ARTICLE DE REVUE 59 Aperçu des différents germes des hémocultures positives et des mesures à prendre Hémocultures positives: interpré­ tation et prise en charge initiale Michael Osthoff a , Nina Khanna a , Daniel Goldenberger b , Victor Wüscher c , Ursula Flückiger c a b c Klinik für Infektiologie und Spitalhygiene, Universitätsspital Basel Klinische Mikrobiologie, Universitätsspital Basel Zentrum für Innere Medizin, Hirslanden Klinik Aarau Chez l’adulte, les hémocultures font partie des examens diagnostiques les plus fréquents à l’hôpital. Elles sont déterminantes pour le diagnostic et la prise en charge de nombreuses infections, et ce, même si le taux de résultat positif est faible avec 6–10% et que les contaminations sont fréquentes. L’annonce d’hémocultures positives requiert généralement une évaluation de la situation clinique et une décision thérapeutique rapides. Introduction Lorsqu’un patient se présente aux urgences avec une anamnèse de fièvre et/ou de frissons ou que les analyses de laboratoires indiquent une leucocytose/leucopénie avec une CRP (protéine C réactive) ou une procalcitonine élevée, on prélève généralement deux à trois paires d’hémocultures. En fonction de l’évaluation clinique et du foyer, le patient reçoit aux urgences une antibiothérapie empirique, souvent par un antibiotique à large spectre, avant d’être transféré dans un autre service ou envoyé en soins intensifs. L’annonce d’hémocultures positives parvient aux médecins 24 à 48 heures plus tard (parfois seulement après 4 à 7 jours en cas de germes à croissance lente). Dès que le médecin en charge a reçu l’information, celui-ci devrait se demander si l’hémoculture positive correspond à la maladie infectieuse pour laquelle il traite le patient, ou bien s’il s’agit d’une contamination et qu’il convient de revoir le diagnostic. Par ailleurs, il convient d’évaluer si l’antibiothérapie initiée doit être modifiée et s’il convient de passer d’un antibiotique à large spectre à un antibiotique à spectre Michael Osthoff bien à des coques, bâtonnets Gram-négatifs ou levures. plus étroit (streamlining). Si le patient n’a pas encore L’identification précise comprenant un test de résistance reçu de traitement antibiotique, il faudrait initier en s’effectue 12 à 48 heures plus tard. Au sein de l’Hôpital temps utile (dans les 2 à 3 heures au maximum) un trai- universitaire de Bâle, le temps jusqu’à l’identification tement antibiotique ou, dans le cas de levures, un d’une hémoculture positive a pu être réduit à 2 heures traitement antimycotique. grâce à la désorption-ionisation laser assistée par ma- Dès que les hémocultures s’avèrent positives, le labora- trice couplée à la spectrométrie de masse à temps de toire réalise une coloration de Gram de manière à ce vol (MALDI-TOF MS), ce qui permet une adaptation plus que la première notification que reçoivent les méde- rapide du traitement antibiotique et, le cas échéant, cins traitants spécifie aussi si les hémocultures sont une recherche du foyer [1]. Dans cet article, nous souhai- positives à des coques ou bâtonnets Gram-positifs ou tons décrire les questions que doit se poser le médecin SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 ARTICLE DE REVUE 60 % de l’ensemble des hémocultures positives Tableau 1: Indications pour le prélèvement d’hémocultures en cas de suspicion d’infection (non exhaustif). – Patients gravement malades: choc septique et sepsis (sévère), patients en soins intensifs – Diagnostics (suspectés): endocardite, fièvre d’origine inconnue, arthrite septique, spondylodiscite, méningite bactérienne, cholangite, infection du cathéter, pyéloné­ phrite (en prise en charge stationnaire ou lorsque le pré­ lèvement d’une culture urinaire n’est pas possible avant l’adminis tration d’antibiotiques) – Consommation de drogues par voie intraveineuse, immuno­ suppression, patients âgés (>65–70 ans), corps étranger intravasculaire (pacemaker, valve cardiaque artificielle, cathéter veineux central), particulièrement en cas de fièvre et de suspicion d’infection pertinente ou de dégradation inexpliquée de l’état général – Patient fébrile de retour de pays tropicaux is En te E. fa ec al pp . e rs ro b ac te m eu S. pn fa ia on iu m p. sp E. id a on nd Ca ec e ia s K. pn eu m oq do oc e pt St re qu co lo St ap hy ue ré N SC E. co li – Fièvre neutropénique Figure 1: Répartition en pourcentage des isolats de l’ensemble des hémocultures positives au sein de l’Hôpital universitaire de Bâle (2013; n = 1514). traitant en cas d’hémocultures positives et en vue de – Recherche ciblée de bactériémie supplémentaire en cas de mise en évidence de staphylocoque doré ou de Candida spp. à partir de biopsies tissulaires profondes avant le début d’une antibiothérapie ciblée – Frissons (à distinguer des légers tremblements) – Hémocultures de suivi après 48–72 heures en cas de bactériémie à staphylocoque doré et Candida spp. ou en cas d’endocardite infectieuse Quand réaliser des hémocultures? l’identification des germes et l’antibiogramme, afin que le patient bénéficie d’une prise en charge optimale. Avec 6 à 10%, le «taux de résultats positifs» des hémo- Cet article ne remplace en aucun cas les avis des infec- cultures est très faible et se voit encore réduit en raison tiologues, qu’il convient de consulter en cas d’hémo- d’un taux de contamination pouvant aller jusqu’à 40% cultures positives. Par ailleurs, il n’est pas possible d’en- [5, 6]. Au sein de l’Hôpital universitaire de Bâle, entre trer en détail dans chaque tableau clinique infectieux 2008 et 2012, un total de 5965 des 88 886 hémocultures et, en particulier, il n’est pas possible d’expliquer plus