De tels antibiotiques augmentent le volume bactérien, permettant ainsi une surproduction de phages et accélèrent la lyse de la bactérie par les phages. Ce phénomène est appelé la « synergie phages-antibiotiques » (PAS) ; Il a été mis en évidence avec des antibiotiques de la famille des β-lactamines et des quinolones (figure 10). De plus, ce phénomène a été confirmé avec différents phages non apparentés. On peut donc supposer que les antibiotiques leur confèrent un avantage commun[66]. 71 Figure 10 : Le phénomène de « Synergie Phages-Antibiotiques » (PAS) avec le phage MFP sur Escherichia coli MFP[66] . Sur la gauche, un antibiogramme montrant la sensibilité de la souche uropathogèneEscherichia coli MFP à différents antibiotiques. Cette souche est résistante à l’amoxicilline et à latriméthoprime/sulfaméthoxazole (absence de halo d’inhibition autour des deux pastilles). Sur la droite,le même antibiogramme avec addition de plusieurs centaines de phages virulents MFP dans le tapis bactérien. Les plages de lyse sont beaucoup plus importantes à proximité des antibiotiques β-lactames, aztréonam et cefixime (indiqués avec des +). L’augmentation de la taille des plages, phénomène PAS, est causée par une surproduction de phages et une lyse plus rapide des bactéries par les phages. La gentamicine et la tétracycline n’ont pas donné de réponse PAS (taille de plages de lyse normale autourdes halos). Cette synergie phages-antibiotiques pourrait être utilisée à des fins médicales thérapeutiques ou prophylactiques (figure 11). La question est de savoir si le phénomène PAS est une simple curiosité biologique, utile pour la phagothérapie, ou s’il correspond à une particularité, jusque-là inconnue, des cycles de vie phagique, à savoir la capacité des phages à 72 s’adapter à un environnement moins favorable pour la croissance bactérienne. La présence naturelle de faibles quantités d’antibiotiques, sécrétés par des champignons et certaines bactéries (actinomycètes par exemple) dans l’environnement, constitue une forte pression de sélection pour l’émergence de stratégie de résistance. La filamentation chez les bactéries en présence de certains antibiotiques en est une. Cette stratégie s’avère avantageuse pour l’évolution. Les phages profitent de la physiologie altérée des bactéries « stressées », pour amplifier le nombre de phages produits par cycle d’infection, par rapport aux situations plus saines. D’un point de vue écologique, cette stratégie peut s’expliquer : sous l’effet des antibiotiques, les bactéries hôtes de ces phages sont vouées à disparaître ou à voire leur nombre décroître. La production de phages supplémentaires permettrait alors aux phages de perdurer jusqu’à la rencontre de nouveaux hôtes, dans des environnements plus sains. Une sorte de « mutualisme » existerait donc entre les organismes producteurs d’antibiotiques et les phages capables de PAS, pour concurrencer plus efficacement les bactéries sensibles. Cette synergie entre producteurs d’antibiotiques et phages pourrait jouer un rôle dans l’équilibre des populations microbiennesdans les sols, les eaux ou à l’intérieur de l’être humain[66]. L’intérêt d’une telle association a également été démontré en vivo, chez des poulets. En effet, l’administration conjointe de phages dirigés contre Escherichia coli et d’antibiotiques (l’enrofloxacine) a montré une efficacité thérapeutique supérieure à celle de chacun des traitements pris individuellement. Cette association a d’ailleurs permis la survie de l’intégralité des poulets infectés, ce qui n’a pas été le cas en les traitant avec les phages ou les antibiotiques seuls[67]. 73 Figure 11 : Le phénomène de « synergie phages-antibiotiques » (PAS) dans l’environnement(A) et en phagothérapie (B)[66] Certains champignons et bactéries produisent des antibiotiques contre d’autres bactéries, en compétition pour les mêmes ressources (1). Les phages infectent plus efficacement les bactéries « stressées » par les antibiotiques (2) et se propagent donc plus rapidement. Ce scénario représente une sorte de mutualisme entre les phages et les producteurs d’antibiotiques, pour éliminer les compétiteurs bactériens (3). Dans le cadre de la phagothérapie, des traitements mixtes d’antibiotiques et de phages pourraient permettre une élimination plus efficace des bactéries pathogènes, en limitant l’agression de la flore endogène commensale et saprophyte grâce à la grande sélectivité phagique. VII. Administration de cocktails phagique Un cocktail est une préparation contenant un mélange bien établi et caractérisé debactériophages. Des préparations thérapeutiques ont été commercialisées en France et étaient décrites dans le dictionnaire Vidal. Il y avait 5 cocktails différents distribués par le laboratoire Robert et Carrière : Bacté-Coli-Phage, Bacté-Intesti-Phage, Bacté-Dysentérie74 Phage, Bacté-Pyo-Phage et Bacté-Rhino-Phage. Ces préparations avaient des indications qui différaient selon le germe et l’infection en cause. Elles ont été disponibles jusqu’en 1978[4]. 1. Avantages potentiels La sélectivité phagique est très étroite : les phages peuvent être dirigés contre une, ou éventuellement quelques espèces bactériennes, mais souvent seulement contre certaines souches bactériennes d’une espèce donnée. Cette sélectivité impose une thérapie « ciblée » : l’utilisation d’un phage particulier est limitée à un petit nombre d’espèces ou de souches bactériennes. Afin d’augmenter le spectre d’activité des bactériophages, il est possible de mélanger des phages dirigés contre différentes souches bactériennes d’une même espèce ou contre différentes espèces bactériennes pouvant être responsables d’une pathologie[68]. Au regard de la thérapie phagique, il est important de savoir que les phages peuvent avoir despropriétés pharmocodynamiques et pharmacocinétiques différentes. Ces différences peuventimpacter le traitement phagique et notamment la capacité des phages à éliminer unepopulation bactérienne donnée. En particulier, il y a trois principales variables : la capacitéd’un phage thérapeutique à atteindre la bactérie cible, la capacité à détruire ces bactéries unefois qu’elles sont atteintes, et la capacité des phages à se répliquer suffisamment in situ pouratteindre des densités phagiques permettant un succès thérapeutique. Chacune de ces variablestend à varier en fonction du génotype phagique, du génotype de(s) bactérie(s) cible(s) ainsique des conditions physiologiques et environnementales, en particulier les facteurs chimiques,immunologiques et anatomiques du patient qui peuvent modifier les déplacements phagiques,l’adsorption et l’infection du bactériophage. Statistiquement, plus on administre de phages,plus on a de chance qu’au moins un phage puisse atteindre la souche bactérienne cible, serépliquer au cours de l’infection bactérienne et permettre la lyse de la bactérie. De plus, si lesphages constituant le mélange ont des modes d’infection différents (via différents récepteurs), alors la probabilité d’un échec thérapeutique due à une mauvaise reconnaissance entre phageset bactéries ou due aux conditions physiologiques ou pathologiques, est réduite. 