M1 ENSM 2010-2011 MHT761- Algèbre Renaud Coulangeon Université Bordeaux 1 Examen de MHT761- Algèbre Durée 4 heures. Documents et calculatrices interdits Le 21 décembre 2010 Les deux exercices sont indépendants. Exercice 1. Dans tout cet exercice, K désigne un corps commutatif de caractéristique 0 et E un K-espace vectoriel de dimension finie. On note End(E) l’anneau des endomorphismes de E, c’est-à-dire les applications linéaires de E dans lui-même. Un élément p non nul de End(E) est un idempotent ou un projecteur s’il vérifie la relation p2 = p. Le but de l’exercice est de montrer que la somme de k projecteurs est un projecteur si et seulement les produits deux à deux de ces k projecteurs sont nuls. 1. Résultat préliminaire : soient F1 , F2 , . . ., Fk des sous-espaces de E, et F = F1 + · · · + Fk leur somme. Montrer que dim F ≤ dim F1 + · · · + dim Fk , avec égalité si et seulement si F = F1 ⊕ · · · ⊕ Fk . 2. Montrer que si p est un projecteur alors E = Ker p ⊕ Im p. Inversement, si E admet une décomposition en somme directe E = F ⊕G, avec G , {0}, montrer qu’il existe un projecteur p tel que Ker p = F et Im p = G. 3. Montrer que tout projecteur est diagonalisable. Montrer en outre que si p est un projecteur différent de l’identité alors il admet exactement deux valeurs propres que l’on précisera. 4. Montrer que pour tout projecteur p, on a la relation dim Im p = Trp. 5. Étant donnés des projecteurs p1 , . . . , pk , on souhaite montrer que leur somme p1 + · · · + pk est un projecteur si et seulement si pi ◦ p j = 0 pour tous i , j. (a) On suppose tout d’abord que pi ◦ p j = 0 pour tous i , j. Montrer que p1 + · · · + pk est un projecteur. (b) On suppose, inversement, que p = p1 + · · · + pk est un projecteur. Lk i. Montrer que Im p = i=1 Im pi (on utilisera la relation entre la trace et le rang d’un projecteur établie précedemment, ainsi que le résultat préliminaire établi à la question 1) ii. En déduire que pi ◦ p j = 0 pour tous i , j (remarquer tout d’abord, en utilisant la question précédente, que Im pi ⊂ Im p pour tout i). 1 Exercice 2. (d’après CAPES 2002 (extrait)) On note K[X] le K-espace vectoriel des polynômes en une indéterminée à coefficients dans un corps commutatif K et, pour tout entier naturel n, K[X]n le sous-espace de K[X] constitué des polynômes de degré au plus n. Si E et F sont deux parties de K, on définit PK (E, F) = {P(X) ∈ K[X] | P(E) ⊂ F} c’est-à-dire l’ensemble des polynômes de K[X] dont la valeur en chaque élément de E appartient à F. Dans la suite, on note R le corps des nombres réels, Q le corps des rationnels, Z l’anneau des entiers relatifs, N l’ensemble des entiers naturels, R+ l’ensemble des réels positifs ou nuls et Q+ l’ensemble des rationnels positifs ou nuls. 1. Caractérisation de PR (Q, Q) (a) Soient n un entier naturel et q0 , . . ., qn , une famille de n + 1 éléments de Q deux à deux distincts. Montrer que pour j = 0, . . . , n, il existe un unique polynôme L j (X) (que l’on explicitera) dans Q[X]n tel que 1 si i = j ∀0 ≤ i ≤ n , L j (qi ) = δi, j = 0 sinon. (b) Montrer que les L j (X) constituent une base de R[X]n et déterminer les coefficients dans cette base d’un polynôme P(X) ∈ R[X]n , en fonction de P(q0 ), . . .P(qn ). (c) En déduire que PR (Q, Q) = Q[X]. 2. Caractérisation de PR (R, R+ ) (a) Pour tout anneau commutatif unitaire A, on considère l’ensemble S (A) des éléments de A qui sont somme de deux carrés, autrement dit n o S (A) = a ∈ A | ∃b ∈ A, ∃c ∈ A, a = b2 + c2 . (1) i. Si A = R, montrer que pour tous réels a, b, c, d, il existe des réels x et y, que l’on explicitera, tels que (a2 + b2 )(c2 + d2 ) = x2 + y2 [interpréter la quantité a2 + b2 (resp. c2 + d2 ) comme le carré du module d’un nombre complexe]. En déduire que S (R) contient 0 et 1 et qu’il est stable par multiplication. ii. Montrer que le résultat précédent s’étend à n’importe quel anneau commutatif unitaire, c’est-à-dire que pour un tel anneau A, l’ensemble S (A) contient 0 et 1 et est stable par multiplication. (b) Soit P(X) un élément non nul de PR (R, R+ ) et s t Y Y αi P(X) = c (X − ai ) (X 2 + bi X + ci )βi i=1 (2) i=1 sa décomposition en produit de facteurs irréductibles dans R[X] (autrement dit les exposants αi et βi sont des entiers naturels non nuls, c est un réel non nul, les ai sont des réels, et les polynômes du second degré apparaissant dans la décomposition n’ont pas de racine réelle). 2 Montrer que le degré de P(X) est nécessairement pair. Que peut-on dire du signe de c et de la parité des αi ? En déduire que P(X) est la somme des carrés de deux polynômes à coefficients réels. (c) Donner une caractérisation de PR (R, R+ ). 3. À propos de PQ (Q, Q+ ) (a) Montrer que PQ (Q, Q+ ) ⊂ PR (R, R+ ). (b) Soit P(X) = 2X 2 + 4 ∈ Q[X]. i. Déterminer des réels a, b, c et d tels que 2X 2 + 4 = (aX + b)2 + (cX + d)2 . (3) ii. Si a, b, c et d sont des réels satisfaisant l’équation (3), montrer que la matrice a b √ 2 M = c2 d √ 2 2 ! 1 0 t t . est une matrice orthogonale, c’est-à-dire MM = M M = 0 1 iii. Existe-t-il des rationnels a, b, c et d satisfaisant l’équation (3) ? (c) En déduire qu’il existe des éléments de PQ (Q, Q+ ) qui ne sont pas somme des carrés de deux polynômes à coefficients rationnels. 4. Caractérisation de PR (Z, Z) Pour tout entier naturel non nul n, on pose Γn (X) = X(X − 1) · · · (X − n + 1) . n! On définit également Γ0 (X) = 1. (a) Montrer que Γn (X) ∈ PR (Z, Z) pour tout entier naturel n [pour k élément de Z, on distinguera selon que 0 ≤ k < n, k ≥ n et k < 0]. (b) Montrer que, pour tout entier naturel m, les polynômes Γn (X), 0 ≤ n ≤ m constituent une base de R[X]m . (c) Soient m un entier naturel et P(X) ∈ R[X]m . On note d0 , . . ., dm les coefficients de P(X) sur la base {Γn (X) , 0 ≤ n ≤ m}. Écrire, à l’aide des réels P(0), . . ., P(m) un système d’équations linéaires dont le (m + 1)-uplet (d0 , . . . , dm ) est solution, et calculer le déterminant de ce système. (d) Montrer que, pour un polynôme P(X) ∈ R[X]m , les assertions suivantes sont équivalentes : i. ii. iii. iv. P(X) ∈ PR (Z, Z). Les coefficients d0 , . . ., dm de P(X) sur la base {Γn (X) , 0 ≤ n ≤ m} sont entiers. P(0), P(1), . . ., P(m) sont entiers. P(X) prend des valeurs entières sur m + 1 entiers consécutifs. 3