International Institute for Labour Studies United Nations Development Programme Patterns and causes of social exclusion and the design of policies to promote intégration The Second Workshop Robinson Collège, Cambridge, 14-18 July 1994 Causes et modes de l'exclusion sociale en Tunisie RECEIVED I 4 JUL 1934 L*boor Office by Mongi Bédoui, Consultant, Tunis * * * 40006 N.0 m&L WT CAUSES ET MODES DE L'EXCLUSION SOCIALE EN TUNISIE LE CHOMAGE, AU CENTRE DE L'ETUDE DE L'EXCLUSION DANS LES PAYS INDUSTRIALISES 11 - LE PHENOMENE DE PAUVRETE, AU CENTRE DE L'ANALYSE DU CONCEPT D'EXCLUSION DANS LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT III- LE CHOMAGE ET L'EXCLUSION EN TUNISIE : LIMITES DES SCHEMAS DE DEVELOPPEMENT ADOPTEES IV- PAUVRETE ET CHOMAGE : PRINCIPALES CAUSES DE L'EXCLUSION EN TUNISIE CAUSES ET MODES DE L'EXCLUSION SOCIALE EN TUNISIE C'est avec le déclenchement de la grande crise du début des années 70 et sa répercussion à l'échelle mondiale, entraînant de grandes mutations structurelles tant intra- qu'inter-nationales que le concept d'exclusion (ou de marginalisation) connaît un regain d'intérêt et fait l'objet de plusieurs travaux d'investigation aussi bien dans les domaines socio-économiques que psychologiques et politiques. Si les inégalités étaient toujours constatées dans l'histoire économique et sociale des peuples, elles ont atteint avec cette crise des dernières décennies des proportions souvent intolérables, mettant par là en cause les théories et les stratégies économiques suivies par les différents pays. Autrement dit, si l'attention des chercheurs s'est focalisée au lendemain de la seconde guerre mondiale (période des vaches grasses) sur l'analyse des systèmes productifs mis en place et l'étude des rapports de production surtout au sein de l'entreprise elle même (1), avec l'aggravation du problème de chômage, de la stagnation des économies, de l'inflation et de l'élargissement des inégalités qui ont caractérisé les dernières années, l'attention s'est orientée vers l'analyse de l'exclusion, ciblant surtout ses mécanismes, ses origines et ses conséquences'2':. Mais il faut préciser qu'en dépit de cette pluralité des études et de l'étendu du champ d'analyse, ce concept d'exclusion reste aussi bien peu défini qu'objet de confusion et d'ambiguïté. Ainsi les termes : exclusion, marginalisation, pauvreté, déprivation<3) : , défavorisation sont souvent utilisés comme synonymes décrivant une même réalité. (1) : C'est grâce à cette orientation qu'il y a eu développement de l'économie industrielle et des analyses psycho-sociologique des rapports de production. (2) : S'inscrivant dans cette approche, les travaux de recherche de l'Institut Internationa] pour Des Etudes Sociales de l'O.I.T. cherchent à aboutir à une meilleur compréhension des mécanismes d'exclusion afin d'améliorer les moyens d'action pour développer les dispositifs d'insertion dans le monde. (3) : Par "déprivation" on entend souvent détérioration ou dégradation des conditions de vie, dénuement, appamrissement.. 2 Si la définition est souvent évacuée des études, le contenu du terme (exclusion) est saisi généralement à travers les éléments de l'analyse, éléments qui diffèrent en fonction des modes de croissance et des stratégies socio-économiques adoptées. I- LE CHOMAGE, AU CENTRE DE L'ETUDE DE L'EXCLUSION DANS LES PAYS INDUSTRIALISES C'est généralement en terme de rupture de la cohésion sociale causée par le chômage qui a atteint une proportion jamais connue dans l'histoire contemporaine que le phénomène d'exclusion a été posé dans les pays industrialisés. Autrement dit, c'est autour de la notion d'exclusion que se sont cristallisés les récents débats dans les pays développés, révélant l'incapacité de ces sociétés d'intégrer une part croissante de la force de travail dans le tissu productif. C'est justement cette non intégration d'une fraction des membres des sociétés industrialisées qui est à la base du concept de fracture dans le corps social qui apparaît clairement à partir de la citation du grand sociologue français A. TOURAINE qui a définit l'exclusion comme "la nouvelle fracture de la société qui oppose ceux du dedans à ceux du dehors, par rapport à l'ancienne fracture, qui opposait ceux du haut à ceux du bas", consacre la dualisation de la société, le divorce entre les demandes sociales et rorganisation,la rupture entre les acteurs et le système' 1 ' : . Reflétant l'incapacité des institutions : les syndicats, l'école, l'Etat à offrir de l'emploi à des gens appelés "les nouveaux pauvres", le chômage est le plus mcriminé par les chercheurs comme la principale cause de cette "fracture sociale" dans les pays. En d'autres termes, c'est cette rupture avec le monde du travail qui a eu heu à la suite de la crise qui a été rendue responsable d'un nombre de résultats entraînant purement et simplement l'exclusion sociale. (1) : Cité par Maryse GAUDIER in "Pauvretés, inégalités, exclusions renouveau des approches théoriques et des pratiques sociales". - Institut International d'Etudes Sociales - Genève P. 20 - N° 17 - 1993 3 Le processus suivi est le suivant : "la perte de l'emploi entraîne la perte de revenu et du statut de travailleur, donc d'une disqualification professionnelle, ceci implique souvent la perte de possibilité de satisfaire quelques besoins vitaux : logement, santé,... développant alors un sentiment d'échec et un besoin d'assistance, ce qui entraîne de son coté la rupture avec la famille et les amis et par la suite avec la collectivité et la société". On considère tout simplement donc que la lutte contre le chômage est au même temps une lutte contre la pauvreté et l'exclusion et pour l'intégration et la cohésion sociale. II- LE PHENOMENE DE PAUVRETE, AU CENTRE DE L'ANALYSE DU CONCEPT D'EXCLUSION DANS LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT C'est la pauvreté qui était l'un des points centraux de la réflexion et une des questions les plus controversées dans les pays en voie de développement. Elle s'est substituée depuis quelques années dans la théorie économique au concept de sous-développement. Mais si la théorie n'a pas beaucoup progressé en matière de définition, et cela en raison de la nature pluridimentionnelle de la pauvreté et de son aspect relatif, la saisie de la réalité s'est améliorée avec les études de cas de pays et l'amélioration des outils de mesure. Ainsi, diverses tentatives de mesurer la pauvreté avec des méthodes autre que le revenu, ont été réalisées pour aboutir à des indicateurs sociaux de pauvreté, combinant plusieurs dimensions : santé, insertion sociale, conditions