Le Curieux 6 - WordPress.com

publicité
Le Curieux
6
« Tout l’intéresse, tout le passionne, rien ne l’ennuie »
PSYCHOLOGIE
Vivre d’air
MATHS
Ensemble vide
RIEN
Éditorial
Vingt-huit pages sur Rien. Absurde me direz-vous, et bien je n’en suis pas si sûre. La notion de rien intéresse
tous les domaines, elle fait partie de ces abstractions qui ne peuvent être comprises que par l’être humain. Le
rien, le vide, l’absence, on ne les comprend qu’en opposition à l’objet, à la personne, à la présence.
D’ailleurs, le rien n’existe pas en physique. Il ne peut pas ne « rien avoir ». Prenez une oeuvre d’art. On pourrait se contenter de poser une toile devant les yeux d’un public et affirmer : ceci n’est rien et pourtant non. Un
carré blanc sur un fond blanc, c’est déjà quelque chose.
Il est plus facile de parler du vide, vide qui peut donner naissance à quelque chose, vide que le cerveau s’évertue à remplir. L’ensemble vide en mathématiques peut porter des fruits, le vide juridique n’est pas inquiétant
bien au contraire. Le vide est la marque de notre liberté, de notre Humanité. Admirez le vide, laissez l’optimisme vaincre parce que comme le disait Shimon Perez, «optimistes et pessimistes meurent de la même façon
mais ils vivent différemment».
Retrouver le vide, le rien, c’est aussi se concentrer sur l’essentiel, sans fioritures mais avec harmonie. N’est-ce
pas la quête des artistes minimalistes au fond ? Toutefois, prenez garde. Nous ne sommes pas des créatures de
pire esprit et ne rien faire comme ce fabuleux anti-héros Oblomov, c’est aussi renoncer à vivre. Ne rien manger, ne rien boire, ne rien consommer, c’est aussi renoncer à intégrer le monde, à y trouver notre place. Combien d’hommes et de femmes cessent de s’alimenter et tentent ainsi de disparaitre, de ne plus exister ? L’anorexie est une maladie terrible, douloureuse mais c’est tout aussi difficile de faire le choix de vivre malgré les
souffrances, de se battre pour s’affirmer et marquer la Terre de notre présence.
Quiconque a vécu sait qu’en un clin d’oeil on peut passer de la place du loser, du zéro à celle du héros et de
l’infini.
C’est pourquoi, je vous invite à dépasser le nihilisme. Dieu est mort. C’est un fait. C’est l’Homme qui importe
dans ce monde et jamais aucun Dieu, aucun animal, aucun tyran ne doit pousser l’Humanité à la destruction
car nous savons ce que c’est que de mourir, de ne plus exister. Nous avons conscience de ce que nous sommes, enfants de Dieu, citoyens du monde, êtres humains. Ne nous battons plus à coups de religion, d’idéologie mais rassemblons autour de ce qui fais que nous sommes des hommes et ainsi du vide, du rien, nous atteindrons tous, dans cette vie la plénitude pacifique que nous recherchons secrètement.
Anne-Sophie Cissey
Crédits et info légales
Le Curieux,
[email protected]
2
1
Sommaire
Livre : La Révolution transhumaniste
p.4
Art : Malévitch, carré blanc sur fond
p.5
Maths : Ensemble vide
p.7
Droit : Le vide juridique
p.9
Arts visuels : Less is more
p.11
Littérature : « Ne faisons rien, ... »
p.13
Tribune Libre
p.15
Psychologie : vivre d’air
p.17
Le Curieux des astres
p.19
Maths : du zéro à l’infini
p.20
Les Curieuses recommandations
p.22
Philosophie : Rien, vide, néant, éther
p.24
RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN
2
RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN
RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN
RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN
Livre
La Révolution transhumaniste de Luc Ferry expose toutes les
inquiétudes que nous pourrions avoir vis à vis de demain. Et
elles ne sont pas des moindres. Avec l’arrivée du numérique, les progrès se sont multipliés et se sont développés si
vite que nous n’avons pas eu le temps de les assimiler avant
que n’apparaisse une nouvelle avancée qui apportera elle
aussi son lot de menaces. L’inquiétude est légitime. Nous ne
savons pas quelles conséquences aura par exemple le transhumanisme. Le fait de pouvoir améliorer les capacités d’un
être humain, de transformer son génome de manière à ce
qu’il réponde à nos attentes… C’est forcément préoccupant.
Voilà pourquoi nous n’avons jamais autant eu besoin du
droit. Il faut absolument réguler ces nouvelles activités afin
de ne pas se plonger dans un libéralisme dévoyé. La liberté,
oui mais seulement si elle s’accompagne de responsabilité.
Nous voulons tous d’une voiture connectée que nous n’aurons plus besoin de conduire mais qui sera responsable en
cas d’accident ? Pourrons-nous boire autant d’alcool que
l’on souhaite avant de « prendre le volant » ?
En 1811, en Grande-Bretagne, les artisans et les directeurs
d’usines « modernes » s’affrontaient. En jeu ? Les deux
bords étaient en mesure d’offrir exactement le même service
: le travail du tissu mais à des conditions très différentes. Les
luddites ont donc commencé à saboter les machines avant
de trouver la route du Droit et d’accepter la concurrence
des usines.
Qui ne pense pas aujourd’hui que l’automatisation et la robotisation posent un vrai problème de société ? On connaît
tous les chiffres du chômage, on nous rabat les oreilles avec
une croissance qui n’est pas au rendez-vous en Occident…
On ne nous laisse aucun espoir et pourtant. Saviez-vous que
le numérique a créé 4 fois plus d’emplois qu’il n’en a supprimé ? Malgré le nombre d’emplois crée par les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), le CDI semble menacé. Il
ne s’éteindra probablement pas mais on devrait voir apparaitre à ses côtés de nouveaux contrats, pour une forme de travail plus souple, plus dynamique, laissant plus de libertés
tant au payeur qu’au travailleur. L’ubérisation et la multiplication des entreprises individuelles montre bien que la mutation est en marche et plutôt que de lui résister ne faut-il pas
l’encadrer ?
4
Le législateur a un énorme travail à faire. Il lui faut comprendre et accepter ce monde qui se dessine sans forcément se
sentir démuni. Il me semble évident, comme à Luc Ferry,
que cette réglementation ne peut pas se faire au seul niveau
national. En effet, si je pense que l’euthanasie n’est pas une
solution à la souffrance de fin de vie et que je souhaite l’interdire, mon citoyen ira dans le pays voisin qui l’y autorise.
Évidemment, on sait tous que les problématiques sont les
mêmes en matière de lutte contre la prostitution, contre le
traffic de stupéfiant…
La France est grande en Europe mais elle est toute petite
dans le monde. Nous devons donc à la fois repenser notre
place dans notre communauté mais au sein même de l’Humanité en général et définir dans les plus brefs délais dans
quel monde nous souhaitons vivre demain.
Edmond Tesquiou
d'autre qu'une émotion pure, dépourvue de
réflexion. "Quand la conscience aura perdu
l’habitude de voir dans un tableau la représentation de coins de nature, de madones et
de vénus impudentes, nous verrons l’œuvre
purement picturale." écrit-il.
ART
Rien,
rien que l’émotion de la couleur,
Malévitch, carré
blanc sur fond
blanc
par Igor Vitry
Carré blanc sur fond blanc, 1918, Kasimir
Malevitch. Huile sur toile, 79,4 cm x 79,4
cm. Visible au Museum of Modern Art,
New-York.
Bien sûr, Malevitch rejette les références au
réel, ce qu’on appelle en art la figure, tout
comme le mouvement de l’abstraction alors
en pleine éclosion s’oppose avec énergie à
la tradition de la figuration. Mais il veut aller
encore plus loin, être plus radical, repousser
les limites de l’abstraction, se débarrasser
des formes et des lignes, ne conserver de la
matière, inévitable, que l’idée de la couleur
pure. La conséquence logique de son raisonnement est le monochrome. Malevitch choisit une même couleur, mais de deux marques différentes, l’une russe et l’autre française, ce qui donne une légère nuance bleutée d’écart entre le carré et son fond.
Peindre un carré blanc sur un fond blanc,
cela semble terriblement simple et basique.
Alors pourquoi les peintres ne l’ont-ils pas
fait plus tôt ? Pourquoi d’ailleurs n’ont-ils
pas commencé par là ? Pourquoi l'Histoire
de l'art a-t-elle évolué pendant des siècles
en explorant quantité de pistes différentes,
quantité de styles, du classicisme au réalisme, du baroque au symbolisme, du cubisme à l’abstraction, chaque génération
d’artistes s’efforçant de remettre en question
les acquis de la précédente, sans qu’avant
1918, personne ne présente aux spectateurs
une telle œuvre ? Pourquoi 1918 ? Pourquoi
un artiste russe ? Pourquoi la conserver précieusement dans un musée prestigieux ?
Que nous dit-elle de si important, et même
pour certains spectateurs de si scandaleux,
cette œuvre si élémentaire que chacun d’entre nous pourrait la reproduire à la perfection ?
On ne peut s’empêcher de se poser mille
questions. Pourtant, pour Malevitch, l'observation de ses tableaux ne doit susciter rien
5
Il veut être révolutionnaire. L’art doit s’affranchir
de tout. Ce degré 0 de la peinture qu’il atteint ainsi est la base de la nouvelle peinture qu’il veut
créer. L’idée n’a rien de surprenant quand on
pense au contexte historique de son travail. On
est en 1918, en Russie. Quelques mois plus tôt, la
Révolution bolchévique a dit ouvrir la voie à une
nouvelle société, dans laquelle l'Homme se libérera du matériel pour aller vers le spirituel. Il y a un
profond besoin de purification et de renouveau.
On assiste à un foisonnement inédit de courants
artistiques anticonformistes, l’Avant-garde russe.
Depuis la fin des années 1850, la société russe et
l’intelligentsia ont été sensibles au courant nihiliste. Selon le grand romancier Tourgueniev dont
le roman « Pères et Fils » eut un succès considérable, « Un nihiliste, c'est un homme qui ne s'incline devant aucune autorité, qui ne fait d'aucun
principe un article de foi, quel que soit le respect
dont ce principe est auréolé. » Malevitch adapte
cette philosophie à l’art.
De plus, le blanc représente pour lui la pureté et
l’infini. En peignant le premier monochrome de
l’Histoire de l’art, Malevitch rejette le passé, il
s’en libère et il fait le vide et, libre, il peint l’infini.
La couleur pure devient icône, revendique-t-il,
figure religieuse paradoxalement privée de figure.
Dans cette œuvre éthérée, cosmique, l’artiste
donne aussi à voir une part de son mysticisme.
Cette quête de la pureté picturale s'inscrit dans le
mouvement qu’il crée et théorise : le suprématisme. Cette recherche d’une peinture qui ne soit
que pure sensation sera poursuivie par Alexander
Rodchenko, Ellsworth Kelly, Robert Rauschenberg,
Mark Rothko, Yves Klein, et jusqu’à nos jours par
le plasticien Anish Kapoor et bien d'autres à
travers des techniques très variées, que ce soit du
monochrome sur toile, ou bien du pigment pur
posé au sol.
6
Le Saviez-vous
Rien vient du latin «res, rei» qui signifie... tout le
contraire de rien, puisqu’il désigne une possession, une chose. C’est un cas d’évidement sémantique. Vous en connaissez un autre, par ailleurs :
«personne».