prélevées étaient positives (6,7%). Les critères permet- en détail le traitement antibiotique. L’objectif de cet tant de prédire une bactériémie avec une grande pro- article est de donner au médecin non formé en infec- babilité font défaut. Ainsi, considérées séparément, ni tiologie un aperçu des différents spectres bactériens la fièvre, ni la leucocytose, ni une CRP élevée n’in- des hémocultures positives chez l’adulte et de lui expli- diquent une hémoculture positive avec une valeur pré- quer les mesures à prendre par la suite. Cet article dictive suffisamment élevée [7, 8]. Même les médecins n’abordera pas le problème de l’utilité et de l’interpréta- expérimentés sont incapables d’évaluer avec fiabilité tion des hémocultures chez le nouveau-né et l’enfant. la survenue d’une bactériémie [9, 10]. Chez quels patients une mise en hémoculture est-elle Spectre de germes en cas d’hémoculture positive «bénéfique» (tab. 1)? Chez les patients immunodéprimés et les patients âgés, il convient de réaliser des hémocultures en cas de suspicion d’infection pertinente En Europe comme en Amérique du Nord, les staphy- (nécessitant une hospitalisation) ou de dégradation de locoques dorés (Staphylococcus aureus), les staphylo- l’état général d’étiologie inconnue, car ces groupes coques à coagulase négative (SCN), Escherichia coli et de patients présentent un risque élevé de bactériémies autres entérobactéries représentent les germes les plus et ne présentent pas toujours les signes cliniques clas- fréquemment isolés dans les hémocultures [2, 3]. Cela siques (fièvre, leucocytose, frissons, etc.) [11, 12]. En outre, recoupe les données de l’Hôpital universitaire de Bâle un prélèvement d’hémocultures doit obligatoirement de l’année 2013 (fig. 1). Le taux de bactériémies polymi- être réalisé avant toute prise d’antibiotiques chez les crobiennes peut représenter jusqu’à 10% de l’ensemble patients atteints de sepsis sévère ou de choc septique. des bactériémies pertinentes [4]. Le taux d’hémocultures positives est proportionnel à SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 ARTICLE DE REVUE 61 la gravité de l’état du patient (<14% chez les patients manière décisive la sensibilité des hémocultures. Pour ambulatoires avec fièvre contre >50% en cas de choc chaque millilitre de sang, la probabilité de découvrir septique [8]). Le seul signe clinique relativement fiable une bactériémie augmente de 2–3% [17, 18]. Deux hémo- d’une bactériémie est la présence de forts frissons (à cultures permettent généralement d’identifier avec différencier des légers tremblements) [13]. D’autres in- fiabilité jusqu’à 90% des bactériémies; ce taux est de dications indépendantes du degré de la maladie sont la plus de 95% avec trois hémocultures. Hormis la quan- suspicion d’une endocardite et l’évaluation d’une fièvre tité de sang, le type de germe en cause est décisif. Dans d’origine inconnue (FOI), les patients consommant des le cas d’une hémoculture (1 paire ou bien 1 × 2 flacons) drogues par voie intraveineuse, les patients avec un prélevée dans le cadre d’une étude, la probabilité de dé- cathéter veineux central (CVC) ou un corps étranger tecter un staphylocoque doré était déjà de 93% [2]; pour endovasculaire (par ex. pacemaker, valve cardiaque ar- trois hémocultures (3 paires ou 3 × 2 flacons), cette pro- tificielle, etc.), la suspicion d’une infection en rapport babilité était de 100%. En revanche, les Pseudomonas avec la maladie, une détérioration inexpliquée de l’état aeruginosa et Candida spp. ne peuvent être mises en général ou encore une augmentation inexpliquée des évidence dans une hémoculture que dans 60% des cas. paramètres inflammatoires. En outre, en présence d’un En contrepartie de la plus grande sensibilité obtenue par foyer infectieux cliniquement pertinent (nécessitant le prélèvement de plus de deux hémocultures, on re- une hospitalisation), des hémocultures devraient être trouve des coûts élevés, une limitation du confort/de la prélevées (par ex. en cas de suspicion d’arthrite septique, sécurité du patient ainsi qu’une spécificité plus faible de spondylodiscite, de cholangite ou de méningite bac- en raison d’un taux de contamination plus élevé. Dans térienne), en particulier si un traitement antibiotique la mesure où la sensibilité gagnée par le prélèvement par voie intraveineuse est prévu. d’une troisième culture est faible (5%), le prélèvement Pour tous les autres patients, la probabilité pré-test d’une de deux hémocultures est considéré comme optimal. hémoculture positive et ses conséquences doivent être Les suspicions d’endocardite, les infections par Candida prises en compte. La mise en évidence d’une fièvre spp. ou d’autres organismes plus difficiles à cultiver >38,3 °C ne doit en aucun cas entraîner le prélèvement ainsi que la FOI représentent des scénarios dans les- automatique d’hémocultures, car cela abaisse certaine- quels le prélèvement de trois hémocultures nous paraît ment encore le taux d’hémocultures positives déjà faible judicieux. En outre, chez les patients disposant de CVC, et engendre des dépenses inutiles. Par exemple, le taux des hémocultures devraient être prélevées à partir de d’hémocultures positives en cas de pneumonie acquise chaque cathéter en plus d’un prélèvement périphérique en ambulatoire chez des patients ne nécessitant pas de [19] (voir également la partie sur les infections des ca- prise en charge en soins intensifs est inférieur à 10% théters). Une période d’incubation prolongée de plus [14]. De plus, même une hémoculture positive n’a que de 5 jours n’est plus nécessaire que dans des cas excep- rarement une influence sur la prise en charge