Le Curieux 6 « Tout l’intéresse, tout le passionne, rien ne l’ennuie » PSYCHOLOGIE Vivre d’air MATHS Ensemble vide RIEN Éditorial Vingt-huit pages sur Rien. Absurde me direz-vous, et bien je n’en suis pas si sûre. La notion de rien intéresse tous les domaines, elle fait partie de ces abstractions qui ne peuvent être comprises que par l’être humain. Le rien, le vide, l’absence, on ne les comprend qu’en opposition à l’objet, à la personne, à la présence. D’ailleurs, le rien n’existe pas en physique. Il ne peut pas ne « rien avoir ». Prenez une oeuvre d’art. On pourrait se contenter de poser une toile devant les yeux d’un public et affirmer : ceci n’est rien et pourtant non. Un carré blanc sur un fond blanc, c’est déjà quelque chose. Il est plus facile de parler du vide, vide qui peut donner naissance à quelque chose, vide que le cerveau s’évertue à remplir. L’ensemble vide en mathématiques peut porter des fruits, le vide juridique n’est pas inquiétant bien au contraire. Le vide est la marque de notre liberté, de notre Humanité. Admirez le vide, laissez l’optimisme vaincre parce que comme le disait Shimon Perez, «optimistes et pessimistes meurent de la même façon mais ils vivent différemment». Retrouver le vide, le rien, c’est aussi se concentrer sur l’essentiel, sans fioritures mais avec harmonie. N’est-ce pas la quête des artistes minimalistes au fond ? Toutefois, prenez garde. Nous ne sommes pas des créatures de pire esprit et ne rien faire comme ce fabuleux anti-héros Oblomov, c’est aussi renoncer à vivre. Ne rien manger, ne rien boire, ne rien consommer, c’est aussi renoncer à intégrer le monde, à y trouver notre place. Combien d’hommes et de femmes cessent de s’alimenter et tentent ainsi de disparaitre, de ne plus exister ? L’anorexie est une maladie terrible, douloureuse mais c’est tout aussi difficile de faire le choix de vivre malgré les souffrances, de se battre pour s’affirmer et marquer la Terre de notre présence. Quiconque a vécu sait qu’en un clin d’oeil on peut passer de la place du loser, du zéro à celle du héros et de l’infini. C’est pourquoi, je vous invite à dépasser le nihilisme. Dieu est mort. C’est un fait. C’est l’Homme qui importe dans ce monde et jamais aucun Dieu, aucun animal, aucun tyran ne doit pousser l’Humanité à la destruction car nous savons ce que c’est que de mourir, de ne plus exister. Nous avons conscience de ce que nous sommes, enfants de Dieu, citoyens du monde, êtres humains. Ne nous battons plus à coups de religion, d’idéologie mais rassemblons autour de ce qui fais que nous sommes des hommes et ainsi du vide, du rien, nous atteindrons tous, dans cette vie la plénitude pacifique que nous recherchons secrètement. Anne-Sophie Cissey Crédits et info légales Le Curieux, [email protected] 2 1 Sommaire Livre : La Révolution transhumaniste p.4 Art : Malévitch, carré blanc sur fond p.5 Maths : Ensemble vide p.7 Droit : Le vide juridique p.9 Arts visuels : Less is more p.11 Littérature : « Ne faisons rien, ... » p.13 Tribune Libre p.15 Psychologie : vivre d’air p.17 Le Curieux des astres p.19 Maths : du zéro à l’infini p.20 Les Curieuses recommandations p.22 Philosophie : Rien, vide, néant, éther p.24 RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN 2 RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN RIEN Livre La Révolution transhumaniste de Luc Ferry expose toutes les inquiétudes que nous pourrions avoir vis à vis de demain. Et elles ne sont pas des moindres. Avec l’arrivée du numérique, les progrès se sont multipliés et se sont développés si vite que nous n’avons pas eu le temps de les assimiler avant que n’apparaisse une nouvelle avancée qui apportera elle aussi son lot de menaces. L’inquiétude est légitime. Nous ne savons pas quelles conséquences aura par exemple le transhumanisme. Le fait de pouvoir améliorer les capacités d’un être humain, de transformer son génome de manière à ce qu’il réponde à nos attentes… C’est forcément préoccupant. Voilà pourquoi nous n’avons jamais autant eu besoin du droit. Il faut absolument réguler ces nouvelles activités afin de ne pas se plonger dans un libéralisme dévoyé. La liberté, oui mais seulement si elle s’accompagne de responsabilité. Nous voulons tous d’une voiture connectée que nous n’aurons plus besoin de conduire mais qui sera responsable en cas d’accident ? Pourrons-nous boire autant d’alcool que l’on souhaite avant de « prendre le volant » ? En 1811, en Grande-Bretagne, les artisans et les directeurs d’usines « modernes » s’affrontaient. En jeu ? Les deux bords étaient en mesure d’offrir exactement le même service : le travail du tissu mais à des conditions très différentes. Les luddites ont donc commencé à saboter les machines avant de trouver la route du Droit et d’accepter la concurrence des usines. Qui ne pense pas aujourd’hui que l’automatisation et la robotisation posent un vrai problème de société ? On connaît tous les chiffres du chômage, on nous rabat les oreilles avec une croissance qui n’est pas au rendez-vous en Occident… On ne nous laisse aucun espoir et pourtant. Saviez-vous que le numérique a créé 4 fois plus d’emplois qu’il n’en a supprimé ? Malgré le nombre d’emplois crée par les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), le CDI semble menacé. Il ne s’éteindra probablement pas mais on devrait voir apparaitre à ses côtés de nouveaux contrats, pour une forme de travail plus souple, plus dynamique, laissant plus de libertés tant au payeur qu’au travailleur. L’ubérisation et la multiplication des entreprises individuelles montre bien que la mutation est en marche et plutôt que de lui résister ne faut-il pas l’encadrer ? 4 Le législateur a un énorme travail à faire. Il lui faut comprendre et accepter ce monde qui se dessine sans forcément se sentir démuni. Il me semble évident, comme à Luc Ferry, que cette réglementation ne peut pas se faire au seul niveau national. En effet, si je pense que l’euthanasie n’est pas une solution à la souffrance de fin de vie et que je souhaite l’interdire, mon citoyen ira dans le pays voisin qui l’y autorise. Évidemment, on sait tous que les problématiques sont les mêmes en matière de lutte contre la prostitution, contre le traffic de stupéfiant… La France est grande en Europe mais elle est toute petite dans le monde. Nous devons donc à la fois repenser notre place dans notre communauté mais au sein même de l’Humanité en général et définir dans les plus brefs délais dans quel monde nous souhaitons vivre demain. Edmond Tesquiou d'autre qu'une émotion pure, dépourvue de réflexion. "Quand la conscience aura perdu l’habitude de voir dans un tableau la représentation de coins de nature, de madones et de vénus impudentes, nous verrons l’œuvre purement picturale." écrit-il. ART Rien, rien que l’émotion de la couleur, Malévitch, carré blanc sur fond blanc par Igor Vitry Carré blanc sur fond blanc, 1918, Kasimir Malevitch. Huile sur toile, 79,4 cm x 79,4 cm. Visible au Museum of Modern Art, New-York. Bien sûr, Malevitch rejette les références au réel, ce qu’on appelle en art la figure, tout comme le mouvement de l’abstraction alors en pleine éclosion s’oppose avec énergie à la tradition de la figuration. Mais il veut aller encore plus loin, être plus radical, repousser les limites de l’abstraction, se débarrasser des formes et des lignes, ne conserver de la matière, inévitable, que l’idée de la couleur pure. La conséquence logique de son raisonnement est le monochrome. Malevitch choisit une même couleur, mais de deux marques différentes, l’une russe et l’autre française, ce qui donne une légère nuance bleutée d’écart entre le carré et son fond. Peindre un carré blanc sur un fond blanc, cela semble terriblement simple et basique. Alors pourquoi les peintres ne l’ont-ils pas fait plus tôt ? Pourquoi d’ailleurs n’ont-ils pas commencé par là ? Pourquoi l'Histoire de l'art a-t-elle évolué pendant des siècles en explorant quantité de pistes différentes, quantité de styles, du classicisme au réalisme, du baroque au symbolisme, du cubisme à l’abstraction, chaque génération d’artistes s’efforçant de remettre en question les acquis de la précédente, sans qu’avant 1918, personne ne présente aux spectateurs une telle œuvre ? Pourquoi 1918 ? Pourquoi un artiste russe ? Pourquoi la conserver précieusement dans un musée prestigieux ? Que nous dit-elle de si important, et même pour certains spectateurs de si scandaleux, cette œuvre si élémentaire que chacun d’entre nous pourrait la reproduire à la perfection ? On ne peut s’empêcher de se poser mille questions. Pourtant, pour Malevitch, l'observation de ses tableaux ne doit susciter rien 5 Il veut être révolutionnaire. L’art doit s’affranchir de tout. Ce degré 0 de la peinture qu’il atteint ainsi est la base de la nouvelle peinture qu’il veut créer. L’idée n’a rien de surprenant quand on pense au contexte historique de son travail. On est en 1918, en Russie. Quelques mois plus tôt, la Révolution bolchévique a dit ouvrir la voie à une nouvelle société, dans laquelle l'Homme se libérera du matériel pour aller vers le spirituel. Il y a un profond besoin de purification et de renouveau. On assiste à un foisonnement inédit de courants artistiques anticonformistes, l’Avant-garde russe. Depuis la fin des années 1850, la société russe et l’intelligentsia ont été sensibles au courant nihiliste. Selon le grand romancier Tourgueniev dont le roman « Pères et Fils » eut un succès considérable, « Un nihiliste, c'est un homme qui ne s'incline devant aucune autorité, qui ne fait d'aucun principe un article de foi, quel que soit le respect dont ce principe est auréolé. » Malevitch adapte cette philosophie à l’art. De plus, le blanc représente pour lui la pureté et l’infini. En peignant le premier monochrome de l’Histoire de l’art, Malevitch rejette le passé, il s’en libère et il fait le vide et, libre, il peint l’infini. La couleur pure devient icône, revendique-t-il, figure religieuse paradoxalement privée de figure. Dans cette œuvre éthérée, cosmique, l’artiste donne aussi à voir une part de son mysticisme. Cette quête de la pureté picturale s'inscrit dans le mouvement qu’il crée et théorise : le suprématisme. Cette recherche d’une peinture qui ne soit que pure sensation sera poursuivie par Alexander Rodchenko, Ellsworth Kelly, Robert Rauschenberg, Mark Rothko, Yves Klein, et jusqu’à nos jours par le plasticien Anish Kapoor et bien d'autres à travers des techniques très variées, que ce soit du monochrome sur toile, ou bien du pigment pur posé au sol. 6 Le Saviez-vous Rien vient du latin «res, rei» qui signifie... tout le contraire de rien, puisqu’il désigne une possession, une chose. C’est un cas d’évidement sémantique. Vous en connaissez un autre, par ailleurs : «personne». MATHS Ensemble vide par Jacques Tanchowicz La théorie des ensembles est aux fondements des mathématiques. C’est Georg Cantor (1845 - 1918) qui jeta les premières bases de cette théorie dans la seconde moitié du XIXe siècle, mais elle fut plus rigoureusement axiomatisée par Ernst Zermelo (1871 - 1953), puis par Abraham Adolf Fraenkel (1891 - 1965) au début du XXe siècle, dans ce que l’on appelle communément la théorie ZF ou Zermelo-Fraenkel à laquelle on ajoute parfois l’axiome du choix (théorie ZFC). Tout le monde a une notion intuitive de ce qu’est un ensemble : c’est une “espèce de sac” contenant des objets que l’on appelle éléments. On peut dire en première approximation que c’est une collection d’objets et on peut, dans des cas simples, les représenter sous forme de patatoïdes (ce que l’on appelle des diagrammes de (John) Venn (1834 - 1923)). Il existe de nombreux ensembles, mais il n’en existe qu’un seul qui ne contienne aucun élément : c’est le fameux ensemble vide. On représente couramment les ensembles entre accolades, par exemple l’ensemble des chiffres est {0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9}. Très logiquement, l’ensemble vide est la coquille vide { } mais on le représente habituellement par la lettre norvégienne ∅ ; notation due à André Weil (1906 - 1998), membre fondateur du groupe Bourbaki Vous me direz : la belle affaire !