75 Les contraintes temporelles, comme lors d’une infection aiguë mettant en jeu le pronosticvital du patient, sont difficiles à appréhender en thérapie phagique. En effet, l’espèce, lasouche, le génotype bactérien ou même le niveau de sensibilité de la bactérie à un phagespécifique ne sont pas toujours connus et compliquent la mise en place du traitementphagique. Le traitement par un phage monovalent risque alors d’être inefficace, puisquepotentiellement non adapté au pathogène en cause. Puisque les cocktails permettent de ciblerdavantage d’espèces bactériennes et d’obtenir davantage de succès thérapeutique, dans unplus grand type de situations, ils semblent plus adaptés aux traitements présomptifs. Ilspermettent en outre d’éviter un délai d’administration trop important. L’association de différents phages au sein d’un cocktail peut diminuer le risque d’évolutionvers la résistance. En effet, plus le nombre de mutations indépendantes nécessaires à larésistance d’une bactérie est important, plus la probabilité que cette bactérie deviennerésistant est faible. Même si un faible nombre de bactéries cibles deviennent résistantes à undes phages du cocktail, il est peu probable, en dehors d’une résistance croisée, que des mutations ultérieures permettent une résistance de la bactérie contre tous les phages ducocktail. En effet, un phage de la formulation, au moins, devrait être actif contre le pathogènemuté, bloquant dans le même temps la propagation et l’évolution de la résistance en détruisantcette bactérie. Pour cela, la formulation doit contenir plusieurs phages lytiques dirigés contreune même souche bactérienne. La formulation de cocktails facilite également le développement et la commercialisation destraitements phagiques. Cette approche permettrait d’utiliser plus longtemps la préparationréalisée, ce qui est un argument important pour les industriels (en termes de retour surinvestissement et de problématique quant aux autorisations nécessaires à une mise sur lemarché). De plus elle rendrait plus facile l’utilisation de la spécialité dans différentes régions,si différentes souches d’une même bactérie circulent à travers le monde. Le coût dudéveloppement des cocktails est probablement plus important que celui des préparationsmonophagiques. Néanmoins, il ne devrait pas être un frein important au regard des avantagesque la formulation de cocktails peut fournir, d’autant que les productions phagiques restenttrès économiques. 76 Enfin, le mélange de phages en cocktails ne devrait pas modifier la sécurité phagique, dans lamesure où les phages qui les composent n’entraînent pas de nombreux effets indésirables. La sécurité phagique, lors de l’administration en association, a d’ailleurs été démontré[69, 70]. 2. Limite des cocktails Deux limites principales peuvent réduire l’efficacité des cocktails phagiques contre une population bactérienne donnée. Tout d’abord, il est possible que les coinfections d’une même bactérie par des bactériophages différents impactent négativement la productivité phagique (la réplication). En effet, lesphages peuvent ne pas être compatibles durant le phénomène d’infection bactérienne, ce qui réduirait l’importance de la réplication d’un ou plusieurs bactériophages[71]. Ce problème est minoré si un traitement passif est envisagé, puisque dans ce cas, la préparation phagique doit simplement être bactéricide. De plus, plus le nombre de phages présents dans un cocktail est élevé, plus le risque d’incompatibilité entre les phages est important. En incluant davantage de phages dans une préparation, on augmente les besoins en bactériespour une réplication phagiquein situ et on réduit la densité de chaque espèce phagique au seindu cocktail. Au début du traitement phagique, les ratios entre les densités phagiques et lesdensités de bactéries cibles sont relativement bas. Le risque de coinfections est donc moindre. De plus, lorsque toutes les bactéries sont infectées, suite au développement in situ despopulations phagiques, le phénomène de coinfections ne pose plus problème (si toutes lesinfections demeurent bactéricides). Les problèmes de coinfectionsphagiques interviennentdonc à la transition entre ces deux états. Les phages d’un cocktail ont des propriétés pharmacodynamiques différentes et en particulier, des capacités de réplication différentes. Donc, lors d’un traitement actif, la croissance Phagiquein situ peut être réduite à certains phages, par sélection naturelle. 77 Le phénomène de coinfectionsphagiques peut être problématique lors du traitement actif des biofilms bactériens. En règle générale, les phages pénètrent activement dans les biofilms bactériens, avant de se multiplier à l’intérieur, ce qui permet la libération de phages plus profondément dans le biofilm. Des titres élevés de phages dans les cocktails favorisent les coinfections et peuvent gêner la bonne réplication phagiqueinsitu. Dans ce cas, les cocktails peuvent s’avérer moins efficaces que les traitements phagiques par des cocktails à densités moindres ou que les traitements monophagiques. Deux stratégies permettent de limiter ce phénomène : la réduction de la diversité du cocktail phagique (en particulier, le retrait des phages incompatibles après des observations au laboratoire), ou l’administration de doses répétées qui permet de pallier à la moindre production phagiqueinsitu[69]. La mise en place de courbes doses-effets, lors du développement des protocoles phagiques, peut permettre de mieux appréhender la multiplication phagique, le phénomène de coinfection, et la pénétration phagique dans les biofilms bactériens en fonction du titre en phages de la préparation[72]. La seconde limite potentielle est la capacité des cocktails phagiques à empêcher l’évolution de la résistance bactérienne aux phages. Dans un cocktail, il n’est pas certain que le phage, ayant l’arsenal nécessaire pour détruire la bactérie mutante résistante, soit à des densités suffisantes pour permettre une rencontre avec la population bactérienne mutée. D’autant plus que les mutants bactériens résistants peuvent être présents à de faibles densités au sein de la population bactérienne. Si un traitement actif est envisagé pour éliminer la bactérie mutante, les densités respectives en phages et bactéries peuvent être inadéquates. Néanmoins, si les bactéries mutantes se multiplient et atteignent des densités suffisantes, alors un traitement actif peut être envisagé (avec des titres appropriés en phages). De plus, le problème de la résistance bactérienne peut être surmonté par l’administration de doses phagiques importantes et répétées, dans le cadre d’un traitement passif. En effet, il n’y a pas d’auto-amplification phagiquein situ lors d’un traitement passif. Les administrations phagiques répétées permettent de maintenir les densités phagiques à des seuils suffisants pour permettre la lyse des bactéries résistantes[73]. 78 Enfin, les cocktails sont des préparations « standards » et ne sont pas forcément les plus appropriées lors d’infections graves. La sensibilité des bactéries aux phages du cocktail doit toujours faire l’objet de vérifications, si possible au préalable. Il est également possible d’envisager les cocktails comme des solutions de première intention, en attendant que la préparation spécifique contenant le (ou les) phage(s), virulent(s), dirigé(s) contre le pathogène soi(en)t disponible. VIII. Limites potentielles de la phagothérapie 1. Une redécouverte compliquée a. Mauvaise image du passé La phagothérapie souffre d’une image de médecine archaïque et se heurte à beaucoup de scepticisme vis-à-vis de son passé. Tantôt échec thérapeutique tantôt guérison miraculeuse, la phagothérapie ne renvoie pas une image de fiabilité. • Protocoles mal décrits dans les publications Tout d’abord, les protocoles utilisés n’étaient généralement qu’en partie rédigés. Il manquait souvent des informations à propos des méthodes employées ou des doses choisies, ou ces informations n’étaient pas indiquées de façon claire. L’historique des traitements (notamment des antibiotiques) mis en place sur les patients avant phagothérapie n’est souvent pas correctement décrit. Par exemple, certaines des publications soviétiques indiquaient les quantités en mL/kg sans mentionner la concentration en phages des préparations employées [74]. • Méthodologie expérimentale insuffisante Pour qu’une méthodologie soit rigoureuse, il faut qu’elle suive certaines règles. Elle doit s’avère représentative (échantillons homogènes et en nombre suffisant), reproductible (fournir des résultats similaires en l’appliquant dans des milieux différents, avec des manipulateurs et du matériel différents) et répétable (fournir des résultats similaire pour un laboratoire donné et pour un équipement et un personnel donné). 