d’une tionnels. pneumonie, en tout cas dans les pays où les taux de ré- Contrairement au volume, le prélèvement séparé d’hé- sistance aux principaux agents pathogènes de la pneu- mocultures sur une certaine période ne joue pour la monie sont faibles [15]. Il en va de même pour l’érysipèle sensibilité qu’un rôle secondaire. On distingue d’ordi- non compliqué et la cellulite. Toutefois, des hémocul- naire les bactériémies transitoires, intermittentes et tures positives permettent généralement de procéder continues [20]. Les interventions chirurgicales avec lé- à une thérapie ciblée avec un spectre d’action souvent sion de la peau/des muqueuses et les tissus non stériles plus réduit ainsi que de localiser le foyer infectieux. (biopsies, incisions/drainages d’abcès mais aussi brossage des dents) entraînent des bactériémies de courte Combien d’hémocultures faut-il prélever? durée, tandis que les infections intravasculaires (endocardite, infection du cathéter ou de la greffe, plus rare- Une «hémoculture» est toujours composée de deux ment au début d’une infection par le typhus ou la flacons: le premier, aérobie; le second, anaérobie. Bien brucellose) entraînent généralement des bactériémies que l’incidence des bactériémies anaérobies ait baissé continues. Autrefois, on considérait les infections au au cours des dernières années, le prélèvement exclusif niveau des organes (pyélonéphrite, pneumonie) ou les de flacons d’hémoculture aérobie n’est pas conseillé. abcès non drainés comme le prototype d’une bactérié- Nous recommandons le prélèvement de deux flacons mie intermittente. Une question fait cependant débat: la d’hémoculture remplis de manière optimale avant le bactériémie est-elle vraiment intermittente dans ces cas début de l’antibiothérapie. Cette recommandation est ou bien s’agit-il en réalité d’une bactériémie continue basée sur les données d’une publication de 1996 [16] et avec alternance d’épisodes de grande densité des germes sur le fait que la quantité de sang cultivé influence de dans le sang et d’épisodes de bactériémie low-level [21]? SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 ARTICLE DE REVUE 62 Le fait que le volume sanguin ait une influence bien plus grande sur la sensibilité des hémocultures que le caractère séparé et décalé de leur prélèvement [22, 23] sug- Hémocultures positives – démarche à suivre après obtention de la coloration de Gram gère qu’il s’agit bien la plupart du temps de bactériémies pseudo-intermittentes. Coques Gram-positifs Habituellement, il est recommandé de réaliser un pré- La coloration de Gram permet de distinguer les coques lèvement de deux hémocultures à au moins 30 minutes Gram-positifs en amas des coques en chaînettes, ce qui d’intervalle (sites de prélèvement séparés). En cas de permet de les identifier et d’optimiser le traitement suspicion d’une endocardite chez des patients ayant antibiotique. reçu un traitement antibiotique préalable ou bien lors Les coques Gram-positifs en amas sont généralement de l’évaluation de FIO, il est recommandé de procéder à des staphylocoques. On distingue les staphylocoques un prélèvement sur 24 heures (par ex. en cas d’endo- dorés des SCN (S. epidermidis, S. lugdunensis, S. capitis, cardite subaiguë: une hémoculture lors de l’entrée, une etc.). Les coques Gram-positifs en chaînettes ou paires après 2 heures et une après 6 heures, et si cela se justifie (diplocoques) sont le plus souvent des streptocoques cliniquement, à nouveau après 12 heures) (tab. 2). Chez (par ex. S. pneumoniae) ou des entérocoques (E. faecalis les patients gravement malades (choc septique), nous ou E. faecium). recommandons un prélèvement simultané de deux En présence de coques Gram-positifs en amas, il est es- à trois hémocultures sans intervalle, afin que le début sentiel de différencier le staphylocoque doré des SCN. d’une antibiothérapie ne soit pas retardé par un prélè- En effet, en présence de staphylocoques dorés, une re- vement en série de deux hémocultures et que la sensi- cherche agressive du foyer (par ex. arthrite, endocardite, bilité de cette approche soit comparable [3, 21, 24, 25]. spondylodiscite, etc.) et le cas échéant son traitement En règle générale, la sensibilité des hémocultures baisse s’avèrent nécessaires. Parallèlement, le spectre du trai- considérablement après l’initiation d’un traitement an- tement empirique généralement vaste peut être resserré tibiotique [26, 27]. Toutefois, il est parfois judicieux de avec une pénicilline (flucloxacilline) ou une céphalospo- prélever des hémocultures, surtout si le patient est gra- rine (céfazoline) efficace contre le staphylocoque doré vement malade ou en cas de suspicion d’endocardite (streamlining); il se peut également qu’il soit nécessaire [28]. Néanmoins, si des hémocultures ont été prélevées de mettre en place un traitement MRSA (traitement avant le début du traitement, nous déconseillons de des staphylocoques dorés résistant à la méticilline; van- procéder à des prélèvements répétés dans les premières comycine ou daptomycine) en cas d’épidémiologie cor- 72 heures comme c’est souvent le cas en présence de respondante ou de facteurs de risque (tab. 3). En outre, fièvre, car le bénéfice est moindre et le traitement est la réalisation d’hémocultures de suivi [32] ainsi que la rarement influencé [29]. En sont exclues les infections consultation de l’avis des infectiologues sont recom- par staphylocoque doré et Candida spp. ainsi que les in- mandées [33]. A l’inverse, en cas de SCN, il s’agit le plus fections de cathéter sans retrait de celui-ci, pour les- souvent d’une contamination ou d’infections moins quelles il est décisif pour la