… un ensemble qui ne contient rien. Mais je vais vous montrer pas plus tard que maintenant qu’avec cet ensemble vide, on peut recréer les nombres entiers ! C’est une construction que l’on doit / qui est due à John von Neumann (1903 - 1957). Avant toute chose, je vous donne quelques petits rappels ensemblistes afin de ne pas vous perdre. Considérons les ensembles suivants : A={1, 2, 3, 4} et B={3, 4, 5, 6, 7}. • Le nombre d’éléments d’un ensemble est appelé cardinal. Par exemple, card(A) = |A| = 4 et card(B) = |B| = 5. Et on a aussi card(∅) = 0. • L’ordre dans lequel on énumère les éléments n’a pas d’importance : (A={3, 2, 4, 1}). 7 • Si on répète un élément dans un ensemble, il n’est en réalité compté qu’une fois (A={3, 2, 4, 2, 2, 3, 1, 4}={1, 2, 3, 4}). • 1∈A et 1∉B (1 est un élément de A mais 1 n’appartient pas à B). • {1}⊂A et {1}⊄B (l’ensemble {1} est inclus dans A mais n’est pas inclus dans B). Il faut remarquer que l’ensemble vide est inclus dans tout ensemble (∅⊂A et ∅⊂B). • A∩B = {3, 4} (l’intersection de A et B est l’ensemble {3, 4} ; c’est le plus grand ensemble contenu à la fois dans A et dans B). Remarquons que si A et B n’avaient aucun élément en commun, on aurait A∩B=∅. Et on a en outre A∩∅=B∩∅=∅. • A∪B = {1, 2, 3, 4, 5, 6, 7} (ici on a A union B ; c’est le plus petit ensemble contenant A et B). Remarquons ici que A∪∅=A. • Pour tout ensemble, on peut considérer l’ensemble des parties de cet ensemble. Par exemple, P(A) = {∅, {1}, {2}, {3}, {4}, {1, 2}, {1, 3}, {1, 4}, {2, 3}, {2, 4}, {3, 4}, {1, 2, 3}, {1, 2, 4}, {1, 3, 4}, {2, 3, 4}, {1, 2, 3, 4}}. C’est un ensemble d’ensembles : les éléments de cet ensemble sont des ensembles. Vous remarquerez / observerez que A et l’ensemble vide en font partie (∅∈P(A) et A∈P(A)). Et vous noterez également que card(P(A)) = 16 = 24. D’une manière générale, si E est un ensemble de cardinal n alors card(P(E)) = 2n (et c’est même généralisable si E est un ensemble infini mais cela nous entraînerait trop loin). Revenons maintenant à nos moutons. Étant donné que l’ensemble vide ne contient aucun élément, on peut presque naturellement poser « 0 = ∅ » (c’est une simple notation). Considérons maintenant l’ensemble {∅} : c’est un ensemble qui contient l’ensemble vide et on le note « 1 = {∅} », ce qui ne devrait pas choquer non plus étant donné que cet ensemble contient un élément. Arriverez-vous à deviner quel est l’ensemble que l’on notera 2 ? Si vous avez pensé à 2 = {∅, {∅}}, bravo, c’est la bonne réponse. Notez également que 2 = 1∪{1} = {∅} ∪ {{∅}} = {∅, {∅}} = {0, 1}, tout se recoupe… 8 En appliquant ce principe, on trouve : 3 = 2∪{2} ={∅, {∅}} ∪ {{∅, {∅}}} = {∅, {∅}, {∅, {∅}}} = {0, 1, 2} 4 = 3∪{3} = {∅, {∅}, {∅, {∅}}, {∅, {∅}, {∅, {∅}}}}, et ainsi de suite… On recrée les nombres entiers avec uniquement l’ensemble vide comme matériau de base ! Mais il y a mieux encore… vous pouvez remarquer que 0∈4, 1∈4, 2∈4 et 3∈4. Ainsi, la relation d’appartenance des ensembles ∈ est exactement la relation d’ordre des entiers < (a∈b si et seulement si a<b). Hypnose DROIT Le vide juridique par Yvonne Riechthofen Je vais tacher de vous parler du Rien en Droit (Non, je ne vous dirai pas ce que j’ai fait pour écoper d’un tel sujet). A priori ce n’est pas très vendeur, et si j’ajoute à cela l’expression « vide juridique », je perds la moitié de mes lecteurs. Cependant, puisque vous êtes des gens de qualité, je tenterai de préciser la notion en l’étudiant sous deux angles différents : les cas où le juge refuse de juger, pour une raison ou une autre et les hypothèses dans lesquelles, il n’y a tout simplement pas de loi. Vous me suivez ? Le déni de justice Dès 1804, le législateur écrivait : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » (Code civil, article 4). On voit bien qu’en matière civile, (vous savez, c’est tout ce qui concerne la famille, le mariage, les contrats, …), le juge doit se débrouiller pour trouver un texte qui lui permette de résoudre le conflit. Là où le sujet est plus sensible, c’est en matière pénale (ce qui régit les infractions, délits et crimes) : le pauvre homme qui est incarcéré en maison d’arrêt pendant 10 ans en attendant son procès, on comprend qu’il ne soit pas très satisfait de la Justice. Ainsi, un juge d’instruction qui s’éterniserait à traiter un dossier, pourrait être accusé de déni de justice. C’est très bien tout ça, me direzvous, mais techniquement que risque un juge tombant sous le coup d’une telle accusation ? Pas grand chose : lorsque l’on surprend un magistrat en faute, c’est l’État qui est attaqué. L’État peut ensuite se retourner contre le magistrat. Dans cette hypothèse, l’article 434-7 du Code pénal dispose « Le fait par un magistrat (…) de dénier de rendre la justice après en avoir été requis, et de persévérer dans son déni après avertissement ou injonction de ses supérieurs est puni de 7 500 € d'amende et de l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques pour une durée de cinq à vingt ans. » Ça 9 juge en élargissant l’application d’un principe qui répondront aux nouvelles problématiques. ne rigole pas. Il faut dire que pour un juge, refuser de rendre la justice, c’est exactement la même chose que refuser de soigner un patient pour un médecin. Certains diront « mais il n’y a pas de vie en jeu », et pourtant, vous imaginez-vous à quel point il peut être pesant d’être associé à des crimes pédophiles notamment alors que l’on n’a strictement rien fait ? Et puis, imaginez un divorce qui s’étendrait sur une décennie de conflits avant de trouver une résolution… Du temps perdu, des vies détruites, les magistrats en ont conscience et font tout leur possible pour nous assurer un service fiable et rapide. L’absence de loi Mais que se passe-t’il quand il n’y a pas de loi ? C’est inimaginable en France a priori. En effet, grâce à la magnifique pyramide des normes de Hans Kelsen (un demi-dieu pour les juristes), il y a des chances pour que le cas étudié par le juge tombe sous le coup d’un droit fondamental, d’un principe général, d’une loi, d’une ordonnance, d’un règlement, d’un arrêté, d’une convention, d’une coutume ou d’une jurisprudence. Vous voyez, si votre cas n’est pas couvert par une de ces normes, c’est que soit vous le faites exprès ou alors vous n’avez vraiment pas de chance. Quoique, c’est de moins en moins vrai : l’arrivée du numérique notamment et de tous les progrès technologiques entraine un besoin de loi croissant. Qui est responsable par exemple en cas d’accident avec une voiture auto-pilotée ? Le gouvernement américain a-t’il le droit de surveiller les comptes Facebook des touristes européens passant sur son territoire ? C’est le législateur en créant une nouvelle norme ou bien le 10 Si j’évoque Hans Kelsen, je ne peux pas omettre Jean Carbonnier, un autre héros mythique pour les juristes. En droit, on s’inquiète beaucoup quand on voit un législateur hyperactif qui souhaite couvrir tous les domaines, tous les sujets, toutes les interactions humaines. On se rapprocherait dès lors assez rapidement d’un droit totalitaire, ce qui me parait assez inquiétant. L’article 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose que « La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. » Ce que nous protégeons par dessus tout dans notre société depuis des siècles, c’est bien la liberté individuelle. Dans cette hypothèse, J. Carbonnier envisage l’existence d’un « non-droit ». Il s’agit des moments de la vie de l’individu où la pression est moins forte. Avec la progression du droit anglo-saxon qui est présent partout, tout le temps, cette théorie tombe un peu à l’eau. Tout est réglementé et même sur-réglementé : de ce que vous fumez, à vos relations sexuelles (toutes les pratiques du BDSM ne sont pas légales), en passant par les sites que vous visitez sur Internet et de ce que vous y faites. Le juge trouvera donc une solution à n’importe quel problème comme il l’a fait sur la censure du dessin animé Sausage Party représentant des aliments qui s’adonnent à des rapports sexuels : « Considérant cependant que, d’une part, si une séquence, furtive, mime des relations sexuelles entre une boîte de gruau et une boîte de crackers, elle ne paraît pas, en l’état de l’instruction, figurer un viol à caractère raciste ; que l’aspiration par une poire à lavement du contenu d’une brique de jus de fruit ne peut être interprétée comme évoquant une agression à caractère sexuel que par des spectateurs en capacité de se distancier par rapport à ce qui leur est donné à voir » (TA Paris, 14 décembre 2016) «Le droit n’est pas cet absolu dont souvent nous rêvons.» Le doyen Carbonnier ARTS VISUELS Pendant des siècles, la décoration, l’architecture et la peinture favorisèrent l’accumu- Less is more par Célia Guimont lation des détails et des ornements. Souvent liés au pouvoir, les Arts faisaient l’éloge d’entités ou de personnages influents (Monarques, figures religieuses, familles de haut rang…etc.). Il s’agissait de montrer sa position par des espaces richement aménagés, garnis d’objets ouvragés, derrière des façades dont la décoration somptuaire reflétait le luxe et la profusion intérieurs. Les portraits flattaient, la décoration mettait en avant la rareté et le prestige. La civilisation égyptienne et son incroyable sens du détail précieux, l’Antiquité romaine et ses superbes parements de mosaïque, le Moyen-Age et son art des tentures, ou le baroque français ou italien ont ce point commun : l’opulence y est reine, rien n’y est jamais trop chargé. Le « Plus » est le mieux. Au XIXème siècle, avec l’avènement de l’ère industrielle, les Arts commencent à prendre des directions différentes, exploitant les nouveaux processus de production. En Architecture, l’ossature métallique permet la fabrication des structures directement en usine, et des temps de construction record. Les façades se vitrent, les grandes galeries aérées deviennent à la mode, comme dans les bâtiments du Crystal Palace en Angleterre. Mais ce n’est pas encore une vraie recherche de simplicité: les ornements sont toujours là, et il n’est pas rare de voir des bâtiments où l’acier est prépondérant somptueusement habillés de pierre, tels le fameux Grand Palais de Paris. De même, la peinture et l’illustration, influencées par le progrès du siècle, commencent à se répartir en une multitude de courants, ouvrant l’une des périodes les plus florissantes de l’histoire de l’Art. Les sujets varient, dépassant désormais l’officiel et le religieux : l’homme, la machine, le mouvement, le monde. Avec l’arrivée de la photographie, les peintres sont déchargés de leur rôle de « montreurs de réalité », et offrent une approche de plus en plus subjective. Romantiques, impressionnistes, expressionnistes s’affranchissent de la stricte représentation pour donner à leurs oeuvres ce supplément d’âme et de matière, qui - à l’époque décrié - emporte aujourd’hui l’adhésion. 