Le modèle holiste La version nationale Octobre 2009 Plan • 1. Remarques introductives / • 2. Le modèle • 3. Les trois phases historiques – Aux origines du modèle : le mercantilisme – Le système national d’économie politique et la géopolitique du monde – Les nations dans l’économie mondiale • 4. Les nations dans l’économie mondiale Introduction : remarques • Tout comme on a tendance à associer le modèle individualiste au libéralisme, on a tendance à associer le modèle holiste au nationalisme. Ce n’est pas faux, mais il faut se rappeler que – La nation, avec l’État qui s’y rapporte, a une histoire récente – Les nations ne sont pas transhistoriques (cf. les thèses de Norbert Élias) – D’autres formes de socialisation sont possibles • Le principe fondateur de l’holisme, c’est l’idée de totalité, ou si l’on préfère de système (cf. les thèses de Louis Dumont) – L’individu fait partie d’une société, d’un tout : c’est l’unité organique – Les sociétés font elles-mêmes partie d’un système – Ni les individus ni les sociétés ne peuvent exister en dehors du système dans lequel ils/elles s’insèrent • Un système – est un ensemble d’unités en interaction les unes avec les autres, – qui possède ses propres mécanismes de régulation et de stabilisation – et dont l’histoire est déterminée par ses principes fondateurs Trois traditions Aristote : L’homme, un animal politique « Il est évident que l'homme est un animal politique, bien plus que n' importe quelle abeille ou n' importe quel animal grégaire. Car, nous le disons souvent, la nature ne fait rien en vain. Et seul parmi les animaux, l'homme est doué de parole. Certes la voix sert à signifier la douleur et le plaisir et c'est pourquoi on la rencontre chez les autres animaux (car leur nature s'est hissée jusqu'à la faculté de percevoir douleur et plaisir et de se signifier mutuellement). Mais la parole existe en vue de manifester l'utile et le nuisible, puis aussi, par voie de conséquence, le juste et l'injuste. C'est ce qui fait qu'il n'y a qu'une chose qui soit propre aux hommes et les sépare des autres animaux: la perception du bien et du mal, du juste et de l'injuste et autres notions de ce genre, et avoir de telles notion en commun, voilà ce qui fait une famille et une cité. » (La politique) Jean Bodin : souveraineté : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d'une République “ « Et d’autant que nous avons dit que République est un droit gouvernement de plusieurs familles, & de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine, il est besoin d’éclaircir [ce] que signifie puissance souveraine. J’ay dit que cette puissance est perpétuelle : parce qu’il se peut faire qu’on donne puissance absolue à un ou plusieurs à certain temps, lequel expiré, ils ne sont plus rien que subjects : & tant qu’ils sont en puissance, ils ne se peuvent appeler Princes souverains, veu qu’ils ne sont que dépositaires, & gardes de cette puissance, jusques à ce qu’il plaise au peuple ou au Prince la révoquer : qui en demeure toujours saisi… » (les Six livres de la République, Livre 1, ch. 8.) Déclaration des droits de l’homme et du citoyen Article 3 - Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. Anthony D. Smith : les fondements du nationalisme • • • • • • • Humanité est naturellement divisée en nations Le pouvoir politique dérive directement de l’existence même de la nation Une nation, c’est un peuple, un territoire, une culture Chaque nation possède ses caractéristiques propres La liberté individuelle et la réalisation de soi passe par l’identification à la nation La nation se confond avec l’État, et celui-ci est la condition de la liberté et de l’harmonie Le nationalisme, c’est la foi en trois choses : – – – l’individualité de la nation, l’auto-détermination de la nation et la division verticale du monde en États-nations. Les trois dimensions de la géopolitique : Le trinôme des géographes allemands Fernand Braudel : Les ambitions de l’Histoire (Paris, Éditions de Fallois, 1997) « Acceptons cette terminologie, sans trop la discuter : espace, économie, société. …. Ai-je besoin de vous dire que l’économie modèle le social et l’espace, que l’espace commande l’économie et le social, que le social à son tour commande les deux autres réalités » (p. 63) « Répétons-le : notre sort est toujours lié à la terre. Si lente que soit cette histoire de base, elle est une histoire, une réalité de la vie » (p. 83) Aux origines du