UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (PARIS 6) FACULTE DE MEDECINE PIERRE ET MARIE CURIE ANNEE 2010 THESE N°2010PA06G041 DOCTORAT EN MEDECINE SPECIALITE : MEDECINE GENERALE PAR Marion GROPPI Née le 26 juin 1982 à Bagnolet (93) Présentée et soutenue publiquement le 16 septembre 2010 EVALUATION DU RESSENTI DES MEDECINS GENERALISTES DANS LA PRISE EN CHARGE DES PROBLEMES D’ALCOOL DIRECTEUR DE THESE : Dr Stéphanie GEIGER PRESIDENT DE THESE : Pr Charles-Siegfried PERETTI 1 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Avant propos Remerciements : Au Professeur PERETTI d’être le président du jury. Aux Professeurs DALLY et FERRERI d’être membres du jury. Au Professeur LAFORTUNE pour son rôle de tuteur et ses conseils. Au Docteur GEIGER pour son aide et ses encouragements au cours de ce travail. Au Docteur LEVY pour son approche des statistiques. Aux médecins généralistes qui ont pris le temps de répondre au questionnaire. A mes proches pour leur soutien inconditionnel tout au long de ces années d’études… 2 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Table des matières Table des illustrations p. 6 I. Introduction p. 8 II. L’alcool a. L’alcool, ses origines et les croyances qui lui sont associées 1) Les origines p. 9 2) Les croyances associées à l’alcool p. 13 b. Différents points de vue sur l’alcool 1) Les historiens p. 13 2) Les ethnologues p. 15 3) Les sociologues p. 16 4) La psycho-sociologie p. 17 c. Diverses définitions 1) Usage p. 17 2) Usage à risque p. 18 3) Usage nocif p. 18 4) La pharmaco-dépendance p. 19 5) La dépendance p. 19 6) Les substances psycho-actives p. 20 7) Les effets psycho-actifs p. 21 8) L’effet addictogène p. 21 9) Les drogues en général p. 21 10) Facteurs de vulnérabilité p. 22 d. L’alcoolo-dépendance : un trouble addictif p. 23 e. Les effets somatiques et psychologiques de l’alcool p. 27 f. Conséquences et pathologies associées à l’alcool p. 29 3 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool g. Les aspects génétiques p. 32 h. La neurobiologie p. 34 III. Contexte et méthode a. Contexte : bibliographie 1) Les plans gouvernementaux p. 42 2) L’alcool en France p. 46 3) Evolution de l’image de l’alcoolo-dépendant p. 49 b. Méthode : questionnaire 1) Sujets participants à l’étude p. 51 2) Critères d’inclusion et d’exclusion p. 51 3) Description de l’expérimentation p. 51 4) Paramètres étudiés p. 52 5) Méthodologie statistique p. 53 IV. Résultats a. Sujets inclus et exclus p. 54 b. Caractéristiques générales de la population étudiée 1) Age et sexe p. 54 2) Conditions d’exercice p. 56 3) Liens avec l’alcoologie p. 57 c. Objectif principal : gêne à parler d’alcool ? p. 58 d. Conduites vis-à-vis des patients 1) Repérage d’un mésusage d’alcool p. 59 2) Divergence d’évaluation p. 61 3) Recours à des mesures judiciaires p. 61 4) Suivi de personnes abstinentes et des entourages p. 62 5) Dans la pratique quotidienne p. 62 4 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool e. Les médecins généralistes à propos d’eux-mêmes 1) Légitimité p. 63 2) Prévention et prise en charge des problèmes d’alcool p. 64 f. Place de l’alcool dans l’exercice de la médecine générale p. 64 g. Difficultés rencontrées p. 65 h. Les obstacles pour parler d’alcool p. 66 V. Discussion a. Caractéristiques générales de la population étudiée p. 67 b. Objectif principal : Y-a-t-il une gêne à parler d’alcool ? p. 67 c. Conduites des médecins généralistes vis-à-vis des patients p. 70 d. Ressenti des médecins généralistes vis-à-vis d’eux-mêmes p. 71 e. Place de l’alcool dans l’exercice médical p. 73 f. Difficultés et obstacles pour parler d’alcool p. 74 g. Points forts et limites de l’étude p. 75 VI. Conclusion p. 77 VII. Bibliographie p. 79 VIII. Annexe 1 Questionnaire p. 84 5 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Table des illustrations Liste des figures Figure 1 : La pyramide de Skinner p. 20 Figure 2 : Schématisation des facteurs impliqués dans le développement d’une conduite addictive p. 26 Figure 3 : Les endorphines endogènes p. 36 Figure 4 : Projections des neurones à dopamine p. 37 Figure 5 : Circuit de la dopamine p. 38 Figure 6 : Synapse dopaminergique p. 39 Figure 7 : Récepteurs dopaminergiques et action de la dopamine p. 40 Figure 8 : Etat affectif négatif dû aux drogues p. 41 Figure 9 : Répartition Hommes/Femmes p. 54 Figure 10 : Répartition selon les âges p. 55 Figure 11 : Répartition des âges selon les sexes p. 55 Figure 12 : Répartition en fonction du lieu d’exercice p. 56 Figure 13 : Répartition en fonction des conditions d’exercice p. 56 Figure 14 : Correspondant/réseau en fonction du lieu d’exercice p. 57 Figure 15 : L’alcool est une maladie p. 59 Figure 16 : Divergence d’évaluations p. 61 Figure 17 : Réalisation de l’entretien motivationnel p. 63 6 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Liste des tableaux Tableau 1 : Ages et sexes p. 54 Tableau 2 : Liens des médecins avec l’alcoologie p. 57 Tableau 3 : Y-a-t-il une gêne pour les médecins à parler d’alcool ? p. 58 Tableau 4 : Nombre de prises de sang par an dû à la consommation d’alcool p. 60 Tableau 5 : Recours aux principales mesures judiciaires p. 61 Tableau 6 : Suivi des patients abstinents p. 62 Tableau 7 : Début d’une prise en charge par le médecin généraliste p. 62 Tableau 8 : Sur la prévention et la prise en charge les médecins pensent p. 64 Tableau 9 : Place de l’alcool en prévention p. 64 Tableau 10 : Valorisation de la place du médecin généraliste p. 64 Tableau 11 : Difficultés rencontrées p .65 Tableau 12 : Les obstacles p. 66 7 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool I. Introduction L’alcool, les troubles liés à sa consommation et les pathologies qui en découlent, représente un problème majeur de santé publique. Il existe en France 5 millions de consommateurs abusifs et 3 millions d’alcoolo-dépendants. Un français sur dix présente un mésusage d’alcool. Cette maladie peut être lourde de conséquences que ce soit pour la santé du consommateur, pour sa vie professionnelle, privée ou sociale. Elle est également responsable d’un important taux de mortalité. Les médecins généralistes tendent à être au cœur de la prise en charge globale de cette pathologie nouvellement reconnue. En effet la prise en charge des mésusages d’alcool nécessite une pluri-disciplinarité exigeante alliant le côté médical, psychologique et social. C’est un véritable enjeu de santé publique dans la mesure où l’alcoolisme induit une pathologie qui touche les deux sexes, avec une prédominance masculine, toutes les catégories socio-professionnelles et tous les âges confondus. Les médecins généralistes ont été placés au centre de cette action. Leurs rôles sont multiples : agir en prévention et en information, être dans le soin et l’écoute, soutenir et supporter l’environnement du patient, poursuivre la prise en charge après le soin actif qu’il y ait abstinence ou rechute, assurer un lien avec les autres spécialistes potentiellement impliqués dans cette démarche de soins. La prévention de cette maladie jusqu’à présent mésestimée est dorénavant inscrite dans deux plans gouvernementaux. L’objectif de ce travail est d’étudier la perception des médecins généralistes lorsqu’ils abordent avec leurs patients le facteur de risque « alcool » et la manière dont ils les prennent en charge. Les difficultés et les obstacles auxquels ils doivent faire face dans leur pratique quotidienne ont été également évalués. 8 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool II. L’alcool a. L’alcool : ses origines et les croyances qui lui sont associées. 1) Les origines Le terme « alcoologie » a été utilisé pour la première fois en 1921 par E. de Ceresole. Sa définition comprenait le discours sur l’alcool et la science ayant pour objet l’alcool. Ce terme a, par la suite, été actualisé depuis les années 1970 pour désigner une nouvelle discipline intéressant les médecins mais aussi toutes les personnes côtoyant l’alcool, de l’œnologue au sociologue, du poète à l’homme de science ou encore du juriste à l’homme d’église. L’alcoologie se situe donc à l’intersection de nombreuses disciplines humaines et scientifiques. Elle englobe également l’étude de la production, de la distribution, de la conservation de l’alcool et de ses dérivés. Les mondes économique et politique sont par conséquent aussi impliqués. Le mot « alcool » est issu de la langue arabe. Il s’agit d’un antimoine, en poudre ou en liquide, qui a d’abord été utilisé comme un fard à paupières pour sa coloration noire : AL KUH’AL (noircir), AL KAH’ALA (devenir noir). Il y a plus de 1 000 ans il était déjà employé comme antiseptique et anesthésique. C’est au XVIe siècle que le mot AL KHOL sera introduit dans son orthographe actuelle dans notre langue : ALCOOL, traduction de « ce qui est subtil ». On retrouve dès ce moment la dualité de ce mot dans son action et ses effets : Physiques (al khol) : le fard, le masque Psychiques (alcool) : l’illusionniste, le menteur L’alcool accompagne l’histoire de l’humanité dans la mesure où c’est un produit issu d’un mécanisme naturel de fermentation. L’anthropologue Donald Horton estime que cette boisson magique, dont les femmes étaient écartées, avait dans les sociétés primitives trois fonctions : alimentaire, sédative et religieuse. L’hydromel produit de la fermentation du miel est probablement l’ancêtre des boissons alcoolisées. 9 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Les premières distillations datent de 3500 avant Jésus Christ. Le vin, issu de la fermentation du jus de raisin, était utilisé en Egypte depuis des millénaires à des fins médicinales. Les premiers ceps de vignes cultivés ont été retrouvés dans le Caucase et remonteraient à 6 000 ans avant notre ère. Les bières étaient connues dès l’Ancien Empire en Egypte et étaient considérées comme un cadeau d’Osiris. La production de bière à partir d’orge est également retrouvée en Amérique du Sud et dans les pays d’Amérique du Nord dès 2300 avant Jésus Christ. Le whisky, boisson distillée dont le nom dérive du mot celte « usique-bealta », désignant l’eau de vie, a vraisemblablement été introduit en Irlande au XIIe siècle, alors que cette même « eau de vie » apparaissait sous le nom « aquavit » en Scandinavie un peu plus tard. Au Moyen Age les Croisés revenant de la Terre Sainte ramenèrent l’alambic, et avec lui le procédé de distillation inventé par les arabes ainsi que le mot « alcool ». Ce sont les Grecs et les Phéniciens qui ont exporté la vigne dans tout le bassin méditerranéen et ce sont les Romains qui ont étendu son usage dans tout leur empire. Dans la Grèce Antique le vin était associé à des fêtes. On peut noter la création d’un dieu du vin : Dionysos et les fêtes qui lui sont dédiées : les fêtes dionysiennes. Hippocrate attribuait au vin une vertu médicinale : « le vin coupé d’eau atténue l’anxiété et les terreurs ». Chez les Romains on retrouve ce même dieu sous un autre nom, Bacchus, avec les fêtes bacchanales. A partir de cette période gallo-romaine le vin se consomme pur et non plus coupé d’eau. Les religions judéo-chrétiennes l’ont glorifié. La première vigne aurait été plantée par Noé, « Noé planta la vigne et s’enivra » (Génèse). Cette manifestation du sacré se retrouve dans toutes les civilisations avec des produits psychotropes comme l’alcool. L’alcool, à usage sacré, conduisait à l’extase mystique. « La coupe contenant de l’alcool était censée renfermer la divinité »(J.Rainaut). 10 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool A partir du IVe siècle de l’ère chrétienne le culte de Bacchus disparaît absorbé par le christianisme. C’est l’apparition de la notion du sacré. Les membres du clergé deviennent les premiers grands viticulteurs au monde. L’usage de l’alcool oscille entre sacré et festif, notamment avec les histoires de moines paillards, ripailleurs et ivrognes de la littérature du Moyen-Age, d’Erasmus ou de Rabelais. Le vin devient de plus un symbole de richesse. Arnaud de Villeneuve, grande personnalité médicale du XIIIe siècle, rédigea le premier traité sur l'alcool. L'alcool était la première étape vers la découverte de l'élixir de vie éternelle d'où son nom d'eau-de-vie qui fut appelée plus tard "l'eau ardente de Maître Arnaud". Son goût pour les plaisirs de la table l'amena, dit-on, à inventer des liqueurs spiritueuses (Ratafia). On lui attribue la découverte de l'esprit-du-vin ("quintessence"). Arnaud de Villeneuve utilise la distillation du vin (eau de vin alors appelée « eau-de-vie ») à des fins thérapeutiques. « Cette eau de vin que certains appellent eau de vie, et elle mérite ce nom puisqu’elle fait vivre plus longtemps […], prolonge la santé, dissipe les humeurs superflues, ranime le cœur et conserve la jeunesse ». Au XIVe siècle on attribue à l’alcool toutes les vertus, en particulier médicinales : « l’eau vive, l’eau ardente,… » tant louées par Arnaud de Villeneuve. Le terme d’alcoolisme apparaît en 1849. Des années 1850 à 1900 on observe une augmentation de la production et de la consommation : un nouveau type de société se construit, la société industrielle, caractérisée par les avancées de la science, de l’industrie et de l’économie. L’industrialisation marque l’essor de l’alcoolisation ouvrière, particulièrement bien montrée dans les romans d’Emile Zola, notamment dans « L’Assommoir ». Plusieurs étapes conduisent à cette situation : Amélioration de la conservation et du transport du vin qui permet le développement d’un commerce florissant. Mais il persiste une différence entre alcoolisme mondain et alcoolisme ouvrier, ce dernier étant assimilé à l’ivrognerie. Accroissement de la demande et recherche du profit maximum qui entraîne une diminution de la qualité des produits. 11 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Les Etats s’enrichissent grâce aux impôts indirects et aux taxes. Détérioration des conditions sociales de vie dans les villes qui amènent les populations à boire « pour oublier ». « Le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons », célèbre déclaration de Pasteur au XIXe siècle détournée au profit de la consommation du vin et dont la suite peu connue montre le côté négatif d’une consommation d’alcool, « … malheureusement les propriétés hygiéniques du vin sont détériorées par une augmentation de son élément alcoolique ». Le « boire » de l’Antiquité à nos jours prend tour à tour ses différentes significations : boire « festif », boire « aliment », boire « médicaments ». Les interdits liés à l’alcool datent de son origine. Ainsi la célèbre « stèle d’Hammourabi », roi de Babylone au XVIIe siècle avant JC, rapporte que les prêtresses n’ont pas le droit de consommer de l’alcool avant le sacrifice. Au VIIe siècle Mahomet interdit la consommation de substances pouvant nuire à la pureté de l’âme et particulièrement le vin dont il avait pu voir les effets et les ravages à Médine. La prohibition de l’alcool, entre les années 1919 et 1933 a eu de nombreux effets néfastes. Les effets ont été notamment visibles aux Etats-Unis. Au cours de cette période d’interdiction de l’alcool 30 000 décès ont été recensés, 500 000 intoxications dues à de l’alcool de contrebande. Ce fut l’explosion de la consommation des alcools distillés. Le terme « addiction » trouve son origine, pour sa part, au Moyen-âge. Etymologiquement il s’agissait d’une personne endettée incapable de rembourser sa dette. Une décision de justice « ad dictum » était alors prise au bénéfice du créancier. La personne endettée devenait « l’esclave » de l’autre personne envers laquelle elle avait une dette. Ce terme « d’addiction » recouvre donc cette réalité d’esclavage en tant que privation de liberté, considérant que certaines personnes peuvent devenir « esclave » d’une substance. Pour un sujet, à un moment donné, la substance devient le centre de son existence. L’alcool tient une grande place dans la mythologie notamment lors des ivresses du Cyclope d’Ulysse ou de Noé. De la même manière le vin est à l’honneur dans les noces de Cana. 12 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Enfin Léonard de Vinci a lui-même reproduit un moment biblique au centre duquel se trouve le vin, « la Cène ». 