11 Dans le domaine du design mobilier, de jeunes créateurs proposent, dès la fin du XIXème siècle, des lignes étonnamment modernes : l’« école de Glasgow » notamment, dont le représentant le plus célèbre est Charles Rennie Mackintosh, avec ses chaises épurées, avant-gardistes, qui restent une référence encore de nos jours. Celle-ci sera suivie dans d’autres champs : l’abstraction fait son apparition en peinture, avec la recherche de formes géométriques simples, universelles, et l’utilisation des couleurs primaires. Le mouvement De Stijl, construit autour de la revue éponyme, poursuit dans cette voie. Mené par l’architecte néerlandais Théo Van Doesburg, il applique ce principe à toutes les formes d’Arts visuels – notamment épaulé du peintre Piet Mondrian et du designer et architecte Gerrit R i e t v e l d . Quelques années après eux, et dans leur héritage direct, le Bauhaus, une des plus importantes écoles de design du XXème siècle, créera véritablement la modernité telle que nous la reconnaissons maintenant. Recherche de simplicité des formes et couleurs, concentration sur la fonction : l’objet est avant tout défini par son usage. Il n’est plus question d’ornement ou de représentation sociale, mais d’expression pure, ne gardant que les éléments fonctionnels : l’assise et le dossier, par exemple, pour une chaise. Parallèlement, l’architecture suit le même chemin. Le style international, dont le fer de lance est le célèbre Le Corbusier, utilise les propriétés structurelles du béton pour dégager les espaces et, avec le système poteau-poutre, agrandir les pièces, affinant les murs et les dépouillant de leurs moulures et autres pilastres. L’architecte Mies Van der Rohe donnera la formule : « Less is more ». L’essentiel devient l’idéal. L’espace libéré, presque vide, est lumineux, propice au mouvement. Les célèbres Farnsworth House, de Mies Van der Rohe, et la villa Savoye, du Corbusier déploient des espaces aérés où le soleil pénètre à flots, et où l’extérieur se mêle à l’intérieur. 12 Dans les années 1960, le courant minimaliste ou « Art minimal » viendra appuyer toutes les tendances ouvertes par l’abstraction (le « Carré blanc sur fond blanc » de Casimir Malevitch ayant créé la révolution en 1918). Des artistes comme Donald Judd utilisent des matériaux bruts – pierre, bois – pour créer des formes abstraites et simples, qu’ils disposent souvent dans un cadre naturel. Aujourd’hui, le minimalisme est sans doute à trouver sous d’autres formes. Si l’Architecture est sortie du rigide style international – une de ses plus grandes erreurs ayant été de créer des cités dortoirs anonymes souvent devenues des ghettos – et que notre design est plus chatoyant, il semble a v o i r p r i s d ’ a u t r e s f o r m e s . Ce sont plutôt des modes de vie, des modes d’habiter ou de consommer visant au minimal : acheter moins, recycler au maximum, fabriquer soimême, etc. Certains entreprennent de construire leur propre maison, avec des procédés simples, comme la yourte ou la maison à ossature bois doublée de paille ou de chanvre. Des établissements hôteliers proposent maintenant des séjours en cabane perchée dans les arbres, ou même une chambre sans toit ni murs… En parallèle, les transformations de containers et de vieux wagons en logements se développent. Le visuel n’est d’ailleurs pas le seul domaine de cette quête de l’essentiel : le succès de la méditation, du qi-gong, du feng shui en architecture intérieure, sont autant de marqueurs de la préoccupation des grandes sociétés industrielles pour ce retour à la sérénité acquise par le minimal. On vend aujourd’hui des casques audio « bruit zéro », et l’on commence à s’intéresser aux « chambres sourdes », ces pièces aux décibels réduits, au-delà du cadre purement scientifique. Le minimalisme semble non seulement ne pas avoir disparu, mais avoir dépassé les objets eux-mêmes, pour rentrer dans l’esprit de notre temps. Est-ce là l’apogée de son développement, ou au contraire, seulement ses prémices ? La réponse dans quelques décennies, certainement. LITTÉRATURE «Ne faisons rien, c’est plus prudent» par Célia Guimont Rester au lit toute la journée, ne caresser aucun but, éviter ses semblables : voici le fait d'Oblomov, héros créé par Ivan Gontcharov en 1859 pour le roman éponyme, et devenu un emblème de la littérature russe. Ilya Ilyich Oblomov, gentilhomme aisé, s'annonce dans l'ouvrage avec un manque d'énergie flagrant : allongé, en robe de chambre, il subit le défilé de ses amis, venus l'enjoindre à se mêler à la vie mondaine, à trouver femme, et améliorer sa position. A toutes ces requêtes, Oblomov répond par la négative, sous l'oeil moqueur de son domestique aigri et voleur, Zakhar. Répondre à une invitation ? Il n'en voit pas l'intérêt. Visiter ses terres et veiller à ses affaires ? Cette pensée l'emplit d'angoisse. Chercher une épouse ? Voilà bien un domaine qu'il évite, car les affaires amoureuses sont, selon lui, le lieu de tous les soucis. Pourtant, malgré ses efforts pour l'éviter, la vie se rappellera à Oblomov. Peu à peu, il sera entraîné dans un tourbillon d'événements auxquels son laisser-aller n'opposera aucune résistance : les tourments d'une passion amoureuse avortée, une situation finan- cière en plein effritement, et, progressivement, dans son esprit, la perte de la clairvoyance et du sens. Est-ce là une mélancolie ? Le roman appelle ce mal familial « L'Oblomovtchina » : un désir chronique de ne rien faire, une douce volupté de se laisser porter par la paresse, dans une torpeur tenant éloigné du désir et de la volonté. Aujourd'hui, on parle d'Oblomovisme pour cette non-existence ; si le vouloir construit l'Homme, Oblomov est sans doute un soushomme. A moins que ce ne soit l'inverse ?... L'opposé d'Oblomov s'appelle Andrey Stoltz : vif, intelligent, ambitieux, il additionne les réussites là où son ami collectionne les échecs - ou plutôt, les essais avortés. Pourtant, malgré toutes ses qualités, le lecteur ne peut s'empêcher, par moments, de le trouver banal à côté d'Oblomov, ce personnage en creux, si éloigné de ce qui donne teneur à la vie : le désir qui meut, fait réaliser des prodiges, quêter toujours davantage. 13 Pascal écrivait : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » Mais il se contente de rêver, d'aligner des idées qu'il ne souhaite pas vraiment voir se réaliser – la vie est plus tendre lorsqu'elle reste abstraite. Oblomov semble le savoir - et même, ne savoir que cela. Et pourtant, si l'on en croit le roman, de là viendra son malheur. Pourquoi ? Parce qu'une telle destinée est inconcevable dans le monde des hommes ? Parce qu'elle est une condamnation à la solitude, en même temps qu'à la dépendance des autres ? Si l'on parlait d'Oblomovisme aujourd'hui, on regarderait sans doute du côté de la question de la place du travail comme vecteur d'épanouissement. Cela mérite des débats approfondis, cependant un fait semble certain : Oblomov est une déclinaison de la condition humaine, marginale, anormale, mais suffisamment éloquente pour qu'on puisse se demander si un Oblomov ne sommeille pas en chacun de nous... Une autre héroïne de la littérature, plus récente et occidentale, a fait le même choix : Lucile, le personnage de La Chamade de Françoise Sagan, femme entretenue qui passe ses journées à lire – laissant son amant dans l'incompréhension. L'étonnement du jeune homme laisse cependant peu à peu place à la question : ce mode de vie est-il une lâcheté ou, au contraire, la plus haute expression de la liberté humaine ? (*) Deleuze n'avait-il donc jamais eu de chats ? La question reste entière (digression de l'auteur). Oblomov introduit cette même intéressante ambiguïté : on y retrouve l'implacable logique de la morale sociale, qui demande à chaque citoyen d'être utile, et précipite Oblomov dans la déchéance – après tout, la paresse n'est-elle pas un des sept pêchés capitaux ? - et, plus subtile et mutine, la subversion, qui nous montre un Oblomov attendrissant, inadapté au monde mais finalement très humain, trop humain. Car si l'on y réfléchit, quel autre être que l'Homme peut se donner une destinée aussi absurde et parasitaire que de ne rien faire ? Le règne animal entier est en éveil pour survivre, chasser, se reproduire - les proies aux aguets, les prédateurs en traque. L'animal est, par nature, intranquille, disait Deleuze.(*) La destinée d'Oblomov pourrait être, au fond, celle d'un Homme immortel, ayant échappé à sa condition : vivant dans un temps infini, déchargé des nécessités vitales, il ne subit plus l'urgence liée à sa finitude. Quelle serait la libido d'un tel Homme ? Dans une Russie coutumière de l'autoritarisme ou de la bureaucratie aliénante, pas étonnant qu'une telle destinée ait fait rêver. Oblomov est la révolte face à l'autorité : celle de l'ordre social – voici un propriétaire terrien qui à aucun moment n'assume le rôle lié à son rang – mais surtout celle de l'ordre naturel. Oblomov devrait avoir le goût, comme tout Homme, de l'action, de la conquête territoriale et sexuelle. 14 « Le blanc sonne comme un silence, un rien avant tout commencement. » Kandinsky TRIBUNE LIBRE par Mr FeeX Des innombrables aspérités plus ou moins hallucinées de la conscience, il n’en est qu’une qui fait trembler l’âme et raisonner l’intelligence … Mais laquelle ? Vers quoi l’insondable opacité de nos querelles intérieures, vociférantes, nous mène-t-elle ? C’est une réalité viscérale au sujet de laquelle le trouble suscité a engendré la nécessité d’un concept qui ne permet toutefois pas de la comprendre. C’est un élément si prégnant à notre nature que cet inconnu est perçu de tous sans que personne ne sache ce que c’est. Aucune convention, aucun modèle, aucun génie n’aura permis d’apaiser notre soif d’illusion de contrôle, en posant une marque à son sujet. Il est cette indescriptible, incontestable mais jamais touchée, part de tout. La prise de conscience même que cela puisse exister est vertigineuse. Aucune piste pour y aller, aucun dessin pour nous le montrer, aucun dictionnaire pour nous proposer autre chose que la définition de son concept : c’est le plus grand mystère de l’univers, mais en même temps quelque chose dont on peut se passer sans y penser. Avec, tout est impossible mais sans, tout disparaît ! (si ça vous rappelle une énigme du Père Fourras c’est que le niveau baisse, d’avance, pardon …) « Merci pour cette introduction ! » … « De rien ! » Savez vous ce que c’est que « rien » ? moi je n’en sais rien ! Mais alors, rien du tout ! Mais alors autant que tout ce que « rien » peut être ! Mais qu’est-ce ? personne ne sait ! Y en a qui disent que « rien » c’est rien ! … Merci ! … d’autres disent que rien, c’est tout ! et puis c’est tout ! décidément, merci ! Encore d’autres disent que « rien » c’est le vide ! Ok mais le vide de quoi ? Qu’est le vide ? Si « rien » est le vide, c’est que c’est quelque chose puisque le vide existe bel et bien … « ben c’est encore plus rien que du vide ! » … décidément les participants sont en forme aujourd’hui … Mais alors si le rien est encore plus du rien que le vide, le rien serait-il l’absence de tout ? La négation du positif ? 