MATHS
Ensemble vide
par Jacques
Tanchowicz
La théorie des ensembles est aux fondements des mathématiques. C’est Georg
Cantor (1845 - 1918) qui jeta les premières
bases de cette théorie dans la seconde moitié du XIXe siècle, mais elle fut plus rigoureusement axiomatisée par Ernst Zermelo
(1871 - 1953), puis par Abraham Adolf
Fraenkel (1891 - 1965) au début du XXe
siècle, dans ce que l’on appelle communément la théorie ZF ou Zermelo-Fraenkel à
laquelle on ajoute parfois l’axiome du
choix (théorie ZFC).
Tout le monde a une notion intuitive de ce
qu’est un ensemble : c’est une “espèce de
sac” contenant des objets que l’on appelle
éléments. On peut dire en première approximation que c’est une collection d’objets et on peut, dans des cas simples, les
représenter sous forme de patatoïdes (ce
que l’on appelle des diagrammes de (John)
Venn (1834 - 1923)).
Il existe de nombreux ensembles, mais il
n’en existe qu’un seul qui ne contienne aucun élément : c’est le fameux ensemble
vide. On représente couramment les ensembles entre accolades, par exemple
l’ensemble des chiffres est {0, 1, 2, 3, 4, 5,
6, 7, 8, 9}. Très logiquement, l’ensemble
vide est la coquille vide { } mais on le représente habituellement par la lettre norvégienne ∅ ; notation due à André Weil
(1906 - 1998), membre fondateur du
groupe Bourbaki
Vous me direz : la belle affaire !… un ensemble qui ne contient rien. Mais je vais
vous montrer pas plus tard que maintenant
qu’avec cet ensemble vide, on peut recréer
les nombres entiers ! C’est une construction que l’on doit / qui est due à John von
Neumann (1903 - 1957).
Avant toute chose, je vous donne quelques
petits rappels ensemblistes afin de ne pas
vous perdre.
Considérons les ensembles suivants : A={1,
2, 3, 4} et B={3, 4, 5, 6, 7}.
• Le nombre d’éléments d’un ensemble est
appelé cardinal.
Par exemple, card(A) = |A| = 4 et card(B) =
|B| = 5. Et on a aussi card(∅) = 0.
• L’ordre dans lequel on énumère les éléments n’a pas d’importance : (A={3, 2, 4,
1}).
7
• Si on répète un élément dans un ensemble, il n’est en
réalité compté qu’une fois (A={3, 2, 4, 2, 2, 3, 1, 4}={1, 2,
3, 4}).
• 1∈A et 1∉B (1 est un élément de A mais 1 n’appartient
pas à B).
• {1}⊂A et {1}⊄B (l’ensemble {1} est inclus dans A mais
n’est pas inclus dans B). Il faut remarquer que l’ensemble
vide est inclus dans tout ensemble (∅⊂A et ∅⊂B).
• A∩B = {3, 4} (l’intersection de A et B est l’ensemble {3, 4}
; c’est le plus grand ensemble contenu à la fois dans A et
dans B). Remarquons que si A et B n’avaient aucun élément en commun, on aurait A∩B=∅. Et on a en outre
A∩∅=B∩∅=∅.
• A∪B = {1, 2, 3, 4, 5, 6, 7} (ici on a A union B ; c’est le
plus petit ensemble contenant A et B). Remarquons ici que
A∪∅=A.
• Pour tout ensemble, on peut considérer l’ensemble des
parties de cet ensemble. Par exemple, P(A) = {∅, {1}, {2},
{3}, {4}, {1, 2}, {1, 3}, {1, 4}, {2, 3}, {2, 4}, {3, 4}, {1, 2, 3},
{1, 2, 4}, {1, 3, 4}, {2, 3, 4}, {1, 2, 3, 4}}. C’est un ensemble
d’ensembles : les éléments de cet ensemble sont des ensembles. Vous remarquerez / observerez que A et
l’ensemble vide en font partie (∅∈P(A) et A∈P(A)). Et vous
noterez également que card(P(A)) = 16 = 24. D’une manière générale, si E est un ensemble de cardinal n alors
card(P(E)) = 2n (et c’est même généralisable si E est un ensemble infini mais cela nous entraînerait trop loin).
Revenons maintenant à nos moutons.
Étant donné que l’ensemble vide ne contient aucun élément, on peut presque naturellement poser « 0 = ∅ » (c’est
une simple notation).
Considérons maintenant l’ensemble {∅} : c’est un ensemble qui contient l’ensemble vide et on le note « 1 = {∅} »,
ce qui ne devrait pas choquer non plus étant donné que
cet ensemble contient un élément.
Arriverez-vous à deviner quel est l’ensemble que l’on notera 2 ? Si vous avez pensé à 2 = {∅, {∅}}, bravo, c’est la
bonne réponse. Notez également que 2 = 1∪{1} = {∅} ∪
{{∅}} = {∅, {∅}} = {0, 1}, tout se recoupe…
8
En appliquant ce principe, on trouve :
3 = 2∪{2} ={∅, {∅}} ∪ {{∅, {∅}}} = {∅, {∅}, {∅, {∅}}} = {0, 1,
2}
4 = 3∪{3} = {∅, {∅}, {∅, {∅}}, {∅, {∅}, {∅, {∅}}}}, et ainsi de
suite… On recrée les nombres entiers avec uniquement
l’ensemble vide comme matériau de base ! Mais il y a
mieux encore… vous pouvez remarquer que 0∈4, 1∈4,
2∈4 et 3∈4. Ainsi, la relation d’appartenance des ensembles ∈ est exactement la relation d’ordre des entiers < (a∈b
si et seulement si a<b).
Hypnose
DROIT
Le vide juridique
par Yvonne
Riechthofen
Je vais tacher de vous parler du Rien en
Droit (Non, je ne vous dirai pas ce que j’ai
fait pour écoper d’un tel sujet). A priori ce
n’est pas très vendeur, et si j’ajoute à cela
l’expression « vide juridique », je perds la
moitié de mes lecteurs. Cependant, puisque vous êtes des gens de qualité, je tenterai de préciser la notion en l’étudiant sous
deux angles différents : les cas où le juge
refuse de juger, pour une raison ou une
autre et les hypothèses dans lesquelles, il
n’y a tout simplement pas de loi. Vous me
suivez ?
Le déni de justice
Dès 1804, le législateur écrivait : « Le juge
qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de
la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » (Code civil, article
4). On voit bien qu’en matière civile, (vous
savez, c’est tout ce qui concerne la famille,
le mariage, les contrats, …), le juge doit se
débrouiller pour trouver un texte qui lui
permette de résoudre le conflit. Là où le
sujet est plus sensible, c’est en matière pénale (ce qui régit les infractions, délits et
crimes) : le pauvre homme qui est incarcéré en maison d’arrêt pendant 10 ans en attendant son procès, on comprend qu’il ne
soit pas très satisfait de la Justice. Ainsi, un
juge d’instruction qui s’éterniserait à traiter
un dossier, pourrait être accusé de déni de
justice. C’est très bien tout ça, me direzvous, mais techniquement que risque un
juge tombant sous le coup d’une telle accusation ? Pas grand chose : lorsque l’on surprend un magistrat en faute, c’est l’État qui
est attaqué. L’État peut ensuite se retourner
contre le magistrat. Dans cette hypothèse,
l’article 434-7 du Code pénal dispose « Le
fait par un magistrat (…) de dénier de rendre la justice après en avoir été requis, et
de persévérer dans son déni après avertissement ou injonction de ses supérieurs est
puni de 7 500 € d'amende et de l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques
pour une durée de cinq à vingt ans. » Ça
9
juge en élargissant l’application d’un principe qui répondront aux nouvelles problématiques.
ne rigole pas. Il faut dire que pour un juge, refuser de rendre la justice, c’est exactement la même chose que refuser
de soigner un patient pour un médecin. Certains diront
« mais il n’y a pas de vie en jeu », et pourtant, vous imaginez-vous à quel point il peut être pesant d’être associé à
des crimes pédophiles notamment alors que l’on n’a strictement rien fait ? Et puis, imaginez un divorce qui s’étendrait
sur une décennie de conflits avant de trouver une résolution… Du temps perdu, des vies détruites, les magistrats en
ont conscience et font tout leur possible pour nous assurer
un service fiable et rapide.
L’absence de loi
Mais que se passe-t’il quand il n’y a pas de loi ? C’est inimaginable en France a priori. En effet, grâce à la magnifique
pyramide des normes de Hans Kelsen (un demi-dieu pour
les juristes), il y a des chances pour que le cas étudié par le
juge tombe sous le coup d’un droit fondamental, d’un principe général, d’une loi, d’une ordonnance, d’un règlement,
d’un arrêté, d’une convention, d’une coutume ou d’une jurisprudence. Vous voyez, si votre cas n’est pas couvert par
une de ces normes, c’est que soit vous le faites exprès ou
alors vous n’avez vraiment pas de chance. Quoique, c’est
de moins en moins vrai : l’arrivée du numérique notamment et de tous les progrès technologiques entraine un besoin de loi croissant. Qui est responsable par exemple en
cas d’accident avec une voiture auto-pilotée ? Le gouvernement américain a-t’il le droit de surveiller les comptes Facebook des touristes européens passant sur son territoire ?
C’est le législateur en créant une nouvelle norme ou bien le
10
Si j’évoque Hans Kelsen, je ne peux pas omettre Jean Carbonnier, un autre héros mythique pour les juristes. En droit,
on s’inquiète beaucoup quand on voit un législateur hyperactif qui souhaite couvrir tous les domaines, tous les sujets,
toutes les interactions humaines. On se rapprocherait dès
lors assez rapidement d’un droit totalitaire, ce qui me parait
assez inquiétant. L’article 5 de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose que « La Loi n'a le
droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. »
Ce que nous protégeons par dessus tout dans notre société
depuis des siècles, c’est bien la liberté individuelle. Dans
cette hypothèse, J. Carbonnier envisage l’existence d’un
« non-droit ». Il s’agit des moments de la vie de l’individu
où la pression est moins forte. Avec la progression du droit
anglo-saxon qui est présent partout, tout le temps, cette
théorie tombe un peu à l’eau. Tout est réglementé et même
sur-réglementé : de ce que vous fumez, à vos relations
sexuelles (toutes les pratiques du BDSM ne sont pas légales), en passant par les sites que vous visitez sur Internet et
de ce que vous y faites.
Le juge trouvera donc une solution à n’importe quel problème comme il l’a fait sur la censure du dessin animé Sausage Party représentant des aliments qui s’adonnent à des
rapports sexuels : « Considérant cependant que, d’une part,
si une séquence, furtive, mime des relations sexuelles entre
une boîte de gruau et une boîte de crackers, elle ne paraît
pas, en l’état de l’instruction, figurer un viol à caractère raciste ; que l’aspiration par une poire à lavement du contenu
d’une brique de jus de fruit ne peut être interprétée comme
évoquant une agression à caractère sexuel que par des spectateurs en capacité de se distancier par rapport à ce qui leur
est donné à voir » (TA Paris, 14 décembre 2016)
«Le droit n’est pas cet absolu
dont souvent nous rêvons.»
Le doyen Carbonnier
ARTS
VISUELS
Pendant des siècles, la décoration, l’architecture et la peinture favorisèrent l’accumu-
Less is more
par
Célia Guimont
lation des détails et des ornements.
Souvent liés au pouvoir, les Arts faisaient
l’éloge d’entités ou de personnages influents (Monarques, figures religieuses, familles de haut rang…etc.). Il s’agissait de
montrer sa position par des espaces richement aménagés, garnis d’objets ouvragés,
derrière des façades dont la décoration
somptuaire reflétait le luxe et la profusion
intérieurs. Les portraits flattaient, la décoration mettait en avant la rareté et le prestige.