2) Les croyances associées à l’alcool Il existe de nombreuses idées reçues concernant l’alcool, beaucoup d’entre elles sont fausses… « L’alcool réchauffe », « L’alcool donne des forces », « Boire pour être un homme », voici quelques idées et comportements qui en découlent liés à la valeur mythique de l’alcool. Sa symbolique occupe une place importante dans la vie sociale française, expliquant peut être en partie la force de ces croyances. Aujourd’hui si l’alcool a perdu son sens sacré il n’en conserve pas moins sa valeur symbolique. En effet « fête et alcool » ou « virilité et alcool » sont encore intimement liés. Que dire du « vin d’honneur » maintenant souvent remplacé par le « verre de l’amitié » qui conserve toutefois sa valeur symbolique. On se rencontre pour échanger et boire…. b. Différents points de vue sur l’alcool De nombreux scientifiques et chercheurs, d’horizons différents, se sont penchés sur la place de l’alcool dans notre société. 1) Les historiens Des historiens comme Roger Dion et Marcel Louchiver se sont concentrés sur l’histoire, valorisante, de la vigne et du vin. Histoire analysée sur un temps long et dans une perspective économico-politique. D’autres historiens ont suivi l’évolution des débits de boissons, des cafés parisiens et des cabarets du Nord pour démontrer la sociabilité de ces lieux mais aussi le caractère religieux, social et culturel du produit consommé. Ils prennent notamment en exemple l’alcool et les cigares offerts pour conclure une affaire ou encore le champagne sablé à l’occasion des départs à la retraite. De leur point de vue ces offrandes s’apparentent à des traités de paix. 13 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Malgré les limites de cette discipline les sciences humaines ont permis des avancées significatives dans le champ des addictions. Elles ont d’abord aidé à une meilleure compréhension des croyances en matière de produits psychotropes. Les historiens ont montré comment se sont forgés et renforcés les clichés sur les drogues depuis que les hommes vivent en société. Selon eux le caractère dangereux du produit n’est pas la seule chose recherchée par les consommateurs : le statut du produit, ses connotations religieuses, son origine géographique, les considérations économiques ainsi que les lobbies alcooliers et pharmaceutiques ou encore les divers groupes de pression jouent un rôle non négligeable dans le choix et l’utilisation d’un produit. Ces chercheurs ont démontré la variabilité des seuils de tolérance en matière d’addiction. Ainsi la permissivité envers le vin est plus grande dans une société viticole victime de crises de surproduction consécutives comme ce fut le cas en France dans l’entre deux guerres, que dans une société non productive. La norme change selon l’époque : ce n’est pas la même en temps de paix et en temps de guerre. Et pourtant en temps de guerre l’alcool coule à flots pour aider les soldats au combat en inhibant la peur. Selon eux depuis les débuts du XXe siècle la tolérance s’abaisse graduellement dans les sociétés occidentales. En effet on assiste depuis cette période à un nouveau souci du citoyen : son corps et le bien-être de celui-ci qui l’ont amené à croire aux vertus d’une vie saine. La norme varie également en fonction de l’utilisation qui est faite du produit. Le « boire » bourgeois, caractérisé par la discrétion et l’aspect œnologique est valorisé car contrairement au « boire » ouvrier, synonyme d’une consommation voyante et dispendieuse, faite sur le lieu de travail ou dans les cabarets qui sont considérés comme des lieux de débauche, le « boire » bourgeois n’entrave pas le bon fonctionnement de l’ordre industriel. Parallèlement à cet usage bourgeois/ouvrier se trouvent les dérapages d’artistes en mal d’inspiration et ceux des adolescents en quête de rites initiatiques. Et ces conduites sont mieux tolérées que les fumoirs d’opium ou les cafés de coron dans la mesure où ces lieux sont peuplés de main d’œuvre étrangère. 14 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Par delà leurs diversités toutes les études historiques montrent que jusqu’au XIXe siècle les drogues, que ce soit l’alcool ou la morphine, s’apparentent à des panacées. Dans ce que l’on nomme « la bonne société » l’homme ivre suscite l’hilarité indulgente des témoins alors que le buveur d’eau s’apparente à la triste figure des pauvres. Lors de la première révolution industrielle un basculement complet se produit au moment même où se multiplient les enquêtes en milieu ouvrier : l’abstinent et le tempérant deviennent les sages alors que boire ou se droguer est assimilé à un vice. Et c’est à partir de quelques corrélations que les médecins et les hygiénistes commencent à établir des liens de causalité entre usage de drogues et pratiques sociales déviantes. 2) Les ethnologues Les ethnologues de leur côté ont démontré qu’alcool et autre drogue sont loin de se réduire à des modificateurs de conscience identifiables à leur principe actif. S’il est certain qu’ils ont une action sur l’usager, l’usager lui-même agit sur eux en retour en se les appropriant au quotidien et en mettant en place un rituel : réalisation de gestes préalables à leur prise, conservation des substances dans des contenants sélectionnés attentivement, mélange à d’autres ingrédients pour masquer ou corriger l’odeur et la saveur. Là encore le symbolisme du lien social se retrouve dans l’offrande d’une bouteille de vin ou d’une boîte de cigares. Selon les ethnologues le consommateur a mis en place un système complexe de stratégies et de bricolage pour utiliser au mieux les psychotropes. Ainsi la recherche du sommeil lui permettrait d’escamoter sa vie alors qu’au contraire se doper lui apporterait la capacité de redoubler d’activités. L’utilisateur est toujours avec le produit dans une ambivalence : ruser avec la santé ou bien la maladie, avec la dépendance et le bien-être, la loi et la transgression. Les travaux en ethnologie sont parvenus à compléter les explications historiennes sur l’ambivalence des produits addictifs, les raisons pour lesquelles ils ont été à la fois prescrits, parfois même expérimentés par le corps médical et dénoncés par lui. L’alcool ou la drogue sont considérés comme des remèdes quand ils expriment la nature, la gastronomie, l’atténuation de la souffrance, l’élévation de l’âme. Inversement ils sont assimilés à un poison lorsqu’ils s’apparentent à des produits industriels, frelatés, coupés, précipitant la chute ou procurant des plaisirs artificiels sans effort nécessaire. 15 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool A l’instar des historiens, les ethnologues ont révélé dans les manières de boire, de manger, de fumer des marqueurs d’identité sociale et d’appartenance professionnelle. Prenons un exemple avec les dockers : dans ce milieu très homogène l’alcoolisation est positive. Elle représente un élément de la cohérence sociale et de la solidarité. C’est un support d’identité et une expression du plaisir. Les dockers intempérants ont donc des difficultés à s’admettre alcoolo-dépendants et demandeurs de soins car ce serait reconnaître qu’ils ne boivent plus comme leurs camarades. Leur consommation serait « mauvaise », de façon solitaire et dans la culpabilité. Ainsi tout discours de prévention qui fait l’impasse sur le rôle de l’alcool dans un milieu donné est voué à l’échec car il sera ignoré, incompris ou refusé par les différents protagonistes. Une ethnologue, Sylvie Fainzang s’est penchée sur les rapports sociaux qui se nouent autour des anciens buveurs. Pour ce faire elle a étudié des associations d’anciens buveurs et notamment l’association « Vie Libre ». Elle a démontré que l’alcoolo-dépendant passe d’un système de croyances à un autre pour pouvoir guérir. Il doit créer avec le groupe une culture de l’abstinence, bien sûr adhérer au discours de l’association mais aussi à un ensemble de valeurs qui font de la vie sans alcool un équivalent de la liberté retrouvée. 3) Les sociologues Les sociologues apportent la preuve que les représentations de la norme ne sont pas perçues de la même manière dans toutes les populations qui composent une communauté nationale. Selon certains sociologues, comme Louis Dumont et Alain Ehrenberg, de nos jours les règles d’obéissance et de discipline sont moins strictes. La fragilité des personnes est due à cette perte de rigueur, à une flexibilité trop importante, à des initiatives individuelles plutôt que collectives. Les drogues illicites et les médicaments psychotropes sont alors des réponses inappropriées au « culte de la performance ». Pour d’autres le plus important ne réside pas dans la personnalité du toxicomane, mais plutôt dans la compréhension des circonstances et des opportunités qui ont rendu possible la consommation ou l’abus de psychotropes. 16 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Des enquêtes en population générale ont permis de montrer que certains facteurs peuvent favoriser l’expérimentation de drogues. Parmi ces facteurs sont retrouvés les troubles psychologiques, les difficultés familiales ou encore les difficultés scolaires. Cependant ces facteurs favorisent certes une consommation initiale mais ne facilitent en rien le passage à un usage régulier. D’autre part les sports collectifs, comme le rugby et le football, ne sont nullement un rempart contre l’alcoolo-dépendance. En effet on aurait tendance à croire que le reflet des sports serait une vie saine, sans alcool, or il a été démontré que la collectivité relative à ces sports, le culte de la victoire et le festin de la victoire incitent à consommer de l’alcool. 4) La psychosociologie Le dernier point de vue sera celui de la psycho-sociologie. Selon la position sociale du sujet consommateur la même drogue peut exprimer des valeurs opposées : création ou destruction, élévation ou déchéance. Ainsi on ne peut pas expliquer entièrement les effets des drogues sur le comportement humain par la seule action pharmacologique du produit sur l’organisme. Les effets divers et variés des différentes substances dépendent aussi de l’apprentissage culturel. Ainsi ils sont fluctuants d’un groupe social à l’autre, d’une époque et d’une ère culturelle à l’autre. En France, contrairement à d’autres pays, les sciences humaines et sociales ont peu travaillé sur l’addiction et de ce fait sont insuffisamment considérées dans les questions de santé publique. Les quelques recherches existantes permettent de comprendre la complexité des phénomènes addictifs. Valorisation et discrédit des usagers et des produits, contrôle et promotion : cela représente toute la dualité de ces phénomènes addictifs dans notre société, pris dans des exigences contradictoires de bien-être et de santé publique, de société festive et de préservation des personnes. c. Diverses définitions 1) Usage C’est la consommation d’une substance sans induction de trouble. 17 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Elle comprend la consommation socialement réglée, encadrée telle que : L’usage convivial L’usage intégré L’usage festif L’usage sacramental L’usage peut cohabiter avec des « pratiques à risque » d’où l’intérêt d’une éducation dans le cadre de la santé. 2) Usage à risque Le risque est la corrélation d’une valeur sociale et d’une échelle personnelle. Dans notre société il y a « sacralisation » du risque que ce soit dans le domaine sportif ou festif, associée à un « culte » de la performance. L’usage à risque comprend tout usage présentant un risque potentiel non encore survenu. Il existe deux sortes de risque : Le risque situationnel : conduite automobile, grossesse Le risque quantitatif : usage précoce, cumul de produits, défonce, autothérapeutique La frontière entre l’usage intégré et l’usage nocif ou abusif est très floue…. 3) Usage excessif, usage nocif, usage abusif On parle d’usage nocif ou d’abus lorsque la consommation est susceptible de provoquer des dommages somatiques, affectifs, psychologiques ou sociaux pour le consommateur ou l’entourage. L’usage nocif comprend l’existence depuis douze mois : D’un usage dangereux de la substance qui consiste en la survenue d’un problème légal associé à la prise de substance ou à la poursuite de la conduite malgré l’apparition de problèmes sociaux ou interpersonnels. De l’absence de demande de soins. Cette catégorie est donc référée aux conséquences et non plus aux seuils et fréquences de consommation. 18 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 4) La pharmaco-dépendance Définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : il s’agit d’un « état, psychique et parfois physique, résultant de l’interaction entre un organisme vivant et un produit, caractérisé par des réponses comportementales ou autres qui comportent toujours une compulsion à prendre le produit de façon régulière ou périodique pour ressentir ses effets psychiques et parfois éviter l’inconfort de son absence (sevrage). La tolérance peut être présente ou non. » 5) La dépendance Il s’agit de toutes les conduites de consommation caractérisées par une perte de la maîtrise de cette consommation. Elle ne se définit donc : Ni par rapport à un seuil ou une fréquence de consommation Ni par l’existence de dommages induits qui sont néanmoins souvent associés La dépendance résulte d’une rencontre, c’est la triade d’Olivenstein : Une personne Une substance Un moment de vie (= l’environnement) Cette rencontre est favorisée par des facteurs environnementaux : Le contexte personnel L’adolescence Le stress, l’anxiété, la dépression On peut également ajouter d’autres facteurs qui jouent dans le développement de la dépendance : La quantité prise La fréquence ainsi que la voie d’administration Le métabolisme et la physiologie individuels 19 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool La dépendance est de deux sortes et peut s’accompagner du phénomène de tolérance : La dépendance physique Elle correspond à l’utilisation de la substance requise pour maintenir les fonctions physiologiques normales et à l’apparition de signes somatiques (syndrome de sevrage) à l’arrêt des prises. Elle est spécifique à certaines substances telles que les opiacés, l’alcool et la nicotine. La dépendance psychique Elle concerne toutes les substances psycho-actives. C’est l’envie de répéter la prise de substance pour maintenir le niveau d’effet psychoaffectif recherché (excitation, calme, euphorie) ou pour diminuer l’angoisse. Le désir de répéter les prises est irrépressible. La tolérance Elle est non spécifique aux psychotropes. Il s’agit d’un processus métabolique qui regroupe l’ensemble des mécanismes adaptatifs qui se mettent en place pour contrer les dérèglements : désensibilisation des récepteurs, down-régulation, changement moléculaire,… Il s’agit donc de la diminution des effets psychoactifs obtenus par une même dose de substance au cours du temps. Elle entraîne une augmentation de la consommation. Il s’agit d’un phénomène réversible. Figure 1 : Pyramide de Skinner 6) Les substances psycho-actives Elles sont caractérisées par la présence d’effets psycho-actifs et d’effets addictogènes. Leur toxicité est modulée par le temps : toxicité immédiate et/ou cumulative et différée. 20 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Leur nocivité est d’ordre médico-psycho-social : Biomédicale dans la mesure où elle touche les tissus et les organes Psycho-comportementale puisqu’elle atteint la relation à soi-même, à l’entourage et à l’environnement socio-professionnel. Les psychotropes ont des effets positifs : Ils modifient l’état de conscience et ainsi provoquent du plaisir. Ils améliorent les performances en favorisant la socialisation. Ils soulagent certains maux par auto-médication. Deux principales motivations mènent à la consommation de substances psycho-actives : D’une part le fait de se sentir bien, c'est-à-dire d’avoir des nouveautés en terme de sensation, de sentiments, d’expériences et de protéger ces nouveautés. D’autre part le fait de se sentir mieux et donc de pouvoir diminuer l’anxiété, l’inquiétude, la peur, la dépression, la morosité. 7) Les effets psycho-actifs Ils correspondent à la modification d’état de conscience par libération de dopamine dans le système nerveux central. Cette libération a lieu dans le système dopaminergique de récompense. 8) L’effet addictogène L’effet addictogène est la capacité à induire une dépendance qu’elle soit physique ou psychologique. 