modèle : le mercantilisme • • • • • C’est dans le quadrant III qu’est née l’économie politique, avec le mercantilisme. Le mercantilisme peut être considéré comme la première forme du nationalisme économique, avec ses deux corollaires (inséparables) : l’autarcisme et l’expansionnisme. Le mercantilisme est indissociable de la formation des États-nations (période de state-building, pour reprendre la formule de Gustav Schmoller, inventeur du terme ‘mercantilisme’ Le mercantilisme participe d’une période où l’on s’interroge sur l’origine de l’État. On a vu comment de Hobbes à Smith en passant par Locke, on construit la société et, avec elle, l’État à partir du contrat social : le passage de l’état de nature à l’état de société. Dans le cas présent, il y a aussi une réflexion sur l’État, mais différente. Rappelons la formule de Bodin, une nation c’est l’union des familles sur un territoire donné et l’État le garant de cette union Reprenant ce qu’il appelle le trinôme de la géopolitique allemande (Ratzel), Fernand Braudel dira : une nation, c’est trois choses (tout est là !) – – – Une communauté Un territoire Une économie Les fondements • La pensée holistique de cette époque s’inspire directement d’Aristote – L’homme est un animal politique, un être social – La nature forme un tout dans lequel l’homme doit être en harmonie avec la famille, la cité, le monde et les dieux. L’idée forte est qu’il existe un ordre. – Le mot ‘économie politique’ est inventé et appliqué par analogie au rôle que doit jouer l’État pour assurer le bien-être de ses sujets : de la même façon que le pater familias doit bien gérer le domaine et pourvoir aux besoins de sa famille (économie familiale), le prince doit bien gérer l’économie et assurer le ‘bonheur’ de ses sujets. • Trois points marquants – (1) Le territoire fonde la communauté, la loyauté et la souveraineté. L’argent, la langue et l’impôt symboliseront l’unité national – (2) La puissance et la richesse ne font qu’un. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les grandes puissances militaires seront des puissances économiques – (3) Le ‘bonheur’ passe la richesse monétaire « Il faut de l’argent, et n’en n’ayant point de notre crû, il faut en avoir de l’étranger » Antoine de Montchrestien, Traité d’économie politique, 1615. « Le commerce extérieur est la richesse du souverain ; l’honneur du royaume, la noble vocation des marchands, notre subsistance et l’emploi de nos pauvres, l’amélioration de nos terres, l’école de nos marins, le nerf de notre guerre, la terreur de nos ennemis » Thomas Mun, England’s Treasure by Forraign Trade, 1664. « Le commerce est la source de la finance, et la finance est le nerf de la guerre » Jean-Baptiste Colbert, Lettre à l'intendant de Rochefort, 1666. Le système n’est pas tenable • Les droits individuels sont incompatibles avec le despotisme et l’autoritarisme • La poursuite de la richesse est incompatible avec les réglementations et la morale • L’espace économique de la richesse ne peut être territorial (cf. les remarques de Rosanvallon) • Le système pousse les nations dans la guerre La force de la pensée libérale sera de prendre le contre-pied de ce système et de construire une autre économie politique organisée autour de : - L’individu, ses droits et l’harmonie des intérêts - La poursuite des intérêts égoïstes et la régulation concurrentielle - Le commerce universel - L’interdépendance et la paix économique Quatre idées vont néanmoins demeurer • L’État garant de la prospérité comme de la sécurité et de la liberté • La souveraineté des États ne peut être assurée si le développement économique de la nation n’est pas assuré • Le territoire national constitue l’espace de socialisation des individus • L’économie des nations dépend de celle des autres Le système national d’économie politique • Le dix-neuvième siècle fut le siècle du libéralisme ; ce fut aussi celui du nationalisme. Et dans les deux cas, le siècle de tous les excès. • Le ‘holisme’ va se reconstruire autour de l’idée de nation. En réaction au libéralisme. Trois grands thèmes sortiront de ces débats – – – L’économie nationale et la protection de l’espace économique national La géopolitique et l’organisation économique de la puissance Le corporatisme et l’ordre national Nous n’insisterons pas sur le corporatisme, cette voie intermédiaire entre le libéralisme individuel et le socialisme collectif. • L’Angleterre et la France avaient