La civilisation égyptienne et son incroyable
sens du détail précieux, l’Antiquité romaine
et ses superbes parements de mosaïque, le
Moyen-Age et son art des tentures, ou le baroque français ou italien ont ce point commun : l’opulence y est reine, rien n’y est
jamais trop chargé. Le « Plus » est le mieux.
Au XIXème siècle, avec l’avènement de
l’ère industrielle, les Arts commencent à
prendre des directions différentes, exploitant les nouveaux processus de production.
En Architecture, l’ossature métallique permet la fabrication des structures directement en usine, et des temps de construction
record. Les façades se vitrent, les grandes
galeries aérées deviennent à la mode,
comme dans les bâtiments du Crystal Palace en Angleterre. Mais ce n’est pas encore
une vraie recherche de simplicité: les ornements sont toujours là, et il n’est pas rare de
voir des bâtiments où l’acier est prépondérant somptueusement habillés de pierre, tels
le fameux Grand Palais de Paris.
De même, la peinture et l’illustration, influencées par le progrès du siècle, commencent à se répartir en une multitude de courants, ouvrant l’une des périodes les plus
florissantes de l’histoire de l’Art. Les sujets
varient, dépassant désormais l’officiel et le
religieux : l’homme, la machine, le mouvement, le monde. Avec l’arrivée de la photographie, les peintres sont déchargés de leur
rôle de « montreurs de réalité », et offrent
une approche de plus en plus subjective.
Romantiques, impressionnistes, expressionnistes s’affranchissent de la stricte représentation pour donner à leurs oeuvres ce supplément d’âme et de matière, qui - à l’époque décrié - emporte aujourd’hui l’adhésion.
11
Dans le domaine du design mobilier, de jeunes créateurs
proposent, dès la fin du XIXème siècle, des lignes étonnamment modernes : l’« école de Glasgow » notamment, dont
le représentant le plus célèbre est Charles Rennie Mackintosh, avec ses chaises épurées, avant-gardistes, qui restent
une référence encore de nos jours.
Celle-ci sera suivie dans d’autres champs : l’abstraction fait
son apparition en peinture, avec la recherche de formes géométriques simples, universelles, et l’utilisation des couleurs
primaires. Le mouvement De Stijl, construit autour de la revue éponyme, poursuit dans cette voie. Mené par l’architecte néerlandais Théo Van Doesburg, il applique ce principe à toutes les formes d’Arts visuels – notamment épaulé
du peintre Piet Mondrian et du designer et architecte Gerrit
R i e t v e l d .
Quelques années après eux,
et dans leur héritage direct, le
Bauhaus, une des plus importantes écoles de design du
XXème siècle, créera véritablement la modernité telle
que nous la reconnaissons
maintenant. Recherche de
simplicité des formes et
couleurs, concentration sur la
fonction : l’objet est avant
tout défini par son usage. Il
n’est plus question d’ornement ou de représentation sociale, mais d’expression pure, ne gardant que les éléments
fonctionnels : l’assise et le dossier, par exemple, pour une
chaise.
Parallèlement, l’architecture suit le même chemin. Le style
international, dont le fer de lance est le célèbre Le Corbusier, utilise les propriétés structurelles du béton pour dégager les espaces et, avec le système poteau-poutre, agrandir
les pièces, affinant les murs et les dépouillant de leurs moulures et autres pilastres.
L’architecte Mies Van der Rohe donnera la formule : « Less
is more ». L’essentiel devient l’idéal. L’espace libéré, presque vide, est lumineux, propice au mouvement. Les célèbres Farnsworth House, de Mies Van der Rohe, et la villa
Savoye, du Corbusier déploient des espaces aérés où le soleil pénètre à flots, et où l’extérieur se mêle à l’intérieur.
12
Dans les années 1960, le courant minimaliste ou « Art minimal » viendra appuyer toutes les tendances ouvertes par
l’abstraction (le « Carré blanc sur fond blanc » de Casimir
Malevitch ayant créé la révolution en 1918). Des artistes
comme Donald Judd utilisent des matériaux bruts – pierre,
bois – pour créer des formes abstraites et simples, qu’ils disposent souvent dans un cadre naturel.
Aujourd’hui, le minimalisme est sans doute à trouver sous
d’autres formes. Si l’Architecture est sortie du rigide style
international – une de ses plus grandes erreurs ayant été de
créer des cités dortoirs anonymes souvent devenues des
ghettos – et que notre design est plus chatoyant, il semble
a v o i r p r i s d ’ a u t r e s f o r m e s .
Ce sont plutôt des modes de vie, des modes d’habiter ou de
consommer visant au minimal : acheter moins, recycler
au maximum, fabriquer soimême, etc. Certains entreprennent de construire leur propre
maison, avec des procédés
simples, comme la yourte ou
la maison à ossature bois doublée de paille ou de chanvre.
Des établissements hôteliers
proposent maintenant des séjours en cabane perchée dans
les arbres, ou même une
chambre sans toit ni murs…
En parallèle, les transformations de containers et de
vieux wagons en logements se développent.
Le visuel n’est d’ailleurs pas le seul domaine de cette quête
de l’essentiel : le succès de la méditation, du qi-gong, du
feng shui en architecture intérieure, sont autant de marqueurs de la préoccupation des grandes sociétés industrielles pour ce retour à la sérénité acquise par le minimal.
On vend aujourd’hui des casques audio « bruit zéro », et
l’on commence à s’intéresser aux « chambres sourdes », ces
pièces aux décibels réduits, au-delà du cadre purement
scientifique.
Le minimalisme semble non seulement ne pas avoir disparu, mais avoir dépassé les objets eux-mêmes, pour rentrer
dans l’esprit de notre temps. Est-ce là l’apogée de son
développement, ou au contraire, seulement ses prémices ?
La réponse dans quelques décennies, certainement.
LITTÉRATURE
«Ne faisons rien,
c’est plus prudent»
par Célia Guimont
Rester au lit toute la journée, ne caresser aucun but, éviter ses semblables : voici le fait
d'Oblomov, héros créé par Ivan Gontcharov
en 1859 pour le roman éponyme, et devenu
un emblème de la littérature russe.
Ilya Ilyich Oblomov, gentilhomme aisé, s'annonce dans l'ouvrage avec un manque
d'énergie flagrant : allongé, en robe de
chambre, il subit le défilé de ses amis, venus
l'enjoindre à se mêler à la vie mondaine, à
trouver femme, et améliorer sa position.
A toutes ces requêtes, Oblomov répond par
la négative, sous l'oeil moqueur de son domestique aigri et voleur, Zakhar.
Répondre à une invitation ? Il n'en voit pas
l'intérêt. Visiter ses terres et veiller à ses affaires ? Cette pensée l'emplit d'angoisse. Chercher une épouse ? Voilà bien un domaine
qu'il évite, car les affaires amoureuses sont,
selon lui, le lieu de tous les soucis.
Pourtant, malgré ses efforts pour l'éviter, la
vie se rappellera à Oblomov. Peu à peu, il
sera entraîné dans un tourbillon d'événements auxquels son laisser-aller n'opposera
aucune résistance : les tourments d'une passion amoureuse avortée, une situation finan-
cière en plein effritement, et, progressivement, dans son esprit, la perte de la clairvoyance et du sens.
Est-ce là une mélancolie ? Le roman appelle
ce mal familial « L'Oblomovtchina » : un
désir chronique de ne rien faire, une douce
volupté de se laisser porter par la paresse,
dans une torpeur tenant éloigné du désir et
de la volonté.
Aujourd'hui, on parle d'Oblomovisme pour
cette non-existence ; si le vouloir construit
l'Homme, Oblomov est sans doute un soushomme. A moins que ce ne soit l'inverse ?...
L'opposé d'Oblomov s'appelle Andrey
Stoltz : vif, intelligent, ambitieux, il additionne les réussites là où son ami collectionne les échecs - ou plutôt, les essais avortés.
Pourtant, malgré toutes ses qualités, le lecteur ne peut s'empêcher, par moments, de le
trouver banal à côté d'Oblomov, ce personnage en creux, si éloigné de ce qui donne
teneur à la vie : le désir qui meut, fait réaliser des prodiges, quêter toujours davantage.
13
Pascal écrivait : « Tout le malheur des hommes vient d’une
seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos
dans une chambre. »
Mais il se contente de rêver, d'aligner des idées qu'il ne souhaite pas vraiment voir se réaliser – la vie est plus tendre
lorsqu'elle reste abstraite.
Oblomov semble le savoir - et même, ne savoir que cela. Et
pourtant, si l'on en croit le roman, de là viendra son malheur. Pourquoi ? Parce qu'une telle destinée est inconcevable dans le monde des hommes ? Parce qu'elle est une condamnation à la solitude, en même temps qu'à la dépendance des autres ?
Si l'on parlait d'Oblomovisme aujourd'hui, on regarderait
sans doute du côté de la question de la place du travail
comme vecteur d'épanouissement. Cela mérite des débats
approfondis, cependant un fait semble certain : Oblomov
est une déclinaison de la condition humaine, marginale,
anormale, mais suffisamment éloquente pour qu'on puisse
se demander si un Oblomov ne sommeille pas en chacun
de nous...
Une autre héroïne de la littérature, plus récente et occidentale, a fait le même choix : Lucile, le personnage de La Chamade de Françoise Sagan, femme entretenue qui passe ses
journées à lire – laissant son amant dans l'incompréhension. L'étonnement du jeune homme laisse cependant peu
à peu place à la question : ce mode de vie est-il une lâcheté ou, au contraire, la plus haute expression de la liberté
humaine ?
(*) Deleuze n'avait-il donc jamais eu de chats ? La question
reste entière (digression de l'auteur).
Oblomov introduit cette même intéressante ambiguïté : on
y retrouve l'implacable logique de la morale sociale, qui
demande à chaque citoyen d'être utile, et précipite Oblomov dans la déchéance – après tout, la paresse n'est-elle
pas un des sept pêchés capitaux ? - et, plus subtile et mutine, la subversion, qui nous montre un Oblomov attendrissant, inadapté au monde mais finalement très humain, trop
humain.
Car si l'on y réfléchit, quel autre être que l'Homme peut se
donner une destinée aussi absurde et parasitaire que de ne
rien faire ? Le règne animal entier est en éveil pour survivre, chasser, se reproduire - les proies aux aguets, les prédateurs en traque. L'animal est, par nature, intranquille, disait
Deleuze.(*)
La destinée d'Oblomov pourrait être, au fond, celle d'un
Homme immortel, ayant échappé à sa condition : vivant
dans un temps infini, déchargé des nécessités vitales, il ne
subit plus l'urgence liée à sa finitude. Quelle serait la libido
d'un tel Homme ? Dans une Russie coutumière de l'autoritarisme ou de la bureaucratie aliénante, pas étonnant
qu'une telle destinée ait fait rêver.
Oblomov est la révolte face à l'autorité : celle de l'ordre
social – voici un propriétaire terrien qui à aucun moment
n'assume le rôle lié à son rang – mais surtout celle de l'ordre naturel. Oblomov devrait avoir le goût, comme tout
Homme, de l'action, de la conquête territoriale et sexuelle.