9) Les drogues en général Ce terme est utilisé pour parler de toute substance pharmacologiquement active sur l’organisme. On peut également parler de psychotrope. 21 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Les drogues induisent une modification du sens des choses. Ces produits, qui agissent spécifiquement sur le fonctionnement du cerveau, sont toxiques pour le cerveau et ont une capacité à susciter un besoin impérieux de les consommer. Ainsi de nombreuses substances correspondent à ces critères, notamment l’alcool. 10) Facteurs de vulnérabilité Facteurs neurobiologiques Ils correspondent à des troubles des systèmes dopaminergiques, noradrénergiques, glutaminergiques et opioïdes et induisent une vulnérabilité au stress. Les substances psycho-actives ont une influence sur la biologie du cerveau : Elles conduisent à une adaptation du sujet Elles activent le système de récompense. La dopamine, principal neurotransmetteur, est libérée dans le circuit mésolimbique et mésocortical. La consommation chronique de substances psycho-actives entraîne une activation anormale du système dopaminergique, activation compensée par les mécanismes opposants. Le cerveau est alors hypersensibilisé à la substance et aux stimuli associés ; les autres intérêts et la motivation deviennent secondaires par rapport au besoin obsédant du produit. L’alcool agit sur le noyau accubens. Facteurs génétiques Les facteurs génétiques auraient une influence sur le métabolisme et l’usage de substances psycho-actives aiderait au développement d’une addiction. Des altérations sur les gènes codants pour les récepteurs dopaminergiques D2 et D4 et sérotoninergiques 5-HTTLPR pourraient ainsi être à l’origine du « syndrome de déficience de la récompense ». D’autre part des interactions entre les gènes et l’environnement pourraient également jouer un rôle dans l’apparition d’une addiction. 22 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Facteurs psychiatriques Certains traits de personnalité tels que la faible estime de soi, l’autodépréciation, la timidité sont des facteurs prédisposant au développement d’une addiction. Un tempérament avec recherche de sensations, de nouveautés, de réactivité émotionnelle ou encore l’évitement du danger, la dépendance à la récompense, la persévérance sont d’autres facteurs favorisant une addiction. Les troubles du comportement chez l’adolescent et le jeune adulte sont également des facteurs prédisposants. De nombreux troubles psychiatriques sont à risque de provoquer une addiction. Parmi eux on retrouve : Les troubles anxieux qui regroupent les attaques de panique, les phobies et les peurs Les troubles bipolaires Les troubles des conduites Les troubles du sommeil, notamment les insomnies, les réveils nocturnes, les cauchemars Les troubles des conduites alimentaires, anorexie et boulimie Les troubles psychosomatiques tels que les migraines, les céphalées, la « spasmophilie » Les personnalités anti-sociales définies par une incapacité à se conformer aux normes sociales avec impulsivité, irritabilité, agressivité, absence de remord et de critique des actes Les personnalités border-line, caractérisées par l’instabilité des relations interpersonnelles, l’idéalisation excessive et la dévalorisation de l’image de soi, l’impulsivité, la peur de l’abandon, les comportements ou les menaces suicidaires à répétition, le sentiment de vide. Les évènements de vie Les évènements de vie entraînent une perturbation des sensations et des jugements et peuvent aboutir à créer une addiction. Un deuil, une maltraitance, un abus sexuel, une absence de domicile fixe, la découverte et le vécu de pathologies somatiques sont autant de facteurs fragilisants et potentiellement inducteurs d’une conduite addictive. 23 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool d. L’alcoolo-dépendance : un trouble addictif L’addiction est un état dans lequel un comportement est réalisé dans le but de produire : Une satisfaction (comportement impulsif) et La disparition de sensation aversive (comportement compulsif) Cet état est caractérisé par : Une incapacité à contrôler le comportement et Le maintien du comportement en dépit des effets négatifs. Les conduites addictives résultent d’une rencontre, d’une consommation et d’un plaisir. Le renouvellement de la consommation qui est à l’origine du plaisir devient essentiel pour la personne. La disparition du plaisir entraîne la recherche encore plus fréquente de ce plaisir qui devient la raison d’être de la personne consommatrice. De cette manière la personne perd sa liberté visà-vis du produit. C’est l’addiction (figure 2). L’addiction est un trouble chronique, caractérisée par un comportement récurrent. Ce comportement comprend la répétition de la consommation jusqu’à l’installation de la dépendance qui est marquée par l’apparition de signes de sevrage et l’existence d’un craving. Comme tout trouble chronique l’addiction évolue par rechute. L’alcool ainsi que les autres substances addictives a un topisme cérébral : sa consommation initiale procure un plaisir intense. L’alcoolo-dépendance évolue en trois phases successives : Phase asymptomatique Elle peut durer plusieurs années. Elle marque un début insidieux dans le processus de la dépendance et peut être ponctuée d’ivresses. Phase de perte de contrôle Elle est brève, faite d’abus réguliers. Phase d’alcoolo-dépendance stricte La personne présente des signes d’alcoolisation massive comme les tremblements, les crampes. Il existe également des troubles du comportement avec agressivité, anxiété matinale, 24 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool troubles sexuels. Des troubles intellectuels ainsi qu’une marginalisation professionnelle et affective leurs sont associés. Les critères du trouble addictif ont été établis par A. Goodman en 1990 : Impossibilité de résister à l’impulsion d’entreprendre le comportement Tension croissante avant de débuter le comportement Plaisir ou soulagement en entreprenant le comportement Perte du contrôle en réalisant le comportement Au moins cinq des critères suivants : Fréquentes préoccupations pour le comportement ou les activités préparant à sa réalisation Engagement plus intense ou plus long que prévu dans le comportement Efforts répétés pour réduire ou arrêter le comportement Temps considérable passé à réaliser le comportement Réduction des activités sociales, professionnelles, familiales par la réalisation du comportement Abandon ou réduction des activités sociales, occupationnelles en raison de l’engagement dans ce comportement Poursuite du comportement malgré les problèmes sociaux, psychologiques ou physiques Tolérance Agitation ou irritabilité s’il est impossible de poursuivre le comportement Persistance de symptômes au moins un mois ou de façon répétée sur une longue période. 25 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Schématisation des facteurs impliqués dans le développement d’une conduite addictive (figure 2) FACTEURS Culturels Sociaux Environnementaux Facteurs : Génétiques Neurobiologiques Affectifs Mnésiques Socio-culturels PREMIERE RENCONTRE AVEC LE PRODUIT ADDICTIF Effet de renforcement positif ou négatif Effet aversif (déplaisir) Absence d’effet EVITEMENT ULTERIEUR DEPENDANCE PSYCHIQUE Facteurs : Culturels Environnementaux Sociaux CONSOMMATION REGULIERE DEPENDANCE PHYSIQUE 26 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool e. Les effets somatiques et psychologiques de l’alcool L’alcool a une excellente capacité de diffusion dans l’organisme humain. En effet l’eau représente 70% de la masse corporelle chez l’adulte. L’alcool est miscible dans l’eau ce qui explique l’importance de son secteur de diffusion dans l’organisme. Aucun organe, aucun tissu humain n’échappe à cette diffusion et à l’imprégnation alcoolique. On sait aujourd’hui que chaque organe peut présenter une pathologie alcoolique directement liée à l’alcool ou non spécifique en association avec d’autres produits toxiques, par exemple lors de l’usage conjoint d’alcool et de tabac. Ainsi toute consommation d’alcool est une expérience de psychotropie faisant de chaque consommateur à un moment donné de son histoire, selon son cadre et son environnement, un sujet « en risque » de vouloir ou de devoir renouveler cette expérience vécue initialement comme positive. Il n’existe pas de signe pathognomonique de la maladie alcoolique ni de réelle relation linéaire entre atteinte organique et problème d’alcoolisation. Les individus sont inégaux face à l’alcool. D’autre part des séquelles d’alcoolopathie notamment neurologiques peuvent faire évoquer à tort une pérennisation de l’alcoolisation. L’alcool agit en deux temps : La première phase est marquée par la désinhibition, l’euphorie. L’alcool peut entraîner une familiarité excessive. Il engendre également une baisse de la vigilance et une baisse des réflexes. Au cours de la deuxième phase la somnolence et la torpeur priment. Peuvent s’y associer des troubles de la vision. Viennent ensuite une hypothermie, une hypotension artérielle voire le coma et l’amnésie partielle des évènements. Les effets aigus de l’alcool sont d’ordre psychologique, liés aux effets dits centraux du produit et ont deux graduations : L’ivresse « banale » directement liée à la quantité d’alcool ingérée, c'est-à-dire à l’alcoolémie. 27 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Elle comporte trois stades successifs : Une période d’excitation caractérisée par une euphorie, une désinhibition avec parfois passage à l’acte comme réalisation de vols, d’agressions sexuelles. Une période d’incoordination, qui est un état démentiel de courte durée, avec incohérence comportementale, désorientation, confusion mentale, relâchements sphinctériens. C’est la période à laquelle s’apparentent les « trous noirs ». Un coma calme, hypotonique, pouvant aller jusqu’au décès de la personne. Les ivresses pathologiques ou compliquées : Présence de convulsions pouvant rappeler une crise comitiale, ivresse excito-motrice à caractère de manie furieuse brutale, ivresse hallucinatoire avec présence d’hallucinations auditives ou sensorielles, ivresse délirante avec délire mégalo-maniaque ou auto-accusateur ou encore délire de jalousie. Dans les suites de l’ivresse on trouve des pathologies liées au sevrage qui correspondent au manque d’alcool. Le sevrage est caractérisé par des troubles subjectifs (anxiété, tremblements), des troubles neuro-végétatifs (confusion, tachycardie, hypertension artérielle, sueurs) et des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées). A l’extrême se situe le délirium tremens, un délire lié au manque d’alcool, caractérisé par des hallucinations confuso-oniriques avec zoopsies. Les convulsions de sevrage sont fréquentes à ce stade et il y a 6% de décès par hyperexcitabilité du cerveau et déshydratation. Les effets chroniques de l’alcool entraînent des troubles métaboliques et ont des conséquences pathologiques. Les risques à long terme sont liés à la neurotoxicité (confusion mentale, trouble de la vision, trouble de la mémoire, apathie générale, syndrome de Korsakoff, démence, épilepsie), au potentiel cancérigène, au développement de troubles psychiatriques et lors de la grossesse, au passage de l’alcool au travers du placenta qui conduit au syndrome d’alcoolisation fœtal. Certains signes fonctionnels orientent vers une consommation excessive d’alcool. Ainsi des troubles du comportement, avec variation d’humeur rapide au cours de la journée, troubles du sommeil, toux matinale avec nausées et vomissements ou encore anorexie et fausse diarrhée sont autant de signes d’appel vers un abus d’alcool. 28 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool f. Conséquences et pathologies associées à l’alcool Comme pour le tabac les complications de la consommation chronique d’alcool sont polyfactorielles. C’est pourquoi l’estimation de la mortalité liée à l’alcool est construite en agglomérant des données concernant plusieurs causes de décès. La toxicité d’organes ne se limite pas au foie. Elle touche également le système nerveux central et périphérique, le système cardio-vasculaire, les cellules sanguines, le système ostéomusculaire et cutané. La toxicité atteint aussi le fœtus lors de la grossesse. L’alcool est responsable de pathologies cancéreuses et psychiatriques. Sur le plan digestif : La première atteinte du foie est la stéatose, réversible à l’arrêt de l’alcool en deux à quatre semaines. La stéatose est en général macro-vésiculaire lorsqu’elle est liée à l’alcool mais elle peut être dans de rares cas micro-vésiculaire. L’hépatite alcoolique aigüe associe de la fibrose à la nécrose des hépatocytes. Elle se caractérise par la présence de corps de Mallory retrouvés lors de la ponction biopsie hépatique. Sa gravité est évaluée par le score de Maddrey. La troisième atteinte hépatique est le stade irréversible de la cirrhose. La cirrhose est corrélée à la quantité ainsi qu’à la durée de l’intoxication alcoolique. Deux scores de gravité permettent d’évaluer la cirrhose, il s’agit du score METAVIR (score anatomo-pathologique) et du score de CHILD-PUGH (score clinico-biologique). Les complications de la cirrhose sont dues à l’hypertension portale. Celle-ci entraîne l’apparition de varices œsophagiennes ou cardio-tubérositaires, une splénomégalie avec ou sans hypersplénisme, la présence d’une circulation veineuse collatérale porto-cave à l’échographie, une ascite pouvant être associée à une hyponatrémie et une gastropathie congestive. Il est utile de mesurer l’activité et la dureté du foie de manière non invasive soit par le Fibrotest soit par le fibro-scan. La pancréatite aigüe est d’origine alcoolique dans 40% des cas. Elle peut se chroniciser et devenir calcifiante si les pancréatites aigües se répètent. Un diabète non insulino-dépendant est fréquent dans les suites d’une pancréatite chronique. L’alcool est également responsable de reflux gastro-oesophagien et de gastrite aigüe. 29 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Sur le plan neurologique : L’alcool touche le système nerveux central et périphérique. Il engendre une atrophie cérébrale diffuse. Il est responsable de crise d’épilepsie que ce soit lors du sevrage ou lors d’alcoolisation aigüe. Il peut également être responsable d’un syndrome cérébelleux statique et non pas cinétique. L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke qui associe ataxie, confusion et troubles oculaires est liée à l’alcool et due à une carence en vitamine B1. Une autre cause d’encéphalopathie liée à l’alcool est l’encéphalopathie hépatique. Dans les suites d’une encéphalopathie de Gayet-Wernicke ou isolément peut survenir un syndrome de Korsakoff, caractérisé par une atteinte de la mémoire récente sans autre trouble des fonctions supérieures dans la mesure où les capacités de jugement et de raisonnement sont à peu près conservées. La mémoire immédiate est conservée. Il existe de fausses reconnaissances, des fabulations et une anosognosie du trouble. Les accidents vasculaires cérébraux ont une fréquence augmentée dès que la consommation d’alcool déclarée dépasse 60 grammes par jour. Les atteintes du système nerveux périphériques sont marquées par une polynévrite des membres inférieurs et par une névrite optique retro bulbaire entraînant des troubles de la vision, des couleurs et une diminution du champ visuel. Sur le plan ostéo-musculaire : L’alcool est responsable de myopathies chroniques avec déficit moteur des muscles des ceintures lombaires et scapulaires voire même d’une rhabdomyolyse. Sur le plan osseux des fractures itératives multiples du crâne, des côtes et des clavicules sont retrouvées. L’ostéoporose et l’ostéo-nécrose aseptique de la tête fémorale sont également des conséquences de l’éthylisme chronique. Sur le plan cardio-vasculaire : L’alcoolisation chronique est délétère pour le système cardio-vasculaire. Elle entraîne en règle générale une hypertension artérielle. Des myocardiopathies dilatées notamment ont été retrouvées ainsi que des accidents vasculaires hémorragiques. Des troubles du rythme à type de fibrillation auriculaire, de flutter et d’extra-systoles auriculaires peuvent être présentes que ce soit lors des alcoolisations aigües ou lors des sevrages. 