ROMAN DE L`INITIATION Vendredi ou les limbes du Pacifique

ROMAN DE L'INITIATION
Vendredi ou les limbes du Pacifique
Sous la direction de M. le Professeur
Qian Peixin
Présenté par Li dongdong
Département de Français
Université des Etudes Internationales de Shanghai
Mai 2002
TABLE DES MATIERES
Remerciment
Résumé
Introduction
1 Michel Tournier a trois préférences
1
2
3
Vendredi ou les limbes du Pacifique est un conte de l'initiation
Chapitre 1. La fraternité - but de l'initiation
Introduction
7
1.1 La solitude conduit à la déshumanisation
7
1.1.1 Le changement physique de Robinson
8
1.1.2
12
La déchéance de la civilisation
1.2 L'autrui est indispensable à la connaissance______________________________________
16
1.2.1 L'autrui est un puissant facteur de distraction
17
1.2.2 L'autrui constitue une expression d'un monde possible__________
18
1.3 La fraternité peut briser la solitude____________________________________________________
20
1.3.1 La métamorphose de la relation entre Robinson et Vendredi
21
La méditation sur les rapports humains____________________________________
24
1.3.1
Conclusion
Chapitre 2.
27
Le mythe - moyen de l'initiation
Introduction
28
2.1
L'aventure de Robinson est un mythe
28
2.2
De nouveaux mythes initient à un nouveau mode de la vie
31
2.2.1
Les personnages mythologiques_____________________________________________
32
2.2.2
Les animaux mythologiques
2.2.3
L'arbre mythologique
2.2.4
Le mythe de l'androgyne_
_.........
37
.
40
_ __
__
_
.
Conclusion
43
47
Chapitre 3. Les thechniques romanesque - représentation de l'initiation
Introduction
48
3.1
le choix du titre du roman
3.2
le rôle du préambule du roman__
3.3
L'efficacité du journal
3.4
L'art des dialogues et des portraits _..
48
_.
._.__
.__.__ ..__ ..
~
_
_
Conclusion
50
.
54
_
59
65
Conclusion
Bibliographie.
.
66
.__
__ ..__
..__
.
68
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer ma reconnaissance à Monsieur Qian Peixin, directeur de ce
travail, qui a orienté ma tâche dès le début et m'a guidée dans mes doutes et
incertitudes concernant cette étude. Par ses aides toujous amicales et ses exigences
rigoureuses, il m'a encouragée tout au long de la rédaction. Qu'il en soit
respectueusement remercié.
Je voudrais aussi rappeler tout ce que je dois à tous les maîtres qui m'ont
éclairée pendant mes vingt années d'études. Qu'ils veuillent bien agréer l'hommage
de ce mémoire.
Merci à mon père et à ma mère qui me donne sur la terre et merci à mon mari
et mes amis qui me soutiennent toujours.
Li Dongdong
Mai 2002
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RESUME
Vendredi ou les limbes du Pacifique est chef-d'oeuvre de Michel Tournier,
grand écrivain contemporain. Tournier se passionne pour la philosophie dès son
enfance, pour initier le publique à ses idées, il verse sa philosophie dans le mythe et
produit son premier livre vendredi ou les limbes du Pacifique. Dans un monde sans
autrui, la solitude nous fait penser au rôle d'autrui, et la relation avec autrui. Dans
ce roman, Tournier pose des questions pour guider le lecteur dans la voie de pensée,
et il raconte le mythe pour persuader le lecteur de sa philosophie. C'est ainsi qu'il
produit un roman de l'initiation intéressant et philosophique.
Ce travail analyse le but de l'initiation (aspect philosophique), le moyen de
l'initiation (aspect mythologique) et la représentation de l'initiation (techniques
romenesque). Le premier chapitre traite du but de l'initiation, l'analyse en détail des
effets de l'absence d'autrui et le rôle d'autrui permet de saisir la philosophie de
l'auteur sur la solitude et de tirer une conclusion que la fraternité peut briser la
solitude. Le deuxième chapitre présente le moyen de l'initiation, en comparant le
livre de Daniel Defoe et ce roman, on essaie de trouver de nouveaux mythes de
Tournier dans le but de comprendre son intention. Le troisième chapitre analyse la
représentation de l'initiation, nous analysons les techniques dans le but de trouver la
correspondance entre le forme et le fond.
