Le voyage éducatif comme outil de contextualisation dans le cadre de l’enseignement par compétences Je, soussignée Yasmine Harsch, déclare avoir rédigé le présent travail sans le concours d’une aide étrangère et illicite. 2 Harsch Yasmine Candidate au Lycée technique Michel Lucius Le voyage éducatif comme outil de contextualisation dans le cadre de l’enseignement par compétences Lycée technique Michel Lucius 2012 3 Résumé Le projet que j’ai élaboré dans le cadre de mon travail de candidature se base sur plusieurs séquences d’apprentissage destinées à établir un lien concret entre l’approche par compétences et un voyage scolaire effectué avec ma classe de 8eTE. Le projet avait comme objectif principal de réaliser une véritable contextualisation de l’apprentissage du français, grâce à un voyage éducatif capable d’apporter une importante dimension socioculturelle à l’enseignement. Au cœur du projet, se trouve un séjour culturel à Paris, lequel a été préparé et exploité pendant plusieurs mois à travers toute une série d’activités réalisées en classe, notamment des lectures longues contextualisées et traitées sous forme d’activités de compréhension écrite et orale, des points grammaticaux abordés en contexte et en association avec des activités liées au voyage, des séquences de vocabulaire consacrées à des sujets en rapport avec les activités prévues à Paris et des exercices d’expression écrite et orale trouvant une application plus concrète pendant et après le séjour. Ce projet m’a permis de mettre en pratique les instructions ministérielles concernant l’approche par compétences, tout en orientant l’apprentissage vers une finalité très concrète, sortant du cadre scolaire classique et ouvrant l’enseignement sur un riche patrimoinde culturel en rapport avec la langue étudiée. En plus de leur transmettre diverses notions socioculturelles, cette façon de travailler a contribué à développer sensiblement la motivation des élèves, ce qui a pu les amener à un rapport plus positif à la langue française. Le voyage lui-même constituait, pour eux, un véritable bain linguistique, au cours duquel la communication spontanée a été favorisée et les inhibitions face à l’expression orale ont pu être atténuées. 4 Table des matières I. Introduction ………………………………...………………… p. 9 II. Approche théorique ……............................... p. 13 2.1. Communication et compétences : Quelques aspects de la nouvelle politique linguistique éducative ………. p. 13 2.2. Le voyage éducatif et culturel …..................................... p. 26 III. Description du projet ………...……………. p. 33 3.1. Séquence « Inventeurs, scientifiques et progrès techniques » .……………………………………………………………..... p. 33 3.1.1. Compréhension écrite : Lecture longue ……………………... p. 33 3.1.2. Compréhension écrite : Textes ……………………………….... p. 34 3.1.3. Expression orale ……………………………………………………. p. 36 3.1.4. Expression écrite …………………………………………...………. p. 36 3.1.5. Grammaire : Le pronom relatif …………………………………. p. 37 3.1.6. Voyage : Visite au Musée des arts et métiers …………..…. p. 38 3.2. Séquence « Cinéma » ………………………………………….. p. 40 3.2.1. Introduction …………………………………………………………… p. 40 3.2.2. Séquence de vocabulaire ………………………………………... p. 42 5 3.2.3. Introduction à la lecture longue …………………………...……. p. 44 3.2.3.1. Compréhension écrite : Textes …………………………………….. p.44 3.2.3.2. Brainstorming à partir d’un clip …………………………………….. p.44 3.2.4. Compréhension écrite et orale : Lecture longue ………….. p. 45 3.2.5. Voyage : « Les Étoiles du Rex » ………………………………. p. 45 3.3. Séquence « Paris » .................................................................... p. 47 3.3.1 Compréhension écrite : Lecture longue ……………………… p. 47 3.3.2. Compréhension écrite : Textes ………………………………… p. 48 3.3.3. Séquence de vocabulaire : Les moyens de transport …... p. 50 3.3.4. Séquence de vocabulaire : Découvrir une ville ………….... p. 52 3.3.5. Grammaire : L’interrogation par inversion …………………. p. 53 3.3.6. Expression écrite : Contextualisation de la grammaire et du vocabulaire …………………….……………………..………………………. p. 54 3.3.7. Expression orale ………………………………………..…………... p. 54 3.3.8. Devoir en classe : Grammaire et vocabulaire en contexte ….p. 55 3.3.9. Révision ………………………………………………………….……. p. 56 3.3.10. Voyage : Dossier de travail ……………………………………. p. 57 3.3.11. Exploitation du voyage ………………………………………….. p. 60 3.3.11.1. Expression écrite : Carnet de voyage ………………………….. p. 60 3.3.11.2. Fiche de contrôle ……………..………….………………...……… p. 60 3.3.11.3. Expression orale : Exposés ……………..…………………..…… p. 61 3.3.12. Compréhension écrite et orale et initiation à la "littérature comparée" ……………..…………………………………………………..….. p. 62 6 IV. Analyse ………………………………………………………. p. 65 4.1. L’approche par compétences ……………………………. p. 66 4.1.1 Relier les différentes activités langagières ………………….. p. 66 4.1.2. La grammaire en contexte, associée à d’autres activités.. p. 67 4.1.3. Le transfert lexical ……………………..…………………………… p. 71 4.1.4. L’expression orale …………………………..……………………... p. 73 4.2. La contextualisation socioculturelle …………………. p. 81 4.3. La motivation …………………………………………………….…. p. 87 4.3.1 Avant le voyage ……………………………………..……………….. p. 87 4.3.2. Pendant le voyage ………………………………..……………..…. p. 91 4.3.3. Après le voyage …………………………..………………………… p. 92 V. Conclusion ………………………………………………………… p. 99 VI. Bibliographie …………………………………………………. p. 103 7 8 I. Introduction : Motivation et définition du projet « Les voyages forment la jeunesse. » Tel dit le proverbe… Et bon nombre d’écrivains et de philosophes. Montaigne déjà développait cette vision particulière du voyage comme outil d’éducation en proclamant : « Faire des voyages me semble un exercice profitable. L’esprit y a une activité continuelle pour remarquer les choses inconnues et nouvelles, et je ne connais pas de meilleure école pour former la vie que de mettre sans cesse devant nos yeux la diversité de tant d’autres vies, opinions et usages. »1 A l’époque des Lumières aussi, les intellectuels se sont beaucoup interrogés sur la valeur éducative des voyages. En 1751, l’idée est, par exemple, développée dans l’Encyclopédie par De Jaucourt, lequel souligne le rôle pédagogique du voyage en expliquant : « les voyages […] sont au jugement des personnes éclairées, une partie des plus importantes de l’éduction dans la jeunesse [...] Les voyages étendent l’esprit, l’élèvent, l’enrichissent de connaissances, et le guérissent des préjugés nationaux. C’est un genre d’étude auquel on ne supplée point par les livres [...] »2. Fort de ce constat, pourquoi donc ne pas associer le voyage à l’école, cette institution dédiée justement à la formation des jeunes, pour en faire un voyage éducatif et culturel ? Et pourquoi ne pas l’intégrer au sein d’un projet, comme un élément faisant partie intégrante du processus d’enseignement et d’apprentissage ? Voilà précisément ce que je me suis proposé de faire à travers le projet présenté dans ce travail de candidature. 1 MONTAIGNE : Essais III, p.244 DE JAUCOURT : Article « Voyage », dans COLLECTIF : Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Volume 35 2 9 Au cœur de ce projet se trouve un séjour de quatre jours à Paris réalisé avec ma classe de 8eTE du Lycée technique Michel Lucius. Ce séjour a été précédé et suivi d’une série d’activités servant de préparation, respectivement de prolongement au voyage et permettant ainsi d’établir un lien concret entre ce voyage et le cours de français. L’idée directrice, le voyage éducatif comme outil de contextualisation dans le cadre de l’enseignement par compétences, a été élaborée en collaboration avec Monsieur Damien Schmit, candidatprofesseur au Lycée technique des Arts et Métiers, lequel a organisé avec sa classe de 9eTE un voyage à destination de Strasbourg. Cette idée a ensuite donné lieu à deux travaux de candidature qui se basent sur des objectifs communs, mais qui constituent cependant deux productions indépendantes et qui analysent des séquences très différentes, élaborées individuellement en fonction de la classe concernée et de la ville visitée. Le seul point d’intersection entre les deux projets concerne leur clôture, à travers une journée-présentation au cours de laquelle chaque classe a présenté son voyage et la ville visitée aux élèves de l’autre lycée. Les objectifs visés par ce projet sont les suivants : - ancrer l’enseignement du français dans sa conception nouvelle et moderne d’une approche par compétences - relier entre elles les différentes activités langagières de l’enseignement par compétences - partir des différents contenus proposés par la section « Horaires et Programmes » pour aller vers l’élaboration de séquences d’apprentissage personnelles, ciblées sur une finalité concrète - mettre en pratique les instructions ministérielles relatives à l’enseignement par compétences sans pour autant cloisonner l’apprentissage dans un carcan étroit, fermé sur le programme proposé - réaliser une contextualisation des différentes activités d’apprentissage à travers un voyage scolaire 10 - au-delà de l’apprentissage de la langue, apporter une dimension socioculturelle à l’enseignement du français - mettre en œuvre un enseignement plus ouvert et plus global, un enseignement qui ne soit pas refermé sur la salle de classe Par ailleurs, en associant les séquences d’apprentissage réalisées en classe à un voyage, nous avons cherché à déclencher une motivation plus accrue chez les élèves en nous basant sur une double hypothèse : - En classe, les élèves sont plus motivés s’ils savent que leur apprentissage a une finalité autre que la simple réussite du prochain devoir et lorsque les activités réalisées ont un rapport étroit avec une expérience vécue. - Au cours du voyage, l’intérêt des élèves est plus prononcé si leur curiosité envers la ville visitée a déjà été réveillée au cours d’activités de préparation réalisées au préalable. 11 12 II. Approche théorique 2.1. Communication et compétences : Quelques aspects de la nouvelle politique linguistique éducative Depuis 2008, l’enseignement des langues a pris une nouvelle orientation au Luxembourg, une orientation qui rompt assez catégoriquement avec les méthodes dites traditionnelles qui étaient appliquées jusque-là. L’étude Bildungsstandards Sprachen3, publiée par le Ministère de l’Éducation nationale, définit cette nouvelle approche qui doit désormais servir de référence pour l’enseignement des langues dans tous les ordres d’enseignement. Ce document, rédigé par Peter Kühn, professeur d’allemand langue étrangère à l’Université de Trèves, s’inspire étroitement du Cadre européen commun de référence pour les langues4. Le Cadre européen commun de référence pour les langues propose comme base de l’enseignement un modèle dit « actionnel », à savoir un modèle proche de l’approche dite « communicative » et qui reprend ses concepts, mais qui se trouve encore davantage focalisé sur les actions langagières que l’apprenant peut réaliser en langue cible. Ainsi, cette approche « considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. »5 Pour accomplir des tâches et réaliser les activités langagières permettant de traiter (en réception et en production) des textes (oraux et écrits), les apprenants 3 KÜHN, Peter : « Bildungsstandards Sprachen » CONSEIL DE L’EUROPE : Cadre européen commun de référence pour les langues 5 Ibid., p.15 4 13 doivent mobiliser stratégiquement un ensemble de compétences et de ressources nécessaires pour parvenir au résultat escompté. Les auteurs du Cadre commun insistent sur le fait que « [l]es tâches pédagogiques communicatives (contrairement aux exercices formels hors contexte) visent à impliquer l’apprenant dans une communication réelle, ont un sens (pour l’apprenant), sont pertinentes (ici et maintenant dans la situation formelle d’apprentissage), exigeantes mais faisables (avec un réajustement de l’activité si nécessaire) et ont un résultat identifiable (ainsi que d’autres, moins évidents dans l’immédiat) »6. Ce n’est que lorsque les types d’activités proposées en classe présentent un lien étroit avec le genre d’échanges existant dans la réalité qu’ils peuvent permettre aux apprenants de s’insérer dans la communication réelle. « Ceci implique que la salle de classe s’entrouvre sur la vie en choisissant p.ex. des situations-problèmes vécues comme point de départ ou en travaillant sur des projets réels. »7 Le choix des activités mises en place et des supports utilisés devrait toujours découler des tâches et des situations auxquels on souhaite préparer les apprenants, que ce soit l’adaptation à des circonstances liées au voyage, à des conditions de vie quotidienne dans un pays étranger, à un contexte de formation ou à un poste de travail. « Le choix des domaines pour lesquels on rend l’apprenant opérationnel a des conséquences qui vont loin dans la sélection des situations, des buts, des tâches, des thèmes et des textes autant pour l’enseignement que pour le matériel d’évaluation et les activités. »8 Dans le cadre d’une approche communicative et actionnelle, il n’y a pas de programme proprement dit et il se révèle parfois difficile, et souvent réducteur par rapport aux objectifs d’apprentissage, de se contenter uniquement du matériel proposé dans le manuel scolaire. Ainsi, le Profil de la politique linguistique éducative édité par le Ministère de l’Éducation nationale 6 CONSEIL DE L’EUROPE : Op.cit., p.121 BERG, Charles / WEIS, Christiane : « Réajustement de l’enseignement des langues », p.35 8 CONSEIL DE L’EUROPE : Op.cit., p.41 7 14 luxembourgeois précise : « Les enseignants seront également encouragés à prendre, quand ils l’estiment nécessaire ou souhaitable, des distances par rapport à leurs manuels et à diversifier leur approche, à enrichir les documents pédagogiques exploités en classe, dans une démarche éclectique qui n’exclut en rien la rigueur nécessaire dans l’élaboration des séquences pédagogiques. »9 Sur le plan méthodologique, les documents de travail introduits en classe se doivent d’être proches de ceux que l’on trouve dans la vie courante et on donnera la préférence au document authentique, c’est-à-dire au support « qui n’a pas été conçu à des fins pédagogiques »10, mais qui fait partie du monde extrascolaire et « ne devient pédagogique que par l’exploitation qu’en fait le pédagogue »11. Cependant, l’emploi du document authentique ne doit pas devenir un objectif en soi, « [i]l n’a de sens que pris dans un projet méthodologique qui lui donne une fonction et une place »12. D’ailleurs, l’essentiel n’est pas d’utiliser à tout prix de "l’authentique", « dans certains cas, des documents réalisés en simulation présentent un caractère vraisemblable suffisant pour qu’ils puissent être analysés au niveau communicatif »13. En effet, tout ne semble pas pouvoir se faire en classe à partir de documents authentiques et Evelyne Bérard déclare ainsi : « Choisir des documents authentiques pour effectuer un travail d’apprentissage du lexique ou pour réaliser un exercice de substitution grammaticale ne nous semble pas du tout justifié ; il est préférable de choisir pour ces objectifs des matériaux fabriqués dans cette optique. »14 En tout cas, la plupart des spécialistes s’accordent sur le fait que, même dans une approche communicative et actionnelle, la compétence dite linguistique a toujours sa place et ne doit donc pas être négligée. En effet, « [p]our exercer pleinement cette compétence de communication, l’apprenant doit s’approprier les moyens linguistiques (le vocabulaire et les structures grammaticales) pour 9 MENFP : « Profil de la politique linguistique éducative », p.40 TAGLIANTE, Christine : La classe de langue, p.57 11 Ibid., p.57 12 BÉRARD, Christine : Op.cit., p.53 13 Ibid., p.52 14 Ibid., p.56 10 15 « agir » et « réagir » de façon appropriée dans différentes situations de communication ou dans les domaines d’utilisation dans lesquels il aura à employer la langue étrangère. »15 Or, quelle place faut-il accorder aux aspects formels de la langue (grammaire, lexique,...), par rapport aux aspects plus proprement communicatifs ? Selon Christine Tagliante, « [l]e juste milieu réside sans aucun doute dans les séances de systématisation des acquis, de structuration des connaissances, de façon à transformer les apprentissages en véritables acquisitions »16. Les supports linguistiques doivent donc être mis en « en liaison avec leur réemploi pragmatique et social »17 et de cette façon, les apprenants pourront, par exemple, réaliser que « la grammaire n’est pas un exercice de style laborieux, mais bel et bien un outil précieux et indispensable pour traduire des idées et des intentions, qu’elle est au service de qui veut s’exprimer avec efficacité et qu’elle ne constitue pas nécessairement un fardeau pour l’apprenant »18. Un apprentissage en contexte de la grammaire et du lexique permet également de favoriser le transfert des connaissances, sachant que le véritable transfert constitue un phénomène sensiblement plus complexe que la simple application des règles grammaticales ou le simple réemploi du nouveau lexique dans des exercices fermés. En effet, « le transfert d’un apprentissage se distingue clairement de l’application pure et simple d’une connaissance ou d’une compétence dans une série d’exercices ou dans une suite de tâches répétitives dont les retombées pour les élèves sont de l’ordre de l’automatisation plutôt que de celui d’un nouvel apprentissage »19. Le transfert correspond ainsi à la capacité de mobiliser dans des tâches cibles les savoirs grammaticaux et lexicaux acquis dans des tâches sources. « [I]l devient par conséquent impérieux que tout environnement pédagogique axé sur la transférabilité des apprentissages porte une attention particulière au fait que les élèves puissent véritablement déterminer les liens analogiques entre les tâches sources et des 15 WEISS, François : Jouer, communiquer, apprendre, p.7 TAGLIANTE, Christine : Op.cit., p.57 17 BÉRARD, Christine : Op.cit., p.52 18 MENPF : « Horaires et programmes », p.26 19 TARDIF, Jacques : Le transfert des apprentissages, p.61 16 16 tâches cibles afin que leurs apprentissages soient transférables. »20 Voilà pourquoi il convient de toujours enseigner la grammaire et le lexique dans la perspective d’un transfert vers des situations de communication et d’un réemploi dans la vie "réelle". D’après le Cadre européen commun de référence pour les langues, les conditions d’apprentissage le plus largement reconnues comme favorables sont les suivantes : « il faut [aux apprenants] un apport de langue substantiel, contextualisé et intelligible ainsi que des occasions d’utiliser la langue de manière interactive ; […] l’apprentissage est facilité, notamment dans les conditions artificielles de la salle de classe, par la combinaison d’un apprentissage conscient et d’une pratique suffisante afin de réduire ou de supprimer l’attention consciente portée aux aptitudes physiques de niveau élémentaire de la parole et de l’écriture, ainsi qu’à l’exactitude morphologique et syntaxique, libérant ainsi l’esprit pour des stratégies de communication d’un niveau supérieur. »21 Le Cadre commun et l’étude Bildungstandards Sprachen plaident pour un enseignement fondé sur l’approche par compétences puisqu’il ne s’agit plus seulement d’acquérir des savoirs, mais surtout des savoir-faire et des savoiragir. La grille des compétences à acquérir se compose par rapport à différents domaines de compétences, la compréhension écrite et orale ainsi que l’expression écrite et orale constituant les compétences linguistiques de base. Dans l’intérêt d’une didactique intégrée des langues, il convient pourtant de ne pas traiter ces différentes compétences de façon isolée, mais de les relier entre elles, que ce soit linéairement ou thématiquement.22 D’ailleurs, d’après Lizanne Lafontaine, « il faut établir des liens entre l’oral, l’écriture et la lecture, peu importe la discipline : c’est un fil conducteur qui rend les activités signifiantes pour les élèves et les enseignants. »23 20 TARDIF, Jacques : Op.cit., p.211 CONSEIL DE L’EUROPE : Op.cit., p.109 22 Cf. « Im Interesse eines integrativen Sprachenunterrichts sollen diese unterschiedlichen Kompetenzen nicht isoliert behandelt werden, sondern immer aufeinander bezogen und vernetzt sein (z.B. linear, thematisch). » KÜHN, Peter : Op.cit., p.36 23 LAFONTAINE, Lizanne : Enseigner l’oral au secondaire, p.15 21 17 La production et la réception écrites et orales constituent donc les domaines de compétences qui se trouvent au centre de l’apprentissage et dans lesquels les domaines d’apprentissage traditionnels comme la grammaire, le lexique ou l’orthographe viennent s’insérer de façon fonctionnelle en tant que ressources.24 En effet, dans le domaine de la grammaire et du lexique aussi, on ne vise plus uniquement des savoirs, mais bien des compétences dont les élèves pourront se servir afin de réaliser ou d’améliorer la compréhension et la production de textes et d’énoncés. Voilà pourquoi on a tendance à parler désormais de « compétence grammaticale » et de « compétence lexicale ». 25 Dans le domaine de la compréhension écrite et orale, le choix des supports est essentiel et significatif, car au-delà de la valeur communicative, avec le travail sur des textes, il s’agit aussi transmettre des savoirs26. Il convient de choisir à la fois des textes fictifs et des textes documentaires et/ou d’actualité issus, par exemple, du domaine du quotidien, des médias ou de la littérature de jeunesse, des textes adaptés à l’âge et à la faculté de langage des apprenants et abordant des thèmes proches de leur univers. Les textes devraient être en accord avec les champs d’intérêt des élèves, favoriser leur motivation et proposer des possibilités d’identification et de discussion. 