30 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Sur le plan cancérologique : L’alcoolisation chronique est également en partie responsable, avec le tabac, de cancer des voies aéro-digestives et de l’œsophage. L’alcool est impliqué dans d’autres cancers, en particulier le carcinome hépato-cellulaire. Il a été prouvé qu’il jouait un rôle dans l’apparition des cancers du sein, du colon et du rectum. Sur le plan sanguin : L’alcool est toxique pour les cellules sanguines et est responsable de pancytopénie par carence et par hypersplénisme. Il entraîne de ce fait une fragilité aux infections et des troubles de l’hémostase par association de la pancytopénie et de l’insuffisance hépato-cellulaire. Sur le plan psychiatrique : L’alcool est associé à des troubles dépressifs et anxieux. Dans l’enquête européenne ESEMeD portant sur 21 425 sujets dans six pays (France, Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, PaysBas) une association non fortuite entre abus ou dépendance à l’alcool et troubles de l’humeur, troubles anxieux ou l’association des deux était retrouvée, particulièrement chez les jeunes adultes. Dans cette même étude la dépendance à l’alcool est un facteur d’idéation suicidaire et de tentative de suicide indépendamment des troubles psychiatriques. Enfin l’existence des critères de dépendance à l’alcool chez un individu au cours de sa vie augmente d’un facteur 1,7 le risque d’avoir présenté des idées suicidaires et d’un facteur 2,5 le risque d’avoir réalisé une tentative de suicide. Sur le plan endocrinien : L’alcoolo-dépendance est responsable d’une hypertriglycéridémie transitoire et régressive à l’arrêt de l’intoxication alcoolique. Un pseudo syndrome de Cushing peut être observé. 31 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Sur le plan fœtal : L’exposition prénatale régulière à l’alcool est à l’origine d’un syndrome d’alcoolisation fœtal associant retard intellectuel et dysmorphie faciale. La prévalence du syndrome d’alcoolisation fœtale est estimée de un à trois cas pour 1 000 naissances en France. Il est à noter que de plus faibles alcoolisations au cours de la grossesse peuvent également entraîner des risques de mortalité péri-natale, de faible poids de naissance, de déficit intellectuel et de trouble du comportement chez l’enfant. D’où les campagnes actuelles de prévention pour arriver à une consommation nulle en alcool durant la grossesse. On distingue les conséquences directes de l’alcool des conséquences indirectes qui lui sont liées. Ainsi de par son effet sur la coordination motrice et son effet désinhibiteur l’alcool est un facteur de risque d’accident de la route, d’accident du travail et de criminalité. Il est fréquemment associé aux traumatismes cranio-cérébraux. g. Aspects génétiques Pharmacologie : Il n’existe pas de récepteur spécifique à l’alcool. L’alcool est une molécule très petite ce qui lui confère un très grand pouvoir de diffusion. Cette molécule agit directement sur les réseaux de l’acétylcholine, du GABA, du glutamate et de la sérotonine et indirectement sur les réseaux de la dopamine et des opioïdes endogènes. Le récepteur NMDA est activé en premier, il libère le glutamate, un neurotransmetteur excitateur qui va entraîner une euphorie et une désinhibition. Puis le système GABA est activé dont le neurotransmetteur est ralentisseur. L’hippocampe se freine, ce qui peut amener des trous de mémoire, suivi du ralentissement du thalamus et du cervelet. La diminution d’activité du cervelet est responsable des pertes d’équilibre. Puis on assiste à une déplétion en acétylcholine et en sérotonine : le comportement résultant est selon les personnes l’agressivité ou l’endormissement. 32 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Morbidités : Lors de la prise d’alcool le taux de glucose diminue dans les parties antérieures du cortex qui participent à la régulation de l’ensemble des fonctions du cerveau. Il en résulte une baisse des capacités. Sur le long terme le volume du cerveau est réduit, c’est l’atrophie cérébrale qui prédomine dans les régions frontales. La prise répétée d’alcool entraîne également une modification au sein du cerveau : il y a multiplication des récepteurs NMDA qui sont hyper sensibilisés et réduction des récepteurs GABA qui sont désensibilisés. Vulnérabilité génétique : Le risque de passage de la consommation contrôlée et occasionnelle à l’addiction est variable d’un individu à l’autre. L’addiction peut apparaître dès la première consommation de la substance chez certains individus. Des facteurs génétiques pourraient expliquer le caractère addictogène chez certains sujets de différentes substances. Il existe cependant peu de données sur la manière dont ces facteurs de vulnérabilité interagissent entre eux et/ou avec des facteurs de l’environnement. La vulnérabilité à la rechute quant à elle constitue une cible potentielle d’action pour les traitements qu’ils soient comportementaux ou pharmacologiques. Les stratégies cognitives innées qui sous-tendent la motivation comportementale et la prise de décision dans les situations faisant appel à une récompense biologique (telle que la prise de nourriture, les relations sexuelles, la consommation de divers produits) ou sociale (le travail, les relations aux autres) peuvent être source de dysfonctionnement. Parallèlement aux modifications des processus cognitifs, des modifications à long terme interviennent dans le fonctionnement cérébral en réponse à la consommation répétée du produit. Ces effets peuvent être interprétés comme un apprentissage qui privilégie certains circuits neuronaux au détriment d’autres, ou encore comme des changements persistants de la plasticité synaptique. Les principaux gènes identifiés dans la susceptibilité génétique sont : Les gènes codants pour les récepteurs dopaminergiques Les gènes codants pour le transporteur de la dopamine Les gènes codants pour l’enzyme de dégradation de la dopamine, la catéchol-Omethyltransferase. 33 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Les addictions sont associées à une situation d’hyperdopaminergie relative à laquelle le cerveau répond en diminuant la production endogène de dopamine. Selon le niveau d’activation du système dopaminergique d’un sujet donné celui-ci est plus ou moins sensible à l’action de la drogue. Il existe 2 à 5 % d’alcoolo-vulnérables. L’alcool, par accumulation de son métabolite, provoque rougeurs, nausées, vomissements. Deux enzymes sont impliquées dans la dégradation de l’alcool : l’alcool déshydrogénase (ADH) et l’aldéhyde déshydrogénase (ALDH). Lorsqu’une de ces deux enzymes est déficitaire la personne porteuse du déficit est beaucoup plus vulnérable à l’alcool et y devient intolérante. Au Japon et en Corée 40% de la population est atteinte d’intolérance à l’alcool par déficience en ADH. La vulnérabilité génétique est montrée par le fait que plus la résistance à l’alcool est importante plus le risque d’alcoolo-dépendance est élevé. En France 5% de la population est dépendante psychologiquement et 2% l’est physiquement. h. Neurobiologie Dès les années 1950 et grâce aux modèles murins la neurobiologie a montré le rôle central de la dopamine dans la survenue d’un comportement addictif. Lors d’une administration aigüe d’alcool il a été montré que la concentration de dopamine au niveau du noyau accubens augmente. Sous l’influence de la consommation répétée d’alcool des modifications à long terme de la plasticité neuronale surviendraient au niveau des structures corticales pré-frontales en particulier et au niveau du système dopaminergique mesolimbique. C’est l’apparition d’une compulsion à consommer qui pourrait persister plusieurs années une fois l’addiction installée et ce même après le sevrage. 34 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Trois régions corticales sont essentielles dans la neurobiologie des comportements addictifs : Le noyau accubens L’amygdale Le cortex pré-frontal La libération de dopamine dans le noyau accubens est indispensable à l’initiation de l’addiction. L’usage répété de drogue favorise l’implication du cortex pré-frontal et des projections glutamatergiques à destination du noyau accubens qui vont stimuler la libération de dopamine. L’amygdale jouerait un rôle dans l’établissement du conditionnement de la consommation. Le cortex pré-frontal interviendrait dans la réponse comportementale induite par un stimulus et dans l’intensité de la réponse. Le degré d’activation du cortex pré-frontal est corrélé avec le caractère prédictif de la récompense obtenue. Les modifications moléculaires survenant lors de la prise répétée de drogue pourraient déterminer l’initiation de la conduite addictive et la vulnérabilité du sujet à la rechute qui persiste souvent plusieurs années après l’interruption de la consommation de la drogue. En effet le sujet conserve très longtemps un désir intense de consommer le produit dont il a été dépendant. Ses capacités à contrôler son envie de drogue restent limitées de manière prolongée. Si l’on se réfère à l’imagerie fonctionnelle chez l’homme présentant des conduites addictives on observe une diminution du contrôle comportemental exercé par le cortex pré-frontal. Il en résulte une hyperactivité glutamatergique en réponse à la substance qui contraste avec une relative insensibilité du noyau accubens aux mécanismes habituels de régulation de son fonctionnement neuro-chimique. Chaque drogue a son site privilégié d’action et va agir en activant, inhibant ou modifiant : Les émotions : la douleur, la peur, l’angoisse, la colère Les fonctions : la mémoire Les besoins corporels : la faim, la soif Les automatismes physiques : la respiration, le rythme cardiaque, la pression sanguine Le contrôle des mouvements conscients et inconscients L’énergie mentale de l’euphorie, du désir, du plaisir. 35 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Le cerveau C’est en fait une véritable pharmacie où tous les régulateurs de la conscience, qu’ils soient stimulants, calmants, euphorisants, dépresseurs, accélérateurs, ralentisseurs, sont en accès libre mais finement régulés. Cela constitue l’homéostasie de ce système. Le cerveau est composé d’environ cent milliards de neurones. Chaque neurone est en connexion avec des milliards d’autres neurones ce qui permet une régulation très fine de toutes les informations envoyées. Il existe cinquante neurotransmetteurs identifiés qui freinent, accélèrent, estompent ou amplifient un signal nerveux. Les drogues créent à l’intérieur de ce monde très ordonné des séismes : avalanches et bombardements de signaux sur les récepteurs qui agissent directement sur nos « drogues endogènes » (figure 3). Figure 3. Les endorphines endogènes. Le noyau accubens est le carrefour du plaisir. Ses fonctions initiales sont d’associer les sensations de plaisir avec des activités indispensables à la survie : boire, manger, copuler. Il constitue le centre du plaisir, de la récompense, de l’euphorie. 36 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Toutes les drogues l’activent, que ce soit de manière directe ou indirecte, en procurant un plaisir comparable mais plus puissant : c’est le premier pas vers la dépendance. Le renforcement du comportement : Le circuit de la récompense : les noyaux des neurones à dopamine se situent dans l’aire tegmentale ventrale. Ils projettent leurs terminaisons dans le noyau accubens en y libérant de la dopamine. Ainsi le noyau accubens transmet l’information au cortex préfrontal via la dopamine (figures 4 et 5). Le message global transmis au cerveau induit trois modifications de comportement : Recommencer : il correspond à l’apprentissage de la récompense L’attirance : il coïncide avec le rapprochement de la récompense Le plaisir : c’est l’émotion positive de la récompense Ainsi les drogues, de part cette capacité à induire un plaisir supérieur à celui induit par le système « normal » de récompense, détournent la finalité de ce système. Figure 4. Projections des neurones à dopamine. 37 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Figure 5. Circuit de la dopamine. La dopamine : Ce neurotransmetteur est considéré comme un « feu follet ». Il stimule les neurones du centre du plaisir. La transmission des informations, qui est fondamentale à leur survie, entraîne le renforcement du comportement. La dopamine permet la régulation des mouvements. Par exemple elle est déficitaire dans la maladie de Parkinson et en excès dans la schizophrénie. Neurone émetteur vésicule de stockage terminaison nerveuse libération dans la synapse stimulation du récepteur post-synaptique Pour permettre la transmission d’un nouveau message le transporteur doit supprimer les molécules de dopamine via un phénomène de recapture. Lors de la recapture la dopamine est renvoyée dans ses vésicules de stockage (figures 6 et 7). L’alcool agit sur la synapse en bloquant une enzyme responsable de la dégradation de la dopamine. 38 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Figure 6. Synapse dopaminergique. L’alcool, au même titre que la nicotine et le cannabis, augmente l’activité neuronale. Le plaisir, issu du circuit de la récompense, a pour origine la stimulation dopaminergique des neurones du noyau accubens. 39 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Figure 7. Récepteurs dopaminergiques et action de la dopamine. Si la récompense ne se ressent pas il apparaît à la place une sensation de mal être. Lorsqu’il y a prise de drogue la libération de dopamine est prolongée. Au moment de la libération de dopamine tous les évènements extérieurs sont associés à une sensation de récompense (figure 8). 40 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Figure 8. Etat affectif négatif dû aux drogues. 41 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 3) Contexte et méthode a. Contexte : bibliographie 1) Les plans gouvernementaux Le plan « addictions » 2007-2011 et la loi du 5 mars 2007 ont pour objectif de participer à la politique de réduction des risques pour les usagers de drogues depuis 2002 : Il s’agit de limiter le nombre de nouveaux usagers, de traiter les consommateurs de drogues et de les aider à renoncer à leur usage, enfin de réduire les conséquences graves liées à la consommation de drogues. Le plan gouvernemental définit six priorités, pose quatorze objectifs et indique vingt-six mesures à prendre. Il permet également la création d’une Commission nationale « addictions ». Les six priorités du plan « addictions » ont pour but : D’une part de prévenir les premières consommations de produits illicites et d’éviter les abus d’alcool notamment chez les jeunes. Cela passe par les campagnes de communication, la mobilisation des parents, la réduction de l’offre d’alcool et la lutte contre le « binge drinking » ainsi que par le repérage en milieu du travail en recherchant l’absentéisme des salariés. D’autre part d’intensifier la lutte contre les trafics en empêchant la culture et le commerce illicite de cannabis, en renforçant la lutte contre le trafic de rue notamment aux abords des lycées, de renforcer la coopération internationale que ce soit avec la Méditerranée ou l’Afrique de l’Ouest. Enfin de développer et de diversifier le dispositif de prise en charge sanitaire et social des addictions. Il s’agit de former l’ensemble des professionnels de santé au repérage précoce, de cibler les populations exposées ou vulnérables, comme les jeunes et les femmes enceintes, de poursuivre la politique de réduction des risques en particulier vis-à-vis de la transmission de l’hépatite C et de développer la recherche afin de répondre à la prise en charge de nouvelles addictions. 42 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Les six priorités sont les suivantes : 1) Mieux prendre en charge les addictions dans les établissements de santé. Il s’agit de mettre en place des consultations et des équipes de liaison en addictologie dans les hôpitaux dotés d’une structure d’urgence. Pour chaque territoire de santé de plus de 500 000 personnes un service d’addictologie doit être installé. Enfin un pôle universitaire d’addictologie dans chaque centre hospitalo-universitaire (CHU) doit être créé. Dans le cadre de la tarification à l’activité un tarif spécifique incitatif adapté aux sevrages complexes est à instaurer afin de valoriser l’activité de ces services d’addictologie. Ceci correspond à l’organisation du dispositif hospitalier selon une offre graduée en trois niveaux : Niveau 1 dit de proximité : unité fonctionnelle comprenant une consultation hospitalière d’addictologie et une équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA) Niveau 2 dit de recours : niveau de proximité auquel on ajoute un hôpital de jour ainsi qu’une hospitalisation complète pour sevrage simple d’une durée moyenne de sept jours et des soins résidentiels complexes (séjours prolongés) de 15 à 20 lits dédiés à l’addictologie Niveau 3, pôle universitaire d’addictologie avec activité dévolue à la recherche en supplément des structures de niveau de recours. 