Causes et modes de l`exclusion sociale en Tunisie

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International Institute for Labour Studies
United Nations Development Programme
Patterns and causes of social exclusion
and the design of policies to promote intégration
The Second Workshop
Robinson Collège, Cambridge, 14-18 July 1994
Causes et modes de l'exclusion sociale en Tunisie
RECEIVED
I 4 JUL 1934
L*boor Office
by
Mongi Bédoui,
Consultant, Tunis
* * *
40006
N.0
m&L
WT
CAUSES ET MODES DE L'EXCLUSION
SOCIALE EN TUNISIE
LE CHOMAGE, AU CENTRE DE L'ETUDE DE L'EXCLUSION
DANS LES PAYS INDUSTRIALISES
11 -
LE PHENOMENE DE PAUVRETE, AU CENTRE DE
L'ANALYSE DU CONCEPT D'EXCLUSION DANS LES PAYS
EN VOIE DE DEVELOPPEMENT
III-
LE CHOMAGE ET L'EXCLUSION EN TUNISIE : LIMITES
DES SCHEMAS DE DEVELOPPEMENT ADOPTEES
IV-
PAUVRETE ET CHOMAGE : PRINCIPALES CAUSES DE
L'EXCLUSION EN TUNISIE
CAUSES ET MODES DE L'EXCLUSION SOCIALE
EN TUNISIE
C'est avec le déclenchement de la grande crise du début des
années 70 et sa répercussion à l'échelle mondiale, entraînant de grandes
mutations structurelles tant intra- qu'inter-nationales que le concept
d'exclusion (ou de marginalisation) connaît un regain d'intérêt et fait
l'objet de plusieurs travaux d'investigation aussi bien dans les domaines
socio-économiques que psychologiques et politiques.
Si les inégalités étaient toujours constatées dans l'histoire
économique et sociale des peuples, elles ont atteint avec cette crise des
dernières décennies des proportions souvent intolérables, mettant par là
en cause les théories et les stratégies économiques suivies par les
différents pays. Autrement dit, si l'attention des chercheurs s'est
focalisée au lendemain de la seconde guerre mondiale (période des
vaches grasses) sur l'analyse des systèmes productifs mis en place et
l'étude des rapports de production surtout au sein de l'entreprise elle
même (1), avec l'aggravation du problème de chômage, de la stagnation
des économies, de l'inflation et de l'élargissement des inégalités qui ont
caractérisé les dernières années, l'attention s'est orientée vers l'analyse
de l'exclusion, ciblant surtout ses mécanismes, ses origines et ses
conséquences'2':.
Mais il faut préciser qu'en dépit de cette pluralité des études et
de l'étendu du champ d'analyse, ce concept d'exclusion reste aussi bien
peu défini qu'objet de confusion et d'ambiguïté. Ainsi les termes :
exclusion, marginalisation, pauvreté, déprivation<3) : , défavorisation sont
souvent utilisés comme synonymes décrivant une même réalité.
(1) : C'est grâce à cette orientation qu'il y a eu développement de l'économie industrielle et des
analyses psycho-sociologique des rapports de production.
(2) : S'inscrivant dans cette approche, les travaux de recherche de l'Institut Internationa] pour
Des Etudes Sociales de l'O.I.T. cherchent à aboutir à une meilleur compréhension des
mécanismes d'exclusion afin d'améliorer les moyens d'action pour développer les dispositifs
d'insertion dans le monde.
(3) : Par "déprivation" on entend souvent détérioration ou dégradation des conditions de vie,
dénuement, appamrissement..
2
Si la définition est souvent évacuée des études, le contenu du
terme (exclusion) est saisi généralement à travers les éléments de
l'analyse, éléments qui diffèrent en fonction des modes de croissance et
des stratégies socio-économiques adoptées.
I-
LE CHOMAGE, AU CENTRE DE L'ETUDE DE
L'EXCLUSION DANS LES PAYS INDUSTRIALISES
C'est généralement en terme de rupture de la cohésion sociale
causée par le chômage qui a atteint une proportion jamais connue dans
l'histoire contemporaine que le phénomène d'exclusion a été posé dans
les pays industrialisés.
Autrement dit, c'est autour de la notion d'exclusion que se sont
cristallisés les récents débats dans les pays développés, révélant
l'incapacité de ces sociétés d'intégrer une part croissante de la force de
travail dans le tissu productif. C'est justement cette non intégration d'une
fraction des membres des sociétés industrialisées qui est à la base du
concept de fracture dans le corps social qui apparaît clairement à partir
de la citation du grand sociologue français A. TOURAINE qui a définit
l'exclusion comme "la nouvelle fracture de la société qui oppose ceux du
dedans à ceux du dehors, par rapport à l'ancienne fracture, qui opposait
ceux du haut à ceux du bas", consacre la dualisation de la société, le
divorce entre les demandes sociales et rorganisation,la rupture entre les
acteurs et le système' 1 ' : .
Reflétant l'incapacité des institutions : les syndicats, l'école,
l'Etat à offrir de l'emploi à des gens appelés "les nouveaux pauvres", le
chômage est le plus mcriminé par les chercheurs comme la principale
cause de cette "fracture sociale" dans les pays. En d'autres termes, c'est
cette rupture avec le monde du travail qui a eu heu à la suite de la crise
qui a été rendue responsable d'un nombre de résultats entraînant
purement et simplement l'exclusion sociale.
(1) : Cité par Maryse GAUDIER in "Pauvretés, inégalités, exclusions renouveau des approches
théoriques et des pratiques sociales".
- Institut International d'Etudes Sociales - Genève P. 20 - N° 17 - 1993
3
Le processus suivi est le suivant : "la perte de l'emploi entraîne
la perte de revenu et du statut de travailleur, donc d'une disqualification
professionnelle, ceci implique souvent la perte de possibilité de satisfaire
quelques besoins vitaux : logement, santé,... développant alors un
sentiment d'échec et un besoin d'assistance, ce qui entraîne de son coté
la rupture avec la famille et les amis et par la suite avec la collectivité et
la société". On considère tout simplement donc que la lutte contre le
chômage est au même temps une lutte contre la pauvreté et l'exclusion
et pour l'intégration et la cohésion sociale.