15 Ben … bof … l’antimatière et la négation sont utilisés tous les jours … du coup, pour de l’absence, c’est pas terrible. « Tu nous embrouilles, Mr FeeX ! D’habitude tu lâches trois conneries et deux jeux de mots et tout le monde est content et peut retourner consulter le calendrier de l’avent « Nabilla » ! Et c’est pas rien ! » … Ouais, désolé ! Je m’égare, je réfléchis, je cherche, je sonde, j’inspecte, j’introspecte, je furète, je « stalk » la réalité ! … Ou plutôt (le chien de mickey), j’interroge l’absence de réalité en quête de réponse. Mais l’absence de réalité peut-elle me répondre ? et si oui comment ? par du « rien » ? ce serait logique … pas pratique … mais logique. Certains maîtres boudhistes expliquent la vacuité en la comparant au rien, notion qui nous est chère. La vacuité n’est pas le rien, le rien n’existe pas, la vacuité peut s’observer, par introspection, et parallèlement aux travaux de la physique quantique. Ce serait l’existence perpetuelle d’une infinité de potentialité … Une espèce de création spontanée, libre et éphémère, tout le temps ! Waouh ! Ca pourrait ressembler au libre arbitre ! Pendant ce temps-là nous on se demande si le rien serait l’absence de tout … mais est-ce que l’absence de tout est possible ? le monde connu et inconnu recèlerait-il une telle chose ? a-t-on déjà vu du rien au microscope ? Perso, et vous savez à quel point je suis une omni-référence, jamais vu ! La vache ! j’en suis 4 000 caractères ! Ca passe vite en votre compagnie, celle-ci m’est agréable ! Je disais donc que, peut-être, le concept de rien n’existe juste pas … et c’est quelque chose ! Peut-être que nos ancêtres, flemmards qu’ils étaient, ont simplement constaté l’absence de quelque chose d’observable, et que ça devait juste être l’inexistence absolue. C’est pratique ! c’est pas logique … mais c’est pratique ! Imaginez-vous qu’en fait, ce que l’on appelle le rien n’existe pas, puisqu’il existe constamment quelque chose potentiellement, et que tout ce qui choisit d’exister se matérialise, même si on ne peut pas tous l’observer … je dis ça car même si on ne l’observe pas, on sent bien qu’il y a quelque chose à trouver ! Vous vous rendez compte du temps, des moyens et des compétences utilisées pour essayer de comprendre ce « rien » ? Cette frustration ! Ce bout de paradis perdu qui fait que nombre d’entre nous se lèvent le matin pour trouver ce que c’est ?(pas moi ! … trop occupé à essayer de comprendre, enfin, pourquoi on dit que les épisodes IV, V et VI sont après les épisodes I, II, et III… et puis c’est venu à l’idée de personne que l’oeuf et la poule sont peut-être arrivés en même temps ? A ça vous clouerait le bec, ça, hein ? en tout cas ce serait pratique … pas logique, mais pratique !) Vous savez pourquoi ils le font ? je crois qu’ils pensent rencontrer la transcendance. Parce que s’il faut bien l’ombre pour se rendre compte que la lumière existe, s’il faut bien être soumis à tentation pour savoir si l’on est vertueux, le « rien » vient révéler le tout. Si le rien est l’infinie potentialité en état constant d’incertitude, ce qui serait le « rien » pourrait être tout ! Ca pourrait même bien vouloir dire que le tout et le rien c’est la même chose ! Le rien, ce serait notre essence qui se rappelle constamment à nous en nous montrant notre absence de connaissance et notre entièreté de ressenti ! Qu’est-ce c’est beau ce que j’écris ! « Merci Mr FeeX ! » … De rien ! Ce n’est pas rien 16 de leurs parents entre également en jeu, notamment lors de la problématique œdipienne, réactivée à l’adolescence, et dont la sortie est bloquée par un dysfonctionnement de cette relation. Enfin, les normes physiques prescrites par les médias sont beaucoup plus incitatives et drastiques pour les femmes que pour les hommes. PSYCHO. Dans nos sociétés occidentales, c’est la cohabitation de l’abondance, de la liberté, du normativisme, du culte de la performance, et de leurs nombreux avatars, qui font le lit des troubles du comportement alimentaire. Vivre d’air par Olivier Cambon Quelque chose se joue à une étape-clé du développement de l’individu qui, tout en fixant en lui la peur de certains de ces aspects, le polarise sur d’autres. Il y a la peur de grossir qui, de toutes celles provoquées par notre système de normes, est l’une des plus répandues. Dans certains cas, elle mène à l’obésité par privation, puis décompensation. Dans d’autres, elle se mue en terreur et démesure. L’évitement de toute rondeur devient alors un idéal, une perfection jamais atteinte. C’est le paradigme de certaines anorexies mentales. Alors, elles commencent par un régime ! Il est souvent progressif, mais quelque chose en elles les pousse à le durcir encore et encore, refusant activement la faim. Certaines croient tenir un idéal de maîtrise vers lequel elles veulent aller. Mais c’est la disparition sans bruit d’autres appétences qui pourraient équilibrer, tempérer cette envie. C’est le rien du désir qui aboutit au désir du rien alimentaire. D’autres ont conscience du problème naissant, mais se sentent démunies face à une poussée intérieure qu’elles ne peuvent ni combattre, ni expliquer. Les spécialistes s’accordent généralement à dire que l’anorexie est un trouble du comportement alimentaire qui s’impose, qu’on croie le choisir ou non. Tout se La grosseur est associée dans les sociétés occidentalisée à différents traits de caractère supposés, souvent fantasmatiques, et généralement négatifs. Mais elle se charge aussi de significations différentes pour chacun en fonction de sa propre histoire. Chez certains obèses, ce peut être un deuil non fait, ou un fardeau émotionnel d’une autre nature, qui est supporté en permanence. Quant à de nombreuses anorexiques, c’est leur propre féminisation qu’elles refusent par le rejet de la rondeur de certaines parties de leur corps. C’est une des raisons pour lesquelles les anorexies commencent généralement à l’adolescence, et concernent les filles dans plus de 8 cas sur 10. Leur situation propre à leur sexe dans la relation entre elles et chacun 17 joue dans l’inconscient : le conflit entre leur besoin d’attention et leur rôle imposé par la dynamique familiale ou par elles-mêmes génère une culpabilité qu’elles transforment en agressivité retournée contre soi. Et elles obtiennent cette attention en bouleversant totalement la vie familiale, qui va désormais tourner autour d’elles et de leur maladie. Les effets du jeûne prolongé sont connus depuis longtemps : des hormones comme l’amphétamine, la dopamine et des endorphines viennent doper le corps. Elles créent un état d’euphorie qui vient anesthésier un vécu douloureux souvent éprouvé depuis longtemps. C’est ainsi que les désirs et conflits internes sont éludés, tenus à distance, et remplacés par cet état émotionnel d’euphorie teinté d’anesthésie qui fait écran. Ceci est un des effets de l’anorexie que l’on retrouve dans la boulimie et l’hyperphagie, qui lui sont opposés, bien que l’état émotionnel induit par chacun d’eux ne soit pas le même. Des recherches neurologiques plus récentes mettent en évidence un phénomène qui joue un rôle dans le trouble anorexique : atrophié par les carences alimentaires multiples, le cerveau dysfonctionne et des troubles cognitifs apparaissent : hyperactivité, rituels obsessionnels, et notamment troubles de l’image du corps et de la perception de soi. L’anorexique grossit exagérément certaines parties de son corps dans son image mentale. Les mesures et représentations concrètes du corps ne suffisent plus à corriger cette déformation intégrée qui, jointe à la peur de perdre le contrôle de son corps, contribue à compliquer considérablement la sortie de ce cercle vicieux par la malade. Le diagnostic est posé par le médecin à l’observation de trois symptômes, les « 3A », l’anorexie, au sens de perte d’appétit malgré une faim évidente ou masquée, l’amaigrissement, souvent massif, et l’aménorrhée, la perte des règles. L’hospitalisation en urgence est décidée lorsque l’indice de masse corporelle est inférieur à 13-14, lorsque des déséquilibres importants concernant les ions (potassium, calcium, sodium) menacent le fonctionnement d’organes vitaux (le cœur ou les reins), ou lorsqu’une dépression fait courir un risque réel de suicide ou d’automutilation. Longtemps isolées dans des hôpitaux psychiatriques classiques, les anorexiques bénéficient désormais de structures d’accueil spécialisées. L’approche multidisciplinaire y est la règle, et répond à l’origine complexe et multifactorielle de ces troubles. Parmi les anorexiques, qui représentent 2 % de la population française, un tiers d’entre elles guérit quasiment sans trouble résiduel, un autre tiers améliore considérablement 18 son état, mais gardera des séquelles comportementales plus ou moins profondes, et le dernier tiers s’installe dans la chronicité. 10 % des femmes anorexiques mourront de façon prématurée de complications. Et le grand drame de cette maladie psychiatrique est d’être celle qui entre toutes entraîne le plus de suicides. Alors espérons qu’un jour, d’autres approches intégrées, et une connaissance du corps toujours plus profonde, nous permettent de les aider à sortir sereinement de cette prison. Le Curieux des astres Santé : À la vôtre ! Amour : Bouc et missionnaire. Santé : J’aime pas les balances. Bélier Argent : Méfiez-vous des pots d’ovin Argent : Je balance l’argent par les fenêtres. Santé : Vous êtes nerveux, vous ruez, vous donnez des coups de cornes, vous grattez le sol avec vos sabots, vous soufflez des naseaux. Amour : Vous lui faites toujours un effet bœuf. Argent : Vous êtes dans le rouge ce mois-ci. Mais même temps, vous avez tendance à tout voir en rouge… Balance Santé : Alors comme ça vous n’aimez pas les piqûres… ? Taureau Amour : Still loving you. Scorpion Argent : Vous avez des oursins dans les poches. Santé : Arrêtez de vous agiter dans tous les sens. Santé : Vous allez porter des lunettes à double foyer. Amour : Vous avez la même vie sentimentale que vos prochaines lunettes. Amour : J’aime pas les Balance. Gémeaux Amour : Vous ne laissez pas de place au dialogue parce que quand il s’agit de vous taire… Sagittaire Argent : Une importante rentrée d’argent cette année ou la banqueroute, les astres ne sont pas bien d’accord. Argent : Vous allez doubler votre capital. Santé : Pas trop de métastases ce mois-ci. Amour : Vous allez connaître la chimio merveilleuse de l’amour. Santé : Ça va… Cancer Argent : Ça vient… Argent : N’oubliez pas que votre argent ne s’use que si l’on Çancer. Amour : Ça va et ça vient (entre vos reins)… Santé : Mettez un tigre dans votre moteur. Santé : Il ne vous reste qu’un mois à vivre, choisissez bien lequel. Cœur de Lion : Vous n’aviez jamais mangé de camembert. Argent : Faites rugir votre argent qui dort au Crédit léonin Lion Verseau Argent : L’argent ne fait pas le bonheur mais le contribuable. Santé : Vous cuisinez à l’huile vierge, vous portez des pulls en laine vierge, même votre casier judiciaire est vierge ! Amour : Votre couple bat de l’aile… mais l’oiseau aussi bat de l’aile, et parfois même des deux. Pensez-y. Amour : Vous vous pliez en quatre pour votre moitié qui s’en fiche comme du tiers. Capricorne Santé : Comme un Poissons dans l’eau. Vierge Amour : Prends un petit Poissons, glisse-le entre ses jambes. Poisson Argent : Vous payez toujours en liquide. Argent : Arrêtez de signer des chèques en blanc. 