suite de la prise en charge agressives (infections de cathéters, etc.). La mise en de documenter les hémocultures négatives après 48 à évidence de SCN chez les patients présentant un corps 72 heures [19, 30, 31]. étranger endovasculaire (en particulier valves cardiaques artificielles) et la mise en évidence de S. lugdunensis (germe du groupe des SCN ayant la même virulence Tableau 2: Directives pour le prélèvement d’hémocultures. – 2 × 2 flacons d’hémocultures à intervalle de 30 minutes avant le début d’un traitement antibiotique en cas d’indication correspondante (voir tab. 1), ou – 2–3 × 2 flacons d’hémocultures simultanées chez les patients gravement malades afin de ne pas retarder l’initiation d’un traitement antibiotique, ou que le staphylocoque doré) font office d’exceptions et devraient, jusqu’à preuve du contraire, être considérées comme pertinentes. Les coques Gram-positifs en chaînettes sont rarement dus à une contamination. Souvent, une infection pertinente se cache derrière, par ex. par S. pyogenes ou S. agalactiae, par des streptocoques du groupe anginosus ou – En présence de cathéter veineux central (CVC) ou de cathéter à chambre implantable, prélèvement simultané d’une hémo­ culture à partir du CVC et d’une hémoculture périphérique. bovis, d’autres espèces de streptocoques viridans (gé- – Remplissage optimal des flacons d’hémoculture (10 ml). mucite post-chimiothérapie), des entérocoques ou – Prélèvement aseptisé afin d’éviter les contaminations. – Indications pour >2 × 2 flacons d’hémocultures sur 24 heures à intervalle de >2 heures: endocardite, fièvre d’origine incon­ nue, patient avec traitement antibiotique préalable, agents pathogènes difficilement cultivables (Candida, Brucella, etc.). SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 néralement dans le cadre d’une endocardite ou d’une des peptostreptocoques anaérobies (Finegoldia magna). Tous ont en commun le fait qu’ils sont généralement sensibles à la pénicilline. Ainsi, en cas de tableau clinique compatible (par ex. érysipèle en cas de S. pyogenes, SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 Streptococcus pneumoniae Candida albicans Infections abdominales, Candida non­ albicans° infections du cathéter Saccharomyces cervisiae Fluconazole En cas de facteurs de risque (soins intensifs, traitement préa­ lable par azolés): échinocandine Type IV: ceftazidime, céfépim Type I: ciprofloxacine, le cas échéant méropénem Type IV: ceftriaxone ou céfépime Type I: ciprofloxacine, le cas échéant méropénem Type IV: ceftriaxone Type I: vancomycine ou moxifloxacine En fonction de l’identification et de la résistance: fluconazole ou échinocandine Type IV: ceftriaxone Type I: ciprofloxacine Vancomycine En fonction de la résistance, pénicilline ou ceftriaxone ou vancomycine Pénicilline ou ceftriaxone ou ciprofloxacine Type I ou IV: méropénem, TMP­SMX Ampicilline (± gentamicine ou TMP­SMX en cas de méningite) Amox./acide clav. ou pip./taz., Type IV: ceftriaxone + métronidazole car infections polymicrobiennes Type I: ciprofloxacine + métroni­ fréquentes dazole; le cas échéant méropénem Pip./taz. ou ceftazidime ou céfépim ou ciprofloxacine ou méropénem En fonction de la résistance et du foyer: ceftriaxone, amox./acide clav., ertapénem, ciprofloxacine, etc. Avis des infectiologues en cas d’endocardite Contaminations rares (streptocoques viridans) Infection polymicrobienne possible Répéter l’hémoculture si la contamination n’est pas exclue ou bien en cas de corps étranger intravasculaire Avis des infectiologues, recherche agressive du foyer et débridement chirurgical, échocardiogramme transthoracique, hémocultures de suivi Commentaire Avis des infectiologues Contaminations le plus souvent, surtout en cas d’hémocultures positives isolées Avis des infectiologues Patients à risque: femmes enceintes, personnes immunodéprimées Résistant aux céphalosporines Infections polymicrobiennes fréquentes Avis des infectiologues Recherche du foyer Avis des infectiologues Drainage de l’abcès, ablation du cathéter Type I ou IV: vancomycine, Avis des infectiologues (+ gentamicine en cas d’endocardite), Résistant aux céphalosporines daptomycine Type IV: céfazoline Type I: vancomycine Type IV: céfazoline (si sensible) Type I: vancomycine ou daptomycine Type IV: céfazoline Type I: vancomycine, daptomycine ou linézolide Alternatives en cas d’allergie à la pénicilline Les antibiotiques présentés dans le tableau sont des recommandations pour un traitement intraveineux. La posologie et la durée du traitement dépendent entre autres de la fonction rénale, de la fonction hépatique, et du foyer. Les dosages suivants peuvent servir d’indication en cas de fonction rénale normale (taux de filtration glomérulaire >60 ml/min): Pénicilline G 4 × 5 millions d’unités; amoxicilline 4 × 2 g (6 × 2 g en cas d’endocardite); flucloxacilline 4 × 2 g (6 × 2 g en cas d’endocardite); amox./acide clav. 3 × 2,2 g; pip./taz. 3 × 4,5 g; céfazoline 3 × 2 g; ceftriaxone 1 × 2 g (2 × 2 g en cas de méningite), ceftazidime 3 × 2 g; céfépim 3 × 1 g (3 × 2 g en présence de P. aeruginosa et d’infections sévères); ertapénem 1 × 1 g; méropénem 3 × 1 g (3 × 2 g en présence de P. aeruginosa et d’infections sévères); imipénem 4 × 500 mg; daptomycine 6 mg/kg PC (le cas échéant 8–10 mg/kg PC en cas d’infection potentiellement mortelle ou de mise en évidence de staphylocopque doré ou de E. faecium); vancomycine dosage standard 2 × 1 g, en cas d’infection sévère ou de MRSA, dose de charge de 25 mg/kg PC (max. 2,5 g), puis 2 × 15 mg/kg PC; linézolide 2 × 600 mg; ciprofloxacine 2–3 × 400 mg; moxifloxacine 1 × 400 mg; TMP­SMX: 2–3 × 5 mg/kg PC Composant du