Introduction
Introduction
1 Michel Tournier a trois préférences
Michel Tournier, né 1924 à Paris, est un grand écrivain contemporain. Mais
Tournier a surtout la plus grande passion pour la philosophie. Comme Sarte,
Tournier a été philosophe avant d'écrire des romans. En 1931, quand il a eu dixneuf ans, il s'est découvert déjà cette passion. Donc il s'est lancé à pieds joints
dans les études de philosophie et a préparé l'agrégation pour devenir enseignant.
En 1936, et cela jusqu'en 1950, il est parti pour l'Allemagne où il a parfait sa
formation philosophique. A son retour, il a échoué à l'agrégation et cet échec lui
semble condammer sa vocation de professeur, il a décidé de laisser tomber son
orientation philosophique. Mais il conserve tout de même la philosophie comme
base de sa vie, et veut y joindre quelque chose qui lui permettrait de mieux
l'exploiter. C'est là qu'il décide d'écrire.
Mais en fait, Michel Tournier a une bien antérieure passion pour l'écriture, puisque
depuis longtemps il écrit quotidiennement. En exécutant de menus travaux
(émissions culturelles à la Radio-Diffusion Française, articles de journaux,
traduction de l'allemand), il n'a jamais abandonné le rêve de son enfance, il
apprend à son insu le métier d'écrivain au cours de chercher une expression de sa
pensée philosophique. Son rêve s'est réalisé en 1967 avec l'apparition de son
premier livre vendredi ou les limbes du Pacifique. Grâce à ce roman, il a obtenu le
grand prix du roman de l'Académie française (deux millions d'exemplaires
vendus). C'est donc à plus de 30 ans qu'il se déclare écrivain. En 1972, il est
devenu membre de l'Académie Goncourt.
L'engagement tardif ne l'empêche pas de sortir une quantité de romans, en
Introduction
2
analysant ces romans, on peut s'apercevoir que Tournier a une préférence pour le
mythe. D'un père gascon et d'une mère bourguignonne, universitaires et
germanistes, Michel Tournier, dès son enfance, a été imprégné de la culture
germanique et a reçu aussi une éducation chrétienne par laquelle il a été très
marqué, les mythes dans la Bible constituent la source de sa création. Michel
Tournier est né dans une famille aisée, avant la guerre, sa mère emmène chaque
année les enfants en vacances en Allemagne, donc les mythes allemands lui
donnent aussi une inspiration. Dans son premier roman, ça se voit nettement.
Ses romans, dont la langue est classique, constituent une adaptation libre et
irrespectueuse de certains mythes et légendes: Vendredi ou les limbes du Pacifique
et Vendredi ou la vie sauvage, histoire de Robinson; le roi des aulnes (1970),
histoire de l'ogre; les Météores (1975), histoire de la gémellité; Gaspard,
Melchior et Balthazar (1980), histoire des Rois mages. On lui doit encore le Vol du
vampire (1981), Gilles et Jeanne (1983), la Goutte d'or (1986), le Médianoche
amoureux (1989), la Couleuvrine (1994), le Miroir des idées, essai (1994).
Tournier préfère reprendre ces anciens mythes, parce que le mythe est comme le
conte qui doit être raconté par un conteur. En tant que conteur, l'auteur obtient une
grande liberté pour exprimer sa philosophie. Parce que conteur doit raconter une
histoire qui a été tenue par son coeur, en la racontant, conteur sert d'un acteur et
également un commentateur. Donc on lit un conte et aussi un commentaire. La
philosophie de Michel Tournier s'infiltre dans ces mythes déjà existants, ainsi il
recrée ces mythes et leur donne une morale contemporaine, c'est cette nouvelle
morale qui lui fait avoir beaucoup de lecteurs.
Conclusion: Michel Tournier a une grande passion pour la philosophie, pour
l'écriture et pour les mythes déjà existants. Il réussit à marier sa philosophie avec
Introduction
3
les anciens mythes, et les mythes sont le pont idéal entre ses deux autres amours:
la philosophie et la littérature. Donc ces trois passions lui permettent de produire le
roman: Vendredi ou les limbes du Pacifique.