II-
LE PHENOMENE DE PAUVRETE, AU CENTRE DE
L'ANALYSE DU CONCEPT D'EXCLUSION DANS LES
PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT
C'est la pauvreté qui était l'un des points centraux de la réflexion
et une des questions les plus controversées dans les pays en voie de
développement. Elle s'est substituée depuis quelques années dans la
théorie économique au concept de sous-développement. Mais si la
théorie n'a pas beaucoup progressé en matière de définition, et cela en
raison de la nature pluridimentionnelle de la pauvreté et de son aspect
relatif, la saisie de la réalité s'est améliorée avec les études de cas de
pays et l'amélioration des outils de mesure. Ainsi, diverses tentatives de
mesurer la pauvreté avec des méthodes autre que le revenu, ont été
réalisées pour aboutir à des indicateurs sociaux de pauvreté, combinant
plusieurs dimensions : santé, insertion sociale, conditions de logement
Les indicateurs du développement humain (I.D.H.) élaboré en
1990 par le programme des Nations Unies est considéré un des plus
précis et plus représentatif du phénomène de pauvreté, n prend en
compte une gamme élargie des choix qui s'offrent aux populations
quelque soit leur niveau de développement
4
Il combine un indicateur économique : le revenu national et
deux indicateurs sociaux : l'alphabétisation des adultes et l'espérance de
vie. Cet indice s'élève à 0,35 pour l'Afrique Sud Saharienne contre 0,62
pour les autres pays en développementm :.
Mais, il faut ajouter que si la prolifération des études empiriques
a contribué à comprendre aussi bien l'ampleur que les causes de la
pauvreté dans les pays en voie de développement(2) : , elle a permis, par
ailleurs l'amélioration de la compréhension de certains mécanismes de la
pauvreté et le perfectionnement des instruments d'information
permettant la création de diverses banques de données. Ainsi, la Banque
Mondiale a estimé qu'a la fin des années 80 près du tiers de la
population des pays en voie de développement vivaient en dessous du
seuil de pauvreté. Quant aux projections, elles tendent à montrer qu'il est
probable que l'on observera une aggravation du phénomène au cours de
cette décennie.
Certes, l'aggravation de la situation de groupes à faibles revenus,
du moins à cours terme, à la suite de l'adoption de programme
d'justement structurel n'est pas étrangère à cette focalisation de la
recherche, surtout empirique, sur l'analyse des mécanismes et causes de
la pauvreté. Le marché du travail et la redistribution des revenus sont
généralement considérés comme les plus importants indicateurs du coût
social de l'ajustement.
Ainsi, plusieurs éléments tendent à confirmer l'accentuation des
déséquilibres sur le marché du travail, déséquilibres inhérents à la
déstabilisation des économies ces dernières années. La question d'une
politique sociale d'accompagnement des programmes d'ajustement s'est
posée alors dans plusieurs pays(3) :.
(1) : J.P. LACHAUD " Pauvreté et marché du travail urbain en Afrique du Sud du Sahara". I.I.E.S.
1993.
(2) : Il est à préciser que plusieurs études, financées par l'USAID et la coopération technique de
l'O.LT., ont été effectuées depuis la fin des années 80 dans plusieurs capitals Africaines et LatinoAméricaine.
(3) : CMORISSON : " Ajustement et équité au Maroc" O.C.D.E. 1991
G. CORNIA; R. JOLLY : " L'ajustement à visage humain". Economica ;
1987.
F; BOURGUIGNON et W. BRANSON "Ajustement and in corne distribution " - Journal of
Developpment Economies • 1993.
5
III-LE CHOMAGE ET L'EXCLUSION EN TUNISIE : LIMITES
DES SCHEMA DE DEVELOPPEMENT ADOPTES.
Comme partout ailleurs, le problème de l'exclusion a été
approché différemment en Tunisie, selon la nature des analyses. En effet,
admettant la simple définition de l'exclusion selon laquelle : être
marginal c'est être sur les bords, et être à la marge de la société, les
études sociologiques en Tunisie se sont penchées beaucoup plus sur le
vécu et sur le comportement de groupes considérés comme marginaux :
les criminels, les handicapés, les femmes, les enfants pauvres, les
minorités noires....ou de régions toutes entières marginalisées : Sud du
pays, cas du Nord-Ouest....cas des quartiers pauvres de Saïda Mannoubia
et du Djebel El Ahmar (1945)...
Quant aux rares études économiques sur l'exclusion en Tunisie,
elles étaient orientées, comme ailleurs, vers l'analyse et la quantification
de la pauvreté dans le pays. Le programme national de lutte contre la
pauvreté adopté au lendemain de l'indépendance (1956) a contribué à
cette orientation de la pensée vers la recherche des causes et des
moyens d'éradiquer la pauvreté dans le pays.
En se basant sur la pauvreté comme principale cause de
l'exclusion, les études historiques confirment un phénomène dual de
l'organisation sociale. Ainsi, on remarque que la main mise coloniale et
l'accumulation d'un capital étranger en Tunisie a impliqué l'émergence
d'une économie duale, une économie caractérisée par une fracture entre
les activités modernes reliées généralement aux activités de la
métropole, et les secteurs traditionnels répondant aux besoins des
populations autochtones. La productivité très faible de ces derniers
secteurs explique généralement la faiblesse des revenus des gens restés
enfermés dans leurs système isolé.
6
C'est justement cette dichotomie de l'économie nationale qui
était à l'origine de l'apparition d'un phénomène d'exclusion dans le pays ,
limitant par là les chances d'une grande partie de la population d'accéder
à un modèle de production donc de consommation dit moderne. Ce
phénomène s'est traduit par l'émergence de quartiers et de villes
modernes et d'une grande coupure entre les mécanismes économiques,
sociaux et culturels de ceux-ci avec le reste du pays.
Par ailleurs, la propagation du mode de production colonial dans
le monde rural a créé une restructuration de l'organisation sociale à la
campagne. En effet, l'introduction du machinisme poussé et le
mouvement l'expropriation des terres des petits paysans ont déclenché
deux réponses différentes aboutissant à un même résultat: l'exclusion
par rapport à la société dite moderne.
Au premier plan, la migration à la recherche d'emploi a obligé
ces paysans à s'installer dans les zones périphériques des grandes villes:
Tunis, Sousse, Bizerte,... créant ainsi un phénomène de bidanvilles qui a
pris de l'ampleur au fur et à mesure'1).
Au second plan, le reste des paysans gardant leur emploi
agricole, étaient complètement à la marge de la nouvelle dynamique
d'une économie "industrialisée" et d'un nouveau vécu socio-culturel. En
effet, une société autochtone renfermée sur elle a été constituée et
consolidée devant une attitude agressive des phénomènes de
l'expropriation. Entre ces deux sociétés la grande question qui reste
posée pour l'étude c'est : laquelle des deux est exclue ?
Par ailleurs, au lendemain de l'indépendance (1956) , l'héritage
économique et social était très lourd, hypothéquant toute la stratégie
adoptée durant les années 60.
(1) : Différentes études en Tunisie ont analysé ce phénomène et ce depuis la première guerre
mondiale (ce point sera analysé plus profondément dans le document final de l'étude).