triméthoprime; métronidazole 3 × 500 mg; fluconazole 800 mg en dose de charge, puis 1 × 400 mg. * Infections associées à un corps étranger: endocardite sur valve artificielle, infections de cathéter et de cathéter à chambre implantable, infections de pacemaker, infection de prothèse ° Candida non­albicans: C. glabrata, C. paraspilosis, C. tropicalis, C. krusei Abréviations: Amox./acide clav. = amoxicilline/acide clavulanique; pip./taz. = pipéracilline/tazobactam; TMP­SMX = triméthoprime­sulfaméthoxazole; SCN = staphylocoques à coagulase négative; PC = poids corporel. Levures Ceftriaxone Amox./acide clav. en cas de suspicion d’infection Contamination vs infec­ tions associées à un corps étranger* Propionibacterium acnes, Coryne­ bacterium spp. Amox./acide clav. Pip./taz. ou céfépime Amox./acide clav. ou ceftriaxone; pip./taz. En cas de facteurs de risque de ESBL: ertapénem ou méropénem Gastro­entérite, méningite, Amox./acide clav. chorioamniotite Méningite, sepsis, arthrite Vancomycine; daptomycine; linézolide Amoxicilline (+ gentamicine en cas d’endocardite); amox./ acide clav. ou pip./taz. en cas d’infection polymicrobienne Pénicilline (± gentamicine en cas d’endocardite) Amox./acide clav. en cas d’infection polymicrobienne Si sensible, flucloxacilline, sinon vancomycine ou daptomycine Flucloxacilline; en cas de SARM vancomycine ou daptomycine Traitement ciblé Amox./acide clav. ou Pénicilline ceftriaxone ± vancomycine en cas de méningite Vancomycine ou daptomycine, car >90% résistants aux anti­ biotiques bêta­lactames Listeria monocytogenes Diplocoques Neisseria Gram­négatifs meningitidis Bâtonnets Gram­positifs Pneumonie, cathéter, mucosite, urosepsis Milieu ambulatoire: urosepsis, cholangite, diverticulite, entérite Milieu hospitalier: pneumonie, cathéter, péri­ tonite, infection des plaies Pneumonie, méningite, bactériémie primaire, etc. Anaérobies (groupe Infections abdominales des Bacteroides Syndrome de Lemierre fragilis, fusobactéries) Pseudomonas aeruginosa Enterobacte­ Bâtonnets Gram­négatifs riaceae Diplocoques Gram­positifs Cathéter, mucosite, péri­ tonite tertiaire Amox./acide clav. ou pip./taz. ou imipénem Endocardite, urosepsis, cholangite, bactériémie primaire Enterococcus faecalis Enterococcus faecium Amox./acide clav. Erysipèle/cellulite, endo­ cardite, cholangite, abcès (cérébral, intra­ abdominal) Amox./acide clav., le cas échéant vancomycine chez les patients en cours de traitement antibiotique Amox./acide clav. Traitement empirique Streptocoques Contamination vs infec­ tions associées à un corps étranger* SCN Coques Gram­positifs en chaînettes Endocardite, cathéter, pneumonie, arthrite, spondylodiscite, cellulite, etc. Staphylocoque doré Coques Gram­positifs en amas Foyer possible Germe possible Résultat Tableau 3: Démarche à suivre en cas d’hémoculture positive, en fonction des résultats de la coloration de Gram. ARTICLE DE REVUE 63 ARTICLE DE REVUE 64 endocardite en cas de streptocoques viridans, le cas teurs de risque d’agents pathogènes résistants tels que échéant en combinaison avec un aminoside indépen- P. aeruginosa ou encore des bactéries productrices de damment de la concentration minimale inhibitrice de ESBL (bêta-lactamases à spectre étendu) ou de carbapé- pénicilline), le passage d’un antibiotique à large spectre némases sont présents (tab. 3). à la pénicilline ou à la céphalosporine (par ex. cef- Une croissance dans les deux flacons ou une croissance triaxone) est possible, sauf si une infection polymicro- plus rapide dans le flacon anaérobie indique générale- bienne (par ex. cholangite, abcès hépatique, etc.) est sus- ment l’absence de bactériémie par P. aeruginosa (valeur pectée. Les entérocoques, pour lesquels un traitement prédictive négative de 97,2%) et d’autres bactéries non antibiotique spécifique est nécessaire, constituent une fermentantes, car celles-ci ne peuvent le plus souvent exception (tab. 3). (90% des cas) être cultivées que dans le flacon aérobie Le troisième sous-groupe des coques Gram-positifs est [35]. De même, les anaérobies strictement Gram-néga- constitué des diplocoques Gram-positifs identifiés dans tifs (par ex. Bacteroides fragilis) peuvent se distinguer la coloration de Gram, qui indiquent la présence de des entérobactéries anaérobies facultatives (comme S. pneumoniae. D’après notre expérience, la différencia- E. coli) dans le flacon anaérobie par leur croissance plus tion des entérocoques par coloration de Gram peut par- lente (time to positivity supérieur à 18 heures) [36]. En ce fois s’avérer difficile (mise en évidence de chaînettes et/ qui concerne les autres agents pathogènes résistants, il ou de diplocoques). Le diagnostic d’une infection inva- est impératif de tenir compte des facteurs de risque lors sive à pneumocoques peut cependant être posé avant du choix de l’antibiotique. Parmi ces facteurs, on compte l’identification microbiologique des hémocultures sur l’âge, les séjours dans une région où l’incidence des bac- la foi du tableau clinique compatible (pneumonie, mé- téries Gram-négatives résistantes est élevée (retours ningite) et de tests microbiologiques supplémentaires de voyage et rapatriements inclus), les infections noso- (analyse des expectorations, antigène du pneumocoque comiales, un précédent séjour à l’hôpital (y compris dans les urines). D’autre part, la situation en Suisse étant en unité de soins intensifs), une colonisation connue, propice aux résistances aux antibiotiques, l’antibio- de précédents traitements antibiotiques (répétés) et un thérapie à large spectre initiale devrait être restreinte séjour en établissement de soins de longue durée [37]. à la pénicilline, car