2 Vendredi ou les limbes du Pacifique est un conte de
l'initiation
Robinson, très connu une fois créé par l'écrivain anglais Daniel Defoe, intéresse
non seulement des lecteurs proprement dites, mais aussi des écrivains. Il y a
beaucoup d'écrivains qui reprennent cette histoire avec succès, et il faut surtout
mentionner l'entreprise bien singulière de Michel Tournier, qui a une grande
passion pour la philosophie. En reprenant l'histoire de Robinson, Michel Tournier
sort en 1967 son premier livre sous le nom de Vendredi ou les limbes du Pacifique.
Ce premier livre de Michel Tournier s'impose aussitôt par son originalité: la
philosophie et le roman se marient parfaitement. Une fois ce livre était publié, le
succès fut immédiat couronné par le grand prix de roman de l'Académie Française,
le livre fut aussitôt traduit, et l'auteur monta sur l'écran de la littérature. L'article
de Gilles Deleuze: Michel Tournier et le monde sans autrui, paru dans la revue
critique dès 1967, prouve son succès auprès des philosophes. Pendant les deux
dernières décennies, l'oeuvre de Michel Tournier est lue à peu près partout dans le
monde et ce n'est pas étonnant que le roman a souvent été le sujet d'analyses et de
critiques.
Pourtant l'intrigue du Vendredi ou les limbes du Pacifique est très simple: Jeté par
un naufrage sur une île déserte, Robinson défend son identité contre la solitude en
reconstituant dans la nature les usages de la civilisation anglaise. L'arrivée de
Vendredi permet à Robinson de se redécouvrir, de se redéfinir et l'entraîne dans un
Introduction
4
mode de vie plus libre, il arrive à découvrir des relations nouvelles avec les
éléments. Vendredi sert à la fois de guide et d'accoucher à l'homme nouveau.
Littéralement métamorphosé Vendredi part sur le Withebird, et Robinson
délibérément reste sur Spéranza.
Vendredi ou les limbes du Pacifique est une reécriture de Robinson Crusoé, mais il
montre bien différent, Tournier reécrit l'aventure de Robinson Crusoé du roman de
Defoe en ajoutant une forte dimension philosophique. Tournier infuse sa nouvelle
philosophie dans l'ancien mythe, et l'aventure de Robinson devient une aventure
d'une âme civilisée. Déjà en effet par le titre, l'auteur nous incite à comprendre,
par la référence aux « limbes », que son récit ne vise pas l'aventure du naufragé,
mais l'aventure morale d'un solitaire. Dans cette nouvelle aventure, on peut lire la
réflexion de l'auteur sur la philosophie d'autrui et de la solitude.
Si l'on commence la lecture à l'incitation de la simple curiosité de l'aventure
robinsonnade, on finira par réfléchir, car l'auteur essaie de nous apprendre la
philosophie de la vie: Peur de la mort, on donne à la vie sa valeur; peur de l'avenir,
on rend précieux l'instant; peur de la solitude, on se fait re-considérer les rapports
humains et le rôle d'autrui.
Vendredi ou les limbes du Pacifique est un roman philosophique, mais l'auteur ne
présente pas sa philosophie comme un point de discussion. Au lieu d'imposer ses
idées, il cherche à stimuler la curiosité intellectuelle du lecteur. Son point de vue
s'infiltre dans le roman avec une série de questions. Dès le commencement de
l'histoire jusqu'au bout, les interrogations existent partout, le Robinson de
Tournier pose le problème de la vie et de la relation avec autrui. La méditation sur
la vie et la philosophie de la solitude accompagnent toujous l'aventure de
Robinson. L'auteur s'interroge sans cesse, en même temps il nous interroge aussi.
Introduction
5
Ces questions nous invitent à participer à cette aventure morale et nous conduisent
à suivre la pensée de l'auteur afin de nous faire être de son avis. Michel Tournier
n'est pas enseignant, mais initiateur, sa philosophie est le but de l'initiation.
L'auteur crée une nouvelle formule mythologique de l'aventure de Robinson. Dans
ce nouveau mythe, Robinson subit une transformation, Vendredi devient initiateur,
les animaux ( Tenn, Andoar ), la terre et les arbres se présentent touts comme un
personnage, on peut tirer quelque chose de philosophique en analysant les rapports
entres tous ces personnages. Cette formule mythologique est comme le moyen de
l'initiation. La philosophie s'infiltre dans le roman grâce au mythe. « Le passage
de la philosophie au roman m'a été fourni par le mythe» 1 dit Michel Tournier
dans le vent Paraclet. Si l'on prend ce livre, on est sûrement surpris par les mythes.
