Chapitre 2 - Sen

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Cours Économie de l’Éducation 4e année
Chapitre 2 :
Analyse d’ensemble de la contribution de
l’éducation à la croissance économique.
Ce chapitre sera divisé en deux sections. Dans une première section, nous
ferons une revue de la littérature traitant du lien entre éducation et croissance
économique et dans une deuxième section, nous allons estimer la contribution de
l’éducation à la croissance économique par la Méthode des M.C.O.
SECTION 1 : Les fondements théoriques de la
relation éducation-croissance économique
La littérature sur la relation éducation-croissance est très fournie. La
théorie du capital humain en est la théorie centrale. L’une de ses prédictions
majeures est que l’éducation entraîne la croissance économique d’un pays. Cette
prédiction acquiert le rang de postulat dès l’instant qu’elle a su résister aux
attaques dont elle a été l’objet. Sur cette base, le problème qui se pose à la théorie
économique est comment l’éducation contribue-t-elle à la croissance économique ?
Cette théorie du capital humain postule que c’est par le biais de l’amélioration
de la productivité des travailleurs que l’éducation contribue à la croissance
économique. Cette contribution peut aussi se faire de manière indirecte par les
externalités positives engendrées par l’éducation et par d’autres types de
ressources humaines comme la santé, la pauvreté, la nutrition, la fécondité, etc. via
l’éducation.
I/ Les relations éducation-développement
La prise en compte de l’éducation en tant que facteur important de la
croissance dans les questions de développement, ne date pas d’aujourd’hui. L’histoire
de la pensée économique montre que Adam SMITH, fut l’un des premiers auteurs de
son époque à s’interroger sur la valeur intrinsèque de l’homme. Adam SMITH (1779)
dans « La richesse des nations… » écrivait sur la première page que la cause
principale du bien-être des individus réside dans l’intelligence, l’habileté et le
discernement (ability, dexterity and judgment) avec lequel tout travail est
effectué.
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Mais le débat fut véritablement lancé dans les années 1960 où les
économistes ont commencé à s’interroger sur l’intérêt économique (pour la société)
de l’éducation.
Quelles peuvent être les implications économiques de l’éducation pour les
individus qui la reçoivent et les nations qui le mettent en œuvre ? C’est à cette
question que des efforts de réponse, sous la forme « d’une théorisation
systématique » (Logossah, 1994), vont voir le jour et donner naissance à la théorie
du capital humain.
II/ Le concept de capital humain et ses implications économiques
L’on a constaté que certaines activités économiques ont un impact immédiat
sur le bien-être de l’homme, alors que d’autres produisent des effets différés. En
exemple, si assister à un concert public ou aller à la plage peuvent procurer des
satisfactions immédiates à leurs bénéficiaires, aller à l’école ou apprendre un métier
exercent quant à eux des effets plus retardés et différés sur le bien-être des
individus qui le reçoivent. Car dans ce dernier cas, il faut du temps pour voir les
fruits de ces activités généralement des mois, des années voire même des
décennies.
C’est sous cet angle que, investir des efforts, sous toutes ses formes, en
faveur de l’éducation, a été considéré par Pierre Gravot (1993) comme un capital (au
sens économique du terme) capable d’améliorer la productivité des travailleurs.
Mais il faut dire que la notion du capital humain, dans sa conception
développementaliste, a bien évolué. A l’origine, le capital humain n’était appréhendé
que pour ces effets individuels, mais non collectifs (Saks, 994). Autrement dit,
l’éducation ne profite qu’à l’individu qui la reçoit. Ce qui a conduit un certain nombre
d’auteurs à soutenir que la société n’a pas intérêt à investir dans la formation des
individus. L’homme investit en lui-même pour des motifs personnels de profit et non
pour accroître la richesse de la nation ou l’entreprise (A. Marshall). Ce n’est que
bien après que l’idée que l’éducation contribue effectivement à la croissance
économique fut admise.