27 Par ailleurs, la compétence de la compréhension écrite et orale englobe également la maîtrise de diverses stratégies favorisant l’accès aux 24 Cf. « Im Zentrum des Sprachenunterrichts steht die Sprachhandlungskompetenz der Schüler und zwar sowohl im Bereich des Schriftlichen wie des Mündlichen. Folgerichtig werden Lesen und Schreiben sowie Hören und Sprechen als gleichberechtigte und miteinander vernetzte Kompetenzbereiche des Sprachenunterrichts angesehen, in die die traditionellen Lernbereiche wie Grammatik, Wortschatz oder Rechtschreibung funktional als Ressourcen integriert sind. » KÜHN, Peter : Op.cit., p.25 25 Cf. « Im Bereich der Wortschatz- und Grammatikkompetenzen geht es nicht mehr ausschließlich um ein deklaratives Wissen, sondern um Kompetenzen, die der Schüler nutzen kann, um Texte (besser) zu verstehen oder Texte (besser) zu schreiben. » Ibid., p.38 26 Cf. « Im Kontext der Textarbeit (Verstehen und Nutzen von Sach-, Gebrauchs- und Medientexten) wird gleichzeitig deklaratives Wissen vermittelt. » Ibid., p.31 27 Cf. « Die Texte sollten zudem aus dem Bereich der Sach-, Gebrauchs- und Medientexte sowie aus dem Bereich der Kinder- und Jugendliteratur stammen bzw. aus der deutschen und französischen Literatur und am Erfahrungshorizont der Schüler ausgerichtet werden. Ausgangs- und Zielpunkt sollten solche Texte sein, die altersspezifisch auf das Sprachvermögen der Schüler bezogen sind und Themen ansprechen, die in ihrer Lebenswelt verankert sind. Zudem sollten die Texte auf das Interesse der Schülerinnen und Schüler stoßen und ihre Motivation wecken sowie Identifikationsmöglichkeiten und Diskussionspotential anbieten. » Ibid., p.36 18 informations contenues dans les textes et permettant de dégager leur structure, leur intention, etc. Dans le domaine de l’expression écrite, il convient de développer cette compétence en adoptant deux orientations différentes. D’un côté, il s’agit de travailler l’écrit pragmatique et orienté vers la communication, en créant des situations permettant aux élèves de développer l’expression écrite dans des contextes de communication ou dans des productions obéissant à des modèles précis (rédaction, dissertation, résumé,…). D’un autre côté, il s’agit de travailler la production créative et personnelle qui donne aux élèves la possibilité de s’exprimer librement et en faisant appel à leur imagination ou de formuler leurs propres expériences, sentiments et positions.28 Le domaine de l’expression orale a longtemps été négligé au profit de l’écrit, l’oral servant en classe presque exclusivement à la communication didactique et au jeu des questions-réponses établi entre l’enseignant et les élèves. De nos jours, spécialistes et enseignants sont d’accord sur l’importance de l’oral et sur la nécessité de l’intégrer activement dans les cours de langue. Pourtant un véritable « enseignement de l’oral peine encore à s’imposer comme discipline »29 des langues étrangères. En effet, alors que l’enseignement de la langue étrangère comporte généralement un vaste éventail d’exercices et d’activités écrits, « le temps consacré à l’entraînement à l’expression orale est souvent peu important. »30 François Weiss explique ce fait par les conditions d’enseignement à l’école : « Parler une langue étrangère est une activité psychomotrice qui demande de nombreuses heures d’entraînement et de pratique dont nous ne disposons pas dans notre emploi du temps à l’école 28 Cf. « Schreibkompetenzen sind in zwei Richtungen zu entwickeln. Zum einen geht es um das pragmatisch-kommunikative Schreiben, wobei die Schreibmotivation eine wichtige Rolle spielt: Im Unterricht werden Situationen geschaffen, in denen die Schüler ihre Schreibkompetenz im kommunikativen Zusammenhang entwickeln können [...] Während beim anlassbezogenen Schreiben vorgegebene Muster eine wichtige Rolle spielen können, geht es beim kreativen/freien und personalen/expressiven Schreiben auch darum, den Schülern die Möglichkeit einzuräumen, sich frei und fantasiereich auszudrücken oder eigene Erfahrungen, Gefühle und Einstellungen zu formulieren. » KÜHN, Peter : Op.cit., p.43 29 Dolz Joaquim, Schneuwly Bernard : Pour un enseignement de l’oral, p.11 30 WEISS, François : Op.cit., p.12 19 avec des classes à effectifs élevés. »31 Or, d’après l’auteur, ce constat plutôt pessimiste ne doit pas décourager les enseignants. Au contraire, il doit les motiver à proposer plus d’activités orales pertinentes, afin d’encourager les élèves à participer activement aux exercices de libération de l’expression. Les activités d’oral pratiquées en classe « doivent le plus souvent prendre la forme de pratiques d’oral public, c’est-à-dire refléter des situations authentiques de communication que les élèves peuvent vivre dans leur quotidien »32, car de cette façon, on favorise le transfert des apprentissages. Il faut donc apprendre aux élèves « à discuter, à débattre de sujets, à mener une entrevue, à donner des consignes, à écouter, à devenir un bon interlocuteur, bref, à accomplir des actes de parole de la vie courante. »33 D’après François Weiss, pour que l’enseignement de l’oral soit vraiment efficace, il convient de l’insérer dans une véritable unité d’apprentissage contenant des activités variées et présentant une progression par étapes. Comme base d’une telle unité, l’auteur propose le schéma méthodologique suivant : 1 – Sensibilisation, prise de contact, mise en train, rappel de l’étape précédente, définition de l’objectif de l’unité ou de la séquence. 2 – Apprentissage des moyens linguistiques et sociolinguistiques pour accomplir la tâche et les objectifs fixés. a. Présentation, explication, compréhension des éléments nouveaux (vocabulaire, structures, éléments civilisationnels et culturels). Vérification de la compréhension. b. Réflexion, analyse, conceptualisation des points grammaticaux nouveaux. 3 – Exercices d’application, de réemploi et de fixation des éléments nouveaux, exercices structuraux de substitution, de transformation, de complétion (production guidée). 31 WEISS, François : Op.cit., p.12 LAFONTAINE, Lizanne : Op.cit., p.15 33 Ibid., p.XIII 32 20 4 – Exercices de transfert, d’exploitation, de personnalisation (production ouverte). 5 – Résolution de problèmes nouveaux : utilisation spontanée du vocabulaire et des structures présentées au cours d’activités communicatives, de jeux, de sketches, de jeux de rôles et d’improvisation, d’exercices de créativité (production libre) 6 – Evaluation : bilan pour vérifier que les objectifs ont été atteints et autoévaluation.34 Les quatre premières phases de ce modèle correspondent à une démarche pédagogique classique et peuvent aussi passer par l’écrit Aux yeux de l’auteur, la phase intitulée « Résolution de problèmes nouveaux » constitue la phase la plus importante de l’unité d’apprentissage, car les activités, de nature plutôt ludique, qu’elle contient permettent à l’élève de mettre en pratique les nouveaux acquis en utilisant librement et de façon personnelle du vocabulaire et des structures appris de façon guidée. En effet, « l’expression quasi spontanée au cours d’un jeu, d’un exercice de créativité, d’un sketch ou d’un jeu de rôle permet à l’élève de montrer qu’il est capable de mobiliser le vocabulaire et les structures de la méthode utilisés en classe d’une façon différente, nouvelle et créative. »35 Par ailleurs, ce type d’activités présente l’avantage d’exiger de l’élève qu’il s’implique davantage et il constitue peutêtre la situation la plus « authentique » d’utilisation de la langue dans la salle de classe, car l’élève y est appelé à improviser, à régir aux interventions des autres, bref à participer à une véritable interaction dans la salle de classe. Au cours des activités d’expression orale, le rôle qui revient à l’enseignant est celui que François Weiss définit comme « faciliteur » de la communication36. En plus de la mise en place des activités, l’enseignant est ainsi chargé d’encourager les élèves, surtout les plus faibles ou les plus timides, pour « lever leurs inhibitions face à [la langue étrangère], voire leur donner le goût du risque de s’exprimer dans une autre langue que leur langue 34 WEISS, François : Op.cit., p.9 Ibid., p.9 36 Ibid., p.15 35 21 maternelle. »37 Il s’agit aussi de développer, à la fois chez l’enseignant et chez l’élève, une meilleure "acceptation" des fautes en reconnaissant que « [f]aire produire des énoncés dans des situations de communication revient à faire produire des erreurs [et que l’erreur] est le tremplin vers l’expression juste. »38 A côté des compétences communicatives langagières, les apprenants d’une langue étrangère doivent également posséder un certain nombre de compétences générales, notamment divers savoirs. Dans ce contexte, la culture générale ou « connaissance du monde » joue un rôle essentiel. D’après le Cadre commun, « la connaissance de la société et de la culture de la (ou des) communauté(s) qui parle(nt) une langue est l’un des aspects de la connaissance du monde »39 et cet aspect est jugé « assez important pour mériter une attention particulière puisque contrairement à d’autres types de connaissances, il est probable qu’elles n’appartiennent pas au savoir antérieur de l’apprenant et qu’elles sont déformées par des stéréotypes. »40 Ainsi, il revient aux enseignants de définir « quelle culture nouvelle, notamment sur le pays dans lequel la langue est parlée, l’apprenant devra acquérir durant son apprentissage. »41 Pour devenir un véritable usager de la langue étrangère, l’apprenant a donc besoin d’acquérir un savoir minimum sur la culture et sur le fonctionnement social du groupe dont il apprend la langue. Il s’agit, pour lui, de « développer non seulement une compétence linguistique, mais aussi culturelle, et la première sera rendue inutile, de l’ordre du mécanique, si la seconde ne va pas de pair. »42 Dans un apprentissage du français basé sur les approches communicatives, on cherche donc à dépasser l’aspect purement linguistique et fonctionnel de l’enseignement pour tenir compte également de l’aspect social et culturel. On cherche à « ouvrir l’esprit et le cœur [des] apprenants sur le monde francophone, à développer leur « éveil » aux cultures, aux 37 BERG, Charles / WEIS, Christiane : « Réajustement de l’enseignement des langues », p.39 TAGLIANTE, Christine : Op.cit., p.61 39 CONSEIL DE L’EUROPE : Op.cit., p.82 40 Ibid., p.82 41 Ibid., p.82 42 PUGIBET, Véronique : Se former à l’altérité par le voyage dès l’école, p.125 38 22 modes de vie et de pensée des autres ».43 Dans ce contexte, l’enseignant joue un rôle prépondérant, puisqu’il devient « passeur et médiateur culturel »44 et peut « favoriser chez les apprenants l’acquisition d’une disposition à l’échange et au désir de découverte de réalités culturelles qui leur sont aussi étrangères que la langue française elle-même. »45 L’enseignant peut apporter cette composante culturelle à son cours grâce aux supports, en choisissant, par exemple, des « documents ayant une forte dominante culturelle »46 et grâce aux activités réalisées, « [l]es échanges écrits et oraux dans le cours de langue [pouvant] porter sur des sujets de nature culturelle »47. Dans ce contexte, François Weiss insiste d’ailleurs sur la liberté de l’enseignant et précise : « Tout en profitant des différents supports dont vous disposez pour montrer ce qu’est la France d’aujourd’hui, vous pouvez proposer à vos élèves une série d’activités pour aborder de façon différente les contenus culturels et civilisationnels de vos cours. »48 Dans le cadre de cet apprentissage socioculturel, le Cadre commun souligne par ailleurs que l’apprenant d’une langue étrangère et d’une culture étrangère « ne perd pas la compétence qu’il a de sa langue et culture maternelles »49, mais qu’il devient plurilingue et apprend l’interculturalité. Voilà pourquoi l’enseignement des langues apparaît comme un lieu privilégié du contact interculturel et « constitue un secteur où intégrer concrètement dans les systèmes éducatifs une éducation à la vie démocratique dans ses dimensions interculturelles »50. L’enseignement des langues doit donc permettre à l’apprenant de développer sa compétence interculturelle, une compétence qui est essentielle à la fois « sur le plan éducatif et sur le plan humain. »51 43 WEISS, François : Op.cit., p.7 PUGIBET, Véronique : Op.cit., p.230 45 LOUIS, Vincent : Interactions verbales et communication interculturelle en FLE, p.280 46 MENFP : « Profil de la politique linguistique éducative », p.34 47 Ibid., p.34 48 WEISS, François : Op.cit., p.109 49 CONSEIL DE L’EUROPE : Op.cit., p.40 50 MENFP : « Profil de la politique linguistique éducative », p.54 51 WEISS, François : Op.cit., p.7 44 23 Finalement, il convient de souligner que dans un enseignement de type communicatif et actionnel, qui mise sur l’implication permanente de l’apprenant dans toutes les activités d’apprentissage qui lui sont proposées, la motivation constitue un facteur essentiel. D’un côté, la motivation des apprenants est nécessaire pour qu’il y ait effectivement une implication de leur part, d’un autre côté, « plus l’enseignant invite les élèves à jouer un rôle actif et dynamique en classe, plus ils seront motivés à s’engager dans les activités qu’il leur propose »52. Dans le cadre de l’enseignement des langues en contexte scolaire, cette motivation de la part des élèves est d’autant plus indispensable qu’« on sait qu’à l’école, la plupart des jeunes n’apprennent pas une langue par plaisir ou par curiosité, mais évidemment par obligation et à cause des pressions sociales »53. Il revient donc à l’enseignant de trouver des moyens capables de donner aux élèves l’envie d’apprendre, afin qu’ils choisissent de s’investir dans leur apprentissage. En effet « la motivation ne fonctionne jamais "à vide", elle s’exprime – ou non – dans une situation donnée, face à une activité précise »54 et par conséquent, l’enseignant doit essayer de mettre en place des activités susceptibles de déclencher la motivation des élèves. Une « mesure de nature à soutenir la motivation des apprenants est le choix et/ou la création de supports didactiques et de matériels adaptés à leur âge cognitif, à leur intérêt, mais aussi à un apprentissage significatif et cohérent avec les finalités du système scolaire »55. Pour les élèves, les sujets signifiants sont généralement des thèmes tirés de la vie courante, scolaire ou extrascolaire, et de leur quotidien, des sujets qui se rapprochent de leurs champs d’intérêt. Dans le cadre de l’expression, François Weiss met ainsi l’accent sur l’atout des activités qui impliquent personnellement les élèves : « Pour que les élèves aient envie de parler, il faut qu’ils aient tout d’abord quelque chose à dire, qu’ils aient envie de le dire et qu’ils aient les moyens linguistiques et psychologiques de le faire. Il faut donc les initier à des 52 VIAU, Rolland : La motivation en contexte scolaire, p.127 PUGIBET, Véronique : Op.cit., p.124 54 VIANIN, Pierre : La motivation scolaire. Comment susciter le désir d’apprendre ? 55 MENFP : « Profil de la politique linguistique éducative », p.44 53 24 techniques de libération de l’expression orale et écrite, en leur proposant des activités qui leur permettent de dire ou d’écrire des choses qui les impliquent, qui leur sont personnelles. Il ne s’agit pas simplement d’exercices pour faire fonctionner la langue, il s’agit de « communiquer », de dire quelque chose de soi et de s’intéresser à ce que les autres ont à dire, bref il s’agit de développer une compétence de communication et aussi d’une « confiance de communication. »56 Par ailleurs, « il convient de rappeler qu’un élève s’engage rarement dans une activité pour le simple plaisir de la faire »57. Pour que les élèves fassent preuve de motivation pour les activités qui leur sont proposées, il faut donc qu’ils en reconnaissent l’utilité. En aidant les élèves à être plus conscients que l’apprentissage réalisé en classe leur servira plus tard et en mettant en place des activités pouvant concrètement les préparer à de futurs besoins langagiers, l’enseignant peut ainsi parvenir à donner la motivation pour l’apprentissage des langues aux élèves. Enfin, il faut signaler que l’enseignant lui-même et son attitude vis-à-vis de la classe et des contenus peuvent aussi jouer un rôle par rapport à la motivation des élèves. En effet, « il est important que les enseignants soient compétents et motivés à enseigner pour pouvoir être une source d’inspiration et de motivation pour leurs élèves »58. Lorsque toutes ces conditions sont réunies, les cours peuvent contribuer à donner aux élèves l’envie d’apprendre des langues, ce qui favorise à son tour les progrès, car « donner le goût des langues est, en effet, le meilleur investissement possible en vue de leur apprentissage et de leur maîtrise »59. 56 WEISS, François : Op.cit., p.15 VIAU, Rolland : Op.cit., p.44 58 Ibid., p.120 59 MENFP : « Profil de la politique linguistique éducative », p.43 57 25 2.2. Le voyage éducatif et culturel « Voyage éducatif », « voyage scolaire », « voyage culturel », « classe de patrimoine », « classe de découverte », « classe transplantée »,… : nombreux sont les termes utilisés pour désigner le voyage effectué avec un groupe scolaire et très divers sont les objectifs et projets à la base d’un tel voyage. Mais malgré cette profusion de noms et de contenus, les élèves qui se voient offrir la possibilité d’un voyage intégré dans leur scolarité restent assez rares. Véronique Pugibet s’étonne d’ailleurs qu’une institution éducative qui exige que les élèves parlent une ou plusieurs langue(s) étrangère(s) et qui prétend vouloir ouvrir l’école sur le monde des échanges ne s’inquiète pas plus de l’intérêt du voyage pour les futurs citoyens et n’envisage pas d’intégrer le séjour à l’étranger au sein du parcours scolaire.60 D’après divers auteurs, il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, les voyages scolaires « souffrent […] de se situer à la croisée de plusieurs « mondes qui ne se côtoient pas d’ordinaire : celui de l’éducation [et] celui du tourisme »61. En effet, « selon l’opinion courante, l’école s’oppose aux vacances. Pendant l’année, on travaille ; pendant les vacances, on se repose ou, éventuellement, on voyage. »62. De plus, le voyage scolaire met « en cause le principe jusqu’alors intangible et fondateur d’un lieu unique, monolithique, refermé sur lui-même, circonscrit et forclos (la salle de classe) »63. En dépit de ces réticences, liées avant tout à des représentations assez surannées de l’école et du voyage, et en apparente contradiction avec le nombre assez réduit de voyages scolaires réalisés, il y a un grand consensus autour des bénéfices des voyages scolaires. Et de plus en plus de professionnels de l’enseignement ont compris l’enjeu que représente le voyage dans la formation des jeunes esprits. 60 Cf. PUGIBET, Véronique : Op.cit., p.186-187 CHAUVIN, Jacques : Les classes de découverte ou l’école hors les murs de l’école, p.9 62 PUGBET, Véronique : Op.cit., p.186 63 Ibid., p.186 61 26 Evidemment, c’est dans le contexte de l’apprentissage des langues que les atouts du voyage éducatif s’imposent de la façon la plus évidente. En effet, le domaine de la maîtrise linguistique prend tout son sens dans le contexte particulier de ces voyages qui permettent aux élèves de pratiquer la langue vivante à l’étranger, là où elle fait partie du quotidien. Véronique Pugibet explique : « Si les manuels de langue habituels des élèves symbolisent la langue à apprendre, le séjour dans le pays représente le lieu où l’on vit cette langue. L’apprentissage y est dorénavant affectif et cognitif. »64 Le voyage permet ainsi de sortir l’enseignement de la salle de classe, d’ouvrir l’école sur le monde, de quitter l’enceinte scolaire pour aller à la rencontre d’un pays et de ses habitants. En permettant aux élèves de s’extraire de façon significative du contexte et de l’espace habituels de la classe, les voyages scolaires constituent, pour eux, « un réel dépaysement et un moment privilégié d’apprentissage »65. La découverte d’autres endroits et d’autres activités permet, en effet, d’enrichir les apprentissages et apporte une stimulation qui favorise l’acquisition de connaissances et de compétences. Les voyages donnent lieu à une rencontre avec des lieux, des événements, des cultures,... Ils « constituent un cadre structuré et structurant pour mieux aborder la connaissance de l’environnement. En effet, l’approche sensorielle d’un milieu naturel, humain et culturel nouveau, l’étonnement et le dépaysement qu’il provoque, sont autant d’occasions de comprendre et de communiquer. »66 Alors que, souvent, l’enseignement a plutôt tendance à rester dans le virtuel et l’abstrait, le voyage éducatif donne aux élèves l’impression de vivre une expérience concrète. Il permet de découvrir la réalité de la langue étudiée de manière naturelle, dans des situations de communication authentiques et entraîne « la confrontation d’un savoir théorique, dispensé dans les murs de 64 PUGIBET, Véronique : Op.cit., p.144 GÉRARD, Patrick : « Sorties scolaires. Séjours scolaires courts et classes de découvertes dans le premier degré », p.1 66 Ibid., p.1 65 27 la classe, à une réalité souvent plus complexe et multiforme »67. Le grand mérite de ces voyages est de mettre les élèves présence d’un environnement nouveau, mais étudié au préalable, pour les amener à « établir des liens entre une réalité qu’ils découvrent et des connaissances qu’ils ont appris à maîtriser »68. Ici, on n’est plus dans le virtuel des communications simulées, mais dans le concret des communications vécues. En plus, le voyage scolaire donne « une place significative à l’activité des élèves et permet [ainsi] d’étayer des apprentissages sociaux, moteurs et cognitifs. »69 Au cours des séjours à l’étranger, la langue étrangère est omniprésente et « [a]u-delà des activités scolaires définies dans les programmes, l’éloignement du lieu de vie habituel multiplie les occasions d’échanges et de pratiques de la langue »70. Les rencontres et les visites effectuées sur place sollicitent, par exemple, la compréhension orale et écrite dans des situations très diverses et la communication orale avec des interlocuteurs variés. Ceci peut favoriser la pérennité des apprentissages, car les voyages éducatifs « ancrent dans l’expérience et le vécu les acquisitions abstraites »71 Par ailleurs, le voyage peut avoir une certaine influence sur la représentation que les élèves se font de la langue étudiée. En effet, même si le voyage en soi n’est pas garant d’une évolution positive des représentations, chez des lycéens ayant une attitude assez mitigée ou plutôt négative envers une langue ou un pays, on observe souvent que ces « représentations se déplacent dès lors que ceux-ci ont effectué un voyage qui les met réellement en contact avec des locuteurs natifs de la langue cible »72. Cette évolution représente un phénomène significatif dans la mesure où les recherches sur les représentations se rejoignent autour du constat qu’il existe « une corrélation forte entre l’image qu’un apprenant s’est 67 EducPros.fr : « Quel est l’intérêt des voyages scolaires ? » PAVY, Béatrice : « Lettre de mission », p.8 69 MULLER, François, Manuel de survie à l’usage de l’enseignant, p.128 70 GÉRARD, Patrick : Op. cit., p.3 71 PAVY, Béatrice : Op.cit., p.8 72 CASTELLOTTI, Véronique / MOORE, Danièle : « Représentations sociales des langues et enseignements », p.11 68 28 forgé d’un pays et les représentations qu’il construit à propos de son propre apprentissage de la langue de ce pays »73. Cette image, souvent fortement stéréotypée, exerce soit un pouvoir valorisant, soit un pouvoir inhibant vis-àvis de l’apprentissage lui-même et contribue ainsi à le fortifier ou à le ralentir. Le voyage scolaire, en agissant sur les représentations des élèves, permet ainsi de mettre en pratique les instructions ministérielles qui soulignent que « [l]e travail sur les représentations des langues chez les élèves (et donc sur l’imaginaire qui leur est lié) est une des mesures qui peuvent concourir à donner du sens à l’apprentissage de ces langues »74. D’autre part, certains élèves continuent d’avoir une vision très scolaire et peu interactive de la langue étrangère, laquelle est alors vue comme objet d’apprentissage bien plus que comme outil de communication. « Ces représentations d’un apprentissage où l’interlocuteur de l’autre langue n’existe pas en tant que tel est renforcé quand les enfants n’ont pas eu d’occasions de contact avec des locuteurs [de la langue cible au cours de] voyages, rencontres interculturelles, etc. »75. Dans ce contexte aussi, le voyage scolaire peut agir sur l’attitude des élèves par rapport à la langue étudiée. Apprendre une langue étrangère, cela signifie aussi s’imprégner de la culture du pays visité et du mode de vie de ses habitants. Lors d’un voyage scolaire du type « séjour culturel » ou « classe patrimoine », « [l’]emploi du temps se construit essentiellement autour de la découverte des principaux sites et/ou villes que le groupe traverse au cours du voyage »76. L’objectif visé n’est donc pas que linguistique, le patrimoine concentre lui aussi une grande partie de l’attention et du travail. Il est même au cœur du projet et « ne se réduit pas à un thème