2) Mieux prendre en charge les addictions dans les centres médico-sociaux. Cette deuxième priorité passe par la réunion des centres de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST) et des centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA) en centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Ces nouvelles communautés thérapeutiques permettront de renforcer les structures de prévention et d’accompagnements existantes en augmentant les capacités d’accueil. Il sera également possible de créer des structures d’hébergement avec un accès facilité aux appartements de coordination thérapeutique par exemple. Les CSAPA ont pour mission de poursuivre la politique de réduction des risques. Les équipes sont renforcées avec la présence de personnel médical et paramédical pour une prise en charge pluri-disciplinaire et globale. 43 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool La réunion de ces deux structures va décloisonner la prise en charge par produit. Les CSAPA ont l’autorisation de délivrer tous les médicaments utiles en addictologie y compris les substituts nicotiniques et les psychotropes. Un autre rôle des CSAPA est de rapprocher les secteurs hospitaliers des secteurs médicosociaux par des conventions de partenariat et/ou des réseaux formalisés avec des moyens pérennes. Enfin ces centres développent des pratiques d’intervention précoce, de consultations pour les jeunes consommateurs de substances. 3) Mieux coordonner les trois secteurs de suivi et d’accompagnement du patient, que ce soit en ambulatoire, en hospitalier ou sur le plan médico-social, en intégrant l’addictologie dans les réseaux de soins comme prévu en 2007. 4) Développement de la prévention par la promotion du repérage et des interventions précoces en médecine générale et de la prévention de la consommation de substances psychoactives pendant la grossesse. La mise en évidence du danger de la prise d’alcool au cours de la grossesse est visualisée par l’apposition de pictogramme sur les boissons alcoolisées. 5) Renforcer la formation des professionnels au repérage et à la prise en charge des addictions. Des modules d’addictologie vont être inscrits en formation initiale et continue. 6) Renforcer et coordonner la recherche en addictologie en inscrivant l’addictologie comme priorité dans les programmes hospitaliers de recherche clinique. Notamment en introduisant l’addictologie dans le plan de recherche sur le système nerveux central qui est actuellement en préparation. L’évaluation de l’impact sur la santé des addictions sans substance, comme l’addiction au jeu, est également à mettre en place. Les plans cancer I et II prennent également en compte les problèmes d’alcool. Le premier plan cancer 2003-2007 place l’alcool comme un des principaux facteurs de risque favorisant l’apparition de cancer au même titre que le tabac et l’hygiène alimentaire. Le deuxième plan cancer 2009-2013 vise à consolider les acquis du premier plan. 44 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Ces deux plans font de la prévention et du dépistage une priorité majeure dans la mesure où les conduites addictives interviennent dans 30% de la mortalité précoce et évitable, soit celle survenant avant l’âge de 65 ans. Chaque personne concernée est dorénavant en mesure de savoir où, quand et comment elle peut trouver un accompagnement adapté grâce à la création de consultations hospitalières en addictologie. L’alcool au même titre que le tabac entre dans ce cadre. Les plans « cancer » présentent trois objectifs : Construire l’excellence des soins de demain Réduire les inégalités (sociales, géographiques) Mieux préparer la vie pendant et après le cancer Cette démarche ne concerne pas seulement les soins apportés aux malades mais s’inscrit dans un projet global intégrant la recherche, l’observation, la prévention et le dépistage mais aussi la vie pendant et après le cancer. Pour combattre la consommation excessive d’alcool les mesures prévues sont les suivantes : A partir de 2011 la quantité d’alcool devra être indiquée sur chaque bouteille. Les centres venant en aide aux personnes en difficultés avec l’alcool verront leurs moyens renforcés pour prendre en charge un plus grand nombre de personnes. Les pouvoirs publics exerceront une vigilance accrue sur le strict respect de l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs prévue par la loi « Hôpital, patients, santé et territoire ». Parmi les objectifs de ce plan on trouve la réduction de 20% du nombre d’adultes dépendants de l’alcool inscrite dans le cadre de la prévention. Il faut se donner les moyens d’obtenir au sein de l’ensemble de la population une diminution importante des conduites à risque pour limiter les cancers évitables. 45 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Les plans cancers renforcent entre autre la lutte contre l’alcoolisme. Mettre en place, sur les emballages, un avertissement sanitaire plus lisible et plus utile aux consommateurs. Cet avertissement peut être du type « l’excès d’alcool peut faciliter la survenue de cancer » assorti d’un numéro d’appel pour informer les consommateurs. Permettre d’aider à l’arrêt de la consommation excessive d’alcool. D’une part en formant les médecins et infirmiers au cours du cursus universitaire au repérage précoce des buveurs excessifs et à une démarche de conseil. D’autre part en incluant cette démarche de conseil dans la consultation de prévention prévue par la loi relative à la politique de santé publique. Enfin en renforçant la prise en charge par des équipes de liaison hospitalière. Relancer une campagne d’informations grand public sur les risques sanitaires liés à l’excès d’alcool. 2) L’alcool en France La France est un pays viticole depuis l’Antiquité. C’est l’un des premiers pays producteurs mondiaux de vin avec une production de 41,6 millions d’hectolitres en 2008. Le vin est la première boisson alcoolisée vendue et consommée dans notre pays et représente 50% des ventes d’alcool, les spiritueux et bières arrivant à égalité autour de 20% des ventes. En France la vente d’alcool est interdite aux mineurs âgés de moins de 16 ans, la publicité pour l’alcool est interdite dans certains lieux comme les distributeurs automatiques et lors de certains évènements tels que les compétitions sportives. Un message de prévention est obligatoire sur les publicités. Les études (institut national de prévention et d’éducation de la santé, INPES) qui mesurent l’usage d’alcool en France décrivent une baisse régulière de consommation dans la population adulte depuis la seconde partie du XXe siècle. L’usage d’alcool a diminué de moitié depuis les années 1960 en passant de 26 litres d’alcool pur par habitant en âge de boire à 13 litres en 2005. Concernant le vin, la consommation par habitant par an est certes en diminution depuis les années 1990 mais elle reste en 2007 élevée à 52,5 litres par habitant par an, ce qui la place dans les pays les plus consommateurs de vin. Le nombre de consommateurs quotidiens d’alcool en 2005 était de 15% de la population adulte avec une prédominance 46 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool masculine (23%) par rapport aux femmes (8%). 15% des adultes ont déclaré avoir présenté au moins une ivresse dans l’année. Si l’on se réfère à la définition de l’OMS concernant la consommation à risque 37% des français ont ce type d’usage. Il a été montré que l’usage nocif est plus fréquent parmi les sujets consultants pour d’autres problèmes de santé. En revanche la consommation d’alcool au cours des dernières décennies ne baisse pas chez les jeunes. Parmi les sujets âgés de 17 ans 56% des garçons et 36% des filles ont déjà eu au moins un épisode de binge-drinking, ce qui correspond à la consommation d’au moins cinq verres d’alcool en une occasion. La proportion de jeunes ayant eu des ivresses répétées, c'est-à-dire au moins trois ivresses, a également augmenté pour passer de 20% en 2002 à 26% en 2005. Dans une étude réalisée en France, chez des médecins généralistes, 18% des patients reçus en consultation présentaient un profil d’alcoolisation excessive [14]. Les facteurs associés à la consommation à risque dans cette étude sont : La précarité sociale Le chômage Un arrêt de travail dans les douze derniers mois Un accident à l’origine d’une hospitalisation Une situation d’invalidité ou de maladie ou le bénéfice de l’allocation adulte handicapé En France les conséquences judiciaires liées à la consommation d’alcool sont non négligeables : selon les données de l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanie (OFDT) en 2006 il a été effectué par la police et la gendarmerie 68 000 interpellations (contre 64 000 en 2004) pour ivresse publique manifeste. En 2005 sur les 66 500 accidents corporels pour lesquels l’alcoolémie était connue 10% d’entre eux impliquaient au moins un conducteur avec une alcoolémie supérieure au seuil autorisé. C’était également le cas dans 28,1% des accidents mortels pour lesquels l’alcoolémie était disponible selon les données de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONSR). 47 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool L’alcool est aussi impliqué dans les violences commises à l’égard de personnes, notamment dans les violences conjugales d’après les travaux menés à partir des procédures judiciaires. Mais les informations recueillies sur les comportements d’alcoolisation restent peu précises et ne permettent pas de mesurer rigoureusement le lien entre violence conjugale et état d’alcoolisation. Elles permettent néanmoins de supposer que ce lien existe. Depuis les années 1950 on note une hausse modérée de l’usage du vin mais une hausse marquée de l’usage d’alcools forts chez les personnes âgées de moins de 25 ans. Cette hausse des consommations connaît des disparités régionales et socio-culturelles. Un peu d’épidémiologie en France : 1 français sur 10 présente un mésusage d’alcool avec une prédominance masculine (sept hommes pour une femme). Chaque jour 5 français meurent d’un accident lié à l’alcool. Chaque année il survient 45 000 à 50 000 décès liés à l’alcool ce qui représente environ 10% des décès toutes causes confondues. Dans le monde 3,2% des décès sont imputables à l’alcool. Il existe 5 millions de consommateurs abusifs et il y a 3 millions d’alcoolo-dépendants. Le coût social (indemnités journalières et prestations compensatoires) de cette consommation d’alcool et ses conséquences représentent 1,42 % du PIB, ce qui correspond à 17,53 milliards d’euros ce qui porte le coût total à 85 milliards d’euros. La majeure partie des français à l’âge adulte ont expérimenté l’alcool puisque 97,5% reconnaissent avoir déjà consommé de l’alcool. Les accidents de la voie publique liés à l’alcool sont la première cause de décès chez les jeunes de 15 à 24 ans. L’alcool est responsable de 15% des accidents du travail et de 20% des accidents domestiques. Il entraîne des conduites à risque en matière de sexualité et peut être responsable de suicides par son effet désinhibiteur. L’alcool induit une dépendance physique et psychique très forte qui s’installe le plus souvent insidieusement sur du long terme. L’alcool rapporte 250 milliards d’euros…. La balance économique est donc largement en faveur de la production d’alcool… 48 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool La mortalité liée à l’alcool est en baisse depuis trente ans notamment grâce aux campagnes de prévention et de sensibilisation. 3) Evolution de l’image de l’alcoolo-dépendant De l’ivrogne à l’alcoolo-dépendant L’évolution des concepts de l’ivrognerie à la maladie alcoolique est récente même si la notion d’ivresse est connue depuis l’Antiquité. En 1849 Magnus Huss propose pour la première fois le mot « alcoolisme » et le définit comme « les manifestations pathologiques de l’intoxication alcoolique », ce que nous désignons de nos jours par le terme « alcoolopathies ». C’est l’époque du modèle moral avec la naissance des ligues anti-alcooliques. Toutefois Magnus Huss ne retenait que les conséquences somatiques à long terme d’un « mauvais comportement » ou bien celles de l’ivresse. C’est en 1950 que Jellineck élabore le concept de « maladie alcoolique » et son processus. C’est l’époque du modèle bio-médical. Il n’y a plus un alcoolisme mais des alcoolismes. En France, Fouquet développera cette idée en parlant des « alcoolites » qui correspondent à l’alcoolisme dit d’habitude, des « alcooloses » que constituent les névroses arrosées et les « somalcooloses » autrement dit les alcoolisations massives et répétées. Ce concept de maladie a pour avantage de déculpabiliser les malades alcooliques et offre ainsi l’espoir d’un « traitement » voire d’une « guérison ». Depuis quelques années la notion de conduite pathologique remplace celle de maladie. J.Ades définit l’alcoolisme « ni comme une maladie autonome et homogène ni comme un symptôme, mais comme une conduite pathologique complexe dont le noyau est la consommation excessive, répétée et prolongée de boissons alcoolisées. Il s’agit d’un trouble tripartite à la fois biologique, psychologique et social dont le déterminisme est toujours multi-factoriel. » S.Peele quant à lui parle en 1982 de « manière de vivre, [d’] une manière de faire face au monde ». Aujourd’hui la maladie alcoolique doit être considérée comme la résultante d’interactions dans un continuum : l’histoire de l’individu chez lequel la solution alcool peut devenir à un moment donné la moins mauvaise des solutions pour affronter les évènements de la vie. 49 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Les alcoolo-dépendants aujourd’hui L’alcoolisme reconnu comme un grand fléau social n’existerait pas sans l’alcoolisation, phénomène quantitativement plus important. Que l’alcoolisation puisse conduire à l’alcoolodépendance est une évidence qu’il faut répéter de même qu’il faut informer à chaque occasion sur les limites floues qui existent entre ces deux conduites. Pour une population donnée il semble que le produit alcool prend un pouvoir pathogène pour 8 à 10% des consommateurs, ce qui permet par la suite l’installation d’une dépendance. Ce pouvoir pathogène, à la fois physique et/ou psychologique, varie sans doute selon de nombreux critères comme le sexe, l’âge, le milieu socio-culturel ou encore l’histoire individuelle. Ce serait une erreur fondamentale de ne voir dans l’objet alcool que l’objet unique de la dépendance. Si la solution alcool reste la moins mauvaise des solutions pour un sujet donné à un moment donné de son histoire elle n’en est pas moins aussi la résultante d’une suite de déviances prenant ses racines très loin dans l’histoire du sujet, au sein de son milieu et s’inscrivant dans le temps. Au cours d’une consultation l’abord de cette question « alcool » reste difficile, voire déroutante pour tous y compris le médecin, et ce, quelles que soient les relations entre les individus et l’alcool, qu’elles soient présentées par un tiers ou par le consommateur d’alcool. Des évènements très divers peuvent amener ces différents partenaires à échanger à partir de l’alcool. Un processus de lien va se mettre en place. Vouloir agir rapidement, immédiatement et sans tenir compte de ce processus, parfois long, peut mener à bien des désillusions. Les situations « idéales » sont rares, ce sont celles où le consommateur d’alcool en risque vient de lui-même pour demander de l’aide. Différentes étapes sont à construire au cours de ce processus. Le médecin devra aider à cette construction : étude de la situation du patient, définition des demandes du patient, élaboration d’un diagnostic et mise en place d’un accompagnement. Ces étapes successives, incontournables, nécessitent du temps et un investissement pour le thérapeute. 