7
En effet, avec le chômage'croissant'2) qui a caractérisé la période
de fuite des capitaux et de désinvestissement (début des années 50) le
déséquilibre entre les secteurs économiques (secteur moderne et secteur
artisanal traditionnel) se conjugue avec le grand déséquilibre régional
pour expliquer la grande faiblesse d'intégration des larges masses et de
multiples régions dans le processus et l'effort de développement.
D'autant plus que la stratégie suivie à l'époque (stratégie de substitution
aux importations : S.S.I.) bien qu'elle était basée sur la création de pôles
régionaux de croissance, n'a pas généré un mouvement d'adhésion et de
soutien des différentes régions et couches sociales dans le pays.
En effet, le phénomène de dualisme vécu sur le plan
géographique entre les régions de l'intérieurs du pays et le littoral131
accentué à l'époque coloniale par le nouveau dualisme entre l'économie
dite moderne et l'économie autochtone traditionnelle, se régénère par un
dualisme entre les pôles de croissance gigantesques orientés vers
l'économie extérieure et un tissu économique, peu articulé et
traditionnel.
Le schéma adopté dans les années 60 consiste à créer des pôles
de croissance basés sur la valorisation des matières premières
disponibles dans les régions : - Gabès : pôle d'industries chimiques ;
Gafsa : pôle d'industrie minières ; Kasserine : pôle des industries du
papiers; Béja : pôle des industries mécaniques et métallurgiques ;
Kairouan : pôle des industries de la laine -...
Le développement escompté consistait à déclencher un
processus d'intégration de ces pôles dans leur espace géographique plus
large, en impulsant un mouvement de sous-traitance et d'intégration
inter-régionale et inter-sectorielle dans le pays.
(2) : On dénombre l'époque plus de 500.000 chômeurs dans le pays, ce qui correspond à environ 50%
de la production active existante.
(3) : En effet, la promotion de nouvelles unités de production modernes dans des régions
défavorisées généralement à partir du capital étatique a entraîné l'émergence de groupes privilégiés
donc de gens accédant à la vie moderne sans pour autant intégrer le reste de la production régionale.
8
Mais en dépit des aspects positifs de cette orientation et de sa
création d'une infrastructure économique et sociale dans le pays, l'échec
de ce schéma s'est traduit par une rupture entre ces pôles et leurs
espaces régionaux de développement et par le manque d'interaction
entre eux, développant ainsi une base de désintégration de l'espace et
une rupture entre ces acteurs de croissance par les chiffres et le vécu
socio-économique et culturel des larges populations.
Cependant, avec l'échec de la stratégie de substitution aux
importations suivie durant les années 60, les années 70 ont connu une
nouvelle orientation économique basée sur la promotion des
exportations. Cette nouvelle stratégie n'était pas exempte de mécanismes
d'exclusion tant de membres de la société que de groupes ou régions
dans le pays.
Sur le plan économique, cette stratégie a engendré une
amélioration des agrégats économiques jamais connue dans l'histoire de
la Tunisie. En effet, le taux de croissance annuel moyen enregistré durant
cette période a atteint plus de 5%, permettant la création de plus de
40.000 emplois par an (soit 400.000 postes pour toute la décennie contre
130.000 seulement durant les années 60).
L'augmentation appréciable de la rente pétrolière suite aussi
bien à l'amélioration du niveau de production qu'à la valorisation des
prix n'était pas étrangère à cette performance économique. De même,
l'abondance de liquidités à l'échelle internationale a impulsé un
mouvement d'investissement de capitaux étrangers dans le pays et à
provoqué par là un processus d'industrialisation basé sur les industries
manufacturières exportatrices.
C'est justement tout cela qui a permis l'augmentation vertineuse
des masses salariales, à la suite aussi bien d'une amélioration des
salaires distribués que du recrutement par l'Etat et les entreprises
publiques. Le SMIC à titre d'exemple, a augmenté de 95% et le salaire
moyen de 46% durant cette période (en termes réels).
9
L'accroissement de la consommation qui en est résultée, si elle a
dépassé le taux d'augmentation de la croissance du P.I.B.( estimés
respectivement à 6,7% et 5,2%) elle a impliqué un nouveau modèle de
consommation dépassant la capacité productive du pays' 1 '. Comme celuici n'était pas à la portée de l'ensemble des membres de la société, il a été
à l'origine d'un sentiment de frustration sociale et psychologique chez les
larges masses non intégrées. Autrement dit, le schéma de
développement suivi à l'époque et mettant l'accent sur les aspects
économiques, beaucoup plus que sociaux a provoqué une rupture entre
le vécu économique (traduit par les chiffres) et le vécu social.
Le tarissement relatif de la rente pétrolière conjugué avec la
montée des charges de la datte extérieure n'étaient pas de nature à
amoindrir ces effets néfastes et à accroître l'intégration sociale,
accélérant par là l'événement d'une crise tant économique que sociale.
Ainsi, l'adoption d'un Programme d'Ajustement Structurel (P.A.S.) à été
jugé impérative au milieu des années 80.
Visant la restructuration de l'économie du pays et l'atténuation
des déséquilibres tant au niveau de la balance des paiements qu'au
niveau du budget de l'Etat, le P.A.S. n'était pas exempt de graves
conséquences surtout sur le plan social.
En effet, la privatisation des entreprises publiques, si elle n'a pas
aggravé directement par le licenciement le problème du chômage dans le
pays (hypothèse à vérifier plus-tard) elle a enlevé la possibilité de
création d'emploi par le secteur public.
La précarité de l'emploi qui s'est consolidée depuis quelques
années, non seulement a renforcé la distinction entre le travail
permanent et le travail non qualifié donc non stable, mais elle a
développé un sentiment d'insécurité et un afflux vers le secteur
informel.
(1) : L'accroissement de l'investissement en logement dont la part dans les investissements globaux
est passé de 13%au début de la décennie à 18,5% à la fin reflète cette évolution du pouvoir d'achat
des salariés dans le pays.
10
Les réformes entreprises dans le cadre du P.A.S. marquant une
rupture avec le politique précédente de forte protection du tissu
industriel local et de l'ensemble des activités économiques existantes ne
sont pas étrangères à cette situation.
La libération des échanges extérieurs, aboutissant à la réduction
des doits de douane (compression des taux les plus élevés) s'est traduite
par un ralentissement de la croissance des recettes fiscales de l'Etat
Tunisien(ou une perte de recettes fiscales importante) aggravant par là
le déficit budgétaire et limitant par conséquent l'opération de
redistribution de l'Etat.
Ainsi, si le recours croissant à l'élévation du taux d'imposition
sur les salariés et les producteurs (TVA, impôts sur le revenu, et impôts
sur les bénéfices), s'est imposé pour compenser ce manque à gagner de
l'Etat, il a contribué par ailleurs à la réduction du pourvoir d'achat de
nombre de salariés dans le pays(1).