19 MATHS Que de mots pour décrire l’inexistence ou l’absence : rien, vide, zéro. Du zéro à l’infini par Joël Féron Des termes qui s’accompagnent invariablement de la notion d’infini, raison pour laquelle certains ont accueilli ces notions avec joie et bonheur et d’autres les ont combattues au risque d’aller jusqu’à l’assassinat organisé pour défendre leurs idées voire leur pouvoir religieux. Inventé par les Babyloniens, rejeté par les Grecs, encensé par les Hindous, le zéro est au cœur des polémiques, des luttes, des spéculations des mathématiciens, des physiciens et des théologiens de toutes les époques. Les plus vertigineuses questions de la science, de la religion et de la philosophie se posent autour du rien et de l’éternité, du vide et de l’infinité. 3 siècles avant J-C, les babyloniens inventent le premier système de numération positionnelle savant de base soixante (de 1 à 60) utilisant une notation à base de deux symboles : clous et chevrons A titre d’exemple, notre système décimal est aussi positionnel (unité, dizaine, centaine,..). Le support de notation était une tablette d’argile. La tablette YBC 7289, visible à Yale, probablement écrite par un scribe babylonien de la première dynastie (entre 1900 et 1600 av. J.-C) contient la valeur de racine carrée du chiffre 2 précise au millionième 20 près. Dans cette numération, un espace entre groupe de symboles a une signification qui apporte beaucoup d’ambiguïté. En effet, cet espace n’a de signification que par l’existence de symboles placés à sa gauche. Ils ajoutent donc un troisième symbole, un marque-place. Ce symbole n’est pas un chiffre, ce n’est pas encore le zéro. A la même période, les Mayas intègre le zéro dans leur système à base 20 (de zéro à 19). Mais leur système n’a jamais connu de diffusion large comme le système babylonien. Alors que les Grecs ont connaissance du système babylonien et l’utilisent pour leur calcul, ils rejettent le concept du vide. En effet le zéro est inexorablement lié au rien qui engendre une peur primale devant le vide et le chaos. Chez les Grecs, la négation de l’infini implique la négation du vide, puisque le vide implique l’existence de l’infini. Par sa nature même, le vide n’offre que deux possibilités logiques qui toutes deux entrainent l’existence de l’infini. La première, c’est qu’il existerait une quantité infinie de vide, donc l’infini existe. La seconde suppose une quantité finie de vide, mais puisque le vide n’est que le manque de matière, il faut qu’il y ait une quantité infinie de matière pour assurer la finitude du vide. L’univers grec créé par Pythagore, Aristote et Ptolémée survit à la fin de la civilisation grecque. Dans leur univers, il n’y a rien qui soit rien. Il n’y a pas de zéro. On compte à partir de 1. Pythagore avance que la terre est au centre de l’univers, que la terre est au cœur d’un système fini de sphères célestes imbriquées qui font de la musique en tournant. La doctrine de Pythagore devient le noyau de la philosophie occidentale reprise par Aristote et ses successeurs jusqu’au XVIème siècle. Pour l’occident, celui qui tourne la dernière sphère céleste ne peut être que Dieu, c’est la démonstration même de l’existence de Dieu. Malheur à ceux qui pendant presque deux millénaires émettront des doutes. L’interdit du zéro est tel que dans notre calendrier, il y a les années avant J-C, les années après -JC, mais point d’année zéro, ce qui engendrera la polémique du passage à l’an 2000. La pensée aristotélicienne est notamment défendue par les Jésuites en réaction aux menaces de la réforme protestante. Les idées qui au XV siècles ne posaient aucun problème et passaient même inaperçues sont devenues dangereuses quand le pouvoir catholique s’est senti menacé. Même Descartes, jésuite de formation, qui accepte de mettre comme point de départ de son repère cartésien le zéro, refuse d’accepter l’idée du vide et de l’infini. C’est Blaise Pascal, son contemporain, Janséniste et donc anti-Jésuite, qui réconcilie Dieu, le zéro et l’infini au travers de son fameux pari sur l’existence de Dieu. C’est aussi lui qui reprend et explique les premières expériences de création du vide. C’était pour lui indispensable de réconcilier son amour pour les mathématiques, les sciences et sa foi profonde. La vision orientale par contraste est toute différente. En Europe, le zéro est proscrit, mais en Inde et plus tard dans les pays arabes, il prospère. Le changement vient d’Inde qui via Alexandre le Grand prend connaissance du système babylonien, le transforme en base dix et substitue un vrai zéro au marque-place. L’Inde n’a jamais eu peur de l’infini ou du vide et les avait intégrés. Le vide a en effet une part importante dans la religion Hindoue. Le monde sort de rien et retourne au rien. L’Inde en explorant activement le vide et l’infini donne enfin naissance au zéro. Alors que le monde occidental reste bloqué sur son mode de pensée, vers 700, l’Islam emprunte à l’Inde le zéro et l’introduit en occident. En effet les musulmans intègrent rapidement les savoirs des peuples qu’ils conquièrent. L’algèbre est née dans la Maison de la Connaissance à Bagdad. Le mot même de zéro reflète des racines indiennes et arabes. Le nom indien était « sunya » qui signifie « vide » que les arabes changèrent en « Sifr » qui est devenu « zephirus » en latin. Le graphisme des dix chiffres (0 à 9) que nous utilisons découle directement des premiers symboles indiens qui ont été adaptés par les Arabes. Il serait plus juste de parler de chiffres indiens que de chiffres arabes. Les débats sur l’origine de notre monde sont encore très vifs et notamment la notion de Big Bang, des trous noirs et de la théorie des cordes s’oppose une nouvelle théorie de la « Gravitation Quantique à Boucle » qui dit que l’espace temps et la matière ne peuvent être condensés au-delà d’une taille minimum limite dite de Planck. Nous n’aurions pas connu un Big Bang mais un Big Bounce (grand rebond). Cela me rappelle les discussions chez les Grecs avec les Atomistes qui disaient que la matière ne pouvait être réduite au-delà de ces éléments. Pour mémoire, leur théorie était refusée, car il fallait du vide pour ces éléments minuscules puissent se mouvoir. Dans la même veine, Descartes pensait que le mouvement rectiligne n’était pas possible, parce que là aussi il fallait du vide, alors qu’avec le mouvement circulaire, il n’y avait pas de problème. La boucle est bouclée…. 21 Les curieuses recommandations Curieux relatif au langage) de toutes ses références à Dieu afin de lui rendre une pureté d’argumentation qui ne dépendrait pas de l’existence d’un Être dont nous ne pouvons démontrer ni l’existence, ni l’absence. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Nous sommes tous d’accord a priori et pourtant… La création ex nihilo semble poser la proposition inverse, à savoir que le monde s’est construit à partir de rien. Le débat n’anime donc plus ni la physique, ni la philosophie. L’hypothèse semble avoir été reléguée à des questions métaphysiques voire même théologiques. Dans les deux volumes d’ex nihilo, Paul Clavier poursuit un grand travail de recherche consistant à déterminer quand et comment le débat a-t’il quitté la scène philosophique. Il alterne histoire de la philosophie et discours philosophique faisant progresser le lecteur en l’amenant à douter de chaque thèse tout en vérifiant les arguments de chacun. Limitons-nous au champ de la philosophie analytique, celle qui est née des travaux de Russell et qui s’appuie sur le langage afin de clarifier la pensée par la logique. Pendant un certain temps, la métaphysique fut écartée de leur domaine d’étude parce qu’elle est invérifiable. Il est inutile de se demander si Dieu existe. Pascal et Kierkegaard ont répondu à la problématique et aucune preuve empirique n’est possible. Comme l’écrivait Barth, « Nous savons que Dieu est celui que nous ne connaissons pas, et que c’est précisément ce non-savoir qui est le problème et l’origine de notre savoir. Il est l’abîme secret, mais également la patrie secrète au commencement et à la fin de tous nos chemins ». Ainsi, Carnap a-t’il pu proposer de vider le Tractatus de Wittgenstein (dont nous avons parlé dans le Numéro 1 du 22 Peut-on pour autant en rejeter l’idée aussi simplement ? Paul Clavier démontre, par l’étude de la création ex nihilo, qu’il faut être plus nuancé. Certes, le fait de croire que le monde a été créé de rien s’oppose à notre entendement : ainsi, comment et pourquoi un Dieu immuable pourrait il changer avec le temps et devenir le Créateur ? Les théologiens ont coutume de parler de la Création comme d’un mythe fondateur, comme d’une image. Bultman va jusqu’à affirmer que « l’affirmation de Dieu comme créateur ne peut pas être entendue comme un énoncé théorique sur Dieu, saisi dans un sens général de creator mundi, mais elle exprime exclusivement une relation existentielle. Cette affirmation ne peut être qu’une confession personnelle signifiant que je me comprends moi-même comme une créature qui doit son existence à Dieu ». Karl Barth assume d’ailleurs que la Création soit juste une révélation et qu’elle ne soit pas compréhensible par l’esprit humain : « Que Dieu soit notre créateur, ce n’est pas une vérité universelle, un préambule à connaître ni à acquérir par nos propres forces; c’est au contraire une vérité révélée ». C’est relativement difficile à concevoir et cela même en philosophie analytique. Comment peut-on dire que Dieu a créé quelque chose à partir de rien ? Comment le concevoir ? C’est tout bonnement impossible puisque rien dans notre monde n’est comparable. Qu’est-ce qui passe de Dieu vers l’objet créé ? Tant de questions qui ne trouvent aucune réponse. La philosophie religieuse analytique connait cependant un renouveau Browe expose ainsi : 1 Tout ce qui est contingent doit avoir une cause de son existence. 2 Ce monde est contingent. 