annexe, un support accessoire pour l’apprentissage de la langue »77. Ainsi, le voyage scolaire permet de réduire « le clivage entre 73 CASTELLOTTI, Véronique / MOORE, Danièle : Op.cit., p.11 MENFP : « Profil de la politique linguistique éducative », p.43 75 CASTELLOTTI, Véronique / MOORE, Danièle : Op.cit., p.15 76 PUGIBET, Véronique, Op.cit., p.174 77 Ibid., p.225 74 29 apprentissage culturel et apprentissage linguistique »78 que l’on observe encore souvent dans les cours de langue, et la découverte d’un environnement nouveau, d’un patrimoine reconnu « contribue naturellement à enrichir l’univers [des élèves] ainsi que leurs références culturelles »79. En outre, la pratique instaurée par de telles expériences « contribue à la réduction de la fracture culturelle si souvent constatée ; elle a un effet direct en ce qu’elle développe immédiatement la culture générale des élèves, et indirect en ce que la fréquentation assidue des musées et loisirs culturels à l’âge adulte est directement tributaire [d’une] initiation »80 pendant la jeunesse. Le voyage éducatif représente, par ailleurs, un vecteur privilégié de démocratisation du voyage et de la culture. « En donnant accès à un monde de culture, à des milieux géographiques nouveaux ou à la pratique d’activités inédites, les voyages scolaires participent à la réduction d’inégalités sociales patentes »81, résume Béatrice Pavy. Pour les enfants issus de milieux modestes, le voyage scolaire peut ainsi être l’occasion de sortir pour la première fois du cadre familial et de construire des souvenirs inoubliables. Peu importe sa nature, le voyage scolaire doit rester « éducatif » et il faut donc éviter la sortie pour la sortie, c’est-à-dire le voyage sans aucun fondement pédagogique. En effet, un voyage scolaire devrait toujours « être un moyen d’atteindre des objectifs d’apprentissage clairement identifiés »82. Le séjour éducatif, « c’est d’abord la classe qui continue. Ce moment particulier n’est pas une parenthèse dans l’année scolaire, et encore moins un temps de vacances »83. Il faut donc qu’il fasse partie intégrante d’un projet et qu’il se trouve clairement ancré dans le programme d’études établi. Au sein de ce projet d’apprentissage, le séjour « peut [alors] constituer : 78 PUGIBET, Véronique, Op.cit., p.192 PAVY, Béatrice : « Lettre de mission », p.8 80 Ibid., p.55 81 EducPros.fr : Op.cit. 82 MULLER, François, Op.cit., p.128 83 CHAUVIN, Jacques, Op.cit., p.33 79 30 - une étape initiale, fondatrice, qui représente un tremplin pour des acquisitions ; - un temps fort dans un domaine d’activités ; - l’aboutissement d’une série d’activités et d’apprentissages permettant de réinvestir, de valider et de mettre en situation des acquisitions dans un milieu où elles sont pleinement pertinentes et significatives. »84 Quel que soit le type de séjour mis sur pied, la réalisation d’un voyage scolaire « exige [toujours] une préparation et des prolongements qui en garantissent l’efficacité »85. En effet, l’enjeu est que « cette démarche ne soit pas pure aventure, qu’elle ne se réduise pas pour les élèves à un moment de liberté et de distraction volé sur leurs obligations, et qu’elle reste un apprentissage. […] L’exigence première consiste donc à ne pas perdre de vue le cadre pédagogique de ces initiatives, leur visée éducative, et la nécessité d’une solide préparation »86. Une importante phase de préparation accomplie en classe en amont du séjour permet ainsi d’insérer le voyage dans une unité d’enseignement, de présenter le séjour aux élèves, de familiariser ces derniers avec les objectifs visés et contribue aussi à « transformer le projet d’un professeur en un projet porté par les élèves »87. Lorsque ces conditions sont remplies, le voyage scolaire constitue généralement une expérience très enrichissante qui a même souvent une répercussion positive sur le comportement et l’attention des élèves. En effet, lors des activités réalisées au cours du voyage scolaire, les élèves sont souvent impressionnés, intéressés, motivés,… par les lieux visités et les gens rencontrés, ce qui « facilite une concentration et un certain sérieux que les enseignants ne pourraient sans doute pas obtenir de la même manière dans leur classe et lycée habituels. »88 Etant donné que les voyages éducatifs donnent l’occasion de travailler autrement, ils ont souvent un impact important sur la motivation des élèves et réussissent à raviver leur intérêt et leur goût de 84 CHAUVIN, Jacques, Les classes de découverte ou l’école hors les murs de l’école, p.94 GÉRARD, Patrick : Op. cit., p.2 86 BOSSY, Jean-François : Enseigner la Shoah à l’âge démocratique, p.137 87 MULLER, François, Op.cit., p.129 88 SINGER, Claude / DAVID, Jacques-Olivier (interview de) : « Mémorial de la Shoah : Accueil des publics » 85 31 l’apprentissage. Plus curieux, les élèves « deviennent aussi plus réceptifs aux enseignements qu’on leur propose. »89 En plus, les élèves se sentent souvent valorisés par le fait qu’on leur propose un voyage : reconnaissants du temps et de l’énergie qu’on leur consacre, désireux de profiter au maximum de ce qui constitue souvent pour eux une expérience unique, ils ont tendance à absorber comme une éponge toutes les impressions, toutes les informations qui se présentent à eux. Mais « [s]i le séjour à l’étranger est certes un canalisateur, ses effets ne sont pas nécessairement réductibles à la durée du séjour et au déplacement géographique. »90 En effet, à l’issue du voyage, il s’agit d’exploiter efficacement cette aventure. En invitant les élèves à revenir sur l’expérience vécue et à exprimer leurs souvenirs et leurs impressions, l’enseignant a la possibilité de mettre en place des activités comportant « une dimension réflexive et même affective »91 très favorable pour la réalisation de tâches d’expression libre. Le retour de voyage est également « le moment de l’inventaire des récoltes individuelles et collectives, de leur tri et de leur exploitation sous des formes variées »92. Les notes et les photos prises pendant le séjour peuvent ainsi être utilisées pour réaliser des dossiers, des expositions ou des présentations face aux camarades de classe, aux parents ou à d’autres classes. On peut d’ailleurs associer cette exploitation de l’expérience vécue à un travail de recherche sur les monuments, sites,… visités, car cette « confrontation entre le réel observé sur le terrain et les recherches documentaires effectuées »93 peut se révéler très intéressante et très enrichissante. En résumé, on peut retenir que le voyage scolaire présente de nombreux atouts, des atouts qui font de cette initiative également un bon moyen de mettre en pratique les diverses instructions issues des nouvelles approches éducatives de l’enseignement des langues. 89 PAVY, Béatrice : Op.cit., p.8 PUGIBET, Véronique, Op.cit., p.144 91 Ibid., p.144 92 GÉRARD, Patrick : Op. cit., p.2 93 Ibid., p.2 90 32 III. Description du projet Activités réalisées avant, pendant et après le voyage 3.1. Séquence « Inventeurs, scientifiques et progrès techniques » Le sujet de la séquence décrite dans la partie qui suit a été choisi en raison de la visite au Musée des arts et métiers qui était prévue pendant le séjour à Paris. En plus, il me permettait de recourir au moins un minimum au manuel au programme, puisque celui-ci contient une unité intitulée « sciences et techniques » dont j’ai pu utiliser quelques documents. 3.1.1. Compréhension écrite : Lecture longue La séquence a été initiée par l’étude d’un roman de jeunesse intitulé Rencontres en haut de la Tour Eiffel94. Dans ce livre, deux enfants traversent le temps grâce à une cabane magique et se retrouvent dans le Paris du XIX e siècle, au moment de l’Exposition Universelle de 1889. Alors qu’ils cherchent à accomplir la mission qui leur a été confiée par un grand magicien, ils font la connaissance de plusieurs personnalités célèbres du monde des sciences et des techniques (Alexander Graham Bell, Louis Pasteur, Thomas Edison, Gustave Eiffel) et découvrent comment ont été inventées des choses qui font aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien ou de notre monde, à savoir le téléphone, la microbiologie et ses applications, l’électricité, la Tour Eiffel et les grandes constructions en fer. J’ai choisi ce livre parce qu’il présentait 94 OSBORNE, Mary Pope : Rencontres en haut de la tour Eiffel 33 l’avantage de faire entrer les élèves, de façon très ludique, dans le monde des inventions techniques et des découvertes scientifiques, tout en leur présentant le Paris d’une autre époque. Le roman a donné lieu à une activité de compréhension écrite sous forme d’un dossier de travail à réaliser à domicile pendant les vacances de Noël. Le questionnaire95 présentait uniquement des questions très précises, portant sur des détails de l’histoire. L’objectif de ce travail était d’amener les élèves à ne pas simplement survoler l’histoire, mais à la lire avec une attention soutenue, en cherchant dans le texte des informations très ciblées, et de les entraîner ainsi à la lecture détaillée. 3.1.2. Compréhension écrite : Textes A l’issue des vacances, les élèves ont travaillé sur une petite série de textes portant sur l’invention du téléphone dans sa dimension historique et progressive, à partir du télégraphe optique, en passant par le dispositif Morse, jusqu’au principe qui est encore valable pour le téléphone que nous utilisons de nos jours. Pour cette série d’activités de compréhension écrite, je me suis servie des textes présentés dans le manuel, mais sans nécessairement reprendre les activités proposées dans le livre. Le texte portant sur l’inventeur du télégraphe optique96, je l’ai divisé en plusieurs parties que j’ai ensuite présentées aux élèves dans le désordre. Les élèves étaient alors chargés de les remettre dans le bon ordre afin de reconstituer la biographie de Claude Chappe. Ce type d’activité exige du lecteur une bonne compréhension du texte et une attention particulière portée aux détails. Par ailleurs, il est plutôt apprécié des élèves en raison du côté assez ludique qu’il présente. 95 96 Cf. Annexes p.5-12 Cf. Annexes p.15 34 Pour le texte consacré au dispositif Morse97, j’ai conservé les activités proposées par le manuel : simple lecture pour expliquer et comprendre le fonctionnement du système, puis décodage de quelques messages à l’aide de l’alphabet Morse. La dernière partie de cet exercice n’a pas vraiment contribué à travailler la compétence de la compréhension écrite, mais il a permis de déclencher beaucoup d’enthousiasme auprès des élèves (surtout quand il fallait passer le message par de petits coups frappés sur le banc) et présentait l’avantage de bien faire comprendre le fonctionnement de l’alphabet Morse. Après avoir analysé la photo98 de la version du téléphone tel qu’il a été inventé par Alexander Graham Bell, nous sommes passés à un texte99 expliquant l’évolution qui a permis de passer du dispositif Morse au système du téléphone. J’ai choisi de présenter ce document sous forme de texte à trous, les élèves devant comprendre le contexte pour savoir quel mot utiliser pour compléter les différentes phrases. Au-delà de l’entraînement à la compréhension écrite, ces différentes activités de compréhension, ainsi que les activités d’expression décrites ci-dessous, avaient pour but de préparer les élèves à la visite au Musée des arts et métiers à Paris. En effet, j’avais prévu de leur proposer une visite guidée et un atelier pratique sur la thématique de la communication. La collection intitulée « Communication », que la visite et l’atelier permettent de découvrir, fait partie de l’exposition permanente du musée. Cette collection, principalement issue du XIXe siècle, fait la part belle à tous les outils que les hommes ont inventés pour transporter textes, sons ou images, à savoir l’imprimerie, la photographie, le cinéma, la radio, la télévision, les télécommunications et la micro-informatique. Elle permet ainsi de découvrir une formidable accumulation de techniques, depuis les débuts de l’imprimerie jusqu’aux nouvelles technologies de l’information.100 97 Cf. Annexes p.16 Cf. Annexes p.16 99 Cf. Annexes p.17 100 Cf. Dossier Activités jeunesse 2010-2011, Scolaires & périscolaires édité par le Musée des arts et métiers 98 35 Malheureusement, au moment où les réservations pour les visites guidées et les ateliers ont été ouvertes, je me suis rendu compte que les activités consacrées à la thématique que j’avais choisie n’étaient pas proposées pour les journées où nous allions être à Paris. J’ai donc dû opter pour un autre sujet, de sorte que les activités de compréhension écrite réalisées en classe n’ont finalement pas servi de préparation à la visite au musée dans le sens où je l’avais prévu. 3.1.3. Expression orale L’expression orale réalisée au cours de cette séquence se basait sur une page du manuel101 qui présentait diverses inventions témoignant des progrès du XXe siècle. Parmi les objets présentés, les élèves devaient choisir celui qui leur semblait le plus utile, le plus important, le plus divertissant… et expliquer à chaque fois la raison de leur choix. L’objectif de cette activité était d’amener les élèves à s’exprimer librement, sans préparation, tout en les poussant à argumenter pour justifier leur avis. 3.1.4. Expression écrite La séquence sur les inventions s’est terminée par un exercice d’expression écrite libre se basant sur la même page du manuel102 que l’activité d’expression orale précédente. Les élèves étaient chargés de rédiger un texte présentant une journée banale d’un citoyen du XXIe siècle se servant des différents objets présentés dans le manuel. Ensuite, ils ont dû rédiger le même type de journée pour un citoyen vivant avant l’invention de tous ces objets. Il s’agissait là d’une activité de production créative permettant aux élèves de faire preuve d’imagination, tout en exigeant d’eux qu’ils adoptent une perspective autre que 101 102 Cf. Annexes p.21 Cf. Annexes p.21 36 la leur pour se mettre dans la peau de quelqu’un qui ne possède pas tous ces objets qui marquent et facilitent notre quotidien aujourd’hui. 103 3.1.5. Grammaire : Le pronom relatif Parallèlement aux activités de lecture et d’expression décrites ci-dessus, les élèves ont étudié le point grammatical des pronoms relatifs simples. Dans ce contexte, j’ai essayé d’établir un lien entre le travail grammatical et la thématique des « inventeurs, scientifiques et progrès techniques ». Ainsi, les élèves étaient, par exemple, chargés de réaliser un exercice104 qui proposait des "définitions" de célèbres scientifiques. Ils ont dû compléter les différentes présentations en insérant dans les phrases les pronoms relatifs qui convenaient. Ensuite, ils ont dû consulter une page de leur manuel 105 qui proposait, sous forme de mots-clés, la biographie de divers scientifiques et, grâce aux informations qu’ils y trouvaient, ils ont dû découvrir, pour chaque présentation de leur fiche de travail, de quel scientifique il s’agissait. Un autre exercice106 se trouvait en relation avec l’expression orale réalisée par rapport aux inventions témoignant des progrès du XXe siècle. L’exercice proposait une définition de divers objets, en présentant à chaque fois plusieurs phrases dont chacune évoquait une caractéristique de l’objet en question. Grâce à l’emploi des pronoms relatifs, les élèves ont alors dû rassembler ces différentes caractéristiques en une définition formée d’une seule phrase. Par après, les élèves ont dû imaginer eux-mêmes des définitions de ce type.107 Pour cela, ils ont dû choisir quelques objets parmi ceux présentés dans le 103 Malheureusement, je ne dispose pas d’exemples de cette production, car les élèves l’avaient apparemment placée dans la partie "préparation" de leur classeur et en faisant les copies des différentes productions d’élèves, je ne me suis pas rendu compte qu’elle manquait et je n’ai pas eu le réflexe d’aller vérifier le contenu de la partie "préparation". 104 Cf. Annexes p.25 105 Cf. Annexes p.27 106 Cf. Annexes p.25-26 107 Cf. Annexes p.26 37 manuel et construire, pour chacun d’entre eux, une présentation sur le modèle des définitions de l’exercice précédent. 3.1.6. Voyage : Visite au Musée des arts et métiers Le Musée des arts et métiers est le musée du Conservatoire national des arts et métiers et il conserve l’ensemble des machines, modèles, dessins qui ont été utilisés tout au long des XIXe et XXe siècles. L’exposition permanente du musée est organisée en sept collections thématiques : instruments scientifiques, matériaux, construction, communication, énergie, mécanique et transports. Parmi les différentes offres qui s’adressent aux groupes scolaires se trouvent les ateliers pédagogiques animés par des employés du musée. Ces ateliers proposent une manipulation conduisant à une réalisation personnelle et ils visent à faire découvrir la démarche de l’innovation et de l’invention techniques pour résoudre des problèmes de la vie courante. Cette activité pratique s’accompagne d’une visite thématique dans le musée pour permettre aux jeunes de restituer les objets réalisés dans le contexte technique, économique et humain de l’époque, et de comprendre les choix de l’innovateur, les raisons du succès ou de l’échec économique de l’invention. Au départ, j’avais choisi la thématique « Communication » pour cette visite, mais comme celle-ci n’était pas proposée au moment de notre séjour, j’ai finalement opté pour la visite intitulée « Les pionniers des transports » qui permet de découvrir tout ce que l’homme a inventé pour se déplacer sur l’eau, sur terre ou dans les airs : les premiers vélos, les transports en bateau et à cheval, bientôt supplantés par le chemin de fer, puis la voiture et l’avion. L'évolution des transports est illustrée par une exposition passant de la locomotive de Stephenson jusqu’au TGV, des premiers vélocipèdes jusqu’au Vélib’, du premier "appareil volant" de Clément Ader jusqu’aux Airbus, du 38 fardier à vapeur de Joseph Cugnot jusqu’à la Ford T, première voiture construite à plusieurs millions d’exemplaires,…108 Ainsi, même si la thématique de la visite ne correspondait pas exactement à celle des activités réalisées en classe, elle restait quand même clairement dans la lignée de la séquence « Inventeurs, scientifiques et progrès techniques ». Au retour du voyage, cette visite a été présentée sous forme d’exposé pendant la "journée-présentation Paris/Strasbourg" par un groupe d’élèves. 108 La description des activités et des collections du musée se base sur les indications du dossier Activités jeunesse 2010-2011, Scolaires & périscolaires édité par le Musée des arts et métiers. 39 3.2. Séquence « Cinéma » 3.2.1. Introduction J’ai souhaité commencer la séquence consacrée au cinéma en faisant découvrir aux élèves quel lien il y avait entre le septième art et notre voyage à Paris. Il s’agissait donc de leur présenter le parcours interactif que nous allions réaliser au Grand Rex. Le Grand Rex, gigantesque temple du cinéma inauguré en 1939, est l’un des derniers survivants parmi les cinémas parisiens d’avant-guerre. Depuis 1981, ses façades Art-Déco ainsi que ses toitures et sa salle impressionnante avec sa voûte étoilée et ses décors baroques font l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques. A la fois salle de cinéma et salle de spectacles, le Grand Rex propose aussi, depuis quelques années, un parcours interactif unique en Europe intitulé « Les Étoiles du Rex » qui permet de découvrir, sous forme d’une savante mise en scène, les coulisses, les espaces techniques, l’histoire et les stars du plus célèbre cinéma d’Europe. Réalisé par un scénographe, ce parcours-spectacle évoque les métiers du cinéma et la légende du Grand Rex de façon interactive et ludique, faisant découvrir, par exemple, l’envers d’un écran où un film est projeté, la reproduction à l’identique d’une cabine de projection, les nombreux secrets des effets spéciaux, les montages, les trucages et les bruitages d’un grand film. D’abord spectateur et témoin, le visiteur devient peu à peu le figurant et l’acteur d'un tournage, avant de se retrouver projeté dans un extrait de film, film dont le visionnage constitue le point final culminant du parcours.109 109 La description du cinéma et du parcours se base sur les indications du dossier pédagogique édité par le Grand Rex. 40 Pour susciter la curiosité des élèves, je leur ai expliqué que j’allais leur montrer une série d’images présentant l’activité que nous allions faire à Paris et je leur ai demandé d’essayer de découvrir, à travers ces images, de quoi il pouvait s’agir. J’avais choisi les images de telle façon qu’il y avait une progression au niveau de la précision quant à la nature du lieu et de l’activité. En découvrant la première image, les élèves ont déclaré qu’il s’agissait d’un théâtre, d’un opéra ou d’une salle de spectacles, un lieu très grand et très chic. Grâce à la deuxième image, ils ont compris que le Grand Rex était un cinéma. Je leur ai alors demandé d’interpréter l’image et le message « Passez derrière l’écran » et ils ont trouvé assez rapidement qu’il s’agissait de découvrir ce qui se cachait et ce qui se passait dans les coulisses du cinéma. La troisième image a fini par vraiment réveiller l'enthousiasme élèves et des ceux-ci ont commencé à faire des suppositions sur ce qui était à découvrir en coulisse : la création de dessins animés, de scènes d’effets spéciaux, King Kong, d’action un et ascenseur magique,... Ensuite, la dernière image a conforté les élèves dans leur envie de réaliser l’activité puisque cette représentation d’un prospectus des « Étoiles du Rex » vantait le parcours comme un voyage au cœur du plus grand cinéma d’Europe, ce qui a sacrément impressionné les élèves. 