été le berceau des Lumières ; l’Allemagne, berceau des nouvelles idées nationales Le systè conomie politique système national d’é d’économie I II I Théorie de La protection Le corporatisme social A R Économie nationale : Géoéconomie du monde Organisation du territoire Thé Théories Réalistesalistes-néo IV III H Trois citations de Morini-Comby • « le groupe national, d'après sa situation, son passé, son territoire, ses ressources naturelles, a une mission à remplir, des possibilités à réaliser » (Morini-Comby, p. 172) • « Il croient tous à l'efficacité de cette intervention : l'économie nationale est un devenir, son action est utile à l'orientation de l'activité vers un développement complexe garantie de solidité et d’indépendance politique » (Morini-Comby, p. 192). • « le protectionnisme du XIXe siècle a été l’expression économique du nationalisme…. Il a été d’abord et essentiellement une doctrine destinée à permettre l’industrialisation, ce qu’il y a un siècle on appelait tout simplement le progrès » (1930, p. 137) J. Morini-Comby, Mercantilisme et protectionnisme, Librairie Félix Alcan, Paris, 1930. Friedrich List (1789-1848) Les thèmes • • • L’histoire : les phases historiques de développement et les leçons de l’histoire La nation, entre l’individu et le genre humain. Il y a un lien entre la géographie et l’histoire, entre l’histoire et l’économie. L’économie politique de la nation (vs. l’économie cosmopolite). L’économie nationale : « association morale et matérielle pour un but commun » – • Les forces productives et la richesse de la nation – • • L’économie cosmopolite n’est vraie que dans l’idéal : lorsque « toutes les nations du globe ne forment qu’une société unique vivant dans une paix perpétuelle ».( p. 214) L’économie politique, c’est l’étude des lois qui président à l’économie de la nation « L’économie de ce corps (la nation, CD/MR) n’a pas pour seul objet la richesse, comme dans une économe individuelle et cosmopolite, mais la puissance et la richesse nationale, tout comme celleci augmente et garantit la première. Ses principes directeurs sont donc autant politiques qu’économiques. Il peut arriver que des individus soient très riches ; mais si la nation n’a pas le pouvoir de les protéger, tous - nation et individus - risquent de perdre un jour la richesse qu’ils ont mis des siècles à acquérir, ainsi que leurs droits, leurs liberté et leur indépendance même ». L’industrie et la division du travail (« association morale et matérielle pour un but commun ») La protection des industries – « C’est principalement la liberté de penser et la liberté civile, l’excellence de la constitution et des institutions politiques en général qui ont mis la politique commerciale anglaise à même d’exploiter les richesses du sol et de développer les forces productives de la nation. Mais qui oserait contester aux autres nations la faculté de s’élever au même degré de liberté ? Qui oserait soutenir que la nature a refusé aux autres peuples les moyens de se livrer à la fabrication ? » (p. 454/Gallimard) Deux citations célèbres « C’est une règle de prudence vulgaire, lorsqu’on est parvenu au faîte de la grandeur, de rejeter l’échelle avec laquelle on l’a atteint, afin d’ôter aux autres le moyen d’y monter après nous. Là est le secret de la doctrine cosmopolite d’Adam Smith et des tendances cosmopolites de son illustre contemporain, William Pitt, ainsi que de tous ses successeurs dans le gouvernement de la Grande-Bretagne. Une nation qui, par des droits protecteurs et par des restrictions maritimes, a perfectionné son industrie manufacturière et sa marine marchande au point de ne craindre la concurrence d’aucune autre, n’a pas de plus sage arti que de repousser loin d’elle ces moyens de son élévation, de prêcher aux autres peuples les avantages de la liberté du commerce et d’exprimer tout haut son repentir d’avoir marché jusqu’ici dans les voies de l’erreur et de n’être arrivée que tardivement à la connaissance de la vérité » (Friedrich List, Système national d’économie politique, Paris, Éditions Gallimard, 1998, pp. 503-503). « Sans doute, l’expérience nous apprend que le vent transporte la graine d’un pays à l’autre, et qu’ainsi des bruyères désertes se transforment en forêts épaisses ; mais serait-il sage de la part du forestier d’essayer par des semis d’attendre au cours des siècles que le vent ait réalisée ce progrès ? Aurait-il tort d’essayer par des semis d’atteindre