C'est grâce aux mythes que l'homme retrouve la fraternité avec les éléments dans
un cosmos vivant.
Pourtant les vrais mythes ne contiennent pas de philosophie explicite, et il faut
aussi réprimer le plus possible les textes purement philosophiques dans l'oeuvre
littéraire. La réalisation du mariage entre la philosophie et le roman exige une
grande originalité d'écriture. Michel Tournier utilise les techniques romanesques
comme la représentation de l'initiation, ça fait le livre plus facile à comprendre;
d'autre part, les procédés dépassent la fonction traditionnelle et servent bien au
fond. Comme dans le nouveau roman, la forme de ce roman mérite aussi notre
attention.
D'après Tournier, une des grandes fonctions de la littérature est de révéler le sens
caché des choses, les personnages doivent d'ailleurs être initiés par d'autres
personnages. Sans craindre d'exagérer, nous pouvons dire que le thème de
1
Michel Tournier, Le vent Paraclet, Paris, Gallimard Folio, 1977, p. 86.
Introduction
6
l'initiation définit le premier roman de Tournier. Bien entendu, ici «initiation»
dans le sens le plus large, donc y compris le résultat ou le but de l'initiation (aspect
philosophique), le moyen employé de l'initiation (aspect mythologique) et aussi la
représentation du procédé (aspect romanesque). En faisant une comparaison par
rapport à The life and adventures ofRobinson Crusoe de Daniel Defoe et Vendredi
ou les limbes du Pacifique, on va présenter une analyse divisée en trois parties:
CI
Le premier chapitre cherchera à trouver le but de l'initiation. L'analyse en
détail des effets de l'absence d'autrui et le rôle d'autrui nous conduit à savoir
comment nous entendre avec autrui: la fraternité peut briser la solitude.
CI
Le deuxième chapitre présentera l'aspect mythologique, moyen de
l'initiation. Sous la formule mythologique, l'auteur reécrit les aventures de
Robinson. En comparant le livre de Daniel Defoe et celui de Michel Tournier
nous essayons de trouver les nouveaux mythes de Tournier dans le but de
comprendre l'intention de l'auteur.
CI
Le troisième chapitre étudiera la fonction des procédés narratif de ce roman,
représentation de l'initiation, dans le but de trouver la correspondance entre la
forme et le fond et de saisir les endroits où l'auteur semble se confondre avec
son oeuvre.
En abordant ces trois aspects, nous essayerons d'apprécier la valeur littéraire de
Vendredi ou les limbes du Pacifique et d'apporter une nouvelle lumière dans les
recherches sur le grand auteur contemporain Michel Tournier. Il aura atteint son
objectif s'il vous intéresse à ce roman, et, pour le mieux, s'il vous susciter l'intérêt
d'aller plus loin dans les études de ce roman. Aussi est-il souhaitable d'être utilisé
dans les cours de composition.
La fraternité -but de l'initiation
7
Premier Chapitre
La fraternité-but de l'initiation
Introduction
Vendredi ou les limbes du Pacifique est considéré comme un roman d'initiation,
après avoir lu ce roman, on comprend que le but de l'initiation est la fraternité.
Présenté comme un solitaire, Robinson lutte contre la solitude, et il arrive enfin à
briser la solitude grâce à l'amour et à s'harmoniser avec Vendredi et avec la nature
ou les éléments cosmiques. Il semble que son aventure nous fait comprendre la
philosophie de la solitude, d'autrui, et de la fraternité. Dans ce chapitre, on essaie
de dévoiler ce but de l'initiation en répondant à la question: pourquoi nous avons
besoin de la fraternité. Donc il faut tout abord connaître les désavantages de la
solitude et la nécessité de l'autrui. Ainsi ce chapitre comprend trois parties:
1) La solitude conduit à la déshumanisation
2) L'autrui est indispendable à la connaissance
3) La fraternité peut briser la solitude
1.1 La solitude conduit à la déshumanisation
Selon Aristote, l'homme est fait pour vivre en société. Dans Vendredi ou les
limbes du Pacifique, Tournier supporte cette philosophie et pousse plus loin cette
même question en analysant le travail d'érosion de la solitude sur une âme
civilisée.