79 Il s’avère que les expériences passées sont difficilement représentatives, reproductibles et répétables. La mauvaise représentativité provient d’un défaut d’homogénéisation des cas. En effet, il s’agissait souvent de la description d’un ou de plusieurs cas cliniques particuliers avec un passé thérapeutique tumultueux et non pas d’un lot de cas présentant tous les mêmes caractéristiques et les même symptômes. Cette difficulté d’homogénéiser les cas demeure encore un problème actuellement. Ensuite, le principal facteur de mauvaise répétabilité provient de l’inconstance des résultats. C’est cette inconstance des résultats additionnée à la mauvaise description des protocoles expérimentaux précédemment évoquée qui aboutit à une mauvaise reproductibilité. • Résultats inconstants - Absence de placebos Une raison importante de cette controverse est le manque d’études convenablement réalisées et contrôlées par placebos. Cette défaillance a été instaurée dès le départ par d’Hérelle lui-même puisqu’il mit en place un usage thérapeutique des phages immédiatement après ses découvertes et sans passer par des essais cliniques comportant des placebos. Cette lacune peut peut-être s’expliquer par le fait que d’Hérelle ait eu le souci éthique de ne pas priver un groupe (témoin) de ses patients de phagothérapie pour éviter le risque de ne pas les sauver. On peut aussi simplement penser que cette pratique n’était pas dans ses habitudes, puisque lors d’expériences sur des poulets, où les considérations éthiques étaient moindres, il n’utilisa pas non plus de groupes témoins. Mais d’Hérelle n’est pas le seul en cause dans ce manque d’expériences avec placebos, puisque de nombreuses études qui suivirent les siennes n’en comportèrent pas non plus [19,75, 76]. - Erreurs thérapeutiques et anomalies de préparations Il faut admettre que, par le passé, les connaissances n’étant pas aussi développées qu’aujourd’hui, les erreurs thérapeutiques et les anomalies de préparations étaient également plus récurrentes. 80 De plus, les phages étant très spécifiques par nature, le risque de ne pas employer le bon phage était encore plus présent. Enfin, la phagothérapie était souvent utilisée en dernier recours sur des cas d’infections graves, souvent en échec thérapeutique depuis une période plus ou moins importante ce qui ne permettait pas toujours des conditions de rétablissement correctes[10]. Concernant les préparations de phages, les principales erreurs étaient l’absence d’élimination des endotoxines dans les préparations virales, et la mauvaise ou l’absence de contrôle de la viabilité des phages après ajout de substances stérilisantes aux préparations[75, 77]. Il faut également garder à l’esprit que les chercheurs ne disposaient pas forcément des moyens financiers ou du matériel nécessaire à une bonne réalisation des préparations et des expériences[10]. - Évaluation subjective L’efficacité n’était évaluée qu’à la lumière de la réussite thérapeutique et non pas sur des faits quantifiables, n’offrant pas un point de vue objectif des résultats. Il aurait par exemple été plus scientifique de se baser sur des dosages bactériens au début, pendant et en fin de traitement, ou d’évaluer l’évolution clinique de manière plus standardisée (et donc plus fiable) en utilisant un questionnaire se basant sur de nombreux critères précis et non pas uniquement sur l’observation ou non d’une guérison[74]. b. Peu d’informations dans l’enseignement médical À l’heure actuelle, en France et dans de nombreux autres pays, il est à noter que l’enseignement médical ne dispense aucune information au sujet des bactériophages et de leur utilisation thérapeutique, au point que le terme même de phagothérapie est généralement méconnu des étudiants. Les cours informent de façon extrêmement succincte de l’existence des bactériophages, mis à part dans le cadre de la recherche en génétique pour leur application dans l’étude des enzymes de restrictions et du génome. 81 c. Absence de réglementation adaptée • Des particules non considérées par le règlement pharmaceutique - Absence d’AMM En France, autrefois inscrits au Vidal, les bactériophages ne bénéficient plus de leur ancienne Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). En effet, conformément aux articles R. 5121-36-1 et R. 5121-102 du code de la santé publique, issues respectivement des décrets n° 2008-435 et n° 2008-436 du 6 mai 2008, une AMM devient caduque au bout de 3 ans d’arrêt de commercialisation. Suite au retrait du marché, une nouvelle AMM est désormais nécessaire, répondant aux critères actuels de sécurité sanitaire[78]. En fin 2007, l’équipe d’Alain Dublanchet avait demandé à l’ANSM (nommée à cette époque AFSSAPS, Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) s’il était possible de définir les bactériophages comme des médicaments. L’ANSM avait répondu « un avis réglementaire a été demandé en 2004 à l’Agence Européenne du Médicament (EMA, Europeanmedicines Agency) sur deux produits à base de bactériophages. Sur la base des informations fournies pour ces deux produits, il avait été conclu que ces deux produits pouvaient répondre à la définition de médicament » [33]. La définition de « médicament » est donnée par l’article L5111-1 du Code de la santé publique. Il s’agit de « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ». Si l’on applique cette définition, les bactériophages sont tout à fait aptes à être considérés en tant que médicaments. Néanmoins ces considérations ne sont pas encore effectives et la règlementation demeure floue. Au niveau européen, la réglementation est régie par le Committee for MedicinalProducts for Human Use (CHPM), sous-commission de l’EMA. Là encore, la qualification des bactériophages demeure brumeuse. 82 Malgré ce cadre réglementaire peu clair, les bactériophages sont soumis à la nécessité d’obtention de mise sur le marché pour que leur usage thérapeutique soit autorisé. Cependant, les procédures d’AMM sont conçues pour encadrer des médicaments inertes et fixes, sans nécessité de mise à jour régulière de la composition de phages dans les cocktails. De plus, les procédures sont longues et coûteuses et impliquent un investissement de la part de firmes pharmaceutiques, lesquelles sont pour l’instant peu intéressées par ce produit. La réglementation en place dans le cadre de la mise sur le marché d’un nouveau médicament apparait donc comme inadaptée à la phagothérapie [10, 79]. - Essais cliniques difficiles à mettre en place selon les critères actuels Pour envisager la validation réglementaire de la phagothérapie, des essais cliniques selon les règles actuellement en vigueur sont nécessaires. Seuls trois essais cliniques ont jusqu’à présent remplis les critères réglementaires imposés. Il s’agit de ceux réalisés aux États-Unis d’Amérique, en Belgique et au Royaume-Uni, présentés précédemment [79]. De manière à étudier correctement la phagothérapie et la comparer à l’antibiothérapie, l’idéal serait bien sûr d’homogénéiser les cas, c’est-à-dire de réaliser des expériences de comparaisons directes avec les mêmes paramètres. Malheureusement, la plupart des autres études actuelles traitant de phagothérapie sont des études de cas et non des essais cliniques. Lorsque ces études de cas impliquent un groupe de malades, de nombreux biais persistent entre ces malades, comme le type d’infection, l’âge, le sexe ou le passé thérapeutique du patient. De plus, les cas sont souvent issus de patients souffrant d’infections à bactéries antibiorésistantes, parfois depuis très longtemps, et ayant souvent reçu de nombreux autres traitements avant de partir sur une phagothérapie [70]. Enfin, la mise en place d’essais cliniques nécessite des fonds qui manquent pour l’instant. - Quelles procédures possibles sans AMM ? Cherchant à traiter par phagothérapie des patients en échec thérapeutique, une équipe belge du Centre des