41 3.2.2. Séquence de vocabulaire La séquence de vocabulaire consacrée au cinéma a débuté par la distribution de la liste des expressions à apprendre110 et j’ai d’abord lu la liste avec l’ensemble de la classe afin de m’assurer de la bonne compréhension des différentes expressions. Les expressions étaient regroupées dans des sousgroupes thématiques, ce qui peut contribuer à favoriser la mémorisation. Nous nous sommes d’abord concentrés sur les parties intitulées « Le cinéma et ses œuvres », « Jouer dans un film », « Regarder un film » et « Juger un film ». La partie « Tourner un film » a été traitée plus tard, afin que les élèves ne se sentent pas dépassés par une trop grande quantité de lexique nouveau. Les fiches de travail présentaient une série d’exercices d’entraînement dont l’objectif était de permettre aux élèves de s’approprier progressivement les expressions cibles. Les trois premiers exercices portaient sur le sens des expressions et jouaient en quelque sorte avec leur définition respective. Le premier exercice 111 portait sur les différents genres de films et demandait aux élèves d’associer chaque affiche de film à la définition du genre correspondant. Le deuxième exercice112 décrivait différents types de personnes en relation avec le cinéma (figurant, spectateur, cascadeur,…) et demandait aux élèves de reconnaître à chaque fois de qui il s’agissait. Le troisième exercice 113 fonctionnait selon le même modèle, sauf qu’il faisait deviner des choses ou des événements en relation avec le cinéma (avant-première, palmarès, séance,…). Pour accomplir ces activités, les élèves étaient invités à consulter la liste de vocabulaire, ce qui devait les amener à se familiariser progressivement avec les expressions et leur signification. Les exercices ont été conçus dans le but de faire travailler les élèves sur le sens exact des expressions, mais constituaient aussi déjà une première approche du contexte. En effet, il y avait une référence à des circonstances réelles, puisque les différentes 110 Cf. Annexes p.37-40 Cf. Annexes p.41 112 Cf. Annexes p.41 113 Cf. Annexes p.42 111 42 situations et actions devaient être mises en relation avec les personnes, choses, événements,… concernés. Cependant, le processus cognitif exigé des élèves était encore assez réduit puisqu’il leur suffisait de comprendre le sens des "définitions" présentées dans les exercices et la signification des expressions de la liste pour être capables de les associer correctement. Le quatrième exercice114 présentait différents substantifs (figuration, prix, rôle…) et demandait aux élèves de rajouter l’article, la préposition, le verbe convenant pour former l’expression exacte (faire de la figuration, décerner un prix à quelqu’un, interpréter un rôle,…). L’objectif de cette activité était d’amener les élèves à manipuler les éléments de formation des expressions. Le dernier exercice115 était consacré au vocabulaire recontextualisé et proposait, pour les expressions cibles, des tâches de réemploi dans des contextes courts. Il s’agissait d’un exercice à trous demandant aux élèves de trouver à chaque fois l’expression qui convenait pour compléter la phrase. La résolution de cet exercice exigeait, de la part des élèves, non seulement la connaissance du sens des expressions cibles, mais également une bonne compréhension des phrases proposées et une véritable interprétation du contexte. Les exercices116 portant sur la partie de la liste intitulée « tourner un film » étaient du même type que ceux décrits ci-dessus. Pendant cette séquence de vocabulaire portant sur le cinéma, il n’y a pas eu de réemploi du nouveau lexique dans une production d’expression libre, mais il y a eu une mise en contexte à travers la lecture longue qui a suivi. En effet, le roman étudié portait sur le Festival de Cannes et sur le monde du cinéma et la séquence de vocabulaire réalisée au préalable avait comme but de favoriser la compréhension de l’histoire. 114 Cf. Annexes p.42 Cf. Annexes p.42 116 Cf. Annexes p.45-46 115 43 3.2.3. Introduction à la lecture longue 3.2.3.1. Compréhension écrite : Textes Avant de débuter l’étude du roman, j’ai réalisé deux activités de compréhension écrite. Pour cela, j’ai utilisé comme support deux textes qui se trouvaient à l’intérieur du livre lui-même, par contre j’ai choisi de ne pas utiliser les activités de compréhension proposées (qui me semblaient trop faciles par rapport au niveau de mes élèves), mais d’élaborer mes propres questionnaires. Les deux textes étudiés portaient, respectivement, sur la ville de Cannes117 et sur le Festival de Cannes118 et devaient favoriser la compréhension du contexte dans lequel se déroulait l’intrigue du roman. 3.2.3.1. Brainstorming à partir d’un clip Pour permettre aux élèves de mieux saisir l’ambiance qui règne à Cannes au moment du Festival et l’effervescence créée par cet événement, j’ai choisi de faire une sorte de brainstorming sur la base d’un document trouvé sur Youtube. Il s’agit d’un clip119 sans commentaire, presque sans paroles qui, sur fond de musique, fait défiler une multitude d’images filmées au cours du Festival, des images montrant les stars, les journalistes, le public, les paparazzis, les conférences de presse, la montée des marches, la cérémonie de remise des prix, etc. J’ai projeté ce clip en demandant aux élèves de noter simplement tous les mots, susceptibles de caractériser le Festival de Cannes, qui leur venaient à l’esprit en voyant ces images. Ensuite, nous avons réalisé une mise en commun120 à partir des prises de notes individuelles. Les élèves, qui paraissaient d’ailleurs réellement fascinés par les images découvertes, se sont montrés très productifs et ont très bien réussi à dégager cette ambiance très particulière, faite de stars, de luxe, de show… Cette introduction était donc utile 117 Cf. Annexes p.49-50 Cf. Annexes p.51-52 119 Cf. Clip Youtube : http://www.youtube.com/watch?v=pATs8H1eQkU 120 Cf. Annexes p.53 118 44 pour la lecture longue qui a suivi, puisqu’elle a contribué à éclairer le contexte de l’intrigue et à poser le cadre du livre. 3.2.4. Compréhension écrite et orale : Lecture longue La dernière partie de la séquence « Cinéma » portait sur le livre Une star en danger121. Ce roman de jeunesse présente une intrigue policière qui se déroule pendant le Festival de Cannes et à laquelle se trouvent mêlés les deux personnages principaux. Le livre a été étudié sous forme d’activités de compréhension écrite et orale portant à chaque fois sur un chapitre entier. Certains chapitres servaient d’entraînement à la lecture ou à l’écoute, alors que d’autres comptaient pour l’évaluation certificative en compréhension écrite et orale. En élaborant les questionnaires122, j’ai essayé de varier les types de questions (questions ouvertes et QCM, questions générales et détaillés, portant sur le sens de l’histoire et sur le lexique,…) et j’ai veillé à faire en sorte de présenter le même genre de questions pour les chapitres servant d’entraînement que pour ceux comptant comme devoirs en classe. 3.2.5. Voyage : « Les Étoiles du Rex » Les activités réalisées en cours sur la thématique du cinéma ont été élaborées comme préparation au parcours interactif « Les Étoiles du Rex », car pour la réussite de cette activité, il était important que les élèves aient des connaissances de base sur le lexique relatif au cinéma. En effet, tout au long du parcours, les élèves étaient guidés par une voix donnant des informations et des instructions par haut-parleur et ils pouvaient donc compter uniquement sur cette voix pour savoir où aller et que faire. Pendant qu’ils suivaient l’itinéraire à 121 122 HATUEL, Domitille : Une star en danger Cf. Annexes p.57-70 45 travers le Grand Rex, ils recevaient des explications sur les endroits qu’ils découvraient et sur les différents métiers liés à l’univers du cinéma, puis ils se sont glissés eux-mêmes tour à tour dans le rôle des figurants, du réalisateur, des acteurs pour interpréter des scènes, participer à la mise en place des effets spéciaux, réaliser des prises de voix pour la synchronisation,… Grâce à la préparation réalisée en classe, les élèves n’avaient pas de problèmes de compréhension et pouvaient donc profiter pleinement de cette activité qui a d’ailleurs réussi à passionner l’ensemble de la classe. 46 3.3. Séquence « Paris » La séquence de travail portant sur la ville de Paris représentait évidemment la séquence la plus développée du point de vue de la durée, mais également la plus aboutie en ce qui concerne l’enlacement des différentes activités et des différentes compétences. Le vocabulaire étudié pendant cette séquence portait essentiellement sur le sujet des transports en commun (en vue du voyage en TGV pour se rendre à Paris et du déplacement en métro à l’intérieur de la capitale) et sur celui de la découverte d’une ville. Tout au long de la séquence, cette étude du vocabulaire a été combinée avec un apprentissage socioculturel sur la capitale française, ainsi qu’un travail sur les quatre compétences et différents points grammaticaux. 3.3.1. Compréhension écrite : Lecture longue La séquence a été initiée par une lecture longue portant sur le livre Poursuite dans Paris123. Ce roman a donné lieu à une activité de compréhension écrite sous forme d’un dossier de travail à réaliser à domicile pendant les vacances de février. Il présente une intrigue s’approchant du récit policier (deux jeunes se trouvent mêlés par hasard à une mystérieuse affaire qu’ils tentent alors de résoudre) et se déroulant à Paris, notamment dans le réseau du métro parisien. J’ai choisi d’élaborer un questionnaire contenant surtout des questions générales, portant sur l’ensemble du texte. Le questionnaire124 comportait deux grandes parties. D’un côté, il y avait différentes questions portant sur les deux personnages principaux et sur leur comportement tout au long de l’aventure. Le but de ces questions était de pousser les élèves à adopter une vision globale de l’œuvre et des personnages. Il s’agissait de les entraîner à une stratégie de lecture différente 123 124 GERRIER, Nicolas : Poursuite dans Paris Cf. Annexes p.73-78 47 de celle appliquée pendant la lecture du roman Rencontres en haut de la tour Eiffel, où les élèves avaient dû répondre à un questionnaire visant la lecture détaillée. Ensuite, venait une activité qui présentait des photos de différents lieux parisiens où se déroulent les événements principaux du livre. Les élèves devaient alors indiquer le nom des lieux représentés, retrouver l’ordre dans lequel ils apparaissaient dans l’histoire et expliquer ce qui s’y passait au niveau de l’intrigue. L’objectif de cette activité était de combiner l’étude du texte avec la connaissance de certains lieux parisiens et une première approche de l’univers du métro. 3.3.2. Compréhension écrite : Textes Ensuite, la séquence comportait toute une série de textes qui ont été traités sous forme d’activités de compréhension écrite. J’ai moi-même élaboré les documents étudiés en cours à partir d’informations recherchées sur Internet et dans différents livres et guides touristiques. Ces documents ont été conçus dans le but de familiariser les élèves avec la capitale française en réalisant une présentation globale de Paris, en évoquant quelques particularités de la ville et en leur donnant quelques notions historiques sur ses origines et son développement au fil des siècles.125 La difficulté était de travailler sur cette série de textes en réussissant à diversifier les procédés d’étude, afin de d’éviter l’ennui entraîné par des activités trop répétitives. Le premier texte, intitulé simplement « Paris » 126 , était une présentation générale de la ville, et la bonne compréhension du texte devait permettre aux 125 Initialement, j’avais prévu de me servir de textes authentiques et j’avais pensé utiliser notamment des extraits de guides touristiques, mais j’ai laissé tomber cette idée en raison de deux problèmes. Tout d’abord, le niveau de langue de ces documents était beaucoup trop e élevé pour mes élèves de 8 . Ensuite, le contenu, très détaillé et centré essentiellement sur des données historiques, architecturales,… dépassait largement les compétences des élèves, ne correspondait pas forcément à leurs centres d’intérêt, et ne présentait pas non plus les informations permettant de répondre à mon objectif d’une présentation globale de la capitale française. 126 Cf. Annexes p.81-82 48 élèves de compléter une carte de la capitale en insérant le numéro des arrondissements, le nom du fleuve traversant Paris, le nom des îles et celui des grands bois parisiens, ainsi que la division rive gauche / rive droite. Le texte intitulé « Se déplacer à Paris »127 présentait la capitale du point de vue des moyens de transports. Il était accompagné de questions de compréhension exigeant que les élèves ne s’intéressent pas uniquement au texte, mais qu’ils analysent également les documents visuels qui l’accompagnaient. Ce texte, ainsi que le suivant, faisait déjà le lien avec la séquence de vocabulaire portant sur les moyens de transports et comportait déjà un certain nombre d’expressions à apprendre ultérieurement. Le texte « Le métro parisien »128 présentait ce moyen de transport si typique d’une grande métropole comme Paris. Le questionnaire comportait deux types de questions. D’un côté, il y avait les questions « Vrai / Faux » demandant aux élèves de se pencher sur les détails du texte. D’un autre côté, il y avait des questions d’interprétation, demandant notamment l’interprétation du logo de la RATP et l’interprétation de différentes métaphores contenues dans le texte (p.ex. Pourquoi compare-t-on le réseau du métro parisien à une toile d’araignée ? Pourquoi peut-on dire que ce réseau ressemble à un labyrinthe ?). L’objectif de ce dernier type de questions était de pousser les élèves à expliquer des images, sans que cette interprétation soit donnée explicitement dans le texte. L’étude du texte « Quelques curiosités du métro parisien »129 exigeait non seulement un travail de compréhension, mais aussi un travail de mémorisation. En effet, les élèves devaient d’abord lire le texte, sans connaître les questions, puis ils devaient le mettre de côté et répondre aux questions en essayant de se souvenir de ce qu’ils avaient lu. Dans un deuxième temps, ils devaient se concentrer sur la dernière partie du texte, « La décoration des stations »130, 127 Cf. Annexes p.83-84 Cf. Annexes p.85-90 129 Cf. Annexes p.91--94 130 Cf. Annexes p.92 128 49 laissée de côté jusque-là. Ils ont alors reçu des fiches131 présentant des photos des différentes stations évoquées dans le texte et, grâce aux informations que le texte donnait sur les stations, ils devaient retrouver le nom de chaque station représentée. L’étude de cet ensemble de textes devait servir d’entraînement pour la partie « Compréhension écrite » des devoirs en classe qui ont suivi. Ces tests de compréhension portaient sur un texte intitulé « L’Histoire de Paris »132, destiné à donner aux élèves quelques notions historiques sur les origines et le développement de la ville, et sur un texte dédié aux bouquinistes133, destiné à leur faire connaître cette curiosité parisienne. Les devoirs reprenaient les mêmes types de questions que ceux utilisés pour les textes d’entraînement, à savoir des questions « Vrai/Faux », des questions d’analyse et des questions d’interprétation. 3.3.3. Séquence de vocabulaire : Les moyens de transport La première partie134 de la séquence de vocabulaire sur les moyens de transport portait essentiellement sur la thématique du voyage en train. A travers les trois premiers exercices135 du document de travail, il s’agissait de familiariser les élèves avec les expressions et leur sens. Le quatrième exercice136 les poussait à analyser un vrai billet de train et devait leur permettre de comprendre les différentes informations figurant sur un tel document. Les activités suivantes présentaient les expressions cibles en contexte. Il s’agissait d’un texte à trous137 présentant un dialogue qui se déroule au guichet d’une gare, dialogue que les élèves devaient compléter en se servant des questions proposées. Ensuite, ils se voyaient présenter le même texte (mais avec d’autres passages manquants)138 et ils devaient à la fois se baser sur leur 131 Cf. Annexes p.95-99 Cf. Annexes p.103-109 133 Cf. Annexes p.111-112 134 Cf. Annexes p.115-116 135 Cf. Annexes p.117 136 Cf. Annexes p.118 137 Cf. Annexes p.119 138 Cf. Annexes p.120 132 50 compréhension des différentes expressions et sur leurs facultés de mémorisation pour compléter le dialogue en essayant de rester le plus proche possible de la conversation originale. La deuxième partie139 de la séquence de vocabulaire sur les moyens de transport était consacrée au métro. Il s’agissait ici de familiariser les élèves autant avec le vocabulaire du métro qu’avec son fonctionnement, puisque ce moyen de transport était encore inconnu à la majeure partie de la classe. Le premier exercice140 présentait une série de photos et les élèves devaient à chaque fois reconnaître et nommer ce qui était montré. Cet exercice proposait également un extrait d’un plan de métro141. Ici, il ne s’agissait pas seulement de demander aux élèves de nommer les différents éléments présentés sur le plan, mais également de les familiariser avec le fonctionnement d’un tel plan et de leur expliquer comment s’en servir. En effet, chaque élève a, par la suite, reçu un plan "de poche" du métro parisien et ils ont alors dû travailler en binôme avec ce plan pour répondre à toute une série de questions142. Au-delà du simple exercice de vocabulaire, cette activité avait comme but d’apprendre aux élèves à se servir du plan du métro afin que, une fois sur place, ils soient capables par eux-mêmes de trouver les lignes à prendre, de chercher les trajets les plus courts, les correspondances les plus faciles, etc. En effet, mon objectif était qu’à Paris ce ne soit pas moi qui guide les élèves à travers le métro en leur demandant simplement de me suivre, mais j’avais l’intention de les inciter à trouver euxmêmes de quelle manière atteindre la destination souhaitée. Voilà pourquoi cet exercice a été suivi par plusieurs activités d’expression orale au cours desquelles j’indiquais aux élèves le point de départ et le point d’arrivée, avant de leur demander de m’expliquer quelle ligne et quelle direction il fallait prendre, où il fallait descendre, quelle correspondance il fallait utiliser, etc. 139 Cf. Annexes p.121-122 Cf. Annexes p.123-124 141 Cf. Annexes p.124 142 Cf. Annexes p.125 140 51 3.3.4. Séquence de vocabulaire : Découvrir une ville La séquence de vocabulaire intitulée « Découvrir la ville »143 portait sur les expressions en rapport avec la découverte touristique d’une ville et avec la façon de s’y repérer, respectivement la manière d’indiquer le chemin à quelqu’un d’autre. Tous les exercices de cette séquence présentaient les expressions en contexte. La séquence a commencé par une activité de compréhension orale 144. Les élèves se sont vu distribuer un dialogue dans lequel il manquait une série d’expressions servant à indiquer le chemin à quelqu’un d’autre. Il leur revenait alors de compléter le dialogue grâce à l’écoute du dialogue. La deuxième activité145 était un exercice de compréhension écrite qui poussait en même temps les élèves à se repérer sur un plan de Paris. En dessous de l’extrait de plan, se trouvait l’explication d’un chemin à suivre et les élèves étaient chargés de dessiner ce chemin sur le plan et d’indiquer quel était le point d’arrivée. Par la suite, j’ai distribué aux élèves un plan touristique de la ville de Paris et nous avons réalisé différentes activités leur demandant d’utiliser ce plan. Moimême ou l’un des élèves décrivait, par exemple, oralement un chemin et la classe devait le suivre sur la carte et indiquer ensuite où le trajet se terminait. Ou alors je donnais un point de départ et un point d’arrivée et les élèves devaient m’expliquer oralement quel chemin il fallait emprunter pour atteindre le but fixé. Ces activités combinaient plusieurs objectifs, à savoir : amener les élèves à se servir des expressions cibles, à s’exprimer oralement de façon spontanée et à se familiariser avec le plan de Paris. Le texte intitulé « A l’Office de Tourisme »146 présentait un dialogue dans lequel un touriste vient s’informer sur Paris et ses attractions. Il s’agissait d’un exercice à trous traditionnel exigeant à la fois un travail de compréhension écrite et une maîtrise du vocabulaire. En effet, les élèves devaient comprendre 143 Cf. Annexes p.129-131 Cf. Annexes p.133 145 Cf. Annexes p.134 146 Cf. Annexes p.135-136 144 52 le contexte, puis se servir de la liste d’expressions à apprendre pour réussir à compléter le dialogue. En même temps, ce texte fournissait à la classe une série d’informations sur les principaux monuments et attractions de Paris. Les élèves ont, par la suite, reçu une fiche147 avec des photos représentant ces monuments et ils ont alors dû prouver qu’ils avaient compris les explications de l’employé de l’Office de tourisme en associant à chaque photo le nom de ce qui était représenté. 3.3.5. Grammaire : L’interrogation par inversion Parallèlement à l’unité de travail sur Paris, les élèves ont étudié le point grammatical de l’interrogation par inversion. Dans ce contexte, j’ai essayé de réaliser une étude grammaticale en contexte et d’établir un lien entre la grammaire et la séquence sur Paris. Tout d’abord, j’ai choisi de placer les exemples de plusieurs exercices d’entraînement148 dans le contexte des moyens de transport. De cette façon, les élèves ont travaillé le point grammatical de l’interrogation tout en se familiarisant avec le vocabulaire à apprendre. Ensuite, ils ont dû réaliser une activité149 combinant l’interrogation par inversion et le travail avec le plan de la ville de Paris. Cet exercice présentait à chaque fois deux réponses, du type « Oui, la cathédrale Notre-Dame de Paris se trouve sur l’île de la Cité. » et « Non, la cathédrale Notre-Dame de Paris ne se trouve pas sur l’île de la Cité. » Les élèves ont alors dû formuler la question qui convenait en utilisant l’interrogation sans « est-ce que ». Puis, ils ont dû consulter leur plan de Paris pour pouvoir cocher la bonne réponse. Cet exercice a été suivi d’une activité d’expression orale : les élèves devaient, à tour de rôle, formuler une question par rapport à Paris et le reste de la classe devait alors consulter son plan pour trouver la réponse. J’ai également profité 147 Cf. Annexes p.137-138 Cf. Annexes p.141-146 149 Cf. Annexes p.147-148 148 53 de cette activité pour fournir oralement aux élèves quelques informations sur les monuments et quartiers évoqués. 3.3.6. Expression écrite : Contextualisation de la grammaire et du vocabulaire A la fin de la séquence sur Paris, les élèves étaient chargés de réaliser un exercice d’expression écrite150 leur demandant de combiner le point grammatical et le lexique qu’ils venaient d’étudier. Les élèves ont dû inventer un dialogue se déroulant à l’office de tourisme de Luxembourg et y intégrer les expressions étudiées au cours de la séquence. Afin d’établir un lien avec l’étude grammaticale, le dialogue devait comporter un certain nombre de questions recourant à l’interrogation par inversion. J’ai choisi délibérément de faire porter le dialogue sur la ville de Luxembourg et non sur Paris, puisque j’estimais que les élèves ne connaissaient pas encore assez la capitale française et risquaient donc d’imiter de trop près le dialogue présenté dans la séquence d’entraînement. En plus, cette activité les poussait à s’intéresser à leur propre capitale et, le cas échéant, à faire des recherches sur ses intérêts touristiques. 3.3.7. Expression orale Pour clôturer les apprentissages de la séquence « Paris », j’ai fait réaliser un certain nombre d’activités d’expression orale dans lesquels il s’agissait de mettre en pratique les nouveaux acquis. En effet, les élèves devaient représenter, sous forme de jeux de rôles, des dialogues liés à différentes situations rencontrées au cours de la séquence, par exemple : demander son chemin à un passant, aller acheter son billet au guichet d’une gare, aller se renseigner sur une ville à l’office de tourisme, demander des explications sur le fonctionnement du métro, entamer une discussion sur le cinéma, etc. 150 Cf. Annexes p.151-152 54 Pour réaliser ces activités, les élèves devaient mobiliser leurs nouvelles connaissances relatives au lexique, à la grammaire et aux données socioculturelles travaillées au cours de la séquence. La difficulté résidait dans le fait qu’ils ne disposaient que d’un temps de préparation très réduit et qu’ils devaient donc se montrer capables d’utiliser les nouveaux acquis de façon spontanée. Cette façon de travailler permettait donc de rapprocher les situations d’apprentissage davantage des situations de communication réelles et le côté ludique des activités a contribué à motiver les élèves. 