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Section du dépôt légal
ÉDITORIAL
Vision de Pharmactuel
Julie Méthot1,2,3, B.Pharm., Ph.D., Louise Mallet4,5,6, B.Sc.Pharm., Pharm.D., CGP, FESCP
Pharmacienne, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Québec (Québec) Canada;
Professeure adjointe, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;
3
Rédactrice en chef, Pharmactuel, Montréal (Québec) Canada;
4
Professeure titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
5
Pharmacienne, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;
6
Rédactrice adjointe, Pharmactuel, Montréal (Québec) Canada
1
2
Reçu le 3 février 2015; Accepté après révision le 25 février 2015
Le comité de rédaction de Pharmactuel tient à vous
souhaiter ses meilleurs vœux pour l’année 2015. Étant
jeune nous ne comprenions pas pourquoi nos aînés
souhaitaient « la santé » lors de vœux du nouvel an. Avec
le temps et l’expérience, nous avons été témoin d’un ami,
d’un collègue, d’un parent ou d’un patient « injustement »
atteint d’une maladie qui a perturbé la quiétude du
quotidien. Notre souhait tout en sagesse : Que la santé et
la prospérité soient présentes tout au long de cette année.
Nous profitons aussi de ce moment pour remercier les
membres du comité de rédaction qui ont su, encore une
fois, relever le défi de la gestion éditoriale des articles
avec l’objectif ultime de publier des articles d’intérêt et
rigoureux. La tâche est importante pour faire avancer la
culture de publication au Québec.
Nous tenons à remercier les réviseurs, qui ont été cette
année pour la majorité des pharmaciens, des médecins,
des chercheurs ou d’autres professionnels de la santé qui
se sont investis dans le processus de révision par les pairs.
Une année nouvelle est aussi le temps de revoir ses
objectifs et de refaire son plan d’action tant sur l’aspect
professionnel que personnel. Cette année sera une année
charnière. Pharmactuel s’associe à l’équipe de Multimed
pour la mise en ligne du journal ainsi que différentes étapes
du processus éditorial. Pharmactuel constitue leur premier
partenaire francophone. Ce changement permettra une
gestion centralisée des articles et une prise en charge de
la révision linguistique et de la mise en forme des articles.
Les plus vieux (pas tant que ça) se rappelleront que nous
soumettions nos résumés et article par disquette dans les
années 90 et le tout était envoyé par la poste…. Oui, il existe
encore des dinosaures qui se souviennent…
Nous poursuivons notre engagement envers notre lectorat
francophone tant québécois qu’international. Au cours
des dernières années, un à deux articles de l’international
ont été publiés dans chacun des numéros de Pharmactuel.
Nos statistiques web rapportent près de 15 600 visites en
2014. La distribution par pays des sessions consultées est
la suivante : Canada (73 %), France (15 %), Suisse (3 %),
Belgique (2 %), Algérie (2 %), États-Unis (1 %), Maroc (1 %),
Brésil (1 %), Allemagne (1 %) et Tunisie (1 %), confirmant
notre lectorat international.
La force de Pharmactuel, sa disponibilité en ligne à tous
incluant ses archives, demeurera en 2015. Pharmactuel
poursuit sa mission de publier des œuvres originales et
novatrices destinées à la pratique pharmaceutique en
établissement de santé dans la francophonie. Pharmactuel
jouit d’une tribune internationale. Le processus de
révision par les pairs est bien en place pour les chroniques
Recherche, Pharmacothérapie, Cas clinique en direct de
l’unité et Évaluation critique d’un article scientifique. Notre
objectif de déposer notre dossier pour indexation Medline
est bien présent.
Pourquoi publier? Voici un bon coup réalisé par M me
Sylvie Carle. À la suite de la publication d’un article « Les
antifongiques dans le traitement des infections invasives »,
elle a été contacté par un patient « désespéré » qui souffrait
d’un problème de santé grave et voulait connaitre son avis
sur le traitement à suivre1,2. M me Carle l’a mis en contact avec
les spécialistes dans le domaine du Centre universitaire de
santé McGill, ce qui a sauvé la vie de ce patient. Ce patient
avait retracé l’article de Sylvie paru dans Pharmactuel et
disponible en ligne à tous, ce qui a permis de l’orienter
afin de personnaliser et d’optimiser son traitement. Il est
intéressant de constater le chemin parcouru par cet article,
qui avait d’ailleurs permis à M me Carle de remporter le prix
du meilleur article de Pharmactuel Novopharm/Mayne
Pharma – A.P.E.S. en 20033.
Former la relève fait aussi partie de notre mission. Des
membres du comité de rédaction s’engagent dans des
cours de deuxième cycle au programme de Maîtrise en
pharmacothérapie avancée de l’Université de Montréal et
de l’Université Laval. On retrouve parmi les objectifs de
ces cours : favoriser le développement d’une culture de
l’écriture scientifique et leur faire vivre une expérience de
rédaction aux résidents4. Respectivement, Julie Méthot et
Louise Mallet sont responsables de ces cours à la faculté
de Pharmacie de l’Université Laval et celle de l’Université
de Montréal. Au cours des dernières années Roxane
Therrien, ancienne rédactrice associée, Christine Hamel,
rédactrice adjointe, Vincent Leclerc, rédacteur associé,
Pour toute correspondance : Julie Méthot, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, 2725, chemin Sainte-Foy, Québec (Québec) G1V 4G5, CANADA;
Téléphone : 418 656-8711, poste 2947; Télécopieur : 418 656-4656; Courriel : [email protected]
© APES tous droits réservés
Pharmactuel 2015;48(1) 5
ainsi que les auteurs du présent éditorial ont collaboré
soit à la prestation de cours ou à la première évaluation
des articles des résidents. L’engagement des membres du
comité a permis aux étudiants de vivre une expérience de
rédaction et de révision par les pairs. À Montréal, depuis
2011, l’engagement des membres du comité a permis à
deux cohortes d’étudiants (n = 65) de rédiger 24 articles
dans cinq revues scientifiques différentes. L’expérience de
mentorat en matière de publication a été partagée au niveau
provincial, national et international5-7. La tribune offerte
par ces cours permet d’aller de l’avant pour développer une
culture d’écriture auprès de la relève.
Financement
À l’amorce de l’année 2015, l’équipe de rédaction de
Pharmactuel souhaite à son lectorat une année épanouie
d’un point de vue personnel et professionnel. En souhaitant
recevoir vos articles pour publication au cours des
prochains mois….
Autorisation
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été
déclaré par les auteurs.
Conflits d’intérêts
Les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE
pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les
auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
Une autorisation écrite a été obtenue des personnes citées
dans le présent article.
Références
1.
2.
Carle S. Les antifongiques dans le traitement
des infections invasives. Pharmactuel 2003;
36:25-41.
Centre universitaire de santé McGill. Infection
inexplicable : du laboratoire au chevet des patients.
[en ligne] http://cusm.ca/newsroom/​a rticle/​
infection-inexplicable-du-laboratoire-au-​
chevet-patients (site visité le 18 janvier 2015).
6 Pharmactuel 2015;48(1)
3.
4.
Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Les prix d’excellence et de reconnaissance 2003. [en ligne]
ht tp://w w w.pharmactuel.com /sommaires​
%5C200403cf.pdf (site visité le 18 janvier 2015).
Université de Montréal. PHA-62102. Communication scientifique en pharmacie 2. [en ligne]
https://admission.umontreal.ca /cours-et-​
horaires/cours/pha-62102/ (site visité le 18 janvier 2015).
5.
6.
7.
Mallet L, Méthot J. Mentorat pour la publication
durant la maîtrise en pharmacothérapie avancée. Pharmactuel 2014;47:138.
Méthot J, Mallet L. Mentoring for publication in
a Master’s program in hospital pharmacy.
Congrès annuel AFPC/CPERC 2014, mai-juin.
Saskatoon (Saskatchewan), Canada.
Mallet L, Methot J. Mentoring for publication in
a Master’s degree program in hospital pharmacy. [en ligne] http://www.ease.org.uk/node/​
1012 (site visité le 18 janvier 2015).
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RÉVISEURS POUR LE VOLUME 47 - ANNÉE 2014
Remerciements aux réviseurs et aux membres du comité de rédaction pour 2014
Le Pharmactuel désire souligner le travail remarquable effectué par les réviseurs et le comité de rédaction au cours de l’année
2014. En effet, tous les articles ont fait l’objet d’une révision éditoriale et linguistique. De plus, les articles de quatre chroniques
du Pharmactuel, soit Cas clinique en direct de l’unité, Évaluation critique de la documentation scientifique, Pharmacothérapie
et Recherche ont bénéficié de la révision de deux pairs. Quant aux chroniques de nature clinique (Au centre de l’information;
Gestion; Risques, qualité, sécurité; Votre expérience avec), elles ont fait l’objet de révision lorsque cela s’avérait nécessaire.
L’expertise des réviseurs et le temps consacré aux révisions ont permis d’améliorer la qualité et le contenu des articles avant
leur publication. Nous tenons également à remercier les auteurs qui ont effectué les changements demandés et ont répondu
aux commentaires, parfois nombreux, des réviseurs. Leurs efforts ont été récompensés par la publication de leur article. Merci
aux membres du comité de rédaction et du comité éditorial international qui s’investissent pour faire du Pharmactuel une
revue de qualité.
Jean-Philippe Adam
Marie-Ève Leblanc
Jocelyne Pépin
Benoit Allenet
Vincent Leclerc
Marie-Claude Poulin
René Blais
Louise Mallet
Roxane Pouliot
Maude Blanchet
Serge Maltais
Christian Rochefort
Jean-Philippe Boucher
Dominic Martel
Mounir Rhalimi
Jean-Fraçois Buissières
Richard Menzies
Jacynthe Roy-Petit
Jean Calop
Julie Méthot
Nancy Sheehan
Marie-France Drolet
Véronique Michaud
Caroline Sirois
Pierre Duranleau-Gagnon
Catherine Ouellet
Isabelle Taillon
Ema Ferreira
Louise Papillon-Ferland
Rachel Therrien
Marie-Andrée Fournier
Mélissa Para
Lise Tremblay
Christine Hamel
Martin Parent
Ursula Winterfeld
Comité de rédaction international
Benoit Allenet, Pharm.D., Ph.D.
France
Jean Lefebvre, B.Pharm., Ph.D.
Canada
Pr Dolla Karam Sarkis
Liban
Pr Yahya Bensouda
Maroc
Linda Lévesque, B.Sc.Phm., M.Sc.,
Ph.D.
Canada
Anne Spinewine, M.Pharm., Ph.D.
Belgique
Pr Pascal Bonnabry
Suisse
Olivier Bugnon, Pharm.D., Ph.D.
Suisse
Bruno Charpiat, D.Pharm.
France
Chantal Csajka, Ph.D.
Suisse
Felicia Loghin, Pharm.D., Ph.D.
Roumanie
Claude Mailhot, B.Pharm., DPH,
Pharm.D.
Canada
Pierre Moreau, B.Pharm., Ph.D.
Koweït
Bertrand Guignard, Ph.D.
Suisse
Paul Poirier, MD, Ph.D., FRCPC,
FACC, FAHA
Canada
Lyne Lalonde, B.Pharm., Ph.D.
Canada
Mounir Rhalimi. D.Pharm.
France
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Pr Christian Swine
Belgique
Jacques Turgeon, B.Pharm., Ph.D.
Canada
Régis Vaillancourt, OMM, CD,
B.Pharm., Pharm.D.
Canada
Françoise Van Bambeke, Pharm.D.,
Ph.D.
Belgique
Pharmactuel 2015;48(1) 7
LETTRE AU RÉDACTEUR
Stabilité hors emballage des comprimés de lansoprazole
orodispersibles
Alexandre Melkoumov1, B.Pharm., M.Sc., Grégoire Leclair2, B.Pharm., Ph.D.
1
2
Candidat au Ph.D., Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
Professeur adjoint, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada
Article reçu le 27 octobre 2014; Article accepté après révision le 11 novembre 2014
Introduction
La population pédiatrique est sujette au reflux gastroœsophagien, aux ulcères peptiques et à d’autres
pathologies liées à l’acidité gastrique, et les cas les plus
graves nécessitent une intervention pharmacologique1,2.
Un des choix de traitement est l’administration d’un
inhibiteur de la pompe à protons (IPP). Cependant, la
majorité des IPP sont disponibles au Québec sous forme de
comprimés solides. L’administration de ces comprimés à
une population pédiatrique constitue donc un problème.
Plusieurs préparations liquides d’IPP ont été proposées,
mais aucune d’elles n’est réellement acceptable en
raison de problèmes de stabilité et d’efficacité3,4. Entre
autres, la solution de lansoprazole dans du bicarbonate
de sodium n’est pas conforme aux exigences USP pour
les formulations entériques. De plus, une formulation de
lansoprazole dans l’Orablend (Laboratoires Paddock, MN,
É.-U.) ne présente pas de stabilité à long terme acceptable4.
Conséquemment, l’hôpital pédiatrique CHU Sainte-Justine
a décidé de ne plus recommander les formulations liquides
d’IPP, mais plutôt de proposer l’utilisation de comprimés de
lansoprazole orodispersibles (Prevacid MD FasTab, Abbott
Canada, Montréal, QC, Canada). Ces comprimés sont
coupés en deux ou en quatre selon la dose désirée, puis
dissous dans de l’eau et immédiatement administrés au
patient. À défaut de connaître leur stabilité, les soignants
jettent simplement les portions inutilisées. Étant donné le
coût de ce médicament, il est intéressant de savoir si la
moitié inutilisée, sortie de son emballage, est suffisamment
stable pour être utilisée le lendemain.
Nous avons donc réalisé une étude de stabilité sur des
moitiés de comprimés de lansoprazole sortis de leur
emballage. Les comprimés de lansoprazole orodispersibles
(PrevacidMD FasTab 30 mg, Abbott Canada, lot 06038NB)
ont d’abord été coupés en deux portions égales à l’aide
d’un coupe-pilules. Nous avons évalué la variabilité entre
les demi-comprimés en mesurant le coefficient de variation
de leur masse (n = 12). Ces demi-comprimés ont ensuite
été entreposés dans un contenant ouvert et conservés à
l’abri de la lumière, à 40 °C et à 75 % d’humidité relative
pendant trois ou sept jours (n = 6 pour chaque condition
d’entreposage). Par la suite, des tests de dissolution ont
permis d’évaluer la réaction des moitiés de comprimés
soumis aux conditions de stabilité. Brièvement, les tests ont
nécessité l’utilisation d’un appareil à dissolution, tel que le
décrit la pharmacopée américaine pour les formulations
à enrobage entérique (37 °C, 75 rpm, appareil II)5. Comme
nous l’avons mentionné dans une étude antérieure4, nous
avons d’abord exposé les demi-comprimés à de l’acide
chlorhydrique (490 ml; 0,1 N; 60 min). Après le prélèvement
d’un échantillon (25 ml), du tampon phosphate (475 ml,
pH 6,8) a été ajouté au milieu de dissolution. Nous avons
prélevé des échantillons (3 ml) à des moments prédéterminés
(30, 45, 60 et 75 minutes après les 60 minutes initiales
d’exposition à l’acide chlorhydrique) avant d’ajouter, après
75 minutes, de l’hydroxyde de sodium (100 ml, 1 N) au milieu
de dissolution afin de dissoudre toute la quantité résiduelle
de lansoprazole. Enfin, un dernier échantillon a été prélevé
30 minutes plus tard. Tous les échantillons ont été analysés
selon une méthode éprouvée de chromatographie liquide à
haute performance (CLHP)4. Six moitiés de comprimés ont
été évaluées à chaque moment prédéterminé, et chaque
injection CLHP a été effectuée en triplicata.
Le coefficient de variation de la masse des demi-comprimés
était de 9,1 % (n = 12). Normalement, le coefficient de
variation de la masse des formes unitaires pharmaceutiques
devrait être inférieur à 6 % . Ce coefficient plus élevé provient
de la difficulté à couper de façon précise les comprimés
orodispersibles de lansoprazole. Toutefois, le lansoprazole
n’est pas un médicament à dose critique. Ainsi, l’imprécision
de la coupe de ces comprimés ne devrait pas être considérée
comme un frein au traitement. Les résultats que nous
avons obtenus ne montrent aucun changement de profil de
dissolution entre les comprimés qui sortent de l’emballage
et ceux vieux de trois et sept jours (figure 1). Ces résultats
témoignent de la stabilité de cette forme pharmaceutique de
lansoprazole dans les conditions évaluées.
En conclusion, il est possible de conserver les fractions
de comprimés de lansoprazole orodispersibles pendant
au moins une semaine à l’abri de la lumière et dans des
conditions n’excédant pas 40 °C et 75 % d’humidité relative.
De plus, les comprimés de lansoprazole sont difficiles à
couper de façon précise, et il faut bien veiller à obtenir des
demi-doses de masse correcte.
Pour toute correspondance : Grégoire Leclair, Université de Montréal, Faculté de pharmacie, C.P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7, CANADA;
Téléphone : 514 343-6111 (0361); Télécopieur : 514 343-2102; Courriel : [email protected]
8 Pharmactuel 2015;48(1)
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Financement
Les comprimés de lansoprazole orodispersibles ont été
généreusement fournis par le département de pharmacie du
CHU de Sainte-Justine.
Conflits d’intérêts
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de
l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
Figure 1. Pourcentage de lansoprazole dissous en fonction des
conditions d’entreposage
Abréviations : HR : humidité relative; min : minutes
Références
1.
Vandenplas Y, Rudolph CD, Di Lorenzo C, Hassall E, Liptak G, Mazur L et coll. Pediatric gastroesophageal reflux clinical practice guidelines:
joint recommendations of the North American
Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (NASPGHAN) and the European Society for Pediatric Gastroenterology,
Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN). J Pediatr
Gastroenterol Nutr 2009;49:498-547.
© APES tous droits réservés
2.
3.
4.
Chelimsky G, Czinn S. Peptic ulcer disease in
children. Pediatr Rev 2001;22:349-55.
Blanc A, Melkoumov A. Reflux gastro-œsophagien :
comment administrer le lansoprazole en pédiatrie?
Québec Pharmacie 2012;59:7-8.
Melkoumov A, Soukrati A, Elkin I, Forest JM, Hildgen
P, Leclair G. Quality evaluation of extemporaneous
delayed-release liquid formulations of lansoprazole.
Am J Health Syst Pharm 2011;68:2069-74.
5.
Lansoprazole delayed-release capsules monograph. United States Pharmacopeia 37 – National Formulary 32. Rockville, MD: The United
States Pharmacopeia Convention 2014. p.
3499-500.
Pharmactuel 2015;48(1) 9
LETTRE AU RÉDACTEUR
Littérature décrivant le rôle du pharmacien et les retombées de
son action : perceptions de décideurs en pharmacie hospitalière
Aurélie Guérin1, Jean-François Bussières2,3, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP
Interne en pharmacie, Université de Paris XI, Assistante de recherche à l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique au Centre hospitalier
universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
2
Pharmacien, Chef du département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine,
Montréal (Québec) Canada;
3
Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada
1
Reçu le 1er décembre 2014; Accepté après révision le 30 décembre 2014
Le site Internet Impact Pharmacie, qui recense l’ensemble
de la littérature concernant le rôle du pharmacien et les
retombées de son action, a été officiellement lancé en
octobre 2013 lors du séminaire administratif de l’Association
des pharmaciens des établissements de santé du Québec
(A.P.E.S.)1,2. Une année après le lancement de ce site, et au
lendemain de la création du blogue Impact Pharmacie en
mars 2014, il est opportun de faire le point sur la manière
dont les décideurs en pharmacie perçoivent ces ressources3.
Dans le cadre du séminaire de l’A.P.E.S. qui s’est tenu
en octobre 2014, nous avons interrogé des décideurs en
pharmacie hospitalière sur trois points : premièrement,
leurs lectures portant sur la pharmacothérapie ou le
rôle des pharmaciens et les retombées de leur action,
deuxièmement, l’importance qu’ils accordent aux preuves
et troisièmement, la manière dont ils perçoivent le site
Internet Impact Pharmacie. Ce séminaire conviait des chefs
de départements de pharmacie hospitalière et d’autres
membres du département du Québec participant souvent à
la gestion pharmaceutique.
À partir d’un questionnaire composé de questions à
choix multiples, nous avons évalué le nombre d’articles
portant sur la pharmacothérapie ainsi que sur le rôle
des pharmaciens et sur les retombées de leur action que
lisaient les personnes interrogées4,5. Nous avons convié les
participants au sondage à indiquer, sur une échelle de 0
à 10, à quel point ils étaient d’accord avec onze énoncés
portant sur l’importance accordée aux preuves et à se
prononcer sur six énoncés portant sur leur perception du
site Internet Impact Pharmacie. Nous avons informé les
pharmaciens interrogés de la publication des résultats de
ce sondage. En répondant par écrit à notre enquête et en
remettant leurs réponses au chercheur, les participants ont
consenti à une telle publication.
Des 87 participants au séminaire, 53 pharmaciens ont pris
part à l’exercice (taux de réponse de 61 %). Une majorité
des personnes ayant répondu au sondage (77 %) étaient
des femmes possédant une moyenne de 21 ± 8,6 années
d’expérience. En ce qui concerne la lecture d’articles portant
sur la pharmacothérapie, 30 % des personnes interrogées
avaient lu entre 1 et 5 articles au cours de la dernière année,
17 % entre 6 et 10 articles, 21 % entre 11 et 20 articles et 30 %
plus de 20 articles. Toutefois, en ce qui concerne la lecture
d’articles portant sur le rôle du pharmacien et les retombées
de son action, 42 % des personnes ayant répondu au sondage
n’avaient lu aucun article au cours de la dernière année,
43 % entre 1 et 5 articles, 11 % entre 6 et 10 articles, 2 %
entre 11 et 20 articles et 2 % plus de 20 articles. Ces données
montrent que les décideurs en pharmacie hospitalière lisent
un nombre relativement limité d’articles portant sur le rôle
du pharmacien et les retombées de son action.
En ce qui concerne les 11 énoncés portant sur l’importance
accordée aux preuves (tableau I), les résultats du sondage
montrent que les pharmaciens sont plutôt convaincus de
l’utilité des preuves scientifiques relatives notamment aux
retombées de l’exercice de la pharmacie pour la révision
des pratiques des pharmaciens, à la prise de décision du
législateur favorisant la bonification de l’exercice de la
pharmacie ainsi qu’aux décisions de remboursement des
services et aux activités cognitives pharmaceutiques. Si les
preuves liées à la pharmacothérapie revêtent une importance
grandissante et une utilité manifeste pour les décideurs en
pharmacie, nous pensons que la réalisation de tels sondages
favorise les prises de conscience et peut contribuer à un
usage plus convaincant des preuves relatives au rôle de
pharmacien et aux retombées de son travail.
Enfin, les personnes ayant répondu au questionnaire ont
jugé le site Internet Impact Pharmacie utile, clair, pertinent
et devant être intégré à la formation pharmaceutique et à la
prise de décision en santé. Ainsi, il est raisonnable de penser
que le partage de données probantes relatives au rôle du
pharmacien et aux retombées de son travail peut contribuer
à une meilleure hiérarchisation des services et des soins
pharmaceutiques, un défi que les pharmaciens hospitaliers
sont prêts à relever dans le cadre de l’optimisation du réseau
de la santé québécois.
Financement
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été
déclaré par les auteurs.
Pour toute correspondance : Jean-François Bussières, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5,
CANADA; Téléphone: 514 345-4603; Télécopieur : 514 345-4820; Courriel : [email protected]
10 Pharmactuel 2015;48(1)
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Tableau I : Importance que les décideurs en pharmacie hospitalière accordent aux preuves et manière dont ils perçoivent le site Internet Impact Pharmacie
Catégorie
Importance accordée
aux preuves
Perception vis-à-vis du site
Internet Impact Pharmacie
a
Énoncés
Résultatsa
1.
Je pense que l’exposition d’un patient à des preuves scientifiques (p. ex. taux de cancer du poumon associé au tabagisme)
amène de changements d’attitude
7,1
2.
Je pense que l’exposition d’un pharmacien à des preuves scientifiques sur le médicament (p. ex. un nouvel article sur
l’efficacité d’une statine) amène des changements de pratique
8,5
3.
Je pense que l’exposition d’un pharmacien à des preuves scientifiques sur les pratiques professionnelles (p. ex. un nouvel
article démontrant la capacité du pharmacien à améliorer significativement le ratio HDL/LDL) amène des changements de
pratique
7,8
4.
Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour la décision de
législateur afin d’élargir l’exercice de la pharmacie
8,3
5.
Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour la décision de
gestionnaires pour financer des services pharmaceutiques
8,0
6.
Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour les décisions
de remboursement des services et activités cognitives pharmaceutiques
7,3
7.
Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour la révision
des pratiques des pharmaciens
8,6
8.
Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour influencer
positivement la perception des autres professionnels vis-à-vis des pharmaciens
8,1
9.
Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour influencer
positivement la perception des patients du rôle et de la portée de l’exercice de la pharmacie
7,2
10. J’intègre les données des preuves scientifiques dans ma pratique relative à la pharmacothérapie
8,1
11. J’intègre les données des preuves scientifiques dans ma pratique relative à l’évaluation des pratiques
6,5
12. Le contenu du site Impact Pharmacie est présenté clairement
8,4
13. Le contenu du site Impact Pharmacie est pertinent
8,8
14. Le contenu du site Impact Pharmacie devrait être intégré au cursus du Pharm.D.
8,8
15. Le contenu du site Impact Pharmacie devrait être intégré au cursus de la M.Sc. en pharmacothérapie avancée
9,0
16. Le contenu du site Impact Pharmacie devrait être utilisé en gestion afin d’informer les décideurs en santé
9,1
17. Le contenu du site Impact Pharmacie peut être utile à ma pratique personnelle
8,1
Échelle : 0 : parfaitement en désaccord et 10 parfaitement en accord
Conflit d’intérêts
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de
l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
Références
1.
2.
Unité de recherche en pratique pharmaceutique.
Impact Pharmacie. [en ligne] http://impact​
pharmacie.org/ (site visité le 30 novembre 2014).
Guérin A, Tanguay C, Lebel D, Bussières JF.
Recensement et analyse des preuves sur le
rôle et sur les retombées de l’activité pharmaceutique : développement d’un outil sur
Internet. Ann Pharm Fr 2015 doi : 10.1016/j.
pharma.2014.09.004 en ligne] http://www.emconsulte.com/article/937513/recensement-etanalyse-des-preuves-sur-le-role-et- (site visité le
24 janvier 2015).
© APES tous droits réservés
3.
4.
Unité de recherche en pratique pharmaceutique.
Blogue du site Impact Pharmacie. [en ligne]
http://impactpharmacie.wordpress.com/
(site
visité le 30 novembre 2014).
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Pharmactuel 2015;48(1) 11
ÉVALUATION CRITIQUE DE LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE
La thérapie séquentielle pour l’éradication de l’Helicobacter pylori :
y a-t-il un gain clinique?
Fanny Courtemanche1,2, Pharm.D., Béatrice Benoit-Pépin2,3, Pharm.D.
Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction de l’article, Faculté de pharmacie, Université de Montréal,
Montréal (Québec) Canada;
2
Pharmacienne, Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
3
Pharmacienne, CSSS de la Vallée-de-l’Or, Val-d’Or (Québec) Canada
1
Reçu le 18 septembre 2014, Accepté après révision par les pairs le 27 novembre 2014
Titre : Sequential versus triple therapy for the first-line treatment of Helicobacter pylori: a multicenter, open-label, randomised
trial. Lancet 2013;381:205-131.
Auteurs : Liou JM, Chen CC, Chen MJ, Chen CC, Chang CY, Fang YJ et coll., pour le consortium taiwanais sur l’Helicobacter.
Commanditaires : L’étude a été financée par le National Taiwan University Hospital et le National Science Council, qui n’ont
eu aucun autre rôle à jouer dans l’étude.
Cadre de l’étude : Pourquoi s’intéresser à une étude portant sur le traitement de l’Helicobacter pylori (H. pylori) alors
que cette infection est relativement peu fréquente dans les grands centres urbains au Canada 2,3? L’argument réside
dans le fait que la résistance croissante aux antibiotiques de la bactérie rend son élimination de plus en plus difficile.
Alors que la résistance de l’H. pylori au métronidazole semble stable au Canada (environ 20–25 %), la résistance de la
bactérie à la clarithromycine a augmenté en flèche, atteignant les 15 % au début des années 2000 4. Ainsi, des efforts
de recherche sont déployés afin de trouver de nouvelles stratégies de traitement. Cependant, peu d’études évaluent
de façon adéquate la résistance de cette bactérie aux antibiotiques 5. Les initiatives scientifiques dans ce domaine
étant peu nombreuses au Canada, les professionnels de la santé doivent se tourner vers la littérature scientifique
internationale. Les Taïwanais se sont penchés sur la question en menant la première étude comparant l’efficacité
d’une thérapie séquentielle de 10 ou 14 jours à la thérapie triple classique comme traitement de première intention
pour l’éradication de l’H. pylori.
Méthode : Il s’agit d’une étude ouverte, contrôlée, multicentrique, avec répartition aléatoire, offrant des analyses en intention
de traiter et per protocole. La sélection des participants s’est effectuée dans des services de gastroentérologie de six centres
médicaux taïwanais.
Patients : Les patients dont l’âge était égal ou supérieur à 20 ans, souffrant d’une infection à l’H. pylori pouvaient participer à
l’étude. Ceux ayant déjà reçu un traitement d’éradication de l’H. pylori, ayant un antécédent de gastrectomie ou ayant utilisé
des antibiotiques dans les quatre semaines précédant l’étude en étaient exclus. Les femmes enceintes ou qui allaitaient, les
patients ayant un antécédent de réaction allergique aux médicaments à l’étude et ceux ayant un cancer ou une comorbidité
importante en étaient également exclus.
Pour être sélectionnés, les patients chez qui on soupçonnait une infection à l’H. pylori devaient obtenir au moins deux résultats
positifs aux examens diagnostiques utilisés, soit la culture, l’histologie, la sérologie ou le test rapide à l’uréase. Pour les
patients asymptomatiques subissant un dépistage de cancer, la seule exigence pour leur inclusion dans l’étude était un résultat
positif au test respiratoire à l’urée marquée au carbone 13 (13C). Pour éviter les interactions entre le test respiratoire à l’urée
marquée au 13C et les médicaments réduisant l’acidité gastrique (inhibiteurs de la pompe à proton [IPP] et antagonistes des
récepteurs à l’histamine 2 [anti-H2]), le patient devait cesser de prendre ces médicaments au moins deux semaines avant le
test diagnostique.
