Introduction au théâtre

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Introduction au théâtre
Objectif : découvrir les grandes problématiques du théâtre
Support : GT : L’Avare de Molière, Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, L’Illusion comique de Corneille, La Résistible
ascension d’Arturo Ui de Brecht
Activité : histoire littéraire
I.
La théorie aristotélicienne :
1. La question du genre :
Aristote a théorisé la littérature de son époque dans sa Poétique au IVe siècle avant J.-C. : il a défini trois genres nobles : la
tragédie (genre dramatique élevé), l’épopée (genre narratif élevé) et la comédie (genre dramatique bas). Il définit le genre
théâtral comme imitation de l’action (mimésis) par opposition au récit (la diégésis).
2. L’action :
Aristote insiste sur la notion d’action : les personnages agissent devant les spectateurs, leur donnant l’illusion d’une scène
réelle. Les trois unités du théâtre classique sont héritières de cette tradition aristotélicienne (les unités de temps, d’action et
de lieu existaient au XVIIe siècle pour faire coïncider le plus possible la représentation (4 heures environ, dans un décor) et
le temps de l’action de la pièce (une journée maximum, dans un lieu). Les ellipses, les changements de lieux, la multiplication
de actions rompaient l’illusion de la réalité, pour les critiques de théâtre du XVIIe siècle car un homme ne peut pas tuer un
homme en duel, remporter une bataille et gagner un deuxième duel en un seul jour : c’est ce qu’on a reproché à Corneille
dans Le Cid.
3. Le rapport au réel
La scène de théâtre, comme lieu de fiction, cependant, ne se fonde cependant pas sur le réel (ce qui a effectivement lieu),
mais sur le vraisemblable (ce qui pourrait avoir lieu). Sur scène, des personnages fictifs sont figurés par des êtres humains
en chair et en os dans un espace réel et limité (le plateau).
ð le théâtre est un art de la feinte et du spectacle. Le théâtre est destiné à être joué à son origine (on parle de
« théâtre dans un fauteuil » chez Musset pour Lorenzaccio, qui est une pièce très difficile à représenter, mais c’est
exceptionnel).
II.
Le texte de théâtre
Ouvrir Ruy Blas acte I, scène 1. Que voit-on en premier dans le texte de théâtre ?
1. Les didascalies
Elles sont destinées en premier lieu aux acteurs / aux metteurs en scène.
C’est la première forme d’écriture visible dans une pièce :
- didascalies initiales : elles se situent en début de pièce, d’acte
- didascalies fonctionnelles : elles donnent le lieu, le moment, elles permettent le découpage des scènes
- didascalies expressives : mise en place, ton etc.
2. Le texte comme parole et action
Le texte de théâtre est en majeure partie (en dehors des didascalies), discours des personnages, les répliques sont des
paroles prononcées par les personnages : il n’y a pas de récit, comme dans le roman ou l’épopée par exemple.
Conséquences :
- il n’y a pas de narrateur : l’auteur ne peut s’exprimer par une voix surplombante comme dans le récit ; il ne peut
s’exprimer que par l’intermédiaire d’un personnage (Figaro, dans l’acte V, scène 3 du Mariage de Figaro, critique la
censure et les privilège de la naissance : c’est le porte-parole de Beaumarchais qui a vécu une vie aussi aventureuse
que celle de Figaro et a connu la censure ; Ruy Blas, dans l’acte III, scène 2, transmet les valeurs de Victor Hugo).
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La parole prédomine sur l’action ou plutôt la parole est action : les personnages s’affrontent, pèsent les uns sur les
autres d’abord par la parole (exemple : le duel verbal dans l’acte III, scène 5 du Mariage de Figaro : chaque
personnage cherche à tromper l’autre par la parole ; Ruy Blas, acte III, scène 5 : l’humiliation de Ruy Blas se fait
d’abord par la parole). Le théâtre classique, et surtout la tragédie, met d’abord en valeur la parole puisque la
bienséance interdit les scènes trop « rocambolesques » (les tragédies raciniennes ne comportent presque pas
d’actions ; La scène du combat contre les Maures dans Le Cid de Corneille est racontée, elle n’est pas jouée). A
l’époque classique, l’action reste l’apanage des genres moins nobles : la farce, la comédie parfois inspirée de la
comédie italienne (lazzi…). Le drame romantique fera éclater les différences entre les genres dramatiques.