3.3.8. Devoir en classe : Grammaire et vocabulaire en contexte Les exercices du devoir en classe portant sur la séquence « Paris » passaient par une mise en contexte de la grammaire et du vocabulaire. Ainsi, les élèves étaient, par exemple, amenés à compléter un dialogue151 se déroulant au guichet d’une gare, dans lequel il manquait un certain nombre de questions. Les élèves devaient alors interpréter le contexte pour comprendre quelles questions convenaient, ils devaient formuler les questions correctement en utilisant l’interrogation par inversion et ils devaient maîtriser le vocabulaire afin de saisir le contexte et de trouver les bonnes expressions à placer. Ensuite, le vocabulaire était testé dans deux exercices à trous en combinaison avec des reproductions de plans. Le premier exercice152 présentait l’explication d’une personne indiquant le chemin pour se rendre au Musée de Cluny à partir de la Place de la Bastille et, en se servant de l’extrait du plan de Paris, les élèves ont dû compléter le texte grâce aux expressions étudiées. Le deuxième exercice à trous153 présentait un dialogue portant sur le métro. En se servant de l’extrait du plan du métro, les élèves ont dû compléter le texte grâce aux expressions étudiées, ce qui exigeait d’eux à la fois la maîtrise du vocabulaire et la capacité d’interpréter le plan du métro. 151 Cf. Annexes p.155 Cf. Annexes p.156 153 Cf. Annexes p.156 152 55 Finalement, les élèves ont dû rédiger le même type d’expression écrite que celui des leçons d’entraînement, à savoir un dialogue154 se déroulant à l’office de tourisme. La consigne leur demandait d’intégrer dans leur texte un certain nombre d’interrogations par inversion et une série d’expressions appartenant au vocabulaire à apprendre, qui leur a été dictée. Les élèves devaient donc mettre en œuvre différentes compétences lexicales et grammaticales et prouver également qu’ils étaient capables de présenter un dialogue adapté à la situation dans laquelle il s’écrivait. 3.3.9. Révision Etant donné que le départ pour Paris allait avoir lieu pendant la première semaine du troisième trimestre, j’ai voulu pousser les élèves à reprendre, au cours des vacances de Pâques, les différents documents sur Paris et à revoir le vocabulaire étudié afin que, au moment du voyage, ils aient en tête toutes ces informations. A cette fin, je leur ai donné à remplir, pendant les vacances, une fiche de « révision »155 avec des questions portant sur l’ensemble des séquences thématiques liées au voyage à Paris. Après les vacances, la correction de cette fiche a encore été suivie de la projection d’un "diaporama" de différentes photos en rapport avec les documents étudiés au cours de la séquence. Les photos ont été projetées à un rythme assez soutenu et les élèves devaient à chaque fois reconnaître et indiquer (exceptionnellement sans devoir lever le doigt !) ce qui était représenté. Ensuite, les photos ont été projetées une deuxième fois, mais cette fois-ci avec un arrêt sur chacune d’entre elles et les élèves étaient alors invités à citer toutes les informations qu’ils avaient retenues sur le monument, quartier,… représenté. Le but de cette activité était de réactiver les différents apprentissages acquis au cours du deuxième trimestre. 154 155 Cf. Annexes p.157-160 Cf. Annexes p.163-164 56 3.3.10. Voyage : Dossier de travail Comme il ne m’est pas possible de décrire ici l’ensemble des activités réalisées à Paris (dont on peut avoir un aperçu grâce au programme du séjour destiné aux élèves156 que j’ai rajouté aux annexes), je me contenterai d’évoquer les différentes fiches de travail que j’avais élaborées au préalable et que les élèves ont complétées pendant le séjour. Au cours du voyage, les élèves étaient en effet amenés à réaliser un certain nombre d’activités dont le but était de favoriser à la fois la découverte du patrimoine de la capitale française et de provoquer des situations de communication. Le jour du départ pour Paris, j’ai divisé la classe en quatre groupes et chaque groupe a reçu un dossier contenant les fiches de travail. J’ai expliqué aux élèves qu’ils devaient constamment garder sur eux ce dossier puisqu’ils allaient rencontrer tout au long du séjour les informations leur permettant de répondre aux questions et de compléter les différentes fiches. Au retour du voyage, j’ai récupéré tous les dossiers afin de contrôler les résultats et j’ai annoncé le nom du groupe vainqueur à la classe. La fiche intitulée « Balade-photo dans Paris »157 proposait aux élèves une série de photos représentant des sculptures, des détails de monuments, des perspectives particulières,… et les élèves étaient, par exemple, chargés de reconnaître où la photo avait été prise, ce qu’elle représentait, comment s’appelait l’artiste ayant créé la sculpture, etc. J’avais choisi ces photos en accord avec les itinéraires que j’avais prévu de suivre avec la classe, de sorte que je savais que les élèves allaient trouver les réponses aux questions pendant leur séjour. Cette activité faisait appel aux capacités d’observation des élèves et devait les pousser à visiter la ville en prêtant attention aux détails. La fiche intitulée « Questionnaire assisté »158 contenait un ensemble de questions portant sur des éléments de culture générale qui dépassaient les 156 Cf. Annexes p.167-168 Cf. Annexes p.171-173 158 Cf. Annexes p.175 157 57 connaissances habituelles des élèves, mais qu’un Français devrait normalement connaître. Pour compléter la fiche, les jeunes étaient donc obligés d’aller à la rencontre des passants afin d’obtenir d’eux les réponses aux questions posées. L’objectif de l’activité était bien sûr d’amener les élèves à communiquer avec les gens rencontrés dans la rue, tout en les familiarisant avec certaines notions culturelles françaises. Le dernier jour du voyage, les élèves ont réalisé un "rallye-découverte" à la Cité internationale universitaire. Il s’agissait d’une sorte de jeu de piste que j’avais organisé dans l’enceinte de ce campus gigantesque hébergeant des étudiants venus du monde entier. Chaque groupe a reçu un plan du campus159, sur lequel j’avais dessiné un parcours qui faisait traverser les mêmes endroits à l’ensemble des groupes, mais qui avait à chaque fois un point de départ et un itinéraire différents afin que les groupes ne se retrouvent pas en même temps aux mêmes endroits. Le questionnaire comportait différentes parties qu’il fallait compléter au fur et à mesure du parcours. La première partie160 était consacrée aux différents bâtiments du campus, sachant que les maisons des différentes nationalités présentent à chaque fois une architecture très particulière, souvent en accord avec le style typique du pays. Cette partie du questionnaire présentait d’abord une série de photos montrant les entrées de différentes maisons et les élèves devaient alors indiquer à quelle maison ces entrées appartenaient, puis une série de photos montrant différents bâtiments et les élèves devaient alors indiquer le nom de ces maisons. 159 160 Cf. Annexes p.189 Cf. Annexes p.177-180 58 La deuxième partie161 du questionnaire était dédiée aux nombreuses statues et sculptures qui jalonnent les chemins traversant le campus. Les élèves devaient soit trouver les statues montrées sur les photos de leur dossier pour pouvoir noter le nom de la personne représentée ou de l’artiste qui l’a créée, soit dessiner les sculptures dont leur fiche indiquait le nom ou bien l’emplacement. La troisième partie162 du questionnaire était consacrée à la Maison internationale, le bâtiment central abritant les parties communes (bibliothèque, théâtre, restaurant universitaire,…) destinées à l’ensemble des résidents de la Cité universitaire. Cette fiche comportait un ensemble de questions exigeant des élèves de parcourir l’ensemble du bâtiment, de s’y repérer, pour aller collecter un certain nombre d’informations, de dépliants, etc. La dernière partie163 du questionnaire, intitulée « Interrogatoire », devait permettre aux élèves de s’informer sur la Cité universitaire en allant à la rencontre de certains de ses employés. En effet, les groupes devaient entrer dans les différentes maisons indiquées et interroger à chaque fois la personne chargée de l’accueil afin d’obtenir les réponses aux questions du dossier. Il s’agissait là de questions générales portant sur le fonctionnement de la Cité universitaire et de certaines de ses maisons, entre autres la plus ancienne du campus et celle accueillant les étudiants luxembourgeois. En préparant le rallye-découverte, j’avais mis au point ce questionnaire en collaboration avec les employés des différentes maisons, afin d’être sûre que les élèves puissent effectivement y obtenir les réponses dont ils avaient besoin. Cette activité leur a permis de saisir quelques notions sur l’histoire et la mission de ce campus universitaire si particulier, tout en les amenant à communiquer avec des personnes y travaillant. 161 Cf. Annexes p.181-182 Cf. Annexes p.183 163 Cf. Annexes p.185-187 162 59 3.3.11. Exploitation du voyage 3.3.11.1. Expression écrite : Carnet de voyage Le lendemain de notre retour de Paris, j’ai demandé aux élèves de compléter un carnet de voyage qui devait leur permettre de retenir leurs souvenirs et leurs impressions concernant le voyage qu’ils venaient d’effectuer. Sur la première page164 du document, ils pouvaient coller les différents tickets d’entrée, de métro… qu’ils avaient accumulés au cours du voyage. La deuxième partie165 du carnet présentait une série de questions permettant aux élèves d’exprimer leurs préférences par rapport aux visites effectuées, aux monuments aperçus, aux balades réalisées… La troisième partie166 leur demandait de choisir deux photos parmi celles qu’ils avaient prises et d’expliquer ce qu’on y voyait et pourquoi ils avaient choisi ces photos-là. La quatrième partie167 du document proposait des débuts de phrases en relation avec le voyage effectué et les élèves étaient chargés de compléter ces phrases comme bon leur semblait. Sur la dernière page168 de leur carnet, ils pouvaient réunir la signature de toutes les personnes qui avaient participé au voyage. Les élèves ont d’abord rédigé une version provisoire169, qu’ils m’ont remise pour que je la corrige, et ensuite seulement ils ont complété la version définitive170. De cette façon, ils pouvaient garder comme souvenir un texte (plus ou moins) correct. 3.3.11.2. Fiche de contrôle Alors que, la semaine suivant le séjour à Paris, j’étais absente pour un cours de ma 8e (en raison du voyage à Strasbourg réalisé avec la classe de Monsieur Schmit), j’ai profité de cette leçon pour faire réaliser aux élèves une sorte de contrôle des connaissances acquises au cours du séjour. Sous la vigilance d’un surveillant du lycée, les élèves alors ont dû recomposer les différents 164 Cf. Annexes p.210 Cf. Annexes p.211-212 166 Cf. Annexes p.213-214 167 Cf. Annexes p.215 168 Cf. Annexes p.216 169 Cf. Annexes p.193-205 170 Cf. Annexes p.209-223 165 60 groupes qui avaient été formés au début du voyage pour la réalisation du dossier de travail, car la fiche qu’ils devaient compléter pendant mon absence constituait la dernière partie de ce dossier. Cette fiche171, intitulée « Connaître Paris », présentait une série de questions portant sur la capitale française. Pendant notre séjour à Paris, j’ai en effet joué le rôle de "guide" et, lors de nombreuses visites et balades, j’ai transmis aux élèves des informations ou anecdotes concernant les différents monuments ou quartiers. L’objectif de la fiche de travail était de vérifier jusqu’à quel point les élèves avaient compris et retenu ces explications. De ce fait, même si l’activité a eu lieu dans le CDI du lycée, les élèves n’avaient pas le droit de consulter des livres pour trouver les réponses, mais pouvaient compter uniquement sur les connaissances et souvenirs des différents membres du groupe. 3.3.11.3. Expression orale : Exposés Quelques semaines après le voyage, a eu lieu une « Journée-présentation Paris/Strasbourg » regroupant ma classe et celle du Lycée des arts et métiers qui avait entrepris le voyage à Strasbourg avec Monsieur Schmit. A cette occasion, j’avais réservé la grande salle des fêtes de mon lycée et les élèves du Lycée des arts et métiers sont venus nous y rejoindre en début de matinée. Au cours de cette journée, chaque classe était chargée de présenter son voyage et la ville visitée aux élèves de l’autre lycée. Cette présentation a été faite sous forme d’une série d’exposés172 réalisés en petits groupes, d’après un système qui se rapproche de la méthode du « Stationenlernen »173, avec les groupes d’une classe passant d’un atelier à l’autre pour écouter à chaque fois un exposé présenté par un groupe d’élèves de l’autre classe. Mes élèves 171 Cf. Annexes p.237-238 Cf. Annexes p.242-259 173 Cette méthode implique généralement que les différentes tâches à réaliser par les élèves se trouvent réparties sur plusieurs « ateliers » se situant à divers endroits de la pièce et les élèves sont alors invités à accomplir ces tâches l’une après l’autre, en passant d’un atelier à l’autre. 172 61 ont commencé avec la présentation de leur voyage à Paris, puis c’était au tour de l’autre classe de présenter leur séjour à Strasbourg. A l’issue de l’ensemble des présentations, tous les élèves ont reçu un questionnaire portant sur le contenu des exposés auxquels ils avaient assisté, c’est-à-dire que mes élèves ont dû répondre à un questionnaire sur Strasbourg que Monsieur Schmit avait élaboré, alors que ses élèves ont dû compléter un questionnaire174 sur Paris que moi j’avais élaboré en me basant sur le contenu des dossiers de présentation que ma classe avait dû me remettre au préalable. Les questions posées n’étaient pas très difficiles. Les élèves ayant écouté attentivement les exposés étaient donc normalement capables de répondre à une bonne partie d’entre elles et pour trouver le reste, ils avaient le droit d’aller consulter les affiches qui avaient été réalisées comme support d’accompagnement pour les exposés. Le but de cette activité était de vérifier ce que les élèves avaient retenu et de les pousser à regarder plus en détail les différents panneaux de présentation réalisés par l’autre classe. 3.3.12. Compréhension écrite et orale, initiation à la "littérature comparée" Pour clôturer le travail sur « Paris », j’ai souhaité utiliser comme support pour une série d’activités de compréhension écrite et orale un texte ayant un rapport avec la culture littéraire française et j’ai donc choisi de travailler avec mes élèves sur Notre-Dame de Paris. Évidemment, vu le niveau des élèves, il était hors de question d’étudier le roman original de Victor Hugo et c’est donc une version simplifiée et raccourcie, adaptée à un public jeune,175 que nous avons étudiée. Bien que certaines personnes considèrent ce type de "vulgarisation" des chefs-d’œuvre littéraires comme un sacrilège, je suis moi-même d’avis que cela permet, en quelque sorte, de donner accès à ces grands classiques à un public qui, de toute façon, n’aurait sans doute jamais lu les œuvres originales. 174 175 Cf. Annexes p.261-262 HUGO, Victor / BONATO, Lucia : Notre-Dame de Paris 62 En plus, la version que j’ai choisie présente l’avantage de rester très fidèle à l’histoire imaginée par Victor Hugo, tant au niveau de l’intrigue qu’au niveau des personnages. Bien que le livre présente un certain nombre d’exercices de compréhension, j’ai décidé d’élaborer mes propres questionnaires, lesquels se devaient de viser les contenus qui étaient en rapport avec les activités prévues ultérieurement. Les premiers chapitres du livre ont servi de support pour le dernier devoir en classe du troisième trimestre. Le premier chapitre a été traité sous forme de compréhension orale grâce à un questionnaire176 qui se basait exclusivement sur le personnage de Quasimodo et son élection au titre de pape des fous. Le deuxième chapitre a été traité sous forme de compréhension écrite grâce à un questionnaire177 qui mettait l’accent sur les relations entre les différents personnages (Esméralda-Phoebus, Frollo-Quasimodo, Esméralda-Gringoire) et qui poussait en même temps à étudier cet endroit curieux qu’est la Cour des Miracles. La suite du livre a servi comme support de lecture, puisque les élèves devaient lire les différents chapitres à domicile. Etant donné que c’était la fin de l’année scolaire, j’ai voulu combiner cette lecture avec des activités un peu plus ludiques, c’est pourquoi j’ai choisi de réaliser avec ma classe quelques tentatives de littérature comparée. Pour cela, je me suis servie de deux adaptations assez particulières du roman de Victor Hugo, à savoir une adaptation filmique, le dessin animé de Disney Le Bossu de Notre-Dame178, et une adaptation scénique, la comédie musicale française Notre-Dame de Paris179. Il s’agissait d’amener les élèves à mettre en parallèle différentes scènes du livre avec les scènes correspondantes des adaptations, en leur demandant à la fois de découvrir les ressemblances et les différences entre les trois versions et de comprendre quels moyens les différents genres utilisaient pour essayer de faire passer leur message. A chaque fois, nous avons résumé 176 Cf. Annexes p.265 Cf. Annexes p.266-270 178 TROUSDALE, Gary / WISE, Kirk : Le Bossu de Notre-Dame, 179 PLAMONDON, Luc / COCCIANTE, Richard : Notre-Dame de Paris, 177 63 et expliqué oralement les chapitres que les élèves venaient de lire et ensuite nous sommes passés à la comparaison avec les deux adaptations. A ma grande surprise, les élèves se sont montrés particulièrement doués pour ce type d’exercice. Par rapport aux chapitres qui ont servi de base au devoir en classe, j’ai par exemple montré la scène du dessin animé montrant l’élection de Quasimodo au titre de pape des fous, avec la horde de gitans de la Cour des Miracles qui orchestrait ce spectacle. Les élèves ont alors très bien su retrouver les similitudes en ce qui concerne les réactions du public et de Quasimodo face à l’élection du bossu et ils ont parfaitement su dégager les différences entre les truands agressifs et répugnants du livre et la foule colorée, joyeuse et délirante du dessin animé. Ensuite, nous sommes passés à la comédie musicale, avec une scène intitulée « La Cour des miracles ». Les élèves ont tout de suite compris que la présentation des habitants de la Cour des Miracles était, ici, beaucoup plus proche du livre que celle réalisée par Disney. Lorsque je leur ai demandé de m’expliquer pourquoi ils avaient retrouvé dans cette scène les personnages tels qu’ils étaient décrits dans le livre, ils ont énuméré, à côté du texte de la chanson, les costumes, les expressions du visage des chanteurs et des danseurs, les mouvements agressifs de la chorégraphie, les gestes menaçants des acrobates, l’atmosphère créée par l’éclairage, etc. J’étais vraiment stupéfaite de constater à quel point les élèves étaient perspicaces dans la réalisation de ce type d’exercice d’analyse très particulier qu’ils n’avaient encore jamais pratiqué avant. Mais en réponse à ma surprise, ils m’ont expliqué qu’ils trouvaient ce genre d’activité beaucoup plus facile que l’analyse d’un texte puisque, pour la réaliser, on ne se heurtait pas à l’obstacle des problèmes de compréhension dues à « un texte trop difficile et plein de mots qu’on ne connaît pas ». En plus, la classe a beaucoup apprécié ce travail qui apportait une certaine diversité au cours grâce aux différents supports utilisés. 64 IV. Analyse Dans l’analyse que je me propose de réaliser ici, il ne s’agit pas d’évaluer les performances des élèves pour chercher à savoir si, du point de vue linguistique, ils ont appris davantage avec ce projet qu’ils ne l’auraient fait avec des séquences d’apprentissage "normales". En effet, même si en tant qu’enseignant on cherche évidemment toujours à créer des situations d’apprentissage favorisant le plus possible les progrès et la réussite des élèves, l’objectif principal de ce projet n’était pas de trouver une méthode permettant d’améliorer les résultats scolaires des élèves aux devoirs en classe, mais plutôt d’essayer d’enrichir cette conception nouvelle qu’est l’approche par compétences en la mettant en pratique dans un projet très spécifique. Au-delà des notes obtenues par les élèves aux divers moments d’évaluation, je chercherai donc plutôt à voir ce que cette façon de travailler a pu apporter en termes de contextualisation, d’apprentissages socioculturels, de motivation, d’influence sur l’attitude des élèves face au français, etc. Sans se focaliser sur les résultats scolaires obtenus par les élèves, l’analyse qui suit tentera donc de répondre aux questions : - Qu’est-ce que ce projet a apporté aux élèves ? - En quoi a-t-il pu enrichir l’enseignement ? - En quoi a-t-il pu favoriser l’apprentissage ? - Quelles difficultés se sont posées ? » 65 4.1. L’approche par compétences 4.1.1. Relier les différentes activités langagières Lorsqu’on utilise l’approche par compétences pour aborder l’enseignement d’une langue, surtout si on n’a pas vraiment la possibilité de s’appuyer sur un manuel, il s’avère parfois difficile d’éviter un travail trop disparate sur les différentes compétences. En effet, il arrive souvent que l’enseignant mette en place un certain nombre d’activités dans chacune des quatre compétences, mais sans qu’il existe véritablement de lien entre les différentes activités réalisées. Or, les spécialistes s’accordent à souligner que « [l’]’enseignement de la langue dans une approche par compétences devient particulièrement fructueux et motivant lorsque l’enseignant s’efforce de relier entre elles les différentes activités langagières. »180 En centrant mes séquences de travail sur certains sujets en rapport avec le voyage à effectuer, j’ai donc essayé d’éviter le problème de la fragmentation des apprentissages et d’établir une connexion entre les différentes activités langagières. Le projet présente ainsi l’avantage d’avoir combiné grammaire, vocabulaire, analyse de textes, lecture longue, activités d’écoute, travail sur documents et exposés oraux. Ces différentes activités étaient souvent complètement emmêlées et se trouvaient toutes insérées dans un ensemble thématique plus vaste. Par ailleurs, ce type de procédé présente l’avantage de pouvoir faciliter certains apprentissages. Ainsi, le fait de retrouver, dans les exercices de grammaire, le vocabulaire à apprendre a pu permettre aux élèves de retenir plus facilement les expressions en question ; la séquence de vocabulaire dédiée au cinéma a favorisé la compréhension du livre portant sur le même sujet ; la lecture d’une histoire mettant en évidence l’univers du métro a permis aux élèves d’apprendre les différents termes liés à ce moyen de transport encore inconnu en les attachant à une représentation plus 180 MENFP : « Horaires et programmes », p.2 66 concrète,… Par après, les productions finales, écrites et orales, ont poussé les élèves à la fois à recourir au vocabulaire étudié, à imiter les types de texte analysés, à mettre en pratique le point grammatical de l’inversion, à se référer à différentes informations sur Paris, etc. Ces productions se sont donc nourries des nouveaux acquis grammaticaux, lexicaux et socioculturels et ils ont amené les élèves à combiner ces différents éléments, faisant ainsi fonction de « lieu d’intégration des savoirs construits et exercés »181 Rolland Viau souligne l’importance de cet entrelacement des différentes activités qui permet, selon lui, de rendre ces dernières plus significatives aux yeux des élèves : « une activité doit être intégrée à d’autres activités, c’est-à-dire qu’elle doit s’inscrire dans une séquence logique. Pour que l’élève perçoive la valeur d’une activité, il faut qu’il puisse facilement constater que cette dernière est directement reliée à celle qu’il vient d’accomplir et à celle qui suivra »182. Ainsi, le projet en question a également pu contribuer à mettre en évidence le fait que les différentes activités langagières forment un tout et que la maîtrise d’un élément est souvent lié étroitement à la maîtrise d’un autre. 