Médecine des forces Nouvelles utilisations du système d’information médical des forces. Retour d’expérience sur les théâtres d’opérations extérieures et en centre d’expertise médicale du personnel navigant P.-A. Renoulta, S. Bisconteb, E. Deheza, C. Dunyachc a Centre médical des armées de Montauban-Agen, Antenne de Montauban, quartier Doumerc, BP 762 – 82013 Montauban Cedex. b Centre d’expertise médicale du personnel navigant, Hôpital d’instruction des armées R. Picqué, 351 route de Toulouse, CS 80002 – 33882 Villenave d’Ormon Cedex. c Centre médical des armées de Toulouse-Castres, Antenne de Courrège, 202 avenue Jean Rieux, BP 14019 – 31055 Toulouse Cedex 4. Résumé L’expérimentation du logiciel unique médico-militaire et médical dans les cadres novateurs de théâtres d’opérations extérieures et d’un centre d’expertise médicale du personnel navigant a été réalisée dans l’esprit d’optimiser la communication médicale partout où le militaire est amené à servir. Au-delà de ce simple objectif, ce partage inédit de l’information médicale aura permis de mettre en avant des bénéfices importants au sein du parcours de soins et d’expertise du patient, tout en optimisant de manière significative le travail des acteurs médicaux. La création d’un dossier médical unique et partagé au sein du Service de santé des armées ouvre dès aujourd’hui des perspectives majeures de simplification de transmission de l’information. Mots-clés : Centre d’expertise médicale du personnel navigant. Dossier médical partagé. Logiciel unique médico-militaire et médical (LUMM). Théâtre d’opération extérieure. Abstract THE NEW USES OF THE MEDICAL INFORMATION SYSTEM OF THE ARMED FORCE: FEEDBACK ON THE THEATERS OF EXTERNAL OPERATIONS AND OF AN AERO-MEDICAL CENTER FOR FLYING CREW. The experimentation of the unique medico-military and medical software within the innovative frameworks of external theatres of operation and of an aero-medical centre for flying crew was carried out, so as to optimize the medical communication, wherever the Military is called upon to serve. Beyond this simple objective, the unprecedented sharing of medical information has made it possible to highlight important benefits in the patients’ care and medical expertise, while significantly optimizing the work of medical staff. The creation of a single and shared medical record within the Health Service of the Armed Forces opens up major prospects to simplify the transmission of information. Keywords: Aero-medical center for flying crew. External theatre of operation. Shared medical information. Unique medicomilitary and medical software. Introduction Base unique de données de création et de gestion des dossiers médicaux numériques, le Logiciel unique médico-militaire et médical (LUMM) s’avère être aussi, en plein âge d’or du pilotage et de la traçabilité, un outil de collecte d’information et de simplification du P.-A. RENOULT, médecin en chef, praticien confirmé. S. BISCONTE, médecin principal, praticien certifié. E. DEHEZ, médecin, C. DUNYACH, médecin en chef. Correspondance : Monsieur le médecin en chef P.-A. RENOULT, Centre Médical des armées de Montauban-Agen, Antenne de Montauban, quartier Doumerc, BP 762 – 82013 Montauban Cedex. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 129-136 travail. Après plusieurs années de montée en puissance, il est en passe de s’imposer définitivement au sein des Centres médicaux des armées (CMA), et ce aux dépens du dossier médical papier. L’irruption du numérique dans un univers médico-militaire formaté et réglementé bouleverse les habitudes et remet en cause des méthodes de travail assises parfois sur des décennies de pratique. Alors que le LUMM se généralise, les univers liés à la médecine des forces qui ont pourtant intérêt à l’universalité des dossiers demeurent paradoxalement peu investis encore dans la numérisation du dossier médical. C’est le cas notamment des Théâtres d’opérations extérieures (TOE) et des centres 129 d’expertises. Deux expérimentations en ce sens ont ainsi été menées en République de Centrafrique (RCA) et en Irak courant 2016. Une expérimentation, finalement pérennisée, a été conduite au centre d’expertise médicale du personnel navigant de Bordeaux. Quelles sont les contraintes et difficultés rencontrées ? Quelle plus-value par rapport à l’antériorité ? Quelle conséquence finalement pour le CMA numérique ? Après avoir établi un rappel contextuel et un état des lieux succinct de l’usage du LUMM au sein des CMA, seront abordé le retour d’expérience en TOE puis en centre d’expertise afin de mettre en lumière, certes les défis du projet CMA numérique, mais surtout les possibilités actuelles d’emploi du LUMM pas ou peu exploitées. Contexte Un peu d’histoire… L’idée de remplacer le dossier médical papier au profit d’un logiciel numérique de gestion de dossiers patients remonte à la fin du siècle dernier, traduite par diverses applications comme SIMBA (Système d’information Médicale des bases aériennes). Le projet SISMU (Système d’Information des Services Médicaux d’Unités) déboucha sur la livraison au milieu des années 2000 de la première version du LUMM (1). Cette V1 fut un échec à la fois industriel et technique : industriel avec le dépôt de bilan de l’entreprise créatrice, et technique par les trop nombreuses insuffisances du logiciel, parfaitement inutilisable dans le quotidien d’une antenne médicale. Le changement de conduite du projet, un nouvel industriel puis une nouvelle gouvernance ont permis l’arrivée de la seconde version du logiciel. Bien qu’imparfait, il demeurait plus ergonomique et fluide que son prédécesseur. Malgré un budget de développement contraint, sa stabilité a permis sa diffusion, et de nombreuses antennes médicales l’ont peu à peu adopté. Après des audits commandés en 2013, le Directeur central du Service de santé des armées a viabilisé le projet en donnant cadre, objectif et budget. Les améliorations de la V2 puis la sortie de la V3 courant 2015 ont permis d’aboutir à un logiciel fiable utilisé aujourd’hui. Les objectifs de la Direction centrale, puis les ordres de mise en œuvre (2) ont définitivement ancré le LUMM dans le paysage de tous les CMA. LUMM aujourd’hui Aujourd’hui le logiciel est actif dans tous les CMA de France métropolitaine et se déploie dans tous les Centres médicaux interarmées (CMIA) d’Outre-mer tels les Antilles, la Réunion, la Nouvelle-Calédonie… Des tests sont en cours au sein des antennes d’expertise médicale initiale. Il est accessible par le portail Réseau des professionnels de santé du Service de santé des armées (REP3SA) ou par connexion sécurisée via les réseaux Intradef ou Intragend. Cette diversité apporte une grande variabilité 130 d’usage au quotidien, et donne surtout un sens à une accessibilité ouverte dans l’espace défense hors CMA. Il permet ainsi de partager sans restriction de temps, de lieu ou d’espace toutes les informations médicales connues relatives à un patient. La possibilité d’exporter ce Système d’information (SI) hors du cadre inter-CMA, et d’entrevoir le logiciel également comme un moyen d’échange et de partage d’information, a tout naturellement débouché sur l’idée de son usage en opération extérieure et en centre d’expertise, compléments logiques du soutien des forces. Expérimentation sur les TOE : exemples des Roles 1 de Bangui « Sangaris V » et d’Abu Ghraib « Chammal » Principe de l’expérimentation Depuis son déploiement, la consultation occasionnelle du SIMForces en Opération extérieure (OPEX) s’est faite sur plusieurs théâtres. Si on pouvait déjà entrevoir l’intérêt du LUMM en OPEX, évaluer son usage quotidien quasi exclusif s’avère être beaucoup plus instructif. Ainsi sur des théâtres comme la RCA ou l’Irak dotés de Postes médicaux (PM) durcis à Bangui ou Abu Ghraib, la mise en œuvre du SI s’est avérée propice. Il s’agissait alors de délaisser le Livret médical réduit papier (LMR) durant les consultations, et de n’avoir comme interface médicale avec le patient que le LUMM, afin d’en évaluer la pertinence. Il n’y avait pas de double saisie sur le LMR. Us et coutumes en OPEX : Le livret médical réduit Sa projection impose au militaire de se doter de son dossier médical réduit. À l’origine, ce dernier était constitué du LMR et d’un certificat d’aptitude modèle 620-4*1. Le LMR, fiche cartonnée standardisée, comportait – théoriquement – la retranscription manuscrite d’un odontogramme, des dernières données biométriques ainsi que des antécédents médico-chirurgicaux. En pratique ces données étaient variablement remplies de par le temps nécessaire à sa constitution. Conscients de ses insuffisances, certains médecins d’unité l’ont peu à peu enrichi d’un électrocardiogramme, d’un audiogramme, voire de la copie d’éléments du dossier médical (fiche synthèse des antécédents, dernière visite systématique). Désormais il peut être extrait du LUMM et ainsi comporter automatiquement ces données (3). Une fois sur le théâtre, le LMR est soit conservé par l’intéressé, soit centralisé au PM, voire conservé par l’auxiliaire sanitaire de la section. Garant de la traçabilité de l’information médicale entre la métropole et le théâtre, il doit être pertinent dans sa conception, rempli de manière exhaustive à chaque consultation durant la mission, puis exploité au retour par le médecin du CMA soutenant l’unité. p.-a. renoult Impératifs matériels et limites techniques L’usage d’un SI médical en OPEX nécessite quatre prérequis : un ordinateur dédié, une connexion réseau, un débit suffisant, et enfin l’accès au logiciel. L’affectation d’un ordinateur professionnel dédié n’est pas forcément chose acquise en OPEX. Si cela ne pose pas de problème sur des théâtres installés, la chose peut se compliquer en phase de montée en puissance de la force. De plus, pour optimiser l’usage du SI et permettre ainsi plus de fonctionnalité, il est préférable de compléter l’ordinateur d’une imprimante-scanner. Les travaux actuels de sanctuarisation de matériel informatique au profit des PM vont en ce sens. Les détachements isolés de volume modeste n’ont parfois que des connexions satellitaires comme moyens de communication. Le LUMM étant accessible par Intradef, les choses sont grandement facilitées par l’usage répandu de ce réseau sur tous les théâtres, sous réserve d’installations suffisantes. Après étude des acteurs des Systèmes d’information et communication (SIC) des théâtres, il n’a pas été constaté d’impact négatif de l’utilisation du LUMM sur la bande passante des réseaux. Le débit réseau demeure un facteur limitant. En effet, les moyens satellitaires ayant une bande passante limitée, la fluidité n’est pas forcément au rendez-vous. Loin d’être insurmontable au quotidien de par l’activité globalement plus faible qu’en métropole, c’est une limite majeure par contre en cas d’affluence de consultations. La survenue d’une toxi-infection alimentaire à Bangui, poussant 120 personnes à la consultation en 24h, a pour cela été très instructive. Dans ce contexte exceptionnel de forte tension où même le LMR se voit rempli au strict minimum, l’usage du SI n’est pas la solution immédiate. Mais il peut trouver son intérêt a posteriori, via sa capacité de saisie simultanée d’information standardisée sur plusieurs dizaines de dossiers médicaux numériques (fonction saisie groupée du LUMM). L’accès au logiciel enfin demeure la dernière limite. En OPEX, il n’y a pas de quartier libre de week-end. Le SI se doit d’être accessible tous les jours, samedi dimanche compris et ce malgré le décalage horaire. C’est pourquoi les périodes de maintenance basées sur les horaires de travail en métropole ne sont pas toujours les bienvenues. La solution nocturne de week-end a été avancée pour y remédier. Réalisations pratiques L’éventail des possibilités offertes par le SI n’ont pas toutes été mises en œuvre. Si le LUMM possède des fonctions qui facilitent entre autres le pilotage et le contrôle interne, ces besoins ne sont pas aussi prégnants en mission. Il est plus cohérent d’utiliser un logiciel à hauteur du bénéfice attendu. Consultations médicales La quasi-totalité des consultations médicales survenues pendant les mandats a été réalisée et intégrée directement dans les dossiers médicaux numériques des patients via le LUMM. Seuls les détachements en poste isolé n’ont pas pu en bénéficier. Ces derniers ont continué d’utiliser leurs LMR. Les consultations aux motifs importants ont été numérisées a posteriori pour fiabiliser l’information contenue dans le logiciel. Extractions d’informations médicales manquantes Dans diverses occasions l’accès au LUMM a permis l’accès aux données médicales d’un patient. Ce fût le cas lors la prise en charge en urgence au Role 2 de Bangui d’un patient de gravité Alpha. Le LMR papier de ce dernier étant manquant, un nouvel exemplaire avec carte de groupe et antécédents allergiques a été édité grâce au SI. Accidents en service et traçabilité Les registres des constatations des détachements étant délégués au Role 1, la totalité des Rapports circonstanciés (RC), Extraits du registre des constatations (ERC) et Déclarations d’accident présumé imputable au service (DAPIAS) ont été édités via LUMM puis y ont été insérés après numérisation. Exposition ESPT La totalité des expositions au risque psychotraumatique a été tracée dans les dossiers numériques des intéressés grâce à la fonction de saisie de masse du SI. Avis spécialisés L’accès du CEMPN de Bordeaux au LUMM, aux observations, aux pièces jointes comme les électrocardiogrammes ou photographies insérées depuis le théâtre, a permis de prendre des avis spécialisés dans le domaine aéronautique, particulièrement utiles quand la présence d’un médecin qualifié personnel navigant (PN) est inconstante sur un TOE. Évacuation médicale stratégique (STRATEVAC) La totalité des documents relatifs aux STRATEVAC (observations, comptes rendus opératoires, fiche médicale de l’avant, RC, ERC, certificats divers) ont été réalisés ou intégrés dans LUMM. Les CMA de rattachement en métropole étaient avertis immédiatement par le système d’alerte du SI. Cette fonction leur ont permis d’accéder aux dernières informations médicales de leurs patients, et de suivre ainsi leur devenir. Expertises communes en médecine d’armées L’accès à la totalité du dossier médical numérique a permis de réaliser des visites révisionnelles du personnel navigant (VRPN), de manière exceptionnelle des expertises révisionnelles troupes aéroportées (TAP) et quelques visites médicales périodiques (VMP). Visites de fin de mandat (VFM) La réalisation des VFM sur les théâtres d’opération permet pour chaque patient de réaliser et tracer la synthèse médicale de son mandat, de prodiguer conseils, informations de mise en garde sur le paludisme et les troubles psychiques post-traumatiques. Nouvel épisode de médecine d’armée spécialement créé sur le LUMM, leur compte rendu a été inséré dans la fonction « Commentaire Actif » du logiciel pour une meilleure nouvelles utilisations du système d’information médical des forces. retour d’expérience sur les théâtres d’opérations extérieures et en centre d’expertise médicale du personnel navigant 131 visibilité pour les médecins de CMA. Pour la plupart des militaires projetés, leur traçabilité est grandement facilitée par la fonction de saisie de masse du SI. Discussion Fiabilisation et robustesse du dossier médical numérique : des avancées majeures pour les patients et les médecins des forces Le tracé de l’information n’est plus rompu entre l’antenne médicale et le TOE, le travail du médecin des forces, en antenne ou en Role 1 en est donc facilité. Ce ne fut pas le cas de ce patient d’un mandat précédent dont le LMR papier retrouvé par hasard contenait un compte rendu original exhaustif d’un médecin psychiatre. La continuité de support et d’accès au dossier médical partout dans le monde est pour le patient une garantie, à la fois de qualité et de fiabilité, dans sa prise en charge médicale. Le numérique n’expose plus à l’illisibilité, à l’aléatoire de contenu, aux pertes aux conséquences parfois inquiétantes. Il répond au questionnement de la possession exclusive à un moment donné de l’information par le patient ou un tiers, de la violation du secret médical et de la falsification que le support papier rend possible. L’établissement et la numérisation sur le théâtre par le Role 1 de pièces médicolégales essentielles comme les RC renforcent les droits du patient, si difficiles à faire valoir quand ces pièces ont été perdues, ou tout simplement non établies. Si la traçabilité médicale numérique au fil de l’eau n’est pas toujours réalisable sur un TOE, celle des VFM l’est plus aisément. En effet, non seulement les phases de relèves sur bases durcies offrent plus de possibilités d’accès connecté, mais le SI permet également une saisie de masse en un temps moindre. Véritable trait d’union entre la mission et la métropole, la VFM est au-delà du temps médical offert au patient un moyen fiable de relève entre praticiens d’OPEX et de garnison. C’est pourquoi, si durant le mandat du patient, à défaut de pouvoir toutes les saisir, une seule de ses visites devait être tracée dans LUMM, ce devrait être celle-ci. Dossier médical numérique et partagé, nouvelle pratique de la télémédecine L’interface connectée permet à ses utilisateurs de consulter simultanément des éléments d’un même dossier numérique. Observations médicales, électrocardiogrammes ou encore photos cliniques sont partagées, discutées, interprétées à distance ouvrant la voie à une autre application de la télémédecine. Le partage précoce de l’information apporte une aide précieuse aux médecins de CMA. Dans la gestion de crise à l’unité après la survenue de blessés sur un théâtre par exemple, le conseil au commandement, le soutien aux familles sont grandement facilités. L’anticipation et l’organisation notamment sociale d’un retour le sont tout autant grâce aux pièces de STRATEVAC. 132 Si le LUMM n’est majoritairement utilisé que par les CMA, rien n’empêche a priori, techniquement ou légalement, son accès aux autres acteurs médicaux de la prise en charge d’un patient. Il peut être utile aux spécialistes des HIA pour l’obtention d’informations plus complètes sur le patient, aux médecins régulateurs de l’État-major opérationnel santé (EMOS) pour mieux évaluer une demande d’évacuation ou encore aux médecins accompagnateurs d’une STRATEVAC pour préparer leur mission avec toutes les données complètes et actualisées de l’état du patient. Souplesse en médecine d’armée La pratique d’une expertise en médecine d’armée nécessite l’accès au dossier médical du patient. Si le LMR ne le permettait pas, le LUMM en offre par contre la possibilité partout où il est déployé. Même si l’OPEX n’est théoriquement ni le lieu ni le temps pour l’expertise, à la lueur des contraintes de l’exercice de la médecine des forces, un peu de pragmatisme et de souplesse ne sont pas à bannir. Les impératifs d’échéance d’expertise avant projection s’en voient éventuellement reconsidérés sur les théâtres qui le permettent. C’est d’autant plus vrai pour les visites révisionnelles spécialisées (troupes aéroportées, personnels navigants). LUMM vs LMR papier ? Opposer LUMM et le LMR n’a probablement pas de sens, il convient au 21e siècle de considérer le LMR comme un moyen dégradé et extrait du LUMM, amené opportunément à le suppléer en cas de difficultés d’accès. Si le papier a l’avantage de pouvoir être transporté partout, le SI est par contre manifestement plus sûr, plus complet, il offre plus de possibilités à son utilisateur. Conclusions de l’expérimentation (tab. I) L’usage d’un SI médical tel que le LUMM est très attractif en OPEX, ne serait-ce que par la fiabilité, la continuité et la sécurité de l’information qu’il apporte. La numérisation de visites de fin de mandat exhaustives ou des dossiers de STRATEVAC en sont les meilleurs exemples. Son emploi sur le théâtre et en garnison permet plus de souplesse et de pertinence notamment en expertise. Si les contraintes résident essentiellement dans son accessibilité pratique et le faible débit réseau, une fois ces difficultés dépassées, rien ne devrait alors empêcher son usage. Mise en application d’une procédure d’usage du SIMForces en centre d’expertise médicale du personnel navigant Us et coutumes de la communication CMAcentre d’expertise Bien qu’intimement liés au SI hospitalier AMADEUS en usage dans les HIA, les centres d’expertises ont un p.-a. renoult Tableau I. Avantages et inconvénients des différents supports de dossier médical en OPEX. Les plus ! LUMM - Accès à l’intégralité du dossier médical ! - Pas de perte d’information entre le TOE et la métropole - Continuité de l’information au moyen d’un support unique - Info sur des blessés et STRATEVAC en temps réel depuis la métropole - Autre moyen de Télémédecine - RC, ERC numérisés - Libéralisation de la médecine d’armée en OPEX - Sécurité et confidentialité DMR - Utilisable partout - Rapidité d’emploi - Accès à un ordinateur et à - Contenu limité, voire très incomplet selon le mode Intradef d’édition - Le débit réseau ! - Pas toujours présenté à la - Les périodes de consultation maintenance Risque de violation du - Les dossiers numériques secret et de falsification insuffisamment des données renseignés Les - Perte de tout ou partie de moins… son contenu - Oublis et autres retards de réintégration au retour… - Multiplicité de support = exploitation aléatoire au retour dans les CMA - Écriture pas toujours très lisible ! habitus réglementaire civil et militaire enraciné du dossier papier. À la visite, la totalité du dossier patient est désarchivé et consulté si besoin. À son terme, les différentes pièces y sont classées, puis le dossier est retourné aux archives du centre. La communication entre centre expert et CMA est basée sur un système de fiches navettes en format papier, émises à l’occasion des visites préliminaires en antenne médicale (4, 5). Cette dernière a vocation à récapituler les éventuels événements médicaux ou professionnels survenus depuis la dernière expertise et pouvant impacter l’aptitude du sujet, à porter à la connaissance de l’expert les dernières données médicales ou biométriques spécifiques dont il pourrait avoir besoin. À l’issue de la visite en centre, il est attendu en retour de l’expert qu’il retourne la décision d’aptitude complétée si besoin d’un courrier de correspondance. Confronté à la réalité de l’usage, ce modèle de travail ne trouve pas de consensuel satisfecit. Quand elle existe, les experts ne retrouvent pas toujours dans la fiche les éléments attendus. En antenne médicale, si les communications téléphoniques permettent aisément le contact, les correspondances écrites en provenance des centres d’expertise sont plus rares. Charge au patient d’y apporter son certificat d’aptitude et de réaliser oralement le compte rendu de sa visite d’expertise au médecin des forces. D’une expérimentation à la pérennisation En mai 2015, le CEMPN de Bordeaux et l’antenne médicale de Montauban ont travaillé conjointement à la mise en place et à l’évaluation de l’utilisation de LUMM dans le cadre de la visite d’expertise en centre. L’objectif initial était clair : optimiser les correspondances médicales entre CEMPN et CMA (courrier pré visite et réponse du centre), et mettre à disposition des antennes médicales des éléments médicaux et administratifs de la visite en CEMPN, avec comme point d’attention la stricte limitation du surcroît de temps consacré à cette nouvelle procédure. La montée en puissance s’est faite en parallèle du perfectionnement de la procédure, en étendant l’utilisation de LUMM du personnel navigant de Montauban à ceux de la garnison de Pau, pour enfin se généraliser à toutes les unités soutenues par le CEMPN de Bordeaux le 14 décembre 2015 pour une ultime « mise à l’épreuve du service », ininterrompue depuis. Méthodologie de travail Actions au CEMPN de Bordeaux La configuration du parc informatique du CEMPN de Bordeaux lui permet l’accessibilité au LUMM via le réseau Intradef ou le REP3SA. L’essentiel de la procédure consiste à numériser, dans un épisode spécifique du LUMM, l’ensemble des données recueillies à l’occasion des visites et consultations au CEMPN de Bordeaux des patients militaires : certificat d’aptitude d’une part, et d’autre part biométrie, examen médical, électrocardiogramme, exploration fonctionnelle respiratoire, compte rendu de radiographie, bilan orthoptique avec correction optique optimale, audiogramme, tympanométrie, données des consultations spécialisées d’ophtalmologie et d’otorhinolaryngologie, résultats biologiques… Les conclusions, remarques et recommandations de l’expert sont portées à l’attention du médecin des forces en temps réel, via les fonctions de commentaires actif et d’alerte du SI. La procédure interne au CEMPN s’est perfectionnée au fur et à mesure des semaines d’évaluation en fonction des améliorations proposées par les secrétariats et de l’appropriation du logiciel : réglage du scanner, nouvelles utilisations du système d’information médical des forces. retour d’expérience sur les théâtres d’opérations extérieures et en centre d’expertise médicale du personnel navigant 133 numérisation en deux temps, utilisation du trieur… Tout ceci afin de minimiser le temps passé à la mise en œuvre de cette nouvelle tâche. Devant les retours très positifs des unités de la région, la procédure définitive a été validée en réunion de service un mois plus tard et officialisée au sein de l’HIA R. Picqué via le portail qualité ENNOV. patient sont ainsi amendées. Une meilleure coordination de son suivi est favorisée. Les failles de sécurité sanitaire induites par une communication inaboutie entre professionnels sont corrigées. Actions en CMA C’est finalement là que la procédure de l’expérimentation a été la plus simple. Si le CEMPN a dû s’approprier les grandes fonctions d’un nouveau SI, les antennes médicales, déjà utilisatrices au quotidien, n’ont eu que peu d’actions à réaliser. Il s’agit pour elles de consolider leur dossier médical numérique avec les données et examens complémentaires de leur prévisite. Un message spécifique pouvant être adressé à l’expert via la fonction commentaire actif du SI, il n’y a plus de formulaire spécifique ou de fiche navette en usage. Généralisation aux autres centres d’expertise aéronautique Le CEMPN de Bordeaux a servi de laboratoire au dossier médical partagé entre centre d’expertise et CMA. Sa réussite a permis d’établir une procédure pratique désormais aboutie, efficace et pérenne. La transposition aux autres centres d’expertise aéronautique, si elle n’est pas encore actée, est maintenant grandement facilitée. Discussion Nouvelles facilitées en CEMPN En début de visite au centre, la connexion au dossier LUMM du PN permet à l’expert de prendre connaissance instantanément des éléments de la visite pré-CEMPN via la fonction commentaire du SI, contournant ainsi les écueils fréquents de la perte ou de l’oubli du papier. Ce n’est qu’au fur et à mesure de son utilisation qu’ont été découverts des avantages insoupçonnés jusque-là. Cela fut d’abord la prise de connaissance d’antécédents, de consultations à l’unité, de documents médicaux numérisés (compte rendu d’examen ou d’opération…) non détenus ou méconnus du centre. En cas d’absence de prévisite ou de correspondance, le partage d’information est ainsi maintenu. Les apports sont également dans la simplification des procédures de tutelles en CEMPN (compte rendu administratif systématique après chaque visite aux armées d’appartenance et instances civiles si besoin), dans l’accès facilité au dossier d’un PN (et notamment des conclusions de sa dernière expertise) sans avoir besoin de faire sortir le dossier papier des archives, dans la traçabilité optimisée de demande d’avis sur pièces… et au final le gain de temps de traitement administratif des dossiers par les secrétaires du centre est significatif. Le dossier médical partagé : fiabilisation et croisement des données, consolidation des expertises et sécurité du patient Le LUMM devenant ainsi l’interface d’un dossier médical unique, partagé entre le CMA et le centre d’expertise, le savoir des principaux acteurs de santé du patient y est confronté et fusionné. L’expert, qu’il soit en centre ou en CMA, a désormais accès à tous les éléments médicaux relatifs au patient. Ses conclusions n’en sont que renforcées. Outre les doublons en matière d’examens qui se voient réduits, les carences informatives quant à la santé du 134 Perspectives Autre expertise spécialisée : la plongée Le service de médecine hyperbare et d’expertise de plongée est chargé, en sus de ses visites initiales et quadriennales, de superviser les expertises décentralisées en CMA, réalisées par les médecins compétents en médecine de la plongée (6). Particulièrement fastidieuse pour ces derniers, la cohabitation du LUMM avec les conditions actuelles de réalisation et de supervision d’expertise pose question là où la retranscription papier reste encore princeps. Acheminé depuis l’unité par le patient lui-même, le dossier médical papier, forcément incomplet et obsolète avec l’usage du LUMM, sert d’appui aux expertises réalisées en centre. Il est souhaitable que l’expérience menée au niveau aéronautique puisse permettre de faire évoluer des pratiques aux failles désormais criantes. Expertises médicales initiales La mise en œuvre du LUMM en Centre d’expertise médicale initiale (CEMI) apportera une réelle plusvalue, en CMA d’une part ne serait-ce que par le gain de temps significatif des opérations d’incorporation et en CEMI d’autre part grâce au recoupement de l’information médicale avec par exemple la prise de connaissance d’antériorités qu’il permettra. Expertises hospitalières Le rapport intime des CEMPN avec les HIA auxquels ils sont adossés, partageant le même réseau et accédant au même SI AMADEUS, laisse présager d’autres évolutions. L’accès au LUMM sans contrainte technique du CEMPN de Bordeaux ouvre la voie à l’expérimentation du SI au sein des HIA. La transmission de données entre hôpital et antenne médicale, et ce via le dossier propre du patient est désormais possible. Elle permettrait de révolutionner la communication entre HIA et CMA, et un gain de temps formidable dans un parcours de l’expertise toujours plus exigeant (congés longue maladie, conseils régionaux de santé…). Conclusions de l’expérimentation (tab. II) La mise en place d’un dossier médical partagé via le LUMM entre CEMPN et CMA a permis de mettre en p.-a. renoult Conclusion Tableau II. Bilan de l’usage du LUMM en CEMPN. Procédure LUMM Les plus ! - Constitution d’un dossier - Maintien d’habitudes et savoir-faire maîtrisés médical partagé, commun entre CMA et CEMPN, - Rapidité d’emploi du au contenu fiabilisé et support papier enrichi - Immédiateté de la mise à disposition de l’information - Pertinence éclairée des expertises - Optimisation des parcours de soin et d’expertise - Simplification de procédure en CMA par suppression des fiches navettes - Simplification et gain de temps administratif en CMA et CEMPN - Ouverture vers l’usage en HIA - Formation et habituation des personnels du CEMPN à un nouvel SI - Investissement initial Les moins… Dossier papier et fiche navette - Qualité et exploitation des fiches navettes variables, d’un CMA/ CEMPN à l’autre - Rare correspondance en retour - Cloisonnement de l’information médicale - Multiplicité des supports en CMA - Rôle central du patient dans le partage de l’information médicale, avec son risque d’omission, de perte ou de falsification. évidence de nombreux avantages qualitatifs de pratique médicale. Il découle de ce savoir partagé plus de fiabilité dans les informations détenues, plus de solidité dans les décisions rendues et surtout plus de sécurité pour le patient grâce à une meilleure coordination médicale. Les craintes initiales du changement des habitudes se sont vite évanouies à la faveur des nombreux avantages pratiques pour tous les acteurs. Porte ouverte sur les HIA, le succès de l’expérimentation montre le chemin à d’autres usages possibles et immédiats du LUMM, et constitue une base solide pour le projet CMA numérique. Les expérimentations menées sur les TOE et en centre d’expertise ont permis de mettre en exergue les mêmes failles de sécurité de l’information médicale des systèmes en vigueur respectif : information insuffisamment partagée, risque de perte, transmission laissée à l’appréciation du patient, manque de coordination. L’usage d’un SI métier ouvert comme le LUMM permet de combler ces lacunes, et offre en perspective un usage largement partagé dans le SSA qui simplifierait grandement quotidien et procédures actuelles entre CMA, centres d’expertises, TOE, mais aussi HIA, direction régionales pour les conseils régionaux de santé, inspection du service de santé des armées (ISSA) pour les congés de position de non-activité… Si ces possibilités sont envisagées avec le projet CMA numérique, nombre d’entre elles sont réalisables dès aujourd’hui avec le LUMM (fig. 1). Figure 1. Atouts et perspectives de l’usage d’un SI commun dans le SSA. Enfin, comme tout SI, s’il n’est pas parfait et souvent critiqué, il facilite souvent la tâche de ses utilisateurs. Encore faut-il prendre le temps et les moyens de se l’approprier. Le gouvernement travaille à un meilleur partage de l’information médicale pour tous les Français, et compte relancer le Dossier médical partagé (DMP) accessible sur internet par le patient et les professionnels de santé. Voulu pour mieux coordonner le parcours de soin, il est toutefois confronté à de nombreuses difficultés de mise en œuvre, en médecine libérale comme à l’hôpital. Il n’a pour l’instant rencontré qu’un succès plus que modeste (598 091 DMP ouverts au 3/12/2016 ; source dmp.gouv.fr). Avec le SIMForces et ses applications, le SSA a déjà un peu d’avance. Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt concernant les données de cet article. nouvelles utilisations du système d’information médical des forces. retour d’expérience sur les théâtres d’opérations extérieures et en centre d’expertise médicale du personnel navigant 135 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Lettre N° 526084/DEF/DCSSA/PC/MA du 18 décembre 2014 relative à la dématérialisation des livrets médicaux. 2.Arrêté du 12 février 2009 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à la gestion et au suivi des dossiers médicaux et médico-militaires des personnels du ministère de la Défense. 3.Lettre N° 503256/DEF/DCSSA/PC/MA du 12 février 2015 relative à la visite de départ et de retour des missions extérieures 4.Instruction N° 3300/DEF/EMAT/OAT/BEMP du 8 octobre 2014 relative à l’aptitude médicale des spécialistes navigants et non navigants liés à la mise en œuvre des aéronefs habités et non habités de l’armée de Terre. 5.Instruction N° 800/DEF/DCSSA/AST/AME du 20 février 2008 relative à l’aptitude médicale aux emplois du personnel navigant des forces armées. 6.Instruction N° 900/DEF/DCSSA/PC/MA du 21 juillet 2014 relative à l’aptitude médicale à la plongée subaquatique et au travail en milieu hyperbare dans les armées. INFORMATION Afin d’assurer un suivi régulier de l’acheminement de la revue « Médecine et Armées », merci de faire parvenir à la rédaction tous changements d’adresse d’affectation. « Médecine et Armées » e-mail : [email protected] Mme M. SCHERZI Intradef : [email protected] 1 place Alphonse Laveran 01 40 51 47 44 75230 Paris Cedex 05 136 p.-a. renoult Médecine des forces L’activité du centre médical interarmées de Cayenne « Personne ne vous croira » F.-X. Le Flema, N. Andréa, T. Labroussea, E. Martineza, G. Poulaina, W. Atb a Centre médical interarmées de Cayenne, quartier de la madeleine, CS 56019 – 97306 Cayenne Cedex. b Centre médical des armées de Rennes, Quartier Leschi, BP18 – 35510 Cesson-Sévigné Cedex. Résumé Le centre médical interarmées de Cayenne, tout comme ceux de Kourou et de Saint-Jean-du-Maroni, longtemps desservis par une image « hostile » de la Guyane, sont pourtant les centres médicaux d’outre-mer les plus intéressants et variés pour les personnels du Service de santé des armées. Du cabinet de consultation à la forêt en mission « Harpie », les médecins sont confrontés à des situations uniques qui nécessitent l’ensemble des savoir-faire spécifiques de la médecine militaire. Cette polyvalence, associée au contexte opérationnel et aux contraintes du milieu équatorial fait des centres médicaux interarmées de Guyane des affectations passionnantes pour ceux qui se sont engagés pour servir dans la pure tradition du Service de santé des armées. Mots-clés : Évacuation aérienne. Guyane. Maladie tropicale. Soutien médical des forces. Abstract THE ACTIVITY OF THE HEALTH CENTER FOR JOINT TASK FORCES OF CAYENNE: “YOU NEED TO SEE IT TO BELIEVE IT!” The “hostile” reputation of Guyana has long been a disservice to the Cayenne Health Centre for Joint Task Forces, as well as to those of Kourou and Saint-Jean-du-Maroni; yet, for the personnel of the Army Health Service, they provide the most interesting and varied experience overseas. From the consulting room to the forest, for a HARPIE mission, doctors are confronted with unique situations that require all the specific know-how of military medicine. This versatility, coupled with the operational context and the constraints of the equatorial environment, make the Guyana Health Centre for Joint Task Forces an exciting assignment for those who are committed to serve in the pure tradition of the Army Health Service. Keywords: Aero medical evacuation. French Guyana. Military medical support. Tropical disease. Présentation Le Centre médical interarmées de Cayenne (CMIA-C) est situé au cœur des Forces armées en Guyane (FAG). Il prépare et soutient en opération deux unités élémentaires (le 9e Régiment d’infanterie de Marine, 9e RIMa, et la Base aérienne 367, BA 367), deux bâtiments de la Marine nationale, la Gendarmerie, les états-majors et Directions, soit plus de 2 700 personnels de tous horizons. Il est composé de 5 médecins permanents, dont 2 titulaires du Brevet de médecine aéronautique et de défense (BMAD) pour le suivi des personnels navigants (PN), 1 chirurgien-dentiste, 5 infirmiers, 1 secrétaire de F-X. LE FLEM, médecin principal. N. ANDRÉ, médecin en chef. T. LABROUSSE, médecin principal. E. MARTINEZ, médecin. G. POULAIN, chirurgien-dentiste principal. W. AT, médecin. Correspondance : Monsieur le médecin principal F.-X. LE FLEM, Centre médical interarmées de Cayenne, quartier de la madeleine, CS 56019 – 97306 Cayenne Cedex. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 137-142 gendarmerie et 6 auxiliaires sanitaires. Ils sont renforcés par 2 médecins, 7 infirmiers et 4 auxiliaires sanitaires en mission de courte durée. Chaque médecin est référent pour une unité ou armée afin que le dialogue avec le commandement soit facilité. À une activité quotidienne, souvent « tropicale » déjà passionnante, s’ajoute une activité opérationnelle soutenue qui s’étend sur l’ensemble du territoire guyanais, soit 83 000 km2 (le plus grand département français). Les problématiques rencontrées sont multiples, les défis nombreux et motivants. Du médecin aux auxiliaires sanitaires en passant par les infirmiers, chaque personnel, permanent ou en mission de courte durée est complémentaire et apporte sa culture milieu et ses savoir-faire qu’il doit entretenir et partager. Nous proposons, au travers d’une semaine d’activité au CMIA-C, de faire découvrir ce large spectre d’activités offertes par une affectation en Guyane. 137 Lundi 6 h 30 C’est le rassemblement au CMIA-C. Les médecins présents font le point de la journée : une mission « Harpie » (lutte contre l’orpaillage illégal) en cours et une patrouille sur le secteur de « grande usine » entre Camopi et Saül qui progresse déjà depuis cinq jours. D’autres missions de moindre envergure sont également en cours engageant de nombreux personnels « santés » (1). La mission « Harpie » est une des Opérations intérieures (OPINT) du territoire guyanais avec « Titan » (protection des tirs de fusée) et « Polpeche » (police des pêches, lutte conte la pêche illégale). Sous la responsabilité du préfet, la Gendarmerie appuyée par les FAG maintient une présence permanente dans les zones les plus reculées de la jungle afin de mettre un frein aux activités d’orpaillage illégal perpétrées par des Étrangers en situation irrégulière (ESI). entre ses pieds, une tape sur l’épaule, un quart de tour pour ne pas accrocher le patin et il se laisse glisser au sol vingt mètres plus bas. Dans le souffle des pales, il se déplace vers l’avant et met un genou au sol. Le détachement s’est dispersé sur la zone vie du site illégal, un « curotel » (fig. 2). Ils rassemblent les ESI. La fouille est rapide : un peu d’or, deux groupes électrogènes, de la nourriture et des vêtements, de la bâche. L’officier de police judiciaire fait le bilan et ils procèdent à la destruction par le feu et à la masse. Ils forment une colonne et progressent rapidement et en silence vers le prochain objectif. 7 h À l’antenne du Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) de Cayenne, le Médecin principal C. (MP C.), qualifié en aérocordage perçoit son « SIG PRO », le pistolet de dotation en gendarmerie. Il vérifie une dernière fois son matériel, gilet balistique à port discret, sac avec matériel type « Sauvetage au combat de niveau 3 (SC3) », quelques médicaments de soins courants, ration et eau pour la journée… et en cas de problème son matériel « forêt » (hamac, bâche). Il sera rentré ce soir si les conditions météorologiques le permettent. La mission consiste en une mise en place par dépose en hélicoptère de manœuvre (HM) de type « PUMA » en corde lisse (fig. 1) pour surprendre les orpailleurs, détruire un maximum de matériels de valeur (motopompes, moteurs, groupes électrogènes, carburants, quads), peut être saisir de l’or et du mercure. Ils interviendront deux sites sur le secteur d’eaux claires (à l’Est de Maripasoula), un des plus grands… et plus rentables de Guyane. Trois heures plus tard le MP C. se présente à la porte, il lâche le sac à dos du gendarme qui le précède et qui disparaît rapidement. Il saisit la corde lisse, la serre Figure 2. Un curotel - une zone vie d’orpailleurs illégaux. 11 h 15 Le MED E. référente Marine vient d’être contactée par « le sorcier », nom donné par l’équipage à l’infirmier du bord. Un marin a eu un accident de moto pendant la nuit et sort juste de l’hôpital. Il demande une consultation rapide pour évaluer son aptitude à embarquer. Le patient présente une entorse de Chopart grave du pied droit. Il va être immobilisé quatre à six semaines avec une reprise prévisible en poste sédentaire strict pendant un à deux mois, ce qui n’est pas compatible avec un poste embarqué où la pression opérationnelle est très forte. Devant ces quelques mois d’inaptitude à l’embarquement qui se profilent, le médecin appelle le « Pacha » (commandant du bâtiment) pour le prévenir de la longue indisponibilité de son personnel. Il peut décider de débarquer le patient, qui rentrerait définitivement en métropole et serait remplacé par un personnel muté hors plan annuel de mutation, à partir de deux mois d’inaptitude, ce qu’il ne fera pas dans ce cas précis. 14 h Figure 1. Aérocordage sur un site d’orpaillage. 138 Le MP C. se rend compte que le gendarme S. fait un malaise. Il le fait asseoir et poser son sac. Il procède à un examen clinique rapide tout en l’interrogeant. Dans le même temps il lui prend la température. Il relève une hyperthermie à 38,4 °C. II n’a pas bu beaucoup d’eau, mais le reste de l’examen est sans anomalie. Il s’agit probablement d’une déshydratation aiguë avec un début f.-x. le flem d’hyperthermie d’effort. Au centre du dispositif, il le refroidit en l’aspergeant d’eau et en le faisant aérer par un camarade, de plus, il lui fait boire un litre de Soluté de réhydration orale (SRO). Un contrôle à trente minutes montre une nette amélioration, la température a chuté. Ils anticipent le déplacement vers le point d’extraction pour modérer l’allure. Il faudra à nouveau faire des rappels sur les grands principes de l’hydratation au cours d’un effort en rentrant. Mardi 6 h 30 Dès son arrivée, le MED A. revoit avec l’infirmier de soins généraux de premier grade B. (ISG1G. B) le programme du jour en salle de soin. C’est le « J1 » du traitement par PENTACARINAT® de la leishmaniose cutanée de l’adjudant D. Localisée au niveau de son oreille droite, la lésion était rapidement évolutive. Contrairement à d’autres patients atteints, il ne se rendait pas sur le terrain pour des missions opérationnelles mais c’est un fervent adepte du « trail » en forêt. Le MED A. parcourt le dossier médical, la dernière biologie, l’électrocardiogramme (ECG) de référence. Tout est prêt pour l’arrivée du patient qu’il passera voir plusieurs fois dans la matinée. Il sera reçu trois fois cette semaine pour des perfusions sous la surveillance constante d’un infirmier. Le protocole inclut également une surveillance biologique, électrocardiographique et clinique. L’efficacité du traitement sera évaluée à un mois (2). 11 h 20 Le MED E. qualifiée Personnel navigant (PN) reçoit en consultation un pilote d’hélicoptère qui se présente pour une visite d’aptitude au vol dans le cadre d’un dépassement des quarante heures de vol. Le cadre opérationnel étant intense en Guyane, les pilotes et mécaniciens navigants dépassent régulièrement les quarante heures de vol par mois. Ils sont alors soumis à une visite médicale où le médecin évalue l’état de fatigue physique et psychique des personnels navigants (3). En l’occurrence, le pilote est en parfait état général et est très motivé pour la poursuite de ses missions, ce que le médecin lui autorise de faire. l’équipe médicale d’astreinte, le MP F. et l’ISG1G M. récupèrent « à la volée » leur matériel santé, des vivres pour vingt-quatre heures et retrouvent les gendarmes pour récupérer l’armement. Rapidement arrivés sur base, le briefing avec des photos aériennes permet d’évaluer les différents scénaris. L’option de descendre l’équipe médicale avec une protection est retenue. Il est temps de décoller. La nuit tombe, une première équipe s’est posée pour évaluer la situation : les malfaiteurs sont partis, il n’y a pas de blessé ni d’otage. L’hélicoptère prend le chemin du retour. Mercredi 8h Le MED W. arrive ce jour en Guyane pour sa première Mission de courte durée (MCD). Le rythme va être soutenu, demain il perçoit son complément de paquetage « jungle », son matériel santé, et participe au cours « fond de sac » avant de partir en formation forêt avec l’unité tournante de la 2e compagnie (2e Cie) pendant cinq jours. Il reçoit de nombreux conseils pour la réalisation de son sac de vie en forêt. Des achats complémentaires sont souvent nécessaires (sacs étanches, briquet tempête, coupe-coupe, boussole, sifflet, pince à épiler, etc.). De retour de la formation forêt, il n’aura que vingt-quatre heures pour se remettre en condition et partir sur la Base opérationnelle avancée (BOA) de Maripasoula où il va soutenir la 2e Cie pour le mois et demi à venir. 10 h Pour préparer au mieux les personnels en MCD du CMIA-C à leurs missions, le médecin en chef A. (MC A.) va présenter à tous les éléments santé « tournants » les pathologies spécifiques à la Guyane avec fiches de protocoles pour les personnels isolés. Dans le même temps, il leur explique la gestion des évacuations médicales, les « MEDEVAC » qui se font dans la majorité des cas en hélicoptère avec des délais d’élongation de plusieurs heures. 18 h Le téléphone du médecin-chef sonne… un braquage d’une mine légale serait en cours du côté de Grand Santi. On annonce un otage, la cuisinière, peut-être des rafales d’armes automatiques, éventuellement des blessés. La situation est floue. Une cellule de crise est convoquée par le Préfet avec présence du médecin-chef du CMIA-C et le chef du Service d’aide médicale d’urgence (SAMU) de Cayenne pour évaluer le niveau de soutien santé à mettre en place. Il est décidé d’envoyer en HM une équipe de l’antenne GIGN (intégration récente du peloton d’intervention de la Gendarmerie en Guyane dans le maillage territorial des antennes GIGN), avec un soutien par une équipe du CMIA-C au plus près et le SAMU en renfort sur appel. En quinze minutes, Le MED M. revient d’une mission inhabituelle. Trois semaines auparavant elle a géré avec l’Unité de maladie infectieuse et tropicale (UMIT) du Centre hospitalier André Rosemon de Cayenne (CHAR) une épidémie de fièvre Q aiguë chez huit marins de la base navale ayant participé à une journée cohésion au carbet Marine située sur les rives de la crique Comté. Tous ont entretenu des espaces verts avec un « rotofil » et ont présenté une pneumopathie à Coxiella burnetii dans le mois qui a suivi. En coordination avec l’épidémiologiste, le vétérinaire de la Direction interarmées du Service de santé (DIASS) et les médecins de l’UMIT, une recherche sur le terrain fut programmée. Pendant cette journée un peu particulière, des pièges à animaux furent posés, des recueils d’excréments, des fourmis, des insectes ont été recueillis pour trouver un éventuel réservoir à Coxiella burnetii (4, 5). l’activité du centre médical interarmées de cayenne « personne ne vous croira » 139 15 h 45 Jeudi 5h Le MP K. est en mission en forêt depuis deux jours avec une unité du 9 e RIMa. Réveil précoce pour démonter le bivouac, il doit ranger bâche, faitière et hamac et manger rapidement. Ils sont partis pour la journée. L’objectif est de progresser en forêt à proximité d’une zone d’orpaillage illégal. Ils placeront un dispositif d’attente tactique et mèneront un assaut à l’aube, le lendemain. Le médecin avance lentement, son sac pèse plus de 30 kg. Ils font une pause toutes les heures et demie. 11 h Soudain des hurlements retentissent derrière lui : « mouches à feu ! mouches à feu ! » Il saisit les bretelles de son sac et se lance au pas de course loin de la zone à risque. Quelqu’un a bousculé un nid de petites guêpes de la forêt, les « mouches à feu ». Une fois dérangées mieux vaut ne pas se trouver dans les parages. Le calme revenu, les personnels sont assis, essoufflés, sur leurs sacs. Ils font un point « PAM » (personnel, armement, munitions) rapide et la progression reprend. Cinq personnels ont été piqués, mais un seul semble préoccupant, il a le pouls filant, présente une urticaire diffuse, une polypnée superficielle et il est très agité. Rapidement son état de conscience s’aggrave. Il s’agit très probablement d’un choc anaphylactique. Il faut être rapide : passer l’alerte, trouver une zone d’évacuation et surtout initier le traitement. Un poncho est jeté à terre, une bâche est tendue, il le remarque à peine. Le médecin sort une ampoule d’adrénaline, dilue un millilitre dans une seringue de dix millilitres et injecte trois millilitres en intramusculaire. Dans le même temps, la perfusion est posée par l’auxiliaire sanitaire titulaire du SC2. Le remplissage suit. Il faudra une quinzaine de très longues minutes et deux bolus intraveineux d’un millilitre d’adrénaline supplémentaire pour rétablir une conscience et une hémodynamique satisfaisantes. C’est à ce moment-là que le transmetteur lui tend le combiné du moyen de transmission satellitaire qui vient d’être activée. Le médecin d’astreinte MEDEVAC est contacté. 11 h 15 Le MED E. décroche le téléphone d’astreinte. En forêt, un détachement du 9e RIMa a un blessé. Le bilan est concis, choc anaphylactique, prise en charge, coordonnées, description de la zone d’évacuation et demande de ravitaillement. Le message de demande d’évacuation, le « 9 lines » est transmis à la cellule MEDEVAC de l’État-major interarmées (EMIA) ; le vecteur hélicoptère est prévu, ce sera le « PUMA ». Il faut décoller au plus vite ! Elle prévient l’infirmière qui se charge d’équiper le véhicule avec l’auxiliaire sanitaire de permanence et pendant ce temps gère les contacts avec l’EMIA et le SAMU. À la BA 367, au pied du « PUMA », les pilotes, les « mec-nav » (mécanicien navigant), un « plouf » (plongeur sauveteur) et un commando s’activent pour préparer l’hélicoptère. Le briefing est succinct, il faudra utiliser le treuil avec une 140 civière, car le poser de l’hélicoptère est impossible. Pendant l’heure de vol, le binôme revoit les matériels nécessaires et prépare les drogues en cas de complication. 14 h Le MP K. est soulagé, l’hélicoptère arrive. Il observe la danse des treuils qui descendent l’équipe et le matériel. À son niveau, il a conditionné le patient au mieux. Il s’écarte du souffle des pales avec le médecin de MEDEVAC afin de lui transmettre le dernier bilan du patient. L’infirmière contrôle les perfusions et la fixation du matériel. Le patient est stable depuis une heure. Le MED E. est remontée la première puis le blessé et enfin l’infirmière. Le vol de retour se passe sans encombre avec un poser final à l’hôpital de Cayenne où le relais est pris par le service des urgences du CHAR. Au sol, dans la forêt, le MP K. a reconditionné son sac et repris la marche dans les minutes qui ont suivi le départ de l’hélicoptère. 15 h Le MP F., médecin référent au 9e RIMa, se rend tous les jeudis après-midi au point de situation hebdomadaire du régiment. Les problématiques de l’unité abordées permettent de connaître la vie du régiment, d’entretenir le lien avec le commandement et bien sûr de régler les problèmes « santé ». Aujourd’hui c’est un problème d’éruption cutanée « étrange » sur la BOA de Maripasoula qui inquiète le commandement, une conduite à tenir est demandée. L’antériorité sur la présence de puces de lit étant connues, le MP F. évoque cette possibilité et rappelle qu’à l’époque un traitement mensuel avait été préconisé. Est-il encore fait ? Il décide de programmer une mission sur Maripasoula pour résoudre le problème. 15 h 15 De retour d’un stage en forêt, un patient se présente après avoir reçu un coup au visage durant ce stage. La dent est luxée. La chirurgien-dentiste principal P (CDP P.) le reçoit en urgence, réduit la luxation et met en place une contention. À l’issue de cette consultation en « urgence », elle reprend ses visites d’aptitude dentaire dans le cadre des Visites médicales périodiques (VMP), ainsi que son activité de soins, participant ainsi au maintien de la capacité opérationnelle des personnels des FAG. 15 h 45 La fin d’après-midi est le temps des consultations dédiés aux familles. Mme X. passe la porte avec son diagnostic sur elle ! Une éruption fébrile typique. L’interrogatoire confirme la première impression. C’est un syndrome dengue-like, très probablement due au virus Zika (6, 7). On avertit alors l’épidémiologiste et l’interne H. en mission à Cayenne pour sa thèse. La patiente est incluse dans l’étude ZIFAG (Zika dans les forces armées en Guyane). Cette étude, dont le protocole f.-x. le flem a été élaboré et est mené conjointement par le SSA et l’institut Pasteur, est la première étude descriptive prospective de la maladie. Y participent les CMIA de Kourou et de Cayenne pour les inclusions de cas, le suivi et les recueils biologiques dans le sang, les urines et le sperme. C’est un suivi longitudinal d’une année des patients infectés par le virus Zika. Après information et accord du patient, le suivi démarre si la PCR (polymerase chain reaction) pour Zika est positive. Ils sont ensuite revus de façon rapprochée sur quinze jours puis de façon fréquente jusqu’à un an. Vendredi 6 h 30 En consultation, huit cas de paludisme se sont déclarés après une mission sur « Dagobert », un site d’orpaillage illégal au sud de Maripasoula. Le commandant C. en fait partie et revient consulter ce jour après le traitement d’un accès à plasmodium falciparum, il fut pris en charge pour un accès à plasmodium vivax avec une récidive le jour de son anniversaire malgré la prise de PRIMAQUINE®. Le MP F. vérifie l’état des déclarations épidémiologiques, le second traitement éradicateur a été efficace, le patient récupère son aptitude à partir en mission (8). 9 h 45 Le MP L. référent médecine aéronautique, vient d’être contacté par l’officier sécurité des vols de la BA 367 composé d’hélicoptères de type « PUMA » et « FENNEC » mais aussi d’avion de transport de type « CASA ». Il voudrait avoir des informations sur la prescription de caféine LP® au profit des PN, notamment pour les vols de nuit pour les EVASAN en « PUMA ». En effet les phases de treuil demandent une concentration maximale et soutenue, parfois difficile en pleine nuit. Le médecin PN se déplacera dans l’escadron la semaine prochaine pour présenter cette molécule à l’ensemble des personnels navigants et discuter avec eux de l’intérêt opérationnel qu’ils peuvent en attendre (9, 10). mordre par un serpent qui n’a pas pu être identifié. Il a rapidement été chargé dans une pirogue et rapatrié vers la BOA (base opérationnelle avancée) de Maripasoula. L’infirmier en place a fait le bilan, il n’y a pas de trouble hémodynamique, il est non algique et n’a pas de lésion cutanée en dehors des traces de morsure. Peut-être s’agit-il d’une « morsure blanche ». La MED E. lui demande de faire un prélèvement sur tube sec pour vérifier l’absence de troubles de la coagulation (12). Le dispensaire le plus proche permettrait d’avoir une intervention médicale rapide le cas échéant. Il est donc décidé de le maintenir sur place en observation. Dimanche 10 h 15 L’EMIA contacte le médecin d’astreinte car un légionnaire est porté manquant à Saül, village accessible seulement par voie aérienne au milieu de la Guyane. Il serait parti il y a plus de vingt-quatre heures en footing dans les sentiers environnants et n’est pas réapparu. Il peut s’être perdu ou blessé. Il n’a aucun matériel de survie. Les missions de recherche en « Quad », à pied et en hélicoptère « FENNEC » sont en cours. L’équipe médicale est en alerte pour une intervention rapide éventuelle. L’officier de permanence des FAG le recontacte dans la soirée. Le joggeur a été retrouvé et amené au dispensaire : il s’était tout simplement perdu. Il sera évacué par voie aérienne civile et récupéré par son unité à Cayenne. Les conséquences auront été mineures : une simple déshydratation et une grosse frayeur. En conclusion Samedi 18 h 30 La mission « Harpie », la mission « Polpeche », et la mission « Titan » demandent un investissement de tous au quotidien, de la programmation à la préparation physique et technique en passant par l’engagement individuel en autonomie sur un terrain particulièrement hostile : la forêt guyanaise. La présence permanente de militaires et de gendarmes sur l’ensemble du territoire guyanais pour des missions engagées physiquement voire dangereuses, nécessite la mise en place d’une astreinte MEDEVAC 24H/24, avec une équipe médicale médecin/infirmier. Depuis le début de l’année 2016, 113 MEDEVAC ont été réalisées par les personnels du SSA dont 21 médicalisées. Par ailleurs, les bonnes relations avec le CHAR de Cayenne, l’Institut Pasteur de la Guyane, et la présence d’un médecin épidémiologiste à la DIASS, en font aussi du CMIA-C une unité de recherche scientifique, sur des pathologies telles que le paludisme, la fièvre Q, la leishmaniose (13) et le Zika. Loin de l’image idyllique de certains séjours outre-mer, la Guyane et ses trois CMIA, ont des attraits rares qu’ils soient environnementaux, socio-culturels ou tropicaux. Le caractère opérationnel des missions soutenues rend le séjour ou la MCD hors du commun, formateur et certainement inoubliable. Un appel de Maripasoula : un personnel du groupe en poste sur le barrage de « papa constant » s’est fait Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt concernant les données présentées dans cet article. l’activité du centre médical interarmées de cayenne « personne ne vous croira » 141 11 h 20 Le MP L. est également médecin de prévention. Il doit se rendre à une réunion de « risque psychosocial » (RPS). Cette réunion doit permettre de débloquer une situation conflictuelle au sein d’un bureau d’un service de soutien de cinq personnels civils. Le chef de la cellule est suspecté de harcèlement moral par ses subordonnés. Les arrêts de travail se répètent depuis maintenant plusieurs semaines. Le commandant d’unité a choisi de saisir la commission RPS (11) ou siège notamment le médecin de prévention, l’assistante sociale, les syndicats. Il va falloir étudier les accusations, et si le harcèlement semble avéré, trouver une solution rapide et réglementaire. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Instruction n°600/DEF/DCSSA/PC/MA du 17 juillet 2015 relative au soutien des activités à risques au sein des armées, directions et services. 2.Buffet PA, Rosenthal E, Gangneux JP, Lightburne E, Couppié P, Morizot G, et al. Traitement des leishmanioses en France proposition d’un référentiel consensuel. Press Med, 2011 ; 40 (2) : 173-84. 3.Note n° 500509/DEF/DCSSA/PC/MA du 6 janvier 2016 relative aux visites médicales dans le cadre du dépassement des heures de vol. 4.Pommier de Santi V, Marié JL, Briolant S, Mahamat A, Djossou F, Epelboin L, et al. Spécificités Épidémiologiques de la Fièvre Q en Guyane. Bull Acad Vét France 2016 ; 169 : 148-54. 5.Epelboin L, Chesnais C, Boulle C, Drogoul AS, Raoult D, Djossou F, et al. Q fever pneumonia in French Guiana : prevalence, risk factors, and prognostic score. Clin Infect Dis, 2012 ; 55 (1) : 67-74. doi : 10.1093/cid/cis288. 6.De Laval F, Leparc-Goffart I, Meynard JB, Daubigny H, Simon F, Briolant S. Zika virus infections. Med Sante Trop, 2016 ; 26 (2) : 145-50. 7.De Laval F, Matheus S, Maquart M, Yvrard E, Barthes N, Combes C, et al. Prospective Zika virus disease cohort : systematic screening. Lancet, 2016 ; 388 (10047) : 868. 8.Briolant S, Pommier de Santi V. Projet de Recherches sur le 142 Paludisme à Plasmodium vivax dans les forces armées en Guyane, Document n°1995/IMTSSA/DIT du 15 novembre 2011. 9.Instruction n°744/DEF/EMA/SC-PERF/BORG – n°744/DEF/ DCSSA/PC/MA relative à l’utilisation militaire de substances modifiant la vigilance du 4 mai 2015. 10.Procédure emploi des substances modifiant la vigilance. DCSSA/ BMA/2015-01 du 1er septembre 2015. 11.Circulaire N° 2114/DEF/SGA/DRH-MD/SR-HC du 13 décembre 2012 d’application des dispositions du décret n° 2012-422 du 29 mars 2012 relatif à la santé et à la sécurité au travail au ministère de la Défense et de l’arrêté du 9 août 2012 fixant les modalités particulières d’organisation de la prévention des risques professionnels au ministère de la Défense. 12.Chippaux JP, Amadi-Eddine S, Fagot P. Validité d’un test de diagnostic et de surveillance du syndrome hémorragique lors des envenimations vipérines en Afrique sub-saharienne. Med trop, 1998 ; 58 (4) : 369-71. 13.Epelboin L, Chroboczek T, Mosnier E, Abboud P, Adenis A, Blanchet D, et al. L’infectiologie en Guyane : le dernier bastion de la médecine tropicale française. La Lettre de l’Infectiologue, 2016 ; 31 (4) : 136-68. f.-x. le flem Médecine des forces Impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ? L. Wilhelma, b, P. Fabriesa, L. Boudina, b, R. Dubourgc, F. Zagnolia, d, F. Caninia, e, E. Saguia, f a École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran – 75230 Paris Cedex 05. b Hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, BP 20545 – 83800 Toulon Cedex 9. c Antenne médicale de Castelnaudary, Quartier Capitaine Danjou – 11452 Castelnaudary. d Hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre, Rue colonel Fontferrier – 29200 Brest. e Institut de recherche biomédicale des armées, BP 73 – 91223 Bretigny-sur-Orge Cedex. f Hôpital d’instruction des armées Alphonse Laveran BP 60149 – 13384 Marseille Cedex 13. Résumé Introduction : des exercices calibrés de haute intensité associés au port d’une charge sont répétés et servent d’évaluation chez les militaires. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’influence du port d’une charge lourde sur la réponse physiologique de l’organisme lors d’un effort soutenu. Matériels et méthodes : dans cette étude prospective, les sujets effectuaient leur première marche course de 8 km avec ou sans sac de 11 kg. Les taux salivaires de cortisol, d'α-amylase salivaire, la fréquence cardiaque, l’anxiété et l’estime de soi ont été évaluées avant et/ou pendant et/ou après l’effort. Résultats : quatre-vingt-un sujets ont été inclus sur 4 sessions : 1 session sans sac et 3 sessions avec sac. Le taux d’α-amylase augmentait avec l’effort mais de façon plus marquée dans le groupe avec sac (p = 0,02). Dans le groupe avec sac à dos, la performance était meilleure pour un taux salivaire de cortisol et d’α-amylase bas. En analyse multivariée, seul un taux d’α-amylase bas avant l’effort était associé à une meilleure performance. Discussion : les modifications de l’α-amylase pourraient avoir deux origines : à contrainte inégale l’α-amylase serait un marqueur de contrainte physiologique ; à contrainte égale un taux d’α-amylase bas pourrait traduire une inhibition du système nerveux sympathique lié à l’entraînement. Mots-clés : α-amylase. Charge lourde. Contrainte physiologique. Cortisol. Sommeil. Abstract THE PHYSIOLOGICAL IMPACT OF CARRYING HEAVY LOADS DURING SUSTAINED EFFORTS. Introduction: high intensity exercises are repeated and used as evaluation for military personnel. The objective of this study is to assess impact of carrying heavy loads in physiological response during a sustained effort. Material and Methods: a monocentric prospective study was realized. Participants did their first 8 km walk/run with or without an 11 kg rucksack. Salivary cortisol, α-amylase rates, heart rates and anxiety were measured before starting and/or during effort and/or right after finishing the exercise. Results: eighty one subjects were included in the study, during 4 sessions: 1 session with no rucksack and 3 sessions with rucksacks. Alpha-amylase rates rose during effort. In the group with rucksacks, the performance did not depend on sleep time or anxiety, but was better for low salivary cortisol and α-amylase rates. In the multivariate analysis, only a low α-amylase rate before effort was associated with a better performance. Discussion: the α-amylase modifications could have two origins: with unequal constraints, here carrying heavy loads, the α-amylase could be a physiological constraint marker; with an equal constraint, an α-amylase low rate could betray a sympathetic nervous system inhibition due to training. Keywords: α-amylase. Cortisol. Heavy load. Physiological constraint. Sleep. Introduction Durant une activité physique de haute intensité, le sportif soumet son organisme à d’importantes contraintes qui en modifient la réponse physiologique (1). La manière dont un sujet gère son exercice en termes de durée et d’intensité, est étroitement régulée, et chaque sportif adapte son rythme à la performance assignée (2). Au-delà d’un certain niveau, l’activité physique L. WILHELM, interne des hôpitaux des armées. P. FABRIES, médecin des armées, CMIA Dakar. L. BOUDIN, interne des hôpitaux des armées. R. DUBOURG, médecin en chef. F. ZAGNOLI, médecin chef des services, praticien professeur agrégé du Valde-Grâce. F. CANINI, médecin en chef, praticien professeur agrégé du Val-de-Grâce. E. SAGUI, médecin en chef, praticien professeur agrégé du Val-de-Grâce. Correspondance : Madame l’interne des hôpitaux des armées L. WILHELM, Hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, BP 20545 – 83800 Toulon Cedex 9. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 143-152 de haute intensité est vécue comme un stress qui suit la définition classique décrite par Selye : une phase d’alarme suivie d’une phase de résistance et enfin, d’une phase de récupération ou d’épuisement selon la durée et l’intensité de l’exercice (3, 4). Les répercussions biologiques de l’exercice dépendent des contraintes mécaniques et du stress induit par cet exercice. L’α-amylase et le cortisol salivaire sont des marqueurs de stress (5, 6) qui s’élèvent durant un exercice physique via, respectivement l’augmentation de l’activité sympathique (7) et l’activation de l’axe hypothalamohypophyso-cortcosurrénalien (8). L’exercice augmente la concentration de l’α-amylase et du cortisol salivaire d’autant plus qu’il s’agit d’un exercice d’intensité supérieure à 70 % de la VO2 max (8, 9). Les déploiements militaires internationaux imposent des exigences physiologiques considérables pour nos 143 soldats. Des entraînements et des évaluations sportives permettent à la fois de maintenir leur condition physique et de les rendre opérationnels. Les personnels militaires doivent être capables de supporter une charge lourde tout en maintenant leur performance. Ainsi des exercices calibrés de haute intensité, comme une course de 8 km avec un sac à dos de 11 kg à parcourir en moins d’une heure (8 km correspondant à la distance nécessaire pour s’extraire d’une zone dangereuse, et une heure étant la durée maximale acceptable pour s’extraire après une action) sont répétés et servent d’évaluation chez les militaires, pour les maintenir dans les meilleures conditions physiques (10). Dans de telles conditions, bien que la puissance et l’endurance musculaire soient maintenues, le port d’une charge lourde accentue les traumatismes musculo-squelettiques et altère ainsi la capacité physique des soldats, en augmentant le risque de blessure (11). Il semble donc intéressant d’évaluer si le port d’une charge lourde lors de l’exercice accentue réellement le stress engendré par cet exercice, et apporte ainsi une plus-value dans l’entraînement opérationnel des militaires, l’impact du port d’une charge n’ayant jamais été étudié dans un exercice de haute intensité. Quel est donc l’impact du port d’une charge lourde lors d’un exercice intense sur les variables biologiques du stress ? Critères d’exclusion/consentement Les patients ayant déjà réalisé cette épreuve, suivant un traitement médicamenteux, ou ayant une pathologie intercurrente, ont été exclus. Les sujets volontaires ont signé un consentement. Cette étude a fait l’objet d’une autorisation du Comité de protection des personnes Ouest VI sous le numéro 2011-A01660-41. Déroulement de l’étude Les informations ont été recueillies à plusieurs moments de l’étude (fig. 2). Matériels et méthodes Description de l’étude Il s’agit d’une étude monocentrique prospective qui s’est déroulée sur quatre sessions de 72 heures au sein du quatrième Régiment Étranger situé à Castelnaudary (Aude). Les sujets inclus de sexe masculin, effectuaient pour la première fois une course à pied de huit kilomètres en tenue militaire avec ou sans sac à dos sur terrain plat. Ils étaient vêtus d’un treillis, de chaussures type rangers, et équipés d’un sac à dos de onze kilomètres selon les sessions (fig. 1). L’entraînement a été mesuré par le questionnaire simplifié d’activité sportive du service de santé (IM362/DEF/DCSSA/AST/AS du 10 février 1997) relative à la catégorisation médico-physiologique en vue de l’entraînement physique militaire et sportif (12). Figure 1. Sujet équipé. 144 Figure 2. Déroulement de l’étude. Variables mesurées Conditions environnementales Les conditions environnementales ont été relevées au départ et à l’arrivée de l’exercice (température et humidité ambiante). Données biométriques La fréquence cardiaque a été enregistrée durant l’épreuve à l’aide d’un cardiofréquence-mètre de terrain (fig. 3) (Camntech Acti-heart©, Oxford, Royaume Uni). Elle a été échantillonnée à 128 Hz c’est-à-dire mesurée 128 fois par seconde. Afin de comparer la fréquence cardiaque entre les sujets pendant l’effort, une standardisation a été réalisée selon la méthode décrite par Vincent (13). Pour chaque sujet, l’ensemble des fréquences cardiaques mesurées ont été réparties en 40 parties égales, la première partie correspondant au premier 1/40 du temps de course réalisé par le sujet, etc. Afin de prendre en compte la corrélation des données intra-individuelles liées aux mesures répétées de la fréquence cardiaque, un modèle mixte a été construit en utilisant la commande « xtreg » sous STATA 9.0, la composante aléatoire du modèle étant le sujet. Sur la ligne d’arrivée, la performance a été relevée et la pénibilité a été mesurée par l’échelle de Borg en dix points (14) (fig. 4). La température tympanique a été mesurée au départ et à l’arrivée de l’exercice (thermomètre électronique l. wilhelm 10 à 40. Un score supérieur ou égal 34 correspond à une estime de soi de forte à très forte (annexe 2). Sommeil La durée du sommeil a été mesurée par actimétrie de tronc et auto-questionnaire. Données biologiques Figure 3. Sujet équipé du cardio fréquence mètre de terrain. (Génius li, COVEDIEN©)). En raison de contraintes techniques, une grande partie des résultats ont été erronés et ne seront pas présentés. Les prélèvements salivaires de cortisol et d’α-amylase ont été réalisés avant le départ, à l’arrivée (fig. 5) et le lendemain de l’épreuve avec des salivettes (salivettes, Sarstedt, Rommelsdorf, Germany). La salive a été congelée immédiatement après le recueil en attente de dosage à l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) (antenne La Tronche). Les taux de cortisol et d’α-amylase ont été analysés dans un second temps grâce aux kits Cortisol salivaire (Salimetrics®, State College, PA, USA), Kit A-amylase pour Roche Hitachi (Cobas®, Roche-diagnostic, Suisse). Analyse statistique Questionnaires d’anxiété et d’estime de soi L’anxiété a été mesurée par le questionnaire d’anxiété de Spielberger (STAI) (15) qui comprend deux parties : une partie « trait » remplie lors de la visite d’inclusion et une partie « état », remplie à quatre reprises : la veille, avant, après et le lendemain de l’exercice. Un niveau supérieur ou égal à 47 est considéré comme un haut niveau d’anxiété pour le STAI trait et 41 pour le STAI état (16) (annexe 1). L’estime de soi a été mesurée par le questionnaire de Rosenberg (17). Ce questionnaire comprend dix questions, chacune pouvant être cotées de 1 à 4. La somme totale est la somme des dix questions et varie de Toutes les données ont été recueillies sous Excel 2010 (Microsoft®, Redmond, WA, USA), et analysées sous Stata 11 (College Station, Texas 77845 USA) et SAS 9.2 (SAS Institute Inc., Cary, NC, USA). Dans un premier temps, les variables ont été étudiées une à une, et la normalité des variables quantitatives a été recherchée par le test de Shapiro-Wilk qui ne devait pas être significatif. Le cas échéant une transformation logarithmique a été réalisée afin de normaliser une variable de distribution non gaussienne. Si la normalisation était impossible, la variable a été laissée telle quelle. Dans un deuxième temps, les variables ont été comparées deux à deux. La comparaison de deux variables qualitatives a été réalisée Figure 4. Présentation du questionnaire de Borg sur la ligne d’arrivée. Figure 5. Recueil de salive sur la ligne d’arrivée. impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ? 145 par le test de Chi, ou le test de Fisher si les conditions d’application du test de Chi² n’étaient pas réunies. La comparaison d’une variable quantitative de distribution normale à une variable qualitative a été faite par le test t de Student, ou une analyse de variance si le nombre de classes de la variable qualitative était supérieur à deux. La comparaison d’une variable quantitative de distribution non normale à une variable qualitative a été faite par le test de Mann Whitney Wilcoxon, ou de Kruskal-Wallis si le nombre de classes de la variable qualitative était supérieur à deux. Dans un troisième temps une analyse multivariée a été réalisée par régression linéaire. Le risque d’erreur de première espèce a été fixé à 0,05. les sessions. Le poids moyen était de 72±7,8 kg. Le niveau d’entraînement était identique selon les quatre sessions. Les sujets sans sac ont couru plus rapidement que les sujets avec sac (45’3’’±4’40’’ minutes versus 38’±3’ minutes) (p < 0,001). Malgré des données manquantes sur l’entraînement des sujets de la session 2, à niveau d’entraînement et pénibilité (mesuré par l’échelle de Borg) identiques, dans le groupe avec sac à dos les sujets de la session 1 ont été moins performants que ceux des autres sessions. Anxiété et estime de soi Le niveau de stress STAI trait entre les quatre groupes était le même (tab. II). Deux sujets avaient un niveau d’anxiété trait à 47, les deux provenant de la session 1. Il existait un effet session sur le niveau d’anxiété état avant et après la course avec un plus haut niveau d’anxiété dans la session 1 par rapport aux autres groupes. Dans les groupes 2, 3 et 4, le niveau d’anxiété état avant et après la course n’était pas significativement différent. Un niveau d’anxiété état supérieur ou égal à 41, qui reste modéré, était atteint pour cinq personnes avant la course, dont trois dans le groupe 1 et aucun dans le groupe sans sac. Le lendemain de la course la mesure de l’anxiété état était basse, un seul sujet dans la session 4 avait un score ≥ 41. Soixante-deux pourcents des sujets avaient une estime de soi forte à très forte selon l’échelle de Rosenberg indépendamment des sessions. Dans le groupe avec sac à dos, les sujets avec une haute estime d’eux-mêmes selon Rosenberg étaient les moins stressés avant la course (31 [26-36] versus 25 [22-30], p = 0,02) et après la course (28 [23-33,5] versus 23 [21-28], p = 0,007). Cette différence persistait sur le niveau d’anxiété STAI trait (p = 0,027). Résultats De juin 2012 à mars 2013, 81 sujets ont été inclus. L’âge moyen était de 23,7±3,9 années. Comme le montre le tableau I, la température, l’humidité ambiante et l’heure du début d’épreuve étaient différentes selon les sessions. L’âge et l’indice de masse corporelle (IMC) n’étaient pas significativement différents entre Tableau­ I. Caractéristiques des sessions. Sac de 11 kg Oui Non Session 1 Session 2 Session 3 Session 4 Date Juin 2012 Juillet 2012 Mars 2013 Octobre 2012 Température 19 °C 13 °C 5 °C 12 °C Humidité relative 83 % 83 % 93 % 79 % Heure de départ 6 h 35 6 h 30 8 h 00 8 h 00 21 20 20 20 Âge 23,9±3,7 23,1±3,6 25,3±4 22,5±3,9 IMC 23,5±2 23,2±1,3 23,4±1,9 23,5±1,6 Nombre de sujets Fréquence cardiaque La fréquence cardiaque n’était pas significativement différente entre les groupes (p = 0,13). La fréquence cardiaque à l’effort se décomposait en trois parties Tableau­ II. Anxiété et performance (Légende : STAI : state trait anxiety inventory, # Kruskall-Wallis test). Sac de 11 kg Oui Non Session 1 Session 2 Session 3 Session 4 Entraînement 16,0±0,6 pas de données 16,2±0,3 Performance 49±4 43±4 44±5 Échelle Borg 5 [2-7] 4,5 [3-7] STAI trait 33±7 33±5 p Session 1 à 3 Session 1-3 vs 4 16,1±0,5 0,66 0,58 38±3 0,0003 5 [3-7] 5 [3-7] 0,96# 0,99# 30±7 28,5±5 0,31 0,07 0,01# STAI état Jour avant 27 [24-31] 29 [26,5-35,5] 26,5 [20,35] 22,5 [20,5-28] 0,27# Avant la course 31,5 [27-38] 28,5 [24,5-31] 22,5 [20,5-32,5] 22,5 [20,5-25] 0,01# Après la course 29 [28-32] 24 [21,5-27] 23 [21-25] 25 [21-27] <0,001# Lendemain 27 [24-31] 25 [25-27] 22 [20-29] 23 [22-27] 0,03# 146 l. wilhelm la moins bonne performance (p = 0,025). Les sujets les moins anxieux (STAI trait) ont des taux d’α-amylase les plus bas avant l’effort (p = 0,045). L’α-amylase était indépendante de l’estime de soi. (fig. 6) : il existait une ascension de la fréquence cardiaque jusqu’à la cinquième minute puis une stabilisation en plateau et une accélération finale dans les trois dernières minutes. Cortisol Il existait un effet session pour les taux de cortisol dans le groupe avec sac à dos (tab. V). Les groupes 1 et 2 avaient des niveaux de cortisol salivaire plus élevés avant et après la course. Le niveau de cortisol, avant la course, n’était pas lié à l’estime de soi. Les sujets du groupe avec sac qui dormaient plus de six heures avaient le taux de cortisol le plus bas (0,453 [0,324-0,533] µg/dL vs 0,734 [0,539-1,041] µg/dL, p = 0,03). Cette différence persistait après prise en compte de l’anxiété trait ou état en analyse multivariée (p = 0,0003 et p = 0,0006). Dans le groupe avec sac, les niveaux de cortisol et d’α-amylase n’étaient pas corrélés avant la course. En revanche, ces deux variables étaient corrélées après la course (p = 0,01, r = 0,34). L’anxiété trait n’est pas corrélée aux taux de cortisol avant la course (p = 0,71). Figure 6. Évolution de la fréquence cardiaque pendant l’effort. Performance Sommeil La performance n’était pas liée au niveau d’estime de soi et au niveau d’anxiété STAI trait chez les sujets avec sac à dos (respectivement p = 0,58 et p = 0,73). Dans le groupe avec sac à dos, les sujets de la session 1 ont couru plus lentement que les deux autres sessions alors que le niveau d’entraînement, le niveau d’anxiété trait et la pénibilité étaient identiques entre les trois groupes. Dans le groupe avec sac à dos, la meilleure performance était associée à un niveau de cortisol et d’α-amylase salivaire bas avant la course (p = 0,03 et p = 0,02 respectivement), et ne dépendait ni de la durée de sommeil avant la course (p = 0,16) ni du niveau d’anxiété trait ou état (p = 0,72 et p = 0,66). En analyse multivariée, la meilleure performance était seulement associée à un niveau d’α-amylase bas avant la course (p = 0,01). La durée de sommeil était statistiquement différente dans les quatre groupes, le groupe 1 étant celui qui avait le moins dormi avant l’effort, le groupe 2 après l’effort. Ceux qui ont le mieux dormi sont le groupe 4 avant effort et le groupe 3 après effort (tab. III). Alpha-amylase Le taux d’α-amylase était le même entre les quatre groupes avant l’effort quelle que soit la durée de sommeil (tab. IV). L'α-amylase était moins importante après et le lendemain de l’effort dans le groupe sans sac, avec un retour à l’état de base. Les sujets avec les taux d’α-amylase les plus élevés avant l’effort avaient Tableau­III. Étude de la durée de sommeil (Légende : # Kruskall-Wallis test). Sac de 11 kg Oui Non p Session 1 Session 2 Session 3 Session 4 Session 1 à 3 Durée de sommeil (min) 4 h 52 [4 h 29-5 h 02] 5 h 43 [5 h 28-5 h 59] 6 h 43 [6 h 21-6 h 52] 7 h 26 [7 h 15-7 h 34] <0,0001# Heure de coucher 22 h 44 [22 h 28-22 h 55] 22 h 32 [22 h 13-22 h 51] 22 h 48 [22 h 41-23 h 12] 22 h 29 [22 h 21-22 h 39] 0,05# 3 h 45 4 h 22 5 h 32 6 h 00 Durée de sommeil (min) 6 h 29 [6 h 18-6 h 43] 6 h 14 [5 h 33- 6 h 17] 7 h 16 [7 h 06-7 h 20] 6 h 27 [5 h 39-7 h 14] <0,0001 Heure de coucher 22 h 26 [22 h 12-22 h 36] 23 h 14 [23 h 11-23 h 18] 22 h 19 [22 h 14-22 h 22] 23 h 32 [22 h 46-0 h 07] <0,0001 5 h 04 5 h 31 5 h 31 6 h 02 Session 1-3 vs 4 Nuit avant effort Heure de réveil 0,02 Nuit après l’effort Heure de réveil impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ? 