Mais là n’est as le problème essentiel. Si l’éducation contribue réellement à la
croissance économique, la question que l’on est en droit de se poser est de savoir
quels sont les canaux par lesquels se joue cette contribution.
L’impact de l’éducation sur la croissance économique et le développement
n’est plus à démontrer. Plusieurs études théoriques et empiriques (que nus
présenteront plus tard) consacrées à cette question inondent la littérature
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économique de ces dernières années. Ce que Bowman a qualifié de « révolution dans
la pensée économique de l’investissement dans l’homme »
Selon la théorie traditionnelle du capital humain, c’est par le biais de
l’amélioration de la productivité des travailleurs que l’éducation contribue à la
croissance économique. Cette relation selon Beker (1964), résulte de ce que la
formation, qu’elle soit générale ou spécifique à une tâche, affecte positivement la
productivité des individus en améliorant leurs compétences et connaissance
générales, en leur procurant des qualifications directement ou potentiellement
applicables au processus de production.
En améliorant la qualification et la dextérité des travailleurs, l’éducation
crée un ensemble de facteurs au processus de production. Elle permet notamment à
l’économie, selon Gravot (1993), de disposer de main d’œuvre qualifiée surtout dans
le domaine scientifique et technique.
L’Etat, par ses investissements éducatifs doit pouvoir en tirer les avantages
à moins au moyen terme du fait de la capacité productive des citoyens qui s’en
trouve ainsi renforcée. Il augmente de cette manière toutes ses possibilités de
retrouver le chemin d’une croissance soutenue, condition nécessaire au
développement. Les expériences dans ce domaine ne manquent pas. L’histoire de la
pensée économique a montré que ce sont les pays qui ont le plus investi dans le
capital humain qui ont connu le degré de développement économique le plus élevé.
Lorsqu’on regarde les faits et les chiffres, on constate que le Japon, la
Corée, la Suisse… doivent leur extraordinaire développement à la qualité de leurs
ressources humaines. Les nouveaux pays industrialisés ont investi au moins 10 % de
leur PNB dans la recherche et développement. Les études consacrées aux « tigres »
de l’Asie du Sud-Est sont unanimes pour reconnaître que ce sont les énormes
investissements consentis dans le domaine de l’éducation, à la fin des années 1950
et au cours des années 1960, qui sont à la base de la croissance rapide enregistrée
par ces pays ces dernières années.
Il ressort de ces quelques observations empiriques, que l’éducation est un
facteur moteur et déterminant de la croissance économique et qu’à ce titre, son
implication dans les politiques de développement ne doit souffrir d’aucune légèreté.
Selon Augustine Oyowe (Le courrier septembre, octobre 1996) « tout ce dont un
pays a besoin pour réussir sur la plan économique est une main d’œuvre relativement
qualifiée et une certaine quantité de capital physique ou de ressources naturelles.
Or, l’Afrique subsaharienne dispose de ressources naturelles suffisantes. C’est
l’autre élément de l’équation, à savoir une main d’œuvre relativement formée qui lui
fait cruellement défaut ».
On voit que, l’éducation est un facteur d’efficacité qui élève la productivité
des travailleurs et contribue de cette manière à augmenter la production.
L’éducation est ainsi associée aux autres facteurs traditionnels (capital et travail)
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pour expliquer les performances et les contres performances. Pour attester de la
validité de tous ces développements théoriques, diverses études ont essayé de
tester et de quantifier l’impact de l’éducation sur la croissance économique.
III/ L’impact global de l’éducation sur la croissance économique :
Analyses empiriques
Les premières tentatives de vérifications empiriques de l’effet de l’éducation
sur la croissance économique datent des années 1960 avec les travaux pionniers de
Sehultz (1961) et Denison (1962).