Brûlés de l’Hôpital Militaire de Bruxelles a réfléchi aux différents moyens de faire accepter ce traitement hors AMM. Après avoir bien étudié la position des bactériophages vis-à-vis de tous les textes de loi, voici les différents moyens qu’elle a envisagés : 83 - référencer les maladies en « maladies orphelines de traitement », mais cela ne s’applique qu’aux maladies comptant moins de 2000 malades et qui ne sont pas nosocomiales. - considérer les préparations de phages comme des préparations « magistrales », mais ces préparations ne sont faites qu’à partir de produits référencés. - appliquer le paragraphe 35 (anciennement 32) du chapitre C de la Déclaration d’Helsinki indiquant que « dans le cadre du traitement d'un patient, faute d'interventions avérées ou faute d'efficacité de ces interventions, le médecin, après avoir sollicité les conseils d'experts et avec le consentement éclairé du patient ou de son représentant légal, peut recourir à une intervention non avérée si, selon son appréciation professionnelle, elle offre une chance de sauver la vie, rétablir la santé ou alléger les souffrances du patient. Dans toute la mesure du possible, cette intervention devrait faire l'objet d'une recherche pour en évaluer la sécurité et l'efficacité. Dans tous les cas, les nouvelles informations devraient être enregistrées et, le cas échéant, rendues publiques ». C’est ce paragraphe sur lequel s’appuie l’Institut LudwikHirszfeld en Pologne [80]. - considérer les bactériophages comme des probiotiques, c’est-à-dire des molécules destinées à renforcer le système immunitaire. Il s’agit habituellement de compléments alimentaires contenant des bactéries vivantes aidant la flore commensale de l’organisme. Cependant les probiotiques ont un rôle uniquement préventif et non curatif. - appliquer l’article 83 du règlement 726/2004 du Parlement Européen, par lequel il est possible d’employer, dans une démarche d’application compassionnelle (« Compassionate use »), un médicament en cours d’essais cliniques ou un médicament n’ayant pas d’AMM et dont une demande d’AMM a été déposé. Une application compassionnelle correspond à la mise à disposition de ce type de médicament « à un groupe de patients souffrant d’une maladie invalidante, chronique ou grave, ou d’une maladie considérée comme mettant la vie en danger, ces patients ne pouvant pas être traités de manière satisfaisante par un médicament autorisé » [80]. C’est en s’appuyant sur cette dernière possibilité que l’équipe belge a proposé une application thérapeutique compassionnelle de phagothérapie à des grands brûlés[4]. Leur proposition a reçu un avis favorable de la part d’un comité d’éthique local, cependant le règlement ne 84 permettait que des essais ponctuels pour des applications limitées, comme explicité dans le document explicatif associé au règlement [81]. Dans ce même cadre d’utilisation compassionnelle, des centres de recherche européens se sont lancés dans des essais cliniques de phagothérapie. Des essais sur des otites ont été engagés en Angleterre, d’autres ont été engagés en Allemagne [4]. La Pologne reste un cas à part au sein de l’Europe vu qu’elle n’a jamais cessé ses applications thérapeutiques de phages (Institut de Wroclaw), bien qu’entrée en Europe le 1er mai 2004. Une clinique, nommé Institut d’immunologie et de thérapie expérimentale LudwikHirszfeld, destinée à soigner les patients étrangers y a été ouverte en 2005. Son autorisation à pratiquer la phagothérapie s’appuie sur l’article 35 de la Déclaration d’Helsinki et sur l’aval obtenu auprès du Comité d’éthique de son académie en juin2005[82, 83]. 2. Accès difficile aux soins L’Institut Eliava à Tbilissi (Géorgie) produit de très nombreuses spécialités à base de bactériophages et tente de s’ouvrir aux pays de l’ouest de l’Europe. Cependant, les problèmes administratifs d’exportation/importation du fait de la nature virale des phages ne facilitent pas les échanges de préparations. Ces problèmes de douane obligent les malades ayant la volonté de se faire soigner par phagothérapie à partir se faire hospitaliser dans une clinique géorgienne. Le Phage Therapy Center (tenu par une société nord-américaine de Californie) situé à Tbilissi se propose d’accueillir ces patients courageux d’avoir fait le voyage. Cependant, face à la recrudescence de patients osant le voyage, les tarifs des hôpitaux n’ont fait qu’augmenter également, et les tarifs pratiqués sont, à l’heure actuelle, de plus en plus chers, rendant là encore l’accès aux soins difficiles pour les personnes n’ayant pas les moyens financiers suffisants [4, 84]. 85 3. Résistance bactérienne a. Mécanismes mis en jeu • Inhibition de l’adsorption phagique Pour infecter une bactérie cible, les bactériophages doivent pouvoir s’attacher à des structures externes (récepteurs). Selon les phages, l’attachement peut se faire au niveau des lipopolysaccharides bactériens, des acides téichoïques, des protéines de la paroi, de flagelles ou de pili. L’identification du récepteur bactérien ciblé est importante car les mutations bactériennes, entraînant une modification du récepteur, sont une cause fréquente de résistance aux phages. En effet, le phage ne reconnaît plus la bactérie initialement ciblée, il ne peut alors plus pénétrer dans la cellule bactérienne[11]. Le développement de résistance bactérienne aux phages peut avoir des aspects bénéfiques. Certaines mutations au niveau des lipopolysaccharides engendrent une diminution de la virulence du mutant bactérien. De même, des mutations au niveau des flagelles peuvent atténuer la mobilité et la virulence des bactéries mutées. Enfin, des mutations au niveau des pili peuvent réduire la survie et la pathogénicité des mutants. • Facteurs intracellulaires et infections abortives Certains facteurs cytosoliques sont indispensables à l’infection phagique (réplication, assemblage ou libération). Des mutations modifiant ces facteurs peuvent conduire à une résistance bactérienne. Par exemple, le phage φ2954 dirigé contre Pseudomonas syringae nécessite la glutarédoxine-3 de la bactérie hôte pour transcrire un segment de son ARN. Une délétion au niveau du gène codant pour la glutarédoxine-3 entraîne la résistance de la bactérie mutante. Les bactéries sont capables d’échapper à une infection par les bactériophages par un autre mécanisme nommé « système d’avortement de l’infection » (ou Abi, abortive infection system). Ce système provoque l’autodestruction (« suicide ») de la bactérie infectée avant que la synthèse de nouveaux virions ne soit réalisée. Ce système met en jeu une toxine protéique 86 et un brin d’ARN antitoxine spécifique. Cet élément est appelé ToxIN et correspond à un système toxine-antitoxine (TA). Lors de l’infection d’une bactérie par un phage, la composante antitoxine peut être dégradée, ce qui permet à la toxine protéique dedétruire la membrane bactérienne. Les systèmes toxine-antitoxine sont retrouvés dans la plupart des génomes bactériens. Ils peuvent être localisés au niveau du chromosome ou au niveau de plasmides. La dissémination par transfert horizontal est donc possible. Si les systèmes TA peuvent permettre la résistance bactérienne contre les phages, leur impact réel sur la phagothérapie n’est pas bien connu. Il paraît toutefois indispensable de les prendre en considération. Il faut également noter que des bactériophages mutants, permettant d’éviter les systèmes TA, ont pu être isolés. Ceci démontre que les résistances bactériennes peuvent être surmontées par des bactériophages[85]. • Déstabilisation du génome phagique L’acronyme CRISPR (ClusteredRegularlyInterspaced Short PalindromicRepeats) désigne une série de courtes séquences génétiques répétées sur le génome des bactéries, régulièrement entrecoupée par des séquences variables appelées « spacers ». Les loci de ces séquences sont généralement situés à proximité de gènes Cas (CRISPR-associated). Le système CRISPR/Cas a un mode d’action