147 Tableau­IV. A-amylase salivaire (Légende :# Kruskall-Wallis test). Sac de 11 kg Oui Non p Session 1 Session 2 Session 3 Session 4 Session 1 à 3 Session 1-3 vs 4 Avant la course 68,007 [41,715-152,857] 57,861 [40,949-72,419] 92,989 [53,844-117,347] 70,654 [42,169-113,702] 0.16# 0.31# Après la course 867,350 [400,713-1,419,690] 921,855 [463,893-2,130,170] 804,595 [489,295-1,220,400] 592,824 [345,624-837,530] 0.98# 0.02# 144,254 [125,000-164,480] 69,041 [26,685-102,638] 0.35# 0.01# A-amylase salivaire (IU/l) Lendemain 102,088 [62,008-156,816] Tableau­ V. Cortisol salivaire (Légende : # Kruskall-Wallis test). Sac de 11 kg Oui Non p Session 1 Session 2 Session 3 Session 4 Session 1 à 3 Avant la course 0,723 [0,591-0,916] 0,739 [0,479-1,097] 0,353 [0,319-0,499] 0,399 [0,312-0,471] 0,0004 Après la course 1,443 [1,024-1,701] 1,305 [1,076-1,651] 0,730 [0,547-1,008] 0,763 [0,547-0,936] 0,0013 Lendemain 0,220 [0,183-0,255] 0,415 [0,361-0,480] 0,162 [0,115-0,243] 0,432 [0,347-0,502] <0,0001# Session 1-3 vs 4 Cortisol salivaire (µg/dl) Discussion Le port d’une charge lourde à l’effort était associé à une augmentation de l’α-amylase mais non du cortisol salivaire après et le lendemain de l’effort, traduisant une activité sympathique accrue et persistante. Bien que constituant tous les deux des marqueurs du système nerveux autonome leur activation à l’effort semblait dépendre de facteurs différents. Toutefois, il existait deux biais majeurs dans cette étude. Le premier concernait la méthodologie de l’étude avec la répartition des sessions. En effet, le groupe sans sac à dos représentait à lui seul une session. Il aurait fallu prendre dans chaque session des sujets qui couraient avec sac à dos ou sans sac. Sur le plan logistique, il était impossible de faire autrement. En effet les sujets étant militaires, l’épreuve sportive leur était imposée dans le cadre de la formation pour laquelle ils s’étaient engagés. Loin d’une étude expérimentale, notre étude collait au plus près de la réalité. Le deuxième biais concernait l’effet session : dans le groupe avec sac à dos il existait un effet session sur les durées de sommeil, donc sur les taux de cortisol. Alpha-amylase La libération de l’α-amylase est régie par l’activation du système nerveux autonome (7). La mesure de l’α-amylase salivaire serait un indicateur non invasif 148 de stress psychologique (18). Chatterton, et al. ont montré que les sujets se préparant pour un saut en parachute avaient un taux d’α-amylase plus élevé que ceux du groupe contrôle qui n’avait pas sauté avec une augmentation de l'α-amylase par rapport aux valeurs de base (19). Dans notre étude, les sujets étant en formation militaire constante, ils étaient soumis à un stress quotidien et par conséquent le taux d’α-amylase de base n’a pas pu être obtenu. La différence entre l’α-amylase de base et celle mesurée juste avant un effort peut être expliquée par un phénomène d’anticipation (20). Dans notre étude, la différence de performance chez les sujets du groupe avec sac n’était pas expliquée par l’anticipation de l’activation sympathique puisque l’α-amylase était identique dans tous les groupes avant l’effort. Dans notre étude l’α-amylase et le STAI trait et état dans les trois dernières sessions étaient identiques avant effort suggérant l’absence de lien entre anxiété et α-amylase. Dans notre étude l’α-amylase salivaire a été augmentée après l’effort dans les deux groupes mais avec une absence de retour à la normale le lendemain de l’effort dans le groupe avec sac à dos. L’effort physique à des intensités supérieures à 70 % de VO2max augmente l’α-amylase salivaire reflétant l’activité sympathique (9). L’α-amylase se normalise 3 heures après l’effort (21, 22). Le port d’une charge lourde activerait le système nerveux sympathique au-delà de l. wilhelm 24 heures. Cette activation sympathique persistante peut être expliquée par le port de charge lourde et non par l’anxiété état le lendemain de l’effort. Aucun des sujets, à part un seul dans le groupe sans sac, n’avait un score pathologique. Le port d’une charge lourde à l’effort entraîne un ajustement de la vitesse de course. La fréquence cardiaque entre les groupes n’était pas différente tout au long de l’effort indiquant que ce paramètre était moins sensible que l’α-amylase pour mesurer la contrainte induite par le port d’une charge lourde. Les lactates augmentant avec l’intensité de l’exercice (23), ils n’ont pas été pris comme marqueur de l’intensité de l’exercice car ils sont originaires de la glycolyse et leur taux est corrélé à l'α-amylase salivaire (24). Cortisol Dans notre étude, nous avons mesuré le cortisol salivaire, plus simple à mettre en place, qui est un reflet des niveaux de cortisol plasmatique (25, 26). Il existe une augmentation du cortisol pour des exercices de longue durée et de haute intensité, supérieur à 70 % VO2max (27), ce que nous avons observé dans notre étude. Le cortisol augmente avec le stress psychologique (19) mais nous n’avons pas montré de relation entre stress et anxiété pour les mêmes raisons que celles évoquées pour l’α-amylase. Ces résultats ont été confirmés dans notre étude en particulier pour la session 1 qui avait les taux de cortisol les plus hauts et les performances les moins bonnes. Pourtant, les sujets avaient les mêmes caractéristiques ; cet effet session pourrait être expliqué à la fois par les différences de commandement de l’encadrement militaire qui ont influencé plusieurs paramètres dont la durée de sommeil et l’anxiété état des individus. La sécrétion de cortisol obéit à un cycle nycthéméral, sous l’influence de l’horloge circadienne avec un pic dans les 30 minutes suivant le réveil (28). La privation de sommeil atténue le rythme circadien du cortisol avec une augmentation du cortisol dans la journée (29). Nos données sont en accord avec ces résultats : les sujets de la session 3 avec sac et la session 4 sans sac avaient des durées de sommeil supérieures à 6 h et des taux de cortisol plus bas que les autres sessions. Il semblerait donc que la différence entre les sessions soit davantage attribuable à la durée de sommeil qu’au port d’une charge lourde. Minetto, et al. ont montré que les taux de cortisol étaient différents en fonction du niveau d’entraînement des sujets (30). Or, l’entraînement étant le même pour tous les groupes, la différence sur le cortisol avant l’effort n’était pas liée à l’entraînement physique mais à la durée de sommeil. Comme cela a été rapporté par Filaire, et al. (31), les sujets du groupe avec sac à dos les plus rapide avaient les taux du cortisol les plus bas avant et après la course. Toutefois, l’étude de Filaire ne prend pas en compte la durée de sommeil avant l’épreuve sportive. Dans notre étude, la performance était liée au niveau de cortisol avant l’effort, mais ce dernier dépendait de la durée de sommeil la nuit avant l’effort. Toutefois, la relation cortisol, durée de sommeil et performance disparaissait en analyse multivariée, la performance n’étant expliquée que par le taux d'α-amylase salivaire avant l’effort. Une des hypothèses proposées serait l’inhibition de l’activité sympathique par l’entraînement physique, un taux d’α-amylase bas avant l’effort indiquant un bon niveau d’entraînement. Pour valider cette hypothèse, il faudrait d’abord attribuer aléatoirement le port du sac au sein de chaque session puis mesurer précisément la capacité physique de chaque individu par la consommation maximale d’oxygène par minute (VO2max) afin de la corréler à l’α-amylase salivaire. Conclusion Le cortisol et l’α-amylase salivaire sont deux marqueurs activés par le système nerveux autonome et augmentent lors d’un stress et/ou d’un effort. Toutefois les modifications de l'α-amylase ont deux origines : à contrainte inégale, ici le port d’une charge lourde, l'α-amylase est un marqueur de contrainte physiologique ; à contrainte égale un taux d'α-amylase bas pourrait traduire une inhibition du système nerveux sympathique lié à l’entraînement. Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt concernant les données présentées dans cet article. Annexe 1. Questionnaire d’auto-évaluation de Spielberger. Consignes du questionnaire 1 : un certain nombre de phrases que l’on utilise pour se décrire sont données ci-dessous. Lisez chaque phrase, puis cochez, parmi les quatre possibilités, celle qui correspond le mieux à ce que vous ressentez. À l’instant, juste en ce moment. Répondez aussi franchement et spontanément que possible. Il n’y a pas réponses « justes » ou « fausses », « bonnes » ou « mauvaises ». Ne passez pas trop de temps sur l’une ou l’autre de ces propositions et indiquez la réponse qui décrit le mieux vos sentiments actuels. Consignes du questionnaire 2 : un certain nombre de phrases que l’on utilise pour se décrire sont données ci-dessous. Lisez chaque phrase, puis cochez, parmi les quatre possibilités, celle qui correspond le mieux à ce que vous ressentez généralement. Répondez aussi franchement et spontanément que possible. Il n’y a pas réponses « justes » ou « fausses », « bonnes » ou « mauvaises ». Ne passez pas trop de temps sur l’une ou l’autre de ces propositions et indiquez la réponse qui décrit le mieux vos sentiments habituels. impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ? 149 Questionnaire 1 et 2 Non 1. Je me sens calme 2. Je me sens en sécurité, sans inquiétude, en sûreté 3. Je suis tendu(e), crispé(e) 4. Je me sens surmené(e) 5. Je me sens tranquille, bien dans ma peau 6. Je me sens ému(e), bouleversé(e), contrarié(e) 7. L’idée de malheurs éventuels me tracasse en ce moment 8. Je me sens content(e) 9. Je me sens effrayé(e) Plutôt non Plutôt oui Oui 10. Je me sens à mon aise (je me sens bien) 11. Je sens que j’ai confiance en moi 12. Je me sens nerveux (nerveuse), irritable 13. J’ai la frousse, la trouille (j’ai peur) 14. Je me sens indécis(e) 15. Je suis décontracté(e), détendu(e) 16. Je suis satisfait(e) 17. Je suis inquiet, soucieux (inquiète, soucieuse) 18. Je ne sais plus où j’en suis, je me sens déconcerté(e), dérouté(e) 19. Je me sens solide, posé(e), pondéré(e), réfléchi(e) 20. Je me sens de bonne humeur, aimable 21. Je me sens nerveux (nerveuse), agité(e) 22. Je me sens content(e) de moi 23. Je voudrais être aussi heureux (heureuse) que les autres 24. J’ai un sentiment d’échec 25. Je me sens reposé(e) 26. J’ai tout mon sang-froid 27. J’ai l’impression que les difficultés s’accumulent à un tel point que je ne peux plus les surmonter 28. Je m’inquiète à propos de choses sans importance 29. Je me sens heureux (heureuse) 30. J’ai des pensées qui me perturbent 31. Je manque de confiance en moi 32. Je me sens sans inquiétude, en sécurité, en sûreté 33. Je prends facilement des décisions 34. Je me sens incompétent(e), pas à la hauteur 35. Je suis satisfait(e) 36. Des idées sans importance trottent dans ma tête, me dérangent 37. Je prends les décisions tellement à cœur que je les oublie difficilement 38. Je suis une personne posée, solide, stable 39. Je deviens tendu(e) et agité(e) quand je réfléchis à mes soucis 150 l. wilhelm Annexe 2. Questionnaire d’auto-évaluation de l’estime de soi. impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ? 151 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Noakes T. Lore of running. Champaign, IL, USA : Oxforf University Press ; 2002. 2.Canini F, Sagui E, Zagnoli F. Système nerveux, stress et coup de chaleur. Médecine et Armées 2012 ; 40 (3) : 225-9. 3.Selye H. The evolution of the stress concept. American Scientist 1973 ; 61 (6) : 692-9. 4.Selye H. Stress and the general adaptation syndrome. British Medical Journal 1950 (june 17) : 1383-92. 5.Dantzer R, Kalin N. Salivary biomarkers of stress : cortisol and alpha-α-amylase. Psychoneuroendocrinology 2009 ; 34 (1) : 1. 6.Papacosta E, Nassis GP. Saliva as a tool for monitoring steroid, peptide and immune markers in sport and exercise science. J Sci Med Sport 2011 ; 14 (5) : 424-34. 7.Nater UM, Rohleder N. Salivary alpha-α-amylase as a non-invasive biomarker for the sympathetic nervous system : current state of research. Psychoneuroendocrinology 2009 ; 34 (4) : 486-96. 8.De Vries WR, Bernards NTM, de Rooij MH, Koppeschaar HPF. Dynamic exercise discloses different time-related responses in stress hormones. Psychosomatic Medicine 2000 ; 62 : 866-72. 9.Koibuchi E, Suzuki Y. Exercise upregulates salivary α-amylase in humans (Review). Exp Ther Med 2014 ; 7 (4) : 773-7. 10.Entraînement Physique Militaire et Sportif. In : 7-1-1 PiP, editor. : État-Major des Armées ; 2011:290. 11.Nindl BC, Castellani JW, Warr BJ, Sharp MA, Henning PC, Spiering BA, et al. Physiological Employment Standards III : physiological challenges and consequences encountered during international military deployments. Eur J Appl Physiol 2013 ; 113 (11) : 2655-72. 12.Melin B, Brion R, Picard J, Pibarot A, Bigard AX, Guezennec CY, et al. Aptitude physique. Évaluation par questionnaire. Médecine et Armées 1998 ; 26 (3) : 207-11. 13.Ratcliff R. Group reaction time distributions and an analysis of distribution statistics. Psychol Bull 1979 ; 86 (3) : 446-61. 14.Borg GA. Perceived exertion. Exerc Sport Sci Rev 1974 ; 2 : 131-53. 15.Spielberger C. Manual for the State-Trait-Anxiety Inventory : STAI (form Y). Palo Alto, CA : Consulting Psychologists Press ; 1983. 16.Bruchon-Schweitzer M, Paulhan I. Inventaire d’anxiété état-trait forme Y (STAI-Y) : Adaptation française ; 1993. 17.Rosenberg M. Conceiving the self. New York ; 1979. 18.Takai N, Yamaguchi M, Aragaki T, Eto K, Uchihashi K, Nishikawa Y. Effect of psychological stress on the salivary cortisol and α-amylase levels in healthy young adults. Archives of Oral Biology 2004 ; 49 : 963-8. 152 19.Chatterton RT, Jr., Vogelsong KM, Lu YC, Hudgens GA. Hormonal responses to psychological stress in men preparing for skydiving. J Clin Endocrinol Metab 1997 ; 82 (8) : 2503-9. 20.Piacentini MF, Minganti C, Ferragina A, Ammendolia A, Capranica L, Cibelli G. Stress related changes during a half marathon in master endurance athletes. J Sports Med Phys Fitness 2014. 21.Diaz MM, Bocanegra OL, Teixeira RR, Soares SS, Espindola FS. Salivary nitric oxide and alpha-α-amylase as indexes of training intensity and load. Int J Sports Med 2013 ; 34 (1) : 8-13. 22.McKune AJ, Bach CW, Semple SJ, Dyer BJ. Salivary cortisol and alpha-α-amylase responses to repeated bouts of downhill running. Am J Hum Biol 2014 ; 26 (6) : 850-5. 23.Stegmann H, Kindermann W, Schnabel A. Lactate kinetics and individual anaerobic threshold. Int J Sports Med 1981 ; 2 (3) : 160-5. 24.de Oliveira VN, Bessa A, Lamounier RP, de Santana MG, de Mello MT, Espindola FS. Changes in the salivary biomarkers induced by an effort test. Int J Sports Med 2010 ; 31 (6) : 377-81. 25.Tunn S, Mollmann H, Barth J, Derendorf H, Krieg M. Simultaneous measurement of cortisol in serum and saliva after different forms of cortisol administration. Clin Chem 1992 ; 38 (8 Pt 1) : 1491-4. 26.Cadore E, Lhullier F, Brentano M, Silva E, Ambrosini M, Spinelli R, et al. Correlations between serum and salivary hormonal concentrations in response to resistance exercise. J Sports Sci 2008 ; 26 (10) : 1067-72. 27.Jacks DE, Sowash J, Anning J, McGloughlin T, Andres F. Effect of exercise at three exercise intensities on salivary cortisol. J Strength Cond Res 2002 ; 16 (2) : 286-9. 28.Hucklebridge F, Clow A, Evans P. The relationship between salivary secretory immunoglobulin A and cortisol : neuroendocrine response to awakening and the diurnal cycle. Int J Psychophysiol 1998 ; 31 (1) : 69-76. 29.Minkel J, Moreta M, Muto J, Htaik O, Jones C, Basner M, et al. Sleep deprivation potentiates HPA axis stress reactivity in healthy adults. Health Psychol 2014 ; 33 (11) : 1430-4. 30.Minetto MA, Lanfranco F, Baldi M, Termine A, Kuipers H, Ghigo E, et al. Corticotroph axis sensitivity after exercise : comparison between elite athletes and sedentary subjects. J Endocrinol Invest 2007 ; 30 (3) : 215-23. 31.Filaire E, Alix D, Ferrand C, Verger M. Psychophysiological stress in tennis players during the first single match of a tournament. Psychoneuroendocrinology 2009 ; 34 (1) : 150-7. l. wilhelm Médecine des forces La recherche biomédicale en médecine des forces — Exemple de l’étude de l’infection par le virus Zika H. d’Aubignya, T. Labrousseb, E. Martinez-Lorenzib, N. Andréb, N. Barthesc, F-X. Le Flemb, A-N. Ensargueixb, D. Balmerb, M. Okrutnyb, G. Thomasb, D. Belleoudd, F. Simone, S. Briolantd, f, F. de Lavald, g a Hôpital d’instruction des armées Saint-Anne, BCRM Toulon, BP 600 – 83800 Toulon Cedex 09. b Centre médical interarmées de Cayenne, Base de défense de Guyane, CS56019 Quartier Madeleine – 97306 Cayenne Cedex. c Centre médical interarmées de Kourou ; Quartier Forget, BP 727 – 97310 Kourou. d Direction interarmées du Service de santé en Guyane, Base de défense de Guyane, CS56019 Quartier Madeleine – 97306 Cayenne Cedex. e Hôpital d’instruction des armées Alphonse Laveran BP 60149 – 13384 Marseille Cedex 13. f Unité parasitologie entomologie, Département des maladies infectieuses, Institut de recherche biomédicale des armées, BP 60109 – 13262 Marseille Cedex 07. g Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, BP 40026 – 13568 Marseille Cedex 02. Résumé L’émergence du virus Zika en Guyane a soulevé plusieurs interrogations illustrant l’intérêt de la recherche biomédicale en médecine des forces. Quels retentissements sur la santé individuelle et sur la capacité opérationnelle ? Comment prévenir les transmissions vectorielle et sexuelle ? Comment améliorer le diagnostic ? À l’occasion de l’investigation de la première épidémie de Zika en Guyane les médecins des forces ont pu répondre à certaines interrogations : taux d’asymptomatiques, validité du diagnostic moléculaire sur les urines, spécificité et précocité de la réponse immune, absence de détection dans le sperme à quatre mois. Puis, ils ont mis en œuvre une étude de la maladie à virus Zika au sein de la communauté des forces armées en Guyane consistant en un suivi d’un an (clinique, qualité de vie, biologique, virologique et sérologique) des patients volontaires, infectés par Zika. La collaboration entre praticiens des forces et ceux des établissements spécialisés (Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, Institut de recherche biomédical des armées, hôpitaux d’instruction des armées) constitue une réelle plus-value dans la recherche de terrain. Mots-clés : Centre médical des armées. Guyane. Recherche biomédicale. Zika. Abstract BIOMEDICAL RESEARCH IN GENERAL MEDICINE AMONG THE ARMED FORCES– THE EXAMPLE OF THE ZIKA VIRUS INFECTION. The emergence of the Zika virus (ZIKV) in French Guiana raised many questions and showed that military general practitioners should get involved in biomedical research to answer such questions as: What is the impact of the virus on people’s health and operational capability? How can vector and sexual transmissions be prevented? How can diagnoses be improved? The investigation of the first ZIKV outbreak in Guiana yielded improved knowledge about the ZIKV infection: its asymptomatic rate is lower than expected; the molecular diagnosis validity on the urine is confirmed, so is the absence of detection in the semen four months after symptoms onset; the specificity and precocity of the immune response are identified. General practitioners performed a one year follow-up of every ZIKV infected patient (clinical examination, quality of life, biological, virological and serological tests). Forty eight patients have been monitored. The research carried out on Zika within French Armed Forces in Giana proved to be both necessary and efficient. Keywords: Biomedical research, general practitioner, Guiana, Zika. H. D’AUBIGNY, interne des hôpitaux des armées. T. LABROUSSE, médecin principal. E. MARTINEZ-LORENZI, médecin. N. ANDRÉ, médecin en chef. N. BARTHES, médecin en chef. F-X. LE FLEM, médecin principal (TA). A.-N. ENSARGUEIX, médecin. D. BALMER, infirmier en soins généraux de 1er grade. M. OKRUTNY, infirmier en soins généraux de 1er grade. G. THOMAS, pharmacien. D. BELLEOUD, médecin chef des services. F. SIMON, médecin en chef, professeur agrégé de l’École du Val-de-Grâce. S. BRIOLAND, médecin en chef. F. DE LAVAL, médecin en chef. Correspondance : Monsieur le médecin en chef F. de LAVAL, DIASS Guyane, Base de défense de Guyane, CS56019 Quartier Madeleine – 97306 Cayenne Cedex. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 153-156 Introduction Les militaires sont exposés aux risques infectieux et environnementaux de la population générale et à un surplus de risques, lors de leur projection dans des territoires à fortes contraintes comme les zones tropicales. Pour répondre aux problématiques de santé rencontrées dans ce contexte, les médecins des forces ne peuvent pas 153 se reposer uniquement sur la recherche réalisée en milieu hospitalier et civil. Ils doivent être capable de développer leurs propres projets de recherche pour prendre en compte des problématiques qui leurs sont spécifiques. Le projet SSA 2020 prévoit une restructuration de la médecine des forces, et souligne la nécessité d’y développer la recherche clinique, directement conduites au sein des Centres médicaux des armées (CMA), en collaboration avec d’autres établissements du Service de santé des armées (SSA) (1). Historiquement, la problématique du paludisme a pris une grande place dans cette recherche, du fait de la létalité possible pour le militaire et de l’atteinte collective potentielle pour les forces (2, 3). Mais plusieurs émergences de maladies virales sont survenues ces dix dernières années, avec à chaque fois un retentissement possible sur les forces : Chikungunya en 2006, grippe A (H1N1) en 2009, Ebola en 2013 et Zika en 2015. Le virus Zika (ZIKV), arbovirus découvert en 1947, a été peu étudié jusqu’à son émergence en 2007 dans le Pacifique, puis en 2015 en Amérique du Sud. Il est responsable d’un syndrome dengue-like (fièvre, exanthème, céphalées, arthralgies…) (4). Des complications neurologiques sont possibles (syndrome de Guillain-Barré, myélites, méningites, encéphalites…), ainsi qu’un syndrome malformatif congénital en cas d’infection pendant la grossesse. Une épidémie de ZIKV est survenue au sein d’une compagnie du 3e Régiment étranger d’infanterie (3e REI) de Kourou au retour du Surinam en décembre 2015 (5). Il s’agissait des premiers cas d’importation de ZIKV en Guyane. Un dépistage systématique a été organisé par la Direction interarmées du service de santé (DIASS) de Guyane et le Centre médical interarmées (CMIA) de Kourou, pour établir le diagnostic de tous les cas, les prendre en charge de manière adaptée, et les isoler pour éviter l’apparition de cas secondaires. Le manque de connaissance sur l’infection par ZIKV a alors suscité de nombreuses interrogations et inquiétudes au sein des Forces armées en Guyane (FAG). Quelle gravité potentielle pour le militaire et sa famille, quel impact sur leur qualité de vie ? En effet dans des circonstances similaires, lors de l’émergence de Chikungunya à la Réunion en 2006, l’étude d’une cohorte de militaires a mis en évidence des atteintes articulaires chroniques et une dégradation de la qualité de vie à distance de l’infection aiguë (6). En outre, cette affection virale a été reconnue imputable au service. Quel impact pour la capacité opérationnelle ? La survenue d’une épidémie d’indisponibilité n’était pas compatible avec la réalisation des nombreuses missions des FAG (mission « Titan » pour sécuriser le centre spatial guyanais, opérations « Harpie » et « Polpèche » de lutte contre l’orpaillage et la pêche menés illégalement). 154 Comment prévenir la transmission ? ZIKV est transmis principalement par la piqûre d’Aedes mais la durée réelle d’infectiosité d’un malade était insuffisamment connue pour pouvoir prendre les mesures de protection adéquates (insectifuge, vêtements longs imprégnés, moustiquaire). D’autre part la transmission sexuelle n’était alors qu’évoquée, la durée de contagiosité du sperme était méconnue, et rendait difficile l’établissement de recommandations quant à la durée du port du préservatif au retour en métropole pour les militaires en mission courte durée (7). Il s’agissait d’une de leurs préoccupations majeures du fait de la possibilité d’infection de la conjointe, avec le cas échéant un risque de grossesse compliquée. Comment améliorer la prise en charge des femmes enceintes en Guyane ? Cette prise en charge suivait les recommandations émises par le Haut conseil de santé publique (HCSP) et le réseau périnatalité (8, 9) : information, prévention adaptée notamment contre les vecteurs, suivi médical, sérologique et échographique en milieu obstétrical. Le HCSP soulignait également la difficulté du diagnostic sérologique d’infection par ZIKV du fait des réactions croisées avec la dengue (8). De plus les cinétiques d’apparition et de disparition des immunoglobulines M et G n’étaient pas encore parfaitement connues. Dans ce contexte, il était envisageable de satisfaire à la demande du commandement qui voulait prendre en compte ces problématiques afin d’apaiser les inquiétudes légitimes des militaires. Dans les suites de l’investigation de l’épidémie de Kourou, la DIASS Guyane a décidé de soumettre un projet de recherche clinique dénommé ZIFAG ayant pour objectifs principaux : i) la description du tableau clinique et biologique de la phase aiguë puis la recherche d’une éventuelle phase chronique et d’une altération de la qualité de vie à distance ; ii) la détermination de la durée d’infectiosité d’un malade dans le sang et le sperme ; iii) l’établissement de la cinétique de la réponse humorale (IgM et IgG). Matériels et méthode Schémas d’étude Premièrement, pour l’investigation de l’épidémie de Zika au 3e REI de Kourou, la totalité de la compagnie concernée a bénéficié d’une information sur Zika, puis chaque militaire volontaire était examiné et prélevé (sang veineux et urine) pour réaliser une recherche du ZIKV par RT-PCR et par sérologie (avec séroneutralisation), le jour du retour du Surinam, puis 8 et 30 jours plus tard (5). Il ne s’agissait pas ici d’un projet de recherche clinique soumis à autorisation d’un comité de protection des personnes mais d’une démarche de dépistage individuel dans le cadre de l’investigation d’une épidémie. Deuxièmement, le projet de recherche clinique ZIFAG (étude descriptive prospective de la maladie à virus Zika h. d’aubigny au sein de la communauté de défense des Forces armées en Guyane), mené au sein des CMIA de Cayenne et Kourou, propose à chaque consultation pour éruption cutanée et après consentement du patient, la réalisation d’une RT-PCR diagnostique ZIKV dans le sérum et les urines. En cas de positivité, un suivi clinique, biologique, virologique et sérologique d’un an lui est proposé (tab. I). Moyens La DIASS de Guyane dispose de deux médecins, l’un spécialiste en santé publique et l’autre en recherche. Ces derniers ont ainsi pu soutenir les sept médecins et les huit infirmiers des deux CMIA participant aux activités d’investigation et de recherche, notamment dans leur élaboration scientifique, la demande de financement et de toutes les démarches réglementaires auprès des différentes autorités : bureau recherche de la Direction centrale du Service de santé des armées (DCSSA), puis comité de protection des personnes, puis Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Un interne de médecine générale a également participé à ce projet à travers le suivi des patients, la gestion et l’analyse des données, pour en faire son sujet de thèse d’exercice. Le CMIA de Cayenne a également reçu l’accréditation de l’Agence régionale de santé et de la DCSSA pour devenir un lieu de recherche biomédicale. Les analyses biologiques, virologiques et sérologiques, sont réalisées en collaboration avec l’Institut Pasteur de la Guyane (laboratoire associé du Centre national de référence des arbovirus) et l’Institut de recherche biomédicale des armées (Centre national de référence des arbovirus, hôpital d’instruction des armées (HIA) Laveran, Marseille). Résultats Concernant l’investigation de l’épidémie princeps au 3e REI de Kourou, 136 militaires (soit tous les exposés) ont été dépistés en moins de 24 heures puis suivis pendant 1 mois (5). Au total, 12 cas d’infection à ZIKV ont été diagnostiqués (taux d’attaque = 8 %), pris en charge et protégés des piqûres de moustiques. Dans le même temps des équipes de démoustication intervenaient sur le régiment. Aucun cas secondaire n’a été à déplorer. Seulement quatre personnes infectées étaient asymptomatiques (27 %, IC-95 : 6-61). La durée médiane d’incubation était de 9,5 jours (IQR : 7,5-11). Les huit patients symptomatiques présentaient les signes suivants : exanthème morbiliforme généralisé (100 %), fièvre (88 %), myalgies (50 %), asthénie (50 %), arthralgies (38 %), céphalées (38 %), conjonctivite (25 %), prurit (25 %), diarrhée (13 %), douleur-rétroorbitaire (13 %), adénopathies (13 %). Un patient présentait une thrombopénie modérée. Dix patients étaient positifs pour ZIKV dans les urines (médiane = 13 jours après le début des signes, minimum = -1, maximum = 16) contre seulement deux dans le sérum. Concernant la sérologie, les IgM apparaissaient précocement avec une faible prévalence des réactions croisées entre ZIKV et le virus de la dengue (1/12). Enfin, dix patients ont été volontaires pour réaliser une recherche virale par RT-PCR ZIKV sur un prélèvement de sperme à quatre mois du début des signes. Tous étaient négatifs. Concernant les résultats de l’étude ZIFAG, 49 patients ont étés inclus à ce jour et sont toujours en cours de suivi. Une première analyse intermédiaire sera réalisée lorsque tous les sujets inclus seront à trois mois de suivi. Discussion/Conclusion Les travaux de recherche sur l’infection à ZIKV menés au sein des FAG ont permis de discuter le taux d’asymptomatiques de 81 % (IC-95 : 77–85) admis jusqu’à présent et tiré d’une étude de séroprévalence rétrospective (10), par rapport aux 27 % (IC-95 : 6–61) retrouvés dans la cohorte prospective et exhaustive du 3e REI, sans biais de mémorisation. Concernant le diagnostic, il a été confirmé l’intérêt du prélèvement d’urine par rapport au sérum dans le diagnostic moléculaire de ZIKV quatre jours à deux semaines après l’apparition des symptômes (11-13). D’autre part, le peu de réactions croisées des IgM Zika avec la dengue, et la précocité de leur apparition, est de nature à faciliter ce diagnostic sérologique. Concernant la transmisssion, l’absence de détection de ZIKV dans les prélèvements de sperme de dix patients à quatre mois des symptômes permettra en cas de confirmation sur d’autres patients, Tableau I. Suivis clinique, biologique, virologique et sérologique proposés dans le cadre du protocole de recherche ZIFAG. la recherche biomédicale en médecine des forces - exemple de l’étude de l’infection par le virus zika 155 d’adapter la durée recommandée du port du préservatif dans la prévention de la transmission sexuelle de ZIKV (14, 15). Ces résultats, mis en évidence sur 12 cas infectés représentant déjà une des premières séries pour l’infection à ZIKV (5), seront précisés et complétés avec les patients inclus dans l’étude ZIFAG. Ils répondent à certaines problématiques concrètes du commandement des FAG. La collaboration entre les différentes entités du SSA (CMA, Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, Institut de recherche biomédicale des armées, hôpitaux d’instruction des armées) permet de réaliser des investigations d’épidémies ou des projets de recherche clinique en s’appuyant sur des études de cohorte rigoureuses et de haut niveau scientifique. Le domaine des pathologies infectieuses est très riche en Guyane (16), mais ses problématiques peuvent se retrouver également en opérations extérieures, ce qui fait que chaque praticien peut y être confronté. Il existe un continuum entre la prise en charge du patient, la déclaration à la surveillance épidémiologique, l’analyse des données de surveillance et la détection d’anomalies, l’investigation, la mise en évidence de problématiques et enfin la recherche clinique. L’activité médicale en CMA peut être valorisée dès lors que les médecins et infirmiers des forces s’inscrivent dans cette démarche globale. Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt concernant les données présentées dans cet article. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Le modèle SSA2020. Document N°500154/DEF/DCSSA/PS du 4 janvier 2016. Accessible sur http://portail.sante.defense.gouv. fr/images/INTRASAN/PDF/DOSSIERS/SSA-2020/20160104Modele-SSA-2020.pdf 2.Migliani R, Meynard JB, Milleliri JM, Verret C, Rapp C. History of malaria control in the French armed forces : from Algeria to the Macedonian front during the first World War. Med Sante Trop. 2014 ; 24 (4) : 349-61. 3.Briolant S, Pommier de Santi V. Projet de Recherches sur le paludisme à Plasmodium vivax dans les Forces armées en Guyane. Document n°1995/IMTSSA/DIT du 15 novembre 2011. 4.de Laval F, Leparc-Goffart I, Meynard JB, Daubigny H, Simon F, Briolant S. Zika virus infections. Med Sante Trop. 2016 ; 26 (2) : 145-50. 5.de Laval F, Matheus S, Maquart M, Yvrard E, Barthes N, Combes C, et al. Prospective Zika virus disease cohort : systematic screening. Lancet. 2016 ; 388 (10047) : 868. 6.Marimoutou C, Ferraro J, Javelle E, Deparis X, Simon F. Chikungunya infection : self-reported rheumatic morbidity and impaired quality of life persist 6 years later. Clin Microbiol Infect. 2015 ; 21 (7) : 688-93. 7.Brooks JT, Friedman A, Kachur RE, LaFlam M, Peters PJ, Jamieson DJ. Update : Interim Guidance for Prevention of Sexual Transmission of Zika Virus — United States, July 2016. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2016 ; 65 (29) : 745-7. 8.Haut conseil de la santé publique (rapport). Prise en charge médicale des personnes atteintes par le virus Zika. Juillet 2015. Accessible sur www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=518 9.Haut conseil de la santé publique (avis). Relatif à l’actualisation de l’avis du HCSP du 28 juillet 2015 relatif à la prise en charge médicale des personnes atteintes par le virus Zika. Janvier 2016. Accessible 156 sur www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=532 10.Duffy MR, Chen TH, Hancock WT, et al. Zika virus outbreak on Yap Island, Federated States of Micronesia. N Engl J Med. 2009 ; 360 : 2536-43. 11.Lanciotti RS, Kosoy OL, Laven JJ, Velez JO, Lambert AJ, Johnson AJ, et al. Genetic and serologic properties of Zika virus associated with an epidemic, Yap State, Micronesia, 2007. Emerg Infect Dis. 2008 ; 14 : 1232-39. 12.Gourinat AC, O’Connor O, Calvez E, Goarant C, Dupont-Rouzeyrol M. Detection of Zika virus in urine Emerg Infect Dis. 2015 ; 21 : 84-6. 13.de MCR, Cirne-Santos C, Meira GL, et al. Prolonged detection of Zika virus RNA in urine samples during the ongoing Zika virus epidemic in Brazil. J Clin Virol. 2016 ; 77 : 69-70. 14.Haut conseil de la santé publique (avis). Relatif à l’actualisation de l’avis du HCSP du 8 février 2016 relatif aux mesures recommandées pour éviter la transmission du virus Zika par voie sexuelle. Juin 2016. Accessible sur www.hcsp.fr/Explore.cgi/ avisrapportsdomaine?clefr=565 15.P etersen EE, Meaney-Delman D, Neblett-Fanfair R, Havers F, Oduyebo T, Hills SL, et al. Update : interim guidance for preconception counseling and prevention of sexual transmission of Zika virus for persons with possible Zika virus exposure — United States, September 2016. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2016 ; 65 (39) : 1077-81. 16.Lorvellec MA (2016). Étude rétrospective descriptive des infections fébriles déclarées à la Surveillance épidémiologique des armées en Guyane de 1997 à 2013 (thèse de doctorat en médecine non publiée). Faculté de médecine de Nancy, Université de Lorraine, Nancy, France. h. d’aubigny Médecine des forces Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans B. Frévillea, R. Castellob, B. Lavenirc, L. Cavalierb, G. Douillardb, L. Aigled, e a CMA Carcassonne, antenne 3e RPIMa, BP 826 – 11012 Carcassonne. b CMA de Calvi, camp Raffalli – 20260 Calvi. c CMA Marseille, antenne Carpiagne, BP 91461 – 13785 Aubagne Cedex. d CMA Marseille, BP 40026 – 13568 Marseille Cedex 2. e École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran – 752030 Paris Cedex 05. Résumé Cette étude s’intéresse aux urgences admises au centre médical des armées de Calvi qui soutient le 2e Régiment étranger de parachutistes ; unité isolée en Balagne. Le critère d’inclusion de cette étude prospective était : tout patient reçu en salle d’urgence et ayant fait l’objet de la rédaction d’une fiche d’admission du 1/1/2013 au 31/12/2015. Les résultats ont été collectés et analysés avec le logiciel Excel®. Au total 147 patients ont été inclus, l’âge moyen était de 31 ans et demi, les circonstances d’admission étaient divisées en saut en parachute (40,1 %), sport (27,9 %), médical (27,9 %) et autres (4,1 %). Le diagnostic final retenu pour chaque patient a été divisé en « médical » (56 %) et « traumatique » (44 %). Les étiologies médicales ont été divisées en : métabolique 39,3 %, malaise vagal 15,5 %, pneumologie 8,2 %, dermatologie-allergie 6 %, cardiologie 6 %, digestif 6 %, psychiatrie 4,8 %, uro-néphrologie 4,8 %, autres 4,8 %, neurologie 3,6 % et tropical 1 %. Les étiologies traumatiques ont été divisées en : fractures 50,6 %, pathologies bénignes 31,2 %, luxations 6,5 %, disjonctions acromio-claviculaires 5,2 %, traumatismes crâniens 5,2 % et compressions médullaires 1,3 %. Le parcours de soins est dicté par la géographie et l’isolement du régiment avec un transfert préférentiel sur les structures hospitalières de Bastia. Mots-clés : Parcours de soins. Parachutisme. Soins premier recours. Traumatologie. Urgences. Abstract DIAGNOSIS AND FUTURE OF PATIENTS ADMITTED IN THE EMERGENCY ROOM OF THE MILITARY MEDICAL CENTRE OF CALVI: A THREE-YEAR STUDY. This study concerns emergency admissions to the Army Medical Centre of Calvi, an isolated unit in Balagne, which cares for the 2nd Foreign Paratroopers Regiment. All the patients admitted in the emergency room, who have filled in an admission form between January 1rst 2013 and December 31rst 2015 could be included in this prospective study. The results were collected and analysed with Excel®. One hundred and forty seven patients were included. The median age was 31.5 years, the admission contexts were divided into: skydiving jumps (40.1%), sport (27.9%), medical (7.9%) and others (4.1%). The final diagnoses were divided into «medical» (56%) and «traumatic» (44%). The medical aetiologies were divided into: metabolic 39.3%, vasovagal responses 15.5%, pulmonology 8.2%, dermatology-allergology 6%, cardiology 6%, digestive 6%, psychiatric 4.8%, uro-nephrology 4.8% and others 4.8%, neurology 3.6% and tropical 1%. The traumatic aetiologies were split into: fractures 50.6%, benign pathologies 31.2%, dislocations 6.5%, acromioclavicular separation 5.2%, head trauma 5.2% and spinal cord compression 1.3%. The care pathway depended on geography and the isolation of the regiment with a preferential transfer to Bastia hospital. Keywords: Care pathway. Emergencies. Paratroopers. Primary health care. Traumatology. B. FRÉVILLE, médecin des armées, praticien. R. CASTELLO, médecin des armées, praticien. B. LAVENIR, médecin principal, praticien. L. CAVALIER, médecin principal, praticien. G. DOUILLARD, médecin des armées (TA), praticien. L. AIGLE, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. Correspondance : Monsieur le médecin des armées B. FRÉVILLE, CMA Carcassonne, antenne 3e RPIMa, BP 826 – 11012 Carcassonne. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 157-166 Introduction De nombreuses urgences sont prises en charge par le médecin des forces. Cet article s’intéresse aux urgences admises au Centre médical des armées de Calvi (CMA) qui soutient le 2e Régiment étranger de 157 parachutistes (2e REP). Il s’agit d’un régiment hautement opérationnel, parachutiste avec des pathologies induites par le saut et isolé en Balagne (Haute-Corse). Le CMA dispose d’une salle spécialement consacrée à l’accueil de pathologies potentiellement graves, nommée « salle d’urgence ». Cette étude prospective menée sur trois ans, du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, propose d’analyser le diagnostic de tous les patients admis en salle d’urgences du CMA de Calvi ainsi que leur orientation à l’issue de cette prise en charge initiale. Après un bref rappel sur le 2e REP, nous aborderons l’organisation des urgences en Corse. Nous évoquerons ensuite les matériels et méthodes utilisés, puis nous présenterons les résultats de l’étude et nous discuterons les données afin de proposer des pistes pour la formation des internes de médecine générale militaires, l’amélioration des pratiques au CMA de Calvi et le parcours de soins du militaire. Présentation Le 2e Régiment étranger de parachutistes Unique régiment parachutiste de Légion étrangère, il compte environ 1 200 cadres et légionnaires. Il est constitué de neuf compagnies auxquelles s’ajoute une unité de réserve d’une centaine d’hommes (données ressources humaines du 2e REP, début 2016). d’anesthésie et réanimation (SFAR)) : il s’agit d’un lieu d’accueil des patients ayant une détresse vitale existante ou potentielle dans une structure autre qu’un Service d’accueil des urgences (SAU) (1). Maillage sanitaire à proximité du CMA de Calvi La Corse est la seule région de France n’accueillant pas de centre hospitalo-universitaire. D’autre part, il n’existe pas d’Hôpital d’instruction des armées (HIA) sur l’île. En Haute-Corse, on recense trois villes où l’on peut trouver une structure hospitalière avec un SAMU (service d’aide médicale urgente) accessible 24h/24 : Calvi, Bastia et Corte (2). L’HIA de rattachement du CMA de Calvi est l’hôpital Laveran de Marseille. En fonction de la spécificité de certaines pathologies, les patients sont le plus souvent dirigés vers l’HIA Sainte-Anne de Toulon ou vers l’HIA Percy à Clamart. Pour ce qui est de la neurochirurgie en urgence, il existe un service en Haute-Corse : le Centre hospitalier général (CHG) de Bastia, mais sans activité de radiologie interventionnelle. Cela pose le problème de la prise en charge des polytraumatisés avec notamment le traitement des saignements actifs par embolisation. Matériels et méthodes Le Centre médical des armées de Calvi Matériels Le CMA de Calvi est implanté depuis 1967 dans l’enceinte du camp Raffalli. Il est armé par 4 médecins d’active, 3 médecins réservistes et 1 dentiste d’active. Il est renforcé par des personnels de la Légion étrangère : 5 sous-officiers infirmiers diplômés d’états et d’environ 14 militaires du rang. Les locaux comprennent, entre autres huit chambres pour patients « infirmisés » (5 chambres de 4 lits et 3 chambres de 2 lits) et une salle d’urgence (fig. 1). Celle-ci a été aménagée devant la nécessité de prendre en charge des patients dans un état grave, qui nécessitent une surveillance continue, voir des gestes de réanimation de première urgence. Elle est assimilable à une Service d’accueil des urgences vitales (SAUV) de niveau 1 (selon les recommandations de la Société française Le recueil des données s’est basé sur la « fiche d’urgence » disponible au CMA et comprenant divers paramètres complétés par le médecin prenant en charge le patient admis en salle d’urgences. Ces fiches d’urgences sont situées dans la salle d’urgences et sont ensuite insérées dans le dossier du patient. Figure 1. Salle d’urgence. 158 Méthodes Le critère d’inclusion était : tous patients (civils et militaires) admis en salle d’urgences du CMA de Calvi du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et ayant fait l’objet de la rédaction d’une fiche d’urgence. Les critères d’exclusion étaient les consultants, les patients ayant été pris en charge en salle de soins, les patients pris en charge en urgence mais pas en salle d’urgences (par exemple sur les zones de saut à proximité de Bastia) mais ayant pu bénéficier d’une fiche d’admission, car disponible dans les véhicules de secours. La fiche d’urgence n’ayant pas toujours été correctement remplie étant donné le caractère « urgent » de la prise en charge, il a été souvent nécessaire de compléter les données via les dossiers médicaux et les fiches d’admission en hospitalisation au CMA (pour les patients restés au CMA). Le logiciel utilisé pour le recueil des données et les analyses statistiques était Microsoft Excel® 2010 où toutes les données ont été regroupées. b. fréville Résultats Les circonstances Généralités Les circonstances ont été regroupées en quatre catégories : le sport, le saut en parachute, les circonstances médicales et les autres cas, non spécifiques (tab. III). Au total, 147 patients ont été inclus dans l’étude. Soit 36 pour l’année 2013, 54 pour l’année 2014 et 57 pour l’année 2015. Dix-huit fiches étaient incomplètes ou manquantes mais grâce aux données complémentaires (interrogatoire des médecins, des patients, dossiers…), il a été possible de ne pas exclure ces patients. L’âge moyen des patients inclus était de 31 ans et demi (écart type 11,8 ans). La médiane était de 29 ans. L’âge minimum était de 18 ans et le maximum de 83 ans. La population étudiée était de 9 civils et 138 militaires Tableau III. Circonstances d’admission. Les motifs d’admission Les patients ont été répartis en deux principales catégories : « médicales » (81 patients) et « traumatiques » (66 patients). Pour cette deuxième catégorie, les patients pouvaient présenter plusieurs pathologies lors d’un même événement (fracture de la cheville et luxation de l’épaule lors de la réception d’un saut en parachute par exemple), nous avons compté chaque pathologie comme un événement ce qui nous a amenés à un total de 80 cas « traumatiques » différents. La catégorie traumatisme a été divisée en cinq souscatégories (comprenant les 80 cas), correspondant aux principaux appareils, décrites dans le tableau I. Les pathologies d’ordre médical ont été divisées en seize sous-groupes présentés dans le tableau II. Tableau I. Les motifs d’admission en traumatologie, par appareil. Diagnostic Le diagnostic final retenu pour chaque patient admis en salle d’urgence a été divisé en deux grandes catégories : une première « médicale » avec 83 patients, soit 56 % des pathologies, et une deuxième « traumatique » avec 64 patients (44 %). Plusieurs de ces patients ont présenté plus d’une pathologie à la fois avec, par conséquent, plusieurs diagnostics pour chacun de ces malades. Nous avons considéré chaque diagnostic séparément de façon à ne pas omettre une pathologie importante et ne pas réduire chaque patient à un seul diagnostic. Ainsi, nous avons recensé 77 diagnostics appartenant à la catégorie « traumatisme » (pour 64 patients), (tab. IV) et 84 diagnostics appartenant à la catégorie « médical » (pour 83 patients). Tableau IV. Diagnostics traumatologiques. Tableau II. Motifs d’admission médicaux. Les étiologies médicales ont été divisées en onze catégories correspondant soit à un appareil, soit aux pathologies tropicales, soit à d’autres pathologies (tab. V). Les pathologies métaboliques représentaient la majorité des pathologies médicales avec 39,3 % des cas, soit 33 patients. On comptait 15 CCE (coups de chaleur d’exercice), 15 épuisements hyperthermiques d’effort et 3 hypoglycémies survenues chez des patients faisant un effort physique. Les fractures représentaient 50,6 % des pathologies traumatiques avec 39 cas pour 35 patients ayant 1, 2, voire 3 fractures (tab. VI). Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans 159 Tableau V. Diagnostics médicaux. Tableau VI. Répartition anatomique des fractures. Les luxations représentaient cinq cas (6,5 %). Il s’agissait exclusivement de luxations d’épaule (les fractures-luxations ont été recensées dans la partie « fractures » étant donné le caractère chirurgical d’emblée de ces pathologies à la différence des luxations sans fracture). Les Traumatismes crâniens (TC), avec 5,2 % soit 4 cas, étaient représentés par 2 TC du groupe 1 de la classification de Masters et 2 TC relevant du groupe 2 (3). Une compression médullaire cervicale, soit un seul cas (1,3 %), était consécutive à une hernie discale C4-C5 compliquant une réception brutale lors d’un saut. Il a été recensé quatre Disjonctions acromioclaviculaires (DAC) représentant 5,2 % des pathologies traumatiques. Elles n’ont pas été classées dans la catégorie « pathologies bénignes » du fait de la prise en charge chirurgicale de certaines d’entre elles. Représentés par 24 cas, soit 31,2 % des pathologies traumatiques, les traumatismes bénins étaient divisés en 112 contusions, 7 entorses et 5 pathologies « autres » soit respectivement 50 %, 29,2 % et 20,8 % des pathologies bénignes (tab. VII). Tableau VII. Diagnostic des pathologies traumatiques bénignes. Les fractures entrant dans le cadre de la sphère oto-rhino-laryngologiques (ORL) étaient au nombre de deux, soit 5,2 %. Il s’agissait d’une fissure labyrinthique lors d’un atterrissage violent en saut en parachute et la seconde concernait une fracture de l’ethmoïde avec plaie de l’artère ethmoïdale lors d’une rixe. D’autre part, 35,9 % des fractures concernaient le membre supérieur avec 14 cas comprenant 1 fracture de la clavicule, 6 fractures de l’humérus (dont 3 fracturesluxations) et enfin 7 fractures du poignet (dont 3 fractures-luxations). À propos du membre inférieur, on recensait 28,2 % de fractures (11 cas) réparties en 1 fracture de jambe, 4 fractures de pied et 6 fractures de cheville (2 fractures bi-malléolaires et 4 sans précision). Dix fractures du rachis ont été comptabilisées, soit 25,7 %, avec 8 fractures tassements de vertèbres lombaires, 1 fracture tassement de vertèbre thoracique et 1 fracture coccygienne. Les fractures plus rares étaient représentées par 1 fracture du bassin et 1 fracture costale, soit 5,1 % des autres fractures. On recensait un total de 34 fractures au saut, ce qui représentait 31 des 35 patients fracturés (certains patients ont été victimes de plusieurs fractures lors d’un même saut). La répartition des fractures au saut était de 35,3 % (12/34) au membre supérieur ; 32,4 % (11/34) au membre inférieur ; 29,4 % (10/34) au rachis et 2,9 % au crâne. On dénombrait 71 diagnostics pour 59 patients blessés lors d’un saut en parachute (tab. VI). Parmi ces 71 diagnostics, 34 étaient des fractures (soit 47,9 %). 160 Classification clinique des malades aux urgences (CCMU) La répartition des malades selon la CCMU nous a amenés aux résultats suivants (tab. VIII). La CCMU correspond à la classification des patients au cours de leur passage dans le service des urgences, de manière à évaluer le degré d’engagement dans la prise en charge. Elle s’attribue à chaque patient de la manière suivante : – CCMU 1 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Abstention d’acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique à réaliser par le Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) ou un service d’urgences ; – CCMU 2 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Décision d’acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique à réaliser par le SMUR ou un service d’urgences ; – CCMU 3 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés susceptibles de s’aggraver aux urgences ou durant l’intervention du SMUR, sans mise en jeu du pronostic vital ; b. fréville Tableau VIII. Classification CCMU des patients. – CCMU 4 : situation pathologique engageant le pronostic vital. Prise en charge ne comportant pas de manœuvre de réanimation immédiate ; – CCMU 5 : situation pathologique engageant le pronostic vital. Prise en charge comportant la pratique immédiate de manœuvres de réanimation ; – CCMU D : patient décédé. Pas de réanimation entreprise par le SMUR ou le service d’urgences ; – CCMU P : patient présentant un problème psychologique et/ou psychiatrique dominant en l’absence de toute pathologie somatique instable. Orientation des patients. Classification du Groupe d’étude multicentrique des services d’accueil (GEMSA) L’orientation des patients à leur sortie de la salle d’urgences est décrite dans le tableau IX. La classification GEMSA est un outil permettant d’attribuer à chaque patient un numéro allant de un à six et évaluant le devenir du patient après son passage en service d’accueil des urgences. Elle se code de la manière suivante : – GEMSA 1 : patient décédé à l’arrivée ou avant tout geste de réanimation ; – GEMSA 2 : patient non convoqué, sortant après consultation ou soins (petite chirurgie, consultation médicale…) ; – GEMSA 3 : patient convoqué pour des soins à distance de la prise en charge initiale (surveillance de plâtre, réfection de pansement, ablation de fils, rappel de vaccination, etc.) ; Tableau IX. Orientation des patients au sortir de la salle d’urgence. – GEMSA 4 : patient non attendu dans un service et hospitalisé après passage au Service d’accueil des urgences (SAU) ; – GEMSA 5 : patient attendu dans un service, ne passant au Service d’accueil des urgences (SAU) que pour des raisons d’organisation (enregistrement administratif, réalisation d’un « bilan d’entrée », refus de certains services de réaliser des entrées directes, etc.) ; – GEMSA 6 : patient nécessitant une prise en charge thérapeutique immédiate importante (réanimation) ou prolongée (surveillance médicale attentive pendant au moins une heure). Selon la classification GEMSA, dont les résultats sont présentés dans le tableau X, on retrouvait 27 cas inclus dans la catégorie GEMSA 2, c’est-à-dire des patients retournés à domicile ou en compagnie après leur passage en salle d’urgence et non convoqués pour des soins à distance. La catégorie GEMSA 3 comprenait 4 personnels, il s’agissait de patients victimes de fractures et rentrés à domicile et d’un patient migraineux convoqué à distance de la prise en charge initiale. La catégorie GEMSA 4 comptait 97 patients hospitalisés soit au CMA soit dans les autres structures d’urgence décrites ci-dessus. La catégorie GEMSA 6 retrouvait 19 cas comprenant les quinze CCE, la tumeur cérébrale, la hernie discale cervicale, la plaie de l’artère ethmoïdale et l’œdème de Quincke. Tableau X. Classification GEMSA. Discussion Forces et faiblesses de l’étude Il s’agit d’une étude dans laquelle les cas ont été recueillis de manière prospective. D’autre part, la rigueur militaire a permis de travailler sur des dossiers bien tenus et correctement archivés ouvrant sur des données complètes. Cette étude est originale car il n’y a qu’une seule autre étude se penchant sur les urgences en milieu médicomilitaire français (4). Néanmoins, cette étude ne détaille pas les différents traitements ou les différentes prises en charge des pathologies. D’autre part, elle n’analyse pas non plus Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans 161 les durées d’invalidité des légionnaires ni leur temps d’hospitalisation. Le nombre de patients admis en salle d’urgence varie selon les années. Remarquons que cette étude se limite à l’analyse stricte des patients admis en salle d’urgence, et non à l’analyse de tous les patients « admissibles » en salle d’urgence, à savoir : Tous les traumatismes subis hors zone de saut de Calvi, comme à Borgo, par exemple, où les patients blessés sont directement évacués vers le Centre Hospitalier ou l’une des cliniques privées de Bastia. Tous les patients admis en salle de soins. Il arrive en effet que ces derniers soient transférés en salle d’urgence mais leur prise en charge se fait parfois uniquement dans cette salle de soins. L’une des explications est l’afflux de blessés, lors des séances de sauts en parachute sur la zone de saut du régiment, il peut y avoir plusieurs blessés graves simultanément. Les pathologies survenues lors des marches d’entraînement (manœuvres) ou autres activités effectuées en Corse mais en dehors du régiment et où les patients sont directement évacués vers les structures hospitalières les plus proches. En ce sens, notre étude peut être considérée comme discrètement réductrice en termes de nombre de patients. Interprétation des résultats Vue d’ensemble Quelques civils ont été admis dans la salle d’urgence notamment lors des manifestations où le régiment « ouvre ses portes ». C’est ce qui explique l’âge particulièrement élevé de certains patients de la population étudiée. On remarque que quasiment la moitié des patients admis en salle d’urgence relèvent de la catégorie « traumatisme » ce qui souligne l’importance des pathologies traumatiques dans l’armée. Ceci est encore plus marqué dans les unités parachutistes où le saut est très pourvoyeur de fractures et autres contusions de tout type. Ainsi, le saut représente à lui seul 40 % des patients admis en salle d’urgence et que 28 % le sont pour des pathologies liées au sport. Castello retrouve également une majorité de traumatismes (59 %) et notamment 26 % d’admissions liées au saut dans son étude de 2000 à 2011 sur les hospitalisations au CMA de Calvi, ainsi que 26 % d’admissions en rapport avec le sport (5). Plusieurs explications peuvent être apportées au fait que le nombre de patients varie en fonction des années : le 2e REP étant un régiment hautement opérationnel, il a été amené à participer à différentes missions au cours des trois années d’étude avec notamment l’opération « Serval » au Mali en 2013 ce qui a eu pour conséquence une diminution des effectifs du régiment restés au camp Raffalli à Calvi et donc une diminution du nombre de pathologies. Pathologies médicales Selon l’étude de Brescon, les quatre pathologies correspondant à des urgences médicales graves 162 rencontrées le plus fréquemment par les médecins militaires de l’armée de Terre sont : les polytraumatismes (dus à un accident de la voie publique ou à un accident de saut en parachute) ; le paludisme grave ; les syndromes coronariens aigus et les traumatismes graves des membres (4). Les pathologies liées à l’effort sont au nombre de trois : le CCE, l’épuisement hyperthermique d’effort et l’hypoglycémie. Dans notre série, ces pathologies liées à l’effort représentent la majorité des pathologies médicales soit presque 39,3 % des cas, car la catégorie « métabolique » (33 cas) n’est constituée que d’un seul patient qui n’est pas en rapport avec les pathologies liées à l’effort (une hypoglycémie). On compte autant de CCE que d’épuisements hyperthermiques d’effort (soit quinze cas pour chaque pathologie) avec en plus un cas d’hypoglycémie contemporain d’un authentique CCE. Brescon montre que 82,6 % des médecins militaires de l’armée de Terre ont déjà rencontré des CCE ; 45 % de ces médecins ont eu à les traiter en France, 16 % en opération extérieure et outre-mer (OPEX/OM), 21,5 % en France et en OPEX/OM (4). Dans son étude, Castello retrouve seulement 5 % des étiologies médicales représentées par les CCE, mais il étudiait toutes les hospitalisations au CMA de Calvi et non pas les plus graves. Il compte environ 4 CCE par an ce qui est comparable à nos résultats avec 5 cas par an (5). On peut donc parler de continuité des soins entre la salle d’urgence et le secteur hospitalisation du CMA. Sur l’année 2014, aux États-Unis, l’incidence des CCE dans les forces armées était de 25/100 000 avec la grande majorité des cas pour l’armée de Terre et le corps des Marines soit 40 et 60/100 000 respectivement (6). En ce qui concerne les militaires de l’armée française, sur la période 2012-2014, le taux d’incidence des CCE était compris entre 12,5 et 16/100 000 personnes/année. On observe une tendance à la diminution des cas de CCE depuis 2005, cela peut être dû à une meilleure sensibilisation des militaires et principalement de l’encadrement à cette pathologie avec mise en place de conduites visant à diminuer son incidence comme un entraînement sportif adapté et la limitation des performances en fonction des conditions climatiques (7). Le CCE est la pathologie « médicale » la plus grave et la plus fréquente de notre étude (8). Aucun décès n’a été déploré au cours de l’étude. Ceci est dû à une prise en charge optimale de ces CCE au CMA avec un refroidissement par immersion dans une baignoire d’eau froide le plus précoce possible en suivant les recommandations actuelles (6). Effectivement, la salle d’urgence du CMA de Calvi est équipée d’une baignoire située dans le sas d’accès, permettant aux ambulances d’amener les patients au plus près de celle-ci. D’autre part, tout le matériel nécessaire au monitoring des patients est disponible avec un moniteur de surveillance et une sonde de température rectale (objectivant une température centrale). Lavenir décrit l’utilisation et l’efficacité de cette méthode au CMA de Calvi (9). Enfin, si le patient vient à s’aggraver avec des troubles b. fréville de la conscience nécessitant une intubation orotrachéale, le matériel est disponible avec un respirateur à proximité immédiate. Brescon (4) a mis en évidence que 84,6 % des médecins militaires de l’armée de Terre ont rencontré des syncopes/lipothymies dont 41,5 % uniquement en France. Les autres pathologies les plus fréquemment rencontrées étaient : céphalées/algies vasculaires de la face (71,2 %) et infections des parties molles (69 %). En comparaison, les pathologies médicales les plus fréquentes que nous avons retrouvées après les pathologies métaboliques sont les malaises vagaux : 15,5 %. Enfin, la population particulièrement sélectionnée des parachutistes limite les patients accumulant les facteurs de risque cardiovasculaire et donc le nombre des pathologies coronariennes dans notre étude. Nous recensons trois diagnostics non renseignés car il s’agissait, pour deux d’entre eux, de parachutistes américains qui n’avaient donc pas de dossiers consultables en France et un légionnaire parti dans le civil depuis l’accident dont le dossier n’a pas été trouvé. Pathologies traumatiques Une étude réalisée (10) sur les accidents graves lors de saut en parachute à ouverture retardée et automatique (défini comme « un militaire décédé ou présentant un arrêt de travail d’au moins 21 jours suite à un saut en parachute effectué en service »), a été réalisée au niveau de la région Terre Sud-Ouest en 2004 et en 2005. Celle-ci a retrouvé 58 % de fractures (51,1 % pour le membre supérieur, 27,1 % pour le membre inférieur et 18,8 % pour le rachis), ce qui est comparable à notre série où l’on en retrouve 47,9 %. Par contre, la répartition varie dans notre analyse : nous avons eu autant de fractures du membre supérieur que du membre inférieur et du rachis, avec respectivement 12/34 (35,3 %), 11/34 (32,4 %) et 10/34 (29,4 %). De même, dans cette étude les auteurs dénombraient 0,6 % de traumatismes crâniens (c’est-àdire un seul cas) sans plaie intracrânienne alors que nous en avions 5,2 % avec 4 cas, ce qui reste très modeste dans les 2 recueils. Dans la littérature, la plupart des études retrouvent pourtant une majorité d’atteinte du membre inférieur (11). Une étude israélienne montre que la plupart des traumatismes au saut dans l’armée concernent les chevilles (35,6 % de toutes les blessures) (12). Cette majorité d’atteinte du membre inférieur retrouvée dans la littérature mais pas dans notre série, peut être expliquée par le fait que nous n’avons pas retenu tous les traumatismes liés au saut survenus au régiment au cours de ces trois ans (34 fractures). En effet, il existe d’autres zones de saut en Corse avec des prises en charge effectuées hors garnison. De plus, étant dans le cadre d’une étude sur les « urgences », nous n’avons pas recruté les entorses et autres contusions qui semblaient d’emblée bénignes. Par ailleurs, on remarque une surreprésentation de fractures au niveau du membre supérieur sur l’année 2015, qui n’est pas retrouvée pour le début de l’année 2016 (données personnelles). Enfin, les nombreuses études sur la traumatologie du parachutisme montrent des résultats parfois discordants. D’autres explications peuvent être avancées comme par exemple la nature du sol particulièrement dur à Calvi (13), des retards à la consultation ou encore l’utilisation de deux types de parachutes au mode d’emploi très différent. Dans l’étude de Samy (13), les auteurs nous font part de cinq urgences absolues nécessitant une prise en charge sans délai au bloc opératoire avec réanimation (3 chocs hémorragiques sur fracture et 2 fractures tassement vertébral avec recul du mur postérieur). Pour notre part, nous n’avons retrouvé qu’un seul cas nécessitant une prise en charge en urgence absolue concernant les traumatismes au saut uniquement : il s’agissait d’une hernie discale C4-C5 avec compression médullaire. Orientation des patients En considérant l’ensemble des patients admis, le CMA de Calvi a géré 77 % de ses patients sans les transférer (114 malades), soit en les gardant en surveillance au CMA, soit en les autorisant à retourner en compagnie (ou à domicile pour les civils) soit encore en les plaçant en congé de maladie à domicile. Cela montre l’autonomie du CMA dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique des cas relevant de la médecine d’urgence auxquels il doit faire face. À l’inverse, si l’on s’intéresse aux transferts, 29 patients, soit un peu moins de 20 %, ont dû être hospitalisés à l’extérieur du CMA. Seulement quatre patients (soit 2,8 %) ont nécessité un transfert sur le continent (dont un rapprochement géographique). Tous les autres patients pris en charge en Corse ont été admis dans l’une des structures de Bastia. En comparaison, une étude réalisée sur les évacuations des urgences médico-chirurgicales au 2 e REP sur l’année 1990 montre que 39 malades ont été évacués en urgence de la structure médicale du régiment (l’article ne précise pas le nombre total de patients pris en charge en urgence), ce qui représente environ quatre fois plus de patients évacués en transport primaire que dans notre série (14). Ceci doit cependant être nuancé dans le sens où notre étude se limite uniquement aux patients ayant transité par la salle d’urgence (sont exclus les patients directement transférés dans un hôpital), d’autre part, les auteurs ne décrivent pas l’offre de soins en Corse, il est donc possible qu’une prise en charge sur le continent ait été indispensable pour certains de ces malades, faute de plateau technique adapté sur l’île à l’époque. Dans notre étude la majorité des patients n’ont donc pas été transférés dans les hôpitaux militaires mais ont simplement été hospitalisés dans les structures hospitalières civiles adaptées les plus proches. On retrouve le même type de parcours de soins dans l’étude sur les accidents de saut de la région Terre Sud-Ouest, tous les patients hospitalisés ont été pris en charge dans les structures civiles régionales à l’exception d’un patient qui a été hospitalisé à l’HIA du Val-de-Grâce pour une fracture-tassement du rachis lombaire (10). Néanmoins, concernant notre étude, il semble difficile de réorienter les parcours de soins en les centrant sur les HIA étant donné la distance les séparant du CMA Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans 163 de Calvi. Cela impliquerait des coûts plus élevés pour la prise en charge des transferts, des délais allongés et potentiellement une perte de chance pour les patients. Cette démarche s’inscrit totalement dans le modèle « SSA 2020 » (Service de santé des armées 2020) avec une ouverture et des échanges encore plus importants avec le secteur civil (15). Dans son étude sur les liens entre CMA et HIA en 2011, Romary (16), constate que 88,5 % des répondants envoient leurs patients en urgence aux HIA dans moins d’un quart des cas. D’autre part, en ce qui concerne les consultations, 86 % des répondants adressent les patients aux HIA dans moins de la moitié des cas. Quant aux hospitalisations, 90,8 % des répondants adressent les patients vers les HIA dans moins de la moitié des cas. Romary explique cette faible coopération entre CMA et HIA par deux facteurs principaux : la distance, avec 97 % des CMA ou de leurs antennes se trouvant à moins de 40 km d’une structure hospitalière civile alors que 44 % d’entre eux se trouvent à plus de 150 km d’un HIA ; enfin le délai de prise en charge qui est estimé ne pas être plus court pour les militaires que pour les civils en HIA. Selon la classification GEMSA, si l’on ne compte que très peu de GEMSA 3 cela peut être expliqué car les patients nécessitant un suivi (notamment vis-à-vis des plâtres) sont déjà hospitalisés dans les locaux du CMA et donc catégorisés en GEMSA 4, qui inclut donc la majorité des patients. Il n’y a ni de GEMSA 1 car aucun patient n’est décédé, ni de GEMSA 5 car aucun patient n’était attendu dans cette salle d’urgence. Enjeux et perspectives Cette salle d’urgences permet de prendre en charge rapidement les blessés lors des accidents de sauts en parachute. Cette proximité avec la zone de saut réduit les délais d’intervention, qui peuvent être un enjeu important. L’un des intérêts de cette salle est le désengorgement de la structure d’urgence de proximité au centre hospitalier de Calvi-Balagne. Les admissions qui y sont faites via le CMA de Calvi concernent uniquement la réalisation de radiographies pour les patients victimes de traumatismes. Seuls deux patients (1,4 %) y ont vraiment été hospitalisés pour un autre motif. Ce désengorgement du SAU de proximité est d’autant plus important que durant la période estivale la population locale est pratiquement multipliée par dix avec un nombre de passage aux urgences oscillant entre 80 et 120 par jour, urgences armées par seulement un médecin urgentiste et un médecin au SMUR. 164 En termes de prise en charge des urgences en Balagne, le CMA de Calvi peut représenter un atout de poids en cas d’afflux de victimes grâce à sa grande capacité d’accueil et à la possibilité de poser de nombreux hélicoptères. Dans ce cadre, un exercice impliquant de nombreuses victimes a été réalisé fin mai 2016, dans le cadre d’un plan Nombreuses victimes (NoVi), pour tester la faisabilité et la pertinence de cette option. Conclusion Cette étude montre que l’on peut retrouver des pathologies relevant de la médecine d’urgence dans une unité de l’armée de Terre parachutiste. Il a été montré la diversité des pathologies « urgentes », qu’elles soient médicales ou traumatiques, rencontrées en milieu militaire. Cependant, elles ne sont pas totalement superposables aux pathologies retrouvées en SAU étant donné la spécificité de la population militaire et des activités du 2e REP. D’autre part, il a été mis en évidence ici une capacité du CMA de Calvi à gérer en autonomie la plupart des pathologies potentiellement graves rencontrées, avec un faible nombre de transferts. Ceci dans le respect des recommandations de bonnes pratiques et sans prise de risque pour le patient. Par ailleurs, cette étude souligne les parcours de soins dans lesquels sont orientés les patients pris en charge en Corse. Le plus souvent, la chirurgie urgente est effectuée dans les hôpitaux publics ou privés de Bastia, alors que les opérations réglées sont transférées sur le continent vers les HIA. D’une manière plus générale, en considérant chaque temps du parcours de soins du patient « grave », on remarque que ce dernier est pris en charge du début à la fin par le médecin des forces et son équipe. Tout d’abord, le relevage des patients sur le terrain est effectué par le médecin des forces qui se substitue au SAMU. L’admission en salle d’urgence pour la prise en charge aiguë du patient est également réalisée par ce même médecin qui prend cette fois le rôle « d’urgentiste ». Enfin, il assure le suivi et la rééducation en hospitalisation dans les 26 lits d’aval du CMA de Calvi. Le seul élément de dépendance est la radiographie, qui est solutionné par un accès facilité au Centre hospitalier de Calvi-Balagne. Pour finir, à travers ce travail, on peut souligner toute la pertinence d’une formation à l’urgence pour les médecins militaire servant au profit d’une unité opérationnelle. Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt concernant les données présentées dans cet article. b. fréville RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Mardegan P, et al. Recommandations concernant la mise en place, la gestion, l’utilisation, et l’évaluation d’une salle d’accueil des urgences vitales (SAUV). Ann Fr Anesth. 2004 ; 23 : 850-5. 2.de Caffarelli A. Variabilité démographique et plateau technique en Corse. Première journée Corse de médecine militaire. 26 mai 2014. 3.Masters SJ, et al. Skull x-ray examinations after head trauma. Recommendations by a multidisciplinary panel and validation study. N Engl J Med. janv 1987 ; 316 (2) : 84-91. 4.Brescon C. Médecin généraliste dans l’Armée de Terre : « Quelles formations pour quelles urgences ? » [Thèse de doctorat en médecine générale] Paris : Université Paris Descartes ; 2007:150. 5.Castello R. Douze ans d’hospitalisation au Centre médical des armées de Calvi : étude rétrospective sur 2512 patients [Thèse de doctorat en médecine générale] Marseille : Aix Marseille université ; 2013:85. 6.Update : heat injuries, active component, US Armed Forces, 2014. MSMR. mars 2015 ; 22 (3). 7.Michel R, et al. Surveillance épidémiologique des armées. Rapport 2014. 15 oct 2015 ; Rapport n°840. 8.Carter 3rd R, et al. Epidemiology of hospitalizations and deaths from heat illness in soldiers. Med Sci Sports Exerc. 2005 ; 37 (8) : 1338-44. 9.Lavenir B, Cavalier L, Douillard G, Ivanov G, Lesaffre M, Aigle L. Traitement du coup de chaleur par immersion : réalisation pratique au Centre médical des armées de Calvi. Med Armées. 2015 ; 43 (5) : 498-506. 10.Mayet A, et al. Accidents de parachutisme dans les unités aéroportés dans la région Terre Sud-ouest 2004-2005. Med Armées. 2009 ; 37 (1) : 3-10. 11.Bricknell MC, Amoroso PJ, Yore MM. What is the risk associated with being a qualified military parachutist ? Occup Med (Lond). 1999 ; 49 (3) : 139-45. 12.Hallel T, Naggan L. Parachuting injuries : a retrospective study of 83,718 jumps. J Trauma. 1975 ; 15 (1) : 14-9. 13.Samy J, Queyran X, Aigle L. Fractures induites par les sauts à ouverture automatique. Étude des blessés sur 4 ans et 44 000 sauts suivis au Centre médical des armées de Calvi. Med Armées. 2014 ; 42 (2) : 163-70. 14.Lial J-P, Kowalski J-J, Castello J, Ferret J-N. Évacuation sanitaire au 2e Régiment étranger de Parachutistes. Med Armées. 1993 ; 21 (6) : 449-52. 15.Ministère de la Défense. Modèle SSA 2020 — Réussir demain. [cité 1 mai 2016] ; Disponible sur : http://www.defense.gouv.fr/sante/ actualites/modele-ssa-2020-reussir-demain 16.Romary E. État des lieux du parcours de soins du militaire entre Centre Médical des Armées et Hôpitaux d’instruction des armées : analyse et pistes d’amélioration [Thèse de doctorat en médecine générale] Bordeaux : Université Bordeaux 2 — Victor Segalen ; 2012:121. Saut sur Calvi avec le nouveau parachute de l’armée française. © MC L. Aigle. Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans 165 166 Médecine des forces Incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013 : retour d’expérience M. Repellina, A. Castelnéracb, F. Leclercqc, C. Lafferreried, F. Trévidicc, J.-M. Cuvilliere a HIA Laveran, BP 60149 – 13384 Marseille Cedex 13. b BCRM Brest, Île Longue, Service médical, CC 500 – 29240 Brest Cedex 9. c Escadrille des SNLE, BCRM Brest, CC 400 – 29240 Brest Cedex 9. d Escadrille des SNA, BCRM Toulon, BP 100 – 83800, Toulon Cedex 9. e Service de santé des forces sous-marines, BCRM Brest, CSS FSM, CC 900 – 29240 Brest Cedex 9. Résumé Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, qui assurent la permanence de la dissuasion, embarquent une équipe médicale constituée d’un médecin, d’un infirmier anesthésiste et d’un infirmier. Ce trinôme bénéficie d’une formation technique complémentaire dont le but est la gestion, en totale autonomie, de la plupart des pathologies. Le haut niveau de prise en charge vise à réduire le nombre d’évacuations sanitaires pour lesquelles le sous-marin fait surface et commet une indiscrétion majeure compromettant le succès de sa mission. La revue de 81 patrouilles opérationnelles réalisées de mai 1997 à décembre 2013 a permis de recenser 281 pathologies médico-chirurgicales. Elle met en balance l’investissement consenti dans la formation technique et le bénéfice retiré par la marine du fait de l’action médicale. Ainsi, 35 gestes chirurgicaux ont été effectués dont 8 sous anesthésie générale. Aucune évacuation sanitaire ne s’est déroulée pendant la période considérée, ce qui souligne l’importance de la formation renforcée des équipes soignantes. L’exploitation de ce retour d’expérience a permis une évolution continue à la fois des moyens thérapeutiques embarqués et du programme de formation complémentaire de l’équipe médicale. Mots-clés : Évacuations sanitaires. Formation. Pathologie médico-chirurgicale. Sous-marin. Abstract FEEDBACK ON THE MEDICAL SURGICAL PATHOLOGIES AOBSERVED ON BOARD THE FRENCH NUCLEAR POWERED, NEX GENERATION BALLISTIC MISSILE CARRYING SUBMARINES MAY 1997 AND DECEMBER 2013. French Navy SSBNs ensure constant nuclear deterrence. Each crew is composed by a general practitioner, an anaesthetist, a male nurse and a male nurse anaesthesist. Medical evacuations force SSBNs to surface which puts their missions in jeopardy because doing so, they are nolonger untraceable. In order to avoid medical evacuations, every member of the medical team must undergo an intensive, specific medical training as most of the emergencies (medical and surgical) have to be managed on board. We observed 281 significant diagnosed pathologies during 81 patrols, between May, 1997 and December, 2013, which enabled us to assess whether the specific training provided to the French Navy helped them avoid any medical evacuation. Among the pathologies, 35 required surgery, among which 8 required general anaesthesias. No medical evacuation was needed, which underlines the importance of the specific training given to the medical staff. Keywords: Serious pathologies. Submarine. Surgery. Training. M. REPELLIN, interne des hôpitaux des armées. A. CASTELNÉRAC, médecin principal (TA). F. LECLERCQ, médecin en chef. C. LAFFERERIE, médecin en chef. F. TRÉVIDIC, médecin en chef. J.-M. CUVILLIER, médecin chef des services. Correspondance : Monsieur le médecin chef des services J.-M. CUVILLIER, BCRM Brest, CSS FSM, CC 900 – 29240 Brest Cedex 9. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 167-176 Introduction La composante océanique de la dissuasion existe depuis 40 ans. Dans cet intervalle, les moyens de communication se sont considérablement développés, facilitant les échanges d’informations sans limite de 167 temps ni d’espace. Cependant, la discrétion imposée par la mission du Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) ne permet pas au médecin embarqué de profiter de ces avancées technologiques et le contraint ainsi à exercer dans des conditions d’isolement extrême. Cet exercice ne s’improvise pas et réclame une formation du personnel et un équipement adaptés. Ces dispositions ont un coût élevé, humain et financier. Cette étude s’interroge sur leurs justifications au regard des pathologies médicochirurgicales, survenues à bord des SNLE de nouvelle génération (SNLE NG) depuis 16 ans. Rappels sur la force de Dissuasion Le concept de Dissuasion nucléaire apparu après la Seconde Guerre mondiale, repose sur la terreur inspirée par l’emploi de l’arme nucléaire et les dégâts infligés par un pays à l’encontre de son agresseur. Si l’arme nucléaire est utilisée pour l’agression et la riposte, l’anéantissement des territoires rend l’avantage tiré de l’agression quasi nul. La dissuasion a pour objectifs de protéger la France de toute agression d’origine étatique visant ses intérêts vitaux, de préserver sa liberté de décision et d’action en protégeant son autonomie stratégique en la soustrayant à un chantage exercé par une puissance nucléaire. Le président de la République peut déclencher cette force de seconde frappe en tout lieu et en toutes circonstances. La dissuasion repose, maintenant, sur deux composantes : les forces aériennes stratégiques et la Force océanique et stratégique (FOST). À partir de 1971, six sousmarins nucléaires lanceurs d’engins du type « Le Redoutable » assureront la permanence à la mer pendant 25 ans. Leur succéderont quatre SNLE de nouvelle génération (NG) : « Le Triomphant », « Le Téméraire », « Le Vigilant », et « Le Terrible ». Simultanément, les missiles ont évolué en portée et en emport de charges. Le missile M51, déployé depuis 2010, porte des têtes nucléaires à plus de 6 000 km (1). Le Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Caractéristiques techniques Le SNLE NG du type « Triomphant » déplace 14 000 tonnes. Long de 138 mètres, d’un diamètre de 12,5 mètres, sa hauteur de la quille au sommet du kiosque est de 23 mètres (fig. 1). La redondance et la robustesse des équipements font du SNLE NG un engin particulièrement fiable et silencieux en mer. 168 Figure 1. SNLE devant la pointe Saint Mathieu. ©Marine nationale. L’équipage Composé de 111 hommes, tous volontaires, il compte 16 officiers, 88 officiers-mariniers supérieurs et 7 quartiers-maîtres et matelots (2). En 2017, deux équipages seront féminisés à titre expérimental. Le rythme d’activité Deux équipages (bleu et rouge) prennent le SNLE en charge à tour de rôle. Le rythme d’activité d’un équipage s’organise en plusieurs phases décrites au tableau I. Pendant qu’un équipage est en patrouille, l’autre est en permission puis en entraînement sur simulateurs pour contrôle des qualifications professionnelles. Pour sa part, l’équipe médicale s’assure de la mise en condition opérationnelle de l’équipage (visite d’aptitude à la Navigation sous-marine (NSM) et à l’exposition aux rayonnements ionisants, contrôle dentaire) et reprend sa formation hospitalière. Tableau­ I. Rythme d’activité des équipages de SNLE (en jours). Au retour du SNLE à l’Île longue, l’équipage prenant appareille pour une période d’entraînement individuel et l’équipage quittant prend quelques jours de repos. Démarre ensuite la phase très intense d’entretien du sousmarin au bassin, moment crucial pour son maintien en condition opérationnelle. Le SNLE est alors en situation de dépendance totale vis-à-vis de la base comme le patient d’un service de réanimation, perfusé (fig. 2), sous respirateur. À l’issue, le sous-marin reprend la mer pour une période intensive d’essais, d’exercices et m. repellin Figure 2. SNLE au bassin à l’Île longue. ©Marine nationale. de qualifications opérationnelles puis reste ensuite en posture à quai pendant quelques jours, prêt à prendre la mer sous court préavis. Enfin, débute la patrouille, d’une dizaine de semaines dont le maître mot est la discrétion, la position du submersible restant toujours secrète. Organisation de la vie à bord Le SNLE partage avec la station orbitale ISS et la station polaire Concordia, la particularité de réunir lieu de vie et lieu de travail en milieu confiné, isolé, pour une durée significative. En mer, l’activité à bord est ininterrompue puisque sur 138 mètres de long, le SNLE aligne une centrale nucléaire, un village (avec boulangerie, cuisines, cabinet médical, logements), 16 pas de tir, le tout en mouvement. L’organisation du travail adoptée est de type travail posté continu. Trois équipes, appelées tiers, se succèdent à un même poste de travail, par période de 4 heures, 24 heures/24, 7 jours/7. Le poste de travail glisse chaque jour, ce qui ne spécialise pas le personnel sur une tranche horaire et préserve chaque nuit une durée minimale de sommeil. Il garantit 8 heures continues de repos tous les deux jours (tab. II). En cas de suractivité opérationnelle, la durée du quart peut passer à 6, 8 ou 12 heures. Tableau­ II. Organisation des tiers à bord. Certains personnels, dits hors quart, échappent au régime de tiers : le commandant, le Commandant en second (CSD), les commandants adjoints, le cuisinier, le maître d’hôtel, le boulanger, le médecin, les infirmiers, l’instrumentiste, le chimiste et les analystes. L’alternance d’éclairage blanc et rouge simule le cycle jour/nuit et tente de synchroniser l’horloge biologique interne (3). Les repas, moments de convivialité et de vie sociale, mais aussi les temps de repos et de formation rythment la journée à bord. Les liens avec le monde extérieur se résument à la seule réception de messages, le SNLE n’émettant jamais sauf en cas de force majeure. L’unique contact des marins avec leur famille est un message hebdomadaire de 40 mots, le famili. Ce message est censuré par les autorités militaires à terre, puis est relu par le CSD avant remise au destinataire. Cette maîtrise de l’information concerne également les résumés de presse. Elle vise à écarter toute nouvelle pouvant altérer le moral du personnel (maladie ou décès d’un proche, catastrophe naturelle, attentat). En pareil cas, l’escadrille informe le commandant de la situation. Lui seul décide du moment opportun pour annoncer l’événement au marin concerné, après avis du CSD et du médecin. L’équipage, logé en chambre par trois ou quatre, prend ses repas à la cafétéria. Les officiers disposent à quelques exceptions près, d’une chambre individuelle, et prennent leur repas dans le carré du commandant. L’ensemble des locaux de vie occupe un peu plus de 400 m2. L’équipe médicale Composition L’équipe est un trinôme médecin – Infirmier anesthésiste diplômé d’État (IADE) – Infirmier diplômé d’État (IDE). Comme tout sous-marinier, la signature de l’acte de volontariat à servir aux Forces sous-marines (FSM) et la validation de l’aptitude à la navigation sousmarine sont les prérequis au recrutement (4). Enjeux de la présence de l’équipe médicale Décidée dès la création de la FOST en 1970, la présence de l’équipe médicale structurée concourt à l’acceptation des familles à laisser leur parent partir loin et longtemps sur sous-marin, garantit au marin d’être soigné en mer et assure au commandant une prise en charge médicale optimale lui laissant le temps de rallier une position propice à l’évacuation sanitaire (MEDEVAC) si nécessaire. Confronté à la mise en jeu du pronostic vital ou fonctionnel, le médecin assure la prise en charge médicale, informe le commandant de l’évolution et si besoin, lui propose l’évacuation. Ce dernier décide du déclenchement de la MEDEVAC, dont la mise en œuvre échappe aux procédures interarmées, et mobilise d’importants moyens militaires et hospitaliers (spécialistes concernés par la pathologie en cause). Le coût d’une MEDEVAC est estimé entre 2 et 5 millions d’euros selon le lieu d’intervention. Compte tenu de l’impact opérationnel potentiel des décisions médicales, la relation de confiance entre le médecin et le commandant doit être totale. incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013 169 Cursus de formation Formation avant embarquement Le médecin L’objectif de la formation, dite Formation initiale (FI), est l’acquisition de compétences particulières et d’une large autonomie technique dans la prise en charge d’affections médico-chirurgicales afin d’éviter l’évacuation. Tout praticien des armées, diplômé d’État, peut exprimer son volontariat à servir aux FSM. Après validation de la candidature, il est affecté par la Direction centrale du Service de santé des armées (DCSSA) en escadrille de sous-marins et entame, sous l’égide de l’École du Val-de-Grâce (EVDG), son cursus scindé en deux volets, une formation milieu de 3 mois et une formation technique médicale de 14 mois. La formation milieu a pour but l’acquisition des connaissances techniques générales du sous-marin, la gestion de l’atmosphère confinée, la médecine hyperbare appliquée à la survie et au sauvetage d’un équipage. Un embarquement sur Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) sert de stage d’application. À l’issue de ce parcours qualifiant, le certificat de médecine appliquée aux sous-marins est attribué. Puis, s’enchaîne la formation technique médicale qui lui donnera d’une part, de solides connaissances en radioprotection (2 mois à l’École d’application militaire de l’énergie atomique (EAMEA), un mois au Service de protection radiologique des armées (SPRA)) et d’autre part, la maîtrise de techniques chirurgicales grâce à 6 mois de stages en chirurgie viscérale et orthopédique, 2 mois d’odontologie, 1 mois en chirurgie spéciale (ophtalmologie, ORL) puis 1 mois en réanimation. Une formation à l’échographie lui confère les bases d’utilisation et d’interprétation de ce moyen d’exploration non invasif. Un stage en psychiatrie et au service local de psychologie appliquée de la Marine permet d’appréhender les techniques d’entretien psychologique et l’approche thérapeutique des grands syndromes psychiatriques. Enfin, un stage de préparation à l’embarquement sur SNLE clôt ce parcours, rappelant les éléments essentiels à la maîtrise de la qualité de l’air, à la relation médecin – commandant, à différentes procédures dont le codage des pathologies en vue d’une demande d’évacuation. À l’issue, l’EVDG délivre la mention « médecine appliquée au SNLE ». Selon les places disponibles, les praticiens participent au module « tête-cou » du cours avancé de chirurgie en missions extérieures pour s’approprier les techniques de drainage d’hématome extra-dural. Dans le cadre de l’expérimentation de la féminisation, un module de prise en charge des urgences gynécologiques de la femme jeune est programmé. L’infirmier anesthésiste diplômé d’État (IADE) L’IADE peut être recruté soit directement dans un service hospitalier, soit par promotion interne d’un Infirmier diplômé d’État (IDE) orienté par concours vers 170 un institut de formation. Cette voie répond au souci de progression professionnelle permanente des infirmiers. Dès son affectation à l’escadrille des SNLE, l’IADE entame sa qualification par un stage de connaissances générales et d’atmosphère du sous-marin de quatre semaines puis un stage de mise en œuvre des automates de laboratoire de biologie et d’utilisation de produits sanguins en situation d’exception au Centre de transfusion sanguine (CTSA) de l’Hôpital d’instruction des armées (HIA) de Toulon. Il embarque en général très rapidement à l’issue de ce cursus. L’infirmier DOSIPERS L’objectif de formation est la connaissance générale du sous-marin, la maîtrise des techniques de prélèvement d’air déterminante pour le suivi de la qualité de l’air, la gestion des dosimètres et des prélèvements biologiques pour analyses radio-toxicologiques. Les stages hospitaliers permettent à l’infirmier d’effectuer tous les examens biologiques et radiologiques réalisables à bord et de savoir préparer un bloc opératoire. Son cursus débute par un cours de 15 jours à l’école de navigation sous-marine. L’attribution du certificat élémentaire de sous-marinier valide ce stage et conditionne le maintien aux FSM et l’accès à la formation technique de 15 semaines. Elle débute par le module « atmosphère », suivi du module « radioprotection » à l’EAMEA et au SPRA. Le module « hospitalier » comporte un stage de manipulateur en radiologie, un stage d’infirmier de bloc opératoire et une formation au CTSA Toulon pour les techniques de transfusion sanguine en situation d’exception et la manipulation d’automates de laboratoire. Entretien des compétences techniques Une directive d’état-major définit le niveau minimum d’Entretien des compétences techniques (ECT) requis pour toute l’équipe médicale. Cette remise en condition s’effectue pendant les périodes de soutien à quai et d’entretien du SNLE au bassin. Au minimum, le médecin doit effectuer 6 semaines de stages en HIA par cycle, l’IADE 6 en anesthésie et l’IDE 2 semaines. Les six médecins embarqués effectuent ainsi plus de 280 jours de stage chaque année. Les praticiens privilégient la chirurgie et l’odontologie. Le CSD, aideopératoire potentiel, assiste à quelques interventions au bloc opératoire où lui sont inculquées les techniques de lavage des mains, d’habillage et d’aide opératoire. Aux stages, s’ajoutent les gardes au Service d’accueil des urgences (SAU) de l’HIA (trois gardes mensuelles minimum) et l’entretien du savoir-faire en échographie proposé au Centre médical des armées de Brest-Lorient, par un médecin des forces qualifié dans cette discipline et un spécialiste du service de radiologie de l’hôpital. Les six IADE embarqués effectuent leur ECT en service d’anesthésie. Une convention liant l’HIA et la Chefferie du Service de santé des FSM (CSS/FSM) permet le renfort de l’hôpital par les IADE embarqués. Ainsi, chacun d’eux parvient à réaliser un minimum de 90 anesthésies générales (AG) par an. Ils totalisent plus de 380 jours de stage cumulés par an. m. repellin Les IDE orientent leur ECT vers la radiologie, le bloc opératoire, les urgences pour un minimum de 120 jours de stage par an. L’HIA Brest occupe donc une place essentielle dans la formation des équipes médicales de la FOST, position favorisée par l’implication constante des spécialistes hospitaliers et des cadres de santé, la très grande connaissance et la confiance mutuelle des équipes. Durée d’affectation du médecin Affecté à un équipage, le médecin effectue quatre patrouilles opérationnelles. Ce temps d’affectation paraît faible au prorata de l’investissement consenti pour sa formation. En réalité, après quatre missions et malgré un ECT bien conduit, en général supérieur aux minima requis, les compétences en chirurgie viscérale s’émoussent. Pour retrouver le niveau atteint en fin de formation initiale, le médecin devrait effectuer un stage de chirurgie de plus de six mois. Le coût humain ne permet la mise en œuvre de pareil recyclage. Par ailleurs, réemployer un médecin après quatre patrouilles, embouteillerait l’enchaînement des embarquements des praticiens sortant de formation initiale. Or, le maintien du flux de recrutement (deux médecins/an) assure la continuité du soutien des équipages et pérennise les circuits de formation. Activité médicale À terre, le médecin est responsable du facteur humain. Dans ce cadre, il est informé de situations personnelles ou familiales susceptibles d’influer sur le comportement du marin pendant la patrouille. En mer, outre l’activité de médecine de soins et de prévention, le service médical s’implique dans l’hygiène navale (contrôle de la qualité de l’eau produite destinée à la consommation, surveillance de l’atmosphère, surveillance radiologique et respect des règles d’hygiène en restauration collective). Bilan général antérieur à l’étude Il porte sur 390 missions effectuées de 1971 à 1997 pendant lesquelles une centaine d’événements significatifs ont été retenus. L’évolution défavorable des pathologies a justifié 15 MEDEVAC soit pour cette période, une évacuation toutes les 26 patrouilles (tab. III). Pour l’US Navy (qui n’a pas de médecin à bord des SNLE), une MEDEVAC est déclenchée toutes les trois missions. Équipement de l’hôpital d’un SNLE L’exercice de la médecine sous forte contrainte d’isolement impose de disposer à bord, des moyens diagnostiques et thérapeutiques, adaptés (tab. IV). L’évolution et le retour d’expérience de ce matériel sont pilotés par la cellule Autorité de domaine particulier santé des FSM (ADP/SANTE/FSM). Les boîtes de chirurgie sont les mêmes qu’en antenne chirurgicale (parties molles, vasculaire, chirurgie Tableau­ III. Affections médico-chirurgicales et évacuations sanitaires de 1971 à 1997. Chirurgie Médecine 1h émorragie digestive haute (3) 1d ysphagie rebelle (cancer œsophagien) (3) 3 coliques hépatiques 3 coliques néphrétiques (4) 2 pyélonéphrites Chirurgie spéciale 2 thromboses veineuses 9 extractions de dents profondes (5) de sagesse 1 t umeur de 1 corps étranger ORL l’hypophyse (3) 1 glaucome aigu 1 syndrome 1 décollement de méningé (3) rétine 3 pneumothorax 1 choriorétinite 1 brûlure oculaire (potasse) (3) 32 appendicites (1) 4 péritonites (2) 1 occlusion intestinale (3) 18 abcès profonds 12 traumatismes de membres 4 sections tendineuses 2 pneumopathies 1 asthme aigu grave 1 tachycardie ventriculaire (3) 1 phéochromocytome (3) 1 érysipèle 1 urticaire généralisée 2 syndromes dépressifs 1 bouffée délirante aiguë Motifs d’évacuations : (1) trois appendicites évacuées (dont une chez le médecin) (2) trois péritonites évacuées (3) pathologie ayant entraîné l’évacuation avant 1997 (4) colique néphrétique compliquée (5) 1 thrombose veineuse profonde osseuse, chirurgie thoracique, neurochirurgie, chirurgie de la main, petite chirurgie, amputation, laparotomie). La table chirurgicale se transforme en table de gynécologie ou en fauteuil dentaire (fig. 3). La valise SATELEC Trans’Care® véritable cabinet dentaire portatif, permet tous les actes usuels de cet art. Étude Problématique L’objectif de ce travail est de recenser les pathologies médico-chirurgicales auxquelles ont été confrontés, en mer, les médecins de SNLE, de comparer ces données à celles observées à bord des navires de surface et d’évaluer l’adéquation entre la formation proposée et les situations cliniques rencontrées. Matériel et méthode Type d’étude Le recensement des pathologies médico-chirurgicales survenues en patrouille, sur SNLE NG du type Le Triomphant, de mai 1997 à décembre 2013, a été réalisé par une étude descriptive rétrospective. Ont été prises en compte toutes les pathologies qui, si elles étaient intervenues à terre, auraient amené le patient à recourir à un service d’urgence ou à un spécialiste. Entrent dans ce cadre celles ayant nécessité un suivi rapproché, un bilan complémentaire, une prise en charge thérapeutique particulière, une ouverture de bloc opératoire et celles ayant eu un impact sur l’équipage (affections psychiatriques aiguës par exemple). incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013 171 Tableau­ IV. Dotation en matériels du service médical de SNLE. Marque Modèle Type Examens réalisables Générateur Kodak Kodak 2200® Radiographie numérisée Toute exploration dentaire (kyste) Générateur Stéphanix Stéphanix® Radiographie numérisée Exploration os et tissus mous Sonosite Ttitan® Échographe portatif Horiba ABX Micro S 60 Biologie médicale NFS, plaquettes Rush Reflotron® Biochimie Glucose, créatinine, urée, ac. urique, transaminases, amylase, bilirubine, sodium, potassium, hémoglobine Diagnostica stago Start 4® Biologie médicale Fibrinogène, TP, TCA, fact. V, Biologie médicale CRP, D-Dimères, troponine Biochimie Gaz du sang, hématocrite, ionogramme, hémoglobine, lactates Bandelettes reactives Epocal Epoc® Massimo Rad 57® Airsep New life intensity 10® Fäbius Spo2, SpCo, méthémoglobine Concentrateur O2 Production : 8/l/mn Tour d’anesthésie Anesthésie générale Figure 3. SNLE table position gynécologie. ©Marine nationale. En cas d’ouverture de bloc, un compte rendu opératoire relatif aux éléments médicaux et techniques complète le rapport général. In fine, tout événement ayant eu un impact sur la santé de l’équipage ou sur la prévention (fuite de fréons par exemple) enrichit le retour d’expérience des FSM. Outils informatiques Ces éléments ont été reportés dans un tableur EXCEL et triés par spécialité (ORL, odontologie, cardiologie, pneumologie, traumatologie, psychiatrie, pathologies digestives, dermatologie, ophtalmologie, pathologies infectieuses et médecine interne (PIT/MIT)). Le logiciel Epi Info® a été utilisé pour les analyses statistiques, essentiellement descriptives. Les moyennes ont été comparées avec le test de Kruskall-Wallis et les proportions avec le test de Fisher au seuil 5 %. Organon Tof watch® Curamètre Satelec Trans’care® Cabinet dentaire portatif Datex S 5® Moniteur Welch allyn Propaq LT® Moniteur portatif Atmos C-451® Aspirateur chirurgical Mindray Beneheart D6® Défibrillateur Généralités Matachana 20B ™ Autoclave Weinmann Medumat® Respirateur portatif Pour les 81 patrouilles prises en compte, la moyenne d’activité est de 116 consultations. La répartition par sous-marin figure au tableau V. Les nombres moyens de consultations par patrouille en fonction du SNLE n’étaient pas significativement différents (p = 0,51). Bair huger™ Tous types de soins dentaires Réchauffeur Recueil des données Le recensement a été mené à partir du rapport technique rédigé en fin de mission par chaque médecin, conformément aux dispositions d’une instruction (5). Le rapport identifie le SNLE, l’équipage, le numéro de cycle opérationnel, le médecin et les infirmiers, les dates de navigation, le motif des consultations et les examens complémentaires réalisés. Y sont consignés l’ensemble de l’activité médicale en termes de médecine de soins (dont les pathologies importantes), de prévention, d’expertise, les actions de formations suivies (ECT, développement professionnel continu), les actions d’éducation sanitaire, les propositions d’évolution de la dotation en matériel ou en médicaments. 172 Résultats Prévalence des affections Parmi les affections rencontrées, 281 pathologies médicochirurgicales ont été observées, soit 3,2 % du nombre total de consultations réalisées en mer (tab. VI, VII). Aucune différence significative de distribution des affections, en termes de spécialités, n’était observée d’un sous-marin à l’autre. La répartition des pathologies par spécialité en fonction des étiologies figure dans les tableaux VIII à XV. En ce qui concerne l’ophtalmologie et la neurologie, les brûlures chimiques de l’œil (n = 3), les infections oculaires (n = 9), les céphalées (n = 2) et les névralgies (n = 4) constituaient les motifs de consultations. m. repellin Tableau­ V. Nombre de consultations par patrouille et par SNLE. Nombre de patrouilles Nombre total de consultations Nombre moyen de consultations Variance Écart-type LE TÉMÉRAIRE 28 3 201 114 4 167 65 LE TERRIBLE 7 840 140 3 225 57 LE TRIOMPHANT 30 3 006 104 2 610 51 LE VIGILANT 16 1 748 109 1 523 39 Total 81 8 795 Évacuations sanitaires Tableau­ VI. Répartition (en %) des pathologies médico-chirurgicales en fonction des spécialités. Pendant les 81 patrouilles étudiées, aucune évacuation sanitaire n’a été demandée. En se basant sur les données de la période 1970-1997, 2 MEDEVAC étaient statistiquement attendues. Discussion Formation théorique opérationnelle et situation En 1968, le médecin des armées Bernardini, alors conseiller de l’amiral commandant les forces sousmarines, proposait les principes du soutien médical pour les SNLE. Cette organisation, révisée en 1994, est quasiment inchangée. Si la formation initiale des personnels affectés sur sous-marins a été peu modifiée dans la forme, son contenu a considérablement évolué en introduisant la radiographie numérisée, l’échographie et les nouvelles thérapeutiques. Dix mois sont consacrés à l’apprentissage de techniques chirurgicales telles l’appendicectomie par voie de Mac Burney, la cure de hernie étranglée, la torsion testiculaire, les réductions et immobilisations de fracture, les sutures tendineuses ou vasculaires. Ces gestes chirurgicaux sont régulièrement révisés pendant Ouvertures de bloc opératoire Parmi les 281 cas considérés, le bloc opératoire a été ouvert à 35 reprises (12,5 %). Dans huit cas, une AG a été nécessaire (étaient exclues les AG réalisées dans le cadre de réfection de pansement). La dermatologie représentait 63 % des indications d’ouverture de bloc, la traumatologie 26 % et la sphère digestive 11 % (tab. XVI). Tableau­ VII. Répartition des cas par spécialité pour chaque sous-marin. Le Triomphant Traumatologie Le Téméraire Le Vigilant Le Terrible n % n % n % n % p 29 35 n % 9 15 13 28 0.72 Odontostomatologie 14 17 28 30 13 21 10 22 0.99 Dermatologie 18 22 18 20 12 20 7 15 0.98 Patho-digestives 5 6 12 13 8 13 9 20 0.93 PIT/MIT/urologie 8 10 6 7 9 15 2 4 0.98 ORL 2 2 7 8 3 5 3 7 0.99 Ophtalmologie 1 1 4 4 1 2 2 4 0.99 Psychiatrie 0 0 7 8 5 8 0 0 0.98 Neurologie 3 4 5 5 - 0 0 0 0.99 Cardio-pneumologie 2 2 3 3 1 2 0 0 0.99 incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013 173 Tableau­ VIII. Répartition des pathologies traumatiques. Tableau­ XI. Répartition des pathologies digestives. Tableau­ IX. Répartition des pathologies dentaires. Tableau­ XII. Répartition des pathologies PIT/MIT. Tableau­ X. Répartition des pathologies dermatologiques. Tableau­ XIII. Répartition des pathologies ORL. les stages d’ECT, ce qui permet au médecin de mieux les maîtriser en situation d’isolement. Le retour d’expérience des 16 années écoulées et des 35 ouvertures de bloc opératoire témoigne de la nécessité de maintenir ces compétences. Cinquante-cinq cas soit environ 20 % des affections importantes, concernaient la pathologie dentaire et ce, malgré le soin apporté à l’examen bucco-dentaire systématique par un chirurgien-dentiste de réserve rodé au contrôle préventif et à la détection des caries au cours de la visite médicale périodique. Du fait du rapide retentissement des douleurs dentaires intenses sur la disponibilité du personnel, leur traitement sans délai est une réelle plus-value tant pour le confort de l’intéressé que pour la bonne marche du quart. La pathologie digestive concerne 28 cas, soit 10 % des pathologies importantes recensées. Le diagnostic reste délicat à poser pour le médecin, même si les possibilités d’imagerie et de biologie-biochimie se sont considérablement étoffées. L’échographie permet de contourner la moindre sensibilité de la radiographie standard de l’abdomen. Réalisée par un opérateur compétent et entraîné, elle apporte une aide précieuse pour le diagnostic positif ou différentiel et le suivi évolutif. C’est particulièrement vrai dans le cas de la colique néphrétique où cette technique indolore, répétitive, simplifie le suivi de la migration lithiasique. Elle permet au médecin de rassurer le patient mais aussi le commandant. Les efforts consentis à l’enseignement de l’échographie et sa pratique régulière tant au SAU 174 m. repellin Formés à cette école, les médecins ont réduit les indications de ce geste en mer. Tableau­ XIV. Répartition des pathologies psychiques. Plus-value de l’équipe médicale Tableau­ XV. Répartition des pathologies cardiologiques et pulmonaires. Tableau­ XVI. Motifs d’ouverture de bloc opératoire. Dermatologie n = 22 Orthopédie n = 9 Chirurgie viscérale n = 4 Au regard des pathologies médico-chirurgicales recensées, l’évaluation de la balance bénéfices/coûts de la formation des médecins et infirmiers de SNLE mérite d’être examinée. En effet, le Service de santé des armées (SSA) se prive de ces personnels dont les IADE (ressource déficitaire en HIA) au plan opérationnel pendant la durée de leurs formations. L’étude a cherché à apprécier si l’investissement humain et financier apportait le bénéfice attendu aux FSM. Parmi les 281 affections répertoriées, ont été étudiées celles dont le traitement à bord, du fait de l’engagement du pronostic fonctionnel ou vital, avait été rendu possible grâce aux compétences acquises du médecin de SNLE. Entrent dans cette catégorie, les AG (n = 8), la pathologie dentaire (n = 44) hors pansements et scellements de prothèse, les parages chirurgicaux de plaies engageant le pronostic fonctionnel (n = 9), la pathologie lithiasique (n = 5), soit 66 cas. Ces données chiffrées ont été comparées à celles de l’US Navy qui emploie des paramedics, infirmiers spécialement formés, autonomes pour le diagnostic et le traitement. Dans ces conditions, une indiscrétion est constatée toutes les trois patrouilles pour raison sanitaire. Avec au moins cinq SNLE simultanément à la mer, la Navy est moins contrainte en matière de MEDEVAC. Elle peut par ailleurs, adopter des normes d’aptitude plus souples pour les équipages de SNLE. Abcès profonds 16 Ongles incarnés 4 Biais Hygromas collectés 2 Plaie profonde 8 Fracture 1 Appendicite aiguë 2 Hernie inguinale étranglée 1 Thrombose hémorroïdaire volumineuse 1 Ce travail présente un biais potentiel de sélection des données. La notification des pathologies sur le rapport de fin de cycle jusqu’en 2013, dépendait de l’expérience et du ressenti du praticien. L’exemple du signalement des épidémies à tropisme ORL illustre ces disparités. En effet, les trois premières semaines de mission sont marquées par l’émergence d’épidémies virales, favorisées par le confinement. Les médecins ayant déjà réalisé plusieurs patrouilles ont tendance à ne pas mentionner ces épisodes dans le rapport, les considérant comme habituels vu leur fréquence et leur caractère bénin. A contrario, le praticien entamant son premier cycle, les signalera. Ce biais d’appréciation dans la rédaction du rapport de fin de cycle a dans les faits un faible impact. La culture du partage d’expérience est enrichie par les événements vécus par chaque équipe embarquée. L’appréciation du degré de gravité repose sur des critères communs et réduit le champ de la subjectivité dans les déclarations. que pendant les vacations en HIA trouvent là leur justification. L’utilisation de l’échographe portable comme outil d’exploration pendant la visite d’aptitude participe à l’entretien de ce savoir-faire. La détection d’une anomalie implique sa confirmation par un examen échographique à l’HIA. Par ailleurs, pendant la période étudiée, le nombre d’ouvertures de bloc opératoire a diminué. Le nombre d’appendicectomie suit la même tendance (32 appendicectomies de 1971-1997 vs 2 entre 1997-2013). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution : – la diminution du nombre d’hommes/jour à la mer liée au passage de la permanence de 3 à moins de 2 SNLE à la mer depuis 1995, consécutive à l’évolution géopolitique ; – la réduction des indications opératoires pour appendicite résultant des recommandations nationales. Effet « sous-marin » Aucune différence significative n’a été observée d’un sous-marin à l’autre en termes de clinique des affections. Ce résultat était attendu en raison de la grande similitude des bâtiments et de l’homogénéité des équipages. incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013 175 Comparaison avec les bâtiments de surface Ces résultats ont été comparés à ceux d’un travail de thèse portant sur la période de 1989 à 1994 à bord des navires du Groupe d’action sous-marine (GASM) (6). Cette comparaison a montré que pour des durées identiques de navigation, la moyenne de consultations est sensiblement la même sur les bâtiments de surface et les SNLE, avec quatre consultations/homme/jour. Sur les unités du GASM, les principaux motifs de consultations étaient : – la traumatologie (30 % vs 28 % sur SNLE) ; – la pathologie digestive (9 % vs 10 % sur SNLE) ; – la dermatologie (6,5 % vs 17 % sur SNLE) ; – l’odontostomatologie (2,4 % vs 20 % sur SNLE). Pour ces quatre spécialités, les données épidémiologiques sont proches dans les deux forces maritimes. La différence observée en dermatologie s’explique par l’atmosphère confinée du SNLE favorisant les retards de cicatrisation et les infections cutanées. Pour la pathologie dentaire, l’intérêt certain porté par les médecins de SNLE, lié à l’acquisition de compétences techniques dans ce domaine, motivent leur application à les traiter et à les déclarer. La dynamique est inverse sur les navires de surface, s’expliquant par le recours plus facile à l’évacuation. Concernant la cardiologie, une différence significative relative au nombre de Syndromes coronariens aigus (SCA) a été constatée (9 cas en surface soit 0,5 cas/1 000 h.an vs aucun sur SNLE). La moyenne d’âge est plus élevée pour les « surfaciers », la poursuite du tabagisme, parfois important, à bord et une application de normes d’aptitude plus sévères aux FSM peuvent expliquer cette différence. Le contrôle plus strict de l’IMC et un tabagisme plus faible (tabac et vapotage interdits sur sous-marin) (7) peuvent induire un biais de travailleur sain chez les sous-mariniers mais si aucun SCA n’est observé sur un SNLE en mer, plusieurs sont déclarés parmi les équipages à quai, ce qui incite à la vigilance. La dotation médicamenteuse des SNLE et des navires de surface intègre un thrombolytique (métalyse®). La pathologie psychiatrique paraît dix fois plus fréquente sur SNLE. Les conditions de vie plus contraignantes (bruit, éclairage insuffisant, promiscuité, rythme de quart, confinement) favorisent l’apparition de syndrome dépressif-like entre le 25e et le 45e jour de patrouille avec décompensation possible de troubles latents (8). La décompensation psychiatrique en patrouille n’entraîne pas automatiquement de MEDEVAC mais implique une surveillance médicale accrue avec, parfois isolement du patient pendant toute ou partie de la navigation restante. Ces situations sont contraignantes tant pour l’équipe médicale que pour l’équipage qui doit supporter les quarts que n’effectue pas le malade. Ces cas, lorsqu’ils surviennent sont bien répertoriés dans les rapports de fin de cycle. Chez les « surfaciers », la possibilité de sortir à l’extérieur avec une exposition à la lumière du jour, l’entretien du tabagisme, le recours plus aisé à l’évacuation expliquent une gestion plus souple des situations psychiatriques analogues. Néanmoins, le risque suicidaire est plus marqué en surface qu’en SNLE où aucun cas n’a été décrit en mer. Les liaisons permanentes avec l’extérieur (internet, téléphone) échappent au contrôle de l’encadrement : une rupture sentimentale annoncée par SMS peut inciter le marin en souffrance au geste auto-agressif. Conclusion La mission de dissuasion assurée par les SNLE leur impose une autonomie totale et l’adéquation capacitaire tant matérielle qu’humaine. La redondance matérielle répond aux risques d’aléas techniques. Pour l’équipe médicale, la formation renforcée et les équipements performants de l’infirmerie leur donnent la capacité de prise en charge des urgences médico-chirurgicales, à la fois complète et autonome. Le choix de la Marine et du SSA d’une équipe médicale embarquée bénéficiant d’une formation multidisciplinaire complémentaire garde toute sa pertinence. En effet, l’étude atteste des bénéfices tirés de la prise en charge des 281 pathologies médicochirurgicales en évitant 29 MEDEVAC potentielles. L’incidence des pathologies importantes sur SNLE et navires de surface est comparable excepté les troubles psychiatriques et les SCA. La contribution des HIA de Brest et de Toulon dans la formation avant embarquement, le très fort investissement des équipes hospitalières brestoises dans l’ECT concourent à cette réussite. Dans le cadre du projet SSA 2020, la transformation des établissements hospitaliers, et en particulier celui de Brest, pourrait avoir des conséquences pour l’instant imprécises, dans le concours fourni par l’HIA pour le soutien de la Force océanique et stratégique. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Mathey JM, Sheldon-Duplaix A. Histoire des sous-marins des origines à nos jours. Édition ETAI ; 2002. 2.Baert P, Trousselard M, du Retail C, et al. Intensité lumineuse à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Médecine et Armées 2010 ; 38 : 291-8. 3.Colinmaire H, Cassagnou H, Cuvillier J.M, et al. Service de santé des Forces sous-marines. Médecine et Armées 1994 ; 22 : 233-8. 4.Instruction N° 500/DEF/DCSSA/AST/AME du 15 octobre 2015 relative à la détermination de l’aptitude médicale à la navigation sous-marine. BOC n° 18, 30 juillet 2007, texte 24. 5.Instruction n° 2-14830-2014/ESNLE/SANTE du 19 mars 2014 176 relative aux rapports techniques « hygiène et santé » des SNLE. 6.Stève M. Approche épidémiologique des pathologies rencontrées à bord des bâtiments de surface de la Marine nationale et moyens pour y faire face, thèse de doctorat en médecine. Brest : université Bretagne Occidentale, UFR médecine et science de la santé ; 1996. 7.Verret C, Trichereau J, Laporal S, Leger C, Esvan M, Bourdon L, et al. Étude de mortalité des personnels sous-mariniers de la Marine nationale, Paris, Observatoire de la santé des vétérans 2014. 8.Trousselard M, Cian, Roux A, et al. Conséquences psycho-cognitives et physiologiques d’un exercice d’évacuation d’un sous-marin en plongée. Médecine et Armées, 2010 ; 38, 4 : 299-310. m. repellin Médecine des forces Médecin du personnel navigant : de l’aptitude à la gestion de la fatigue opérationnelle V. Beylota, I. Tollub, S. Costec, L. Vitiellod, G. Turband, D. Grase a CPEMPN – HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex. b Antenne médicale de Cognac – 16109 Cognac Air. c Centre de formation de médecine aéronautique de l’EVDG, HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex. d Commandement des Forces Aériennes, BA 106, avenue de l’Argonne, CS 70037 – 33693 Mérignac Cedex. e Antenne d’expertise médicale initiale de Bordeaux, CS 21152 – 33068 Bordeaux Cedex. Résumé Le médecin du personnel navigant doit proposer un suivi de proximité bâti sur une relation de confiance avec les navigants. Sa formation initiale lui permet de connaître les contraintes existantes dans le domaine aéronautique, cependant c’est son expérience au contact des personnels navigants qui lui permettra de parvenir à être un interlocuteur reconnu donc écouté. Ses missions actuelles couvrent un vaste domaine touchant à l’aptitude mais aussi au conseil au commandement et à la gestion de la fatigue en contexte opérationnel. Son action de médecin doit être guidée par la recherche de l’amélioration de la sécurité des vols et la volonté d’être à l’écoute des personnels évoluant dans un univers d’une technicité croissante. Mots-clés : Compétences. Fatigue aéronautique. Médecin du personnel navigant. Abstract FLIGHT SURGEONS: FROM APTITUDE EVALUATION TO OPERATIONAL FATIGUE MANAGEMENT. Flight surgeons have to provide medical follow-ups built on a relationship of trust with the navigators. Their initial training teaches them the constraints of the aeronautical field, however it is their experience with flight crews that enables them to be recognized and hence listened to. Their missions cover a vast range of activities from medical acts, advice, to the management of fatigue in operational contexts. Their actions must aim at improving flight safety as well as listening to the men involved in those flights, in an increasing technical world. Keywords: Flight surgeon. Skills, Aeronautical fatigue. Introduction Le soutien médical des unités navigantes repose aujourd’hui, quelle que soit l’armée concernée, sur un suivi de proximité personnalisé offrant une place particulière au médecin chargé du Personnel navigant (PN). Cette spécificité, héritage du passé, est profondément ancrée dans l’imaginaire aéronautique. Dès l’emploi opérationnel de l’aviation sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, il fut rapidement indispensable de répondre à la question de l’aptitude médicale initiale, notamment afin de réduire V. BEYLOT, médecin en chef, praticien certifié. I. TOLLU, médecin en chef. S. COSTE médecin en chef, praticien confirmé. L. VITIELLO, médecin en chef, praticien confirmé. G. TURBAN, médecin en chef, praticien certifié. D. GRAS, médecin en chef, praticien confirmé. Correspondance : Monsieur le médecin en chef V. BEYLOT, CPEMPN – HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 44, 2, 177-182 les pertes humaines non liées aux combats (1). Ainsi les besoins croissants de former des équipages, imposèrent lors de ce conflit de procéder à une première sélection des futurs pilotes. Cette mission fut confiée aux centres médicaux chargés de la détermination de l’aptitude (le premier centre dirigé par le Dr Nepper fonctionnera au Grand Palais en Novembre 1917, suivi de la création en 1918 d’un centre au sein de l’École de pilotage de DijonLongvic, sous la direction du Pr Guillain). Parallèlement, dès 1917, le docteur J-Georges Ferry (2) recommande de mettre en place un suivi de proximité auprès des unités aériennes afin d’améliorer la prévention des accidents. Ces médecins auraient alors été les mieux placés pour déceler les formes insidieuses d’épuisement physique et psychologique alors nommé « mal des aviateurs » (3) qui touchaient les escadrilles et améliorer la sécurité aérienne. Malheureusement, cette proposition est restée caduque du fait de la difficulté de former des médecins qualifiés en nombre suffisant. 177 Aux États-Unis, cette problématique a pu se concrétiser dès 1918 par la mise en place d’un enseignement et la création d’une école de médecine aéronautique du Service de santé de l’Armée de l’Air au Texas. Cette école de spécialisation formera en quelques mois les futurs flight surgeons (4). En France, des démarches comparables prendront près de 20 ans avant de voir l’initiation d’un « cours d’aviation » en 1934 au Val-deGrâce (sous la direction de Paul Beyne). Ce n’est qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale que l’on assiste à la mise en place de praticiens formés à l’aéronautique auprès des unités de l’armée de l’Air permettant de bâtir une relation de confiance et de proximité entre médecins et personnels navigants (2, 4). Alors que notre service de santé connaît une phase d’évolution de sa composante de médecine des forces (création d’une Direction de la médecine des Forces, d’un échelon santé spécialisé milieu aérien et de Centres médicaux des armées (CMA) de nouvelle génération), nous souhaitons illustrer ce que sont les médecins chargés du PN aujourd’hui, à travers leurs cursus, leurs missions et en gardant à l’esprit l’objectif principal inchangé depuis leurs origines : celui de participer à la sécurité aérienne. Le champ de ces médecins va au-delà de la surveillance de l’aptitude à l’emploi : il s’agit de coordonner le parcours de soins des navigants, mais aussi d’optimiser leur potentiel humain et de se positionner dans la gestion de la fatigue particulièrement en contexte opérationnel en assurant une interface de proximité avec le commandement. Tout ceci ne peut se concevoir que dans le respect de l’éthique inhérente à la fonction du médecin qui doit s’occuper de « l’homme-navigant » évoluant dans un univers de plus en plus technique. Quelle formation Afin de pouvoir disposer de médecins compétents, capables de répondre de manière crédible aux attentes du commandement, le service de santé a mis en place des formations qualifiantes délivrant des brevets et relevant de l’adaptation à l’emploi dans le milieu aéronautique. Le premier niveau de formation correspond au Brevet de médecine aéronautique de défense (BMAD), dont l’origine remonte au brevet de médecine aéronautique initié en 1944 (4). Ce brevet est aujourd’hui organisé par le Centre de formation de médecine aéronautique (CFMA) de l’École du Val-de-Grâce (EVDG). Il propose aux médecins affectés en CMA ou en antenne médicale assurant le soutien de bases aériennes, aéronavales ou régiments d’hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de Terre, de suivre pendant près de 3 mois un cursus complet théorique et pratique comprenant 10 unités de valeurs spécifiques de l’environnement aéronautique (tab. I). Il aborde notamment la physiologie aéronautique (hypoxie, hypobarie, accélérations), l’expertise médicale et psychologique du PN et les bases du facteur humain. Ce brevet est aussi l’occasion d’éprouver physiquement ces enseignements aux travers de vols, de passage en 178 Tableau I. Unités de valeur incluses dans la formation du BMAD. Unités de valeur Thèmes Heures UV 1 Physiologie aéronautique et spatiale 20 UV 2 Médecine générale et aptitude médicale PN 45 UV 3 Ophtalmologie et aptitude médicale du PN 15 UV 4 Oto-rhino-laryngologie et aptitude médicale du PN 10 UV 5 Psychiatrie et psychologie clinique en aéronautique 15 UV 6 Hygiène et épidémiologie aéronautique 7 UV 7 Sécurité aérienne et facteurs humains 15 UV 8 Ergonomie appliquée à l’aéronautique 12 UV 9 Aéronautique de défense et prévention (toxicologie) 4 UV 10 Évacuations médicales par voie aérienne 15 Formation aéronautique Théorique Connaissance de l’environnement aéronautique 30 Théorique Connaissances aéronautiques de base 20 Pratique Mise en situation 70 caisson d’altitude (hypobare), en générateur d’illusion sensorielle et en centrifugeuse. Le second niveau, validé dans le cadre du développement professionnel continu, correspond au Brevet supérieur de médecine aéronautique (BSMA) également organisé par le CFMA depuis 2006. Ce brevet est ouvert après sélection sur dossier aux médecins disposant d’au moins quatre ans d’expérience en unité. Dans le cadre de cette formation supérieure, les modules enseignés abordent : les facteurs humains et leurs impacts sur la sécurité des vols, la conduite des enquêtes accidents et le rôle du médecin, ainsi qu’un approfondissement de l’expertise médicale aéronautique. Ce brevet comporte également une formation en vol au cours d’un stage de quatre semaines au sein de l’escadron de formation des instructeurs pilotes de Cognac. Ce stage permet de percevoir de façon beaucoup plus aboutie les contraintes physiques mais aussi cognitives subies par un élève pilote en cours de formation. Ces deux formations nécessitent ensuite un entretien des compétences théorique et pratique et relèvent d’une revalidation triennale auprès du CFMA comparable à celle demandée par la direction générale de l’aviation civile pour ses médecins agréés. Un troisième niveau de formation existe et correspond au brevet européen de médecine aéronautique permettant de partager les pratiques au sein des pays du Groupe aérien européen. Le CFMA coordonne également les formations Aeromedevac. On retrouve ainsi la formation « Morphée », pour le personnel appelé à assurer cette alerte et les formations de préparation opérationnelle avant projections sur les postes Casa nurse pour le personnel assurant les Aeromedevac tactiques sur Casa v. beylot CN235 et sur les postes Aero Medical Evacuation Team pour les équipes médicales assurant la mission Medevac sur hélicoptères. À côté de ces formations dispensées par le Service de santé des armées (SSA), les médecins du PN, en tant qu’acteurs de la sécurité des vols, peuvent se porter volontaire pour suivre les stages ayant trait à la sécurité des vols organisés par le Bureau maîtrise des risques de l’état-major de l’armée de l’Air (5). Si le CFMA forme les médecins du personnel navigant comme l’ont rappelé nos anciens, c’est la vie auprès des unités navigantes avec la découverte de leurs codes et traditions mais surtout de la complexité des missions, qui va véritablement forger le futur praticien (6). C’est bien l’expérience qui fait le médecin du personnel navigant. Missions et rôle en métropole De façon immuable, le médecin du PN doit s’assurer que le navigant dispose, d’une part, des capacités physiques et psychologiques nécessaires à la conduite de son activité et d’autre part, que le vol (à travers ses contraintes) ne doit pas aggraver une pathologie préexistante chez ce navigant. Enfin l’existence d’une atteinte (avec son histoire, son potentiel évolutif, son risque de récidive) ne doit pas compromettre la conduite de l’activité aérienne par la survenue d’une incapacité subite (totale) ou subtile (partielle) qui pourrait alors mettre en danger les personnes transportées et survolées. Toute décision d’aptitude relève de cet équilibre (fig. 1). Figure 2. Compétences du médecin PN (7). soutenues. Il lui revient également d’organiser le parcours de soins ou d’expertise en lien avec les CEMPN, de suivre les éventuelles inaptitudes de ses navigants et de connaître les restrictions éventuellement posées par les autorités (Commission médicale aéronautique de Défense ou Pôle médical pour les aptitudes Classe 1). Intégré aux unités navigantes, le médecin du PN doit participer aux briefings organisés au sein des escadrons et essayer de répondre aux questions d’ordre médicoaéronautique soulevées. Il apparaît donc que le travail actuel du médecin du PN relève des compétences attendues d’un médecin généraliste évoluant au sein d’un milieu professionnel particulier, ce cadre aéronautique exigeant lui imposant une connaissance approfondie des contraintes afin de répondre de manière pertinente. Exemples d’expertises médicoaéronautiques au service du commandement Figure 1. Décision médicale et aptitude aéronautique. La figure 2 illustre ce que peut être le rôle du médecin du PN sous l’angle des compétences en médecine générale tel que proposées par Attali et Bail (7). Le médecin doit bâtir une relation de confiance avec les différents acteurs de l’activité aéronautique (pilotes, navigateurs et contrôleurs aériens) en s’appuyant sur sa connaissance des contraintes subies, mais aussi de l’environnement professionnel. Il doit assurer la consultation de premier recours afin d’autoriser le vol ou au contraire de le suspendre en cas de pathologie aiguë incompatible avec l’activité aérienne. Par sa connaissance, il est le mieux placé pour conseiller le PN sur le plan thérapeutique vis-à-vis de cette activité. Il participe également à l’organisation des secours, en répondant aux demandes de soutiens dépendant des niveaux de risques liés aux activités (8). Cette réponse nécessite déjà de comprendre les différentes missions médecin du personnel navigant : de l’aptitude à la gestion de la fatigue opérationnelle Afin d’illustrer le rôle de conseiller du médecin chargé du PN, nous proposons d’aborder de façon pratique quatre situations dans lesquelles le médecin peut être sollicité. Briefings Une fois par semaine, chaque unité navigante organise un « briefing », c’est-à-dire une réunion rassemblant l’ensemble du personnel et permettant de faire connaître ou de partager des informations utiles. Il existe un cadre réglementaire de la participation des médecins à ce briefing. Les consignes permanentes d’instruction du personnel navigant précisent qu’à l’occasion d’un briefing plate-forme hebdomadaire, un sujet de portée générale peut être abordé et donne pour exemple un briefing « facteur humain » pour lequel le médecin PN peut être sollicité (9). Les consignes permanentes de maîtrise du risque aérien rappellent l’intérêt de la présence du médecin dans les escadrons et son rôle 179 d’information sur les risques aéronautiques (10). Il s’agit donc bien d’une mission incontournable pour le médecin du PN qui doit y être présent et de temps en temps, selon l’actualité ou la saison, prendre la parole dans un moment particulier, trouver le ton juste et être concis pour faire passer un message important en termes de santé et de sécurité des vols. Une bonne connaissance des habitudes, du vocabulaire et des codes de l’unité est nécessaire. Au-delà du respect des consignes de l’armée de l’Air, un investissement personnel fort est nécessaire, d’autant plus que ces interventions permettent aussi aux médecins de réaliser leur campagne de communication, c’est-à-dire de se faire connaître pour favoriser les demandes de consultations et entretenir de bonnes relations de travail. d’exemple un pilote de chasse réalise environ 180 heures de vol/an et peut actuellement dépasser 100 heures en 2 mois en opération). Au terme de ces visites, le médecin doit se prononcer sur l’aptitude à la poursuite de l’activité et fixer la prochaine échéance de visite (au maximum 15 heures supplémentaires pour les pilotes de chasse et les navigateurs officiers systèmes d’armes). Lors de ces visites, le médecin peut également envisager avec l’intéressé d’avoir recours à des substances psychoactives permettant d’améliorer le repos (Zolpidem, Zopiclone) ou le niveau de vigilance (Caféine LP). Conseils en progression, conseils d’instruction Des aides pharmacologiques permettant de réduire les effets d’une dette de sommeil prolongée et ont été utilisées lors d’opérations aériennes soutenues et continues lorsque les moyens non pharmacologiques n’étaient pas jugés suffisants pour assurer un niveau de sécurité des vols satisfaisant (17, 18). L’instruction 744 (16) définit le cadre autorisant l’utilisation de certaines de ces molécules. L’emploi est envisageable lorsque les mesures préventives, ergonomiques et organisationnelles sont jugées insuffisantes. Cette utilisation nécessite une décision du commandement opérationnel sur avis du SSA. Le commandement désigne alors le personnel susceptible de bénéficier de telles aides pharmacologiques. Dans son rôle de conseiller, il est indispensable que le médecin chargé du PN se pose la question de l’opportunité de leur utilisation car c’est lui qui conseille le commandement opérationnel et qui sera à l’origine du déclenchement de la demande de mise en place et de l’emploi de ces molécules sur le théâtre. C’est également lui qui doit s’assurer de l’existence d’un consentement des navigants et de la réalisation d’essais préalables à l’emploi au sol (à défaut, il devra les réaliser en opération sous couvert d’une exemption de vol de 24 heures). Enfin, il devra prescrire ces molécules, suivre les consommations et transmettre en fin de mission un rapport de synthèse (19) ayant un objectif de retour d’expérience et de pharmacovigilance. Le dialogue entre le médecin chargé du PN, les PN, les commandants d’escadrille et le commandant du détachement doit être une réalité permettant éventuellement d’adapter localement le rythme d’activité, les conditions de repos ou de restauration dans un souci de sécurité. Le cursus du personnel navigant est un long parcours d’une dizaine d’années qui amènera l’élève pilote jusqu’à la qualification maximale de chef de patrouille, de chef navigateur ou de commandant de bord. Tout au long de ce cursus, l’échec peut être synonyme d’arrêt de progression ou de réorientation (11). Lors des conseils qui sont alors organisés (conseil d’instruction en école, conseil d’examen de progression après l’arrivée en escadron), le médecin du PN est sollicité et donne un avis consultatif. Cet avis s’ajoute aux autres avis pris par le commandant de base : commandant d’escadron, moniteurs, mais aussi psychologue (du centre d’études et de recherches psychologiques Air) et peut être aussi l’occasion de faire apparaître des éléments individuels jusqu’alors méconnus. Seule la disponibilité et la relation de confiance établie entre le médecin et l’élève d’une part, et vers les membres du conseil d’autre part, permettront de rendre un avis utile sur l’adaptation au milieu aéronautique et sur les circonstances susceptibles d’avoir induit l’échec. Visites de dépassement (12) L’activité aéronautique réalisée par un pilote devrait idéalement être répartie tout au long de l’année. Ceci n’est toutefois pas toujours le cas, aussi certaines armées (Air et Marine) ont prévu dans le cadre de leurs doctrines d’emploi d’imposer des visites médicales aux navigants lorsque ces derniers atteignent certaines butées mensuelles (13-15). Jusqu’en 2016, le contenu de ces visites était libre puis fut précisé lorsqu’un travail d’harmonisation en a défini le cadre (12). La finalité reste cependant inchangée : il s’agit d’une visite imposée associant un examen médical précédé d’un questionnaire qui permet, d’une part, d’évaluer et de rechercher des signes de fatigue mais aussi d’aborder les modalités déployées pour lutter contre celle-ci : mesures organisationnelles, lieux de repos et de vie, voire emploi de substances modifiant la vigilance. L’intérêt de ces visites est mis en exergue en opérations extérieures où les équipages sont fréquemment amenés à dépasser le rythme des vols habituels à l’entraînement (à titre 180 Prescription et surveillance de l’emploi des substances modifiant la vigilance (16) Conclusion Au final, le rôle du médecin chargé du personnel navigant est bien d’être ouvert et curieux de l’environnement au sein duquel il évolue. Il doit être un praticien polyvalent dont la crédibilité assurera la qualité d’écoute du commandement et du PN. Son rôle est proche de la proposition initiale de Ferry en 1917. Seules les contraintes et les techniques ont évolué. Sa place dans la chaîne de la sécurité des vols est v. beylot réelle et son action ne peut être envisagée qu’à travers un travail en réseau avec les autres professionnels de santé (réseau civil local, hôpitaux, centres d’expertise et médecins insérés auprès des commandements). De façon similaire aux navigants qui assurent depuis de nombreuses années une remontée d’informations concernant les incidents ou les situations à risques auxquels ils ont été confrontés, il est évident que la culture du retour d’expérience fait partie des aptitudes que doit posséder le médecin du PN pour que l’expérience, la connaissance et le vécu opérationnel d’un praticien puissent bénéficier au plus grand nombre. Les médecins du PN d’aujourd’hui, tout comme ceux d’hier, sont des acteurs essentiels de l’évolution de la connaissance au sein de leur discipline inscrite à la croisée des chemins. Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt avec les données citées. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Colin J. Historique et domaine de la médecine aérospatiale. Médecine aérospatiale. Expansion scientifique publications. 2e édition. 1999 : 5. 2.Timbal J. Histoire de la médecine aéronautique et spatiale française. Éditions Glyphe. 2009 : 178-81. 3.Ferry G. Le syndrome mal des aviateurs. De l’aptitude à l’aviation. Ed. Crepin Leblond 1917, Nancy. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/ bpt6k3706517 4.Timbal J. Histoire de la médecine aéronautique et spatiale française. Éditions Glyphe. 2009 : 209-22. 5.Plan pluriannuel de sécurité aérienne n°277/DEF/EMAA/BMA/SA du 9 mars 2012. 6.Gallé-Tessonneau JR. Becoming a flight surgeon. Aviat Space Environ Med. 1988 Dec ; 59 (12) : 1198-202. 7.Attali C, Bail P. Référentiel métier et compétences des médecins généralistes. Groupe « niveaux de compétences » du CNGE. www. cnge.fr/la_pedagogie/concepts_et_principes_pedagogiques/ 8.Instruction n°600/DEF/DCSSA/PC/MA du 17 juillet 2015 relative au soutien des activités à risques au sein des armées, directions et services. 9.Consignes permanentes d’instruction du personnel navigant des écoles de formation du personnel navigant de la direction des ressources humaines de l’armée de l’air. N°68/DEF/DRH-AA/EFPN du 28 avril 2015. 10.Consignes permanentes de maîtrise du risque aérien : tome écoles de formation du personnel navigant de la Direction des ressources humaines de l’armée de l’Air. N°29/DEF/DRH-AA/EFPN du médecin du personnel navigant : de l’aptitude à la gestion de la fatigue opérationnelle 1er juillet 2016. 11.Gras D, Beylot V. Pilote de chasse : l’exemple des équipages de Mirage 2000D et place du médecin chargé du personnel navigant. Médecine aéronautique et spatiale. 2008 ; 49 (183) : 12-20. 12.Note n° 500509/DEF/DCSSA/PC/MA du 6 janvier 2016 relative aux visites médicales dans le cadre du dépassement des heures de vol. 13.Référentiel d’emploi des hélicoptères de l’Armée de l’Air. n°225301248/CFA/BAAP/HEL du 6 septembre 2011. 14.Répertoire d’emploi de l’aviation de transport. Règles d’emploi des équipages. N°2253001060/CFA/BAAP/CDT du 18 juillet 2011. 15.Répertoire d’emploi de l’aviation de chasse. N°215300580/CFA/ BAAC du 27 juillet 2010. 16.Instruction n°744/DEF/EMA/SC-PERF/BORG – N°744/DEF/ DCSSA/PC/MA relative à l’utilisation militaire de substances modifiant la vigilance du 4 mai 2015. 17.Gras D, Vitiello L, Kereun E, Kerrien C, Dubourdieu D, Perrier E, et al. Utilisation de la Caféine LP durant l’opération Harmattan sur le Detair de Souda. Médecine Aéronautique et spatiale. 2012 ; 53 (199) : 97-104. 18.Cocquempot K, Sauvet F, Vitiello L, Gras D, Michaud A, Gros L. Étude rétrospective de l’utilisation des substances modifiant la vigilance chez le personnel navigant de la base aérienne 172 de N’djamena durant les cinq premiers mois de l’opération « Serval ». Médecine et Armées. 2015 ; 43 (4) : 375-85. 19.Procédure Emploi des substances modifiant la vigilance. DCSSA/ BMA/2015-01 du 1er septembre 2015. 181 VIENT DE PARAÎTRE MÉDECIN EN AFGHANISTAN Journal de marche d’un médecin militaire ordinaire en opération extérieure Étienne Philippon Préface du médecin général Charles Puel Postface du colonel Benoît Aumonnier Tombeau des empires, l’Afghanistan a été pendant plus d’une décennie un théâtre d’opération difficile et particulier où les militaires français ont accompli admirablement leur devoir loin de chez eux. Certains l’on payé de leur vie. Ce conflit a suscité de nombreux ouvrages et pour la première fois, un médecin militaire français fait part de sa vision du terrain. Engagé en Afghanistan d’octobre 2010 à avril 2011, le médecin en chef Étienne Philippon décrit dans son journal avec spontanéité et franc-parler le quotidien de sa mission. Écrit sur le vif et au fil de l’eau, ce récit offre un regard précis sur les évènements avec un style alliant tact, pudeur, humour et franchise. Il nous confie ce qu’il ressent et nous invite à partager l’intimité de l’équipe opérationnelle de liaison et d’encadrement (OMLT) d’un bataillon afghan déployé en Surobi et en Kapisa. Il explique sans détour le sens de son action de soutien médical et de formation d’une section médicale afghane, le rôle particulier du Service de santé des armées en tous lieux et en toutes circonstances au service et avec les combattants et décrit avec détail et humanisme comment il vit sa mission au quotidien. Il montre la force et la faiblesse de cette nouvelle armée et, à travers elle, décrit la société afghane. Ce livre propose l’histoire de ces hommes envoyés loin de chez eux pour conseiller et appuyer sur le terrain cette jeune Armée nationale afghane pour plus de stabilité. Le docteur Étienne Philippon nous raconte sans détour sa mission ainsi que son baptême du feu avec la découverte pour lui du sens des mots « frères d’armes ». Il raconte son quotidien de soldat et fait partager son expérience opérationnelle vécue dans ce pays, mais aussi ses réflexions, ses doutes, ses souffrances et ses satisfactions. Une aventure humaine d’un père de famille, médecin portant l’uniforme. L’auteur : Étienne Philippon, ancien élève de l’École du Service de santé de Bordeaux (santé navale), est médecin militaire dans l’armée de terre. Les droits d’auteurs de ce livre seront reversés à l’association « Terre Fraternité ». ISBN : 978-2-7025-1642-3 – Format : 15,5x22 cm – Pages : 280 – Prix 26 � – Éditions Lavauzelle, BP 8 – 87350 Panazol – wwwlavauzelle.com 182 Médecine des forces Place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces M. Sahuta, S. Minaberryb, R. Michelc, d, A. Héraudeau Fritsche, P. Lafourcadef a CMA NG-XP Tours, Antenne médicale de Bricy, Base aérienne 123, BP 64229 – 45144 Saint-Jean-de-la-Ruelle Cedex. b DRSSA de Saint-Germain-en-Laye, Base des Loges, BP 40202 – 78102 Saint Germain-en-Laye. c Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, Camp de Sainte Marthe, BP 40026 – 13568 Marseille Cedex 02. d École du Val-de-Grâce, 1, place Alphonse Laveran – 75230 Paris Cedex 05. e Antenne médicale de Mérignac, Base aérienne 106, CS 70037 – 33693 Mérignac Cedex. f Centre médical des armées de Pau-Bayonne-Tarbes, Camp Aspirant Zirnheld, BP 1139 – 64011 Pau Cedex. Résumé La médecine manuelle-ostéopathie connaît un essor important en France. Nous avons réalisé une étude épidémiologique transversale et exhaustive auprès des 844 médecins praticiens des forces du Service de santé des armées en activité en 2014. L’objectif principal était d’évaluer leurs connaissances, attitudes et pratiques dans ce domaine. Le taux de participation était de 46 %. La majorité des médecins des forces déclarait avoir une connaissance moyenne voire insuffisante en médecine manuelle-ostéopathie. Toutefois, 86 % des médecins souhaitaient améliorer leurs connaissances. Ils soulignaient l’intérêt de la médecine manuelle-ostéopathie en milieu militaire et des spécificités propices à sa pratique (activités à contraintes musculaires importantes, engagement opérationnel, pathologie du sport). La pratique de la médecine manuelle-ostéopathie modifiait significativement la prise en charge ostéopathique des patients (orientation et traitement) et était associée à la détention d’un diplôme de médecine manuelle-ostéopathie, de médecine du sport ou de mésothérapie. Les pathologies rachidiennes, de hanche, de cheville et de pied et les contractures musculaires étaient les plus fréquemment traitées. Les techniques musculaires (étirement myotensif et techniques d’inhibition) et articulaires étaient les plus souvent employées. L’exercice de la médecine manuelle-ostéopathie parmi les médecins des forces restait encore confidentiel mais son développement au sein du milieu militaire semble intéressant. Mots-clés : Manipulation ostéopathique. Médecine manuelle-ostéopathie. Pratique médico-militaire. Thérapies manuelles. Abstract OSTEOPATHIC MANIPULATIVE MEDECINE AND MILITARY MEDECINE. Osteopathic manipulative medicine (OMM) has recently known a rapid expansion in France. We carried out an exhaustive cross sectional study on 844 military general practitioners operating in the French Military Health Service in 2014. The primary objective of our study was to assess their knowledge, attitude and practices in this domain. The participation rate was 46%. The majority of the military general practitioners declared having average to inadequate knowledge of OMM, and 86% of them wanted to improve their knowledge. They valued the medical use of OMM in their military practice and its specificities (activities with important muscle stress, operational constraints, sports pathology). Practicing OMM significantly altered the osteopathic orientation and the treatment of the patients and was implemented with a diploma in OMM, sports medicine and mesotherapy. Spinal, hip, ankle and foot pathologies, and muscle contractures were most frequently treated. Muscle techniques (“muscle energy techniques” and sustained pressure) and joint techniques were most often used. The practice OMM in the French Army remains underdeveloped but its essential future development in the military seems interesting. Keywords: Osteopathic manipulation. Osteopathic medicine. Military medical practice. Musculoskeletal manipulations. Introduction La main a de tout temps été considérée comme un instrument thérapeutique (1-3). Parmi les thérapies M. SAHUT, médecin. S. MINABERRY, médecin en chef. R. MICHEL, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. A. HÉRAUDEAU FRIRSCH, médecin principal. P. LAFOURCADE, médecin en chef, praticien confirmé. Correspondance : Monsieur le médecin M. SAHUT, CMA NG-XP Tours, Antenne médicale de Bricy, Base aérienne 123, BP 64229 – 45144 Saint-Jean-de-la-Ruelle Cedex. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 183-192 manuelles, une discipline, la Médecine manuelleostéopathie (MMO), connaît un développement considérable en France depuis une dizaine d’années. Dans le cadre du modèle « SSA 2020 » (4), le Service de santé des armées (SSA) réaffirme sa mission première en se concentrant sur le soutien santé des forces avant, pendant et après les engagements opérationnels. Cette mission s’étend de la préparation opérationnelle médicale du combattant jusqu’à la reprise de service du personnel blessé ou malade, et au-delà, 183 sa réinsertion professionnelle et sociale. En 2009, une conférence de consensus du SSA (5) soulevait les besoins de prévention des lombalgies et des risques liés à la préparation physique chez les militaires d’active. Dans cette optique, le développement d’un parcours professionnel dédié à la MMO et à la médecine du sport est envisagé. La promotion de la démarche préventive dans le cadre des activités physiques et sportives est également régulièrement mise en avant. La MMO reste cependant un domaine peu étudié, notamment dans le milieu militaire, à la différence des pays étrangers (principalement anglophones), où cette pratique semble être mise en avant (6, 7). En 2014, Héraudeau Fritsch, et al. soulignaient le développement croissant de l’offre de soins en MMO au sein des armées françaises (8). Le besoin en médecine manuelle se fait également ressentir au sein des antennes médicales, comme le précisent Haus-Cheymol, et al. dans une étude sur l’évolution de l’offre de soins en Centres médicaux des armées (CMA) (9) et Bertrand, et al. dans une étude sur les patients suivis à l’antenne médicale de SaintDizier-Chaumont (10). La MMO semble donc réellement s’inscrire dans le parcours de soins du militaire. Il n’existe toutefois aucune étude décrivant les caractéristiques des médecins praticiens des forces dans ce domaine. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les connaissances, attitudes et pratiques des médecins praticiens des forces dans le domaine de la MMO. Les objectifs secondaires étaient de rechercher l’existence de facteurs associés à la pratique de la MMO et d’évaluer les besoins ressentis d’une telle thérapeutique dans les armées. Définitions La MMO appartient à la famille des thérapies manuelles, elles-mêmes intégrées au sein des médecines alternatives et complémentaires (11). Ce terme, retenu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), regroupe « des approches, des pratiques, des produits de santé et médicaux, qui ne sont pas habituellement considérés comme faisant partie de la médecine conventionnelle ». L’arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie (12) encadre la formation des praticiens et leur pratique en France. Selon cet arrêté, la MMO se définit comme suit : « l’ostéopathe, dans une approche systémique, après diagnostic ostéopathique, effectue des mobilisations et des manipulations pour la prise en charge des dysfonctions ostéopathiques du corps humain. La dysfonction ostéopathique est une altération de la mobilité, de la viscoélasticité ou de la texture des composantes du système somatique, et s’accompagne ou non d’une sensibilité douloureuse. Les manipulations et mobilisations ont pour but de prévenir ou de remédier aux dysfonctions en vue de maintenir ou d’améliorer l’état de santé des personnes, à l’exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agent physique. » Différentes techniques ostéopathiques peuvent être utilisées (13, 14), les plus connues étant celles consacrées 184 aux tissus mous (techniques musculaires, traitement des fascias, massages transversaux profonds, manœuvres de décollement des plans cutanés profonds, techniques viscérales) et celles consacrées aux articulations (techniques myotensives, mobilisations articulaires du traitement ostéopathique général, techniques structurelles avec ou sans « thrust » (manipulation avec impulsion rapide)). Les indications de l’ostéopathie sont variables selon les écoles (15, 16), mais toutes s’accordent à inclure les pathologies ostéo-articulaires du rachis et des membres, parmi lesquelles les lombalgies aiguës ou chroniques, les dorsalgies et cervicalgies (torticolis, « coup du lapin », « dérangement intervertébral mineur »…), les entorses (cheville, genou, poignet…), les tendinopathies (tenniselbow, golf-elbow, périarthrite…), la traumatologie du sport, certaines perturbations de l’articulé dentaire. Les contre-indications sont variées (17-19). Elles concernent essentiellement les manipulations en cas de pathologie osseuse sous-jacente (pathologie néoplasique, infectieuse ou inflammatoire, traumatisme non exploré avec risque de fracture ou d’entorse grave), de trouble neurologique évolutif et de trouble vasculaire évolutif dont la dissection artérielle. La MMO présente également des effets indésirables. Les plus fréquents sont bénins et caractérisés par une exacerbation de la douleur, une sensation de raideur ou de restriction d’amplitude. Des complications plus sévères, parfois mortelles, sont décrites, liées à des manipulations vertébrales. Il s’agit de lésions ostéo-articulaires (hernies discales, fractures, luxations, entorses), nerveuses (médullaires ou radiculaires) et vasculaires (accidents vasculaires cérébraux, dissection de l’artère vertébrale). Il existe toutefois trop peu d’études évaluant la sécurité des manipulations ostéopathiques pour apprécier l’incidence de ces accidents (20). Ces définitions permettent de mieux comprendre le cadre de notre étude et laissent à penser que la pratique de la MMO est adaptée en cas de pathologies musculosquelettiques ou de lombalgies chez les militaires (mise en condition opérationnelle et remise en condition au retour de mission). Matériel et méthode Nous avons réalisé une étude épidémiologique analytique, transversale et exhaustive sur l’ensemble des médecins praticiens des forces, de métropole et d’outre-mer, en activité en 2014, soit 844 médecins (522 hommes et 322 femmes). L’étude a été autorisée par le chef du bureau « Médecine d’armée » de la Direction centrale du Service de santé des armées (DCSSA). Le recueil des informations s’est fait à l’aide d’un autoquestionnaire. Les critères d’exclusion étaient le refus de participation à l’étude, le non-renvoi du questionnaire d’enquête ou un questionnaire insuffisamment rempli (moins de 80 % de réponses au questionnaire). Le questionnaire a été envoyé sur la messagerie professionnelle à l’ensemble des 844 médecins praticiens des forces. Les médecins devaient le renseigner et le retourner par voie informatique ou postale. Quelques m. sahut précisions de réponse ont pu être demandées par échange de courriel. Le questionnaire (Annexe 1) était divisé en deux parties : une première avec des questions générales sur la MMO, concernant tous les médecins des forces ; une seconde avec des questions spécifiques sur la pratique de la MMO, concernant uniquement les médecins la pratiquant. Les données ont été recueillies du 1er mars au 30 septembre 2014. Les analyses statistiques et la présentation des résultats ont été réalisées avec le logiciel Epi-Info® 3.5.4 (Centers for disease control & prevention, Atlanta, GA, USA, 2012) et avec le soutien méthodologique du Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA). Le nombre de sujets nécessaires à l’étude n’a pas été calculé a priori. Il a été décidé d’inclure l’ensemble des médecins des forces en activité en 2014. Le plan d’analyse a compris une analyse descriptive des variables qualitatives et quantitatives ainsi qu’une analyse bivariée des facteurs associés à la pratique de la MMO. La comparaison des variables qualitatives a été réalisée à l’aide du test du χ² lorsque les conditions d’utilisations étaient réunies et par le test exact de Fisher dans le cas contraire. La comparaison des variables quantitatives a été réalisée à l’aide de l’analyse de variance lorsque les conditions d’utilisations étaient réunies et par des tests non paramétriques dans le cas contraire (test de Wilcoxon ou test de Kruskall-Walis). Résultats Sur les 844 questionnaires envoyés, 393 ont été retournés (46,6 %). Deux d’entre eux, insuffisamment renseignés, ont été exclus de l’analyse. Au final, 391 questionnaires ont été analysés. L’échantillon étudié était composé majoritairement d’hommes (sex-ratio H/F de 1,2), d’âge moyen de 37 ans (Écart Type = 8,2 ans ; les hommes étant en moyenne plus âgés que les femmes) et pratiquant en moyenne 3 h 30 de sport par semaine (ET = 2,6 h). Dix pourcents (39/391) des médecins avaient un diplôme de MMO (ceux en cours de formation inclus). Près de la moitié des médecins (171/391) avait au moins un diplôme de médecine du sport (dont 56 % une capacité et 46 % un DIU). Sur l’ensemble, 10,7 % (42/391) pratiquaient ou avaient déjà pratiqué la MMO. Cette population était composée majoritairement d’hommes (sex-ratio H/F de 1,6), d’âge moyen de 40 ans (ET = 8,5 ans, les hommes étant en moyenne plus âgés que les femmes), et pratiquait la MMO depuis 4 ans en moyenne (ET = 4,3 ans). Parmi les 34 médecins pratiquant la MMO au moment de l’enquête, 50 % la pratiquaient au moins une fois par semaine et 10 % avaient des créneaux de consultation dédiés à la MMO. L’âge était associé à la pratique de la MMO : les médecins pratiquant la MMO étaient en moyenne significativement plus âgés que ceux ne la pratiquant pas (40,2 vs. 36,6 ans ; p = 0,01). En revanche, nous n’avons pas mis en évidence d’association significative entre le genre et la pratique de la MMO (62 % d’homme chez les pratiquants vs. 54 % chez les non-pratiquants ; p = 0,34). place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces Nous n’avons pas mis en évidence d’association significative entre le nombre d’heures de sport et la pratique de la MMO (3,3 h de sport chez les pratiquants vs 3,7 h chez les non pratiquants ; p = 0,33). Les médecins pratiquant la MMO étaient significativement plus fréquemment détenteur d’un diplôme de MMO (p < 10-4), de médecine du sport (p < 10-3) ou de mésothérapie (p = 0,04). Les médecins des forces déclaraient avoir des connaissances moyennes voire insuffisantes en MMO (tab. I), ceux qui la pratiquaient déclarant toutefois de meilleures connaissances dans ce domaine (p < 10-4). Près de 87 % des médecins (337/389) souhaitaient néanmoins améliorer leurs connaissances. Pour 89 % des médecins, la MMO avait un intérêt important dans la pratique quotidienne en métropole. Pour 77 % des médecins, cette pratique avait un intérêt important en opérations extérieures (OPEX). Ces résultats correspondent au nombre de médecin ayant répondu « beaucoup » ou « assez » à la question 9 du questionnaire. Quatre-vingt-deux pourcents des médecins des forces (317/388) orientaient leurs patients vers des kinésithérapeutes ostéopathes, 72 % (282/390) vers des médecins ostéopathes et 52 % (200/387) vers des kinésithérapeutes non-ostéopathes. Le fait de pratiquer la MMO modifiait significativement la prise en charge ostéopathique des patients en termes d’orientation et de thérapeutique. D’une part, les pratiquants orientaient significativement plus vers des médecins ostéopathes (p < 10-3) et les non-pratiquants plus vers des kinésithérapeutes ostéopathes (p = 0,04). D’autre part, les pratiquants proposaient plus fréquemment la MMO de façon exclusive (p < 10-4) et également en 1re intention (p < 10-4). Tableau I. Connaissances déclarées en MMO. Connaissances déclarées en MMO (répondants) Effectif Proportion (%) IC 95 % Indications (389) très bon bon moyen insuffisant 13 125 166 85 3,3 32,1 42,7 21,9 [1,9 ; 5,8] [27,6 ; 37,1] [37,7 ; 47,8] [17,9 ; 26,4] Contreindications (389) très bon bon moyen insuffisant 18 115 153 103 4,6 29,6 39,3 26,5 [2,8 ; 7,3] [25,1 ; 34,4] [34,5 ; 44,4] [22,2 ; 31,2] Méthodes/ Techniques (388) très bon bon moyen insuffisant 4 40 147 197 1,0 10,3 37,9 50,8 [0,3 ; 2,8] [7,6 ; 13,9] [33,1 ; 42,9] [45,7 ; 55,8] Études publiées (388) très bon bon moyen insuffisant 2 17 74 295 0,5 4,4 19,1 76,0 [0,1 ; 2,1] [2,7 ; 7,1] [15,4 ; 23,4] [71,4 ; 80,1] Législation (389) très bon bon moyen insuffisant 6 31 94 258 1,5 8,0 24,2 66,3 [0,6 ; 3,5] [5,6 ; 11,2] [20,1 ; 28,8] [61,4 ; 71,0] 185 Sur le plan de la pratique, notre étude montrait que les pathologies rachidiennes, de hanche, de cheville et de pied d’une part et les contractures musculaires d’autre part étaient les plus fréquemment traitées par la MMO. Les techniques les plus largement utilisées étaient les techniques musculaires (étirement myotensif et inhibition par pression maintenue) et articulaires. Les tableaux II et III détaillent la pratique des médecinsostéopathes militaires exerçant dans les forces. Tableau II. Indications de la MMO. Indications (répondants) Effectif Proportion (%) IC 95 % Curatif (34) Préventif (32) 34 6 100,0 18,8 [100,0 ; 100,0] [7,2 ; 36,4] Pathologie articulaire (34) Rachis lombaire (33) Rachis thoracique (34) Hanche (34) Cheville/pied (34) Rachis cervical (34) Épaule (34) Genou (34) Poignet/main (34) Coude (34) 34 32 30 30 26 25 24 24 20 19 100,0 97,0 88,2 88,2 76,5 73,5 70,6 70,6 58,8 55,9 [100,0 ; 100,0] [84,2 ; 99,9] [72,5 ; 96,7] [72,5 ; 96,7] [58,8 ; 89,3] [55,6 ; 87,1] [52,5 ; 84,9] [52,5 ; 84,9] [40,7 ; 75,4] [37,9 ; 72,8] Pathologie musculaire (34) contracture (24) élongation (24) déchirure (24) 24 23 4 2 70,6 95,8 16,7 8,3 [52,5 ; 84,9] [78,9 ; 99,9] [4,7 ; 37,4] [1,0 ; 27,0] Pathologie tendineuse (34) post-traumatique (12) inflammatoire (12) 13 9 8 38,2 75,0 66,7 [22,2 ; 56,4] [42,8 ; 94,5] [34,9 ; 90,1] Pathologie douloureuse (34) 31 91,2 [76,3 ; 98,1] Restriction de mobilité (34) 32 94,1 [80,3 ; 99,3] Pathologie digestive (34) 2 5,9 [0,7 ; 19,7] Pathologie gynécologique (34) 0 0,0 [0,0 ; 0,0] Pathologie pédiatrique (34) 0 0,0 [0,0 ; 0,0] Type de traitement Discussion À notre connaissance, il s’agissait de la première étude épidémiologique décrivant les connaissances, attitudes et pratiques des médecins des forces dans le domaine de la MMO. Notre étude présentait certaines limites. Nous avons tenté de contrôler le biais de sélection en réalisant une étude exhaustive. Toutefois, 46 % des médecins ont répondu au questionnaire : ce taux de réponse limite la puissance de notre étude et peut être à l’origine d’un biais de sélection. Le risque de biais d’information reste minime devant la standardisation du questionnaire envoyé à tous les participants. Certains médecins n’ont cependant rempli que partiellement le questionnaire. Un mail a été envoyé à ces médecins, afin de leur faire 186 Tableau III. Techniques utilisées. Techniques utilisées (répondants) Effectif Proportion (%) IC 95 % Techniques neuro-musculaires (34) étirement myotensif (33) technique d’inhibition par pression maintenue (33) myofascial trigger point (33) corrections par positionnement (33) palpé-roulé (33) travail des tendons type MTP (33) crochetage myo-fascial (33) techniques cutanées ou réflexothérapie (33) fasciathérapie (33) techniques tissu conjonctif (33) 33 32 97,1 97,0 [84,7 ; 99,9] [84,2 ; 99,9] 27 21 19 18 11 8 81,8 63,6 57,6 54,5 33,3 24,2 [64,5 ; 93,0] [45,1 ; 79,6] [39,2 ; 74,5] [36,4 ; 71,9] [18,0 ; 51,8] [11,1 ; 42,3] 6 6 1 18,2 18,2 3,0 [7,0 ; 35,5] [7,0 ; 35,5] [0,1 ; 15,8] Techniques articulaires (34) mobilisations (type TGO) (30) techniques structurelles sans thrust (LVHA) (30) techniques structurelles avec thrust (HVLA) (30) 30 29 88,2 96,7 [72,5 ; 96,7] [82,8 ; 99,9] 22 73,3 [54,1 ; 87,7] 21 70,0 [50,6 ; 85,3] Techniques crânio-sacrées (34) 4 11,8 [3,3 ; 27,5] Techniques viscérales (34) 1 2,9 [0,1 ; 15,3] Ostéopathie tissulaire (34) 1 2,9 [0,1 ; 15,3] préciser leurs réponses ou apporter quelques explications. Ainsi, seulement deux questionnaires insuffisamment renseignés n’ont pas pu être exploités. Enfin, la prise en compte des éventuels biais de confusion n’a pas encore été réalisée et sera l’objet d’une analyse multivariée. Nos résultats concernant les connaissances des médecins des forces sont similaires à ceux d’une étude de Mingam (21), qui réalisa en 2010 une enquête de pratique dans le domaine de la MMO chez des médecins généralistes et internes de médecine générale en France. Selon cette étude, 52 % des médecins généralistes déclaraient n’avoir aucune ou peu de connaissances en matière d’indications et contre-indication, et 62 % d’entre eux souhaitaient améliorer leurs connaissances en termes de MMO. Le fait de pratiquer la MMO modifiait la prise en charge ostéopathique des patients, en termes d’orientation et de thérapeutique. Comme dans notre étude, Mingam soulignait que plus de 80 % des médecins généralistes adressaient des patients à des médecins ostéopathes. Ces résultats sont toutefois à nuancer, l’orientation des patients vers différents praticiens étant également influencée par la ressource en ostéopathes autour du lieu d’exercice. Concernant les pathologies traitées et les techniques utilisées, aucune enquête de pratique similaire n’a été retrouvée dans la littérature française. Nos résultats sont à rapprocher de ceux des enquêtes anglaises « The Snapshot Survey » (22). Selon ces enquêtes, les pathologies rachidiennes représentent l’essentiel de la consultation, alors que les pathologies de hanche, de m. sahut cheville et de pied sont très peu représentées. En outre, l’étirement des tissus mous (78 %), les manipulations articulaires (75 %) et les techniques de thrust (47 %) constituent les principales techniques employées. Les commentaires libres des médecins des forces ont pu révéler certaines spécificités du milieu militaire propices à la pratique de la MMO. D’une part, il était mentionné que certaines activités militaires entraînent des contraintes musculaires importantes, souvent majorées en contexte opérationnel. Nous pouvons citer par exemple les contraintes musculaires du pilote de chasse lors de diverses accélérations, du parachutiste lors de la réception d’un saut et de l’Entrainement physique militaire et sportif (EPMS) de tout militaire. Les personnels navigants et leur besoin de MMO ont été principalement étudiés dans les armées françaises. Par exemple, une enquête multicentrique menée en 2006 dans les Centres d’expertise médicale du personnel navigant (CEMPN) de Bordeaux et Toulon révèle qu’un tiers des navigants, plus particulièrement les pilotes de chasse, consultait un ostéopathe (23, 24). De même, dans un mémoire de juin 2013 (25) un kinésithérapeute du SSA souligne l’intérêt de la MMO dans le traitement des dysfonctions ostéopathiques du rachis cervical supérieur chez les pilotes de chasse embarqués de l’aéronavale. D’autre part, certaines activités militaires nécessitent une vigilance accrue. Nous pouvons citer par exemple la conduite de véhicules terrestres ou aériens, le parachutisme, le tir, le travail de nuit et le travail posté. En raison de leurs effets indésirables sur la vigilance, de nombreux médicaments, comme les antalgiques contenant de la codéine et les myorelaxants, sont incompatibles voire contre indiqués avec le maintien de ces activités (26). Le recours à la MMO représente une alternative à ce type de traitement médicamenteux, en préservant les capacités opérationnelles des personnels, sans les contraintes de leurs effets secondaires. Ceci reste toutefois à modérer. Malgré l’absence d’étude retrouvée évaluant l’impact de la MMO sur la vigilance, il est souvent décrit une certaine fatigue suite à une séance d’ostéopathie. Ainsi, il est habituellement conseillé un arrêt des activités physiques ou nécessitant une vigilance accrue jusqu’à 72 h après une séance de MMO. Enfin, la médecine du sport représente un domaine important de la pratique des médecins des forces. Les accidents du sport représentent 26 % des hospitalisations au CMA de Calvi d’après l’étude de Castello et al. (27). Notre étude a souligné le lien fort existant entre la MMO et la médecine du sport. Elle a montré l’association significative entre la pratique de MMO et la détention d’un diplôme de MMO, de médecine du sport ou de mésothérapie. Ce résultat pourrait laisser supposer une certaine complémentarité de ces différents champs place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces médicaux, ainsi qu’un potentiel intérêt pour la prise en charge des patients. Malgré les avantages décrits, des difficultés de mise en pratique ont été soulevées par les médecins des forces, à savoir le manque de temps pour se former et pratiquer, ainsi que le manque de matériel adapté. La MMO semble trouver une place intéressante dans la pratique médico-militaire, tant en métropole qu’en opération extérieure. Ceci se confirme par le développement d’une offre de soin en thérapie manuelle et ostéopathie depuis quelques années au sein de différents centres médicaux des armées mais également au cours de nombreuses OPEX (8). Parmi les armées étrangères, les États-Unis d’Amérique semblent les plus avancés dans ce domaine. Leurs armées disposent de « physical therapists » (PTs) militaires, physiothérapeutes pouvant être formés aux thérapies manuelles (28). Projetés en OPEX, ils jouent un rôle important dans la prévention, l’évaluation et le traitement de troubles musculo-squelettiques et apportent une alternative et une réponse efficace dans des situations d’algies posturales (29-34). Conclusion Cette étude souligne l’intérêt de la MMO dans ce contexte de réorganisation du SSA, de construction d’un parcours de soins au profit de l’ensemble de la communauté de défense et de création de parcours professionnels. Première étude à détailler la pratique de médecins ostéopathes militaires en France, elle révèle un exercice assez confidentiel de la MMO dans les armées françaises. Cette thérapie manuelle pourrait s’intégrer dans une prise en charge globale complexe du patient, autant curative que préventive, avec un objectif de maintien de la capacité opérationnelle. Le lien étroit existant entre la MMO et la médecine du sport est également souligné. Une importante majorité des médecins praticiens des forces souhaitent améliorer leurs connaissances en MMO afin de pallier au manque de connaissance ressenti. Nous espérons que ce travail contribuera à dispenser une meilleure formation en MMO aux médecins praticiens des forces et incitera à la réalisation de projets de recherche, nécessaires au développement de cette pratique. Les auteurs ne déclarent pas de conflits d’intérêts concernant les données présentées dans cet article. Les positions exprimées dans cet article ne sont que les points de vue des auteurs et ne doivent pas être considérées comme le point de vue officiel du Service de santé des armées français. 187 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Abehsera A, Delaunois P, Fossum C, Marcer N. Histoire, philosophie et principes scientifiques de l’ostéopathie. In : Liem T, Dobler TK (eds.). Guide d’ostéopathie – Techniques pariétales. Paris : Maloine ; 2004. 2-72. 2.Le Corre F, Toffaloni S. L’ostéopathie. 3e édition. Paris : PUF ; 2007. 3.Auquier O. Ostéopathie – Principes et applications ostéoarticulaires. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2007. 4.P rojet de service SSA 2020. N° 515696/DEF/DCSSA/PS du 25 novembre 2013 [en ligne]. Disponible sur : http://www. defense.gouv.fr/sante/dossiers/projet-du-service-de-sante-desarmees-ssa-2020. Consulté le 22 avril 2014. 5.Touze JE. Conférence de consensus. Besoins prévention du militaire d’active. Médecine et Armées. 2010 ; 38 (3) : 195-202. 6.Goff BJ, Nelson AD, Deighton MG, Fredricks TR. Pain Management and Osteopathic Manipulative Medicine in the Army : New Opportunities for the Osteopathic Medical Profession. The journal of the American Osteopathic Association. 2011 ; 111 (5) : 331-4. 7.Cruser dA, Maurer D, Hensel K, Brown SK, White K, Stoll ST. A randomized, controlled trial of osteopathic manipulative treatment for acute low back pain in active duty military personnel. The Journal of Manual and Manipulative Therapy. 2012 ; 20 (1) : 5-15. 8.Heraudeau-Fritsch A, Lagadec T, Vion M, Bertran PE. L’ostéopathie dans les armées, où en est-on ? Médecine et Armées. 2014;42(3):227-36 9.Haus-Cheymol R, Boyavalle S, Verret C, et al. Évolution de l’offre de soin en centres médicaux des armées : confrontation entre la vision de la patientèle et celle du personnel soignant. Médecine et Armées. 2016 ; 44 (4) : 355-64. 10.Bertrand L, Chauvel M, Fournier M, Gros L. Besoins en offre de soin des patients du site principal du Centre médical des armées de St Dizier-Chaumont en 2014. Médecine et Armées. 2016 ; 44 (4) : 365-72. 11.F agon JY, Viens-Bitker C. Médecines complémentaires de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris [document électronique]. Rapport. 2012. Disponible sur : http://www.aphp.fr/wp-content/blogs. dir/11/files/2012/07/Rapport_Med_Compl_AP-HP-05-20122.pdf. Consulté le 8 septembre 2014. 12.Arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie (JORF n° 0289 du 14 décembre 2014) [document électronique]. Bulletin Officiel Santé – Protection sociale – Solidarité, 2014, n° 14/11, 214-321. Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr/ fichiers/bo/2014/14-11/ste_20140011_0000_p000.pdf. Consulté le 8 janvier 2014. 13.Fossum C. Histoire et évolution des techniques ostéopathiques – 2e partie. ApoStill. 2006 ;17. 14.Le Corre F, Toffaloni S. L’ostéopathie. 3e édition. Paris : PUF ; 2007. 15.Syndicat Français Des Ostéopathes. Consultation en ostéopathie – Quand consulter un ostéopathe exclusif ? [en ligne]. Disponible sur : http://www.osteopathe-syndicat.fr/component/ rsifaq/?view=category&id=1. Consulté le 5 septembre 2014. 16.Registre des Ostéopathes de France. Champs d’application de l’ostéopathie. [en ligne]. Disponible sur : http://www.osteopathie. org/contre-indications.html. Consulté le 5 septembre 2014. 17.Delaunois P, Dobler T, Fossum C. Principes diagnostiques et thérapeutiques. In : Liem T, Dobler TK. Guide d’ostéopathie – Techniques pariétales. Paris : Maloine ; 2004. 105-11. 18.Le Corre F, Rageot E. Atlas pratique de médecine manuelle ostéopathique. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2010. 19.Ludes B. Rapport de mission « ostéopathie, chiropraxie » [document électronique]. 2007. Disponible sur : http://www.osteopathie.org/ documents.php?url=116.pdf. Consulté le 16 décembre 2014. 188 20.Carnes D, Mars T, Mullinger B, Froud R, Underwood M. Adverse events and manual therapy : a systematic review. Manual Therapy. 2010 ; 15 (4) : 355-63. 21.Mingam S. La médecine manuelle-ostéopathie en France : enquête sur les opinions, les pratiques, les connaissances et les interactions entre les différents intervenants. [Thèse d’exercice dirigée par le docteur Cornelis P., Médecine]. Paris : Université Paris Descartes ; 2010. Disponible sur : http://www2.biusante.parisdescartes.fr/theses/ theses_rech.htm. Consulté le 17 décembre 2014. 22.General Osteopathic Council. 2001 Snapshot Survey Results [document électronique]. 2001. Disponible sur : http://www. osteopathy.org.uk/news-and-resources/document-library/researchand-surveys/snapshot-survey-2001-results-dec-2001/. Consulté le 4 février 2015. 23.Heraudeau Fritsch A, Bertran PE, Monteil M. Pathologies articulaires en aéronautique : état des lieux en 2006. Médecine aéronautique et spatiale. 2007 ; 48 (180). 24.Heraudeau Fritsch A. Intérêt de la médecine manuelle et de l’ostéopathie chez le pilote de chasse. Mémoire DIU de médecine manuelle orthopédique et ostéopathie. Bordeaux : Université Victor Segalen Bordeaux 2 ; 2008. Courrier électronique du 10 mars 2015. Communication personnelle. 25.A mour N, Mailleuchet P, Huiban N, Monteil M. Approche ostéopathique des catapultages et des appontages sur le rachis cervical des pilotes de l’aéronavale. Médecine aéronautique et spatiale. 2014 ; 55 (207). 26.Les médicaments à l’origine de troubles nerveux. Les médicaments à l’origine de baisse de la vigilance [en ligne]. Disponible sur http:// eurekasante.vidal.fr/sport/sport-medicaments/medicaments-genantsport.html?pb=troubles-nerveux. Consulté le 6 novembre 2016. 27.Castello R, Samy J, Chinellato M, Aigle L. Douze ans d’admission en hospitalisation au Centre médical des Armées de Calvi : étude rétrospective sur 2512 patients. Médecine et Armées. 2016 ; 44 (4) : 373-82. 28.Role of a Physical Therapist [en ligne]. Disponible sur http://www. apta.org/PTCareers/RoleofaPT/. Consulté le 12 novembre 2016. 29.UK BEAM Trial Team. United Kingdom back pain exercise and manipulation (UK BEAM) randomised trial : cost effectiveness of physical treatments for back pain in primary care. British Médical Journal. 2004 ; 329 (7479) : 1381-6. 30.Kuczynski J, Schwieterman B, Columber K, Knupp D, Shaub L, Cook CE. Systematic review effectiveness of physical therapist administered spinal manipulation for the treatment of low back pain : a systematic review of the litterature. The International Journal of Sports Physical Therapy. 2012 ; 7 (6) : 647-62. 31.Goff BJ, Nelson AD, Deighton MG, Fredricks TR. Pain Management and Osteopathic Manipulative Medicine in the Army : New Opportunities for the Osteopathic Medical Profession. The Journal of the American Osteopathic Association. 2011 ; 111 (5) : 331-4. 32.Cruser dA, Maurer D, Hensel K, Brown SK, White K, Stoll ST. A randomized, controlled trial of osteopathic manipulative treatment for acute low back pain in active duty military personnel. The Journal of Manual and Manipulative Therapy. 2012 ; 20 (1) : 5-15. 33.Rhon DI, Gill N, Teyhen D, Scherer M, Goffar S. Clinician Perception of the Impact of Deployed Physical Therapists as Physician Extenders in a Combat Environment. Military Medicine. 2010 ; 175 : 305-12. 34.Rhon DI. A Physical Therapist Experience, Observation, and Practise With an Infantry Brigade Combat Team in Support of Operation Iraqi Freedom. Military Medicine. 2010 ; 175 : 442-7. m. sahut Annexe I. 1. Questionnaire. place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces 189 190 m. sahut place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces 191 192 m. sahut Médecine des forces Aéromédévac tactiques de patients graves – Comment optimiser la formation ? H. Mabita, L. Vitiellob, M. Chauferc, I. Tollud, E. Dulaurenta, L. Raynaude, S. Costef a Centre médical des armées Bordeaux-Mérignac, Antenne de Mont-de-Marsan, 1061, avenue du Colonel Rozanoff – 40118 Mont-de-Marsan. b Commandement des Forces aériennes, BA 106, avenue de l’Argonne, CS 70037 – 33693 Mérignac Cedex. c Centre médical des armées de Nancy-Ochey, CS 40334 – 54201 Toul Cedex. d Antenne médicale de Cognac – 16109 Cognac Air. e Département d’anesthésie réanimation, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé Cedex. f Centre de formation de médecine aéronautique de l’EVDG, HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex. Résumé Pour assurer le soutien médical des opérations militaires extérieures, le Service de santé des armées déploie une chaîne de prise en charge médicale complète du terrain, où le combattant est blessé, jusqu’à son rapatriement dans les hôpitaux militaires en France. Au sein de l’opération « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne, deux équipes médicales sont en charge des évacuations aériennes tactiques ou « intra-théâtre » sur avion Casa, permettant le transport médicalisé de patient de gravité variable des Role 1 (médicaux) vers les Role 2 (chirurgicaux) et/ou vers les plateformes aériennes permettant les évacuations aériennes stratégiques ou « extra-théâtre » vers la France. Constituées systématiquement d’un médecin aéronautique, d’un infirmier convoyeur de l’air et d’un infirmier de soins généraux, ces équipes sont formées par un stage spécifique de préparation opérationnelle avant projection depuis début 2015. Les piliers de la formation sont la simulation et la proximité des forces, permettant de s’entraîner en vol. Cet article présente l’intérêt de cette « formation aux aeroMedevac tactiques » dans la préparation de ces équipes, ainsi que les évolutions récentes et à venir, tant sur le plan pratique qu’organisationnel. Mots-clés : AeroMedevac tactique. Entraînement en vol. Simulation. Abstract TACTICAL AEROMEDEVAC FOR SEVERE PATIENTS: HOW TO IMPROVE THE SPECIFIC MEDICAL TRAINING. To provide medical support during military operations, the French Military Health Service deploys a complete chain of operations from the sites where the soldiers are injured, down to their transport and care in French Military Hospitals. As part of operation “BARKHANE” in the Sahel-Sahara strip, two medical teams were in charge of the tactical medical air evacuations on aircraft CASA, of Role 1 (medical) and Role 2 (surgical) moderate to severe patients. They were also in charge of platforms to ensure their strategic air evacuation (“extra-theatre”) to France. The medical teams always consist of a flight surgeon, a flight nurse and a nurse; since 2015, they receive specific training to prepare them for these operations. Their training includes medical simulation and flight instruction made possible by the proximity of the Armed Forces. This article presents the advantages of the ‘tactical aeromedevac training’ for the preparation of those teams, as well as its practical and organizational developments both recent and future. Keywords: Tactical aeroMedevac. Simulation. Flight training. Introduction Depuis le début de l’opération « Serval » en janvier 2013, visant à repousser les djihadistes du H. MABIT, médecin principal praticien. L. VITIELLO, médecin en chef, praticien confirmé. M. CHAUFER, médecin en chef, praticien confirmé. I. TOLLU, médecin en chef, praticien. E. DULAURENT, médecin en chef, praticien. L. RAYNAUD, médecin en chef, praticien certifié. S. COSTE, médecin en chef, praticien confirmé. Correspondance : Madame le médecin principal H. MABIT, Centre médical des armées Bordeaux-Mérignac, Antenne de Mont-de-Marsan, 1061, avenue du Colonel Rozanoff – 40118 Mont-de-Marsan. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 44, 2, 193-198 Mali, des équipes médicales se relaient afin d’assurer les évacuations médicales tactiques sur la bande sahélosaharienne. Les élongations importantes sur ce territoire de près de 5 millions de km2, ont nécessité la mise en place de plusieurs moyens aériens, au Mali et au Tchad, afin d’assurer les évacuations médicales dites tactiques intra-théâtre de la zone de ramassage du blessé à l’avant, vers une structure médicale de premier niveau (Role 1) ou de cette structure vers un niveau supérieur : antenne chirurgicale ou Groupement médico-chirurgical (GMC) (1). 193 En complément des hélicoptères, des avions CASA CN-235 ont ainsi été mis en place afin d’effectuer les évacuations médicales primo-secondaires sur l’opération Barkhane. Le CASA CN-235 est un aéronef militaire de transport tactique à turbopropulseur, ayant l’avantage de pouvoir se poser sur de nombreux terrains sommaires, de résister aux contraintes thermiques et d’apporter de l’électricité pour les dispositifs médicaux électriques, ce qui en fait un aéronef particulièrement intéressant pour le territoire africain aux fortes élongations. En plus de l’équipage aéronautique de conduite (deux pilotes et un mécanicien navigant), une équipe médicale constituée d’1 Infirmier convoyeur de l’air (IcVAA), d’1 infirmier de soins généraux et d’1 médecin breveté en médecine aéronautique, peut être amenée à prendre en charge jusqu’à 8 blessés couchés, dont 2 intubés ventilés et peut être renforcée si besoin par du personnel médical du GMC (infirmier anesthésiste et/ou un autre médecin aguerri à l’urgence) (1). En effet, on constate que les patients transportés sont de gravité croissante, probablement du fait des progrès de la médicalisation et de la chirurgicalisation de l’avant. Pendant une mission de plusieurs heures du fait des fortes élongations sur le théâtre, l’équipe médicale travaille en situation isolée à bord avec un à huit patients. L’environnement de travail aéronautique demeure très contraignant (exiguïté, vibrations, bruit, hypobarie, hygrométrie, cinétose) et rend la mission encore plus difficile (2). Pour toutes ces raisons, en complément de la préparation individuelle notamment dans le domaine de l’urgence, une préparation des équipes, spécifique des aeroMedevac tactiques s’avère nécessaire avant leur départ en mission. Réalisé en lien avec la Brigade aérienne d’appui et de projection (BAAP) du Commandement des forces aériennes (CFA) de l’armée de l’Air, cette formation de l’École du Val-de-Grâce (EVDG) met en situation opérationnelle le personnel médical et paramédical en équipe constituée, lors d’exercices au sol et de vols d’instruction, ce qui leur permet de s’approprier l’avion de transport tactique CASA ainsi que le lot de convoyage médical CM30, et de s’acclimater aux contraintes aéronautiques en environnement tactique. Formation au contenu évolutif, elle s’adapte en permanence au retour d’expérience des équipes médicales. La formation « Aéromédévac tactique » Organisée sous l’égide de l’EVDG, cette formation entre dans le cadre de la mise en condition finale des équipes médicales. Adaptée au milieu aéronautique, elle est destinée au personnel en charge des évacuations aéromédicales en opération extérieure sur Avion de transport tactique (ATT) et particulièrement sur CASA CN-235 lors de l’opération « Barkhane » (3). La mission Casa Nurse ayant une durée de 3 à 4 mois, cette formation est organisée trois fois par an, avant la projection en mission des équipes concernées, constituées d’un médecin breveté en médecin aéronautique, d’un 194 infirmier en soins généraux et d’un infirmier convoyeur de l’air. La formation est répartie en trois temps : – une partie théorique, relative à la mission Casanurse, au contexte tactique de l’opération, à l’aéronef (sécurité et sauvetage), et au lot de CM 30 ; – des exercices statiques, au sol avec mise en œuvre et utilisation du matériel médical, au sein de la soute de l’aéronef en conformité avec les consignes de sécurité ; – des exercices dynamiques au sol puis au cours d’un vol d’instruction avec participation de plastrons grimés et utilisation de mannequins haute-fidélité (simulation médicale). Les objectifs de cette formation sont notamment (4) : – d’être capable d’installer la version Medevac de l’avion et de mettre en œuvre le lot CM30 ; – d’être capable de faire face à des situations de dégradation du patient à bord (apport de la simulation médicale) ; – de prendre en charge un patient intubé-ventilé (mise en condition, embarquement et installation à bord) ; – d’être capable de gérer le transport d’un afflux massif de blessés (plan de chargement, ordre d’embarquement, répartition du travail en vol) ; – d’améliorer la communication au sein de l’équipe médicale et avec l’équipage de conduite de l’aéronef (travail en équipe), il s’agit de développer les compétences non-techniques ; – d’acquérir une aisance suffisante pour travailler en soute en contexte militaire tactique. L’équipe d’encadrement est constituée d’un ou de deux médecins anesthésiste-réanimateurs référents en aeroMedevac, d’équipes médicales revenant de mission, au titre du retour d’expériences, de convoyeurs de l’air (CVA) et d’infirmier convoyeurs de l’armée de l’Air (ICvAA) provenant de l’Escadrille aérosanitaire (EAS), d’infirmiers du Centre d’enseignement et de simulation médicale opérationnelle (CESimMO) de l’École du Val-de-Grâce qualifiés dans le domaine de la simulation médicale, et enfin de médecin et infirmier du bureau du conseiller santé du CFA. Le projet pédagogique de cette formation a été validé par le Centre de formation en médecine aéronautique (CFMA) de l’École du Val-de-Grâce (3). L’objectif n’est pas de réaliser un enseignement de médecine d’urgence ou de réanimation, mais d’appliquer ces connaissances dans un environnement complexe et contraignant, d’appréhender les difficultés relatives au plan de chargement de la soute suivant les pathologies et les niveaux de gravité des blessés, à l’embarquement moteur tournant et au travail technique en soute. C’est l’acquisition du savoir-être. Elle constitue un complément aux formations à l’urgence proposées avant la projection du personnel santé. Cette préparation permet également aux équipes constituées d’apprendre à se connaître, de travailler ensemble, afin d’être immédiatement efficaces une fois arrivées sur le terrain en mission. Cet apprentissage du travail en équipe est également fondamental, tout comme la communication avec l’équipage de conduite h. mabit dans le cadre de la gestion d’un événement critique médical (Crew Ressource Management CRM). Présentation théorique Lors de deux demi-journées, les présentations théoriques abordent : – les généralités relatives aux aeroMedevac, les aéronefs, les relations avec le médecin en charge de la Patient Evacuation Coordination Cell (PECC) ; – la mission Casanurse au cours de l’opération « Barkhane », avec plusieurs retours d’expériences d’équipes descendantes (médecin, infirmier et convoyeur) ; – un retour d’expériences du médecin du PECC sortant de l’opération « Barkhane », qui régule et organise médicalement toutes les évacuations médicales sur un théâtre d’opération (5) ; – le matériel constitutif du lot CM 30 par du personnel de l’EAS de Villacoublay ; – les contraintes tactiques du théâtre, par la cellule opération de la 64e escadre de transport de la base aérienne d’Évreux ; – la sécurité et les mesures de sauvetage à bord de l’aéronef, lors des opérations d’embarquement et débarquement, mais également lors d’incidents en vol ou évacuations d’urgence, par un mécanicien navigant de la 64e escadre de transport. Formation statique au sol La formation devient ensuite davantage pratique, l’aéronef et le matériel sont présentés aux équipes médicales, au cours d’exercices et d’ateliers au sol. Le lot CM 30 présente quelques particularités par rapport au lot PM 14 (Poste Médical 2014) utilisé en Role 1 (6) : – le dispositif portable d’analyse biologique EPOC®, présenté par les CVA/ICvAA et qui permet de réaliser rapidement une gazométrie, un taux d’hémoglobine, et une analyse biochimique à bord de l’aéronef (fig. 1) ; – le respirateur de transport OXYLOG 3000+ ®, ainsi que tout le système d’oxygène aéronautique, Figure 1. Atelier de présentation de l’analyseur biologique EPOC®. © Bureau médecin conseiller du CFA. aéromédévac tactiques de patients graves – comment optimiser la formation ? qui font l’objet d’un atelier pratique dont le leader est un anesthésiste réanimateur référent en aeroMedevac (fig. 2) ; – les civières, et le système de sanglage sont également présentés aux équipes médicales par les CVA/ICvAA. Lors de la présentation de l’aéronef par le mécanicien navigant, les équipes médicales prennent connaissance des équipements de sécurité à bord, des contraintes physiques de la soute (étroitesse, stress thermique), de l’installation des brancards et du matériel ainsi que de la localisation des prises électriques. Tous ces ateliers visent à se familiariser avec l’environnement avant les exercices dynamiques. Figure 2. Atelier de présentation du respirateur OXYLOG 3000 + ®. © Bureau médecin conseiller du CFA. Formation dynamique, exercices de simulation au sol puis en vol La phase dynamique permet dans un premier temps de réaliser au sol deux exercices de simulation d’embarquement de patients en condition tactique. Le premier simule le transfert d’un patient relevant de soins de réanimation entre un Role 2 et le CASA pour la préparation de son rapatriement vers la France. Le second concerne un transfert de plusieurs blessés entre un hélicoptère de manœuvre médicalisé (aeroMedevac de l’avant) et le CASA CN-235, pour le vol vers le GMC (fig. 3, 4) (7, 8). Figure 3. Exercice d’embarquement d’un patient de réanimation (par la rampe arrière). © Bureau médecin conseiller du CFA. 195 Figure 6. Exercice de simulation en vol (mannequin haute-fidélité sur brancard). © Bureau médecin conseiller du CFA. Figure 4. Exercice de tri et d’embarquement avec simulation de bord à bord avec autre aéronef. © Bureau médecin conseiller du CFA. Un ou plusieurs vols d’instruction permettent ensuite de réaliser des exercices en simulations en vol, reproduisant des situations graves et/ou rares sur le plan médico-aéronautique, en utilisant des plastrons grimés (simulant des blessés légers) et des mannequins haute-fidélité (simulant des blessés relevant de soins de réanimation) (fig. 5, 6). Après une phase de déclenchement fictif, de préparation du matériel et du plan de chargement avec installation de la soute, le vol de jour ou de nuit permet de proposer une approche tactique au plus proche des conditions réelles, voire un embarquement rapide des blessés moteurs tournant. Durant la phase de vol, les équipes s’entraînent à réaliser des gestes médicaux pour faire face à la décompensation clinique des cas « joués » sur mannequins, permettant de se rendre compte de la difficulté d’effectuer des gestes du fait des vibrations, de la faible luminosité, du bruit, de l’ergonomie de la soute et des mouvements de l’aéronef. Lorsque toutes les conditions peuvent être réunies, un « bord à bord » avec un Falcon est organisé sur la plateforme de la BA 107 de Villacoublay, préparant ainsi au mieux les équipes différentes équipes à cette situation d’évacuation médicale stratégique de blessés ou malades graves vers la métropole (3, 9). Les équipes ont alors la possibilité de travailler en collaboration avec les équipes médicales de la base aérienne de Villacoublay (antenne médicale et escadrille aérosanitaire) sur le transfert de blessés graves avec le kit PLS (Patient Loading System) (fig. 7). Ce dispositif de chargement de patient permet de limiter toute dégradation pendant l’embarquement à bord du Falcon (3). Figure 7. Exercice de bord à bord entre un Casa et un Falcon. © F. Choizit/ Armée de l’air. Apport de la simulation Figure 5. Exercice de simulation en vol (plastron grimé sur brancard). © Bureau médecin conseiller du CFA. 196 La phase dynamique de la formation utilise la simulation avec des mannequins haute-fidélité du CESimMO (fig. 4). Le but est de démontrer à quel point les gestes techniques bien maîtrisés au sol, sont délicats h. mabit et compliqués en soute. On insiste ainsi sur la mise en condition médicale des blessés avant l’embarquement : intubation réalisée au sol si nécessaire, même problématique pour le drainage thoracique et la prise en compte de sa latéralité dans le plan de chargement, préparation de l’embarquement d’un blessé conditionné par un Role 2 (voies et drainages multiples). Tout geste médical en vol s’avérera plus compliqué (10). Elle permet de confronter les stagiaires à des situations cliniques graves et/ou rares en vol et au sol, afin de leur faire acquérir plus rapidement une expérience dans le domaine des aeroMedevac tactiques, que seul un grand nombre d’heures de vol aurait pu apporter en l’absence de simulation (11, 12). La dégradation progressive de l’état clinique d’un patient simulé par un mannequin « piloté » (du fait de l’évolution défavorable de la pathologie ou la conséquence d’un facteur aéronautique) permet de réaliser un entraînement sur des situations graves nécessitant la réalisation de gestes techniques en vol, des plus simples (voies veineuses, préparation d’injectables, réalisation d’une fast écho) aux plus complexes (intubation orotrachéale ou drainage thoracique). La spécificité de l’évacuation médicale aérienne tient au fait que l’évolution clinique du patient peut être la conséquence de sa pathologie comme celle de facteurs aéronautiques (hypobarie, hypoxie) ou de l’interaction des deux. Enfin, les équipes sont également formées aux compétences non-techniques (Crew Ressource Management) notamment sur la communication avec l’équipage de conduite et le médecin régulateur (afin de mieux préparer l’accueil à l’arrivée). Entraînement dans un environnement tactique complexe, proximité avec les forces armées Lorsque le calendrier le permet, la formation est intégrée à l’exercice « VOLFA », qui est réalisé de manière semestrielle, au profit des forces des unités aériennes et des unités au sol du CFA. Cet exercice d’envergure nationale permet à une vingtaine d’avions de chasse, à des avions de transport, des drones, des commandos parachutistes et des systèmes de défense sol-air, de s’entraîner à des missions complexes durant deux semaines, de jour comme de nuit (13). Parmi celles-ci, on trouve des missions de bombardement, de parachutisme de masse ou encore de Medevac. Les conditions de stress, au plus proche du réel, dans lesquelles vont exercer les équipes médicales en opération extérieure, sont reproduites dans cet exercice : coordination des moyens, évolution dans l’espace d’aéronefs différents, vols tactiques, liaison radio avec le sol, pression temporelle. Cet exercice nous permet également de travailler avec les unités commandos, qui s’entraînent au sauvetage au combat de niveau 2, en amont de la prise en charge de ces blessés par l’équipe médicale sur CASA. aéromédévac tactiques de patients graves – comment optimiser la formation ? Évolution possible de cette formation Le monde des évacuations médicales par voie aérienne n’est qu’une partie du domaine médical. L’expérience des équipes médicales militaires françaises d’évacuation médicale par voie aérienne pourrait être enrichie par des échanges avec l’extérieur. Deux voies paraissent envisageables : une collaboration d’une part avec les services de santé des pays alliés et d’autre part avec le monde médical civil. En termes de partenariat militaire international, de nombreuses voies existent, tant sur plan européen (European Air Group EAG, European Air Transport Command EATC, European Defense Agency EDA) que sur le plan de l’OTAN. De facto, la coopération internationale existe déjà en opération, les équipes médicales militaires françaises travaillant déjà avec des équipes médicales militaires étrangères, pour prendre en charge des blessés français ou étrangers. Outre la barrière de la langue, cette coopération nécessite de bien connaître les procédures étrangères, mais également leurs vecteurs et leur matériel. La réalisation d’exercices internationaux incluant des vols et des transferts sur des vecteurs d’origines différentes permettraient d’améliorer et d’harmoniser les pratiques. Une interrogation peut se poser quant à une ouverture au monde civil afin d’échanger, notamment sur les pratiques d’enseignement dans le domaine des évacuations aéromédicales, malgré leurs différences contextuelles de réalisation. Actuellement, les facultés de médecine parisiennes avec le Diplôme Universitaire de transport aérien et rapatriements sanitaires, (faculté de médecine de Pierre et Marie Curie) et la Capacité de médecine aérospatiale, (université Paris Descartes) proposent une approche théorique. Dans le domaine militaire, la connaissance des contraintes aéronautiques et des principes régissant les évacuations médicales, sont enseignées à l’issue de la validation du Diplôme d’étude spécialisé en médecine générale, lors du Brevet de médecine aéronautique de défense (BMAD) pour les médecins et au cours du brevet d’IcVAA pour les infirmiers. Il s’agit ensuite, lors des formations aeroMedevac d’allier les connaissances théoriques de médecine aéronautique et de médecine d’urgence, pour réaliser les exercices pratiques avec le matériel utilisé actuellement en opération extérieure. Ces formations complémentaires en cours de carrières des médecins aéronautiques participent à leur Développement professionnel continu (DPC) et leur labellisation est à envisager. La simulation est actuellement en plein essor dans le milieu médical, en particulier dans le domaine de l’anesthésie-réanimation et de la médecine d’urgence. Dans le milieu des évacuations médicales sur avion ou hélicoptère, la simulation médicale est également en progression, utilisant le plus souvent des plateformes de simulation au sol reproduisant plus ou moins fidèlement l’environnement d’une soute d’aéronef, des mannequins hautes-fidélités et de la vidéo permettant des débriefings plus précis (14). Ces plateformes reproduisent une partie des contraintes aéronautiques et permettent de 197 travailler les communications en équipe. Afin d’acquérir ces compétences, le SSA est actuellement en train de développer des projets de plateforme au sol reproduisant des soutes d’aéronefs militaires. Des améliorations permanentes permettent d’offrir des outils et des exercices de qualité croissante aux stagiaires. Dernièrement un livret de type « handbook » a été élaboré, en lien avec l’EAS, afin de proposer un support facilement utilisable en vol. La simulation d’un transfert « bord à bord » avec un aéronef d’évacuation aéromédicale stratégique, est également un élément nouveau proposé aux stagiaires. D’autres voies d’amélioration sont à l’étude : – un transfert type bord à bord avec un hélicoptère de manœuvre, ayant réalisé une première prise en charge sur le lieu de ramassage (éventuellement au cours d’un exercice de l’armée de l’air) ; – l’enregistrement vidéo en vol des exercices de simulation permettant un débriefing de plus grande qualité ; – une évaluation plus précise de la plus-value de cette formation aux équipes médicales qui ont ensuite réalisées la mission, par le biais d’un questionnaire ; – à plus long terme, une ouverture à l’international permettant de reproduire les conditions de coopération assez fréquente sur le territoire de « Barkhane », en délivrant cette formation en anglais et en invitant des services de santé militaires alliés à participer ; – une ouverture au monde civil afin d’échanger sur les pratiques d’enseignement dans le domaine des évacuations aéromédicales. Conclusion Mise en place depuis deux ans, sous l’impulsion conjointe du CFA et de l’EVDG, la formation aux aeroMedevac tactiques doit son succès à l’association de la simulation et de l’entraînement en situation tactique, au plus proche possible des conditions d’engagement actuelles en opération extérieure. Il s’agit d’un stage de préparation opérationnelle, au plus près des conditions d’emploi, qui fait la jonction entre l’entraînement à l’urgence dans des conditions optimales grâce à la simulation, et l’entraînement spécifique aéronautique utilisé en opération extérieure. C’est donc un véritable savoir-être qui est transmis aux personnels projetés. Cette formation permet in fine aux équipes d’acquérir une première expérience et d’être aguerries dès leur arrivée sur le théâtre d’opération, théâtre où, la coopération internationale est déjà importante et où l’ouverture proposée de cette formation prendrait tout leur sens. Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt concernant les données de cet article. Remerciements : les auteurs remercient vivement le Médecin en chef TURBAN Gaël, conseiller santé du Commandement des Forces Aériennes, et l’Infirmière Cadre Supérieur de Santé BELLIARD Valérie, coordonnatrice du Centre d’enseignement et de simulation de médecine opérationnelle, pour leur aide dans la rédaction de cet article. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Chaufer M, Vitiello L, Mabit H, Raynaud L, Turban G. Tactical aeromedevac on Casa CN235 : the French experience. Communication affichée lors du 4th Pan European Congress on Military Medicine. 23-26th may 2016, École du Val De Grâce. Paris. 2.Madec S, Bancarel J., Raynaud L. Modalités de transport aérien de blessés de guerre. Médecine de guerre, la revue du praticien, vol 66, septembre 2016. 3.Vitiello L, Saboureau S, Freiermuth J-P, Colleu F, Raynaud L, Coste S. Apport de la simulation dans la formation aux évacuations aéromédicales. Médecine et Armées accepté, en attente de publication. 4.Vitiello L, Mabit H, Chaufer M, Tollu I, Dulaurent E, Colleu F, et al. AeroMEDEVAC tactiques de patients graves : comment optimiser la formation ? Communication affichée lors de la XVIIe Journée clinique de médecine aéronautique de l’HIA Percy, décembre 2016. 5.Bombert C, Chaufer M, Boissier J, Richecoeur L. Opération « Serval » : intérêt du « Patient Evacuation Coordination Cell », Médecine et Armées, 2015 ; 43,4 : 325-9. 6.Chaufer M, Bombert C, Prunet B. Missions d’évacuation en CASA médicalisé au cours du premier mois de l’opération « Serval » au Mali. Médecine et Armées 2015 ; 43 : 330-9. 7.Bareau L, et al. Le Casa nurse : un nouveau vecteur pour les 198 évacuations aériennes tactiques. Bilan après 8 mois de conflit armé au Mali (Opération Serval). Rev Med Aéro Spat 2011 ; 52 : 144-9. 8.Chaufer M, Prunet P, Bombert C. Plan MASCAL au cours de l’opération Serval au Mali : l’expérience d’un médecin aéronautique à bord d’un CASA médicalisé. Médecine aéronautique et spatiale 2014 ; 55 : 115-23. 9.Poyat C, Causse Le Dorze P, Bay C, Isnard P, Saboureau S, Guilloton L, et al. Évacuations aéromédicales stratégiques au cours de l’opération Serval en 2013. Rev Med Aéro Spat 2016 ; 57 : 11-9. 10.Pats B, Fontaine B, Borne M, Lienhard A. Préparation du blessé pour l’évacuation sanitaire aérienne. Encyclopédie médico-chirurgicaleUrgences 24-000C-20. Paris : Elsevier Masson, 1997. 11.Fletcher JD and Wind AP. Cost considerations in using simulations for medical training. Mil Med 2013 ; 178 (10) : 37. 12.Kellman PJ. Adaptative and perceptul learning technologies in medical education and training. Mil med 2013 ; 178 (10) : 98. 13.Alexandra Milhat. Exercice VOLFA : exercice intensif pour les forces aériennes. Armée de l’Air janvier 2016. 14.Swickard S, Manacci CF. Synthetic natural environments : an exemplar of advanced simulation. Air Med J 2012 ; 31 : 4. h. mabit Médecine des forces Les équipes médicales opérationnelles de la Gendarmerie : retour d’expérience de la Corse D. Toumineta, A. Schirrua, G. Gauthierb, C. Carfantanc a Antenne médicale en Gendarmerie de Borgo, Centre médical des armées rationalisé corse, Caserne Colonna d’Istria, BP 50 – 20290 Borgo. b Médecin adjoint du bureau médico-statutaire, ISSA. c Centre médical des armées rationalisé corse, CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex. Résumé Les équipes médicales opérationnelles de la Gendarmerie sont des entités fonctionnelles non organiques composées au minimum d’un médecin, d’un infirmier et d’un conducteur. Désignées par leur centre médical des armées de rattachement, elles se déploient sur demande du commandement de région de Gendarmerie à l’occasion de certaines manifestations susceptibles de dégénérer en troubles graves à l’ordre public. La Corse est depuis plusieurs années le théâtre de violents affrontements récurrents entre certains manifestants et les forces de l’ordre. Après la description du concept des équipes médicales opérationnelles de la Gendarmerie, nous allons étudier, à travers cette expérience régionale, les éléments locaux qui ont permis son optimisation par le Service de santé des armées, ainsi que les pathologies les plus fréquemment rencontrées en maintien de l’ordre. La prise en charge d’un blessé par une équipe médicale opérationnelle de la Gendarmerie se rapproche sensiblement du concept de médicalisation de l’avant et doit s’adapter en permanence au réseau médical local. Mots-clés : Gendarmerie. Maintien de l’ordre. Soutien médical. Abstract THE OPERATIONAL MEDICAL TEAMS OF THE MILITARY POLICE FORCE: THE EXAMPLE OF CORSICA. The operational medical teams of the “gendarmerie” (military police force) are functional entities composed of at least a doctor, a nurse and a driver. The Medical Center of the Army appoints them, and the regional command of the “gendarmerie” requests their deployment for certain demonstrations likely to degenerate and seriously disturb the peace. For several years, Corsica has been the scene of violent clashes between demonstrators and the law enforcement authorities. We shall first describe the concept of the medical support. Then, the Corsican experience will enable us to study the local elements that helped the Army Health Service optimize the support, as well as the most common pathologies encountered while maintaining law and order. This study shows that the conditions in which the medical teams looked after the casualties are close to those of field medicine. Keywords : Gendarmerie. Law enforcement. Medical support. Introduction La Gendarmerie participe à la sécurité publique générale en métropole, en outre-mer et à l’étranger. D’un effectif de près de 13 000 personnels, la Gendarmerie mobile, assure plus spécifiquement, en toutes circonstances, le maintien et le rétablissement de l’ordre. Le Service de santé des armées (SSA) peut être amené à assurer le soutien médical des opérations de Maintien D. TOUMINET, médecin principal. A. SCHIRRU, infirmier référent. G. GAUTHIER, médecin principal. C. CARFANTAN, médecin en chef. Correspondance : Madame le médecin principal D. TOUMINET, Antenne médicale en Gendarmerie de Borgo, Centre médical des armées rationalisé corse, Caserne Colonna d’Istria, BP 50 – 20290 Borgo. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 199-204 de l’ordre (MO). Ce dernier, conduit par une Équipe médicale opérationnelle Gendarmerie (EMOG), peut prendre en charge des pathologies spécifiques selon des principes très proches de la médicalisation de l’avant. Nous étudierons le bilan des EMOG entre 2009 et 2016 en Corse, où leur déclenchement s’est avéré fréquent et souvent dans un contexte relativement violent. Historique En France, le maintien de l’ordre s’inscrit dans le jeu démocratique, entre un droit d’expression reconnu et le nécessaire respect de l’espace public (1). 199 Au cours du xx e siècle, les modalités de mise en œuvre de cette politique ont largement évolué avec la transposition des missions de maintien et de rétablissement de l’ordre aux forces armées vers une force spécialement dédiée. En effet, il ne s’agit pas de combattants, mais de civils qu’il faut disperser ou réduire. C’est ainsi que fut créée la Gendarmerie mobile (GM) en 1921, puis les Compagnies républicaines de sécurité (CRS) en 1944 (1). Le maintien de l’ordre en France constitue donc une force spécifique au sein des institutions. Selon la formule de Max Weber, sociologue du xixe siècle, l’État conserve « le monopole de la violence physique légitime » (1). Parallèlement à l’utilisation bien connue du gaz lacrymogène ou du bâton télescopique, le matériel attribué aux personnels va évoluer avec l’introduction d’armes de maintien de l’ordre dites « non létales », comme le « flashball » et les grenades (aux fonctions diverses : aveuglantes, lacrymogènes, dispersantes, assourdissantes, éclairantes ou fumigènes) (2). Cependant, le courant actuel dans le maintien de l’ordre est d’utiliser la force, a minima, selon un « impératif constant de proportionnalité ». Ce qui n’est pas sans exposer le gendarme aux risques de dérive des manifestations qui peuvent engendrer des pathologies bien spécifiques et potentiellement graves (les derniers morts en maintien de l’ordre semblent remonter à août 1975 où deux gendarmes mobiles furent tués lors de l’assaut d’une cave occupée par un groupe de militants autonomistes à Aléria en Corse) (3). Organisation Unités non reconnues en organisation, les EMOG sont des formations opérationnelles de circonstance mises en place dans chaque Centre médical des armées (CMA) ou antenne médicale dont la liste a été préalablement établie (4). Personnels/Typologie Chaque équipe est constituée par : – un médecin des armées ; – un(e) infirmier(e) du corps des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) ; – et un conducteur, mis à disposition par la région de gendarmerie concernée par le soutien médical de l’opération. L’instruction ne précise pas le niveau de formation en secourisme qui est requis pour ce dernier (4). au Centre national d’Entraînement des forces de Gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier lors de l’exercice final de synthèse (5). La durée de cette participation est de quarante-huit heures. L’équipe vient avec son véhicule sur désignation du commandant du CMA à la demande du commandant de la région de Gendarmerie en charge de l’exercice. Moyens matériels Les moyens de protection des personnels des EMOG sont fournis par la région de gendarmerie (6). Ils sont composés par : – une tenue spécifique de maintien de l’ordre possédant des qualités de protection contre l’incendie et des renforts de protection épaules-bras, cuisses, jambes et gants ; – un casque de maintien de l’ordre avec masque à gaz ; – un gilet par balles à port discret ; – une paire de chaussures d’intervention ; – une chasuble marquée d’une croix rouge de neutralité avec les mentions médecin, infirmier ou conducteur. Des moyens de radiocommunication mobiles sont fournis par la Gendarmerie. Les véhicules sont mis à disposition par les CMA ou la gendarmerie. Il s’agit d’ambulances de type B (master au minimum) (7). Celles-ci ne bénéficient cependant pas des mêmes protections que les véhicules des pelotons de GM (renfort du plafond et des portes en « Kevlar », vitres incassables en « Plexiglas », renfort du parechocs, grilles de protection des phares). Le nombre de places est également très limité (2 blessés en position couchée). Cadre légal actuel Instruction Gendarmerie L’article R 211-13 du Code de sécurité intérieure prévoit que l’emploi de la force doit être proportionné et « n’est possible que dans les circonstances qui le rendent absolument nécessaire » (8) (fig. 1). L’usage de la force est strictement encadré et ne peut se faire que par ordre d’une autorité compétente. Formation La relève d’un blessé au sein d’un maintien de l’ordre nécessite une approche spécifique, et ce, afin d’éviter le suraccident. L’Entraînement conjoint des EMOG et des Escadrons de gendarmes mobiles (EGM) apparaît comme un prérequis indispensable. L’ambiance sonore, le milieu saturé en lacrymogène et la gestion du stress sont autant de difficultés dans la prise en charge. Afin d’entraîner les EMOG aux interventions dans un contexte de maintien de l’ordre public, ces dernières peuvent participer aux stages de recyclage des EGM 200 Figure 1. Photo d’une manifestation à Corte en février 2016. © L’express. d. touminet Ces autorités, bien définies, sont à compétence civile administrative (préfet de région, préfet de police, préfet de département, sous-préfet, maire), mais également des commissaires de police et des commandants de groupement de Gendarmerie, qui utilisent la procédure de mise à disposition pour mettre en œuvre les différentes forces de l’ordre (notamment les CRS, les compagnies d’intervention de la police ou les EGM) (9). Le terme « force » au maintien de l’ordre public est un terme générique qui recouvre deux notions distinctes (2) : – l’emploi de la force au sens strict sans formalisme particulier (mode d’action pouvant comprendre l’emploi de bâtons et de moyens lacrymogènes) ; – l’emploi des armes à feu sur ordre préalable des seules autorités habilitées (après sommation). Dans tous les cas, c’est le principe de gradation dans l’emploi de la force qui guide l’action quotidienne des forces de l’ordre (fig. 2). Figure 2. Photo de manifestation à Corte en février 2016. © CMA Corse. Compte tenu des événements récents dramatiques (tir de grenade offensive qui a coûté la vie à un manifestant il y a deux ans à Sivens dans le Tarn), il a été décidé que toutes les actions de maintien de l’ordre seront désormais filmées (10). C’est pourquoi les opérations de maintien de l’ordre ou de police judiciaire, importantes ou comportant des risques particuliers pour les personnels de la gendarmerie, nécessitent un soutien santé spécifique et organisé qu’il convient d’actualiser selon l’évolution des risques (11). Implication pour le SSA Le SSA dispose d’une compétence de soutien opérationnel de premier niveau dans lequel s’inscrivent les EMOG. La mission confiée à une (ou plusieurs) EMOG est le soutien médical des unités de Gendarmerie engagées (12). Elle est donc chargée d’assurer pour les blessés (4) : – le relevage ; – les soins ; – et la mise en condition pour l’évacuation médicale. En cas d’intervention de plusieurs EMOG, un médecin peut assurer la régulation des activités médicales des EMOG et notamment de l’évacuation des blessés en liaison étroite avec le médecin régulateur du Service d’aide médicale urgente (SAMU) ou des pompiers territorialement compétents (12). Des contacts préalables avec tous les intervenants sont à la base du bon déroulé de soutien médical, notamment en cas d’afflux massif de blessés. Enfin, une EMOG peut être potentiellement amenée à prendre en charge des policiers engagés conjointement (CRS) ou des blessés civils, selon le principe d’assistance et de secours, et lorsque les circonstances parfois exceptionnelles le justifient (13). En effet, en cas d’urgence avérée, une EMOG est habilitée à donner les premiers soins aux autres forces de l’ordre et à toute personne se trouvant dans leur champ d’action, en l’absence d’une structure médicale civile d’urgence sur les lieux de l’intervention. Dans tous les cas, cette dernière devra être alertée et prendre le relais dès que possible. Cependant, le cadre réglementaire d’intervention à leur profit n’est pas défini comme l’a souligné le groupe de travail sur les EMOG de la zone de défense et de sécurité Sud en décembre 2015 (7). Enfin, ils existent de nombreux facteurs qui rendent l’évolution d’une manifestation imprévisible et expliquent la complexité d’y associer une force de l’ordre et un soutien médical adapté. Afin d’anticiper les éventuelles problématiques du soutien médical opérationnel, il apparaît indispensable au médecin désigné d’agir en étroite collaboration avec le commandement du Groupement tactique de Gendarmerie (GTG). En effet, il est nécessaire d’inclure le médecin dans le temps de préparation avec les différentes autorités en charge des opérations afin d’évaluer : – le volume et le type des forces en présence ; – le nombre attendu et le type de manifestants ; – l’ambiance locale/le climat social ; – les risques prévisibles basés sur le rapport des renseignements de gendarmerie (présence possible de « casseurs » par exemple) ; – l’objectif prévisible du commandement (rester statique, déploiement, interpellation) ; – les voies d’accès pour l’évacuation médicale ; – le local d’installation (dans la configuration d’une mission de protection d’un site). L’exemple des EMOG en Corse va permettre d’illustrer ce concept de soutien opérationnel très spécifique des opérations intérieures. les équipes médicales opérationnelles de la gendarmerie : retour d’expérience de la corse 201 Emploi de l’EMOG : l’exemple de la Corse Le contexte corse Les difficultés socio-économiques accumulées par l’île dans les années 50 et 60, conjuguées à un sentiment d’abandon et les projets d’un développement touristique de masse vont cristalliser les mécontentements dans l’île et favoriser l’émergence d’un mouvement autonomiste, puis de courants nationalistes partagés entre vitrines légales et organisations clandestines (14). Le nationalisme corse est devenu un acteur à part entière de la scène politique insulaire. Son histoire montre que la violence est omniprésente dans le champ politique, notamment du fait du développement de son action armée clandestine depuis les événements d’Aléria en 1975 (15). La violence des différents mouvements nationalistes qui ont vu le jour depuis, n’a jamais cessé de s’exercer avec plus ou moins d’intensité selon les périodes. Le mouvement nationaliste ne saurait, toutefois, être réduit à sa seule expression clandestine et violente. Longtemps exclu du jeu politique, leur progression électorale au sein de l’opinion insulaire est actée en 2004 par l’obtention de huit sièges sur cinquante et un à l’assemblée territoriale avant d’en prendre fin 2015, la présidence. La Corse est une région française dans laquelle les mouvements de contestation fondés sur la revendication identitaire sont parvenus à s’établir durablement sur la scène politique. Dans le même temps, leur légitimité a été grandement contestée : au nom des moyens utilisés par quelques-uns d’entre eux (la violence) et des buts que certains assignent à leur combat (l’indépendance) (16) (fig. 3). Figure 3. Explosifs « artisanaux » retrouvés à Bastia avant une manifestation (Europe 1). Toutes ces évolutions expliquent la difficulté de l’État d’apporter une réponse politique cohérente mêlant conduite du dialogue et application de la loi. La présence et l’action des forces de l’ordre sont donc des actions délicates à mener afin de ne pas surenchérir les tensions locales. C’est pourquoi, l’expérience de la violence des manifestations en Corse justifie la fréquence de l’emploi de l’EMOG dans cette région (fig. 4). 202 Figure 4. Répartition des EMOG entre 2009 et 2016. Le dispositif L’engagement d’une EMOG en Corse se décline selon le déroulé suivant : – le commandant de la région de Gendarmerie de Corse adresse une demande au directeur de la Direction régional du Service de santé des armées (DRSSA) de Toulon avec un préavis de 48 heures (celui-ci n’est parfois pas réalisable compte tenu de l’immédiateté de la situation) ; – le directeur régional de la DRSSA de Toulon désigne le Centre médical des armées rationalisé corse (CMAr corse) ; – le commandant du CMAr corse désigne, après accord de la DRSSA, une (ou plusieurs équipes) selon le lieu de la manifestation : - antenne médicale de Borgo pour Bastia, - antenne médicale d’Ajaccio pour Ajaccio, - en cas d’indisponibilité des antennes Gendarmerie ou en cas de besoin d’un renfort : une équipe de l’antenne médicale de la base aérienne de Solenzara. Dans la mesure du possible, le CMAr corse fournit un auxiliaire sanitaire ayant la qualification de conducteurambulancier. On peut identifier plusieurs éléments facilitant la coordination du soutien médical avec le dispositif de maintien de l’ordre : – la proximité et les échanges réguliers entre le service de santé des armées et les forces de gendarmerie locales par la localisation conjointe sur le camp militaire de Borgo ; – l’ancienneté en poste de l’infirmier de l’antenne médicale de Borgo qui par son expérience acquise et la parfaite connaissance des lieux des manifestations permet une insertion optimale dans le dispositif ; – la mise à disposition systématique de moyens « radio » qui permettent un suivi en temps réel de la progression des événements. Lors des manifestations à haut risque, il y a souvent plusieurs unités engagées (EGM, CRS). En Corse, l’EMOG est rattachée à un EGM et se déplace solidairement avec lui au départ de la manœuvre. Elle d. touminet est positionnée en arrière du dispositif afin de ne pas surexposer les personnels « santé » ou gêner les manœuvres des pelotons. Ce rattachement permet la demande d’une protection en cas de nécessité d’extraction au cœur de la manifestation. Avec leur bouclier, les gendarmes mobiles protègent l’équipe médicale, préalablement entraînée et équipée avec son masque à gaz et son casque. Toute la plus-value de l’EMOG réside donc dans sa capacité à aller chercher un blessé en milieu hostile où les équipes médicales civiles, insuffisamment équipées et entraînées, ne pourraient s’y rendre. Sur le lieu des opérations, c’est le GTG qui, en liaison « radio » avec l’EMOG et les unités engagées, assure le recueil et la transmission des demandes d’intervention médicale. Par contre, il appartient au médecin désigné de prendre contact avec le Centre de réception et de régulation des appels (CRRA) du SAMU du département concerné afin de signaler sa présence en amont des éventuelles demandes d’évacuation médicale. En Corse, l’EMOG est utilisée comme un lieu de médicalisation primaire et de tri afin de déterminer pour le personnel blessé : – la possibilité de reprendre le maintien de l’ordre ; – la nécessité de se retirer du dispositif pour une prise en charge dans un second temps ; – l’indication d’une demande d’évacuation immédiate vers le centre hospitalier le plus proche. Elle n’est pas considérée comme un moyen d’évacuation, mais comme une médicalisation de l’avant. En cas de nécessité, une évacuation secondaire est effectuée par les éléments civils à distance de tout risque de blessure pour ces derniers. Il s’agit alors d’organiser une chaîne santé d’évacuation entre l’EMOG, les pompiers, le SAMU et éventuellement des moyens héliportés (12). À l’issue du dispositif, un compte rendu d’intervention est adressé par le médecin au : – GTG ; – commandant du CMAr Corse ; – conseiller technique santé de la Gendarmerie. C’est sur la base de ces derniers que sont extraits les chiffres suivants. Quelques données chiffrées Entre 2009 et 2016, trente-trois EMOG ont été déclenchées. On note que la majorité des EMOG réalisées n’ont pas eu de blessés à prendre en charge (72 %). Elles ont soigné 80 types de blessures sur 71 blessés (fig. 5) (17). Une seule évacuation a été réalisée directement par le SAMU pour un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale. Il s’agissait d’un gendarme départemental en mission de renseignement. Il ne portait donc aucun effet de protection. Le maximum de blessés recensés sur une seule EMOG est au nombre de 27 (dont vingt-quatre traumatismes sonores). Dans cette configuration, le questionnement du médecin tourne autour de la reprise du MO et de l’impact opérationnel en cas de retrait d’un trop grand nombre de personnels du dispositif par principe de précaution. Figure 5. Nombre d’EMOG entre 2009-2016. Au cours des différentes interventions, il a été recensé, principalement des : – traumatismes sonores aigus (71 %) ; – pathologies traumatiques (15 %) ; – brûlures (13 %) ; – pathologies circonstancielles (1 %). Il s’agit des consultations faites auprès de l’EMOG. Toutes les pathologies recensées le lendemain ou dans les jours qui suivent la manifestation et en rapport avec celles-ci ne figurent pas dans ces données. Les causes des blessures sont variées et facilement identifiables (fig. 6) : – pathologies traumatiques : en lien avec des affrontements, des jets d’objets contondants divers et variés (pavés, cailloux, boules de pétanque…). Les éléments de protection permettent cependant de limiter les pathologies les plus graves. Il s’agit donc essentiellement de contusions. Sur la période étudiée, seule une fracture de phalange a été recensée ; – traumatismes sonores aigus : par l’usage de « bombes artisanales » à fort pouvoir détonant ou de grenades offensives des forces de l’ordre (grenade Figure 6. Répartition des motifs de consultations auprès des EMOG entre 20092016. TSA : traumatisme sonore aigu. les équipes médicales opérationnelles de la gendarmerie : retour d’expérience de la corse 203 retirée depuis 2014 après la mort d’un manifestant à Sivens). Le respect du port des protections auditives a fait l’objet de rappel à plusieurs reprises de la part des médecins ; – brûlures thermiques : par jet de cocktails « Molotov » ; – pathologies circonstancielles : (coups de chaleur, insolations, malaises). Celles-ci sont à rapporter aux conditions de travail. En Corse, les tenues (noires) et le lourd équipement (poids) sont moins bien supportés lors des stations debout prolongées sous le soleil. Ce recensement n’est bien évidemment pas exhaustif de toutes les pathologies possibles en maintien de l’ordre. Par exemple, aucune blessure par arme à feu ou engin explosif n’a été rapportée pendant ces sept années. Outre le rôle médical proprement dit, l’impact psychologique de la présence d’une équipe médicale auprès des EGM n’est pas négligeable notamment dans le contexte d’insécurité actuelle (alerte attentat). Elle permet de rassurer les gendarmes mobiles dans leur progression, notamment les jeunes recrues qui ont peu d’expérience, comme souvent rapporté par le commandement Gendarmerie. Toute la difficulté de ce soutien réside dans le fait que le médecin peut être différent en fonction des phases de préparation, du soutien médical proprement dit et du suivi post-opérationnel. En effet, le premier EGM est parfois renforcé par la deuxième unité déplacée en Corse et donc soutenue par une antenne médicale différente (Borgo ou Ajaccio) voire même par une unité déplacée expressément en renfort depuis le continent pour le temps de la manifestation. L’identité des consultants est donc systématiquement recueillie lors du recours à l’EMOG afin de permettre l’instauration d’une consultation de contrôle le lendemain et ce quel que soit le lieu de celle-ci. Cette consultation a pour but d’adapter la prise en charge initiale, d’évaluer la capacité opérationnelle et d’initier si besoin les demandes de documents en lien avec la blessure en service. L’uniformisation de l’utilisation du Logiciel unique médico-militaire (LUMM) permet de parfaire la continuité de la prise en charge entre les différentes antennes médicales. Conclusion L’expérience « corse » du maintien de l’ordre montre toutes les spécificités d’un soutien opérationnel médical développé au profit des escadrons de Gendarmerie mobile. En effet, le caractère imprévisible des débordements, le lieu possiblement isolé de la manifestation et le volume parfois important des forces en présence, en font un soutien très particulier. La mise en place d’un dialogue rapproché et régulier avec le commandement « Gendarmerie » et l’expérience acquise par les équipes des antennes médicales en Gendarmerie permettent de coordonner le soutien santé et de l’insérer dans le dispositif sans contrainte. L’EMOG en Corse est perçue comme un maillon essentiel d’une chaîne de soutien médical opérationnel qui permet d’assurer une médecine de l’avant en situation dégradée. Ce soutien apprécié par l’ensemble des forces en présence mérite d’être valorisé, notamment dans le contexte d’insécurité actuelle de notre pays. Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.D ossier le maintien de l’ordre public. Revue les amis de la Gendarmerie. Juillet 2013 ; 303 : 24. 2.Circulaire n° 200000/GEND/DOE/S2DOP/BOP du 22 juillet 2011 relative à l’organisation et à l’emploi des unités de Gendarmerie mobile. 3.Corse – Via Stella — Aleria, 22 août 1975, un tournant dans l’histoire de la Corse – [internet]. [publié le 20/8/2015]. Disponible sur http:// france3-regions.francetvinfo.fr/corse/haute-corse/aleria-22-aout1975-un-tournant-dans-l-histoire-de-la-corse-788567.htm. 4.Circulaire n° 25700/GEND/DOE/SDDOP/BOP du 22 mai 2012 relative aux équipes médicales opérationnelles de la Gendarmerie. 5.Note express n°17614/DEF/GEND/OE/DO/OPS du 6 juillet 1993 sur l’organisation d’exercices de soutien santé au maintien de l’ordre à Saint-Astier. 6.Note express n°29737/RGPACA/DO/BCO du 26/5/2015 relative à l’emploi des EMOG. 7.Compte rendu de la 2e réunion du groupe de travail DRSSA TLN/ REGEND sur les équipes médicales opérationnelles en gendarmerie en zone de défense et de sécurité sud du 17 décembre 2015. 8.Article R211-13 du Code de la sécurité intérieure. 9.Instruction commune d’emploi des unités de forces mobiles de la 204 Police nationale et de la Gendarmerie nationale du 29 décembre 2015. 10.Note-express n°29301/GEND/DOE/SDSPSR/BSP/DR du 11 avril 2012 sur le cadre d’emploi de la vidéo protection mobile. 11.Descatha A, Huynh Tuong A, Coninx P, Baer M, Loeb T, Despréaux T, et al. Occupational practitioner’s role in the management of a crisis : lessons learned from Paris november 2015 terrorit attack. Front Public Health. Sept 2016 ; 4 : 203. 12.Instruction n° 600/DEF/DCSSA/PC/MA relative au soutien sanitaire des activités à risques dans les armées du 17 juillet 2015. 13.Service médical du Raid. Tactical emergency medicine : lessons from Paris marauding terrorist attack. Crit Care. Fev 2016 ; 13:20-37. 14.Rapport du député Bruno Le Roux sur le projet de loi relatif à la Corse de 2001. 15.Rapport de la commission d’enquête de l’assemblée nationale sur le fonctionnement des forces de sécurité en Corse de 1999. 16.B riquet J-L. Le nationalisme corse. Regards sur l’actualité. Mars 2002. 279 : 27-36. 17.Europe 1 – faits divers – Bastia : des explosifs retrouvés avant la manifestation - [internet]. [publié le 20/6/2016]. http://www. europe1.fr/faits-divers/bastia-des-explosifs-retrouves-avant-lamanifestation-26731 d. touminet Médecine des forces Le virage incontournable de l’échographie en médecine des forces. Bilan de dix ans d’utilisation et perspectives C. Dubecqa, L. Aigleb, c, A. Couretd, G. Moranda, Y. Levaillanta, B. Paklepaa a CMA Pau Bayonne Tarbes, AMS FS Bayonne, Citadelle Général Berger, BP 12 – 64109 Bayonne Cedex. b CMA Marseille Aubagne, Caserne Audeoud, BP 40026 – 13568 Marseille Cedex 02. c École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran – 75230 Paris Cedex 05. d Service d’accueil des urgences, HIA Sainte-Anne, BCRM Toulon, BP 600 – 83800 Toulon Cedex 09. Résumé L’échographie a pris depuis plus de dix ans une place grandissante en médecine d’urgence et ses indications sont désormais clairement définies. Un travail de thèse a permis de montrer que dans les armées, les médecins des forces s’approprient également cet outil progressivement. Cent soixante deux médecins ont répondu à un questionnaire de façon anonyme. La plupart sont formés (60 %), mais encore trop peu ont accès à une formation universitaire qualifiante (5 %). De plus, si son accès est de plus en plus facilité en missions extérieures (60 %), cela ne représente qu’un quart du temps médical par année (2,3 mois/an). La pratique en centre médical des armées est encore très marginale (17 %). Les praticiens militaires entretenant leurs compétences d’urgentiste (environ 50 %) y ont régulièrement accès lors de leurs gardes (87 %). Son intérêt en médecine de guerre ou en situation isolée est majeur. Un algorithme décisionnel incluant l’échographie pourrait permettre, avec des appareils désormais miniaturisés, de mieux prendre en charge nos blessés sur le terrain comme au Role 1. Une meilleure qualification initiale, une utilisation régulière en situation d’urgence, une large diffusion d’appareils récents et surtout une formalisation des indications doivent permettre de prendre le virage de l’échographie en médecine des forces. Mots-clés : Échographie. Formation. Médecine des forces. Médecine d’urgence. Opération extérieure. Abstract SONOGRAPHY: A TURNING POINT IN ARMY MEDICINE. A REPORT ON TEN YEARS OF EXPERIENCE AND PROSPECTS . Sonography has taken an increasingly important place in emergency medicine in the last ten years, and its protocol is clearly established. Research for a PhD showed that Army doctors are also starting to use this tool. One hundred and sixty two doctors have answered a questionnaire anonymously. Most were trained (60%), however too few doctors still have access to qualifying academic training (5%). Furthermore, if sonography is increasingly available during missions abroad (60%), it still only constitutes a quarter of the time spent looking after patients (2.3 months/year). The use of sonography in Army Medical Centres remains marginal (17%). Army doctors who keep their skills as emergency doctors up to date (about 50%) use sonography quite regularly when they are on call (87%). It is most useful in times of war or in isolated situations. A decisional algorithm including sonography could make it possible to care better for our injured men and women in the field, in role 1 situations. A better initial qualification, regular use in emergency medicine, recent machines made readily available, and above all the formalization of indications should make this turning point possible by making the use of sonography widely adopted in Army medicine. Keywords: Emergency medicine. Army medicine. Foreign operation. Training. Sonography. Introduction Les Services de santé des armées des grandes nations ont toujours été historiquement à l’origine de nouvelles technologies médicales qui ont bénéficié plus tard à la C. DUBECQ, médecin principal, praticien. L. AIGLE, médecin en chef, praticien professeur agrégé du Val-de-Grâce. A. COURET, interne des hôpitaux des armées, praticien en formation. G. MORAND, médecin principal, praticien. Y. LEVAILLANT, médecin en chef, praticien confirmé. B. PAKLEPA, médecin en chef, praticien confirmé. Correspondance : Monsieur le médecin principal C. DUBECQ, CMA Pau Bayonne Tarbes, AMS FS Bayonne, Citadelle Général Berger, BP 12 – 64109 Bayonne Cedex. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 205-212 médecine civile. Les conditions d’exercice des praticiens de « l’avant » et de « l’extrême avant », au plus près des combats, du Service de santé des armées (SSA) sont propices au développement de nouveaux matériels, toujours plus petits, légers et ingénieux pour prendre en charge les blessés de guerre le plus précocement possible et avec une efficacité comparable à une prise en charge métropolitaine. Depuis plus de quinze ans, l’échographie a pris une place grandissante en médecine d’urgence. Sa plus-value diagnostique, pronostique, notamment pour le triage, et thérapeutique pour l’aide à la réalisation de certains gestes, en fait un outil incontournable de l’urgentiste du 21e siècle. 205 Le SSA a depuis plusieurs années doté les structures médico-chirurgicales (Roles 2 et 3) d’échographes et plus récemment les Roles 1 (poste médical). La miniaturisation des appareils autorise même désormais leur utilisation par les médecins de « l’extrême avant » sur le terrain. Cet article a une double ambition. Il définit d’une part les facteurs actuels limitant son utilisation dans les armées, à partir d’un questionnaire de thèse envoyé aux médecins des forces en 2015 sur leur pratique en France et en mission de l’échographie. D’autre part il propose de nouvelles perspectives d’utilisation tant dans le domaine de l’urgence que dans la consultation quotidienne. Contexte La Société française de médecine d’urgence (SFMU) a édité en mai 2016 des recommandations pour la formation, l’accès et l’utilisation de l’échographie au profit des urgentistes (1). Elle décrit précisément les indications pour lesquelles les médecins urgentistes doivent être formés. Il est fort probable que ces recommandations deviennent, dans le futur, opposables sur un plan médico-légal pour la prise en charge des patients. Les médecins des forces, dont l’activité est centrée sur la médecine générale et la médecine du sport, ont également pour cœur de métier une activité de médecine d’urgence en Opération extérieure (OPEX) où ils sont alors souvent très isolés et les seuls recours. L’échographie trouve lors ici toute sa place. Ceux d’entre eux ayant une qualification en médecine d’urgence peuvent participer aux gardes dans les Services d’accueil des urgences (SAU) ou le Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) de l’hôpital de proximité, au titre de la formation continue et de l’ouverture du SSA. Résultats Entre janvier 2014 et juillet 2015, 162 questionnaires ont été renvoyés sur les 674 médecins sollicités et exerçant en CMA (données de la Direction centrale du Service de santé des armées), soit un taux de réponse de 24 %. Tous les questionnaires reçus ont pu être exploités. Population (tab. I) L’âge moyen de la population est de 35 ans, dont 61 % d’hommes. Le temps moyen de service est de 8 ans. Le temps passé en mission est de 2,3 mois par an en moyenne. Tableau I. Données socio démographique de la population. Matériel et méthode Dans le cadre d’une thèse pour l’obtention du titre de docteur en médecine soutenue en juin 2016, une étude épidémiologique descriptive rétrospective a été réalisée du 1er juillet 2014 au 31 janvier 2015 dans les 50 Centres médicaux des armées (CMA) du SSA. Des questionnaires ont été envoyés par voie électronique (questionnaire Google Drive®) à chaque Direction régionale du Service de santé des armées (DRSSA) qui les ont diffusés aux praticiens d’active de leur région. Le questionnaire comporte quatre parties : les données socio démographiques, la pratique en OPEX sur les cinq dernières missions, la pratique lors des consultations en antenne médicale et enfin, la pratique en garde SMUR ou SAU. Les réponses au questionnaire ont été enregistrées sur le masque créé sur Google Drive® de manière anonyme puis exportées et exploitées avec le logiciel d’analyse statistique Epi Info® 7.1.3.3. La modélisation des résultats a ensuite été effectuée via le logiciel Microsoft Office Excel® 2013 et logiciel Bio Stat TGV®. 206 Soixante dix sept praticiens de l’échantillon sont urgentistes (Diplôme d’études spécialisées complémentaires de médecine d’urgence (DESC MU) ou capacité de médecine d’urgence (CAMU)) soit 47 %. On note que 52 % des praticiens déclarent participer aux gardes en structure d’urgence (centre hospitalier ou Hôpitaux d’instruction des armées, HIA). Formation initiale et continue L’étude montre que 60 % des médecins des forces ont reçu une formation initiale minimale à l’échographie, qu’elle soit interne au SSA ou universitaire (5 % sont titulaires d’un Diplôme interuniversitaire, DIU, d’échographie). La formation la plus répandue est le Focused assessment with sonography in trauma (FAST) (86/162 soit 53 %), puis vient la formation interne du SSA d’une semaine « échographie pour médecin isolé » (65/162 soit 40 %). On note que 75 % des médecins n’ayant reçu aucune formation souhaiteraient en recevoir une. c. dubecq Accès à un échographe et utilisation de l’échographie Tableau II. Dotation, utilisation, apport et limites de l’échographie en mission, en CMA et en structure d’urgence. Depuis le début des années 2000, l’accès et le taux d’utilisation sont croissants. On atteint un taux d’accès à un échographe en mission de 56 % avec alors une utilisation dans 86 % des cas. On constate que l’utilisation augmente parallèlement avec l’accès à une machine. De plus, lorsque l’accès et l’utilisation augmentent en mission, le manque ressenti en l’absence d’échographe au poste médical devient lui aussi très important (fig. 1). Figure 1. Évolution de l’accès, de l’utilisation ou du manque ressenti de l’échographie en mission. Si l’échographie s’est généralisée en OPEX, son accès en métropole reste encore très limité : seuls 17 % des médecins en disposent actuellement en CMA. Les 52 % des médecins qui prennent des gardes en structure d’urgence ont dans 87 % des cas un appareil à leur disposition. La pratique en SMUR et en SAU est essentiellement tournée vers la traumatologie, en OPEX elle concerne aussi fréquemment les pathologies médicales (tab. II). Discussion Intérêts et limites de l’étude Le point fort de cette étude est de dresser un état des lieux de l’utilisation de l’échographie par les praticiens des forces, ce qui n’avait jamais été réalisé jusque-là. Cependant, celle-ci est rétrospective et déclarative et ne peut donc s’affranchir des biais de mémorisation et d’auto-évaluation. De plus, l’absence d’échantillonnage de l’étude qui se voulait la plus exhaustive possible, n’a pas permis de garantir une bonne représentativité. La moyenne d’âge de l’échantillon ne diffère pas significativement (p > 005) de l’ensemble des médecins des forces. Il peut donc néanmoins être considéré comme assez représentatif pour cette donnée. Formation initiale et continue à l’échographie Si près de 60 % des praticiens des forces ont déjà reçu une formation initiale à l’échographie, il semble que le facteur limitant réside dans la formation continue et l’accès à un appareil pour entretenir ses connaissances et parfaire son entraînement. Trop peu de praticiens ont effectué une formation universitaire à l’échographie. Si celle-ci est sélective et dure 1 ou 2 ans, l’École du Val-de-Grâce propose à la fois une e.Formation et des formations pratiques (avec un carnet de stage de suivi en cours de validation) dont celle pour médecin isolé qui semble un bon compromis. D’une durée d’une semaine et essentiellement basée sur la traumatologie, on pourrait imaginer l’allonger pour mieux y inclure les nombreuses indications médicales pouvant survenir en mission ou en cabinet de consultation, l’accompagner d’un stage pratique et l’étendre ainsi aux indications retenues par la SFMU (2, 3). Le cercle vertueux de l’accès à un échographe L’accès à un appareil stimule la pratique qui en découle, ainsi, plus de 85 % des médecins ayant un échographe, que cela soit en mission ou en structures d’urgence en France, l’utilisent fréquemment. Ces chiffres montrent le cercle vertueux de l’échographie : les praticiens qui y ont accès l’utilisent plus et donc deviennent forcément plus performants. D’où l’importance pour le SSA de poursuivre l’effort de dotation des Roles 1 en OPEX mais surtout en CMA car, comme nous l’avons vu, l’absence de possibilité d’entretien des compétences en cabinet est un frein majeur à la progression des praticiens. le virage incontournable de l’échographie en médecine des forces. bilan de dix ans d’utilisation et perspectives 207 Les praticiens urgentistes CAMU ou DESC MU (47 %), prenant régulièrement des gardes en SAU/ SMUR, ont dans 87 % des structures la possibilité de pratiquer l’échographie. La formation continue en médecine d’urgence reste donc le seul gage d’une pratique courante en échographie et ne devrait pas seulement être encouragée mais rendue obligatoire (3). Matériel Les appareils actuellement en dotation dans les Roles 1 sont le plus souvent des VSCAN DUAL PROBE® et parfois des SONOSITE TITAN® de 2006. L’apparition sur le marché d’appareils bien plus performants pose la question du renouvellement du parc. Le coût d’acquisition d’un échographe performant (environ 30 000 €) est à mettre en relation avec le coût horaire d’une évacuation médicale tactique (MEDEVAC) intra-théâtre (15 000 € environ l’heure de vol pour un hélicoptère ou un avion). Une seule MEDEVAC de deux heures dépasse largement le prix d’acquisition d’un appareil ! Des échographes ultraportables de type VSCAN DUAL PROBE® dotent depuis deux ans les équipes médicales des forces spéciales, les équipes MEDEVAC et plus récemment certains CMA (4). Ces appareils de la taille d’un téléphone, trouvant facilement leur place dans un sac médical, permettraient désormais une utilisation à « l’extrême avant » et la réalisation d’un algorithme du type « MARCHE RYAN échographique », en complément de celui enseigné au sauvetage au combat de niveau (5, 6). Évolution des pratiques et place en médecine des forces Apport pour le blessé de guerre Les compétences essentielles en échographie recommandées pour l’urgentiste correspondent parfaitement aux besoins du médecin des forces, notamment lorsqu’il se retrouve en situation d’isolement en OPEX, parfois à plusieurs heures d’avion de la première ressource chirurgicale et radiologique. Plus particulièrement pour le blessé de guerre, l’échographie trouve pleinement sa place dans un « MARCHE échographique », venant préciser le diagnostic ou guider une thérapeutique (4, 5). Massive bleeding (M) Le contrôle des hémorragies extériorisées est visuel et ne requiert pas l’aide des ultrasons. Une première évaluation par une FAST échographie peut cependant mettre plus facilement en évidence les hémorragies non extériorisées (7, 8). Airway (A) Le contrôle des voies aériennes peut passer par la coniotomie ou une intubation orotrachéale ; 208 l’échographie peut alors repérer leur positionnement plus rapidement et plus sûrement qu’une auscultation ou une mesure du taux de CO2 expiré (EtCO2) (10). Respiration (R) L’échographe a une grande spécificité et sensibilité pour la recherche d’épanchements pleuraux liquidiens et gazeux (11, 12). C’est un examen reconnu très performant pour l’évaluation des dyspnées sans radiographie disponible (13, 14). De plus, elle permet un repérage et/ou guidage d’une exsufflation ou d’un drainage thoracique. Choc (C) L’appréciation du pouls radial, simple mais peu précise, peut avantageusement être complétée par une mesure de la Veine cave inférieure (VCI) et de la fonction cardiaque. Cette aide est précieuse pour l’appréciation du remplissage et de l’efficacité attendue des amines (15, 16). Elle peut de plus diagnostiquer aisément un épanchement péricardique et ainsi guider une pericardiocentèse. Enfin, la mise en place d’une voie veineuse périphérique, ou même centrale de gros calibre pour le remplissage est rendue aisée par un écho guidage ou écho repérage préalable (17, 18). Head/Hypothermia (H) Lors d’un traumatisme crânien, le doppler transcranien a une excellente sensibilité et spécificité pour le diagnostic et le monitorage de l’hypertension intra crânienne (HTIC) (19). De réalisation encore plus aisée avec un appareil ultra-portatif, la mesure du diamètre du nerf optique est également très sensible (20). En situation de triage de nombreuses victimes, un backflow (négativation des vitesses diastoliques) permet d’envisager la limitation des soins sur un blessé grave car entrant déjà dans les critères de mort encéphalique dans d’autres pays européens (19). Évacuation (E) L’apport de l’échographie dans le triage permet une meilleure catégorisation des blessés (21). Le bilan médical, et le message d’évacuation du type 9 line deviennent plus fiables et peuvent permettre une meilleure gestion des vecteurs aériens médicalisés. Antalgie La réalisation d’analgésie locorégionale, notamment d’un bloc ilio-fascial peut être guidée/repérée par l’échographie. Ce bloc est très efficace lors d’une blessure du tiers moyen de la cuisse ; il améliore également la tolérance du garrot (22). L’échographie ne rallonge pas la prise en charge dans les mains d’un opérateur entraîné et vient simplement compléter et affiner la clinique. Cela ne nécessite pas plus de trois à cinq minutes pour un médecin aguerri à cette technique. L’ensemble des propositions relatives à cette procédure de « MARCHE échographique » sont synthétisées dans le tableau III. c. dubecq Tableau III. Le « MARCHE échographique ». Apport pour le médecin des forces en situation isolée Opérant par essence en milieu isolé lorsqu’il est en OPEX, les ressources locales en imagerie y sont la plupart du temps inexistantes. Ce praticien se retrouve donc à évaluer des patients présentant des pathologies médico-chirurgicales (dyspnée, douleur abdominale, traumatologie légère) dans des conditions précaires avec peu de moyens et des conséquences potentiellement très lourdes sur le plan logistique en termes de MEDEVAC (23, 24). Les théâtres d’intervention comme le Sahel représentent une superficie d’environ dix fois la France et la seule possibilité pour réaliser une imagerie est une évacuation vers le Role 2 le plus proche, parfois situé à 5 ou 6 heures de vol. L’utilisation de l’échographie peut ainsi éviter certaines MEDEVAC notamment lorsqu’il s’agit d’éliminer ou de différer le traitement d’une urgence médico-chirurgicale (25, 26). On pourrait citer, dans les indications fréquentes : – les pathologies rénales comme la colique néphrétique ; – les pathologies abdominales telles que la cholécystite et l’appendicite ; – les pathologies cardio-vasculaires telles que les phlébites ou l’anévrysme de l’aorte abdominale ; – les pathologies musculo-squelettiques et le diagnostic de certaines fractures. Ces pathologies, toutes retenues dans les recommandations de la SFMU, représentent une part importante des évacuations où l’imagerie vient dédouaner un diagnostic rare et/ou grave ou entraînant une sanction chirurgicale spécialisée. L’échographie au poste médical trouve ici toute sa place. Perspectives : le virage nécessaire du SSA Le SSA ne peut rester en marge de l’évolution de la médecine d’urgence et doit rester leader sur ce domaine, partie intégrante de la médecine de guerre. Les recommandations de la SFMU pourraient devenir opposables pour la pratique dans un futur proche. Si toutes les indications retenues ne sont pas forcément pertinentes, une grande partie d’entre elles ont un intérêt certain pour le praticien des forces, notamment en OPEX mais aussi lors de sa consultation quotidienne en métropole (26, 27). Le tableau IV, reprend les situations cliniques des recommandations de la SFMU 2016 et propose de les classer en fonction de leur intérêt (majeur, moyen ou faible) en médecine des forces (28). Le renouvellement du parc d’appareils et leur large diffusion, sont un prérequis indispensable à une utilisation plus importante de l’échographie pour initier le cercle vertueux de cet outil. La formation doit être généralisée et étendue pour coller au mieux à ces nombreuses applications. C’est dans cette optique que sont actuellement menés deux travaux (l’un en OPEX et l’autre en CMA) dont les objectifs sont de préciser, au regard de l’application concrète sur le terrain, les types d’échographies les plus fréquemment réalisées afin de proposer un cahier des charges pour affiner encore les formations proposées par l’École du Val-de-Grâce. Conclusion La médecine d’urgence est bouleversée depuis une dizaine d’années par l’apparition de l’échographie au lit du patient. Cet examen échoscopique, complément de l’examen clinique, apporte dans de nombreuses situations une aide diagnostique, pronostique ou thérapeutique. La SFMU décrit dorénavant une quarantaine de situations cliniques où l’échographie doit être réalisée chez l’adulte aux urgences. Le médecin des forces est souvent isolé à l’avant sur le terrain ou en poste médical, loin de toute structure hospitalière dotée en moyens d’imagerie. L’apport que représente l’échographie dans ces conditions est une véritable révolution. Son utilisation pourrait également à l’avenir s’intégrer parfaitement dans le sauvetage au combat et la prise en charge précoce du blessé de guerre avec un « MARCHE échographique ». Des travaux sont en cours pour établir un consensus dans le SSA, à l’instar de la SFMU, sur la place de l’échographie pour la médecine des forces, le matériel à utiliser et une formation ciblée sur les indications les plus pertinentes. Une meilleure qualification initiale, une formation continue en structures d’urgence et surtout une plus large diffusion d’appareils récents en métropole et à l’étranger restent les seuls gages d’une utilisation optimale au profit du blessé de guerre, cœur de métier du SSA. le virage incontournable de l’échographie en médecine des forces. bilan de dix ans d’utilisation et perspectives 209 Tableau IV. Situations cliniques relevant d’une échographie d’après les recommandations SFMU 2016, et intérêt en médecine des forces. Domaine Échographie abdominale Intérêt Échographie cardiaque Échographie veineuse Échographie ostéo-articulaire Échographie des tissus mous Recommandation Intérêt en Médecine des forces Diagnostic Épanchement péritonéal Forte Majeur Diagnostic Dilatation des Cavités pyélo-calicielles Forte Majeur Diagnostic Dilatation vésicale Forte Faible Présence d’un cathéter dans la vessie Forte Faible Diagnostic Anévrysme de l’Aorte Abdominale Forte Moyen Diagnostic Épanchement pleural liquidien Forte Majeur Diagnostic Épanchement pleural gazeux Forte Majeur Diagnostic Lignes A et B pulmonaires Forte Moyen Diagnostic Condensation pulmonaire Forte Moyen Thérapeutique Échographie thoracique Image cible Diagnostic Épanchement péricardique Forte Majeur Diagnostic Évaluation de la fraction d’éjection Moyenne Moyen Diagnostic Dilatation du ventricule droit Moyenne Moyen Diagnostic/ pronostic Mesure de la veine cave inférieure Forte Majeur Diagnostic Échographie quatre points des membres inférieurs Forte Majeur Diagnostic Évaluation d’un épanchement articulaire Proposition Majeur Diagnostic/ thérapeutique Détection corps étranger Proposition Majeur Diagnostic/ thérapeutique Détection collection liquidienne Proposition Moyen Forte Majeur Forte Moyen Forte Majeur Forte Majeur Diagnostic/ Pronostic/ Thérapeutique Diagnostic/ Pronostic/ Thérapeutique Algorithme de prise en charge d’une dyspnée Algorithme de prise en charge d’une douleur thoracique Échographie contextuelle Diagnostic/ Pronostic/ Thérapeutique Diagnostic/ Pronostic/ Thérapeutique Échographie Interventionnelle 210 Algorithme de prise en charge d’un traumatisé grave Algorithme de prise en charge d’un état de choc Thérapeutique Guidage/repérage d’une VVP, VVC, Artère Forte Majeur Thérapeutique Guidage d’une ponction péricardique Forte Majeur Thérapeutique Repérage d’une ponction d’ascite Forte Faible Thérapeutique Repérage d’un cathétérisme sus-pubien Forte Moyen Thérapeutique Repérage d’une ponction pleurale Forte Majeur Thérapeutique Contrôle position sonde d’intubation oro-trachéale Proposition Majeur Thérapeutique Guidage d’un bloc radial, cubital et médian Proposition Majeur Thérapeutique Guidage d’un bloc fémoral Moyenne Majeur c. dubecq RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.S ociété française de médecine d’urgence. Recommandations Formalisées d’Experts. Premier niveau de compétence pour l’échographie clinique en médecine d’urgence. 2016. 2.Cazes N. Échographie de l’avant : quelle formation pour le médecin militaire ? Les résultats d’une étude prospective [Thèse d’exercice]. Aix-Marseille Université. Faculté de Médecine ; 2012. 3.Leyral J, Cazes N, Aigle L, Petitjeans F, Lablanche C, Favier JC. Échographie de l’avant au Role 1 : quelle formation pour le médecin d’unité ? Médecine et Armées 2014 ; 42 (4) : 309-14. 4.Topin F. Rapport sur l’évaluation de l’échographe ultraportable Vscan et Vscan dual probe de General Electrics Healthcare. S-943/ BMPM/GSN/NP du 16 juillet 2014. 5.Enseignement du sauvetage au combat, 0309/EVDG/DPMO du 30 mars 2012. 6.Favier JC. Apport de l’échographie extra-hospitalière au diagnostic des urgences : expérience en milieu militaire. Le praticien en AR oct 2015 19 (5) : 246-53. 7.Maurin O. Échographie pour le médecin généraliste militaire en situation isolée [Thèse d’exercice]. Université Aix Marseille. Faculté de Médecine ; 2009. 