Ces études ont suscité un regain d’intérêt de la théorie de la croissance,
alors qu’on croyait déjà achevées ces recherches avec les travaux de Solow. E,
effet, selon la théorie traditionnelle de la croissance à la Slow, la croissance
économique est le résultat de la combinaison des facteurs capital et travail. Or les
tentatives de désagréger la croissance de la production en parts imputable au
capital et au travail, ont laissé apparaître l’existence d’un résidu inexpliqué
(Psacharopoulos et Woodhall, 1988). C’est en recherchant ce que cachait ce résidu
que les chercheurs ont pu se rendre compte qu’il est imputable aux effets
bénéfiques de l’éducation.
Par deux méthodes d’évaluation différentes mais équivalentes, Denison
(1961) et Schultz (1962) ont abouti à des résultats bien similaires. Denison calcule
que 23 % de la croissance des Etats-Unis entre 1930 et 1960, était imputable à
l’accroissement de l’éducation de la force du travail. Schultz (1963), par sa méthode
du taux de rendement, est arrivé lui aussi à la même conclusion que l’éducation
contribue pour une bonne part à la croissance américaine.
A la suite de ces deux auteurs, d’autres études vont être menées et
appliquées à d’autres pays pour des périodes différentes. Les résultats, même s’ils
sont assez disparates, attestent cependant de l’effet réel de l’éducation sur
l’activité économique. Une liaison que l’on qualifie de significativement positive.
Tableau 1.3 : Estimation de la contribution de l’éducation à la croissance économique des pays
développés.
Pays développés
Etats-Unis
Canada
R.F.A
Grande-Bretagne
Belgique
Japon
France
Parts de l’éducation en %
23
25
2
12
14
3,3
10
Auteurs
Denison
----Psacharopoulos
Carré et al.
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Source : A partir de Logossah, in économie et prévision, n° 116-1994-5
Tableau: Estimation de la contribution de l’éducation à la croissance économique des pays sousdéveloppés
Pays en développement
Argentine
Mexique
Brésil
Ghana
Nigeria
Parts de l’éducation en %
16
0,8
3,3
23,2
16
Auteurs
Nadiri (1972)
--Psacharopoulos Carré et al. (1988)
---
Source : A partir de Logossah, in économie et prévision, n° 116-1994-5
L’observation qu’il convient de faire l’examen de ces tableaux, c’est qu’il y a
des différences relativement notables dans les taux de croissance entre les pays
développés (P.D) et les pays sous développés (P.V.D). Ces différences ne détruisent
en rien les prédictions de la théorie du capital humain. Elles traduisent plutôt une
réalité : la faible couverture scolaire et la baisse du rendement interne et externe
de l’éducation. Si lest Etats-Unis tirent 23 % de leur croissance de l’éducation, cela
est la conséquence des investissements réalisés dans ce domaine.
Le niveau de développement d’un pays est étroitement lié à son niveau
d’instruction au point même d’en dépendre. Plus le niveau d’éducation d’un peuple est
élevé, plus il y a de chance que ce pays soit développé. La question que l’on peut se
poser est de savoir quel est le niveau d’études à partir duquel on peut
raisonnablement parler d’un impact de l’éducation sur la croissance ? Il n’est pas
évident de répondre à une telle question, car la réponse varie d’un secteur d’activité
à un autre. Toutefois, des études empiriques ont montré que quatre années
d’enseignement élémentaire font progresser la productivité d’un agriculteur dans les
P.V.D de 8,7 % en moyenne.
Horowitz et Sherman (1980) en étudiant les performance des techniciens
des chantiers navales aux Etats-Unis, ont pu montrer que les équipes de travail
ayant un niveau d’éducation moyen plus élevé améliorant plus leur productivité que
celles dont le niveau de formation moyen est moindre.
IV/ Les effets indirects de l’éducation sur la croissance économique
Les effets indirects de l’éducation sur la croissance économique s’articulent
autour de deux points essentiels, d’une part ils se manifestent par les externalités
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positives que l’éducation engendre et d’autre part la liaison entre l’éducation et les
autres types de ressources humaines à savoir : la santé, la nutrition, la pauvreté, la
fécondité, etc.