de logement Les indicateurs du développement humain (I.D.H.) élaboré en 1990 par le programme des Nations Unies est considéré un des plus précis et plus représentatif du phénomène de pauvreté, n prend en compte une gamme élargie des choix qui s'offrent aux populations quelque soit leur niveau de développement 4 Il combine un indicateur économique : le revenu national et deux indicateurs sociaux : l'alphabétisation des adultes et l'espérance de vie. Cet indice s'élève à 0,35 pour l'Afrique Sud Saharienne contre 0,62 pour les autres pays en développementm :. Mais, il faut ajouter que si la prolifération des études empiriques a contribué à comprendre aussi bien l'ampleur que les causes de la pauvreté dans les pays en voie de développement(2) : , elle a permis, par ailleurs l'amélioration de la compréhension de certains mécanismes de la pauvreté et le perfectionnement des instruments d'information permettant la création de diverses banques de données. Ainsi, la Banque Mondiale a estimé qu'a la fin des années 80 près du tiers de la population des pays en voie de développement vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Quant aux projections, elles tendent à montrer qu'il est probable que l'on observera une aggravation du phénomène au cours de cette décennie. Certes, l'aggravation de la situation de groupes à faibles revenus, du moins à cours terme, à la suite de l'adoption de programme d'justement structurel n'est pas étrangère à cette focalisation de la recherche, surtout empirique, sur l'analyse des mécanismes et causes de la pauvreté. Le marché du travail et la redistribution des revenus sont généralement considérés comme les plus importants indicateurs du coût social de l'ajustement. Ainsi, plusieurs éléments tendent à confirmer l'accentuation des déséquilibres sur le marché du travail, déséquilibres inhérents à la déstabilisation des économies ces dernières années. La question d'une politique sociale d'accompagnement des programmes d'ajustement s'est posée alors dans plusieurs pays(3) :. (1) : J.P. LACHAUD " Pauvreté et marché du travail urbain en Afrique du Sud du Sahara". I.I.E.S. 1993. (2) : Il est à préciser que plusieurs études, financées par l'USAID et la coopération technique de l'O.LT., ont été effectuées depuis la fin des années 80 dans plusieurs capitals Africaines et LatinoAméricaine. (3) : CMORISSON : " Ajustement et équité au Maroc" O.C.D.E. 1991 G. CORNIA; R. JOLLY : " L'ajustement à visage humain". Economica ; 1987. F; BOURGUIGNON et W. BRANSON "Ajustement and in corne distribution " - Journal of Developpment Economies • 1993. 5 III-LE CHOMAGE ET L'EXCLUSION EN TUNISIE : LIMITES DES SCHEMA DE DEVELOPPEMENT ADOPTES. Comme partout ailleurs, le problème de l'exclusion a été approché différemment en Tunisie, selon la nature des analyses. En effet, admettant la simple définition de l'exclusion selon laquelle : être marginal c'est être sur les bords, et être à la marge de la société, les études sociologiques en Tunisie se sont penchées beaucoup plus sur le vécu et sur le comportement de groupes considérés comme marginaux : les criminels, les handicapés, les femmes, les enfants pauvres, les minorités noires....ou de régions toutes entières marginalisées : Sud du pays, cas du Nord-Ouest....cas des quartiers pauvres de Saïda Mannoubia et du Djebel El Ahmar (1945)... Quant aux rares études économiques sur l'exclusion en Tunisie, elles étaient orientées, comme ailleurs, vers l'analyse et la quantification de la pauvreté dans le pays. Le programme national de lutte contre la pauvreté adopté au lendemain de l'indépendance (1956) a contribué à cette orientation de la pensée vers la recherche des causes et des moyens d'éradiquer la pauvreté dans le pays. En se basant sur la pauvreté comme principale cause de l'exclusion, les études historiques confirment un phénomène dual de l'organisation sociale. Ainsi, on remarque que la main mise coloniale et l'accumulation d'un capital étranger en Tunisie a impliqué l'émergence d'une économie duale, une économie caractérisée par une fracture entre les activités modernes reliées généralement aux activités de la métropole, et les secteurs traditionnels répondant aux besoins des populations autochtones. La productivité très faible de ces derniers secteurs explique généralement la faiblesse des revenus des gens restés enfermés dans leurs système isolé. 6 C'est justement cette dichotomie de l'économie nationale qui était à l'origine de l'apparition d'un phénomène d'exclusion dans le pays , limitant par là les chances d'une grande partie de la population d'accéder à un modèle de production donc de consommation dit moderne. Ce phénomène s'est traduit par l'émergence de quartiers et de villes modernes et d'une grande coupure entre les mécanismes économiques, sociaux et culturels de ceux-ci avec le reste du pays. Par ailleurs, la propagation du mode de production colonial dans le monde rural a créé une restructuration de l'organisation sociale à la campagne. En effet, l'introduction du machinisme poussé et le mouvement l'expropriation des terres des petits paysans ont déclenché deux réponses différentes aboutissant à un même résultat: l'exclusion par rapport à la société dite moderne. Au premier plan, la migration à la recherche d'emploi a obligé ces paysans à s'installer dans les zones périphériques des grandes villes: Tunis, Sousse, Bizerte,... créant ainsi un phénomène de bidanvilles qui a pris de l'ampleur au fur et à mesure'1). Au second plan, le reste des paysans gardant leur emploi agricole, étaient complètement à la marge de la nouvelle dynamique d'une économie "industrialisée" et d'un nouveau vécu socio-culturel. En effet, une société autochtone renfermée sur elle a été constituée et consolidée devant une attitude agressive des phénomènes de l'expropriation. Entre ces deux sociétés la grande question qui reste posée pour l'étude c'est : laquelle des deux est exclue ? Par ailleurs, au lendemain de l'indépendance (1956) , l'héritage économique et social était très lourd, hypothéquant toute la stratégie adoptée durant les années 60. (1) : Différentes études en Tunisie ont analysé ce phénomène et ce depuis la première guerre mondiale (ce point sera analysé plus profondément dans le document final de l'étude). 