50 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool b. Méthode : questionnaire adressé aux médecins généralistes Cette thèse est une étude prospective et qualitative. Elle a été réalisée par diffusion du questionnaire auprès de médecins généralistes français entre le 02 avril 2010 et le 02 juillet 2010. 1) Sujets participants à l’étude Les médecins ayant participé à cette étude ont reçu le questionnaire de différentes manières : * soit par courrier électronique via leur Formation Médicale Continue (FMC) après avoir obtenu l’accord du responsable * soit directement lors d’une soirée FMC * soit par l’intermédiaire de médecins l’ayant déjà rempli Les questionnaires sont anonymes et aucune rémunération n’a été versée pour la participation à cette étude. 2) Critères d’inclusion et d’exclusion Ont été inclus dans cette étude tous les médecins généralistes ayant répondu au questionnaire. Ont été exclus les titulaires d’un diplôme de médecine générale n’exerçant pas la médecine générale en cabinet de ville. 3) Description de l’expérimentation Les sujets ont été soumis à un auto-questionnaire (annexe page 84) dont le temps de réponse calculé est inférieur à dix minutes. L’étude s’est déroulée sur trois mois. Le questionnaire comporte 34 questions. Son élaboration a pris en compte trois études : l’étude Repex en 2005 sur la comparaison de l’acceptabilité de trois méthodes de repérage des buveurs excessifs d’alcool en médecine générale [8]. L’étude faite en Gironde en 2003 (thèse de médecine soutenue en 2006) sur le repérage précoce et l’intervention brève des mésusages d’alcool [21]. Cette seconde étude est basée sur le concept « avant-après formation ». 51 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool L’étude issue d’une thèse, soutenue en 2008, sur « les comportements à risque en médecine générale : enquête d’opinion sur 190 médecins généralistes formés au repérage précoce et à l’intervention brève auprès des consommateurs excessifs d’alcool » [10]. Cette étude présente un biais de sélection: les médecins généralistes étudiés étaient intéressés par les comportements à risque. 4) Paramètres étudiés Le questionnaire se constitue de deux parties : La première partie concerne les caractéristiques démographiques (âge, sexe) ainsi que les conditions d’exercice (lieu, exercice en cabinet de groupe ou seul). Puis elle aborde l’attitude des médecins généralistes dans la prise en charge de l’alcool et quelles connaissances ils en ont. Ceci nous permettra de faire un lien entre les réponses concernant le ressenti lors des prises en charge et l’état des connaissances. Les questions concernant des mesures juridiques sont également abordées. Il est aussi important de noter le sentiment des médecins généralistes à propos de ces mesures de protection et de leurs applications : sont-ils à l’aise ? Nous nous intéressons également à la manière dont les médecins abordent le problème « alcool » : laissent-ils le patient s’exprimer et exposer clairement les choses, viennent-ils vers lui pour lui offrir l’occasion d’en parler ? A quel moment, alors qu’il suspecte un mésusage d’alcool le médecin va-t-il entrer dans le soin addictologique ? La question concernant l’utilisation des questionnaires d’aide au dépistage d’une consommation abusive d’alcool ainsi que celle de la pratique de l’entretien motivationnel sont posées. Le problème de l’entourage de ces patients est abordé : est-il pris en charge par le médecin et ce dernier se sent-il à l’aise dans ce rôle de soutien qui lui a été attribué par l’entourage ? Enfin la question est posée de savoir si la personne interrogée est intéressée par l’alcoologie et notamment par le fait de suivre une formation à ce sujet. La deuxième partie du questionnaire interroge sur les différents ressentis selon les situations et les prises en charge et notamment pour savoir si les médecins sont gênés ou non de parler 52 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool des problèmes d’alcool. Le médecin généraliste se sent-il à l’aise pour poser des questions en rapport avec la consommation d’alcool ? Se sent-il en droit de le faire ? Nous abordons également le problème des représentations propres à chaque personne vis-àvis du problème alcool : cela joue-t-il un rôle dans la perception des choses et dans l’attitude qui en découle ? Enfin pour ouvrir au maximum ce questionnaire il a été demandé aux médecins généralistes quelles étaient leurs principales difficultés avec les patients consommant de l’alcool et quels étaient pour eux les obstacles les plus gênants dans la prise en charge des patients ayant un problème d’alcool. 5) Méthodologie statistique Les données recueillies ont été saisies à l’aide du logiciel Microsoft Excel 2007® et analysées grâce à ce même logiciel ainsi qu’au logiciel Stat View. Les résultats sont considérés comme significatifs si p < 0,05. 53 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool IV) Résultats a. Sujets inclus et exclus Du 02 avril 2010 au 02 juillet 2010 quatre-vingt-cinq questionnaires ont été recueillis auprès de médecins généralistes français. Sur ces quatre-vingt-cinq questionnaires deux sujets ont été exclus : le premier ne répondait pas au principal critère requis dans la mesure où il s’agit d’un urgentiste, le deuxième n’a pas répondu aux questions de la manière demandée ce qui a rendu le questionnaire inexploitable. Au total quatre-vingt-trois questionnaires ont été inclus dans l’étude. b. Caractéristiques générales de la population étudiée (n= 83) 1) Ages et sexes Tableau 1 : Ages et sexes Hommes (%) 63 % Femmes (%) 37 % Fourchette d’âge moyen (années) 51-60 ans Figure 9. Répartition Homme/Femme 54 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 50 40 30 Total 20 10 0 <30 <40 <50 <60 <70 Figure 10. Répartition selon les âges Il existe une prédominance masculine quelle que soit la tranche d’âge étudiée. 35 30 25 <30 <40 20 <50 15 <60 <70 10 5 0 Homme F emme Figure 11. Répartition des âges selon le sexe. 55 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 2) Conditions d’exercice 65% des médecins interrogés exercent en ville. Figure 12. Répartition en fonction du lieu d’exercice. 62 % des médecins interrogés exercent en cabinet de groupe. Un médecin n’a pas répondu à la question. 60 50 40 30 20 seul cabinet pas de réponse 10 0 Figure 13. Répartition en fonction des conditions d’exercice. 56 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 3) Liens avec l’alcoologie Tableau 2 : Liens des médecins avec l’alcoologie Formation existante (%) 75 % Appartenance à un réseau « addiction » (%) 17 % Existence d’un correspondant (%) 72 % 75 % des médecins déclarent avoir déjà eu une formation sur l’alcool, tous types de formation confondus (Formation Médicale Continue, Universitaire, lecture, laboratoire). 57 % des médecins interrogés seraient intéressés par une Formation Médicale Continue (FMC), neuf médecins n’ont pas répondu à la question. 72 % des personnes ont un correspondant en alcoologie soit à l’hôpital soit dans les centres ambulatoires ou encore avec les associations d’anciens buveurs. Figure 14 : Correspondant/réseau en fonction du lieu d’exercice Ce graphique montre que l’existence d’un correspondant et l’appartenance à un réseau est directement lié au lieu d’exercice. Les médecins exerçant en milieu rural ne font pas partie de réseau. Qu’ils soient installés en ville ou en milieu rural le même pourcentage de médecins est en relation avec un référent en alcoologie. Ont été exclus les médecins exerçant en milieu semi-rural. 57 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool c. Objectif principal : gêne à parler d’alcool ? Tableau 3 : Y-a-t-il une gêne pour les médecins à parler d’alcool ? Gêne à parler d’alcool Réponse mitigée Pas de gêne à parler d’alcool 7% 21 % 70 % Deux médecins interrogés n’ont pas répondu à cette question. Dix-sept sujets (21 %) sont mitigés sur la question. La gêne à parler d’alcool n’est pas corrélée à l’âge (la population « mitigée » de médecins a été incluse dans la population « pas gênée »). On note malgré tout une apparition minime de la gêne pour les médecins ayant un âge supérieur à 51 ans mais la différence n’est pas significative (p > 0,05). De la même manière la gêne à parler d’alcool n’est pas corrélée au sexe avec une différence non significative (p > 0,05). Par rapport à l’existence d’une formation en alcoologie, il n’existe pas non plus de différence significative (p > 0,05) concernant la gêne à parler d’alcool. L’existence d’une gêne à l’évocation de l’alcool n’est pas liée aux représentations propres des médecins, mais la différence est non significative (p > 0,05). 70 % des sujets questionnés estiment que leurs propres représentations de l’alcool et des problèmes qui lui sont liés jouent un rôle dans leur prise en charge. 91 % des médecins considèrent que l’alcool n’est pas un tabou entre eux et leurs patients. 53 % des sujets ayant répondu au questionnaire considèrent qu’un comportement problématique avec l’alcool est avant tout une maladie. 58 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Figure 15. L’alcool est une maladie. d. Conduites vis-à-vis des patients 1) Repérage d’un mésusage d’alcool 93 % des médecins interrogés font de « peu souvent » à « souvent » de la prévention et de l’information auprès de leurs patients. 88 % des sujets dépistent leurs patients de « peu souvent » à « souvent » à propos des mésusages d’alcool. Un médecin ne fait jamais de dépistage. 83 % des médecins pratiquent l’intervention brève, quatre médecins n’ont pas répondu à la question. 59 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Tableau 4 : Nombre de prises de sang par an dû à la consommation d’alcool 0 fois 1 à 2 fois 3 à 5 fois 6 à 12 fois >12 fois Pas de réponse VGM 4% 4% 13 % 30 % 44 % 5% GGT 2% 2% 16 % 27 % 49 % 4% transaminases 6% 1% 16 % 24 % 46 % 7% CDT 41 % 14 % 14 % 16 % 10 % 5% triglycérides 10 % 0% 18 % 20 % 46 % 6% OH 69 % 11 % 9% 1% 2% 8% Autres 66 % 1% 6% 4% 4% 5% Dans la catégorie « autres », l’amylasémie a été citée à trois reprises, la lipasémie, le TP et les phosphatases alcalines ont, chacun, été cités une fois. Pour 45 % des médecins interrogés la consommation d’alcool est abordée avec les patients si ces derniers initialisent la discussion. En l’absence de signe d’appel faisant penser à un mésusage d’alcool, 22 % des médecins généralistes questionnent leurs patients sur leur consommation d’alcool. Pour s’aider dans le dépistage des mésusages d’alcool, 4 % des médecins s’aident des questionnaires (AUDIT, FACE, …) Il est à noter que la détermination des seuils limites recommandés de consommation est connue pour 18 médecins sur 83 pour la consommation recommandée pour les hommes et 21 médecins sur 83 pour la consommation recommandée pour les femmes. 60 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 2) Divergence d’évaluations Figure 16. Divergence d’opinions. 53 % des personnes interrogées ont souvent eu affaire à des divergences d’évaluations de situation à cause des problèmes d’alcool. 63 % ne se sont pas sentis suffisamment entourés pour gérer avec facilité cette situation. 3) Recours à des mesures judiciaires Tableau 5 : Recours aux principales mesures judiciaires Peu souvent Jamais HDT 52 % 46 % HO 17 % 83 % Signalement d’enfant 20 % 80 % Sur les médecins ayant eu recours à ces mesures judiciaires 66 % ne se sont pas sentis assez entourés pour gérer facilement les situations. 61 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 4) Suivi de personnes abstinentes et des entourages 68 % des médecins interrogés s’occupent sur le plan alcoologique de patients devenus abstinents. Tableau 6 : Suivi des patients abstinents Seuls Avec alcoologue Avec psychiatre Avec autre aide 54 % 46 % 41 % 9% D’après les médecins, l’association entre ces trois spécialistes varie. La plus fréquente est le suivi conjoint avec un alcoologue et un psychiatre. Dans la catégorie « autre aide » la famille et les associations d’anciens buveurs sont les plus souvent citées. 77 % des médecins prennent en charge en consultation l’entourage d’un patient présentant un mésusage d’alcool en termes de soutien et d’explications. 82 % de ces médecins sont à l’aise pour effectuer ce soutien quand l’entourage vient demander de l’aide. 5) Dans la pratique quotidienne Le soin aux personnes dépendantes est un acte pratiqué par 59 % des médecins interrogés. Ils prennent en charge les problèmes d’alcool dans 55 % des cas plutôt que de les orienter directement. Tableau 7 : Début d’une prise en charge par le médecin généraliste si : Comportements suspects d’alcoolisation 79 % Signes clinico-biologiques 85 % Pathologie alcoolique évidente 94 % Manifestation de dépendance à l’alcool 96 % L’entretien motivationnel est réalisé par 40 % des médecins. 62 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Figure 17. Réalisation de l’entretien motivationnel e. Les médecins généralistes à propos d’eux-mêmes 1) Légitimité 74 % des médecins ayant répondu au questionnaire sont d’accord pour dire qu’ils ont les connaissances suffisantes sur les problèmes d’alcool pour jouer leur rôle auprès des patients présentant un mésusage d’alcool. 59 % d’entre eux sont à peu près d’accord avec cette affirmation et 13 % sont tout à fait d’accord. Tous les médecins interrogés sont d’accord sur le fait qu’ils ont le droit de poser aux patients la question de leur consommation d’alcool. 82 % d’entre eux sont tout à fait d’accord avec cette attitude et 18 % sont à peu près d’accord. 63 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 2) Prévention et prise en charge des problèmes d’alcool Tableau 8 : Sur la prévention et la prise en charge les médecins de l’étude pensent être : Bon interlocuteur pour intervention brève 83 % Bien placé pour entretien motivationnel 57 % Savoir quoi faire par rapport à la consommation d’alcool 90 % A l’aise avec les populations à risque 83 % Dépassé si polyconsommation 65 % Le plus souvent sous pression par l’entourage 53 % e. Place de l’alcool dans l’exercice de la médecine générale Tableau 9 : Place de l’alcool en prévention Alcool = priorité en Très importante Importante Peu importante 38 % 51 % 11 % prévention Tableau 10 : Valorisation de la place du MG Valorisation de la place du MG dans la prise en charge des oui non 90 % 6% problèmes d’alcool Trois médecins n’ont pas répondu à cette question. 64 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool f. Difficultés rencontrées Tableau 11 : Difficultés rencontrées Oui Non Manque d’intérêt 12 % 88 % Manque de rémunération 48 % 52 % Manque d’outils, de protocoles 34 % 66 % Ce que peut cacher cette maladie 29 % 71 % Les rechutes 60 % 40 % Le manque de compliance des patients 64 % 36 % Autres 27 % 73 % Le manque de rémunération est à considérer en fonction de la durée de consultation pour la prise en charge d’un patient avec un mésusage d’alcool. Dans les autres difficultés rencontrées : Le manque de temps est le principal problème rencontré par les médecins généralistes. Parmi les autres difficultés mentionnées se trouvent : *les délais trop longs pour obtenir une consultation en alcoologie et une prise en charge hospitalière liés à un manque de référents en alcoologie et au manque de structures d’accueil. *le déni des patients, l’acceptation et la résignation face à cette maladie qui surviennent au fil du temps. *le peu de résultats attendus et le manque de traitement efficace. 65 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool g. Les obstacles pour parler d’alcool Tableau 12 : Les obstacles Vrai Faux Exclus (nbre) Prise en charge souvent vouée à l’échec 12 % 62 % 20 Minimisation des quantités consommées par les 47 % 31 % 18 Le temps 28 % 31 % 33 Choquant si le patient n’est pas venu pour l’alcool 15 % 62 % 19 Que faire après la découverte du problème d’alcool ? 3% 76 % 17 Manque de formation 28 % 43 % 23 patients Ont été exclues de ces résultats les réponses ne tranchant pas entre « obstacle » et « pas d’obstacle ». 66 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool V) Discussion a. Caractéristiques générales de la population étudiée Dans cette étude 63 % des sujets sont des hommes et la fourchette d’âges la plus représentée est celle de 51-60 ans. On retrouve la prédominance masculine dans toutes les tranches d’âges étudiées. 