Conjuguée avec la compression des dépenses sociales de l'Etat
(santé, éducation, couvertures sociales...) cette détérioration du pouvoir
d'achat des larges masses des salariés était à l'origine d'une politique
d'accompagnement et de lutte contre la pauvreté dans le pays.
(1) : Selon quelques estimations, le pouvoir d'achat des salariés au début des années 90 était
comparable à celui de la fin des années 70.
11
II - CHOMAGE ET PAUVRETE, PRINCIPALES CAUSES
D'EXCLUSION EN TUNISIE
A - EXCLUSION ET CHOMAGE
PROBLEMATIQUE
La problématique posée par la relation entre le revenu et le chômage
est elle aussi conséquente au dualisme indiqué plus haut. Les divers
phénomènes, qu'elle génère, ont été toujours le résultat de difficultés
d'interaction entre deux pôles d'intérêts.
Ces difficultés, qui seront développées de manière approfondie dans
le document final de l'étude, sont multiples; nous citerons ci-aprés dix
d'entre elles:
1- CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET CROISSANCE
ECONOMIQUE
Malgré les efforts consenties par la Tunisie pour contenir la poussée
démographique et les résultats qu'elle a obtenu dans ce domaine et qui
font d'elle un pays pilote en Afrique, il ne manque pas moins que le taux
annuel de croissance démographique pour la période 1984-1994, stagne
autour de 2,2%, induisant une évolution de la population active à un taux
annuel de 3,1%. Cette situation,qui se traduit par un flux annuel de
70.000 demandes additionnelles d'emploi, contraste avec une capacité de
création d'emploi qui n'a pas dépassé la moyenne de 50.000 postes par an1,
et ce malgré une croissance économique en évolution nette depuis 1982
(2,9% entre 1982 et 1986; 4,2% entre 1987 et 1991 et 8,0% en 1993).
Ce dysfonctionnement entre la croissance démographique et la
croissance économique a aussi engendré un déficit en matière de création
1
le seuil de création de 50.000 postes d'emploi par an. n'a été dépassé en tunisie qu'à partir de 1992:52.000 et
1993: 56.000 postes.
d'emplois et a provoqué la progression du taux de chômage qui est passé
de 13,6 % en 1984 à 15,3 % en 1989.
Outre cette évolution du volume du chômage, on constate un
élargissement significatif de sa durée, surtout chez certaines catégories
socio-professionnelles d'actifs dont notamment les jeunes. En effet, 47%
des chômeurs âgés de moins de 30 ans atteignent une durée de chômage
supérieure à deux ans. Ce phénomène est d'autant plus significatif que les
demandeurs d'emploi âgés de moins de 30 ans représentent 69,9 %2 de
l'ensemble des chômeurs.
Aussi, le chômage, de part sa durée, est-il plus ressenti chez les
jeunes dont le niveau d'instruction est en progression continue et qui
n'arrivent pas à gérer leur passage de l'environnement scolaire où ils
étaient pleinement intégrés, au marché de l'emploi où ils se sentent exclus,
alors qu'ils étaient plein de projets d'avenir au niveau individuel et
d'engagement participatif régional et national au niveau collectif.
Ce sentiment d'exclusion provoqué par le chômage et sa durée,
risque d'entrainer, notamment chez les jeunes en particulier, un sentiment
de frustration qui conduit à la marginilisation et à l'exclusion totale
comme le démontre les premiers résultats de l'enquête qualitative réalisée
par le Ministère des Affaires Sociales qui se propose d'évaluer les
programmes d'action de lutte contre la pauvreté en vue d'établir la stra
tégie future appropriée.
Il importe de souligner que ces difficultés nées essentiellement du
déséquilibre entre la croissance démographique et celle économique,
risquent d'augmenter si l'en se réfère aux conclusion des experts, qui à la
suite de récents travaux remettent en cause la durée de l'effet de la
maitrise des naissances sur le taux de croissance de la population active.
En effet, ils ont démontré que cette période est comprise entre 30 et 40
ans, alors que l'en estimait jusque là entre 15 et 20 ans seulement.
Enquête population -emploi (INS 1989)
2- CROISSANCE ECONOMIQUE ET EMPLOI
Le dualisme entre la croissance économique et l'emploi repose sur
une question fondamentale: existe-t-il une relation directe entre la
masse d'investissement et le volume de création d'emploi9
L'expérience Tunisienne en matière d'investissement, durant les
trois dernières décenies, a démontré que cette relation, loin d'être
systématique, est notamment fonction des choix sectoriels, des
mécanismes de gestion du marché du travail, des technologies adoptées et
du niveau de préparation des ressources humaines. En effet les créations
d'emplois ont atteint 404.000 postes au cours de la troisième décenie
(1982-1991), alors qu'ils n'ont atteint que 373.000 (y compris l'émigration)
au cours de la période 1972-1981 et ce malgré une masse d'investissement
relativement plus importante.
Toutefois, même si elle n'est pas systématique, cette relation entre
l'investissement et l'emploi existe. Il appartient aux planificateurs d'opérer
les choix qui créent la dynamique du développement et induisent la
création d'un nombre important de postes d'emploi. C'est en effet l'emploi
qui permet la répartition des revenus produit de l'investissement.
3- CROISSANCE ECONOMIQUE ET DEVELOPPEMENT
Les difficultés d'interaction entre la croissance économique et le
développement dans le modèle Tunisien se situe au prolongement des
problèmes évoqués au niveau du rapport entre croissance économique et
emploi.
L'analyse des schémas de développement des années soixante,
carécterisés par la concentration des investissements au niveau de
certaines régions considérées comme pôles industriels, a révélé que ce
choix n'a pas généré un processus d'intégration régionale et il est loin
d'avoir crée une dynamique régionale de développement. Pire encore, on
constate des taux de chômage supérieurs à la moyenne nationale dans des
localités très proches de ces pôles industriels3.
3
£1 hamma, (localité située à 28 km de Gabes pôle industriel en chimie) enregistre un taux de chômage de
27%. De même Mcknassi et Sned ( situées à 60 et 40 km de Gafsa pôle industriel en mineraie et phosphate)
4- REGIONS DE L'INTERIEUR ET REGIONS DU LITTORAL
La question du chômage et du revenu est perçue en Tunisie de
manières différentes par les régions de l'intérieur et celles du littoral, tant
au niveau de la problématique qu'au niveau des solutions apportées pour
réduire les inégalités structurelles entre les deux types de régions.
Malgré les efforts continus et consentis par l'Etat Tunisien pour
apporter des solutions radicales et durables, au déficit structurel du tissu
économique des régions de l'intérieur, à travers d'importantes mesures
d'encouragement à l'investissement et à la promotion de l'activité, il n'en
manque pas moins que ces investissements et le cas échéant leurs produits
sont systématiquement aspirés par les régions du littoral.