Interventions : Les patients étaient répartis de façon aléatoire dans trois groupes de traitement (voir tableau I) : une thérapie
séquentielle de 14 jours (S-14), une thérapie séquentielle de 10 jours (S-10) ou une thérapie triple de 14 jours (T-14).
Une entrevue standardisée à la fin du traitement a permis d’évaluer le degré de tolérance et d’adhésion des patients au
traitement. Une période d’au moins six semaines après l’achèvement du traitement devait s’écouler avant que les patients ne
subissent un test confirmant l’éradication de la bactérie.
Pour toute correspondance : Béatrice Benoit-Pépin, CSSS de la Vallée-de-l'Or, 725, 6e Rue, Val-d’Or (Québec) J9P 3Y1, CANADA;
Téléphone : 819-825-5858; Télécopieur: 819-825-7922; Courriel : [email protected]
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Points évalués : L’objectif primaire évalué était le taux d’éradication de l’H. pylori après le traitement de première intention,
déterminé par le test respiratoire à l’urée marquée au 13C. Les objectifs secondaires étaient l’innocuité du traitement et
l’adhésion au traitement (définie comme la prise d’au moins 80 % des comprimés). Les patients avaient reçu de l’information
sur les effets indésirables communs potentiels et ils étaient tenus de les consigner dans un journal tout au long du traitement.
Pour comparer les groupes de traitement, l’étude a mesuré les covariables suivantes : l’âge, le statut tabagique, la consommation
d’alcool, la présence d’ulcère gastroduodénal, l’indice de masse corporelle, le génotypage du cytochrome P450 2C19 (CYP2C19),
le génotypage de certaines mutations de l’H. pylori et la résistance aux antibiotiques.
Tableau I. Traitements d’éradication de l’H. pylori utilisés dans l’étude
Thérapies
S-14
S-10
T-14
Médicamentsa
Durées
Lansoprazole 30 mg
J1 à J14
Amoxicilline 1000 mg
J1 à J7
Clarithromycine 500 mg
J8 à J14
Métronidazole 500 mg
J8 à J14
Lansoprazole 30 mg
J1 à J10
Amoxicilline 1000 mg
J1 à J5
Clarithromycine 500 mg
J6 à J10
Métronidazole 500 mg
J6 à J10
Lansoprazole 30 mg
J1 à J14
Amoxicilline 1000 mg
J1 à J14
Clarithromycine 500 mg
J1 à J14
Coûtb
47,21 $
33,72 $
78,76 $ (161,76 $ pour le Hp-PACMD)
Abréviations : J : jour; mg : milligrammes; S-10 : thérapie séquentielle de 10 jours; S-14 : thérapie séquentielle de 14 jours; T-14 : thérapie triple de 14 jours
a
Toutes les doses mentionnées sont administrées deux fois par jour
b
Coûts selon la Liste de médicaments publiée par la Régie de l’assurance maladie du Québec en novembre 2014 6
2553 patients évalués
1653 exclus au total
1406 H. pylori négatif
98 refus
149 non admissibles
900 patients répartis
aléatoirement
Thérapie S-14
300 patients dans l'analyse
en intention de traiter
4 non adhérents perdus au suivi
5 adhérents perdus au suivi
6 non adhérents
285 patients dans
l'analyse per protocole
Thérapie S-10
300 patients dans l'analyse en
intention de traiter
10 non adhérents perdus au suivi
2 adhérents perdus au suivi
3 non adhérents
285 patients dans
l'analyse per protocole
Thérapie T-14
300 patients dans l'analyse en
intention de traiter
8 non adhérents perdus au suivi
6 adhérents perdus au suivi
7 non adhérents
279 patients dans
l'analyse per protocole
Figure 1. Schéma de l’étude.
Adapté de la référence 1 : Lancet 2013;381:205-13
Abréviations : S-14 : thérapie séquentielle de 14 jours; S-10 : thérapie séquentielle de 10 jours; T-14 : thérapie triple de 14 jours
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Résultats : Au total, l’étude a sélectionné 900 patients, qu’elle a répartis dans les groupes de traitement (voir figure 1). Le
taux d’éradication d’H. pylori en traitement de première intention était supérieur parmi les patients ayant reçu le S-14 par
rapport à ceux ayant reçu le T-14 (90,7 % contre 82,3 %, p = 0,003) (voir tableau II). Ainsi, le nombre nécessaire à traiter est
12, c’est-à-dire que seulement 12 personnes doivent être traitées pour éviter un échec au traitement (intervalle de confiance
à 95 % [IC 95 %] 7,2–34,5; p = 0,003). Aucune différence statistiquement significative n’a été relevée entre le S-14 et le S-10
(90,7 % contre 87,0 %) et entre le S-10 et le T-14 (87,0 % contre 82,3 %). Aucune différence statistiquement significative n’a
été notée entre les trois groupes concernant les effets indésirables ou l’adhésion au traitement.
La régression logistique effectuée par les auteurs pour les 552 patients dont les données de sensibilité aux antibiotiques étaient
connues a révélé que pour tous les traitements, la résistance à la clarithromycine influençait le taux d’éradication de l’H. pylori
et que la résistance au métronidazole affectait plutôt le taux d’éradication associé au S-14 et au S-10. Selon les analyses de
sensibilité, le S-14 serait le traitement le plus efficace pour éradiquer l’H. pylori, comparé au S-10 ou au T-14, sauf lorsque
les patients habitent dans des régions ayant un faible taux de résistance à la clarithromycine (inférieur à 5 %) et un très
haut taux de résistance au métronidazole (supérieur à 80 %). Selon ces mêmes analyses, dans les régions où la résistance au
métronidazole est inférieure à 40 %, le S-10 semblerait être plus efficace que le T-14.
Grille d’évaluation critique
LES RÉSULTATS SONT-ILS VALABLES?
Les patients ont-ils été assignés de façon aléatoire aux groupes de traitement? OUI. Les patients ont été assignés de façon aléatoire, par blocs de six,
dans les trois groupes de traitement mentionnés ci-dessus, selon un ratio 1:1:1.
Les conclusions de l’étude tiennent-elles compte de tous les patients ayant participé à l’étude? Le suivi des patients a-t-il été mené à
terme? OUI. L’analyse par intention de traiter de l’objectif primaire a inclus les résultats des 900 patients. Une analyse per protocole a permis de présenter
les résultats des patients qui avaient adhéré au protocole. Les pertes au suivi étaient négligeables. L’analyse de l’objectif secondaire de l’innocuité a exclu
six patients, sans que la raison en soit connue.
Les patients ont-ils été évalués dans le groupe dans lequel ils avaient été répartis de façon aléatoire (intention de traiter)? OUI. L’objectif primaire
a été évalué selon une analyse par intention de traiter et selon une analyse per protocole.
Les traitements ont-ils été faits à « l’insu » des patients, des médecins et du personnel concerné? NON. Il s’agit d’une étude ouverte. Seule la
séquence de répartition aléatoire a été réalisée à l’insu des chercheurs avant l’assignation.
Les groupes étaient-ils similaires au début de l’étude? OUI et NON. Malgré des caractéristiques similaires, les groupes différaient néanmoins de plus
de 5 % sur les points suivants : présence d’ulcère gastroduodénal, culture positive pour l’H. pylori, patient métabolisateur lent selon le génotype du CYP2C19.
Cependant, d’après les analyses, ce génotype ne semble pas avoir eu d’effet sur le taux d’éradication de l’H. pylori. L’étude ne mentionne ni les médicaments
concomitants ni la proportion de patients asymptomatiques.
Les groupes ont-ils été traités de manière égale à l’extérieur du cadre de recherche? Aucune information n’est disponible sur les traitements
concomitants utilisés à l’extérieur du cadre de l’étude.
QUELS SONT LES RÉSULTATS?
Quelle est l’ampleur de l’effet du traitement? L’analyse par intention de traiter de l’objectif primaire montre un taux d’éradication de l’H. pylori de près
de 10 % supérieur parmi les patients ayant reçu le S-14 par rapport à ceux ayant reçu le T-14, et ce, de façon statistiquement significative. Ainsi, seulement
12 personnes doivent être traitées pour éviter un échec au traitement. Cependant, aucune différence statistiquement significative n’a été relevée entre le S-14 et
le S-10 ou entre le S-10 et le T-14.
Quelle est la précision de l’effet évalué? Un IC 95 % a été fixé. Ce dernier est relativement large pour le résultat du nombre de patients à traiter pour éviter un
échec au traitement, ce qui démontre une précision plutôt faible.
LES RÉSULTATS VONT-ILS M’ÊTRE UTILES DANS LE CADRE DE MES SOINS PHARMACEUTIQUES?
Est-ce que les résultats peuvent être appliqués à mes patients? OUI et NON. Cette étude a porté sur une population asiatique. Habituellement les résultats
des études en infectiologie sont rarement généralisables à d’autres régions du monde, notamment en raison des différences de résistance aux antibiotiques.
Cependant, une comparaison des degrés de résistance mesurés pendant l’étude à ceux répertoriés au Canada permet une certaine extrapolation des résultats. En
effet, les degrés de résistance au métronidazole sont similaires (environ 25 %) dans les deux régions, alors que le degré de résistance à la clarithromycine est plus
élevé au Canada que dans la région de l’étude (environ 15 % au Canada contre 10 % dans l’étude) 4. Selon le modèle développé par les auteurs, le S-14 serait lui
aussi supérieur au T-14 au Canada, vu le taux élevé de résistance à la clarithromycine observé dans ce pays.
Est-ce que tous les résultats ou « impacts » cliniques ont été pris en considération? OUI. En plus d’évaluer l’efficacité de la thérapie séquentielle comme
traitement de première intention, les auteurs ont évalué les effets secondaires du traitement ainsi que l’adhésion au traitement, par rapport à la thérapie triple.
L’éradication de l’H. pylori pouvant réduire l’incidence de dyspepsie, de lymphome du tissu lymphoïde associé aux muqueuses et d’ulcères associés aux antiinflammatoires non stéroïdiens, il aurait aussi été pertinent d’explorer ces avenues7.
Est-ce que les avantages obtenus sont cliniquement significatifs? OUI. Le taux d’éradication de l’H. pylori obtenu avec le S-14 est cliniquement supérieur
à celui observé avec le T-14. En plus de coûter moins cher que la thérapie triple, seulement 12 patients doivent être traités avec le S-14 pour éviter un échec au
traitement. L’étude n’avait cependant pas la puissance nécessaire pour détecter une différence entre le taux d’éradication de l’H. pylori par le S-10 et le T-14.
14 Pharmactuel 2015;48(1)
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Tableau II. Efficacité du traitement de première intention pour
l’éradication de l’H. pylori
Analyse par
intention de
traiter
Analyse per
protocole
S-14
S-10
T-14
Valeur
p
272/300
261/300
247/300
0,003a
(90,7;
87,4 – 94,0)
(87,0;
83,2 – 90,8)
(82,3;
78,0 – 86,6)
269/285
258/285
243/279
(94,4;
91,7 – 97,1)
(90,5;
87,1 – 93,9)
(87,1;
83,2 – 91,0)
n/N
(%;
IC 95 %)
n/N
(%;
IC 95 %)
0,003a
Abréviations : IC : intervalle de confiance; S-10 : thérapie séquentielle de 10 jours;
S-14 : thérapie séquentielle de 14 jours; T-14 : thérapie triple de 14 jours
a
Valeur p pour S-14 contre T-14
Discussion
Il est légitime de se demander pour quelles raisons l’H. pylori
est si difficile à éradiquer : les raisons évoquées incluent
notamment la charge bactérienne élevée, la forme dormante
de la bactérie et le fait que cette dernière a tendance à se
loger à de multiples endroits de l’estomac (dans le mucus,
à la surface de l’épithélium ou à l’intérieur des cellules
épithéliales)8. Étant donné que l’une des plus importantes
variables prédictives de l’échec du traitement de l’H. pylori
est la résistance de la bactérie aux antibiotiques, il convient
ici d’aborder cette problématique8,9. Le métronidazole est
l’antibiotique ayant la plus haute prévalence de résistance10.
Cependant, une telle résistance peut partiellement se contrer
par une augmentation de la dose du médicament et une
prolongation de la durée du traitement8. La résistance à la
clarithromycine, quoique de prévalence moindre, demeure
problématique puisque de telles stratégies ne permettent
pas de la surmonter8. La lévofloxacine, quant à elle, utilisée
surtout pour les cas réfractaires, pose le même problème, et
le taux de résistance de H. pylori à cet antibiotique augmente
rapidement11. La résistance de la bactérie à l’amoxicilline
ou à la tétracycline demeure rare en Amérique du Nord et
aucune résistance au bismuth n’a été rapportée8,10.
Il existe une théorie qui explique l’efficacité de la thérapie
séquentielle. Lors de la première moitié du traitement, l’effet
délétère de l’amoxicilline sur la paroi de la bactérie serait
mis à contribution. En effet, il empêcherait la synthèse des
pompes à efflux, un mécanisme de résistance potentiel contre
la clarithromycine9. Cela aurait ainsi pour effet d’améliorer
l’efficacité du doublet d’antibiotiques (métronidazole plus
clarithromycine) pendant la seconde moitié de la thérapie9,12.
Il est possible à présent de mentionner les forces et les
limites de l’étude analysée. La taille de l’échantillon de cette
étude était plus importante que celle des autres études dans
ce domaine5. La répartition aléatoire a permis d’obtenir trois
groupes équilibrés pour la majorité des caractéristiques.
Cependant, comme les résultats des tests de sensibilité aux
antibiotiques n’étaient connus que pour 61 % des patients, il
est difficile de savoir si ce facteur était bien réparti entre les
groupes. Malgré une apparente différence entre les groupes
en ce qui concerne la proportion de patients métabolisateurs
lents, qui semble favoriser l’éradication dans le groupe S-14
(plus de métabolisateurs lents), les analyses montrent que
le génotype du CYP2C19 n’a pas eu d’effet sur l’éradication
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de l’H. pylori. Une méta-analyse a également démontré que
le polymorphisme de ce cytochrome n’a pas d’influence sur
l’efficacité des thérapies utilisant le lansoprazole13.
Les critères d’exclusion de l’étude étaient peu restrictifs, et la
faible proportion de patients exclus de la population source
confirme ce fait. Cependant, un des critères d’exclusion
n’était pas défini par les auteurs : les patients atteints d’une
comorbidité importante. Nous ne savons pas exactement
combien de patients ont été exclus pour cette raison, mais il
est certain que cela représentait moins de 6 % des patients
évalués. Le suivi était d’une durée assez longue, équivalente
dans tous les groupes et il y a eu peu de pertes au suivi.
Le choix du comparateur était adéquat. Les médicaments
et les doses correspondent à ce qui est recommandé au
Canada en traitement de première intention14,15. Cependant,
la durée de traitement du comparateur est plus longue que
celle recommandée au Canada14. Selon les lignes directrices
internationales, le prolongement de 7 à 10 voire à 14 jours
de la thérapie triple augmente le taux d’éradication
respectivement de 4 % ou de 5–6 %11. Ainsi, le comparateur
utilisé dans l’étude serait plus efficace pour l’éradication
de l’H. pylori que la pratique actuelle au Canada. Les
traitements concomitants permis pendant l’étude n’était pas
connus, alors que certains (comme le bismuth) auraient pu
avoir un effet sur l’éradication de l’H. pylori.
L’adhésion au traitement semble avoir été bonne au cours
de cette étude et similaire pour tous les groupes (environ
96 % des patients ont pris au moins 80 % des comprimés).
Cependant, les auteurs ne mentionnent pas la manière dont
ils l’ont évaluée. De plus, le conditionnement des comprimés
et les conseils donnés aux patients ne sont pas décrits
alors qu’ils peuvent avoir une influence sur l’adhésion,
particulièrement pour le traitement de l’H. pylori16,17.
Le caractère ouvert de l’étude en représente sa principale
limite. Cependant, l’évaluation de l’objectif primaire faisait
appel à des tests diagnostiques, ce qui permettait de réduire
le biais d’information. Il était adéquat d’utiliser le test
respiratoire à l’urée pour déterminer le taux d’éradication
de l’H. pylori six semaines après la fin du traitement7,18,19.
Les IPP et les anti-H2 ont été retirés au moins deux
semaines avant ce test. Cependant, il était impossible de
savoir si certains patients avaient pris du bismuth ou des
antibiotiques dans les quatre semaines précédant le test
d’éradication, ce qui aurait pu causer des faux négatifs et
créer ainsi un biais d’information19.
Il est possible que le lecteur se pose les questions
suivantes : quelles sont les différences – sur le plan de
l’efficacité, de l’innocuité et de l’adhésion au traitement –
entre la thérapie séquentielle et la quadruple thérapie à
base de bismuth (combinaison d’un IPP, du métronidazole,
de la tétracycline et du subsalicyclate de bismuth)? Est-ce
qu’une thérapie concomitante, d’apparence plus simple,
qui comprend les mêmes médicaments que la thérapie
séquentielle, mais administrés simultanément pendant 5
à 10 jours, serait préférable?
Selon une récente méta-analyse comparant l’efficacité
des thérapies pour l’éradication de l’H. pylori, la thérapie
séquentielle sur 10 jours serait supérieure à la thérapie triple
de 7 ou 10 jours, mais elle serait équivalente à la thérapie
Pharmactuel 2015;48(1) 15
triple sur 14 jours, à la quadruple thérapie à base de bismuth
et à la thérapie concomitante20. Il faut cependant demeurer
vigilant vis-à-vis de ces conclusions, puisque les résultats
de la plupart des comparaisons ont été combinés, malgré la
présence d’hétérogénéité. Bien que le pharmacien canadien
soit rarement confronté dans sa pratique à l’H. pylori, on
prévoit aujourd’hui que cette bactérie sera de plus en plus
difficile à éradiquer avec la thérapie triple de sept à dix jours
proposée par les lignes directrices nationales14. Ce phénomène
est en partie lié à la résistance du microorganisme à la
clarithromycine, à un point tel que la fréquence d’une telle
résistance dans une région donnée pourrait guider le choix
du traitement initial. En effet, selon les lignes directrices
internationales, en présence d’une prévalence supérieure à
20 % de résistance à la clarithromycine il faut considérer
d’autres options thérapeutiques, comme la thérapie
séquentielle ou la quadruple thérapie, pour réussir à atteindre
un taux d’éradication souhaité supérieur à 80 %11,19. Encore
faut-il avoir accès à ces données de résistances et que cellesci soient régulièrement mises à jour. Bien que le Canada ne
semble pas encore avoir franchi ce cap, il ne faudrait pas
s’étonner de voir émerger, d’ici quelques années seulement,
d’autres thérapies pour remplacer la thérapie triple4. Une
étude est d’ailleurs en cours aux États-Unis pour déterminer
l’efficacité de la thérapie séquentielle pour une population
nord-américaine21.
Financement
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été
déclaré par les auteurs.
Conflits d’intérêts
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de
l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
Remerciements
Cet article a été réalisé dans le cadre du cours
Communication scientifique de la Faculté de pharmacie
de l’Université de Montréal. Les auteurs en remercient les
responsables et collaborateurs. Une autorisation écrite a
été obtenue de ces personnes.
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Farraye FA. A randomized controlled trial of an enhanced patient compliance program for Helicobacter
pylori therapy. Arch Intern Med 1999;159:2312-6.
18. Garza-González E, Perez-Perez GI, Maldonado-Garza HJ, Bosques-Padilla FJ. A review of
Helicobacter pylori diagnosis, treatment, and
methods to detect eradication. World J Gastroenterol 2014;20:1438-49.
19. Chey WD, Wong BC. American college of gastroenterology guideline on the management of
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20. Gatta L, Vakil N, Vaira D, Scarpignato C. Global
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H. Pylori infection (ClinicalTrials.gov Identifier:
NCT01723059). [en ligne] http://clinicaltrials.
gov/ct2/show/NCT01723059 (site visité le 22
novembre 2014).
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RECHERCHE
Recherche évaluative du programme AP-STOP : AntiPsychotiques :
Sensibilisation à leur bon usage pour les Troubles de
compOrtement des Personnes âgées atteintes de démence
Mélina Dufour1,2, B.Pharm., M.Sc., Savannah Gerardi1,2, B.Pharm., M.Sc., Marie-Ève Jodoin-Poirier1,2, Pharm.D.,
M.Sc., Claudie Richer1,3, Pharm.D., M.Sc., Judith Gravel2, B. Pharm., M.Sc., Martine Joncas2, B.Pharm. M.Sc.,
Sophie Rivard2, B Pharm., D.P.H., Djamal Berbiche4, Ph.D., Lyne Lalonde, B.Pharm., Ph.D.5,6,7
Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada au moment
de la rédaction;
2
Pharmacienne, Hôpital Cité-de-la-Santé de Laval, Laval (Québec) Canada;
3
Pharmacienne, Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Montréal (Québec) Canada;
4
Statisticien, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
5
Professeure titulaire, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
6
Chercheure, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
7
Titulaire, Chaire Sanofi-Aventis en soins pharmaceutiques ambulatoires, Faculté de pharmacie, Université de Montréal et Centre de santé et de
services sociaux de Laval, Montréal (Québec) Canada
1
Reçu le 24 juillet 2014; Accepté après révision par les pairs le 3 novembre 2014
Résumé
Objectif : Une campagne AP-STOP de sensibilisation à l’usage optimal des antipsychotiques pour les troubles de
comportement associés à la démence a été menée à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval. Notre étude évalue les
retombées de cette campagne sur la réévaluation de l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés souffrant
de troubles de comportement associés à la démence.
Méthodologie : Cette étude quasi expérimentale s’est penchée sur le nombre de réévaluations des antipsychotiques pris
par des patients hospitalisés, âgés de plus de 65 ans et atteints de démence. Elle a comparé la proportion de patients
ayant subi une réévaluation de l’usage des antipsychotiques (rispéridone, quétiapine, olanzapine, halopéridol) avant
et après une campagne de sensibilisation. La campagne, qui se déroulait sur huit semaines, comportait des activités
individuelles de formation continue appuyées par un outil clinique, qui s’adressaient aux cliniciens. Les critères de
réévaluation de l’antipsychotique se définissaient comme suit : suppression du médicament, réduction du dosage,
tentative de suppression de l’antipsychotique ou de réduction du dosage de l’antipsychotique ou note médicale suggérant
au médecin de famille de réévaluer l’antipsychotique, le tout bien expliqué dans le dossier médical du patient. En
utilisant le modèle de Cox, nous avons comparé les éventualités de réévaluation de l’usage des antipsychotiques entre
les deux groupes, tout en ajustant les résultats en fonction des caractéristiques des patients et de leur hospitalisation.
Résultats : Nous avons évalué les dossiers médicaux de 616 patients et inclus 125 patients dans le groupe précédant la
campagne et 85 patients dans celui succédant à la campagne. Le taux de réévaluation des antipsychotiques était de 35,4 %
après la campagne, comparativement à 26,4 % avant la campagne (rapport de risque ajusté : 1,23; intervalle de confiance (IC)
95 % : 0,73–2,04).
Conclusion : Cette étude ne permet pas de conclure qu’une campagne de sensibilisation améliore l’usage des antipsychotiques
pour les troubles de comportement associés à la démence en milieu hospitalier.
Mots clés : Agressivité, antipsychotique, démence, halopéridol, olanzapine, psychose, quétiapine, rispéridone, réévaluation,
troubles de comportement associés à la démence, trouble de comportement
Introduction
Les troubles de comportement associés à la démence (TCAD)
sont fréquents. Selon des données canadiennes récentes, le
nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer
passera de 500 000 à 1,1 million d’ici 2038. Une grande
partie d’entre elles développeront un TCAD à un moment ou
à un autre de la maladie1.
Ces troubles de comportement sont classés en trois catégories
distinctes, soit les troubles de l’humeur (anxiété, dépression et
apathie), la psychose (hallucinations et délires) et l’agitation
Pour toute correspondance : Lyne Lalonde, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 850, rue Saint-Denis, local S03.436, Montréal (Québec) H2X
0A9, CANADA; Téléphone : 514 890-8000, poste 15491; Télécopieur : 514 412-7038; Courriel : [email protected]
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Pharmactuel 2015;48(1) 17
(agressivité, cris, errance, bougeotte et déambulation)2,3. Bien
que seule la rispéridone comporte l’indication officielle pour le
traitement à court terme des TCAD graves (agressivité ou
psychose), les antipsychotiques typiques ou atypiques
constituent souvent la première ligne de traitement
pharmacologique des TCAD4-6. La prescription des
antipsychotiques atypiques est plus fréquente en raison de
leur profil de tolérance plus favorable à court terme. Les
patients recevant un diagnostic de démence représentent
35,2 % des utilisateurs d’antipsychotiques (typiques ou
atypiques) parmi les personnes dont l’âge est égal ou supérieur
à 65 ans au Québec7. Pourtant, les données probantes révèlent
que ces médicaments ne sont efficaces que pour traiter les
TCAD de type agressif ou psychotique, comme le montre
l’étude CATIE-AD4-6. Le recours aux antipsychotiques comme
traitement des autres TCAD n’est pas recommandé.
Plusieurs études ont fait état des risques liés à l’usage des
antipsychotiques. Selon l’étude DART-AD, les antipsychotiques
augmentent le risque de décès, et ce risque continue
d’augmenter après plus de 12 mois de traitement8. Une autre
étude a démontré que les utilisateurs d’antipsychotiques ont
plus d’accidents vasculaires cérébraux et cardiaques que
ceux prenant un placebo9. Entre 2002 et 2005, Santé Canada
a émis des avis concernant les risques associés à l’usage
des antipsychotiques par les personnes âgées atteintes de
démence11-12. Malgré cela, le recours à ces médicaments a
augmenté de 13,3 % entre 2006 et 20097,10-12.
Des études ont démontré les avantages de programmes
éducationnels multidisciplinaires portant sur l’usage des
antipsychotiques pour le traitement des TCAD13-16. Deux de
ces études sont canadiennes15,16. L’une d’elles a rapporté la
suppression des antipsychotiques pour 49,9 % des patients
après des interventions multidisciplinaires, alors que
l’autre étude a rapporté une augmentation non significative
de l’usage des antipsychotiques après l’intervention
éducationnelle interdisciplinaire. Ces deux études ont été
réalisées dans un contexte ambulatoire. La seule étude
réalisée en milieu hospitalier s’est penchée sur l’usage des
benzodiazépines plutôt que sur celui des antipsychotiques17.
Les auteurs ont observé une plus grande réévaluation de
l’usage des benzodiazépines après l’intervention (47 %
contre 21 %). Ces résultats positifs démontrent que ce genre
de programme est possible en milieu hospitalier.
Le département de pharmacie de l’Hôpital de la Cité-de-laSanté a mené une campagne de sensibilisation auprès du
personnel hospitalier sur l’usage optimal des antipsychotiques
pour la population âgée démente souffrant de TCAD.
La campagne, nommée AP-STOP (AntiPsychotiques :
Sensibilisation à leur bon usage pour les Troubles de
cOmportement des Personnes âgées atteintes de démence),
consiste en un programme de formation continue pour les
médecins, infirmières et pharmaciens, un outil clinique et
des interventions ciblées auprès des médecins responsables.
L’objectif primaire visait à comparer la fréquence des
réévaluations de l’usage des antipsychotiques avant et
après la campagne AP-STOP, pour les patients hospitalisés
atteints d’un TCAD, à l’aide d’une variable composite, ainsi
que des éléments de cette variable, qui montrent l’utilité
d’une réévaluation (tentative de diminution de dose ou
de suppression de l’antipsychotique, diminution de dose,
suppression de l’antipsychotique ou présence de notes
18 Pharmactuel 2015;48(1)
destinées au médecin de famille) des antipsychotiques
(objectifs secondaires).
Méthode
Protocole de recherche
Nous avons réalisé une étude quasi expérimentale. La
campagne de sensibilisation AP-STOP s’est déroulée du
4 mars au 26 avril 2013 à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de
Laval, un hôpital communautaire où la plupart des patients
sont confiés aux soins d’un médecin de famille. La réévaluation
de l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés
dans quatre unités de soins avant la campagne (du 1er mai au
31 juillet 2012) et après la campagne (du 1er mai au 31 juillet
2013) a fait l’objet d’une description détaillée. Le logiciel de
la pharmacie a permis d’identifier tous les patients de plus
de 65 ans sous antipsychotique (quétiapine, rispéridone,
olanzapine ou halopéridol), hospitalisés dans les unités de
soins de longue durée, de médecine générale, de gériatrie
active et de transition, durant les périodes ciblées précédant
et suivant la campagne. Nous avons consulté les dossiers
médicaux de ces patients. Ceux admissibles devaient
répondre aux critères suivants : 1) avoir un diagnostic de
démence; 2) avoir reçu l’antipsychotique visé par l’étude
au moins quatre fois par semaine s’il était prescrit « au
besoin » ou pendant au moins sept jours s’il était prescrit
« régulièrement »; 3) être hospitalisés pendant un minimum
de sept jours.
Les patients étaient exclus s’ils répondaient à un des critères
suivants : 1) être en fin de vie ou bénéficier de soins de
confort; 2) être hospitalisés dans les unités de psychiatrie,
d’urgence, de soins intensifs ou de soins palliatifs; 3) avoir
un diagnostic de troubles bipolaires ou de schizophrénie;
4) avoir fait partie des patients ayant eu une note au dossier
ou une rencontre individuelle avec le médecin responsable
au cours de la campagne de sensibilisation.
Nous n’avons pas sélectionné les patients qui prenaient
des antipsychotiques moins de quatre fois par semaine,
car les risques associés à une utilisation à long terme des
antipsychotiques sont liés à des prises régulières de
ces médicaments.
Nous avons évalué l’admissibilité des patients à la date
index (T0), c’est-à-dire après sept jours d’hospitalisation
et sept jours d’utilisation régulière d’un antipsychotique
dans une des unités ciblées par l’étude. La réévaluation des
antipsychotiques a été décrite entre T0 et la première des
dates suivantes (Tf) : 1) la fin de la période de suivi prévue de
28 jours; 2) la fin de l’hospitalisation; 3) le décès. Le Comité
scientifique et d’éthique de la recherche du Centre de santé
et de services sociaux (CSSS) de Laval (Québec, Canada) a
approuvé l’étude et la direction des Services professionnels
l’a autorisée.