8.Walcher F, Kortüm S, Kirschning T, Weihgold N, Marzi I. Optimized management of polytraumatized patients by prehospital ultrasound. Unfallchirurg. 2002 Nov ; 105 (11) : 986-94. 9.Ollerton JE, Sugrue M, Balogh Z, D’Amours SK, Giles A, Wyllie P. Prospective study to evaluate the influence of FAST on trauma patient management. J Trauma. 2006 Apr ; 60 (4) : 785-91. 10.Kerforne T, Petitpas F, Scepi M, Loupec T, Dufour J, Nanadoumgar H, et al. Accurate and easy to learn ultrasound sign to confirm correct tracheal intubation in cadaver model. Br J Anaesth. 2013 Sep ; 111 (3) : 510-1. 11.Kirkpatrick AW, Sirois M, Laupland KB, Liu D, Rowan K, Ball CG, et al. Hand-held thoracic sonography for detecting post-traumatic pneumothoraces : The Extended Focused Assessment with Sonography for Trauma (EFAST). J Trauma. 2004 Aug ; 57 (2) : 288-95. 12.Hyacinthe A-C, Broux C, Francony G, Genty C, Bouzat P, Jacquot C, et al. Diagnostic accuracy of ultrasonography in the acute assessment of common thoracic lesions after trauma. Chest. 2012 May ; 141 (5) : 1177-83. 13.Lichtenstein DA, Mezière GA. Relevance of lung ultrasound in the diagnosis of acute respiratory failure : the BLUE protocol. Chest. 2008 Jul ; 134 (1) : 117-25. 14.Zanobetti M, Poggioni C, Pini R. Can chest ultrasonography replace standard chest radiography for evaluation of acute dyspnea in the ED ? Chest. 2011 May ; 139 (5) : 1140-7. 15.Mayo PH, Beaulieu Y, Doelken P, Feller-Kopman D, Harrod C, Kaplan A, et al. American College of Chest Physicians/La Société de Réanimation de Langue Française statement on competence in critical care ultrasonography. Chest. 2009 Apr ; 135 (4) : 1050-60. 16.Vieillard-Baron A, Slama M, Cholley B, Janvier G, Vignon P. Echocardiography in the intensive care unit : from evolution to revolution ? Intensive Care Med. 2008 Feb ; 34 (2) : 243-9. 17.Z etlaoui PJ, Bouaziz H, Jochum D, Desruennes E, Fritsch N, Lapostolle F, et al. Recommandations sur l’utilisation de l’échographie lors de la mise en place des accès vasculaires. RFE. SFAR. Anesthésie Réanimation. 2015 ; (1) : 183-9. 18.Bouaziz H, Zetlaoui PJ, Pierre S, Desruennes E, Fritsch N, Jochum D, et al. Guidelines on the use of ultrasound guidance for vascular access. Anaesth Crit Care Pain Med. 2015 Feb ; 34 (1) : 65-9. 19.Ziegler DW, Cravens G, Poche G, Gandhi R, Tellez M. Use of Transcranial Doppler in Patients with Severe Traumatic Brain Injuries. J Neurotrauma. 2016 Feb 25 ; 20.D ubost C, Motuel J, Geeraerts T. Non-invasive evaluation of intracranial pressure : how and for whom ? Ann Fr Anesth Réanimation. 2012 Jun ; 31 (6) : 125-32. 21.Wey PF, Attrait X, Boulanger T, Izabel JF, Puidupin M, Escarment J. Utilisation pratique de l’échographie pour le triage de blessés de guerre : à propos de la prise en charge de 471 blessés tchadiens en novembre et decembre 2007. Réanoxyo 2009 ; 25 : 9-12. 22.Société Française d’Anesthésie Réanimation. Recommandations Formalisées d’Experts. Échographie en anesthésie locorégionale. 2011. 23.Lapostolle F, Petrovic T, Lenoir G, Catineau J, Galinski M, Metzger J, et al. Usefulness of hand-held ultrasound devices in out-of-hospital diagnosis performed by emergency physicians. Am J Emerg Med. 2006 Mar ; 24 (2) : 237-42. 24.Maurin O, De Regloix S, Lefort H, Delort G, Domanski L, Tourtier J-P, et al. French military general practitioner : ultrasound practice. J R Army Med Corps. 2014 Sep ; 160 (3) : 213-6. 25.Claret P-G, Bobbia X, Le Roux S, Bodin Y, Roger C, Perrin-Bayard R, et al. Point-of-care ultrasonography at the ED maximizes patient confidence in emergency physicians. Am J Emerg Med. 2016 Mar ; 34 (3) : 657-9. 26.Lemanissier M. Validation d’une première liste d’indications d’échographies réalisables par le médecin généraliste [Thèse d’exercice]. Université Paul Sabatier Toulouse III. Faculté de Médecine ; 2014. 27.Wordsworth S, Scott A. Ultrasound scanning by general practitioners : is it worthwhile ? J Public Health Med. 2002 Jun ; 24 (2) : 88-94. 28.Favier JC, Aigle L, Tondeur G, Cazes N, Leyral J. Quelles devraient être les indications de l’échographie en Role 1 ? Médecine et Armées 2014 ; 42 (4) : 315-20. le virage incontournable de l’échographie en médecine des forces. bilan de dix ans d’utilisation et perspectives 211 212 Médecine des forces A United Nations training course to investigate allegations of use of chemical, biological and/or toxin weapons A.-M. Jalady Abstract In case of an alleged use of chemical, biological or toxin weapons, the United Nations Secretary-General may be requested by any Member State to deploy a fact-finding mission in order to ascertain the facts. Such a Mission would be manned by a roster of qualified experts which the UN Office for Disarmament Affairs manages. This drove France to organize a training course in June 2015, and to conduct the basic training of twenty junior experts. This paper reports on the UN approach to training, based on some e-learning prior to the course so as to obtain security certificates, a few theoretical conferences and, for most of the course, scenarios role-played by the trainees. It also depicts the key skills required to perform the fact-finding mission : the international legal framework, the technical guidelines to abide by, and the general methodology. The experts operate as a team ; they conduct interviews of victims and officials, visit sites looking for evidence of weapons use, take samples, do clinical examination, and collect documents, photographs or video footages. Everything is registered in order to preserve the chain of custody. They produce a scientific and factual report. The completion of this training course enabled some French Armed Forces physicians to become part of the few experts who could be deployed for a fact-finding mission. Keywords : CBRN weapons. International fact-finding mission. Training course. United Nations. Résumé UNE FORMATION DES NATIONS UNIES POUR L’ENQUÊTE EN CAS D’ALLÉGATION D’EMPLOI D’ARME CHIMIQUE, BIOLOGIQUE ET/OU TOXINE. En cas d’allégation d’emploi d’arme chimique, biologique ou toxinique, le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations unies peut être sollicité par n’importe quel État membre pour conduire une mission de terrain destinée à établir les faits. Cette mission serait armée à partir d’un vivier d’« experts qualifiés » tenu à jour par le Bureau des affaires de désarmement des Nations-Unies. Cela a conduit la France à organiser une formation en juin 2015 destinée à une vingtaine d’experts débutants. Cet article présente l’approche onusienne de la formation : des cours en ligne permettant l’obtention de certificats de sécurité, quelques conférences théoriques, et une majorité de jeux de rôle des stagiaires. Il relate aussi les enseignements clés pour conduire l’enquête : le cadre juridique international, les directives techniques à suivre, et la méthodologie générale. Les experts travaillent en équipe ; ils réalisent des entretiens des victimes et des officiels, conduisent des visites sur site pour rechercher les preuves de l’utilisation d’armes, prélèvent des échantillons, réalisent des examens cliniques, collectent des documents, des photos ou des vidéos. Tout est enregistré afin d’assurer la traçabilité des éléments de preuve. Ils rédigent un rapport scientifique objectif. Ce stage a permis de qualifier des médecins militaires français à faire partie du petit nombre d’experts qui pourraient réaliser une mission d’enquête. Mots-clés : Armes NRBC. Mission internationale d’établissement des faits. Nations Unies. Stage de formation. Introduction As the recent events in the Middle East show, the use of chemical, biological or toxin (CBT) weapons is a credible threat during conflicts or terrorist attacks. The authors of these attacks do not always admit that they have used those kinds of weapons. Yet, doing so constitutes a violation of the 1925 Geneva Protocol (1), of the Chemical Weapons Convention (2) or of A.-M. JALADY, médecin en chef, praticien confirmé. Correspondance : Madame le médecin en chef A.-M. JALADY, Centre médical des armées de Montlhéry-Antenne médicale de Vert-le-petit, site de DGA Maîtrise NRBC, BP 3 – 91710 Vert-le petit. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 44, 2, 213-220 the Biological and Toxin Weapons Convention (3). The ability of the International Community to establish evidence of Biological Weapons (BW) or Chemical Weapons (CW) use has the potential to deter possible perpetrators. Triggered by a request of any Member State, the UN Secretary-General (UNSG) is authorized to establish a field Mission under the so-called « UN SG Mechanism » and dispatch a fact-finding team to the site(s) of the alleged incident(s) (4) and promptly report to all UN Member States. Such a Mission would be manned by qualified experts from the Member States listed on a roster, which the UN Office for Disarmament Affairs (UNODA) manages. However, training these experts remains a prerogative of the Member States (5,6). While international cooperation is improving its 213 preparation to address such allegations, a training course for experts nominated to the roster of the Secretary General’s Mechanism (SGM) took place in France between June 7th and 19th, 2015. The Central Direction of the French Defence Health Service was requested by the Armed forces Staff to find qualified trainees, within the framework of its chemical biological radiological and nuclear (CBRN) mission. It was only the second time that France, namely the General Directorate for International Relations and Strategy of the French Ministry of Defence (DGRIS) organized this kind of training, in close cooperation with the United Nations Office for Disarmament Affairs (UNODA). The firstever training course was organised by the Government of Sweden in June 2009. In November 2012, the second training course took place in France, and in 2014, in Sweden ; the United Kingdom and Germany hosted training courses too. It was an unexpected medical Mission for a trainee, definitely not a very well-known Mechanism, involving skills in political analysis, diplomacy, security, investigation management, stress management and team working. After academic lectures, a practical training course took place in the field in Fontevraud-L’Abbaye (2 CBRN Dragoons Regiment) and Saumur (Joint CBRN Defense Center). In a first part, this paper depicts the UN training course. The second part analyzes the course: the teaching methods in keeping with the UN way of training and skills for the missions. Before training: online preparation The trainees received guidance by e-mail and on a specific internet UN site (7). They had to read the SGM Guidelines and Procedures and the updated appendices for an investigation in case of alleged use(s) of CBT weapons. Furthermore, prior to beginning the training, all the participants were expected to complete three online training classes about security organized by the UN Department of Safety and Security (UNDSS) (8). These classes were: « Basic security in the field », « Advanced security in the field » and « Information Security Awareness Training » (Table 1). Each class Table I. Online advance preparation of the United Nation department of safety and security. Online training courses Basic security in the field (staff safety, health, and welfare) Modules 1.Introduction 2. The UN security management system 3. On the move 4. Where you live and work 5. Your health 6 Your wellbeing 7 Your personal safety Advanced security in the field 1.Introduction 2. Knowing and using your vital security tools 3. Your public behaviour, image, and your personal safety 4. Assessing your security risks 5. Nothing is more important than your wellbeingw 6 Your options in challenging environments Information Security Awareness 1. Introduction to information security 2. Protecting sensitive information 3. Social engineering 4. Password selection and usage 5. Electronic messaging and phishing 6 Accessing information on the internet 7. Responding to incidents 8. Cybercrime and target identification 9. Mobile devices and wireless networks 10.Data destruction 11.Encryption 12.Social networking and personal privacy 13.Protecting children online and security within the home 14.Security of your data in the cloud Training 214 a.-m. jalady comprised slides presented by a speaker, and short videos. The main part of teaching was based on readings and podcasts listening ; it was followed by an assessment. Those who passed were issued a personal certificate whose validity was limited to three years. Taking these courses is mandatory for all personnel stationed in or travelling to a non-headquarters duty station/mission for the UN. The training course Participants Fourteen nations were represented by the trainees: Australia, Burkina Faso, Canada, China, France, Italy, Mexico, Nepal, Pakistan, Romania, Russia, Serbia, Turkey and the United Kingdom. The trainees were experts pointed out to UNODA by their countries (5). Most had a scientific or technological background (microbiologists, chemists, public health physicians, armed forces physicians), and there were a few military officers. France, Australia, and the United-Kingdom sent observers. The staff was composed of experimented officials. For example, the UNODA officer in charge of the course was a former Soviet diplomat with a chemical and biological weapons (CBW) disarmament experience and a vast field experience gained with the UN Inspections in Iraq. The scientific adviser of the course was a French Professor, the Head of the Department of Biology of Transmissible Agents of the French Armed Forces Biomedical Research Institute. The trainees were divided in two teams of ten people, only two days after the inception of the course. Each team was coached by a supervisor nicknamed « the mother ». Both mothers (an Englishman and a Canadian) had taken part in the investigation for allegations of use of chemical weapons in 2013 in Syria within the framework of the joint UN-OPCW (Organization for the Prohibition of Chemical Weapons) mission. The Canadian « mother » had served as the Head of Field Operations and Deputy Head of the Sellström Mission in Syria. The English « mother » was a former serviceman with twenty-five years of experience of Explosive and Ordnance Disposal (EOD) ; he was the head of the OPCW Mission that neutralized the Syrian chemical weapons production facilities, shortly after Syria acceded to the Chemical Weapons Convention. All classes, be they conducted in Paris or in Fontevraud, were in English, without translation. Obviously, it meant for all the participants to be able to work in a multinational environment using English language on a daily basis. Days 1-2 After an ice-breaker the evening before, the first two days were dedicated to academic presentations at the Cercle national des armées in Paris (Table 2). Days 3-12 On the morning of the third day,, the trainees were divided into two teams, and the team leaders were appointed by the staff ; in the afternoon, the participants moved to Fontevraud-L’Abbaye (Maine-et-Loire). The second part of the training course took place there. It consisting of nine days of an intensive training workshop (Table 3). The trainees had to learn how to conduct factfinding activities working as a team, under the rigorous, but benevolent supervision of their « mothers ». Table II. Schedule of the masterful presentations (the first two days). a united nations training course to investigate allegations of use of chemical, biological and/or toxin weapons 215 Table III. Schedule of the training course days 4-12 *Head quarter of the United Nations in New-York. The scenario A detailed and credible scenario was distributed to the trainees on the first day of the course. The documents below were made available to the trainees: 1. The letter by the Head of State of the (fictitious) Republic of Flée to the UN Secretary-General reporting 216 the alleged use of a biological weapon (tularemia) against civilian targets by another fictitious country called Mopstuv. This letter provided the information pertaining to the alleged use, as requested by the UNSG Mechanism’s guidelines- appendix I (5). 2. Background information on the two belligerent countries: political situation, geography, history, a.-m. jalady population, armed forces and police forces, security situation, humanitarian situation, refugees, infrastructure and economy. 3. The Mandate given by the Secretary-General to the fact-finding mission, was based on General Assembly resolution 42/37C (4). The aim was to ascertain the facts related to an allegation of use of biological weapons, to gather relevant evidence and undertake analyses, and to deliver a report to the Secretary-General, following the UN Guidelines and Procedures (5) and its updated technical appendices of 2007 (9). Meetings with the UN or a host nation During the training course, the pace of activities, although it was inevitably compressed, endeavored to remain as realistic as possible. On the one hand, Video Tele Conferences (VTCs) were simulated with the Officwe of the UN Secretary-General in New York, and on the other hand meetings were organized with the host nation to exchange information. For example, the first meeting took place with the host nation. The purpose for the trainees was to explain to the host nation’s ambassador their Mandate, as depicted in their terms of reference, and to request support that the host nation should provide to them during their Mission. After thorough preparation by the team, each meeting was role-played (Figure 1). in order to practice the interview method with eye witnesses, victims, patients or with authorities. The first field day took place in the field training area of the CBRN Regiment of Dragoons in Fontevraud. For half of the day, the fact-finding teams had to take samples and do interviews on the site of the alleged use (Figure 2), and during the other half of the day, they went to a hospital in order to interview victims, medical staff and authorities, and to collect documents. Sampling matrices and interviews were thoroughly prepared during team work the day before. The aim of the day was really to assess what had happened in Flée, the host nation, to ship samples to UN designated laboratories, to fill out the chain of custody forms, to find evidence, and to try to ascertain the facts of the alleged use of a biological weapon. Environmental sampling was performed by a « Sampling Identification Biological Chemical and Radiological Agent » (SIBCRA) team, soldiers of the French Air force from Cazaux, whom the team leader had to manage. Victims’blood samples were simulated by a local nurse, under the supervision of an expert in order to preserve the chain of custody. Figure 1. Team leader on the grill: an official meeting. Scenario-based training For the first Practical Exercise (PE), the fact-finding team had to move as part of a convoy, as if it were in a war-torn country (Flee), on its way to a sampling mission. The aim was to assess security, to practice the radio-checks with the base, to clear the checkpoints properly. For the second PE, the experts had to realize environmental sampling while filling out the corresponding forms with a view to preserving the chain of custody. Each PE was followed by a short de-brief, so as to identify what had been done well and what had to be improved. Several indoor PEs were organized Figure 2. Decontamination airlock for entry and exit in the contaminated field. The second field day took place in the Joint CBRN Center in Saumur. Half the day was dedicated to a presentation of the Center, a visit of the decontamination facilities and the interview of a scientist suspected of having been involved in tularemia production. During the afternoon, the experts visited a Flée biological and chemical laboratory, had samples taken by the SIBCRA team and interviewed lab technicians. The final day of the course was dedicated to a presentation of the factfinding team’s initial report, and its first conclusions. a united nations training course to investigate allegations of use of chemical, biological and/or toxin weapons 217 Lessons learnt Pedagogical aspects: the UN approach to training Advance preparation online Online learning is a very interesting way of learning. It is interactive, always available, and provides an official certificate at the end of the course if the students get more than 80 % of the answers right at the final exam ; this kind of training is very attractive. It could be useful in other contexts, for example for the soldiers to learn the health threats before deploying to a foreign country. A scenario-based training One of the best ways to learn is when the trainees are doing things. The principle of this training is to make the trainees really conduct the investigation step by step, with a program of increasing intensity, helped by the UN Guidelines and Procedures (9) and by an experimented supervisor. The concept of a « mother » who stays to a team, and coaches it, proved useful. The « mother » is benevolent with the trainees, accessible for all questions, and guides them so that they learn by themselves. The « mothers » followed the usual rules of a simulation training (10). The language of the training course was exclusively English. It was a good opportunity to practise for the trainees whose mother tongue was not English. Skills for the mission: methodology to realize a UN investigation in case of an alleged use of CBT weapon the Secretary-General, decides to consider immediately appropriate and effective measures in accordance with the Charter of the United Nations, should there be any future use of chemical weapons in violation of international law. This resolution puts the authority and weight of the Security Council behind UNGA resolution 42/37C, that is of lesser political value. • General Assembly Document A/44/561 Annex I (October 4th1989) contains recommendations by the group of qualified experts convened pursuant to the General Assembly resolution A/RES/42/37C for guidelines and procedures for timely and efficient investigations of reports on the possible use of chemical and bacteriological (biological) or toxin weapons. It contains information (appendix I) to be provided by a Member State in the report which is to send to request the UN SG on possible alleged use of CBT weapon on its national territory. It also contains recommendations (annex I) for the Member States to provide qualified experts and analytical laboratories. There is a list of 12 areas of expertise for the experts updated with 16 areas in the technical guidelines and procedures in 2007 (appendix IV) (Table 4). Any Member State may designate laboratories whose names and capabilities should be places on a list maintained and periodically updated by the UN SG and whose services may be required to test for the presence of CBT agents. « They may be called upon by the UN SG to participate in inter-laboratory calibration studies so as to establish the validity and accuracy of their analytical methods ». Table IV. CONOPS of the Mission. Before the Mission To prepare the Mission, it is necessary to completely understand and to review the UN Secretary-General’s Mandate specific to the mission, the up-to-date UN Guidelines and Procedures (9), the key documents of the legal framework. The Mandate and the Guidelines must be perfectly known by the inspectors. Key documents (11) • General Assembly (GA) resolution A/RES/42/37C (November 30th 1987) requests the Secretary-General to carry out investigations in response to reports that may be brought to his attention by any Member State concerning the possible use of chemical and bacteriological (biological) or toxin weapons ; to provide the assistance of qualified experts, to develop further technical guidelines and procedures ; and to compile and maintain lists of qualified experts provided by Member States. • Security Council resolution 620 (August 26th1988) encourages the Secretary-General to promptly carry out investigations in response to allegations brought to his attention by any Member State concerning the possible use of chemical and bacteriological (biological) or toxin weapons ; and, taking into account the investigations of 218 • General Assembly resolution A/RES/45/57C (December 4th 990) endorses the proposal for guidelines and procedures for investigations of reports on the possible use of chemical and bacteriological (biological) or toxin weapons contained in document A/44/561. • General Assembly resolution A/RES/60/288 (September 20th 2006) encourages the Secretary-General to update the roster of experts and laboratories, as well as the technical guidelines and procedures, available to him for the timely and efficient investigation of alleged use. • Technical Guidelines and Procedures (TGP) developed by the group of qualified experts established in pursuance of General Assembly resolution 42/37C of November 30th 1987 (9). The TGP appendices were updated in 2007. This Mission is also justified by the international legal framework resting on the Geneva Protocol of 1925 (1), the Chemical Weapons Convention (2) and the Biological Weapons Convention (3). The country books (road to crisis, culture, geography, etc.) have to be studied. In the training a.-m. jalady course scenario, the alleged CB agent is known, namely tularemia. A strong detailed updated documentation has to be collected about it (12). The concept of the operations (CONOPS) has to be determined (Table 5). Table V. Action plan. During the mission The experts work effectively in teams. The three priorities are safety and security, facts finding, conclusion and report. Working as a team There are five key concepts for a successful international team: affinity, reciprocity, consensus, expertise (that gives authority) and reliability. « During the mission, your team is your life ; you have to trust each member ». « It’s amazing how people do what you want them to do, if you just trust them ». The team leaders must manage the work of sub-teams to reach the objectives. It is very important to communicate within the team and to support one another. « Nobody has the level not to serve a coffee or hold the bag of someone else. You have to support each other ». Time discipline in the team must be respected. Experts always perform one part of the work of the teams, they have no overall view of the work of the teams, yet they have to strive to help their team leaders. The cohesion of the group is important. The more cohesion there is, the easier it will be to work together, and the better the results of the team will be. Well being The big mountain metaphor comes into play here. When there is a very complex mission to be performed, that needs a lot of work like this one, it can be depicted as a big mountain. The big mountain has to be broken into little rocks, and the rocks into stones, until you obtain achievable tasks. The training course may give rise to personal interrogations about one’s own involvement. UN inspectors volunteer to realize this kind of mission. The framework of this mission is neutrality. Weapons are neither allowed in the UN vehicles, nor carried by UN personnel. Investigators have to accept to be a target sometimes, in a country at war, to fulfill the mission. This kind of mission may be useful for the world, for suffering people. It contributes to stop violations of the 1925 Geneva Protocol (1) and to stop wide-scale crimes. Standards of Conduct The experts have to conform with rules on how to behave when they serve for the UN. They are called « Standards of Conduct for the International Civil Service » (13) which have to be known. They are based on the UN values which must guide international officials in all their actions: fundamental human rights, social justice, dignity and worth of human beings, gender equality and respect for nations great and small. The international civil servants must act with integrity, impartiality, independence, and discretion. Security best practice The red line notion applies: « Nothing is more important than your life »: during the mission, if it becomes necessary to choose between evidence and the life of the team, « you’ll have to choose life ». During their mission in Syria, the supervisors had to cancel a visit because it was too dangerous. The acceptable level of risk needs to be clearly defined. During the entire mission, investigators have to implement the Mandate, do scientific proofs, while displaying integrity and impartiality in evidence management (Figure 3). Figure 3. UN investigators shield. Fact-finding best practice The team has to find evidence to ascertain allegations. Samplings (environmental or biomedical) are convincing evidence for the UN. Primary analysis may be done by the UN experts in the host country, if they have the on-site capacity. Samplings are sent to a specialized laboratory designated by the UN, outside the country of the alleged use of CB weapon, provided and declared by the Member States on the UNODA roster. The samples are registered on specific UN forms, which must be filled out to preserve the chain of custody. The other types of evidence are interviews of victims or authorities (local or national authorities, medical staff), documents, observations, and admission of liability by a nation (Ex: Iraqi recognition of a biological weapon program or Syria admitting it possesses chemical weapons). An armed force physician can be useful for this kind of investigation: especially for his adaptability, for the victims or medical staff interviews, or for the medical support of the team members. As far as documents are concerned, primary evidence may not be used by the experts to work on, because they may be degraded. It is necessary to make copies to work on them. Every piece of evidence has to be recorded, for the sake of the chain of custody. Photographs and video footages are essential. A continuous assessment of evidence is necessary: is it really strong ? Is it admissible ? Does it prove anything ? For each visit on the sites of alleged use of CBT weapon, an evidence collection plan must be prepared (Table 6). a united nations training course to investigate allegations of use of chemical, biological and/or toxin weapons 219 the report about the allegation of use of CBT weapons. The report needs to be factual, unbiased, transparent, and scientifically sound. It must be given to the UN Secretary-General in person (5), even if it is very likely that the host nation will try to acquire it first. Table VI. Investigation matrix. The conclusions and the report During the mission, in order to gain different means or to communicate, several meetings have to be attended to by the team of experts with UN or host nations. A useful tool to prepare a meeting was proposed by supervisors who had already done this kind of missions in real life. It consists of three questions: « what do we want ? », « what do they want ? », and « what if ? ». Completing the investigation matrix is a real help to use the facts found on the field to obtain the objective conclusions of the report. The aim of the investigation is to ascertain, in an objective and scientific manner, facts of alleged violations of the 1925 Geneva Protocol. The investigation report has to be consistent with the Mandate given by the Secretary-General, and to reflect scientific observations in terms that the politicians will understand without any ambiguity. Anything the experts say or write may have significant political consequences. In case of an actual violation, the case might be brought to the Security Council. Politicians need a clear answer in Conclusion This paper aimed to share an unusual experience of training by the UN, and the key lessons learnt. The UN training course which took place in France in June, 2015 was mainly based on situation scenarios, team work and the implementation of the lessons learnt. This training course contributed to give the experts, who might be requested, a common basis of understanding to complete facts-finding missions in the sites of alleged use of chemical biological or toxin weapons, and tools to produce a scientific and objective report within a given format. Conflicts of interests: The author does not declare a conflict of interests concerning the data presented in this article. Acknowledgments: The author thanks Colonel Nicolas Coussière (Permanent mission of France to the Conference on Disarmament, Geneva) and Pr Eric Valade (French Armed Forces Biomedical Research Institute) for their comments. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Protocol for the Prohibition of the Use in War of Asphyxiating, Poisonous or Other Gases, and of Bacteriological Methods of Warfare, Geneva, 1925. 2.Convention on the Prohibition of the Development, Production, Stockpiling and Use of Chemical Weapons and on Their Destruction, Technical Secretariat of the Organization for the Prohibition of Chemical Weapons, The Hague, 1997. https ://www.opcw.org/ chemical-weapons-convention/. Consulted on 12 June 2016. 3.Convention on Prohibition of the Development, Production and Stockpiling of Bacteriological (Biological) and Toxin Weapons and on their Destruction. Signed 10 April 1972, entered into force 26 March 1975. Approved by the General Assembly of the United Nations, December 1971. 4. UN, 1987. General Assembly resolution A/RES/42/37 (30 November 1987) 5.U N, 1989. General Assembly Document A/44/561 Annex I (4 October 1989) 6. U N, 2006. General Assembly resolution A/RES/60/288 (20 September 2006) 7.United Nations Office for Disarmament Affairs. Secretary-General’s Mechanism : Training Course, France 2015.Training Course for Experts on the Roster of the Secretary-General’s Mechanism for 220 Investigation of Alleged Uses of Chemical, Biological and Toxin Weapons, France 7-19 June 2015. https ://odasgm.un.org/. Consulted on 12 June 2016. 8.https ://training.dss.un.org/courses/login/index.php. Consulted on 12 June 2016. 9.UN, 2007.Updated Technical Appendices of 2007 to the Guidelines and Procedures accessible at https ://www.un.org/disarmament/wmd/ secretary-general-mechanism/appendices. Consulted on 12 June 2016 10.HAS. Guide de bonnes pratiques en matière de simulation en santé.2012 accessible at http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/ application/pdf/2013-01/guide_bonnes_pratiques_simulation_sante_ guide.pdf 11.https ://www.un.org/disarmament/wmd/secretary-generalmechanism/key_documents. Consulted on the 12 June 2016. 12.W orld Health Organization. WHO guidelines on tularemia. Epidemic and pandemic alert and response. Geneva, Switzerland ; 2007 accessible at http://www.cdc.gov/tularemia/resources/ whotularemiamanual.pdf.Consulted on 12 June 2016. 13.UN, 2013. Standards of Conduct for the International Civil Service (2013) accessible at http://icsc.un.org/resources/pdfs/general/ standardsE.pdf. Consulted on 12 June 2016. a.-m. jalady Médecine des forces L’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital… K. Cocquempota, J. Bancarelb, J.-P. Freiermuthc, V. Beylotd, H. Mabite, G. Turbanf, S. Costeg a Escadrille aérosanitaire 6/560 Étampes, BA 107, Route de Gisy – 78129 Villacoublay Air. b DCSSA/EMOS/M3, 60 bld du Général Martial Valin, CS 21623 – 75509 Paris Cedex 15. c Service médical d’urgence, BSPP. d HIA Percy/CPEMPN, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex. e CMA de Bordeaux-Mérignac/AM Mont-de-Marsan, BA 118, 1061 avenue du Colonel Rozanoff – 40118 Mont-de-Marsan Cedex. f Conseiller santé du Commandement des Forces aériennes, BA 106, avenue de l’Argonne, CS 70037 – 33693 Mérignac Cedex. g Centre de formation de médecine aéronautique de l’EVDG, Site de l’îlot Percy, BP 406 – 92141 Clamart Cedex. Résumé Le maintien de l’autonomie stratégique de la France implique pour le Service de santé des armées de pouvoir déployer une chaîne médicale complète afin d’assurer le soutien des forces armées. Le Service de santé des armées a ainsi développé une chaîne d’évacuation médicale du théâtre à l’hôpital d’instruction des armées métropolitain garantissant à chaque militaire la meilleure prise en charge médicale dans les meilleurs délais et les meilleures conditions. Cette chaîne MEDEVAC utilise tous les moyens aériens disponibles : hélicoptères, avions tactiques et stratégiques. Chaque moyen est adapté aux conditions du terrain sur lequel il opère. Ainsi, l’hélicoptère de manœuvre récupère le militaire blessé au plus proche du feu pour le conduire à l’unité médicale opérationnelle la plus proche. De celle-ci, le patient est transféré vers une unité médicale opérationnelle aux moyens médicaux plus importants par un avion tactique où il bénéficiera de la chirurgicalisation et réanimation de l’avant pour une mise en condition avant une évacuation médicale stratégique jusqu’à la métropole. Les acteurs de cette chaîne nécessitent une formation leur permettant de prendre en compte les contraintes spécifiques de l’évacuation médicale par voie aérienne. Mots-clés : Chaîne médicale. Évacuation médicale. MEDEVAC. Service de santé des armées. Transport aérien. Abstract MEDICAL EVACUATION BY AIR: FROM THE BATTLEGROUNDS TO THE HOSPITALS… The Army Health Service must implement an exhaustive medical support so as to ensure the strategic autonomy of France. Hence, the Army Health Service has set up a chain of operations from the battlegrounds to the teaching hospitals in mainland France so as to ensure that servicemen and women can benefit from the best medical care, in the best conditions and without delay. This chain of operations called MEDEVAC, uses all available air transport: helicopters as well as tactical and strategic planes. Each means of transport must be suited to the conditions in the battlegrounds. So, utility helicopters collect wounded servicemen and women from the battlegrounds and take them to the closest operational medical units. Then tactical planes transfer the patients to an operational medical unit with better medical equipment where they can undergo pre hospital intensive care and surgery to prepare for a strategic evacuation to mainland France. The staff must be trained so as to be able to manage the specific constraints of evacuation by air. Keywords: Air transport. Army Health Service. MEDEVAC. Medical evacuation. Introduction Depuis la création du Service de santé des armées (SSA) en 1708, la rapidité de la prise en charge et K. COCQUEMPOT, médecin principal, praticien des armées. J. BANCAREL, médecin en chef, praticien confirmé. J.-P. FREIERMUTH, médecin en chef, praticien confirmé. V. BEYLOT, médecin en chef, praticien certifié. H. MABIT, médecin principal, praticien des armées. G. TURBAN, médecin en chef, praticien certifié. S. COSTE, médecin en chef, praticien confirmé. Correspondance : Monsieur K. COCQUEMPOT, Escadrille aérosanitaire 6/560 Étampes, BA 107, Route de Gisy – 78129 Villacoublay Air. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 44, 2, 221-230 d’évacuation des blessés a toujours été considérée comme un facteur déterminant de leur survie. Ainsi se développèrent les premières ambulances tractées par les chevaux puis les véhicules sanitaires automobiles et les trains sanitaires durant la première guerre mondiale. La maîtrise de la troisième dimension a ouvert de nouveaux horizons. L’aviation sanitaire est née et s’est développée au cours des conflits du xxe siècle, bénéficiant à la fois de l’amélioration des performances des aéronefs et de la médecine. L’armée française a acquis une maîtrise de cette chaîne médicale de rapatriement des théâtres d’opération extérieure à l’hospitalisation en hôpital 221 d’instruction des armées. Les capacités d’évacuations médicales par voie aérienne de blessés graves sont devenues un élément déterminant dans le potentiel d’engagement des forces armées françaises dans les conflits. L’évacuation médicale précoce par voie aérienne fait partie intégrante de la prise en charge moderne du blessé de guerre, permettant aux blessés de rester sur le théâtre moins de trente heures après leur blessure. Ceci nécessite des moyens d’évacuations rapides et performants permettant d’assurer la continuité des soins avec un haut niveau de médicalisation. Lors de la dernière décennie, le SSA a rapatrié plus de 546 patients catégorisés en urgence absolue et plusieurs milliers de militaires blessés ou malades catégorisés en urgence relative. Historique (1-10) Dès la fin du xixe siècle, l’idée de transporter des blessés dans des nacelles suspendues à des ballons tractés par des chevaux avait été émise par le médecin général de l’armée néerlandaise. Ce projet ne vit jamais le jour. En 1910, Marie Marvingt et Louis Béchereau proposent lors d’un concours un projet d’avion ambulance dont le concept a soulevé de nombreuses réticences de la part de l’armée, des politiques et du monde médical. Les premières évacuations sanitaires aériennes étaient dites d’opportunité et le fruit d’initiatives locales, sur des avions d’armes biplaces non aménagés pour le transport de blessés. La première du genre s’est déroulée sur un Farman MF 11 au Royaume de Serbie en novembre 1915. Mais il faudra attendre 1917 pour que l’idée d’avion ambulance soit reprise et développée par le docteur et député Eugène Chassaing, considéré comme « le père de l’aviation sanitaire ». Le projet est soutenu par Justin Godart, ministre du Service de santé. Il transforme un Dorand AR, biplan à armature en bois en installant deux brancards superposés dans le fuselage et en supprimant le poste de mitrailleur. Le premier vol eut lieu le 22 septembre 1917 à Villacoublay. Il faudra attendre la fin de la Grande Guerre pour que Chassaing puisse récupérer des avions sans emploi qu’il aménage en avions sanitaires. Le Breguet XIV type A2 et type Tbis Limousine reprennent du service au Maroc et au Levant. Chassaing établit au Maroc une tactique sanitaire comportant l’évaluation des besoins, la création de pistes de secours, la coordination entre les troupes au sol et les moyens aériens, la priorité accordée aux communications téléphoniques concernant les évacuations médicales,… L’aviation sanitaire organisée est née. On dénombre plus de 4 600 évacuations au Maroc et 2 400 au Levant entre 1920 et 1938. La médecine aéronautique est encore à ses balbutiements et les contre-indications à l’évacuation aérienne ne sont pas encore d’actualité. L’alternative est alors de choisir entre la civière ou le cacolet à dos de mulet pendant plusieurs jours ou l’avion avec les quelques incidents pour les traumatisés thoraciques et abdominaux dus aux variations rapides barométriques. Ces missions d’évacuations aériennes étaient considérées comme 222 difficiles et confiées aux pilotes les plus expérimentés comme Jean Mermoz à Alep. L’entre-deux-guerres voit le développement du réseau d’avions sanitaires en métropole. Le médecin colonel Robert Picqué, médecin-chef de l’hôpital militaire de Talence, organise les évacuations sanitaires dans le Sud-Ouest en affrétant trois avions opérant à partir de la base aérienne de Cazaux. Cela permit de rapatrier des blessés et malades de toute la région vers Bordeaux pour se faire soigner. Il décède notamment lors d’une de ses missions à Marcheprime en 1927. Un autre concept voit le jour : amener par voie aérienne l’équipe chirurgicale plutôt que de déplacer le patient. Plusieurs aéronefs Voisin, baptisés « Aérochir » furent aménagés mais ne connurent guère de succès. L’idée sera reprise plus tard lors de la création des antennes chirurgicales aéroportées. Sur le plan juridique, l’application des conventions de la Croix-Rouge internationale à l’aviation sanitaire fut acquise en 1929 avec l’article 18 de la Convention de Genève qui assurait en cas de guerre la garantie de la neutralité à celle-ci. Cette dernière connaît une popularité internationale grâce à l’organisation du premier Congrès international de l’aviation sanitaire à Paris par Marie Marvingt en 1929, des Journées d’aviation sanitaire coloniale lors de l’Exposition coloniale internationale de Paris de 1931 puis de congrès internationaux. Le nombre de combattants blessés, l’étendue et la variété des territoires de la Seconde Guerre mondiale ont confronté l’aviation sanitaire à de nouveaux défis. Les Alliés ont donc mis en place le concept de Holding hospital ou hôpital de transit aérien. Ce dernier, d’une centaine de lits ou plus, se situait sous tente sur un terrain d’aviation, au plus près de la piste à laquelle il était relié, permettant d’assurer un chargement direct des blessés dans l’avion sans avoir recours aux ambulances. Les holding hospitals étaient équipés de moyens médicaux, chirurgicaux, radiographiques et de laboratoire, et stabilisaient les patients avant leur évacuation aérienne. Ce concept est le précurseur des Roles 2 et 3, ou des Unités médicales de transit (UMT) que l’on connaît sur les conflits actuels. Les Dakota dont la capacité était de 18 patients couchés assuraient ces norias. À la fin de la guerre, en juin 1945, le Groupe des moyens militaires de transport aérien de l’armée de l’Air (GMMTA) est créé. Le ministère de l’Air recrute les premières Infirmières parachutistes secouristes de l’Air (IPSA) pour rapatrier les ressortissants retenus en Allemagne, les prisonniers de guerre, les travailleurs du Service de travail forcé (STO) et les déportés. Ces IPSA seront les précurseurs des convoyeuses de l’air, dont la première promotion sera officiellement recrutée en 1946. La guerre d’Indochine a représenté un tournant décisif dans l’histoire de l’aviation sanitaire avec l’utilisation d’hélicoptères, permettant d’intervenir presque partout et au plus près des zones de combat. Cet emploi est le fruit d’une initiative du médecin général Robert, directeur du Service de santé des armées d’Indochine. Il finança l’achat de deux hélicoptères Hiller 360 et k. cocquempot la formation de pilotes spécialisés à l’évacuation sanitaire dont le médecin Valérie André. Ils jouèrent un rôle important lors de la bataille de Diên Biên Phu en assurant la liaison aérienne entre la zone où opérait la 5e antenne chirurgicale parachutiste et Muong Saï où se posaient les avions sanitaires. Sur le plan médical, la mise en condition des patients préalable à l’évacuation sanitaire fut développée dès la prise en charge initiale. L’oxygénothérapie et les techniques de perfusion en vol furent mises au point. Plus de 63 000 blessés furent rapatriés sur le territoire indochinois et plus de 14 000 en métropole. La Guerre d’Algérie vit l’arrivée de nouveaux hélicoptères (Alouette II avec deux brancards, H-34 avec huit brancards) et d’avions plus performants comme le Noratlas pouvant être équipé de 18 à 24 brancards selon la configuration et un chargement arrière par plan incliné. Durant cette période, des progrès significatifs dans la prise en charge des patients en vol furent accomplis grâce à la formation du personnel, à l’évolution de la médecine d’urgence adaptée aux conditions aéronautiques et à l’expérience acquise par la réalisation de nombreuses évacuations sanitaires aériennes. Les années 1960 et 1970 vont voir l’évolution l’aviation sanitaire en France et à l’étranger grâce à deux phénomènes liés au boom économique : d’une part, l’accroissement de la circulation automobile et avec lui celui des victimes d’accidents de la route, et d’autre part, le développement du tourisme qui amène à travers le monde des millions de passagers dont certains seront victimes d’accidents ou de maladies qu’il va falloir rapatrier. Le Service d’aide médicale urgente (SAMU) est créé par le Pr Lareng en 1968 et va utiliser l’hélicoptère comme moyen d’intervention sur terre comme en mer. Dans l’organisation de la sécurité publique, les moyens aériens et tout particulièrement les hélicoptères sont intégrés systématiquement dans tous les plans d’intervention prévus en cas de catastrophe naturelle ou technologique. Les performances et le confort des aéronefs (climatisation, pressurisation, espace disponible, rapidité et autonomie) se sont améliorés réduisant ainsi les contraintes aéronautiques sur les blessés. L’emport d’oxygène complémentaire et la résolution de la fourniture d’énergie à bord ont permis également de pouvoir utiliser des appareils de réanimation hospitalière et d’évacuer simultanément plusieurs patients sur de longues distances. Capable de transporter jusqu’à six patients de réanimation lourde, le module « MoRPHEE » (Module de réanimation pour patients, à haute élongation d’évacuation) du Service de santé des armées (SSA) constitue à ce jour l’une des meilleures réalisations dans le domaine de l’évacuation médicale aérienne en France. Les armées engagées dans les opérations extérieures ont évidemment continué à assurer le rapatriement aérien de leurs personnels malades ou blessés. Il s’est constitué au fil des décennies une véritable chaîne d’évacuation médicale : du lieu de combat où le blessé est récupéré en hélicoptère puis convoyé jusqu’à l’antenne chirurgicale l’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital… par des avions tactiques, et par la suite rapatrié en métropole à bord d’avions stratégiques qui disposent à leur bord d’une capacité médicale. Doctrine (11-14) L’organisation de la chaîne de l’évacuation médicale est encadrée par des textes supranationaux (STANAG 3204 — Aeromedical evacuation) et nationaux (MED 3.003 du SSA, DIA-4.0.10). Le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 rappelle le maintien de l’autonomie stratégique de la France. Celle-ci repose sur la maîtrise nationale des capacités essentielles à sa défense. Elle implique pour le SSA de pouvoir déployer une chaîne médicale complète afin d’assurer le soutien des forces armées. La doctrine du soutien médical des opérations est fondée aujourd’hui sur les principes suivants : – médicalisation de l’avant, forme particulière et très spécifique d’exercice médical, qui intègre notamment le sauvetage au combat et le damage control resuscitation ; – réanimation et chirurgicalisation de l’avant, au plus tôt et au plus proche du lieu de la blessure avec des techniques spécifiques comme la chirurgie de sauvetage (damage control surgery) ; – évacuation médicale (MEDEVAC) stratégique systématique et précoce. La France ne réalise pas d’hospitalisations prolongées sur le théâtre d’opérations, le blessé ou malade est ainsi évacué vers la structure hospitalière la plus adaptée du territoire métropolitain pour le traitement définitif. Ce triptyque doctrinal permet d’offrir au soldat une prise en charge optimale, adaptée à son état clinique, et lui assure ainsi les meilleures chances de survie, de réparation des dommages corporels et de récupération fonctionnelle. La doctrine de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sépare les évacuations médicales de l’avant en deux catégories : – les évacuations médicales de l’avant (FORWARD MEDEVAC) correspondent au relevage du blessé sur le champ de bataille jusqu’à la première unité médicale opérationnelle la mieux adaptée à la situation du patient (évacuation primaire avec un patient pas ou peu conditionné) ; – les évacuations médicales intra-théâtre (TACTICAL MEDEVAC ou TACEVAC) correspondent au transport du blessé stabilisé entre deux unités médicales opérationnelles au sein d’un théâtre d’opérations (évacuation secondaire avec un patient conditionné). Ensuite, le patient est évacué du théâtre vers la métropole par les avions stratégiques (STRATAEROMEDEVAC) pour la poursuite des soins. Pour chaque étape de prise en charge, le SSA et les forces armées ont choisi des moyens humains et matériels pour optimiser le transport des patients (hélicoptères de manœuvre (HM) MEDEVAC, avions tactiques Casa nurse et avions stratégiques Falcon ou Airbus) (fig. 1). 223 Figure 1. Chaîne d’évacuation médicale française. © (DCSSA). AEROMEDEVAC par hélicoptère de manœuvre (HM) (15) Mode d’action — moyens En opérations extérieures, les vecteurs déployés sont des hélicoptères de manœuvre de 7 à 11 tonnes (SA 330 PUMA, AS 332 COUGAR, EC 725 CARACAL, NH 90 CAÏMAN) permettant d’emporter au maximum six patients couchés (configuration de transport sommaire). L’équipe médicale composée d’un médecin aéronautique et/ou urgentiste, d’un infirmier et parfois d’un auxiliaire sanitaire, est spécifiquement formée à ce type de mission. L’hélicoptère reste le vecteur le plus adapté aux reliefs pour s’affranchir des obstacles du terrain et pour récupérer le blessé pour le ramener au plus vite vers un chirurgien. C’est ainsi que les MEDEVAC HM ont été déployées sur tous les théâtres d’opérations et ont permis d’évacuer plusieurs milliers de blessés (fig. 2). En temps de paix, les hélicoptères sont également employés pour la MEDEVAC que ce soit en métropole ou dans les DOM-COM. Ils effectuent également, avec une équipe médicale qualifiée à bord, des missions de search and rescue (SAR) en milieu maritime (fig. 3) comme terrestre, et au transport secondaire de patients. Les évacuations médicales héliportées sont tributaires de contraintes médico-aéronautiques et tactiques spécifiques aux vecteurs à voilure tournante. C’est le juste équilibre de la maîtrise de ces contraintes qui permet de garantir une sécurité des vols. 224 Figure 2. MEDEVAC HM en OPEX. © BA 172/Armée de l’Air. Contraintes aéronautiques (16) Plusieurs facteurs ont été identifiés concourant à majorer le risque aéronautique des évacuations médicales héliportées comme le déclenchement d’une mission dans un délai court entraînant une pression temporelle avec un temps de préparation du vol réduit, des sources de distraction depuis la soute avec les bruits des appareils médicaux, présence d’une équipe médicale à bord, la vision de blessés souvent graves, le trafic aérien. De plus, l’amplitude du temps de travail, les vols répétés, les vols nocturnes, la réduction des temps de repos ainsi que les situations stressantes peuvent être autant de facteurs délétères. k. cocquempot contexte hostile, l’équipe médicale doit pouvoir assurer sa propre sécurité avec son armement de dotation. Des opérations de treuillage de l’équipe médicale peuvent être nécessaires pour les zones difficilement accessibles. La formation, l’entraînement préalable et l’expérience sont indispensables à la bonne réalisation de ces missions particulièrement périlleuses. Contraintes médicales La diversité des théâtres d’opérations extérieures soumet les pilotes à des contraintes de milieu particulières. Le pilote habitué à voler dans un climat tempéré, va devoir voler en milieu tropical ou en haute montagne. Cela nécessite bien évidemment un temps d’adaptation qui est réduit par l’expérience acquise au fil des déploiements. En Afrique, les distances parcourues sont souvent longues nécessitant de planifier en urgence un ravitaillement sur le trajet ; par ailleurs, les conditions météorologiques avec des températures pouvant avoisiner les 50 °C ou des tempêtes de sable et des orages tropicaux. Toutes ces contraintes sont à prendre en compte pour la mise en condition du patient (charge emportée, résistance du matériel médical à la chaleur,…). À l’inverse, durant les conflits en Yougoslavie et en Afghanistan, les MEDEVAC HM ont été réalisées en ambiance hivernale avec des vols à haut risque (brouillard, neige, givre,…). Enfin, l’armement de sabord nécessitant de voler portes ouvertes, le conditionnement des patients à bord a dû évoluer pour minimiser l’hypothermie, facteur aggravant du blessé de guerre (système de réchauffage). Le médecin à bord participe à la sécurité aérienne : il connaît les contraintes comme les vols sous Jumelles de vision nocturne (JVN), le brown-out (nuage de poussière soulevé par le souffle du rotor), les obstacles filaires. Grâce à sa connaissance du milieu aéronautique, il participe à diminuer la pression et le stress de l’équipage liés à l’évacuation médicale. Outre la prise en charge qui relève de la médecine d’urgence, le médecin devra prévenir ou traiter les conséquences dues aux contraintes aéronautiques du transport héliporté. En effet, les accélérations du décollage et de l’atterrissage peuvent avoir une influence sur l’hémodynamique d’un patient instable. Il en est de même avec le vol tactique qui garantit la sécurité de l’appareil sur le champ de bataille. L’environnement à bord d’un hélicoptère est restreint et nécessite une adaptabilité de l’équipe médicale. Un équilibre entre le matériel embarqué permettant à l’équipe médicale d’assurer au patient le même niveau de soins qu’un transport pré-hospitalier, et la masse pouvant être embarquée par l’hélicoptère est subtile. Les contraintes de poids sont majeures et déterminent la quantité de carburant et la durée de vol. Cette contrainte est d’autant plus importante en milieu chaud où la charge permettant le décollage est plus faible. Le matériel embarqué doit être le plus miniaturisé possible avec une autonomie électrique suffisante, ne bénéficiant pas toujours d’électricité à bord. La disposition du matériel à bord doit être réfléchie de façon à éviter au maximum la réalisation de gestes techniques, et que la surveillance des paramètres se fasse d’un seul balayage visuel. En cas de transport de blessés multiples, le chargement et le positionnement des patients à bord doivent être anticipés. Le médecin réalise un triage, conditionne les patients avant le chargement de façon à limiter l’intervention en vol. Les patients les plus graves sont placés au niveau des places les plus accessibles, le conditionnement avant l’embarquement est une étape essentielle car les vibrations, l’exiguïté de la cabine, l’ambiance bruyante (donc toute communication verbale avec le patient est réduite et l’auscultation en vol est impossible), limitent considérablement la possibilité de réaliser des gestes techniques en vol. Contraintes tactiques Formation L’équipe médicale doit avoir une connaissance du contexte tactique et l’environnement dans lequel elle évolue. L’hélicoptère de manœuvre, cible à haute valeur ajoutée dans la guerre médiatique, reste un vecteur fragile et vulnérable notamment lors des phases de transition : décollage, vol en stationnaire, atterrissage. La situation de combat au sol n’est pas toujours connue à l’avance, et si le blessé n’a pu être conditionné, l’équipe médicale pourra être déposée pour réaliser le conditionnement puis être récupérée secondairement. Les règles de déplacement ainsi que les techniques de survie voire de récupération doivent être connues. En Au vu de toutes ces contraintes, l’importance d’une formation aéromédicale des équipes réalisant les MEDEVAC HM apparaît évidente. Ces dernières doivent connaître les capacités de l’hélicoptère dans lequel ils volent, les distances et la durée des vols afin de dimensionner au mieux le matériel et la surveillance du patient. L’entraînement à la réalisation de gestes techniques en vol mais également à la communication avec l’équipage de conduite s’avère essentiel. Le rôle de l’équipe médicale ne se limite pas à la prise en charge du patient, mais s’inscrit dans la globalité de la mission et participe au Crew Ressource Management (CRM). Elle Figure 3. MEDEVAC HM par hélitreuillage (SAR). © C. Dubaille/SSA. l’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital… 225 détecte les signaux faibles qui pourraient mettre en jeu la sécurité des vols (tunnellisation, fatigue de l’équipage, problème de communication,…). TACTICAL MEDEVAC par avions tactiques Le terme de TACTICAL AEROMEDEVAC regroupe l’ensemble des évacuations aériennes médicalisées en intra-théâtre, que ce soit en hélicoptère ou en avions tactiques. La partie MEDEVAC HM ayant été abordée plus haut, nous développerons dans cette partie la TACTICAL MEDEVAC par avions tactiques. Les moyens de la TACTICAL MEDEVAC ont évolué avec le conflit saharo-sahélien du fait de l’élongation importante entre les positions avancées des militaires et la localisation des unités médicales opérationnelles, avec le prépositionnement permanent d’un vecteur en version sanitaire. Moyens et modes d’action Cette mission communément appelée Casa nurse a été confiée au Casa CN 235 (fig. 4, 5). De par son rayon d’action (jusqu’à 2 500 km), sa capacité d’emport, sa capacité électrique, la possibilité de se poser sur des terrains sommaires et sa grande résistance thermique, le CN 235 est actuellement le vecteur privilégié pour les missions MEDEVAC que ce soit sur les théâtres d’Opérations extérieures (OPEX) mais également en outre-mer. La capacité maximale de la version médicale est de 11 patients (8 brancards latéraux et 3 fixés au sol), mais la version retenue en OPEX est de 8 brancards. Cet avion dispose d’une pressurisation moins performante que le C160 Transall mais bénéficie d’électricité à bord, permettant de prendre en charge des patients plus lourds (D1, D2) qui nécessitent des appareils électriques. La médicalisation de la soute nécessite l’utilisation d’un lot de convoyage adapté réparti dans des cantines avec un plan de chargement spécifique (17). Il peut décoller sur alerte en 30 minutes à une heure. En 2015, les TACTICAL AEROMEDEVAC ont représenté 122 missions sur le CN 235 et 2 missions sur le C 160, permettant le transport de 211 patients (source EAS). Contraintes Le Casa CN 235 est un avion tactique et les contraintes engendrées sont communes à celles retrouvées dans les MEDEVAC HM et dans les STRAT-AEROMEDEVAC mais à des degrés différents. En effet, celui-ci peut faire du vol tactique de façon à préserver la sécurité de l’aéronef et a également la possibilité de se poser sur un terrain sommaire. Ce type de vol majore les vibrations et peut avoir des conséquences sur l’hémodynamique d’un patient instable ou sur le déplacement des foyers de fracture. Par ailleurs, cet aéronef vole entre les niveaux de vol (FL) 150 et 180 (4 500-5 500 mètres d’altitude) et a une pressurisation permettant d’avoir une altitude cabine de rétablissement de 6 000 à 7 850 pieds (1 800-2 400 mètres). Ceci peut induire une hypoxie hypobarique et une expansion gazeuse dans les cavités closes et semi-closes. Ces contraintes, plus prégnantes sur les avions tactiques du fait de leur moins bonne pressurisation, sont communes avec les avions stratégiques et seront décrites plus loin. Formation Figure 4. Le CN 235, Casa Nurse. © EAS/Armée de l’Air. La grande capacité de transport de blessés nécessite une quantité importante de matériel médical. La bonne maîtrise du chargement et de la disposition du matériel est indispensable à la bonne prise en charge des blessés en vol. Cela suppose pour l’équipe de convoyage une formation initiale et continue sur le chargement, la répartition du matériel dans les cantines, la réalisation de soins dans un espace restreint. Le centre de formation en médecine aéronautique de l’École du Val-de-Grâce coordonne la formation des équipes médicales qui seront projetées sur le Casa nurse. MEDEVAC stratégiques (STRATAEROMEDEVAC) (fig. 6-8) Figure 5. TACTICAL MEDEVAC sur Casa. © EAS/Armée de l’Air. 226 L’évacuation médicale stratégique est la dernière étape du rapatriement médical. Elle permet au militaire, où qu’il soit déployé en mission, en opération ou affecté en outre-mer et à l’étranger, dont l’état de santé le justifie de revenir en métropole à des fins diagnostiques ou k. cocquempot Figure 6. Transfert Falcon — AR BSPP. © BA107/Armée de l’Air. thérapeutiques et d’être pris en charge jusqu’à un hôpital métropolitain, en général un Hôpital d’instruction des armées (HIA). L’évacuation par voie aérienne fait partie intégrante de la chaîne de traitement de tout militaire en mission ou en escale (18). En 2015, 718 patients ont été rapatriés avec l’ensemble des moyens MEDEVAC disponibles. Les STRAT-AEROMEDEVAC représentaient 169 missions aériennes : 45 missions pour 63 patients urgents P1 et P2, et 124 missions pour 407 patients classés P3 (source EMOS, 2016) (fig. 9). Moyens et modes d’action Les MEDEVAC stratégiques urgentes sont réalisées au départ de la base aérienne de Villacoublay à bord des aéronefs de la flotte à usage gouvernemental (Falcon 900 et Falcon 2000) configurés en version médicale. L’équipe médicale est composée d’un médecin aéronautique, d’un Infirmier convoyeur de l’armée de l’Air (ICvAA) de l’Escadrille aéro-sanitaire (EAS) et d’un infirmier de l’antenne médicale de Villacoublay. L’équipe médicale peut être renforcée de spécialistes hospitaliers selon la gravité et l’évolution potentielle du patient. L’anesthésiste-réanimateur est présent dans près de 60 % des cas et le neurochirurgien dans 2 % des cas. Cette alerte STRAT-AEROMEDEVAC peut décoller en 3 heures et a pour mission de rapatrier les patients classés P1 et P2. Le système MoRPHEE sur Boeing C 135 FR dote la France d’une capacité d’évacuation médicale collective pouvant décoller dans les 24 heures. Cette installation nécessitant un équipage médical de 11 personnes qualifiées permet l’évacuation jusqu’à 12 patients de réanimation et de gravité variable (4 versions avec des modules pour patient lourd – Intensive Care Module ICM – et pour patients de gravité intermédiaire – Light Care Module (LCM)) sur un long rayon d’action (10 h de vol sans escale). La 3e flotte d’aéronefs participant aux STRATAEROMEDEVAC est la flotte Airbus de l’escadron de transport Esterel (A310, A340). Ce sont les vecteurs privilégiés pour le transport de patients classés P3 (blessés légers nécessitant un accompagnement paramédicalisé par un convoyeur). Ces vecteurs peuvent également être configurés en version MEDEVAC collective (25 civières pour les A340, 6 civières pour l’A310 DC et l’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital… Figure 7 et 8. STRAT-AEROMEDEVAC sur Falcon. © F. Choizit/Armée de l’Air. 1 civière pour l’A310 DA/DB). La version médicalisée de l’A310 DC a déjà été mise en œuvre. Cette évacuation collective secondaire et centralisée peut décoller dans les 12 à 24h qui suivent le déclenchement. Compte tenu du matériel médical et de l’électricité à bord, cette version peut transporter 6 patients couchés dont 2 patients D1 ou D2. L’équipe médicale est composée de 2 médecins aéronautiques, de 6 ICvAA et d’infirmiers. Elle peut être renforcée par des réanimateurs et des infirmiers anesthésistes en fonction de la gravité des patients. 227 A. PRIORITY (degree of emergency) - P1 = Urgent : Emegency patients for whom speedy evacuation is necessary to save life, to prevent complications or to avoid serious permanent disability (NTM for StratAE < 12 hrs) - P2 = Priority : Patients who require specialized treatment not available locally and who are liable to deteriorate unless evacuated with the least possible delay (NTM for StratAE < 12-24 hrs) - P3 = Routine : Patients whose immediate treatment is available locally but whose prognosis would benefit from air evacuation on routine scheduled flights (NTM for StratAE > 24 hrs). B. DEPENDENCY (need for medical support) - D1 = High : Patients who require intensive support during flight. (Patients requiring ventilation, monitoring of central venous pressure and cardiac monitoring. They may be unconscious or under general anesthesia). - D2 = Medium : Patients who, although not requiring intensive support, require regular, frequent monitoring and whose condition may deteriorate in flight. (Patients with a combination of oxygen administration, one or more i.v. infusions and multiple drains or catheters). - D3 = Low : Patients whose condition is not expected to deteriorate during flight but who require nursing care of, for example, simple oxygen therapy, an i.v. infusion or a urinary catheter. - D4 = Minimal : Patients who do not require nursing attention during flight but who might need assistance with mobility or bodily functions (i.e. arm cast : assistance with clothing or meals or luggage). C. CLASSIFICATION (need for aircraft space and physical assistance/restraints/supervision) 1. CLASS 1 — NEUROPSYCHIATRIC PATIENTS a. Class 1A : Severe psychiatric patients (stretcher) : Patients who are frankly disturbed and inaccessible, and require restraint, sedation and close supervision. b. C lass 1B : Psychiatric patients of intermediate severity : Patients who do not require restraint and are not, at the moment, mentally disturbed, but may react badly to air travel, or commit acts likely to endanger themselves or the safety of the aircraft and its occupants. These patients need close supervision in flight and may need sedation. c. C lass 1C : Mild psychiatric patients (sitting) : Patients who are co-operative and have proved to be reliable under pre-flight observation. 2. CLASS 2 — STRETCHER PATIENTS (other than psychiatric) a. C lass 2A : Immobile stretcher patients : Patients unable to move about their own volition under any circumstances (even in case of emergency). b. C lass 2B : Mobile stretcher patients : Patients able to move about their own volition in an emergency. 3. CLASS 3 — SITTING PATIENTS (other than psychiatric) a. C lass 3A : Sitting patients, including handicapped persons, who, in an emergency, would require assistance to escape. b. Class 3B : Sitting patients who would be able to escape unassisted in an emergency. 4. CLASS 4 — WALKING PATIENTS (other than psychiatric) : Walking patients who are physically able to travel unattended. Figure 9. Catégorisation des patients pour l’AEROMEDEVAC (STANAG 3204, Ed 8). Contraintes (19, 20) Le transport de patients à bord d’aéronefs, qu’ils soient hélicoptères, tactiques ou stratégiques, est tributaire de contraintes environnementales (vol à haute altitude) et liées au vecteur (technique et dynamique). Les Falcon et Airbus (A310-A340) ont un domaine de vol proche des 11 000 mètres d’altitude et jusqu’à 228 7 000 km. L’altitude entraîne une diminution de la pression barométrique (hypobarie) qui est susceptible de retentir sur l’état du patient. La composition de l’atmosphère reste constante jusqu’à 30 000 mètres avec une fraction d’oxygène à 21 %. Cependant, l’hypobarie diminue la pression partielle en oxygène de l’air inspiré (PiO2) pouvant entraîner une hypoxie hypobarique. La k. cocquempot pressurisation de la cabine avec une altitude-cabine maximale à 8 000 pieds (2 438 mètres) entraîne une diminution de la PiO2 de 25 %. Un sujet sain aura ainsi une saturation en oxygène abaissée à 92-94 %, mais pour des patients fragiles au plan hémodynamique ou respiratoire cela peut induire une décompensation. La loi de Boyles-Mariotte (Pression x volume = constante) implique que le volume des gaz augmente lors de la montée et diminue avec la descente. Cette expansion est de 20 % entre 3 000 et 5 000 pieds mais peut atteindre 35 % à 8 000 pieds (altitude-cabine). Cette expansion gazeuse peut induire des désagréments voire des douleurs ou des complications au niveau des cavités closes ou semi-closes (cavités ORL, tube digestif, thorax). À titre d’exemple, un pneumothorax minime pourra devenir compressif en vol par dilatation des gaz dans le thorax. Cette variation de volume intéresse également le matériel médical (dilatation des ballonnets de sonde d’intubation, augmentation du volume des gaz délivrés par le respirateur, compression d’attelle pneumatique,…). La température extérieure à 10 000 mètres d’altitude est de -56 °C. L’air est donc saturé en eau pour de très faible valeur d’hygrométrie. À ces niveaux de vol, l’hygrométrie est comprise entre 4 et 10 % est source d’inconfort pour le patient (assèchement des muqueuses, lésions cornéennes, bouchons intra-bronchiques,…). Toutes ces contraintes nécessitent une surveillance accrue et rapprochée de la part de l’équipe médicale (aspiration régulière des patients intubés-ventilés, protection oculaire, hydratation,…). D’autres contraintes sont à prendre en compte lors du chargement et de la surveillance du patient. Les accélérations liées au décollage sont linéaires et faibles sur les vols commerciaux, de l’ordre de 0,5 G, alors qu’elles peuvent atteindre 1,3 G pour les Falcon. Ces accélérations doivent être prises en compte en fonction de la pathologie du patient puisqu’elles peuvent retentir sur l’équilibre hémodynamique : en effet, un patient hypovolémique sera placé tête vers l’arrière alors qu’un patient ayant une hypertension intracrânienne sera placé tête vers l’avant. Les vibrations quant à elles sont minimes dans ces aéronefs. De faible fréquence, elles ont pour conséquence une légère augmentation du métabolisme, du débit cardiaque et de la ventilation. Leurs effets peuvent cependant contribuer à majorer les complications par association avec d’autres facteurs de stress (21). l’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital… Formation Cette opération de transport de patients fragiles dans des conditions d’isolement sur de longues durées requiert une très bonne connaissance du milieu aéronautique mais également une haute technicité. Toutes les contraintes environnementales doivent être connues afin d’anticiper toute complication en vol. Ceci nécessite des équipes médicales formées et entraînées. Des formations sont organisées par le Centre de formation de médecine aéronautique (CFMA) afin de familiariser les équipes médicales aux matériels embarqués, aux situations potentiellement rencontrées et au travail d’équipe en situation dégradée. Conclusion L’histoire de l’évacuation médicale militaire est en perpétuelle évolution et s’adapte aux conflits, à l’évolution technologique des aéronefs et aux avancées de la médecine. Les armées ont fait et feront l’acquisition de nouveaux aéronefs (hélicoptère NH90, Airbus A400M et MRTT – Multi Role Tanker Transport), impliquant l’adaptation des procédures de transport aux spécificités de ces aéronefs et également l’adaptation des lots médicaux de convoyage aérien. Certaines développent des projets de drones tactiques permettant de transporter des blessés sur quelques centaines de mètres dans le cadre de la FORWARD MEDEVAC. Compte tenu de l’évolution du contexte géopolitique et militaire international, l’activité de rapatriement médical a profondément évolué pour les armées européennes ces dernières années. En effet, de nombreuses missions dites en cross-national (nationalités différentes des équipes médicales de convoyage et des équipages de conduite) sont réalisées dans un but de mutualisation des flottes aériennes européennes. Ces missions particulières impliquent la connaissance, de la part des équipes médicales de convoyage, des aéronefs et des procédures médicales et aéronautiques utilisées par nos confrères européens. Du théâtre à l’hôpital, la chaîne de l’évacuation médicale du SSA garantit à chaque militaire de pouvoir bénéficier les meilleurs soins dans les meilleures conditions et dans les meilleurs délais. Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt. 229 L’Escadrille aérosanitaire 06/560, une unité spécialisée et unique dans les Armées… Héritière de la Section d’Avions Sanitaires 22/110 basée à Étampes durant la Seconde Guerre mondiale, l’EAS est une unité opérationnelle de l’armée de l’Air spécialisée dans le rapatriement médical des blessés militaires. Elle est stationnée sur la base aérienne de Villacoublay. Armée par du personnel du SSA (un médecin breveté supérieur en médecine aéronautique et des infirmiers convoyeurs de l’armée de l’Air — ICvAA), elle a pour mission principale de réaliser les évacuations médicalisées sur tout type d’aéronefs mais participe également aux opérations extérieures pour la TACTICAL MEDEVAC sur Casa CN 235. Autres missions de l’EAS : - expertise médicotechnique : expertise et expérimentation des matériels dans les différents aéronefs, adaptation et maintenance des lots médicaux de convoyage aérien, régulation des MEDEVAC au sein de l’EMO-santé et l’European Air Transport Command (EATC) ; - instruction aéromédicale : maintien en condition opérationnelle (technique, médicale, aéronautique), formation continue du personnel SSA et armée de l’Air aux lots de convoyage aérien ; - soutien et assistance en vol : évacuations de ressortissants, missions humanitaires, missions d’aérotransport de hautes autorités,… RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Timbal J. Histoire de la médecine aéronautique et spatiale française, Paris, Éditions Glyphe, 2009 ; chapitre 6 : « Évacuations sanitaires aériennes » : 297-365. 2.Lam D. Marie Marvingt et le développement des évacuations aériennes sanitaires, Rev Méd Aéro et Spat 2004 ; 45 (166) : 5-11. 3.Linon PJ. De l’aviation sanitaire aux conventions internationales : le rôle de précurseur de Charles Louis Julliot. Med et Armées 2012: 40 : 143-50. 4.Timbal J. Le docteur Eugène Chassaing, père de l’évacuation sanitaire aérienne, Méd et Armées 2010 ; 38 : 163-70. 5.Marck JL, Jacob G. Le développement des évacuations sanitaires aériennes au cours des opérations au Maroc et au Levant entre 1918 et 1926, Rev Historique des armées 1997 ; 208 : 29-42. 6.Chabanne JP, Pelletier C. Rapatriement par avion des prisonniers et déportés français en 1945. Les moyens mis en œuvre par la France, Méd et Armées, 2006 ; 34 : 265-74. 7.André V. L’hélicoptère sanitaire en Indochine. L’Officier de Réserve : la Médecine, la Chirurgie, la Pharmacie 1954 ; 2:30-1. 8.Chippaux C, Salvagniac A, Lapalle R. De l’évacuation des blessés par voie aérienne au cours de la guerre d’Indochine, Rev Méd Aéro et Spat 1956 ; 11 : 225-39. 9.Barthélémy R. Histoire du transport aérien militaire français, Paris, Ed. France Europe, 1981. 10.Borne M, Fontaine B, Perez JP, Rouquette I, Pats B. Évacuations sanitaires aériennes, d’aujourd’hui à demain. Une évolution nécessaire, Rev Méd Aéro et Spat 1996 ; 35 : 78-82. 11.Doctrine du soutien médical aux engagements opérationnels – Doctrine interarmées DIA – 4.0.10_SOUTMED-OPS (2014), 230 N° 176/DEF/CICDE/NP du 31 juillet 2014. 12.STANAG 3204 Aeromedical Evacuation AAMedP-1.1 et AJMedP-2, novembre 2008 et novembre 2014. 13.MED 3.003 Procédure de demande d’évacuation médicale stratégique, N°458/DEF/DCSSA/EMO du 20 avril 2011. 14.Hartenstein I. Medical Evacuation Policies in NATO. Allied Joint Doctrine for medical evacuation. RTO-MP-HFM-157 AC/323 (HFM157) TP/254 Specialist meeting 157, Medical Challenges in the Evacuation Chain, 2008. 15.Freiermuth JP. Evacuations sanitaires aériennes tactiques militaires par hélicoptère, Rev Med Aero et Spat 2011 ; 52 : 137-43. 16.Czerniak E, Spriet A, Duron S, Paul F, Huiban N, Causse le Dorze P, et al. Évacuation aérienne médicalisée : une prise de risque pour les pilotes ? Enquête par questionnaire au sein de l’aéronautique d’État. Rev Med Aero Spat 2013 ; 204 : 192-7. 17.Escadrille aérosanitaire. Memento CN 235-200, 2013. 18.Honoré F, Laurent G. Évacuations sanitaires stratégiques par voie aérienne : point de situation et évolution. Méd et Armées 2005 ; 33 : 35-8. 19.Franchin M, Bisconte S, Frattinia B, Kerrien C, Morgand E, Coste S. Pathologies médicales et évacuation sanitaire par voie aérienne. Rev Med Aero et Spat 2011 ; 52 : 164-70. 20.Grasser L, de Rudnicki S, Coste S, Madec S. Évacuation médicale aérienne stratégique individuelle et collective : réponses logistiques et médicales. Le blessé de guerre. Éd. Arnette 2014 ; chap 3 : 503-15. 21.Grisom TE. Critical care air transport : patient flight physiology and organizational considerations. In Hurd W. Aeromedical evacuations : management of acute and stabilized patients. NY Springer 2003:111-35. k. cocquempot Médecine des forces Affectation à la Brigade de Sapeurs-pompiers de Paris : cursus de formation et parcours professionnels G. Burlatona, Y.-L. Violina, K. Berthoa, S. Dubourdieua, S. Traversa, M. Bignanda, J.-P. Tourtiera, b a Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, 1 place Jules Renard – 75017 Paris. b École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran – 75230 Paris Cedex 05. Résumé Les médecins militaires affectés à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris participent à une double activité de médecine d’armée et de médecine d’urgence pré-hospitalière. Un cursus de formation spécifique de plusieurs années permet de former chaque médecin aux missions qui lui sont confiées, puis de le préparer à ses affectations futures. L’alternance entre médecine d’urgence pré-hospitalière et médicalisation de l’avant au profit des forces armées participe pleinement à la richesse du cursus de médecin des forces et au partage d’expérience entre milieux civils et militaires. Mots-clés : Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris. Formation. Médecine d’armée. Médecine d’urgence. Abstract THE PHYSICIANS OF THE PARIS FIRE BRIGADE: TRAINING AND CAREER. The military physicians assigned to the Fire Brigade of Paris have two fields of expertise, that of army medicine and that of pre-hospital emergency medicine. A specific training program enables them to be knowledgeable in the tasks entrusted to them, and to be prepared for future assignments. Being involved in both pre-hospital emergency medicine and Armed Forces field medicine provides a wealth of experience and the opportunity to share knowledge and expertise between civilian and military worlds. Keywords : Army medicine. Emergency medicine. Fire Brigade of Paris. Training. Introduction Le statut militaire de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP) confère à la puissance publique la garantie d’une loyauté absolue et d’un fonctionnement efficace en tout lieu et en tout temps. Assimilant cette unité à un corps expéditionnaire déployé sur le théâtre parisien, la Cour des comptes rappelait dans un rapport de 2011 que la spécificité des risques de la capitale justifie l’existence d’une unité militaire. Les médecins affectés à la BSPP sont des praticiens passionnés au service d’une formidable institution. Ils héritent dès leur arrivée de plus de 200 ans d’histoire et soutiennent une unité opérationnelle dont l’originalité G. BURLATON, médecin en chef. Y.-L. VIOLIN, médecin en chef. K. BERTHO, médecin en chef. S. DUBOURDIEU, médecin en chef. S. TRAVERS, médecin en chef. M BIGNAND, médecin en chef. J.-P. TOURTIER, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. Correspondance : Monsieur le médecin en chef G. BURLATON, Brigade des SapeursPompiers de Paris, 1 place Jules Renard – 75017 Paris. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 231-238 est le service direct de la population. Les médecins militaires y apportent leurs qualités et leur enthousiasme puis y accumulent une expérience incomparable, profitable pour leurs affectations futures. La BSPP, une unité militaire opérationnelle au service de la population Un corps unique en France La BSPP est une unité militaire de l’arme du Génie. Elle est commandée par un officier général et placée pour emploi auprès du préfet de police de Paris. Sa création résulte de la volonté de Napoléon, suite à l’incendie dramatique de l’ambassade d’Autriche en 1810, de confier la mission de lutte contre l’incendie à Paris à une unité militaire, sous l’autorité du préfet de police. 