Externalités positives engendrées par l’éducation
L’éducation d’un individu peut exercer une influence sur le comportement
d’autres individus ou plus généralement sur l’environnement (au sens large de
l’individu). En d’autres termes, l’éducation est génératrice d’externalités dont la
personne éduquée est l’émettrice et les autres individus les bénéficiaires. Par
exemple, l’éducation est génératrice de revenus ou avantages indirects chaque fois
que l’éducation d’un individu donné améliore en termes économiques la situation d’un
ou de plusieurs autres individus ou le produit économique de la collectivité dans son
ensemble.
Externalités et environnement immédiat
L’éducation du père ou de la mère, leur emploi ou leur lieu de résidence
rejaillit sur la cellule familiale et particulièrement sur les enfants, leurs études et
plus généralement leurs activités et leurs compétences. Autrement dit, il n’est pas
nécessaire que les parents s’impliquent concrètement dans l’éducation de leurs
enfants, leur seule présence et comportements suffisent à engendrer cet effet
bénéfique.
La seconde sphère est le milieu de travail. Il est vraisemblable que le niveau
d’éducation d’un individu rejaillit sur ses collègues qui profitent gratuitement » de
son savoir-faire, des ses conseils, de son sens de l’organisation. Ils peuvent en
retirer une meilleure efficacité, éventuellement des revenus plus élevés.
Externalités et environnement collectif
Les effets à ce niveau sont évidemment plus diffus et résultent d’une somme
de comportements individuels. C’est plutôt l’effet du niveau d’éducation moyen de la
population qui est en jeu. Dans cette perspective, et en reprenant la même
démarche, nous pouvons repérer trois sphères d’influence :
- Il est en général admis qu’un niveau d’éducation élevé favorise la
démocratie et le développement des procédures de choix liées à ce régime ; on peut
aussi supposer que la stabilité politique et institutionnelle en sera favorisée.
- A un niveau très général, on estime que l’éducation est un facteur de
cohésion sociale, augmentant la solidarité. Il en résulte un développement des
institutions sociales : sécurité sociale, système d’allocation chômage, système
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judiciaire et bien entendu, système éducatif lui-même. Tous ces éléments qui
viennent d’être énumérés sont susceptibles de favoriser la croissance économique
dans tout pays dans lequel ils se trouvent.
L’éducation favorise globalement le fonctionnement des marchés. Sur le
marché des biens, le consommateur « éduqué » aura un comportement de recherche
d’informations plus efficaces. Pour le marché des capitaux, outre ce comportement
de recherche permanente d’informations efficaces, l’agent économique scolarisé est
mieux à même d’atténuer les risques de défaillance des emprunteurs. Le niveau
d’éducation a une influence sur la mobilité, l’adaptabilité et l’information d’offreurs
de travail.
Parmi les externalités positives que peuvent engendrer l’éducation, il y a la
prédisposition au progrès technique de la part des individus qui en sont
bénéficiaires, mais aussi une diffusion des innovations et de ce progrès technique à
travers les générations. Cette capacité dans la diffusion des innovations est de nos
jours un éléments déterminant dans la compétitivité qui est devenue sans frontière
avec la mondialisation.
V/ Relation entre éducation et autres types de ressources humaines
L’éducation peut engendrer la croissance économique par l’intermédiaire
d’autres ressources humaines comme la santé, la nutrition, la fécondité, etc.