4.1.2. La grammaire en contexte, associée à d’autres activités Le fait de traiter la grammaire davantage en contexte et d’associer le travail grammatical à d’autres activités a clairement favorisé l’intérêt des élèves. En effet, lorsque les points grammaticaux sont liés à d’autres activités, les élèves se montrent souvent plus motivés que lors d’exercices exclusivement grammaticaux, souvent très répétitifs, traitant la grammaire hors contexte. Rolland Viau souligne ainsi que, pour qu’elle soit motivante aux yeux des élèves, une activité doit être diversifiée. Selon lui, « la diversité doit d’abord se retrouver dans le nombre de tâches à accomplir dans le cadre d’une même activité. Lorsqu’elle nécessite l’exécution d’une seule tâche (p.ex. l’application répétitive d’une équation ou d’une règle de grammaire), elle est généralement 181 182 DOLZ, Joquim / SCHNEUWLY, Bernard : Op.cit., p.94 VIAU, Rolland : La motivation à apprendre en milieu scolaire, p.139 67 peu motivante aux yeux des élèves »183. D’ailleurs, les différentes activités d’apprentissage elles-mêmes se doivent également d’être variées, car la répétition d’une même activité peut être source de démobilisation pour les élèves. Ainsi, l’association des exercices d’application grammaticale à des activités très différentes, comme le travail avec la biographie de célèbres scientifiques ou le travail de recherche effectué avec un plan de Paris, a pu enlever le caractère répétitif et routinier qui colle encore souvent aux leçons consacrées au travail grammatical. Cependant, il me semble important de relever aussi un aspect plus problématique lié à cette façon de travailler. De fait, j’ai pu constater que mes élèves avaient généralement tendance à négliger l’aspect grammatical et à se focaliser avant tout sur les activités rattachées, qui leur semblaient plus intéressantes. Ce problème s’est manifesté à plusieurs reprises. Tel était le cas, par exemple, pour l’exercice184 qui présentait aux élèves des "définitions" de célèbres scientifiques, en leur demandant de compléter les textes par des pronoms relatifs et de se référer ensuite à la biographie des scientifiques pour découvrir à chaque fois de qui il s’agissait. La plupart des élèves se sont alors dépêchés de placer les pronoms relatifs, souvent sans vraiment réfléchir à l’exactitude grammaticale, pour pouvoir passer rapidement à l’activité de recherche qu’ils trouvaient plus amusante à faire. Une situation similaire s’est posée lorsque les élèves ont dû associer l’interrogation par inversion à un travail de recherche avec le plan de la ville de Paris185. Face au plaisir conféré par la recherche sur plan, le travail grammatical ne faisait pas vraiment le poids et a donc souvent été considéré comme une activité plus ennuyante dont il fallait se débarrasser avant de pouvoir passer à quelque chose de plus réjouissant. 183 VIAU, Rolland: La motivation à apprendre en milieu scolaire , p.139 Cf. Annexes p.25 et 27 185 Cf. Annexes p.147-148 184 68 Ainsi, ce genre d’exercice destiné à associer la grammaire à d’autres types d’activités implique souvent le danger que le travail grammatical ne soit pas vraiment accompli avec le sérieux nécessaire. Pierre Vianin évoque d’ailleurs ce type de risque lorsqu’il explique que, souvent, lorsqu’il s’agit de « transmettre des savoirs complexes, et souvent « indigestes », […] l’enseignant essaie de susciter la motivation chez les élèves en leur présentant, sous un emballage attractif, le « paquet » de connaissances que constitue le programme scolaire. Au risque parfois de voir les élèves jouer avec le papier de fête et oublier d’ouvrir le carton ! »186 D’un autre côté, le fait de traiter la grammaire en contexte présente l’avantage de ne pas couper la grammaire de la langue comme moyen de communication et de favoriser ainsi le transfert des connaissances. Jacques Tardif définit le transfert comme suit : « Essentiellement, le transfert des apprentissages fait référence à la mobilisation personnelle dans une tâche cible de connaissances construites et de compétences développées dans une tâche source. Il s’agit du mécanisme cognitif permettant à l’être humain de recontextualiser ce qui a été appris. Dans toutes les situations de transfert, chaque personne assume donc la responsabilité de mobiliser les connaissances et les compétences appropriées en vue de la réalisation judicieuse d’une tâche cible. »187 Ainsi, pendant les différentes activités d’expression réalisées en classe, les élèves étaient invités à recourir aux points grammaticaux étudiés au préalable et à les appliquer dans des contextes précis, au sein de situations de communication orale ou de productions écrites libres. La capacité à mobiliser les nouveaux acquis grammaticaux dans ce type d’activités, c’est-à-dire la capacité à transférer, devait prouver qu’il y avait eu une véritable assimilation de ces contenus. Cependant, dans les activités d’expression et au cours des devoirs en classe, je me suis rendu compte que, malgré le travail en contexte de la grammaire, ce transfert ne fonctionnait toujours pas chez un certain nombre d’élèves. Ceci se remarquait particulièrement dans le devoir portant sur l’interrogation 186 187 VIANIN, Pierre : La motivation scolaire. Comment susciter le désir d’apprendre ?, p.13 TARDIF, Jacques : Op.cit., p.211 69 par inversion. Les élèves avaient souvent bien travaillé dans l’exercice leur demandant uniquement de formuler des questions sans utiliser « est-ce que », or dans un exercice188 d’application plus complexe, exigeant une interprétation du contexte, la maîtrise du vocabulaire étudié et la maîtrise de l’interrogation par inversion, beaucoup d’élèves ont mal appliqué la règle grammaticale ou ont carrément oublié qu’ils n’avaient pas le droit d’utiliser « est-ce que ». Ainsi, on voit que, dans des activités exigeant la maîtrise d’une multitude de compétences, les élèves continuent souvent de négliger la correction grammaticale ou oublient de prendre en compte l’ensemble des consignes, preuve que le transfert ne fonctionne pas automatiquement, même lorsque, au préalable, il y a aussi eu un travail d’entraînement sur ce genre d’exercices plus complexes. Ceci pourrait être dû au fait que les élèves n’étaient pas assez concentrés ou se trouvaient dépassés par la multitude de savoir-faire à mettre en œuvre, comme c’est aussi le cas lors des rédactions et des exercices d’expression écrite où les élèves manquent souvent d’appliquer des points grammaticaux qu’ils ont pourtant appris et qu’ils maîtrisent lorsqu’on les interroge uniquement là-dessus. Cependant, on pourrait aussi associer ces erreurs au côté quelque peu artificiel que présentait l’exercice, malgré la mise en contexte dans une situation de communication. En effet, dans un "vrai" dialogue, personne ne vous impose l’emploi de l’interrogation par inversion et à l’oral, on aurait même plutôt tendance à utiliser l’interrogation avec « est-ce que » ou même l’interrogation par intonation. Ainsi, ce fait pourrait expliquer les erreurs commises dans cet exercice simulant un dialogue. Dans ce cas, se pose alors la question : comment vérifier la maîtrise de l’interrogation par inversion dans des exercices ouverts sans infliger aux élèves ce côté artificiel dû à l’évaluation de la maîtrise de ce point grammatical ? Peut-être touche-t-on ici aux limites de cette approche 188 Cf. Annexes p.155 70 communicative selon laquelle il faut insérer les différents apprentissages au sein de situations qu’elle souhaite le plus authentiques possible : peut-être que le côté artificiel n’est finalement pas toujours évitable à l’école. 4.1.3. Le transfert lexical Dans le cas du travail lexical, le transfert des connaissances a mieux fonctionné. En effet, dans les différentes productions écrites et orales, de même qu’au cours du voyage, les élèves ont souvent su tirer profit de leurs nouveaux acquis lexicaux. Ceci est sûrement lié au fait que ce lexique a été construit progressivement, au cours de séquences d’apprentissage assez développées qui présentaient différents types d’activités permettant aux élèves de se familiariser avec les expressions cibles. De fait, les séquences élaborées appliquaient la majeure partie des méthodes présentées dans le Cadre européen commun de référence pour les langues comme susceptibles de développer les compétences linguistiques des élèves, à savoir : - « la simple exposition à des mots et des locutions figées utilisés dans des textes authentiques oraux ou écrits » - « la présentation des mots en contexte, par exemple dans les textes des manuels scolaires et l’utilisation qui s’en suit dans des exercices, des activités d’exploitation, etc. » - « leur présentation accompagnée d’aides visuelles » - « la mémorisation de listes de mots, etc. avec leur traduction » - « l’exploration de champs sémantiques et lexicaux »189 L’association de ces différentes méthodes a ainsi permis une assimilation plus approfondie du nouveau lexique, ce qui a favorisé son réemploi dans les activités d’expression réalisées en classe, de même que dans les situations de communication réelles qui se sont présentées pendant le séjour à Paris. 189 CONSEIL DE L’EUROPE : Op.cit., p.115 71 Par ailleurs, à travers le travail avec le plan de Paris et le plan du métro, c’està-dire à travers l’emploi de documents authentiques qu’il faut savoir manipuler pour pouvoir se débrouiller dans la capitale française, les élèves ont su établir un lien entre les apprentissages qu’on leur proposait à l’école et les situations dans lesquelles ces apprentissages allaient leur servir. Ce rapprochement entre le travail scolaire et un contexte réel explique sûrement la réussite du transfert dans le domaine du travail lexical. En effet, Jacques Tardif souligne que « [l]e rapport pragmatique aux savoirs et aux informations requiert que les élèves développent la perception que leurs connaissances et compétences constituent des outils cognitifs mobilisables dans une pluralité de contextes et qu’elles sont viables en dehors des murs de l’école »190. Or, « il arrive fréquemment que des personnes ne parviennent pas à percevoir la transférabilité potentielle de leurs connaissances et de leurs compétences en présence de tâches cibles particulières »191. En effet, contrairement à une conception assez courante, ce n’est pas le lien objectif existant entre une tâche source (par exemple une activité d’apprentissage réalisée en classe) et une activité cible (par exemple une situation de communication réelle) qui contribue au transfert des connaissances, mais ce sont « [l]es caractéristiques que les élèves reconnaissent, subjectivement, à une tâche source et à une tâche cible [qui] déterminent les probabilités de transfert entre ces deux tâches »192. Dans le cas des activités réalisées dans le cadre de la préparation au voyage, les élèves ont très bien su établir le lien entre les deux contextes, ce qui a donc pu contribuer à la réussite du transfert des apprentissages. La bonne assimilation du travail lexical et la réussite du transfert entre la salle de classe et le voyage à Paris s’est, par exemple, manifesté par rapport au vocabulaire sur la thématique du cinéma. 190 TARDIF, Jacques : Op.cit., p.212 Ibid., p.211 192 Ibid., p.52 191 72 Au Grand Rex, la classe a été divisée en deux groupes pour réaliser le parcours interactif permettant de partir à la découverte des coulisses du cinéma, de sorte qu’en attendant leur tour, une partie des élèves a dû patienter un quart d’heure à l’entrée. Se rappelant à ce fonctionnement savoir une moment-là de voix le l’activité, donnant à les instructions et les informations par haut-parleur, certains se sont inquiétés de savoir s’ils allaient tout comprendre et ont commencé à réfléchir aux expressions sur le cinéma vues en classe. Ils se sont alors lancés dans une sorte de révision collective assez amusante qui ressemblait à un appel au tableau pour une interrogation sur le vocabulaire, sauf que les élèves s’interrogeaient mutuellement et qu’ils joignaient leurs efforts pour chercher les réponses. En tout cas, ils ont réussi à trouver la totalité des expressions et n’avaient même pas besoin de mon aide pour leur révision express. A l’issue du parcours, plusieurs élèves ont affirmé que l’étude du vocabulaire sur le cinéma leur avait été très utile pour cette activité et que sans cette préparation, ils auraient sûrement beaucoup moins bien compris les instructions et les informations du « Monsieur du haut-parleur ». 4.1.4. L’expression orale Le voyage à Paris présentait l’avantage de sortir la langue de la salle de classe et de plonger les élèves dans la réalité de son emploi. Ainsi, à travers ce projet, on s’éloignait du français comme simple objet d’étude et d’évaluation pour rendre à la langue sa véritable vocation d’outil de communication. En effet, le voyage à Paris représentait pour les élèves quatre jours de pratique intense du français puisque la langue française était omniprésente et 73 incontournable pendant toute la durée du séjour. Au Musée des arts et métiers, au Grand Rex,... toutes les informations, tant orales qu’écrites, étaient fournies en français et les discussions auxquelles les élèves étaient conviés à intervalles réguliers se déroulaient entièrement dans cette langue. D’ailleurs, le français était de mise même en dehors de ces cadres dirigés vers l’apprentissage et l’information puisque c’est en français qu’il fallait discuter avec le personnel du centre d’hébergement, des restaurants, des magasins… En plus, pendant l’ensemble du séjour, je m’adressais aux élèves exclusivement en français, montrant de la sorte que ce voyage ne s’apparentait pas à un départ en colonie de vacances, mais qu’il s’agissait d’un projet clairement inscrit dans le cadre du cours de français. L’expression orale est généralement la compétence qui semble le plus difficile à traiter en cours. En effet, le temps à disposition de l’enseignant pour travailler cette compétence est assez réduit étant donné que, contrairement aux autres compétences, pour l’expression orale, c’est assez difficile de faire travailler tous les élèves en même temps. Ainsi, le travail sur cette compétence se réduit souvent aux interventions des élèves à différents moments du cours, à la présentation de résultats obtenus pendant un travail individuel ou un travail en groupe et aux moments de l’évaluation de l’expression orale réalisée, par exemple, sur la base d’un exposé ou d’un dialogue préparé. Un phénomène assez rare et assez peu travaillé en classe, c’est l’expression libre et spontanée, sans préparation, indépendamment d’un document à commenter, c’est-à-dire l’utilisation de la langue orale comme véritable et simple vecteur de communication, ce qui constitue, pourtant, l’aspect le plus important de la langue. Même en adaptant l’approche communicative, qui essaie d’intégrer dans la salle de classe une communication aussi naturelle que possible, le type d’activités qu’on réalise fait généralement appel à la communication dite simulée. En effet, comme l’enseignant n’a pas la possibilité d’« introduire ni [de] reproduire toutes les données et circonstances d’une véritable situation 74 de communication dans la salle de classe, [il va] demander [aux] élèves d’essayer de « faire semblant » ou de « simuler » qu’ils sont en France, […] de jouer à être français, à parler avec des Français, à se comporter comme des Français, à assumer différents rôles. »193 Le voyage éducatif à l’étranger, par contre, est une initiative qui favorise le recours à une communication qui n’est pas simulée. En effet, « [l]es sorties scolaires sont des moments privilégiés pour une communication authentique avec des interlocuteurs variés »194, des moments qui participent au développement de différentes compétences. Ainsi, le voyage entraîne surtout un recours fréquent à la communication orale et « le questionnement, l’expression et l’écoute [sont] particulièrement sollicités chez les [jeunes] par les nombreuses situations d’échange mises en place dans les activités quotidiennes »195 qui se présentent automatiquement lors d’un déplacement à l’étranger. Le voyage à Paris a ainsi donné lieu à bon nombre de moments d’expression orale spontanés, initiés généralement par les élèves eux-mêmes. Souvent, ces moments de communication étaient liés à des rencontres. Tout au long du voyage, les élèves faisaient, par exemple, preuve d’une fascination particulière pour les nombreux artistes de rue que nous avons pu observer. Or, ils ne se contentaient pas simplement de regarder les spectacles, mais à plusieurs reprises, ils sont allés interpeller et questionner les artistes. Tel était, entre autres, le cas pour un artiste déguisé en clown qui fabriquait des personnages et des figures avec des ballons. Deux élèves ont entamé une conversation animée avec lui, ce qui a amené l’artiste à leur fabriquer un ballon, avec une dédicace personnalisée, avant de poser pour une photo de groupe avec les autres élèves venus se glisser dans la conversation. 193 WEISS, François : Op.cit., p.65 CHAUVIN, Jacques : Op.cit., p.93 195 Ibid., p.94 194 75 Un phénomène similaire a eu lieu avec un groupe de danseurs ayant proposé un spectacle de hiphop sur le parvis du Centre Pompidou. Après le spectacle, les filles de la classe, impressionnées par les « beaux danseurs », sont allées leur parler et les ont invités à poser pour une photo collective. Les garçons, eux, ont été davantage marqués par un artiste réalisant des acrobaties avec un ballon de football en face du Sacré Cœur. L’un des élèves a cru reconnaître l’artiste comme figurant dans le livre des records, ce qui l’a amené à aller l’interroger. Pour le jeu de piste organisé à la Cité universitaire, je voulais diviser la classe en quatre, de sorte que les groupes ne soient pas trop grands, et comme nous n’étions que trois accompagnateurs, j’ai fait appel à un ami parisien pour 76 escorter le quatrième groupe. Afin de permettre aux élèves de faire sa connaissance au préalable, je l’avais invité à nous rejoindre déjà la veille pour le dîner au restaurant. Les élèves ont tout de suite développé une grande sympathie pour ce nouvel accompagnateur et une grande curiosité pour son métier de policier dans la banlieue parisienne. Ainsi les moments de discussion se sont multipliés et le jour du jeu de piste, les élèves se sont même battus pour pouvoir figurer dans le groupe accompagné par M. Ferucci, malgré le fait que celui-ci ne parlait pas le luxembourgeois et que, pour communiquer avec lui, les jeunes pouvaient donc passer uniquement par le français. Lors de ces différents moments de conversation improvisée, même la plupart des élèves plus faibles en français et ceux-là mêmes qui d’habitude refusent catégoriquement de s’exprimer en français ont partiellement oublié leur timidité, leurs complexes et leur malaise par rapport au français pour se lancer dans des questionnements et des discussions. Parallèlement, ceux qui se sentaient plus à l’aise ont même initié de vrais débats avec les personnes rencontrées et ont soumis leur nouvel accompagnateur à un véritable interrogatoire. Je pense que ce recours spontané à la langue française était clairement lié au contexte. En effet, la plupart des élèves estiment que parler devant la classe en étant observé par ses camarades ou évalué par son professeur est beaucoup plus difficile que de parler dans une situation de communication réelle dans laquelle tout se passe dans l’immédiat, de manière spontanée. Je 77 suis d’avis que, dans des situations éloignées du cadre scolaire, les élèves se sentent plus libres, ce qui explique qu’ils ont moins d’inhibitions face à la prise de parole. C’est d’ailleurs le paradoxe de l’entraînement à l’oral réalisé à l’école : il cherche à préparer à des situations de communication réelles, mais crée également une angoisse supplémentaire à cause du cadre scolaire, angoisse qui peut disparaître lorsque les jeunes se retrouvent dans de véritables conditions de communication. A Paris, les élèves avaient sûrement l’impression que ce n’était pas très grave s’ils s’exprimaient en faisant quelques fautes et comme la peur de l’erreur était moindre, ils parvenaient à parler plus facilement. Voilà pourquoi je me tenais d’ailleurs volontairement à l’écart lorsque les élèves se lançaient dans ces conversations improvisées : je ne voulais pas qu’ils se sentent observés et qu’ils aient l’impression d’être jugés par leur professeur. Je voulais ainsi éviter de leur faire perdre leur spontanéité et de les démotiver par le fait de devoir se concentrer sur les fautes. « Etant donné que rarement les fautes conduisent à l’échec dans la communication »196 Joaquim Dolz et Bernard Schneuwly affirment d’ailleurs que, pour encourager les élèves à s’exprimer, il est judicieux de prévoir, même en cours, des moments où on travaille exclusivement sur la communication « sans être constamment à la recherche d’éventuelles incorrections selon les normes du bon français »197. En plus, participer ainsi à des conversations en français représentait déjà un progrès énorme pour certains élèves, des élèves qu’un véritable blocage empêche généralement de s’exprimer librement en cours. L’impression que les fautes ne jouaient pas vraiment de rôle lors de ces conversations et le constat qu’elles ne les empêchaient pas de se faire comprendre a ainsi pu contribuer à augmenter leur assurance, ce qui constituait finalement déjà un grand pas en avant, même si l’expression n’était pas entièrement correcte. D’ailleurs, le Cadre européen commun de référence pour les langues considère l’apprenant comme « un « acteur » qui sait mobiliser l’ensemble de ses compétences et ressources (stratégiques, cognitives, verbales et non 196 197 DOLZ, Joaquim / SCHNEUWLY, Bernard : Op.cit., p.82 Ibid., p.82 78 verbales) pour parvenir au résultat qu’il escompte : la réussite de la communication langagière »198. Dans ce contexte, on peut donc souligner qu’à Paris, les élèves ont su utiliser la langue française pour questionner, discuter, comprendre dans différentes situations et que dans ces situations, la communication a parfaitement fonctionné, en dépit des erreurs qui ont pu être commises. Dans le cadre de leur apprentissage de la langue française, les élèves ont ainsi su atteindre un des objectifs principaux visés par les approches communicatives, à savoir « l’acquisition progressive […] d’une compétence de communication que l’on peut définir globalement par l’aptitude à se débrouiller dans les différentes situations de communication ». Au cours de ce voyage, l’entourage inhabituel et l’enthousiasme déclenché par sa richesse et sa nouveauté ont aussi sûrement eu de l’influence sur le comportement des élèves et ils ont sans doute contribué à développer leur réflexe communicatif. En effet, Jacques Chauvin souligne que les voyages scolaires « peuvent être un moyen de découverte et de maîtrise de l’environnement. L’approche sensorielle d’un milieu nouveau ou d’un lieu de culture, la rencontre de professionnels, d’artistes ou de créateurs, l’étonnement et le dépaysement constituent des sources de questionnement et de comparaison, de stimulation de la curiosité. Le besoin de comprendre