Nous avons fixé la durée de la campagne de manière à
toucher le plus grand nombre de médecins possible. En effet,
chaque médecin est affecté à une semaine de garde toutes
les six à huit semaines dans un secteur de l’Hôpital. La prise
en compte des variations saisonnières nécessitait que les
périodes de collecte des données avant et après la campagne
soient similaires (de mai à juillet). Tout comme dans l’étude
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sur les benzodiazépines en milieu hospitalier, pour chaque
patient à l’étude, la période d’observation a débuté après
une semaine d’hospitalisation, pour permettre aux équipes
soignantes de traiter au préalable les problèmes aigus ayant
requis l’hospitalisation17.
Campagne de sensibilisation AP-STOP
Le département de pharmacie de l’Hôpital de la Cité-dela-Santé a conçu et lancé la campagne AP-STOP pour
sensibiliser les médecins, les pharmaciens et les infirmières
au bon usage des antipsychotiques pour les personnes
âgées atteintes de démence. En accord avec la littérature
scientifique disponible, la campagne a permis de transmettre
les quatre messages clés suivants : 1) les antipsychotiques
ne sont efficaces que pour les TCAD de type agressif ou
psychotique; 2) les antipsychotiques augmentent le risque de
décès des patients âgés atteints de démence; 3) il faut autant
que possible limiter l’usage des antipsychotiques aux TCAD
pour lesquels ils sont efficaces; 4) il faut réévaluer l’usage des
antipsychotiques périodiquement, soit tous les deux à trois
mois. La campagne AP-STOP présente plusieurs facettes et
inclut des activités de formation continue, un outil clinique et
des rencontres individuelles avec les médecins.
Parmi les activités de formation continue, on trouve une
capsule d’information sur la prise en charge des TCAD
publiée dans Pharm’as-tu lu?, le journal du département
de pharmacie du CSSS de Laval. Nous avons profité d’une
réunion du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens
(CMDP) du CSSS de Laval à l’hiver 2013 pour présenter la
campagne AP-STOP et expliquer la pertinence de réévaluer
l’usage des antipsychotiques pour les personnes âgées
atteintes de démence. Les résidentes en pharmacie ont
effectué des présentations d’une heure devant le Groupe de
médecine de famille (GMF) de l’Hôpital, un Centre local de
services communautaires (CLSC) et une unité de psychiatrie.
Les présentations destinées aux infirmiers et aux préposés
aux bénéficiaires des unités ciblées portaient plutôt sur
les mesures non pharmacologiques comme première ligne
de traitement des TCAD (établir une méthode, orienter et
mobiliser le patient, diminuer le bruit, etc.). Un neurologue
spécialisé en TCAD a également donné une présentation
d’une heure aux professionnels de la santé intéressés par
le sujet.
Pour aider les cliniciens à traiter et à prendre en charge
les TCAD, nous avons créé un algorithme décisionnel, en
collaboration avec les médecins de famille et les pharmaciens
experts en gériatrie. Cet algorithme rappelle les indications
des antipsychotiques pour les TCAD, les doses à utiliser
pour les patients âgés et la manière de réévaluer l’usage des
antipsychotiques. L’outil ne priorisait aucun antipsychotique
et laissait donc le choix au prescripteur. Après son
approbation par le Comité de pharmacologie ainsi que par
la direction des Services professionnels et hospitaliers de
l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, l’algorithme a été distribué
sous forme d’affiches aux unités ciblées et de cartons de
poche plastifiés aux professionnels de la santé. L’outil était
également accessible depuis la plateforme Web du CSSS de
Laval (figures 1 et 2).
Pour terminer, quatre résidentes en pharmacie ont mené
des interventions ciblées auprès des médecins traitants
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de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, soit en rencontrant les
médecins de façon individuelle, soit en écrivant des notes
dans le dossier des patients pour lesquels l’antipsychotique
était jugé inadéquat selon l’algorithme décisionnel. Pour
ce faire, nous avons utilisé le logiciel de la pharmacie afin
d’obtenir une liste de patients ayant atteint ou dépassé
65 ans, qui recevaient un antipsychotique dans une des
unités ciblées par l’étude au cours de la période allant du
4 mars au 26 avril 2013. Les rencontres individuelles avec
les médecins duraient environ dix minutes. Elles visaient
à présenter l’algorithme de traitement et à discuter du cas
d’un patient lorsque cela était nécessaire.
Collecte de données
La réévaluation était motivée si la survenue d’un ou de plusieurs
des événements suivants était confirmée dans le dossier
médical : 1) suppression de l’antipsychotique en cours
d’hospitalisation sans ajout d’un autre antipsychotique;
2) réduction du dosage de l’antipsychotique sans ajout d’un
autre antipsychotique; 3) tentative de réduction du dosage de
l’antipsychotique ou de suppression de l’agent sans ajout d’un
autre antipsychotique; 4) note médicale faite par un médecin de
l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé au médecin de famille lors du
congé hospitalier, conseillant de réévaluer l’usage de
l’antipsychotique. L’utilisation d’un guide d’extraction a permis
de standardiser la collecte d’informations entre les évaluateurs.
Afin de nous assurer de la fiabilité de la collecte des données
concernant la réévaluation, nous avons effectué à trois reprises
un test de concordance entre deux évaluateurs sur 20 dossiers,
soit à chaque changement d’évaluateur. Un coefficient de Kappa
supérieur à 0,8 était nécessaire pour poursuivre la collecte.
Nous avons décrit les variables potentiellement confondantes, à
savoir les caractéristiques des patients (p. ex. : facteurs de
risque ou médicaments pouvant précipiter un TCAD,
polypharmacie) et celles de l’hospitalisation (p. ex. : présence
d’une consultation en gériatrie, infirmière spécialisée en TCAD
travaillant dans ce dossier).
Analyses statistiques
Des moyennes (écarts-types) et des proportions ont permis
de décrire la population à l’étude. Nous avons mesuré la
réévaluation de l’usage des antipsychotiques en comparant
les moyennes et les proportions des dossiers patients
présentant un des éléments de réévaluation avant et après
la campagne. Pour chaque patient, l’apparition de chacun
des événements a été décrite (oui ou non) et nous avons
calculé la proportion de patients qui ont subi au moins
un des évènements. Une analyse de survie (temps avant
de présenter un des éléments évoquant la nécessité d’une
réévaluation de l’usage des antipsychotiques) a permis de
calculer les rapports de risque et leur intervalle de confiance
à 95 % (IC 95 %) pour l’objectif primaire.
Nous avons conçu et testé des modèles multivariés de Cox afin
de tenir compte des variables potentiellement confondantes.
Le modèle final a inclus toutes les variables qui ont influencé
le rapport de risque d’au moins 10 % lorsque cette variable
était ajoutée au modèle qui inclut le groupe d’étude. Nous
avons répété l’analyse de survie en excluant les dossiers qui
spécifiaient l’usage de l’antipsychotique pour une indication
appuyée dans la littérature médicale (agressivité et troubles
Pharmactuel 2015;48(1) 19
Trouble de comportement chez les personnes agées atteintes de démence (TCAD)
INITIER LA PRISE D’UN ANTIPSYCHOTIQUE (AP)
1. Analyser le trouble de
comportement associé à la démence
-
Si échec MNP et/ou comportement présente un danger pour le patient ou
le personnel
Fréquence, durée, nature
Élément déclencheur
Conséquences du comportement
Cibler un symptôme spécifique :
o Agitation : agressivité physique ou verbale,
Indications AVEC EFFICACITÉ des
AP démontrée en démence :
agressivité, hallucinations, délire,
paranoïa, violence, méfiance
irritabilité, cris, bougeotte, errance, fugue,
insultes
o Psychotique : hallucinations, délire,
méfiance, paranoïa
Utilisations SANS EFFICACITÉ
des AP démontrée en démence :
comportements répétitifs dérangeants,
bougeotte, errance, insomnie, apathie,
anxiété, hypersexualité, dépression
Éviter usage AP dans ces situations
o Humeur : Dépression, anxiété, apathie
4. Envisager AP pour une courte durée
- Médicale : infections1, douleur, delirium,
- Si prescription AP prise régulière désirée : Débuter 1 seul agent à faible dose et titrer
graduellement.
- Options possibles (Choisir agent selon effets secondaires et comorbidités):
o Rispéridone 0,25 mg bid, ↑ q3-5j si nécessaire (dose max en gériatrie 2 mg/j)
o Olanzapine 2,5 mg die, ↑ q5-7j si nécessaire (dose max en gériatrie 10 mg/j)
o Quétiapine 12,5 mg die-bid ↑ q3-5j si nécessaire (dose max en gériatrie 200 mg/j)
- Médicamenteuse : narcotiques, anticholinergiques2,
- Si prescription AP prise PRN désirée, privilégier : Halopéridol PO/IM 0,25-0,5 mg
2. Exclure toute cause réversible
pouvant expliquer le TCAD avant de
songer aux AP
déshydratation, constipation, insomnie, intervention
chirurgicale récente, handicap visuel ou auditif
q1h PRN, préciser nb max dose/jour (dose max recommandée GER 1 à 3 mg/jour)
- Si l’AP est prescrit PRN, l’indication (symptôme (s) à traiter) doit être spécifiée.
- Si l’AP est administré > 4 fois par semaine, envisager prescription d’un AP à
antihistaminiques, benzodiazépines, corticostéroïdes,
AINS
- Psychiatrique: trouble d’anxiété, trouble dépressif
- Environnemental : bruits, contentions, changement
prise régulière
de chambre, sur ou sous-stimulation
- Surveiller l’apparition d’effets secondaires
o Rigidité, tremblements : halopéridol > rispéridone > olanzapine > quétiapine
o Hypotension orthostatique : Risperidone = quétiapine > olanzapine
o Somnolence : olanzapine = quétiapine > rispéridone
o Effets anticholinergiques : olanzapine > quétiapine > risperidone
3. Favoriser les mesures non
pharmacologiques (MNP), par exemple :
- Orienter patient (photo, calendrier, horloge)
- Routine quotidienne / régularité du
personnel
- Mobilisation du patient
- Diminution / augmentation des stimuli
- Réévaluer l’indication de l’AP q2-3 mois (voir 2e algorithme au verso)
o Si impossible à faire en contexte hospitalier, déléguer le suivi au MD de famille
1
2
Notez que la bactériurie asymptomatique n’est pas une indication de traitement antibiotique dans ce contexte
Vous référer au portail section «Approche adaptée à la personne âgée» pour des exemples de médicaments anticholinergiques
Figure 1. Recto de l’algorithme décisionnel pour le traitement et la prise en charge des TCAD
La direction des Services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé a autorisé la publication de cet algorithme.
Abréviations : AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien; AP : antipsychotique; bid : deux fois par jour; die : chaque jour; GER : gériatrie; h : heure;
IM : intramusculaire; j : jour; MD : médecin; MNP : mesures non pharmacologiques; nb : nombre; PO : par voie orale; PRN; au besoin; q : tous les/toutes les;
TCAD : troubles de comportement associés à la démence
psychotiques). Cette analyse, réalisée post-hoc afin de ne
tenir compte que de l’usage des antipsychotiques jugé
inapproprié, a fait appel au logiciel SPSS 20.0.
En supposant une erreur de type I de 5 %, un total de
170 patients par groupe d’étude était requis pour permettre
la détection avec une puissance statistique de 80 % d’une
différence de 15 % entre la proportion de patients avant
et après la campagne AP-STOP qui avaient bénéficié
d’une réévaluation de l’usage des antipsychotiques en
cours d’hospitalisation. Les études sur les programmes
de sensibilisation à l’usage des antipsychotiques dans le
traitement des TCAD montraient des différences qui variaient
entre 10 % et 49 %13,16-18.
Résultats
Campagne de sensibilisation AP-STOP
Entre mars et avril 2013, nous avons effectué quatre
présentations aux professionnels de la santé sur l’usage des
antipsychotiques (réunion du CMDP, unité de psychiatrie,
GMF, CLSC), ainsi que 19 présentations au personnel
20 Pharmactuel 2015;48(1)
infirmier et aux préposés aux bénéficiaires sur les mesures
non
pharmacologiques.
Cent-soixante-dix
médecins,
pharmaciens et infirmiers du CSSS de Laval ont assisté à
l’une de ces présentations. De plus, 71 professionnels de la
santé ont assisté à la conférence animée par un neurologue
invité spécialisé en TCAD. La grande majorité des médecins
ont bénéficié d’une rencontre individuelle (63/86 médecins,
soit 73,3 % des omnipraticiens travaillant dans les unités
ciblées) et plusieurs notes ont été rédigées dans les dossiers
des patients pour qui l’usage de l’antipsychotique en TCAD
était jugé inadéquat (14 notes sur 62 dossiers, soit 22,6 %).
Pour terminer, nous avons distribué plus de 250 algorithmes
décisionnels aux médecins lors de la campagne de
sensibilisation.
Population à l’étude
Les périodes précédant et suivant la campagne ont coïncidé
avec la révision de respectivement 341 et 275 dossiers
médicaux (figure 3). De ce nombre, 216 (63,3 %) et 190
(69,1 %) dossiers étaient ceux de patients non admissibles.
Les principales raisons d’exclusion étaient l’absence de
mention d’un diagnostic de démence au dossier médical,
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RÉÉVALUER LA PRISE DE L’ANTIPSYCHOTIQUE (AP)
chez le patient dément avec trouble de comportement (TCAD)
** Cet aide mémoire ne s’applique pas aux patients avec troubles psychiatriques tel que la schizophrénie.
** En tout temps,
- Favoriser l’application des mesures non-pharmacologiques à titre préventif et curatif chez le pt dément
- Se rappeler des risques inhérents aux AP (↑ risque AVC et mort de toute cause après 12 sem usage
régulier) et de l’efficacité modeste dans les TCAD
1. Le pt présente-t-il un TCAD présentement?
Non
Oui
Cesser
graduellement l’AP
par pallier de
25-50% de la dose
par semaine
2. Y a-t-il présence d’une cause réversible
pouvant expliquer/aggraver le TCAD?
- Médicale : infections1, douleur, delirium, déshydratation, constipation,
insomnie, intervention chirurgicale récente, handicap visuel ou auditif
- Médicamenteuse : narcotiques, anticholinergiques2,
antihistaminiques, benzodiazépines, corticostéroïdes, AINS
Oui
- Psychiatrique: trouble d’anxiété, trouble dépressif
- Environnemental : bruits, contentions, changement de chambre,
Agir sur la cause
d’abord
Puis passer à #3 si
TCAD persiste malgré
tout
sur ou sous stimulation
Non
3. S’agit-il d’une indication où l’efficacité des
AP a été démontrée?
- Utilisations SANS EFFICACITÉ des AP démontrée en
démence: comportements répétitifs dérangeants, bougeotte,
errance, insomnie, apathie, anxiété, hypersexualité, dépression
- Indications AVEC EFFICACITÉ des AP démontrée en
démence: agressivité, hallucinations, délire, paranoïa, violence,
méfiance
Oui
Non
Cesser
graduellement l’AP
par pallier de
25-50% de la dose
par semaine puis
passer à D
Envisager l’une des 4
options suivantes
A. ↑ dose
(sans
dépasser
max en
gériatrie)
B. Tenter un
autre AP
C. Demander une
consultation en
gériatrie ou en
pharmacie
D. Envisager alternatives
pour le traitement des TCAD
- inh acétylcholinestérase
(donepezil, galantamine,
rivastigmine)
- ISRS: citalopram, sertraline
- Mémantine
TCAD était respectivement de 70,4 % et de 83,5 %, . Les
facteurs de risque de TCAD les plus fréquents étaient la
présence d’infection, de douleur et de constipation. En
ce qui concerne les médicaments concomitants pouvant
précipiter un TCAD, les plus fréquemment prescrits étaient
les médicaments anticholinergiques, les benzodiazépines et
les narcotiques. La durée moyenne entre la date d’admission
du patient à l’hôpital et la fin de la période d’observation
était respectivement de 39,3 jours et de 30,9 jours pour les
groupes précédant et suivant la campagne. Finalement, pour
les deux groupes, la raison d’admission la plus fréquente
était directement liée à la démence, à savoir une perte
d’autonomie ou un TCAD.
Usage des antipsychotiques
Dans les deux groupes, la majorité des ordonnances
d’antipsychotiques correspondait à des renouvellements
de prescriptions plutôt qu’à de nouvelles ordonnances
(tableau II), et l’antipsychotique le plus prescrit était la
quétiapine. Les autres agents antipsychotiques le plus
souvent prescrits étaient, dans l’ordre, la rispéridone,
l’olanzapine et l’halopéridol. Dans les deux groupes, plus
de 97 % des antipsychotiques étaient pris régulièrement et
prescrits à des doses considérées adéquates en gériatrie pour
le traitement des TCAD. Après la campagne, l’indication de
l’antipsychotique était clairement inscrite au dossier médical
de 77,6 % des dossiers évalués (66/85), comparativement à
70,4 % (88/125) des dossiers avant la campagne. Finalement,
la proportion de patients pour lesquels l’antipsychotique
était utilisé pour une indication appuyée par la littérature
médicale, soit l’agressivité, les hallucinations et la paranoïa,
était similaire entre les deux groupes (avant la campagne :
29,6 % [37/125]; après la campagne : 30,6 % [26/85]).
Réévaluation des antipsychotiques
Figure 2. Verso de l’algorithme décisionnel pour le traitement et
la prise en charge des TCAD
La direction des Services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital de la
Cité-de-la-Santé a autorisé la publication de cet algorithme.
Abréviations : AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien; AP : antipsychotique;
AVC : accident vasculaire cérébral; CMDP : Conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens du Centre de santé et de services sociaux de Laval;
CSSS : Centre de santé et de services sociaux de Laval; Inh : inhibiteur;
ISRS : inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine; max : dose
maximale; pt : patient; sem : semaines; TCAD : troubles de comportement
associés à la démence
la prise régulière d’antipsychotique pendant moins de sept
jours, la prise d’antipsychotique au besoin pendant moins
de quatre jours par semaine et une hospitalisation de moins
de sept jours entre le 1er mai et le 31 juillet. Un total de
125 (36,7 %) patients ont été inclus dans l’étude avant la
campagne et de 85 patients (30,9 %) après la campagne.
Les caractéristiques démographiques et cliniques de
la population étaient similaires dans les deux groupes
(tableau I). L’âge moyen des patients était de 83 ans dans
les deux groupes. Dans les groupes précédant et suivant la
campagne, le pourcentage de patients qui présentaient au
moins un facteur de risque de TCAD était respectivement
de 92 % et de 98,8 %, et celui des patients qui prenaient
au moins un médicament susceptible de déclencher un
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Nous avons calculé des coefficients Kappa adéquats de
0,89, 1,00 et 0,85 lors des changements d’évaluateurs
pendant la période de collecte. La réévaluation de l’usage
des antipsychotiques a touché 26,4 % (33/125) des patients
avant la campagne et 35,3 % (30/85) des patients après la
campagne (tableau III). Après la campagne, les patients
avaient 45 % plus de chance d’obtenir une réévaluation de leur
traitement. En effet, le rapport de risque était de 1,45, mais il
n’était pas statistiquement significatif (IC 95 % : 0,88–2,39).
Le rapport de risque passe à 1,23 (IC 95 % : 0,73–2,04) après
l’ajustement en fonction des variables confondantes (facteurs
de risque ou médicaments pouvant précipiter un TCAD,
polypharmacie, présence d’une consultation en gériatrie,
infirmière spécialisée en TCAD active dans ce dossier). Après
la campagne, chacun des événements propres à entraîner une
réévaluation de l’usage des antipsychotiques était également
plus discernable, même si les différences n’étaient pas
statistiquement significatives. Nous avons également mesuré
la réévaluation des antipsychotiques lors d’une analyse de
sous-groupe qui excluait les patients sous antipsychotique
pour une indication appuyée par la littérature médicale
(l’agressivité et les symptômes psychotiques). Les résultats
de cette analyse montrent une réévaluation du traitement
pour 28,4 % (25/88) des patients dans le groupe précédant la
campagne, comparativement à 37,3 % (22/59) des patients
dans le groupe postérieur à la campagne. Un rapport de
Pharmactuel 2015;48(1) 21
Figure 3. Schéma de l’étude
Pré-campagne
1 mai au 31 juillet 2012
er
Dossiers évalués, N = 341
Campagne de :
Interventions
sensibilisation
:
mars
et avril 2013
mars et avril 2013
Dossiers évalués, N = 275
(Patients de 65 ans ou plus, avec
prescription d’antipsychotique
[quétiapine, rispéridone, olanzapine,
halopéridol], hospitalisés entre le
1er mai et le 31 juillet 2013 dans les
unités ciblées)
(Patients de 65 ans ou plus, avec
prescription d’antipsychotique
[quétiapine, rispéridone, olanzapine,
halopéridol], hospitalisés entre le
1er mai et le 31 juillet 2012 dans les
unités ciblées)
Post-campagne
1 mai au 31 juillet 2013
er
Dossiers exclus, n = 216 (63,3 %)
Dossiers exclus, n = 190 (69,1 %)
– Aucun diagnostic de démence inscrit dans le
dossier médical : n = 99 (45,8 %)
– Aucun diagnostic de démence inscrit dans le
dossier médical : n = 95 (50 %)
– Prescription d’antipsychotique pris
régulièrement pendant moins de 7 jours : n = 27
(12,5 %)
– Prescription d’antipsychotique pris
régulièrement pendant moins de 7 jours : n = 19
(10 %)
- Prescription d’un antipsychotique au besoin
pris moins de 4 fois par semaine : n = 26
(12,0 %)
- Prescription d’un antipsychotique au besoin
pris moins de 4 fois par semaine : n = 26
(13,7 %)
– Hospitalisation d’une durée inférieure à
7 jours entre le 1er mai et le 31 juillet : n = 61
(28,2 %)
– Hospitalisation d’une durée inférieure à
7 jours entre le 1er mai et le 31 juillet : n = 62
(32,6 %)
– Hospitalisation à l’urgence ou aux soins
intensifs au moment de la date index : n = 1
(0,5 %) (soins intensifs)
– Hospitalisation à l’urgence ou aux soins
intensifs au moment de la date index : n = 2
(1,1 %) (soins intensifs)
– Patients en fin de vie ou en soins de confort :
n = 14 (6,5 %)
– Patients en fin de vie ou en soins de confort :
n = 23 (12,1 %)
– Patients avec un diagnostic de troubles
bipolaire, schizo-affectif, schizophrénique :
n = 28 (13,0 %)
– Patients avec un diagnostic de troubles
bipolaire, schizo-affectif, schizophrénique :
n = 24 (12,6 %)
– Hospitalisation aux unités de psychiatrie ou de
soins palliatifs : n = 0
– Hospitalisation aux unités de psychiatrie ou de
soins palliatifs : n = 1 (0,5 %)
– Présence d’une note de la pharmacie liée à
l’intervention : n = 0
– Présence d’une note de la pharmacie liée à
l’intervention : n = 0
À noter que 40 patients (18,5 %) présentaient
plus d’un critère d’exclusion
À noter que 56 patients (29,5 %) présentaient
plus d’un critère d’exclusion
Dossiers inclus pour analyse
n = 125 (36,7 %)
Dossiers inclus pour analyse
n = 85 (30,9 %)
Figure 3. Schéma de l’étude
risque ajusté de 1,27 (IC 95 % : 0,70–2,31) indique que la
différence n’est pas statistiquement significative.
Discussion
La prescription de médicaments en gériatrie nécessite une
attention particulière portée aux molécules choisies et aux
doses prescrites,
car les personnes âgées sont plus sensibles
aux effets indésirables des médicaments (p. ex. effets
anticholinergiques). Une campagne de sensibilisation sur le
bon usage des antipsychotiques pour les TCAD, comportant
22 Pharmactuel 2015;48(1)
un algorithme, des activités de formation continue pour
les médecins, les infirmières et les pharmaciens ainsi que
des rencontres individuelles avec les médecins travaillant
dans les unités ciblées par l’étude, a été implantée sur
une période de huit semaines dans un centre hospitalier
universitaire de soins généraux. La réévaluation des
37 la tentative
antipsychotiques, définie comme la diminution,
de diminution ou la suppression de de l’antipsychotique, ou
encore une note destinée au médecin de famille suggérant
de réévaluer l’antipsychotique en externe, est passée de
26,4 % avant la campagne à 35,3 % après la campagne.
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Cependant, cette amélioration n’était pas statistiquement
significative étant donné le rapport de risque ajusté de 1,23
(IC 95 % : 0,73–2,04). Cette étude ne permet donc pas de
conclure que notre programme de sensibilisation dans un
centre hospitalier de soins généraux améliore l’usage des
antipsychotiques.
Ce résultat pourrait s’expliquer par le manque de puissance
statistique. En effet, 170 patients dans chacun des groupes
étaient nécessaires pour permettre la détection d’une différence
de 15 % entre les deux groupes d’étude. Malheureusement,
l’étude n’a pu sélectionner que 125/341 dossiers pour le
groupe précédant la campagne et 85/275 dossiers pour le
Tableau I. Caractéristiques des patients
Groupes à l’étude
Caractéristique
Pré-campagne (N = 125)
Post-campagne (N = 85)
83,3 ± 6,3
82,7 ± 7
n (%)
n (%)
Homme
48 (38,4)
33 (38,8)
Femme
77 (61,6)
52 (61,2)
n (%)
n (%)
Âge (année)a – M ± ÉT
Sexe
Facteurs de risque de TCAD
Infection
50 (40)
40 (47,1)
Douleur
74 (59,2)
49 (57,6)
Déshydratation
14 (11,2)
11 (12,9)
Insomnie
27 (21,6)
6 (7,1)
Immobilité
22 (17,6)
28 (32,9)
Constipation
70 (56)
50 (58,8)
Chirurgie
15 (12)
9 (10,6)
32 (25,6)
38 (44,7)
Handicap visuel ou auditif
Au moins un facteur de risque
115 (92)
84 (98,8)
Nombre de facteurs de risque par patient ± ÉT
2,4 ± 1,4
2,7 ± 1,2
Polypharmacieb
94 (75,2)
54 (63,5)
Narcotiques
26 (20,8)
22 (25,9)
Benzodiazépines
48 (38,4)
45 (52,9)
51 (40,8)
40 (47,1)
Médicaments augmentant le risque de TCAD
Anticholinergiques
c
Antihistaminiques (1 génération)
re
Corticostéroïdes
AINSd
2 (1,6)
5 (5,9)
5 (4)
11 (12,9)
6 (4,8)
3 (3,5)
88 (70,4)
71 (83,5)
Période d’observation (jours) – M ± ÉT
19,3 ± 10,3
17,46 ± 10,2
Durée entre la date d’admission à la CSL et la fin de la période d’observation (jours) – M ± ÉT
39,3 ± 25,8
30,9 ± 20,9
Au moins un médicament pouvant augmenter le risque de TCAD
Raison de l’hospitalisation
Infection
n (%)
n (%)
17 (13,6)
16 (18,8)
Problème cardiaque
5 (4)
6 (7,1)
Problème pulmonaire
3 (2,4)
9 (10,6)
Problème neurologique
5 (4)
4 (4,7)
Problème gastro-intestinal
5 (4)
7 (8,2)
TCAD/Perte d’autonomie
47 (37,6)
16 (18,8)
Fracture
13 (10,4)
9 (10,6)
Chute
13 (10,4)
12 (14,1)
Délirium/Confusion
12 (9,6)
3 (3,5)
5 (4)
3 (3,5)
Autres
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Pharmactuel 2015;48(1) 23
Tableau I. Caractéristiques des patients (suite)
Caractéristique
Groupes à l’étude
Pré-campagne (N = 125)
Post-campagne (N = 85)
2,86 ± 1,76
3,33 ± 2,03
n (%)
n (%)
1 (0,8)
0 (0)
Unité de transition
16 (12,8)
13 (15,3)
Gériatrie active
29 (23,2)
7 (8,2)
Médecine générale
72 (57,6)
66 (77,6)
Soins longue durée
31 (24,8)
21 (24,7)
82 (65,6)
42 (49,4)
Présence d’une note d’une infirmière spécialisée dans la prise en charge des TCAD
9 (7,2)
6 (7,1)
Présence d’une note de la pharmacie liée aux TCAD
4 (3,2)
2 (2,4)
Nombre de médecins ayant suivi le patient durant la période d’observation – M ± ÉT
Unité de soins fréquentée par le patient durant la période d’observation
Soins intensifs
Présence d’une consultation en gériatrie Abréviations : AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien; CSL : Hôpital de la Cité-de-la-Santé; M ± ÉT : moyenne ± écart-type; TCAD : troubles de comportement associés à la démence
a
L’âge a été calculé au 1er mai 2012 pour le groupe de pré-campagne et au 1er mai 2013 pour le groupe de post-campagne
b
Définie comme la prise de plus de huit médicaments
c
Définis à l’aide de la classification de Pharmactuel : « Comment évaluer la charge anticholinergique? »
d
N’inclut pas l’aspirine à 80 mg en prévention cardiovasculaire
groupe suivant la campagne. Les deux principaux critères
d’exclusion qui ont limité le nombre de patients étaient
l’absence de diagnostic de démence dans le dossier médical
et une durée d’hospitalisation de moins de sept jours. En
pratique, le traitement des problèmes aigus prenait souvent
moins de sept jours, et les patients sortaient de l’hôpital avant
de pouvoir être inclus dans l’étude. Une durée minimale
d’hospitalisation inférieure à sept jours aurait permis de
sélectionner un plus grand nombre de patients.
L’ampleur de l’effet de la campagne était également moindre
que celle attendue. Dans notre étude, la proportion de
patients qui ont bénéficié d’une réévaluation de l’usage des
antipsychotiques a augmenté de 8,9 % (35,3 % contre 26,4 %)
alors que nous nous attendions à une augmentation de
15 %. Les différences observées dans la littérature médicale
variaient entre 10 % et 49 % selon les études13,16-18. L’étude
qui avait rapporté un écart important évaluait les mêmes
patients avant et après la campagne de sensibilisation; il y a
donc une surestimation possible de l’effet de la campagne16. Il
faut noter que ces études se sont déroulées dans un contexte
ambulatoire, où l’équipe médicale était plus restreinte et
plus stable (moins de rotation du personnel); de plus, elles
portaient sur des patients qui présentaient moins de facteurs
de risque de TCAD. L’étude réalisée en milieu hospitalier
visant un meilleur usage des benzodiazépines a démontré
des résultats significatifs17. Dans cette étude, la méthode
d’intervention différait de la nôtre puisqu’elle consistait en
des audits effectués à trois reprises sur six mois. D’autres
résultats laissent entendre que les interventions combinant à
la fois une revue médicamenteuse à des mesures éducatives
multidisciplinaires pourraient être plus efficaces19,20. De
plus, la répétition des interventions de sensibilisation sur
plusieurs mois pourrait également être plus efficace qu’une
seule séance éducative13. En ce sens, le fait que la campagne
de sensibilisation AP-STOP n’ait pu se poursuivre au-delà de
huit semaines en raison de contraintes de temps pourrait en
partie expliquer nos résultats.