3 Donc il doit avoir une cause. On voit bien que c’est le serpent qui se mord la queue. Il n’empêche que la réflexion a beaucoup de sens et je vous invite à lire cet ouvrage qui quoiqu’un peu difficile n’en reste pas moins passionnant. Julie Bailleul Le Centre Pompidou accueille actuellement une vaste rétrospective de l’oeuvre de Cy Twombly. On peut y admirer des sculptures, des dessins, des photographies mais ce sont principalement ses peintures qui sont exposées. L’exposition est d’ailleurs organisée autour de trois grandes périodes chronologiques qui marquent chacune un cycle différent pour le peintre. Le conservateur a mis en exergue toutes les facettes du travail de Twombly ainsi que son immense culture. On sait que cet artiste a été un lecteur infatigable : des antiques comme Homère et Horace aux grands poètes modernes comme Rilke et Mallarmé en passant par des auteurs plus exotiques comme le poète perse Djalâl-al-Dîn Rûmî. Vous verrez la jeunesse de Twombly, qui, tout juste rentré d’un périple autour de la Méditerranée réalise des oeuvres d’envergure comme Volubilis (1953) qui caractérise son travail des premières années dont les moyens matériels sont réduits à une simple mine de plomb. De son séjour en Italie, nous pouvons admirer quelques photographies et un des dessins tiré d’une série de huit oeuvres à la craie de couleur. Après son mariage, son oeuvre se fait beaucoup plus sensuelle. Son choix pour la peinture à l’huile plus sophistiquée que la peinture industrielle lui permet de représenter beaucoup plus finement ses passions du moment. Ainsi, sur la toile d’Empire of Flora, on distingue des morceaux de corps épars rappelant probablement ce qui furent ses premières années de mariage. En 1964, Twombly se lance dans un cycle tournant autour de l’Empereur Commode qui n’avait justement rien de commode. La critique de l’époque détesta, le public adora. En effet, on y perçoit les prémisses du minimalisme alors que l’auteur voulait y dessiner les phases psychologiques d’un homme trouble que certains qualifieraient de monstrueux. L’oeuvre fera ensuite des aller-retours réguliers entre Eros et Thanatos, alternant les périodes sombres et lumineuses. Pour conclure, je ne dirai pas que l’oeuvre de ce peintre est « belle » dans le sens d’harmonieuse mais, elle est très intéressante et rien que pour ça, je vous invite à aller l’admirer au musée Pompidou. Julie Bailleul 23 PHILOSOPHIE Rien, vide, néant, éther par Coraline Le Du 24 Il était une fois un penseur qui vivait en Grèce, son nom ? Parménide d’Élée, son époque ? Entre le début du VIème et le milieu du Vème siècle avant Jésus-Christ. Il venait d’une famille riche et puissante ce qui lui avait permis d’étudier et de fréquenter le gratin des philosophes ; il discutait avec ceux de la rigoureuse école pythagoricienne et était peut-être même devenu le disciple d’un certain Xénophane. Par ailleurs, l’influence de la pensée de Xénophane sur celle de Parménide se ressent fortement dans ses œuvres et plus particulièrement dans celle qui nous intéresse aujourd’hui : le traité en vers De la Nature. Dans ce traité, dont il ne nous reste que quelques fragments, Parménide distingue la voie de la Vérité, qui est le fruit de l’intellect, de la pensée et de la logique (la seule voie vers l’Être) de la voie de l’opinion qui, elle, consiste en l’expérience du monde par les cinq sens. Pour lui, la pensée et l’être ne font qu’un, l’être étant immuable et continu. Pourquoi immuable ? Parce que le moindre changement de l’être ferait de l’être ce qu’il n’est pas. L’être deviendrait alors le non-être, nous serions en plein paradoxe… Le non-être n’existe pas, on ne peut penser la non-existence déclare Parmé- nide. Pourquoi, alors que les changements de la nature au fil des saisons peuvent être observés par tout un chacun, les théories de Parménide ont-elles été soutenues et prises au sérieux ? Parce qu’il s’appuie sur une logique difficilement réfutable. Par la suite de ses disciples, Zénon d’Élée, ira encore plus loin en termes de logique et sera à l’origine de nombreux paradoxes. Son plus célèbre paradoxe, celui d’Achille et de la tortue, s’emploie à démontrer la non-existence du mouvement et marquera les esprits jusqu’au XVIIIème siècle lorsqu’une explication mathématique du paradoxe de Zénon (via le calcul d’intégrales) sera découverte. Mais revenons à notre Parménide : on raconte qu’il aurait croisé le tout jeune Socrate. Ce dernier, inspiré par la rigueur et la rationalité son interlocuteur, aurait repris cette dichotomie entre l’opinion et la raison pour en faire une des fondations de sa philosophie. Bon, le petit problème c’est que tout ce que nous savons sur ces deux philosophes nous a été transmis grâce à un autre philosophe et écrivain, né en 428 avant Jésus-Christ et mort en 348 avant Jésus-Christ, j’ai nommé Platon. Platon se présente comme un disciple de Socrate. Pourquoi est-ce important ? Parce que Platon, s’il a rendu hommage à Socrate et à Parménide, profita de ses écrits pour railler les sophistes. Les pauvres sophistes, qui furent pourtant les premiers à créer une école de philosophie en Grèce, étaient considérés par Platon comme des mercenaires de la philosophie, capables de retourner leur veste et d’utiliser une logique fallacieuse pour défendre n’importe quelle théorie, pourvu qu’ils soient payés pour cela ! C’est pourtant un sophiste contemporain de Socrate et disciple d’Empédocle, nommé Gorgias de Léontium (né en 484 avant Jésus-Christ et mort en 376 avant Jésus-Christ) qui explore justement le concept de nonêtre dans son œuvre De la nature ou Traité sur le non-être. Gorgias prétend que l’être n’existe pas et réfute totalement la thèse de Parménide, il proclame « Si le non-être existe, il sera et à la fois il ne sera pas ». En résumé, Gorgias soutient que l’être comme le non-être n’existent pas et que rien n’existe. Cela lui vaudra à tort d’être pris rétrospectivement pour le père du nihilisme. Le nom de Gorgias passe à la postérité grâce au discours de Platon et aux techniques rhétoriques innovantes que Gorgias utilise pour convaincre ses contemporains. Pourtant l’aura de Platon et de son académie ainsi que les traditions des écoles philosophiques suivantes vont effacer peu à peu les efforts de Gorgias : la célèbre allégorie de la caverne qui prône l’existence d’un monde des idées qui est seul réel et d’un monde sensible illusoire va imprégner l’esprit des générations suivantes alors que la thèse de Gorgias va tomber dans l’oubli. Mais qu’en est-il d’Aristote ? Il ne faudrait tout de même pas oublier cette figure de la philosophie antique au cours de nos pérégrinations historiques, n’est-ce pas ? Eh bien Aristote pense qu’un principe universel s’impose à tous les corps : « la nature a horreur du vide ». Cette philosophie fera elle aussi des émules, tout du moins, jusqu’à la fin du Moyen Âge. En effet, si la nature a horreur du vide alors Dieu luimême doit suivre cette loi naturelle, la puissance de Dieu est donc amenuisée par la pensée aristotélicienne et cela ne plaît pas beaucoup à l’Église… Et puis arrive le savant Galilée (1564-1642) qui en commençant par soutenir le modèle copernicien des astres met à mal toutes les bases du système aristotélicien. En effet, Galilée supprime la distinction absolue faite par Aristote entre mouvement et repos, le mouvement est une chose relative et l’immuabilité des cieux n’existe pas. Mais alors, ce n’est plus de la philosophie, c’est de la physique me direz-vous ! Eh bien oui, le mouvement des astres, ainsi que la possibilité de l’existence du vide entre ces mêmes astres deviennent alors des questions scientifiques et non plus seulement des questions philosophiques. Galilée rédige en 1632 un Dialogue sur les deux grands systèmes du monde dans lesquels il défend le système de Copernic et raille les idées d’Aristote. Il discute également du mouvement dans un vide supposé, ce vide permettant de faire abstraction des frottements et de la poussée d’Archimède. C’est avant tout une expérience abstraite, d’idéalisation de la réalité qui lui permet d’étudier et de quantifier les mouvements. Cette expérience de chute des corps (des plumes et du plomb) a d’ailleurs été réalisée par un physicien anglais dans les locaux de la NASA et filmée par la BBC quatre siècles plus tard car, à l’époque, vider une pièce entière de tout son air n’était pas techniquement possible. L’expérience montre que Galilée avait vu juste. Galilée a du succès mais il se fait aussi de nombreux ennemis au sein de l’Eglise. Victime d’une cabale, il est convoqué à plusieurs reprise par le Saint-Office et obligé d’abjurer ses « erreurs et hérésies contraire à l’Église ». Puis il est assigné à résidence et son livre est interdit de publication (certains exemplaires arriveront tout de même jusque chez un éditeur français). À l’époque où Galilée reçoit sa sentence Descartes renonce prudemment à publier son Traité du monde et de la lumière (publication repoussée jusqu’en 1664) et décide de donner à ses œuvres une direction différente. Dans ses Principes de la philosophie (1644), il nie l’existence du vide dans la nature tout comme Aristote mais réfute également la théorie aristotélicienne de l’atome indivisible. « Il est évident qu’il n’y a point d’espace en l’univers qui soit tel, parce que l’extension de l’espace ou du lieu intérieur n’est point différente de l’extension du corps ». « […] à cause que le néant, comme il a été déjà remarqué plusieurs fois, ne peut avoir d’extension ». 25 science contemporaine se pose la question du vide en remettant Pascal et Descartes à égalité. Le vide et la matière ne sont pas discontinus, le vide tel que décrit précédemment est en fait une erreur. « L’Univers en expansion n’avance pas dans le vide comme on pourrait le penser, mais dans le néant. Hors de l’Univers, il n’est ni temps ni espace. » Il estime donc qu’une chose qui peut s’étendre est forcément une substance et donc que ce que nous appelons vide ne peut exister. Torricelli (1608-1647) puis Pascal (1623-1662) quant à eux prouvent par l’expérience que la théorie d’Aristote a ses limites. Les fontainiers de la ville de Florence avaient fait appel à Galilée mais celui-ci était trop occupé, ils font alors appel à son disciple, le fameux Torricelli qui, en leur donnant une solution à un problème lié à une pompe, met en évidence le premier vide permanent et l’effet de la pression atmosphérique. Il invente alors le premier baromètre au mercure et peut expliquer aux fontainiers les limites pratiques et théoriques de la pression et de l’aspiration de leur pompe. Pascal quant à lui va s’atteler à clarifier l’expérience de Torricelli et à la généraliser. C’est le début de la mécanique des fluides. S’ensuivent les travaux de Newton sur la gravitation qui ont raison des railleries des partisans du cartésianisme car ses théories et prédictions sur l’attraction mutuelle des masses se vérifient de manière systématique ou presque… Il reste n’en reste pas moins quelques interrogations notamment sur la lumière et sa propagation dans le vide car si la lumière peut se propager dans le vide alors le vide ne l’est plus puisqu’il est plein de lumière… Mais alors on découvre que la lumière est une vibration or si une vibration se propage dans l’air, ce n’est pas le cas dans le vide, ce qui nous ramène, tel le serpent se mordant la