231 La BSPP est composée de 8 500 hommes et représente ainsi la moitié de la capacité de l’arme du Génie et le dixième de l’armée de Terre. Sa mission est de protéger Paris et les 124 communes des trois départements de la « petite couronne » (Hauts-de-Seine, Seine-Saint- Denis et Val-de-Marne). Les particularités de ce secteur sont une superficie de presque 800 km2 et une population très dense de près de 9 000 000 d’habitants et touristes. Trois groupements d’incendie et de secours se partagent chacun un département et environ un tiers de Paris. À ces groupements dits opérationnels s’ajoutent le groupement des services, le groupement formation et instruction et le groupement d’appui et de secours en charge respectivement des services, de la formation et du soutien des unités spécialisées (plongeurs, Intervention en milieu périlleux, spécialistes Nucléaires radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC)…). Le secteur de compétence de la BSPP est un théâtre d’opération complexe et extrêmement dense. Certains risques spécifiques y font l’objet d’une attention particulière : – les incendies ; – les risques technologiques industriels et urbains (3/4 des « immeubles grande hauteur » de France se trouvent sur la zone de compétence de la BSPP) ; – les infrastructures ; – les institutions de l’État ; – les grands rassemblements, les violences urbaines ; – le développement urbain (Grand Paris) ; – les risques naturels (crue centennale) ; – les risques sanitaires naturels (virus de la grippe type H1N1, Ebola (1)…) ; – le risque terroriste (2). De ces risques découlent trois grandes missions : « la prévention, la protection et la lutte contre l’incendie, les accidents, les sinistres et les catastrophes », « l’évaluation et la prévention des risques technologiques ou naturels » et « le secours d’urgence et la résilience sanitaire ». Une activité opérationnelle tendue et en perpétuelle augmentation La BSPP représente plus de 3 % des pompiers de France et assume 13 % de l’activité nationale (plus de 500 000 interventions par an). Le centre de traitement des appels 18/112 reçoit et trie plus de 2 000 000 d’appels par an et déclenche une intervention toutes les 72 secondes. L’activité de secours à personne (SAP) a doublé ces dix dernières années. Elle représente actuellement plus de 85 % des interventions de la BSPP et entraîne plus de 300 000 hospitalisations par an. Le soutien d’une unité opérationnelle 365 jours par an Organisation de la division santé de la BSPP Les évolutions récentes de la Division santé (DIVSAN) la placent plus que jamais comme une émanation du 232 Service de santé des armées (SSA) en phase avec le plan stratégique du directeur central du SSA à l’horizon 2020 (3). Elle est composée de 5 centres médicaux au service des groupements et de 3 bureaux : – le Bureau de médecine d’urgence (BMU) ; – le Bureau santé et prévention (BSP) ; – le Bureau de pharmacie et ingénierie biomédicale (BPIB). Afin d’assurer l’ensemble de ses missions le médecin chef de la BSPP a sous ses ordres 49 médecins militaires et 15 médecins civils titulaires sous contrat avec la préfecture de police de Paris. Un médecin est également détaché au Centre national d’études spatiales (CNES) de Kourou. Comme ailleurs, la réserve opérationnelle est un renfort essentiel pour la DIVSAN, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Médecins, pharmaciens, dentistes, vétérinaires et psychologues apportent à la BSPP leur expertise et un renfort indispensable au fonctionnement quotidien. Médecine d’armée au profit de 8 500 hommes Le Bureau santé et prévention (BSP) est chargé de superviser le soutien santé de la BSPP, tant sur le plan du conseil au commandement, que de la médecine de soins, d’expertise ou encore du suivi médico-administratif de ses personnels. Comme pour d’autres unités, les particularités de ce corps opérationnel sont la jeunesse des personnels et une très forte sollicitation sportive. Un des principaux objectifs du BSP est d’assurer une consultation de qualité, notamment en médecine du sport et en traumatologie. Des médecins affectés dans les cinq centres médicaux se forment ainsi chaque année à l’ostéopathie, à l’échographie ostéo-ligamentaire ou encore à la diététique du sportif. La prévention et la lutte contre le dopage font par ailleurs l’objet d’une étude prospective et de nombreuses séances d’informations au profit des centres de secours. Une mission essentielle de la DIVSAN est également le soutien des activités à risques, au quotidien lors des interventions, à l’entraînement et lors des périodes de sélection (maison du feu, plongée, intervention en milieu périlleux…). Le BSP est également en lien avec l’École du Val-deGrâce (EVDG) pour accueillir les internes en stage au sein des groupements et participe à de nombreux travaux scientifiques (thèses, mémoires…). Une activité opérationnelle quotidienne L’évolution de la sollicitation opérationnelle place le secours à personnes au cœur des préoccupations de la BSPP. Le Bureau médecine d’urgence (BMU) coordonne l’activité opérationnelle et scientifique de la division santé. Il est le correspondant privilégié du centre opérationnel pour le suivi annuel des 350 000 interventions SAP. g. burlaton Environ 1 000 bilans de véhicules secouristes sont reçus chaque jour par la coordination médicale. Le rôle du médecin est alors de conseiller les opérateurs et les chefs d’agrès puis de valider la destination de la victime ou le renfort médical de certaines interventions. Les médecins de la BSPP participent également au même titre que les quatre services d’aide médicale d’urgence (SAMU) du secteur à la couverture médicale pré-hospitalière. Sept ambulances de réanimation sont sectorisées en accord avec l’Agence régionale de santé (ARS) et effectuent plus de 10 000 interventions médicalisées par an (dont 18 % de traumatologie grave, ce qui fait écho aux Opérations extérieures (OPEX) pour une unité médicale militaire). Au quotidien comme en situation de catastrophe, la BSPP s’est vue confier la direction des secours médicaux par la préfecture de police. Chaque jour, un médecin Directeur des secours médicaux (DSM) est ainsi responsable du bon fonctionnement de la chaîne de secours et assure si nécessaire la direction de la chaîne santé lors d’événements de grande envergure (4). Au total, au moins 27 médecins sont nécessaires au fonctionnement quotidien et 24 heures sur 24 de l’unité : – 1 médecin-chef Brigade ; – 1 directeur des secours médicaux ; – 7 médecins coordonnateurs au centre opérationnel ; – 7 médecins sur ambulance de réanimation (fig. 1). 10 médecins de consultation 1 médecin de garde au profit de la Brigade de Recherche et d’Intervention (BRI) de Paris (fig. 2). À ces gardes quotidiennes s’ajoutent les autres missions d’enseignement, de médecine de prévention, de soutien, de suivi d’activités scientifiques et l’armement d’équipes supplémentaires en fonction des sollicitations. Un pharmacien, 1 psychologue et 1 vétérinaire sont également d’astreinte quotidiennement. Parmi les missions plus ponctuelles et à titre d’exemples, les équipes médicales de la BSPP arment plusieurs fois par semaine des ambulances banalisées pour le soutien de la Présidence de la République ou du SDLP (Service de la protection), effectuent le transfert vers les Hôpitaux d’instruction des armées (HIA) des Figure 1. Équipe médicale sur ambulance de réanimation. ©Cellule communication BSPP. Figure 2. Médecin de la BSPP en intervention au sein de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI). ©Cellule communication BSPP. blessés rapatriés des théâtres extérieurs (fig. 3), ainsi que les transports médicalisés entre établissements du SSA et assurent les fonctions de DSM prépositionnés lors de différents événements (marathons, tournois sportifs, grandes manifestations…). Figure 3. Prise en charge d’un blessé grave lors d’une évacuation médicale. © Cellule communication BSPP. Médecins et infirmiers sont par ailleurs régulièrement sollicités par le ministère des Affaires étrangères, la Direction de la sécurité civile ou l’Union européenne pour des missions de courtes durées. La réalisation de missions au profit des forces pourrait également s’avérer cohérente, notamment pour les postes dont l’activité principale est finalement assez proche (évacuations sanitaires tactiques et stratégiques, médicalisation de l’avant…). Il faut noter que la DIVSAN collabore étroitement avec les HIA par la participation aux gardes hospitalières, la mise en place d’actions de formation (fig. 4) et l’intégration de leurs structures d’urgences dans l’orientation hospitalière des patients pris en charge. Le 13 novembre 2015, l’orientation par la coordination médicale BSPP de 52 blessés graves vers les HIA parisiens illustre l’efficacité de cette coopération. affectation à la brigade de sapeurs-pompiers de paris : cursus de formation et parcours professionnels 233 La recherche scientifique au service de l’opérationnel Figure 4. Séance de simulation haute-fidélité commune avec le service d’accueil des urgences de l’HIA Percy. © Cellule communication BSPP. Une mission prioritaire : l’enseignement et la préparation opérationnelle La DIVSAN intervient à tous les niveaux du cursus de formation des pompiers. Jeunes recrues, chefs d’agrès, chefs de garde ou officiers bénéficient ainsi de cours théoriques complétés par de nombreuses journées de mise en situation et de simulation. La formation continue des chefs d’agrès des Véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) fait l’objet d’une attention toute particulière. En complément des séances régulières, un programme de maintien des acquis est proposé chaque année en fonction du contexte (ex : modification des recommandations pour la réanimation du nouveau-né) ou de la mise en place de nouveaux matériels (garrots tourniquets). Récemment, l’ensemble des chefs d’agrès a été formé à la télétransmission d’électrocardiogramme au moyen de nouveaux moniteurs multiparamétriques. Le BMU participe également à l’organisation d’exercices de plus ou moins grande ampleur dans le cadre des stages de formation ou encore d’exercices majeurs au sein de la zone de défense. La formation continue des personnels de la DIVSAN est pilotée par une cellule « formation spécialisée » sous forme notamment de séances de simulation haute-fidélité sur mannequin (187 personnels formés en 2015) ou lors des nombreux stages organisés (NRBC, intervention en milieu périlleux, triage…). Une cellule « démarche qualité » assure le suivi des événements indésirables, l’organisation de revues de morbi-mortalité, la rédaction des protocoles et participe aux choix en termes de formation initiale et continue des personnels. En collaboration avec l’EVDG ou les différentes universités, les médecins de la BSPP participent à l’enseignement au profit des plus jeunes et à l’ouverture du SSA en intervenant au quotidien dans les différents cours et stages organisés par l’EVDG, les formations NRBC du SSA, la préparation avant projection, les capacités de médecine d’urgence ou de médecine de catastrophe ainsi que lors de différents congrès et enseignements post-universitaires (5). 234 La mise en place et la participation à des études sont des compléments indispensables à l’activité opérationnelle. L’intérêt de la mesure des lactates en pré-hospitalier, la prévention de l’hypothermie en traumatologie, les modalités de défibrillation, la prise en charge précoce du sepsis, les filières de prise en charge des arrêts cardiaques réfractaires, la prise en charge des syndromes coronariens sont quelques-uns des sujets actuellement étudiés par la BSPP. Le travail de la cellule scientifique permet l’évolution des pratiques et des matériels (6-8). À titre d’exemple, l’étude multicentrique « PLYO » (plasma lyophilisé) réalisée conjointement par le Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) et la BSPP étudie pour la première fois l’administration du plasma lyophilisé française en pré-hospitalier civil. Dans un autre domaine, la réalisation de plusieurs travaux successifs a permis l’amélioration progressive de la détection des arrêts cardiaques lors de la prise d’appel permettant d’augmenter la qualité du massage cardiaque guidé par téléphone puis la géolocalisation de défibrillateurs et de personnels volontaires formés au secourisme (9). En complément des séances de formation internes, le BMU organise également tous les ans dans les murs de l’EVDG six séances des « conférences de réanimation pré-hospitalières » ouvertes au milieu civil. Un terrain de stage unique au profit des médecins et infirmiers des forces Plus de 300 stagiaires sont accueillis chaque année sur ambulance de réanimation. Parmi eux, 80 % sont militaires, issus principalement des forces, de l’École de santé de Lyon et de l’EVDG. Les internes civils et militaires, sont accueillis pour des stages de plusieurs semaines à un semestre (Diplôme d’étude supérieur (DES) de médecine générale ou d’anesthésie-réanimation et Diplôme d’étude supérieur complémentaire (DESC) de médecine d’urgence). La cellule d’enseignement spécialisé partage certains locaux et travaille en jumelage avec le Centre d’Entraînement et de simulation en médecine opérationnelle (CESimMO) de Paris. Plusieurs modules de formation BSPP font également partie du catalogue de formation de l’EVDG. Plan de formation des médecins à la BSPP Le bon fonctionnement de la DIVSAN, tel que décrit ci-dessus, exige une formation spécifique théorique et pratique complémentaire à la formation universitaire initiale. Deux parcours de formation ont été mis en place : Médecin transporteur et coordinateur (MTC) et Médecin de consultation et de prévention (MCP) (10). g. burlaton Le prérequis pour les MCP est le diplôme de docteur en médecine, complété au plus vite par l’acquisition de compétences et de diplômes en médecine du sport. Les MTC doivent impérativement être titulaires d’un diplôme de médecine d’urgence (capacité, DESC et bientôt DES) puis d’une capacité de médecine de catastrophe validée ou en cours. La filière de MTC, validée par l’EVDG, est articulée en quatre niveaux progressifs répartis sur au minimum 4 ans : Formation initiale ou brevet élémentaire (70 h de cours, gardes en doublure sur ambulance de réanimation) ; – formation d’adaptation ou brevet de perfectionnement (252 h de formation réparties sur 2 ans, gardes en doublure à la coordination médicale) ; – formation complémentaire ou brevet de spécialisation (56 h de formation réparties sur 1 à 2 ans) ; – formation de perfectionnement ou brevet supérieur (136 h de formation). L’obtention du brevet de spécialisation conduit à l’attribution par l’EVDG du diplôme de « médecin en soins d’urgence pré-hospitalière ». Appréhender les spécificités du milieu La formation initiale des médecins s’effectue sur dix jours. Ce stage commun aux deux filières permet d’acquérir une connaissance générale sur le fonctionnement des différents groupements et services de la Brigade mais également une idée suffisamment précise du travail de soldat du feu et de secouriste pour pouvoir travailler en symbiose avec eux et appréhender toutes les problématiques de médecine d’armée liées à leurs spécificités. À titre d’exemple, le passage dans des simulateurs d’incendie permet de découvrir les rudiments de la « lecture du feu » et de mieux sensibiliser les personnels à l’exposition à la chaleur. Une garde en VSAV et quelques rappels de secourisme permettent également de mieux comprendre le métier de sapeurs-pompiers de Paris. « NRBC », « accouchement », « intubation difficile », « plans de secours et triage » et « méthodologie des études cliniques »). Se préparer aux situations d’exceptions L’année 2015 a malheureusement rappelé à tous le rôle essentiel des toutes premières équipes confrontées à une situation de crise. Se préparer aux situations d’exception est un impératif, tant pour le médecin de garde sur ambulance de réanimation, que pour celui pré-positionné à l’occasion d’événements spécifiques (rencontres sportives, grandes manifestations, troubles urbains, Saint-Sylvestre…). Le perfectionnement et l’entraînement aux principes de la médecine de catastrophe (plans de secours, triage, sauvetage déblaiement), aux techniques de travail en hauteur ou en excavation (stages interventions en milieu périlleux de 1er et 2e niveau) mais également au travail en collaboration avec les forces de Police fait l’objet de stages spécifiques, d’exercices de simulation sur mannequin haute-fidélité et de séances de serious game (fig. 5). Le stage « officier de garde compagnie et premier médecin » offre au médecin déjà expérimenté une solide formation complémentaire. L’organisation de stages communs aux médecins et aux autres officiers participe à la cohérence et à l’efficacité de la réponse de la BSPP en situation de crises (11, 12). Devenir Team-Leader sur ambulance de réanimation Les médecins nouvellement affectés ont les connaissances universitaires nécessaires à la pratique de la médecine d’urgence mais doivent encore apprendre à commander l’engagement des personnels médicaux, paramédicaux et secouristes tout en respectant certaines règles relatives à la sécurité et l’efficience des secours. Des séances de simulation haute-fidélité (auxquelles participent aussi des internes ou seniors des quatre SAMU partenaires) permettent aux médecins de parfaire le leadership d’équipe. Quelles que soit leur ancienneté et leur expérience, les médecins récemment affectés bénéficient aussi de plusieurs semaines de « compagnonnage » en service médical avec gardes en doublure sur ambulance de réanimation, puis suivent plusieurs modules spécifiques dans leur première année d’affectation (formations Figure 5. Exercice de simulation haute-fidélité lors du stage de médicalisation en milieu périlleux. © Cellule communication BSPP. affectation à la brigade de sapeurs-pompiers de paris : cursus de formation et parcours professionnels 235 En complément, une formation aux spécificités de l’organisation des secours et du tissu hospitalier de la plaque parisienne, permet au médecin affecté depuis au moins un an de débuter des gardes de médecin adjoint à la coordination médicale et de gérer à distances les secours apportés par la BSPP à la population. BMPM ont été récemment affectés comme « référent urgence » dans des centres médicaux des armées, des antennes spécialisées, des services d’urgence, des unités de sécurité civile ou encore à Matignon ou à la Présidence de la République… Devenir pleinement opérationnel Les risques technologiques et sécuritaires, associés à la densité de population imposent notamment le maintien de compétences dans le domaine du risque NRBC. Un stage d’une semaine de perfectionnement à la prise en charge des urgences en ambiance NRBC est donc obligatoire (fig. 6), complété pour certains par les différents stages, diplômes universitaires et master proposés notamment par l’EVDG. Parcours professionnel des médecins affectés à la BSPP Figure 6. Exercice de synthèse du stage « médicalisation en ambiance NRBC » sur le site de l’EVDG. © Cellule communication BSPP. La formation de « Coordinateur chef » permet après plusieurs années d’assurer la garde de médecin responsable de la coordination médicale et de gérer si besoin l’activation de la salle de crise du centre opérationnel. Pleinement opérationnel, le médecin affecté à la BSPP se voit ainsi délivrer par l’EVDG le diplôme de « médecin en soins d’urgence pré-hospitalière ». Il pourra continuer à acquérir de l’expérience et développera d’autres compétences par le suivi des formations continues internes (simulations, staffs de service, congrès, exercices…) et celui de formations universitaires civiles ou militaires. Que l’on veuille inscrire sa carrière dans une filière d’urgence ou dans celle de médecine d’armée, le passage à la BSPP doit être intégré comme une marche en avant logique dans la carrière d’un médecin militaire. L’échange d’expérience entre unités et entre praticiens fait partie des richesses du SSA et permet à de nombreux médecins de servir en alternance à la BSPP, au BMPM et dans les nombreuses unités où une compétence de médecine d’urgence semble indispensable. De manière non exhaustive, certains médecins de la BSPP ou du 236 Au décours d’une première affectation en Centre médical de groupement (CMA), les médecins voient leur implication dans la politique opérationnelle et doctrinaire de la BSPP s’approfondir. Tout médecin militaire doit dans son parcours être amené à accéder à des postes « d’encadrement ». Certains médecins expérimentés se voient ainsi confier la responsabilité d’un des cinq centres médicaux de la Brigade. Un médecin chef de centre médical de groupement incendie est ainsi responsable d’une équipe de plus de 20 médecins, 15 infirmiers et 20 militaires du rang, du soutien de plus de 1 800 personnels et du fonctionnement quotidien de 3 ambulances de réanimation (équivalent à la fois d’une antenne médicale et d’un petit SAMU). Le médecin-chef du groupement instruction est quant à lui responsable d’un centre médical équivalent de Centre de formation initiale des militaires du rang (CEFIM) avec plus de 1 000 incorporations par ans et le suivi des personnels en formation. Ces médecins anciens accèdent également à la dernière partie du plan de formation : « Officier supérieur de garde et Directeur des secours médicaux ». Ils peuvent alors intégrer le tour de garde de Directeur des secours médicaux et intervenir à ce poste sur des interventions de grande ampleur. Ils pourront ensuite emprunter des parcours spécifiques en fonction de leur appétence, de leur formation et des besoins du service. Le fonctionnement du BMU nécessite la présence de médecins expérimentés en charge de différents dossiers en relation avec l’état-major de la BSPP, la préfecture de Police, la direction de la Sécurité civile, quatre SAMU, l’assistance publique des hôpitaux de Paris, l’ARS et bien d’autres organismes. À titre d’exemple, les différents médecins en charge des plans de secours, des risques NRBC, de la coordination médicale ou encore de la démarche qualité et du contentieux, suivent les formations universitaires nécessaires à la bonne exécution de leur mission et interagissent au quotidien avec les nombreux acteurs en charge de la santé, de la sécurité et de la gestion de crise (13-17). Les médecins référents en SAP et ceux en charge de la formation spécialisée s’occupent de la doctrine de formation initiale et continue, mais également de la rédaction et de la mise à jour de référentiels et de textes réglementaires. Ils sont régulièrement sollicités pour évaluer la pertinence puis organiser la mise en place de nouveaux matériels ou de nouvelles procédures. Les médecins de la cellule scientifique participent à la mise en place de travaux de recherche, au suivi des différents registres et à l’encadrement scientifiques des médecins, internes et infirmiers de la BSPP. g. burlaton Conclusion Le soutien médical de la BSPP est une expérience opérationnelle particulièrement polyvalente et enrichissante. Dans l’esprit du plan d’action du SSA à l’horizon 2020, la division santé n’a de cesse d’optimiser l’exercice de sa mission régalienne de soutien de l’homme en offrant aux pompiers une chaîne de soins complète depuis le soutien d’activité opérationnelle en pré-hospitalier jusqu’à la réinsertion des personnels blessés, tout en s’ouvrant au monde civil et aux autres ministères. Un cursus de formation spécifique validé par l’EVDG permet de former chaque médecin aux missions qui lui sont confiées, puis de le préparer à ses affectations et OPEX futures. Les médecins affectés à la BSPP sont conscients et fiers de représenter le SSA aux yeux de l’unité, des parisiens et de nombreux autres acteurs de santé. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Travers S, Astaud CE, Calamai F, Molé S, Bignand M, Tourtier JP. Transport pré-hospitalier de patients cas possibles ou confirmés de maladie à virus Ebola. Expérience de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Méd Armées, 2016 ; 44 ; 127-34. 2.Frattini B, Franchin M, Travers S, Jost D, Alhanati L, Galinou N, et al. Prehospital Rescue Organization During the November 2015 Paris Terrorist Attacks. JEMS.2016 May ; 41 (5) : 24-30. 3.Le projet de service « SSA 2020 ». N° 515696/DEF/DCSSA/PS du 25 novembre 2013. 4.Préfecture de Police. Arrêté n° 2007-20284 du 26 mars 2007 fixant l’organisation et les procédures destinées à faire face aux conséquences d’attentats multiples commise dans la zone de compétence de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. 5.Bay C, Schauer A, Flusin O, Travers S. Les enjeux de la formation du personnel du CTS. Méd Armées, 2016 ; 44 (2) : 169-72. 6.Travers S, Lefort H, Ramdani E, Lemoine S, Jost D, Bignand M, Tourtier JP. Hemostatic dressings in civil prehospital practice : 30 uses of QuikClot Combat Gauze. Eur J Emerg Med 2016 Oct ; 23 (5) : 319-4. 7.Jost D, Degrange H, Verret C, Hersan O, Banville IL, Chapman FW, et al. DEFI 2005 Work Group. DEFI 2005: a randomized controlled trial of the effect of automated external defibrillator cardiopulmonary resuscitation protocol on outcome from out-of-hospital cardiac arrest. Circulation. 2010 Apr 13 ; 121 (14) : 1614-22. 8.Jost D, Alexis D, Banville I, Verret C, Carpentier JP. Does bystanderinitiated chest compressions-only result in better patient outcome than full cardiopulmonary resuscitation (CPR) for out-of-hospital cardiac arrest ? Unexpected result from a post-hoc analysis of the DEFI 2005 Trial. Resuscitation. 2011 Jan ; 82 (1) : 130-1 9.Travers S, Jost D, Gillard Y, Lanoë V, Bignand M, Domanski L, et al. Out-of-hospital cardiac arrest phone detection : Those who most need chest compressions are the most difficult to recognize. Resuscitation 2014 Dec ; 85 (12) : 1720-5. 10.Organisation de la formation des médecins affectés à la Brigade. N° 510975-2013/1/BSPP/DS/ER du 18 août 2013. 11.Franchin M, Frattini B, Briche F, Travers S, Bignand M, Tourtier JP. Retour d’expérience des attentats du 13 novembre 2015. Prise en charge secouriste et interactions avec les équipes médicales. Ann Fr Med Urgence 2016 ; 6:9-12. 12.Travers S, Bignand M, Raclot S, Domanski L, Tourtier JP. Difficulities of triage in mass casualties incident. Injury 2013 ; 44 : 1965-6. 13.Tourtier JP, Palmier B, Tazarourte K, Raux M, Meaydre E, Ausset S, et al. The concept of damage control : extending the paradigm in the prehospital setting. Ann Fr Anesth 2013 ; 32 : 520-6. 14.Maurin O, Bignand M, Jost D, Travers S, Raclot S, Trichereau J. Usefullness of a multiplying factor in predicting the final number of victims during a mass casualty incident. Eur J Emerg Med 2016 sous presse DOI : 10.1097/MEJ.0000000000000366. 15.Travers S, Ramdani E, Ernouf C, Dang Minh P, Bignand M, Tourtier JP. Attentat par fusillade et damage control : particularités des victimes et organisation spécifique. Journal Européen des Urgences et de Réanimation 2016 ; 28 : 112-5. 16.B. Frattini, S. Boizat, S. Travers, M. Bignand, J.-P. Tourtier. Retour d’expérience des attentats du 13 novembre 2015. Prise en charge médicale pré-hospitalière. Ann Fr Med Urgence 2016 ; 6:13-5. 17.Tourtier JP, Pelloux P, Dang Minh P, Klein l, Marx JS, Carli P. Charlie Hebdo attacks : lessons from the military milieu. Am J Emerg Med 2015 ; 33 : 843. affectation à la brigade de sapeurs-pompiers de paris : cursus de formation et parcours professionnels 237 VIENT DE PARAÎTRE LES ORGANISATIONS BIENTRAITANTES Mickaël Bardonnet, Michel Lefebvre, Pierre Mongin Les questions d’autonomie et de bientraitance sont centrales dans nos sociétés qui connaissent des mutations profondes. Elles concernent en premier lieu les personnes dites vulnérable – âgées, handicapées, malades – mais elles concernent également chacun d’entre nous au sein de nos organisations et entreprise. Les auteurs dans « les Organisations Bientraitantes » proposent une approche simple et universelle des questions d’autonomie et de bientraitance basée sur la connaissance et la satisfaction de nos besoins fondamentaux et de ceux des personnes qui nous entourent. Ce choix permet de s’affranchir de toute typologie et convention qui peuvent avoir tendance à enfermer, voire à isoler, et ce afin de pouvoir cerner les solutions les plus performantes et novatrices, susceptibles d’amplifier les capacités d’autorégulation de chacun. Ainsi le modèle proposé, le Modèle de Stevenson, ne préjuge pas des besoins des personnes en raison de leur âge, leur sexe, leur pathologie et leur handicap éventuels ou encore de leur contexte socioprofessionnel. Son caractère universel permet de comprendre et d’agir sur les organisations pour accroître leur potentiel de bientraitance. Mickaël Bardonnet : professionnel de la formation et du conseil dans les domaines sociaux et médico-sociaux (ACET et INFIPP). Usager du secteur médico-social en tant que parent. Michel Lefebvre : ingénieur conseil, fondateur d’une société d’ingénierie des systèmes d’information (ACET) et gérant d’une société de conseil et d’édition (ADICE). Auteur de plusieurs ouvrages socio-économiques dont les Patrimoines du Futur (L’Harmattan). Pierre Mongin : consultant-formateur, intervenant à Lille et sur le MOOC Gestion de projets Centrale Lille. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Managez avec le Concept Mapping, Organisez vos idées avec le Mind Mapping, Enseigner autrement avec le Mind Mapping (Dunod). Préface : Yvonne Mignot-Lefebvre, sociologue CNRS, vidéaste. Auteure d’une thèse d’État, Communication et Autonomie. ISBN : 978-2-9154-2509-3 – Format : 21x15 cm – Pages : 172 – Prix 22 � – ADICE-édition, 30 rue du pressoir – 75020 Paris – Tél. : 06 14 18 41 46 – [email protected] 238 Médecine des forces Le véhicule médical de soutien du bataillon de marins-pompiers de Marseille E. Le Gonideca, E. Delmonda, C. du Rétaila, P. Menota, C. Pécouta, F. Topinb a Groupement santé, Bataillon de marins-pompiers, 9 boulevard de Strasbourg – 13233 Marseille Cedex 20. b Centre médical interarmées, BP 38 – 98843 Nouméa Cedex. France. Résumé Le véhicule médical de soutien du bataillon de marins-pompiers de Marseille assure deux missions principales : le soutien sanitaire des pompiers en opération et la direction des secours médicaux en présence de nombreuses victimes. Au travers d’une étude rétrospective, cet article évalue son activité, les pratiques professionnelles de ses équipes et propose une réflexion visant à adapter sa doctrine d’emploi. Mots-clés : Bataillon de marins-pompiers de Marseille. Directeur des secours médicaux. Soutien sanitaire opérationnel. Abstract THE MEDICAL SUPPORT VEHICLE OF THE MARSEILLE NAVAL FIRE BATTALION. The medical support vehicle of The Marseille Naval Fire Battalion has two main missions: the medical support of the firefighters in operation and, in case of mass casualties, the medical management of their rescue. Through a retrospective study, this article assesses the activities of the teams, their professional practices and reflects on how to use the vehicle in an optimal way. Keywords: The Marseille Naval Fire Battalion. Medical rescue director. Operational health support. Introduction Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM) Le bataillon a été créé en 1939 suite à l’incendie des Nouvelles-Galeries sur La Canebière. En 2004, la loi de modernisation de la sécurité civile (1), lui confère l’ensemble des prérogatives d’un Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) pour la ville de Marseille, son port, l’aéroport de Marignane et le terminal pétrolier de Port de Bouc. L’amiral commandant le bataillon est placé sous l’autorité du maire de Marseille et des ministres de l’Intérieur et de la Défense. Chaque jour, le bataillon assure plus de 300 interventions. Le Secours d’urgence à personnes E. LE GONIDEC, médecin en chef, praticien confirmé, E. DELMOND, médecin en chef, C. du RETAIL, médecin en chef, praticien confirmé, P. MENOT, médecin hors classe de deuxième échelon, C. PECOUT, médecin principal, F. TOPIN, médecin en chef, praticien certifié. Correspondance : Monsieur le médecin en chef E. LE GONIDEC, Groupement santé, Bataillon de marins-pompiers, 9 boulevard de Strasbourg – 13233 Marseille Cedex 20. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 239-244 (SUAP) représente 83 % d’entre elles et la lutte contre les incendies, 5 % (2). Rapportée à la population, cette activité est la plus importante de France. Ainsi, pour 1 000 habitants, le BMPM a effectué en 2015, 122 interventions alors que la moyenne nationale d’un Service départemental d’incendie secours (SDIS) était de 62 et de 65 pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) (3). Le groupement santé Le groupement santé est dirigé par un médecin militaire. Fort de 140 personnels, il réunit, 36 médecins (civils et militaires), 2 pharmaciens militaires, 26 infirmiers militaires, 64 officiers mariniers dont la moitié sont conducteurs de véhicules sanitaires. Il regroupe le Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR), le service médical d’unité, la pharmacie et le centre municipal de formation aux techniques de premiers secours. Dans le cadre de la convention liant la ville de Marseille à l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) (4), le SMUR du bataillon arme 24h/24, 3 des 6 Ambulances de réanimation (AR) 239 du SMUR de Marseille. En 2015, elles ont assuré 7 195 interventions. Les médecins du SMUR du bataillon participent aux gardes sur AR, sur le véhicule médical de soutien, sur l’hélicoptère de la sécurité civile de Marignane, à la régulation médicale du Centre de réception et de régulation des appels 15, du Service d’aide médicale d’urgence 13 (CRRA 15/SAMU 13), au service des urgences de l’Hôpital d’instruction des armées (HIA) Laveran et pour les plus anciens à l’astreinte de directeur des secours médicaux pour la ville de Marseille. Le véhicule médical de soutien (VMS) (fig. 1) La convention AP-HM/BMPM mettant à disposition du SAMU 13 les ambulances de réanimation du BMPM (4), il a été décidé de conserver sous commandement pompier exclusif un moyen médicalisé capable d’assurer la sécurité du personnel en intervention et de répondre à des missions spécifiques. Figure 1. Le véhicule médical de soutien. L’armement du VMS est constitué d’un médecin, d’un infirmier et d’un conducteur (5). L’habilitation du médecin VMS a lieu à l’issue d’une formation validante (6). En plus d’une solide expérience d’urgentiste, il doit être compétent en médecine de catastrophe et dans le domaine NRBC-E (Nucléaire radiologique biologique chimique explosif). Il est formé aux techniques de secours routiers, aux contraintes des Interventions en milieu périlleux (IMP1), et maîtrise les plans de secours et d’interventions marseillais. Ce cursus de formation interne dure généralement un an. Outre une expérience sur ambulance de réanimation, l’infirmier doit posséder des compétences pour les interventions en milieu périlleux et en situation Nombreuses victimes (NOVI). Les conducteurs, tous marins-pompiers, apportent une aide précieuse au binôme médecin-infirmier grâce à leur connaissance du bataillon et de ses procédures opérationnelles. Le véhicule support du VMS est un véhicule toutterrain équipé comme une ambulance de réanimation mais sans capacité de transport de victime. 240 Le VMS est un véhicule aux missions polyvalentes : – le soutien sanitaire opérationnel (SSO) : mission du Service de santé et de secours médical des SDIS fixée par décret (7), elle garantit aux marins-pompiers en intervention le soutien d’une équipe médicale lorsqu’un risque particulier est identifié (nombre important de pompiers engagés, intervention longue ou au potentiel évolutif, environnement défavorable, risque toxique ou technologique). Renforcé par un chef de groupe et trois Véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV), le médecin du VMS a pour mission d’organiser le SSO et le SUAP. Il doit être capable de conseiller le commandement des opérations de secours sur le réengagement des marins-pompiers en intervention, de coordonner la prise en charge des éventuelles victimes, et enfin de demander les renforts sanitaires. – Pré-directeur des secours médicaux (préDSM) : lors d’un accident à effet limité (accident de circulation avec multiples victimes), lors d’un événement avec nombreuses victimes (attentat) ou encore lors d’un dispositif prudentiel (comme certaines manifestations sportives ou culturelles) l’équipe du VMS est employée à des fins d’organisation et de triage, dans l’attente du DSM en titre. – Interventions en milieu spécifique : du fait de ses capacités de franchissement et des formations plus poussées de l’équipage, le VMS est préférentiellement affecté à des missions particulières en coordination avec le CRRA 15/SAMU 13. C’est le cas pour les interventions en milieu spécifique comme les calanques de Marseille, la bande côtière ou certains lieux urbains inaccessibles ou périlleux. L’équipage du VMS intervient alors avec les sections opérationnelles spécialisées (groupe de recherche et d’intervention en milieux périlleux, sauvetage déblaiement, sauvetage aquatique ou détachement intervention héliporté) du bataillon. – Intoxications au monoxyde de carbone (CO) : aux frontières entre son rôle de pré-DSM et celui de SMUR, le VMS est régulièrement déclenché pour la confirmation et la prise en charge des intoxications au CO sur Marseille. – Interventions primaires : à la demande du CRRA 15, il peut aussi effectuer des missions SMUR lorsque tous les autres moyens de la ville sont indisponibles. – Permanence des soins : l’équipage du VMS assure enfin, la permanence des soins pour tout le personnel BMPM de garde en heure non ouvrable, soit quotidiennement environ 300 personnes. Cette offre de soins se manifeste au travers de consultations médicales mais aussi par la possibilité d’émettre un avis sur l’aptitude à l’emploi à la demande du commandement. Matériels et méthode Une étude rétrospective de l’ensemble des interventions du VMS a été réalisée entre janvier 2014 et février 2015. Une base de données a été créée sur un tableur Excel ® à partir des observations archivées au SMUR du BMPM : fiches d’intervention médicale ou fiches multivictimes. Une requête auprès du service e. le gonidec statistique du BMPM a permis de fiabiliser cette base de données en vérifiant son exhaustivité. Pour chacune d’entre elles, la nature de l’intervention, la date, l’horaire (heures ouvrables de 7 h 30 à 17 h 30, heures non ouvrables) et la durée (départ caserne – disponibilité radio) ont été notifiés. La catégorisation des victimes (urgence relative, urgence absolue, décédé ou indemne) et leur mode de transport (médicalisé ou non) ont également été renseignés. Il est à noter que l’activité de consultation n’apparaît pas dans ces données. 51 minutes et les interventions SMUR avec 53 minutes. La durée moyenne des interventions sans victime est de 91 minutes. L’étude de la catégorisation des victimes prises en charge par le VMS révèle que seules 46 interventions (11,4 %) ont eu lieu en présence d’au moins une urgence absolue ou d’une urgence dépassée. Dans 32 cas (70 % d’entre elles), ce sont des interventions SMUR. Pour 143 missions (35,4 %), le médecin du VMS n’a examiné aucune victime et pour 52 missions (12,9 %) il n’y avait que des indemnes. Résultats Incendies (SSO et SUAP) Le VMS a réalisé 404 interventions entre janvier 2014 et février 2015. Avec une moyenne mensuelle de 29 sorties, il a été engagé au minimum 23 fois en mai 2014 et au maximum 44 fois en février 2015. Il est intervenu 151 fois (37,4 %) pour incendie (afin d’assurer le SSO et le SUAP) (fig. 2), 106 fois (26,3 %) pour des interventions primaires à la demande du CCRA 13 et dans 65 cas (16,1 %), il a été envoyé pour suspicion d’intoxication au monoxyde de carbone. Sur les 151 interventions pour incendie, 65 (43 %) se sont déroulées sans victime et 26 (17,2 %) avec des indemnes uniquement. Le VMS a occupé la fonction de pré-DSM d’emblée ou secondairement au cours de 20 missions (30,8 % des incendies). Le VMS est intervenu à six reprises (4 % des incendies) en présence d’une urgence absolue. Alors engagé en tant que pré-DSM, il a pu coordonner l’action des moyens (AR et VSAV). Il a été engagé quatre fois (2,6 % des incendies) en présence d’une urgence dépassée (découverte de corps). Il est intervenu une fois (0,66 %) en tant que pré-DSM dans l’attente du « DSM Marseille ». Pré-DSM Le VMS a été engagé 56 fois en tant que pré-DSM (13,9 % des interventions) : – soit d’emblée (33 fois, 58,9 % des interventions pré-DSM) : 11 fois sur l’aéroport de Marignane lorsqu’un aéronef était en difficulté, 14 fois sur un accident de la voie publique et 8 fois lors d’un dispositif prudentiel. – soit in fine (à 23 reprises, 47,1 % des interventions pré-DSM) : 20 fois lors d’un incendie et 3 fois lors d’une intoxication collective au monoxyde de carbone. Lorsqu’il est engagé sur un AVP, il y a plusieurs victimes dans 60 % des cas et au moins une urgence absolue ou dépassée dans 50 % des cas. Intoxication au monoxyde de carbone Sur 65 interventions pour intoxication au CO, seules deux urgences absolues (3,1 % des missions CO) ont été recensées : une fois où le VMS était le seul moyen médical présent, et une deuxième fois en tant que pré-DSM en renfort d’une ambulance de réanimation. L’intoxication au CO a été écartée 36 fois (55 %). Figure 2. Répartition en pourcentage des missions du véhicule médical de soutien. Dans 54 % des cas, le VMS intervient en heures ouvrables. Il n’a pas été observé de différence significative d’horaires entre les différents types de missions. La durée moyenne d’intervention est de 70 minutes. Les durées les plus longues concernent le SSO et les missions pré-DSM avec 89 minutes (max. 250) et les plus courtes, les suspicions d’intoxication au CO avec le véhicule médical de soutien du bataillon de marins-pompiers de marseille Rapports d’intervention Le croisement des données du service statistiques et du SMUR a permis de retrouver 127 interventions (31,5 %) pour lesquelles il n’avait pas été réalisé d’observation médicale. Au cours de ces interventions, aucune victime n’a été prise en charge. Enfin, 75 rapports d’intervention (27,1 %), en particulier les fiches multivictimes, ont été mal renseignées. Les items manquants correspondaient pour la plupart à l’heure de prise en charge des victimes. 241 Discussion : « faut-il paramédicaliser le VMS ? » Incendie Cette étude ouvre une réflexion sur le soutien sanitaire en opération au bataillon. Avec 60 % des interventions sans victime, le choix d’une médicalisation d’emblée, d’une sectorisation unique pour le soin d’urgence à personne et le soutien des pompiers sont remis en cause. En différenciant le SSO du SUAP, les autres corps de pompiers s’organisent autrement, comme dans le SDIS 78 ou à la BSPP ici présentés. Les moyens sanitaires y sont déclenchés par les opérateurs des centres de traitement des appels en s’appuyant sur des « trains de départ » prédéfinis et des logigrammes prenant en compte : la nature du sinistre et son évolutivité, le nombre de sapeurs-pompiers engagés, la durée prévisible d’intervention, les contraintes environnementales (en particulier la météo), et le niveau d’engagement antérieur des équipes de secours. Le secteur SSO est hiérarchisé en plusieurs niveaux. Le 1er niveau est assuré par un VSAV à la BSPP. Un bilan secouriste est réalisé à tous les pompiers quittant la zone de remise en condition du personnel (8). Il prend en compte les valeurs de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle et de la température corporelle et permet de se prononcer sur le réengagement au feu : immédiat, différé après 15 min de repos supplémentaires ou sur la nécessité d’une consultation médicale. Le 2e niveau est tenu par un infirmier sapeur-pompier protocolisé au SDIS 78. Intégré au secteur soutien de l’homme, il se distingue du SUAP. Il accueille les pompiers dans la phase de réhabilitation. Si la situation clinique l’impose, les pompiers peuvent être transférés vers le secteur SUAP. L’infirmier agit en lien avec le médecin sapeur-pompier d’astreinte. À la BSPP, ce niveau n’existe pas. Le 3e niveau est assuré par un médecin pompier. D’astreinte dans le SDIS 78, il est de garde à la BSPP (DSM ou AR). Il intervient d’emblée à la demande du CTA ou après évaluation conjointe de la situation avec l’officier santé du CTA ou l’infirmier sapeur-pompier déjà engagé. Tout comme dans les SDIS où les infirmiers occupent une place centrale dans le SSO, les infirmiers du Service de santé des armées assurent le soutien de nombreuses activités à risques (9) (sauts en parachute, plongées, manœuvres d’artillerie…) ou de certaines opérations. Au bataillon, les deux premiers niveaux n’existent pas. Si cette étude ne permet pas de se prononcer sur la place du VSAV, elle ouvre une réflexion sur la paramédicalisation du SSO. Fort de son expérience d’infirmier militaire, de ses compétences acquises sur ambulance de réanimation, l’infirmier du bataillon possède la technicité et l’autonomie pour armer un véhicule de soutien sanitaire. Comme le spécifient le guide de bonnes pratiques (10) et Resnier et al. (11), il peut mettre en œuvre la marche générale des opérations 242 spécifique au soutien sanitaire : reconnaissance du sinistre, évaluation des risques et des mesures préventives adaptées, contrôle sanitaire individuel, surveillance particulière du déblai, surveillance des pompiers après intervention par le service de médecine du travail du SDIS. En collaboration étroite avec le Commandant des opérations de secours (COS) et en lien avec le DSM d’astreinte, il possède les compétences pour organiser le soutien et évaluer les besoins en renforts médicaux. Si la place du médecin est à discuter, une réflexion visant à améliorer le SSO lors des opérations de grandes ampleurs au bataillon doit également être menée. Probablement du fait de sa médicalisation, le VMS est perçu, avant tout, par les cadres prenant la fonction de COS comme un moyen SUAP. Une refonte de la doctrine avec la création d’un secteur soutien de l’homme devrait permettre au VMS de recentrer son action sur le SSO. Cette évolution ne pourra se faire qu’avec l’apprentissage d’une Marche générale des opérations (ensemble des étapes suivies par les pompiers pour lutter contre les incendies) spécifique au soutien sanitaire. Une refonte de la fiche d’intervention prenant en compte cette démarche est déjà en cours. Pré-DSM Par convention préfectorale, le médecin chef du bataillon est le directeur des secours médicaux de la ville de Marseille. Le médecin du VMS occupe une fonction de pré-DSM dans l’attente de l’éventuel engagement de celui-ci. Notre étude relève qu’il a occupé ce rôle 46 fois (11,4 %) principalement au cours d’incendie d’ampleur ou lors d’accidents de la voie publique. Dédiée au médecin du VMS, cette fonction peut également être confiée aux médecins des ambulances de réanimation du bataillon grâce à leur culture du « multivictimes ». Titulaires de la capacité de médecine de catastrophe, ils suivent dès leur arrivée une semaine de formation « 1er médecin sur les lieux ». Les attaques terroristes perpétrées à répétition sur notre territoire viennent rappeler l’importance de la fonction de DSM. En organisant avant de soigner, il recherche le bénéfice collectif plutôt qu’individuel. Les décisions prisent au cours des premières minutes, conditionnent le plus souvent le bon déroulement des opérations de secours. Le VMS offre cette capacité sans délai. Intoxications au monoxyde de carbone Le centre opérationnel des services de secours et d’incendie de Marseille engage le VMS pour toute suspicion d’intoxication au CO. L’absence d’intoxication dans plus de la moitié des interventions et la quasi-absence d’intoxication grave confirme l’intérêt d’engager une réflexion sur les critères d’engagement du VMS. Il est probable qu’en l’absence d’indication d’envoi d’un SMUR, le déclenchement d’un VSAV et d’un moyen incendie avec mesure d’ambiance du CO e. le gonidec permettrait de réduire le nombre d’intervention sans intoxication confirmée. Équipées de RAD 57 (oxymètre de pouls portable capable de détecter la présence de carboxyhémoglobine), cette mission pourrait également revenir aux AR du bataillon participant elles aussi à la surveillance des intoxications au monoxyde de carbone du plan national santé environnement (12). Évaluation des pratiques professionnelles Cette étude permet également d’évaluer les pratiques professionnelles des médecins prenant la garde sur le VMS. Elle rapporte en particulier des difficultés dans la rédaction du compte rendu d’intervention. Les observations manquantes correspondent aux interventions sans victime aussi bien pour le SSO, que pour les suspicions d’intoxication au monoxyde de carbone, les dispositifs prudentiels ou les alertes pour les aéronefs en détresse au-dessus ou à l’approche de l’aéroport de Marignane. Consultations en heures non ouvrables Les consultations non urgentes assurées à l’infirmerie sont renseignées dans les livrets médicaux des pompiers mais elles ne sont pas répertoriées dans un registre. Dans le cadre de l’amélioration des pratiques, il en a été créé un pour les consultations HNO. Il permet de mieux tracer les accidents en service et d’optimiser les démarches qui en découlent. Conclusion Le véhicule médical de soutien du bataillon de marinspompiers de Marseille est unique en son genre. Crée il y a 25 ans pour assurer le soutien sanitaire des pompiers en opérations, ses missions sont aujourd’hui multiples. Assurant à la fois le soutien sanitaire opérationnel et le soin d’urgence à personne, le VMS rencontre des difficultés à se positionner dans sa mission de soutien. Une réflexion sur le SSO au bataillon permettra de repenser la place du médecin, aujourd’hui inadaptée et devra s’attacher par ailleurs, comme les référentiels l’imposent, à la mise en place d’une marche générale des opérations. Le contexte des menaces actuelles, en particulier terroristes, rappelle toute l’importance de la fonction de directeur des secours médicaux. Avec le VMS, le bataillon met à la disposition des Marseillais, un moyen immédiatement réactif et adapté pour organiser les secours dans l’attente du médecin-chef, DSM en titre. Les auteurs ne déclarent pas de conflits d’intérêt concernant les données présentées dans cet article. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, article 23. https ://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2004/8/13/2004811/jo/texte 2.Bataillon de marins-pompiers de Marseille. Rapport d’activité 2014. https ://www.marinspompiersdemarseille.com/sites/bmpm/files/ ressources/bmpm-rapport-activite-2014.pdf 3.Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Les statistiques des services d’incendie et de secours 2015. http:// www.interieur.gouv.fr/content/download/90819/706317/file/ StatsSDIS15BD.pdf 4.Convention n° 2002-0106/AP-HM relative à la coopération de la ville de Marseille et de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille pour le fonctionnement du service mobile d’urgence et de réanimation du centre hospitalier régional, article 3. 2002. 5.Ordre permanent 2.18 n°34 BMPM/EM/OPS/NP du 6 octobre 2015 relatif à l’armement du véhicule médical de soutien. 6.Instruction permanente 2.3 n°8 BMPM/EM/SANTE du 23 janvier 2012 relative à l’organisation du groupement santé du bataillon de marins-pompiers de Marseille. 7.Article R1424-24 crée par décret 2000-318 2000-04-07 du 9 avril 2000 du Code général des collectivités territoriales. le véhicule médical de soutien du bataillon de marins-pompiers de marseille 8.Note circulaire n° 2011-110503 BEP/NC/MB/FC/D2 du 17 juillet 2011 relative à la remise en condition du personnel sur intervention. 9.Instruction n° 600/DEF/DCSSA/PC/MA du 17 juillet 2015 relative au soutien sanitaire des activités à risques dans les armées. 10.Guide de bonne pratique – Soutien sanitaire opérationnel au sein des SDIS. 2014. http://docplayer.fr/1216921-Guide-de-bonne-pratiquesoutien-sanitaire-operationnel-au-sein-des-sdis-version-finale-phasede-production-scientifique.html#show_full_text. 11.Resnier F, Chemouni P, Fromentin B, Wyffels F, Steve J.-M. Le soutien sanitaire opérationnel (SSO). Portail national des ressources et des savoirs de l’école nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers. 2016. https ://www.google.fr/ url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web & cd = 3 & ved = 0ahUKEwiFzfGh3IHPAhXDQZoKHTc1A5sQFggn MAI & url = http://pnrs.ensosp.fr/content/download/35261/594057/file/ PNRS-Sante_Article_Soutien_Sanitaire_Operationnel.pdf & usg = AFQjCNG2hDG9_69DQSxVi7bakL3zDDmcWg & sig2 = Gu8P4 n5HCvNxMZxYNU4v4Q 12.Circulaire interministérielle DGS/7 Cn°2004-540 du 16 novembre 2004 relative à la surveillance des intoxications au monoxyde de carbone et aux mesures à mettre en œuvre. 243 VIENT DE PARAÎTRE LES ESSENTIELS DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUES SANTÉ Chercher - Organiser - Publier Évelyne Mouillet Cet ouvrage regroupe l’essentiel des méthodes et pratiques de la recherche bibliographique en santé en trois activités : chercher, organiser et publier. Chaque activité correspond à une partie qui détaille le travail à effectuer et les outils bibliographiques à connaître pour le réaliser, elle se termine sur la présentation approfondie de l’outil essentiel. La première partie présente la méthode de la recherche documentaire dont les modalités sont communes aux outils bibliographiques en ligne, ainsi que PubMed/MEDLINE. La deuxième partie montre comment sélectionner références et documents, notamment pour réaliser une revue systématique. La présentation des mesures bibliométriques permet ce tri et la mise en place de la veille bibliographique avec EndNote et Zotero. La dernière partie explique la rédaction bibliographique, pour appeler et présenter des références dans un mémoire, une thèse, un article. Les règles de Vancouver en sont l’outil essentiel. Tout au long du texte sont proposés des recommandations de lecture, des exemples illustrés, des encadrés récapitulatifs ainsi que 28 exercices pratiques pour s’entrainer et s’évaluer. Cet ouvrage apprend au lecteur à conduire une recherche documentaire pertinente, à sélectionner les documents utiles, à gérer une veille bibliographique et à connaître les règles de la rédaction bibliographique. ISBN : 978-2-7040-1471-28 – Format : 16x24 cm – Pages : 204 – Prix 36 � – Éditions John Libbey Eurotext (DOIN) – 127 avenue de la république – 92120 Montrouge. www.jle.com 244 Médecine des forces Soutien médical d’un meeting aérien : une coopération interministérielle nécessaire C. Carfantana, L. Quirin-Cesarib, S. Bergzollc, R. Dupontd, M. Gehanta a Centre médical des armées rationalisé corse, CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex. b SAMU de Haute-Corse, Centre hospitalier de Bastia, Route Royale – 20600 Bastia. c Service départemental d’incendie et de Secours de Haute-Corse, Service de santé et de secours médical, Lieu-dit « Casetta » – 20600 Furiani. d Direction centrale du Service de Santé des Armées, Bureau médecine d’armée, 60, boulevard du général Martial Valin – 75509 Paris Cedex 15. Article reçu le 22 février 2016, accepté le 27 septembre 2016. Résumé La saison des meetings aériens 2015 a connu en Europe trois accidents majeurs entraînant de nombreuses victimes dont quinze morts. Outre les dangers propres aux évolutions aériennes, l’organisation du soutien médical d’une telle manifestation doit prendre en compte l’ensemble des éventualités pouvant entraîner de nombreuses victimes. Elle doit s’appuyer sur une coopération interministérielle ainsi que sur l’aide d’associations agréées de secourisme, et débouche sur un arrêté préfectoral encadrant la manifestation. Les auteurs exposent la mise en œuvre du soutien médical d’un meeting aérien à partir de l’exemple du meeting aérien de la base aérienne de Ventiseri-Solenzara qui s’est tenu en mai 2015. Cette manifestation de grande ampleur permet de tisser des liens importants entre le Service de santé des armées et les organismes de secours civils corses, dans une zone où le maillage territorial des secours nécessite des coopérations interministérielles pérennes. Mots-clés : Meeting aérien. Organisation des secours. Plan ORSEC. SAMU. SDIS. Abstract MEDICAL SUPPORT OF A FLIGHT SHOW: A NECESSARY INTER MINISTERIAL COOPERATION. Three major accidents, resulting in many casualties and fifteen dead people happened during the 2015 season of flight shows in Europe. The medical support teams of such events must take into consideration all the potential dangers which may result in people being hurt, and not just the dangers specific to flight shows. They must rely on an inter-ministerial cooperation as well as on the help of registered first aid associations, and a prefectoral order to supervise the show. The authors report on the implementation of the medical support for a flight show on the basis of the flight show of Ventiseri-Solenzara Military Airbase in May 2015. This large scale event makes it possible to identify important connections between the Army Health Service and Corsican civilian relief agencies, in a region where inter ministerial cooperation needs to be long term. Keywords: Flight show. IDS. ORSEC plan. Relief organisation. SAMU. Introduction La base aérienne de Solenzara a accueilli les 30 et 31 mai 2015 un meeting aérien rassemblant trois patrouilles acrobatiques et de nombreux aéronefs. C. CARFANTAN, médecin en chef. L. QUIRIN-CESARI,. S. BERGZOLL,. R. DUPONT, médecin en chef. M. GEHANT, médecin principal. Correspondance : Monsieur le médecin en chef C. CARFANTAN, Centre médical des armées rationalisé corse, CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 44, 2, 245-252 Chaque année, des manifestations aériennes sont organisées au sein de différentes bases aériennes. L’organisation des secours doit permettre de répondre au dispositif prévisionnel de secours classique d’une manifestation accueillant du public et doit garantir une montée en puissance rapide capable de gérer un afflux massif de victimes inhérent à un mouvement de foule, un acte malveillant ou à une catastrophe aérienne. Pour ce faire, les organisateurs doivent s’appuyer sur le Service de santé des armées (SSA), le Service départemental 245 d’incendie et de secours (SDIS) et le Service d’aide médicale urgente (SAMU). La saison des meetings 2015 avec les accidents de Brighton le 22 août 2015 (7 morts et 15 blessés), de Bâle le 23 août 2015 (collision de 2 avions, 1 mort) et de Cerveny Kamen en Slovaquie le 20 août 2015 (collision de 2 avions lors de la répétition d’un show de parachutisme, 7 morts et 5 blessés graves) confirme la nécessité pour les organisateurs de prévoir un dispositif de secours adapté à l’ampleur de la manifestation et au contexte sanitaire local. Catastrophes lors de manifestations aéronautiques Les meetings aériens existent depuis le début du 20e siècle. Les risques d’accident sont importants : le public est souvent important et les démonstrations d’aéronefs comportent des risques majeurs de par les contraintes physiques imposées aux pilotes (accélération, illusions sensorielles) et la haute technicité des présentations (évolution en patrouille, enchaînement de figures). On peut ajouter à ces facteurs l’aspect mécanique avec la présentation en vol de vieux aéronefs au titre de l’histoire de l’aviation avec des contraintes importantes sur leurs structures dans des évolutions à fort facteur de charge. Ramstein : la prise de conscience Le 28 août 1988 sur la base militaire américaine de Ramstein en Allemagne, 3 avions de la patrouille acrobatique italienne font l’objet d’une collision en vol tuant 70 personnes et blessant gravement 346 autres. Près de 1 500 personnes bénéficient de soins médicaux ou psychologiques. Malgré ce lourd bilan, tous les blessés sont traités et évacués en 96 minutes. L’efficacité des secours mis en œuvre est le résultat d’une planification préalable et d’une coopération étroite entre les organismes de secours. Le nombre de véhicules d’évacuation a lui-même été anticipé. Toutefois, la communication, l’identification et le suivi des victimes se sont avérés problématiques (1). Suite à cet accident, de nouvelles règles de sécurité sont mises en place à l’échelon international : interdiction de survol du public, altitude de vol minimale d’évolution et réglementation de la distance horizontale avec le public en fonction de la vitesse de l’appareil (2). Faits récents Les mesures prises à la suite de la catastrophe aérienne de Ramstein ont certainement permis d’éviter d’autres catastrophes. Mais les contraintes tant techniques que physiques d’un show aérien imposent tout de même d’anticiper un éventuel d’accident, puisque le risque nul n’existe pas comme le prouvent deux catastrophes aériennes récentes : – 2002 : en Ukraine, à Sknyliv, lors d’une présentation aérienne réunissant 10 000 spectateurs, un avion 246 s’écrase suite à une erreur de pilotage faisant 77 morts et 543 blessés ; – 2011 : aux USA, à Reno, lors d’une course aérienne, un avion perd un compensateur de profondeur, devient incontrôlable et s’écrase faisant 11 morts et 79 blessés graves. L’organisation d’une manifestation aérienne s’appuie en France sur deux arrêtés : l’un régissant les manifestations accueillant du public et l’autre relatif aux manifestations aériennes. Cadre législatif Dispositif prévisionnel de secours, arrêté du 7 novembre 2006 (3) Toute manifestation accueillant plus de 1 500 personnes doit donner lieu à une demande auprès du maire de la commune ou au préfet de police pour Paris. L’organisateur doit remplir un certain nombre d’obligations, dont celle de « porter assistance et secours aux personnels en péril » (4). Un référentiel national annexé à l’arrêté de 2006 (3) permet d’aider les organisateurs à dimensionner leur dispositif prévisionnel de secours en fonction de l’affluence attendue et du lieu de la manifestation. L’arrêté de 2006 fixe la liste des associations de sécurité civile agréées pouvant contribuer au dispositif prévisionnel de secours. L’organisateur doit désigner un interlocuteur unique du dispositif de secours qui sera l’interface entre l’organisateur, le Directeur des secours médicaux (DSM) désigné par le préfet, les autorités d’emploi des associations agréées et les organismes de secours extérieurs : le Commandement des opérations de secours (COS) en cas d’événement majeur. Les dispositions de ce référentiel sont essentiellement centrées sur la sécurité du public et ne tiennent pas compte de la dangerosité des évolutions aériennes et de la prise en charge des équipages et de leurs mécaniciens en cas d’accident. À ce titre, l’organisation d’un dispositif de secours d’un meeting aérien doit tenir compte des éléments propres aux évolutions aériennes et aux éventuels baptêmes aériens offerts au public. L’autorisation de manifestation aérienne est délivrée par le préfet du département, au regard des éléments fournis. Arrêté préfectoral d’autorisation de manifestation aérienne L’arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations aériennes (2) encadre l’organisation de ce type d’événement. Outre la partie concernant l’ensemble des évolutions aériennes (trajectoires, minutage, établissement d’un règlement aéronautique), le comité d’organisation doit en termes de secours : – « organiser un poste de coordination pour faciliter le déroulement de la manifestation et prévoir les moyens de communication adéquats » ; – « prévoir les moyens de secours et de lutte contre l’incendie dont la définition et le niveau sont à établir c. carfantan en liaison avec la direction départementale des secours en prenant en compte les infrastructures locales déjà existantes et les éventuelles facilités ou difficulté d’accès ». Un comité d’organisation doit donc travailler en amont avec l’ensemble des services de secours locaux pour proposer au préfet un dispositif permettant de prendre en charge l’accidentologie circonstancielle, les accidents aériens et les événements majeurs impliquant de nombreuses victimes (accident aérien, attentat…). Dispositions particulières ORSEC La planification de l’Organisation de la réponse de la sécurité civile (ORSEC) a pour objet de secourir les personnes, de protéger les biens et l’environnement en situation d’urgence. Les plateformes aéronautiques disposent de Plans de Secours Spécialisés intégrés dans les dispositions particulières du plan ORSEC départemental depuis la loi de modernisation de la sécurité civile (5). Ces nouvelles dispositions ont pour but de simplifier l’organisation des secours et de veiller à la cohérence des secours en intégrant chaque disposition particulière à une réflexion globale des secours au niveau départemental : la montée en puissance des secours doit être adaptée, anticipée et coordonnée. Ce dispositif législatif est une aide précieuse à l’organisation des secours d’un meeting aérien, mais il demande nécessairement un effort d’anticipation à l’organisateur pour adopter le dispositif de secours à la localisation de la manifestation aérienne en tenant compte des organismes de secours et des centres hospitaliers locaux. Anticipation des besoins La base aérienne de Solenzara a accueilli les 30 et 31 mai le premier meeting aérien français de l’année 2015. Le Service de santé des armées a toujours occupé une place importante dans l’organisation des soutiens santé des meetings aériens organisés sur les bases aériennes de l’armée de l’Air. Une note de la Direction centrale du SSA de 2015 définit l’action du Service de santé des armées lors de ces manifestations et désigne le commandant du Centre médical des armées (CMA) comme interlocuteur auprès du préfet pour l’organisation et la mise en œuvre du dispositif de secours d’un meeting ayant lieu sur une base aérienne de l’armée de l’Air (6). À ce titre, il doit proposer un dispositif de secours en relation avec le DSM désigné par le préfet, le SDIS, le SAMU et les associations de secourismes agréées (3). La seule voie d’accès est une route nationale à deux voies. L’île compte un second centre hospitalier à Ajaccio (côte occidentale, 2 h 20 de route). La base aérienne s’avère donc être isolée des deux centres hospitaliers. Une antenne Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) est ouverte depuis le 14 juin 2010 à Ghisonaccia à 10 minutes de la base, mais les Postes médicaux avancés (PMA) des SDIS et les Postes sanitaires mobiles (PSM) des SAMU sont basés à Bastia, Ajaccio, Calvi et Sartène et donc au minimum à 1 h 40 de route. Les durées de vol en hélicoptère sont respectivement de 25 minutes pour Bastia et 20 minutes pour Ajaccio. L’éloignement, la capacité des deux centres hospitaliers insulaires (rapidement saturés par la surpopulation printanière et estivale) conjugués à l’absence de trauma center et de centre de traitement des brûlés ont imposé dès les réunions préparatoires initiales de prévoir d’une part, un dispositif permettant éventuellement une montée en puissance rapide à l’aide de moyens prépositionnés sur la base aérienne et d’autre part une capacité de régulation des évacuations par voie aérienne confiée à un médecin dédié à cette mission. Communications La coordination de l’ensemble des intervenants qu’ils soient militaires et civils (pompiers, hospitaliers ou secouristes) nécessite des moyens de transmissions compatibles entre eux et n’interférant pas avec les moyens radios aéronautiques. Le système INPT (Infrastructure nationale partageable des transmissions) nommé Antares® pour les pompiers et la sécurité civile, paraissant le plus adapté, est retenu. Les bases aériennes militaires doivent à terme bénéficier de ce système permettant une interopérabilité accrue en cas d’événement majeur nécessitant l’engagement des moyens militaires. Deux protocoles de transmissions sont mis en place (fig. 1, 2) : le premier pour le dispositif de secours classique et le deuxième en cas d’afflux saturant de blessés induisant la mise en œuvre du plan ORSEC – nombreuses victimes (ORSEC-NOVI). Lieu de la manifestation La Corse est une île montagneuse particulièrement exposée aux aléas météorologiques et soumise à un tourisme grandissant, puisqu’en 2014 elle a accueilli 7,4 millions de voyageurs (dont 70 % de mai à septembre) alors qu’elle ne compte que 320 000 habitants (7). La base aérienne de Ventiseri-Solenzara est située dans la plaine littorale orientale de la Corse à 100 km au sud du centre hospitalier de Bastia (1 h 40 de route). soutien médical d’un meeting aérien : une coopération interministérielle nécessaire Figure 1. Ordre de transmission dispositif de secours « classique ». 247 et la nécessité d’optimiser la traçabilité des patients par l’utilisation dès le ramassage par les équipes de secours tant militaires que civils de fiches spécifiques, type Tanit®. (fig. 5) Ces dernières se révèlent suffisamment résistantes, solides et facilement utilisables par tous les intervenants. Figure­ 2. Ordre de transmissions ORSEC-NOVI. Réunions préparatoires au meeting de l’air Dès le mois de décembre 2014, des réunions préparatoires ont lieu afin de présenter un dispositif cohérent aux services de la préfecture. La base aérienne étant située à la frontière entre les deux départements corses, il est demandé au préfet de Haute-Corse la possibilité de travailler avec les deux SDIS (Haute-Corse 2B et Corse du Sud 2A). Afin de ne pas démunir les casernes de Haute-Corse et d’augmenter les synergies insulaires, une demande de besoins matériels et humains du SDIS-2A est faite par le préfet de Haute-Corse auprès de l’État-major de zone de défense (EMZD). Une dernière réunion, au mois d’avril, a validé l’ensemble du dispositif avec le directeur de cabinet de la préfecture de Haute-Corse. Ce dispositif a dû tenir compte des contraintes budgétaires et humaines de chaque service. Le déploiement préventif sur la base aérienne de moyens humains et matériels des deux SDIS et du SAMU 2B a fait l’objet de conventions avec contreparties financières. Le risque potentiellement grave d’un crash aérien sur une zone publique ou d’un accident routier sur l’unique voie d’accès de la manifestation a incité à prépositionner d’important moyen sur la base aérienne. Figure 3. Poste médical avancé lors de l’exercice NOVI. © MC Carfantan SSA. Figure 4. Pompiers et militaires lors de l’exercice NOVI. © MC Carfantan SSA. Entraînement Les dispositions particulières ORSEC de la plateforme aéronautique de Ventiseri-Solenzara imposent la réalisation d’un exercice ORSEC-NOVI de façon régulière (fig. 3, 4). Par ailleurs, l’isolement de la base aérienne oblige le CMA de Ventiseri-Solenzara à s’entraîner annuellement avec les moyens de l’armée de l’Air (pompiers et secouristes de la base) au ramassage, au tri et la mise en œuvre d’un poste médical avancé dans l’attente de l’arrivée du SDIS et du SAMU. Dans le cadre de la préparation du meeting aérien, un exercice ORSEC-NOVI est réalisé avec les moyens militaires du site et les moyens civils locaux (SDIS et SAMU). Cet entraînement confirme le besoin d’avoir des moyens de transmission communs interconnectables 248 Figure 5. Fiche Tanit®. © Tanit developpement®. c. carfantan Le mode opératoire interministériel testé pendant cet exercice a permis de travailler de façon concertée et collégiale. Il s’est avéré possible de l’appliquer à l’occasion du meeting mais aussi pour un quelconque événement grave qui pourrait survenir à proximité de la base aérienne. Il est décidé à l’issue que le SSA assurerait le ramassage et les premiers soins des blessés. Le SDIS prendrait la direction des secours médicaux et l’organisation du poste médical avancé (tri et médicalisation) et le SAMU assurerait les évacuations en relation avec le Centre de réception et régulation des appels de Bastia (CRRA). Mise en œuvre Moyens prépositionnés sur la base Du point de vue matériel, les SDIS ont fourni 2 postes médicaux avancés et 5 Véhicules de secours aux asphyxiés et blessés (VSAB), le SAMU de HauteCorse a déplacé le lot Poste sanitaire mobile (PSM) première génération de Bastia sur la base aérienne (médicaments et matériels permettant la prise en charge de 25 victimes). Le PMA du SDIS 2A est monté près de la tour de contrôle dans une position centrale et le PMA du SDIS 2B ainsi que le lot PSM du SAMU sont gardés en réserve afin de pouvoir les déployer en fonction du lieu d’une éventuelle catastrophe. Les PMA des SDIS ont une composition équivalente à un lot PSM de première génération du SAMU (fig. 6). Le SDIS 2B a apporté son expertise dans le cadre de la coordination de tous les moyens de secours avec la mise en place de son Poste de commandement (PC) de site mobile et des moyens de transmissions (INPT®) (fig. 7). Figure 7. Poste de commandement (PC) de site du SDIS 2B. © MC Carfantan SSA. (3) capable de fournir des secouristes pour une telle manifestation. Le préfet a autorisé la mise à disposition de secouristes militaires en validant l’arrêté de manifestation aérienne qui demande aux organisateurs de prévoir un dispositif de secours en adéquation. Cet arrêté est moins contraignant que l’arrêté de 2006 sur les dispositifs prévisionnels de secours (2). Le calcul du nombre de secouristes est basé sur le calcul du Ratio intervenants secouristes (RIS) qui tient compte du nombre de personnes attendues, de la nature et de l’accessibilité de la manifestation et du délai d’intervention des secours publics (3) (tab. I). La zone publique est divisée en deux secteurs équivalents. Chaque secteur dispose d’un Poste de secours avancé (PSA) comprenant 2 tentes équipées de lits de campagne, 1 ambulance équipée et 2 cantines dites « catastrophe » permettant de débuter le tri et la prise en charge des patients en cas d’événement majeur. Ces cantines sont réalisées dans le but de permettre à tous les secouristes et personnels du SSA de réaliser les algorithmes de prise en charge initiale « SAFE MARCHE RYAN » (tab. II). Tableau­ I. Calcul du ratio d’intervenants secouristes. D’après le Référentiel National des Missions de Sécurité Civile. Formule Indicateurs Meeting de Solenzara P2 : activité du rassemblement 0,25 (assis) à 0,40 (debout, dynamique) Figure 6. Poste médical avancé (PMA) du SDIS 2A. © SGC Dupont Armée de l’Air. Indice total de risque i = P2 + E1 + E2 soutien médical d’un meeting aérien : une coopération interministérielle nécessaire 0,25 (salle) à 0,4 (> 5 ha, pente…) i = 0,4 + 0,4 +0,4 E2 : délai d’intervention Dispositif de secours La couverture de la zone d’évolution du public est assurée par des personnels du Service de santé des armées et des binômes de la sécurité civile de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Corte (UIISC). La Corse n’a pas d’association agréée E1 : environnement 0,25 (< 10 min) à 0,4 > 30 min Ratio d’intervenants RIS = i x (P/1 000) secouristes P = public attendu RIS = 18 = 1,2 x (15 000/1 000) 249 Tableau­ II. Moyens humains. L’ensemble du matériel utilisé par le SSA provient des deux Centres médicaux des armées Corse et de l’antenne médicale de l’UIISC de Corte. Les consommables sont pris en charge par la Direction régionale du Service de santé des armées (DRSSA). Un poste de secours comprend un lot pédiatrique d’examen et le centre médical d’examen comprend un lot d’urgence pédiatrique. Au niveau humain, chaque secteur comprend une équipe médicale et 10 binômes de secouristes. Chaque médecin responsable de secteur peut contacter le médecin-chef de la base aérienne et/ou le DSM par téléphone (réseau militaire de la base) ou moyens radio INPT®. Le recomplètement des postes de secours est fait par le centre médical d’évacuation ou la pharmacie du SDIS installé au pied de la tour de contrôle (fig. 8-10). par voie routière ou par hélicoptère (l’EC-145 de la sécurité civile pouvant se poser à proximité). Au niveau humain, l’équipe du CME est composée d’une équipe du SSA (1 médecin, 1 infirmier et 1 auxiliaire sanitaire) et d’une équipe du SAMU 2B (1 médecin, 1 infirmier et 1 conducteur ambulancier). Les patients y sont adressés par les postes de secours avancés après régulation par le directeur des secours médicaux, les VSAB du SDIS 2B et 2A faisant les norias sur la voie Figure­ 8. Plan de la zone dite « public ». Centre médical d’évacuation (CME) Situé dans le CMA à l’entrée de la base aérienne, il permet de préparer les patients à leur évacuation 250 Figures 9 et 10. Postes de secours avancés (PSA). © SGC Dupont Armée de l’Air. c. carfantan principale de la base aérienne réservée aux secours. Le positionnement de l’équipe du SAMU2B au CME permet une meilleure coordination avec le Centre de réception et de régulation des appels (CRRA) de HauteCorse de Bastia (fig. 11, 12). Figure 13. Super Puma treuillant une civière Transaco®. © SGC Dupont Armée de l’Air. Réunions de coordination La manifestation s’est déroulée sur deux jours. Une réunion de coordination organisée par le médecinchef du CMA et le DSM a eu lieu tous les matins avant l’ouverture des portes au public, cette réunion permettant surtout de faire des rappels sur les moyens de transmissions et la conduite à tenir en cas d’activation du plan ORSEC-NOVI. Bilans des deux journées Figures 11 et 12. Centre médical d’évacuation (CME). © SGC Dupont Armée de l’Air. Équipes spécifiques Deux équipes du SSA sont chargées d’assurer le secours au profit des équipages des aéronefs : la première, localisée avec les pompiers de la base au pied de la tour de contrôle, est chargée d’assurer le soutien de la piste aérienne en cas d’accident sur la zone de l’aérodrome. La seconde est prête à décoller avec l’équipe Search and Rescue (SAR) en cas d’éjection d’un pilote en mer ou en dehors de la zone de l’aérodrome (fig. 13). Une équipe de sauveteurs-plongeurs opérationnels de l’armée de l’Air est positionnée au niveau de l’étang situé en bout de piste afin de pouvoir récupérer immédiatement l’équipage d’un aéronef en cas d’amerrissage. L’affluence des deux jours a été moins importante qu’attendue (12 000 personnes sur les deux jours). Les consultations dans les postes de secours ont essentiellement été en relation avec la chaleur (dermatologie) et de la petite traumatologie. Le CME a accueilli deux personnes pour des malaises sans gravité et il n’y a pas eu d’évacuation secondaire vers les centres hospitaliers. L’ensemble du dispositif a permis un mélange des cultures interministérielles, ainsi qu’au sein du SSA avec l’intégration d’une équipe du CMA de Calvi, et une mise en commun des procédures pouvant laisser présager d’une bonne complémentarité des services de secours en cas d’événement majeur touchant la Corse (fig. 14, 15). Poste de commandement opérationnel (PCO) Situé à proximité du poste de commandement du meeting et du PC de site du SDIS 2B, le PCO travaille « en miroir » avec le Centre opérationnel départemental (COD) de la préfecture de Haute-Corse. Dans le cadre de l’organisation des secours, un médecin du SAMU2B est présent afin de coordonner les évacuations médicales avec le CRRA et le Directeur des secours médicaux (DSM) en cas d’activation du plan ORSEC-NOVI. soutien médical d’un meeting aérien : une coopération interministérielle nécessaire Figure 14. Nombre d’entrées. 251 Figure 15. Motifs de consultations. Conclusion Les manifestations aériennes accueillant du public sont des manifestations à haut risque comme l’a malheureusement démontré l’année 2015, avec trois accidents majeurs en Europe. Cela confirme la nécessite de prévoir des dispositifs de secours en tenant compte de l’importance du public, mais aussi du risque aéronautique. Du fait de l’insularité et de l’isolement de la base aérienne, l’organisation d’un meeting sur Solenzara nécessite en plus d’un dispositif prévisionnel de secours, des moyens prépositionnés capables de mettre en œuvre un plan NOVI-ORSEC et d’organiser les évacuations médicales par voie routière et aérienne. Cette organisation interministérielle, où chaque administration a un rôle prédéterminé, permet des échanges riches pouvant s’avérer utile pour une zone comme la Corse où les deux centres urbains concentrent l’essentiel des moyens de secours et où le caractère montagneux et le réseau routier insuffisant allongent les délais d’intervention. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Martin TE. The Ramstein airshow disaster. J R Army Med Corps. 1990 Feb ; 136 (1) : 19-26. 2.Ministère de la Défense, de l’Équipement, des Transports et du Tourisme, de l’intérieur. Arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations aériennes (NOR : EQUA9600491A). 3.Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire. Arrêté du 7 novembre 2006 fixant le référentiel national relatif aux dispositifs prévisionnels de secours (NOR : INTE0600910A). 4.Premier ministre. Décret n° 97-646 du 31 mai 1997 relatif à la mise en place de service d’ordre par les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif (NOR : 252 INTD9700133D). 5.Premier ministre. Loi 2004-811 du 13 août 2014 de modernisation de la sécurité civile (NOR : INTX0300211L). 6.Direction centrale du Service de santé des armées. Rôle du Service de santé des armées pour les meetings au profit de la fondation des œuvres sociales de l’air. 2015. Report No. : N° 505657/DEF/ DCSSA/PC/MA. 7.Institut national de la statistique et des études économiques. Bilan de l’activité du tourisme en Corse. 