24 Pharmactuel 2015;48(1)
Dans le même ordre d’idées, la période d’observation de
quatre semaines était peut-être trop courte pour observer
une réévaluation, surtout lorsque l’on considère que la
réévaluation des antipsychotiques doit se faire chaque deux
à trois mois après le début du traitement. Dans d’autres
études, la période d’observation était de plus de trois mois,
ce qui ne pouvait s’appliquer à notre étude pour des raisons
logistiques16,18. Finalement, alors que certaines études
ont démontré que la diminution de la prescription des
antipsychotiques se traduisait par une plus grande utilisation
de stratégies non conventionnelles18,19, notre étude ne permet
pas de déterminer si une telle tendance s’est produite.
Deux variables incluses dans le modèle multivarié diminuaient
le rapport de risque de plus de 10 % : il s’agit de la présence
d’un séjour en médecine générale et du laps de temps entre
la date d’admission et la date de fin d’observation du patient.
Ainsi, plus les patients étaient hospitalisés longtemps, moins
ils étaient susceptibles d’obtenir une réévaluation de leur
antipsychotique. Il est possible que les patients hospitalisés
pendant plus longtemps souffrent de TCAD plus graves.
La probabilité de réévaluer l’usage des antipsychotiques
pour les patients hospitalisés dans les unités de médecine
générale était moindre comparativement à celle observée
pour les patients des autres unités. On peut penser que les
patients hospitalisés dans ces unités représentent des cas
plus complexes qui ne sont pas liés à la gériatrie et pour
lesquels la réévaluation des antipsychotiques est moins
prioritaire. Ces résultats mettent en lumière les difficultés
d’influencer l’usage des antipsychotiques pour les patients
hospitalisés pour une condition aigüe.
La majorité des patients de l’étude présentaient plusieurs
facteurs de risque de TCAD liés à l’hospitalisation. Les
facteurs de risque les plus fréquents (présence d’une
infection, d’une douleur et de constipation) sont réversibles,
et il est possible de les corriger avant de démarrer un
traitement par antipsychotique. Après la campagne, le taux
d’hospitalisation pour un TCAD ou une perte d’autonomie
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Tableau II. Description de l’usage des antipsychotiques
Caractéristiques
Statut de la première prescription à l’hôpital
Groupes à l’étude
Pré-campagne (N = 125)
Post-campagne (N = 85)
n (%)
n (%)
Nouvelle ordonnance
54 (43,2)
29 (34,1)
Renouvellement de la prescription à l’admission
71 (56,8)
56 (65,9)
Agent antipsychotique utiliséa
Halopéridol
3 (2,4)
2 (2,3)
Quétiapine
76 (60,8)
50 (58,8)
Olanzapine
14 (11,2)
5 (5,9)
Rispéridone
43 (34,4)
30 (35,3)
11 (8,8)
2 (2,4)
124 (99,2)
83 (97,7)
Changement d’antipsychotique durant la période d’observation
Fréquence d’administration de l’antipsychotique
Régulière
Au besoin
b
Dose de l’antipsychotique (mg)
1 (0,8)
2 (2,4)
M ± ET
M ± ET
Halopéridol
0,67 ± 0,26
0,43 ± 0,11
Quétiapine
43,81 ± 50,03
53,27 ± 62,84
Olanzapine
7,12 ± 4,91
4,14 ± 2,61
Rispéridone
0,65 ± 0,59
0,56 ± 0,43
Doses adéquates en gériatrie
n (%)
n (%)
Halopéridol
3/3 (100)
2/2 (100)
Quétiapine
75/76 (98,7)
48/50 (96)
Olanzapine
12/14 (85,7)
5/5 (100)
Rispéridone
42/43 (97,7)
30/30 (100)
132/136 (97,1)
85/87 (97,7)
88 (70,4)
66 (77,6)
n (%)
n (%)
c
Total
Indication de l’antipsychotique présente au dossier Nature de l’indication TCAD avec efficacité reconnue
Agressivité
17 (13,6)
17 (20)
Hallucination
10 (8)
5 (5,8)
Agressivité et hallucination
5 (4)
1 (1,2)
Paranoïa
5 (4)
2 (2,4)
37 (29,6)
26 (30,6)
Agitation
3 (2,4)
4 (4,7)
Confusion
1 (0,8)
1 (1,2)
Cris
5 (4)
2 (2,4)
Volubilité
0 (0)
3 (3,5)
Irritabilité
1 (0,8)
0 (0)
Errance
2 (1,6)
1 (1,2)
Autre
1 (0,8)
2 (2,4)
Total
TCAD sans efficacité reconnue
Total
15 (12)
15 (17,6)
Délirium
36 (28,8)
24 (28,2)
Absence d’indication inscrite au dossier
37 (29,6)
20 (23,5)
Abréviations : M ± ÉT : moyenne ± écart-type; TCAD : troubles de comportement associés à la démence
a
Antipsychotique au besoin non comptabilisé si un antipsychotique était administré régulièrement
b
Le patient devait prendre l’antipsychotique au besoin plus de quatre fois par semaine pour être inclus dans l’étude
c
Doses jugées adéquates en gériatrie selon l’algorithme décisionnel approuvé par le Comité de pharmacologie de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé
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Pharmactuel 2015;48(1) 25
Tableau III. Résultats obtenus pour les objectifs primaire et secondaire
Analyse principale de l’ensemble des patients à l’étude
Groupe à l’étude
Rapport de risque
Pré-campagne
(N = 125) n (%)
Post-campagne
(N = 85) n (%)
Brut
(IC 95 %)
Ajustéa
(IC 95 %)
33 (26,4)
30 (35,3)
1,45 (0,88 – 2,39)
1,23 (0,73 – 2,04)
Note écrite au médecin de famille suggérant de réévaluer l’antipsychotique
3 (2,4)
5 (5,9)
1,35 (0,82 – 2,24)
1,12 (0,66 – 1,90)
Arrêt de l’antipsychotique
12 (9,6)
10 (11,8)
1,34 (0,81 – 2,21)
1,21 (0,72 – 2,01)
Réduction de la dose d’antipsychotique
12 (9,6)
14 (16,5)
1,28 (0,77 – 2,11)
1,14 (0,69 – 1,90)
10 (8)
7 (8,2)
1,40 (0,85 – 2,31)
1,26 (0,76 – 2,10)
Réévaluation de l’usage de l’antipsychotique
Tentative de diminution ou de suppression de l’antipsychotique
Analyse secondaire incluant seulement les patients sous antipsychotique pour une indication non recommandée
Réévaluation de l’usageb
Pré-campagne
(N = 88) n (%)
Post-campagne
(N = 59) n (%)
Brut
(IC 95 %)
Ajustéa
(IC 95 %)
25 (28,4)
22 (37,3)
1,39 (0,78 – 2,49)
1,27 (0,70 – 2,31)
Abréviations : IC : Intervalle de confiance
a
Ajusté pour l’unité de médecine générale et la durée entre la date d’admission et la date de fin d’observation du patient
b
La réévaluation de l’usage est confirmée si un des évènements suivants est présent dans le dossier médical au cours de la période d’observation : 1) présence d’une note au médecin de famille
du patient suggérant de réévaluer l’antipsychotique; 2) suppression du traitement; 3) réduction de la dose; 4) tentative de réduction ou de suppression de l’antipsychotique
était moins élevé (18,8 %, contre 37,6 % avant la campagne)
et le nombre de patients hospitalisés dans l’unité de gériatrie
avait diminué (8,2 %, contre 23,2 % avant la campagne). De
telles différences pourraient s’expliquer par une diminution
ou une réévaluation de la prescription d’antipsychotiques
dans les sept premiers jours suivant l’intervention des
médecins qui travaillent en gériatrie, étant donné que la
campagne AP-STOP les mettait à contribution. Par ailleurs,
un plus grand nombre de consultations en gériatrie ont
fait l’objet d’une description détaillée avant l’intervention
(65,6 %, contre 49,4 % après l’intervention), ce qui pourrait
avoir augmenté le taux de réévaluation des antipsychotiques
avant la campagne.
Un plus faible nombre de traitements aux antipsychotiques
ont été entrepris après la campagne (34,1 %) par rapport
à avant la campagne (43,2 %), ce qui renforce l’hypothèse
d’un meilleur usage de ce type de médicament après la
campagne. Il n’est toutefois pas exclu qu’en 2012, les
patients aient été plus nombreux à présenter un TCAD qu’en
2013. La proportion de dossiers patients contenant une
indication claire d’antipsychotique a également augmenté
après la campagne (77,6 % contre 70,4 %). Cette proportion
était nettement plus élevée que celle rapportée dans une
autre étude (35 % des dossiers)15. Dans les deux groupes,
environ 30 % seulement des antipsychotiques étaient
prescrits pour une indication appuyée par la littérature
médicale (agressivité et symptômes psychotiques), ce qui
démontre que la campagne n’a pas eu d’effet sur ce critère.
Somme toute, la dose d’antipsychotiques prescrite était déjà
adéquate pour la population gériatrique avant la campagne,
et elle l’est restée après la campagne.
Forces et limites de l’étude
La principale limite de notre étude est attribuable à l’absence
de groupe témoin. Cela empêche de distinguer l’effet de la
campagne de celui d’autres événements sur l’usage des
antipsychotiques. Il n’aurait pas été possible de constituer
26 Pharmactuel 2015;48(1)
un groupe témoin dans certaines unités, car les médecins ne
travaillent pas toujours dans les mêmes unités de soins, et le
risque de contamination entre les groupes aurait été élevé.
Le manque de ressources et les contraintes de temps ne nous
ont pas permis de sélectionner des patients dans d’autres
centres hospitaliers. Pour ces mêmes raisons, nous n’avons
pas pu assigner les unités de soins de façon aléatoire.
En 2012, le CSSS de Laval a décidé de donner la priorité
aux soins gériatriques afin de satisfaire aux exigences du
ministère de la Santé et des Services sociaux. En mai 2012,
soit pendant la phase précédant la campagne, l’Institut
national d’excellence en santé et en services sociaux a dressé
un portrait de l’usage des antipsychotiques, entre autres,
pour les personnes d’un âge égal ou supérieur à 65 ans ayant
reçu un diagnostic de démence7. Ce rapport a pu encourager
les cliniciens à modifier leurs pratiques et à se mettre à jour
selon les lignes directrices médicales en gériatrie. Ces deux
événements auraient pu entrainer une surestimation de
l’effet de la campagne AP-STOP.
On ne peut exclure certains biais. Les médecins traitants
avaient peut-être de la difficulté à différencier un TCAD d’un
délirium dans certains dossiers ou à savoir si les deux troubles
coexistaient. Pour cette raison, le délirium n’a pas été retenu
comme critère ni d’inclusion ni d’exclusion. De plus, certaines
données des dossiers étaient peut-être imprécises, illisibles
ou absentes. Ces deux éléments peuvent entraîner un biais
d’information non différentiel, ainsi qu’une sous-estimation
de l’effet de la campagne. Aucune information sur la gravité
de la démence et le degré d’autonomie des patients n’a été
recueillie. Ces facteurs peuvent influencer le degré de TCAD
du patient et augmenter ainsi le risque lié à l’antipsychotique.
De plus, la collecte et l’analyse des données n’ont pu se faire à
l’aveugle, puisque la date d’admission indiquait si le candidat
était dans la phase précédant ou suivant la campagne.
Différents évaluateurs ont collecté les données avant et après
la campagne. Il est possible que les évaluateurs aient été plus
attentifs à la présence d’une réévaluation lors de la collecte
de données après la campagne, afin de montrer les effets de
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cette dernière. Ce biais d’information différentiel potentiel
occasionnerait une surestimation de l’effet de la campagne
AP-STOP. Pour diminuer ce biais, nous avons utilisé un guide
d’extraction afin de standardiser la collecte des données
ainsi qu’un test de concordance Kappa dont les résultats se
sont révélés satisfaisants.
La validité externe de l’étude est limitée, car celle-ci se
déroule dans un seul centre hospitalier. L’Hôpital de la Citéde-la-Santé de Laval est un centre universitaire de soins
généraux, et ses pratiques ne reflètent peut-être pas celles
d’autres centres hospitaliers. L’important roulement du
personnel hospitalier peut diminuer l’effet d’une campagne
ponctuelle à long terme. Dans le même ordre d’idées,
notre étude a évalué le groupe postérieur à la campagne
immédiatement après AP-STOP, ce qui ne permet pas d’en
détecter les répercussions à long terme. Les patients étaient
inclus dans cette étude après un minimum de sept jours
d’hospitalisation et de prise régulière d’un antipsychotique,
ce qui ne permet pas d’extrapoler les résultats à des patients
dont le séjour hospitalier est plus court ou qui reçoivent un
antipsychotique pendant moins longtemps.
L’étude comporte également des forces. La campagne APSTOP a permis de mettre à contribution plusieurs corps
professionnels, autant par des activités de formation continue
présentées par un expert que par des rencontres individuelles.
D’ailleurs 73 % des omnipraticiens travaillant dans les
unités ciblées ont bénéficié d’une rencontre individuelle. La
diffusion de l’information sur les antipsychotiques s’est donc
bien déroulée.
Plusieurs stratégies ont permis de diminuer le risque de
biais de confusion et d’améliorer la validité interne de cette
étude. Premièrement, la période de l’année correspondant
à la collecte des données et au ciblage des unités était
identique pour les deux groupes (de mai à juillet), ce qui
augmente leur similarité. Deuxièmement, nous avons
ajusté nos résultats pour les caractéristiques des patients
et celles de leur hospitalisation.
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La présente étude est pertinente puisqu’elle est la première
à évaluer les répercussions d’un programme éducationnel
multidisciplinaire sur l’usage des antipsychotiques pour
traiter les TCAD en milieu hospitalier. Contrairement à
d’autres études, celle-ci n’a pas évalué l’effet de la campagne
pendant son déroulement, ce qui donne des résultats plus
représentatifs de l’influence réelle de cette dernière sur les
pratiques16. Elle pourrait servir à l’élaboration de campagnes
de sensibilisation futures.
Conclusion
Après huit semaines de campagne, nous avons observé
la présence d’une réévaluation des antipsychotiques
dans 35,3 % des cas, comparativement à 26,4 % avant
la campagne. Bien que cette augmentation ne soit pas
significative, on note néanmoins après la campagne une
tendance de la part des cliniciens à accroître le nombre
de réévaluations des antipsychotiques pour les patients
hospitalisés. Cette étude ne fournit toutefois aucun indice
sur les effets d’une campagne de sensibilisation en milieu
hospitalier. Il est possible que la répétition d’une telle
campagne de sensibilisation soit nécessaire pour aboutir à
des résultats favorables et durables. La mise en place d’une
démarche interdisciplinaire périodique de réévaluation des
antipsychotiques, en plus d’une campagne de sensibilisation,
pourrait s’avérer plus efficace.
Financement
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été
déclaré par les auteurs.
Conflits d’intérêts
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de
l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
Pharmactuel 2015;48(1) 27
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Abstract
Objective: AP-STOP, an awareness campaign on the optimal use of antipsychotics for behavioural problems related to
dementia, was carried out at the Hôpital Cité-de-la-Santé de Laval. This study evaluated the impact of this campaign on
the use of antipsychotics for hospitalized patients with behavioural problems related to dementia.
Method: This quasi-experimental study compared the proportion of inpatients, before and after the campaign, who were
over the age of 65 and had dementia for which antipsychotic usage (risperidone, quetiapine, olanzapine, or haloperidol)
was reevaluated. Held over an eight-week period, the campaign included a continuing education program for the
clinicians, with individual training activities supported by a clinical tool. An antipsychotic was considered reevaluated if
any of the following occurred: a discontinuation or an attempted discontinuation of the antipsychotic; a dosage reduction
or an attempted dosage reduction of the antipsychotic; a pharmacy note documented in the patient’s medical record to
reevaluate the antipsychotic. Using a Cox model, the likelihood of reevaluation was compared between the two groups,
adjusting for patient characteristics and features of their hospital stay.
Results: The medical records of 616 patients were examined, and 125 patients and 85 patients were included in the
pre-campaign and post-campaign group, respectively. After the campaign, 35.4 % of the antipsychotics were reevaluated
compared with 26.4 % before the campaign (adjusted hazard ratio: 1.23; 95 % CI: 0.73–2.04).
Conclusion: This study does not permit the conclusion that an awareness campaign improves the use of antipsychotics
for behavioural problems related to dementia in hospitals.
Key words: Aggression, antipsychotic, behavioural disturbance dementia, haloperidol, olanzapine, psychosis, quetiapine,
reevaluation, risperidone
28 Pharmactuel 2015;48(1)
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CAS CLINIQUE EN DIRECT DE L’UNITÉ
Traitement à la clonidine par voie orale pour une patiente atteinte
d’hyperemesis gravidarum réfractaire
Maud Blin Mathieu1,2, D.Pharm., M.Sc., Josiane Larochelle1,3, B.Pharm., M.Sc.,
Marie-Hélène Turgeon1,4, Pharm.D., M.Sc.
Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la soumission de l’article, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
Pharmacienne, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;
3
Pharmacienne, CSSS-Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec) Canada;
4
Pharmacienne, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada
1
2
Reçu le 5 décembre 2013; Accepté après révision par les pairs le 28 janvier 2014
Résumé
Objectif : Décrire un cas d’hyperemesis gravidarum réfractaire aux traitements standards dont l’état de santé s’est amélioré
à la suite de la prise de clonidine par voie orale.
Résumé du cas : Il s’agit d’une femme de 32 ans souffrant de vomissements depuis le début de sa grossesse. L’aggravation
de son état de santé a nécessité son hospitalisation à 14 semaines de grossesse. Les vomissements s’accompagnaient d’une
hypersalivation, d’une épigastralgie, d’une perte de poids, d’une cétonurie et d’une hypokaliémie, ce qui a permis de poser
un diagnostic d’hyperemesis gravidarum. Plusieurs traitements ont été entrepris pour soulager les symptômes : hydratation,
pyridoxine, diphénhydramine, métoclopramide, ranitidine, pantoprazole et ondansétron. Finalement, l’ajout de la clonidine
orale a permis d’obtenir un soulagement important et durable des symptômes d’hyperemesis gravidarum.
Discussion : L’hyperemesis gravidarum complique jusqu’à 2 % des grossesses. Il est possible de recourir à plusieurs médicaments
dans cette indication, mais certaines patientes ne répondent pas aux traitements habituels. La clonidine est un agoniste alphaadrénergique central principalement utilisé comme antihypertenseur. Peu de données de la littérature scientifique appuient
son utilisation pour le traitement de l’hyperemesis gravidarum réfractaire. D’un point de vue chronologique et clinique, on
peut considérer comme probable l’efficacité de la clonidine pour le soulagement de l’hyperemesis gravidarum dans le cas
présenté ici.
Conclusion : Ce rapport de cas décrit l’utilisation de la clonidine pour une patiente réfractaire aux traitements standards.
L’efficacité de cet agent devra être évaluée dans le cadre d’études cliniques pour mieux établir sa place dans la thérapie.
Mots-clés : Clonidine, grossesse, hyperemesis gravidarum, vomissement
Introduction
L’hyperemesis gravidarum (HG), survenant chez 0,5 à 2 %
des femmes enceintes, constitue la forme la plus grave des
nausées et vomissements liés à la grossesse1. La persistance
des nausées et des vomissements augmente le risque de
complications maternelles, comme la déshydratation, les
déséquilibres électrolytiques, les carences nutritionnelles,
l’œsophagite et l’encéphalopathie de Wernicke, et peut
affecter considérablement la qualité de vie des patientes2,3.
L’HG peut, dans les cas les plus graves, mener à une réduction
significative du poids du nouveau-né et, exceptionnellement,
à une augmentation du risque de prématurité2,3. Il existe
différentes options pharmacologiques pour traiter l’HG,
tels que les antihistaminiques de première génération, les
phénothiazines, la pyridoxine et les prokinétiques comme le
métoclopramide. Néanmoins, ces traitements habituels ne
soulageront pas toutes les patientes. Une série de cas propose
l’utilisation de la clonidine en timbre transdermique (non
disponible sur le marché canadien) pour traiter les femmes
réfractaires au traitement usuel de l’HG2. Le cas présenté dans
cet article décrit une patiente atteinte d’HG réfractaire aux
traitements habituels, dont l’état s’est amélioré après l’ajout
de clonidine par voie orale. Il s’agit, à notre connaissance, de
la publication du premier cas d’utilisation de la clonidine par
voie orale dans cette indication.
Description du cas
Il s’agit d’une femme de 32 ans d’origine ghanéenne enceinte
de 14 semaines. Elle présente des vomissements depuis le
début de sa grossesse, qui se sont aggravés au cours des trois
jours précédant son hospitalisation.
Pour toute correspondance : Maud Blin Mathieu, Département de pharmacie, Centre universitaire de santé McGill, 1001, boulevard Décarie, Montréal (Québec) H4A 3J1,
CANADA; Téléphone : 514 412-4400, poste 22280; Télécopieur : 514 412-4344
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Pharmactuel 2015;48(1) 29
Il s’agit de sa deuxième grossesse. Elle a déjà un enfant né
à 36 semaines de grossesse avec un retard de croissance
intra-utérin, sans autre anomalie congénitale. La patiente
ne fume pas, ne prend pas d’alcool et ne souffre d’aucune
allergie médicamenteuse. Ses antécédents médicaux
montrent notamment un diabète gestationnel probable et
une HG lors de sa première grossesse. La patiente avait alors
été hospitalisée et avait reçu un traitement intraveineux de
métoclopramide associé à de la diphénhydramine suivi d’un
relais par voie orale au métoclopramide et à l’hydroxyzine.
Une réaction extrapyramidale (rigidité de la mâchoire et
difficulté à parler) avait nécessité l’arrêt du métoclopramide.
L’hydroxyzine avait ensuite été remplacée par l’association
de doxylamine et de pyridoxine (DiclectinMD).
Lors de la première visite médicale à 11 semaines de sa
deuxième grossesse, la patiente souffrait de nausées et de
vomissements depuis une dizaine de jours. Une perfusion
intraveineuse continue de solution saline à 0,9 % avec du
dextrose à 5 % avait permis de la réhydrater. Elle était repartie
avec une ordonnance de doxylamine et de pyridoxine (six
comprimés par jour). Une semaine plus tard, la patiente s’est
présentée au service d’urgence pour une récidive des nausées
avec une moyenne de quatre épisodes de vomissements par
jour. Bien qu’elle arrivait à s’alimenter et à s’hydrater et
que les cétones urinaires étaient négatives, un diagnostic de
gastrite érosive avait nécessité l’ajout de ranitidine par voie
orale (150 mg deux fois par jour) et d’acide alginique (après
chaque repas et au coucher).
À son hospitalisation, la patiente, enceinte de 14 semaines,
présente jusqu’à cinq ou six épisodes de vomissements par
jour et n’est pas capable de s’alimenter ni de s’hydrater.
Elle présente les symptômes suivants : une détérioration de
l’état général, une hypersalivation, une hématémèse, des
céphalées, des gaz intestinaux et une douleur abdominale
diffuse avec épigastralgie augmentant d’intensité lors des
vomissements. Sur le plan obstétrical, la patiente ne présente
ni pertes sanguines, ni pertes de liquides, ni contractions
utérines. Ses signes vitaux sont normaux. Depuis le début
de sa grossesse, la patiente a perdu 16 kg, ce qui correspond
à environ 22 % de son poids d’avant la grossesse. L’analyse
urinaire montre la présence de cétones. Le tableau I présente
les résultats détaillés des analyses de laboratoires et des
signes vitaux.
À l’admission, la patiente prend les médicaments suivants :
150 mg de ranitidine une fois par jour, une multivitamine de
grossesse une fois par jour ainsi que huit comprimés par jour
de doxylamine et de pyridoxine. L’urgentiste diagnostique un
HG et une gastrite érosive. La prise en charge initiale de la
patiente comporte l’hospitalisation, le démarrage du protocole
de traitement de l’HG du CHU Sainte-Justine (figure 1) ainsi
que la réalisation d’un bilan hépatique et d’une échographie
abdominale. Aucun dépistage d’Helicobacter pylori n’est
effectué. La patiente reçoit donc une perfusion d’hydratation
et les médicaments suivants par voie intraveineuse :
thiamine, diphénhydramine, métoclopramide en perfusion
continue, pyridoxine, ranitidine et multivitamines. Le
tableau II présente l’évolution de la médication de la patiente
pendant son hospitalisation.
Au jour deux, étant donné la détérioration de l’état de la
patiente dans la nuit malgré le traitement médical initial, une
thérapie à l’ondansétron par voie intraveineuse est entreprise
30 Pharmactuel 2015;48(1)
à une dose de 4 mg toutes les huit heures. La perfusion de
métoclopramide, augmentée le matin à 65 mg par jour, est
finalement interrompue compte tenu de l’antécédent de
réaction extrapyramidale de la patiente lors de sa grossesse
antérieure. L’hydratation intraveineuse, l’administration
de diphénhydramine, de pyridoxine et de multivitamines
sont poursuivies. Puisque le soulagement de l’épigastralgie
demeure faible, on remplace la ranitidine par 40 mg de
pantoprazole par voie intraveineuse une fois par jour, avec
une optimisation rapide à 40 mg par voie intraveineuse
toutes les 12 heures. L’échographie abdominale ne révèle
aucune anomalie.
Le matin du jour trois, étant donné la persistance des nausées,
des vomissements et de l’hypersalivation, l’équipe traitante
augmente l’ondansétron à 8 mg par voie intraveineuse toutes
les huit heures. Puisque la fréquence des vomissements est
encore élevée et que la patiente présente une hypersalivation
importante, l’équipe traitante entreprend l’administration
de clonidine par voie orale à une dose de 0,05 mg deux
fois par jour. La perfusion d’hydratation intraveineuse,
l’administration de diphénhydramine, de pantoprazole, de
pyridoxine et de multivitamines se poursuivent. On note une
diminution de la douleur épigastrique.
Au jour quatre, l’état clinique de la patiente s’améliore.
Elle n’a présenté des nausées que durant la nuit et aucun
vomissement. Comme la tension artérielle de la patiente
demeure acceptable (91–106/53–59 mm Hg), on augmente
la dose de clonidine à la dose cible de 0,1 mg deux fois par
jour. Après 24 heures sans vomissement, on entreprend
l’alimentation liquide. L’épigastralgie évolue favorablement.
La patiente continue à recevoir l’ondansétron, l’hydratation
intraveineuse, le pantoprazole, la diphénhydramine, la
pyridoxine et les multivitamines.
Au jour cinq, la patiente entreprend un régime solide
hypolipidique, qui est bien toléré. Les nausées, les
vomissements, l’hypersalivation et le pyrosis ont disparu.
Toujours sous clonidine, la patiente commence un traitement
relais par voie orale à l’ondansétron. La ranitidine par voie
orale (150 mg deux fois par jour) remplace le pantoprazole.
On cesse l’hydratation intraveineuse, l’administration de
pyridoxine et de multivitamines. L’hydroxyzine (25 mg par
voie orale quatre fois par jour) remplace la diphénhydramine
par voie intraveineuse.
Au jour six, la patiente obtient son congé de l’hôpital,
puisqu’elle tolère l’alimentation solide. À la sortie de l’hôpital,
elle se voit prescrire les médicaments suivants, par voie
orale : oméprazole, 20 mg deux fois par jour; ondansétron,
8 mg trois fois par jour; clonidine, 0,1 mg deux fois par jour;
hydroxyzine, 25 mg quatre fois par jour au besoin.
Les pharmaciennes de l’hôpital ont assuré un suivi
téléphonique de la patiente toutes les deux à trois semaines,
afin de réévaluer le traitement. Neuf jours après son congé,
la patiente se portait bien et prenait toujours l’ondansétron
(8 mg trois fois par jour), la clonidine (0,1 mg deux fois par
jour), l’oméprazole (20 mg une fois par jour) et l’hydroxyzine
(25 mg au coucher). Vingt-trois jours après son congé, on
réduisait la dose d’ondansétron à une fois par jour et on
cessait l’oméprazole. Lors de ce suivi, la réduction de la
dose de clonidine a été discutée. Deux semaines plus tard, la
patiente avait effectivement réduit sa dose à 0,1 mg une fois
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Tableau I. Résultats des analyses de laboratoire et des signes vitaux
Paramètres cliniques
Valeur normalea
Jour 1b
Jour 2
Jour 3
Jour 4
Jour 5
Poids (kg)
NA
57,6
Cétonurie
Négative
++
Jour 6
57,3
57,6
58,9
59,4
ND
++
Négative
ND
ND
ND
Créatinine (μmol/l)
53 – 97
52
ND
32
34
33
ND
Urée (mmol/l)
2,5 – 7,0
1,07
ND
< 0,4
ND
0,5
ND
Sodium (mmol/l)
133 – 143
131
135
132
136
132
ND
Potassium (mmol/l)
3,5 – 5,1
Tension artérielle (mm Hg)
3,6
3,7
3,1
4,0
3,7
ND
120/68
138/72
126/75
111/63
113/67
127/60
99/62
127/66
116/63
121/67
95/58
101/59
100/54
105/58
106/58
92/55
86/50
99/53
91/55
Abréviations : NA : non applicable; ND : non disponible
ure 1: Algorithme
de traitement des nausées et vomissements durant la grossesse du CHU Sainte-Just
Valeurs normales pour les adultes; le taux de créatinine sérique diminue durant la grossesse
3 Jour 1 : arrivée à l’hôpital à 14 semaines de grossesse
ntréal
a
b
Nausées et/ou vomissements de la grossesse
Autre(s) cause(s)?
Oui
Non
Est-ce que la patiente réussit à
s'alimenter et à s'hydrater
adéquatement?
Réussit-elle à fonctionner
durant la journée?
Traiter cause sous-jacente +
antiémétiques selon la condition
de la patiente.