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Les actions des personnages sont écrites sous forme de didascalies mais selon les pièces, elles peuvent être très
succinctes et sujettes à l’interprétation du comédien ou du metteur en scène (dont « l’invention » est très récente).
Beaumarchais est l’un des premiers auteurs à développer les didascalies, à une époque où le décor, la mise en
scène ; celles-ci deviennent aussi importantes que les répliques chez certains auteurs du théâtre de l’Absurde : Oh
le beaux jours de Beckett par exemple, Amédée ou comment s’en débarrasser d’Ionesco.
3. La communication au théâtre
A qui s’adressent Don Salluste et Gudiel dans la scène 1 de l’acte I de Ruy Blas ?
Les personnages dialoguent entre eux comme si les spectateurs étaient absent (c’est ce qu’on appelle la « convention du 4e
mur »), mais ils doivent aussi s’adresser au public pour qu’il puisse suivre l’intrigue, surtout dans la scène d’exposition.
On appelle cette particularité de la communication au théâtre la « double énonciation » : les personnages dialoguent entre
eux mais s’adressent aussi au public.
Les adresses au public sont particulièrement visibles dans les « apartés » : des répliques censées être adressées au
personnage lui-même, mais qui s’adressent en fait au public pour qu’il comprenne les intentions du personnage : exemple
dans Le Mariage de Figaro, acte III, scène 5 : la scène d’affrontement entre Figaro et le comte n’est compréhensible qu’avec
ces apartés.
Cela donne parfois des échanges assez artificiels, mais qui font partie des conventions théâtrales : exemple : le monologue
d’Harpagon dans l’Avare : Harpagon s’adresse dans cette scène à lui-même (témoignant ainsi de sa folie), à son argent, à un
interlocuteur imaginaire puis au public rompant la convention du 4e mur.
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4. L’action dramatique
Le schéma narratif est employé dans le récit, au théâtre l’action dramatique est divisée en trois grandes étapes :
- l’exposition
- le nœud de l’action (le conflit) avec péripéties, coups de théâtre, dilemmes
- le dénouement.
III.
La représentation théâtrale
Le texte de théâtre ne se réalise vraiment que lorsqu’il est joué devant des spectateurs. Le dramaturge qui écrit pour la
scène doit tenir compte des conditions matérielles de la représentation. Ainsi, au XVIIe siècle, le public était turbulent et
comme le parterre était debout, il lui fallait des entractes pour parler, bouger, boire… D’ailleurs, au bout d’une demi-heure à
peu près, les chandelles qui servaient d’éclairage commençaient à fumer et les moucheurs de chandelles profitaient de
l’entracte pour faire leur travail.
1. L’illusion théâtrale
Le but du théâtre est de faire croire au spectateur qu’il est témoin d’une scène réelle.
Ce qui fait la spécificité du théâtre est qu’il est écrit pour être joué. Le théâtre donne à voir l’imaginaire à travers des
moyens concrets, réels. Marmontel écrivait : « il est faux que l’actrice que je vois pleurer et que j’entends gémir est Ariane
(la sœur de Phèdre, abandonnée par Thésée), mais il est vrai qu’elle pleure et gémit » (Poétique)
Le théâtre est art de la feinte, c’est une mimésis, or, imiter une action c’est la faire : le comédien fait devant les yeux du
spectateur ce que le personnage imaginaire fait dans le texte (Quand Roméo embrasse Juliette, les comédiens s’embrassent
aussi, mais le sentiment n’est pas là habituellement !) Tout ce qui est sur scène vaut pour autre chose. Si le comédien dit :
« Je ne pouvais plus vivre, adieu ! » c’est Ruy Blas expire. L’acteur dit sa mort, il la représente mais il ne meurt pas et peut
venir saluer à la fin du spectacle sans que personne ne crie : « Au miracle ! »
Le spectateur accorde à ce qu’il voit non pas un statut de réalité mais un statut d’image. La représentation, si elle donne
l’illusion de scènes réelles dont le spectateur est témoin, mais auxquelles il ne participe pas (séparé de la scène par le « 4e
mur »), ne fait pas perdre totalement conscience au public que ce qu’il perçoit n’existe pas vraiment.
Un exemple comique (cf. document) : L’Illusion comique de Corneille : Pridamant, dont le fils Clindor a disparu, assiste,
grâce au magicien Alcante, au récit de la vie picaresque de Clindor et notamment à sa mort. Or, le mort se relève ! Stupeur
chez Pridamant ! Clindor était seulement devenu comédien et Pridamant s’était laissé prendre au jeu ! Le rôle de
« tromperie », de l’illusion créée au théâtre, est un thème de prédilection du théâtre baroque (Corneille en France) ou
élizabéthain (cf. La Mégère Apprivoisée de Shakespeare).