2015. http://www.insee.fr/fr/ publications-et-services/default.asp?page=collections-regionales/ corse/publications.htm c. carfantan Médecine des forces Activité pédiatrique d’une antenne dans un « désert médical » C. Carfantan, A. Doucelance, PY. Pegaz, R. Beaurain, M. Gehant Centre médical des armées rationalisé corse, CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex. Résumé Le contexte démographique médical dans lequel est implantée l’antenne médicale de Solenzara a créé une situation propice au développement d’une activité de consultation pédiatrique au profit des familles des militaires. L’adhésion du commandement de la base défense et de la Direction régionale du Service de santé des armées ont permis d’avoir les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ce projet qui fut rapidement un succès comme le montrent les chiffres croissants de consultation entre 2012 et 2015. Cette activité mobilisant chacun des acteurs de l’antenne médicale, du secrétaire au médecin en passant par les infirmiers et auxiliaires sanitaires, est une activité en équipe valorisante et utile pour la formation professionnelle continue. Bénéfique également en termes de confiance des militaires envers l’institution et d’image du Service de santé dans les forces, elle a également permis une réduction de l’absentéisme en lien avec ces consultations réalisées antérieurement de façon exclusive dans le secteur civil. Mots-clés : Désert médical. Modèle 2020 du SSA. Pédiatrie. Simulation. Abstract THE PAEDIATRIC ACTIVITIES OF A MEDICAL UNIT IN A ‘MEDICAL DESERT’. The medical demographic contexts in Solenzara were favourable to the development of paediatric consultations in the Military Medical Centre for servicemen and women. The Military authorities provided specific means for this project, which quickly turned out to be a success. The medical activities required the skills of every military health professional, and resulted in invaluable team work. It was instrumental in increasing the trust in, and notoriety of the French Military Health Service, and in reducing the rate of absenteeism caused by appointments made previously within the civilian Health Service. Keywords: Paediatric. Simulation. French Military Medical Service model 2020. Medical desert. Introduction Les unités soutenues par les antennes médicales des Centres médicaux des armées (CMA) sont très différentes : l’armée d’appartenance et la mission opérationnelle influent directement sur la nature du soutien médical à mettre en œuvre. Leur position géographique peut elle aussi avoir des conséquences sur ce soutien, et entraîner la nécessité de proposer une diversification de son offre médicale et paramédicale afin de répondre aux préoccupations quotidiennes du C. CARFANTAN, médecin en chef, praticien confirmé. A. DOUCELANCE, médecin principal, PY. PEGAZ, médecin des armées. R. BEAURAIN, infirmier en soins généraux de 2e grade. M. GEHANT, médecin en chef, praticien confirmé. Correspondance : Monsieur le médecin en chef C. CARFANTAN, Centre médical des armées rationalisé corse, RN 198 CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex. E-mail : [email protected] médecine et armées, 2017, 45, 2, 253-258 militaire et du commandement. Ainsi, depuis 2012, l’Antenne médicale (AM) de Solenzara a développé une offre de soins pédiatriques. Nous développerons successivement le contexte ayant abouti à la mise en place de cette consultation spécifique. Dans un second temps, nous aborderons les moyens et le cadre permettant cette ouverture, que nous apprécierons par l’intermédiaire d’un relevé d’activité depuis 2012. Pour finir, nous replacerons cette spécificité dans le contexte quotidien de la mise en œuvre des CMA et du maintien en condition opérationnelle toujours prégnant du personnel du Service de santé des armées (SSA). Contexte La Corse, destination fort appréciée par les vacanciers, n’a pas que des côtés plaisants pour le personnel 253 militaire affecté sur l’île. Sa géographie complique beaucoup les déplacements. Le cadre de vie rural ne facilite pas l’installation des jeunes médecins en dehors des deux centres urbains que sont Ajaccio et Bastia qui concentrent la moitié de la population insulaire (350 000 habitants en hiver, auxquels s’ajoutent jusqu’à 3,5 millions de touristes entre mai et septembre) (1). « Désert Médical » L’antenne médicale de Solenzara, antenne du CMA rationalisé corse, soutient principalement la base aérienne 126 de Ventiseri-Solenzara et les brigades de Gendarmerie à proximité (1 400 personnes). L’antenne médicale se situe dans une zone de très faible densité médicale (fig. 1) à 1 h 30 de route du centre hospitalier de Bastia et 3 h 00 de celui d’Ajaccio. Implantée en pleine zone rurale, la base aérienne n’est entourée que de vastes communes peu peuplées et dépourvues de médecin en nombre suffisante. Cette carence est notamment majeure sur le domaine pédiatrique avec une seule praticienne pour toute la plaine orientale (11 pédiatres référencés en Corse dont 1 seule hors de Bastia et Ajaccio) (2). pour l’instant pas abouti, l’Agence régionale de santé (ARS) étant peu encline à porter des projets « politisés » ou ne faisant pas l’unanimité chez les médecins libéraux insulaires. Cette faible densité médicale a toujours permis à l’antenne médicale d’avoir une activité de médecine générale variée avec l’ensemble des militaires et leur famille. L’ouverture à la pédiatrie doit donner lieu à un projet plus global permettant d’accueillir les enfants dans des conditions satisfaisantes (réfection des salles de soins, matériels spécifiques) et de s’assurer de la continuité de l’offre proposée tout au long de l’année (assentiment des praticiens des armées affectés à l’antenne médicale au projet). Adhésion des commandants de la base de défense Confronté à un absentéisme inhérent aux consultations dans le secteur civil pour leurs enfants et aux jours dits « enfant malade », le commandant de base de défense a tout de suite compris l’intérêt de cette démarche d’ouverture vers les familles des militaires. Ce soutien du commandement a permis de rénover la salle d’urgence et la salle de soins de l’antenne médicale (fig. 2), mais aussi de faciliter l’accès à l’antenne médicale située dans l’enceinte de la base aérienne par la réalisation de badge annuel au profit des familles. Figure 2. Rénovation des salles de soins. Projet d’établissement 2014-2018 du CMA (3) Figure 1. Densité médicale en Corse en janvier 2016 (2) (d’après l’Ordre départemental des médecins). De nombreux projets de maisons médicales sont portés par les maires des communes mitoyennes du CMA afin d’accroître l’offre médicale et paramédicale, mais n’ont 254 Axe stratégique du projet d’établissement du CMA, cette activité a permis d’accélérer la réfection de l’antenne médicale. L’exercice de la pédiatrie nécessite l’implication et l’adhésion de l’ensemble des catégories de personnel (médecin, infirmier, mais aussi auxiliaire sanitaire) pour accueillir, expliquer, calmer ou rassurer enfant(s) et parent(s), participant ainsi à la valorisation du travail de chacun autour d’une démarche de soins commune et une activité de soins variée et gratifiante. C’est un atout pour la cohésion et la considération du personnel. c. carfantan Mise en œuvre Formation du personnel Le cursus de médecine générale impose depuis 2004 la réalisation d’un stage dans un service d’urgences et d’un stage dans un service de pédiatrie et/ou de gynécologie au cours de l’internat permettant à l’ensemble des praticiens d’avoir lors de leurs formations initiales des compétences en pédiatrie générale et d’urgence. Les médecins de l’antenne médicale ont tous réalisé la formation « prise en charge des urgences pédiatriques » qui comprend un enseignement numérique et un enseignement présentiel avec la réalisation de mises en situation avec simulation au sein du Centre d’enseignement et de simulation à la médecine opérationnelle (CESImMO) de l’École du Val-de-Grâce, un praticien a suivi la formation du diplôme universitaire de gestes d’urgences en pédiatrie de l’université de Poitiers. Ces deux formations présentent l’avantage d’être pragmatiques et complémentaires des formations de médecin de l’avant, utilisant des algorithmes de type MARCHE (4, 5). La réalisation des simulations permet de mettre en place un projet pédagogique précis, de travailler et de progresser dans des prises en charge dont l’occurrence peut s’avérer rare pour un médecin militaire travaillant en antenne (« jamais la première fois sur un patient ») (6, 7). Une convention avec le Service départemental d’incendie et de secours de HauteCorse (SDIS-2B) permet d’emprunter leur mannequin de simulation haute-fidélité de façon ponctuelle afin d’entretenir ces compétences. La formation des praticiens est complétée par la réalisation de gardes mensuelles au sein des urgences du centre hospitalier de Bastia qui accueillent les urgences pédiatriques de Haute-Corse. Outre la formation continue des praticiens et l’encadrement du personnel paramédical par des instructions régulières, l’accueil d’une consultation pédiatrique nécessite des adaptations dans le planning quotidien. médicale d’organiser le temps dédié aux familles sans répercussions sur la disponibilité du service médical pour le soutien des militaires. Dans le cadre de l’urgence, les enfants sont accueillis directement à l’antenne médicale, de préférence après contact téléphonique. L’astreinte héliportée de l’antenne impose, en heures non ouvrables, une astreinte à une heure pour un médecin et un infirmier. Cette équipe peut être rappelée en heures non ouvrables par l’officier de permanence de la base aérienne ou revenir lorsqu’un enfant vu en consultation en heures ouvrables doit bénéficier d’un examen de contrôle. Pratique raisonnée et concertée Le travail en antenne médicale présente l’avantage d’être collectif et permet une continuité de soins, d’échanger sur les situations cliniques et d’harmoniser les pratiques au plus près des dernières recommandations officielles. Cela permet un suivi rapproché comme dans les épisodes fébriles (motif fréquent de consultation), et de convoquer les enfants toutes les 48h en cas d’absence de foyer bactérien évident afin de les réexaminer complètement, limitant ainsi l’utilisation des antibiotiques par exemple. De la même façon, les enfants sont déshabillés, pesés et mesurés d’autant plus facilement que nos services disposent d’auxiliaires sanitaires et d’infirmières (fig. 3). Le personnel et des salles de soins adaptées permettent à une antenne d’avoir une approche clinique quasi hospitalière. Ouverture de l’antenne et particularités de l’antenne L’ouverture de l’antenne aux enfants des ayants droit nécessite un accueil permanent tout au long de l’année afin de mettre en place un suivi apprécié par les familles, mais aussi d’avoir une activité continue, formatrice pour les praticiens. Si la consultation n’était ouverte que de façon discontinue, nous ne recevrions que les rares urgences. Ainsi, nous nous sommes efforcés de proposer des consultations au profit des familles pendant les heures ouvrables de la base aérienne afin que la démarche initiée avec les familles soit pérenne. La présence permanente de deux médecins à l’antenne médicale de Solenzara que nécessite l’activité de la base aérienne (astreinte héliportée et soutien de la plateforme aéronautique) a facilité la réalisation de ces visites. Les familles prennent rendez-vous pour les consultations programmées, ce qui permet à l’antenne activité pédiatrique d’une antenne dans un « désert médical » Figure 3. Consultation médicale. Mise à disposition d’un lot pédiatrique par la Direction régionale Devant l’activité croissante de l’antenne médicale dans un contexte persistant d’isolement vis-à-vis des structures hospitalières, la Direction régionale du Service de santé des armées de Toulon a octroyé à 255 l’antenne médicale en 2015 un budget afin d’équiper la salle d’urgence d’un lot pédiatrique (réalisé à partir du lot pédiatrique poste médical 14 du SSA) permettant la mise en condition d’un enfant potentiellement grave avant l’arrivée de l’équipe du SMUR (fig. 4). Ce lot permet aussi de compléter le lot de secours héliporté d’un kit pédiatrique et s’inscrit directement dans la continuité de l’enseignement d’urgences pédiatriques suivi au CeSImMO. Figure 5. Nombre annuel de consultations pédiatriques (2016 ne comprend que 10 mois). Figure 6. Évolution trimestrielle des consultations pédiatriques entre début 2015 et le 3e trimestre 2016. ( Nombre de praticiens sur l’antenne médicale). Figure 4. Nouvelle salle d’urgence avec matériels pédiatriques. Nouveaux affectés Les affectations de septembre demeurent le meilleur moyen de tisser des liens avec les familles. Lors de la journée des arrivants, le maillage santé corse et l’antenne médicale sont présentés par un médecin de l’antenne, portant à la connaissance des nouveaux affectés d’une consultation pédiatrique. La campagne à la rentrée scolaire des certificats de non contre-indication aux activités sportives permet aussi de rencontrer les familles. Figure 7. Répartition des âges des enfants suivis. Activités depuis 2012 Évolution de l’activité depuis 2012 Le nombre de consultations pédiatriques augmente depuis 2012 avec près de 650 consultations réalisées en 2015 (fig. 5). L’année 2016 connaît une petite baisse inhérente à la présence d’un seul médecin présent sur l’antenne sur deux trimestres du fait de formations et d’opérations extérieures (fig. 6). Les familles continuent de venir, mais cette configuration oblige à baisser le nombre de créneaux de consultations sur rendez-vous et a des conséquences sur l’activité pédiatrique globale. Âge des consultants La répartition des âges s’avère assez homogène (fig. 7). La proportion de nourrissons est relativement importante (25 %) et assez représentative du manque de pédiatre dans la plaine orientale. 256 Motifs de consultation Les motifs de consultation sont marqués par une part non négligeable de demande de rédaction de certificats de sport et de vie en collectivité (fig. 8) surtout à l’officialisation de cette consultation. Cette activité moins valorisante demeure importante pour tisser des liens avec les parents pouvant aboutir à un suivi et malgré un mois de septembre souvent chargé, il a été décidé d’essayer de les absorber au maximum chaque année. Les motifs de consultation sont en corrélation avec une consultation de médecine générale pédiatrique. La pathologie oto-rhino laryngée, surtout virale, est le premier motif de consultation. Ce dernier paraît être un motif simple, mais qui peut prendre beaucoup de temps, car il faut persuader les parents de l’inutilité d’un grand nombre de médicaments et de l’importance des désobstructions rhino-pharyngées souvent perçues comment douloureuses (8). c. carfantan Figure 8. Motifs de consultation pédiatrique sur l’antenne médicale. Conséquences sur l’activité de l’antenne et des praticiens Maintien d’une activité de soins valorisante et utile Cette activité permet de proposer une activité de soins pérenne et d’impliquer l’ensemble du personnel de l’antenne de l’auxiliaire sanitaire au médecin. La reconnaissance des familles motive le personnel qui adhère complètement en augmentant spontanément le nombre de créneaux et en participant à l’amélioration de la capacité d’accueil de l’antenne par une gestion efficace des rendez-vous permettant d’accueillir les militaires et leur famille, tout en garantissant la réalisation des visites médicales réglementaires. L’accueil des enfants des militaires a eu des conséquences directes sur l’activité de soins au profit des militaires, l’antenne étant désormais réellement perçue comme un acteur de soins au service des militaires. Cette proximité participe à une relation « soutenant-soutenus » cohérente, reconnue et permettant d’avancer sur des dossiers globaux importants pour le CMA (infrastructure par exemple), car outre la participation à la mise en œuvre du modèle 2020 du SSA, elle participe aussi au bon fonctionnement de la base aérienne et des unités soutenues. Compétences pour l’activité opérationnelle Dans les zones de conflits, les enfants représentent une proportion significative des traumatismes rencontrés en zone de guerre et les soignants doivent être prêts à soigner cette population (9-11). L’engagement actuel dans la Bande sahélo-saharienne (BSS) est caractérisé actuellement par une volonté de mettre en avant les cinq pays partenaires. Cela se caractérise souvent lors des opérations par la mise en œuvre quasi systématique d’Aides médicales à la population (AMP) conjointes avec un médecin local. L’AMP est faite quasi exclusivement au profit des enfants. Une activité quotidienne de pédiatrie paraît donc importante dans le cadre du maintien des compétences du médecin militaire toujours très volontaire à aider et exercer une médecine pratiquée depuis longtemps par nos anciens outre-mer (12). activité pédiatrique d’une antenne dans un « désert médical » De la même façon, l’antenne médicale de Solenzara assure une astreinte héliportée conjointe avec l’escadron d’hélicoptères de l’armée de l’Air au profit de l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI) en cas de perte d’un aéronef et de l’Organisation maritime internationale (OMI) pour secourir des naufragés, blessés ou malades en mer. Ces missions sont très diverses et peuvent donner lieu à des prises en charge où la pédiatrie ne peut être improvisée (13). En ce qui concerne les enfants suivis sur l’antenne, nous avons été amenés à évacuer trois enfants vers le centre hospitalier de Bastia, le SAMU étant déjà engagé et n’ayant pas de possibilité de transport : deux par hélicoptère (accident de quad à forte cinétique et convulsions hyperthermiques avec trouble de la conscience persistant) et un par voie routière (purpura fébrile). Conclusion Le « désert médical » où est située l’antenne médicale de Solenzara a permis le développement d’une activité de consultation pédiatrique. Activité valorisante et reconnue du commandement et de la population soutenue, elle n’a pu voir le jour que du fait d’une forte demande comme le montre le nombre croissant des consultations entre 2012 et 2015 et de l’investissement quotidien de l’ensemble du personnel de l’antenne médicale. Le commandement de la base aérienne 126 et la Direction régionale du Service de santé des armées de Toulon ont joué un rôle majeur dans le développement de cette activité, permettant d’avoir les moyens de nos ambitions (salles de soins et d’urgence rénovées, lot pédiatrique et matériels spécifiques au sein de l’antenne médicale) et de fournir au militaire au soutien de qualité. Elle a également permis de réduire l’absentéisme en lien avec les consultations pédiatriques réalisées antérieurement systématiquement dans le secteur civil. Outre le maintien des compétences en médecine générale, elle a permis d’ancrer l’antenne médicale au cœur du parcours de soins des militaires et d’augmenter la proximité avec la population soutenue et leur confiance vis-à-vis de l’antenne médicale, participant à une image positive du Service de santé des armées dans les forces. 257 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Insee — Bilan annuel du tourisme Corse — 2015 [Internet]. [cité 13 nov 2016]. Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/publicationset-services/sommaire.asp?reg_id=6&ref_id=IND04 2.Cartographie interactive de la démographie médicale/Démographie médicale [Internet]. [cité 13 nov 2016]. Disponible sur : http:// demographie.medecin.fr/ 3.Service de santé des armées. Modèle SSA 2020 – Réussir demain [Internet]. [cité 13 nov 2016]. Disponible sur : http://www.defense. gouv.fr/sante/actualites/modele-ssa-2020-reussir-demain 4.Pasquier P, Dubost C, Boutonnet M, Chrisment A, Villevieille T, Batjom E, et al. Predeployment training for forward medicalisation in a combat zone : the specific policy of the French Military Health Service. Injury. sept 2014 ; 45 (9) : 1307-11. 5.Pasquier P, Mérat S, Malgras B, Petit L, Queran X, Bay C, et al. A Serious Game for Massive Training and Assessment of French Soldiers Involved in Forward Combat Casualty Care (3D-SC1) : Development and Deployment. JMIR Serious Games. 2016 ; 4 (1) : e5. 6.Oriot D, Boureau-Voultoury A, Ghazali A, Brèque C, Scépi M. Intérêt de la simulation en pédiatrie. Arch Pédiatrie. juin 2013 ; 20 (6) : 667-72. 7.Dugan MC, McCracken CE, Hebbar KB. Does Simulation Improve Recognition and Management of Pediatric Septic Shock, and If One 258 Simulation Is Good, Is More Simulation Better ? Pediatr Crit Care Med. juil 2016 ; 17 (7) : 605-14. 8.Collège national des pédiatres universitaires. Rhinopharyngite [Internet]. [cité 25 nov 2016]. Disponible sur : http://campus. cerimes.fr/media/campus/deploiement/pediatrie/enseignement/ rhinopharyngite/site/html/3.html 9.L aville V. Prise en charge de l’enfant polytraumatisé par le médecin des forces en opération extérieure. Faculté de Médecine de Bobigny ; 2016. 10.Cole W, Edwards MJ, Burnett MW. Providing care to children in times of war. Mil Med. juin 2015 ; 180 (6) : 609-11. 11.Pannell D, Poynter J, Wales PW, Tien H, Nathens AB, Shellington D. Factors affecting mortality of pediatric trauma patients encountered in Kandahar, Afghanistan. Can J Surg J Can Chir. juin 2015 ; 58 (3 Suppl 3) : S141-145. 12.Varenne D, Bouvet A, Jakhi F, Papillaut des Charbonneries L, Novel S. Médecin des forces et aide médicale à la population dans le cadre des actions civilo-militaires. À propos d’une expérience au Mali en 2015. Médecine et Armées. Accepté, en attente de publication. 13.Carfantan C, Gehant M, Pegaz PY, Bourgeois B, Clement J, Bancarel J. Les missions de secours héliportés du Centre médical des armées de Solenzara. Ann Fr Médecine Urgence. mai 2016 ; 6 (3) : 193-9. c. carfantan Médecine des forces Implication du Service de santé des armées dans l’aide médicale urgente en mer : point de situation métropolitain en 2016 et perspectives d’avenir E. Dulaurenta, C. Carfantanb, B. Schneiderc, L. Lelyd, L. Corgiee, P. Guénotf a Centre médical des armées de Bordeaux-Mérignac, antenne médicale de Mont-de-Marsan. b Centre médical des armées rationalisé Corse, antenne médicale de Solenzara. c Frégate anti-sous-marine Primauguet, Force d’action navale de Brest d Centre médical des armées de Brest, antenne médicale de Lanvéoc-Poulmic. e Centre médical des armées de Toulon, antenne médicale de Hyères-Aéro. f Centre médical des armées de Bordeaux Mérignac, antenne médicale de Cazaux, BP 70413 – 33164 La Teste Cedex. Résumé Historiquement en charge de la recherche et du sauvetage des aéronefs en détresse aux côtés des équipages aéronautiques militaires, les médecins et infirmiers du Service de santé des armées assurent également en milieu maritime le secours médicalisé héliporté sur l’ensemble du littoral métropolitain français. Cette mission de service public est placée au cœur de la médecine des forces car transposable aux théâtres d’opérations extérieures. Or, depuis 2013 et la création des services mobiles d’urgence réanimation maritimes, les équipes du Service de santé des armées se sont vus reléguées à un rôle de supplétif malgré leurs compétences et leur savoir-faire. Toutefois le modèle « SSA 2020 » en particulier à travers son aspect « Ouverture » assure au Service de santé des armées les conditions optimales pour lui permettre de garder sa position d’acteur majeur de ce domaine. La sanctuarisation des compétences en médecine d’urgence des équipes médicales militaires en charge de cette mission apparaît comme l’une des mesures principales qui assurerait d’atteindre cet objectif. Mots-clés : Aide médicale urgente en mer. Maritime. Secours héliporté. Service de santé des armées (SSA). Abstract THE INVOLVEMENT OF THE FRENCH MILITARY HEALTH SERVICE IN THE EMERGENCY MEDICAL AID AT SEA: THE METROPOLITAN SITUATION IN 2016 AND PROSPECTS Historically in charge of the Defense Search and Rescue Missions, alongside the military aeronautical crews, the doctors and nurses of the French Military Health Service (SSA) have, in particular, provided Helicopter Medical Assistance at sea. This Public Service mission is at the core of the military medical teams’ activity because it is transferable to the theatres of external operations. Since 2013 and the creation of Maritime Medical Emergency Teams by the Civilian Public Health Authorities, the SSA teams have been considered incidental, despite their experience and their savoir faire. However, the new strategic “SSA 2020” model, particularly because of its “Openness” provides the SSA with the best conditions to keep its key position. In order to achieve this goal, it seems essential to preserve the skills of Emergency Medicine within the military medical teams in charge of helicopter medical aid at sea. Keywords : French Military Health Service. Helicopter rescue. Medical emergency.Sea. Introduction Avec près de 20 000 kilomètres de côtes et la deuxième zone économique exclusive du monde, la France est sans conteste une puissance maritime. À ce titre, elle exerce sa souveraineté sur son territoire maritime à travers E. DULAURENT, médecin en chef, praticien. C. CARFANTAN, médecin en chef, praticien confirmé. B. SCHNEIDER, médecin, praticien. L. LELY, médecin en chef, praticien confirmé. L. CORGIE, médecin principal. P. GUÉNOT, médecin principal. Correspondance : Monsieur le médecin principal P. GUÉNOT, Centre médical des armées de Bordeaux Mérignac, antenne médicale de Cazaux, BP 70413 – 33164 La Teste Cedex. E-mail : [email protected]. médecine et armées, 2017, 45, 2, 259-266 l’action de l’État en mer dont l’un des domaines majeurs est « la sauvegarde des personnes » (1). En raison de leurs vecteurs adaptés et de leurs personnels formés, les forces armées jouent un rôle de premier ordre dans l’organisation et la mise en œuvre du secours en mer. C’est à ce titre que les équipes médicales du Service de santé des armées (SSA) font figure d’acteur majeur de ce domaine. Or, les évolutions récentes de la réglementation de l’aide médicale en mer tendent à rendre plus difficile leur participation à cette mission considérée pourtant comme « cœur de métier ». Le modèle « SSA 2020 » en particulier dans sa dimension « ouverture » est un outil essentiel qui 259 doit permettre de pérenniser voire renforcer la place du service de santé des armées dans ce domaine. Les auteurs envisagent donc ici d’établir un état des lieux de l’organisation de l’aide médicale en mer et de l’implication du SSA sur le territoire métropolitain. Ils proposent ensuite une analyse des difficultés que rencontre le SSA et proposent quelques voies de réflexions. Aide médicale en mer Imprévisible et indomptable, la mer est un milieu périlleux où l’Homme ne saurait évoluer en toute sécurité. Ainsi, la population des gens de mer est la plus exposée du monde du travail avec un taux d’accidents sept fois supérieur aux ouvriers du bâtiment (2, 3). Et, malgré les progrès technologiques croissants, chaque année apporte son lot de fortunes de mer et de naufrages meurtriers. Historique Depuis toujours consacré par l’usage, le sauvetage en mer n’a vraiment pris naissance qu’en 1823 avec la création en Angleterre de la Royal National Life Boat Institution. Fondée sur les valeurs d’entre-aide et de solidarité, il s’est formalisé tout au long du xxe siècle pour aboutir notamment à la signature en 1979 de la convention de Hambourg qui pose les bases de son organisation internationale (4). La France applique ce texte fondateur. Toutefois, elle va plus loin et organise à son niveau dès 1983 l’aide médicale en mer (5) absente de la convention. Ces dernières années la densification du trafic maritime en particulier touristique, les exigences sociétales et les enjeux de santé publique sont à l’origine de l’accélération considérable du développement réglementaire et normatif de l’aide médicale en mer (6, 7) comme en témoigne la révision de l’organisation de l’aide médicale en mer en 2011 (8), la nomination des Services d’aide médicale urgente (SAMU) de coordination médicale maritime (SCMM) et la création des Services mobiles d’urgence réanimation maritimes (SMUR-M) en 2013 (9) ou l’attribution d’enveloppes budgétaires dédiées en 2014 (10). Le service public de santé a également structuré son corpus documentaire technique en particulier à travers l’édition en 2013 par la Société française de médecine d’urgence d’un référentiel de bonne pratique (11). Toutefois certaines situations sont exclues du cadre sémantique de l’aide médicale en mer. C’est le cas de l’assistance médicale immédiate par un bâtiment d’état ; des procédures en vigueur sur les navires de guerre ; des sinistres majeurs (organisation de la réponse de la sécurité civile - ORSEC) ; des accidents de plongée… Organisation (4-18) L’action de l’état en mer dont la « sauvegarde des personnes » est un domaine à part entière, est placée sous l’autorité du préfet maritime. L’aide médicale en mer s’appuie ainsi sur une organisation interministérielle où les acteurs agissent en pleine coordination. Les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage Les Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) sont des établissements relevant du ministère du Développement. Ils ont notamment pour missions la surveillance de la navigation, des pollutions et des pêches maritimes ainsi que la diffusion des renseignements de sécurité maritime. Équivalent français des Maritime Rescue Coordination Center (MRCC) définis par la convention de Hambourg (4), ils sont donc destinataires de l’ensemble des informations susceptibles de justifier le déclenchement d’une opération de sauvetage, d’évacuation ou de déroutement. En fonction de ces éléments, le chef de mission Search and rescue (SAR) déclenche, dirige et coordonne les éventuelles opérations de secours. Pour ce faire, à travers un système de « conférence à trois », il est en communication étroite et permanente (fig. 1) avec le navire et les acteurs médicaux (Centre de consultation médical maritime – CCMM et SAMU de coordination médicale maritime – SCMM). Il est également habilité à solliciter le concours de tous moyens d’intervention maritimes ou aériens, militaires comme civils (hélicoptères des bases aéronavales, de l’armée de l’Air, bâtiments de la Marine nationale, protection civile, douanes, gendarmerie nationale, société nationale de sauvetage en mer – SNSM). Cinq CROSS se répartissent les eaux territoriales métropolitaines et participent aux échanges internationaux : Gris-Nez et Jobourg pour la zone Manche-mer du Nord ; Corsen pour la zone Manche ouest et Atlantique Nord (surveillance accrue du Rail d’Ouessant) ; Etel pour la façade Atlantique ; la Concept Actuellement, l’aide médicale en mer est fondée sur la consultation radio-médicale (5-8) et consiste en la prise en charge par un médecin de toute situation de détresse humaine survenant parmi les membres de l’équipage, les passagers ou les simples occupants d’un navire de commerce, de pêche ou de plaisance français ou étrangers ainsi que des bâtiments des flottilles civiles de l’État, à la mer. L’action va d’un simple conseil jusqu’à l’organisation de l’intervention d’une équipe médicale sur le navire, suivie en cas de nécessité de l’évacuation du patient. 260 Figure 1. Fiche d’alerte du CROSS. e. dulaurent Garde pour la mer Méditerranée (renforcé par le centre d’Aspretto pour la surveillance de la Corse). Le Centre de consultation médicale maritime (CCMM) Créé en 1983 (5) et institué en 1995 (12) « Centre de consultations et d’assistance télémédicales maritimes », le CCMM assure un service permanent et gratuit pour tout marin ou personne embarquée à bord d’un navire français ou étranger situé dans la zone de responsabilité maritime française. Peuvent également bénéficier de son concours tous les marins français situés dans le monde entier profitant ainsi des facilités d’échange dans leur langue maternelle. Un médecin urgentiste assure donc une permanence de consultation à distance et de régulation médicale. L’intégralité de son activité est tracée et peut comporter la télétransmission de données numériques telles qu’un électrocardiogramme ou des images. Au-delà de répondre à une demande initiale, le médecin du CCMM est également en mesure d’effectuer le suivi des patients au cours de consultations itératives. Enfin, il diffuse des formations paramédicales aux marins portant sur les actes de prévention, les dotations médicales de bord et les télécommunications. Au total, en fonction de la gravité de la pathologie, de son degré d’urgence et des possibilités de soins à bord, il propose au capitaine du navire une conduite à tenir codifiée qui va de la poursuite des soins à bord (avec ou sans déroutement) jusqu’à l’évacuation (médicalisée ou non). Les SAMU de coordination médicale maritime (SCMM) Déterminés en 2011 (8) puis désignés en 2013 (9), les quatre SCMM métropolitains sont des unités fonctionnelles des SAMU 76B (Le Havre), 29 (Brest), 64A (Bayonne) et 83 (Toulon). Conformément aux missions des SAMU, les SCMM reçoivent les appels de demande d’aide médicale 24h/24h et 7j/7j. Ils organisent en lien avec les CROSS dans le délai le plus court possible, la réponse médicale la mieux adaptée à la nature de la demande du CCMM (2e conférence à trois). Pour cela, ils désignent les équipes médicales et en fixent la composition. Enfin, ils s’assurent de la disponibilité des moyens d’hospitalisation publics ou privés adaptés à l’état du patient, font préparer son accueil, et organisent son transport du point de débarquement à l’établissement de soins (SMUR terrestre, Véhicule de secours et d’assistance aux victimes – VSAV). Les SMUR-Maritimes (SMUR-M) Annoncés en 2011 (8) puis désignés en 2013 (9), les SMUR-M sont des unités fonctionnelles des SAMU des départements côtiers. Leurs équipes sont composées d’un médecin et d’un infirmier volontaires, qualifiés en médecine d’urgence et entraînés à la prise en charge pré-hospitalière aéro-maritime avec un matériel adapté (13, 15). Le tableau I (9) montre la répartition des SCMM et SMUR-M officiellement désignés. Tableau I. Répartition 2013 des SCMM et SMUR-M. Autres acteurs Les quatre organismes décrits précédemment, piliers de l’organisation des opérations de secours et de sauvetage, peuvent également faire appel à d’autres acteurs reconnus de l’aide médicale en mer. Ces partenaires interviennent selon des spécificités locales : – les différentes autorités militaires en charge du commandement opérationnel des équipes médicales du SSA et des vecteurs aéronautiques (Marine nationale, armée de l’Air, Gendarmerie nationale, Douanes, Sécurité civile) ; – les acteurs bénévoles des moyens nautiques de la SNSM et de tout navire à la mer en mesure de participer aux sauvetages ; – les Centres opérationnels et services départementaux d’incendie et de secours (CODIS-SDIS), les SAMUSMUR côtiers, les établissements de soins. Procédure effective de la réalisation d’une évacuation médicalisée héliportée Une fois qu’une intervention médicale à bord d’un navire est prescrite par le CCMM, l’intervention des équipes des SMUR maritime ou du SSA et la réalisation de l’évacuation héliportée (fig. 2) se décomposent en 4 étapes principales (16,18) : Figure 2. Organisation schématique d’une aide médicale en mer. implication du service de santé des armées dans l’aide médicale urgente en mer : point de situation métropolitain en 2016 et perspectives d’avenir 261 – une phase d’alerte et de régulation au cours de laquelle s’effectuent les « différentes conférences à trois » ; – une phase de recueil par le médecin d’intervention (auprès des CCMM et SCMM) et le commandant de bord de l’hélicoptère (auprès du CROSS et de son commandement organique propre) des informations nécessaires pour l’évaluation de la situation aéromaritime sur place et de l’état de santé du patient ; – une phase de sauvetage : la plus périlleuse. Le médecin et l’infirmier doivent en effet s’adapter à de nombreuses contraintes. Celles-ci sont principalement liées à l’isolement et aux conditions d’intervention (exiguïté, bruit, vibrations, mal de mer et de l’air, météorologie, hélitreuillage, communication difficile) entraînant un temps de médicalisation parfois réduit ; – une phase de transfert vers un centre hospitalier avec la poursuite de la médicalisation dans des conditions exigeantes pendant la phase de vol retour. Missions et moyens Les équipes médicales sont composées d’un médecin et d’un infirmier. Elles tiennent l’alerte 24h/24h et 7j/7j, avec un délai entre l’alerte et le décollage de 15 minutes en heures ouvrables et d’une à deux heures en heures non ouvrables. Même si le médecin n’est pas systématiquement diplômé en médecine d’urgence, l’entraînement spécifique au milieu aéromaritime (fig. 3), la coopération avec les équipages des vecteurs aéronautiques (pilotes, mécaniciens, sauveteursplongeurs…) et la formation médicale continue, notamment pré-hospitalière, à la prise en charge des urgences médico-chirurgicales garantissent un haut niveau de technicité et de qualité des interventions médicalisées. Bilan d’activité Les bilans d’activités des CROSS (19) métropolitains font état pour l’année 2015 de 4 008 interventions de recherche et sauvetage. La répartition géographique était assez homogène sur l’ensemble du littoral. Les moyens de secours étaient le plus souvent nautiques dans 62 % des cas puis terrestres dans 28 %, et enfin aéronautiques dans 10 %. En ce qui concerne les acteurs médicaux, les données sont plus difficiles à recueillir (17, 18, 20). Le CCMM rapporte environ 3 405 téléconsultations pour l’année 2014. Pour les SCMM un peu moins de 800 affaires de régulation ont concerné l’aide médicale en mer en métropole en 2015. Elles ont donné lieu à 479 décisions de prise en charge avec 19 % d’évacuations médicales (EVAMED), 30 % d’évacuations sanitaires (EVASAN) et 51 % de soins à bord avec ou sans déroutement. Le moyen aéronautique était le plus utilisé : Marine nationale, Sécurité civile et armée de l’Air. La répartition du type de pathologies variait selon les SCMM avec globalement 50 % de médecine et 50 % de traumatologie. La répartition géographique montrait 44 % pour la zone Manche-Mer du Nord, 32 % pour la zone atlantique et 24 % pour la zone Méditerranée. Implication du Service de santé des armées En charge prioritairement de la mission SAR (21, 23) qui consiste à la recherche et au sauvetage des équipages des aéronefs militaires ou civiles en détresse (Organisation internationale de l’aviation civile – OACI), les forces armées ont de tout temps également joué un rôle de premier ordre dans le secours en mer en raison de leurs personnels formés et de leurs vecteurs adaptés (rayon d’action, autonomie et emport importants ; capacité de vol et d’hélitreuillage de nuit…). Les équipes médicales du SSA soutenant ces unités ont donc toujours été naturellement en charge de conduire le volet médical de ces interventions (24, 25). 262 Figure 3. Hélitreuillage du médecin. © MP Rebardy. Le matériel médical (fig. 4) est fourni par le SSA avec un effort particulier sur la miniaturisation. Les éléments de sécurité (harnais…) et de protection individuelle (bouchons auditifs, combinaison étanche, casque de vol, gants…) sont alloués par les armées (Marine nationale et armée de l’Air). Organisation locale Actuellement six structures médicales du SSA impliquées dans la mission SAR, se répartissent l’activité d’aide médicale en mer sur l’ensemble des façades maritimes métropolitaines. Chacune d’elle détient un mode de fonctionnement propre en fonction des unités soutenues et de leur relation avec les acteurs locaux du service public de santé. Il s’agit de : – l’antenne médicale (AM) de Cherbourg du Centre médical des armées (CMA) de Rennes pour la Manche ; – l’AM de Lanvéoc-Poulmic du CMA de Brest pour l’Atlantique Nord et rail d’Ouessant ; e. dulaurent l’été 2016. Depuis, les missions sont assurées à l’aide d’un hélicoptère de dernière génération « NH 90 », sous l’autorité des CROSS Gris-Nez et Jobourg, et en coordination avec les CCMM et SCMM du Havre. Le plateau technique du Centre hospitalier (CH) de Cherbourg étant parfois insuffisant, de nombreuses interventions sont régulées à destination des CH du Havre, Centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen, Lille, Rennes et Brest (caisson hyperbare). L’AM de Cherbourg réalise actuellement plus 60 % des interventions médicalisées en Manche Mer du Nord. L’isolement géographique de la flottille et de l’AM de Cherbourg par rapport aux CH et leurs antennes SAMU rend difficile la création à court terme d’un SMUR Maritime. Figure 4. Exemple de lot d’intervention médicale. © MP Guénot. – les AM du centre médical des armées de RochefortCognac pour la façade Atlantique ; – l’AM de Cazaux du CMA de Bordeaux-Mérignac pour l’Atlantique Sud ; – l’AM de Hyères-aéro du CMA de Toulon pour la Méditerranée ; – l’AM de Solenzara du CMA rationalisé de Corse pour la Corse et la Méditerranée. Leur répartition est illustrée par la figure n° 5. Le SSA est également impliqué dans le plan « Organisation de la réponse de la sécurité civile » (ORSEC) maritime à travers les équipes « santé » du Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM), seule unité en France dotée et capable de mettre en œuvre l’Unité médicale d’intervention maritime (UMIM) (26). CMA Brest – AM Lanvéoc-Poulmic L’AM de Lanvéoc-Poulmic assure, en coordination avec les CROSS Corsen et Etel, CCMM et SCMM de Brest, la mission d’aide médicale urgente en mer pour la façade Bretagne et le rail d’Ouessant, à bord d’un hélicoptère « NH 90 » de la Marine nationale (fig. 6). Créé en 2013, le SMUR-M de Brest a permis le rapprochement de l’AM de Lanvéoc-Poulmic et le SAMU de Brest par le biais d’une convention finalisée en juillet 2016 (27). Celle-ci prévoit notamment le partage des alertes entre ces deux structures géographiquement proches au rythme de 60 % SSA et 40 % au SMUR-M de Brest. Diverses difficultés techniques persistent à ce jour pour la mise en œuvre pratique. L’AM garde à sa charge exclusive les déclenchements SAR OACI (24). CMA Rennes – AM Cherbourg En charge de l’aide médicale en mer pour la façade Manche Est et la Mer du Nord, du Mont-Saint-Michel à la frontière belge, l’AM de Cherbourg armait un hélicoptère « EC 225 » de la Marine nationale jusqu’à Figure 6. Hélicoptère « NH 90 » de la Marine nationale. © Marine nationale. CMA Rochefort-Cognac (28) Figure 5. Cartographie métropolitaine des principaux acteurs de l’aide médicale en mer. Depuis 2014, le système d’astreinte des équipes médicales militaires du Centre médical des armées Rochefort-Cognac a disparu au profit d’une insertion complète au service des urgences et SMUR du CH de La Rochelle, au travers d’une convention avec la Direction régionale du SSA (DRSSA) de Bordeaux. Les médecins urgentistes militaires des antennes de Rochefort, Saintes et Cognac participent aux gardes au SMUR terrestre du CH de La Rochelle, et sont préférentiellement projetés implication du service de santé des armées dans l’aide médicale urgente en mer : point de situation métropolitain en 2016 et perspectives d’avenir 263 avec un hélicoptère « SA 365 Dauphin » de la Marine nationale (fig. 7) en cas de déclenchement d’une mission d’aide médicale en mer. Cette mutualisation efficiente semble être un exemple abouti de coopération civilomilitaire, même si le nombre et la disponibilité des médecins urgentistes militaires restent restreints. Figure 8. Hélicoptère « SA 330 Puma » de l’armée de l’Air. © MP Guénot. seuls personnels embarqués sur les bâtiments de la Marine nationale. Un hélicoptère « SA365 Dauphin », puis « NH 90 » à l’horizon 2017, est mutualisé avec les équipes du SMUR-M de Toulon, en charge des interventions civiles en milieu maritime. Figure 7. Hélicoptère « SA 365 Dauphin » de la Marine nationale. © Marine nationale. CMA Bordeaux-Mérignac – AM Cazaux (24, 29) L’AM de Cazaux médicalise un hélicoptère « SA330 Puma » de l’armée de l’Air (fig. 8), dédié à la recherche et au sauvetage des équipages et aéronefs en détresse dans le sud-ouest de la France. Les équipes médicales militaires participent également à l’aide médicale en mer pour la façade atlantique sud, entre les zones de responsabilité des SMUR-M de La Rochelle et Bayonne. L’AM poursuit une étroite collaboration avec le SCMM 64 et le SMUR terrestre d’Arcachon. Néanmoins, aucun projet de mutualisation plus approfondi n’est actuellement envisagé à court terme. CMA Corse – AM Solenzara (24, 30) Comme à Cazaux, les équipes médicales militaires assurent conjointement les missions de SAR et d’aide médicale en mer pour la façade méditerranéenne sud et Corse, à bord d’un hélicoptère « SA 330 Puma » de l’armée de l’Air. Le plateau technique du CH de Bastia s’avérant parfois insuffisant, elles soutiennent également les missions de transfert médical secondaire de patients vers le continent (CHU de Marseille, CH de Toulon, caisson hyperbare…). L’AM entretient une étroite collaboration avec les acteurs civils de santé. À ce jour, la création d’un SMUR maritime Corse n’est pas envisagée à court terme. CMA Toulon – AM Hyères-aéro (20, 31) L’AM de Hyères-aéro assure l’alerte d’aide médicale en mer pour la façade méditerranéenne au profit des 264 Discussion (32) L’Aide médicale urgente en mer (AMUM) est un domaine historique du SSA. Elle reste plus que jamais une véritable activité opérationnelle dite « cœur de métier » puisque directement transposable aux théâtres d’Opérations extérieures (OPEX). En effet, la médicalisation pré-hospitalière héliportée en milieu isolé et périlleux est une mission princeps des équipes médicales militaires projetées (évacuations médicalisées par hélicoptères de manœuvre — HM MEDEVAC). Or, sur le territoire national, depuis la désignation des SMUR-M en 2013 (7), les équipes du SSA se trouvent reléguées à un statut d’acteur optionnel. D’une mission articulée autour de l’expertise des équipes du SSA dans l’exercice médical en milieux aéro-maritime, les autorités de santé priorisent aujourd’hui l’engagement de moyens dédiés à l’intervention médicale d’urgence mis en œuvre par des médecins spécialistes de ce domaine. Ce nouveau paradigme rend ainsi plus difficile la participation des équipes du SSA qui ne rentrent pas toujours dans le cadre normatif édicté. En effet, les centres médicaux des armées actuellement impliquées dans l’AMUM ne comptent pas systématiquement dans leurs effectifs de médecin considéré comme « urgentiste » par le Service public de santé (SPS). Au final, les équipes médicales militaires pourraient donc voir les équipages des hélicoptères dont elles soutiennent les activités tout au long de l’année et avec lesquelles elles sont déployées en OPEX, mener sur le territoire national en compagnie d’équipes médicales civiles une activité opérationnelle comparable à celle qu’elles mènent en opération. Pourtant, la place effective des équipes du SSA dans le domaine de l’AMUM reste encore quelque peu préservée. Tout d’abord parce que le savoirfaire et l’expérience des équipes du SSA sont encore unanimement reconnus (9, 16-18). Ensuite parce que e. dulaurent les membres des équipes civiles et militaires ont tissé entre eux depuis longtemps des liens solides personnels et confraternels. Ainsi, de nombreux praticiens et infirmiers militaires participent à titre individuel au fonctionnement des SAMU et des Services d’accueil des urgences (SAU) tandis que certains membres des équipes de ces services œuvrent activement au sein de la réserve opérationnelle du SSA. Au-delà de ces deux aspects, le SSA reste encore un acteur de l’AMUM car les équipes des CH des façades maritimes poursuivent leur adaptation à cet exercice sensible et périlleux. Ainsi, l’appréhension des contraintes des milieux maritime et aéronautique nécessite au-delà d’une formation, une véritable expérience et un vrai volontariat. De même, les spécificités techniques de la médicalisation en milieu hostile maritime rendent souvent difficile l’application des préceptes de la médecine d’urgence en SMUR terrestre (13). Enfin, même si la nécessaire qualification à l’embarquement et à l’hélitreuillage sur les vecteurs du ministère de la Défense est réalisable, l’obtention d’habilitations (protection du Secret) concernant les vecteurs de dernière génération fait figure de réelle problématique. Toutefois, au vu de l’importance des moyens alloués, le processus institué par l’instruction de 2013 (7) semble s’inscrire durablement dans le sens de l’histoire. Aucune des contraintes décrites précédemment ne semble insurmontable pour le SPS et les seules relations humaines ne suffiront pas à garantir au SSA sa place dans l’AMUM. Le SPS pourrait donc à plus ou moins long terme se passer des équipes du SSA et faire appel aux vecteurs aéronautiques militaires pour y transporter leurs propres équipes médicales. Effectuant cette analyse et profitant d’un terrain encore favorable, le SSA tente de garantir une partie de sa participation à l’aide médicale en mer à travers la signature de conventions. Ces accords assurent par exemple l’intégration des médecins diplômés en médecine d’urgence aux équipes de gardes des SAMU-M (CMA de Rochefort) ou bien encore la répartition de l’astreinte entre équipes civiles et militaires (CMA de Brest) ; les équipes du SSA gardant en propre la responsabilité de la SAR OACI. Par leur caractère institutionnel, ils scellent la relation SSA-SPS dans ce domaine. Toutefois, leur hétérogénéité et leurs conditions d’application souvent délicates les fragilisent. Le modèle « SSA 2020 » (33) doit permettre de remédier à ces difficultés et ainsi sanctuariser la place de SSA dans l’AMUM. Perspectives d’avenir (32) Le projet de service et le modèle « SSA 2020 » (33) à travers leur dimension « ouverture » visent à faire du SSA un acteur à part entière du SPS, conscient de ses devoirs et de ses droits. Cette démarche partagée par le ministère de la Santé et de la Défense trouve dans l’aide médicale d’urgence en mer la meilleure des applications. Il s’agit là pour chacune des parties, pour qui l’AMUM est un enjeu stratégique, de se retrouver autour d’un projet commun. Pour le SSA, une piste de réflexion consisterait en la sanctuarisation au sein des antennes médicales en charge de l’aide médicale urgente en mer, de compétences en médecine d’urgence reconnues du SPS. À la parfaite maîtrise des contraintes des milieux aéronautique et maritime, le SSA ajouterait ainsi l’expertise nécessaire en médecine d’urgence. Il répondrait alors de la meilleure des façons au cadre réglementaire imposé. La présence pérenne et en nombre suffisant de médecins urgentistes dans ces antennes permettrait également d’armer peut-être plus aisément des postes d’évacuation médicale héliporté en OPEX avec des praticiens urgentistes, formés aux spécificités de la médecine de guerre et habitués aux conditions d’évacuation extrêmes ainsi qu’aux élongations importantes. Il serait alors possible d’imaginer le développement d’un parcours professionnel au sein des filières aéronautique et aéronavale. Cette organisation pourrait également être associée à une formation continue partagée avec les instances universitaires et donc accessible aux équipes civiles des SMUR-M. Dans cette dynamique, des projets de recherche clinique communs ne manqueraient pas de voir le jour, le SSA bénéficiant là encore de la force du système national de l’enseignement supérieur. Pour le SSA, le constat de la diversité des approches, de l’engagement, des relations avec les autorités locales civiles et militaires plaide également pour la désignation d’un référent national militaire sur ce sujet. Ce praticien aurait pour mission de créer et d’animer un réseau, de veiller au partage et à la mise en œuvre des bonnes pratiques, d’assurer une veille technique. Ce dernier pourrait trouver sa place au sein de l’échelon milieu « aéronautique » de la future direction de la médecine des forces. Au plus près des états-majors, il pourrait travailler à la fluidité des procédures de déclenchement des secours qui diffèrent selon les armées (22, 23, 32). Il ferait également office dans son domaine de relais entre les armées et les autorités du SPS. Il pourrait ainsi veiller aux évolutions des doctrines d’emploi des capacités héliportées que les armées consacrent de manière pérenne ou épisodique aux missions de Service public. Car si la Marine nationale à travers sa fonction « gardecôtes » sanctuarise certains de ses vecteurs pour ces missions (hélicoptère « Dauphin »), le constat est tout autre pour l’armée de l’Air qui priorise l’emploi de ses hélicoptères à la mission SAR au profit des équipages et aéronefs en détresse en métropole (22, 23) et à la Recherche et sauvetage au combat (RESCo) en OPEX. L’ouverture doit également passer par une démarche de rapprochement de la part du SPS. Ainsi, conscients de leur rôle dans le soutien des équipes médicales projetés en OPEX, les centres hospitaliers faciliteraient plus facilement l’accès des praticiens comme des infirmiers militaires aux services d’urgence (SAMU-SMUR-SAU). Les SAMU identifiant officiellement un véritable vivier de compétences dans les CMA pourraient également s’adresser à eux afin de réaliser des missions héliportées avec les vecteurs des SAMU ou de la sécurité civile. Cette procédure permettrait aux équipes du SSA d’intervenir plus souvent et fournirait aux régulateurs des SAMU une option supplémentaire. implication du service de santé des armées dans l’aide médicale urgente en mer : point de situation métropolitain en 2016 et perspectives d’avenir 265 Conclusion Fort d’une histoire où les compétences du SSA sont reconnues et soulignées par l’ensemble des acteurs et bénéficiaires, la pérennité de la participation de ses équipes à l’aide médicale en mer dépend à moyen terme de sa capacité à devenir et à rester un acteur à part entière du SPS. De la part du SSA, cette démarche passe probablement par la sanctuarisation d’un nombre suffisant de postes de médecins qualifiés en médecine d’urgence dans les antennes médicales qui participent à l’aide médicale en mer. De la part du SPS, il s’agit de prendre en compte le savoir-faire du SSA et définitivement intégrer le soutien qu’il se doit d’apporter au SSA afin de lui permettre d’assurer en tous lieux et en toutes circonstances sa mission régalienne. Au-delà, la participation des médecins et infirmiers du SSA à l’AMUM s’intègre naturellement aux réflexions que le SSA mène sur à la place des soins d’urgence au sein de la médecine des forces et la juste reconnaissance par le SPS des compétences des équipes du SSA dans ce domaine. Remerciements au MC N. Granger-Veyron. Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt concernant les données présentées dans cet article. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Action de l’état en mer. Secrétariat général de la mer. http:// www.gouvernement.fr/action-de-l-etat-en-mer-sgmer. Consulté le 16 décembre 2016. 2.Vergne M. Aide médicale en mer et organisation des secours. Les jeudis de l’urgence du BMPM « Urgences en milieu maritime ». Marseille, le 19 mai 2016. http://smurbmpm.fr/wp-content/ uploads/2015-2016/19-05-2016/aide_medicale_en_mer.pdf. Consulté le 25 novembre 2016. 3.Vergne M. Médecine d’urgence en situation d’exception : à propos du milieu maritime. Les jeudis de l’urgence du BMPM « Urgences en milieu maritime ». Marseille, le 21 mai 2015. http://smurbmpm. fr/wp-content/uploads/2015/21-05-2015/v3médecine-urgence-ensituation-exception.pdf. Consulté le 25 novembre 2016. 4.Organisation maritime internationale. Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes, signée à Hambourg le 27 avril 1979, publiée par le décret n° 85-580 du 5 juin 1985 et modifiée en 1988 et 2004. 5.Instruction interministérielle du 29 avril 1983, relative à l’organisation opérationnelle de l’aide médicale en mer. 6.Décret n° 88-531 du 2 mai 1988 puis Instruction du 29 mai 1990, relative à l’organisation du secours, de la recherche et du sauvetage des personnes en détresse en mer. 7.Organisation maritime internationale. Circulaire n° 960 du 20 juin 2000, relative à la définition des éléments d’un système global d’assistance médicale en mer. 8.Instruction interministérielle du 29 août 2011 relative à l’organisation de l’aide médicale en mer. 9.Instruction n°DGOS/R2/2013/409 du 22 novembre 2013, relative à la désignation des SCMM et des SMUR-M dans le cadre de l’aide médicale en mer. 10.Circulaire DGOS/R1/2014/99 du 31 mars 2014 relative à la campagne tarifaire 2014 des établissements de santé. 11.Société française de médecine d’urgence – SAMU de France. Référentiel Aide Médicale en Mer. Novembre 2013. 12.Arrêté du 10 mai 1995 relatif à la qualification du CCMM de Toulouse, centre de consultations et d’assistance télémédicales maritimes dans le cadre de l’aide médicale en mer. 13.Société française de médecine d’urgence – SAMU de France. SMUR : référentiel et guide d’évaluation. Juin 2013. 14.Code de la santé publique. Article R6123-15 modifié par le décret n°2006-576 du 22 mai 2006 relatif à la médecine d’urgence. 15.Khadidjatou SOW. Matériel et formation dans le SMUR Maritime métropolitain français. Thèse d’exercice. Brest : université de Bretagne occidentale ; 2016:45 p. 16.Cerez-Fouilland C. Épidémiologie des évacuations sanitaires héliportées en haute mer réalisées par la Marine nationale au profit des marins pêcheurs. Thèse d’exercice. Brest : université de Bretagne occidentale. 2012:137 p. 17.Ménard C. L’aide médicale en mer : point de vue du SCMM. Journées de rencontre des SCMM et SMUR-maritimes. Biarritz, 19 et 20 novembre 2015. samu76b.ch-havre.fr/wordpress/wp-content/.../ 266 201504_Principes-AMU-Mer.ppt. Consulté le 28 octobre 2016. 18.Mokni T. Organisation de l’aide médicale en mer. Agence régionale de santé Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente, le 4 mai 2016. 19.Bilan d’activité des CROSS 2015. http://www.developpementdurable.gouv.fr/Bilan-d-activite-2015-des-CROSS-et.html. Consulté le 25 novembre 2016. 20.Arzalier JJ, Legrand P, Raymond JJ, Sauvecanne P. Expérience du SAR : 10 années de secours en mer au SAMU de coordination médicale maritime de Toulon. Les jeudis de l’urgence du BMPM « Urgences médicales en milieu maritime ». Marseille, 7 juin 2007. http://smurbmpm.fr/les-jdu/. Consulté le 4 décembre 2016. 21.Organisation internationale de l’aviation civile. Annexe 12 to the Convention on International Civil Aviation. 2004. 22.Instruction n° 120/DEF/EMA/BPSO du 18 mars 2014, relative aux transports aériens effectués par moyens militaires sur demande de services publics ne relevant pas du ministère de la Défense ou sur ordre du ministre de la Défense dans l’intérêt des armées. 23.État-Major des Armées. Protocole relatif aux moyens aériens de recherche et de sauvetage des aéronefs en détresse en temps de paix entre le ministère de la Défense et des anciens Combattants et le ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement. 2011. 24.Instruction ministérielle 3938/DEF/DCSSA/OSP du 29 décembre 2011, relative au rôle du service de santé dans la mission de recherche et de sauvetage d’un aéronef en détresse. 25.Lettre n° 2195/DEF/DCSSA/OSP/ORG du 11 juillet 2011, relative à la participation du service de santé des armées aux actions de secours en mer et de Search and rescue. 26.Delmond E. L’unité médicale d’intervention en milieu maritime (UMIMM). Fiche de synthèse BMPM. 5 novembre 2016. 27.Convention de mutualisation des équipes civilo-militaires pour l’aide médicale urgente en mer sur la façade atlantique. DRSSA de Brest, préfecture maritime, CHRU de Brest. 8 juillet 2016.http://www.defense. gouv.fr/sante/actualites/atlantique-renfort-pour-la-smur-maritime 28.Dulaurent E, Schneider B, Beylot V. SMUR Maritime, un nouveau concept pour le SSA. Poster affiché à la XVIIe Journée de médecine aéronautique, CPEMPN – HIA Percy, le 9 décembre 2016. 29.Guénot P, Bareau L, Rebardy M, Hatté D, Bertrand L, Gras D. Missions « Search and Rescue (SAR) » de l’antenne médicale de Cazaux de 1999 à 2016. Poster affiché à la XVIIe Journée de médecine aéronautique, CPEMPN – HIA Percy, le 9 décembre 2016. 30.Carfantan C, Gehant M, Pegaz PY, Bourgeois B, Clément J, Bancarel. Les missions de secours héliportés du Centre médical des armées de Solenzara. Ann. Fr. Med. Urgence. 31.Corgie L, Ollier D, Ireland C, Laffittan S. Épidémiologie des opérations de sauvetage héliportées de la Flottille 35 F Service Public d’Hyères (9/2014-9/2016). Poster affiché à la XVIIe Journée de médecine aéronautique, CPEMPN – HIA Percy, le 9 décembre 2016. 32.Compte-rendu N° 1-0160/DRSSA.BX/SP du 13 juillet 2016, relatif à la réunion aide médicale en mer et secours maritimes du 4 mai 2016. 33.Modèle du SSA 2020 : N° 500154/DEF/DCSSA/PS du 4 janvier 2016. e. dulaurent Médecine des forces Le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de Suez – Opération « Mousquetaire » — Novembre 1956 F.-M. Grimaldi, P.-J. Linon, L. Aigle Résumé Les auteurs relatent l’organisation et la chronologie du soutien santé d’une opération internationale majeure menée par les Français et les Anglais en novembre 1956 lors de la crise de Suez. Ils évoquent le soutien des unités engagées au sol après parachutage mais aussi lors de l’assaut amphibie et reviennent plus particulièrement sur le dernier saut opérationnel réalisé par une antenne chirurgicale parachutiste. Ils décrivent l’état des pertes, la prise en charge des blessés et la gestion de leur évacuation. Enfin au regard des engagements récents ils évoquent l’importance stratégique pour le Service de santé des armées de disposer de cette capacité de largage d’une composante santé afin de conserver la capacité « d’entrer en premier » y compris par la 3e dimension. Mots-clés : Antenne chirurgicale parachutiste. Crise de Suez. Opération aéroportée. Soutien médical. Abstract MEDICAL SUPPORT OF AIRBORNS AND AMPHIBIOUS OPERATIONS DURING SUEZ CRISIS « MUSKETEER » OPERATIONNOVEMBER 1956. The authors describe the organisation and chronology of the medical support of the international operation lead by the French and the British in November 1956, during the Suez crisis. They relate the medical support of units engaged in field fighting after they were air-dropped, as well as after the amphibious assault and more specifically they go over the last operational parachute jump realized by a surgical unit. They describe the casualties, the care of the wounded soldiers and the management of their evacuation. Finally, in view of the recent engagements, they refer to the strategic importance for the French Medical Health Service to be able to drop a medical support unit, and in doing so retain their capacity to be the “first to enter” and make History. Keywords: Airborne operation. Medical support. Para field surgical team. Suez crisis. Introduction Depuis 1869, le Canal de Suez relie la Méditerranée à la Mer Rouge. Dirigeant de l’État égyptien, le colonel Nasser nationalise cet axe hautement stratégique de manière autoritaire et unilatérale le 26 juillet 1956. F.-M. GRIMALDI, médecin-général (2s), ancien chirurgien des hôpitaux des armées. P.-J. LINON, colonel® du CTA du SSA. L. AIGLE, médecin en chef, professeur agrégé de l’École du Val-de-Grâce. Correspondance : Monsieur le médecin général F.-M. GRIMALDI, Monsieur le médecin en chef L. Aigle. E-mail : [email protected] ou [email protected] médecine et armées, 2017, 44, 2, 267-276 Dans les jours qui suivent, les gouvernements français et anglais envisagent une « expédition punitive », en concertation avec Israël. C’est le début de l’opération « Mousquetaire » qui regroupe l’ensemble des opérations navales, aériennes et terrestres franco-britanniques (1). La composante terrestre française s’articule autour d’une force d’intervention issue en grande partie de la 10e Division parachutiste (10e DP), commandée par le général Massu. Elle aura pour mission de mettre en œuvre une opération amphibie et une Opération aéroportée (OAP). Cette opération « Amilcar » donne le nom de « Force A » aux troupes françaises. L’orthographe « Hamilcar » pour les Anglais explique le marquage « H » peint en blanc sur les véhicules (fig. 1). 267 Figure 1. Jeep du 2e RPC avec le « H », marquage de l’opération Hamilcar et un hélicoptère Bell 47 venant chercher des blessés. (ECPAD). Préparation et planification du Soutien Santé de la 10e DP En juillet 1956, la 10e DP, stationnée en Afrique du Nord, vient d’être créée à partir du Groupement parachutiste d’intervention, le GPI. Le médecin commandant Richaud était le médecin chef du GPI depuis le 6 septembre 1955. Entré à l’École du Service de santé militaire (ESSM) de Lyon en 1932, Francis Richaud est médecin lieutenant en 1939. Affecté au 27 e Régiment de tirailleurs algériens, la guerre s’achève pour lui le 20 mai 1940, après les combats de Wassigny (Aisne) où il est fait prisonnier. Son action au feu au secours des blessés lui vaut l’attribution de la croix de guerre 39-45 avec citation à l’ordre de la brigade. Libéré en 1941, il rejoint la résistance. Le 5 septembre 1946, il passe le brevet parachutiste (BP 6758) à Mont-de-Marsan et est muté en unité parachutiste jusqu’en 1949. Il ne revient dans les Troupes aéroportées, les TAP, qu’en 1955, comme médecin-chef du GPI. Le 1er juillet 1956 lors de la constitution de la 10e DP, il devient directeur du Service de santé de la division. Richaud participe activement à la préparation du débarquement amphibie et de l’OAP. Deux régiments sont désignés pour intervenir lors de l’assaut amphibie : le 1er Régiment étranger de parachutistes (1er REP) et le 2e Régiment de parachutistes coloniaux (2e RPC). Le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (1er RCP) et le 3e RPC resteront en réserve à Chypre et n’interviendront qu’en renfort. Il rédige dans le courant du mois d’octobre 1956 une « Note d’organisation générale et de fonctionnement du Service de santé dans la zone de la 10e DP » (2). « Il prévoit un infirmier par engin de débarquement. Immédiatement après leur débarquement sur les plages 1 et 2, les médecins-chefs du 1er REP et du 2e RPC devront chacun installer leur Poste de secours (PS). Leur mission 268 sera « d’assurer les soins urgents et de mettre en état d’évacuation » les blessés regroupés dans des « nids à blessés protégés des feux de l’ennemi ». Les évacuations se feront par Landing craft vehicule personnel (LCVP) au nombre de deux par plage, vers « le bateau-hôpital, la Marseillaise croisant au large ». Seules les extrêmes-urgences et les 1res et 2e urgences seront évacuées. Les blessés légers seront traités et gardés sur place. La 405e Compagnie médicale parachutiste de la 10e DP (405e CMP) installera, sur la plage où elle débarquera, un élément léger de triage-réanimation-transfusion. Il assurera les premiers soins et le regroupement des blessés en attente d’évacuation médicale par hélicoptère ou par LCVP. Par la suite, elle déploiera une section de triage et une section d’hospitalisation, renforcées secondairement par l’hôpital de campagne. Tous les personnels de la 405e CMP et de l’Antenne chirurgicale parachutiste de la 10e DP (ACP 10), sont rapidement pré-alertés. Le médecin commandant Collodin vient de prendre le commandement de la 405e CMP. Ancien élève de l’ESSM, Promotion 1935, Roger Collodin soutient sa thèse sur « Les fractures isolées de l’aile iliaque » en juillet 1939. Affecté en août 1939 au 166e Régiment d’Infanterie de Forteresse, sur la ligne Maginot dans le secteur de Rohrbach-lès-Bitche, il n’a même pas eu le temps de passer par l’École d’application du Val-de-Grâce. Le 18 juin 1940, il participe avec son unité aux combats sur le canal de la Marne au Rhin. Sa bravoure au combat, lui fera attribuer la croix de guerre 39-45 avec citation à l’ordre de la division. Fait prisonnier le 22 juin 40, il le restera jusqu’en mars 1944. Affecté à Marseille puis muté au 1 er RCP en janvier 1946, il passe le brevet parachutiste en avril (BP N° 5689), et rejoint en Indochine la demi-brigade de marche parachutiste. Après avoir commandé la 75e compagnie médicale aéroportée en 1950, il devient médecin chef du 11e Choc, à Perpignan puis en Algérie de 1951 à 1956. Désigné pour prendre le commandement de la 405e CMP, il y arrive le 4 août 1956. Chevalier de la Légion d’Honneur, il est déjà titulaire de quatre citations. Le 1er juillet 1956, l’Antenne chirurgicale mobile parachutiste (ACMP), commandée par le médecin capitaine Guichardière depuis janvier 1956, est rattachée à la 10e DP et devient l’ACP 10. De la promotion Lyon-Section coloniale 1945, André Guichardière, « La Guiche » pour ses camarades, rejoint l’Indochine en juin 1952, après son stage de Médecine tropicale à l’École d’application du Service de santé des Troupes coloniales au Pharo à Marseille. Affecté au 2/24 RMTS, le 2e Bataillon du 24e Régiment de Marche de tirailleurs sénégalais à Haiphong, son comportement et son action pour sauver « ses » blessés font qu’il est décoré de la croix de guerre des Théâtres d’opérations extérieurs (TOE) avec citation à l’ordre du corps d’armée. Attiré par la chirurgie et le parachutisme, il effectue successivement en 1954, un stage chirurgical de quatre mois à l’Hôpital Lanessan à Hanoï, puis passe le brevet parachutiste en mai 1954 (BP 88099). Après son retour en métropole, il est muté en 1955, à Marrakech, au f.-m. grimaldi Maroc, successivement au 2e Bataillon de parachutistes coloniaux (BPC) puis au 6e RPC. Reçu à l’assistanat de chirurgie et nommé chef de l’ACMP, il quitte le protectorat en novembre 1955 pour l’Algérie. Au cours du 1er trimestre 1956, il fait l’inventaire du matériel technique de l’antenne reçu du magasin général du Service de santé de Châteauroux. En mai, fort de son expérience indochinoise, il propose un complément de dotation en médicaments, réclamant de la strychnine, « nécessaire dans la réanimation moderne », de la tifomycine et de la streptomycine « à l’heure actuelle d’un usage courant en chirurgie abdominale », de l’éther anesthésique, de l’huile camphrée. Il recommande surtout le fractionnement du matériel en trois lots : un lot parachutable « réanimation-transfusion » de 250 à 300 kg, permettant la réanimation ou les gestes de sauvetage des blessés intransportables, un lot parachutable de matériel chirurgical de 8 à 900 kg et enfin un lot d’hospitalisation non parachutable. Le poids total de l’ensemble est important, de près de quatre tonnes. Prévoyant l’emploi de l’antenne « très éloigné de sa base ou d’une maintenance appropriée », il reprend avec son équipe la totalité du conditionnement. Il répartit l’échelon de réanimation et d’urgence vitale, dans une vingtaine de paniers en osier imperméabilisés, le reste étant mis dans des caisses en bois. Le 22 juin, il participe à un saut d’exercice avec largage des personnels et du seul panier de réanimation N° 2. Allant immédiatement « aux résultats », il constate que le cloisonnement du panier en osier a été parfaitement efficace. Aucun objet en verre n’a souffert : « plasma sec, ampoules, caféine, éphédrine, morphine, phénergan, solucamphre, seringues ». Il conclut à l’attention du médecin commandant Richaud : « Tout ce matériel fragile est arrivé au sol, sans une ampoule cassée, aucune détérioration n’est à signaler ». La mise à niveau opérationnel de l’ACMP lui vaut une notation élogieuse de Richaud. Il « a insufflé à son personnel sous-officier et infirmier, un esprit d’équipe permettant à cette petite formation chirurgicale de fonctionner dans les meilleures conditions ». En août 1956, au moment où se profile l’intervention militaire de Suez, il quitte l’Algérie pour prendre un poste d’assistant de chirurgie au Cameroun. Le médecin capitaine Robert lui succède. Issu de Lyon (Promo 1946-Section coloniale), Henri Robert n’a pas 29 ans. Il passe le brevet parachutiste en octobre 1950 (BP 52013) alors qu’il est encore élève. Après sa thèse en 1952, il suit le stage au Pharo d’où il sort bien classé. Il rejoint l’Extrême-Orient en 1953 et est affecté au Tonkin. Après un stage en chirurgie à l’Hôpital Lanessan, il sert chez les paras, à l’ACP 4, au 7e BPC et à l’ACP 1. Pour son dévouement, il reçoit la croix de guerre TOE avec citation à l’ordre de la division. À son retour d’Indochine en 1955, son expérience au sein des TAP fait qu’il est muté à Montde-Marsan, à l’infirmerie du détachement de la brigade de parachutistes coloniaux. Il quitte ce poste pour être médecin chef du 8e RPC pendant quelques mois, avant de rejoindre l’Algérie en juillet 1956, où il prend le commandement de l’ACP 10, bien que n’étant pas assistant de chirurgie. Mise en place de la force terrestre à Chypre À partir du 22 octobre 1956, l’intervention devenant imminente, de nombreux bâtiments civils et militaires quittent le port d’Alger avec les véhicules et les matériels lourds de l’échelon d’assaut. Plusieurs avions d’AirFrance et d’Air-Algérie sont réquisitionnés. L’État-major du 2e RPC, dont le médecin chef, le médecin capitaine Velten embarque le 26 octobre 1956 pour Chypre. Jean-Paul Velten n’a que 29 ans mais possède déjà une solide expérience du combat. Ayant dans sa famille un médecin général (Lyon 1892) blessé et cité en 14-18, il est de la même promotion que Robert. Il a eu un parcours identique. Breveté parachutiste en septembre 1950 (BP 51774), il passe sa thèse en 1952 sur un sujet de médecine tropicale : « Essai de recensement des lépreux dans le monde et traitements actuellement utilisés contre la lèpre ». En 1953, il complète sa formation au Pharo puis passe six mois à la 1re Demi-brigade coloniale de commandos-parachutistes à Vannes. Ces stages confortent son désir de devenir médecin-parachutiste et de servir outre-mer. Il rejoint l’Indochine et effectue un stage en chirurgie à Lanessan, avant de devenir médecin-chef du 30e Bataillon de marche de tirailleurs sénégalais fin 1953… Bien loin des paras ! Le 13 mars 1954, il est désigné pour sauter sur Ban-Na-Peng au Moyen-Laos. Il doit remplacer en urgence le médecincapitaine Rougerie, médecin-chef de l’ACP 1 qui vient de se blesser à l’atterrissage. Son activité chirurgicale et l’organisation des évacuations sanitaires les jours suivants lui vaudront l’attribution de la croix de guerre TOE avec deux citations à l’ordre de la division. Il restera médecin-chef de l’ACP 1 jusqu’en avril 1955. À son retour en métropole, il est désigné pour servir à Bayonne à la Brigade de parachutistes coloniaux, avant de rejoindre en septembre 1956, le 2e RPC en Algérie. Le lendemain, 27 octobre 1956, le reste du 2e RPC quitte à son tour l’Afrique du Nord. Le médecin lieutenant Bichet, médecin adjoint du régiment est de ce vol. Bernard Bichet entre en 1948 à l’École principale du Service de santé de la Marine et des colonies, plus connue à Bordeaux sous le nom de Santé navale. Il passe rapidement le brevet parachutiste le 29 août 1951 (BP 57403) et après sa thèse fin 1955, effectue le stage au Pharo. Il choisit le 2e RPC qu’il rejoint au cours de l’été 1956 à Boufarik à une quarantaine de kilomètres d’Alger. Contrairement à son médecin chef, et alors qu’ils n’ont qu’un an et demi de différence, il n’a aucune expérience de la guerre. Le même jour, à Alger, l’ACP 10 embarque avec son matériel dans un autre avion. L’effectif théorique de l’ACP est de seize personnels, mais ils ne sont que douze à partir. Le médecin capitaine Robert est le chirurgien chef. Le médecin lieutenant Barbier a été désigné fin août comme chirurgie adjoint. Issu comme son médecin chef de l’École de Lyon, André Barbier (Promo 1950), breveté à Pau en octobre 1952 (BP 75253), a rapidement été attiré par la chirurgie. Détaché à Paris en cours d’études, il effectue plusieurs stages chirurgicaux à l’hôpital le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de suez – opération « mousquetaire » - novembre 1956 269 militaire Percy à Clamart. En juin 1956, à sa sortie de l’École d’application du Val-de-Grâce, il est désigné comme deux autres médecins paras de sa promotion pour servir dans un régiment TAP en Algérie. Après avoir été détaché au 3e RPC, il est affecté à l’ACP 10. Comme toute l’équipe de l’ACP, il poursuit une activité technique en Chirurgie B2 à l’Hôpital Maillot, mais il n’a aucune expérience de chirurgie de guerre. C’est le plus jeune de tous les médecins participant à l’opération. Cinq sous-officiers, dont certains sous contrats, tiennent les postes techniques comme Froger, l’infirmier de bloc, Desbrosses, l’infirmier anesthésiste, décoré de la médaille militaire le 14 août 1956 ou Flavien, tous « anciens d’Indochine ». Enfin cinq parachutistes appelés, complètent l’équipe faisant fonction de brancardiers. Ils s’installent au « Camp X », appelé par les Français « Camp Michel Legrand » (1). Dans l’attente de l’arrivée des convois maritimes et du déclenchement de l’opération, l’équipe se rend à plusieurs reprises sur le terrain d’aviation de Tymbou à une vingtaine de kilomètres au Sud-est de Nicosie. Avec la compagnie de livraison par air, ils contrôlent le conditionnement des colis en caisses de bois et en panières en osier (fig. 2). Le 29 octobre 1956, le poste de commandement de la Force A et celui de la 10e DP font mouvement vers Chypre, suivis le 31 de l’état-major de la 10e DP, dont le médecin commandant Richaud. Le 1er novembre, le bâtiment de ligne Jean Bart appareille. L’échelon d’assaut amphibie, composé du 11e Choc, de Commandos-Marine, et surtout du 1er REP, est à bord. Le médecin capitaine Palu en est le médecin chef. Jean Palu entre à Lyon en 1947. Après sa thèse en juillet 1952 et son année d’application au Val-deGrâce, il part pour l’Indochine en septembre 1953. Jeune médecin-lieutenant, médecin-chef du 2/1 RTM, le 2e Bataillon du 1er Régiment de tirailleurs marocains, il est décoré de la croix de guerre TOE avec citation à l’ordre de la division pour son action au feu peu de temps après son arrivée au Tonkin. Volontaire pour passer le brevet para alors que Diên-Biên-Phù vit ses dernières heures, il est breveté en mai 1954 (BP 88100) en même temps que son camarade et ancien de deux ans, André Guichardière (BP 88099). Il est immédiatement affecté, comme médecin-chef du 1er BEP décimé à Diên-Biên-Phù, en remplacement du médecin lieutenant Jean-Louis Rondy, fait prisonnier par les Viet. Il fait mouvement vers l’Algérie en février 1955 avec cette unité. Nommé médecin capitaine, il participe aux engagements sur le terrain du tout nouveau 1er REP. Le médecin-lieutenant Boucheau, son adjoint, est aussi sur le Jean Bart. Très tôt attiré par le parachutisme, Pierre Boucheau (Lyon 1948) a passé le brevet en 1951 (BP 57412). Détaché six mois en Algérie au 1er RCP avant de terminer sa formation au Val-de-Grâce en 1955, il choisit le 1er BEP basé à Zéralda. Pendant un an il participe à plusieurs opérations avec le bataillon devenu régiment quelques semaines après son affectation. Leur convoi arrive à Limassol (Chypre) le 4 novembre. Jusqu’au dernier moment le déroulement des opérations est incertain et discuté entre Français et Britanniques. Massu écrira le 13 décembre 1956, dans son rapport d’opération que : « dans le Plan Mousquetaire, l’action amphibie devait précéder de 30 minutes l’assaut aéroporté. La variante Télescope dont la décision fut communiquée aux exécutants le 4 novembre à bord du Jean-Bart en rade de Limassol situait cette action (amphibie) 24 heures après les premiers parachutages » (3). C’est ce qui sera réalisé à partir du 5 novembre au matin. À la veille de l’opération, le Général Beaufre adresse un Ordre Général aux forces terrestres s’apprêtant à débarquer par air et par mer : Ordre Général N° 5 OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS, CAPORAUX, BRIGADIERS ET SOLDATS. Nous allons en ÉGYPTE, avec nos alliés et amis britanniques. La FRANCE et le MONDE auront les yeux fixés sur vous. Vous pouvez être fiers de la mission capitale qui vous est confiée. Je suis sûr que vous en serez dignes. S’il le faut, vous saurez renouveler les exploits de vos Anciens sur cette terre d’ÉGYPTE. J’ai toute confiance en votre Valeur et en votre Foi. Vous n’oublierez pas non plus que l’ÉGYPTE a longtemps été notre amie. Vous allez y représenter la FRANCE. Par votre attitude et votre comportement vous aurez à cœur d’y faire reconnaître la grandeur et l’humanité de notre Patrie. Figure 2. Chargement d’une palette de l’ACP 10 avec panières en osier et caisses. Aérodrome de Tymbou (Chypre) — 4 novembre 1956 (ECPAD). 270 Le Général BEAUFRE Commandant la Force A f.-m. grimaldi Lundi 5 novembre 1956 : l’opération aéroportée 1re vague : Saut sur Port-Saïd du groupement Ouest (toutes les heures sont en heure locale) Ayant décollé de Chypre dans la nuit, les premiers parachutistes français sautent sur Port-Saïd à partir de 7 h 30. De leur côté, les parachutistes britanniques prennent le contrôle du terrain d’aviation de Gamil, dix kilomètres plus à l’Ouest. Les Français sont aux ordres du Colonel Pierre Château-Jobert, alias Conan, son nom de guerre de la France libre, compagnon de la libération. Ils s’élancent vers l’inconnu, au-dessus de la DZ 5, au Sud de la ville et de l’usine des eaux. À 150 mètres d’altitude, ils n’ont que 20 secondes de descente sous voile. La zone de saut, de 800 mètres de long sur 350, est presque entièrement entourée d’eau. Cette 1re vague est forte de la moitié du 2e RPC, de la 5e « Centaine » de la 11e Demi-brigade parachutiste de choc, dont huit hommes-grenouilles, et d’une trentaine d’autres parachutistes. Elle a pour mission de s’emparer de deux ponts importants (2e RPC) et de l’usine des eaux (11e Choc). Le médecin capitaine Velten et son équipe suivent le chef de corps. Deux commandos du 11e Choc atterrissent directement dans l’enceinte de l’usine de traitement des eaux. Le caporal André Michaud grièvement « atteint à la poitrine et au cou par des coups de baïonnette » (4) et le parachutiste Claude Humblot, mortellement blessé par des soldats égyptiens, décèdent avant d’avoir eu le temps de se déséquiper. Ils ont 22 ans. Le sergent Louis Bellon de la 1re compagnie du 2e RPC, atteint d’une balle dans la poitrine, est aussi tué à l’atterrissage. Il a 29 ans. Ancien des FFL et du 3e SAS, Bellon avait été cité à l’ordre de l’armée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sorti de l’ENA en 1955, il était depuis trois mois, directeur de cabinet du préfet de Tizi-Ouzou. Sergent de réserve, il s’était porté volontaire pour l’opération et avait rejoint le 2e RPC à Chypre. Si quelques paras se blessent à l’atterrissage, plusieurs sont touchés par balle ou éclats. Ils sont pris en charge par l’équipe médicale de Velten. Dès 9 h 30, cinq blessés graves sont évacués par les hélicoptères de la Royal Navy vers le porte-avions « HMS Bulwark ». Le sergent Lucien Noyon, 27 ans, (compagnie d’appui), « atteint par un éclat de mortier à la tête » et le parachutiste Albert Berthélémy, 22 ans, (4e compagnie), « atteint d’une balle dans la tête » décèdent dans la soirée à bord du porte-avions. Les honneurs militaires seront rendus par la Royal Navy à ces deux « marsouins » du 2e RPC, avant que leurs corps ne soient immergés au large de Port-Saïd. Après ce premier assaut, les capacités d’accueil au poste de secours du 2e RPC sont dépassées. Aux quelques Français s’ajoutent surtout de nombreux soldats égyptiens qui sont pris en charge par le médecin capitaine Velten et ses hommes. Vers 12 heures, l’usine des eaux comme le pont d’ElRaswa sont sous contrôle français. Château-Jobert demande que l’ACP soit larguée au plus tôt. À 13 heures, il insiste pour que les blessés les plus graves soient évacués vers l’aérodrome de Gamil, point de regroupement et de rapatriement des blessés vers les navires anglais. 2 e vague : Saut sur Port-Fouad du groupement Est À 15 h 15, les parachutistes de la 2e vague française, pour la plupart du 2e RCP, sautent à leur tour. Ils suivent le lieutenant-colonel Albert Fossey-François. Commandant en second du 2e RPC, lui aussi est compagnon de la libération. Longue de 1 200 mètres sur 500, la DZ 6 est à peine plus vaste que celle de Port-Saïd. Les hommes ont pour mission de contrôler Port-Fouad au nord de la zone de saut. L’équipe médicale réduite à quatre est dirigée par Bernard Bichet. Sorti du Pharo quatre mois plus tôt, c’est son baptême du feu. Il vient de se déséquiper quand un parachutiste lui est amené. Il a le pied déchiqueté. Son état nécessite une intervention urgente que le jeune médecin réalise sur place. Cette amputation de sauvetage au combat vaudra à Bichet l’attribution de la croix de guerre TOE avec citation à l’ordre du corps d’armée pour avoir « effectué sous le feu de l’ennemi, dès son arrivée au sol une amputation de jambe avec un matériel sommaire. [Il] a par son intervention sauvé la vie de ce soldat… ». « Polycriblé par des éclats dans la région dorsale » le parachutiste Lucien Lees, âgé de 21 ans, (3e compagnie), meurt rapidement après sa blessure. Porté disparu après le saut de cette 2e vague, le corps de Robert Gabrielli, lui aussi 2e classe à la 3e compagnie du 2e RPC et âgé de 21 ans, ne sera retrouvé que six jours plus tard. « Resté accroché à l’avion, il chuta quelques kilomètres plus loin. Il a malgré tout réussi à tirer son ventral et a atterri en terrain ennemi. Son corps a été retrouvé à 19 kilomètres de Port-Fouad et transféré en France ». Dans l’après-midi, à la demande des deux médecins du 2e RPC, les blessés sont évacués vers les porteavions « HMS Theseus et Bulwark » (fig. 3). Au cours de ces premières heures, on dénombre déjà six morts, un disparu et plus d’une trentaine de blessés. La présence de l’antenne chirurgicale devient impérative. Réclamée depuis midi, l’ACP a décollé de l’aérodrome de Tymbou vers 14 heures. 3e vague : Saut sur Port-Saïd de l’ACP 10 Arrivés à 17 heures au-dessus de Port-Saïd, trois Nord 2501 larguent l’ACP (fig. 4, 5). L’équipe chirurgicale réduite à douze, saute derrière Henri Robert (5). Le matériel suit, réparti en 35 colis. Il comprend les échelons « réanimation-transfusion », « chirurgie » et une partie du lot « hospitalisation ». Avec ce saut au crépuscule, le chef d’antenne, son adjoint et ses infirmiers n’ont qu’une vingtaine de minutes avant la nuit pour retrouver, rassembler et trier les colis. Seuls six paniers sont ouverts le soir même dans un bâtiment de l’usine des eaux et permettent de démarrer les premières interventions. le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de suez – opération « mousquetaire » - novembre 1956 271 Figure 3. Évacuation médicale de blessés du 2e RPC par un hélicoptère anglais (Westland Whirlwind HAS7) (ECPAD). Figure 5. 5 novembre 1956 — Aérodrome de Tymbou (Chypre). De gauche à droite : médecin capitaine Robert, le chef largueur, médecin lieutenant Barbier (Photo Écho d’Alger 5/11/1957). Figure 4. ACP 10 — Décollage de l’aérodrome de Tymbou (Chypre) — 5 novembre 1956 (ECPAD). Vers 19 h 30, les « têtards » du 11 e choc, ces hommes-grenouilles prévus pour récupérer d’éventuels parachutistes tombés à l’eau (ce qui ne fut pas le cas en dépit de l’exiguïté de la DZ 5), font plusieurs allers-retours entre Port-Saïd et Port-Fouad sur une embarcation. Ils évacuent vers l’antenne trois des blessés les plus sérieux de Bichet. Grièvement « blessé à l’abdomen par un éclat de mortier », Marcel Barcelo, 21 ans, Parachutiste de la 2e compagnie du 2e RCP, est opéré à l’ACP. Évacué, il décède le lendemain, 6 novembre. Gabriel Bey, 2e classe (compagnie de commandement et de services) du même régiment, n’a que 20 ans. Atteint à la jambe droite par éclat de mortier, il est évacué quelques jours plus tard 272 à Malte, au Royal Naval Hospital Bighi. Amputé de jambe, il y décède le 14 novembre 1956, bien loin de ses frères d’armes. Comme l’écrira le 10 novembre Richaud, l’ACP « s’installe dans un pavillon de l’usine d’épuration des eaux et commence à fonctionner à 20 heures, traite blessés amis et ennemis et continue l’évacuation dès le 6 au matin à 8 heures sur porte-avions par hélicoptères britanniques » (6). Les autres colis seront recherchés le 6 au matin. Certains ballots tombés à l’eau, ne pourront être récupérés. Son action personnelle fait qu’Henri Robert se verra attribuer la croix de guerre TOE avec citation à l’ordre de la brigade : « Médecin chef d’une ACP, qui a toujours fait preuve de courage, de sang-froid et de dévouement. Parachuté le 5 novembre 1956, à Port-Saïd (Égypte) avec son antenne, pour secourir les grands blessés du 2e Régiment de parachutistes coloniaux, a regroupé, sous le feu ennemi son personnel et son matériel et a commencé ses interventions dans les plus brefs délais, montrant en ces circonstances difficiles de très belles qualités professionnelles et militaires ». André Barbier vit là sa première expérience de chirurgie de guerre. Il recevra la croix de guerre TOE avec citation à l’ordre du régiment. « Jeune médecin de grande valeur, s’est montré à tout instant un auxiliaire particulièrement précieux pour son médecinchef. Parachuté à Port-Saïd le 5 novembre 1956, il prit immédiatement une part prépondérante dans f.