7 En effet, avec le chômage'croissant'2) qui a caractérisé la période de fuite des capitaux et de désinvestissement (début des années 50) le déséquilibre entre les secteurs économiques (secteur moderne et secteur artisanal traditionnel) se conjugue avec le grand déséquilibre régional pour expliquer la grande faiblesse d'intégration des larges masses et de multiples régions dans le processus et l'effort de développement. D'autant plus que la stratégie suivie à l'époque (stratégie de substitution aux importations : S.S.I.) bien qu'elle était basée sur la création de pôles régionaux de croissance, n'a pas généré un mouvement d'adhésion et de soutien des différentes régions et couches sociales dans le pays. En effet, le phénomène de dualisme vécu sur le plan géographique entre les régions de l'intérieurs du pays et le littoral131 accentué à l'époque coloniale par le nouveau dualisme entre l'économie dite moderne et l'économie autochtone traditionnelle, se régénère par un dualisme entre les pôles de croissance gigantesques orientés vers l'économie extérieure et un tissu économique, peu articulé et traditionnel. Le schéma adopté dans les années 60 consiste à créer des pôles de croissance basés sur la valorisation des matières premières disponibles dans les régions : - Gabès : pôle d'industries chimiques ; Gafsa : pôle d'industrie minières ; Kasserine : pôle des industries du papiers; Béja : pôle des industries mécaniques et métallurgiques ; Kairouan : pôle des industries de la laine -... Le développement escompté consistait à déclencher un processus d'intégration de ces pôles dans leur espace géographique plus large, en impulsant un mouvement de sous-traitance et d'intégration inter-régionale et inter-sectorielle dans le pays. (2) : On dénombre l'époque plus de 500.000 chômeurs dans le pays, ce qui correspond à environ 50% de la production active existante. (3) : En effet, la promotion de nouvelles unités de production modernes dans des régions défavorisées généralement à partir du capital étatique a entraîné l'émergence de groupes privilégiés donc de gens accédant à la vie moderne sans pour autant intégrer le reste de la production régionale. 8 Mais en dépit des aspects positifs de cette orientation et de sa création d'une infrastructure économique et sociale dans le pays, l'échec de ce schéma s'est traduit par une rupture entre ces pôles et leurs espaces régionaux de développement et par le manque d'interaction entre eux, développant ainsi une base de désintégration de l'espace et une rupture entre ces acteurs de croissance par les chiffres et le vécu socio-économique et culturel des larges populations. Cependant, avec l'échec de la stratégie de substitution aux importations suivie durant les années 60, les années 70 ont connu une nouvelle orientation économique basée sur la promotion des exportations. Cette nouvelle stratégie n'était pas exempte de mécanismes d'exclusion tant de membres de la société que de groupes ou régions dans le pays. Sur le plan économique, cette stratégie a engendré une amélioration des agrégats économiques jamais connue dans l'histoire de la Tunisie. En effet, le taux de croissance annuel moyen enregistré durant cette période a atteint plus de 5%, permettant la création de plus de 40.000 emplois par an (soit 400.000 postes pour toute la décennie contre 130.000 seulement durant les années 60). L'augmentation appréciable de la rente pétrolière suite aussi bien à l'amélioration du niveau de production qu'à la valorisation des prix n'était pas étrangère à cette performance économique. De même, l'abondance de liquidités à l'échelle internationale a impulsé un mouvement d'investissement de capitaux étrangers dans le pays et à provoqué par là un processus d'industrialisation basé sur les industries manufacturières exportatrices. C'est justement tout cela qui a permis l'augmentation vertineuse des masses salariales, à la suite aussi bien d'une amélioration des salaires distribués que du recrutement par l'Etat et les entreprises publiques. Le SMIC à titre d'exemple, a augmenté de 95% et le salaire moyen de 46% durant cette période (en termes réels). 9 L'accroissement de la consommation qui en est résultée, si elle a dépassé le taux d'augmentation de la croissance du P.I.B.( estimés respectivement à 6,7% et 5,2%) elle a impliqué un nouveau modèle de consommation dépassant la capacité productive du pays' 1 '. Comme celuici n'était pas à la portée de l'ensemble des membres de la société, il a été à l'origine d'un sentiment de frustration sociale et psychologique chez les larges masses non intégrées. Autrement dit, le schéma de développement suivi à l'époque et mettant l'accent sur les aspects économiques, beaucoup plus que sociaux a provoqué une rupture entre le vécu économique (traduit par les chiffres) et le vécu social. Le tarissement relatif de la rente pétrolière conjugué avec la montée des charges de la datte extérieure n'étaient pas de nature à amoindrir ces effets néfastes et à accroître l'intégration sociale, accélérant par là l'événement d'une crise tant économique que sociale. Ainsi, l'adoption d'un Programme d'Ajustement Structurel (P.A.S.) à été jugé impérative au milieu des années 80. Visant la restructuration de l'économie du pays et l'atténuation des déséquilibres tant au niveau de la balance des paiements qu'au niveau du budget de l'Etat, le P.A.S. n'était pas exempt de graves conséquences surtout sur le plan social. En effet, la privatisation des entreprises publiques, si elle n'a pas aggravé directement par le licenciement le problème du chômage dans le pays (hypothèse à vérifier plus-tard) elle a enlevé la possibilité de création d'emploi par le secteur public. La précarité de l'emploi qui s'est consolidée depuis quelques années, non seulement a renforcé la distinction entre le travail permanent et le travail non qualifié donc non stable, mais elle a développé un sentiment d'insécurité et un afflux vers le secteur informel. (1) : L'accroissement de l'investissement en logement dont la part dans les investissements globaux est passé de 13%au début de la décennie à 18,5% à la fin reflète cette évolution du pouvoir d'achat des salariés dans le pays. 10 Les réformes entreprises dans le cadre du P.A.S. marquant une rupture avec le politique précédente de forte protection du tissu industriel local et de l'ensemble des activités économiques existantes ne sont pas étrangères à cette situation. La libération des échanges extérieurs, aboutissant à la réduction des doits de douane (compression des taux les plus élevés) s'est traduite par un ralentissement de la croissance des recettes fiscales de l'Etat Tunisien(ou une perte de recettes fiscales importante) aggravant par là le déficit budgétaire et limitant par conséquent l'opération de redistribution de l'Etat. Ainsi, si le recours croissant à l'élévation du taux d'imposition sur les salariés et les producteurs (TVA, impôts sur le revenu, et impôts sur les bénéfices), s'est imposé pour compenser ce manque à gagner de l'Etat, il a contribué par ailleurs à la réduction du pourvoir d'achat de nombre de salariés dans le pays(1). Conjuguée avec la compression des dépenses sociales de l'Etat (santé, éducation, couvertures sociales...) cette détérioration du pouvoir d'achat des larges masses des salariés était à l'origine d'une politique d'accompagnement et de lutte contre la pauvreté dans le pays. (1) : Selon quelques estimations, le pouvoir d'achat des salariés au début des années 90 était comparable à celui de la fin des années 70. 