Oui
Non
Méthodes non
pharmacologiques.
Antiémétiques au besoin.
Déshydratée ?
Oui
Non
Hospitalisation, nil per os
Hydratation IV + thiamine 100 mg IV x 1 +
métoclopramide IV + diphénhydramine IV.
Méthodes non pharmacologiques + pyridoxine ou
doxylamine + pyridoxine ou
dimenhydrinate/diphénhydramine orale.
Améliorée?
Améliorée?
Oui
Oui
Non
Après 48 heures de
traitement IV et si la diète
solide est bien tolérée, passer
aux médicaments par voie
orale pendant au moins une
semaine puis sevrage
graduel.
Ajouter pyridoxine IV.
Augmenter la dose de
métoclopramide IV jusqu'à dose
maximale.
À partir du 2e trimestre
Ondansétron IV
Méthylprednisolone IV.
Continuer les
médicaments au
moins une semaine
de façon régulière
puis sevrage graduel.
Non
Si la patiente est déshydratée,
hospitaliser
et suivre le traitement
ci-contre. Sinon, augmenter
doses des médicaments et/ou
ajouter métoclopramide par
voie orale.
Algorithme du CHU Sainte-Justine de Montréal pour le traitement des nausées et vomissements durant la grossesse
gende: Figure 1.
IV: intraveineux;
Ex.: exemple.
Abréviations : IV : intraveineux; Ex. : exemple
Figure adaptée
3. Ce protocole
représente la la
pratique
actuelle au CHU
Sainte-Justine
ure adaptée
dedelala réf.
réf.3.
Représente
pratique
actuelle
au CHU Ste-Justine.
Reproduction de cet algorithme avec les autorisations requises des Éditions du CHU Sainte-Justine
orisations obtenues pour reproduire la figure.
3
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Pharmactuel 2015;48(1) 31
Tableau II. Médication et état clinique au cours de l’hospitalisation et au congé de l’hôpital
Jour 1
État clinique
• 5 à 6 Vo
• Hématémèse
• Hypersalivation
Alimentation
Nil per os
Soluté
d’hydratation
NaCl 0,9 % + D5 %
+ KCl 20 meq/l IV à
150 ml/h
Thiamine
100 mg IV (1 dose)
Diphénhydramine
50 mg IV toutes les
6 heures
Jour 2
• 10 Vo (nuit)
• 3 Vo (journée)
• Hématémèse
• Hypersalivation
Jour 3
Jour 4
• 7 Vo (nuit)
• 7 Vo (journée)
• Hypersalivation
•Aucun Vo depuis la veille
au soir
•Nausées légères
•Diminution de l’hypersalivation
Alimentation
liquide
NaCl 0,9 % + D5 %
+ KCl 40 meq/l IV à
150 ml/h
45 mg IV dans 250 ml
NaCl 0,9 % à 10 ml/h
(perfusion IV continue)
Ranitidine
50 mg IV toutes
les 8 heures
Pantoprazole
Jour 6
Alimentation solide
hypolipidique
Arrêt
25 mg po quatre
fois par jour
Prescription externe :
25 mg po quatre fois
par jour au besoin
150 mg po deux
fois par jour
Arrêt
65 mg IV
en
CESSÉ
perfusion
continue
Arrêt
40 mg IV
une fois
par jour
40 mg IV
deux fois
par jour
Arrêt
Oméprazole
Prescription externe :
20 mg po deux fois
par jour
Ondansétron
4 mg IV toutes les
8 heures
Clonidine
Pyridoxine
Multivitamines
Congé
Arrêt
Hydroxyzine
Métoclopramide
Jour 5
•Aucun Vo
•Aucune hypersalivation
8 mg IV toutes les
8 heures
0,05 mg po deux fois
par jour
Arrêt;
Relais po 4 à 8 mg
toutes les 8 heures
au besoin
0,1 mg po deux
fois par jour
Prescription externe :
8 mg po trois fois
par jour
Prescription externe :
0,1 mg po deux fois
par jour
25 mg/l de soluté IV
(90 mg par jour)
Arrêt
10 ml IV une fois
par jour
Arrêt
Abréviations : D5 % : soluté de dextrose à 5 %; h : heure; IV : intraveineux; KCl : chlorure de potassium; NaCl : soluté de chlorure de sodium; po : par voie orale; Vo : vomissement
par jour, et elle prenait toujours l’ondansétron (8 mg une fois
par jour). La patiente a finalement poursuivi et bien toléré la
prise de clonidine (0,1 mg une fois par jour), d’ondansétron
(8 mg une fois par jour) et d’hydroxyzine (25 mg une fois
par jour) pendant toute sa grossesse jusqu’à l’accouchement
à 38 semaines. Elle a donné naissance à une petite fille de
2 950 g, née à terme et en bonne santé.
Analyse
L’HG se caractérise par des nausées et des vomissements
persistants, accompagnés d’une perte de poids supérieure à
5 % du poids d’avant la grossesse, d’une déshydratation, d’une
cétonurie et de déséquilibres acidobasiques et électrolytiques,
comme l’hypokaliémie1,3. Bien qu’on ne connaisse pas
précisément l’étiologie des nausées et des vomissements de
la grossesse, les facteurs contributifs comprennent la stase
32 Pharmactuel 2015;48(1)
gastrique, les désordres hormonaux liés à la grossesse et la
prise de multivitamines prénatales3. La prise en charge de
l’HG consiste en une hospitalisation possible, une hydratation
intraveineuse, l’arrêt de la prise d’aliments et l’administration
d’antiémétiques, soit seuls, soit en combinaison3. De
plus, l’administration d’une dose de thiamine parentérale
préviendra l’encéphalopathie de Wernicke3. Par ailleurs,
puisque les nausées et vomissements peuvent s’associer à des
brûlures d’estomac et à un reflux gastro-œsophagien, il est
nécessaire de les traiter4. Il est possible d’essayer plusieurs
médicaments : les antiacides, le sucralfate et la ranitidine en
premier recours, et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
en deuxième recours.
Plusieurs auteurs ont passé en revue la littérature médicale
portant sur l’efficacité et la sécurité des médicaments
utilisés pour le traitement de l’HG5,6. Une diminution des
nausées et des vomissements a été observée sous l’effet
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du métoclopramide, des antihistaminiques de type H1, de
la pyridoxine, des phénothiazines, des corticostéroïdes
et de l’ondansétron5,6. Toutefois, il n’a pas été possible de
déterminer leur efficacité relative en raison du manque
d’études comparatives6. De plus, aucun facteur ne permet de
prédire la réponse individuelle aux antiémétiques6.
En ce qui concerne l’innocuité des médicaments durant
la grossesse, le métoclopramide, les antihistaminiques de
type H1, la pyridoxine et les phénothiazines ne sont pas
associés à un risque accru de malformations majeures du
nouveau-né3,5. En raison de l’expérience clinique plus limitée
avec l’ondansétron, ce dernier est réservé aux patientes
réfractaires aux traitements habituels7,8. Par ailleurs,
certaines études ont démontré une augmentation du risque
de fente labiopalatine chez l’enfant avec l’utilisation des
corticostéroïdes, spécifiquement lors d’un traitement entre
la huitième et la onzième semaine de grossesse1. Même si
le risque absolu demeure faible, leur utilisation au cours
du premier trimestre de grossesse devrait se limiter aux
patientes réfractaires, en favorisant la prednisone ou la
méthylprednisolone1,3. En ce qui concerne l’utilisation
des IPP pour la femme enceinte, on favorise l’oméprazole
en raison de son innocuité mieux documentée et, dans les
cas où la voie intraveineuse est nécessaire, il est possible
d’utiliser le pantoprazole3.
Le profil d’effets indésirables est un élément important
à prendre en considération. Le métoclopramide et
les phénothiazines sont susceptibles de causer de la
somnolence et des réactions extrapyramidales3. L’ajout
d’antihistaminiques, en plus de potentialiser l’effet de ces
médicaments sur les nausées et les vomissements, aide à
prévenir les réactions extrapyramidales3.
Une étude appuie l’utilisation de la clonidine pour des patientes
que les traitements habituels ne soulagent pas2. La clonidine
est un agoniste alpha-adrénergique central, principalement
utilisé comme antihypertenseur2. Elle a démontré son
efficacité dans d’autres indications, notamment pour la
réduction de la douleur et des nausées postopératoires9-12.
Son mécanisme d’action comme antiémétique n’est
actuellement pas connu2. Deux hypothèses principales
sont avancées : une réduction sélective de la stimulation
adrénergique cérébrale et une interaction avec les récepteurs
imidazoline de la partie ventrale du tronc cérébral12,13. De
plus, la clonidine, en réduisant la stimulation adrénergique
cérébrale, serait efficace pour contrôler l’hypersalivation
de différentes populations non obstétricales14. Cet effet
pourrait être avantageux pour les patientes présentant une
hypersalivation, car ce trouble est susceptible d’aggraver les
nausées et les vomissements, en plus d’être en lui-même
très incommodant15.
Les publications sur l’utilisation de la clonidine pour traiter
l’HG sont limitées. La seule qui existe consiste en une série de
cas qui évaluait un traitement à la clonidine transdermique
entrepris entre 8 et 16 semaines de grossesse par douze
femmes enceintes présentant une HG réfractaire aux
traitements habituels2. Le traitement consistait en un timbre
de 5 mg de clonidine, libérant 0,2 mg par jour, qu’il fallait
changer tous les cinq à six jours2. Les patientes recevaient en
parallèle une hydratation intraveineuse2. Elles continuaient
à prendre les antiémétiques (prométhazine, métoclopramide,
dompéridone et ondansétron) et bénéficiaient d’un traitement
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contre le reflux et l’acidité gastrique (ranitidine, oméprazole)2.
Quatre patientes ont reçu des corticostéroïdes, mais ces
derniers ne montraient qu’une efficacité temporaire sur le
contrôle des nausées et des vomissements2. L’observation des
patientes à l’aide de deux échelles cliniques (l’échelle PUQE
[Pregnancy Unique Quantification of Emesis] et l’échelle
visuelle analogue) a démontré une amélioration significative
des symptômes2. En effet, l’efficacité du traitement est
apparue 36 à 48 heures après l’application du timbre et s’est
maintenue jusqu’à la fin de l’hospitalisation2. Cependant,
la durée de traitement n’était pas précisée pour certaines
des patientes. Quatre patientes ont poursuivi le traitement
au-delà de la quatorzième semaine de grossesse avec un
sevrage graduel, et deux patientes l’ont poursuivi jusqu’à
l’accouchement2. Les effets indésirables se sont avérés
négligeables, sans que des symptômes d’hypotension aient
été rapportés2. Par ailleurs, quelques patientes ont présenté
une xérostomie ou une dysgueusie2. Du côté des nouveaunés, on n’a signalé aucune malformation ou effet indésirable2.
Toutefois, on note trois accouchements prématurés, dont
deux en raison d’une rupture prématurée des membranes2.
Les données sur la clonidine pour la femme enceinte relèvent
de son utilisation en tant qu’antihypertenseur2. Une étude de
surveillance et une étude de cohorte ne montrent pas
d’augmentation du taux de malformations majeures chez
65 nouveau-nés exposés lors du premier trimestre de
grossesse16,17. De plus, une autre étude ne montre pas de
différence sur le contrôle de l’hypertension, de la morbidité
maternelle ainsi que de la mortalité et de la morbidité fœtales
entre les groupes exposés à la clonidine (n = 47) ou au
méthyldopa (n = 48) aux deuxième et troisième trimestres18.
Récemment, une analyse de cohorte rétrospective a démontré
un effet inconstant de la clonidine sur le débit cardiaque
maternel et sur la croissance intra-utérine19. Bien que nous
disposions de peu d’information sur l’innocuité de la
clonidine, l’expérience avec la méthyldopa, un autre alpha2adrénergique central et agent antihypertenseur de première
ligne dans les cas de grossesse, est rassurante17. On pourrait
envisager d’utiliser la clonidine pour les cas d’HG réfractaires
aux traitements habituels.
Discussion
La clonidine, qui combine une action antiémétique à une
réduction de l’hypersalivation, semble avoir été bénéfique
pour la patiente. D’un point de vue chronologique, le
soulagement des vomissements et de l’hypersalivation
pourrait être attribuable à la clonidine. En effet, les nausées
et l’hypersalivation ont cessé environ 12 heures après
la première dose, et la patiente n’a pas eu de récidive de
vomissements. Ce soulagement s’est maintenu, car elle
a commencé à tolérer l’alimentation liquide au jour cinq
et l’alimentation solide au jour six de l’hospitalisation. De
plus, l’état de la patiente ne s’est pas détérioré lors des
suivis après la sortie de l’hôpital. Par contre, aucune échelle
clinique de gravité des symptômes pour évaluer l’efficacité
du traitement n’a été utilisée.
Il faut obligatoirement pouvoir exclure tous les autres facteurs
susceptibles de soulager les nausées et les vomissements avant
de pouvoir attribuer l’amélioration de l’état de la patiente
à la clonidine. Dans environ 80 % des cas, les nausées et
Pharmactuel 2015;48(1) 33
vomissements de la grossesse atteignent habituellement une
intensité maximale à la neuvième semaine et se résorbent
avant la vingtième semaine3. La nécessité de poursuivre le
traitement à la clonidine pendant toute la grossesse de la
patiente témoigne de l’absence de résolution spontanée.
Lorsqu’une hospitalisation est nécessaire, les patientes
prises en charge selon le protocole de traitement de l’HG
au CHU Sainte-Justine se sentent habituellement mieux
dès les premières 24 heures de traitement et obtiennent
leur congé de l’hôpital après trois jours de thérapie. Dans
le cas présenté, la durée d’hospitalisation de six jours et
l’absence d’amélioration après 48 heures témoignent de la
gravité de la maladie. Lorsque la patiente a commencé à
prendre la clonidine, elle prenait déjà de la pyridoxine, de
l’ondansétron et du pantoprazole. La pyridoxine avait été
administrée au jour un, sans entraîner d’amélioration de
l’état de la patiente. L’ondansétron avait été ajouté au jour
deux et optimisé au jour trois, sans qu’une amélioration
de l’HG s’ensuive, alors qu’on pouvait s’attendre à un
début d’action au bout de 30 minutes. Il est toutefois
impossible d’exclure le fait que cet agent ait peutêtre contribué au soulagement des vomissements de la
patiente, étant donné que l’augmentation de la dose de ce
médicament est intervenue le jour même de l’instauration
du traitement à la clonidine. Le métoclopramide avait été
administré, mais il a été retiré au jour deux à cause de
l’antécédent de réaction extrapyramidale de la patiente.
La ranitidine intraveineuse avait été tentée pour traiter la
gastrite érosive. Mais comme elle n’avait entraîné aucune
amélioration de l’état de la patiente, on l’avait remplacée
par le pantoprazole intraveineux, qui est l’IPP qui
s’impose lorsqu’un patient ne tolère pas de traitement par
voie orale. En traitant la gastrite érosive, le pantoprazole
peut avoir contribué au soulagement des nausées et
des vomissements de la patiente. Toutefois, malgré la
diminution des douleurs épigastriques, la persistance des
nausées et des vomissements montre que le pantoprazole
n’était pas suffisant pour contrôler les symptômes. La
poursuite du traitement à l’ondansétron et à l’hydroxyzine
jusqu’à la fin de la grossesse pourrait avoir contribué au
maintien de l’amélioration de l’état de la patiente après
son congé de l’hôpital.
L’effet indésirable principal de la clonidine à prendre en
considération est l’hypotension, étant donné qu’une perfusion
utéroplacentaire adéquate est nécessaire au développement
fœtal. La tension artérielle de cette patiente est demeurée
dans les normes après l’ajout de la clonidine ainsi que lors
de l’augmentation de la dose de ce médicament, avec une
diminution de la tension artérielle à une seule reprise sous
le seuil d’hypotension, fixé à 90/45 mm Hg par le médecin
traitant. L’issue de cette grossesse est normale sur le plan de
l’âge gestationnel, du poids à la naissance et de l’absence de
malformations majeures.
La série de cas de Maina et coll. rapporte l’utilisation du
timbre transdermique de 5 mg de clonidine, libérant 0,2 mg
par jour, et remplacé tous les cinq à six jours2. L’absorption
du timbre est d’environ 60 %, mais pourrait théoriquement
34 Pharmactuel 2015;48(1)
être supérieure lors d’une grossesse20. Si l’on envisage une
absorption orale de 75 à 100 %, une dose orale de clonidine
de 0,1 mg deux fois par jour peut être jugée équivalente à la
dose du timbre transdermique21. Malgré l’absence d’études
sur la clonidine par voie orale pour le traitement de l’HG, le
fait que les timbres transdermiques de clonidine n’existent
pas sur le marché canadien a favorisé le choix de la clonidine
par voie orale2. Cette voie semble avoir été efficace et
bien tolérée dans le cas présent. En effet, bien que la voie
intraveineuse ait été utilisée pour tous les médicaments au
moment de la mise en route du traitement à la clonidine, la
patiente a réussi à prendre des comprimés de clonidine par
voie orale dès la première dose. Il n’existe pas d’autres voies
d’administration disponibles pour la clonidine au Canada.
L’utilisation de la clonidine pour traiter l’HG suscite l’intérêt
de la recherche. En effet, l’étude clinique CLONEMESI à
répartition aléatoire, contrôlée avec placebo est en cours
pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de la clonidine
transdermique pour le soulagement des symptômes graves
de l’HG chez les femmes dont la grossesse se situe entre 6 et
12 semaines22.
Conclusion
Le cas présenté est celui d’une femme souffrant d’HG
réfractaire aux traitements usuels, mais ayant vu son
état s’améliorer après avoir pris de la clonidine par voie
orale. Lorsque les traitements habituels sont inefficaces,
la clonidine constitue une option thérapeutique à explorer,
particulièrement en présence d’hypersalivation, qui peut
aggraver les nausées et les vomissements. Il existe peu de
données sur l’innocuité de la clonidine administrée aux
femmes enceintes. De plus, peu de publications scientifiques
appuient l’utilisation de la clonidine pour soulager les
vomissements réfractaires pendant la grossesse. Des études
sont en cours pour clarifier son utilité dans cette indication.
Financement
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été
déclaré par les auteurs.
Conflits d’intérêts
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de
l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
Remerciements
Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Communication
scientifique de la Faculté de pharmacie de l’Université de
Montréal. Les auteurs remercient les responsables ainsi que
Caroline Morin, pharmacienne au CHU Sainte-Justine, pour
les commentaires reçus lors de la rédaction de cet article.
Une autorisation écrite a été obtenue de ces personnes.
© APES tous droits réservés
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NCT01559012 (site visité le 27 octobre 2013).
Abstract
Objective: To describe a case of standard treatment–refractory hyperemesis gravidarum in which the patient’s
condition improved following the administration of oral clonidine.
Case summary: A pregnant 32-year-old woman was admitted to hospital at 14 weeks’ gestation. She was vomiting,
with hypersalivation, epigastralgia, weight loss, ketonuria and hypokalemia, leading to a diagnosis of hyperemesis
gravidarum. Several treatments were used to relieve the symptoms: hydration, pyridoxine, diphenhydramine,
metoclopramide, ranitidine, pantoprazole, and ondansetron. Finally, oral clonidine was prescribed, resulting in the
patient’s significant and lasting symptomatic relief from hyperemesis gravidarum.
Discussion: Hyperemesis gravidarum is a complication of pregnancy in up to 2% of cases. A number of drugs can
be used for this condition, but some patients do not respond to the usual treatment. Clonidine is a central alphaadrenergic agonist used mainly as an antihypertensive. Limited data exist in the scientific literature to support its use
in the treatment of refractory hyperemesis gravidarum. From a chronological and clinical standpoint, clonidine was
effective in relieving hyperemesis gravidarum in this patient.
Conclusion: This case report describes the use of clonidine in a patient with hyperemesis gravidarum that was
refractory to standard treatment. The efficacy of this agent should be evaluated in clinical trials to better determine
its therapeutic role.
Keywords: Clonidine, hyperemesis gravidarum, pregnancy, vomiting
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Pharmactuel 2015;48(1) 35
VOTRE EXPÉRIENCE AVEC...
Évaluation de la prévalence d’une carence en thiamine chez des
patients insuffisants cardiaques traités à long terme au furosémide
Amélie Fournier1,2, B.Pharm., M.Sc., Maude Blanchet2, B.Pharm., M.Sc., Sarah Lessard2, B.Pharm., M.Sc.,
Paul Poirier 3,4, M.D., Ph.D.
Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction de l’article, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec)
Canada;
2
Pharmacienne, Hôpital de l’Enfant-Jésus du Centre hospitalier universitaire de Québec, Québec (Québec) Canada;
3
Cardiologue, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Québec (Québec) Canada;
4
Professeur titulaire, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada
1
Reçu le 22 juillet 2014; Accepté après révision le 6 novembre 2014
Résumé
Objectif : Évaluer la prévalence et les conséquences d’une carence en thiamine chez des patients insuffisants cardiaques
prenant quotidiennement du furosémide.
Mise en contexte : Une grave carence en thiamine peut provoquer une symptomatologie similaire à celle de l’insuffisance
cardiaque et être ainsi un facteur potentiellement aggravant de cette maladie.
Résultats : Les 26 patients inclus dans l’étude prenaient une dose moyenne quotidienne de furosémide de 144 ± 69,6 mg.
Aucun patient ne présentait de carence plasmatique en thiamine (concentration plasmatique moyenne de 40,8 ± 21,7 nmol/l).
La fraction d’éjection ventriculaire gauche des patients ayant un taux de thiamine plasmatique inférieur à la médiane de
l’échantillon (35 nmol/l; p = 0,13) n’était pas significativement inférieure. L’alimentation de trois patients était carencée en
thiamine. Les patients ayant un taux de thiamine plasmatique supérieur ou égal à 35 nmol/l tendaient à avoir une meilleure
qualité de vie (p = 0,06).
Discussion : La prise quotidienne d’un diurétique de l’anse de Henlé devrait être considérée comme un facteur de risque de
carence en thiamine, et ce, indépendamment de la dose reçue. Les résultats obtenus semblent indiquer que la diminution du
taux de thiamine plasmatique entraîne une dégradation cliniquement significative de la qualité de vie.
Conclusion : Les données sont insuffisantes pour conclure à un lien entre la prise d’une forte dose de furosémide et une
prédisposition à une carence en thiamine plasmatique.
Mots clés : Carence, fraction d’éjection du ventricule gauche, furosémide, insuffisance cardiaque, qualité de vie, thiamine
Introduction
L’insuffisance cardiaque (IC) touche 1 à 2 % de la population
canadienne, soit plus de 400 000 individus1,2. Malgré les
avancées thérapeutiques, le taux de mortalité lié à l’IC dépasse
50 % après cinq ans, et l’incidence de la maladie ne cessera
de croître au rythme du vieillissement de la population2,3.
Cette maladie représente la première cause d’hospitalisation
des patients de plus de 65 ans, et les coûts associés à
cette maladie sont un sujet de préoccupation constant3,4.
Une relation inverse existe entre la fraction d’éjection du
ventricule gauche (FEVG) et le taux de mortalité5. Le but des
thérapies reconnues par les lignes directrices canadiennes
est donc d’améliorer la fonction cardiaque ainsi que la
symptomatologie des patients. Cependant, d’autres solutions
permettant une prise en charge optimale des patients atteints
d’IC sont à l’étude.
Un lien entre les taux sanguins de micronutriments et
la fonction cardiaque est connu depuis une soixantaine
d’années6. Une grave carence en thiamine, notamment,
peut provoquer une symptomatologie similaire à celle de l’IC
et être ainsi un facteur potentiellement aggravant de cette
maladie. En effet, une carence en thiamine peut mener à
une rétention hydrosodée, une vasodilatation périphérique,
une fatigue, des palpitations, une dyspnée, un œdème et une
atteinte neurologique7. En outre, les patients atteints d’IC
sont plus susceptibles de présenter une carence en thiamine
en raison non seulement de leur médication, mais également
de leur âge avancé, de leur fonction rénale souvent diminuée
ainsi que de leur apport alimentaire limité tant en raison
de l’anorexie engendrée par l’augmentation de la surcharge
liquidienne que par les restrictions alimentaires imposées
par leur état de santé6.
Pour toute correspondance : Amélie Fournier, Hôpital Enfant-Jésus du Centre hospitalier universitaire de Québec, 1401, 18e Rue, Québec (Québec) G1J 1Z4 CANADA;
Téléphone : 418 649-0252; Télécopieur : 418 649-5923; Courriel : [email protected]
36 Pharmactuel 2015;48(1)
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La prise de diurétiques, traitement symptomatique
fondamental de l’IC, entraîne une augmentation de l’excrétion
urinaire de la thiamine chez le rat8,9. La prévalence de la
carence en thiamine est de 3 à 96 % dans des populations de
patients insuffisants cardiaques10. Cette variabilité s’explique
par l’utilisation de techniques de dosage différentes, la
petite taille des échantillons, l’état nutritionnel variable des
patients, la présence de comorbidités diverses, la diversité
de la médication concomitante (y compris les doses et les
types de diurétiques utilisés) ainsi que la sous-déclaration de
l’usage de suppléments vitaminiques10.
En 2006, Hanninen et coll. ont publié une étude observationnelle
menée auprès de 100 patients insuffisants cardiaques
hospitalisés. De ces patients, 33 % présentaient une carence
en thiamine, comparativement à 12 % dans le groupe témoin11.
L’effet d’une supplémentation en thiamine demeure toutefois
à définir, quoique quelques petites études aient démontré une
amélioration de la FEVG allant jusqu’à 22 % en seulement six
semaines avec un traitement de suppléance en thiamine12,13.
Devant ces résultats, d’autres études sont requises.
L’objectif principal de l’étude est d’évaluer la prévalence de
la carence en thiamine chez des patients adultes insuffisants
cardiaques qui reçoivent une dose moyenne quotidienne de
furosémide supérieure ou égale à 80 mg depuis au moins
trois mois. Les objectifs secondaires visent à évaluer s’il
existe un lien entre la carence en thiamine et la dose moyenne
quotidienne de furosémide, la FEVG, la classe fonctionnelle
NYHA (New York Heart Association), la qualité de vie (QdV)
et la durée d’utilisation du diurétique. Un autre objectif
secondaire consiste à déterminer l’effet de différents facteurs
confondants potentiels sur le taux plasmatique en thiamine,
tels que l’âge, la prise d’une multivitamine, l’association de
diurétiques, la présence de diabète, le taux de magnésium
sanguin, la fonction rénale ou la prise de digoxine.
Méthode
Protocole de recherche et méthode
L’étude présentée est une étude unicentrique, descriptive et
transversale. Les échantillons plasmatiques sont recueillis
prospectivement. À la fin de la période de sélection des
participants, un envoi commun achemine ces échantillons à
In-Common Laboratories Inc. (Toronto, Ontario, Canada) aux
fins d’analyse rétrospective.
Population à l’étude
Cette étude cible les patients atteints d’IC systolique ou
diastolique utilisant du furosémide à une dose moyenne
minimale quotidienne de 80 mg. Les patients ont été
identifiés à l’aide d’une revue de l’utilisation du furosémide
au sein de l’unité de cardiologie de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus,
effectuée grâce au logiciel GESPHARX8MD (CGSI@solution-TI
INC, Québec, Canada). La collaboration de l’infirmière de
pratique spécialisée en cardiologie, travaillant à la clinique
externe des maladies cardiaques subaigües, a également
été précieuse pour identifier les patients lors des suivis
quotidiens auprès des patients insuffisants cardiaques qui
lui sont adressés. Enfin, la collaboration du cardiologue, du
pharmacien clinicien et de l’assistante infirmière chef en
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cardiologie a été requise pour l’identification des candidats
potentiels lors de leur admission.
Pour être inclus dans cette étude, les patients devaient être
âgés d’au moins 18 ans et avoir reçu un diagnostic d’IC
systolique ou diastolique. De plus, ils devaient être traités avec
du furosémide à domicile à une dose moyenne quotidienne
supérieure ou égale à 80 mg, pour une durée minimale de
trois mois. Tous devaient fournir leur consentement libre
et éclairé. Afin d’être comparable à celle des études déjà
publiées sur le sujet, la taille de l’échantillon a été estimée à
un minimum de 60 patients.
Les critères d’exclusion étaient ceux qui pouvaient
affecter le métabolisme de la thiamine ou en limiter
l’apport exogène. Ainsi, les patients étaient exclus s’ils
consommaient régulièrement de l’alcool éthylique (un
maximum de trois consommations par jour en moyenne sur
sept jours), ou s’ils présentaient un état hypermétabolique
(p. ex. : néoplasie active, infection générale grave, infection
par le virus d’immunodéficience humaine)14. Les autres
facteurs d’exclusion étaient une suppléance rénale, des
antécédents de chirurgie bariatrique et la prise régulière
d’une multivitamine contenant de la thiamine à une dose
égale ou supérieure à 50 mg 6.
Collecte de données La collecte des données s’est effectuée de façon prospective,
du 29 octobre 2012 au 28 février 2013, à l’aide de trois outils
regroupant toutes les variables pertinentes. L’outil principal
contenait les données anthropométriques, médicales,
biochimiques, diététiques et pharmacologiques du patient.
Elles incluaient les facteurs confondants potentiels, soit
l’âge, la prise d’une multivitamine, la prise de diurétiques
concomitants, la présence de diabète, le taux de magnésium
sanguin, la fonction rénale et la prise de digoxine. La collecte
de ces données était à visée prospective lors du recueil
des antécédents pharmacothérapeutiques. Le calcul de
la dose moyenne quotidienne de furosémide reçue par le
patient depuis les trois derniers mois s’est effectué à partir
d’un recensement de toutes les doses reçues et de la durée
d’exposition respective, selon le dossier pharmacologique
de la pharmacie privée. L’intervalle normal attendu pour la
concentration plasmatique en thiamine était de 7 à 44 nmol/l,
soit l’intervalle suggéré par le laboratoire.
Le second outil a été réalisé avec l’aide de la nutritionniste
afin de faciliter la mise en évidence d’une carence
alimentaire quotidienne en thiamine. La carence alimentaire
en thiamine était définie comme un apport inférieur à la
quantité quotidienne minimale recommandée par le Guide
alimentaire canadien, soit 1,2 mg pour les hommes et
1,1 mg pour les femmes. La nutritionniste a analysé tous
les questionnaires alimentaires. Le troisième outil utilisé
est le questionnaire Minnesota Living with Heart Failure
(MLHFQ), qui concerne la qualité de vie. Ce questionnaire
de 21 questions permet d’évaluer dans quelle mesure les
symptômes cardiaques du patient nuisent à la réalisation
des activités quotidiennes. Ce questionnaire a été validé pour
une population atteinte d’insuffisance cardiaque15.