et de communiquer s’en trouve activé ».199 Ainsi, pendant le séjour à Paris, l’ensemble du contexte a pu favoriser le recours à l’expression orale, plus que n’aurait su le faire une quelconque activité réalisée en classe, car « [l]es supports documentaires, papier ou multimédia aussi précieux soient-ils, ne suscitent ni la même émotion, ni les mêmes découvertes »200 qu’un tel voyage. Après le voyage, lors de la « Journée-présentation Paris/Strasbourg » organisée avec une classe du Lycée des Arts et Métiers, la nature du système utilisé pour la présentation des exposés amenait les élèves à répéter le même exposé plusieurs fois de suite, ce qui présentait l’avantage de leur 198 TAGLIANTE, Christine : Op.cit., p.32 CHAUVIN, Jacques : Op.cit., p.92 200 Ibid., p.92 199 79 donner le temps de se roder et de prendre de l’assurance. En effet, la plupart des élèves ont dit avoir apprécié ce système, puisqu’ils ont pu remarquer comment la présentation de leur exposé devenait de plus en plus aisée, à mesure qu’ils rodaient leur discours et que la timidité et le trac diminuaient. Ceci était profitable avant tout aux élèves ayant peu d’aisance en français ou manquant de confiance en soi lors d’une présentation orale et qui, dans les conditions de présentation "normales", n’ont souvent pas le temps de prendre de l’assurance, puisque, au moment où les nerfs sont un peu calmés, l’exposé est normalement déjà terminé. Par contre, l’évaluation des différents exposés n’était pas évidente, puisque c’est difficile de réaliser une notation juste si certains groupes sont évalués au moment où ils présentent leur exposé pour la première fois, alors que d’autres ont déjà eu le temps de s’entraîner avant d’être jugés. En attribuant leur note d’expression orale aux élèves, j’ai donc essayé d’équilibrer cette différence en tenant compte du moment de passage des différents groupes : ainsi, en ce qui concerne leur prestation orale (indépendamment du contenu), ceux qui étaient notés au début ont été jugés moins sévèrement que ceux qui ont été évalués vers la fin. 80 4.2. La contextualisation socioculturelle Le projet à la base de ce travail de candidature était destiné, entre autres, à amener une sorte d’ouverture au cours de français. Il s’agissait de mettre en pratique les instructions ministérielles relatives à l’enseignement par compétences, sans pour autant cloisonner l’apprentissage dans un carcan étroit, fermé sur le programme proposé. De fait, on reproche souvent à l’approche par compétences de réduire les cours de langues à un enseignement essentiellement utilitariste de la langue, en négligeant la transmission de messages, en diminuant les apports culturels, etc. Joseph Reisdoerfer critique, par exemple, la nouvelle politique linguistique éducative en affirmant : « [Le système proposé] se fonde sur un concept pédagogique très discutable, très réducteur selon nous, le concept de compétences, qui par sa démarche utilitariste désintellectualise les apprentissages » 201 . Selon l’auteur, « il est probable qu’ [un tel système] induise [ …] un déclin de la culture linguistique et de la culture en général »202, car le recours aux méthodes communicatives se fait souvent aux dépens d’un travail sur le mûrissement intellectuel et l’enrichissement culturel des élèves. » Dans ce contexte, le projet réalisé présente l’avantage d’avoir associé l’enseignement de la langue en tant que moyen de communication à un développement de la culture générale des élèves puisque, au-delà de l’apprentissage de la langue française, il s’agissait d’apporter à la classe diverses notions socioculturelles relatives à la ville de Paris. Cette dimension socioculturelle a été amenée grâce à une contextualisation des différentes activités d’apprentissage, lesquelles ont été entièrement élaborées dans la perspective du voyage à réaliser, en relation avec la ville à visiter. Ainsi, le cours de français a permis de transmettre des informations sur Paris et de préparer aux activités prévues pendant le séjour dans la 201 202 REISDOERFER, Joseph : « Analyse critique de la nouvelle politique linguistique », p.6 Ibid., p.6 81 capitale française. La majorité des élèves étaient conscients de cette valeur ajoutée aux cours de français et ont apprécié cette façon de travailler. Or, dans ce contexte, le défi consistait à voir jusqu’à quel point les élèves allaient réussir à mémoriser ces informations, si le transfert entre les cours et le voyage allait avoir lieu et si les élèves allaient se montrer capables de mobiliser les connaissances acquises pour pouvoir les utiliser sur place. Avant le séjour à Paris, certains élèves pensaient en effet que ce serait difficile de mémoriser les noms des différents monuments, quartiers… Or, une fois sur place, la plupart des informations vues en cours étaient bien présentes dans leur mémoire. Ceci s’est manifesté, par exemple, lors d’une excursion en Bateau-Mouche. Ces voyages sont toujours accompagnés d’un commentaire audio donnant aux passagers des renseignements sur les curiosités touristiques longées par le bateau. Or, sur notre bateau, il y avait un problème avec le haut-parleur, de sorte que le commentaire était à peine audible, couvert par le bruit du moteur. C’est ce défaut qui a finalement amené les élèves à mobiliser les connaissances acquises pendant les leçons de préparation. En effet, ils se sont fait un plaisir à essayer de reconnaître le plus rapidement possible les différents monuments dont ils avaient rencontré la photo ou la description au cours des leçons de préparation et à crier leur nom à tue-tête. J’ai alors essayé de pousser un peu plus loin ce jeu en testant leur mémorisation. Une fois qu’ils avaient reconnu le Musée d’Orsay, je leur ai, par exemple, demandé ce que ce bâtiment avait été autrefois et, à plusieurs, ils ont beuglé « une gare » ; en passant à côté du Louvre, je leur ai demandé à quoi il avait servi avant d’être transformé en musée et ils ont proclamé que c’était la résidence du roi ; en passant à côté de la Tour Eiffel, je leur ai demandé à quelle occasion elle avait été construite et ils ont braillé « pour l’exposition universelle », un élève rajoutant même négligemment « ça c’est facile, c’était dans le livre avec Tom et Léa »203. 203 Tom et Léa sont les personnages principaux du roman Rencontres en haut de la tour Eiffel sur lequel les élèves avaient travaillé pendant les vacances de Noël. 82 Ce qui m’a amusé, c’est que les élèves prenaient un malin plaisir à ce jeu et ne se rendaient même pas compte qu’en quelque sorte ils étaient en train de se faire collectivement interroger par leur professeur. Dans ce contexte, dans ce cadre et en ayant le droit de crier spontanément la réponse au lieu de devoir lever le doigt, l’interrogatoire ne provoquait ni ennui, ni angoisse, contrairement à ce qui se passe dans différentes situations scolaires. Les élèves le prenaient plutôt comme un défi et ils étaient fiers d’étaler ainsi leurs connaissances. D’ailleurs, une touriste assise près de nous a même complimenté les élèves sur leur savoir et m’a dit que je « les avais bien dressés ». Elle a ajouté que de cette façon, on n’avait même pas besoin du commentaire audio de la compagnie des Bateaux-Mouches et que c’était bien plus sympathique et animé ainsi. Evidemment, cette remarque a conforté les élèves dans leur fierté d’avoir si bien retenu les informations. Au cours d’un devoir en classe, un des textes utilisés pour la compréhension écrite portait sur les bouquinistes. A Paris, les élèves se sont souvenus du contenu de ce texte204 et ils ont tout de suite reconnu ces librairies si particulières. En effet, au cours d’une balade leur faisant traverser le quartier latin et l’Île de la Cité, avant même d’atteindre le quai avec les bouquinistes, à partir d’un pont, un élève s’est écrié « Voilà les vendeurs du devoir en classe » et un camarade a complété « Ah oui, les bouquinistes ». En longeant les boîtes des bouquinistes, les élèves ont alors fait preuve d’un grand intérêt, ils ont absolument tenu à y acheter des souvenirs, de multiples photos ont été prises à cet endroit et certains ont même entamé une discussion sur son 204 Cf. Annexes p.111 83 métier avec l’un des vendeurs. Ils lui ont alors expliqué qu’il avait de la chance de pouvoir établir son commerce là, sur les quais de la Seine, parce que c’était un endroit très joli et que c’était quand même beaucoup plus pratique que de devoir se balader à travers toute la ville avec les produits accrochés au cou. Avec cette remarque, les élèves faisaient référence au texte étudié, qui expliquait qu’au XVIe siècle, les bouquinistes étaient des colporteurs qui parcouraient Paris avec leurs boîtes de livres attachées autour du cou. Leur réflexion montre clairement que des informations du texte étudié ont été retenues et le bouquiniste lui-même a d’ailleurs félicité les élèves pour leurs connaissances sur son métier. L’attitude des jeunes prouve qu’ils ont réussi à établir un lien entre le texte et la réalité observée et je pense que leur enthousiasme était aussi en partie lié au fait que les activités de préparation avaient réveillé leur curiosité. Pendant le voyage, différentes situations ont montré que le transfert avait eu lieu à la fois au niveau du vocabulaire et au niveau des données socioculturelles étudiées en classe. Ainsi, lorsque la classe attendait sur le quai pour prendre le métro pour la première fois, un élève a regardé autour de lui avant de déclarer que c’était apparemment un métro souterrain que nous allions prendre. L’un des accompagnateurs a alors répondu que le métro était toujours, et par définition, souterrain, déclenchant ainsi l’indignation des élèves qui se sont empressés de lui expliquer que le métro ne passait pas toujours à travers un tunnel, qu’il pouvait aussi être aérien et qu’il y avait des lignes qui circulaient presque exclusivement en surface. Ensuite, ils ont rajouté qu’il y avait aussi des rames qui circulaient sans chauffeur sur des lignes automatisées, le tout déclaré sur un ton réprobateur dénonçant clairement ce qu’ils considéraient comme un manque de connaissances de la part de leur 84 professeur ! Bien que les élèves s’adressaient à lui en luxembourgeois, ils avaient recours aux termes français « souterrain » et « aérien », prouvant ainsi à la fois la maîtrise du vocabulaire et la mémorisation des informations reçues en cours sur le métro. Les effets positifs du travail réalisé en classe avec le plan du métro se sont d’ailleurs manifestés tout au long du séjour, puisque les élèves étaient toujours enthousiastes à l’idée de chercher eux-mêmes les lignes et les correspondances à prendre. Même si, pour la plupart d’entre eux, c’était la première fois qu’ils prenaient le métro, ils se sont d’ailleurs plutôt bien débrouillés pour trouver les trajets les plus rapides ou les plus commodes. Ceci est clairement dû à la préparation effectuée au préalable, car comme le souligne Véronique Pugibet, « [s]e repérer dans un espace et dans un environnement différent n’est pas inné : cela s’apprend »205 et pour un voyage culturel à l’étranger l’auteur recommande ainsi d’entraîner les élèves à « lire un plan, la carte d’un lieu, un plan des moyens de transport ».206 Dans le cadre de mon projet, les différents exemples évoqués ci-dessus m’ont permis de me rendre compte que les élèves avaient très bien réussi à assimiler les données socioculturelles des activités de préparation. Ainsi, tout comme pour le travail lexical, le transfert a bien fonctionné dans le domaine de ces apprentissages socioculturels. Dans le contexte de cet apprentissage culturel, il reste par ailleurs à souligner que le voyage a été réalisé avec une classe comprenant beaucoup d’élèves issus de milieux modestes et ayant rarement l’occasion de réaliser ce genre de voyage à composante culturelle. En effet, une série d’exposés sur le thème des vacances réalisée l’année précédente avec cette même classe (dont plus de ¾ des élèves sont issus de familles immigrées) m’a montré que la plupart des élèves avaient l’habitude de partir chaque année au même endroit pour rendre visite à leur famille résidant à l’étranger et que ces voyages s’apparentaient généralement plus à des retrouvailles familiales qu’à des voyages de 205 206 PUGIBET, Véronique : Op.cit., p.223 Ibid., p.223 85 découverte de la culture ou même des paysage du pays visité. Ainsi, le séjour à Paris, avec les nombreuses visites programmées, représentait pour bon nombre d’entre eux une ouverture tout à fait nouvelle à la culture. Ceci confirme l’atout des voyages scolaires qui « tendent à compenser les inégalités sociales et culturelles en permettant la découverte, par tous les [jeunes], d’autres modes de vie, de cultures différentes, contribuant ainsi à l’éducation à la citoyenneté ».207 207 CHAUVIN, Jacques : Op.cit., p.93 86 4.3. La motivation Le facteur motivation jouait clairement un rôle central dans ce projet, tant pour les activités réalisées en classe que pour celles réalisées au cours du voyage. Un des objectifs principaux du projet consistait d’ailleurs à développer la motivation des élèves à travers l’association des séquences d’apprentissage à un voyage culturel et la préparation du voyage par des activités effectuées en classe. Dans le cadre de notre analyse, il convient donc de vérifier si ce regain d’intérêt attendu a effectivement eu lieu. Cependant, évaluer la motivation n’est pas une chose aisée, car « il est impossible d’observer directement une attitude »208. Dans le contexte scolaire, pour mesurer la motivation ou le développement de la motivation des élèves, l’attention « portera [donc] non pas sur l’attitude elle-même, mais sur ses manifestations »209 et « les enseignants ne pourront observer que des comportements verbaux et non verbaux leur permettant d’inférer le changement interne correspondant »210. Etant donné que « [l]’observation est sans conteste la technique la plus importante pour apprécier l’évolution d’une attitude »211, je fonderai donc mon analyse concernant la motivation des élèves avant tout sur la description de différentes situations qui m’ont permis de constater que la motivation des élèves avait effectivement augmenté, tout en essayant de comprendre les facteurs qui ont pu être à l’origine de cette évolution positive. 4.3.1. Avant le voyage Pendant les leçons de préparation qui ont précédé le voyage, de nombreuses situations m’ont permis de discerner chez élèves un intérêt bien supérieur à celui qu’ils manifestaient d’habitude. Ainsi, lorsque que nous avons travaillé sur la séquence de vocabulaire portant sur le cinéma, les élèves ont appris le 208 VIANIN, Pierre : La motivation scolaire. Comment susciter le désir d’apprendre ?, p.108 Ibid., p.108 210 Ibid., p.108 211 Ibid., p.108 209 87 nouveau lexique avec une ferveur que je n’avais encore jamais observé jusque-là et c’était même la première fois que tous les élèves semblaient avoir effectivement étudié le vocabulaire au moment où je le leur ai demandé. Ce phénomène était, à mon avis, clairement lié à la motivation de la classe, une motivation qui était sans doute due au fait que la séquence portait sur un sujet correspondant aux centres d’intérêt des élèves, mais qui a probablement été déclenchée avant tout par le fait qu’ils voyaient une finalité concrète à cet apprentissage. En effet, lorsque Rolland Viau énumère les différentes sources de motivation à prendre en considération, la première caractéristique qu’il cite, c’est la perception qu’un élève a de la valeur de l’activité à accomplir. De fait, « la valeur que l’élève accorde à une activité a un effet non seulement sur son apprentissage final, mais aussi sur le choix qu’il fait de s’engager et de persévérer dans l’accomplissement d’une activité »212. Or, il se trouve que, souvent, les élèves ont « la perception que les apprentissages scolaires sont peu utiles dans la « vraie vie », que ceux-ci détiennent très peu de sens »213. Voilà pourquoi, d’après Rolland Viau, « il est important d’éviter le plus possible que l’élève ait le sentiment de devoir accomplir un travail qui ne présente de l’intérêt que pour son professeur et qui n’est utile qu’à des fins d’évaluation »214. Dans ce contexte, le voyage scolaire à Paris présente l’avantage d’avoir réussi à rattacher aux différents apprentissages visés en classe une utilité bien visible pour les élèves, une utilité qui se distinguait sensiblement de celle qu’ils attribuent généralement aux activités accomplies à l’école. Dans le cadre de la séquence de vocabulaire sur le cinéma, l’initiation de la séquence par une présentation du Grand Rex et une explication du parcours interactif que nous allions réaliser sur place, a ainsi donné davantage envie aux élèves d’apprendre le lexique en question. Même s’ils continuaient de considérer comme contrariant cet exercice d’apprentissage, ils y voyaient plus 212 VIAU, Rolland : La motivation à apprendre en milieu scolaire, p.31 TARDIF, Jacques : Op.cit., p.213 214 VIAU, Rolland : Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves, p.2 213 88 de sens et donc plus d’intérêt. En effet, bon nombre d’entre eux craignaient de ne pas réussir à suivre les indications sur place et de ce fait, ils se sont appliqués à étudier le vocabulaire, car l’activité proposée leur semblait très plaisante et ils avaient envie d’en profiter pleinement. Ainsi, le fait de savoir que leur apprentissage avait une utilité concrète et une finalité autre que la simple réussite du prochain devoir en classe a contribué à la motivation des élèves. D’un autre côté, pendant les différentes séquences de vocabulaire, le travail sur le lexique était souvent réalisé à travers des activités assez ludiques, comme l’emploi des plans pour la recherche de données ou de chemins, le recours aux photos pour l’identification des monuments, l’interprétation de différentes scènes de dialogue, etc. Cette approche a donné lieu à des leçons très animées au cours desquelles la participation des élèves était sans cesse stimulée, ce qui a également favorisé leur motivation. En effet, « plus l’enseignant invite les élèves à jouer un rôle actif et dynamique en classe, plus ils [sont] motivés à s’engager dans les activités qu’il leur propose. »215 En ce qui concerne l’intérêt des élèves pour la matière traitée, cet intérêt concernait essentiellement tout ce qui touchait à la ville de Paris et au voyage à réaliser. Ceci s’est manifesté, par exemple, pendant les leçons consacrées au travail lexical. Le vocabulaire était toujours présenté sous forme d’une liste proposant pour chaque expression une traduction et une explication, de même qu’une phrase illustrant son emploi en contexte En rédigeant ces phrasesexemples, j’ai tenté de créer un lien avec le voyage à venir en plaçant la plupart des phrases dans le contexte de la ville de Paris. Alors que nous lisions ces phrases-exemples dans le but de prendre connaissance des expressions cibles, l’intérêt des élèves pour la capitale française s’est souvent manifesté de façon spontanée. Par exemple, la phrase « Le dimanche, certaines rues de Paris sont interdites à la circulation. » a donné lieu à toute une série de questions de la part des élèves : « C’est vrai ? », « Pourquoi ? » « Et les magasins sont ouverts le dimanche ? »… En 215 VIAU, Rolland : La motivation en contexte scolaire, p.127 89 essayant de ne pas trop déborder, j’ai souvent accepté de répondre à ces questions, puisqu’elles me semblaient adaptées à l’objectif de la séquence en reliant l’apprentissage lexical à des informations socioculturelles. Pendant les activités de compréhension écrite, les élèves souhaitaient souvent associer les informations données par les textes au voyage qu’ils allaient effectuer. Ainsi, lorsque nous avons vu la présentation générale de Paris avec les arrondissements, les gares, etc., ils voulaient tout de suite savoir à quelle gare nous allions arriver, où se trouvait notre hébergement, comment nous allions nous y rendre, etc. De même, lorsque nous avons étudié le plan du métro et du RER et le plan de Paris, les élèves ont souhaité localiser l’hébergement, identifier la station de métro la plus proche, vérifier la proximité avec les monuments les plus importants, etc. Ainsi, les documents étudiés n’étaient plus pour eux de simples outils de travail pour s’entraîner à la compréhension écrite ou des textes à analyser, mais ils les voyaient comme des supports directement liés à leur voyage. Ceci donnait aux informations transmises un côté plus concret et, de l’avis des élèves, beaucoup plus utile et intéressant. Le fait de savoir qu’ils allaient bientôt visiter la ville a ainsi sensiblement augmenté leur motivation à réaliser les activités proposées. J’ai aussi constaté, de la part des élèves, un grand intérêt pour mon expérience personnelle à Paris. En effet, dès qu’ils étaient en possession des plans de Paris, les élèves voulaient savoir où moi j’avais vécu à Paris, où se situait mon université, de quelle façon je m’y rendais, combien de temps je mettais pour le trajet, etc. Ceci se manifestait d’ailleurs également sur place, puisque les élèves souhaitaient savoir où se trouvait ma chambre à la Cité U, si j’avais souvent fréquenté les nombreux cinémas des Champs Elysées, si j’avais eu l’habitude de faire du shopping dans le centre commercial dans lequel j’ai emmené la classe, etc. Ainsi, l’intérêt des élèves pour la capitale française allait bien au-delà de la simple appréciation touristique, puisque c’était également la vie quotidienne dans une grande métropole comme Paris qui les fascinait. 