-m. grimaldi l’organisation de sa formation, de sorte que moins de deux heures après l’arrivée au sol, l’antenne pouvait réanimer et opérer chirurgicalement les blessés de la vague d’assaut. Il confirma dans ces circonstances ses belles qualités d’officier et de médecin ». Il nous a précisé que l’ACP a eu à traiter plusieurs blessés français mais surtout des Égyptiens. Amputations, explorations et parages de plaies furent les principaux gestes réalisés par les deux jeunes « chirurgiens » non titrés. À 22 heures, le médecin commandant Richaud, traversant le Canal, passe de Port-Fouad à Port-Saïd et s’installe dans l’usine des eaux à proximité de l’ACP. La figure 6 rend compte de la position de l’ensemble des éléments santé français. Mardi 6 novembre 1956 : l’opération amphibie Le mardi 6 novembre à 4 heures, le groupe amphibie mené par le 1er REP aux ordres du lieutenant-colonel Brothier, prend place dans les chalands de débarquement. À 6 h 30, ils s’éloignent des bateaux-mères et entament leur progression vers les plages de Port-Fouad. À 7 h 25, la vague « verte » aborde la côte, suivie à 7 h 30 des vagues « rouge » et « blanche ». Le soutien santé est assuré par le médecin capitaine Palu, le médecin lieutenant Boucheau, le dentiste auxiliaire Lacroix et les infirmiers et brancardiers du 1er REP. Ils installent immédiatement le poste de secours régimentaire sur la plage. Trois unités de Commandos Marine complètent cet échelon d’assaut. Leur soutien est assuré par le médecin auxiliaire Pouillot et par un infirmier de la 405e CMP. À 8 heures, le médecin commandant Richaud débarque à son tour et s’installe au PS du 1er REP. Dès 9 h 30, il reconnaît les locaux du club nautique de PortFouad, beau et vaste bâtiment situé en bordure du canal, à proximité du bac. Prévu pour accueillir le centre de triage et de ramassage, il ne sera pas utilisé. Des combats sporadiques ont lieu retardant peu la progression vers le nord du 2e RPC et vers le sud du 1er REP, puis leur jonction. Au cours de ces rares combats dans Port-Fouad, le sergent Joseph Hatala de la 2e compagnie du 2e RPC est touché par un obus au niveau de l’hémi-thorax droit. Âgé de 26 ans, il est tué sur le coup. Vers 11 heures, la situation à Port-Fouad semble normalisée. À la demande d’un médecin égyptien, Richaud organise pour le lendemain 7 novembre le transfert de nombreux blessés civils et militaires vers l’hôpital de Port-Saïd de l’autre côté du canal. À 14 heures, avec plusieurs heures de retard, l’élément de ramassage de renfort de la 405e CMP débarque enfin. Les dix-sept hommes de cette unité devaient arriver avec les vagues du matin dans un engin amphibie « Dukw ». Malheureusement, ils étaient dans l’un des Dukws qui n’ont pu atteindre la plage : trois sont tombés en panne, un a pris feu avant sa mise à l’eau, un n’a pu quitter le bâtiment de débarquement La Rance, deux ont coulé. C’est dans l’un des Dukw qui a coulé au large de Port Fouad, que Claude Fontaine, sergent à la Compagnie du Génie de Plage, se noie. Il a 22 ans. Dans la journée, sur ordre du commandement, onze blessés français sont évacués par engins de débarquement vers le Jean Bart dans de conditions de mer difficiles, d’autant que le bâtiment est loin au large. Figure 6. Implantation des postes de secours et de l’ACP10 à Port-Saïd et PortFouad. (Carte complétée, tirée de « Suez 1956 », de Paul Gaujac, Lavauzelle Ed. 1986, p. 231) 1 – 07 h 30, Lundi 5 novembre 1956, Saut 1re vague du 2e RPC, DZ5, Port-Saïd. Installation PS. 2 – 15 h 15, Lundi 5 novembre 1956, Saut 2e vague du 2e RPC, DZ6, Port-Fouad. Installation PS. 3 – 17 h 00, Lundi 5 novembre 1956, Saut ACP 10, DZ5, Port-Saïd. Installation dans l’usine des eaux. 4 – 07 h 25, Mardi 6 novembre 1956, Débarquement 1er REP, Plage Port-Fouad. Installation PS. 5 — 09 h 30, Mardi 6 novembre 1956, Club nautique de Port-Fouad. Reconnaissance implantation section de triage 405e CMP. Mardi 6 novembre 1956. Minuit : cessezle-feu Alliés des Égyptiens, les Soviétiques ont exigé immédiatement l’arrêt des hostilités. Les États-Unis soucieux de leurs intérêts se sont alignés. Sous la pression de ces deux pays, qui se repositionnent comme les deux grandes puissances mondiales, les forces alliées changent de posture. À minuit, l’expédition de Suez se termine. Elle n’a duré qu’une quarantaine d’heures. La victoire acquise par les hommes sur le terrain leur est confisquée sur l’autel de la politique internationale (1). le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de suez – opération « mousquetaire » - novembre 1956 273 Journée du 7 novembre et suivantes Dans la journée du 7 novembre, les blessés militaires français pris en charge à l’ACP sont évacués par hélicoptères vers les bâtiments britanniques. Les civils et les militaires égyptiens le sont vers l’Hôpital de Port-Saïd. En prévision des évacuations médicales, six hélicoptères Bell 47 du groupe d’hélicoptères N° 3 avaient été embarqués à Alger le 28 octobre 1956 sur le « Léon Mazzella ». Ce cargo avait été réquisitionné le 29 août, pour être transformé en porte-hélicoptères. Des plaques de tôle recouvertes de bâches épaisses « antidérapantes » avaient été soudées sur la plage avant, entre les mâts de charge. Une petite plate-forme de secours se situait à l’arrière du château. La lenteur de ce « convoi marchand de renfort immédiat » ne le fera arriver que le 6 novembre au large de Port-Saïd. Les Bell 47 remontés pourront alors faire quelques rotations et déposer directement les blessés français sur le pont de la Marseillaise, le navire-hôpital français. Naviguant au large, la Marseillaise devait recueillir et traiter les Français. Ancien paquebot de luxe de la compagnie des messageries maritimes, faisant la ligne d’Extrême-Orient, il avait été aménagé pendant l’été. Une salle de radiologie et des blocs opératoires avaient été installés, le pont supérieur arrière avait été transformé en héliport. Il s’avérera que les hélicoptères Westland Whirlwind HAS7, version anglaise du Sikorsky H19, étaient trop lourds pour cette piste « de fortune ». C’est pour cette raison que les hélicoptères anglais, qui transportaient jusqu’à six blessés couchés, ont directement acheminé les Français vers les porte-avions de la Royal Navy. Le 8 novembre, le navire-hôpital français mouille enfin dans le port de Port-Saïd, facilitant le transfert des derniers blessés. Le « démontage » et le retour L’ONU avait voté dès le 4 novembre la résolution 998 autorisant la constitution d’une force d’interposition. La FUNU, Force d’Urgence des Nations-Unis (en anglais UNEF – UN Emergency Force) sera la première à intervenir sous Casque Bleu. Prévu dans la planification, pour être déployé dès J + 3, l’hôpital de campagne N° 461 ne débarque à PortSaïd que le 15 novembre, à J + 10 (3). Il vient relever l’ACP et restera jusqu’au 12 décembre 1956. Le 16 novembre 1956, lendemain de l’arrivée de l’hôpital de campagne, l’ACP embarque à Port-Saïd pour Chypre, alors qu’un premier contingent danois arrive. Des Suédois et des Indiens suivent. L’antenne sera maintenue en réserve plusieurs semaines à Chypre dans l’éventualité d’une reprise des hostilités. Fin novembre la Marseillaise lève l’ancre et arrive à Toulon le 30 (fig. 7). Les blessés des combats et les malades sont confiés à l’hôpital maritime Sainte-Anne. Le 8 décembre, les corps des tués, qui avaient été inhumés dans des sépultures provisoires quittent Port Saïd pour Marseille sur le transport de troupes le Verdon. Un détachement d’honneur les accompagne. Pendant cette période de transition, deux soldats perdront malheureusement la vie. Le 8 décembre au 274 Figure 7. Navire-hôpital la Marseillaise (Ina.fr). cours d’un exercice Michel Hien, 22 ans, 1re classe du 2e RPC est mortellement blessé par arme à feu. Le 17 décembre 1956, Erhart Gotze est le dernier tué de la force terrestre. Légionnaire du 1er REP, âgé de 26 ans, il sécurise avec un groupe l’embarquement d’une partie de son régiment au niveau du bassin Cherif, quand ils sont pris à partie par plusieurs tireurs embusqués. Atteint en plein cœur, il meurt immédiatement. Ce jour-là une bonne partie du 1er REP s’apprête à quitter Port-Saïd. Le 18 décembre, le médecin commandant Collodin et la 405e CMP partent sur le Pasteur. Après être passés par Chypre, ils débarquent à Alger le 24 décembre, pour les fêtes de Noël ! Appareillant seulement le 22, l’escorteur Malgache, avec à son bord le médecin capitaine Palu du 1er REP, accoste à Alger le 26 décembre. Son adjoint, le médecin lieutenant Boucheau sur le Mortain, vieux liberty-ship cédé aux messageries maritimes et réquisitionné comme transport de troupes, n’y arrive que le 28. Le 23 décembre, le 2e RPC quitte à son tour l’Égypte sur l’Athos II, avec ses deux médecins. Le 24 décembre au soir, la messe de Noël est célébrée à bord par le père Louis Delarue, aumônier, « Padre » du 2e RPC et du 1er REP en présence de nombreux cadres et parachutistes. Après une escale à Chypre, le régiment est à Alger le 29 décembre. Juste à temps pour la Saint Sylvestre ! Le 27 décembre, après plus d’un mois d’inactivité sur l’île, toute l’ACP embarque sur le Skaugum à Limassol (Chypre). Appareillant le 28, ils ne débarquent à Alger que le 2 janvier 1957. Eux « fêteront » Noël et le nouvel an loin de chez eux. Pertes santé En recoupant les rapports du médecin-chef de la 10e DP entre le 5 et le 10 novembre (5) et du Général Massu entre le 5 novembre et le 13 décembre 1956 (3), les pertes françaises s’établissent à douze morts, dont sept le premier jour. Sur les douze tués, huit appartiennent au 2e RPC, deux au 11e Choc, un à la compagnie du génie de plage et un au 1er REP. Leur âge moyen est de 23 ans. f.-m. grimaldi En plus des morts au combat, un accident par arme à feu entraîne la mort d’un parachutiste du 2e RPC. Quarante-trois blessés sont relevés dont trente et un du 2e RPC dès le premier jour. Parmi les blessés, trentecinq parachutistes le sont au combat, cinq se blessent à l’atterrissage et deux lors du débarquement amphibie. Ces chiffres, qui ne concernent que l’opération aéroportée et amphibie, sont à rapporter aux 1 100 parachutistes largués et aux 34 000 combattants français ayant pris part à ce bref conflit. Les Britanniques comptèrent 22 tués et 97 blessés. Les Israéliens auraient eu 176 tués. Pour une intervention de cet ordre les pertes alliées furent très faibles. L’estimation des pertes égyptiennes s’avère plus difficile. Certaines sources évaluent le nombre de morts dans la zone du canal entre 750 et 1 000. Surtout des civils. Dans son rapport, le Général Massu estime les pertes militaires ennemies à 218 tués et 215 prisonniers (3). Les enseignements Le 13 décembre 1956, le médecin commandant Richaud adresse son rapport final (5) sur les opérations d’assaut au médecin colonel Michel Paléologue (Lyon 1923), directeur du Service de santé de la « Force A ». Ses observations portent essentiellement sur les évacuations sanitaires et sur l’intérêt de la présence d’une antenne chirurgicale. Concernant les évacuations médicales, il rappelle que pendant les premières heures, le transport des blessés n’a pu se faire que grâce aux hélicoptères britanniques, que les hélicoptères français ne sont arrivés qu’après la bataille et que les évacuations médicales imposées par le commandement par voie maritime se sont avérées difficiles et inconfortables pour les blessés. Il conclut cependant que la plupart des blessés ont pu être reçus en moins de deux heures dans une formation chirurgicale. L’ACP, quant à elle, s’est avérée adaptée. Mais comme tous les responsables d’unités aéroportées, la critique principale concerne le poids du matériel. Il est impératif d’en réduire le tonnage et de revoir la solidité du colisage pour résister à l’épreuve du choc à l’atterrissage. Ces propositions sont encore d’actualité et alimentent toujours les réflexions des chefs d’antenne. Quelques jours après le cessez-le-feu, le médecin capitaine Robert a été invité par ses confrères chirurgiens du 25th Para field surgical team de la 16th Independent parachute brigade. Il retient de sa visite que l’équipe anglaise est composée de 2 chirurgiens et 6 infirmiers, alors que l’ACP a un effectif de 2 chirurgiens et de 14 paramédicaux (5). Les ACP d’Indochine étaient, elles, armées par huit personnels dont un chirurgien. Pour le matériel, chacun des huit parachutistes anglais saute avec une gaine libérable de 35 kg, contenant son équipement individuel et du matériel spécifique en rapport avec sa qualification technique. Le reste est réparti dans 6 ou 8 containers permettant d’emporter la tente en nylon de 100 à 120 kg (470 kg pour le modèle français), 1 table d’opération articulée, légère, en duralumin, 1 bouilleur-stérilisateur type « poissonnière » et ses 2 réchauds à pétrole, plutôt qu’un autoclave, un petit appareil à soufflet permettant la ventilation manuelle par sonde d’intubation, un éclairage par 2 lampes à vapeur de pétrole, 1 aspirateur à pied inexistant dans l’ACP. Ces éléments montraient bien qu’il était déjà possible de réduire le tonnage des antennes parachutistes. Évolution — Avenir Plus aucun militaire, du chef d’état-major des Armées au jeune soldat, ne met en doute la nécessité du soutien médico-chirurgical du combattant éloigné de toute structure hospitalière. Déjà en mars 2007 et le saut sur Birao au nord de la République centrafricaine, mais surtout depuis 2013, avec l’intervention dans la Bande sahélo-saharienne, l’Armée française a renoué avec les opérations aéroportées (7). Les médecins d’unité parachutiste étaient dans les avions (8) mais pas les chirurgiens. En Indochine, les six ACP de l’armée française ont effectué 27 sauts opérationnels entre 1947 et 1954 (9). Sur les 29 chirurgiens qui se sont succédé, 14 ont sauté avec leur antenne. Avec certitude, ils ont sauvé bien des vies. À lui seul, le médecin capitaine Pierre Delacroix (Lyon 1943) a effectué six sauts opérationnels entre mai 1949 et mars 1950. Aucune antenne chirurgicale parachutiste n’a été larguée dans un cadre opérationnel depuis soixante ans y compris lors de l’opération « Bonite » sur Kolwezi en mai 1978 (10). Aucune n’a participé depuis plusieurs années à un exercice ou à une manœuvre aéroportée avec largage des personnels et des matériels. Le dernier largage de la 7e ACP remonte à 2003 lors de l’exercice majeur de la 11e brigade parachutiste en terrain libre « Rastibel » en Vendée (fig. 8). Le volume et le poids de l’ACP, dont le matériel est commun avec les antennes chirurgicales aérotransportables restent une limite opérationnelle à son largage sans dégâts par la 3e dimension, à son regroupement puis à son déploiement une fois au sol. En 2016, le poids et le volume d’une antenne sont d’environ 6 tonnes pour Figure 8. Largage de la 14 ACP 2003 (MC Aigle). le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de suez – opération « mousquetaire » - novembre 1956 275 45 m3. La miniaturisation et le « durcissement » du matériel sont au cœur des réflexions depuis la création des ACP. Leur conditionnement par le 1er Régiment du train parachutiste et les tests de résistance aux chocs après largage par tranche arrière, par éjection à très faible hauteur, ou peut-être sous aile dirigeable dans l’avenir, sont à poursuivre (fig. 9). plus est en milieu hostile, probablement de nuit, peut retentir sur les capacités de réactivité immédiate que l’on est en droit d’attendre de ces personnels hautement qualifiés. Ce stress pourrait modifier la prise en charge des premiers blessés en urgence vitale qui leur seraient confiés. Ce type d’engagement nécessiterait pour nos chirurgiens, comme pour les spécialistes militaires, une préparation technique au saut opérationnel avec infiltration sous voile afin de diminuer le stress inhérent à cette mise en place où le passager prend toute sa part dans la navigation lors du saut. Si le médecin de régiment parachutiste a retrouvé toute sa place de la conception à l’organisation et à la conduite du soutien santé d’une OAP tant en automatique que désormais en saut opérationnel à grande ou très grande hauteur, la fonction aéroportée des ACP et de ses personnels est une spécificité à entretenir. En effet le régime d’alerte de nos armées, l’Echelon national d’urgence (ENU) dispose d’une composante parachutiste le G.08 dans lequel est incluse une ACP. Elle doit permettre à nos armées de conserver cette capacité « d’entrer en premier », y compris par la 3e dimension. Conclusion Figure 9. Colis autoguidé par GPS (Histoire et stratégie). La création du Module de chirurgie vitale (MCV), structure chirurgicale très légère (700 kg environ) mise en œuvre par une équipe chirurgicale réduite à cinq personnes, a facilité son emploi au profit des forces spéciales, mais jamais par aérolargage. Certains de ses membres ne sont d’ailleurs pas brevetés parachutistes. Pour ces toutes petites unités, l’utilisation du saut en tandem, pourrait permettre une mise en place sans cette qualification. Toutefois l’angoisse d’un premier saut, qui En 1956 cette dernière opération aéroportée d’envergure en Égypte, avant celle de Kolwezi en 1978, a démontré le caractère indispensable d’unités parachutistes dans les forces d’intervention. Il en va de même pour les personnels du Service de santé qui, aux côtés des combattants, doivent à leur tour « passer par la portière ». S’il apparaît toujours préférable de « déposer » une équipe médico-chirurgicale, plutôt que de la larguer, cela peut parfois s’avérer impossible. Ce savoir-faire unique se doit d’être conservé. L’Opération de Suez a mis en œuvre un nombre conséquent de personnel du Service de santé, d’active et de réserve, engagés et appelés, et pas seulement celui des unités parachutistes. Médecins, chirurgiens, pharmaciens, officiers d’administration, sous-officiers et brancardiers, tous à leur niveau ont participé au succès médical de cette intervention. Et pourtant, la plupart n’ont jamais vu l’Égypte ! RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1.Suez 1956. Reportage de guerre, 2015 ; n°14. 2.Richaud F. Note, 5 pages manuscrites. SHD/DAT 7 U 4295. 3.Massu J. Rapport d’Opérations 700 bis (13 décembre 1956), annexé au JMO de la 10e DP. Période du 1er octobre au 31 décembre 1956 — SHD/DAT 1 H 4677. 4.B ulletin des anciens de Suez et Chypre « Mousquetaire » avril 2008 ; n° 21. 5.Richaud F. Rapport N° 448/SS/10 du 13 décembre 1956. SHD/DAT 7 U 4295. 6.Ordres d’opérations de la 10e DP n° 53/4/TS du 23 octobre 1956. Annexe II – SDH/DAT 1H.4677. 276 7.Bertier de Sauvigny L. Au regard des OAP conduites lors de l’opération « Serval », quels enseignements pour l’avenir ? Para de demain 2015 : 48-54. 8.Aigle L, Bay C, Douillard G, Lavenir B, Cavalier L. Soutien santé de deux opérations aéroportées aux confins du nord Niger : bilan et enseignements. Médecine et Armées. Accepté en attente de parution. 9.Linon PJ. Les sauts opérationnels des ACP en Indochine. in « Debout les Paras ». 2014 ; N° 229 :19-25. 10.Ferret JN, Forissier R. L’opération du 2e REP sur Kolwezi au Zaïre et ses enseignements en matière de soutien médical initial d’un détachement aéroporté. Médecine et Armées 1982 ; 10(3): 249-58. f.-m. grimaldi Médecine des forces « Tranches de vie » Introduction Lors de la conception de ce numéro spécial consacré à la médecine des forces, nous nous sommes posé la question de savoir comment nous pourrions faire ressortir, en essayant d’être exhaustif, le kaléidoscope que représente les compétences métiers du médecin généraliste militaire. De cette réflexion est née l’idée de ces « tranches de vie ». Nous avons donc sollicité des praticiens servant ou ayant servi dans des unités, services, formations nécessitant soit des qualités soit un profil particulier et nous leur avons demandé de raconter, de la manière la plus vivante qui soit, au travers d’un exemple le plus souvent, ce qui fait l’attrait, la singularité ou encore l’originalité de leur pratique quotidienne. C’est avec des titres volontiers accrocheurs que nous souhaitons capter votre attention et espérons que la lecture de ces « tranches de vie » des médecins des forces vous permettra de découvrir qu’il existe bien de multiples facettes à leur métier. MC Beylot Vincent et MC Aigle Luc. Tranches de vie « Mon nom est Bond… » : médecin au service action MÉDECIN CHEF DU SERVICE ACTION Le Service action (SA) est le Bras armé de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), il a pour but de concevoir, préparer et conduire à la demande, des opérations à caractère clandestin. Il est un ensemble unique composé d’un état-major et de trois centres chacun spécialisé dans un domaine particulier. Le Centre parachutiste d’entraînement spécialisé (CPES) agit préférentiellement en zone normalisée, le Centre parachutiste d’instruction spécialisée (CPIS) en zone de crise et en terrains difficiles (jungle, désert et montagne) et le Centre parachutiste d’entraînement aux opérations maritimes (CPEOM) en zones littorales maritimes et subaquatiques. Ces activités engagées nécessitent fréquemment l’appui d’une composante santé que ce soit à l’entraînement ou en mission. Chaque centre se trouve donc doté de trois médecins et trois infirmiers capables de soutenir ses agents en France ou à l’étranger. Les médecins qui font le choix de rejoindre le SA doivent avant tout satisfaire aux tests de sélection, suivre une année de formation initiale à la clandestinité puis se qualifier dans les domaines propres à leur centre d’affectation. Une fois qualifié agent opérationnel, le médecin est employé au sein de son service médical. Il partage son temps entre la médecine d’unité, le soutien des activités à risques, les entraînements, la formation continue et les missions. Il fait appel à des compétences médicales variées, médecine générale, médecine du sport, médecine d’urgence, médecine hyperbare ou encore médecine appliquée au parachutisme. médecine et armées, 2017, 44, 2, 277-290 277 Il accroît ses aptitudes opérationnelles en acquérant des qualifications dans le domaine du saut opérationnel à grande hauteur, de la plongée ou des techniques spécifiques aux opérations clandestines. Quel que soit leur centre d’affectation, les médecins du service se doivent d’être capables d’agir en situation d’urgence ou de crise sur très court préavis et en tout lieu. Les médecins, au même titre que tous les hommes et femmes qui composent le SA, contribuent à la réactivité et la capacité d’adaptation qui caractérisent et font la force de cette unité. Ils sont donc médecins mais également et surtout agents opérationnels du Service action, capable d’élaborer et de conduire les missions à caractère médical, ou non, qui peuvent leur être confiées. Pour autant, les agents du SA ne sont pas des « surhommes » mais des hommes et des femmes sélectionnés pour leurs solides qualités foncières, leur sûreté Figure 1. Médic. de jugement, leur rigueur, leur honnêteté intellectuelle, leur humilité, leur capacité à résister au stress, leur aptitude à vivre et agir seul, leur sens du mimétisme, leur créativité et leur discrétion. Le bon agent est tout simplement une pièce de puzzle au profil très particulier qui trouve parfaitement sa place dans cet assemblage de caractères et de compétences qui constituent le Service action. En conclusion, être affecté au SA est synonyme de disposer d’une autonomie de moyens pour réaliser des missions variées dans tous les milieux : urbain, rural, désertique, maritime… mais aussi de pouvoir s’entraîner de manière réaliste et de développer des projets créatifs et innovants. Le SA permet un mode d’exercice unique, hors du commun et passionnant du métier de médecin des forces. « Casse-tête chinois et auberge espagnole ! » : bienvenue à la maison mère D. VARVENNE, G. RICHA, C. RONDEL Les soldats de la Légion Étrangère représentent 7 % des effectifs de l’armée de Terre. Ce sont 8 400 hommes qui ont choisi de servir la France à titre étranger, d’intégrer les rangs de cette institution pour ses valeurs, sa discipline et ses traditions. C’est 8 400 hommes de toutes origines qui parviennent, dans la diversité, à créer l’unité et l’esprit de corps. Pour le médecin des forces, exerçant son métier au profit des légionnaires, c’est également une aventure humaine singulière, riche et passionnante. Le 1er Régiment étranger, implanté au cœur de « la Maison Mère », à Aubagne, est le régiment socle qui soutient l’ensemble des unités de la Légion étrangère. C’est ici que l’histoire de chaque légionnaire commence. C’est également ici qu’elle se termine. En effet, à Aubagne, se croisent chaque année 5 000 candidats à l’engagement, 600 militaires en activité au Quartier Viénot, 150 blessés de la Légion étrangère et quelques anciens qui quittent l’Institution… Autant d’hommes pris en charge par les quatre médecins de l’antenne médicale. Lundi matin, 7 h 15. Café avec les légionnaires responsables de la sélection. 278 Figure 1. L’arrivée. tranches de vie - « Bonjour Sergent, combien de candidats ce matin ? - Trente-deux, mon Capitaine, on a commencé les biométries. - D’accord. Le médecin-chef va démarrer a priori. Je viendrai l’aider juste après les couleurs régimentaires et le footing avec l’état-major. Le médecin principal verra les consultants. » Le café du lundi, c’est l’occasion de faire le point sur la permanence du week-end et les patients admis en hébergement à l’antenne médicale. C’est aussi la mise en condition de chacun avant d’aborder la semaine qui démarre sur les « chapeaux de roues »… Les candidats à l’engagement se bousculent dans les couloirs. Les cahiers des compagnies sont déposés, annonçant le nombre de consultants à venir. Il faudra recevoir à 11 h, créneau qui leur est réservé, les légionnaires blessés en congé longue maladie, sans oublier les urgences éventuelles ! Le recrutement métries. © , les bio n o i t c e l é s Chaîne de Figure 2. ne. D. Varven Le recrutement à la Légion étrangère est un processus de sélection continu, fonctionnant toute l’année, dimanches et jours fériés inclus. Il repose sur une organisation humaine et matérielle complexe, impliquant particulièrement l’antenne médicale. Le médecin de Légion doit effectuer les visites d’aptitude médicale initiales des candidats dès leur arrivée, pour leur permettre de réaliser les tests de capacité physique, sans jamais interrompre cette chaîne de recrutement. Il est également un acteur décisif lors de la commission hebdomadaire de sélection, qui ne retient finalement que 1 300 légionnaires sur les 5 000 postulants initiaux. Sur le plan médical, la détermination de l’aptitude n’est pas chose aisée et les enjeux sont multiples. Barrière de la langue, fréquence des maladies infectieuses (syphilis, hépatites B et C) ou liées à la précarité (tuberculose, gale), absence de couverture maladie pendant les trois premières semaines de séjour à Aubagne, difficultés éthiques, sont autant de situations complexes, auxquelles le médecin de Légion est confronté quotidiennement. La barrière de la langue L’interrogatoire clinique prend souvent une tournure cocasse pour ne pas dire vaine… - « Do you speak English ? - Yes Sir. - [Soulagé]… Ok, so have you ever got any medical problem ? - Yes Sir. I do sport ! - [Sceptique]… Okay… So why do you want to join the Legion ? - Yes Sir ! I do [Désabusé] L’antenne médicale d’Aubagne compte parmi ses infirmiers, secrétaires et auxiliaires sanitaires environ sept nationalités différentes, ce qui offre généralement les services rapides d’un traducteur. Mais le médecin de Légion doit tout de même avoir certaines prédispositions en langues étrangères et les praticiens actuels constituent chacun un référent que ce soit pour l’arabe, l’anglais, le roumain et l’espagnol ! Sinon, ultime recours, il reste encore le langage des signes ou le dessin ! Le problème éthique Un candidat d’origine mongole, âgé de 33 ans, présente un souffle cardiaque d’allure non fonctionnelle, une scoliose marquée et un tiroir douteux de la cheville droite. Il arrive directement de l’aéroport et n’a déclaré à son arrivée que 150 € de ressources financières. Pour déterminer son aptitude à l’engagement, il faut au minimum une échographie cardiaque (coût de cet examen en l’absence de couverture sociale = 92 €), un holorachis (35 €), et une radiographie dynamique de la cheville droite (35 €). Que faire ? Entretenir encore un peu l’espoir de ce candidat et lui demander la réalisation de ces examens onéreux, pour lui permettre de passer les épreuves sportives qui le conduiront éventuellement en commission ?… Ou admettre que ce candidat, même s’il parvient à effectuer ces examens complémentaires, aura peu de chance d’être retenu parmi les meilleurs à la commission, et qu’il est plus honnête de lui expliquer que son rêve de Légion s’arrête là ?… médecine et armées, 2017, 45, 2 279 Le suivi des blessés Être médecin à la Maison Mère d’Aubagne, c’est aussi devenir le médecin référent des légionnaires blessés, issus de tous les régiments étrangers : - travailler en étroite collaboration avec les spécialistes hospitaliers* pour reconstruire ces militaires et leur permettre un retour en unité opérationnelle ; - assurer leur protection financière et sociale ; - anticiper leur reconversion ou leur retour vers le milieu civil quand l’inaptitude médicale impose leur réforme ; - savoir leur accorder du temps, une oreille attentive, un regard bienveillant ; - savoir parfois leur rappeler qui ils sont pour encourager davantage leur guérison ! * NDLR : l’hôpital d’instruction des armées Laveran a ainsi été nommé 1re Classe d’honneur de la Légion Étrangère, titre honorifique décerné par le général commandant la Légion. Le fonctionnement classique d’une antenne médicale Parallèlement, les médecins d’Aubagne se doivent d’assurer, comme tout médecin des forces, les consultations quotidiennes et les visites médicales périodiques. Mais, là encore, il faut savoir prendre en compte la singularité des légionnaires consultants… - « Bon, Caporal, tu as une fracture de fatigue du tibia droit, il faut te mettre au repos sportif. Il faut que tu arrêtes de courir. - Reçu, Mon Capitaine. Mais les combats de free-fight et le jiu-jitsu, je peux quand même, hein ? » … Le conseil au commandement À la Légion étrangère, le médecin, même s’il appartient au centre médical des armées dont dépend son antenne, garde une place de choix au sein de l’état-major du régiment qu’il soutient. À Aubagne en particulier, compte tenu de la spécificité des hommes qui y servent ou qui y passent, le médecin se doit de préserver un lien étroit et permanent avec le chef de corps du régiment et toute la chaîne de commandement. Des responsables du recrutement aux responsables de la reconversion, en passant par les commandants de compagnie ou le directeur des ressources humaines, tous agissent pour le bien du légionnaire, du premier au dernier jour de son contrat. Entretenir ces relations à la fois amicales et professionnelles, facilite la prise en charge des patients légionnaires et la qualité de leur suivi. Élément incontournable de la médecine des forces, plus encore au sein de cette unité, « le médecin de Légion » est ainsi connu et reconnu. Fiers de servir la grenade à sept flammes avec « honneur et fidélité », cette reconnaissance implique cependant des devoirs, notamment celui de la disponibilité dans la participation aux activités du régiment, qu’elles soient de tradition (Noël, fêtes de Rois, Camerone, cérémonies de départs), sportives (cross régimentaire, trail du 1er RE, cross de Camerone), d’entraînement (marche régimentaire, exercice annuel) ou encore tout simplement quotidiennes comme le repas du midi par catégories au mess officiers. « Une mission perchée… » : soutien médical du Groupement militaire de haute montagne B. GINON, D. CABANE Népal région de Khumbu 5 300 m, le 25/9/2016 : 6 h 00 : « Je me réveille ; à côté de moi, Jean Yves le chef d’expédition sommeille encore. Nous avons dormi un peu serrés dans notre petite tente d’un mètre de large, chacun percevant les mouvements de l’autre. Cette nuit, il a neigé et le thermomètre est descendu en dessous de moins dix degrés Celsius. Emmitouflés dans nos épais sacs de couchage en duvet, nous n’avons pas ressenti le froid. Pour autant je n’ai pas passé une très bonne nuit, le sommeil ayant tardé à venir, perturbé par quelques céphalées, avant d’être entrecoupé de nombreux réveils… Ma position de médecin me rend attentif aux autres membres de l’expédition ; mais également aux réactions de mon propre organisme… Arrivés au Népal il y a quinze jours, cela fait maintenant une semaine que nous avons débuté notre acclimatation. C’est dans cette phase délicate de l’adaptation à l’hypoxie, que les pathologies d’altitude peuvent se déclencher. Hier, nous avons marché 2h pour passer la barre des 5 000 m qui constitue le seuil de la très haute altitude. Pour moi cette altitude marque une frontière, et son franchissement s’accompagne toujours d’une part d’anxiété. Nous quittons le milieu connu des altitudes fréquentées dans les Alpes. Arrivés sur notre lieu de bivouac, nous avons installé notre campement avant de manger, emmitouflés dans nos duvets, puis de nous coucher « comme les poules » à 18 h 30, avec le soleil. À 6 h 30, nous nous levons. La préparation du petit-déjeuner commence immanquablement par la « corvée » d’eau consistant à faire fondre de la neige. Nous engloutissons nos lyophilisés avant de plier le camp. Aujourd’hui, nous rejoignons les 4 autres membres de l’équipe, les grimpeurs, qui nous précèdent de 24 h Nous devons rallier leur bivouac à 5 750 m, en suivant un cheminement glaciaire transitant par un court passage technique. 280 tranches de vie Si les conditions sont bonnes, l’objectif est d’atteindre notre sommet d’acclimatation culminant à 6 200 m d’altitude. Les grimpeurs ont prévu d’y rester dormir, alors que Jean Yves et moi redescendrons à des altitudes plus modestes… » Le groupe militaire de haute montagne Le Groupe militaire de haute montagne (GMHM) est un groupe d’alpinistes d’élite se déplaçant aux quatre coins du monde. Spécialisé dans l’évolution en environnements extrêmes, il développe des savoirs faire qu’il transfère à l’armée de Terre. Ces dernières années, le GMHM a réalisé plusieurs ascensions techniques entre 6 000 et 8 000 m d’altitude, dans les Andes et en Himalaya. Dans le cadre de ses missions, le GMHM est souvent accompagné d’un médecin. Exerçant dans un grand isolement, le médecin d’expédition doit être en mesure de gérer une urgence médicale ou traumatique, puis de mettre en place une évacuation sanitaire s’appuyant en grande partie sur des moyens locaux. Préparation de la mission Comme pour tout soutien médical, la préparation en amont est primordiale. Elle intègre les spécificités de notre exercice. Au plan thérapeutique nous prévoyons de quoi faire face aux pathologies spécifiques du milieu (altitude et froid). Des moyens et des stratégies doivent être prévus pour faire face à des évacuations sur plusieurs jours de marche. Les structures hospitalières des pays fréquentés (Népal, Inde, Pérou…) sont très inégales et doivent faire l’objet d’une évaluation préliminaire. Enfin, les contraintes logistiques de l’expédition (déplacement pédestre) nous font limiter la quantité totale de matériel médical à 20-30 kg. Le déroulé d’une expédition Une expédition à haute altitude dure 6 à 8 semaines et comporte plusieurs phases : - l’acclimatation : elle permet de prendre de l’altitude progressivement. L’objectif est de s’adapter physiologiquement pour l’altitude du camp de base, tout en évitant les pathologies liées à l’hypoxie. C’est la phase la plus à risque de survenue du mal aigu des montagnes et de ses complications ; - le camp de base : en Himalaya, il se situe le plus souvent entre 5 000 et 5 500 m d’altitude, à proximité immédiate du sommet. C’est le lieu de préparation de l’ascension. Les alpinistes s’alimentent en abondance, tout en se reposant et en conservant une activité physique modérée pour compléter leur acclimatation. En lien étroit avec leur routeur météo, les grimpeurs observent leur itinéraire dans la face. Le médecin est impliqué au quotidien dans la vie de ce petit groupe évoluant en vase clos. Sa position particulière permet de jouer un rôle tampon, de désamorcer d’éventuelles tensions ; - la phase d’ascension : quand toutes les conditions sont réunies, les grimpeurs se lancent dans l’ascension, en autonomie complète pour 4 à 6 jours. Le rôle du médecin et du chef d’expédition restés au camp de base est d’assurer une permanence radio tout en observant, la progression des cordées dans la face. Cette phase de l’ascension est la plus stressante, car la plus à risque d’accident traumatique grave. Recherche/Explorations physiologiques Crédit photos : GMHM. médecine et armées, 2017, 45, 2 Le soutien médical d’expédition, par son caractère hors norme constitue une occasion idéale de mettre en place un protocole de recherche physiologique ou pour tester du matériel, en conditions de terrain, au froid et en hypoxie. En 2014 et 2016, les études Shimer (Shishapangma Memory) et Namaste (Nangpai Memory and Attention Smartphonebased TEst) ont été menées en partenariat avec l’Institut de recherche biomédicale des armées. Ces deux études avaient pour objectif d’évaluer l’attention et la mémoire de travail en situation d’hypoxie hypobare subaiguë, à partir notamment de tests supportés par smartphones. 281 Quelques exemples de prises en charge Nous accompagnons des petits groupes de 6 à 8 personnes, et le plus souvent, nous n’avons à traiter que de la « bobologie ». Toutefois au cours des quinze dernières années les différents médecins accompagnant les expéditions du GMHM ont notamment dû faire face à un accident mortel, un œdème pulmonaire de haute altitude, à des gelures… Mukut Parbat (Inde) Septembre 2009 : dans la région du Gharwal, une équipe de 8 grimpeurs, part à l’attaque d’un sommet de plus de 7 000 m. Quelques jours après l’arrivée, l’acclimatation commence à peine, et tout le monde se trouve à un camp intermédiaire à 4 900 m d’altitude. Un des grimpeurs présente une asthénie marquée avec une Saturation artérielle en oxygène (SpO2) à moins de 80 %, plus basse que celle de ses camarades. L’interrogatoire retrouve des céphalées intenses, déjà présentes les jours précédents. Le médecin pose le diagnostic de mal aigu des montagnes modéré à sévère. Après un passage dans le caisson hyperbare portable peu efficace et l’instauration d’une corticothérapie, il est décidé de faire redescendre le malade 1 000 m plus bas. Sur le terrain, un choix tactique difficile se pose : où le médecin doit-il se positionner ? Avec le patient, alors que la descente est souvent seule salvatrice dans les pathologies d’altitude ? Ou bien avec le reste de l’équipe qui poursuit son acclimatation et peut être soumise à d’autres difficultés médicales ? Descendu dans un premier temps avec un autre grimpeur, le malade sera finalement rejoint par le médecin 24 h plus tard, compte tenu d’une évolution peu favorable. C’est à ce moment que le tableau d’œdème pulmonaire de haute altitude sera avéré et que la décision de rapatriement du grimpeur sera prise. Kamet (Inde) septembre 2012 : alors que 4 alpinistes du GMHM viennent de réaliser une première en gravissant la face ouest du Kamet à 7 800 m d’altitude, la descente est délicate après 5 jours passés à plus de 6 000 m dont 3 bivouacs à 7 500 m. Un des grimpeurs est particulièrement atteint, ayant eu du mal à boire et à s’alimenter dans la redescente de la face, il rejoint le camp de base à 5 400 m d’altitude dans un état d’épuisement et il présente des gelures profondes au niveau des mains et des pieds. Au cours des 30 km de retour à pied parcourus sous la neige jusqu’au village de Ghastouli (à 3 900 m d’altitude), il devra être perfusé pour réhydratation intraveineuse. Pendant les jours qui suivront, le médecin réalisera quotidiennement les pansements sur le lit d’une chambre d’hôtel miteuse du fond de l’Inde. Épilogue La médicalisation d’une expédition d’alpinisme à très haute altitude présente de nombreuses similitudes avec certains postes isolés en opérations extérieures ou dans la marine. Les spécificités sont représentées par un dénuement encore plus grand et des conditions de vie spartiates dans un environnement d’altitude caractérisé par l’hypoxie et le froid. L’expérience du soutien d’expédition permet également de développer une certaine rusticité ainsi que des savoirs faire spécifiques. Enfin, c’est avant tout une aventure humaine inoubliable, permettant à un médecin montagnard d’exercer son métier dans l’environnement qui le passionne. « Tremblement, catastrophe et feu de forêt » : médecin de la Sécurité civile H. MARSAA Les Formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) sont des unités de l’armée de Terre issues de l’arme du génie mises pour emploi à disposition du ministère de l’intérieur. Elles regroupent environ 1 500 militaires répartis essentiellement au sein de trois unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (UIISC) basées à Nogentle-Rotrou (UIISC 1), Brignoles (UIISC 7) et Corte (UIISC 5). Leur mission est d’intervenir lors des catastrophes naturelles et technologiques aussi bien en France qu’à l’étranger sur demande d’assistance de pays touchés par un sinistre. Elles sont spécialisées en particulier dans la recherche de victimes sous décombres lors de tremblements de terre, la lutte contre les feux de forêt, la production/traitement de l’eau et l’assistance médicale à la population. Elles 282 Figure 1. Descente en rappel à partir d’un hélicoptère de type « PUMA ». © MP Marsaa. Figure 2. Sauvetage de Darlène, victime de 15 ans retrouvée vivante après 14 jours sous les décombres. tranches de vie disposent également de moyens de détection et de décontamination dans le cadre des risques nucléaire, radiologique, bactériologique, chimique et explosif. Les UIISC sont caractérisées par leur rapidité de déploiement. Ainsi le contrat opérationnel impose un départ de l’unité en trois heures en cas d’intervention, 24 h/24 et 7 j/7, ce qui constitue un véritable challenge et nécessite une astreinte permanente. Sept médecins et sept infirmiers, tous militaires, sont affectés dans les UIISC. Leurs missions principales sont, comme dans toutes les unités de l’armée française, le soutien et la mise en condition opérationnelle des forces. Ce soutien adopte plusieurs formes en France : médecine de soins, aptitude, soutien des activités et entraînements à risque. Un exemple de mission spécifique des ForMiSC est le soutien du Détachement d’intervention héliporté (DIH) : il s’agit d’un groupe constitué d’une vingtaine de sapeurs sauveteurs spécialisés dans la lutte contre les feux de forêt inaccessibles aux moyens terrestres et acheminés avec leur matériel en hélicoptère au plus près de la zone sinistrée. Le soutien de ce détachement est assuré par un médecin ou un infirmier isolé qui bénéficie de la même mise en condition opérationnelle que les équipiers : formation « feux de forêt » indispensable pour la connaissance du milieu, qualification aérocordage, extraction d’urgence en nacelle… Cette mission particulière nécessite un bon niveau physique ainsi que des compétences en médecine d’urgence qui doivent être régulièrement entretenues par la réalisation de gardes en milieu extra et intra-hospitalier. À l’étranger, la mission de certains détachements peut être particulièrement tournée vers l’assistance médicale aux populations sinistrées. C’est le cas notamment lors de la projection de L’Élément médical de sécurité civile rapide d’intervention médicale (ESCRIM). Cet hôpital de campagne médico-chirurgical et obstétrical de la Sécurité civile est géré conjointement par le Service départemental d’incendie et de secours 30 (SDIS30) et l’UIISC 7. Il illustre parfaitement la collaboration civilo-militaire. Participer à une mission au sein de cette structure originale représente une formidable expérience et ce, à tous niveaux : contact auprès des populations sinistrées, travail en équipe avec professionnels issus de nombreux horizons, environnement rustique inhabituel, gestion de problèmes logistiques de toutes sortes, évolution en environnement international dans un contexte de crise… Un autre exemple caractéristique des ForMiSC est celui de la médicalisation des victimes sous décombres pendant les opérations d’extractions lors des séismes. Dans ce contexte délicat et potentiellement dangereux, le travail en concertation entre soignants et sauveteurs est primordial. L’obtention, au terme d’un processus rigoureux, de la certification International search and rescue advisory group (InSARAG), label dépendant de l’Organisation des nations unies dans le domaine du sauvetage-déblaiement de même que le projet d’intégration de l’ESCRIM au sein du corps médical européen valorisent le niveau technique de ces détachements. Servir dans les ForMiSC constitue ainsi une expérience atypique dans les armées, différente mais passionnante. Cette affectation offre l’opportunité de découvrir le milieu de la sécurité civile aussi bien en France qu’à l’étranger. La disponibilité opérationnelle élevée est compensée par la variété et la richesse des missions pour porter secours aux populations sinistrées et apporter l’aide de la France lors d’une crise sanitaire grave. Les missions des dernières années de Haïti au Japon en passant par le Népal et la Guinée en sont quelques exemples. « En passant par la portière » : médecin parachutiste L. CASSOU, C. GALLINEAU, J-D. LARTIGOLLE, P. VICTOIRE, O. MARTINEAU Trois médecins des forces, affectés dans des antennes médicales soutenant des unités parachutistes, ont participé à l’exercice international « Colibri » simulant une opération aéroportée de grande envergure. Leur récit illustre leur contribution respective et complémentaire à l’organisation et au bon fonctionnement de la chaîne santé en opération. Les spécificités du milieu parachutiste imposent notamment le largage par saut aéronefs des équipes médicales et du matériel nécessaire à leur mission. Le médecin de la compagnie d’infanterie parachutiste 4 h 15, sur l’aire d’embarquement, c’est le contrôle des parachutistes. Mon équipe est en place : un auxiliaire sanitaire au début de mon câble, l’infirmier sur l’autre. Mon sac santé est dans ma gaine (système de portage du sac qui accompagne le parachutiste), un ampoulier et des garrots fixés sur la chasuble sous mon parachute, mon fusil d’assaut assujetti, chargeur sur l’arme. Je porte environ 40 kg de matériel, comme le reste de l’équipe médicale, poids « acceptable » grâce à notre entraînement physique quotidien. 6 h 20, la lumière verte s’allume, la sonnette retentit, ça pousse derrière, nous franchissons la portière (sortir de l’avion dans le jargon parachutiste). Après le calme de la descente, l’atterrissage est rude, comme à chaque fois, mais je suis indemne. Urgentiste, au cœur de mon métier de médecin parachutiste, j’analyse la situation : y a-t-il des cris ou une voile blanche signalant un blessé ? Non. Je replie mon parachute et rejoins le reste de l’équipe au point de regroupement avec mon « barda ». Notre matériel santé à dos d’homme nous permettra de tenir en attendant le lot de projection initiale qui sera aéro-largué demain avec un véhicule. Pour l’heure, insérés dans une compagnie d’infanterie parachutiste que je connais bien, nous nous concentrons sur l’assaut du village « à conquérir ». Si sous le feu ennemi l’un d’entre nous est blessé, nous saurons appliquer les bons gestes au bon moment, grâce aux entraînements réguliers à l’antenne médicale et la formation reçue au Centre d’enseignement et de simulation de la médecine opérationnelle (CESimMO). Pendant 24 heures, nous sommes le seul soutien santé de l’opération. médecine et armées, 2017, 45, 2 283 Le médecin au poste médical Figure 3. Accueil des premiers blessés au poste médical. © MC Cassou. 8 h 10, je fais partie de la deuxième phase de largage. Nous nous apprêtons à réceptionner le Poste médical complet modèle 2014 (PM/14) qui sera parachuté demain. J +1, 12 h 00, les trois tonnes du PM/14 percutent bruyamment le sol. Aidé de l’équipe médicale et d’autres parachutistes, nous récupérons le matériel puis montons la structure métallique de la tente. Mon objectif : rendre le PM opérationnel le plus rapidement possible pour recevoir les premiers blessés. En 4 h 30, il est en mesure d’accueillir 2 blessés graves Figure 1. Saut de la 11e Brigade et 6 blessés légers. La réussite parachutiste. © 11e BP. de notre installation résulte du travail préparatoire mené avec les spécialistes de la livraison par air. Elle est également le fruit Figure 2. Largage du poste médical. © MC Aigle. de l’investissement de mon équipe qui, la semaine dernière, a déconditionné l’ensemble du PM/14, identifié les caisses indispensables, trié celles-ci en fonction de leur poids pour les répartir de façon homogène sur les palettes de largage et repérer le matériel sensible nécessitant une protection renforcée. Notre mission est dorénavant de rassembler, trier et mettre en condition de survie les blessés, avant de les évacuer vers une antenne chirurgicale. Le médecin de la cellule de coordination d’évacuation des blessés J + 1, 12 h 30, je quitte la zone où je viens d’être parachuté pour rejoindre les éléments précurseurs de l’état-major de la 11e Brigade parachutiste. Je m’installe dans le poste de commandement tactique de l’opération, et commence à m’assurer que la chaîne santé, entièrement aéro-larguée, est pleinement efficiente. Mon rôle consiste à coordonner les évacuations sanitaires. Sous la tente, l’espace est confiné. Au milieu des crépitements incessants des postes de transmission, les premiers comptes rendus nous annoncent que la compagnie d’infanterie parachutiste est sévèrement « accrochée ». Une demande d’évacuation de blessés tombe sur les ondes radio. L’état-major se mobilise et attend mes consignes. Même si le contexte est très particulier, je suis serein : le soutien s’organise comme nous l’avions planifié. Malgré la fatigue physique et l’isolement, les équipes médicales, insérées dans le dispositif militaire, assurent, de manière déterminante, la prise en charge initiale des blessés. Le matériel largué leur donne les moyens rudimentaires mais suffisants pour garantir la survie des blessés. Par la suite, nous profiterons de la zone où nous avons été largués pour faire poser un avion médicalisé afin d’évacuer, dans les plus brefs délais, les blessés vers une antenne chirurgicale. À ce stade, nos objectifs sont atteints grâce à notre préparation opérationnelle adaptée et nos compétences médicales en situation hostile. « Sur le même bateau… » : une médecine à la mer L. VERMEULEN, D. GUNEPIN Missions interalliées en Atlantique Nord Orchestrées par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ces missions-exercices, de 1 à 2 mois sont l’occasion de déployer des bâtiments en Atlantique Nord principalement autour de la Norvège, Suède, Islande, Irlande, Royaume-Uni et des Pays-Bas. Ces exercices mettent en jeu plusieurs bâtiments de fonctions et de nationalités variées. Les interactions avec les médecins des bâtiments étrangers et les autorités rencontrées permettent de comparer nos pratiques, matériels, formations et protocoles. À plusieurs reprises, lors de ces exercices, en tant que jeune médecin diplômé du brevet de médecine navale, j’ai dû porter assistance à des bâtiments étrangers sans infirmier et ou sans médecin. Cette assistance concerne des urgences ou tous types de problèmes médicaux. Dans ces situations, l’apport 284 tranches de vie de l’échographie et de la radiographie est une réelle plus-value pour le diagnostic. De plus tous les marins (français et étrangers) se mobilisent pour faciliter la prise en charge du ou des blessés par le médecin. Il existe vraiment au sein de l’univers de la Marine une cohésion très forte dans la difficulté qui me rend fière de faire ce métier de médecin embarqué. La reconnaissance de notre savoir-faire et du service rendu sur les bâtiments français et étrangers est réelle et sincère. Alerte et disponibilité La sûreté et la protection de la façade atlantique, où siège notre principale force de dissuasion nucléaire : les Sousmarins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), nécessitent un régime d’alerte particulier. Ces missions sont soumises à modifications de dernière minute en fonction des conditions météorologiques, des avaries, de la circulation des bâtiments étrangers sur nos côtes… Le préavis de ces modifications est de moins de vingt-quatre heures. Ces périodes d’alerte (un mois sur deux le plus souvent), sont partagées entre les différentes frégates. Lors de ces périodes, le commandement du bâtiment peut réduire le temps de ralliement en fonction des impératifs opérationnels. À plusieurs reprises j’ai été appelée le week-end ou en vacances pour rallier le bâtiment en moins de six heures. Cette disponibilité, parfois pesante familialement, doit rester un principe fort de notre engagement de médecin des forces. La vie à bord Le médecin est le conseiller privilégié, « sans filtre » du commandement dans le domaine de la santé, du bienêtre de l’équipage, de l’hygiène et de la prévention. Cette relation privilégiée permet de gérer rapidement et efficacement les situations d’urgence (évacuation sanitaire, modification de la route du bâtiment pour améliorer la stabilité de celui-ci le temps d’un soin risqué…). La gestion des difficultés relationnelles, du harcèlement moral, du mal-être au travail, des problèmes sociaux ou familiaux incompatibles avec le statut embarqué est dépendante de cette relation médecin-commandement. À bord, outre la fonction de soignant, le médecin est aussi l’officier « distraction ». Ce rôle consiste à organiser les escales des marins, gérer les activités de cohésion et de loisir à bord. Cette fonction originale et pour le moins hors cœur de métier m’a pourtant beaucoup aidée lors de mes premiers mois d’embarquement en facilitant les contacts avec l’équipage tout en « prenant la température » du bord. © Vermeulen. L’isolement Sur le remorqueur de haute mer « Malabar » , lors de l’exploration des routes au nord du Groenland et lors de la traversée de l’Atlantique, nous étions à plusieurs reprises à plus de cinq jours de mer du premier hôpital. L’objectif de ces missions pour le médecin est de pouvoir prendre en charge les marins en toutes circonstances et sans possibilité d’aide extérieure dans des locaux spartiates et avec le minimum de matériel. Ce bâtiment ne possède qu’un accès internet extrêmement limité : un mail par jour et par personne en texte seul, sur une adresse unique pour tout l’équipage du bord et sans accès à Google, Internet explorer, Mozilla… ni aux boîtes mail personnelles civiles ou militaires. Il faut savoir partir avec la documentation médicale la plus adaptée. L’accès au téléphone est variable en fonction de la localisation et des conditions météorologiques. Cet isolement que l’on peut ressentir comme valorisant est aussi très stressant. La moindre situation qui peut dégénérer, et mettre en jeu le pronostic vital ou fonctionnel, suscite une poussée d’adrénaline. Au total, le métier de médecin embarqué est passionnant dans bien des domaines. L’interaction avec le commandement et les marines étrangères est enrichissante. L’adaptabilité constante demandée à bord des bâtiments rend plus complexe l’obtention de diplômes qualifiants et le suivi de formations. Le statut particulier de praticien isolé est particulièrement valorisant tout en favorisant une grande indépendance très tôt dans le cursus. « Années lycée et crises d’ado… » : médecin en lycée militaire MC F. ROBIN, MC (R) L. PAPILLAULT, MP (R) A.-L. BRETON Il existe actuellement en France six lycées militaires : Lycée Militaire de Saint-Cyr-l’École, Prytanée National Militaire de La flèche, Lycée naval de Brest, l’École des Pupilles de l’Air, Lycée Militaire d’Aix-en-Provence et médecine et armées, 2017, 45, 2 285 Lycée Militaire d’Autun. Ce sont des établissements d’enseignement secondaire classiques permettant la scolarisation en internat d’élèves garçons et filles depuis la classe de seconde, parfois depuis la sixième. Ces lycées présentent quelques particularités par rapport au secteur civil, en effet les enfants scolarisés sont majoritairement des enfants de militaires, d’agents du ministère de la Défense et de fonctionnaires et permettent après le baccalauréat la préparation aux concours d’officiers des armées en classes préparatoires. L’encadrement des 700 élèves présents en moyenne dans chaque établissement est assuré par du personnel militaire (chefs de section et commandants d’unité) alors que les cours sont dispensés par des professeurs détachés de l’éducation nationale. Le dispositif médical en place dans les lycées L’offre de soins dans ces établissements est bien supérieure à celle qui existe en secteur civil : l’activité y est relativement importante, elle est centrée sur le soutien aux élèves (environ 20 consultations quotidiennes au sein de chaque lycée) et sur une activité d’aptitude et d’expertise liée à la présentation aux concours des grandes écoles militaires. Ces soins sont assurés par un médecin militaire d’active à temps plein, parfois par des médecins scolaires ou réservistes à temps partiel, un médecin psychiatre ou un psychologue complétés par une équipe d’infirmières civiles (deux en moyenne) ainsi que deux à trois aides-soignants ou auxiliaires sanitaires sans oublier une secrétaire. Un mode d’exercice singulier L’exercice d’un médecin généraliste militaire soutenant une population de 700 jeunes internes de 15 à 22 ans, parfois dès 10 ans (lycée militaire d’Autun et l’École des pupilles de l’Air) au sein d’un lycée de la Défense est spécifique car la prise en charge d’un patient adolescent est toujours singulière. L’adolescence est en effet une période de transition marquée par de nombreuses transformations. Ainsi, l’équilibre de l’enfant se fragilise : le rapport au corps, l’évolution de l’autonomie, la construction de la personnalité et la socialisation vont évoluer construisant pendant ces années l’adulte qu’il va devenir. En consultation médicale l’adolescent doit être considéré comme un individu singulier capable de participer autant que possible au processus de prise de décision tout en gardant à l’esprit qu’il n’a pas encore toute l’objectivité d’un adulte. Les manifestations des symptômes sont éminemment variables en fonction de l’enfant-adolescent et de son rapport avec autrui. Ainsi encore plus que dans la population générale, la consultation de cet « être en devenir » doit être extrêmement adaptée à l’individu et à son niveau de maturité. Les adolescents n’aiment pas particulièrement se découvrir Figure 2. Lycée militaire d’Autun tant sur le plan physique que psychologique et n’ont (intradef). pas forcément envie de parler à quelqu’un qu’ils connaissent mal et auquel il leur semble difficile d’accorder leur confiance d’emblée. Certains d’entre eux viennent chercher à « l’infirmerie », ou Figure 1. Élèves du lycée service médical, un naval lors d’une cérémonie lieu d’écoute, parfois (intradef). de réconfort auprès des infirmières ou des aidessoignants d’autant plus que quelques-uns ne retrouvent leur famille qu’au moment des vacances scolaires. Progressivement, favorisé par le monde confiné de l’internat, le lien de confiance se tisse avec l’équipe du service médical et parfois une consultation pour un traumatisme bénin permet de dépister une souffrance psychique qui peut être ainsi prise en charge rapidement. Ainsi, ce métier nécessite d’avoir des qualités d’écoute et d’empathie particulièrement développées. La plupart de ces jeunes gens traversent la période de l’adolescence sans encombre, gardant le souvenir de ce séjour en internat comme un enrichissement et un épanouissement personnels. 286 tranches de vie Un champ de prévention et de dépistage inestimable La spécificité de l’internat et la facilité d’accès aux soins pour ces adolescents en lycée militaire offrent un champ de prévention et de dépistage inestimable, largement supérieur aux possibilités données en médecine scolaire civile voire en médecine de ville. Classiquement en médecine générale, ils représentent la classe d’âge qui a le moins recours aux soins lors de difficultés psychiques. Ce repérage précoce et cette prise en charge rapide concernent tout particulièrement les troubles du comportement alimentaire mais aussi la prévention de la dépression et du suicide de l’adolescent, enjeu majeur de santé publique. Le métier de médecin des armées en lycée militaire est ainsi une pratique de la médecine de soins originale et passionnante. « Isolé mais pas seul » : soutien santé sur les sous-marins nucléaires d’attaque par les infirmiers J. PONTIS, O. HOLUB, B. SCHNEIDER, M. BOHIC, M. AGOUSTY, D. ZIDOUR, J.E. BLATTEAU, C. LAFFERRERIE Dimanche, 22 h 00, au fond du canapé, un « James Bond » à la télé… le téléphone d’astreinte de permanence médicoradiologique sonne… C’est l’infirmier d’un Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) en patrouille en Atlantique. « Allô ? Docteur ? Allô ? Non, je vous entends mal… J’ai mon MOTEL (maître d’hôtel) qui est tombé dans une échappée… il hurle, il est en vrac, je n’arrive pas à le bouger malgré la morphine et il a des fourmis dans les jambes… ». Revient alors dans mon esprit l’image du second maître transmetteur tombé de 5 mètres dans le massif de mon SNLE 2 ans plus tôt : pneumothorax bilatéral, fractures costales et vertébrales… Bon… après quelques conseils de prise en charge immédiate, une MEDEVAC paraît inévitable… « Où êtes-vous exactement ?… », « Non, Doc, un hélico, ce n’est pas possible ! On se fait brasser ! Il y a mer 5… », « Bon, OK… trop dangereux ». Après de nouveaux conseils de stabilisation et de surveillance, j’arrive à convaincre le commandant en second du SNA de se rapprocher des côtes pour l’évacuer. Vingt-quatre heures plus tard, ce sont finalement l’hélicoptère et le médecin d’une frégate française qui croise non loin qui récupéreront le blessé. Plus tard sur cette même mission, l’infirmier sera également confronté à des malaises hypotensifs sévères atypiques. Une nouvelle fois le médecin d’astreinte sera sollicité et décidera d’une évacuation. Quarante-huit heures plus tard, le diagnostic d’insuffisance surrénalienne aiguë sera posé à l’hôpital… Sauf exception (raison opérationnelle, isolement extrême), le soutien médical des SNA est assuré uniquement par un infirmier. Isolé sous l’eau, avec des possibilités de communication souvent inexistantes, il a la lourde tâche d’établir des diagnostics, de prendre des décisions thérapeutiques complexes et ainsi de garantir au commandant la continuité de la mission. Les principaux risques spécifiques à bord des SNA, milieu « industriel » exigu en atmosphère confinée, sont le traumatisme grave, l’intoxication par les fumées d’incendie, véritable hantise du sous-marinier, l’électrisation et le risque radiologique. Les médecins de l’Escadrille des SNA (ESNA) ont différentes missions : la mise Figure 1. Treuillage d’un médecin sur en condition opérationnelle et soutien des un sous-marin nucléaire d’attaque équipages de SNA à quai, embarquements (Marine nationale). ponctuels pour des missions nécessitant un renfort médical. Ils ont également le devoir de maintenir un haut niveau d’exigence dans la formation continue des infirmiers (cours théoriques, participation aux consultations médicales à l’infirmerie en plus des « recyclages » hospitaliers et pré-hospitaliers). Ils mettent à jour la dotation en matériel et médicaments ainsi que les protocoles thérapeutiques destinés aux infirmiers. Toujours dans ce souci d’exigence et pour enrichir la formation médicale continue des paramédicaux embarqués, deux projets sont en cours : la création d’une filière d’Infirmiers hyperbaristes (IH) adaptée aux spécificités de la survie et du sauvetage d’un équipage de sous-marin en milieu hyperbare et le développement d’un partenariat avec l’antenne toulonnaise du médecine et armées, 2017, 45, 2 287 Centre d’entraînement et de simulation à la médecine opérationnelle (CESimMO) pour des simulations à bord des SNA autour de thèmes adaptés aux risques spécifiques de ce milieu très particulier. Non, les infirmiers de SNA ne sont pas seuls… Glossaire Échappée : petit escalier étroit Massif : partie verticale du sous-marin ou kiosque « Cauchemar de Noël… » : médicalisation d’une intervention du Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale O. DUBOURG, C. BOUTILLIER DU RETAIL, R. ROFFI, F. RAMON, D. COMMEAU, Y. FRESSANCOURT Nous sommes à l’approche de Noël, en pleine soirée cohésion pour les familles de la force d’intervention du Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), à Satory. Soudain, certains visages, auparavant rieurs, se font graves. Quelques secondes plus tard, tous les bippers de la section d’alerte raisonnent… Il faut partir, devant les familles, pour une prise d’otage. L’homme retient un enfant et a ouvert le feu sur les forces de l’ordre, à plusieurs reprises. Nous roulons à vive allure sur la route pluvieuse, en convoi. Durant le trajet, des informations nous parviennent peu à peu, grâce au réseau radio équipant chaque véhicule : environnement immédiat et configuration des lieux, circonstances du drame, articulation du dispositif tactique. Si un assaut d’urgence s’avère nécessaire immédiatement, nous discutons la place des éléments santé avec l’infirmier (photo 1). Tout gain de temps est précieux : notre binôme médecin-infirmier, dans le même véhicule, essaye d’anticiper une éventuelle prise en charge et met en alerte le Service d’aide médicale urgente (SAMU) concerné géographiquement. Dès notre arrivée, nous sommes « briefés » collectivement dans une salle de la mairie, avec les derniers éléments recueillis par les négociateurs à pied d’œuvre depuis plusieurs heures. Le plan d’assaut d’urgence est brièvement complété. La configuration des lieux et le fait que le preneur d’otage est seul nous font décider de garder notre binôme groupé, dans un des deux groupes tactiques. Nous déposons une partie de notre matériel santé à Figure 1. Infirmier. la mairie. Pour les communications, nous disposons d’un canal santé dédié afin de coordonner nos moyens sans perturber le canal commun au groupe tactique. Après une rapide discussion avec les pompiers présents, nous reprenons Figure 2. Colonne GIGN. contact téléphonique avec le centre 15 et compte tenu des délais de ralliement de l’antenne du Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) la plus proche, demandons le pré-positionnement d’un véhicule médicalisé. Protégés par nos équipements balistiques, sac médical d’urgence sur le dos et bouteille d’oxygène à la main, nous progressons discrètement vers une des façades de la maison. La pression ajoutée par la présence d’un enfant est palpable… L’attente débute alors, dans un froid pinçant. Au petit matin, après une longue lutte contre le sommeil et le froid, les premières nouvelles des négociateurs se veulent rassurantes : le preneur d’otage semble plus calme. 288 tranches de vie Soudain, nos radios grésillent. Courant vers nous depuis le poste de commandement, du chef de section la voix haletante ordonne de donner l’assaut : « il va tuer l’enfant, assaut, assaut ! ». Les secondes suivantes semblent hors du temps. Les coups sourds du bélier contre la porte d’entrée sont entrecoupés de détonations sèches, puis suivis d’un silence tendu. Enfin, le message radio tombe, laconique : « le doc, vite !». Notre binôme s’élance vers la maison, à l’intérieur de laquelle nous sommes guidés vers une pièce. J’ai le temps d’apercevoir l’individu, qui ne semble pas blessé, maîtrisé dans un coin de la pièce. Ce que nous redoutions le plus est arrivé : l’homme a tiré sur l’enfant. Je me fais confirmer l’absence d’autre blessé et nous prenons en charge la petite victime, porteuse d’une plaie thoracique gauche transfixiante. Un opérateur du GIGN a plaqué sa main sur l’orifice antérieur, très hémorragique. L’enfant vomit du sang. Il faut se concentrer sur les gestes de survie et aller vite. Juste avant la décision de l’assaut, malheureusement, le véhicule SMUR a dû repartir pour sa relève et je demande qu’on les rappelle. Notre binôme santé est bien complémentaire et la répartition des tâches aide à maîtriser notre stress. L’expérience acquise lors des gardes pré-hospitalières permet de dérouler la prise en charge. La mise en condition se poursuit après l’arrivée du SMUR, puis l’enfant est évacué vers une structure chirurgicale. Quelques heures plus tard, la bonne nouvelle tombe, l’enfant est sauvé, le chirurgien thoracique précisant tout de même qu’il a perçu le péricarde à l’exploration de la plaie ! La mission première de la présence d’un médecin et/ou d’un infirmier dans une colonne d’assaut du GIGN est la médicalisation quasi immédiate d’un opérationnel blessé. Certains éléments de ce soutien santé au plus près sont constants : la progression se fait la plupart du temps à l’arrière de la colonne, du côté de moindre menace ; l’équipement de protection balistique est le même que celui des opérationnels ; l’armement diffère évidemment, il n’a pour but que l’éventuelle auto-défense immédiate. Les contacts visuels et radio permettent à la fois de suivre pleinement l’action en cours — donc de savoir se positionner au mieux au sein de la colonne d’assaut — et porter secours aussitôt que possible à un opérateur blessé en cours d’action, sur les bases du sauvetage au combat. Cette fonction de soignant nous amène également à prendre en charge d’éventuels blessés sur les lieux de l’intervention, avant de les confier aux services de secours civils. Cette médecine de « l’extrême avant » au sein du GIGN souligne la quintessence des exigences des métiers de médecin et d’infirmier militaires : « en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances ». « Costume, cravate exigés ! » : soutien médical ministériel E. LE GONIDEC, Y. LE GOFF Médecin généraliste diplômé en médecine d’urgence ayant passé plusieurs années auprès des forces, j’ai décidé de me porter volontaire pour rejoindre le cabinet du Premier ministre. Ma candidature ayant été retenue par la Direction centrale du Service de santé des armées et le médecin-chef de Matignon, je suis reçu par le chef de cabinet pour mon premier entretien d’embauche. Guidé par un garde républicain, je traverse la cour d’honneur puis franchis le perron, maintes fois vu dans les médias. Le bureau du chef de cabinet se trouve au pied de l’escalier en stuc menant au bureau du Premier ministre. Je suis reçu par un homme affable, direct et pressé. Le rythme est donné. Il m’explique en quelques mots les qualités requises : compétences techniques, disponibilité, discrétion et intelligence de situation. Ayant à peine quitté la rue de Varenne, je suis contacté par le médecin-chef : « ta candidature a été retenue. Rends-toi disponible, tu feras ton premier voyage officiel en doublure dans quinze jours ». Installé dans le train qui me ramène, je mesure la chance d’être médecin militaire : faire un métier aux multiples facettes, que seul le Service de santé des armées propose. Quelques jours plus tard, intimidé dans ma nouvelle tenue de travail, ma valise cabine au bout du bras, je rejoins Matignon. Nous partons en convoi vers l’aéroport d’Orly pour rejoindre directement l’avion floqué « République Française ». À bord, le service proposé par l’armée de l’Air ne me rappelle pas vraiment celui dont j’avais bénéficié lors du retour de ma dernière opération extérieure… Je profite du vol pour rencontrer le staff technique : aide de camps, intendant, transmetteur et policiers du service de la protection. Je suis rapidement rassuré par l’ambiance familiale, qui m’expliquent-ils, se construit entre autres au cours des voyages préparatoires. Ces missions permettent à chacun d’organiser le futur déplacement officiel. Le médecin, après une analyse précise des moyens sanitaires du pays hôte, doit organiser les secours pour offrir le meilleur niveau de soins pour tous les membres de la délégation. C’est l’occasion de découvrir d’autres systèmes de santé et des problématiques bien différentes selon les pays. Ainsi quelques mois plus tard, après avoir demandé au directeur d’un hôpital universitaire vietnamien si sa structure offrait un plateau technique neurochirurgical, je me retrouverai dans une pièce, aussi grande qu’un gymnase, au milieu de dizaines de traumatisés crâniens sous ventilation mécanique, victimes d’accident de deux roues… Quelques heures après avoir posé, les rencontres, les forums, les conférences de presse s’enchaînent. Il faut rester vigilant et anticiper en permanence. Interdiction de manquer le départ du cortège ! Lors d’un court passage à l’hôtel, qui ne m’évoque pas franchement un casernement militaire, je retrouve ma valise cabine déposée à Matignon. À côté, je note la présence rassurante du sac « de réserve » qui va me permettre de médecine et armées, 2017, 45, 2 289 recompléter mon sac médical. Outre du matériel d’urgence miniaturisé, il comporte de nombreuses spécialités de Figure 1. Hôtel Matignon médecine générale permettant © MC Le Gonidec. de répondre à la tourista d’une journaliste politique ou à la rhinorrhée d’un chef d’entreprise. Ce premier voyage vient me rappeler toutes les exigences et les spécificités du poste. Outre une disponibilité de tous les instants, le médecin de Matignon est un praticien qui doit savoir évoluer seul. C’est le cas dans la gestion du quotidien, en assurant les consultations, en organisant en amont les déplacements, en gérant l’entretien de ses matériels et de sa pharmacie, mais il doit aussi se préparer à l’exceptionnel, faire son métier d’urgentiste. Ce dernier est pratiqué en France de façon hebdomadaire lors de la prise de gardes sur ambulance de réanimation. Celles-ci apportent ainsi une véritable légitimité au médecin en le préparant à prendre en charge, seul, le syndrome coronarien d’une autorité tout en appréhendant l’environnement, que ce soit la pression du chef de cabinet et de la conseillère en communication ou les contraintes imposées par l’agenda et la sécurité. Figure 2. Protocole à l’arrivée de L’avion redécolle. Avant de poser cinq heures l’avion ministériel © MC Le Gonidec. plus tard, le Premier ministre aura pris le temps de me recevoir en toute simplicité, loin du tumulte du voyage officiel… Je repense encore souvent à ce retour en avion où je me suis dit que je ne devais pas me laisser enivrer par les fastes de la République et ne jamais oublier que j’étais médecin militaire. 290 tranches de vie TÉMOIGNAGE MÉDECIN DE MARINE, DU CRABE TAMBOUR À 2016 X. Fouillanda, C. Campéonb, M-L. Vaissiéb, M. Ducombsb, D. Gunepinb Introduction La France est une des grandes puissances maritimes, elle possède la deuxième surface économique exclusive au monde, sa Marine est présente en permanence sur tous les océans (fig. 1). L’équipage de certaines unités, en fonction de leur taille, des missions auxquelles elles sont destinées ou des zones dans lesquelles elles vont évoluer, comprend une équipe médicale. Son travail à bord est un exercice Figure 1. Ravitaillement à la mer par mauvais temps. © Dr Fouilland atypique et polyvalent. L’activité 2016. du service médical peut être divisée en trois volets : produire du soin, prévenir mener des opérations. Produire du soin Un service médical embarqué est un petit hôpital flottant : l’activité de soin ne pourra se cantonner qu’à l’examen clinique et à la prescription. Une fois les amarres larguées le soutien en produit de santé ou en matériel devient complexe et l’autonomie est la règle. Notre contrat est d’amener en mer une « médecine au standard 2016 ». Dans un monde extrêmement normatif, c’est un défi quotidien. a BCRM Brest, FREMM Aquitaine, Service médical – 29240 Brest Cedex 9. b Service médical de la force d’action navale – 29240 Brest Cedex 9. X. FOUILLAND, médecin des armées, praticien. D. GUNEPIN, médecin en chef, praticien confirmé. M.-L. VAISSIÉ, médecin des armées, praticien. M. DUCOMBS, médecin des armées, praticien. C. CAMPÉON, infirmière en soin généraux de 1er grade médecine et armées, 2017, 45, 2 291 L’équipe médicale devra ainsi veiller à toute la partie santé du bâtiment en commençant par l’état des locaux de soins et de leur aménagement (où la rouille et la désuétude peuvent être parfois rencontrées) sans oublier leur propreté (fig. 2). Il lui incombe également de s’assurer du bon fonctionnement et des révisions périodiques des matériels sachant qu’aucune Figure 2. Infirmerie d’une frégate anti sous-marine. © Dr Fouilland réparation ne sera possible une 2012. fois en mer ! Avoir un appareil de radiographie embarqué implique aussi le suivi de la réglementation en matière de radioprotection, de s’acquitter de contrôles périodiques de cet appareil et de la surveillance des dosimètres individuels. Enfin, elle a sous sa responsabilité l’approvisionnement en produits de soin, leur stockage et la surveillance des péremptions. Parallèlement à cette préparation matérielle il lui faut assurer la gestion administrative du service : envoi des messages épidémiologiques hebdomadaires, des suivis quotidiens, mensuels et trimestriels d’activité. Enfin, et bien évidemment, il y a le soin. Un des points marquants de la pratique embarquée est la dimension « d’équipage » et donc de patientèle. Nous connaissons les personnels que nous soignons, nous les côtoyons sur leur lieu de travail et vivons avec eux. L’activité est celle d’une antenne médicale, avec une attention particulière à porter aux évolutions potentielles de certains tableaux cliniques du fait de l’isolement. La confidentialité médicale est très difficile à conserver sur un navire : nous sommes des soignants immergés au milieu de leurs patients. Elle est pourtant un essentiel de la confiance qui nous est accordée. Il arrive qu’un marin évoque spontanément ses problèmes de santé à son chef alors même que nous refusons ces détails à ce même chef… Prévenir La mise en œuvre de la prévention en médecine embarquée est une nécessité incontournable qui permet de boire avec confiance l’eau du bord, de s’alimenter en sécurité et de ne pas découvrir en mer qu’un marin souffre d’une pathologie 292 médecine et armées, 2017, 45, 2 susceptible de décompenser : il y a la prévention « hygiène » et la prévention « aptitude ». Les médecins de Marine, comme les autres médecins des armées, ont reçu ces formations à la médecine de prévention lors de leur passage à l’École du Val-de-Grâce, ces cours ont été « marinisés » à l’Institut de médecine navale à Toulon et « prennent vie » lors de la première affectation. Sur le versant « hygiène » le médecin est essentiellement présent comme observateur. Son rôle est de conseiller, de s’assurer que les choses sont faites dans les règles de l’art et dans le respect de la réglementation et de tirer la « sonnette d’alarme » des intervenants en cas de dysfonctionnement ou d’anomalie manifeste. Concernant par exemple l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) : le rôle de l’équipe médicale est de contrôler l’existence et la bonne tenue d’un « registre EDCH » et de s’assurer du suivi des travaux sur l’usine de production d’eau tout en vérifiant que les personnels dédiés sont correctement formés. La prévention « aptitude » suit les mêmes règles que dans le reste de nos armées. Sa particularité est liée à l’aptitude à la mer. Il faut savoir rester bienveillant mais ferme dans cette décision dont l’impact, au milieu de l’océan, ou d’une mer déchaînée, peut avoir des conséquences majeures tant pour le personnel et l’équipage que pour la mission. Au plan psychosocial, notre position de médecin du bord nous permet d’appréhender les réalités du métier de nos patients tout en restant en dehors de leur chaîne hiérarchique. Cette proximité crée des circonstances favorables les amenant à se confier plus facilement. Il nous arrive de « désamorcer » des situations personnelles et professionnelles complexes, une action médicale particulièrement bienvenue dans un milieu si exigu et isolé. Mener des opérations Un bâtiment est une unité opérationnelle qui rempli des missions auxquelles prend s’intègre la chaîne santé. Un gros navire est un univers cloisonné dans lequel les intervenants ne se voient pas, ou très peu, et travaillent en interdépendance. Les communications, les plus modernes soient-elles, ne peuvent permettre de s’affranchir d’une coordination préalable. Ainsi sont définis et revus régulièrement des modus operandi sous forme de « planchettes » communes aux différents intervenants et établies en amont des situations que pourrait rencontrer le navire : combat, intervention sécurité, assistance à un navire, évacuation de ressortissants (fig. 3). L’équipe médicale participe à la mise en place des protocoles dans lesquels elle prend part. médecine et armées, 2017, 45, 2 293 Au-delà de la planification des opérations, le médecin, l’infirmier et les brancardiers participent aux exercices quasi quotidiens d’homme à la mer, incendie, voie d’eau, crash hélicoptère, combat… Le positionnement de l’équipe médicale, en dehors de la chaîne fonctionnelle, lui confère Figure 3. Exercice securité sur le BCR Somme. © Mte Lecomte 2016. une « vision extérieure ». En opération le médecin peut percevoir certaines tensions ou fatigue de l’équipage en lien avec l’activité du bateau et doit y être attentif afin d’en informer le commandant, le « pacha », si nécessaire. Sur les bâtiments de la Marine nationale, les brancardiers sont aussi les personnels assurant la restauration. Par conséquent la préparation opérationnelle et leur formation sont une composante majeure de l’activité du service médical. Concernant l’entretien de leur qualification en secourisme, leur motivation peut s’avérer hétérogène, nécessitant d’être entretenue par le binôme médecin – infirmier. Ce dernier doit s’impliquer au quotidien dans leur formation (exercices santé, instruction au fonctionnement des matériels, inscription à des formations de secourisme et stages aux urgences en métropole). Cet investissement, garant d’une prise en charge efficace menée en équipe le moment venu, est source de sérénité pour le médecin (fig. 4). 294 Figure 4. Exercice crash avia sur le BCR Somme. © Mte Lecomte 2016. médecine et armées, 2017, 45, 2 Les spécificités « Marine nationale » Un des premiers aspects spécifiques d’une équipe médicale embarquée est l’appartenance à un équipage. Le médecin et l’infirmier sont, vis-à-vis de leurs patients, des membres à part entière de celui-ci : l’échange avec les autres corps de métiers est permanent. Ils vivent, mangent et dorment à bord souvent plus de 100 jours par an. Une autre particularité est celui de l’exercice en binôme médecin-infirmier. Ce « couple » est le plus souvent formé pour une durée d’affectation de deux ans. Si la relation hiérarchique n’est pas discutable, il s’agit plus d’une collaboration que d’un commandement. Les marins ont beaucoup de mal à percevoir le défi que représente le maintien des compétences d’un médecin généraliste et de son infirmier car ils ne voient à bord que la « partie émergée » de notre travail. Ce décalage peut générer quelques incompréhensions et nécessite de la pédagogie. Enfin vient la possible appréhension devant la multiplicité des taches demandées : la polyvalence exige d’établir ses priorités afin de ne pas se disperser, c’est aussi la chance d’une pratique non répétitive. L’autonomie précoce demandée à un jeune médecin de marine a un coût : elle nécessite réflexion et préparation mais procure une grande satisfaction. La vie « extra professionnelle » Choisir un poste embarqué pour un médecin c’est s’orienter vers une vie active, qui nécessite une grande disponibilité, elle-même dépendante de l’actualité nationale et internationale. C’est le choix exigeant d’une vie exaltante où il faut réussir à préserver un temps pour la famille et sa vie personnelle en mettant tout particulièrement à profit les périodes « à quai ». Celles-ci sont aussi des moments propices à la formation continue et à la réalisation de gardes aux urgences permettant de maintenir son niveau technique. Conclusion Le Service de santé des armées propose une multitude de postes différents. S’orienter vers la Marine nationale c’est faire le choix d’un exercice polyvalent autonome et atypique : la mer est un milieu d’exception passionnant. Ce premier poste en sortie d’internat est un moment capital de la vie professionnelle et personnel d’un médecin des forces. Cette décision mérite d’être mûrement réfléchie. Nous espérons que la lecture de cet article vous permettra de « larguer les amarres » en toute sérénité. Bon vent ! médecine et armées, 2017, 45, 2 295 296 médecine et armées, 2017, 45, 2