L'absence d'une dynamique interne aux régions intérieures, la
fragilité économique des établissements de services, les difficultés
d'approvisionnement et de commercialisation, l'étroitesse des marchés
locaux et régionaux, les problèmes liés aux manques qualitatif et
quantitatif des moyens de transport, font que les promoteurs des régions
de l'intérieur sont souvent à la merci des entreprises fortement structurées
du littoral.
De même, les mutations profondes que connait l'économie d'une
manière générale et les techniques de production de biens ou de services,
dans un environnement de plus en plus ouvert à la concurrence ,
amplifient les difficultés des régions de l'intérieur, dont la production
n'arrive pas à concurrencer en matière de rapport qualité-prix celle du
littoral pour les raisons structurelles évoquées plus haut.
Il en découle de cette situation une précarité de l'emploi et un désir
profond de migration chez les chômeurs qui n'ont pour autre choix que de
se résigner à l'emploi saisonnier dans le secteur de l'agriculture , qui lui
aussi demeure traditionnel et très faiblement mécanisé. A ce niveau le
sentiment d'exclusion devient plus fort, lorsque le chômeur n'arrive même
pas à satisfaire, pour des raisons économiques, son besoin de migration ou
plutôt la "nécessité qu'il ressent de migrer à la recherche d'un travail et
d'un revenu pour pouvoir vivre et subvenir aux besoins des siens".
5- OFFRES ET DEMANDES DEMPLOI
La demande d'emploi générée par par le système de production
présente souvent des exigences très difficile à rapprocher à l'offre. En effet
les ressorces humaines disponibles présentent une structure inadéquate à
la demande : 70% de cette offre est. d'un niveau qui ne dépasse pas le
primaire et souvent sans aucune qualification professionnelle; 28% d'un
niveau secondaire et 2% du supérieur.
Sans effort d'adaptation spécifique , non seulement plusieurs demandes
d'emploi resteront insatisfaites et freineront le développement des
entreprises , mais en plus plusieurs demandeurs d'emploi seront contraints
au chômage et à l'exclusion.
6- ETENDUE DU MARCHE ET ECONOMIE DE MARCHE
L'impératif de s'orienter vers une économie de marché pour pouvoir
libérer l'initiative et promouvoir l'activité pose un problème souvent
difficile à surmonter pour certains secteurs de l'économie tradionnelle. En
effet le choix adopté implique l'extension du marché et ie passage du
marché local vers le régional, du régional vers le national et du national
vers l'exportation et les marchés extérieurs. Cette chaine ne peut être
assurée que par la modernisation des entreprises, la révision des systèmes
de productions, l'introduction de nouvelles technologies et une agressivité
permanente face à la concurrence du marché; le tout sur la base du fameux
rapport qualité-prix qui permet à l'entreprise de se maintenir et de
s'épanouir.
Face à cette exigence imposée par la réalité du marché, l'entreprise
est appelée à se restructurer, libérant ainsi les ressourses humaines qui
étaient productives dans le cadre d'une économie traditionnelle et
inadaptée aux exigences de l'emploi dans une économie moderne. Le
chômage ressenti par cette catégorie est d'une amertume particulière
16
puisqu'il provoque chez eux un nouveau sentiment qu'ils n'avaient peut
être jamais connu: "l'exclusion".
7- SECTEUR INFORMEL ET DEVELOPPEMENT DES REGLES De
MARCHE
La réalisation du plan d'ajustement structurel en tunisie et les
réussites enregistrées dans les divers axes fondamentaux de ce plan
(révision du code des investissements en direction d'une plus grande
souplesse et d'une meilleure rentabilité des investissements, libéralisation
de la production , de l'importation et de la commercialisation; la réforme
des régimes de taxation et d'imposition pour améliorer la compétitivité de
la production sur le marché national et international, la dévaluation de la
monnaie nationale dans un premier temps et sa convertibilité, la réduction
des taux d'intérêt bancaire etc.) durant la période 1987-1993, n'empêchent
pas de révéler deux difficultés majeures au niveau social:
*La première découle des conséquences directes de
l'application du programme d'ajustement structurel au
niveau de l'entreprise. Celle-ci se trouve contrainte à
maintenir son équilibre financier et à assurer son
développement dans un environnement concurenciel, d'agir
pour améliorer la rentabilité de ses moyens, dont notamment
ses ressourses humaines.
Souvent les intérêts des entreprises passent par des
changements importants aux niveaux du système de
production, des équipements, de l'organisation du travail et
des techniques d'approvisionnement, de fabrication, de
stockage, d'écoulement et des services après vente. Autant
de problèmes insurmentables pour certaines catégories du
personnel dont la mécanisation et la robotisation rend
souvent leur nombre supérieur aux besoins réels de
l'entreprise.
Le problème principal découlant de cette nouvelle situation
est le licenciement d'un grand nombre de travailleurs de
différentes spécialités et de divers secteurs, mais dont les
profils ne sont plus adaptés aux nouvelles exigences des
dispositifs de production des entreprises.
*La deuxième est conséquente de cette nouvelle situation
jusqu'ici inconnu en Tunisie, rend difficile la réinsertion de
cette catégorie de chômeurs (issus des pertes d'emploi),
puisqu'il n'existe pas de mécanismes appropriés de
traitement. Il en resuite donc, chez les concernés, un
sentiment d'exclusion difficilement contoumable.
Certains, confrontés aux réalités et aux besoins économique de leur
vie individuelle et familiale se trouvent astreint à rechercher du travail
dans le secteur informel, soit au prés des établissements existants, soit en
s'installant à leurs propres comptes en puisant dans les économies qu'ils
auraient pu ramasser durant leurs périodes d'activité.
En effet, le secteur informel leur offre plusieurs possibilités dans
divers domaines et notamment dans l'activité commerciale. Or ce choix
n'est pas souvent facile à mettre en application étant donné qu'au niveau
structurel le développement de ce secteur contraste avec le développement
des régies du marché.
Ce conflit s'explique par la demande pressante du secteur structuré
d'être protégé de la concurence déloyale du secteur informel qui est
généralement plus compétitif en raison de ses faibles charges et de
l'absence de règles contraignantes. L'argument souvent interpelé par le
secteur structuré est que le développement du secteur informel sans
réglementations adéquates qui sauvegardent les intérêts des uns et des
autres, risque de fragiliser fortement leur situation économique et les
mener à terme, vers la faillite.
18
8- PROMOTION DE L'ACTIVITE ET SECURITE DE L'EMPLOI
Le problème posé au niveau de cette interaction est : comment
concilier entre une politique basée sur la promotion de l'emploi et de
l'activité et une politique de sécurité sociale9
Pour la promotion de l'emploi, il est absolument nécessaire de
développer l'innovation, la créativité et l'esprit d'entrepreunariat, ce qui
nécessite une culture spécifique rompant avec le besoin d'assistance
souvent en pratique.