11 II - CHOMAGE ET PAUVRETE, PRINCIPALES CAUSES D'EXCLUSION EN TUNISIE A - EXCLUSION ET CHOMAGE PROBLEMATIQUE La problématique posée par la relation entre le revenu et le chômage est elle aussi conséquente au dualisme indiqué plus haut. Les divers phénomènes, qu'elle génère, ont été toujours le résultat de difficultés d'interaction entre deux pôles d'intérêts. Ces difficultés, qui seront développées de manière approfondie dans le document final de l'étude, sont multiples; nous citerons ci-aprés dix d'entre elles: 1- CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET CROISSANCE ECONOMIQUE Malgré les efforts consenties par la Tunisie pour contenir la poussée démographique et les résultats qu'elle a obtenu dans ce domaine et qui font d'elle un pays pilote en Afrique, il ne manque pas moins que le taux annuel de croissance démographique pour la période 1984-1994, stagne autour de 2,2%, induisant une évolution de la population active à un taux annuel de 3,1%. Cette situation,qui se traduit par un flux annuel de 70.000 demandes additionnelles d'emploi, contraste avec une capacité de création d'emploi qui n'a pas dépassé la moyenne de 50.000 postes par an1, et ce malgré une croissance économique en évolution nette depuis 1982 (2,9% entre 1982 et 1986; 4,2% entre 1987 et 1991 et 8,0% en 1993). Ce dysfonctionnement entre la croissance démographique et la croissance économique a aussi engendré un déficit en matière de création 1 le seuil de création de 50.000 postes d'emploi par an. n'a été dépassé en tunisie qu'à partir de 1992:52.000 et 1993: 56.000 postes. d'emplois et a provoqué la progression du taux de chômage qui est passé de 13,6 % en 1984 à 15,3 % en 1989. Outre cette évolution du volume du chômage, on constate un élargissement significatif de sa durée, surtout chez certaines catégories socio-professionnelles d'actifs dont notamment les jeunes. En effet, 47% des chômeurs âgés de moins de 30 ans atteignent une durée de chômage supérieure à deux ans. Ce phénomène est d'autant plus significatif que les demandeurs d'emploi âgés de moins de 30 ans représentent 69,9 %2 de l'ensemble des chômeurs. Aussi, le chômage, de part sa durée, est-il plus ressenti chez les jeunes dont le niveau d'instruction est en progression continue et qui n'arrivent pas à gérer leur passage de l'environnement scolaire où ils étaient pleinement intégrés, au marché de l'emploi où ils se sentent exclus, alors qu'ils étaient plein de projets d'avenir au niveau individuel et d'engagement participatif régional et national au niveau collectif. Ce sentiment d'exclusion provoqué par le chômage et sa durée, risque d'entrainer, notamment chez les jeunes en particulier, un sentiment de frustration qui conduit à la marginilisation et à l'exclusion totale comme le démontre les premiers résultats de l'enquête qualitative réalisée par le Ministère des Affaires Sociales qui se propose d'évaluer les programmes d'action de lutte contre la pauvreté en vue d'établir la stra tégie future appropriée. Il importe de souligner que ces difficultés nées essentiellement du déséquilibre entre la croissance démographique et celle économique, risquent d'augmenter si l'en se réfère aux conclusion des experts, qui à la suite de récents travaux remettent en cause la durée de l'effet de la maitrise des naissances sur le taux de croissance de la population active. En effet, ils ont démontré que cette période est comprise entre 30 et 40 ans, alors que l'en estimait jusque là entre 15 et 20 ans seulement. Enquête population -emploi (INS 1989) 2- CROISSANCE ECONOMIQUE ET EMPLOI Le dualisme entre la croissance économique et l'emploi repose sur une question fondamentale: existe-t-il une relation directe entre la masse d'investissement et le volume de création d'emploi9 L'expérience Tunisienne en matière d'investissement, durant les trois dernières décenies, a démontré que cette relation, loin d'être systématique, est notamment fonction des choix sectoriels, des mécanismes de gestion du marché du travail, des technologies adoptées et du niveau de préparation des ressources humaines. En effet les créations d'emplois ont atteint 404.000 postes au cours de la troisième décenie (1982-1991), alors qu'ils n'ont atteint que 373.000 (y compris l'émigration) au cours de la période 1972-1981 et ce malgré une masse d'investissement relativement plus importante. Toutefois, même si elle n'est pas systématique, cette relation entre l'investissement et l'emploi existe. Il appartient aux planificateurs d'opérer les choix qui créent la dynamique du développement et induisent la création d'un nombre important de postes d'emploi. C'est en effet l'emploi qui permet la répartition des revenus produit de l'investissement. 3- CROISSANCE ECONOMIQUE ET DEVELOPPEMENT Les difficultés d'interaction entre la croissance économique et le développement dans le modèle Tunisien se situe au prolongement des problèmes évoqués au niveau du rapport entre croissance économique et emploi. L'analyse des schémas de développement des années soixante, carécterisés par la concentration des investissements au niveau de certaines régions considérées comme pôles industriels, a révélé que ce choix n'a pas généré un processus d'intégration régionale et il est loin d'avoir crée une dynamique régionale de développement. Pire encore, on constate des taux de chômage supérieurs à la moyenne nationale dans des localités très proches de ces pôles industriels3. 