queue, à Descartes. Ce n’est donc pas le vide mais l’éther qui baignerait l’univers. Que de rebondissements ! Il faudra attendre Einstein (1879-1955) et sa théorie de la relativité pour que les partisans de Pascal soient à leur tour sous les feux de la rampe. Les expériences menées par Einstein conduisent à abandonner la notion d’éther et la 26 Bon d’accord, ce n’est plus de philosophie et je me suis éloignée un instant mais c’est pour mieux y revenir. En effet, pendant que Newton concoctait ses expériences, un courant philosophique du nom de nihilisme fait son apparition. La première occurrence de ce terme se trouve dans un texte de Jacob Hermann Obereit en 1787 à propos de l’œuvre d’Emmanuel Kant mais il est articulé en 1799 par Friedrich Heinrich Jacobi qui critique le système philosophique de Johan Gottlieb Fichte et c’est Nietzsche (1844-1900) qui développe véritablement une réflexion sur le sujet. Le nihilisme n’est pas Si nos lecteurs souhaitent réagir à un ou plusieurs articles, nous les invitons à nous envoyer leurs commentaires à [email protected] unique dans la pensée nietzschéenne, il en existe en fait deux : Un nihilisme passif qui se fonde sur le manque total de sens de l’existence. De ce point de vue « l’homme qui juge que le monde tel qu’il est ne devrait pas être, et que le monde tel qu’il devrait être n’existe pas » est un adepte du nihilisme. Mais ne serait-ce pas là l’expression d’un perfectionnisme poussé à l’extrême ? Ce nihilisme a probablement été inspiré par la pensée dite pessimiste de Schopenhauer que Nietzsche appelle « un nouveau Montaigne. » Un nihilisme actif qui se traduit par un abandon des valeurs anciennes pour de nouvelles valeurs inventées à la mesure de l’homme et de son présent. Mais le philosophe pousse sa réflexion encore plus loin : le nihilisme de la pensée soit la négation absolue de l’être est une manière divine de penser car alors il n’y a pas de vérité et toute pensée devient nécessairement fausse… Si Nietzsche voit le nihilisme comme relatif à la pensée, le philosophe Heidegger (1889-1976) le voit dans une optique d’oubli de l’être, cet oubli aurait commencé avec Socrate et Platon et se serait poursuivi dans le christianisme. Le nihilisme est l’oubli de l’être parvenu à son accomplissement dans le cadre de la métaphysique. C’est en cela qu’il est le règne du néant. Cette réflexion de Heidegger sur l’essence de l’être (chose occultée par les penseurs de la Grèce antique) qui donnera naissance à l’existentialisme. Il est le premier à avoir pensé l’être comme comportant en son sein un danger, celui « de la malignité de l’être ». Pour lui, le « triomphe de l’universelle calculabilité qui priverait l’être humain de ce qui fait son humanité, à savoir la pensée méditante, sa part de rêve et de poésie ». Quelques références, pour vous qui souhaitez en savoir plus sur le rien, le vide, le néant ou l’éther : La Plénitude du vide, Trinh Xuan Thuan, éditions Albin Michel,2016 Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Galilée, publié en 1632, traduction par René Fréreux et François de Gandt. Paris, Seuil, Points Sciences, 2000. De Gandt (François), éd., L’Œuvre de Torricelli. Science galiléenne et nouvelle géométrie. Nice, Publication de la Faculté des Lettres et sciences humaines / Paris, les Belles lettres, 1987. Pierre Guenancia, Du vide à Dieu : essai sur la physique de Pascal, Paris, Maspero, 1976. Il y aurait encore beaucoup à dire sur le nihilisme mais pour moi c’en est trop et parce que je veux résister à l’appel de Sartre et de Camus, je m’en vais loin du monde des humains me cacher du mal comme les trois singes du temple de Nikkō et baigner l’entièreté de mon être de mon néant intérieur. 27 Le Vide et l’Univers LE BIG BANG Au commencement, il n’y avait rien – mais pas « rien » dans le sens « l’Univers était vide », non, rien au sens ou même l’Univers n’existait pas : les notions d’espace et de temps ne correspondaient à rien ! Du coup on peut même se demander si cela a un sens de parler de commencement ! Mais comment s’est créée la matière à partir de rien ? Pendant le refroidissement qui suivit le big bang (jusqu’à 10-36 s) et grâce à l’inflation de l’Univers, les forces électromagnétiques puis les forces nucléaires apparaissent, permettant l’apparition d’une première particule, le boson de Higgs Durant les 20 minutes qui suivirent, des paires de particules élémentaires, muons et antimuons, gluons et antigluons… se créent et s’annulent les unes avec les autres. Le résultat aurait dû être nul, mais un déséquilibre est apparu, et la matière a pris le dessus sur l’antimatière. Les particules élémentaires se sont combinées pour former les protons, neutrons et électrons, qui eux-mêmes ont donné les atomes d’hélium et d’hydrogène formant un plasma primordial pendant les quelques premiers millions d’années de l’Univers. Une fois suffisamment refroidi, après environ un milliard d’années, la matière s’agglomère pour former les premières étoiles qui vont combiner dans leur cœur les noyaux des atomes d’hydrogène et d’hélium pour former des éléments plus lourds, qui seront diffusés dans l’espace lors de la mort de ces étoiles. C’est ainsi qu’apparaissent les autres éléments du tableau périodique des éléments de Mendeleïev. Et puis il y eut le big bang, une formidable explosion, qui marque le début de l’espace-temps et de la matière. À partir de ce point, le temps se met à avancer, et l’espace s’étend dans les trois dimensions qu’on lui connaît. La température de l’Univers est tellement élevée que les théories physiques actuelles n’y sont pas valables, on parle de l’ère de Planck (10-43 s après le big bang). 8 milliards d’années après le big bang, le Soleil se forme en intégrant des éléments issus des étoiles l’ayant précédé. La matière orbitant autour de lui commence à se regrouper pour former des amas, qui donneront naissance aux planètes, lunes et météorites que nous connaissons aujourd’hui, 13,7 milliards d’années après le big bang. «Certains objets, quoique de dimensions modestes, ont la capacité de recevoir l'estampille de l'infini.» Edmund Burke 27 Le Vide et l’Univers LES TROUS NOIRS Un trou noir est un objet tellement dense que son champ gravitationnel empêche toute matière ou rayonnement, même la lumière, de s’échapper. En fait, la densité devient tellement élevée qu’on parle de singularité gravitationnelle, toute la masse étant concentrée en un point unique. Et c’est cette masse qui définit la taille de l’horizon du trou noir, une sphère autour de la singularité dont le rayon correspond à la limite qui empêche tout rayonnement et donc plus encore toute matière de s’échapper. Ainsi, un trou noir de la masse du Soleil aurait pour horizon une sphère de trois kilomètres de rayon ! Au-delà de cet horizon, un trou noir se comporte comme n’importe quel objet, et si le Soleil devenait un trou noir de même masse, le mouvement des planètes autour resterait le même – par contre, la luminosité et la température seraient très différentes puisque les planètes (et en particulier la Terre) ne seraient plus baignées dans le rayonnement solaire ! On considère l’existence de quatre types de trous noirs : Les trous noirs stellaires sont formés suite à une supernova, l’effondrement d’une étoile massive lorsqu’elle a épuisé tout son carburant pour les réactions thermonucléaires. Si suite à cette supernova il reste un cœur d’au moins 3,3 fois la masse du Soleil (limite d’Oppenheimer-Volkoff), la force gravitationnelle devient plus importante que les autres forces, la matière se concentre et un trou noir se forme. Cet effondrement peut provoquer des ondes gravitationnelles qui pourraient être perçues par LIGO. Un trou noir dispose également d’une charge électrique, générant un champ électrique autour de lui si elle est non nulle. Enfin, il possède également un moment cinétique, s’il tourne sur lui-même, ce qui entraîne l’espace-temps autour de lui, il s’agit de l’effet Lense-Thirring. Cet effet se constate au voisinage d’objets très massifs, et toute matière à proximité immédiate se retrouve alors entraînée dans le sens de rotation de l’objet, en l’occurrence le trou noir, pour former ce qu’on appelle l’ergorégion et entraîne l’apparition d’un disque d’accrétion de la matière plongeant en spirale de plus en plus rapide vers l’horizon du trou noir. Les trous noirs supermassifs se trouvent au centre des galaxies, et ont une masse de plusieurs millions à des milliards de fois la masse du Soleil. Ainsi, la Voie lactée, notre galaxie, abrite en son cœur Sagittarius A, un trou noir d’environ 2,3 millions de fois la masse du Soleil. L’existence des trous noirs était déjà envisagée au XVIIIe siècle dans la physique newtonienne, mais c’est la théorie de la relativité générale d’Einstein qui permet de considérer ce phénomène autrement que comme un jeu d’esprit, ce qui amène à l’observation en 1971 des effets indirects d’un trou noir par le satellite Uhuru. Les trous noirs intermédiaires sont encore sujets à débats, mais expliqueraient certaines observations. Ces objets auraient une masse comprise entre 100 et 10.000 masses solaires et seraient issues d’étoiles extrêmement massives formées au début de l’Univers. Les trous noirs primordiaux, ou micro-trous noirs se seraient formés durant le big bang. 28 Le Vide et l’Univers LA MATIÈRE NOIRE L’observation de galaxies, commencée dès 1933 par le suisse Fritz Zwicky, a montré un écart important entre les calculs théoriques suivant les lois de Newton, et le constat : les galaxies tournent plus vite que ce que la masse de matière visible (dite baryonique) qui les compose permettrait, elles devraient éjecteur leur matière vers le vide stellaire. Pour obtenir des vitesses cohérentes avec la théorie, il faudrait que les galaxies soient entourées d’un halo de matière qui représenterait jusqu’à 90 % de la masse de la galaxie. Il faudrait également que cette matière ne réagisse pas à la force électromagnétique : elle ne peut pas émettre, absorber ou réfléchir les ondes électromagnétiques et en particulier la lumière, ce qui la rend quasiment impossible à observer. On l’appelle ainsi matière noire. La théorie du big bang permet de déterminer que la matière baryonique représente 5 % de la masse volumique critique permettant à l’espace-temps d’être tel que nous le constatons, et que la matière totale devrait en représenter 32 % (nous verrons les 68 % restants plus loin). La matière noire représente donc 27 % de l’Univers, soit quasiment six fois plus que la matière que nous connaissons, elle remplit l’Univers, et échappe à notre observation. Autrement dit, ce qui nous semble vide serait en réalité plein de matière noire ! L’ÉNERGIE NOIRE Qu’en est-il donc des 68 % restants ? Encore une fois, ce sont les observations qui justifient cette découverte : on constate que les galaxies s’éloignent les unes des autres, et que cet éloignement s’accélère (on parle d’accélération de l’expansion de l’Univers). Pour expliquer cette accélération, il faudrait donc une énergie ayant une pression négative, pour s’opposer à la gravité qui aurait tendance à rapprocher les galaxies. Ce