65 % des médecins ont un exercice de la médecine en ville, seuls 13 % des médecins interrogés ont un exercice en milieu rural. Cette différence est probablement liée au fait que le questionnaire a été diffusé en grande partie dans la région parisienne. La majorité des médecins interrogés a un exercice dans un cabinet de groupe, ce qui correspond à la tendance actuelle des regroupements de médecins et à l’abandon de l’exercice en cabinet individuel. Il a été observé dans cette étude que les trois-quarts de la population consultée ont déjà eu une formation sur le thème de l’alcool. Ces formations regroupent les formations médicales continues, les lectures, les présentations de laboratoire, les stages d’interne dans des services d’alcoologie, conformément à l’application du plan gouvernemental sur les addictions [49]. Moins d’un quart des personnes interrogées appartient à un réseau « addiction ». Presque les trois-quarts ont un correspondant de référence en alcoologie. Les médecins interrogés exerçant en milieu rural ne font pas partie d’un réseau « addiction ». Par contre que ce soit en milieu rural ou en ville 72 % des médecins interrogés ont un correspondant en alcoologie. Ces chiffres s’intègrent dans le plan gouvernemental « addiction » mais également dans le plan gouvernemental « cancer » dans le cadre de la formation à la prévention et de la coordination des trois secteurs (ambulatoire, hospitalier et médico-social) pour le suivi et l’accompagnement des patients présentant une addiction. b. Objectif principal : y-a-t-il une gêne à parler d’alcool ? Les médecins généralistes rencontrent une grande partie de la population, environ 70% chaque année, ce qui les place dans une position stratégique pour assurer la continuité des soins et relayer l’information médicale notamment à propos de la prévention [34]. De plus les 67 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool consommateurs excessifs d’alcool viennent fréquemment consulter leur médecin généraliste avec de multiples plaintes qui peuvent être liées à la consommation d’alcool. Les médecins généralistes sont souvent appelés pour prendre en charge les premières complications d’une pathologie liée à l’alcool et ce sont souvent les premiers professionnels au courant des aspects problématiques de la consommation d’alcool de leurs patients. Ils peuvent également jouer un rôle important dans la prévention. Néanmoins les tentatives des médecins généralistes pour évaluer le bien fondé de la réponse aux problèmes d’alcool sont décourageantes : les médecins sont réticents à être impliqués dans le diagnostic et/ou le traitement des abus d’alcool [3]. La question qui reste à se poser est la suivante : les médecins sont-ils gênés dans leur pratique de devoir aborder les problèmes d’alcool avec leurs patients ? Certes les médecins généralistes ont une place de choix pour effectuer la prévention vis-à-vis des mésusages d’alcool, mais souhaitent-ils actuellement effectuer ce travail ? Et en ont-ils les moyens ? [9]. L’alcool est un véritable problème médico-social contre lequel les médecins ne sont pas immunisés. Thom et Tellez [36] ont montré que les médecins, peu à l’aise avec les problèmes liés à l’alcool développent, pour certains, des stratégies pour éviter de faire le diagnostic. Ils attendent que le patient fasse le premier pas, ils évoquent l’idée sans confrontation ni question directe et s’arrêtent dès que le patient refuse de reconnaître qu’il pourrait avoir un mésusage d’alcool. De nombreux médecins pensent que si l’abus d’alcool ne correspond pas au motif de consultation le mentionner équivaut à une violation de la vie privée du patient. D’autres médecins utilisent les examens complémentaires tels que les prises de sang et échographie du foie pour aborder le problème d’une manière qu’ils considèrent comme plus légitime. L’étude réalisée ici montre que 70 % des médecins interrogés ne sont pas gênés pour parler d’alcool avec leurs patients. Pour 21 % des médecins la réponse n’a pas été concluante. 68 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Cette catégorie de médecins a malgré tout été intégrée à la population de médecins « pas gênée » pour étudier la corrélation entre différents paramètres : La gêne n’est pas liée à l’âge des médecins, même s’il apparaît une gêne pour les populations de médecins âgées de plus de 51 ans. La gêne n’est pas en relation avec le sexe. Les médecins des deux sexes se comportent de la même manière vis-à-vis des patients ayant un mésusage d’alcool. L’existence d’une formation à la prise en charge des problèmes d’alcool n’intervient pas non plus dans l’existence ou non d’une gêne pour aborder ce problème. Les représentations propres des médecins à propos des conduites d’alcoolisation ne semblent pas jouer de rôle dans la gêne à aborder les problèmes d’alcool, mais 70 % des médecins interrogés estiment qu’elles jouent un rôle dans la manière dont ils prennent en charge les patients présentant un mésusage d’alcool. Cependant les médecins doivent être à même de faire la différence entre leurs idées personnelles sur les risques liés à l’alcool et les risques décrits par la science [3]. Les différences observées dans l’étude de ces critères ne montrent pas de différence significative, ceci pouvant être lié à la faible taille de l’échantillonnage. Les données de la littérature diffèrent quant à l’existence d’une formation : les médecins généralistes paraissent réticents à traiter les problèmes d’alcool même en ayant eu une formation. Une étude anglaise [17] rapporte que 60% des médecins généralistes trouvent que diagnostiquer et traiter est plus intéressant que le travail de promotion de la santé et 45% pensent que le fait de rechercher ces problèmes en crée davantage qu’il n’en résout. Mais cette étude ne parle pas du sentiment de gêne à aborder le problème « alcool ». De même il a été établi que le fait d’avoir une attitude positive et empathique envers les patients ayant un abus d’alcool est directement corrélé aux nombres d’heures de formation relatifs à ce sujet : ainsi un médecin ayant suivi plusieurs formations avec pour thème l’alcoolo-dépendance sera plus à l’écoute de ses patients si le problème se pose [34]. Mis à part quelques participants à l’étude la majeure partie d’entre eux estime qu’elle n’est pas bien préparée pour répondre à l’attente des patients en mésusage d’alcool [34]. Un autre paramètre, à prendre en compte dans la gêne des médecins pour aborder le sujet alcool, serait celui de leur consommation personnelle. Cela n’a pas été considéré dans cette étude mais dans une menée auprès de médecins suédois. Une autre raison explique que les 69 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool médecins ne posent pas la question à propos des mésusages d'alcool: certaines personnes du corps médical sont peut être elles-mêmes des consommatrices excessives d'alcool. L'abord du problème en est d'autant plus difficile dans ce cas [3]. Dans l’étude de Rohman [31] environ la moitié des médecins reconnaît que ces patients sont en général, difficiles, peu coopérants et qu’ils sont souvent peu honnêtes à propos de l’exactitude de leur consommation d’alcool. La connaissance n’est pas suffisante face à un patient alcoolo-dépendant, dans le déni, qui refuse toute aide. Pour la plupart des médecins l’alcoolo-dépendance est une maladie, mais encore nombre d’entre eux ont des attitudes ressenties comme négatives envers les patients présentant un mésusage d’alcool. Pour les médecins qui ont été interrogés environ la moitié considère les mésusages d’alcool comme étant une maladie. Enfin 91 % des médecins ayant répondu au questionnaire pensent que l’alcool n’est pas un tabou. c. Conduites vis-à-vis des patients 93 % des médecins pratiquent de « peu souvent » à « souvent » la prévention et le repérage pour les problèmes d’alcool et 88 % le dépistage. A propos de l’intervention brève 83 % des médecins la réalisent. Quatre médecins n’ont pas répondu à la question dont un médecin qui ne savait pas à quoi cela correspondait. Les données de la littérature sur l’intervention brève sont multiples : Il a été montré un bénéfice de l’intervention brève faite en soins primaires chez les personnes présentant une consommation à risque d’alcool. En effet, même si l’intervention brève réduit la consommation individuelle de manière modérée, le retentissement en terme de santé publique est réel [9]. L’intervention brève est autant influencée par les caractères personnels des patients que par leurs risques cliniques et son succès potentiel dépend fondamentalement de l’état d’esprit des soignants qui la font : plus ils seront convaincus et convaincants de son utilité et plus l’intervention sera ressentie comme bénéfique par les patients [9]. Une étude [15] suggère que les relations personnelles des médecins avec l’alcool peuvent influencer la manière dont ils vont faire l’intervention brève. 70 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool De plus les patients à haut niveau socio-économique ont tendance à être moins réceptifs aux interventions brèves faites par le médecin généraliste alors que les patients de bas et moyen niveaux socio-économiques y sont plus attentifs [15], ce qu’il est intéressant de noter compte tenu de la problématique de l’alcoolisme mondain. Il a été mis en évidence l’intérêt de la prévention et de l’intervention brève dans la prise en charge de ces comportements addictifs. De plus les patients addictifs préfèrent voir leur médecin généraliste plutôt que d’aller dans un service spécialisé. La stigmatisation est ainsi moins visible pour eux [19]. Dans la pratique quotidienne un problème social ou familial ou relationnel chez un patient peut orienter les médecins vers un abus d’alcool, mais certains d’entre eux reconnaissent s’aider de critères biologiques ainsi que de marques physiques (hépatomégalie, érythrose faciale). Ainsi environ 50 % des médecins interrogés font réaliser un bilan sanguin face à un patient qu’ils pensent consommateurs d’alcool. Cela leur arrive plus d’une fois par an. Le bilan demandé recherche un problème hépatique, une augmentation des triglycérides ou encore une macrocytose sur la numération sanguine. La CDT (carbohydrate désialylée transferrin) qui est un reflet de l’alcoolisation sur les deux semaines précédentes est très peu utilisée. Le soin aux personnes dépendantes est fait par 59 % des médecins généralistes interrogés. Il est important de souligner que dans 55 % des cas ces médecins les prennent eux-mêmes en charge plutôt que de les orienter directement à un confrère. d. Ressenti vis-à-vis d’eux-mêmes Les médecins généralistes ont besoin, comme tous les médecins, de pouvoir développer les compétences nécessaires à l’application dans leur pratique quotidienne de leurs apprentissages. Le but n’est pas d’inciter l’ensemble des médecins à prendre en charge les patients ayant un mésusage d’alcool mais plutôt de créer des réseaux, d’informer sur ces réseaux et sur l’existence de médecins intéressés par ce sujet qui peuvent suivre ces patients. 71 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Certains médecins s’inspirent de leurs propres expériences d’alcoolisation pour initier des discussions centrées sur l’alcool. Cette manière de procéder les met plus à l’aise car il est parfois plus facile de faire appel à sa propre expérience pour toucher un patient [15]. 74 % des médecins de cette étude sont d’accord pour dire qu’ils ont les connaissances suffisantes pour jouer un rôle dans la prise en charge des problèmes d’alcool. Tous les médecins sont d’accord pour dire qu’ils ont le droit de poser la question concernant la quantité d’alcool consommée. Certes les médecins ont une légitimité dans la détection des abus d’alcool mais cette certitude est modulée par le sentiment que travailler avec des patients présentant des problèmes d’alcool n’est pas gratifiant et donne peu de résultats. D’après les médecins interrogés la majeure partie des patients est d’accord avec le fait qu’ils ont des raisons tout à fait légitimes de poser des questions concernant leur style de vie et notamment la consommation d’alcool, au même titre que la consommation de tabac. Des barrières peuvent également apparaître chez les médecins. Comment savoir où commence une consommation excessive d’alcool ? De plus l’alcoolisme mondain pose le problème de sa fréquence sans effet visible et de sa tolérance sociale… Cela peut renforcer le fait que la limite entre consommation sans risque, donc acceptable, et consommation à risque est difficile à définir [9]. Il est important de souligner que les habitudes et coutumes locales et régionales jouent aussi un rôle dans la quantité d’alcool consommée et acceptée. A noter que le comportement d’un patient peut aussi leur rappeler leur propre comportement ou bien celui d’un proche et faire abstraction de ce rappel est difficile. La perception des limites du boire «sans risque » est clairement associée à l’intervention effectuée par le médecin. Cette donnée est importante dans la mesure où elle suggère que l’alcool est habituellement vu comme un sujet tabou entre le médecin et le patient à moins qu’il n’existe une pathologie visible et directement liée à l’alcool. Il serait plus utile de répondre clairement et simplement à propos des limites des quantités d’alcool consommées plutôt que de faire de longs discours sur les données épidémiologiques comme ce fut le cas à un moment [34]. Satisfaction leur a été donnée en France avec les recommandations faites par le Haut Conseil de Santé Publique en juillet 2009[42 ; 43]. 72 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool e. Place de l’alcool dans l’exercice médical Depuis le milieu des années 1960 de nombreux écrits ont été publiés sur les barrières dressées entre le diagnostic et le traitement des mésusages d’alcool. Deux aspects sont notamment pointés : le premier est le manque de connaissance des médecins généralistes, le second correspond aux attitudes négatives des médecins à propos des alcoolo-dépendants et de cette dépendance. Mais l’explication est plus complexe dans la mesure où il s’agit d’un problème médical chronique en partie lié à un style de vie. Des efforts ont été faits depuis ces dix dernières années concernant l’information et la formation des médecins afin de passer au-delà des a priori négatifs et pour leur donner des moyens. Suite aux deux plans gouvernementaux la prévention des mésusages d’alcool fait partie des premières priorités de santé publique mais il existe peu de données dans la littérature à ce sujet. Pour les médecins interrogés la priorité donnée à la prévention des mésusages d’alcool est importante pour 51 % et très importante pour 38 %. Concernant la place du médecin généraliste dans la prise en charge des problèmes d’alcool 90% des médecins de cette étude considèrent qu’elle doit être valorisée. En effet le mésusage d’alcool est un problème majeur de santé publique représentant un coût très important pour la société. Les soins de premier recours et notamment les médecins généralistes sont reconnus comme étant à la place idéale pour jouer un rôle dans la prévention des problèmes d’alcool. Les médecins généralistes ont certes une place stratégique pour dépister et traiter les mésusages d’alcool, mais est-il possible que tous ces médecins acceptent ce rôle et souhaitent se spécialiser dans cette prise en charge, parfois au détriment d’autres thèmes de prévention ? Il ne faut pas oublier qu’un autre facteur, jouant un rôle majeur dans la relation médecinpatient et pouvant l’altérer si l’on parle d’alcool, est la confiance. Or, elle peut être mise à mal par la mauvaise compliance de ces patients, le déni de la maladie souvent présent et les nombreuses rechutes qui lui sont associées. 