3 £1 hamma, (localité située à 28 km de Gabes pôle industriel en chimie) enregistre un taux de chômage de 27%. De même Mcknassi et Sned ( situées à 60 et 40 km de Gafsa pôle industriel en mineraie et phosphate) 4- REGIONS DE L'INTERIEUR ET REGIONS DU LITTORAL La question du chômage et du revenu est perçue en Tunisie de manières différentes par les régions de l'intérieur et celles du littoral, tant au niveau de la problématique qu'au niveau des solutions apportées pour réduire les inégalités structurelles entre les deux types de régions. Malgré les efforts continus et consentis par l'Etat Tunisien pour apporter des solutions radicales et durables, au déficit structurel du tissu économique des régions de l'intérieur, à travers d'importantes mesures d'encouragement à l'investissement et à la promotion de l'activité, il n'en manque pas moins que ces investissements et le cas échéant leurs produits sont systématiquement aspirés par les régions du littoral. L'absence d'une dynamique interne aux régions intérieures, la fragilité économique des établissements de services, les difficultés d'approvisionnement et de commercialisation, l'étroitesse des marchés locaux et régionaux, les problèmes liés aux manques qualitatif et quantitatif des moyens de transport, font que les promoteurs des régions de l'intérieur sont souvent à la merci des entreprises fortement structurées du littoral. De même, les mutations profondes que connait l'économie d'une manière générale et les techniques de production de biens ou de services, dans un environnement de plus en plus ouvert à la concurrence , amplifient les difficultés des régions de l'intérieur, dont la production n'arrive pas à concurrencer en matière de rapport qualité-prix celle du littoral pour les raisons structurelles évoquées plus haut. Il en découle de cette situation une précarité de l'emploi et un désir profond de migration chez les chômeurs qui n'ont pour autre choix que de se résigner à l'emploi saisonnier dans le secteur de l'agriculture , qui lui aussi demeure traditionnel et très faiblement mécanisé. A ce niveau le sentiment d'exclusion devient plus fort, lorsque le chômeur n'arrive même pas à satisfaire, pour des raisons économiques, son besoin de migration ou plutôt la "nécessité qu'il ressent de migrer à la recherche d'un travail et d'un revenu pour pouvoir vivre et subvenir aux besoins des siens". 5- OFFRES ET DEMANDES DEMPLOI La demande d'emploi générée par par le système de production présente souvent des exigences très difficile à rapprocher à l'offre. En effet les ressorces humaines disponibles présentent une structure inadéquate à la demande : 70% de cette offre est. d'un niveau qui ne dépasse pas le primaire et souvent sans aucune qualification professionnelle; 28% d'un niveau secondaire et 2% du supérieur. Sans effort d'adaptation spécifique , non seulement plusieurs demandes d'emploi resteront insatisfaites et freineront le développement des entreprises , mais en plus plusieurs demandeurs d'emploi seront contraints au chômage et à l'exclusion. 6- ETENDUE DU MARCHE ET ECONOMIE DE MARCHE L'impératif de s'orienter vers une économie de marché pour pouvoir libérer l'initiative et promouvoir l'activité pose un problème souvent difficile à surmonter pour certains secteurs de l'économie tradionnelle. En effet le choix adopté implique l'extension du marché et ie passage du marché local vers le régional, du régional vers le national et du national vers l'exportation et les marchés extérieurs. Cette chaine ne peut être assurée que par la modernisation des entreprises, la révision des systèmes de productions, l'introduction de nouvelles technologies et une agressivité permanente face à la concurrence du marché; le tout sur la base du fameux rapport qualité-prix qui permet à l'entreprise de se maintenir et de s'épanouir. Face à cette exigence imposée par la réalité du marché, l'entreprise est appelée à se restructurer, libérant ainsi les ressourses humaines qui étaient productives dans le cadre d'une économie traditionnelle et inadaptée aux exigences de l'emploi dans une économie moderne. Le chômage ressenti par cette catégorie est d'une amertume particulière 16 puisqu'il provoque chez eux un nouveau sentiment qu'ils n'avaient peut être jamais connu: "l'exclusion". 7- SECTEUR INFORMEL ET DEVELOPPEMENT DES REGLES De MARCHE La réalisation du plan d'ajustement structurel en tunisie et les réussites enregistrées dans les divers axes fondamentaux de ce plan (révision du code des investissements en direction d'une plus grande souplesse et d'une meilleure rentabilité des investissements, libéralisation de la production , de l'importation et de la commercialisation; la réforme des régimes de taxation et d'imposition pour améliorer la compétitivité de la production sur le marché national et international, la dévaluation de la monnaie nationale dans un premier temps et sa convertibilité, la réduction des taux d'intérêt bancaire etc.) durant la période 1987-1993, n'empêchent pas de révéler deux difficultés majeures au niveau social: *La première découle des conséquences directes de l'application du programme d'ajustement structurel au niveau de l'entreprise. Celle-ci se trouve contrainte à maintenir son équilibre financier et à assurer son développement dans un environnement concurenciel, d'agir pour améliorer la rentabilité de ses moyens, dont notamment ses ressourses humaines. Souvent les intérêts des entreprises passent par des changements importants aux niveaux du système de production, des équipements, de l'organisation du travail et des techniques d'approvisionnement, de fabrication, de stockage, d'écoulement et des services après vente. Autant de problèmes insurmentables pour certaines catégories du personnel dont la mécanisation et la robotisation rend souvent leur nombre supérieur aux besoins réels de l'entreprise. Le problème principal découlant de cette nouvelle situation est le licenciement d'un grand nombre de travailleurs de différentes spécialités et de divers secteurs, mais dont les profils ne sont plus adaptés aux nouvelles exigences des dispositifs de production des entreprises. *La deuxième est conséquente de cette nouvelle situation jusqu'ici inconnu en Tunisie, rend difficile la réinsertion de cette catégorie de chômeurs (issus des pertes d'emploi), puisqu'il n'existe pas de mécanismes appropriés de traitement. Il en resuite donc, chez les concernés, un sentiment d'exclusion difficilement contoumable. Certains, confrontés aux réalités et aux besoins économique de leur vie individuelle et familiale se trouvent astreint à rechercher du travail dans le secteur informel, soit au prés des établissements existants, soit en s'installant à leurs propres comptes en puisant dans les économies qu'ils auraient pu ramasser durant leurs périodes d'activité. En effet, le secteur informel leur offre plusieurs possibilités dans divers domaines et notamment dans l'activité commerciale. Or ce choix n'est pas souvent facile à mettre en application étant donné qu'au niveau structurel le développement de ce secteur contraste avec le développement des régies du marché. Ce conflit s'explique par la demande pressante du secteur structuré d'être protégé de la concurence déloyale du secteur informel qui est généralement plus compétitif en raison de ses faibles charges et de l'absence de règles contraignantes. L'argument souvent interpelé par le secteur structuré est que le développement du secteur informel sans réglementations adéquates qui sauvegardent les intérêts des uns et des autres, risque de fragiliser fortement leur situation économique et les mener à terme, vers la faillite. 