14
« Le blanc sonne comme un silence, un rien avant tout commencement. »
Kandinsky
TRIBUNE
LIBRE
par Mr FeeX
Des innombrables aspérités plus ou moins
hallucinées de la conscience, il n’en est
qu’une qui fait trembler l’âme et raisonner
l’intelligence … Mais laquelle ? Vers quoi l’insondable opacité de nos querelles intérieures, vociférantes, nous mène-t-elle ? C’est
une réalité viscérale au sujet de laquelle le
trouble suscité a engendré la nécessité d’un
concept qui ne permet toutefois pas de la
comprendre. C’est un élément si prégnant à
notre nature que cet inconnu est perçu de
tous sans que personne ne sache ce que
c’est. Aucune convention, aucun modèle, aucun génie n’aura permis d’apaiser notre soif
d’illusion de contrôle, en posant une marque
à son sujet. Il est cette indescriptible, incontestable mais jamais touchée, part de tout. La
prise de conscience même que cela puisse
exister est vertigineuse. Aucune piste pour y
aller, aucun dessin pour nous le montrer, aucun dictionnaire pour nous proposer autre
chose que la définition de son concept : c’est
le plus grand mystère de l’univers, mais en
même temps quelque chose dont on peut se
passer sans y penser. Avec, tout est impossible mais sans, tout disparaît ! (si ça vous rappelle une énigme du Père Fourras c’est que le
niveau baisse, d’avance, pardon …)
« Merci pour cette introduction ! » … « De
rien ! »
Savez vous ce que c’est que « rien » ? moi je
n’en sais rien ! Mais alors, rien du tout ! Mais
alors autant que tout ce que « rien » peut être
! Mais qu’est-ce ? personne ne sait ! Y en a
qui disent que « rien » c’est rien ! … Merci !
… d’autres disent que rien, c’est tout ! et puis
c’est tout ! décidément, merci ! Encore d’autres disent que « rien » c’est le vide ! Ok
mais le vide de quoi ? Qu’est le vide ? Si
« rien » est le vide, c’est que c’est quelque
chose puisque le vide existe bel et bien …
« ben c’est encore plus rien que du vide ! »
… décidément les participants sont en forme
aujourd’hui … Mais alors si le rien est encore
plus du rien que le vide, le rien serait-il l’absence de tout ? La négation du positif ?
15
Ben … bof … l’antimatière et la négation sont utilisés tous
les jours … du coup, pour de l’absence, c’est pas terrible.
« Tu nous embrouilles, Mr FeeX ! D’habitude tu lâches trois
conneries et deux jeux de mots et tout le monde est content
et peut retourner consulter le calendrier de l’avent « Nabilla » ! Et c’est pas rien ! » … Ouais, désolé ! Je m’égare, je
réfléchis, je cherche, je sonde, j’inspecte, j’introspecte, je
furète, je « stalk » la réalité ! … Ou plutôt (le chien de mickey), j’interroge l’absence de réalité en quête de réponse.
Mais l’absence de réalité peut-elle me répondre ? et si oui
comment ? par du « rien » ? ce serait logique … pas pratique … mais logique. Certains maîtres boudhistes expliquent
la vacuité en la comparant au rien, notion qui nous est
chère. La vacuité n’est pas le rien, le rien n’existe pas, la vacuité peut s’observer, par introspection, et parallèlement aux
travaux de la physique quantique. Ce serait l’existence perpetuelle d’une infinité de potentialité … Une espèce de création spontanée, libre et éphémère, tout le temps ! Waouh !
Ca pourrait ressembler au libre arbitre ! Pendant ce temps-là
nous on se demande si le rien serait l’absence de tout …
mais est-ce que l’absence de tout est possible ? le monde
connu et inconnu recèlerait-il une telle chose ? a-t-on déjà
vu du rien au microscope ? Perso, et vous savez à quel point
je suis une omni-référence, jamais vu ! La vache ! j’en suis 4
000 caractères ! Ca passe vite en votre compagnie, celle-ci
m’est agréable ! Je disais donc que, peut-être, le concept de
rien n’existe juste pas … et c’est quelque chose ! Peut-être
que nos ancêtres, flemmards qu’ils étaient, ont simplement
constaté l’absence de quelque chose d’observable, et que ça
devait juste être l’inexistence absolue. C’est pratique ! c’est
pas logique … mais c’est pratique ! Imaginez-vous qu’en
fait, ce que l’on appelle le rien n’existe pas, puisqu’il existe
constamment quelque chose potentiellement, et que tout ce
qui choisit d’exister se matérialise, même si on ne peut pas
tous l’observer … je dis ça car même si on ne l’observe pas,
on sent bien qu’il y a quelque chose à trouver ! Vous vous
rendez compte du temps, des moyens et des compétences
utilisées pour essayer de comprendre ce « rien » ? Cette frustration ! Ce bout de paradis perdu qui fait que nombre d’entre nous se lèvent le matin pour trouver ce que c’est ?(pas
moi ! … trop occupé à essayer de comprendre, enfin,
pourquoi on dit que les épisodes IV, V et VI sont après les
épisodes I, II, et III… et puis c’est venu à l’idée de personne
que l’oeuf et la poule sont peut-être arrivés en même temps
? A ça vous clouerait le bec, ça, hein ? en tout cas ce serait
pratique … pas logique, mais pratique !)
Vous savez pourquoi ils le font ? je crois qu’ils pensent rencontrer la transcendance. Parce que s’il faut bien l’ombre
pour se rendre compte que la lumière existe, s’il faut bien
être soumis à tentation pour savoir si l’on est vertueux, le
« rien » vient révéler le tout. Si le rien est l’infinie potentialité en état constant d’incertitude, ce qui serait le « rien »
pourrait être tout ! Ca pourrait même bien vouloir dire que
le tout et le rien c’est la même chose ! Le rien, ce serait notre essence qui se rappelle constamment à nous en nous
montrant notre absence de connaissance et notre entièreté
de ressenti ! Qu’est-ce c’est beau ce que j’écris !
« Merci Mr FeeX ! » … De rien !
Ce n’est pas rien
16
de leurs parents entre également en jeu, notamment lors de la problématique œdipienne, réactivée à l’adolescence, et dont la
sortie est bloquée par un dysfonctionnement
de cette relation. Enfin, les normes physiques prescrites par les médias sont beaucoup plus incitatives et drastiques pour les
femmes que pour les hommes.
PSYCHO.
Dans nos sociétés occidentales, c’est la cohabitation de l’abondance, de la liberté, du
normativisme, du culte de la performance,
et de leurs nombreux avatars, qui font le lit
des troubles du comportement alimentaire.
Vivre d’air
par Olivier Cambon
Quelque chose se joue à une étape-clé du
développement de l’individu qui, tout en
fixant en lui la peur de certains de ces aspects, le polarise sur d’autres. Il y a la peur
de grossir qui, de toutes celles provoquées
par notre système de normes, est l’une des
plus répandues. Dans certains cas, elle
mène à l’obésité par privation, puis décompensation. Dans d’autres, elle se mue en terreur et démesure. L’évitement de toute rondeur devient alors un idéal, une perfection
jamais atteinte. C’est le paradigme de certaines anorexies mentales.
Alors, elles commencent par un régime ! Il
est souvent progressif, mais quelque chose
en elles les pousse à le durcir encore et encore, refusant activement la faim. Certaines
croient tenir un idéal de maîtrise vers lequel
elles veulent aller. Mais c’est la disparition
sans bruit d’autres appétences qui pourraient équilibrer, tempérer cette envie. C’est
le rien du désir qui aboutit au désir du rien
alimentaire. D’autres ont conscience du problème naissant, mais se sentent démunies
face à une poussée intérieure qu’elles ne
peuvent ni combattre, ni expliquer. Les spécialistes s’accordent généralement à dire
que l’anorexie est un trouble du comportement alimentaire qui s’impose, qu’on croie
le choisir ou non. Tout se
La grosseur est associée dans les sociétés
occidentalisée à différents traits de caractère
supposés, souvent fantasmatiques, et généralement négatifs. Mais elle se charge aussi de
significations différentes pour chacun en
fonction de sa propre histoire. Chez certains
obèses, ce peut être un deuil non fait, ou un
fardeau émotionnel d’une autre nature, qui
est supporté en permanence. Quant à de
nombreuses anorexiques, c’est leur propre
féminisation qu’elles refusent par le rejet de
la rondeur de certaines parties de leur
corps.
C’est une des raisons pour lesquelles les anorexies commencent généralement à l’adolescence, et concernent les filles dans plus de
8 cas sur 10. Leur situation propre à leur
sexe dans la relation entre elles et chacun
17
joue dans l’inconscient : le conflit entre leur besoin d’attention et leur rôle imposé par la dynamique familiale ou par
elles-mêmes génère une culpabilité qu’elles transforment en
agressivité retournée contre soi. Et elles obtiennent cette attention en bouleversant totalement la vie familiale, qui va
désormais tourner autour d’elles et de leur maladie.
Les effets du jeûne prolongé sont connus depuis longtemps :
des hormones comme l’amphétamine, la dopamine et des
endorphines viennent doper le corps. Elles créent un état
d’euphorie qui vient anesthésier un vécu douloureux souvent éprouvé depuis longtemps. C’est ainsi que les désirs et
conflits internes sont éludés, tenus à distance, et remplacés
par cet état émotionnel d’euphorie teinté d’anesthésie qui
fait écran. Ceci est un des effets de l’anorexie que l’on retrouve dans la boulimie et l’hyperphagie, qui lui sont opposés, bien que l’état émotionnel induit par chacun d’eux ne
soit pas le même. Des recherches neurologiques plus récentes mettent en évidence un phénomène qui joue un rôle dans le trouble anorexique : atrophié par les carences alimentaires multiples, le
cerveau dysfonctionne et des troubles cognitifs apparaissent : hyperactivité, rituels obsessionnels, et notamment troubles de l’image du corps et de la perception de soi. L’anorexique grossit exagérément certaines parties de son corps
dans son image mentale. Les mesures et représentations concrètes du corps ne suffisent plus à corriger cette déformation
intégrée qui, jointe à la peur de perdre le contrôle de son
corps, contribue à compliquer considérablement la sortie de
ce cercle vicieux par la malade.
Le diagnostic est posé par le médecin à l’observation de
trois symptômes, les « 3A », l’anorexie, au sens de perte
d’appétit malgré une faim évidente ou masquée, l’amaigrissement, souvent massif, et l’aménorrhée, la perte des règles.
L’hospitalisation en urgence est décidée lorsque l’indice de
masse corporelle est inférieur à 13-14, lorsque des déséquilibres importants concernant les ions (potassium, calcium, sodium) menacent le fonctionnement d’organes vitaux (le
cœur ou les reins), ou lorsqu’une dépression fait courir un
risque réel de suicide ou d’automutilation. Longtemps isolées dans des hôpitaux psychiatriques classiques, les anorexiques bénéficient désormais de structures d’accueil spécialisées. L’approche multidisciplinaire y est la règle, et répond à
l’origine complexe et multifactorielle de ces troubles.
Parmi les anorexiques, qui représentent 2 % de la population française, un tiers d’entre elles guérit quasiment sans
trouble résiduel, un autre tiers améliore considérablement
18
son état, mais gardera des séquelles comportementales plus
ou moins profondes, et le dernier tiers s’installe dans la chronicité. 10 % des femmes anorexiques mourront de façon prématurée de complications. Et le grand drame de cette maladie psychiatrique est d’être celle qui entre toutes entraîne le
plus de suicides. Alors espérons qu’un jour, d’autres approches intégrées, et une connaissance du corps toujours plus
profonde, nous permettent de les aider à sortir sereinement
de cette prison. Le Curieux des astres
Santé : À la vôtre !
Amour : Bouc et missionnaire.
Santé : J’aime pas les balances.
Bélier
Argent : Méfiez-vous des pots d’ovin
Argent : Je balance l’argent par les fenêtres.
Santé : Vous êtes nerveux, vous ruez, vous donnez des coups de cornes, vous grattez le sol avec
vos sabots, vous soufflez des naseaux.
Amour : Vous lui faites toujours un effet bœuf.