L’analyse des relations entre l’instruction de la mère d’une part, la fécondité,
la morbidité et l’état nutritionnel des enfants montre la contribution indirecte de
l’éducation à la croissance économique d’un pays (EDS, 1986)
L’éducation peut influencer la croissance par l’intermédiaire d’une réduction
de la fécondité. L’enquête démographique et sociale de 1986 fait ressortir que le
nombre d’enfants désiré par les femmes sénégalaises qui sont allées à l’école
primaire est en moyenne de 5,6 et de 4,5 pour celles qui ne sont jamais allées à
l’école. Cela se traduit dans les naissances effectives, puisque l’indice synthétique
de fécondité des femmes ayant reçu une éducation secondaire était de 3,8 contre
6,6 pour l’ensemble des femmes. Le lien entre réduction de la fécondité et la
croissance est certes moins évident : si l’on constate une forte corrélation entre
ces deux variables, la causalité est loin d’être établie. Néanmoins, dans un pays
comme le nôtre qui souffre d’une importante détérioration de son environnement
naturel, liée en partie à la forte pression sur les terres cultivables, et qui connaît
des taux chômage élevés, en particulier dans les villes, un ralentissement de la
croissance démographique peut être un des moyens de sortir du piège de la
pauvreté.
Des parents instruits ont tendance à privilégier la qualité de leurs enfants à
leur nombre. Ce comportement a pour conséquence une stabilisation du taux de
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croissance naturelle de la population, une jeunesse plus apte à recevoir une
instruction et à long terme des citoyens bien dotés en capital humain. C’est en effet
ce qui faisait dire à la Banque Mondiale (1980) « Donner de l’instruction aux filles,
même si celles-ci ne doivent jamais entrer sur le marché du travail, pourrait bien
être l’un des meilleurs investissements qui soient dans la croissance économique d’un
pays et de son bien-être social.
En réalité, ces éléments (éducation, nutrition, fécondité …) forment une
trame ininterrompue dont les relations démultiplient les effets positifs de
l’éducation sur la croissance économique.
La maladie peut avoir beaucoup d’effets sur la production ou la croissance
économique.
- soit elle a affaiblit la productivité marginale du travail en affectant les
capacités physiques et intellectuelles
- soit elle accroît les ressources publiques affectées aux politiques de
ressources humaines (c’est le cas actuel du Sida).
L’éducation facilité la prévention ou la lutte contre certaines maladies. Les
travailleurs instruits sont peu exposés au risque de maladie, par conséquent, ils sont
plus disponibles au travail.
Comme on le voit, des preuves empiriques de la relation positive entre niveau
d’alphabétisation et niveau de développement sont de plus en plus nombreuses. Il
apparaît ainsi très clairement, selon le point de vue d’Andréa Giovanni, qu’investir en
ressources humaines et particulièrement dans le capital humain, relève « d’une saine
politique de développement ».
Les analyses ci-dessus sont l’objet de nombreuses critiques. Certaines de ces
critiques se sont déployées dans le sens de les améliorer, tandis que d’autres
tendent à les détruire.
SECTION 2 : L’apport des théories
de la croissance endogène
On peut considérer les dépenses d’éducation, de santé et de formation
comme des facteurs de croissance en ce qu’elles accélèrent l’accumulation de capital
humain, les théories de la croissance endogène, mettent ainsi en exergue le rôle
économique de l’Etat. Celui-ci est en effet l’agent le plus habilité pour réaliser ce
type de dépenses qui jouent un rôle important dans le processus de croissance
endogène.
L’intérêt primaire de l’investissement public en capital humain est qu’il
permet d’accroître la productivité sociale. Si l’on admet en effet qu’une meilleure
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formation, théorique ou pratique, augmente l’efficience productive de l’individu, les
effets externes du type « learning-by-doing » qui découlent de son activité
permettent alors d’accroître la productivité des agents qui le côtoient. Ainsi
l’échelle globale, plus le stock de capital humain disponible est élevé, plus la
production par tête est importante. Des tests empiriques menés par LOCKEED et
Alii (1980) à partir de données relatives à des données relatives à des pays en
développement ont montré que quatre années d’enseignement élémentaire
permettent d’accroître la productivité d’un agriculteur de 8,7 % en moyenne.
En outre puisque l’éducation est un moyen privilégié d’accumulation du capital
humain, les dépenses publiques effectuées, en sa faveur apportent alors une
contribution essentielle au processus de croissance endogène. D’ailleurs,
l’importance accordée à l’éducation est telle que des modèles ont été élaborés qui
font exclusivement de cette activité une source de croissance auto-entretenue.