qui n’est pas encore parfaitement élucidé, mais il est supposé fonctionner ainsi. Les gènes Cas codent pour des protéines Cas. Les séquences CRISPR sont transcrites en ARN, qui sont découpés par les protéines Cas au niveau des séquences palindromiques en segment d’ARN de plus petites tailles. Chaque segment d’ARN comporte alors un spacer. Lorsqu’un phage infecte la bactérie et que son génome comporte une séquence (appelée proto-spacer) parfaitement identique à un spacer, il y a hybridation entre le spacer d'un fragment d'ARN CRISPR et le proto-spacer du génome phagique. La conséquence de cette hybridation est l’arrêt de la traduction des ARNm viraux : l’infection phagique est alors bloquée. Récemment, près de 40% des bactéries séquencées présentent le système de résistance CRISPR/Cas. De plus, il a été démontré que la mise en contact de bactéries avec des 87 bactériophages (qui n’avaient pas préalablement infecté les bactéries) entraîne l’apparition de nouveaux spacers dans les loci des CRISPR des bactéries qui n’ont pas été lysées par des phages. Les spacers correspondraient, à la base, à un ADN extrachromosomique qui dériverait du génome de phages rencontrés précédemment par la bactérie. L’apparition de spacers est donc un mécanisme adaptatif d’immunisation (une acquisition de résistance) des bactéries visà-vis d’une infection par des phages[86]. Le mécanisme d’acquisition de nouveaux spacers demeure hypothétique[86]. Lors d’une infection phagique, les bactéries phago-résistantes (par un autre mécanisme que celui des CRISPR) ne sont pas éliminées. Ces bactéries présentant des CRISPR pourraient acquérir, à partir du génome du phage, un nouveau spacer correspondant au proto-spacerphagique et espacé par une nouvelle séquence palindromique. Les bactéries deviennent alors résistantes aux phages présentant ce proto-spacer (figure 12). Les CRISPR peuvent donc être considérés comme un historique des infections phagiques rencontrées par la bactérie[86]. Figure 12: Schéma représentant le système CRISPR/Cas[86], 88 Ce schéma représente le mode d’action proposé du système CRISPR/Cas. Lors de l’infection d’une bactérie par un phage (a), les phages vont éliminer une grande partie des bactéries. Certaines bactéries résistantes (b) acquièrent un nouveau spacer dans leur génome, correspondant au proto-spacer des phages rencontrés. Les bactéries possédant ce nouveau spacer sont alors résistantes aux phages portant le proto-spacer correspondant (c). Elles demeurent sensibles aux phages exempts de proto-spacers correspondants aux spacers de la bactérie (d). Enfin, la coévolution phage–bactérie peut permettre le contournement de cette résistance, par une mutation du proto-spacer, qui ne sera plus reconnu par le spacer de la bactérie. • Intégration d’un phage tempéré Lorsqu’une bactérie est infectée par un phage tempéré, le génome du phage n’est pas détruit. Il devient un composant intégré à part entière du génome bactérien. Les bactéries infectées deviennent alors résistantes à ce phage intégré, ainsi qu’aux phages proches génétiquement[4, 70]. b. Conséquences L’existence et l’évolution continue des résistances bactériennes aux phages suscitent des interrogations et sont autant de problèmes à anticiper. Un certain nombre d’arguments permettent toutefois de nuancer l’impact futur de ces résistances. Tout d’abord, les bactériophages ont un spectre d’action étroit. La résistance d’une bactérie (ou d’une souche bactérienne) est donc nécessairement limitée, puisque seules les bactéries cibles peuvent devenir résistantes au phage en question. L’administration de cocktails phagiques ciblant des récepteurs bactériens différents et continuellement mis à jour en fonction de l’évolution des bactéries cibles réduit considérablement l’impact que pourraient avoir les résistances bactériennes[87]. La coévolution permanente du couple phage/bactérie permet la sélection de virus qui échappent aux mécanismes de résistance acquis par la bactérie. Cette coévolution permet donc de relativiser le risque de résistances aux phages des bactéries. En ce qui concerne le système CRISPR/Cas, l’action est, d’une part, limitée aux phages que la bactérie a déjà rencontrés 89 auparavant, c’est à dire au cours d’une infection pour laquelle elle s’était déjà avérée résistante. Cela limite la probabilité de survenue de ce mécanisme[68]. D’autre part, les bactériophages peuvent échapper à la phago-résistance bactérienne due à la présence de spacers correspondant aux proto-spacersphagiques, par un réarrangement dans leurs proto-spacers[86]. Ce mécanisme peut consister en une recombinaison homologue, une mutation ponctuelle ou une courte délétion. Enfin, les phago-résistances se mettraient en place relativement lentement, environ dix fois plus lentement que celles mises en place contre les antibiotiques : toutes les 106 divisions bactériennes pour les antibiotiques, contre 107 pour les bactériophages[77]. Or,lesbactériophages ont une croissance exponentielle et mutent au même rythme que leurs cellules hôtes. Le différentiel temporel entre la croissance des populations bactériennes et phagiques et les évolutions respectives au cours du développement permettraient aux phages de ne jamais être complètement « dépassés » par les phago-résistances bactériennes[5]. 4. Limites pharmacologiques a. Traitement ciblé Les bactériophages ont la propriété d’être spécifiques d’une espèce de bactérie, et parfois de seulement quelques représentants de cette espèce. Le niveau de spécificité varie d’une espèce de phage à l’autre. Cependant il existe souvent plusieurs phages spécifiques de la même bactérie, au minimum une dizaine de bactériophages spécifiques d’une bactérie donnée. Cette spécificité provient de la reconnaissance par les phages de récepteurs particuliers localisés à la surface des bactéries[4, 11]. Une phagothérapie correcte nécessite de connaître la bactérie à combattre, et cela peut être contraignant pour l’utilisation en routine. Il y a plusieurs obstacles à cela [4, 45]: - il est nécessaire d’isoler et d’étudier la bactérie responsable de la maladie, ce qui implique de réaliser un prélèvement correct et d’avoir un laboratoire performant. Cela demande de la maîtrise, du temps et des frais ; 90 - la zone d’infection est parfois difficile à atteindre, ce qui complique encore la manoeuvre de prélèvement (et de traitement qui s’ensuit) ; - certaines infections sont à germes multiples ; - enfin, il est important d’isoler et de bien déterminer l’agent pathogène effectif et non pas un contaminant (contamination extérieure ou flore commensale), sous peine d’échec thérapeutique. Cependant, les antibiotiques à spectre étroit connaissent le même problème, dans une moindre mesure. Cela explique le succès des antibiotiques à large spectre en première intention, et par conséquent l’augmentation actuelle des résistances aux antibiotiques. Lors d’antibiothérapie il arrive souvent qu’un antibiotique à large spectre soit mis en place, le temps d’identifier la bactérie et l’antibiotique le plus adapté contre elles, pour ensuite, si nécessaire, réadapter le traitement avec ce dernier [4]. De la même manière, il est possible d’employer un cocktail, permettant ainsi d’élargir le spectre d’action du traitement, et s’assurer par exemple que tous les germes incriminables soient bien éliminés. L’isolement de la bactérie pathogène d’une maladie est important à réaliser, cependant, lors d’infection grave à évolution rapide, l’emploi d’un cocktail est fortement recommandé, pour le traitement d’attaque le temps de trouver le bactériophage spécifiquement dirigé contre cette bactérie. b. Seuil bactérien Lorsqu’une infection bactérienne n’en est encore qu’aux tous premiers stades, la population bactérienne est relativement faible, les chances de rencontres aléatoires entre les bactéries et les bactériophages sont donc faibles et le seuil de densité bactérienne nécessaire à la