Argent : Vous êtes dans le rouge ce mois-ci. Mais
même temps, vous avez tendance à tout voir en
rouge…
Balance
Santé : Alors comme ça vous n’aimez pas
les piqûres… ?
Taureau
Amour : Still loving you.
Scorpion
Argent : Vous avez des oursins dans les poches.
Santé : Arrêtez de vous agiter dans tous les
sens.
Santé : Vous allez porter des lunettes à double
foyer.
Amour : Vous avez la même vie sentimentale
que vos prochaines lunettes.
Amour : J’aime pas les Balance.
Gémeaux
Amour : Vous ne laissez pas de place au
dialogue parce que quand il s’agit de vous
taire…
Sagittaire
Argent : Une importante rentrée d’argent
cette année ou la banqueroute, les astres ne
sont pas bien d’accord.
Argent : Vous allez doubler votre capital.
Santé : Pas trop de métastases ce mois-ci.
Amour : Vous allez connaître la chimio merveilleuse de l’amour.
Santé : Ça va…
Cancer
Argent : Ça vient…
Argent : N’oubliez pas que votre argent ne s’use
que si l’on Çancer.
Amour : Ça va et ça vient (entre vos reins)…
Santé : Mettez un tigre dans votre moteur.
Santé : Il ne vous reste qu’un mois à vivre,
choisissez bien lequel.
Cœur de Lion : Vous n’aviez jamais mangé de
camembert.
Argent : Faites rugir votre argent qui dort au Crédit léonin
Lion
Verseau
Argent : L’argent ne fait pas le bonheur mais
le contribuable.
Santé : Vous cuisinez à l’huile vierge, vous portez des pulls en laine vierge, même votre casier
judiciaire est vierge !
Amour : Votre couple bat de l’aile… mais l’oiseau aussi bat de l’aile, et parfois même des
deux. Pensez-y.
Amour : Vous vous pliez en quatre pour votre moitié qui s’en fiche comme du tiers.
Capricorne
Santé : Comme un Poissons dans l’eau.
Vierge
Amour : Prends un petit Poissons, glisse-le
entre ses jambes.
Poisson
Argent : Vous payez toujours en liquide.
Argent : Arrêtez de signer des chèques en blanc.
19
MATHS
Que de mots pour décrire l’inexistence ou
l’absence : rien, vide, zéro.
Du zéro à l’infini
par Joël Féron
Des termes qui s’accompagnent invariablement de la notion d’infini, raison pour laquelle certains ont accueilli ces notions
avec joie et bonheur et d’autres les ont combattues au risque d’aller jusqu’à l’assassinat
organisé pour défendre leurs idées voire
leur pouvoir religieux. Inventé par les Babyloniens, rejeté par les Grecs, encensé par
les Hindous, le zéro est au cœur des polémiques, des luttes, des spéculations des mathématiciens, des physiciens et des théologiens
de toutes les époques. Les plus vertigineuses questions de la science, de la religion et
de la philosophie se posent autour du rien
et de l’éternité, du vide et de l’infinité.
3 siècles avant J-C, les babyloniens inventent le premier système de numération positionnelle savant de base soixante (de 1 à
60) utilisant une notation à base de deux
symboles : clous
et chevrons A titre
d’exemple, notre système décimal est aussi
positionnel (unité, dizaine, centaine,..). Le
support de notation était une tablette d’argile. La tablette YBC 7289, visible à Yale,
probablement écrite par un scribe babylonien de la première dynastie (entre 1900 et
1600 av. J.-C) contient la valeur de racine
carrée du chiffre 2 précise au millionième
20
près. Dans cette numération, un espace entre groupe de symboles a une signification
qui apporte beaucoup d’ambiguïté. En effet,
cet espace n’a de signification que par
l’existence de symboles placés à sa gauche.
Ils ajoutent donc un troisième symbole, un
marque-place. Ce symbole n’est pas un chiffre, ce n’est pas encore le zéro.
A la même période, les Mayas intègre le zéro dans leur système à base 20 (de zéro à
19). Mais leur système n’a jamais connu de
diffusion large comme le système babylonien. Alors que les Grecs ont connaissance
du système babylonien et l’utilisent pour
leur calcul, ils rejettent le concept du vide.
En effet le zéro est inexorablement lié au
rien qui engendre une peur primale devant
le vide et le chaos.
Chez les Grecs, la négation de l’infini implique la négation
du vide, puisque le vide implique l’existence de l’infini. Par
sa nature même, le vide n’offre que deux possibilités logiques qui toutes deux entrainent l’existence de l’infini. La première, c’est qu’il existerait une quantité infinie de vide, donc
l’infini existe. La seconde suppose une quantité finie de vide,
mais puisque le vide n’est que le manque de matière, il faut
qu’il y ait une quantité infinie de matière pour assurer la finitude du vide. L’univers grec créé par Pythagore, Aristote et Ptolémée survit à la
fin de la civilisation grecque. Dans
leur univers, il n’y a rien qui soit rien.
Il n’y a pas de zéro. On compte à partir de 1. Pythagore avance que la terre
est au centre de l’univers, que la terre
est au cœur d’un système fini de sphères célestes imbriquées qui font de la
musique en tournant. La doctrine de
Pythagore devient le noyau de la philosophie occidentale reprise par Aristote
et ses successeurs jusqu’au XVIème
siècle.
Pour l’occident, celui qui tourne la dernière sphère céleste ne peut être que
Dieu, c’est la démonstration même de
l’existence de Dieu. Malheur à ceux
qui pendant presque deux millénaires
émettront des doutes. L’interdit du zéro
est tel que dans notre calendrier, il y a
les années avant J-C, les années après
-JC, mais point d’année zéro, ce qui
engendrera la polémique du passage à
l’an 2000. La pensée aristotélicienne
est notamment défendue par les Jésuites en réaction aux menaces de la réforme protestante. Les idées qui au XV siècles
ne posaient aucun problème et passaient même inaperçues
sont devenues dangereuses quand le pouvoir catholique s’est
senti menacé. Même Descartes, jésuite de formation, qui accepte de mettre comme point de départ de son repère cartésien le zéro, refuse d’accepter l’idée du vide et de l’infini.
C’est Blaise Pascal, son contemporain, Janséniste et donc anti-Jésuite, qui réconcilie Dieu, le zéro et l’infini au travers de
son fameux pari sur l’existence de Dieu. C’est aussi lui qui
reprend et explique les premières expériences de création du
vide. C’était pour lui indispensable de réconcilier son amour
pour les mathématiques, les sciences et sa foi profonde.
La vision orientale par contraste est toute différente. En
Europe, le zéro est proscrit, mais en Inde et plus tard dans les
pays arabes, il prospère. Le changement vient d’Inde qui via
Alexandre le Grand prend connaissance du système babylonien, le transforme en base dix et substitue un vrai zéro au
marque-place. L’Inde n’a jamais eu peur de l’infini ou du
vide et les avait intégrés. Le vide a en effet une part importante dans la religion Hindoue. Le monde sort de rien et retourne au rien. L’Inde en explorant activement le vide et l’infini donne enfin
naissance au zéro. Alors que le monde
occidental reste bloqué sur son mode
de pensée, vers 700, l’Islam emprunte
à l’Inde le zéro et l’introduit en occident. En effet les musulmans intègrent
rapidement les savoirs des peuples
qu’ils conquièrent. L’algèbre est née
dans la Maison de la Connaissance à
Bagdad. Le mot même de zéro reflète
des racines indiennes et arabes. Le
nom indien était « sunya » qui signifie
« vide » que les arabes changèrent en « Sifr » qui est devenu « zephirus » en
latin. Le graphisme des dix chiffres (0 à
9) que nous utilisons découle directement des premiers symboles indiens
qui ont été adaptés par les Arabes. Il
serait plus juste de parler de chiffres
indiens que de chiffres arabes.
Les débats sur l’origine de notre
monde sont encore très vifs et notamment la notion de Big Bang, des trous
noirs et de la théorie des cordes s’oppose une nouvelle théorie de la « Gravitation Quantique à
Boucle » qui dit que l’espace temps et la matière ne peuvent
être condensés au-delà d’une taille minimum limite dite de
Planck. Nous n’aurions pas connu un Big Bang mais un Big
Bounce (grand rebond). Cela me rappelle les discussions
chez les Grecs avec les Atomistes qui disaient que la matière
ne pouvait être réduite au-delà de ces éléments. Pour mémoire, leur théorie était refusée, car il fallait du vide pour ces
éléments minuscules puissent se mouvoir. Dans la même
veine, Descartes pensait que le mouvement rectiligne n’était
pas possible, parce que là aussi il fallait du vide, alors
qu’avec le mouvement circulaire, il n’y avait pas de problème. La boucle est bouclée….
21
Les curieuses recommandations
Curieux relatif au langage) de toutes ses références à Dieu
afin de lui rendre une pureté d’argumentation qui ne dépendrait pas de l’existence d’un Être dont nous ne pouvons démontrer ni l’existence, ni l’absence.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »
Nous sommes tous d’accord a priori et pourtant… La création ex nihilo semble poser la proposition inverse, à savoir
que le monde s’est construit à partir de rien. Le débat
n’anime donc plus ni la physique, ni la philosophie. L’hypothèse semble avoir été reléguée à des questions métaphysiques voire même théologiques.
Dans les deux volumes d’ex nihilo, Paul Clavier poursuit un
grand travail de recherche consistant à déterminer quand et
comment le débat a-t’il quitté la scène philosophique. Il alterne histoire de la philosophie et discours philosophique
faisant progresser le lecteur en l’amenant à douter de chaque thèse tout en vérifiant les arguments de chacun.
Limitons-nous au champ de la philosophie analytique, celle
qui est née des travaux de Russell et qui s’appuie sur le
langage afin de clarifier la pensée par la logique. Pendant
un certain temps, la métaphysique fut écartée de leur domaine d’étude parce qu’elle est invérifiable. Il est inutile de
se demander si Dieu existe. Pascal et Kierkegaard ont répondu à la problématique et aucune preuve empirique n’est
possible. Comme l’écrivait Barth, « Nous savons que Dieu
est celui que nous ne connaissons pas, et que c’est précisément ce non-savoir qui est le problème et l’origine de notre
savoir. Il est l’abîme secret, mais également la patrie secrète
au commencement et à la fin de tous nos chemins ». Ainsi,
Carnap a-t’il pu proposer de vider le Tractatus de
Wittgenstein (dont nous avons parlé dans le Numéro 1 du
22
Peut-on pour autant en rejeter l’idée aussi simplement ?
Paul Clavier démontre, par l’étude de la création ex nihilo,
qu’il faut être plus nuancé. Certes, le fait de croire que le
monde a été créé de rien s’oppose à notre entendement :
ainsi, comment et pourquoi un Dieu immuable pourrait il
changer avec le temps et devenir le Créateur ? Les théologiens ont coutume de parler de la Création comme d’un
mythe fondateur, comme d’une image. Bultman va jusqu’à
affirmer que « l’affirmation de Dieu comme créateur ne
peut pas être entendue comme un énoncé théorique sur
Dieu, saisi dans un sens général de creator mundi, mais elle
exprime exclusivement une relation existentielle. Cette affirmation ne peut être qu’une confession personnelle signifiant que je me comprends moi-même comme une créature
qui doit son existence à Dieu ».
Karl Barth assume d’ailleurs que la Création soit juste une
révélation et qu’elle ne soit pas compréhensible par l’esprit
humain : « Que Dieu soit notre créateur, ce n’est pas une
vérité universelle, un préambule à connaître ni à acquérir
par nos propres forces; c’est au contraire une vérité révélée
». C’est relativement difficile à concevoir et cela même en
philosophie analytique. Comment peut-on dire que Dieu a
créé quelque chose à partir de rien ? Comment le concevoir
? C’est tout bonnement impossible puisque rien dans notre
monde n’est comparable. Qu’est-ce qui passe de Dieu vers
l’objet créé ? Tant de questions qui ne trouvent aucune réponse.