Le projet a reçu l’approbation du comité d’éthique de la
recherche du Centre hospitalier affilié de Québec. En raison du
Pharmactuel 2015;48(1) 37
caractère prospectif de l’étude et du prélèvement d’échantillons
biologiques aux fins d’analyse, chaque patient inclus dans
l’étude (ou son curateur lorsque le patient était inapte à donner
son consentement) a reçu et signé librement un formulaire
d’information et de consentement.
Analyse statistique
Résultats
Des 221 dossiers consultés, nous en avons sélectionné 28,
dont 17 (60,7 %) de patients hospitalisés. La raison principale
de l’exclusion de 123 patients (63,7 %) est due au fait qu’ils
n’avaient pas reçu la dose de furosémide quotidienne
moyenne minimale requise de 80 mg sur une période de trois
mois. De plus, 27 patients ont refusé de participer au projet
de recherche. Parmi ces derniers, 18 (66,7 %) provenaient
de la clinique externe des maladies cardiaques subaigües.
Nous avons exclu un patient, car il prenait une multivitamine
contenant 250 mg de thiamine. Nous avons exclu deux des
28 patients enrôlés en raison de l’impossibilité d’analyser
leur échantillon sanguin. Par conséquent, la population
étudiée est composée de 26 patients. Le schéma d’inclusion
et de la répartition des patients exclus est présenté à la
figure 1. Le tableau I présente les caractéristiques détaillées
des patients à l’étude.
L’analyse des variables quantitatives, tant discrètes que
continues, s’est effectuée à l’aide de mesures de tendance
centrale (moyennes, médianes) et de mesures de dispersion
(écarts-types, étendue). Les variables qualitatives ont été
analysées en termes de proportions. Le test de corrélation
de Pearson a permis de mesurer le lien entre la gravité de
la carence en thiamine et les différentes variables mesurées.
En cas d’absence de deux variables quantitatives respectant
une loi normale, nous avons utilisé le test de corrélation
de Spearman. Une comparaison statistique entre le groupe
ayant un taux plasmatique en thiamine inférieur à la médiane
Aucun des 26 dosages de thiamine plasmatique n’est
et le groupe ayant un taux supérieur ou égal à la médiane
inférieur à 7 nmol/l (moyenne de 40,8 ± 21,7 nmol/l). La
devait être effectuée à l’aide d’un test du Khi carré. De plus,
médiane se situe à 35 nmol/l avec une étendue de 15 à
dans le cas d’un petit échantillon, le test de Fisher exact a été
111 nmol/l. En l’absence de patients présentant une carence
utilisé, alors que le test t de Student était utilisé dans le cas
en thiamine plasmatique, nous avons créé deux groupes
de comparaison de moyennes. Toutes les valeurs de p étaient
au sein de l’échantillon, à partir de la valeur médiane. Les
résultats sont présentés dans le tableau II.
bilatérales, et le seuil de signification a été fixé à une valeur
inférieure à 5 %.
Figure 1. Schéma d’inclusion et raisons d’exclusion des patients de l’étude
38 Pharmactuel 2015;48(1)
221 patients
ciblés
193
exclusions
Dose moyenne quotidienne
minimale de 80 mg de
furosémide non atteinte
123
Durée d’exposition
insuffisante au furosémide
aux doses adéquates
1
Prise quotidienne de
Prise de furosémide pour une
multivitamine
≥ 50 mg de
raison médicale autre que
l’insuffisance cardiaque
thiamine
16
1
28 inclusions
Ponctions veineuses ne
pouvant être analysées
2
26 inclusions
Figure 1.
Schéma d’inclusion et raisons d’exclusion
Refus de participer
27
Incapacité à consentir
3
Départ
2
Éthylisme
1
Cancer
3
Décès
7
Inconnue
9
des patients de l’étude
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Les patients hospitalisés ont des taux plasmatiques
inférieurs à ceux suivis en clinique externe à la limite
de la différence statistique (32,6 ± 15,6 nmol/l contre
48,9 ± 24,4 nmol/l, p = 0,05). En outre, les autres
caractéristiques anthropométriques, telles que le sexe,
l’âge, le poids et l’indice de masse corporelle (IMC)
n’influencent pas de façon statistiquement significative
les taux de thiamine plasmatique. Comme seulement deux
patients sont d’une origine autre que nord-américaine, nous
n’avons pu mener aucune analyse en fonction de ce facteur.
Parmi les données biochimiques, nous avons observé une
différence statistiquement significative de la clairance à
la créatinine. En effet, cette dernière est plus importante
dans le groupe ayant un taux de thiamine plasmatique
inférieur à 35 nmol/l que dans le groupe ayant un taux
de thiamine plasmatique minimal de 35 nmol/l (57,2 ± 24,2
contre 34,2 ± 11,5 ml/min, p = 0,0049). Enfin, le dosage des
ions collectés, notamment du magnésium et du potassium,
a révélé des valeurs normales au moment de la sélection
des patients, ce qui limite donc une telle analyse.
La dose de furosémide moyenne quotidienne est la seule
variable liée à la prise de médication pour laquelle une
différence entre les deux groupes est statistiquement
significative. En effet, la dose est supérieure dans le groupe
ayant un taux de thiamine plasmatique supérieur ou égal à
35 nmol/l (166,6 ± 72,7 mg contre 113,0 ± 33,0 mg, p = 0,02).
La comparaison des deux groupes en ce qui concerne la
durée d’exposition au furosémide ainsi que la prise de
diurétiques supplémentaires, tels que la spironolactone
(n = 7), l’éplérénone (n = 3), la métolazone (n = 1) ou une
association d’agents (n = 10), ne montre pas de différences
statistiquement significatives (respectivement p = 0,82 et
p = 0,64). Les patients exposés à la médication pendant
une période de plus de cinq ans n’avaient pas de taux
Tableau I. Caractéristiques des patients à l’étude
Caractéristiques
Nombre de patientsa
Classe fonctionnelle NYHA
Caractéristiques générales (n = 26)
Classe I
2 (7,7)
Hommes
17 (65,4)
Classe II
9 (34,6)
Caucasiens
24 (92,3)
Classe III
13 (50)
Patients hospitalisés
13 (50)
Classe IV
2 (7,7)
Âge moyen (années ± écart-type)
76 ± 11
Poids moyen (kg ± écart-type)
82,3 ± 18,9
Indice de masse corporelle moyen (kg/m2 ± écart-type)
29,8 ± 8,6
Qualité de vie moyenne (0 à 105 ± écart-type)
Médicaments (n = 26)
Diurétiques
Dose moyenne de furosémide (mg ± écart-type)
43 ± 19
Prise de plus d’un diurétique
10 (38,5)
Spironolactone
7 (26,9)
Éplérénone
2 (7,7)
Apport alimentaire quotidien (mg/jour ± écart-type)
Hommes
1,8 ± 0,8
Femmes
1,4 ± 0,4
Carence en thiamine alimentaire
Éplérénone et métolazone
IECA
3 (11,5)
Caractéristiques médicales (n = 26)
FEVG moyenne (% ± écart-type)
37 ± 13
FEVG ≤ 40 %
16 (61,5)
138,3 ± 62,7
1 (3,8)
11 (42,3)
FEVG ≤ 40 % (n = 16)
9 (56,3)
Ischémie (n = 17)
7 (41,1)
ARA
1 (3,9)
Patients diabétiques
10 (38,5)
FEVG ≤ 40 % (n = 16)
0 (0)
Insuffisance rénale (< 60 ml/minb)
22 (84,6)
Ischémie (n = 17)
0 (0)
Clairance de la créatinine moyenne (ml/min ± écart-type)
b
45 ± 22
Bêta-bloqueur
Stade d’insuffisance rénale
Stade 1 (≥ 90 ml/min)
2 (7,7)
Stade 2 (60 à 89 ml/min)
2 (7,7)
Stade 3 (30 à 59 ml/min)
17 (65,4)
Stade 4 (15 à 29 ml/min)
Stade 5 (< 15 ml/min)
Causes de l’insuffisance cardiaque
Insuffisance valvulaire
6 (23,1)
Infection virale
1 (3,8)
2 (7,7)
a
2 (7,7)
b
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14 (82,4)
11 (42,3)
FEVG ≤ 40 % (n = 16)
9 (56,3)
Ischémie (n = 17)
7 (41,1)
Digoxine
4 (15,4)
Multivitamine
1 (3,8)
Abréviations : ARA : antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II; FEVG : fraction d’éjection du
ventricule gauche; IECA : inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II ; NYHA : New
York Heart Association Hypertension artérielle
Inconnue
Ischémie (n = 17)
IECA + Bêta-bloqueur
0 (0)
15 (57,7)
14 (87,5)
Double thérapie
5 (19,2)
Ischémie
23 (88,5)
FEVG ≤ 40 % (n = 16)
Les données sont présentées sous forme de n (%) ou moyenne (écart-type), sauf indication contraire
Formule Cockcroft-Gault utilisée selon le poids réel pour un indice de masse corporelle (IMC)
≤ 34 kg/m2 et selon le poids de dosage pour un IMC > 35 kg/m2 16
Pharmactuel 2015;48(1) 39
Tableau II. Caractéristiques des patients en fonction de leur taux plasmatique de thiamine
Thiaminep
< 35 nmol/l N = 13
Thiaminep
≥ 35 nmol/l N = 13
Puissance statistique
(valeur p)
Facteurs descriptifs et anthropométriques
Hommes, n (%)
Âge (années ± écart-type)
Poids (kg ± écart-type)
Indice de masse corporelle (kg/m2 ± écart-type)
Ethnie autre que caucasienne, n (%)
9 (69,2)
73 ± 13
88 ± 24
31,3 ± 11,4
1 (7,7)
8 (61,5)
79 ± 8
78 ±12
27,6 ± 4,5
1 (7,7)
1
0,19
0,19
0,29
1
Facteurs liés à la médication
Furosémide
Dose moyenne quotidienne (mg ± écart-type)
Durée d’exposition (années ± écart-type)
Exposition < 5 ans, n (%)
Codiurétiques (> 1 diurétique), n (%)
Spironolactone, n (%)
113 ± 33
4,5 ± 3,6
6 (46,2)
5 (38,5)
3 (23,1)
166,6 ± 72,7
5,3 ± 3,8
6 (46,2)
5 (38,5)
4 (30,8)
0,02
0,64
1
1
1
Facteurs médicaux
Patients hospitalisés, n (%)
FEVG moyenne (% ± écart-type)
Diabète, n (%)
Cause ischémique, n (%)
10 (76,9)
34 ± 12
7 (53,8)
7 (53,8)
3 (23,1)
40 ± 14
8 (61,5)
8 (61,5)
0,017
0,13
1
1
Qualité de vie (score Minnesota moyen ± écart-type)
50 ± 16,6
35 ± 20,4
0,058
Évaluation nutritionnelle
Apport moyen (mg/jour ± écart-type)
1,6 ± 0,5
1,9 ± 1
0,42
57,2 ± 24,2
9 (69,2)
34,2 ± 11,5
13 (100)
0,0049
0,096
Facteurs biochimiques
Clairance de la créatinine moyenne (ml/min ± écart- type)
Stade d’insuffisance rénale 3 à 5 (< 60 ml/min), n (%)
Abréviations : FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche; Thiaminep : thiamine plasmatique
Les données sont présentées sous forme de n (%) ou moyenne (écart-type), sauf indication contraire
plasmatiques de thiamine statistiquement inférieurs à ceux
y étant exposés depuis moins longtemps (33,1 ± 13,1 nmol/l
contre 46,4 ± 26,2 nmol/l, p = 0,12).
Parmi les facteurs médicaux pouvant influencer la prévalence
d’une carence en thiamine, une IC de cause ischémique ou un
diabète ne sont pas associés à une baisse du taux de thiamine
plasmatique (p = 1 dans les deux cas). De plus, ni la FEVG
ni la classe fonctionnelle NYHA n’influencent de manière
statistiquement significative les concentrations plasmatiques
de thiamine des patients (respectivement p = 0,13 et p = 0,39).
L’évaluation nutritionnelle indique que la prise alimentaire
quotidienne de thiamine est adéquate chez 88,5 % des
patients. Le groupe ayant un taux de thiamine plasmatique
inférieur à la valeur médiane de l’échantillon, soit 35 nmol/l
n’a pas un apport exogène quotidien estimé en thiamine
inférieur à celui du groupe dont le taux de thiamine
plasmatique est supérieur ou égal à 35 nmol/l (1,6 ± 0,5 mg
contre 1,9 ± 1,0 mg, p = 0,42). Deux des trois patients
présentant une carence alimentaire en thiamine font partie
du premier groupe, avec des taux respectifs de thiamine
plasmatique de 15 et 29 nmol/l.
En outre, nous avons évalué la qualité de vie de chacun
des patients. Ceux ayant un taux de thiamine plasmatique
inférieur à 35 nmol/l obtiennent un score plus élevé selon le
MLHFQ que ceux dont le taux plasmatique est plus élevé, soit
40 Pharmactuel 2015;48(1)
un résultat à la limite de la différence statistique (50 ± 16,6
contre 35 ± 20,4, p = 0,06). Rappelons que plus le score
se rapproche du maximum théorique (105 points), plus la
qualité de vie est mauvaise.
Discussion
Cette étude fait suite à quelques petites études publiées sur le
sujet, ayant démontré des prévalences de carence en thiamine
très variables (entre 3 et 96 %) dans des populations atteintes
d’IC. De plus, cette étude est la première à s’intéresser au lien
potentiel entre une carence en thiamine et une diminution
de la qualité de vie. Malgré les quelques lacunes de la
méthode utilisée et les embûches rencontrées, notamment la
complexité administrative entourant la gestion des dosages
en dehors de la province, la petite taille de l’échantillon et
les multiples intervenants ayant participé à la cueillette de
données, la principale force de cette étude est son protocole
prospectif nécessaire à l’évaluation de la qualité de vie. En
effet, bien qu’ils ne répondent pas aux attentes initiales, les
résultats présentés et discutés ci-dessus sont bien appuyés
par une collecte de données exhaustive. Enfin, notre méthode
est comparable à celles des diverses études consultées sur
le sujet, tant par la nature des variables recueillies que par
les analyses statistiques menées, ce qui permet ainsi une
analyse comparative des résultats.
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Premièrement, aucun patient ne s’est avéré carencé en
thiamine, selon le seuil prédéterminé de 7 nmol/l. Ce résultat
va à l’encontre de l’hypothèse initiale consistant à observer
une prévalence de carence en thiamine d’environ 33 % au sein
de l’échantillon. Cette divergence s’explique principalement
par la non atteinte d’une puissance statistique suffisante.
De plus, en l’absence de patients présentant une carence en
thiamine plasmatique, une analyse de stratification des taux
de thiamine plasmatique a permis de classifier les patients.
Nous n’avons pas recensé une telle procédure dans les textes
consultés. Ainsi, l’interprétation des dosages en thiamine
plasmatique est limitée au seuil fixé par le laboratoire
ontarien ayant effectué les dosages. Par contre, bien que
la moyenne des taux de thiamine plasmatiques se situe à
40,8 nmol/l, ces taux varient de 15 à 111 nmol/l, ce qui
laisse présager l’existence de certains facteurs qui peuvent
expliquer un tel écart entre les patients.
Description de la population
Les caractéristiques des patients sélectionnés reflètent
bien la population insuffisante cardiaque17-20. En effet,
l’IC est une maladie qui prévaut dans une population
âgée, majoritairement masculine et ayant de multiples
comorbidités4. De plus, les caractéristiques de l’échantillon
se comparent bien à celles de l’étude menée par Hanninen
et coll., à l’exception de l’âge moyen de la population,
plus élevé dans notre échantillon (76 ans) que dans celui
de l’étude de Hanninen et coll. et d’autres études portant
sur l’IC11,19,21,22. Cependant, cette valeur reflète bien le type
de patients hospitalisés à l’unité de cardiologie ou suivis
en clinique externe des maladies cardiaques subaigües
de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, soit des patients davantage
gériatriques et ayant une IC de stade plus avancé11,21,22.
Différentes références traitant de la thiamine et des facteurs
de risque d’une carence de cette vitamine mentionnent que
l’âge peut augmenter la prévalence d’une carence chez les
patients hospitalisés ou résidant dans les centres de soins de
longue durée10,23. Cependant, l’étude actuelle n’a pu établir
de corrélation similaire de façon significative. Elle montre
même des patients légèrement plus âgés dans le groupe,
ayant un taux de thiamine plasmatique supérieur ou égal à
la médiane (p = 0,19).
Le seul élément distinguant notre échantillon de celui des
études menées dans le domaine de l’IC est la présence d’un
IMC moyen plus élevé, soit 29,8 kg/m2 18,19. Une étude menée
sur les facteurs de risque de dénutrition parmi les patients IC
hospitalisés a obtenu, sur un échantillon de 666 patients, un
IMC moyen de 27,7 kg/m2 24. Il est possible que dans notre
échantillon, le poids des patients hospitalisés en phase aigüe
de décompensation de leur IC ait été surévalué, en raison d’une
surcharge liquidienne ou d’un œdème important. De plus,
puisque la majorité de nos patients (88,5 %) n’ont pas présenté
de carence alimentaire, il est possible que leur alimentation
puisse compenser les pertes urinaires substantielles en
thiamine engendrées par la prise de diurétiques par des
patients ayant conservé l’appétit.
Un seul des patients inclus dans l’étude prenait
quotidiennement une multivitamine contenant 1,2 mg
de thiamine. Bien qu’il ait été exposé à une moyenne
quotidienne de 160 mg de furosémide, en plus de 75 mg de
spironolactone, sa concentration en thiamine plasmatique
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était de 111 nmol/l, soit la valeur maximale observée
dans notre échantillon. De plus, ce patient avait conservé
l’appétit, et son apport alimentaire quotidien dépassait
la valeur minimale requise par jour. Ces observations
laissent entendre que la prise quotidienne d’une très petite
quantité de thiamine, tant alimentaire que par la prise d’une
multivitamine, peut prévenir efficacement une carence tant
alimentaire que secondaire à la prise d’un diurétique.
Enfin, 56,3 % et 87,5 % des 16 patients sélectionnés ayant une
FEVG inférieure ou égale à 40 % prenaient respectivement
un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
II (IECA) et un bêtabloqueur à domicile. Lorsque nous
comparons nos résultats avec ceux des dernières études
menées dans le domaine de l’IC, nous observons que les
taux de prise de ces médicaments à domicile ne sont pas
optimaux. À noter que pour cette étude, nous n’avons
compilé aucune information sur la tolérance ou les diverses
contre-indications aux médicaments.
Association entre divers facteurs et le dosage
plasmatique en thiamine
Plusieurs tests sont disponibles sur le marché afin de mesurer
les concentrations en thiamine, soit sérique, érythrocytaire,
plasmatique, urinaire ou par évaluation de l’activité de
la transkétolase érythrocytaire. Ce dernier test a été
majoritairement utilisé dans les études similaires à la nôtre,
afin de mieux caractériser la carence par un pourcentage
de la fonction érythrocytaire suivant un apport exogène en
thiamine. Cependant, ce test demeure non spécifique et peut
être influencé par l’apport oral de thiamine. Le test permettant
le mieux d’évaluer une carence en thiamine est l’analyse de
la concentration sérique ou érythrocytaire en thiamine, qui
reflète davantage les réserves corporelles totales (80 %) et
est peu influencée par les apports oraux2,10. Le dosage de
la thiamine plasmatique est un test d’analyse discutable
pour stratifier, voire même diagnostiquer une carence en
thiamine. En effet, la thiamine plasmatique représente 20 %
de la concentration sanguine de la vitamine, et son taux
est fortement affecté par l’apport alimentaire récent, tout
comme la thiamine urinaire. Cependant, comme aucun test
de mesure du taux de thiamine n’est disponible au Québec
et que nous voulions avoir recours à un test abordable et
accessible, nous avons choisi, pour cette étude, de mesurer
les concentrations en thiamine plasmatique.
L’exposition à une dose moyenne quotidienne de 138 mg de
furosémide est légèrement inférieure aux moyennes et écarts
observés dans différentes études21,22. Nous avons déterminé
le seuil initial de 80 mg de furosémide en tenant compte des
résultats des études de Zenuk et coll. et de Brady et coll., qui
ont observé respectivement une carence en thiamine chez
96 % et 21 % des patients recevant une dose quotidienne de
furosémide supérieure ou égale à 80 mg. Plus précisément,
Zenuk et coll. ont mené leur étude auprès de 32 patients, en
comparant un groupe prenant plus de 80 mg de furosémide
par jour à un groupe en prenant 40 mg par jour, et ont
démontré que les patients prenant une plus forte dose de
furosémide étaient plus susceptibles de développer une grave
carence en thiamine (96 % contre 57 %; RC:18,0; IC 95 % :1,1
à 601,3). Hanninen et coll. ont inclus des patients prenant
divers diurétiques, dont 80 % prenaient du furosémide à
domicile (dose médiane de 60 mg par jour). Par conséquent,
Pharmactuel 2015;48(1) 41
NYHAI
NYHAII
NYHAIII
NYHAIV
2
2
8
7
5
4
5
4
4
5
1
1
1
1
80 à 119 mg
120 mg et plus
< 35 nmol/L
 35 nmol/L
Dose de furosémide
quotidienne moyenne
Concentration plasmatique
en thiamine
Figure 2. Répartition des sujets selon leur classe fonctionnelle
NYHA, la dose de furosémide quotidienne moyenne prise à
domicile et leur concentration plasmatique en thiamine
l’exclusion des patients prenant une dose inférieure à 80 mg
de furosémide nous semblait essentielle pour l’obtention de
résultats significatifs. Par contre, 63 % des exclusions de notre
étude s’expliquent par la non atteinte du seuil minimal de
furosémide requis, ce qui en fait une limite majeure de l’étude.
Cependant, la technique de dosage de thiamine effectuée
dans les études de Zenuk et coll. et Hanninen et coll., soit
l’analyse de l’activité de la transkétolase érythrocytaire,
permettait une meilleure évaluation de la carence en
thiamine que le dosage plasmatique utilisé dans notre étude,
ce qui pourrait expliquer la prévalence plus importante de
carences en thiamine observée dans ces études. De plus,
les résultats de la présente étude contredisent les résultats
précédemment cités, puisque la dose moyenne quotidienne
de furosémide est supérieure dans le groupe ayant un taux
de thiamine plasmatique élevé (p = 0,02). Le simple fait de
prendre quotidiennement un diurétique de l’anse de Henlé,
tel que le furosémide, serait alors à considérer comme
facteur de risque de carence en thiamine, indépendamment
de la dose reçue (figure 2). Bien qu’il soit contre-intuitif
de conclure à une association allant en ce sens, un tel
résultat appuie la conclusion émise par Hanninen et coll.,
soit qu’il n’y a pas de relation entre une forte dose de
furosémide et une plus grande carence en thiamine. De
plus, contrairement aux résultats présentés par Hanninen
et coll., voulant que la prise de spironolactone soit associée
à une maladie plus avancée, ce qui prédit une carence en
thiamine, l’usage de codiurétiques (réparti de façon égale
dans les deux groupes), n’est pas un élément prédictif d’une
carence en thiamine plasmatique9.
Par ailleurs, nous n’avons démontré aucune relation entre
la durée d’exposition au furosémide et le taux plasmatique
de thiamine. Dans l’étude menée par Hanninen et coll.,
l’exposition moyenne au furosémide était de 14 mois, soit
une exposition de loin inférieure à celle observée dans
la présente étude (58,8 mois). Cependant, les chercheurs
ontariens n’ont pas analysé les conséquences de la durée
42 Pharmactuel 2015;48(1)
d’exposition sur les taux sériques de thiamine. Zenuk et
ses collaborateurs, pour leur part, n’ont observé aucune
corrélation entre la durée d’exposition et une carence en
thiamine chez les patients exposés depuis plus de trois mois
au furosémide, quelle que soit la dose quotidienne reçue21.
Les résultats de notre étude, bien qu’ils soient limités par un
accès restreint à l’information et un très petit échantillon,
correspondent donc à ceux obtenus par Zenuk et coll.
À l’instar des trois études citées précédemment, nous
observons une tendance se dessiner entre une baisse du
taux de thiamine plasmatique et une diminution de la FEVG.
En effet, bien que la valeur p ne soit pas statistiquement
significative, les chiffres absolus démontrent une différence
en faveur de l’hypothèse initiale, à savoir que le groupe
montrant une baisse du taux de thiamine plasmatique a une
plus faible FEVG que le groupe ayant un taux de thiamine
plasmatique supérieur à la médiane (33,8 ± 12,2 % contre
40,3 ± 13,8 %, p = 0,13). Par ailleurs, le fait d’avoir une
IC de cause ischémique qui soit indépendante de la FEVG
ne semble pas être un élément prédicteur d’une carence
en thiamine (p = 1), un point qui n’a pas été soulevé par
les autres études menées sur le sujet. En outre, les patients
ayant une classe fonctionnelle NYHA supérieure ou égale
à III sont exposés à des doses de furosémide plus élevées
que ceux des classes NYHA inférieures et ont dans une plus
grande proportion un taux de thiamine plasmatique inférieur
à 35 nmol/l. Ceci appuie l’hypothèse initiale que les patients
qui prennent de fortes doses quotidiennes de furosémide et
qui présentent une baisse du taux de thiamine plasmatique
voient leur capacité davantage diminuée à l’effort.
Par ailleurs, la qualité de vie est plus faible dans le
groupe ayant une concentration en thiamine plasmatique
inférieure à 35 nmol/l (50 points contre 35 points au
MLHFQ, p = 0,057), bien que la différence ne soit pas
statistiquement significative15. En 2003, dans le cadre
d’une étude comparant différents questionnaires sur la
qualité de vie, Bennett et coll. ont statué que la différence
minimale cliniquement significative relative au MLHFQ
est de 5 points25. Ainsi, bien que ce résultat puisse être
attribué à la chance, la différence de 15 points observée
dans la présente étude peut être qualifiée de cliniquement
significative, à défaut de pouvoir démontrer une différence
statistique entre les deux groupes. Cependant, il est
impossible de déterminer si la carence en thiamine a des
conséquences directes sur la qualité de vie ou si l’association
observée est due aux multiples facteurs confondants,
dont principalement la présence de comorbidités, telles
les maladies respiratoires et l’insuffisance vasculaire,
qui n’ont pas été recensées dans la présente étude.
Conséquemment, aucun un lien de cause à effet ne peut
être mis en évidence dans l’étude actuelle. Il s’agit, par
contre, de la première description d’un lien cliniquement
significatif faite et quantifiée par une étude, bien que le lien
entre la qualité de vie et une baisse du taux de thiamine
plasmatique soit non statistiquement significatif.
De tous les facteurs confondants potentiels, seuls deux sont
confirmés par les résultats de cette étude. Premièrement,
les patients hospitalisés semblent être plus susceptibles de
présenter une carence en thiamine, ce qui a déjà été démontré
par le passé dans d’autres études2,10,26,27. En effet, en contexte
de soins aigus, le corps est en état d’hypermétabolisme. Il
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est soumis à un stress, à une diminution de l’appétit et à
une restriction des apports alimentaires. De plus, l’usage
de furosémide intraveineux, souvent à dose élevée, permet
d’accroître l’efficacité du diurétique pris par voie orale,
dont l’absorption intestinale est limitée par l’ascite et
l’œdème. Il en résulte donc une perte majorée de thiamine
par voie urinaire. Deuxièmement, on observe une nette
différence de la fonction rénale entre les deux groupes de
concentration en thiamine plasmatique. En effet, la baisse
de la fonction rénale est un facteur protecteur contre
l’hypovitaminose; cela s’explique par une diminution de
l’excrétion urinaire de la thiamine. Ceci avait été souligné
dans l’étude d’Hanninen et coll. ainsi que dans divers textes
traitant de la thiamine2,10,11. Ce résultat est d’autant plus
intéressant que la différence a pu être détectée au sein d’un
petit échantillon de 26 patients. Tous les autres facteurs
confondants potentiels (le diabète, l’âge, l’IMC, un déficit
ionique) n’ont pu être associés à une diminution du taux
plasmatique de thiamine. La prise de digoxine, pour sa part,
bien qu’elle soit sous-représentée dans l’échantillon actuel,
s’est avérée être associée à une baisse du taux de thiamine
plasmatique pour deux patients. L’un des deux dosages de
digoxine était à un niveau suprathérapeutique (3,6 nmol/l)
et associé à un taux de thiamine plasmatique de 18 nmol/l,
ce qui appuie l’hypothèse émise par Zangen et coll. que la
prise de ce médicament, en association avec un diurétique
de l’anse de Henlé, peut influencer à la baisse les réserves
en thiamine corporelle28. Enfin, l’apport alimentaire en
thiamine était proche de l’apport quotidien minimal pour
trois patients, ce qui n’a pas permis d’analyses statistiques
compte tenu de la petite taille de ce sous-groupe.
Limites
La principale limite de ce projet de recherche vient de la
petite taille de l’échantillon. L’objectif initial étant l’inclusion
d’un minimum de 60 patients, la puissance obtenue avec
26 patients est insuffisante pour détecter une prévalence de
33 % de patients présentant une carence en thiamine. Une
dose seuil inférieure à 80 mg de furosémide par jour aurait
permis d’inclure un plus grand nombre de patients, sans pour
autant détecter davantage de patients carencés, vu leur faible
exposition aux diurétiques. La seconde limite de l’étude est le
test utilisé pour le dosage de la thiamine, qui a entraîné une
perte de précision dans l’analyse et l’interprétation du taux
plasmatique. Ce dernier ne représente que 20 % de la réserve
corporelle en thiamine et il est fortement influencé par les
apports oraux récents. L’analyse de l’apport alimentaire et de
l’appétit ainsi que des autres apports oraux (multivitamine)
a été prise en considération, ce qui a diminué l’effet de ces
facteurs sur l’analyse globale. Cependant, nous n’avons pas
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analysé le temps écoulé entre le dernier apport alimentaire
et la prise de sang.
La durée de conservation de l’information dans les pharmacies
du secteur privé est un biais d’information présent dans
cette étude. Selon les logiciels utilisés, la majorité de ces
pharmacies conservent les données pendant cinq ans. Ainsi,
on a probablement sous-estimé le nombre de patients ayant
reçu du furosémide depuis plus de cinq ans.