Ainsi, la promotion de l'activité à travers l'emploi indépendant et la
création d'entreprise demande inéluctablement et en premier lieu à vaincre
cette crainte enracinée du risque face à l'absence du revenu stable émanant
de l'emploi salarié ou aux garanties de bénéfices réguliers fixés à la base
grâce aux pratiques de monopôle qui sécurisaient les promoteurs dans le
cadre d'un marché protégé.
Aussi s'agit-il de combattre certaines formes d'exclusion chez une
catégorie de promoteurs potentiels à travers le développement d'une
nouvelle culture de promotion de l'activité.
9- CREATION D'EMPLOI POUR LUTTER CONTRE LE CHOMAGE
ET DEFENDRE LES EMPLOIS EXISTANTS
L'entreprise prend de plus en plus conscience et au fure et à mesure
qu'elle se trouve en situation de concurrence, de la nécessité d'optimiser la
rentabilité de toutes ses ressources et notamment ses ressources humaines.
C'est ainsi qu'elle se trouve souvent confrontée à deux situations
contradictoires, d'une part le besoin pressant de faire appel à de nouvelles
compétences pour lesquelles des nouveaux emplois sont créés, compte
tenu des nouvelles exigences économiques de l'entreprise et du
développement de son activité; et d'autre part la lutte contre le phénomène
des "chômeurs payés dans l'entreprise". Cette catégorie qui se trouve
presque dans toutes les entreprises est en marge du système de production
soit pour des causes individuelles liées aux intéressés mêmes, soit pour
des défaillances d'organisation. Ces exclus, souvent volontaires, portent
19
préjudice à l'entreprise et constituent une des causes de réduction des
possibilités de création d'emploi.
10- PLAN D'AJUSTEMENT STRUCTUREL ET MARCHE DE LIBRE
ECHANGE
La réussite du plan d'ajustement structurel en Tunisie, dont la
réalisation a démarré en 1987 a créé une attente chez le Tunisien qui
attend avec impatience les fruits de ses sacrifices ( austérité, perte
d'emploi, équilibre précaire du pouvoir d'achat et autres)
Or le voilà de nouveau appelé à accomplir un effort supplémentaire
et à concéder de nouveaux sacrifices (comme il a été démontré plus
haut)pour assurer l'intégration de la Tunisie dans le marché de libre
échange.
Il s'agit donc de faire face au développement encore plus accéléré de
la libéralisation économique et aux conséquences que cela peut générer au
niveau de l'emploi pour les entreprises contraintes à la restruction.
MESURES
Partant de cette situation de dualisme constaté au niveau des
principales causes de l'exclusion et des difficultés d'interaction entre les
divers pôles d'intérêts qui la caractérise, les pouvoirs publics en Tunisie
ont pris une série de mesures ayant pour finalité de réduire certains effets
de ces difficultés. Parmi ces mesures nous citeront ci-après celles qui sont
en relation étroite avec les difficultés énoncées ci-dessus.
1- L'ENCOURAGEMENT A L'INSERTION DES JEUNES
Pour lutter contre la marginalisation des jeunes demandeurs
d'emploi et réduire la durée de leur chômage, un programme
d'encouragement à l'emploi des jeunes regroupant trois formules de stages
d'initiation à la vie professionnelle à été mis en oeuvre.
20
Grâce aux améliorations introduites sur ce programme qui touche en
moyenne 8500 jeunes par an, les trois formules qu'il contient sont
devenues spécifiques à des catégories cibles, bien identifiées et couvrant
une plage de jeunes allant de la troisième année post-primaire aux
diplômés du supérieur.
L'objectif commun de ces systèmes de stage est d'encourager les
entreprises à accueillir des jeunes primo-demandeurs d'emploi en vue de
leur faciliter l'accès à l'emploi.
Cependant, il demeure important de relever que ce programme, tout
en apportant une solution pratique en matière de traitement spécifique
d'une catégorie de jeunes cibles de l'exclusion, n'arrive à toucher que 5%
des primo-demandeurs d'emploi.
Outre les limites d'ordre budgétaires, le développement de ce
programme est confronté, d'une part à une problématique d'ordre
structurel, liée à la faiblesse du tissu industrielle dans les régions de
l'intérieur, où la capacité d'accueil des entreprises est réduite; et d'autre
part à l'inadéquation entre les profils des flux des jeunes et les postes de
stage offerts par les entreprises, ce qui engendre certaines difficultés
pratiques de placement en stage.Nous citerons à ce niveau les jeunes
titulaires de diplômes dans des spécialités destinées à des secteurs bien
déterminés et se trouvant en pleine restructuration, et qui rencontrent
d'énormes difficultés d'insertion (agriculture, industrie extractive....).
En plus de ce programme spécifique aux jeunes, il existe en Tunisie
depuis les années soixante, un programme de "chantier" dit: programme
de lutte contre le sous développement. "Le principal objectif de ce
programme est de fournir un salaire temporaire au plus grand nombre de
chômeurs possible, plutôt que de rentabiliser chaque dinar investi. Ce
programme a atteint ses objectifs. Il n'a cependant pas permis de créer
suffisamment d'emplois permanents non subventionnés, ce qui était
implicitement son objectif'4.
les principales causes des limites de l'intervention des chantiers
résident d'abord dans l'identification des projets faisant l'objet de ces
4
Rapport d'évaluation F1AP-BIRD juillet 1990
21
chantiers et dont l'étude de mise en oeuvre qui est souvent approximative,
et en suite dans la structure de la population cible qui est constituée de
91% de chômeurs d'un niveau inférieur au primaire et de 30% âgés de
plus de 59 ans (25% seulement sont âgés del 8 à 34 ans).
2- LE CHOIX DES INVESTISSEMENTS
Les choix d'investissement adopté en Tunisie, pour réduire les
difficultés de l'interaction de la croissance économique et de l'emploi, sont
clairement exposés dans le VlIIème plan de développement économique
et social (1992-1996) qui précise surtout: « la problématique réside dans
la concrétisation du saut qualitatif nécessaire en matière de production et
de productivité sans lesquelles les objectifs de croissance économique
(6% par an), d'emploi et d'équilibre financier seraient difficile à réaliser...
Les orientations concernent également l'industrie manufacturière eu égard
à son poids dans la réalisation des objectifs nationaux de croissance».
C'est d'ailleurs pour ces mêmes raisons que le plan a confirmé le
choix du secteur des services dont notamment le tourisme qui verra sa
capacité d'accueil passée de 100.000 lits en 1991 à 200.000 lits en l'an
2.000.
Le tableau ci-aprés traduit clairement les choix adoptés:5
Secteur d'activité
Réalisations 7ème plan
1987-1991
Pêche
6500
BTP
2500
Mines et énergies
2250
Industries munufactur.