90 4.3.2. Pendant le voyage Au cours du voyage, les élèves se trouvaient souvent dans des situations où ils étaient amenés à parler français, mais où ils ne prêtaient pas vraiment attention au fait de devoir s’exprimer en langue étrangère. Ceci était évident avant tout lorsqu’ils allaient interpeller les passants pour qu’ils les aident à compléter le « Questionnaire assisté »216 ou lorsqu’ils interrogeaient le personnel d’accueil des différentes maisons de la Cité Universitaire dans le cadre de leur jeu de piste217. Concentrés sur le jeu et poussés par l’envie de trouver les réponses, stimulés par la volonté de gagner et animés par la concurrence avec les autres groupes, certains élèves semblaient oublier qu’ils « n’aimaient pas parler le français » ou qu’ils « n’étaient pas bons en français » (excuse souvent répétée en cours quand je leur demande de donner une réponse en français au lieu de recourir au luxembourgeois) et ils se lançaient dans les questionnements nécessaires. D’ailleurs, en observant les groupes lorsqu’il s’agissait de désigner celui qui allait réaliser "l’interview", je me rendais compte que l’assurance que les jeunes avaient besoin de trouver pour se lancer, ne concernait généralement pas le fait de devoir s’exprimer en français, mais plutôt le fait d’aller interpeller des inconnus. Ainsi, c’étaient parfois des élèves plutôt faibles en français qui trouvaient l’audace d’aller interroger les passants, alors que ceux à qui le français ne posait pas vraiment de problème hésitaient à se lancer. Je pense que ce dépassement des difficultés langagières de la part de certains élèves était dû au fait qu’ils étaient focalisés entièrement sur la tâche à effectuer et non pas sur la langue et le fait de devoir parler correctement. Le tout s’apparentant à un jeu et à une certaine compétition, ils étaient tellement motivés qu’ils en venaient à se libérer de leurs complexes. La motivation jouait sûrement aussi un rôle par rapport à l’assimilation des données socioculturelles par les élèves. En "temps normal", les élèves de cette classe ont souvent du mal à retenir les informations étudiées, ce que ne manquent d’ailleurs jamais de souligner les différents titulaires, notamment 216 217 Cf. Annexes p.175 Cf. Annexes p.185-187 91 leurs professeurs d’histoire, de géographie et de sciences naturelles. Or, comme cela a déjà été signalé, dans le cadre de ce projet, les élèves ont fait preuve d’une bonne, parfois même d’une excellente mémoire. Cette différence assez étonnante s’explique sûrement par l’intérêt que les élèves portaient à la matière étudiée : ils étaient portés par l’enthousiasme, ce qui semblait avoir une influence positive sur leurs capacités de mémorisation. Au cours du voyage, la motivation de la classe pour explorer la ville ne s’est jamais démentie et ceci malgré le fait que le programme du séjour était un peu surchargé et que les élèves, peu habitués à marcher, étaient souvent exténués. Tout au long des visites, ils prenaient visiblement plaisir à découvrir en vrai les monuments, les quartiers et les moyens de transport rencontrés dans les différents documents étudiés avant le voyage et je pense que leur intérêt était d’autant plus prononcé que les différentes activités de préparation réalisées au préalable avaient su réveiller leur curiosité. En effet, les élèves prenaient plaisir et éprouvaient une certaine fierté à reconnaître sur place des choses vues en cours. Ainsi, en descendant du métro à Concorde, un élève s’est, par exemple, tout de suite souvenu que nous avions évoqué cette station quand nous nous étions intéressés à la décoration particulière de certaines stations et il se rappelait que les lettres ornant les murs formaient le texte de la Déclaration des droits de l’homme. Presque toute la classe s’est alors mise à déchiffrer le texte, en essayant de retrouver les mots, les phrases et le sens du texte, ce qui n’est pas toujours chose aisée puisque le texte est présenté sans ponctuation et sans espaces entre les mots. Je pense que si nous n’avions pas, au préalable, parlé de cette station, en évoquant les difficultés à reconstituer le texte, les élèves n’auraient probablement pas fait preuve du même intérêt. 4.3.3. Après le voyage Le lendemain du retour de Paris, pendant la première heure de cours, j’ai invité les élèves à compléter le carnet de voyage sur leur séjour à Paris. 92 L’ensemble de la classe a fait preuve d’enthousiasme pour réaliser cette tâche, et ce malgré la fatigue extrême qui a fait que, aux dires des autres titulaires, il était impossible de tirer quelque chose de convenable des élèves ce jour-là, certains élèves s’étant même carrément endormis en classe. Cette attitude face au carnet de voyage prouve quel plaisir les élèves ont eu à revenir sur leur séjour et à retenir par écrit leurs souvenirs les plus marquants. D’ailleurs, la plupart des élèves ont réalisé des productions très intéressantes, faisant preuve d’un vrai travail de réflexion et présentant des considérations développées et très personnelles, au lieu de se cantonner aux traditionnels « Oui, c’était bien. » ou « Non, ce n’était pas bien ». Ces productions, dans lesquelles les élèves se montrés aptes à s’exprimer sur l’expérience vécue, prouvent qu’un apprentissage, un enrichissement, une assimilation… ont eu lieu au cours du voyage. Ainsi, Véronique Pugibet évoque, par exemple, cette conception de la réussite d’un séjour à l’étranger pour les jeunes : « un voyage réussi pour un jeune ce serait un voyage d’où il reviendrait avec cinq phrases d’explication sur ce qu’il a vécu. Oui ! Au lieu de me dire : Oh ! c’était géant ! Ou : c’était super, c’était génial, point ! [Qu’il explique :] Qu’est-ce qui m’a surpris ou qu’est-ce qui m’a fait plaisir… Ou : Là, je ne me suis vraiment pas bien senti à l’aise, ou je n’ai rien compris, ou ça m’a fait plaisir, et pourquoi ? C’est de ça qu’il s’agit, on en traite malheureusement trop peu. Et ça serait en lien avec les apprentissages interculturels. Ce serait l’entrée dans ça. C’est-à-dire laisser la parole aux expériences qui sont faites, qui sont faites vraiment personnellement. »218 Dans ce contexte, le carnet de voyage a pu contribuer à développer chez les élèves « la capacité à analyser le ressenti, à dépasser le seuil de l’information et à établir un lien entre le vécu et l’information, [à mettre en œuvre une] véritable démarche de médiation »219 sur une expérience à la fois personnelle et collective. Tout cela n’aurait sûrement pas été possible sans la motivation nécessaire à une telle introspection, laquelle dépend entièrement de la bonne volonté des élèves. 218 219 PUGIBET, Véronique : Op.cit., p.150 Ibid., p.152 93 Au final, les productions des élèves étaient très variées et très différentes, certains souvenirs évoqués étaient liés essentiellement au vécu personnel de l’élève, avec des références à l’entente avec les camarades de classe et les professeurs, à des moments forts parfois indépendants de la richesse culturelle de la ville de Paris,… alors que d’autres témoignages portaient sur des visites, des monuments, des vues, des quartiers,… très précis et concernaient exclusivement le patrimoine de la capitale française. Cette diversité se remarque, par exemple, par rapport aux photos choisies par les élèves : certaines sont centrées exclusivement ou essentiellement sur les élèves eux-mêmes, sans que le cadre choisi comme décor joue vraiment un rôle, alors que d’autres montrent uniquement un monument ayant particulièrement marqué l’élève en question220. Les élèves ont donc su mettre en mots des expériences très différentes et motiver des préférences très personnelles, ce qui témoigne d’une motivation spéciale pour le contenu traité. Quelques semaines plus tard, la journée de présentation organisée dans la salle des fêtes de l’école, avec la participation de la classe du Lycée des Arts et Métiers, présentait, à mon avis, beaucoup d’atouts. Pour les élèves, cette journée constituait une véritable sortie de leur quotidien scolaire et ils l’ont vécue comme une sorte d’événement à cause de l’arrivée de l’autre classe. Ceci a clairement eu des répercutions positives sur la motivation des élèves. En effet, les exposés ont généralement été préparés avec beaucoup plus de sérieux à partir du moment où les élèves avaient pris conscience de ce que cela signifiait de passer devant des élèves d’une autre classe. Ainsi, la peur de l’échec ou du ridicule, l’envie d’impressionner et de se montrer à la hauteur face à ces inconnus venant d’un établissement "concurrent" les ont amenés à faire de leur mieux et à s’investir davantage qu’ils ne l’auraient probablement fait si la présentation avait eu lieu dans le cercle fermé de leur classe. En effet, les remarques de mes élèves m’ont clairement fait comprendre qu’ils voulaient à tout prix laisser une bonne impression aux invités, puisqu’ils 220 Cf. Annexes p.227-233 94 n’arrêtaient pas de demander si le niveau de l’autre classe était beaucoup plus élevé que le leur, de déclarer qu’il fallait absolument que le Lycée Michel Lucius fasse une meilleure présentation que le Lycée des Arts et Métiers… Cet état d’esprit était également très présent le jour de la rencontre. D’un côté, les élèves étaient manifestement beaucoup plus nerveux à l’idée de devoir parler devant des inconnus, d’un autre côté, cela ajoutait un côté plus excitant à l’affaire. D’ailleurs, ce jour-là, une grande partie de ma classe est même arrivée en avance à l’école. Les élèves du Lycée des Arts et Métiers étaient censés arriver vers 8h30 et, au lieu de venir simplement pour 8h, à l’heure où débutent les cours (ce qui leur aurait encore laissé largement le temps de prendre les derniers arrangements pour leur exposé) beaucoup de mes élèves s’étaient organisés pour arriver plus tôt, de sorte qu’à 7h30, presque la moitié de la classe était déjà réunie dans la salle. Les élèves se sont alors mutuellement préparés à l’exposé, en demandant encore un avis de dernière minute sur tel ou tel point, en se remémorant l’ordre de passage des différents membres d’un groupe et les phrases d’enchaînement pour passer de l’un à l’autre,… En plus, les élèves semblaient heureux de pouvoir présenter leur voyage, de partager leurs expériences et ils étaient beaucoup plus motivés que lorsqu’il s’agit simplement de faire un exposé basé sur une recherche effectuée à la bibliothèque ou sur Internet. Les affiches221 destinées à illustrer leur récit ont d’ailleurs été préparées avec beaucoup plus de soin, de précision et d’originalité que d’habitude, les élèves prenant plaisir à se servir de leurs photos personnelles pour les réaliser. Pendant la présentation, on remarquait clairement le lien qui unissait les élèves au contenu de leur exposé, aux monuments, événements et activités évoqués. Parfois, on observait aussi un côté émotif chez les élèves qui s’amusaient ou rigolaient en racontant certaines expériences. Ainsi, l’enthousiasme avec lequel ils évoquaient certaines séquences se distinguait clairement de la froideur, de la distance, ou même de l’ennui que l’on constate parfois lors des présentations orales 221 Cf. Annexes p.242-259 95 des élèves. Dans ces cas-là, on remarque souvent que les élèves récitent simplement un contenu basé sur des recherches, qu’ils se contentent de présenter un sujet qu’ils ont étudié, alors qu’ici il y avait eu une véritable appropriation de la thématique et que l’identification avec le récit était manifeste. En plus, si l’évaluation de l’expression orale passe fréquemment par la forme de l’exposé, « [i]l arrive [souvent] que l’activité d’oral soit décontextualisée de ce qui se fait en classe »222, ce qui n’était pas le cas ici. En effet, dans le cadre de ce projet, les élèves ont présenté des exposés qui étaient clairement alignés sur les apprentissages réalisés en cours et le voyage a permis une contextualisation des contenus traités. Cependant, le système utilisé pour la présentation des exposés ne présentait pas uniquement des avantages. En effet, j’ai pu observer un manque de sérieux et de motivation chez quelques élèves au moment où ils présentaient leur exposé pour la nième fois, surtout lorsqu’ils avaient déjà été évalués et que la présentation ne servait donc plus comme préparation. Ainsi, certains élèves ont ressenti négativement le fait de devoir « raconter tout le temps la même chose ». Heureusement, les circonstances particulières de cette présentation réalisée devant des inconnus et l’envie de ne « passer pour des nuls » a normalement fait en sorte que les élèves ne se laissent pas aller à bâcler leur exposé lors des dernières présentations. Globalement, la journée était également très longue et très fatigante pour les élèves. Lorsqu’ils réalisaient leurs présentations, ils étaient sous tension et lorsque c’était à leur tour d’écouter, on exigeait d’eux une concentration maximale et beaucoup de discipline. Ainsi, du point de vue de la tension nerveuse et de la concentration, cette journée exigeait beaucoup des élèves et, lors des dernières présentations, cela se faisait ressentir puisque les élèves-auditeurs étaient moins attentifs et moins disciplinés. Dans la perspective d’une reprise de ce système de présentation, il serait donc peut- 222 LAFONTAINE, Lizanne : Op.cit., p.12 96 être préférable d’organiser deux demi-journées de présentation, chacune étant consacrée à un seul voyage et aux exposés d’une seule classe. De cette façon, les différents atouts liés à ce système de présentation (à savoir le lien avec l’expérience personnelle, le piment rajouté par la présence d’une autre classe, la rupture par rapport au quotidien scolaire, la possibilité de pouvoir prendre de l’assurance en rodant son discours) seraient conservés, mais l’expérience se révélerait moins épuisante pour les élèves. 97 98 V. Conclusion De nos jours, la langue en tant qu’objet d’apprentissage a ses domaines très spécifiques à cultiver, notamment la capacité de communication des apprenants, les besoins fonctionnels liés à leur future vie sociale et citoyenne, l’expression personnelle et créative, la littérature, la culture et le patrimoine d’idées véhiculés par chaque langue223. Le projet présenté dans ce travail de candidature a, dans beaucoup de sens, permis de satisfaire à ces exigences. En plus, les différentes activités mises en place ont été insérées dans un cadre thématique précis et dans un contexte d’application très concret, ce qui a su apporter aux élèves un supplément de motivation pour l’apprentissage du français. En guise de conclusion, je constate donc que l’association de l’approche par compétences à un voyage éducatif et culturel peut aboutir à un projet très enrichissant pour les élèves. Par rapport aux méthodes traditionnelles, l’enseignement par compétences apporte beaucoup de changement et des activités très variées, et le voyage y rajoute une contextualisation intéressante tant au niveau des contenus qu’au niveau des perspectives de réemploi des nouveaux acquis. La préparation et l’exploitation du séjour ouvrent la porte à un large éventail d’activités portant sur l’ensemble des compétences et permettant de répondre aux différents objectifs assignés aujourd’hui aux cours de langue. Tout au long du projet, les élèves savaient pour quelle raison précise les différents contenus avaient été choisis, ils étaient conscients des objectifs visés par leur apprentissage et celui-ci acquérait alors pour eux une utilité concrète qu’ils ne reconnaissent pas toujours aux enseignements dispensés à l’école. 223 Cf. MENFP : « Profil de la politique linguistique éducative », p.44 99 Dans de telles conditions, le voyage éducatif remplit une fonction pédagogique irremplaçable et la mise en situation, la participation active, la validation des acquis, la rupture avec le quotidien scolaire sont autant d’avantages au service de l’apprentissage des élèves. L’atout principal du projet réalisé réside sans aucun doute dans le fait qu’il a permis de mettre en œuvre un enseignement plus ouvert et plus global, un enseignement qui n’est pas resté refermé sur la salle de classe et qui, au-delà de l’apprentissage de la langue française, a pu apporter aux élèves diverses notions socioculturelles. Les séquences d’apprentissage réalisées en classe, en combinaison avec le séjour à Paris, ont ainsi permis d’allier la pratique linguistique à la découverte d’un patrimoine universellement reconnu. Cette association a contribué à amener les élèves à concevoir le français non plus simplement comme une matière scolaire abstraite, mais bien comme une langue vivante, étroitement liée à un pays et une culture, une langue utile qui, face à des francophones ou à l’occasion d’un séjour dans un pays francophone, leur permet de communiquer, d’accéder à diverses informations et de réaliser différentes activités. En fin de compte, le séjour dans la capitale française constituait ainsi, pour ma classe, un véritable bain linguistique au cours duquel même les élèves les moins à l’aise en français oubliaient souvent leurs inhibitions pour se mettre à dialoguer avec les interlocuteurs francophones. Il a ainsi pu amener les élèves à un rapport plus positif à la langue française, rompre le blocage quant à l’expression libre, encourager l’expression orale et créer un besoin de communication en français. La motivation déclenchée par le projet représente un outil extrêmement précieux, étant donné que le manque de motivation n’est pas seulement vécu comme frustrant, mais qu’il constitue aussi un des principaux obstacles au succès du processus d’apprentissage. En réussissant à réveiller l’intérêt des élèves, le projet en question a donc non seulement permis de rendre l’enseignement plus attrayant pour les élèves, mais il a également pu encourager leur implication et favoriser leur apprentissage. 100 Un tel projet, qui ouvre l’école sur le monde, qui associe la langue à la culture et qui transfère les apprentissages dans des contextes de communication concrets, peut donc contribuer à développer à la fois les savoirs, les compétences et la motivation des élèves et il représente ainsi un moyen à la fois plaisant et efficace de mettre en pratique la devise du Ministère de l’Éducation nationale luxembourgeois : « Wëssen – Kënnen - Wëllen ». 101 102 VI. Bibliographie 6.1. Matériel utilisé en cours 6.1.1. Manuel - WÜEST, Jakob (dirigé par): Envol 8, Lehrmittelverlag des Kantons Zürich, Zürich, 2009 6.1.2. Livres - GERRIER, Nicolas : Poursuite dans Paris, Cideb Editrice, Gènes, 2007 - HATUEL, Domitille : Une star en danger, Cideb Editrice, Gènes, 2008 - HUGO, Victor / BONATO, Lucia : Notre-Dame de Paris, Cideb Editrice, Gènes, 2002 - OSBORNE, Mary Pope : Rencontres en haut de la tour Eiffel, Bayard Jeunesse, 2008 6.1.3. DVD - PLAMONDON, Luc / COCCIANTE, Richard : Notre-Dame de Paris, Pomme Music, 1999 - TROUSDALE, Gary / WISE, Kirk : Le Bossu de Notre-Dame, Disney Enterprises, 2002 6.1.4. Clip vidéo - clip Youtube sur le Festival de Cannes : http://www.youtube.com/watch?v=pATs8H1eQkU 103 6.2. Ouvrages pédagogiques - ANGIBEAUD, Jacqueline / LANDRON, Michel / MAÎTRE, Françoise : Le B.A.BA du voyage scolaire à l’étranger. Guide du professeur, CRDP des Pays de Loire, Nantes, 2004 - BEACCO, Jean-Claude : L’approche par compétences dans l’enseignement des langues, Les Éditions Didier, Paris, 2007 - BÉRARD, Christine : L’approche communicative, CLE International, Paris, 1991 - BOSSY, Jean-François: Enseigner la Shoah à l’âge démocratique, Armand Colin, Collection Débats d’Ecole, Paris, 2007 - CHAUVIN, Jacques : Les classes de découverte ou l’école hors les murs de l’école, L’Harmattan, Paris, 2003 - CICUREL, Francine : Les interactions dans l’enseignement des langues. Agir professoral et pratiques de classe, Les Éditions Didier, Paris, 2011 - CONSEIL DE L’EUROPE : Cadre européen commun de référence pour les langues, Les Editions Didier, Paris, 2005 - DOLZ, Joaquim / SCHNEUWLY, Bernard : Pour un enseignement de l’oral, ESF éditeur, Paris, 1998 - LAFONTAINE, Lizanne : Enseigner l’oral au secondaire, Les Editions de la Chenelière, Montréal, 2007 - LOUIS, Vincent : Interactions verbales et communication interculturelle en FLE, E.M.E. & InterCommunications sprl, Bruxelles, 2011 104 - MULLER, François : Manuel de survie à l’usage de l’enseignant, Éditions l’Etudiant, Paris, 2005 - PUGIBET, Véronique : Se former à l’altérité par le voyage dès l’école, L’Harmattan, Paris, 2004 - ROSEN, Évelyne (coordonné par) : La perspective actionnelle et l’approche par les tâches en classe de langue, CLE International, Paris, 2009 - ROSEN, Évelyne / REINHARDT, Claus : Le point sur le Cadre européen commun de référence pour les langues, CLE International, Paris, 2010 - TAGLIANTE, Christine : La classe de langue, CLE International, Paris, 2006 - TARDIF, Jacques : Le transfert des apprentissages, Les Éditions Logiques, Montréal, 2004 - THYRION, Francine / FLAMINI, Fiorella (coordonné par) : Variation et interculturel dans l’enseignement du FLE, E.M.E. & InterCommunications sprl, Bruxelles, 2007 - VIANIN, Pierre : La motivation scolaire. Comment susciter le désir d’apprendre ?, De Boeck, Bruxelles, 2006 - VIAU, Rolland : La motivation à apprendre en milieu scolaire, Éditions du renouveau pédagogique, Saint-Laurent, Québec, 2009 - VIAU, Rolland : La motivation en contexte scolaire, De Boeck Université, Bruxelles, 2007 - WEISS, François : Jouer, communiquer, apprendre, Hachette Livre, Paris, 2002 105 6.3. Documents pédagogiques - BERG, Charles / WEIS, Christiane : « Réajustement de l’enseignement des langues », Éditions du CESIJE, Luxembourg, 2007 (http://www.men.public.lu/publications/syst_educatif_luxbg/langues/070315_pl an_action_langues/070315_plan_act_langues.pdf) - BERG, Charles / WEIS, Christiane : « Sociologie de l’enseignement des langues dans un environnement multilingue », Éditions du CESIJE, Luxembourg, 2005 (http://www.men.public.lu/actualites/2006/03/060320_profil_linguistique/rappo rtluxembourgsept051.pdf) - CASTELLOTTI, Véronique et MOORE, Danièle : « Représentations sociales des langues et enseignements », Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2002 (http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/CastellottiMooreFR.pdf) - GÉRARD, Patrick : « Sorties scolaires. Séjours scolaires courts et classes de découvertes dans le premier degré », 2005 http://www.unosel.org/images/stories/zim/circulaire_janvier_2005.pdf?phpMy Admin=e7cd1b47db0810ba53e4c104d6e1c222 - KÜHN, Peter : « Bildungsstandards kompetenzorientierten Sprachenunterricht Sprachen. an Leitfaden Luxemburger für den Schulen », Luxemburg, 2008 (http://www.men.public.lu/publications/syst_educatif_luxbg/langues/080611_bi ldungsstandards_sprachen/080606_bildungsstandards_sprachen.pdf) - MENFP : « Dossier de presse : WËSSEN – KËNNEN – WËLLEN », Luxembourg, 2008 (http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2008/09-septembre/11delvaux/dossier.pdf) 106 - MENFP : Horaires et Programmes / Enseignement secondaire technique / Cycle inférieur / Français / 8TE / Programme (http://www.myschool.lu/portal/server.pt?space=CommunityPage&cached=tru e&parentname=MyPage&parentid=2&in_hi_userid=2&control=SetCommunity &CommunityID=1385&PageID=0) - MENFP : « Pratiques de l’oral: Document de réflexion théorique et pratique », Luxembourg, 2008 (http://www.men.public.lu/publications/syst_educatif_luxbg/langues/080818_p ratiques_oral/080818_pratique_oral.pdf) - MENFP : « Profil de la politique linguistique éducative – Grand-Duché de Luxembourg », Luxembourg, 2006 (http://www.men.public.lu/actualites/2006/03/060320_profil_linguistique/profil_ luxembourg_fin_28_fevrier_20061.pdf) - REISDOERFER, Joseph : « Analyse critique de la nouvelle politique linguistique au Grand-Duché de Luxembourg », Synergies Algérie N°6, p.137146, 2009 (http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/Algerie6/reisdoerfer.pdf) - SINGER, Claude / DAVID, Jacques-Olivier (interview de) : « Mémorial de la Shoah : Accueil des publics », site Internet de l’Institut français de l’éducation, 2006 (http://ecehg.inrp.fr/ECEHG/enjeux-de-memoire/Shoah-etdeportation/parcours-et-pratiques/folder.2006-0629.7935362560/document.2008-11-28.4095852011) - PAVY, Béatrice : « Lettre de mission » (http://www.unosel.org/images/stories/zim/Rapport_BeatricePavy.pdf?phpMy Admin=e7cd1b47db0810ba53e4c104d6e1c222) 107 - VIAU, Rolland : « La motivation en contexte scolaire : les résultats de la recherche en quinze questions », Revue Vie Pédagogique, N°115, avril/mai 2000, p.5-8 (http://www.pages.usherbrooke.ca/rviau/articles/livres_et_articles/la_motivatio n_en_contexte_scolaire_les_resultats_de_la_recherche_en_quinze_question s.pdf) - VIAU, Rolland : « Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves », Revue Correspondance (http://www.pages.usherbrooke.ca/rviau/articles/livres_et_articles/des_conditi ons_a_respecter_pour_susciter_la_motivation_des_eleves.pdf) - EducPros. « Quel est l’intérêt des voyages scolaires ? » (http://www.educpros.fr/dossiers/les-voyages-scolaires-ou-l-ecole-hors-lesmurs/h/9da5f95248/d/387/a/quel-est-linteret-des-voyages-scolaires.html) 6.4. Autre matériel utilisé - COLLECTIF : Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Gallimard, Paris, 2008 - MONTAIGNE : Essais III, Éditions, Gallimard, Paris, 2005 - Dossier Activités jeunesse 2010-2011, Scolaires & périscolaires édité par le Musée des arts et métiers - Dossier pédagogique édité par le Grand Rex 108