Extrait – Reportage – Hospices Civils de Lyon

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Hospices Civils de Lyon :
une révolution en douceur
Le 2e CHU de France s’ouvre à la ville tout en consolidant ses acquis
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Face aux défis que représentent la concurrence du secteur privé, l’évolution des pratiques et les contraintes financières,
le deuxième CHU de France fait le pari de s’adapter en dynamisant ses équipes. Tous les secteurs hospitaliers sont
concernés, des blocs opératoires à la blanchisserie, en passant par l’activité ambulatoire, les secrétariats médicaux
ou les chemins cliniques. Dorénavant, tout doit tourner autour du patient, faciliter son accueil et son admission dans
« le bon service, au bon moment et pour la bonne durée », renforcer son information, faire en sorte qu’il bénéficie des
meilleurs soins tout en anticipant sa sortie. C’est peut-être là que réside la véritable révolution de l’hôpital. En mettant
en place des « hotlines » pour les médecins de ville, en travaillant avec eux pour le repérage des personnes âgées
fragiles, en constituant des équipes mobiles intra et extrahospitalières pour évaluer et orienter ces patients en leur
évitant un passage toujours traumatisant par les urgences, les HCL poursuivent le mouvement engagé depuis des
décennies avec la création des SMUR, appelés parfois « l’hôpital hors de ses murs ».
Au niveau de certaines spécialités comme la cancérologie ou de la recherche, la collaboration avec d’autres centres
s’accentue. Des équipements sont mutualisés, des filières se développent, permettant au CHU de mener à bien sa double
mission d’établissement de proximité et de recours. Cependant, cette nouvelle organisation médicale est grandement
facilitée par la rénovation de certains bâtiments ou l’édification d’autres. Après la construction de l’Hôpital FemmeMère-Enfant, du pavillon médical au Centre hospitalier Lyon sud et l’extension de l’Hôpital de la Croix-Rousse, les
HCL s’attaquent à de nouveaux chantiers : réhabilitation de l’Hôpital cardiologique Louis-Pradel et réaménagement
d’une partie du prestigieux Hôpital Edouard-Herriot, œuvre de Tony Garnier, autour d’un nouveau pavillon entièrement
voué à la chirurgie, à la réanimation et aux soins continus ainsi qu’à l’imagerie interventionnelle. Ces travaux d’envergure
prouvent, si besoin était, que l’hôpital public sait relever les défis.
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Retour à l’équilibre financier : mission difficile
Avec plus de 150 millions d’euros de déficit résultant d’investissements considérables, de l’application brutale de la T2A et de la réduction
des aides du ministère de la Santé, les Hospices civils de Lyon se sont retrouvés en 2008 dans le rouge. Un premier plan de redressement,
Cap 2013, a permis de ramener ce déficit à 17,5 millions d’euros, ce qui a représenté des efforts considérables de la part des hospitaliers.
Un second plan, adopté en 2013 et dénommé Horizon 2017, poursuit l’action engagée et ouvre de nouveaux chantiers. Comprenant 80 projets,
contre 145 dans Cap 2013, il vise à transformer profondément les HCL en s’appuyant sur quatre piliers : l’ouverture sur la médecine de ville
et l’environnement de l’hôpital, la simplification des parcours de soins et des organisations, l’innovation dans la recherche et les soins, la
performance dans le fonctionnement médico-économique.
La première décennie du XXIe siècle peut apparaître aujourd’hui
comme l’âge d’or des Hospices Civils de Lyon. En dix ans, les HCL
ont investi près d’un milliard d’euros dans des projets considérables
mais indispensables, selon leur directeur général Dominique
Deroubaix. Construction de l’Hôpital Femme-Mère-Enfant (HFME)
(2008), nouveau pavillon médical du centre hospitalier Lyon sud
(2009), modernisation de la maternité et extension de l’hôpital de
la Croix-Rousse avec le bâtiment médico-chirurgical (2010) : des
investissements lourds issus de la restructuration du deuxième CHU
de France en cinq groupements hospitaliers, Est, Nord, Sud, Hôpital
Edouard-Herriot (HEH) et gériatrie.
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Un déficit réduit de façon spectaculaire
En 2008, le déficit des HCL atteignait 94 millions d’euros sur une
enveloppe annuelle de 1,6 milliard d’euros, alors qu’un décret
ministériel limitait l’autorisation de déficit à 2% du budget pour les
établissements hospitaliers. La même année, l’application brutale
de la T2A à 100% ne prenant pas en compte les frais d’amortissement
et financiers liés à ces investissements plongeait les HCL dans le
rouge. Pour redresser la barre, la direction eut alors l’obligation de
mettre en œuvre un plan de redressement appelé Cap 2013 ne
comportant pas moins de 145 chantiers dont les effets devaient se
faire sentir rapidement pour certains, à long terme pour d’autres.
Ces efforts ont payé, et même au-delà des espérances, puisque le
déficit budgétaire a été ramené, malgré une perte de 50 millions
d’aides contractuelles de l’Etat, à 77 M € en 2009, 55 M € en 2010,
37 M € en 2011, 21,6 M € en 2012 et à 17,5 M € en 2013. En cinq
ans, il a chuté de façon spectaculaire de 81% (- 76,8 M €).
Le résultat consolidé est même resté excédentaire de 10,7 M €
contre 20,7 M € l’année précédente. « Au cours de ma carrière, je
n’ai jamais vu une telle évolution positive », reconnaît Dominique
Deroubaix. L’équilibre aurait sans doute été atteint en 2013 sans
les augmentations salariales et de cotisations fixées règlementairement et si les financements publics s’étaient maintenus à leur
niveau antérieur.