Enfin, un biais de confusion engendré par la présence de
multiples comorbidités chez des patients âgés aux prises avec
des symptômes pulmonaires ou des limitations physiques
n’étant pas en relation avec l’IC a pu affecter l’évaluation
de la qualité de vie et la classe fonctionnelle. Cependant,
l’utilisation de questionnaires standardisés et validés pour
cette population a diminué les conséquences de ce biais sur
les résultats présentés15.
Conclusion
Les données sont insuffisantes pour conclure à un lien entre
une forte dose de furosémide et une prédisposition à une
carence en thiamine plasmatique. Cependant, cette étude
invite à étudier sur un plus grand nombre de patients le lien
entre la qualité de vie et une baisse du taux de thiamine
plasmatique. C’est la première fois que l’on souligne un lien
possible entre ces deux variables. De plus, cette étude appuie
les données antérieurement observées, liant le taux de
thiamine plasmatique à la FEVG et à la classe fonctionnelle.
Cependant, avant de pousser davantage les recherches sur
les micronutriments dans l’objectif de favoriser la prise en
charge globale des patients insuffisants cardiaques, il serait
important d’évaluer l’offre de services et le suivi effectué
auprès de patients hospitalisés à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus en
cardiologie et suivis à la clinique externe d’IC subaigüe afin
que les thérapies ayant fait leurs preuves quant à l’amélioration
de la survie en IC soient utilisées de façon optimale.
Financement
Les auteurs ont reçu un financement de Sandoz Canada, de
Servier Canada et de Boehringer Ingelheim pour effectuer
cette étude.
Conflits d’intérêts
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de
l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
Pharmactuel 2015;48(1) 43
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Abstract
Title: Evaluation of the prevalence of thiamine deficiency in heart failure patients receiving long-term furosemide therapy
Objective: To evaluate the prevalence and impact of thiamine deficiency in hospitalized heart failure patients taking daily
furosemide.
Background: Severe thiamine deficiency can cause a symptomatology similar to that of heart failure and can therefore be
an exacerbating factor of this disease.
Results: The mean daily dose of furosemide in the 26 patients was 144 ± 69.6 mg. None of the patients had thiamine
deficiency (mean: 40.8 ± 21.7 nmol/L). Left ventricular ejection fraction was not significantly lower in the patients with a
thiamine level < 35 nmol/L, the sample median (p = 0.13). Three patients had a diet deficient in thiamine. The quality of
life of the patients with a thiamine level ≥ 35 nmol/L tended to be better (p = 0.06).
Discussion: Daily dosing with a loop diuretic should be considered a risk factor for thiamine deficiency, regardless of the
dose. The results of the evaluation of quality of life in relation to the thiamine level seem to indicate a clinically significant
impact.
Conclusion: The data are insufficient to conclude that there is a link between high-dose furosemide and a predisposition
to thiamine deficiency.
Keywords: Deficiency, furosemide, heart failure, left ventricular ejection fraction, quality of life, thiamine
44 Pharmactuel 2015;48(1)
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GESTION
Gestion de la qualité et des risques au sein d’un département
de pharmacie
Charlotte Ballandras1, Suzanne Atkinson2, B.Pharm., M.Sc., DESS, Aurélie Guérin3,
Denis Lebel4, B.Pharm., M.Sc., FCSHP, Jean-François Bussières5,6, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP
Interne en pharmacie, Université de Marseille, Assistante de recherche à l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique au Centre hospitalier
universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
2
Pharmacienne, Chef adjointe du département de pharmacie, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire
Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
3
Interne en pharmacie, Université de Paris XI, Assistante de recherche, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire
Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
4
Pharmacien, Chef adjoint du département de pharmacie, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire
Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
5
Pharmacien, Chef du département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine,
Montréal (Québec) Canada;
6
Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada
1
Reçu le 5 mai 2014; Accepté après révision le 30 décembre 2014
Résumé
Objectif : Revoir les modalités de gestion de la qualité et des risques au sein du département de pharmacie d’un centre
hospitalier universitaire québécois.
Description de la problématique : L’exercice de la pharmacie a considérablement évolué au cours des dernières décennies,
particulièrement à cause des changements législatifs et normatifs et de la prise en charge toujours plus complète du circuit du
médicament. Actuellement, nous sommes confrontés à un défi de taille : assurer la gestion de la qualité et des risques, tout en
offrant des services et des soins pharmaceutiques de façon continue.
Discussion : Nous avons effectué une revue de la littérature scientifique, rencontré les gestionnaires de la qualité et des risques
d’autres unités fonctionnelles, et passé en revue les titres d’emplois et les formations relatives à ce domaine. Nous avons pu
mettre en évidence cinq principes directeurs et établir un calendrier d’audits. Notre démarche souligne la nécessité d’établir
un programme cohérent, réaliste et continu de gestion de la qualité et des risques.
Conclusion : Cet article met en lumière la pertinence de créer un titre d’emploi spécifique au sein des départements de
pharmacie de centres hospitaliers universitaires et d’établir un programme structuré d’évaluation.
Mots clés : Centre hospitalier universitaire, gestion de la qualité et des risques, organisation, pharmacie d’établissement
Introduction
Description de la problématique
L’exercice de la pharmacie a considérablement évolué au
cours des dernières décennies, notamment en raison des
changements législatifs et normatifs et de la prise en charge
de plus en plus complète du circuit du médicament1. En
2014, les départements de pharmacie font face à un défi
de taille : assurer la gestion de la qualité et des risques,
tout en offrant des services et des soins pharmaceutiques
de façon continue. Est-il encore réaliste de relever ce défi
sans ressources spécifiques? Est-il encore possible, sans
programme structuré, d’offrir la meilleure qualité possible
tout en réduisant les risques au maximum? L’objectif de cet
article vise à revoir les modalités de gestion de la qualité
et des risques au sein d’un département de pharmacie d’un
centre hospitalier universitaire québécois.
Le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHU
Sainte-Justine) est un établissement de santé de 500 lits, à
vocation mère-enfant. Le circuit du médicament est placé
sous la responsabilité du chef de département de pharmacie.
La distribution unitaire centralisée représente annuellement
plus de 1,4 million de transactions, plus de 0,6 million de
préparations et près de 60 000 demandes d’information. À
l’heure actuelle, la gestion de la qualité et des risques est
répartie entre un adjoint au chef de département pour les
soins, l’enseignement et la recherche, et un adjoint au chef
de département pour les services pharmaceutiques.
Le premier adjoint joue le rôle de gestionnaire des risques
pour le département de pharmacie et siège au comité central
de gestion des risques de l’établissement. Il tient un tableau
Pour toute correspondance : Jean-François Bussières, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5,
CANADA; Téléphone : 514 345-4603; Télécopieur : 514 345-4820; Courriel : [email protected]
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Pharmactuel 2015;48(1) 45
de bord et suit des indicateurs de qualité. Le deuxième adjoint
s’assure que le circuit des médicaments est respecté, autant
dans la pharmacie que dans tout l’établissement, notamment
en ce qui concerne la gestion des substances contrôlées,
des médicaments de niveau d’alerte élevé et de la tenue
physique des lieux. Il collabore avec des pharmaciens chefs
d’équipe de trois secteurs, entre autres pour la formation
et la certification des assistants techniques en pharmacie et
pour le respect des normes au sein du département.
lois, de règlements et de normes. Si certaines normes n’ont
pas de portée juridique au Québec (p. ex. le chapitre 800 de
la United States Pharmacopeia8), elles ont une influence sur
les pratiques. Autrement dit, le clinicien ajuste son arsenal
thérapeutique quand une étude convaincante est publiée,
peu importe le lieu de réalisation de l’étude. De même, un
gestionnaire clinicien devrait réfléchir aux changements à
apporter à l’organisation de son service lorsqu’une norme
propose de nouvelles façons de faire.
Ce sont principalement les étudiants et les assistants de
recherche de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique
qui se chargent de l’évaluation de la qualité et des risques.
Puisque plusieurs personnes se partagent la gestion de la
qualité et des risques, il devient difficile de rassembler de
l’information, d’assurer le suivi et de mettre en place des
mesures correctrices en vue d’obtenir des résultats.
Afin de valider et de comprendre ce cadre normatif, nous
avons rencontré les gestionnaires administratifs des secteurs
d’imagerie médicale et de laboratoire afin de déterminer
les modalités de gestion de la qualité et des risques. Dans
le département d’imagerie médicale du CHU Sainte-Justine,
la gestion de la qualité et des risques ne relève pas d’un
gestionnaire particulier, mais est placée sous la responsabilité
du chef de service, qui assume aussi de très nombreuses
autres tâches. Par contre, même si ce dernier est soumis
à plusieurs contraintes légales et normatives, le volume
d’activité du département d’imagerie médicale n’est pas
nécessairement comparable à celui de notre département.
De plus, au cours des dernières années, les départements de
pharmacie du Québec se sont vus confrontés à de nombreux
audits externes (p. ex. : Santé Canada, différents groupes
de recherche internationaux, Ordre des pharmaciens
du Québec [OPQ], Agrément Canada, Direction de la
cancérologie du Québec).
À ces audits externes il faut ajouter plusieurs auto-évaluations
volontaires associées à la publication de lignes directrices
et d’articles de documentation primaire. La gestion de ces
nombreuses vérifications est complexe, notamment pour les
raisons suivantes : nombre important de recommandations
à évaluer et à mettre en place, difficulté à gérer des
recommandations similaires ou contradictoires, complexité à
classer les recommandations par ordre de priorité, perte de la
vue d’ensemble de tous les écarts à corriger et impression de
perte de contrôle parce que l’exercice semble interminable.
En outre, la survenue périodique de ces audits externes
ne contribue pas forcément à établir une culture continue
de la qualité, mais plutôt à exercer une pression ciblée et
artificielle sur l’ensemble des employés afin de satisfaire un
organisme dans un temps donné. En somme, l’ensemble du
cadre normatif est complexe, les écarts nombreux et le suivi
difficile à réaliser dans le contexte actuel.
Résolution de la problématique
Dans un premier temps, nous avons établi six étapes de
révision des modalités de gestion de la qualité et des risques
au sein de notre établissement : 1) revue documentaire;
2) rencontre avec les gestionnaires d’autres unités; 3) recherche
des titres d’emploi applicables à la gestion de la qualité et des
risques dans le réseau de la santé du Québec; 4) détermination
de la formation requise pour un gestionnaire de la qualité et
des risques; 5) élaboration des principes directeurs d’un
programme de gestion de la qualité et des risques; 6) création
d’un échéancier d’audits. La revue documentaire nous a
permis de mettre en évidence quelques ouvrages en gestion
de la qualité et des risques2-7.
Dans un deuxième temps, nous avons recensé et comparé les
éléments du cadre législatif et normatif en matière de gestion
de la qualité et des risques au sein des unités d’imagerie
médicale, de laboratoire et de pharmacie. Cet examen a mis en
évidence un cadre normatif tout aussi exigeant pour les trois
secteurs, avec l’obligation d’appliquer plusieurs dizaines de
46 Pharmactuel 2015;48(1)
Aux laboratoires, la gestion de la qualité et des risques est par
contre sous la gouverne d’une personne affectée à cette tâche,
à savoir un cadre-conseil en assurance qualité et biosécurité.
Ce cadre a notamment la responsabilité d’assurer la mise en
place d’un programme d’assurance qualité et de coordonner
chacun des audits, y compris la reddition de comptes, les
signatures de registres et de rapports, et la supervision
des mesures correctrices. La gestion du programme est
informatisée sur une plateforme exclusive (LBXwebMD)9. En
terme de volume d’activité, les laboratoires se comparent
davantage au département de pharmacie; le cadre-conseil
supervise un total de huit laboratoires différents, chacun
ayant des normes ou des lois particulières à suivre (p. ex. :
banque de sang, laboratoire de biochimie).
Ces constats ont mis en évidence la possibilité de regrouper
sous un même titre d’emploi l’ensemble des responsabilités
concernant la gestion de la qualité et des risques en pharmacie
d’établissement. À cet effet, nous avons recensé les titres
d’emploi relatifs à la gestion de la qualité et des risques à
partir de la nomenclature des titres d’emploi du réseau de la
santé et des services sociaux du Québec10,11. En recherchant
le mot « qualité » dans cette nomenclature, on retrouve
22 titres d’emploi (p. ex. : spécialiste clinique en biologie
médicale, coordonnateur technique en inhalothérapie,
chargé clinique de sécurité transfusionnelle, conseiller en
soins infirmiers).
Cependant, ce terme regroupe des titres d’emploi très
différents, qui font référence à plusieurs aspects de la
qualité. Les titres d’emploi qui font allusion à la qualité des
soins sont le plus souvent cités. Ces titres d’emploi touchent
plusieurs domaines et professions du système de santé, de
l’administration générale aux services cliniques, en passant
par les secteurs médicaux-techniques. Force est de constater
qu’aucun titre d’emploi existant ne convient parfaitement
aux rôles et responsabilités propres à la gestion de la qualité
et des risques spécifiques au domaine de la pharmacie.
Si cette tâche peut être confiée à un pharmacien ou à un
assistant technique expérimenté en pharmacie (voire à un
assistant technique en pharmacie), nous pensons qu’il est
préférable d’utiliser un titre d’emploi distinct, afin d’éviter
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l’effet domino inhérent au partage du même titre d’emploi
entre collègues, notamment en cas d’absentéisme (c.-à-d.
pour éviter que le gestionnaire de la qualité et des risques
ne serve qu’à remplacer les collègues absents). Ce nouveau
titre d’emploi serait un poste de cadre, placé sous la
responsabilité de l’adjoint au chef de département pour les
services pharmaceutiques. Nous avons donc recherché des
cursus d’études différents, qui pourraient mener à un titre
de gestionnaire de la qualité et des risques en pharmacie
d’établissement.
de l’OPQ12-14 ainsi que des diverses lois qui s’appliquent,
nous avons établi une liste des audits pertinents pour
un programme de gestion de la qualité et des risques en
pharmacie d’établissement. Nous avons détaillé ces audits,
notamment le thème, les critères, la nature de la visite
externe, la durée totale anticipée, y compris les observations
directes, les analyses rétrospectives et prospectives, la
détermination des écarts et des mesures correctrices, et
les organismes responsables des sources normatives. Le
tableau I présente un résumé des thèmes proposés.
En recherchant le terme qualité dans l’ensemble des
formations disponibles sur le site Internet de l’Université
de Montréal, on retrouve 43 formations. Nous avons exclu
22 formations qui abordaient la recherche qualitative et
non la qualité, ainsi que huit autres formations appartenant
à différentes disciplines sans lien avec la qualité en santé.
En ce qui concerne les 13 programmes restants, il nous est
impossible à cette étape de notre réflexion de déterminer avec
certitude la liste des programmes à cibler pour un poste de
gestionnaire de la qualité et des risques en pharmacie. Nous
pensons toutefois qu’il serait bon d’explorer la pertinence
d’embaucher des candidats ayant obtenu le baccalauréat en
sciences biopharmaceutiques de la Faculté de pharmacie
de l’Université de Montréal. Même si nous croyons qu’une
formation universitaire est préférable étant donné les
responsabilités envisagées, il existe peut-être des formations
collégiales appropriées, que des cours universitaires de
gestion pourraient améliorer.
Pour chaque audit, nous avons créé une procédure d’audit
qui précise notamment le lieu de l’audit, les personnes
ressources, le processus audité, les critères de conformité, les
méthodes d’observation et les outils. Par ailleurs, une grille
personnalisée pour chaque audit et un rapport à destination
du personnel audité ont été créés (figure 1).
Un programme cohérent, réaliste et continu de gestion de
la qualité et des risques repose sur les principes directeurs
suivants : a) s’arrimer au cadre normatif et au calendrier de
visites des organismes externes (p. ex. : visite d’Agrément
Canada); b) intégrer à ce programme les normes de
pratique pour les pharmaciens et le personnel technique
de l’OPQ; c) englober l’ensemble des étapes du circuit du
médicament, particulièrement celles qui ne comportent
pas de critères normatifs établis par d’autres organismes;
d) allouer suffisamment de temps à la mise en place de plans
pour effectuer des mesures correctrices et pas seulement
du temps consacré aux audits et aux observations directes;
e) assurer la mise en place d’un processus légitime, objectif,
transparent et collégial.
À partir des exigences d’Agrément Canada, des standards
de pratique et des normes 2012.01, 2014.01 et 2014.02
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L’intranet du département de pharmacie comporte une
section consacrée à la gestion de la qualité et des risques,
dont une page par audit pour y noter les observations et
recommandations. En outre, nous évaluerons la possibilité
d’utiliser un outil Web de gestion des audits (p. ex. : Omniassistant).
Conclusion
Il existe peu de données sur l’encadrement à donner en
gestion de la qualité et des risques en pharmacie. Cet
article met en évidence la pertinence de créer un titre
d’emploi propre à cette gestion, particulièrement au sein des
départements de santé de taille importante, et d’établir un
programme structuré d’évaluation.
Financement
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été
déclaré par les auteurs.
Conflits d’intérêts
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de
l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
Pharmactuel 2015;48(1) 47
Tableau I. Profil des audits pertinents pour un programme de gestion de la qualité et des risques en pharmacie d’établissement
Thèmes
Administration des médicaments
Circuit du médicament
Circuit du médicament à l’étage
Circuit du médicament en consultations externes
Délégation au personnel technique
Visite externe
Durée prévue de l’audit
(semaines)
Sources normatives principales
Oui
3
OIIQ
Obligatoire tous les 4 ans
8
Agrément Canada
Non
2
OPQ, OIIQ
Non
1
–
Possible
2
OPQ
Collecte d’information sur les activités pharmaceutiques au sein des cinq axes
Non
1
MSSS, OPQ
Gestion des médicaments en émergence (p. ex. : programme d’accès spécial
de Santé Canada)
Possible
1
Santé Canada, OPQ
Non
1
OPQ
Gestion des stocks, de la commande à l’entreposage
Possible
2
Santé Canada, OPQ, CMQ
Gestion des technologies hors pharmacie (p. ex. : chariots, cabinets
automatisés décentralisés)
Gestion des substances désignées
Non
2
OPQ
Gestion des technologies intrapharmacie (p. ex. : ensachage, pompes, robots)
Non
1
OPQ
Obligatoire tous les 5 ans
8
OPQ, ASSTSAS
Préparations magistrales stériles et non stériles
Prescription des médicaments
Recherche clinique en hémato-oncologie Recherche clinique hors oncologie
Possible
2
OPQ, CMQ
Oui
3
COG, FACT
Possible
3
Santé Canada, COG, FACT
Services pharmaceutiques
Possible tous les 5 ans
2
OPQ
Soins pharmaceutiques
Possible tous les 5 ans
3
OPQ
Technologies de l’information
Non
1
OPQ
Utilisation de médicaments qui demandent la participation du comité de
pharmacologie et de ses sous-comités (p. ex. : pharmacovigilance, gestion
des antimicrobiens)
Non
3
INESSS, MSSS, OPQ
–
49
–
Total
Abréviations : ASSTSAS : Association paritaire pour la santé et la sécurité au travail du secteur affaires sociales; CMQ : Collège des médecins du Québec; COG : Children Oncology Group; FACT : Foundation
for the Accreditation of Cellular Therapy; INESSS : Institut national d’excellence en santé et services sociaux; MSSS : ministère de la Santé et des Services sociaux; OIIQ : Ordre des infirmiers et infirmières
du Québec; OPQ : Ordre des pharmaciens du Québec
48 Pharmactuel 2015;48(1)
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Références
1.
Figure 1 : Exemple des documents utilisés pour la réalisation d’un audit
Les noms présents dans la figure sont fictifs.
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Pharmactuel 2015;48(1) 49
Références
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Norme_2012_01_magistrales_non_steriles.pdf
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13. Ordre des pharmaciens du Québec. Préparations de produits stériles non dangereux en
pharmacie – norme 2014.01. [en ligne] http://
www.opq.org/cms/Media/1827_38_fr-CA_0_
Norme_2014_01.pdf (site visité le 30 décembre
2014).
14. Ordre des pharmaciens du Québec. Préparations de produits stériles dangereux en
pharmacie – norme 2014.02. [en ligne] http://
www.opq.org/cms/Media/1847_38_fr-CA_0_
Norme_2014_02.pdf (site visité le 30 décembre
2014).
Abstract
Objective: To review the risk and quality management mechanisms in the pharmacy department of a Quebec university
hospital.
Description of problem: The practice of pharmacy has changed considerably in the past few decades, mainly because
of legislative and normative changes and increasingly comprehensive medication circuit management. Presently, we
are faced with a major challenge: managing risk and quality while at the same time providing pharmaceutical care and
services on a continuous basis.
Discussion: The following steps were undertaken: a literature review, a meeting with risk and quality managers from
other functional units, and a scan of job titles and training pertaining to this area. We identified five guiding principles
and established an audit schedule. This work brought to light the need to create a consistent, realistic and ongoing risk
and quality management program.
Conclusion: This article underscores the need to create a dedicated job title, particularly in university hospital pharmacy
departments, and to put a structured evaluation program in place.
Keywords: Institutional pharmacy, organization, risk and quality management, university health centre
50 Pharmactuel 2015;48(1)
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RISQUE, QUALITÉ, SÉCURITÉ
Initiative face à la sous-déclaration des effets indésirables
médicamenteux dans un centre hospitalier : mise en place
d’un système de pharmacovigilance active
Thomas Ameye1, Jérémy Perron1, Alain Adehossi2, Pharm.D., Emilie Guillocheau2, Pharm.D.,
Bénédicte Schmit2, Pharm.D.
Interne en pharmacie, Centre hospitalier de Beauvais, Beauvais, France;
Pharmacien, Centre hospitalier de Beauvais, Beauvais, France
1
2
Reçu le 12 décembre 2014; Accepté après révision le 17 janvier 2015
Résumé
Objectif : Le but de cette étude est d’instaurer une culture de pharmacovigilance chez les soignants de notre centre hospitalier,
en les aidant à signaler les effets indésirables médicamenteux au centre régional de pharmacovigilance.
Description de la problématique : En juin 2012, nous avons mis en place un système de pharmacovigilance proactive
afin de remédier au faible taux de déclaration des effets indésirables médicamenteux au sein de notre établissement. Ainsi,
un interne en pharmacie prend régulièrement contact avec les soignants de 15 unités de soins. En décembre 2013, nous
avons établi un calendrier de rendez-vous hebdomadaires entre l’interne et une personne de référence de l’unité de soins
préalablement sensibilisée à cette question. La personne de référence est chargée d’établir la liste de tous les effets indésirables
médicamenteux suspectés. Ces rencontres visent à permettre à l’interne et au soignant des échanges directs d’information sur
tout cas rapporté.
Discussion : En 2012, 73 effets indésirables ont été déclarés, contre 21 en 2011. L’efficacité de la démarche s’est maintenue
en 2013 avec 79 effets indésirables signalés, qui impliquaient principalement les anticoagulants (28 % des cas). Cette initiative
a permis de multiplier par quatre le nombre de cas déclarés, et l’ajout du calendrier de rendez-vous de l’interne a dynamisé
le recueil de ces situations. Les soignants ont porté une attention particulière aux nouveaux anticoagulants oraux.
Conclusion : L’augmentation des déclarations des effets indésirables médicamenteux et la bonne collaboration entre les
soignants et le département de pharmacie témoignent du succès de notre démarche.
Mots clés : Effets indésirables médicamenteux, pharmacovigilance
Introduction
Les processus d’évaluation et d’amélioration de la sécurité
des médicaments contribuent au bon usage du médicament,
car ils permettent de mettre en évidence les risques d’effets
indésirables médicamenteux (EIM) et de les prévenir. Avant
l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM)
ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), des
essais cliniques (phases I à III) étudient le profil d’innocuité
du médicament pour des indications précises1,2. Cependant,
les échantillons de population des essais ne sont très
souvent pas représentatifs de la population des patients
rencontrés en pratique. En effet, pour des raisons éthiques
ou de frilosité de la part des promoteurs, les essais n’incluent
généralement pas les patients âgés ou présentant plusieurs
pathologies, les enfants et les femmes enceintes3. De plus, la
durée relativement courte des études ne rend pas forcément
compte des effets indésirables à long terme. De même,
le nombre de sujets relativement restreint complique la
détection des effets indésirables rares4.
L’évaluation du risque lié au médicament après l’obtention
de l’AMM ou de l’ATU (phase IV) est donc indispensable1.
Elle repose majoritairement sur les déclarations spontanées
d’effets indésirables médicamenteux signalés par les
professionnels de la santé, les patients, les associations de
patients et les industriels. En France, les centres régionaux de
pharmacovigilance recueillent les déclarations, déterminent
la responsabilité du médicament et transmettent l’information
à l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM),
qui envoie des alertes ascendantes5.
Selon leur fréquence et leur gravité, ces déclarations peuvent
conduire les autorités sanitaires à prendre des mesures
telles qu’une modification du résumé des caractéristiques du
produit1. Ces modifications peuvent se traduire par l’ajout
de précautions d’emploi, des modalités de prescription
Pour toute correspondance : Alain Adehossi, Centre hospitalier de Beauvais, 40 avenue Léon Blum, 60000 Beauvais, FRANCE; Téléphone : 03 44 11 25 99;
Télécopieur : 03 44 11 23 11; Courriel : [email protected]
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Pharmactuel 2015;48(1) 51
particulières ou des restrictions d’AMM allant jusqu’au retrait
du marché lorsque le rapport avantages-risques est jugé
défavorable au médicament6. L’ensemble des professionnels
de la santé reçoit alors un retour d’information ainsi que des
recommandations (alertes descendantes), par l’intermédiaire
notamment des centres régionaux de pharmacovigilance et
des correspondants locaux de pharmacovigilance.
Notre objectif est d’instaurer une culture de pharmaco­
vigilance chez les soignants de notre établissement en les
aidant à signaler les EIM et en intégrant cette discipline au
sein de la pratique clinique.
La limite principale de ce système, rencontrée dans la
plupart des pays, demeure la sous-déclaration. En effet,
les données de la littérature médicale rapportent une
estimation du taux de déclaration inférieur à 10 % de
l’ensemble des EIM7-9. La qualité inégale des déclarations
est également problématique : quand elles sont trop
pauvres en renseignements cliniques, elles ne permettent
pas d’affirmer avec certitude le lien de causalité. Des
déclarations incomplètes peuvent également incriminer à
tort un médicament, ce qui peut conduire à des restrictions
de l’indication, voire au retrait de médicaments efficaces6,9.
En juin 2012, notre établissement a mis en place un
système de pharmacovigilance dite « active ». Ce système
consiste en la prise de contact régulière d’un interne en
pharmacie avec les soignants de diverses unités de soins.
Un interne en pharmacie hospitalière est un étudiant en
pharmacie ayant terminé sa cinquième année d’études, qui
suit une formation rémunérée afin de devenir pharmacien
hospitalier. Ces prises de contact visent à discuter des cas
pouvant faire l’objet d’une déclaration d’EIM et, le cas
échéant, à aider à la rédaction de la déclaration destinée
au centre régional de pharmacovigilance.
Face à ces difficultés, les autorités sanitaires européennes
et mondiales ont pour mission de promouvoir les activités
de pharmacovigilance et de donner aux professionnels de la
santé des clés favorisant l’efficience des interventions dans
ce domaine. L’European Medicines Agency (EMA) publie des
bonnes pratiques de pharmacovigilance pour promouvoir
une harmonisation des pratiques en Europe10. L’Organisation
mondiale de la santé (OMS) rappelle que l’efficacité de la
pharmacovigilance dépend de la participation active de
tous les professionnels de la santé concernés par la prise en
charge du patient. En effet, des études ont montré que les
diverses catégories de professionnels de la santé observent
différents types de problèmes liés au médicament11,12.
L’OMS encourage la mise en place de systèmes innovants
et souligne le rôle important du pharmacien dans la lutte
contre l’iatrogénie médicamenteuse13.
En juin 2013, nous avons établi un calendrier de rendezvous hebdomadaires des visites pour 15 unités de soins de
médecine et de chirurgie. En décembre 2013, un entretien
avec une personne de référence sensibilisée à la question et
chargée de centraliser les EIM signalés a permis de formaliser
la pharmacovigilance active. Le cadre de santé, personne
responsable de l’encadrement du personnel paramédical,
est choisi pour son rôle central dans l’organisation des
unités de soins, ce qui lui permet d’interagir avec toutes les
personnes susceptibles de signaler un EIM. L’objectif est
donc de prendre en compte aussi bien les déclarations des
médecins que celles du personnel paramédical, de manière
à couvrir tout le spectre des EIM possibles. Néanmoins,
lorsque la déclaration provient d’un membre du personnel
paramédical, il est souvent nécessaire de contacter également
le médecin prescripteur.
Alors que la fréquence des EIM reste difficile à déterminer
en raison de l’hétérogénéité des différentes estimations
publiées dans la littérature médicale et de la sous-déclaration
de ces effets, le taux d’hospitalisations liées à ces EIM est
quant à lui mieux connu et varie entre 3 et 7 % selon les
données de la littérature scientifique14-18. Ces hospitalisations
consécutives aux EIM influent sensiblement sur la qualité de
vie des patients et représentent un coût considérable pour
les systèmes de santé14,19.
Après avoir découvert un cas d’EIM qui prête à
suspicion, l’interne en pharmacie et le soignant chargé
de la déclaration remplissent le formulaire national de
déclaration. Il est possible de retrouver des informations
complémentaires dans le dossier patient informatisé,
notamment en ce qui concerne les données cliniques
et biologiques du patient. Il est également possible de
consulter le patient lorsqu’il s’agit d’un effet qu’il ressent
ou lorsque l’effet est apparu avant l’hospitalisation.
Notre centre hospitalier général compte 50 000 hospitalisa­
tions de patients par an, pour 850 lits. Au vu de ce volume
d’activité, le taux de déclarations d’EIM était considéré
comme très insuffisant : 19 EIM ont été déclarés en 2010
et 21 en 2011. Ces statistiques plaçaient notre centre
hospitalier au bas du classement régional des établissements
les plus performants en termes de déclaration des EIM,
d’après des données non publiées du centre régional de
pharmacovigilance auquel se rattache notre établissement.
La discussion avec le personnel soignant visant à décrire le
contexte de manière exhaustive, suivie de la synthèse des
informations, permet d’améliorer la qualité des déclarations.