65000
Transpt. télécom.
4300
Tourisme
7500
Adm. comm. autr. serv.
120450
Total
204000
'Source: VlIIcme plan de développement 92-96
Prévisions 8ème plan
1992-1996
10000
15000
-
120000
7500
10000
150000
320000
22
3- DEVELOPPEMENT DE L'ACTIVITE DANS LES REGIONS
DEFAVORISEES
Que les difficultés d'emploi et de revenus de certaines régions
proviennent de l'adoption d'un mauvais schéma de croissance ou qu'ils
résultent de contraintes structurelles propres à la situation géographique
de la région, le résultat est identique et se traduit par la fragilité , sinon
l'absence d'une dynamique de développement.
Pour réduire ces difficultés et encourager la création d'un tissu
économique intégré dans les régions défavorisées, plusieurs programmes
de promotion de l'emploi indépendant et de la micro-entreprise ont été mis
en oeuvre tant en milieu rural qu'en milieu urbain. Nous citerons en
particulier:
* Le fonds national de promotion de l'artisanat et des
métiers qui, créé en 1981 a permis l'installation de près
16.000 unités générant 64.000 emplois permanents;
* Le programme de développement de la micro-entreprise
dans 12 gouvernorats de l'intérieur dans le cadre du projet
CEE 1993;
* Les programmes de création et de consolidation de
l'emploi inclus dans les programmes régionaux de
développement, de développement rural intégré et de
développement urbain intégré (PRD, PDRI, PDUI);
* Et ce, outre les fonds destinés à la promotion de la
décentralisation industrielle (FOPRODI), au développement
de l'agriculture (FOSDA) et de la pêche (FOSEP), qui
accordent des avantages particuliers aux projets des régions
de l'intérieur.
Par ailleurs, le Vfflème a. adopté l'orientation stratégique basée sur
un certain nombre de principes: « a u premier rang de ces principes figure
la nécessité pour la région de mobiliser ses capacités et ses potentialités
pour asseoir une dynamique propre s'appuyant sur le développement du
secteur privé et sur le rôle dévolu aux collectivités locale» 6 .
VlIIème plan
23 :
4- REPONSE AUX DEMANDES DEMPLOI
Cette demande liée aux besoins spécifiques des entreprises prend
plusieurs formes. Elle peut se manifester dans le cadre de la création de
nouveaux emplois conséquents au développement de l'activité de
l'entreprise, comme elle peut être provoquée par les exigences d'une
réorganisation des systèmes de production ou une restructuration liée à un
changement profond des processus de fabrication. De même qu'elle peut
être induite par une exigence de rentabilité des ressources et à une
modernisation de l'entreprise. Autant de facteurs qui nécessitent des
interventions spécifiques, ponctuelles, ciblées et rapides.
Aussi, les pouvoirs publics en Tunisie ont-ils mis en oeuvre un
important programme ( le fonds d'insertion et d'adaptation professionnelle:
FIAP) doté de plusieurs instruments d'intervention, ayant pour finalité de
répondre aux besoins exprimés par les entreprises et difficile à satisfaire.
Depuis la création de ce fonds en mai 1991, près de 27.000 demandeurs
d'emploi ont été adaptés en vue de les insérer dans les entreprises (taux
d'insertion: 74%).
B- PAUVRETE ET EXCLUSION
PROBLEMATTOE
1 * La mesure de la pauvreté en Tunisie:
Les limites d'une mesure macro-économique (s'appuyant sur les
enquêtes périodiques sur le budget de consommation), du phénomène de
la pauvreté, ont donné lieu à une controverse permanente entre
chercheurs, organismes nationaux et institutionnels et partenaires sociaux
et cristitutionnels: INS, BIT, BIRD, FAO-OMS, INNTA, UGTT, etc..
Les différentes tentatives de mesure, visent à préciser davantage et
explicitement les modalités de fixation des seuils de pauvreté. Mais,
malgré la diversité des méthodes utilisées, nous pouvons relever tout
particulièrement, l'intérêt exclusif qu'elles accordent toutes, à la partie
alimentaire dans la détermination des seuils de pauvreté. Ces différentes
méthodes, quoiqu'elles n'autorisent pas une connaissance véritable et
rigoureuse, des profils des personnes vivant ce phénomène, c'est à dire des
caractéristiques des familles concernées par cette exclusion sociale,
permettent chacune à sa manière de mesurer l'étendue de la pauvreté.
A la lumière de la comparaison entre les différentes mesures, les
profils, l'ampleur et les mécanismes de la pauvreté semblent différer d'une
méthode à une autre. L'étendue de l'exclusion varie du simple au double,
voire même au triple.
EVOLUTION DU SEUIL DE LA PAUVRETE ABSOLUE EN TUNISIE
(DEPENSE TOTALE MINIMALE PAR PERSONNE ET PAR AN)
SELON LES DIFFERENTES METHODES
Année
1966
1980
1985
1990
BIRD INS
BIT
Seuil Populat Seuil
s/s seuil
37 D 31.1%
48D
80 D 12.9% 120 D
7.7% 197 D
121 D
6.7% 276 D
170 D
INNTA
Populat Seuil Populat
s/s seuil
s/s seuil
41.0%
95 D
28.6% 208 D 64.%
22.7% 326 D
456 D
UGTT
Seuil
168 D
311 D
491 D
676 D
En retenant les définitions établies par la BIRD-INS et le BIT, le
seuil de la pauvreté correspondant au revenu minimal (montant des
dépenses minimales par personne et par an), comparé au SMIG pratiqué,
déduit des contenus différents de la pauvreté. D'un coté, selon la méthode
BIRD-INS la population vivant au dessous du seuil de pauvreté semble
concerner des non actifs dépourvus de revenus et/ou vivant d'une
assistance familiale ou institutionnelle. De l'autre coté, et selon la méthode
du BIT, la population vivant au dessous du seuil de pauvreté semble
concerner une bonne partie d'actifs exerçant des activités informelles et
même des smigards pouvant travailler dans des secteurs structurés,
puisque le revenu minimal qui correspond au seuil BIT, est proche du
SMIG en 1985 et le dépassant même en 1990.
25
Il faut rappeler ici que le BIRD considère que le SMIG constitue une
entrave à l'emploi dans la mesure où il ne correspond pas au prix
d'équilibre du marché de l'emploi. De ce fait en remarque un écart de plus
en plus sensible entre le seuil calculé par la méthode BIRD-INS et le
SMIG. Par contre le seuil calculé par le BIT apparaît très proche du SMIG
et suit de prés son évolution.