Architecture hospitalière - numéro 13 - 2015 - Hospices Civils de Lyon
Un nouvel élan
L’Agence régionale de Santé (ARS) a salué cette performance en
accordant fin 2013 une aide exceptionnelle de 16 M € par an
jusqu’en 2016, dans le cadre d’un contrat de retour à l’équilibre
financier (CREF), moyennant l’engagement des HCL sur un certain
nombre d’objectifs. Cette situation encore fragile a conduit les HCL
à adopter l’an passé un second plan de redressement baptisé cette
fois Horizon 2017. Apparemment moins ambitieux que le premier,
puisqu’il ne totalise que 80 chantiers, il concerne en réalité tous les
secteurs de l’établissement avec la volonté affirmée de les transformer en profondeur. Ce « nouvel élan » ainsi qu’aime le qualifier
la direction générale des HCL a pour but de réaliser des économies,
mais aussi de dynamiser le CHU face à la concurrence active du
secteur privé, bien implanté à Lyon et qui profite sans conteste du
départ des hôpitaux publics du centre ville, avec la fermeture de
l’Hôtel-Dieu, de l’hôpital pédiatrique Debrousse et de l’Antiquaille.
Certes les HCL, qui gèrent 23 000 salariés dont plus de 5 000 professionnels médicaux, demeurent le premier employeur de la région
Rhône-Alpes et le plus grand propriétaire du Grand Lyon, avec 850 000 m²
de patrimoine. Mais si l’activité globale des HCL continue de progresser régulièrement (+ 1,7 % en 2013 par rapport à 2012) grâce à
l’augmentation de l’hospitalisation de jour et des séances (+ 3,4%),
certains clignotants montrent que l’établissement n’est pas sans
failles. Par exemple, le secteur des consultations et des actes
externes affiche une légère baisse et la part de marché, en chirurgie
comme en médecine, a reculé un peu sur le territoire : les HCL ont
totalisé 14,02% des séjours régionaux en 2012 contre 14,26% en
2011 et 37,13% des séjours départementaux en 2012 contre 37,86%
en 2011.
Quatre axes prioritaires
C’est pourquoi la feuille de route Horizon 2017 insiste particulièrement
sur la nécessité de développer la « performance », au point de lui
avoir dédié une Direction sous la responsabilité de Pascal Corond.
« La performance d’un établissement de santé, c’est sa capacité à
rester maître de son destin dans un système de financement très
contraint », explique-t-il. Les 80 chantiers dont la conduite est placée
pour la plupart d’entre eux sous l’autorité conjointe d’un responsable
administratif et d’un médecin, sont regroupés dans quatre domaines :
le projet médical, avec une priorité donnée à la gériatrie, la cancérologie,
la cardiologie et la recherche, le « parcours du patient » pour à la
fois le simplifier et l’optimiser, les « fonctions transversales » (blanchisserie, pharmacie, stérilisation, facturation, etc.) de façon à les rendre
plus adéquates, enfin le « management des ressources humaines »,
car sans l’adhésion du personnel, rien n’est possible.
« Le CHU perd une centaine d’emplois par an, sans licenciement mais
par non remplacement de certains départs ou par non renouvellement
de certains contrats », précise Dominique Deroubaix. « Les réductions
d’effectifs sont surtout l’occasion de réorganisations importantes,
de regroupements de services et de mutualisations ». Un mal pour
un bien en quelque sorte. Cependant, Pascal Corond reconnaît que
« la situation a été difficile à accepter en 2008 et qu’il n’est pas facile
d’expliquer au personnel qu’un deuxième plan de redressement est
nécessaire ». D’autant plus que la politique de rigueur instaurée au
plan national risque de peser sur la réussite de ce plan. En fixant à
2,1 % l’ONDAM 2015, et même à 2% pour l’activité hospitalière, le
gouvernement ne facilite pas la tâche de la direction des HCL.
Près d’un milliard d’investissements sur dix ans
Cependant celle-ci possède quelques atouts pour faire passer la pilule.
Tout d’abord la modernisation de l’Hôpital Edouard-Herriot, attendue
depuis longtemps. Au fil des ans, le vaisseau amiral des HCL prenait
l’eau et il fallait une action d’envergure pour le remettre à flot. Le
regroupement des plateaux techniques et des blocs opératoires dans
un nouveau pavillon central constitue le projet phare de la première
tranche de 120 M€ financée à parts égales par l’Etat, les collectivités
locales Lyon et Grand Lyon et les HCL. Il est complété par plusieurs
opérations annexes comme l’accueil des grands brûlés de l’hôpital
Saint-Joseph-Saint-Luc ou la rénovation des urgences, sans oublier
l’amélioration de l’hôtellerie qui en a grand besoin.
Ensuite la mise aux normes incendie de l’Hôpital cardiologique
Louis-Pradel qui se traduira par une totale rénovation du bâtiment,
assortie de la construction d’un petit édifice destiné à abriter trois
unités d’hospitalisation et une activité ambulatoire, et dont le coût
s’élèvera à 77,5 M€ dont 55 M€ à la charge de l’Etat. Lorsqu’on
additionne les travaux et les équipements programmés pour les dix
prochaines années, on arrive à 987 M€. « Au milieu des années
2000, les HCL investissaient 170 M€ par an. Nous n’avons plus
aujourd’hui que 80 à 90 M€ par an mais sur dix ans, nous ne serons
pas loin du milliard », souligne Dominique Deroubaix. Au bout du
compte, en dépit des - ou grâce aux - économies réalisées dans le
plan Horizon 2017, la prochaine décennie du XXIe siècle pourrait se
révéler pour les HCL aussi enrichissante que la première.
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