73 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Comme avec toute maladie chronique le but du médecin est l’accompagnement et le soutien au long cours, prise en charge qui se fait dans la prudence et le respect l’un de l’autre. L’addiction n’est pas un problème nouveau. L’usage de substances psycho-actives remonte loin dans l’Histoire. Mais on sait maintenant que l’addiction est une maladie chronique, caractérisée par de multiples rechutes, difficile à soigner et à prendre en charge par le soignant. Ainsi une valorisation de la place et du rôle du médecin généraliste le conforterait dans ses actions. f. Difficultés et obstacles pour parler d’alcool Les problèmes d’alcool sont sous-estimés en médecine générale et les médecins identifient seulement un faible nombre de patients à risque [3]. Quelles sont les difficultés rencontrées par les médecins pour aborder la question de l’alcool avec les buveurs à risque ? Initialement la difficulté réside dans le fait de pouvoir identifier les symptômes qui peuvent être liés à l’alcool. De plus certains médecins ont une image stéréotypée des consommateurs excessifs d’alcool. Les médecins sont clairs sur un point : un manque de temps ainsi que la peur de perturber les relations avec leurs patients sont deux des principales raisons qui font qu’ils n’abordent pas le sujet alcool. D’autres ont pointé du doigt un manque de différence significative entre l’alcoolisme mondain, les mésusages d’alcool et l’alcoolo-dépendance. Un autre conflit peut se jouer concernant l’intégrité des patients : la quantité de boissons absorbée est leur problème. Pour d’autres il existe un accord tacite entre le médecin et le patient pour ne pas discuter de consommation excessive d’alcool tant qu’il n’y a pas de complications, qu’elles soient somatiques, psychologiques ou sociales. Par rapport aux questions posées pour cette étude la principale difficulté rencontrée est le manque de compliance des patients (64 %), suivie par les rechutes (60 %) puis le manque de 74 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool rémunération par rapport au temps passé avec les patients (48 %). Pour 88 % il ne s’agit pas d’un manque d’intérêt. Dans les autres difficultés citées viennent notamment le fait que les délais de prise en charge par des structures adaptées (hôpital, centre de cure ambulatoire, post-cure) sont longs et les médecins généralistes de ville notent un manque de référents hospitaliers en alcoologie. Au-delà des difficultés matérielles on trouve les problèmes liés à la chronicité de cette maladie qui intègre un schéma médico-psychologique : déni de la maladie par le patient, acceptation et résignation au fil du temps du soignant et du soigné, le peu de résultats attendus ainsi que le manque de traitement efficace. Un autre problème est d’ordre financier. Plusieurs études ont montré l’importance des incitations financières et des contrats passés avec les médecins pour les encourager à travailler notamment en prévention secondaire [3]. g. Points forts et limites de l’étude Le point fort de cette étude a été de prendre en compte le ressenti des médecins généralistes vis-à-vis de l’alcool et notamment de savoir s’il existait une gêne pour les médecins à aborder ce problème. En effet on trouve peu d’articles dans la littérature pour traiter de ce sujet alors que le médecin généraliste est de plus en plus au cœur du système de santé, ne serait-ce que par l’instauration du choix du médecin traitant. Ce travail comporte des points faibles. Sur le plan méthodologique le questionnaire est long, étendu sur quatre pages ce qui peut dissuader les médecins de répondre. Le recrutement des médecins a été soumis à deux critères d’inclusion : être titulaire d’un diplôme de médecin généraliste et exercer la médecine générale en cabinet. La diffusion du questionnaire subit également un biais puisque le moyen électronique a été privilégié, ce qui a pu entraîner un faible échantillonnage de réponses. Parler d’alcool n’est pas chose facile et certains médecins n’ont pas répondu après avoir lu le questionnaire. 75 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool On aurait pu penser, comme certains médecins généralistes l’ont mentionné en remarque, que cette étude allait montrer que les médecins généralistes ne prennent pas en compte les recommandations en matière de prévention pour l’alcool. Ce n’est pas le but de cette thèse. Les questions posées aux médecins sur leurs connaissances en alcoologie permettent de lier les pratiques aux ressentis. Il semble indispensable de pouvoir faire ce lien et de savoir quelle population de médecins a été étudiée (prise en charge ou non de personnes présentant un mésusage d’alcool). Il serait intéressant de poursuivre cette étude en se basant sur les ressentis des patients : comment voient-ils leur médecin en terme de prévention liée à la consommation d’alcool ? 76 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool VI) Conclusion L’alcool est un produit connu depuis le début des civilisations. Son utilisation a toujours été marquée par une ambivalence alliant le côté festif, joyeux, accepté et le côté jugé malsain de l’ivrognerie. Les effets multiples de l’alcool, physiques et psychiques, sont au premier plan de son utilisation. Les effets néfastes de cette substance ont longtemps été volontairement ignorés dans la mesure où l’alcool est un produit qui coûte cher mais rapporte beaucoup d’argent. Les mentalités et idées reçues ont mis du temps à évoluer et le concept d’alcool comme refuge et aide à la vie quotidienne jusqu’à devenir addiction a été difficilement accepté. Il est maintenant admis dans le grand public que l’alcoolisme est une addiction. Les ravages de cette pathologie ont incité les autorités à prendre des mesures qui ont abouti à inclure l’alcool dans deux plans gouvernementaux pour sa prévention et sa prise en charge. Le plan « cancer » souligne les effets cancérigènes directs potentiels ainsi que les comorbidités et le plan « addiction » met en évidence les troubles liés au comportement addictif. Un des enjeux de santé publique est d’augmenter la prévention et le dépistage précoce des mésusages de l’alcool. Les médecins généralistes sont les mieux placés pour jouer le rôle majeur de prévention et de prise en charge qui nécessite du temps investi dans la formation médicale et lors de difficiles consultations. Les pouvoirs publics devraient réfléchir à la mise en place de mesures financières d’incitation à la prise en charge par les médecins généralistes des patients alcooliques. Les résultats de notre étude, malgré ses limites, soulignent que les médecins généralistes ne sont pas gênés pour aborder le problème « alcool », ils considèrent de leur devoir d’effectuer le dépistage et la prise en charge en premier recours des patients alcooliques. 77 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool L’alcool n’apparaît pas, selon les résultats de notre étude, comme un facteur de rupture de confiance entre le médecin et le patient. Les difficultés et obstacles rencontrés par les médecins généralistes sont liés à la chronicité de cette pathologie ainsi qu’à ses caractéristiques multi-factorielles telles que les dimensions médicales, psychologiques et sociales. Cette complexité dans la nature de la pathologie se double d’une difficulté de prise en charge en temps et en écoute. Notre étude montre que les médecins généralistes sont bien les médecins de premiers recours dans la prise en charge globale des problèmes liés à l’alcool. 78 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool Bibliographie : [1] ANDERSON P. Alcohol and primary health care. Copenhagen, WHO Regional Office for Europe. WHO Regional Office Publications, European Series, 1995; 64 [2] ANDERSON P, GUAL A, COLOM J. INCa (trad) Paris 2008; 141 p. [3] ARBORELIUS E, DAMSTRÖM THAHKER K. Why is it so difficult for general practitioners to discuss alcohol with patients? Family Practice 1995; 12: 419-422 [4] BATEL P. Sevrage alcoolique ambulatoire et hospitalier : place du médecin généraliste et des groupes d’entraide. Alcoologie 1999 ; 21 : 80S-90S [5] BEYELER Y, GACHE P. Alcool au cabinet médical : un kit de survie pour le praticien. Rev Med Suisse 2007 ; 3 : 1677-81 [6] BOUIX JC, GACHE P, RUEFF P, HUAS D. Parler d’alcool reste un sujet tabou. 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Quel est votre âge ? < 30ans 3. Quel est votre lieu d’exercice ? Rural Semi-rural une femme < 40ans < 50ans < 60ans < 70ans Ville 4. Quelles sont vos conditions d’exercice ? Seul 5. Faites-vous auprès de vos patients vis-à-vis de l’alcool : a. De la prévention/information Jamais peu souvent souvent toujours b. Du dépistage ou repérage Jamais peu souvent souvent toujours c. « l’intervention brève » Jamais peu souvent souvent toujours 6. Avez-vous déjà participé à des formations sur l’alcoologie ? oui non FMC EPU laboratoire lecture En cabinet de groupe autre 7. Faites-vous partie d’un réseau « addiction » ? 8. Avez-vous un correspondant de référence en alcoologie auquel vous adressez vos patients en premier recours (hôpital, CCAA, CSAPA, hôpital, consultation privée, association d’anciens buveurs …) oui non Si oui lequel ? 9. Avez-vous déjà été confronté(e) à une divergence d’évaluation de situation avec vos patients ? (nécessité d’hospitalisation non acceptée par le patient, consultation spécialisée, etc.…) Jamais peu souvent souvent toujours oui non 10. Vous êtes-vous senti(e) suffisamment entouré(e) et informé(e) pour gérer avec facilité cette situation ? oui non 11. Avez-vous déjà eu recours pour un patient alcoolo-dépendant durant les 5 années précédentes à des mesures telles que : a. Hospitalisation à la demande d’un tiers Jamais peu souvent souvent à chaque consultation b. Hospitalisation d’office Jamais peu souvent souvent à chaque consultation c. Signalement ou placement d’enfant Jamais peu souvent souvent à chaque consultation d. Autres : lesquelles : Jamais peu souvent souvent à chaque consultation 12. Vous êtes-vous senti(e) suffisamment entouré(e) et informé(e) pour gérer avec facilité cette situation ? oui non 13. Pour un homme adulte en bonne santé, à partir de quelle limite supérieure de consommation d’alcool lui conseillez-vous de la diminuer ? verres standards par semaine (1 verre standard = 10g d’alcool) 14. Pour une femme adulte en bonne santé à partir de quelle limite supérieure de consommation d’alcool lui conseillez-vous de la diminuer ? verres standards par semaine 84 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 15. L’an dernier combien de fois avez-vous prescrit une prise de sang du fait de la consommation d’alcool de vos patients ? 0 fois 1 à 2 fois 3 à 5 fois 6 à 12 fois >12 fois VGM (NFS) GGT transaminases CDT alcoolémie triglycérides Autre : 16. Suivez-vous sur le plan alcoologique des patients anciens alcoolo-dépendants devenus abstinents ? Oui Non Si oui : seul avec un alcoologue avec un psychiatre Autre (précisez) 17. Voici quelques attitudes professionnelles : indiquez sur une échelle de 0 à 3 si elles correspondent à votre attitude habituelle (0 = non cela ne correspond pas du tout à mon attitude habituelle, 3 = oui cela correspond tout à fait à mon habitude habituelle) 0 1 2 3 Je n’aborde la question de l’alcool que dans la mesure où mon patient m’en parle. J’interroge systématiquement mes patients sur leur consommation d’alcool même s’ils n’ont aucun signe d’appel par rapport à l’alcool. J’interroge mes patients sur cette consommation d’alcool au moins une fois par an. Quand un patient me parle de ses problèmes d’alcool ma tendance est plutôt de l’orienter Pour moi un comportement problématique avec l’alcool est d’abord une maladie Le soin aux personnes dépendantes est quelque chose que je pratique régulièrement Par rapport à l’alcoolisation d’un patient je mets en route une prise en charge : S’il présente des comportements ou des attitudes pouvant faire envisager une consommation problématique d’alcool S’il présente des signes cliniques ou biologiques pouvant évoquer une consommation excessive d’alcool S’il présente une pathologie alcoologique évidente S’il présente des manifestations évidentes de dépendance à l’alcool J’utilise les tests (AUDIT, FACE,…) pour m’aider dans l’appréciation des conduites alcooliques. Je pratique l’entretien motivationnel 85 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 18. Prenez-vous en charge en consultation (soutien/explications) l’entourage d’un patient ayant des problèmes liés à l’alcool ? Oui Non 19. Vous sentez-vous à l’aise pour soutenir cet entourage quand il vient vous demander de l’aide ? Oui le plus souvent Oui mais pas toujours Habituellement non Non pas du tout 20. Seriez-vous intéressé(e) par une FMC en alcoologie ? Oui Non II. L’alcool et vous en tant que médecin généraliste, quels sont vos ressentis ? 21. Je pense que j’ai les connaissances suffisantes sur les problèmes d’alcool pour jouer mon rôle quand je travaille avec les buveurs Oui tout à fait d’accord Oui à peu près d’accord Non pas vraiment d’accord Non pas du tout d’accord 22. Je pense que j’ai le droit de poser aux patients des questions sur leur consommation d’alcool Oui tout à fait d’accord Oui à peu près d’accord Non pas vraiment d’accord Non pas du tout d’accord 23. Je pense être un bon interlocuteur pour réaliser l’intervention brève Oui tout à fait d’accord Oui à peu près d’accord Non pas vraiment d’accord Non pas du tout d’accord 24. Je ne me sens pas à ma place si je dois faire un entretien motivationnel Oui tout à fait d’accord Oui à peu près d’accord Non pas vraiment d’accord Non pas du tout d’accord 25. Actuellement en prenant compte de toutes vos responsabilités pour vos patients quelle priorité donnezvous à la prévention de l’alcoolisme ? Très importante Assez importante Peu importante Pas du tout importante 26. Avez-vous le sentiment de savoir quoi faire avec les patients ayant des problèmes de santé, de comportement, en rapport avec une consommation excessive d’alcool ? Oui le plus souvent Oui mais pas toujours Habituellement non Non pas du tout 27. Avez-vous le sentiment d’être à l’aise dans la prévention des problèmes d’alcool chez des populations à risque telles que les femmes enceintes et les jeunes ? Oui le plus souvent Oui mais pas toujours Habituellement non Non pas du tout 28. Vous sentez vous dépassé(e) lorsqu’il y a polyconsommation associée à l’alcool, notamment avec les problèmes de transfert de dépendance ? Oui le plus souvent Oui mais pas toujours Habituellement non Non pas du tout 29. Ressentez-vous de la pression de la part de l’entourage de certains de vos patients pour vous inciter à prendre en charge ces problèmes d’alcool ? Oui le plus souvent Oui mais pas toujours Habituellement non Non pas du tout 30. Estimez-vous que vos propres représentations de l’alcool et des problèmes qui lui sont liés jouent un rôle dans votre prise en charge des patients présentant des troubles liés à l’alcool ? Oui le plus souvent Oui mais pas toujours Habituellement non Non pas du tout 86 Evaluation du ressenti des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool 31. L’alcool demeure-t-il un sujet tabou entre vous et vos patients ? Oui le plus souvent Oui mais pas toujours Habituellement non Non pas du tout 32. Pensez-vous que la place des médecins généralistes dans la prise en charge des problèmes d’alcool doit être valorisée ? Oui Non 33. Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez avec les patients alcoolo-dépendants ? (plusieurs réponses possibles) a. manque d’intérêt b. manque de rémunération par rapport à la durée de la consultation c. manque d’outils, de protocole d. ce que peut cacher cette maladie e. les patients en rechute f. le manque de compliance des patients g. autres difficultés, précisez : 34. Pour vous les affirmations suivantes correspondent-elles à des obstacles à parler d’alcool ? Cochez la case qui vous correspond le mieux. 0= pas d’obstacle. 4= obstacle majeur 0 1 2 3 4 Pourquoi s’investir dans une prise en charge aussi souvent vouée à l’échec ? Les patients minimisent systématiquement les quantités consommées. Parler d’alcool au cours d’une consultation prend beaucoup trop de temps. Cela peut être choquant pour un patient d’entendre parler d’alcool alors qu’il n’est pas venu pour cela. pas venu on pour cela « Quand met le doigt sur un problème d’alcool après on ne sait plus quoi faire ». Les médecins éprouvent une véritable gêne à parler d’alcool. Les médecins ne se sentent pas suffisamment formés pour traiter les problèmes d’alcool. Opinions ou remarques que vous n’auriez pas pu exprimer dans ce questionnaire : ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………. Pour me faire parvenir le questionnaire : Marion Groppi, 10, rue du Commandant Jean Duhail, 94120 Fontenay sous bois Ou par mail : [email protected] 87