serait également une explication à la « constante cosmologique » introduite par Einstein dans sa relativité générale (que d’ailleurs il appela par la suite sa « principale erreur scientifique »). Le Vide et l’Univers L’ÉNERGIE VIDE Le physicien néerlandais Hendrik Casimir a prédit en 1948 un effet lié aux fluctuations quantiques du vide, qui correspond à une force attirant entre elles deux plaques parallèles non chargées électriquement ou magnétiquement, cette force diminuant en fonction de la distance séparant les plaques. Il s’agit d’un phénomène étrange de la physique quantique : en chaque point de l’espace, on trouve un champ électromagnétique quantique qui oscille, et dont l’état de plus basse énergie correspond à une énergie non nulle. C’est ce qu’on appelle l’énergie de point zéro, ou énergie du vide. Et là arrive une difficulté de la « théorie du tout » qui devrait permettre de relier l’infiniment petit à l’infiniment grand : si chaque point de l’espace a une énergie non nulle, la somme devrait être infinie, or il faudrait que cette somme soit nulle pour que la physique non quantique fonctionne également. Casimir (eh non, aucun rapport avec L’Île aux enfants) prédit que l’énergie du vide comprise entre les deux plaques ne dépend que des photons (y compris virtuels) dont la longueur d’onde est une fraction entière de la distance entre les plaques, autrement dit le nombre de photons qui peuvent exister entre ces plaques. Et dans son calcul survient une étape pour le moins étrange et contre-intuitive : pour calculer cette énergie, il faut calculer la somme des entiers naturels positifs, autrement résoudre S = 1 + 2 + 3 + 4 + 5… Intuitivement, on imagine que le résultat de cette somme a une valeur infinie. Et pourtant, le résultat est surprenant, comme nous allons le voir : Commençons par A = 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1… Ce qui peut aussi s’écrire : A = 1 - (1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1…) = A - 1 Donc A = 1/2. Calculons maintenant B = 1 - 2 + 3 - 4 + 5… De la même façon, B = 1 – (2 - 3 + 4 - 5…) = 1 - (1 - 2 + 3 - 4 + 5…) - (1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1…) = 1 - B - A Donc 2 × B = 1 - A = 1/2, donc B = 1/4. Et enfin attaquons-nous à S en lui soustrayant B : S - B = (1 + 2 + 3 + 4 + 5…) – (1 - 2 + 3 - 4 + 5…) On voit facilement que les nombre impairs s’annulent, tandis que les nombres pairs (multiples de 2) sont doublés : S - B = 2 × (2 + 4 + 6 + 8 + 10….) = 4 × (1 + 2 + 3 + 4 + 5…) On retrouve dans la parenthèse la somme S qu’on cherche, donc : S-B=4×S Donc la somme des entiers positifs donne S = -1/12 !!! Inc r o y a b l e ! Et pourtant, des expériences depuis lors ont montré la validité de ce calcul, en prouvant l’existence de cet effet Casimir. À noter que cet effet pourrait également expliquer l’existence de la gravité, la création de particules lors du big bang, et l’inflation cosmique de l’Univers. De quoi regarder autrement les Bibendum jaunes, et le vide ! Le Vide et l’Univers L’ÉNERGIE LIBRE Sous l’appellation de « moteurs à énergie libre » se trouvent de nombreux concepts et brevets de machines supposées être capables de fournir plus d’énergie qu’elles n’en consomment pour fonctionner. Certains « inventeurs » se réclament héritiers de Nikola Tesla, inventeur brillant et prolifique, certes, et en particulier dans les domaines de l’électricité, et dont le caractère atypique et l’opposition régulière à Thomas Edison en font le champion (involontaire) de toutes les théories pseudoscientifiques et complotistes. de marée, pas de radiations ou de pertes de chaleur…) soit qui produit exactement l’énergie nécessaire pour compenser ces pertes. Pour remettre les choses en perspectives, signalons : On trouvera ainsi pêle-mêle des systèmes à base de roues magnétiques, de configuration particulière d’aimants dans des moteurs électriques, de contrepoids, de générateurs de micro-ondes, voire de sortes d’alambics à eau dont le fonctionnement reste toujours mystérieux. Les principes invoqués sont toujours flous, tournant autour de l’énergie de Helmoltz, de Gibbs, la physique quantique, mais dès que l’on creuse un peu, on s’aperçoit qu’il s’agit d’interprétations très libres, métaphysiques et totalement fantaisistes de ces principes bien connus des physiciens. qu’un trou noir émet un rayonnement (la radiation de Hawking), il perd donc également de l’énergie, donc de la masse, et finira par disparaître. On retrouve des constantes dans ces systèmes : les inventeurs sont toujours des indépendants, travaillant seuls dans leur garage – on se demande alors quel intérêt à investir dans des laboratoires réunissant des équipes de spécialistes, des machines de pointe et des années de recherche… Ce sont également des bienfaiteurs au grand cœur, qui ont fait cette invention pour le bien de l’humanité, et en diffusent gratuitement les plans, ou pour une somme modique, parfois d’emblée, parfois après avoir rencontré de nombreux investisseurs (jamais nommés) dont les conditions ne satisfaisaient pas l’inventeur. Quant aux résultats et la quantité d’énergie produite, on balaie un large éventail, depuis des rendements de 110 % à plus de 500 %. On rappellera que le rendement est le rapport entre l’énergie fournie et l’énergie récupérée en sortie, et dont le second principe de la thermodynamique dit qu’il ne peut jamais dépasser 100 % dans un cas idéal – lequel cas donnant ainsi une machine à mouvement perpétuel, soit qui ne perd jamais d’énergie (pas de frottements, pas d’effets qu’une étoile fournit beaucoup d’énergie, en utilisant la fusion nucléaire, elle « brule » donc des atomes dans son cœur – quand le carburant est épuisé, l’étoile meurt. qu’un astre en orbite autour d’un autre produit des effets de marée (sur les mers mais également les terres), ce qui provoque son ralentissement et contribue à le rapprocher (imperceptiblement à notre échelle de temps, mais néanmoins sûrement) de l’objet autour duquel il orbite. que le rendement d’un moteur thermique (typiquement un moteur de voiture à essence ou diesel) est d’environ 30 %, tandis que le rendement d’un moteur électrique peut aller jusqu’à 95 %. Le Vide et l’Univers On constate dès lors que les prétentions des défenseurs de l’énergie libre sont extraordinaires, et remettent en cause un principe de physique. Cela dit, l’histoire de la physique est ponctuée de principes remis en cause et invalidés, un principe au sens physique n’étant au final qu’une explication de phénomènes constatés à de très nombreuses reprises et sans contre-exemple connu. Admettons donc qu’il existe un moyen de contourner le second principe de la thermodynamique, et que ce moyen ait été inventé. À défaut de l’expliquer physiquement, ce qui peut effectivement être hors de portée avec nos connaissances actuelles, il convient au moins d’en prouver l’existence expérimentalement, de façon scientifique c'est-à-dire vérifiable, mesurable et reproductible. Et c’est là que ces inventions échouent. Examinons les plus connues : Le moteur Minato : il s’agit d’un moteur électrique ayant une configuration particulière d’aimants qui favoriserait l’augmentation de la vitesse de rotation du rotor. Il ne dégagerait aucune chaleur et serait totalement silencieux et aurait un rendement de 330 %, ce qui permettrait de le coupler à un générateur et d’obtenir de l’énergie gratuite. Mais ces performances n’ont jamais pu être vérifiées, il faudrait c r o i r e l ’ i n v e n t e u r s u r p a r o l e . Problèmes : un moteur électrique fonctionne par une circulation de champs magnétiques induits, si les aimants favorisent d’un côté, ils freinent d’autant de l’autre. Mais admettons – il y a encore le problème du bruit : la circulation des champs magnétiques se fait à une certaine fréquence, ce qui produit une onde sonore, et de plus l’axe du moteur est tenu par des roulements à billes qui font également du bruit – et chauffent. Enfin, et plus prosaïquement, plus de 10 ans après avoir révélé son invention défiant les lois de la physique, monsieur Minato n’est toujours pas le premier (ni même le dernier) producteur d’électricité au monde, ce qui serait pourtant simplissime… Le moteur Pantone : il s’agit d’une modification de moteur thermique, principalement diesel, consistant par un processus complexe et obscur à injecter de la vapeur d’eau pulvérisée dans le moteur en plus de l’air et du carburant normal, ce qui permettrait d’augmenter sa puissance et de supprimer ses émissions polluantes. Une technologie ayant ces résultats intéresserait au plus haut point les cons- tructeurs automobiles, qui ont parfois bien du mal à tenir les exigences des normes antipollution, comme l’ont prouvé par exemple Volkswagen ou Renault. Les plans étant disponibles gratuitement, si le système marchait vraiment, il y a longtemps qu’il serait commercialisé… Le réacteur à résonnance : une invention d’un appareillage qui, plongé dans l’eau, la chauffe, avec un rendement annoncé de 116 %... du moins si on mesure la température de l’eau en surface, comme c’est le cas dans le reportage télévisé présentant la chose. Mais les laboratoires cherchant à tester cette invention en préconisant de mélanger l’eau pour avoir une température uniforme se sont heurtés à un manque de coopération de l’inventeur. Le notaire supposé avoir validé le rendement annoncé, et les scientifiques mentionnés comme caution accusent tous l’inventeur d’utiliser leur nom de façon mensongère. Enfin, un simple calcul de thermique montre que si l’eau du fond du récipient est toujours à la température initiale (ce qui, par le principe de convection naturelle qui fait que l’eau chaude monte), l’invention a sensiblement le même rendement réel qu’une bouilloire électrique… Le principal argument des défenseurs de ces inventions pour justifier leur manque de succès est une conspiration des lobbies du pétrole ou des gouvernements pour obliger les populations à continuer à utiliser du pétrole. Mais si l’on regarde l’essor des énergies renouvelables, des véhicules électriques, des constructions à haut rendement énergétique, il semble que ces lobbies dépensent toute leur énergie contre ces pauvres inventeurs et restent aveugles à ces grandes entreprises commerciales qui réduisent considérablement leurs parts de marché… Ou peut être tout simplement que ces prétendues inventions sont en réalité des arnaques et ne reposent sur… rien ? Nous vous laissons découvrir le prochain thème -> L’Idole, Sonnet du Trou du Cul par Rimbaud Obscur et froncé comme un oeillet violet Il respire, humblement tapi parmi la mousse Humide encor d’amour qui suit la fuite douce Des Fesses blanches jusqu’au coeur de son ourlet. Des filaments pareils à des larmes de lait Ont pleuré, sous le vent cruel qui les repousse, À travers de petits caillots de marne rousse Pour s’aller perdre où la pente les appelait. Mon Rêve s’aboucha souvent à sa ventouse ; Mon âme, du coït matériel jalouse, En fit son larmier fauve et son nid de sanglots. C’est l’olive pâmée, et la flûte caline, C’est le tube où descend la céleste praline : Chanaan féminin dans les moiteurs enclos ! 33