La philosophie religieuse analytique connait cependant un
renouveau Browe expose ainsi :
1 Tout ce qui est contingent doit avoir une cause de son
existence.
2 Ce monde est contingent.
3 Donc il doit avoir une cause.
On voit bien que c’est le serpent qui se mord la queue. Il
n’empêche que la réflexion a beaucoup de sens et je vous
invite à lire cet ouvrage qui quoiqu’un peu difficile n’en
reste pas moins passionnant.
Julie Bailleul
Le Centre Pompidou accueille actuellement une vaste rétrospective de l’oeuvre de Cy Twombly. On peut y admirer des
sculptures, des dessins, des photographies mais ce sont principalement ses peintures qui sont exposées. L’exposition est
d’ailleurs organisée autour de trois grandes périodes chronologiques qui marquent chacune un cycle différent pour le peintre. Le conservateur a mis en exergue toutes les facettes du travail de Twombly ainsi que son immense culture. On sait que
cet artiste a été un lecteur infatigable : des antiques comme Homère et Horace aux grands poètes modernes comme Rilke
et Mallarmé en passant par des auteurs plus exotiques comme le poète perse Djalâl-al-Dîn Rûmî.
Vous verrez la jeunesse de Twombly, qui, tout juste rentré d’un périple autour de la Méditerranée réalise des oeuvres d’envergure comme Volubilis (1953) qui caractérise son travail des premières années dont les moyens matériels sont réduits à
une simple mine de plomb. De son séjour en Italie, nous pouvons admirer quelques photographies et un des dessins tiré
d’une série de huit oeuvres à la craie de couleur.
Après son mariage, son oeuvre se fait beaucoup plus sensuelle. Son choix pour la peinture à l’huile plus sophistiquée que
la peinture industrielle lui permet de représenter beaucoup plus finement ses passions du moment. Ainsi, sur la toile d’Empire of Flora, on distingue des morceaux de corps épars rappelant probablement ce qui furent ses premières années de
mariage.
En 1964, Twombly se lance dans un cycle tournant autour de l’Empereur Commode qui n’avait justement rien de commode. La critique de l’époque détesta, le public adora. En effet, on y perçoit les prémisses du minimalisme alors que l’auteur voulait y dessiner les phases psychologiques d’un homme trouble que certains qualifieraient de monstrueux.
L’oeuvre fera ensuite des aller-retours réguliers entre Eros et Thanatos, alternant les périodes sombres et lumineuses. Pour
conclure, je ne dirai pas que l’oeuvre de ce peintre est « belle » dans le sens d’harmonieuse mais, elle est très intéressante
et rien que pour ça, je vous invite à aller l’admirer au musée Pompidou.
Julie Bailleul
23
PHILOSOPHIE
Rien, vide, néant,
éther
par Coraline Le Du
24
Il était une fois un penseur qui vivait en
Grèce, son nom ? Parménide d’Élée, son
époque ? Entre le début du VIème et le milieu du Vème siècle avant Jésus-Christ. Il
venait d’une famille riche et puissante ce
qui lui avait permis d’étudier et de fréquenter le gratin des philosophes ; il discutait
avec ceux de la rigoureuse école pythagoricienne et était peut-être même devenu le
disciple d’un certain Xénophane. Par
ailleurs, l’influence de la pensée de Xénophane sur celle de Parménide se ressent fortement dans ses œuvres et plus particulièrement dans celle qui nous intéresse aujourd’hui : le traité en vers De la Nature. Dans
ce traité, dont il ne nous reste que quelques fragments, Parménide distingue la
voie de la Vérité, qui est le fruit de l’intellect, de la pensée et de la logique (la seule
voie vers l’Être) de la voie de l’opinion qui,
elle, consiste en l’expérience du monde
par les cinq sens. Pour lui, la pensée et
l’être ne font qu’un, l’être étant immuable
et continu. Pourquoi immuable ? Parce que
le moindre changement de l’être ferait de
l’être ce qu’il n’est pas. L’être deviendrait
alors le non-être, nous serions en plein paradoxe… Le non-être n’existe pas, on ne
peut penser la non-existence déclare Parmé-
nide. Pourquoi, alors que les changements
de la nature au fil des saisons peuvent être
observés par tout un chacun, les théories
de Parménide ont-elles été soutenues et prises au sérieux ? Parce qu’il s’appuie sur une
logique difficilement réfutable. Par la suite
de ses disciples, Zénon d’Élée, ira encore
plus loin en termes de logique et sera à
l’origine de nombreux paradoxes. Son plus
célèbre paradoxe, celui d’Achille et de la
tortue, s’emploie à démontrer la non-existence du mouvement et marquera les esprits jusqu’au XVIIIème siècle lorsqu’une
explication mathématique du paradoxe de
Zénon (via le calcul d’intégrales) sera découverte.
Mais revenons à notre Parménide : on raconte qu’il aurait croisé le tout jeune Socrate. Ce dernier, inspiré par la rigueur et la
rationalité son interlocuteur, aurait repris
cette dichotomie entre l’opinion et la raison pour en faire une des fondations de sa
philosophie. Bon, le petit problème c’est
que tout ce que nous savons sur ces deux
philosophes nous a été transmis grâce à un
autre philosophe et écrivain, né en 428
avant Jésus-Christ et mort en 348 avant Jésus-Christ, j’ai nommé Platon. Platon se
présente comme un disciple de Socrate. Pourquoi est-ce important ? Parce que Platon, s’il a rendu hommage à Socrate
et à Parménide, profita de ses écrits pour railler les sophistes.
Les pauvres sophistes, qui furent pourtant les premiers à
créer une école de philosophie en Grèce, étaient considérés
par Platon comme des mercenaires de la philosophie, capables de retourner leur veste et d’utiliser une logique fallacieuse pour défendre n’importe quelle théorie, pourvu qu’ils
soient payés pour cela ! C’est pourtant un sophiste contemporain de Socrate et disciple d’Empédocle, nommé Gorgias
de Léontium (né en 484 avant Jésus-Christ et mort en 376
avant Jésus-Christ) qui explore justement le concept de nonêtre dans son œuvre De la nature ou Traité sur le non-être.
Gorgias prétend que l’être n’existe pas et réfute totalement la
thèse de Parménide, il proclame « Si le non-être existe, il sera et à la fois il ne sera pas ». En résumé, Gorgias soutient
que l’être comme le non-être n’existent pas et que rien
n’existe. Cela lui vaudra à tort
d’être pris rétrospectivement
pour le père du nihilisme. Le
nom de Gorgias passe à la postérité grâce au discours de Platon et aux techniques rhétoriques innovantes que Gorgias
utilise pour convaincre ses contemporains. Pourtant l’aura de
Platon et de son académie ainsi
que les traditions des écoles
philosophiques suivantes vont
effacer peu à peu les efforts de
Gorgias : la célèbre allégorie
de la caverne qui prône l’existence d’un monde des idées
qui est seul réel et d’un monde
sensible illusoire va imprégner
l’esprit des générations suivantes alors que la thèse de Gorgias va tomber dans l’oubli.
Mais qu’en est-il d’Aristote ? Il ne faudrait tout de même pas
oublier cette figure de la philosophie antique au cours de
nos pérégrinations historiques, n’est-ce pas ? Eh bien Aristote
pense qu’un principe universel s’impose à tous les corps :
« la nature a horreur du vide ». Cette philosophie fera elle
aussi des émules, tout du moins, jusqu’à la fin du Moyen
Âge. En effet, si la nature a horreur du vide alors Dieu luimême doit suivre cette loi naturelle, la puissance de Dieu est
donc amenuisée par la pensée aristotélicienne et cela ne
plaît pas beaucoup à l’Église… Et puis arrive le savant Galilée (1564-1642) qui en commençant par soutenir le modèle
copernicien des astres met à mal toutes les bases du système
aristotélicien. En effet, Galilée supprime la distinction absolue faite par Aristote entre mouvement et repos, le mouvement est une chose relative et l’immuabilité des cieux
n’existe pas. Mais alors, ce n’est plus de la philosophie, c’est
de la physique me direz-vous ! Eh bien oui, le mouvement
des astres, ainsi que la possibilité de l’existence du vide entre ces mêmes astres deviennent alors des questions scientifiques et non plus seulement des questions philosophiques.
Galilée rédige en 1632 un Dialogue sur les deux grands systèmes du monde dans lesquels il défend le système de Copernic et raille les idées d’Aristote. Il discute également du mouvement dans un vide supposé, ce vide permettant de faire
abstraction des frottements et de la poussée d’Archimède.
C’est avant tout une expérience abstraite, d’idéalisation de la
réalité qui lui permet d’étudier et de quantifier les mouvements. Cette expérience de chute des corps (des plumes et
du plomb) a d’ailleurs été réalisée par un physicien anglais
dans les locaux de la NASA et
filmée par la BBC quatre siècles plus tard car, à l’époque,
vider une pièce entière de tout
son air n’était pas techniquement possible. L’expérience
montre que Galilée avait vu
juste. Galilée a du succès mais
il se fait aussi de nombreux ennemis au sein de l’Eglise. Victime d’une cabale, il est convoqué à plusieurs reprise par le
Saint-Office et obligé d’abjurer
ses « erreurs et hérésies contraire à l’Église ». Puis il est assigné à résidence et son livre est
interdit de publication (certains
exemplaires arriveront tout de
même jusque chez un éditeur français).
À l’époque où Galilée reçoit sa sentence Descartes renonce
prudemment à publier son Traité du monde et de la lumière
(publication repoussée jusqu’en 1664) et décide de donner à
ses œuvres une direction différente. Dans ses Principes de la
philosophie (1644), il nie l’existence du vide dans la nature
tout comme Aristote mais réfute également la théorie aristotélicienne de l’atome indivisible. « Il est évident qu’il n’y a
point d’espace en l’univers qui soit tel, parce que l’extension
de l’espace ou du lieu intérieur n’est point différente de l’extension du corps ». « […] à cause que le néant, comme il a
été déjà remarqué plusieurs fois, ne peut avoir d’extension ».
25
science contemporaine se pose la question du vide en remettant Pascal et Descartes à égalité. Le vide et la matière ne sont
pas discontinus, le vide tel que décrit précédemment est en fait une erreur. « L’Univers en expansion n’avance pas dans le
vide comme on pourrait le penser, mais
dans le néant. Hors de l’Univers, il n’est
ni temps ni espace. »
Il estime donc qu’une chose qui peut s’étendre est forcément une substance et donc que ce que nous appelons
vide ne peut exister.