18 8- PROMOTION DE L'ACTIVITE ET SECURITE DE L'EMPLOI Le problème posé au niveau de cette interaction est : comment concilier entre une politique basée sur la promotion de l'emploi et de l'activité et une politique de sécurité sociale9 Pour la promotion de l'emploi, il est absolument nécessaire de développer l'innovation, la créativité et l'esprit d'entrepreunariat, ce qui nécessite une culture spécifique rompant avec le besoin d'assistance souvent en pratique. Ainsi, la promotion de l'activité à travers l'emploi indépendant et la création d'entreprise demande inéluctablement et en premier lieu à vaincre cette crainte enracinée du risque face à l'absence du revenu stable émanant de l'emploi salarié ou aux garanties de bénéfices réguliers fixés à la base grâce aux pratiques de monopôle qui sécurisaient les promoteurs dans le cadre d'un marché protégé. Aussi s'agit-il de combattre certaines formes d'exclusion chez une catégorie de promoteurs potentiels à travers le développement d'une nouvelle culture de promotion de l'activité. 9- CREATION D'EMPLOI POUR LUTTER CONTRE LE CHOMAGE ET DEFENDRE LES EMPLOIS EXISTANTS L'entreprise prend de plus en plus conscience et au fure et à mesure qu'elle se trouve en situation de concurrence, de la nécessité d'optimiser la rentabilité de toutes ses ressources et notamment ses ressources humaines. C'est ainsi qu'elle se trouve souvent confrontée à deux situations contradictoires, d'une part le besoin pressant de faire appel à de nouvelles compétences pour lesquelles des nouveaux emplois sont créés, compte tenu des nouvelles exigences économiques de l'entreprise et du développement de son activité; et d'autre part la lutte contre le phénomène des "chômeurs payés dans l'entreprise". Cette catégorie qui se trouve presque dans toutes les entreprises est en marge du système de production soit pour des causes individuelles liées aux intéressés mêmes, soit pour des défaillances d'organisation. Ces exclus, souvent volontaires, portent 19 préjudice à l'entreprise et constituent une des causes de réduction des possibilités de création d'emploi. 10- PLAN D'AJUSTEMENT STRUCTUREL ET MARCHE DE LIBRE ECHANGE La réussite du plan d'ajustement structurel en Tunisie, dont la réalisation a démarré en 1987 a créé une attente chez le Tunisien qui attend avec impatience les fruits de ses sacrifices ( austérité, perte d'emploi, équilibre précaire du pouvoir d'achat et autres) Or le voilà de nouveau appelé à accomplir un effort supplémentaire et à concéder de nouveaux sacrifices (comme il a été démontré plus haut)pour assurer l'intégration de la Tunisie dans le marché de libre échange. Il s'agit donc de faire face au développement encore plus accéléré de la libéralisation économique et aux conséquences que cela peut générer au niveau de l'emploi pour les entreprises contraintes à la restruction. MESURES Partant de cette situation de dualisme constaté au niveau des principales causes de l'exclusion et des difficultés d'interaction entre les divers pôles d'intérêts qui la caractérise, les pouvoirs publics en Tunisie ont pris une série de mesures ayant pour finalité de réduire certains effets de ces difficultés. Parmi ces mesures nous citeront ci-après celles qui sont en relation étroite avec les difficultés énoncées ci-dessus. 1- L'ENCOURAGEMENT A L'INSERTION DES JEUNES Pour lutter contre la marginalisation des jeunes demandeurs d'emploi et réduire la durée de leur chômage, un programme d'encouragement à l'emploi des jeunes regroupant trois formules de stages d'initiation à la vie professionnelle à été mis en oeuvre. 20 Grâce aux améliorations introduites sur ce programme qui touche en moyenne 8500 jeunes par an, les trois formules qu'il contient sont devenues spécifiques à des catégories cibles, bien identifiées et couvrant une plage de jeunes allant de la troisième année post-primaire aux diplômés du supérieur. L'objectif commun de ces systèmes de stage est d'encourager les entreprises à accueillir des jeunes primo-demandeurs d'emploi en vue de leur faciliter l'accès à l'emploi. Cependant, il demeure important de relever que ce programme, tout en apportant une solution pratique en matière de traitement spécifique d'une catégorie de jeunes cibles de l'exclusion, n'arrive à toucher que 5% des primo-demandeurs d'emploi. Outre les limites d'ordre budgétaires, le développement de ce programme est confronté, d'une part à une problématique d'ordre structurel, liée à la faiblesse du tissu industrielle dans les régions de l'intérieur, où la capacité d'accueil des entreprises est réduite; et d'autre part à l'inadéquation entre les profils des flux des jeunes et les postes de stage offerts par les entreprises, ce qui engendre certaines difficultés pratiques de placement en stage.Nous citerons à ce niveau les jeunes titulaires de diplômes dans des spécialités destinées à des secteurs bien déterminés et se trouvant en pleine restructuration, et qui rencontrent d'énormes difficultés d'insertion (agriculture, industrie extractive....). En plus de ce programme spécifique aux jeunes, il existe en Tunisie depuis les années soixante, un programme de "chantier" dit: programme de lutte contre le sous développement. "Le principal objectif de ce programme est de fournir un salaire temporaire au plus grand nombre de chômeurs possible, plutôt que de rentabiliser chaque dinar investi. Ce programme a atteint ses objectifs. Il n'a cependant pas permis de créer suffisamment d'emplois permanents non subventionnés, ce qui était implicitement son objectif'4. les principales causes des limites de l'intervention des chantiers résident d'abord dans l'identification des projets faisant l'objet de ces 4 Rapport d'évaluation F1AP-BIRD juillet 1990 21 chantiers et dont l'étude de mise en oeuvre qui est souvent approximative, et en suite dans la structure de la population cible qui est constituée de 91% de chômeurs d'un niveau inférieur au primaire et de 30% âgés de plus de 59 ans (25% seulement sont âgés del 8 à 34 ans). 