ce but en quelques dizaines d’années ? L’histoire enseigne que des nations entières ont fait avec succès ce que nous voyons faire au forestier » (p. 217) Les héritiers (1) L’école historique allemande (G. Schmoller) • La relativité des lois économiques • L’interconnexion des structures économiques et des structures sociales • Le rôle de l’État, médiateur des contradictions sociales et grand ordonnateur du développement économique • Les phases /étapes du développement Les héritiers (2) : La géopolitique John Agnew et Stuart Corbridge (1995), Mastering Space. Hegemony, Territory and International Political Economy, Londres, Routledge. • • Les fondateurs de la géopolitique sont le Suédois Kjillen et l’Anglais Mackinder, mais c’est l’Allemand Ratzel qui construit la géoéconomie qui devait inspirer les régimes autoritaires de l’entre-deux-guerres L’économie nationale dans son environnement économique international. Les thèmes : – – – – La nation, être vivant : l’espace vital et la revendication à la survie Loi d'équilibre de Ratzel. En principe, chaque peuple doit pouvoir trouver son point d'équilibre entre la population, l’économie et le sol, mais comme les peuples croissent, il ne peut y avoir de frontières fixes. La nation doit rechercher l’autarcie, mais il ne peut y avoir d’autarcie sans expansionnisme : la doctrine des grands espaces économiques et la métaphore des anneaux de Saturne La planification de la vie économique "Un espace économique est un domaine dans lequel les différents centres de production doivent pouvoir être harmonisés les uns avec les autres. La condition préalable est donc la primauté de la politique. Or seule la puissance de l'État rend possible le jeu combiné et réfléchi des forces de production, grâce à des mesures d'orientation de l'économie qui peuvent varier à l'infini, depuis des considérations économiques et des recommandations d'ordre général jusqu'à la direction organisée administrativement de l'économie privée" (Alfred Oesterheld, Europe, espace économique, Paris, Les documents contemporains.p. 21) La crise de 1929 fut le fossoyeur du libéralisme, la Seconde Guerre mondiale celui du nationalisme • Le keynésianisme et le multilatéralisme permirent de renvoyer dos à dos le libéralisme et le nationalisme (voire le socialisme), et de construire une nouvelle économie politique de l’interventionnisme et de la coopération • Trois questions vont demeurer : 1. Comment construire un État-Providence si ce n’est (1) en séparant le marché national du marché international (deux niveaux) et (2) en exerçant un contrôle sur l’économie de marché (économie mixte et planification indicative) 2. Comment faire coopérer les États tout (1) en préservant leur souveraineté et (2) en favorisant les échanges entre eux ? 3. Comment promouvoir l’égalité entre les nations ? C’est le paradoxe de Gunnar Myrdal : les économies industrielles sont intégrées, mais l’économie mondiale ne l’est pas (pays en développement) La nation dans l’économie mondiale • Trois réalités balisent le système économique international depuis la Guerre – 1. L’ouverture des marchés – 2. L’institutionnalisation de la coopération – 3. La transnationalisation des entreprises • Les nouvelles théories vont s’adapter à ces « réalités » et s’orienter dans trois directions – 1. L’organisation économique du monde – 2. La compétitivité des nations – 3. La socialisation du monde • Elles sont nombreuses, mais nous en retiendrons trois – 1. Les analyses centre/périphérie – 2. La théorie de la stabilité hégémonique – 3. La compétitivité des nations I II I Thé Théories de l’é conomie sociale de marché l’économie marché La compétitivité des nations Théorie de la stabilité hégémonique A R Économie nationale : Les théories du centre et de la périphérie Organisation du territoire Thé Théories Réalistesalistes-néo IV III H Les nations ont-elles encore un avenir dans une économie globalisée ? • Quatre essais de reconstruction – L’école structuraliste : R. Prébisch – L’État compétitif : le triangle de Strange – La théorie de la stabilité hégémonique : R. Gilpin – La géoéconomie de Edward Luttwak / Pascal Lorot Les théories structuralistes • Toutes les théorie structuralistes reposent sur l’idée selon laquelle l’économie mondiale est structurellement organisée. Les théories des blocs économiques (la triade), des grands espaces économiques (Krugman), des asymétries Nord/Sud ou encore de la géoéconomie (Luttwak/Lee) combinent géographie et économie. L’histoire est toujours présente mais joue un rôle secondaire, sinon pour souligner le « poids du passé ». Le déterminisme est géographique et non historique. La preuve reste toutefois à faire. • La théorie structuraliste la plus originale est celle de Prebisch (1901-1986). Elle gravite autour de quatre idées centrales – La détérioration des termes de l’échange est le reflet des asymétries structurelles entre le centre et la périphérie. Le commerce ne se fait pas entre nations égales mais reproduit les asymétries et, de ce fait, enferme les pays de la périphérie dans le sous-développement. – Les structures de marché renforcent les asymétries : les marchés sont régulés (prix contrôlés) au centre, concurrentiels en périphérie – Les gains de productivité sont transférés en revenus plus élevés au centre, en baisse de prix en périphérie. – Il y a un cercle vicieux du sous-développement, « développement du sous-développement » selon la formule d’André Gunther Franck Briser ce cercle vicieux implique une action à trois niveaux : (1) industrialisation par substitution aux importations et aux exportations ; (2) intégration régionale pour créer des marchés et des pouvoirs de négociation ; (3) un nouvel ordre économique international La compétitivité des nations • La théorie des étapes de la croissance de Rostow fut la réponse libérale aux thèses structuralistes. La crise de la dette, puis la mondialisation ont brisé les espoirs du développement autocentré. Mais de nouvelles théories ont surgi, centrées sur l’intégration compétitive dans l’économie mondiale. • La notion d’intégration compétitive va réhabiliter et renouveler trois idées – 1. La rivalité économique entre les nations – 2. Le patriotisme économique et le rôle de l’État comme promoteur – 3. Les alliances stratégiques Aucune grande théorie n’a pour le moment surgi, sauf peut-être en Asie La théorie de la stabilité hégémonique • Un nom est associé à cette théorie Charles P. Kindleberger, même si celui-ci a toujours préféré le terme de leader à celui d’hegemon. Deux lectures sont possibles : néo-réaliste ou libérale • La théorie tourne autour de trois idées maîtresses – 1. Il existe des biens publics internationaux (le libre-échange, la stabilité financière, la paix économique, etc) – 2. En l’absence d’État mondial, il revient à une puissance de prendre ses responsabilités (primus inter pares), d’associer les autres nations à la production de ces biens et d’établir des arrangements institutionnels (régimes) qui obligent les acteurs, balisent les comportements et ordonnent les relations entre les nations – 3. La stabilité du système dépend de la capacité de la puissance à faire évoluer les règles, à empêcher les comportements de passager clandestin et à accepter les coûts de son statut. La géoéconomie • « La géoéconomie analyse les stratégies d'ordre économique – notamment commerciales –, décidées par les États dans le cadre de politiques visant à protéger leur économie nationale ou certains pans bien identifiés de celle-ci, à aider leurs ‘entreprises nationales’ à acquérir la maîtrise de technologies et/ou à conquérir certains segments du marché mondial relatifs à la production ou à la commercialisation d'un produit ou d'une gamme de produits sensibles, en ce que leur possession ou leur contrôle confère à son détenteur – État ou entreprise "nationale" – un élément de puissance et de rayonnement international et concourt au renforcement de son potentiel économique et social. » Pascal Lorot, « De la géopolitique à la géoéconomie », Géoéconomie, n° 1, mars 1997, p. 29. Conclusion • Qu’on le veuille ou non, l’idée holiste de système demeure une idée forte tout comme le sont celles d’ordre et d’interaction entre les unités qui le compose. • Il est difficile d’échapper également à l’idée nationale, la nation étant l’unité sociale la mieux organisée et celle à laquelle s’identifient le mieux les individus. • Néanmoins, l’idée de « territorialiser » l’économie reste une utopie dangereuse et toutes les théories économiques construites autour de l’espace économique national sont des constructions de l’esprit incompatibles avec les principes de liberté. • L’État-nation a une profondeur historique, mais, comme le montrent la pauvreté des théories contemporaines et les agitations politiques actuelles, l’État-nation connaît peut-être aujourd’hui son chant du cygne.