Torricelli (1608-1647) puis Pascal (1623-1662) quant à eux
prouvent par l’expérience que la théorie d’Aristote a ses limites. Les fontainiers de la ville de Florence avaient fait appel à Galilée mais celui-ci était trop occupé, ils font alors
appel à son disciple, le fameux Torricelli qui, en leur donnant une solution à un problème lié à une pompe, met en
évidence le premier vide permanent et l’effet de la pression
atmosphérique. Il invente alors le premier baromètre au
mercure et peut expliquer aux fontainiers les limites pratiques et théoriques de la pression et de l’aspiration de leur
pompe. Pascal quant à lui va s’atteler à clarifier l’expérience de Torricelli et à la généraliser. C’est le début de la
mécanique des fluides. S’ensuivent les travaux de Newton
sur la gravitation qui ont raison des railleries des partisans
du cartésianisme car ses théories et prédictions sur l’attraction mutuelle des masses se vérifient de manière systématique ou presque… Il reste n’en reste pas moins quelques interrogations notamment sur la lumière et sa propagation
dans le vide car si la lumière peut se propager dans le vide
alors le vide ne l’est plus puisqu’il est plein de lumière…
Mais alors on découvre que la lumière est une vibration or
si une vibration se propage dans l’air, ce n’est pas le cas
dans le vide, ce qui nous ramène, tel le serpent se mordant
la queue, à Descartes. Ce n’est donc pas le vide mais
l’éther qui baignerait l’univers. Que de rebondissements ! Il
faudra attendre Einstein (1879-1955) et sa théorie de la relativité pour que les partisans de Pascal soient à leur tour
sous les feux de la rampe. Les expériences menées par Einstein conduisent à abandonner la notion d’éther et la
26
Bon d’accord, ce n’est plus de philosophie et je me suis éloignée un instant mais
c’est pour mieux y revenir. En effet, pendant que Newton concoctait ses expériences, un courant philosophique du nom de
nihilisme fait son apparition. La première
occurrence de ce terme se trouve dans un
texte de Jacob Hermann Obereit en 1787
à propos de l’œuvre d’Emmanuel Kant
mais il est articulé en 1799 par Friedrich Heinrich Jacobi
qui critique le système philosophique de Johan Gottlieb
Fichte et c’est Nietzsche (1844-1900) qui développe véritablement une réflexion sur le sujet. Le nihilisme n’est pas
Si nos lecteurs souhaitent réagir à un ou plusieurs articles, nous les invitons à nous envoyer
leurs commentaires à
[email protected]
unique dans la pensée nietzschéenne, il en existe en fait deux :
Un nihilisme passif qui se fonde sur le manque total
de sens de l’existence. De ce point de vue « l’homme qui juge que
le monde tel qu’il est ne devrait pas être, et que le monde tel qu’il
devrait être n’existe pas » est un adepte du nihilisme. Mais ne serait-ce pas là l’expression d’un perfectionnisme poussé à l’extrême ? Ce nihilisme a probablement été inspiré par la pensée dite
pessimiste de Schopenhauer que Nietzsche appelle « un nouveau
Montaigne. »
Un nihilisme actif qui se traduit par un abandon des
valeurs anciennes pour de nouvelles valeurs inventées à la mesure
de l’homme et de son présent. Mais le philosophe pousse sa réflexion encore plus loin : le nihilisme de la pensée soit la négation
absolue de l’être est une manière divine de penser car alors il n’y a
pas de vérité et toute pensée devient nécessairement fausse…
Si Nietzsche voit le nihilisme comme relatif à la pensée, le philosophe Heidegger (1889-1976) le voit dans une optique d’oubli de
l’être, cet oubli aurait commencé avec Socrate et Platon et se serait
poursuivi dans le christianisme. Le nihilisme est l’oubli de l’être parvenu à son accomplissement dans le cadre de la métaphysique.
C’est en cela qu’il est le règne du néant. Cette réflexion de Heidegger sur l’essence de l’être (chose occultée par les penseurs de la
Grèce antique) qui donnera naissance à l’existentialisme. Il est le
premier à avoir pensé l’être comme comportant en son sein un danger, celui « de la malignité de l’être ». Pour lui, le « triomphe de
l’universelle calculabilité qui priverait l’être humain de ce qui fait
son humanité, à savoir la pensée méditante, sa part de rêve et de
poésie ».
Quelques références, pour vous qui souhaitez en savoir plus sur le rien, le vide,
le néant ou l’éther :
La Plénitude du vide, Trinh Xuan Thuan, éditions
Albin Michel,2016
Dialogue sur les deux grands systèmes du monde,
Galilée, publié en 1632, traduction par René Fréreux et François de Gandt. Paris, Seuil, Points
Sciences, 2000.
De Gandt (François), éd., L’Œuvre de Torricelli.
Science galiléenne et nouvelle géométrie. Nice,
Publication de la Faculté des Lettres et sciences
humaines / Paris, les Belles lettres, 1987.
Pierre Guenancia, Du vide à Dieu : essai sur la
physique de Pascal, Paris, Maspero, 1976.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le nihilisme mais pour moi
c’en est trop et parce que je veux résister à l’appel de Sartre et de
Camus, je m’en vais loin du monde des humains me cacher du mal
comme les trois singes du temple de Nikkō et baigner l’entièreté
de mon être de mon néant intérieur.
27
Le Vide et l’Univers
LE BIG BANG
Au commencement, il n’y avait rien – mais pas « rien »
dans le sens « l’Univers était vide », non, rien au sens ou
même l’Univers n’existait pas : les notions d’espace et de
temps ne correspondaient à rien ! Du coup on peut même
se demander si cela a un sens de parler de commencement !
Mais comment s’est créée la matière à partir de rien ? Pendant le refroidissement qui suivit le big bang (jusqu’à 10-36
s) et grâce à l’inflation de l’Univers, les forces électromagnétiques puis les forces nucléaires apparaissent, permettant
l’apparition d’une première particule, le boson de Higgs
Durant les 20 minutes qui suivirent, des paires de particules
élémentaires, muons et antimuons, gluons et antigluons…
se créent et s’annulent les unes avec les autres. Le résultat
aurait dû être nul, mais un déséquilibre est apparu, et la matière a pris le dessus sur l’antimatière. Les particules élémentaires se sont combinées pour former les protons, neutrons
et électrons, qui eux-mêmes ont donné les atomes d’hélium
et d’hydrogène formant un plasma primordial pendant les
quelques premiers millions d’années de l’Univers. Une fois
suffisamment refroidi, après environ un milliard d’années, la
matière s’agglomère pour former les premières étoiles qui
vont combiner dans leur cœur les noyaux des atomes d’hydrogène et d’hélium pour former des éléments plus lourds,
qui seront diffusés dans l’espace lors de la mort de ces étoiles. C’est ainsi qu’apparaissent les autres éléments du tableau périodique des éléments de Mendeleïev.
Et puis il y eut le big bang, une formidable explosion, qui
marque le début de l’espace-temps et de la matière. À partir
de ce point, le temps se met à avancer, et l’espace s’étend
dans les trois dimensions qu’on lui connaît. La température
de l’Univers est tellement élevée que les théories physiques
actuelles n’y sont pas valables, on parle de l’ère de Planck
(10-43 s après le big bang).
8 milliards d’années après le big bang, le Soleil se forme en
intégrant des éléments issus des étoiles l’ayant précédé. La
matière orbitant autour de lui commence à se regrouper
pour former des amas, qui donneront naissance aux
planètes, lunes et météorites que nous connaissons aujourd’hui, 13,7 milliards d’années après le big bang.
«Certains objets, quoique de dimensions modestes, ont la capacité de recevoir l'estampille de l'infini.»
Edmund Burke
27
Le Vide et l’Univers
LES TROUS NOIRS
Un trou noir est un objet tellement dense que son champ
gravitationnel empêche toute matière ou rayonnement,
même la lumière, de s’échapper. En fait, la densité devient
tellement élevée qu’on parle de singularité gravitationnelle,
toute la masse étant concentrée en un point unique. Et c’est
cette masse qui définit la taille de l’horizon du trou noir, une
sphère autour de la singularité dont le rayon correspond à la
limite qui empêche tout rayonnement et donc plus encore
toute matière de s’échapper. Ainsi, un trou noir de la masse
du Soleil aurait pour horizon une sphère de trois kilomètres
de rayon !
Au-delà de cet horizon, un trou noir se comporte comme
n’importe quel objet, et si le Soleil devenait un trou noir de
même masse, le mouvement des planètes autour resterait le
même – par contre, la luminosité et la température seraient
très différentes puisque les planètes (et en particulier la
Terre) ne seraient plus baignées dans le rayonnement solaire !
On considère l’existence de quatre types de trous noirs :
Les trous noirs stellaires sont formés suite à une
supernova, l’effondrement d’une étoile massive lorsqu’elle a
épuisé tout son carburant pour les réactions thermonucléaires. Si suite à cette supernova il reste un cœur d’au moins
3,3 fois la masse du Soleil (limite d’Oppenheimer-Volkoff),
la force gravitationnelle devient plus importante que les autres forces, la matière se concentre et un trou noir se forme.
Cet effondrement peut provoquer des ondes gravitationnelles qui pourraient être perçues par LIGO.
Un trou noir dispose également d’une charge électrique, générant un champ électrique autour de lui si elle est non
nulle. Enfin, il possède également un moment cinétique, s’il
tourne sur lui-même, ce qui entraîne l’espace-temps autour
de lui, il s’agit de l’effet Lense-Thirring. Cet effet se constate
au voisinage d’objets très massifs, et toute matière à proximité immédiate se retrouve alors entraînée dans le sens de rotation de l’objet, en l’occurrence le trou noir, pour former ce
qu’on appelle l’ergorégion et entraîne l’apparition d’un disque d’accrétion de la matière plongeant en spirale de plus
en plus rapide vers l’horizon du trou noir.
Les trous noirs supermassifs se trouvent au centre des galaxies, et ont une masse de plusieurs millions à des
milliards de fois la masse du Soleil. Ainsi, la Voie lactée, notre galaxie, abrite en son cœur Sagittarius A, un trou noir
d’environ 2,3 millions de fois la masse du Soleil.
L’existence des trous noirs était déjà envisagée au XVIIIe siècle dans la physique newtonienne, mais c’est la théorie de
la relativité générale d’Einstein qui permet de considérer ce
phénomène autrement que comme un jeu d’esprit, ce qui
amène à l’observation en 1971 des effets indirects d’un trou
noir par le satellite Uhuru.
Les trous noirs intermédiaires sont encore sujets
à débats, mais expliqueraient certaines observations. Ces
objets auraient une masse comprise entre 100 et 10.000
masses solaires et seraient issues d’étoiles extrêmement massives formées au début de l’Univers.
Les trous noirs primordiaux, ou micro-trous
noirs se seraient formés durant le big bang.
28
Le Vide et l’Univers
LA MATIÈRE NOIRE
L’observation de galaxies, commencée dès 1933 par le
suisse Fritz Zwicky, a montré un écart important entre les calculs théoriques suivant les lois de Newton, et le constat : les
galaxies tournent plus vite que ce que la masse de matière
visible (dite baryonique) qui les compose permettrait, elles
devraient éjecteur leur matière vers le vide stellaire.
Pour obtenir des vitesses cohérentes avec la théorie, il faudrait que les galaxies soient entourées d’un halo de matière
qui représenterait jusqu’à 90 % de la masse de la galaxie. Il
faudrait également que cette matière ne réagisse pas à la
force électromagnétique : elle ne peut pas émettre, absorber
ou réfléchir les ondes électromagnétiques et en particulier la
lumière, ce qui la rend quasiment impossible à observer. On
l’appelle ainsi matière noire.
La théorie du big bang permet de déterminer que la matière
baryonique représente 5 % de la masse volumique critique
permettant à l’espace-temps d’être tel que nous le constatons, et que la matière totale devrait en représenter 32 %
(nous verrons les 68 % restants plus loin). La matière noire
représente donc 27 % de l’Univers, soit quasiment six fois
plus que la matière que nous connaissons, elle remplit l’Univers, et échappe à notre observation. Autrement dit, ce qui
nous semble vide serait en réalité plein de matière noire !