reproduction phagique n’est pas atteint. Les bactériophages ne sont alors pas efficaces contre cette infection car ils sont éliminés avant d’avoir atteint leurs cibles. De même, si l’infection à traiter est due à des bactéries à multiplication lente, le seuil de population bactérienne nécessaire à atteindre est obtenu plus tardivement que sur une 91 infection provoquée par des bactéries se multipliant rapidement. Il est alors possible de se retrouver dans une situation où les phages ne sont pas efficaces. Ce point est donc à prendre en compte lors de mise en place d’une phagothérapie, pour ne pas se retrouver face à un échec thérapeutique. Pour éviter cet échec, il vaut mieux ne pas commencer une phagothérapie dès le tout début d’une infection, et privilégier des administrations multiples lors d’infection à croissance lente, contrairement aux infections à croissance rapide où un faible nombre d’administrations, voire une unique administration, suffit[54, 88] c. Le phénomène de translocation L’infection d’une bactérie par un phage se réalise à la faveur d’une collision aléatoire entre les deux éléments, et non pas à la suite d’une recherche active de la bactérie par le phage. Pour combattre une infection bactérienne, il est donc nécessaire de favoriser cette collision. Or, lors d’administration systémique de bactériophages, ceux-ci vont circuler dans l’organisme de manière aléatoire, il y a donc de fortes chances qu’une partie seulement des phages atteigne le lieu d’infection. Cela engendrerait donc une perte quantitative de phages efficaces. En outre, si ces phages arrivaient au lieu d’infection en sous-nombre par rapport au seuil de phages nécessaires à une bonne reproduction virale, le traitement ne sera pas efficace. Les infections affectant les organes internes semblent ainsi théoriquement plus difficiles à combattre que celles locales (plaie cutanée, atteinte du tractus digestif, etc.). Pour obtenir une bonne efficacité de la phagothérapie, il vaut donc mieux privilégier les traitements locaux[63]. d. Infections à bactéries intracellulaires En 1940, le traitement par phages de fièvre typhoïde due à Salmonella typhia donné des résultats thérapeutiques satisfaisants. Toutefois, les salmonelles ne sont que des bactéries intracellulaires facultatives. L’interprétation des résultats reste donc difficile. 92 L’étude du génome de Legionellapneumophila, germe intracellulaire strict, a montré la présence de séquences génomiques comportant de fortes analogies avec celles des phages. Ceci pourrait être une preuve indirecte de l’existence de bactériophages dirigés contre cette bactérie. De plus, le Centre National de Référence des légionnelles (Institut de Veille Sanitaire) a cherché des preuves directes de cette existence. La conclusion de leurs travaux est qu’il existe des bactériophages dirigés contre ces germes intracellulaires stricts[89]. Enfin, les espèces bactériennes appartenant au genre Mycobacteriumont une multiplication intracellulaire. Il a été mis en évidence des phages dirigés contre ces bactéries, ils sont appelées mycobactériophages. Certaines espèces de mycobactéries ne sont pas ou peu pathogènes pour l'homme (Mycobacteriumsmegmatisou Mycobacteriumkansasii). Une étude a permis de mettre en évidence des phages non lytiques contre ces deux espèces bactériennes (infection chronique permettant la production de phages qui sont excrétés sans lyse de la bactérie), mais lytiques contre Mycobacteriumtuberculosis. In vitro, une souche de Mycobacteriumsmegmatislysogénisée par le phage a été inoculée à une culture cellulaire contaminée par le bacille de la tuberculose. Après avoir été phagocytée, Mycobacteriumsmegmatislibère des phages capables de lyser Mycobacteriumtuberculosis. Cette méthode a permis l’élimination de toutes les souches de mycobactéries pathogènes in vitro[90]. La question d’une efficacité potentielle de la phagothérapie sur les bactéries intracellulaires demeure incertaine et nécessite donc des études supplémentaires, puisque les études citéesprécédemment semblent infirmer les prévisions théoriques. 93 TROISIEME PARTIE : PHAGOPROPHYLAXIE 94 En étudiant les maladies diarrhéiques telles que la dysenterie bacillaire ou le choléra, d’Hérelle a observé la guérison d’individus lorsqu’ils étaient au contact de malades en phase de rémission de ces diarrhées. Il a appelé ce phénomène la « guérison contagieuse ». Il remarqua par la suite que des bactériophages étaient émis dans les selles diarrhéiques de ces malades et émit l’hypothèse que les phages libérés dans l’environnement s’étaient ensuite introduits dans le corps des autres malades, via une eau de boisson contaminée ou un simple contact, et avaient permis le rétablissement de ces derniers ainsi qu’une protection pour les individus non encore malades. Ce dernier cas n’est autre qu’une utilisation prophylactique des bactériophages, parfois appelée « phagoprophylaxie »[10]. Il semble possible que l’évolution de certaines épidémies qu’a connu l’histoire s’explique par ce phénomène : l’épidémie survient et se propage, puis un bactériophage lytique se développe et est répandu dans l’environnement, permettant une extinction de l’épidémie en protégeant les individus non encore atteints et en permettant une guérison accélérée des malades. Une autre étude récente montre que ce déroulement s’applique tout à fait à ces épidémies[91]. I. Utilisation en agro-alimentaire Les antibiotiques sont à l’heure actuelle très largement utilisés dans l’industrie agricole tant pour la prophylaxie que pour les traitements de maladies infectieuses. Cette sur-utilisation contribue fortement à l’apparition croissante de résistances bactériennes face aux antibiotiques. Dès lors, il serait intéressant de privilégier une faible utilisation des antibiotiques et de préférer l’emploi de bactériophages[5]. Traitement des animaux de rente : L’emploi des bactériophages pour traiter les animaux destinés à l’alimentation humaine est de plus en plus envisagé. Il permettrait de diminuer la quantité d’antibiotiques utilisés en prophylaxie et en traitement de ces animaux et donc d’abaisser leur taux dans la chaîne alimentaire pour l’homme. 95 La majorité des études concernant ce sujet a été menée chez les volailles, pour lutter contre Salmonella enterica, responsable de gastro-entérites sévères, de bactériémie et de fièvre entérique (aussi appelée « fièvre typhoïde ») chez l’homme. Les deux premiers symptômes touchent chaque année 1,3 milliards de personnes dans le monde, tandis que la fièvre entérique est responsable de 16 millions de cas de malades et de 600 000 décès par an [92]. Les différentes publications scientifiques relatent une diminution de la quantité de bactéries présentes chez les poules[93]. Fiorentin et ses collaborateurs ont par exemple démontré qu’après cinq jours de traitement par un cocktail de phage aillant pour cible Salmonella entericaserovarEnteritidis phage type 4, les volailles traitées présentaient, dans leur cæcum, une réduction de 3,5 logs par rapport à la population initiale de ces bactéries[94]. D’autres scientifiques travaillent sur d’autres infections zoonotiques importantes qui peuvent résulter de la consommation de viande de volaille insuffisamment cuite : les infections à Campylobacter. L’équipe scientifique de l’Université de Nottingham (Royaume-Uni) menée par Connerton a indiqué la potentialité d’un traitement alternatif avec des bactériophages contre Campylobacterspp, dont Campylobacterjejuni, bactéries présentes dans la flore intestinale de la majorité des volailles. Elle a montré qu’il était possible pour les phages de réduire la forte incidence de Campylobacterchez les volailles[95] . les bactériophages seraient également indiqués pour réduire la population bactérienne d’ Escherichia coli O157:H7 colonisant le tractus gastro-intestinal des troupeaux de ruminants, réservoir principal de cette bactérie[93]. Quelques études ont aussi été réalisées chez les porcs contre Salmonella, et certaines se sont révélées efficaces, comme par exemple celles de l’équipe de.Wall contre Salmonella enterica[96]. La meilleure introduction des bactériophages en agro-alimentaire se trouve dans le domaine de l’aquaculture. Les phages utilisés sont parfaitement adaptés à cet environnement, puisqu’ils se trouvent habituellement dans les milieux aquatiques, et cela permet de plus que les phages soient en contact étroit et continu avec leur hôte[97-99]. 