Les informations recueillies par l’interne en pharmacie
permettant de remplir le formulaire de déclaration
concernent les antécédents du patient ou les facteurs ayant
pu favoriser l’apparition de l’EIM, la liste des médicaments
pris par le patient (posologie, voie d’administration) avec
la chronologie de leur instauration, la date de survenue de
l’EIM ainsi que sa gravité, sa prise en charge et son évolution
(délai de disparition, le cas échéant). L’interne en pharmacie
se charge de faire parvenir la déclaration au centre régional
de pharmacovigilance.
Les principales raisons de la sous-notification évoquées dans
la littérature médicale sont le manque de temps, le manque
de connaissances (notamment la conviction que seuls les
EIM graves ou inattendus doivent être déclarés, ou encore
que seuls les EIM avérés peuvent être déclarés et non ceux
suspectés)20,21. La difficulté à se procurer un formulaire de
déclaration et l’indifférence, dans une plus faible mesure,
contribuent également à la sous-déclaration des EIM22.
52 Pharmactuel 2015;48(1)
Méthode
Le centre régional de pharmacovigilance offre par courrier
un retour d’information à la pharmacie et au personnel de
l’unité de soin. Ce courrier, qui mentionne la responsabilité
du ou des médicaments suspectés, est incorporé au dossier
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Un tableur Excel permet de suivre le passage de l’interne
en pharmacie dans l’unité de soins et de retrouver les
déclarations d’EIM qui en découlent. Il permet d’analyser
les caractéristiques démographiques des patients ainsi que
celles des EIM signalés en 2013.
La gravité de l’EIM est définie par le décès du patient,
l’hospitalisation ou la prolongation du séjour hospitalier,
l’incapacité ou l’invalidité permanente, ou la mise en jeu du
pronostic vital. Le caractère « inattendu » des EIM est également
étudié : un effet indésirable inattendu est défini comme n’étant
pas mentionné dans le résumé des caractéristiques du produit
du médicament. Enfin, les médicaments responsables d’EIM
sont regroupés en fonction de leur classification anatomique,
thérapeutique et chimique (ATC).
90
Nombre d'EIM signalés au CRPV
patient et témoigne ainsi de la survenue de l’EIM lors
des hospitalisations ultérieures. L’interne en pharmacie
travaille sous la responsabilité du correspondant local de
pharmacovigilance de l’établissement et avec son soutien
tout au long du processus.
80
70
60
50
40
30
20
10
0
2010
2011
Année
2012
2013
Figure 1. Nombre annuel d’effets indésirables médicamenteux
signalés au centre régional de pharmacovigilance par notre
centre hospitalier
Abréviations : CRPV : centre régional de pharmacovigilance; EIM : effets
indésirables médicamenteux
Résultats
En 2011, le centre régional de pharmacovigilance avait
reçu 11 déclarations d’EIM au deuxième semestre (dont
8 graves) et 21 sur l’année entière. La pharmacovigilance
« active », débutée en juin 2012, a permis de déclarer en six
mois 54 EIM au centre régional de pharmacovigilance (dont
34 graves). Au total, nous avons enregistré la déclaration de
152 EIM depuis la mise en place de la pharmacovigilance
active, avec 79 déclarations d’EIM (dont 49 graves, soit
62 %) pour l’année 2013. Cette initiative a donc multiplié
par quatre le nombre de déclarations d’EIM par rapport
à 2011.
L’âge moyen des patients pour lesquels nous avons signalé
au moins un EIM en 2013 est de 69 ± 16 ans. Le ratio
homme-femme est de 0,8. La totalité des EIM correspond à
des effets indésirables attendus. La classe ATC responsable du
plus grand nombre d’EIM est celle des médicaments agissant
sur le sang et les organes hématopoïétiques (notamment
les anticoagulants), avec 28 % des EIM signalés. Les classes
des antinéoplasiques et des anti-infectieux (notamment les
antibiotiques) sont également fréquemment incriminées, avec
respectivement 23 % et 20 % des EIM signalés.
En 2013 les nouveaux anticoagulants oraux sont incriminés
dans 12 EIM (15 % des déclarations), dont 7 accidents
vasculaires ou hémorragiques. Sept de ces 12 EIM sont
graves, dont un qui a abouti à un décès et un autre à une
mise en jeu du pronostic vital.
Discussion
Notre initiative a permis d’augmenter de façon importante et
croissante les déclarations d’EIM au sein de notre établissement.
L’ajout d’un calendrier de rendez-vous hebdomadaire de
l’interne en pharmacie a continué à dynamiser le recueil des
déclarations en 2013. Ces résultats nous ont permis de devenir
le second centre hospitalier de notre région qui a signalé le plus
d’EIM en 2013. Le centre hospitalier en tête de liste s’appuie
également sur des étudiants en pharmacie pour signaler les EIM.
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Figure 2. Nombre d’effets indésirables médicamenteux
signalés en 2013 en fonction de l’âge du patient
Abréviations : EIM : effets indésirables médicamenteux
Les sujets âgés sont plus susceptibles de développer des EIM,
en raison notamment du déclin physiologique associé à une
modification des caractéristiques pharmacocinétiques et de
leur polymédication qui augmente les risques d’interactions
médicamenteuses23. En effet, l’âge moyen des patients pour
lesquels on a signalé un EIM est élevé. Aucun EIM n’a été
signalé parmi les patients âgés de moins de 20 ans, alors que
des études montrent que les enfants sont également sujets
aux EIM24. La mise en place d’une pharmacovigilance active
en pédiatrie (prévue dans un deuxième temps) pourrait
permettre l’augmentation du nombre de déclarations des
EIM portant sur ce groupe.
Les équipes se focalisent sur la détection des EIM connus,
mais expriment plus de difficultés à faire le lien entre un EIM
inattendu et le médicament qui pourrait en être responsable.
Les soignants ont porté une attention particulière aux
anticoagulants oraux directs, qui représentent 15 % des
déclarations en 2013. En effet, la classe des anticoagulants
oraux est connue pour représenter une source d’iatrogénie
médicamenteuse non négligeable. Il faut rappeler que ces
médicaments, qui sont relativement récents, n’ont pas
d’antidote spécifique à ce jour. L’ANSM a communiqué une
information substantielle sur le bon usage des anticoagulants
Pharmactuel 2015;48(1) 53
Figure 3. Pourcentage des médicaments responsables d’un effet indésirable médicamenteux selon la classe ATC, signalé par notre
centre hospitalier en 2013
Abréviations : ATC : classification anatomique, thérapeutique et chimique; EIM : effets indésirables médicamenteux
oraux directs, en diffusant des études de pharmacoépidémiologie comparant les risques observés en présence
de cette nouvelle classe à ceux associés aux antagonistes de
la vitamine-K. De même, l’ANSM a publié un communiqué
sur la surveillance des anticoagulants oraux dans la pratique
courante. Enfin, ces médicaments font l’objet d’un plan de
gestion des risques au niveau européen25.
La proportion importante des EIM signalés qui sont liés aux
antinéoplasiques peut s’expliquer par l’étroite collaboration,
au sein de notre centre hospitalier, entre le service
d’hospitalisation de jour d’hémato-oncologie et le service de
pharmacie responsable de la reconstitution et de la gestion
des poches de médicaments cytotoxiques. La littérature
médicale mentionne souvent les antibiotiques à l’origine
d’une proportion importante des EIM signalés26,27.
Une des principales contraintes de notre système de
pharmacovigilance active demeure la formation de l’interne
lors de son accès à ce poste, d’où la nécessité d’un système
de procédures très complet. Des changements de personnel
dans les unités de soin, notamment le changement de la
personne de référence, peuvent également nécessiter un
nouvel entretien de sensibilisation avec le remplaçant. Même
si nous n’avons pas étudié le temps hebdomadaire nécessaire
à la mise en application de ce système de pharmacovigilance,
un investissement personnel assez important est requis.
D’autres publications ont démontré les effets bénéfiques sur
le taux de déclarations des EIM d’une visite régulière d’un
professionnel de la santé directement auprès des soignants
au sein des unités de soins26. En outre, on retrouve dans
la littérature médicale d’autres types d’initiatives qui
54 Pharmactuel 2015;48(1)
Tableau I. Effets indésirables médicamenteux liés aux
nouveaux anticoagulants oraux en 2013
Effets indésirables médicamenteux signalés
Nombre
Pourcentage
(%)
Total
12
100
Non graves
5
42
Graves
7
58
Mise en jeu du pronostic vital
1
8
Décès
1
8
relèvent d’une démarche active visant à potentialiser le
nombre de déclarations spontanées. Certaines s’appuient
sur l’informatisation des données liées au patient, avec
le développement de systèmes d’alertes automatisées
permettant de signaler les EIM28,29. D’autres reposent sur des
messages de sensibilisation auprès des professions médicales
et paramédicales30,31. L’expérience a démontré qu’un retour
d’information sur le médicament incriminé de la part du
centre régional de pharmacovigilance peut également avoir
une influence32. La plupart du temps, ces initiatives nécessitent
un investissement personnel important, mais s’inscrivent
dans le cadre d’une participation pluridisciplinaire27.
Conclusion
La pharmacovigilance instaurée dans notre centre hospitalier
a eu des répercussions positives indéniables sur la croissance
du nombre de déclarations de pharmacovigilance, tant au
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point de vue quantitatif que qualitatif. L’interne en pharmacie
représente un acteur important pour favoriser la déclaration
des EIM.
Les raisons de notre succès sont multiples. En plus
d’augmenter les déclarations d’EIM, la régularité des visites
de l’interne affecté aux déclarations a permis une meilleure
sensibilisation des soignants et un gain de temps lors de
l’enregistrement des déclarations. Un climat de confiance
s’est instauré entre le personnel des unités de soins et
l’équipe pharmaceutique, ce qui nous permet de prévoir
une pérennisation de la pratique et par conséquent une
augmentation des déclarations d’EIM.
Financement
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été
déclaré par les auteurs.
Conflits d’intérêts
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de
l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec le présent article.
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des produits de santé. Site de l’Agence national
de la sécurité du médicament et des produits de
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Pharmactuel 2015;48(1) 55
Abstract
Objective: The purpose of this study was to create a pharmacovigilance culture in our hospital by helping health care
professionals to report adverse drug effects to the regional pharmacovigilance centre.
Background: In our hospital we had a low rate for reporting adverse reactions to drugs to the regional pharmacovigilance
center. In June 2012, we instituted a proactive pharmacovigilance system in which a pharmacy intern contacts the care
providers on 15 wards on a regular basis. In December 2013, a schedule of weekly visits between the intern and a preinstructed contact person in the ward was set up. The latter is responsible for centralizing information on suspected
adverse reactions to drugs. The goal is to have direct communication between the intern and the reporting care provider
to discuss the cases.
Results: In 2012, 73 adverse reactions were reported, compared with 21 in 2011. In 2013, 79 adverse reactions were
reported, with the main drugs involved being anticoagulants in 28% of the cases.
Discussion: This initiative led to a fourfold increase in the number of reports. The addition of scheduled visits by the intern
gave new impetus to the gathering of these reports. Care providers paid special attention to the new oral anticoagulants.
Conclusion: The increase in the number of reported adverse reactions to drugs, along with cooperation between the care
providers and the Department of Pharmacy, have made this initiative a success.
Keywords: Drug adverse effects, pharmacovigilance
56 Pharmactuel 2015;48(1)
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AU CENTRE DE L’INFORMATION
Création de tableaux : lignes directrices du Pharmactuel
Christian M. Rochefort1,2,3,4,5, Inf., Ph.D.
Infirmier, Ph.D., Professeur adjoint, École des sciences infirmières Ingram, Université McGill, Montréal (Québec) Canada;
Membre associé, Département d’épidémiologie, de biostatistiques et de santé au travail, Université McGill, Montréal (Québec) Canada;
3
Membre associé, Département de médecine de famille, Université McGill, Montréal, Québec, Canada;
4
Groupe de recherche en informatique clinique et de la santé, Université McGill, Montréal, (Québec) Canada;
5
Rédacteur associé, Chronique Recherche, Pharmactuel, Montréal (Québec) Canada
1
2
Reçu le 4 décembre 2014; Accepté après révision le 15 décembre 2014
Mise en contexte
1.1 Numéro et titre du tableau
Depuis 2012, le Pharmactuel revoit ses politiques éditoriales
dans le but de mieux répondre aux divers besoins de son
lectorat mais aussi afin qu’elles soient conformes aux
nouvelles normes internationales en matière d’édition. Les
lignes directrices qui suivent visent à guider les auteurs qui
désirent soumettre un manuscrit au Pharmactuel lors de la
création de tableaux. Elles sont inspirées de la 10e édition de
l’American Medical Association (AMA) Manual of Style – A
Guide for Authors and Editors1.
Chaque tableau doit avoir un titre bref qui en décrit le
contenu de manière précise. Les tableaux doivent aussi être
numérotés en chiffres romains, de manière consécutive,
selon l’ordre avec lequel ils sont mentionnés dans le texte.
Le mot « Tableau » et le numéro du tableau font partie du
titre; ils doivent être en caractère gras, suivis d’un point. Ils
sont suivis de la phrase du titre, qui doit être en italique, sans
caractère gras. Le titre du tableau ne doit pas se terminer
par un point.
Exemples :
Présentation des données sous la forme
de tableaux
Le tableau constitue le meilleur moyen de présenter,
d’organiser ou de résumer un grand volume d’informations
dans un manuscrit scientifique ou encore de démontrer les
relations entre les données. Les informations présentées dans
un tableau ne devraient pas être redondantes avec le texte.
De plus, un tableau devrait pouvoir former un tout à part
entière. On devrait être en mesure de lire et de comprendre
aisément le contenu d’un tableau sans devoir recourir au
texte du manuscrit.
Un tableau doit être concis et communiquer un message
clair et précis. L’information doit y être présentée de
manière logique. Par exemple, les informations de même
nature doivent être regroupées dans une même section du
tableau. De même, si les données sont ordonnées dans le
temps (p. ex. avant et après une intervention), ceci doit se
refléter dans l’ordre de présentation des informations dans
le tableau.
1.0 Les parties d’un tableau
Un tableau comporte 5 parties : 1) le numéro et le titre du
tableau; 2) le titre des colonnes; 3) le titre des lignes; 4) le
champ de données; 5) les abréviations et les notes de bas de
tableau. Ces informations sont présentées dans le tableau I.
Les sections qui suivent décrivent les lignes directrices à
suivre pour chacune de ces parties.
Tableau II. S
ignes et symptômes du syndrome de détresse
respiratoire aigüe
Tableau III. Relation entre la pression artérielle et la pression
intraoculaire chez les patients souffrant d’un
glaucome à angle ouvert
1.2 Titre des colonnes
Les principales catégories d’informations dans un tableau
doivent se retrouver dans des colonnes distinctes. Pour les
études décrivant la relation entre une variable indépendante
et dépendante, la colonne contenant l’information au sujet
de la variable indépendante doit précéder celle contenant
l’information concernant la variable dépendante. Chaque
colonne doit avoir un titre bref qui identifie et décrit
l’ensemble des éléments placés en dessous. Le cas échéant,
l’unité de mesure doit être indiquée entre parenthèses
après le titre de la colonne, à moins qu’elle ne fasse partie
du titre de la ligne (voir section 2.3); [p. ex. : Pression
artérielle systolique (mm Hg)]. L’unité de mesure ne doit
pas être répétée dans les cellules de la colonne. Si les
données sont présentées de manière identique pour toute
la colonne, ceci peut être indiqué après le titre de la colonne
ou les unités, selon le cas; p. ex. : moyenne (écart type). Les
titres des colonnes doivent être en caractères gras. Il est
possible au besoin de donner des sous-titres aux colonnes
(voir tableau II). Les longs titres peuvent être abrégés, mais
la signification des abréviations doit être expliquée dans
les notes de bas de tableau.
Pour toute correspondance : Christian M. Rochefort, Groupe de recherche en informatique clinique et de la santé, 1140, avenue des Pins Ouest, Montréal (Québec) H3A 1A3,
Canada; Téléphone : 514 934-1934, poste : 32999; Télécopieur : 514 843-1551; courriel : [email protected]
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Pharmactuel 2015;48(1) 57
Le numéro et le titre du tableau Tableau ICaractéristiques
. Caractéristiques es patients de l’entrée dans etl’étude et du Tableau I.
des dpatients
lors delors l’entrée
dans l’étude
du premier
suivi
premier suivi Entrée dans Entrée dans
Premier l’étude
l’étude Premier suivi
suivi (n = 111)
(n = 61)
Caractéristiques (n = 111) (n = 61) Age, M (ÉT)
60 (11,2)
60 (11,1)
Age, M (ÉT) 60 (11,2) 60 (11,1) Femmes, n (%)
33 (30,0)
21 (34,4)
Femmes, n (%) 33 (30,0) 21 (34,4) Poids (kg), M (ÉT)
82,5 (12,2)
81,2 (11,2)
Poids (kg), M (ÉT) 82,5 (12,2) 81,2 (11,2) Taille (cm), M (ÉT)
173,7 (25,8)
173,0 (25,3)
Taille (cm), M (ÉT) 173,7 (25,8) 173,0 (25,3) Clairance
de la créatinine
M (ÉT)(mmol/l), M (ÉT) 75,0 (10,5)
76,0
(10,5)
Clairance de la c(mmol/l),
réatinine 75,0 (10,5) 76,0 (10,5) Race,
n (%)n (%)
Race, Blanche
85
(43)
63
(43)
Blanche 85 (43) 63 (43) 64
(33)
Noire
Noire 64 (32)
(32) 48 48(33) Hispanique Hispanique 32 (16)
(16) 19 19(13) 32
(13)
a
a
Autre
Autre 17 17 17(11) 17
(9)(9) (11)
Caractéristiques
Les titres des lignes Abréviations cm : centimètres; ÉT kg :
: ékilogrammes;
cart type; kM :
g moyenne
: kilogrammes; M : moyenne Abréviations :
cm : :centimètres;
ÉT : écart type;
a a La catégorie « autre » comprend toute autre race non représentée par les autres La catégorie « autre » comprend toute autre race non représentée par les autres catégories susmentionnées
catégories susmentionnées
1.3 Titre des lignes
La colonne située à l’extrême gauche du tableau contient le titre des lignes. Le titre de ligne sert à nommer le contenu
d’une ligne du tableau et doit s’appliquer à chacun des
éléments de celle-ci. Si le titre de la colonne ne spécifie pas
d’unité de mesure (voir section 1.2), celle-ci doit figurer entre
parenthèses à la suite du titre de la ligne (voir tableau III).
Les titres de lignes sont justifiés à gauche. Les composantes
d’un titre de ligne sont placées en retrait par rapport à ce
dernier. Pour ce faire, utilisez l’outil de création de tableaux
dans Word afin de fractionner en deux les cellules se trouvant
immédiatement sous celle du titre de ligne en question. Cette
opération vous permettra de décaler le contenu des cellules
légèrement vers la droite. Il faut éviter d’utiliser des espaces
ou des tabulations pour déplacer le contenu des cellules,
car elles seront perdues lors de la mise en page des articles.
Chaque ligne de données doit être placée dans une ligne
distincte du tableau.
1.4 Champ de données
Comme
son nom l’indique, le champ de données contient les
données à présenter. Chaque élément de donnée doit avoir
sa propre cellule. Une cellule est définie par l’intersection
d’une ligne et d’une colonne. Les cellules peuvent contenir du
texte, des chiffres, des symboles ou encore une combinaison
de tous ces éléments. Par exemple, une même cellule peut
contenir un nombre suivi d’un pourcentage, ou une mesure
de tendance centrale (p. ex. : moyenne, médiane) suivie
d’une mesure de dispersion (p. ex. : écart type, étendue
interquartile). Il ne faut pas utiliser le caractère gras pour
mettre en évidence certaines informations du tableau.
Par ailleurs, l’alignement vertical à l’intérieur d’une colonne
est important pour la présentation visuelle des données.
Autant que possible, les colonnes de données doivent être
justifiées à droite. Il ne faut pas avoir recours aux tabulations
ou aux espaces pour aligner les éléments des cellules.
58 Pharmactuel 2015;48(1)
Les titres des colonnes Le champ de données Les notes de bas de tableau Tableau II. Risque relatif de mortalité après un diagnostic
d’insuffisance cardiaque selon les critères de Framingham
Risque relatif (intervalle de confiance à 95 %)
Age
(années)
1979 – 1984
1985 – 1990
1991 – 1995
1996 – 2000
Hommes
60
1 [Référence]
0,84
(0,69 – 1,02)
0,63
(0,50 – 0,80)
0,48
(0,36 – 0,64)
70
1 [Référence]
0,84
(0,73 – 0.97)
0,74
(0,63 – 0,88)
0,59
(0,49 – 0,74)
80
1 [Référence]
0,85
(0,72 – 1,00)
0,88
(0,75 – 1,04)
0,72
(0,61 – 0,87)
Femmes
60
1 [Référence]
0,80
(0,63 – 1,03)
0,95
(0,73 – 1,24)
0,67
(0,48 – 0,92)
70
1 [Référence]
0,91
(0,77 – 1,06)
0,99
(0,83 – 1,18)
0,79
(0,64 – 0,98)
80
1 [Référence]
1,02
(0,90 – 1,15)
1,03
(0,90 – 1,17)
0,94
(0,82 – 1,09)
10 1.5 Abréviations et notes de bas de tableau
Les abréviations et les notes de bas de tableau doivent
être placées immédiatement sous le tableau. La police de
caractère utilisée pour ces deux éléments peut être plus
petite que celle employée dans le reste du tableau (p. ex. :
Times New Roman 8). Toutes les abréviations utilisées dans
un tableau doivent être définies en italique au bas de celui-ci.
Les abréviations et leurs définitions doivent être présentées
par ordre alphabétique, précédées de la mention
« Abréviations : » en italique, de la manière suivante :
l’abréviation suivie de la description, avec deux points (:)
entre les deux. La première lettre de chaque abréviation doit
être en minuscule, à moins que l’abréviation entière ne soit
composée de lettres majuscules. Chaque élément doit être
© APES tous droits réservés
Tableau III. Caractéristiques des patients ayant un accident
vasculaire cérébral et recevant un traitement avec l’activateur
tissulaire du plasminogène
Caractéristiques
Tous les patients
traités avec l’ATP
n (%)
Groupes d’âge (années)
< 55
294 (17,7)
55 – 64
443 (26,7)
65 – 74
≥ 75
Ceci est un exemple.
525 (31,7)
396 (23,9)
Sexe
Femmes
697 (42,0)
Hommes
961 (58,0)
Temps entre le début des symptômes
et l’arrivée à l’hôpital (heures)
< 3
1508 (91,0)
≥ 3
150 (9,0)
Comorbidités
Diabète
Hypertension
395 (23,8)
1158 (69,8)
Antécédents d’AVC
180 (10,9)
Fibrillation auriculaire
496 (29,9)
Signes neurologiques
Faiblesse/parésie
1436 (86,6)
Aphasie
777 (46,9)
Dysarthrie
580 (35,0)
Diminution du niveau de conscience
407 (24,6)
Abréviations : ATP : activateur tissulaire du plasminogène; AVC : accident vasculaire cérébral
séparé par un point-virgule. Aucune ponctuation ne suit le
dernier élément.
Exemple :
cm : centimètres; IM : intramusculaire; kg : kilogrammes
Les notes de bas de tableau peuvent contenir de l’information
s’appliquant à la totalité du tableau, à des parties de ce
dernier (p. ex. : une colonne ou une ligne en entier) ou
encore au contenu d’une cellule en particulier. À l’intérieur
du tableau, les notes sont indiquées par des lettres (de a
à z) placées en exposant. La lettre qui renvoie à une note
s’appliquant à l’ensemble d’un tableau doit être placée à la
suite du titre du tableau en question. La lettre qui renvoie
à une note s’appliquant à une colonne ou à une ligne en
entier doit être placée à la suite du titre de la colonne ou
de la ligne en question. Enfin, la lettre qui renvoie à une
note s’appliquant au contenu d’une seule cellule doit être
placée après l’élément de donnée de la cellule en question.
En bas du tableau, les notes doivent commencer par la lettre
correspondante, placée en exposant et suivie d’une espace.
La note ne doit pas se terminer par un point. La note qui
suit commencera à la ligne suivante (voir tableau IV). Afin
d’économiser de l’espace, la liste des notes sous les tableaux
peut se présenter en deux colonnes distinctes.
© APES tous droits réservés
Parfois, une note de bas de tableau peut aussi servir à en
préciser la provenance ainsi que la permission de publier
cette adaptation du tableau (p. ex. : Adapté de : [citer la
référence au complet] avec permission; voir tableau IV).
Dans un tel cas, la lettre renvoyant à cette note doit être
placée à la suite du titre du tableau. Par ailleurs, lorsqu’une
référence est citée dans un tableau, il est nécessaire qu’elle
soit aussi citée dans la liste des références selon l’ordre
d’apparition des autres références dans le texte. Si le texte
du manuscrit a déjà cité la référence en question, il faut
utiliser le même numéro de référence dans le tableau. Par
contre, si c’est la première fois que cette source est citée,
elle doit être numérotée en fonction de la position du tableau
dans le texte. Par exemple, si la dernière référence citée dans
le texte avant l’insertion du tableau porte le numéro 30, la
référence citée dans le tableau doit être numérotée 31 (voir
tableau IV, note a).
2. Autres recommandations
2.1 Nombres, unités de mesure et signification
statistique
Les décimales sont séparées du chiffre qui précède par une
virgule (p. ex. 2,3). Un nombre représentant une valeur
doit être présenté avec un degré de précision identique
aux résultats de la mesure. Par exemple, si la mesure d’un
poids donne un nombre entier de kilogrammes, ce dernier
doit figurer sous la forme d’un entier (p. ex. 75 kg et non
75,0 kg). Par ailleurs, les pourcentages doivent présenter le
même degré de précision que le dénominateur. Par exemple,
le pourcentage découlant de la proportion de 9 dans 28
doit s’écrire 32 % ou 0,32, et non 32,1 % ou 0,321. Dans ce
dernier cas, il faut arrondir en suivant les règles suivantes :
a) Augmenter le chiffre correspondant au degré de précision
désiré d’une unité si le chiffre suivant est supérieur ou égal à
5 (p. ex. 0,327 serait arrondit à 0,33); b) conserver le chiffre
correspondant au degré de précision désiré si le chiffre
suivant est inférieur strictement à 5 (p. ex. 0,321 serait
arrondit à 0,32).
Dans la plupart des cas, les valeurs p doivent être exprimées
par deux décimales (p. ex. p = 0,01), à moins que les deux
premières décimales soient des zéros. Dans ce cas, trois
décimales peuvent être employées (p. ex. : p = 0,002). Les
valeurs p inférieures à 0,001 doivent s’exprimer sous la
forme p < 0,001. Il ne faut pas utiliser la mention « NS »
(non significatif) pour les valeurs non statistiquement
significatives. Dans un tel cas, il faut rapporter la valeur p
exacte, en suivant les règles mentionnées ci-dessus.
Pour les intervalles de confiance, le nombre de décimales
doit correspondre au nombre de décimales de l’estimation
pour laquelle il a été calculé. Par exemple, pour un rapport
de cote de 2,45, l’intervalle de confiance à 95 % doit être
rapporté avec deux décimales (p. ex. : RC : 2,45; IC 95% :
1,32 – 4,78).
2.2 Données manquantes et espaces blancs
Les données manquantes et les espaces laissés blancs peuvent
créer de la confusion dans un tableau. Lorsque certaines
données d’un tableau sont manquantes, on peut utiliser
Pharmactuel 2015;48(1) 59
Tableau IV. Risques physiques associés à la pratique de différents sports par les jeunes âgés de plus de six ansa
Risque par millions de participations
Sport
Nombre total de blessures
Lésions permanentes
Blessures gravesb
Chirurgies
Os fracturés
Football
3800
42
500
270
910
Soccer
2400
38
300
ND
ND
Basketball
1900
58
300
160
180
Cheerleading
1700
ND
100
ND
ND
Baseball
1400
61
300
120
30
800
ND
200
20
170
Skateboard
Abréviations : ND : non disponible
a
Adapté de : American Sports Data (2005)31 avec permission
b
Les blessures graves font référence à celles entrainant un traitement aux urgences, un séjour à l’hôpital, une chirurgie ou une physiothérapie et empêchant la participation à une activité physique
pour une période d’au moins un mois
la mention NA (non applicable) ou ND (non disponible).
Cependant, la signification de la mention NA ou ND doit
apparaître dans la liste des abréviations (voir tableau IV).
Enfin, lorsque le contenu d’une cellule est égal à zéro, il faut
utiliser le chiffre zéro pour l’indiquer.
New Roman 12 doit être employée. Dans le texte, à l’endroit
où le tableau doit s’insérer, l’auteur doit mettre la mention
« insérer tableau X » et la mettre en surbrillance en jaune.
Les tableaux sont insérés à la fin du document principal
(fichier texte), après les références. Les tableaux ne doivent
pas faire plus d’une page de longueur.
2.3 Totaux et pourcentages
Il faut vérifier les totaux et pourcentages présentés dans un
tableau afin qu’ils correspondent aux valeurs présentées
dans le résumé et le manuscrit. Tout écart (p. ex. : lorsque
la somme des pourcentages ne totalise pas 100 en raison
des arrondissements) doit être expliqué dans les notes de
bas de tableau.
2.4 Ombrages et couleurs
Les tableaux ne doivent comporter ni couleur ni ombrage.
2.5 Autres considérations
Il faut utiliser l’outil de création de tableaux de Word
pour créer les tableaux. Les tableaux ne doivent pas être
insérés sous la forme d’une image ou téléchargés à partir
d’une image. À l’instar du texte, les tableaux doivent être
présentés à double interligne et la police de caractères Times
Conclusion
Le comité de rédaction du Pharmactuel espère que ces lignes
directrices aideront les auteurs à représenter de manière
judicieuse et efficace leurs données sous forme de tableaux
lors de la préparation de leur manuscrit.
Financement
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été
déclaré par l’auteur.
Conflits d’intérêts
L’auteur a rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour
la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. L’auteur n’a
déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent
article.
Références
1.
Iverson C, Christiansen S, Flanagin A, Fontanarosa PB, Glass RM, Gregoline B et coll. Visual presentation of data. Dans : American medical association manual of style:
A guide for authors and editors. 10e éd. New York : Oxford University Press; 2007. p. 81-124.
60 Pharmactuel 2015;48(1)
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