2- LE CHOIX DES INVESTISSEMENTS Les choix d'investissement adopté en Tunisie, pour réduire les difficultés de l'interaction de la croissance économique et de l'emploi, sont clairement exposés dans le VlIIème plan de développement économique et social (1992-1996) qui précise surtout: « la problématique réside dans la concrétisation du saut qualitatif nécessaire en matière de production et de productivité sans lesquelles les objectifs de croissance économique (6% par an), d'emploi et d'équilibre financier seraient difficile à réaliser... Les orientations concernent également l'industrie manufacturière eu égard à son poids dans la réalisation des objectifs nationaux de croissance». C'est d'ailleurs pour ces mêmes raisons que le plan a confirmé le choix du secteur des services dont notamment le tourisme qui verra sa capacité d'accueil passée de 100.000 lits en 1991 à 200.000 lits en l'an 2.000. Le tableau ci-aprés traduit clairement les choix adoptés:5 Secteur d'activité Réalisations 7ème plan 1987-1991 Pêche 6500 BTP 2500 Mines et énergies 2250 Industries munufactur. 65000 Transpt. télécom. 4300 Tourisme 7500 Adm. comm. autr. serv. 120450 Total 204000 'Source: VlIIcme plan de développement 92-96 Prévisions 8ème plan 1992-1996 10000 15000 - 120000 7500 10000 150000 320000 22 3- DEVELOPPEMENT DE L'ACTIVITE DANS LES REGIONS DEFAVORISEES Que les difficultés d'emploi et de revenus de certaines régions proviennent de l'adoption d'un mauvais schéma de croissance ou qu'ils résultent de contraintes structurelles propres à la situation géographique de la région, le résultat est identique et se traduit par la fragilité , sinon l'absence d'une dynamique de développement. Pour réduire ces difficultés et encourager la création d'un tissu économique intégré dans les régions défavorisées, plusieurs programmes de promotion de l'emploi indépendant et de la micro-entreprise ont été mis en oeuvre tant en milieu rural qu'en milieu urbain. Nous citerons en particulier: * Le fonds national de promotion de l'artisanat et des métiers qui, créé en 1981 a permis l'installation de près 16.000 unités générant 64.000 emplois permanents; * Le programme de développement de la micro-entreprise dans 12 gouvernorats de l'intérieur dans le cadre du projet CEE 1993; * Les programmes de création et de consolidation de l'emploi inclus dans les programmes régionaux de développement, de développement rural intégré et de développement urbain intégré (PRD, PDRI, PDUI); * Et ce, outre les fonds destinés à la promotion de la décentralisation industrielle (FOPRODI), au développement de l'agriculture (FOSDA) et de la pêche (FOSEP), qui accordent des avantages particuliers aux projets des régions de l'intérieur. Par ailleurs, le Vfflème a. adopté l'orientation stratégique basée sur un certain nombre de principes: « a u premier rang de ces principes figure la nécessité pour la région de mobiliser ses capacités et ses potentialités pour asseoir une dynamique propre s'appuyant sur le développement du secteur privé et sur le rôle dévolu aux collectivités locale» 6 . VlIIème plan 23 : 4- REPONSE AUX DEMANDES DEMPLOI Cette demande liée aux besoins spécifiques des entreprises prend plusieurs formes. Elle peut se manifester dans le cadre de la création de nouveaux emplois conséquents au développement de l'activité de l'entreprise, comme elle peut être provoquée par les exigences d'une réorganisation des systèmes de production ou une restructuration liée à un changement profond des processus de fabrication. De même qu'elle peut être induite par une exigence de rentabilité des ressources et à une modernisation de l'entreprise. Autant de facteurs qui nécessitent des interventions spécifiques, ponctuelles, ciblées et rapides. Aussi, les pouvoirs publics en Tunisie ont-ils mis en oeuvre un important programme ( le fonds d'insertion et d'adaptation professionnelle: FIAP) doté de plusieurs instruments d'intervention, ayant pour finalité de répondre aux besoins exprimés par les entreprises et difficile à satisfaire. Depuis la création de ce fonds en mai 1991, près de 27.000 demandeurs d'emploi ont été adaptés en vue de les insérer dans les entreprises (taux d'insertion: 74%). B- PAUVRETE ET EXCLUSION PROBLEMATTOE 1 * La mesure de la pauvreté en Tunisie: Les limites d'une mesure macro-économique (s'appuyant sur les enquêtes périodiques sur le budget de consommation), du phénomène de la pauvreté, ont donné lieu à une controverse permanente entre chercheurs, organismes nationaux et institutionnels et partenaires sociaux et cristitutionnels: INS, BIT, BIRD, FAO-OMS, INNTA, UGTT, etc.. Les différentes tentatives de mesure, visent à préciser davantage et explicitement les modalités de fixation des seuils de pauvreté. Mais, malgré la diversité des méthodes utilisées, nous pouvons relever tout particulièrement, l'intérêt exclusif qu'elles accordent toutes, à la partie alimentaire dans la détermination des seuils de pauvreté. Ces différentes méthodes, quoiqu'elles n'autorisent pas une connaissance véritable et rigoureuse, des profils des personnes vivant ce phénomène, c'est à dire des caractéristiques des familles concernées par cette exclusion sociale, permettent chacune à sa manière de mesurer l'étendue de la pauvreté. A la lumière de la comparaison entre les différentes mesures, les profils, l'ampleur et les mécanismes de la pauvreté semblent différer d'une méthode à une autre. L'étendue de l'exclusion varie du simple au double, voire même au triple. EVOLUTION DU SEUIL DE LA PAUVRETE ABSOLUE EN TUNISIE (DEPENSE TOTALE MINIMALE PAR PERSONNE ET PAR AN) SELON LES DIFFERENTES METHODES Année 1966 1980 1985 1990 BIRD INS BIT Seuil Populat Seuil s/s seuil 37 D 31.1% 48D 80 D 12.9% 120 D 7.7% 197 D 121 D 6.7% 276 D 170 D INNTA Populat Seuil Populat s/s seuil s/s seuil 41.0% 95 D 28.6% 208 D 64.% 22.7% 326 D 456 D UGTT Seuil 168 D 311 D 491 D 676 D En retenant les définitions établies par la BIRD-INS et le BIT, le seuil de la pauvreté correspondant au revenu minimal (montant des dépenses minimales par personne et par an), comparé au SMIG pratiqué, déduit des contenus différents de la pauvreté. D'un coté, selon la méthode BIRD-INS la population vivant au dessous du seuil de pauvreté semble concerner des non actifs dépourvus de revenus et/ou vivant d'une assistance familiale ou institutionnelle. De l'autre coté, et selon la méthode du BIT, la population vivant au dessous du seuil de pauvreté semble concerner une bonne partie d'actifs exerçant des activités informelles et même des smigards pouvant travailler dans des secteurs structurés, puisque le revenu minimal qui correspond au seuil BIT, est proche du SMIG en 1985 et le dépassant même en 1990. 