96 II. Décontamination alimentaire Malgré les nombreuses précautions mises en œuvre pour les assainir, les denrées alimentaires demeurent d’excellents milieux de culture pour les micro-organismes, pathogènes ou non. On estime que plus de 90 % des toxi-infections d’origine alimentaire auraient pour cause des bactéries. Parmi ces toxi-infections, 75 % seraient dues uniquement aux trois principales bactéries souillant les aliments, à savoir Salmonella enterica, Clostridium perfringens et Staphylococcus aureus. D’autres bactéries pathogènes telles que Escherichia coli ou Listeria monocytogenessont également fréquemment présentes sur les aliments et peuvent s’avérer très pathogènes pour l’homme[100] Face à ces menaces bactériennes envers la santé publique, les scientifiques ont montré que les phages pouvaient avoir leur utilité en étant employés en industrie agro-alimentaire dans l’assainissement des denrées directement, c’est-à-dire des carcasses et autres produits alimentaires[8]. Concernant les viandes, les principales bactéries étudiées sont Listeria monocytogenes, Escherichia coli O157:H7, Campylobacteret Salmonella[93]. Prenons par exemple le cas de Listeria monocytogenesqui a particulièrement été étudié. Cette bactérie provoque la listériose, maladie de répartition mondiale, plutôt rare et sporadique (3,2 cas/millions d’habitants en Europe en 2011 dont environ 300 cas par an en France, et 2,5 cas/millions d’habitant aux États-Unis d’Amérique en 2012), mais relativement grave (sa létalité peut atteindre 30 %) et dont les symptômes sont des septicémies, des méningites et chez les femmes enceintes, la mort du foetus. Parmi les malades, 80 % correspondent à des YOPI (Young, oldpregnant, immunodepressed) c’est-à-dire à des personnes présentant une déficience immunitaire[101-104]. Les études portant sur l’assainissement des denrées contre Listeria monocytogenespar bactériophagie démontrent que l’utilisation de bactériophages contre ces bactéries s’avère efficace pour réduire quantitativement le nombre de bactéries, tout en préservant les qualités organoleptiques des aliments [100, 105, 106]. Les fruits et légumes frais, et les produits transformés (poudre de lait, charcuterie, …) sont également concernés par la nécessité d’un assainissement bactérien, contre les mêmes 97 bactéries que celles contaminant les viandes. Par exemple, les contaminations des produits maraîchers ont été responsables entre 1990 et 2003 de 28 000 cas de maladies[107]. Là encore, les résultats des travaux sur l’utilisation des phages s’avèrent encourageants [93, 100]. III. Désinfection des surfaces inertes Dans le même ordre d’idées que pour l’assainissement des denrées, l’usage des bactériophages est envisagé pour l’assainissement de l’environnement. En effet, les phages se sont avérés efficaces en application sur des surfaces inertes pour les débarrasser des bactéries ou des biofilms. Leur usage serait particulièrement indiqué pour traiter l’intérieur des réseaux hydrauliques, comme par exemple les tuyaux de circulation d’eau de boisson pour les volailles, qui regorgent généralement de bactéries (surtout des bactéries générant des infections entériques, comme Campylobacterspp.) et de biofilms [5]. C’est ce qu’ont tenté in vitro certains scientifiques. Les bactériophages appliqués sur les surfaces contre Campylobacterjejuniet contre les biofilms associés se sont révélés très efficaces, en particulier les phages CP8 et CP 30[108, 109]. L’action des bactériophages pourrait également s’appliquer à l’aseptisation du matériel médical et des surfaces en milieux hospitalier, comme le démontre l’équipe de Carson dans une étude sur l’élimination des biofilms présents sur le matériel médical[110]. IV. Prévention des infections dans le domaine médical Dans le domaine médical, les bactériophages pourraient avoir diverses applications. Il est envisageable et envisagé d’utiliser les bactériophages chez le personnel de santé et les patients (patients opérés, porteurs sains…). L’élimination du staphylococus aureus dans le nez des personnels et patients des services de chirurgie est à l’étude. Les bactériophages ne distinguent pas les staphylocoques dorés résistants à la méticilline (SARM) des staphylocoques dorés sensibles à cet antibiotique (SASM). Ils permettent d’éliminer les staphylocoques pathogènes, sans distinction de sensibilité. Par conséquent, la phagoprophylaxie peut permettre de prévenir une partie des infections post chirurgicales 98 (notamment dans le cadre de chirurgies ostéo-articulaires) dont la principale complication infectieuse est due à cette bactérie. L’élimination du portage intestinal de Clostridium difficile, afin d’éviter la contamination des autres patients du service (notamment dans le cadre de longs séjours hospitaliers) peut également s’avérer intéressante. L’action des bactériophages pourrait également s’appliquer à l’aseptisation du matériel médical (sondes, sutures, cathéters) et des surfaces en milieux hospitalier (blocs opératoires, services d’hospitalisation) comme le démontre l’équipe de Carson dans une étude sur l’élimination des biofilms présents sur le matériel médical[110]. V. Avantages et limites dans le domaine médical 1. Avantages L’administration de phages prophylactiques dans le domaine médical offre certains avantages. En prophylaxie, les densités bactériennes sont souvent moindres. Les produits de la dégradation bactérienne par les phages seront, par conséquent, quantitativement moins importants. La sécurité phagique est donc renforcée. De plus, l’association des bactériophages à certains antibiotiques pourrait permettre de réduire les doses d’antibiotiques administrées et ainsi réduire certains effets indésirables. Enfin, les phages n’interfèrent pas avec la cicatrisation [110]. Ceci est un élément important à prendre en compte dans le cadre de certaines chirurgies. 2. Limites Dans la mesure où les bactéries sont présentes à de faibles densités, un traitement actif pourrait ne pas être possible. En effet, le seuil de densités bactériennes nécessaires à une autoréplication phagique peut ne pas être atteint. Un traitement passif devrait donc être envisagé. 99 De plus, les traitements prophylactiques sont souvent des traitements empiriques, puisque le pathogène auquel l’individu pourrait être exposé n’est, dans la majorité des cas, pas connu par avance. L’utilisation de cocktails phagiques, permettant d’élargir le spectre d’activité, pourrait donc être préférée en prophylaxie. 