la poursuite d’une antibiothérapie à En cas d’identification et de test de résistance, il est large spectre n’apporte aucun avantage [34] alors qu’elle nécessaire, au cas où la suspicion d’un agent pathogène augmente potentiellement le risque de développer des résistant ne s’est pas confirmée, de procéder à un résistances ou infections à clostridium (tab. 3). streamlining [38]. Cela comprend par exemple le passage d’un antibiotique bêta-lactame à large spectre (ceftazi- Bâtonnets Gram-négatifs dime, céfépime, pipéracilline/tazobactam, carbapénème) Après les coques Gram-positifs, les bâtonnets Gram-né- à une céphalosporine de 3e génération (ceftriaxone), gatifs occupent la seconde place des mises en évidence amoxicilline/acide clavulanique ou ciprofloxacine, et dans les hémocultures positives. Les principaux germes l’arrêt d’un traitement de combinaison avec par ex. un Gram-négatifs sont les suivants: aminoside. – Enterobacteriaceae (Escherichia coli, Klebsiella spp., parfois aussi Serratia marcescens, Proteus spp., Enterobacter spp. ou Morganella morganii) – Bactéries non fermentantes: Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter spp. – Rarement Haemophilus influenzae, Salmonella spp., Campylobacter spp. – Anaérobies tels que le groupe des Bacteroides fragilis ou fusobactéries. Infection ou contamination? Les contaminations ne sont pas rares et réduisent la spécificité des hémocultures. La littérature scientifique fait état de taux de contamination pouvant aller jusqu’à 50% de l’ensemble des hémocultures positives (correspondant à jusqu’à 8% de l’ensemble des hémocultures prélevées) [39]. Au sein de l’Hôpital universitaire de Ils causent une multitude d’infections (en ambulatoire: Bâle, une étude en cours a révélé que, sur un an, 20% surtout des infections urinaires, entérites, diverticulites de l’ensemble des hémocultures positives ont été éva- et cholangites; en milieu hospitalier: surtout des pneu- luées par l’équipe d’infectiologie comme contaminées. monies, infections de plaies, abcès intra-abdominaux Les conséquences d’hémocultures faussement posi- et infections de cathéters). tives ne doivent pas être sous-estimées. Elles sont Alors que la mise en évidence de coques Gram-positifs d’une part associées à des coûts supplémentaires qui permet généralement un streamlining, pour les bâton- ne sont pas engendrés par le seul laboratoire (env. nets Gram-négatifs il convient de déterminer si le trai- 150 CHF pour l’identification et le test de résistance), tement antibiotique choisi est suffisant et si des fac- mais surtout par la nécessité de réaliser d’autres exa- SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 ARTICLE DE REVUE 65 mens (nouvelles hémocultures, recherche de foyer, etc.), à un allongement du séjour hospitalier et des traite- – Corynebacterium spp. (à l’exception de Corynebacterium jeikeium) ments antibiotiques inutiles, et au remplacement des – Bacillus spp. (à l’exception de Bacillus anthracis) CVC (possible surcoût de plusieurs milliers de francs – Propionibacterium acnes suisses) [40, 41]. D’autre part, les hémocultures conta- – Micrococcus spp. minées provoquent l’incertitude des cliniciens, car il est à première vue nécessaire d’envisager une réelle Les germes suivants sont plus souvent associés à des bactériémie. Une évaluation rapide du résultat positif contaminations qu’à de réelles infections: est nécessaire car, en cas de bactériémie, la durée avant – Staphylocoques à coagulase négative l’administration d’un antibiotique adéquat est posi- – Clostridium perfringens tivement corrélée à la mortalité [42]. – Streptocoques viridans (à l’exception de l’endocardite). Comment éviter les contaminations? La source de contamination la plus fréquente est la Les contaminations sont le plus souvent dues à des SCN peau du patient sur le site de prélèvement [43], une dés- (70 à 80% des cas). Toutefois, ces derniers comptent infection cutanée inadaptée en étant la cause princi- également parmi les principaux agents pathogènes de pale [44]. En outre, le prélèvement via un cathéter déjà réelles bactériémies [4]; des directives d’interprétation en place entraîne un plus grand taux de contamina- sont donc nécessaires en cas de mise en évidence de tion. Les mesures suivantes sont associées à un taux de ceux-ci. Les arguments indiquant plutôt une contami- contamination plus faible: la désinfection cutanée nation sont la mise en évidence dans une seule hémo- rigoureuse à l’aide de solutions alcooliques (sans retou- culture [3, 53], la mise en évidence de différents SCN ou cher la veine APRÈS la désinfection) [45], l’utilisation de morphotypes avec différentes résistances [54] et une gants stériles [46], le recours à du personnel spéciale- croissance plus lente (time to positivity) [39, 52]. Pour ce ment formé aux prélèvements sanguins (ceux qu’on dernier point, il n’existe aucune valeur seuil générale appelle les «phlébotomistes») [47, 48], et le prélèvement en vigueur; toutefois, il convient d’envisager une conta- percutané des hémocultures [49, 50]. Comme mesure mination en cas de croissance de plus de 2 jours sans d’intervention à mettre en place, une surveillance traitement antibiotique préalable. En fin de compte, lors active et un rapport aux départements les plus touchés de l’évaluation d’une possible contamination, la présen- par les contaminations ont en outre fait leurs preuves tation clinique est décisive. Un foyer (par ex. pneumonie) [51]. associé à d’autres germes (typiques), l’absence de signes Malgré toutes ces mesures de précaution, il n’est pas pos- d’un sepsis [55], de faibles valeurs des paramètres sible de prévenir 