L'homme est différent de l'animal, ça se présente dans beaucoup de domaines:
l'homme porte des vêtements, l'homme marche debout, l'homme possède le
La fraternité -but de l'initiation
8
language; leur vie est rythmée par le temps ou pour dire précisement par le
calendrier, on a des émotions très variées, etc. Imaginons: si vous êtes seul sur une
île, est-ce que vous pouvez garder toujours ces caractères humains? Michel
Tournier nous montre une telle imagination, il jette Robinson dans une île sans
aucune personne, et lui laisse faire une aventure sous sa plume et sur le papier
blanc. Mais Tournier n'a pas choisi de décrire un faible comme le fait Daniel
Defoe, il a travaillé sur le problème philosophique. En lisant le début et la fin de ce
roman, on peut dire que l'aventure de Robison est comme un processus de
déshumanisation.
Robinson est une âme civilisée, il est jeté sur l'île déserte malgré lui-même, donc
au début, sa première réaction après s'être réveillé est de signaler son existence
pour être sauvé par d'autres. Robinson n'a aucune intention de rester sur l'île, il
pense toujours à la quitter. Mais à la fin de ce roman, un bâtiment y arrive, et le
commandant veut l'aider à le conduire à son pays natal, mais Robinson décide d'y
rester. Pourquoi après 28 ans de la vie sur l'île, Robinson prend une décision si
différente? C'est parce qu'il a subit l'érosion de la solitude. Il semble que
Robinson ne peut plus se réintégrer dans la société civilisée. La solitude l'a
déshumanisé. Cette déshumanisation se présente à la fois apparente et profonde,
on peut trouver non seulement un changement physique de Robinson mais aussi
une métamorphose spirituelle.
1.1.1
Le changement physique de Robinson
A. Le changement de l'apparence
Apparemment, il s'agit tout abord la nudité. Entouré par la multitude de ses
semblables, on ne peut s'offrir sans danger. Le sentiment de pudeur nous fait
La fraternité -but de l'initiation
9
porter les vêtements, donc ceux-ci sont considérés comme un symbole de la
civilisation.
Au début, Robinson éprouve de la difficulté avec la nudité, les vêtements lui sont
très importants et il trouve difficile de les enlever même s'il est seul sur l'île. Mais
jusqu'à un jour de pluie, comme les vêtements trempés gênent ses mouvements, il
se déshabille, donc il a la première expérience de la nudité. Il se regarde: « "Un
phoque d'or" pensa-t-il avec un vague sourire ...11 se sentait soudain en vacances,
et un accès de gaieté lui fit esquissser un pas de danse lorsqu'il courut ...»2 Et à la
fin de ce roman, Robinson, encouragé par Vendredi, s'expose nu au soleil.
«D'abord apeuré, recroquevillé et laid, il s'était épanoui peu à peu. Sa peau avait
pris un ton cuivré. Une fierté nouvelle gonflait sa poitrine et ses muscles.»
3
D'autre part, son autre aspect extérieur en a aussi subi une atteinte. Vivant dans un
monde sans autrui, Robinson perd peu à peu les émotions. Il n'a plus peur, car
personne ne le menace; il n'a pas d'occasion d'être en colère, ou être jaloux,
même il n'a pas d'excuse de rire. Sauf solitude, il éprouve très peu d'émotion,
alors un jour il se voit défiguré et rigide en se regardant pour la première fois dans
un miroir, c'est un visage figé. Cela change jusqu'au jour où Robinson se rend
compte la liberté de Vendredi. Imitant Vendredi, Robinson « avait renoncé à se
raser le crâne, et ses cheveux se tordaient en boucles fauves de jour en jour plus
exubérantes ... Il avait ainsi rajeuni d'une génération »4 Dès alors, Robinson trouve
une ressemblance évidente entre son visage et celui de Vendredi.
B. La perte de l'aptitude d'être debout
La solitude exerce une autre influence plus grave sur Robinson. On sait que l'une
2
Tournier, Michel, Vend~edi ou les limbes du Pacifique, Paris, Gallimard Folio, 1972, p. 29.
3
Ibid, p. 192.