25 Il faut rappeler ici que le BIRD considère que le SMIG constitue une entrave à l'emploi dans la mesure où il ne correspond pas au prix d'équilibre du marché de l'emploi. De ce fait en remarque un écart de plus en plus sensible entre le seuil calculé par la méthode BIRD-INS et le SMIG. Par contre le seuil calculé par le BIT apparaît très proche du SMIG et suit de prés son évolution. Le tableau ci-après, permet d'apprécier les écarts entre le salaire minimal du principal actif d'une famille composée de 5,5 personnes calculé suivant les différentes méthodes de mesure du seuil de pauvreté en Tunisie et le SMIG fixé par les autorités publiques du pays: BIRD INS BIT INNTA UGTT SMIG 7 Année rev/min sal/m rev/min sal/m rev/min sal/m rev/min sal/m salre. famille actif famille actif famille actif famille actif mois 1966 17 13 77 59 16 22 32 16,5 43,5 1980 37 27,5 105 50 55 41 71 142 95,5 1985 41 55,5 225 167 95,0 90,5 67 149,5 110 1990 230 120,0 78 58 310 126,5 94 210 156 Ainsi, il apparaît que toute définition de la pauvreté est fondamentalement subjective et comporte une part plus ou moins importante d'arbitraire. Les limites de démarcation entre pauvre et non pauvre ne devraient pas en fait, être considérées comme les résultats de calculs précis. Elles sont plutôt déduites d'une série d'estimations indicatives permettant de distinguer les couches de population pouvant subvenir à leurs besoins de celles qui ne sont pas en mesure de le faire, faute de moyens. Dans tout cela, il est bien évident important et essentiel de connaître les pauvres , leurs caractéristiques ,leurs secteurs d'emploi, leurs moyens d'existence , leurs difficultés , leurs besoins et leur répartition géographique. institut national de nutrition 26 Pour notre part, nous opterions pour une méthode qui lie la pauvreté à l'emploi, qui nous éclaire sur les pressions vécues par les demandeurs d'emploi actifs ou potentiels et qui entraine l'exclusion. Ce choix nous induit à retenir la définition du B.I.T. qui semble la plus proche de notre option et ce malgré le fait qu'elle se limite au calcul théorique du seuil de pauvreté à partir d'indicateurs sur les besoins alimentaires révélés par l'enquête périodique "budget de consommation des ménages, alors qu'elle pourrait être développer par une meilleure analyse du vécu du chômeur. La définition adoptée par le BIT permet en même temps de couvrir le noyau dur mesuré par la méthode BIRD-INS et les populations vulnérables à la pauvreté citées dans le paragraphe précédant (chômeurs de longue durée Jeunes primo-demandeurs , femmes...) Cette définition estimé la population totale pauvre à 1.700.000 personnes soit 20,6 % de la population totale dont 750.000 dans les zones urbaines et 935.000 dans les zones rurales . ESTIMATION DE LA PAUVRETE EN TUNISIE SELON LA METHODE INS-BIRD ET BIT en milliers 1990 1980 1985 Méthodes URB. RUR. TOT. URB. RUR. TOT. URB. RUR. TOT. BIRD-INS 393 430 823 324 229 554 354 190 544 14 12 7 5,7 6,7 % 8 7,3 BIT 599 1290 1819 602 1020 1622 750 935 1700 22,0 42,0 16,0 31,0 15,5 28,3 20,6 % 2 * Le profil de la pauvreté La mise en place d'une stratégie de lutte contre la pauvreté et par conséquent réduire l'exclusion et la marginalisation des groupes de populations (noyau dur et groupes vulnérables), présume préalablement l'identification et l'analyse des caractéristiques des pauvres . Les pauvres sont estimés à 1,7 millions de personnes ( 20,6 % de la population totale en 1990 ) y compris les 544.000 constituant le " noyau dur " de l'INS-BIRD . 55 %des pauvres sont situés dans le milieu rural contre 45 % dans le milieu urbain . Les pauvres sont concentrés dans les régions du nord-ouest, du centre-est et du sud . REPARTITION DES PAUVRES PAR REGIONS Région District Tunis Nord-Est Nord-Ouest Centre-Ouest Centre-Est Sud Total % 7,9 18,9 34,2 32,0 14,2 23,6 20,6 Par personnes Nombre 1330071 211690 417552 380371 242455 288425 1673564 % 6,3 16,1 31,3 30,1 11,7 18,8 17,8 Par ménage Nombre 197749 32105 68928 58564 36488 38896 254730 L'incidence de la pauvreté est plus élevée parmis les ménages dont les chefs sont des travailleurs , soit agricoles , soit non agricoles . Ces catégories sont suivies par les exploitants agricoles et les artisants et indépendants dans l'industrie, le commerce et les services . L'incidence de la pauvretéest aussi élevée chez les ménages dont les chefs sont des actifs à la recherche du travail. Cette catégorie de pauvres dispose des revenus plus bas, soit à peu prés la moitié de la moyenne nationale (367 dinars contre 716 dinars pour le revenu national moyen ) . 28 REPARTITION DES PAUVRES PAR CATEGORIE SOCIO-PROFESSIONELLES DU SOUTIEN PRINCIPAL DU MENAGE Catégorie socio-professionnelle Cadres prof, supérieures Cadres prof, moyens Autres employés Patrons Artisan et indépendant Ouvrier non agricole Exploitant agricole Ouvrier agricole Soutiens inactifs Soutiens hors ménages Soutiens sans travail Ensemble % Des pauvres 0,0 1,1 5,0 2,6 13,3 18,0 22,6 40,3 13,8 16,4 40,9 17,6 Nombre Ménages 0 722 3255 478 22965 80426 44729 53031 23259 14297 8451 254530 MESURES Pour lutter contre la pauvreté, l'une des principales . causes de la marginalisation et de l'exclusion, les pouvoirs publics en Tunisie ont adopté plusieurs mesures dont la mise en place et les mécanismes de gestion sont étroitement liés aux caractéristiques des catégories de pauvres cibles des interventions; Dans ce cadre, il importe de distinguer deux types de traitement: - le premier à caractère économique, axé sur le développement des sources de revenus à travers la promotion de l'activité. Ce volet a été développé dans la partie chômage et exclusion du présent document; - le second traite le problème de la pauvreté et des difficultés qu'elle génère au niveau de l'intégration économique et sociale par un traitement social, basé sur des aides et des subventions à fonds perdus. 29 « Le traitement social de la pauvreté en Tunisie comprend une série d'interventions directes et indirectes, ouvertes le plus souvent à l'ensemble des catégories de population nécessiteuses. Le programme national d'aides aux familles nécessiteuses (PNAFN) est l'un des plus importants du dispositif». Un nouveau programme important, baptisé "26-26 ", lancé en 1993, mis en place dans le cadre de la solidarité nationale, présente la particularité de secourir les régions les plus démunies en leur apportant le soutien logistique nécessaire à la création d'un dynamisme local intégré et freinant l'exclusion géographique provoquée par l'isolement et la marginalisation, et ce outre les aides ponctuelles en nature, qu'il apporte aux individus et à leurs familles.