100 CONCLUSION La phagothérapie a été découverte il y a plus de quatre-vingt-dix ans. Après des débuts prometteurs, elle est progressivement tombée dans l’oubli dans les pays Occidentaux. Actuellement, elle suscite de nouveau l’intérêt de scientifiques et de quelques industriels et hommes politiques. Les avantages qu’offre la phagothérapie n’y sont probablement pas étrangers. En effet, les bactériophages peuvent être considérés comme des « médicaments (car ils répondent effectivement à la définition du médicament) intelligents », puisqu’ils sont autorépliquant (capable de multiplication in situ) et auto-limitant. De plus, le pouvoir bactéricide des phages virulents, la possibilité d’éliminer la bactérie pathogène sans altération de la floreendogène et le faible nombre d’effets indésirables observés justifient indéniablement lepositionnement de la phagothérapie comme une alternative crédible à l’antibiothérapie ou enassociation avec les antibiotiques. L’utilisation de phages en prophylaxie offre également despossibilités intéressantes dans des domaines variées. A ce jour, toutes les propriétés des bactériophages ne sont pas connues. Les éventuelles applications que pourraient offrir ces virus ne se limitent pas à la seule phagothérapie. En effet, les phages sont étudiés dans d’autres domaines parmi lesquels on retrouve la biologie moléculaire, la génétique, les transplantations cutanées ou le traitement de tumeurs. L’état ou la multirésistance de bactéries aux antibiotiques est-elle que toute les solutions sont les bienvenue, parce qu’on a atteint un niveau de multirésistance qui a des conséquences claire sur la morbidité et sur la mortalité, d’où l’intérêt de surveiller de prés les bactériophages. Il est trop tôt pour dire s’il s’agit de la potion miracle ou une simple ruse qui nous permettra de gagner du temps, on ne sait pas assez encore aujourd’hui pour connaitre les résultats, c’est le même problème que les organismes génétiquement modifiés, il semble que c’est que se soit une bonne chose mais est-ce le cas vraiment !? Il faut garder en tête qu’une fois le génie est sortie de la bouteille, il est très difficile de le faire rentrer. 101 Résumé Titre : Rôle de la phagoterapie dans le traitement des infections bacteriennes Auteur : Abdessamad ERRAFYG Mots clés : Phagothérapie – Bactériophage – Infection lytique – résistance bactérienne s Devant l‘évolution inexorable des bactéries résistantes aux antibiotiques, il est devenu urgent de trouver des solutions viables. Le traitement par les bactériophages, ancienne thérapeutique antibactérienne, semblerait pouvoir apporter sa contribution dans la recherche de nouveaux moyens pour combattre les infections en échec. Les bactériophages disposent d‘un matériel génétique (ADN ou ARN), ce qui commande la machinerie de la cellule hôte, et par le biais de mutations sont capables d‘attaquer et tuer les bactéries multi-résistantes par le simple principe lytique, présentant donc un grand avantage. Des faits récents apportent des arguments nouveaux qui devraient pousser à mettre en valeur la phagothérapie et donc la revoir comme complément à l‘antibiothérapie Ce n‘est pas une découverte mais aujourd‘hui et plus que jamais, cette association doit être envisagée, et pas seulement si les bactéries sont résistantes aux antibiobiques. La potentialisation des antibiotiques par les phages, la dégradation des biofilms qui protègent les bactéries persistantes, un éventuel blocage du système SOS des bactéries soumis à l‘action des antibiotiques, sont autant de pistes qui méritent un intérêt. Aujourd‘hui, le contexte de la recherche médicale est bien différent de celui des débuts de la phagothérapie car elle est envisagée dans plusieurs applications, notamment la prophylaxie et Le traitement des maladies infectieuses, en plus de la génétique et la biologie moléculaire, et donc constitue un outil de recherche à réévaluer. 102 Summary Title: Role of phage therapy in the treatment of bacterial infections Author: Abdessamad ERRAFYG Key words: Phage therapy – bacteriophage – lytic infection – bacterial resistance. Faced with the inexorable evolution of antibiotic resistant bacteria, it became urgent to find workable solutions. Treatment with bacteriophages, former antibacterial therapy, seem to contribute in the search for new ways to fight infections in check. Bacteriophages have genetic material (DNA or RNA), which controls the machinery of the host cell, and through mutations are able to attack and kill multi-resistant bacteria simply by lytic principle, thus presenting a great advantage. Recent developments provide new arguments that should push to enhance the review and therefore the phage therapy as an adjunct to antibiotic therapy This is not a discovery but now more than ever, this association should be considered, not only if the bacteria are resistant to antibiotics. The potentiating of antibiotics by phages, degradation of biofilms that protect bacteria are persistent, a possible system crash SOS bacteria subjected to the action of antibiotics are all tracks that are worth a visit. Today, the context of medical research is very different from the early days of phage therapy because it is considered in many applications, including prophylaxis and treatment of infectious diseases, in addition to genetics and molecular biology and thus constituted a research tool to reassess. 103 اان :دور ااوي ت ج ات ا. ا :ا ا ا ت ا :اج ت - -وى &# – !!"#و.# أ 3# 45ا/وري ،أ#م ا*1ر ا&! 0ت ا&و/! #دات ا"* ،أ,د *!+ل ('. وو أن اج 7 3ات واي ا=0 &0 60ه; ا"' 60 3 :ة " ات ا> ا&! !ج. *Bات ! Aذ?ة ورا )ا" Eا*وي ا*زي– اGوآ= 3,أو ا" Eا*وي ا*زي( ا KLاJي "; #ا !Iا./ و*ا 10ا1ات 3Bات 3#ا*,Nم وا&/ء ! Aات #دة ا&و3 7= # # 7أ ا"! 6L # 6أه >. R!,Bا*1رات ا?Gة اه' 3ة وا QBا ;&B Aوإدة ا Oااوي ت آ*(N ! !#ج /دات ا"* إد SهJا اآLف ا*م R, S 6ا OهJا ا/(Sم *0ى +ات ا&و/! #دات ا"*. *&B Bا/دات ا"* 7 3ات وا /Bا Aا("ل ا LUGا**' ا"# ! ا[ وا N' 5"Bز ا&(Zذ اي XB Y"Bه WJا/دات 3#اVر ا "=B اSهم. و * #هJا 0 Jق ا" :ا 1ا ! Aااوي ت 3 #B !I#ا= آ*(\ &1B A!,ت ة : N# ا* 3# bا#Gاض ا و' ،Nزدة !; ا*را وا**' ا 6L # ،_`,أداة ! !" :ا*!1ب إدة ا*=# A! \ Oى اج. 104 BIBLIOGRAPHI ET WEBOGRAPHIE 1. Jończyk e, the influence of external factors on bacteriophages—review. folia microbiologica 2011, 56(3) : 191-200. 2. Sulakvelidze a, bacteriophages: biology and applications 2005: crc press. 3. Barrette g, évaluation de l’utilisation des bactériophages anti-staphylococcus aureus pour l’assainissement de surfaces. école polytechnique de montréal 2015. 4. Dublanchet a., des virus pour combattre les infections. favre ed 2009: 115-21. 5. Inal j, phage therapy: a reappraisal of bacteriophages as antibiotics. archivum immunologiae et therapiae experimentalis-english edition 2003, 51(4) : 237-44. 6. Ictv, virus taxonomy : 2012 release in: international committee on taxonomy of viruses [en ligne]. [http://www.ictvonline.org/virustaxonomy.asp?version=2012] (consultation le 24/7/16) 2012. 7. 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Serment de Galien Je jure en présence des maîtres de cette faculté : - D’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon art et de leur témoigner ma reconnaisse en restant fidèle à leur renseignement. - D’exercer ma profession avec conscience, dans l’intérêt de la santé public, sans jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le malade et sa dignité humain. - D’être fidèle dans l’exercice de la pharmacie à la législation en vigueur, aux règles de l’honneur, de la probité et du désintéressement. - De ne dévoiler à personne les secrets qui m’auraient été confiés ou dont j’aurais eu connaissance dans l’exercice de ma profession, de ne jamais consentir à utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser les actes criminels. - Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses, que je sois méprisé de mes confrères si je manquais à mes engagements. - - ﺃﻥ ﺃﺭﺍﻗﺏ ﺍﷲ ﻓﻲ ﻤﻬﻨﺘﻲ ﺃﻥ ﺃﺒﺠل ﺃﺴﺎﺘﺫﺘﻲ ﺍﻝﺫﻴﻥ ﺘﻌﻠﻤﺕ ﻋﻠﻰ ﺃﻴﺩﻴﻬﻡ ﻤﺒﺎﺩﺉ ﻤﻬﻨﺘﻲ ﻭﺃﻋﺘﺭﻑ ﻝﻬﻡ ﺒﺎﻝﺠﻤﻴل ﻭﺃﺒﻘﻰ ﺩﻭﻤﺎ ﻭﻓﻴﺎ ﻝﺘﻌﺎﻝﻴﻤﻬﻡ. ﺃﻥ ﺃﺯﺍﻭل ﻤﻬﻨﺘﻲ ﺒﻭﺍﺯﻉ ﻤﻥ ﻀﻤﻴﺭﻱ ﻝﻤﺎ ﻓﻴﻪ ﺼﺎﻝﺤﺎﻝﺼﺤﺔ ﺍﻝﻌﻤﻭﻤﻴﺔ ،ﻭﺃﻥ ﻻ ﺃﻗﺼﺭ ﺃﺒﺩﺍ ﻓﻲ ﻤﺴﺅﻭﻝﻴﺘﻲ ﻭﻭﺍﺠﺒﺎﺘﻲ ﺘﺠﺎﻩ ﺍﻝﻤﺭﻴﺽ ﻭﻜﺭﺍﻤﺘﻪ ﺍﻹﻨﺴﺎﻨﻴﺔ. ﺃﻥ ﺃﻝﺘﺯﻡ ﺃﺜﻨﺎﺀ ﻤﻤﺎﺭﺴﺘﻲ ﻝﻠﺼﻴﺩﻝﺔ ﺒﺎﻝﻘﻭﺍﻨﻴﻥ ﺍﻝﻤﻌﻤﻭل ﺒﻬﺎ ﻭﺒﺄﺩﺏ ﺍﻝﺴﻠﻭﻙ ﻭﺍﻝﺸﺭﻑ ،ﻭﻜﺫﺍ ﺒﺎﻻﺴﺘﻘﺎﻤﺔ ﻭﺍﻝﺘﺭﻓﻊ. ﺃﻥ ﻻ ﺃﻓﺸﻲ ﺍﻷﺴﺭﺍﺭ ﺍﻝﺘﻲ ﻗﺩ ﺘﻌﻬﺩ ﺇﻝﻰ ﺃﻭ ﺍﻝﺘﻲ ﻗﺩ ﺃﻁﻠﻊ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﺃﺜﻨﺎﺀ ﺍﻝﻘﻴﺎﻡ ﺒﻤﻬﺎﻤﻲ ،ﻭﺃﻥ ﻻ ﺃﻭﺍﻓﻕ ﻋﻠﻰ ﺍﺴﺘﻌﻤﺎل ﻤﻌﻠﻭﻤﺎﺘﻲ ﻹﻓﺴﺎﺩ ﺍﻷﺨﻼﻕ ﺃﻭ ﺘﺸﺠﻴﻊ ﺍﻷﻋﻤﺎل ﺍﻹﺠﺭﺍﻤﻴﺔ. ﻷﺤﻀﻰ ﺒﺘﻘﺩﻴﺭ ﺍﻝﻨﺎﺱ ﺇﻥ ﺃﻨﺎ ﺘﻘﻴﺩﺕ ﺒﻌﻬﻭﺩﻱ ،ﺃﻭ ﺃﺤﺘﻘﺭ ﻤﻥﻁﺭﻑ ﺯﻤﻼﺌﻲ ﺇﻥ ﺃﻨﺎ ﻝﻡ ﺃﻑ ﺒﺎﻝﺘﺯﺍﻤﺎﺘﻲ. ا -اط آاا -اط أ و ر 118: ـ 2016 : ﺩﻭﺭ ﺍﻟﺘﺪﺍﻭﻱ ﺑﺎﻟﻌﺎﺛﻴﺎﺕ ﻓﻲ ﻋﻼﺝ ﺍﻟﺘﻌﻔﻨﺎﺕ ﺍﻟﺒﻜﺘﻴﺮﻳﺔ. ﺃﻃﺮﻭﺣﺔ: و م......................................................: ﻤﻥ ﻁﺭﻑ ا :ا ا ﺍﻝﻤﺯﺩﺍﺩ ﻓﻲ 03ﻨﻭﻨﺒﺭ 1988ﺒﺎﻝﺭﺒﺎﻁ ـــ ـ ـدة اـآــرا ــ ا ات ا :اج ت - -وى – و. #إ! اف ا ا اة ا :ن زهي ر أذ "! اء ا ا :خ ف أذ "! اء ا ا ة ! :اد أذة &%زة "! اء ا ا ة % :ة #$ل أذة "! ا*)ء ا(' أ('ء