2. Les moyens de l’illusion théâtrale
Le metteur en scène qui choisit l’illusion théâtrale peut faire appel à plusieurs moyens pour faire oublier aux spectateurs
qu’ils sont dans un théâtre et qu’ils assistent à une représentation :
a. Le décor, les accessoires, les costumes : ils fixent l’espace dramatique (le lieu où se déroulent l’intrigue), ils créent
une atmosphère. Ils peuvent être réalistes ou symboliques.
b. Le choix des comédiens : un physique qui correspond au personnage
c. Les gestes, les mimiques, le ton des personnages
d. Les signes sonores : musiques, bruitages…
Les conventions théâtrales permettent au metteur en scène de créer un effet de réel malgré des moyens limités
(volontairement ou involontairement) : On appelle convention théâtrale tout élément dramatique parfaitement irréaliste ou
invraisemblable (que ce soit dans les décors, l'interprétation, les dialogues, la distribution, etc.) mais cependant considéré par
le public comme tout à fait normal. La magie du théâtre permet au spectateur d’entrer dans l’histoire tout de même.
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Dans Le Porteur d’histoire d’Alexis Michalik, le même comédien joue à la fois un fossoyeur et Alexandre Dumas :
seul le costume, l’intonation, le contexte, permettent de les distinguer ;
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Dans Le Porteur d’histoire toujours, des gestes servent à faire « voir » au spectateur que les personnages sont
dans un avion ou qu’ils creusent une tombe.
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Dans Sa Majesté des Mouches, d’après Golding, au Théâtre 13 en 2009, Ned Grujic mettaient en scène des
adultes qui jouaient des enfants : seules leurs attitudes, leurs mimiques, créaient l’illusion de réel. Une « rampe » en
bois figurait la carlingue de l’avion ou les rochers.
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Dans l’Antigone de Sophocle, mis en scène par Philippe Car au Théâtre 13 en 2014, un simple manteau, manipulé
par une comédienne qui joue Antigone, représente son fiancé Hémon.
3. Le refus de l’illusion théâtrale
Berthold Brecht est un des chefs de file de ceux qui refusent l’effet de réel : il choisit de montrer la machinerie du théâtre
pour empêcher le spectateur de se laisser passivement fasciner par ce qu’il voit. Le théâtre de Brecht sollicite le jugement
du spectateur, son esprit critique : « la distanciation vise à rendre le spectateur conscient qu’il s’agit non du réel mais d’une
représentation du réel, non d’un personnage mais de l’imitation d’une personne, non de Rome, de Florence ou d’Athènes,
mais d’un décor qui chercher à le lui faire croire. » Le théâtre est un outil didactique, politique, et non un simple
divertissement. Brecht insiste alors sur le peu d’importance des décors : son théâtre affiche le procédé, remplaçant la toile
peinte par une pancarte ou en faisant lire les didascalies par un comédien.
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Exemple : Les conditions de la représentation théâtrale au XVIIe siècle
Analyse du début de Cyrano de Bergerac de Rappeneau (d’après Edmond Rostand) : Montfleury.
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problème de l’espace de jeu sur le plateau : les banquettes des marquis mangent l’espace de jeu jusqu’en 1759 à
la comédie Française ;
Le décor : toiles peintes (mues par des machineries) ;
Le costume : il ne caractérise pas encore l’individu : il est encore fonctionnel, comme dans la commedia dell’arte :
Sganarelle est en vert et jaune. Ici le costume scintille pour créer une féerie mais aussi pour être vu (éclairage,
fumée…) ;
Le maquillage est souvent très marqué : blanc pour le teint et rouge pour les joues, pour pallier les inconvénients
de la fumée, de l’éclairage ;
Les accessoires permettent l’intégration du personnage dans l’espace scénique mais ils sont souvent symboliques :
une canne de marquis ici, pour signifier la majesté ;
Les déplacements : ils dépendent de l’éclairage ; les comédiens évoluent souvent sous les feux de la rampe pour être
vus ;
La posture est hiératique, le ton est rhétorique car le plus important n’est pas le naturel de la représentation mais
la cohérence interne, la vraisemblance des sentiments et des actions, dans le texte. La beauté du texte est aussi plus
importante que le caractère naturel du jeu.
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