L’ÉNERGIE NOIRE
Qu’en est-il donc des 68 % restants ? Encore une fois, ce
sont les observations qui justifient cette découverte : on
constate que les galaxies s’éloignent les unes des autres,
et que cet éloignement s’accélère (on parle d’accélération
de l’expansion de l’Univers). Pour expliquer cette accélération, il faudrait donc une énergie ayant une pression négative, pour s’opposer à la gravité qui aurait tendance à
rapprocher les galaxies. Ce serait également une explication à la « constante cosmologique » introduite par Einstein dans sa relativité générale (que d’ailleurs il appela
par la suite sa « principale erreur scientifique »).
Le Vide et l’Univers
L’ÉNERGIE VIDE
Le physicien néerlandais Hendrik Casimir a prédit en 1948
un effet lié aux fluctuations quantiques du vide, qui correspond à une force attirant entre elles deux plaques parallèles
non chargées électriquement ou magnétiquement, cette
force diminuant en fonction de la distance séparant les plaques. Il s’agit d’un phénomène étrange de la physique quantique : en chaque point de l’espace, on trouve un champ
électromagnétique quantique qui oscille, et dont l’état de
plus basse énergie correspond à une énergie non nulle. C’est
ce qu’on appelle l’énergie de point zéro, ou énergie du vide.
Et là arrive une difficulté de la « théorie du tout » qui devrait
permettre de relier l’infiniment petit à l’infiniment grand : si
chaque point de l’espace a une énergie non nulle, la somme
devrait être infinie, or il faudrait que cette somme soit nulle
pour que la physique non quantique fonctionne également.
Casimir (eh non, aucun rapport avec L’Île aux enfants) prédit
que l’énergie du vide comprise entre les deux plaques ne
dépend que des photons (y compris virtuels) dont la
longueur d’onde est une fraction entière de la distance entre
les plaques, autrement dit le nombre de photons qui peuvent exister entre ces plaques. Et dans son calcul survient
une étape pour le moins étrange et contre-intuitive : pour
calculer cette énergie, il faut calculer la somme des entiers
naturels positifs, autrement résoudre S = 1 + 2 + 3 + 4 + 5…
Intuitivement, on imagine que le résultat de cette somme a
une valeur infinie. Et pourtant, le résultat est surprenant,
comme nous allons le voir :
Commençons par A = 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1…
Ce qui peut aussi s’écrire : A = 1 - (1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1
+ 1 - 1…) = A - 1
Donc A = 1/2.
Calculons maintenant B = 1 - 2 + 3 - 4 + 5…
De la même façon,
B = 1 – (2 - 3 + 4 - 5…) = 1 - (1 - 2 + 3 - 4 + 5…) - (1 - 1
+ 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1…) = 1 - B - A
Donc 2 × B = 1 - A = 1/2, donc B = 1/4.
Et enfin attaquons-nous à S en lui soustrayant B :
S - B = (1 + 2 + 3 + 4 + 5…) – (1 - 2 + 3 - 4 + 5…)
On voit facilement que les nombre impairs s’annulent, tandis que les nombres pairs (multiples de 2) sont doublés :
S - B = 2 × (2 + 4 + 6 + 8 + 10….) = 4 × (1 + 2 + 3 + 4 +
5…)
On retrouve dans la parenthèse la somme S qu’on cherche,
donc :
S-B=4×S
Donc la somme des entiers positifs donne S = -1/12 !!! Inc r o y a b l e !
Et pourtant, des expériences depuis lors ont montré la validité de ce calcul, en prouvant l’existence de cet effet Casimir.
À noter que cet effet pourrait également expliquer l’existence de la gravité, la création de particules lors du big
bang, et l’inflation cosmique de l’Univers. De quoi regarder
autrement les Bibendum jaunes, et le vide !
Le Vide et l’Univers
L’ÉNERGIE LIBRE
Sous l’appellation de « moteurs à énergie libre » se trouvent
de nombreux concepts et brevets de machines supposées
être capables de fournir plus d’énergie qu’elles n’en consomment pour fonctionner. Certains « inventeurs » se réclament
héritiers de Nikola Tesla, inventeur brillant et prolifique, certes, et en particulier dans les domaines de l’électricité, et
dont le caractère atypique et l’opposition régulière à Thomas
Edison en font le champion (involontaire) de toutes les théories pseudoscientifiques et complotistes.
de marée, pas de radiations ou de pertes de chaleur…) soit
qui produit exactement l’énergie nécessaire pour compenser
ces pertes. Pour remettre les choses en perspectives, signalons :
On trouvera ainsi pêle-mêle des systèmes à base de roues
magnétiques, de configuration particulière d’aimants dans
des moteurs électriques, de contrepoids, de générateurs de
micro-ondes, voire de sortes d’alambics à eau dont le fonctionnement reste toujours mystérieux. Les principes invoqués sont toujours flous, tournant autour de l’énergie de Helmoltz, de Gibbs, la physique quantique, mais dès que l’on
creuse un peu, on s’aperçoit qu’il s’agit d’interprétations très
libres, métaphysiques et totalement fantaisistes de ces principes bien connus des physiciens.
qu’un trou noir émet un rayonnement (la radiation de Hawking), il perd donc également de l’énergie, donc
de la masse, et finira par disparaître.
On retrouve des constantes dans ces systèmes : les inventeurs sont toujours des indépendants, travaillant seuls dans
leur garage – on se demande alors quel intérêt à investir
dans des laboratoires réunissant des équipes de spécialistes,
des machines de pointe et des années de recherche…
Ce sont également des bienfaiteurs au grand cœur, qui ont
fait cette invention pour le bien de l’humanité, et en diffusent gratuitement les plans, ou pour une somme modique,
parfois d’emblée, parfois après avoir rencontré de nombreux
investisseurs (jamais nommés) dont les conditions ne satisfaisaient pas l’inventeur.
Quant aux résultats et la quantité d’énergie produite, on balaie un large éventail, depuis des rendements de 110 % à
plus de 500 %. On rappellera que le rendement est le rapport entre l’énergie fournie et l’énergie récupérée en sortie,
et dont le second principe de la thermodynamique dit qu’il
ne peut jamais dépasser 100 % dans un cas idéal – lequel
cas donnant ainsi une machine à mouvement perpétuel, soit
qui ne perd jamais d’énergie (pas de frottements, pas d’effets
qu’une étoile fournit beaucoup d’énergie, en
utilisant la fusion nucléaire, elle « brule » donc des atomes
dans son cœur – quand le carburant est épuisé, l’étoile
meurt.
qu’un astre en orbite autour d’un autre produit
des effets de marée (sur les mers mais également les terres),
ce qui provoque son ralentissement et contribue à le rapprocher (imperceptiblement à notre échelle de temps, mais
néanmoins sûrement) de l’objet autour duquel il orbite.
que le rendement d’un moteur thermique (typiquement un moteur de voiture à essence ou diesel) est d’environ 30 %, tandis que le rendement d’un moteur électrique
peut aller jusqu’à 95 %.
Le Vide et l’Univers
On constate dès lors que les prétentions des défenseurs de
l’énergie libre sont extraordinaires, et remettent en cause un
principe de physique. Cela dit, l’histoire de la physique est
ponctuée de principes remis en cause et invalidés, un principe au sens physique n’étant au final qu’une explication de
phénomènes constatés à de très nombreuses reprises et sans
contre-exemple connu. Admettons donc qu’il existe un
moyen de contourner le second principe de la thermodynamique, et que ce moyen ait été inventé. À défaut de l’expliquer physiquement, ce qui peut effectivement être hors de
portée avec nos connaissances actuelles, il convient au
moins d’en prouver l’existence expérimentalement, de façon
scientifique c'est-à-dire vérifiable, mesurable et reproductible. Et c’est là que ces inventions échouent.
Examinons les plus connues :
Le moteur Minato : il s’agit d’un moteur électrique ayant une configuration particulière d’aimants qui favoriserait l’augmentation de la vitesse de rotation du rotor. Il ne
dégagerait aucune chaleur et serait totalement silencieux et
aurait un rendement de 330 %, ce qui permettrait de le coupler à un générateur et d’obtenir de l’énergie gratuite. Mais
ces performances n’ont jamais pu être vérifiées, il faudrait
c r o i r e l ’ i n v e n t e u r s u r p a r o l e .
Problèmes : un moteur électrique fonctionne par une circulation de champs magnétiques induits, si les aimants favorisent d’un côté, ils freinent d’autant de l’autre. Mais admettons – il y a encore le problème du bruit : la circulation des
champs magnétiques se fait à une certaine fréquence, ce qui
produit une onde sonore, et de plus l’axe du moteur est tenu
par des roulements à billes qui font également du bruit – et
chauffent. Enfin, et plus prosaïquement, plus de 10 ans après
avoir révélé son invention défiant les lois de la physique,
monsieur Minato n’est toujours pas le premier (ni même le
dernier) producteur d’électricité au monde, ce qui serait
pourtant simplissime…
Le moteur Pantone : il s’agit d’une modification
de moteur thermique, principalement diesel, consistant par
un processus complexe et obscur à injecter de la vapeur
d’eau pulvérisée dans le moteur en plus de l’air et du carburant normal, ce qui permettrait d’augmenter sa puissance et
de supprimer ses émissions polluantes. Une technologie
ayant ces résultats intéresserait au plus haut point les cons-
tructeurs automobiles, qui ont parfois bien du mal à tenir les
exigences des normes antipollution, comme l’ont prouvé par
exemple Volkswagen ou Renault. Les plans étant disponibles
gratuitement, si le système marchait vraiment, il y a
longtemps qu’il serait commercialisé…
Le réacteur à résonnance : une invention d’un
appareillage qui, plongé dans l’eau, la chauffe, avec un rendement annoncé de 116 %... du moins si on mesure la température de l’eau en surface, comme c’est le cas dans le reportage télévisé présentant la chose. Mais les laboratoires
cherchant à tester cette invention en préconisant de mélanger l’eau pour avoir une température uniforme se sont heurtés à un manque de coopération de l’inventeur. Le notaire
supposé avoir validé le rendement annoncé, et les scientifiques mentionnés comme caution accusent tous l’inventeur
d’utiliser leur nom de façon mensongère. Enfin, un simple
calcul de thermique montre que si l’eau du fond du récipient est toujours à la température initiale (ce qui, par le principe de convection naturelle qui fait que l’eau chaude
monte), l’invention a sensiblement le même rendement réel
qu’une bouilloire électrique…
Le principal argument des défenseurs de ces inventions pour
justifier leur manque de succès est une conspiration des lobbies du pétrole ou des gouvernements pour obliger les populations à continuer à utiliser du pétrole. Mais si l’on regarde
l’essor des énergies renouvelables, des véhicules électriques,
des constructions à haut rendement énergétique, il semble
que ces lobbies dépensent toute leur énergie contre ces pauvres inventeurs et restent aveugles à ces grandes entreprises
commerciales qui réduisent considérablement leurs parts de
marché… Ou peut être tout simplement que ces prétendues
inventions sont en réalité des arnaques et ne reposent sur…
rien ?
Nous vous laissons découvrir le
prochain thème ->
L’Idole, Sonnet du Trou du Cul par Rimbaud
Obscur et froncé comme un oeillet violet
Il respire, humblement tapi parmi la mousse
Humide encor d’amour qui suit la fuite douce
Des Fesses blanches jusqu’au coeur de son ourlet.
Des filaments pareils à des larmes de lait
Ont pleuré, sous le vent cruel qui les repousse,
À travers de petits caillots de marne rousse
Pour s’aller perdre où la pente les appelait.
Mon Rêve s’aboucha souvent à sa ventouse ;
Mon âme, du coït matériel jalouse,
En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.
C’est l’olive pâmée, et la flûte caline,
C’est le tube où descend la céleste praline :
Chanaan féminin dans les moiteurs enclos !
33
Téléchargement