Dans ce type de modèle, la constance des rendements d’échelle est assurée par
l’effet direct du niveau d’éducation sur la productivité des travailleurs. La
croissance des rendements au niveau macroscopique découle des externalités
qu’engendre le niveau d’éducation. Par ailleurs des travaux économiques soulignent le
rôle essentiel que jouent les dépenses d’éducation sur le processus de croissance.
DENILSON (1962) estime que la croissance économique des Etats-Unis entre 1930
et 1960 est due pour 23 % à l’accroissement du niveau d’éducation de la force de
travail. Les travaux de NADIRI (1972) chiffrent cette contribution de l’éducation à
0,8 % pour le Mexique et 3,3 % pour le Brésil.
BARRO (1991) montre que pour un niveau donné de Produit Intérieur Brut par
tête en 1960, les pays à fort taux de scolarisation ont enregistré un taux de
croissance plus élevé que celui des pays à faible taux de scolarisation. Ainsi on
comprend difficilement qu’au moment où l’importance des dépenses publiques
d’éducation de formation dans le processus de croissance est fortement soulignée
par les nouvelles théories de la croissance, que des pays en développement sous
ajustement structurel s’évertuent à restreindre la progression de ces types de
dépenses. Certes à court terme, une telle politique est prompte à rétablir l’équilibre
des finances publiques de ces pays. Mais la croissance économique qui s’amorce
péniblement depuis peu dans certains de ces pays risque de n’être point durable.
Dans une perspective de croissance endogène, cet essoufflement de la croissance
devrait résulter de la décroissance des rendements marginaux du capital humain.
SECTION 3 : La remise en cause de la relationcroissance économique.
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Les critiques relatives à la relation éducation-croissance portent d’une part
sur les études empiriques et d’autre part sur la théorie du capital humain.
I/ Critiques relatives aux études empiriques
Les estimations de ces différents auteurs reposent sur des hypothèses
théoriques nombreuses et variées qui ont été contestées. En particulier, on fait
l’hypothèse que les gains des différents groupes de travailleurs sont une mesure de
leur contribution à la production, que les gains les plus élevés des travailleurs
éduqués sont le reflet de leur productivité accrue, et donc de leur contribution à la
croissance économique ; et que la relation entre les inputs et l’output est assez
simple, et peut être analysée à partir d’une fonction de production agrégée.
La Banque Mondiale et Kicks (1980) ont fait une étude utilisant les
techniques économétriques pour relier les inputs à l’output de l’éducation. Cette
étude a de nouveau montré le lien entre l’éducation et la croissance de la production
certes, mais elle ne prouve pas que l’inverse est vrai ; c’est à dire que les pays qui
ont des niveaux élevés de développement de leurs ressources humaines connaîtront
de ce fait une croissance économique plus rapide. C’est ce qui faisait dire à John
Vaizey « l’éducation n’est pas le « sésame ouvre-toi de la croissance » ; car s’il l’était
les Indes et l’Egypte seraient beaucoup plus riches qu’elles ne le sont, surtout
depuis que l’Egypte a bien plus de diplômés que l’Angleterre ».
Le fait que les pays riches ont des taux d’alphabétisation plus élevés et
dépensent plus en matière d’éducation que les pays pauvres peut signifier que
l’éducation aide les pays à devenir riches, mais il peut signifier aussi que les pays
riches peuvent se permettre de dépenser plus en matière d’éducation.
II/ La remise en cause de la théorie du capital humain
La relation éducation-productivité a été remise en cause de diverses
manières : la théorie du filtre, la segmentation du marché du travail, l’inflation des
diplômes et les imperfections du marché du travail.
La théorie du filtre
La théorie du filtre a été formellement élaborée par Kenneth Arrow,
Taubman et Wales. Les hypothèses montrent que la relation positive entre salaire
et éducation est exacte et observable dans presque toutes les sociétés mais
l’explication ne vient pas de l’amélioration de la productivité que confère l’éducation.