100% des contaminations. Les règles inflammatoires [56] et l’absence de corps étranger in- suivantes, permettant l’identification d’une hémocul- travasculaire (CVC compris) indiquent plutôt une ture positive comme contamination avec une grande contamination. probabilité, sont donc utiles aux cliniciens. Le meilleur Les hémocultures positives prélevées à partir du ca- indicateur pour différencier une contamination d’une théter et contenant de potentiels agents pathogènes de bactériémie réelle est l’identité du germe [4, 52]. La mise contamination représentent certainement le plus grand en évidence des germes suivants est fréquemment asso- défi pour les cliniciens. En effet, celles-ci peuvent cor- ciée à une infection et ne devrait pas trop rapidement respondre à une contamination, mais également à une être considérée comme une contamination: colonisation du cathéter ou à une réelle bactériémie. – Staphylococcus aureus Ce «dilemme» ne peut être évité que par un prélève- – Streptococcus pneumoniae ment stérile ou bien le prélèvement simultané d’hémo- – Streptococcus pyogenes, Streptococcus agalactiae cultures par voie percutanée. – Listeria monocytogenes – Neisseria meningitis, Neisseria gonorrhoeae – Haemophilus influenzae – Escherichia coli et autres Enterobacteriaceae – Pseudomonas aeruginosa Hémocultures positives en présence de cathéters veineux en place En présence de CVC, nous recommandons le prélève- – Groupe des Bacteroides fragilis ment simultané d’une hémoculture à partir du cathéter – Candida spp. et le prélèvement percutané d’une seconde hémocul- A l’inverse, en cas de mise en évidence des germes les contaminations ou les colonisations de cathéter suivants, il s’agit généralement d’une contamination: peuvent être clairement distinguées du sepsis par ture à partir d’un site périphérique. De cette manière, SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 ARTICLE DE REVUE 66 cathéter ainsi que d’autres bactériémies car les hémocultures périphériques sont uniquement positives en Tableau 4: Facteurs de risque de candidémie. cas de sepsis par cathéter/de bactériémie. Cela permet – Long séjour en soins intensifs (>10 jours) en outre de calculer le differential time to positivity (dTTP). – Cathéter veineux central Il s’agit là de la différence de vitesse de croissance entre – Alimentation parentérale l’hémoculture périphérique et l’hémoculture centrale – Antibiotiques à large spectre [57]. En raison de la charge bactérienne intraluminale plus élevée, un dTTP de plus de 2 heures (c.-à-d. une croissance plus rapide de l’hémoculture centrale) indique un sepsis par cathéter; une valeur inférieure à 2 heures in- – Chirurgie abdominale – Colonisation par Candida (par ex. sécrétion trachéale, urine, plaies) – Score APACHE II élevé dique plutôt une bactériémie indépendante du cathéter [58]. La pré-analytique est décisive pour un calcul fiable partir de la première hémoculture négative, d’autres du dTTP, en particulier le prélèvement et la mise en hémocultures sont nécessaires pendant le traitement. culture simultanés des hémocultures centrale et péri- La suite de la prise en charge dépend de la maladie phérique, le prélèvement du même volume de sang, et sous-jacente et de l’espèce de Candida. En conséquence, un étiquetage correct. En outre, le germe mis en en cas de candidémie, un recours à une consultation évidence peut donner des indications concernant la d’un infectiologue est recommandé. présence d’un sepsis par cathéter. Les bactéries Gram-positives (SCN > staphylocoque doré) sont la cause la plus fréquente des infections de cathéter. Des hémocultures positives plutôt rares avec bâtonnets Gram-positifs et coques Gram-négatifs Si, en cas d’hémoculture positive, un sepsis par cathé- La mise en évidence de diplocoques Gram-négatifs ter est probable, il convient dans un premier temps dans l’hémoculture requiert l’attention du clinicien, d’adapter le traitement antibiotique empirique. Dans car il s’agit rarement d’une contamination. En cas de un second temps, il est nécessaire de décider si le ca- tableau clinique compatible (sepsis, méningite, arthrite, théter doit être retiré ou non. Ceci est obligatoire en cas exanthème), cela doit plutôt orienter en première ligne de mise en évidence de staphylocoque doré, Candida vers une infection par N. meningitidis et entraîner un spp. et P. aeruginosa, en cas de complications septiques, traitement adapté par une céphalosporine de 3e géné- d’infections du tunnel ou du site de sortie, d’hémocul- ration (ceftriaxone) (tab. 2). Beaucoup plus rarement, il tures positives persistantes et de choc septique causé s’agit d’infections par Moraxella catarrhalis (pneumonie), par une infection du cathéter [19]. La pointe du cathéter Neisseria gonorrhoeae (infection disséminée), Kingella doit être cultivée après le retrait afin de confirmer le spp. (endocardite), Brucella spp. ou Veillonella spp. Il diagnostic (méthode de Maki [59]). convient en outre de prêter une attention particulière En cas d’indications d’une colonisation du cathéter au fait que certaines bactéries Gram-négatives telles (hémoculture centrale positive et hémoculture péri- que Acinetobacter spp. ou Haemophilus spp. peuvent phérique négative répétées), celui-ci doit être retiré et, parfois être confondues avec des coques Gram-négatifs en cas de mise en évidence de staphylocoque doré ou en raison de bâtonnets très courts. Candida spp., un traitement préemptif de 5 à 7 jours doit L’interprétation de bâtonnets Gram-positifs dans être réalisé et de nouvelles hémocultures prélevées [19]. l’hémoculture n’est pas triviale, car il peut s’agir, outre de contaminations (Propionibacterium acnes, Corynebacterium spp., Bacillus cereus, Rothia spp.), d’infections Candidémie potentiellement mortelles par Listeria, Clostridium ou Bacillus anthracis (rare). Dans cette situation, il est utile Le nombre de candidémies est croissant et celles-ci se de recourir aux directives mentionnées précédem- retrouvent principalement chez les patients à risque ment pour la différenciation entre une contamination (tab. 4). En présence de levures dans les hémocultures, et une infection, et d’avoir un regard critique vis-à-vis les directives de prise en charge préconisent l’ablation de la présentation clinique. Les facteurs de risque des du CVC (au cas où le patient en a un) et l’initiation d’un maladies à Listeria sont la grossesse, l’immunosuppres- traitement antifongique (tab. 3) [31, 60]. Un traitement sion et les néoplasies (surtout hématologiques), alors antifongique doit toujours être réalisé afin d’éviter les que les infections par Clostridium sont souvent précé- maladies secondaires d’origine hématogène telles que dées d’opérations ou de traumatismes. Les septicémies l’endophtalmie (risque de cécité!), l’endocardite et la causées par B. anthracis ont surtout été décrites chez spondylodiscite entre autres. Etant donné que le traite- les toxicomanes [61]. En outre, tous ces patients ont en ment antifongique est prolongé d’au moins 14 jours à commun qu’ils sont souvent gravement malades. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 ARTICLE DE REVUE Correspondance: 67 Perspectives encore nécessaires afin d’évaluer la sensibilité et surtout la spécificité des résultats positifs par rapport à l’hémo- Prof. U. Flückiger Zentrum für Innere Medizin Les nouvelles technologies promettent une révolution culture standard. Les premières études donnent néan- Schänisweg du diagnostic des bactériémies dans les prochaines an- moins un avant-goût des possibilités que ces nouvelles CH-5001 Aarau nées. Les méthodes biomoléculaires vont permettre une technologies offriront: une identification d’une candi- identification automatisée, rapide et fiable, ainsi qu’un démie dans les 5 heures suivant le prélèvement sanguin, test de résistance limité en quelques heures seulement contre plus de 5 jours avec les méthodes traditionnelles à partir du prélèvement sanguin. D’autres examens sont [62]. En raison des coûts élevés auxquels il faut s’attendre Hirslanden Klinik Aarau UrsulaMaria.Flueckiger[at] zim.ch avec ces technologies, une pose de l’indication plus précise et une prévention des contaminations sont incon- L’essentiel pour la pratique tournables. • Les hémocultures représentent un instrument diagnostique indispensable Noms des bactéries en cas d’infection invasive; elles permettent de déduire la localisation du foyer infectieux et ainsi d’initier un traitement antibiotique ciblé. • Chez les patients immunodéprimés, les patients avec corps étranger en­ dovasculaire et les patients consommant des drogues par voie intra­ veineuse, en cas de suspicion d’une infection pertinente, les hémocul­ tures devraient toujours être prélevées avant le début d’un traitement antibiotique. D’autres indications sont un sepsis sévère, une suspicion d’endocardite, une fièvre d’origine inconnue et une dégradation inexpli­ quée de l’état général chez les personnes âgées. • Le staphylocoque doré, E. coli et les staphylocoques à coagulase négative sont les germes les plus fréquemment isolés dans les hémocultures. • Un prélèvement de 2 × 2 flacons d’hémocultures espacées de 30 minutes avant le début d’un traitement antibiotique est généralement suffisant. Bacillus anthracis; Bacillus cereus; Bacteroides fragilis; Enterococcus faecalis; Entercoccus faecium; Escherichia coli; Haemophilus influenza; Moraxella catarrhalis; Morganella morganii; Neisseria gonorrhoeae; Neisseria meningitidis; Propionibacterium acnes; Pseudomonas aeruginosa; Staphylococcus aureus; Streptococcus pyogenes; Streptococcus agalactiae; Streptococcus pneumoniae; Serratia marcescens; Staphylococcus epidermidis; Staphylococcus capitis; Staphylococcus lugdunensis. Disclosure statement Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts financier ou personnel en rapport avec cet article. Photo de couverture Morganella morganii ssp. morganii. http://www.bacteriainphotos. com/morganella%20morgani.html. Wikimedia Commons. Références recommandées – A peu d’exceptions près (sepsis à staphylocoque doré, candidémie, endo­ cardite), un nouveau prélèvement au cours d’un traitement antibiotique n’est pas judicieux. • Afin d’éviter les contaminations, il est essentiel de veiller à un prélève­ ment stérile. En cas de contamination, ce sont les staphylocoques à coa­ gulase négative qui sont le plus souvent mis en évidence. • Une optimisation du traitement antibiotique est possible et judicieuse dès réception des résultats de la coloration de Gram. • En présence de cathéters veineux centraux, un prélèvement simultané d’hémocultures centrales et périphériques est nécessaire afin d’être en mesure de distinguer une infection de cathéter d’une colonisation ou d’une contamination. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59– 67 – – – Weinstein MP, Towns ML, Quartey SM, et al. The clinical significance of positive blood cultures in the 1990s: a prospective comprehensive evaluation of the microbiology, epidemiology, and outcome of bacteremia and fungemia in adults. Clin Infect Dis. Apr 1997;24(4):584–602. Coburn B, Morris AM, Tomlinson G, Detsky AS. Does this adult patient with suspected bacteremia require blood cultures? JAMA. Aug 1 2012;308(5):502–11. Hall KK, Lyman JA. 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