Le tableau ci-après, permet d'apprécier les écarts entre le salaire
minimal du principal actif d'une famille composée de 5,5 personnes
calculé suivant les différentes méthodes de mesure du seuil de pauvreté en
Tunisie et le SMIG fixé par les autorités publiques du pays:
BIRD INS
BIT
INNTA
UGTT
SMIG
7
Année rev/min sal/m rev/min sal/m rev/min sal/m rev/min sal/m salre.
famille actif famille actif famille actif famille actif mois
1966
17
13
77
59
16
22
32
16,5 43,5
1980
37
27,5
105
50
55
41
71
142
95,5
1985
41
55,5
225
167 95,0
90,5
67
149,5 110
1990
230 120,0
78
58
310
126,5
94
210
156
Ainsi, il apparaît que toute définition de la pauvreté est
fondamentalement subjective et comporte une part plus ou moins
importante d'arbitraire. Les limites de démarcation entre pauvre et non
pauvre ne devraient pas en fait, être considérées comme les résultats de
calculs précis. Elles sont plutôt déduites d'une série d'estimations
indicatives permettant de distinguer les couches de population pouvant
subvenir à leurs besoins de celles qui ne sont pas en mesure de le faire,
faute de moyens. Dans tout cela, il est bien évident important et essentiel
de connaître les pauvres , leurs caractéristiques ,leurs secteurs d'emploi,
leurs moyens d'existence , leurs difficultés , leurs besoins et leur
répartition géographique.
institut national de nutrition
26
Pour notre part, nous opterions pour une méthode qui lie la pauvreté
à l'emploi, qui nous éclaire sur les pressions vécues par les demandeurs
d'emploi actifs ou potentiels et qui entraine l'exclusion. Ce choix nous
induit à retenir la définition du B.I.T. qui semble la plus proche de notre
option et ce malgré le fait qu'elle se limite au calcul théorique du seuil de
pauvreté à partir d'indicateurs sur les besoins alimentaires révélés par
l'enquête périodique "budget de consommation des ménages, alors qu'elle
pourrait être développer par une meilleure analyse du vécu du chômeur.
La définition adoptée par le BIT permet en même temps de couvrir
le noyau dur mesuré par la méthode BIRD-INS et les populations
vulnérables à la pauvreté citées dans le paragraphe précédant (chômeurs
de longue durée Jeunes primo-demandeurs , femmes...)
Cette définition estimé la population totale pauvre à 1.700.000
personnes soit 20,6 % de la population totale dont 750.000 dans les zones
urbaines et 935.000 dans les zones rurales .
ESTIMATION DE LA PAUVRETE EN TUNISIE SELON LA
METHODE INS-BIRD ET BIT
en milliers
1990
1980
1985
Méthodes URB. RUR. TOT. URB. RUR. TOT. URB. RUR. TOT.
BIRD-INS 393 430 823 324 229 554 354 190 544
14
12
7
5,7
6,7
%
8
7,3
BIT
599 1290 1819 602 1020 1622 750 935 1700
22,0 42,0
16,0 31,0
15,5 28,3 20,6
%
2 * Le profil de la pauvreté
La mise en place d'une stratégie de lutte contre la pauvreté et par
conséquent réduire l'exclusion et la marginalisation des groupes de
populations (noyau dur et groupes vulnérables), présume préalablement
l'identification et l'analyse des caractéristiques des pauvres .
Les pauvres sont estimés à 1,7 millions de personnes
( 20,6 % de la population totale en 1990 ) y compris les
544.000 constituant le " noyau dur " de l'INS-BIRD .
55 %des pauvres sont situés dans le milieu rural contre
45 % dans le milieu urbain .
Les pauvres sont concentrés dans les régions du
nord-ouest, du centre-est et du sud .
REPARTITION DES PAUVRES PAR REGIONS
Région
District Tunis
Nord-Est
Nord-Ouest
Centre-Ouest
Centre-Est
Sud
Total
%
7,9
18,9
34,2
32,0
14,2
23,6
20,6
Par personnes
Nombre
1330071
211690
417552
380371
242455
288425
1673564
%
6,3
16,1
31,3
30,1
11,7
18,8
17,8
Par ménage
Nombre
197749
32105
68928
58564
36488
38896
254730
L'incidence de la pauvreté est plus élevée parmis les
ménages dont les chefs sont des travailleurs , soit
agricoles , soit non agricoles . Ces catégories sont
suivies par les exploitants agricoles et les artisants
et indépendants dans l'industrie, le commerce et les
services .
L'incidence de la pauvretéest aussi élevée chez les
ménages dont les chefs sont des actifs à la recherche du
travail. Cette catégorie de pauvres dispose des revenus
plus bas, soit à peu prés la moitié de la moyenne
nationale (367 dinars contre 716 dinars pour le revenu
national moyen ) .
28
REPARTITION DES PAUVRES PAR CATEGORIE
SOCIO-PROFESSIONELLES DU SOUTIEN PRINCIPAL DU
MENAGE
Catégorie socio-professionnelle
Cadres prof, supérieures
Cadres prof, moyens
Autres employés
Patrons
Artisan et indépendant
Ouvrier non agricole
Exploitant agricole
Ouvrier agricole
Soutiens inactifs
Soutiens hors ménages
Soutiens sans travail
Ensemble
% Des pauvres
0,0
1,1
5,0
2,6
13,3
18,0
22,6
40,3
13,8
16,4
40,9
17,6
Nombre Ménages
0
722
3255
478
22965
80426
44729
53031
23259
14297
8451
254530
MESURES
Pour lutter contre la pauvreté, l'une des principales . causes de la
marginalisation et de l'exclusion, les pouvoirs publics en Tunisie ont
adopté plusieurs mesures dont la mise en place et les mécanismes de
gestion sont étroitement liés aux caractéristiques des catégories de
pauvres cibles des interventions;
Dans ce cadre, il importe de distinguer deux types de traitement:
- le premier à caractère économique, axé sur le développement
des sources de revenus à travers la promotion de l'activité. Ce volet a été
développé dans la partie chômage et exclusion du présent document;
- le second traite le problème de la pauvreté et des difficultés
qu'elle génère au niveau de l'intégration économique et sociale par un
traitement social, basé sur des aides et des subventions à fonds perdus.
29
« Le traitement social de la pauvreté en Tunisie comprend une série
d'interventions directes et indirectes, ouvertes le plus souvent à l'ensemble
des catégories de population nécessiteuses.
Le programme national d'aides aux familles nécessiteuses (PNAFN) est
l'un des plus importants du dispositif».
Un nouveau programme important, baptisé "26-26 ", lancé en 1993,
mis en place dans le cadre de la solidarité nationale, présente la
particularité de secourir les régions les plus démunies en leur apportant le
soutien logistique nécessaire à la création d'un dynamisme local intégré et
freinant l'exclusion géographique provoquée par l'isolement et la
marginalisation, et ce outre les aides ponctuelles en nature, qu'il apporte
aux individus et à leurs familles.
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