En réalité, dit cette hypothèse, l’origine de cette relation positive est l’incapacité
de l’employeur à déterminer les capacités productives naturelles de l’individu, ce qui
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l’amène à considérer l’éducation comme un filtre efficace pour sélectionner les
travailleurs. Devant l’indisponibilité de l’information relative aux caractéristiques
productives du demandeur d’emploi (offreur de travail), l’employeur réserve en
priorité les emplois les mieux rémunérés aux travailleurs les plus éduqués, parce que
les considérant comme étant plus productifs. C’est donc la capacité naturelle
génétique du travailleur qui lui permet d’acquérir un niveau de productivité plus
élevé. L’éducation permet tout simplement de renforcer les caractéristiques
nécessaires au milieu du travail que sont la discipline, la rigueur, l’obéissance, etc.
L’hypothèse de la segmentation du marché du travail
Selon l’hypothèse de la segmentation du marché du travail, le salaire est
déterminé par le type de marché de travail. L’éducation ne permet que de choisir les
segments d’emploi les plus rémunérateurs. Dans un segment du marché du travail
moins rémunérateur, l’on a du mal à en sortir quel que soit la productivité que le
travailleur démontrera.
Les réponses à cette objection viennent du fait que l’on remarque dans les
sociétés avancées, une mobilité dans l’emploi surtout dans le même secteur
d’activité. Cette mobilité proviendra essentiellement de la productivité que l’on aura
démontrée.
La deuxième observation, c’est que, l’on constate que dans le secteur
essentiellement privé, les individus auront tendance à recevoir un salaire lié à leur
productivité. Sinon l’information sur le marché du travail leur permettra de
démissionner et d’acquérir un autre emploi.
Par contre, si l’employeur a tendance à payer au-dessus de cette productivité
marginale, il fera faillite à moyen ou long terme. Donc la productivité n’est pas
forcément liée à la segmentation du marché.
La baisse de la profitabilité dans le temps et le phénomène de chômage des
diplômés.
L’éducation est un bien qui est recherché en soit sur la marché du travail et
n’est pas liée forcément à la productivité.
L’existence de diplômés chômeurs tendrait à remettre en cause l’amélioration
de la productivité liée à l’éducation, laquelle devrait permettre à l’individu d’avoir un
revenu salarial, du moins de s’auto-employer.
La réponse à cette objection est qu’il peut exister des chômeurs volontaires
qui ne sont pas prêts à accepter le taux de salaire prévu sur la marché du travail.
Ces imperfections peuvent aussi être dues aux réglementations provenant des
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syndicats ou de l’Etat. Ainsi l’existence d’un minimum salarial a tendance à bloquer
l’emploi dans certains secteurs. L’inflexibilité du salaire à la baisse empêche
également le recrutement des diplômés.
La contribution de l’éducation à la croissance est encore plus forte si on
prend en compte les complémentarités entre l’éducation et d’autres formes de
ressources humaines. Les ressources humaines, comme la littérature économique
nous le fait constater, constituent une source importante de croissance économique
et de développement des nations. Ceci est rappelé par les nouvelles théories de la
« croissance endogène » rappelant ainsi les premiers travaux de Odd AUKRUST
dans les années 30 et 40.
L’analyse économique moderne, surtout depuis les PAS a permis de faire
comprendre que les ressources humaines, l’éducation en particulier jouent un rôle
important dans la réduction de la pauvreté mais surtout dans la résolution des
problèmes d’équité dans toute société. En effet, l’efficacité économique qui
recommande un investissement dans les secteurs dits traditionnellement productifs
est désormais corrigée par le souci d’équité qui porte sur la résolution des
problèmes sociaux que la seule efficacité ne réussit pas à résoudre.
Sans nul doute, des efforts sont faits en faveur de l’éducation par le Sénégal
(chapitre précédent) ; il reste à se demander ce qu’il gagne en contrepartie et de
tenter de l’évaluer.
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