Médecine des forces - École du Val-de-Grâce

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Médecine des forces
Nouvelles utilisations du système d’information médical des forces.
Retour d’expérience sur les théâtres d’opérations extérieures et
en centre d’expertise médicale du personnel navigant
P.-A. Renoulta, S. Bisconteb, E. Deheza, C. Dunyachc
a Centre médical des armées de Montauban-Agen, Antenne de Montauban, quartier Doumerc, BP 762 – 82013 Montauban Cedex.
b Centre d’expertise médicale du personnel navigant, Hôpital d’instruction des armées R. Picqué, 351 route de Toulouse, CS 80002 – 33882 Villenave d’Ormon Cedex.
c Centre médical des armées de Toulouse-Castres, Antenne de Courrège, 202 avenue Jean Rieux, BP 14019 – 31055 Toulouse Cedex 4.
Résumé
L’expérimentation du logiciel unique médico-militaire et médical dans les cadres novateurs de théâtres d’opérations
extérieures et d’un centre d’expertise médicale du personnel navigant a été réalisée dans l’esprit d’optimiser la communication
médicale partout où le militaire est amené à servir. Au-delà de ce simple objectif, ce partage inédit de l’information médicale
aura permis de mettre en avant des bénéfices importants au sein du parcours de soins et d’expertise du patient, tout en
optimisant de manière significative le travail des acteurs médicaux. La création d’un dossier médical unique et partagé au
sein du Service de santé des armées ouvre dès aujourd’hui des perspectives majeures de simplification de transmission de
l’information.
Mots-clés : Centre d’expertise médicale du personnel navigant. Dossier médical partagé. Logiciel unique médico-militaire
et médical (LUMM). Théâtre d’opération extérieure.
Abstract
THE NEW USES OF THE MEDICAL INFORMATION SYSTEM OF THE ARMED FORCE: FEEDBACK ON THE THEATERS
OF EXTERNAL OPERATIONS AND OF AN AERO-MEDICAL CENTER FOR FLYING CREW.
The experimentation of the unique medico-military and medical software within the innovative frameworks of external theatres
of operation and of an aero-medical centre for flying crew was carried out, so as to optimize the medical communication,
wherever the Military is called upon to serve. Beyond this simple objective, the unprecedented sharing of medical information
has made it possible to highlight important benefits in the patients’ care and medical expertise, while significantly optimizing
the work of medical staff. The creation of a single and shared medical record within the Health Service of the Armed Forces
opens up major prospects to simplify the transmission of information.
Keywords: Aero-medical center for flying crew. External theatre of operation. Shared medical information. Unique medicomilitary and medical software.
Introduction
Base unique de données de création et de gestion
des dossiers médicaux numériques, le Logiciel unique
médico-militaire et médical (LUMM) s’avère être aussi,
en plein âge d’or du pilotage et de la traçabilité, un
outil de collecte d’information et de simplification du
P.-A. RENOULT, médecin en chef, praticien confirmé. S. BISCONTE, médecin
principal, praticien certifié. E. DEHEZ, médecin, C. DUNYACH, médecin en chef.
Correspondance : Monsieur le médecin en chef P.-A. RENOULT, Centre Médical
des armées de Montauban-Agen, Antenne de Montauban, quartier Doumerc, BP 762 –
82013 Montauban Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 129-136
travail. Après plusieurs années de montée en puissance,
il est en passe de s’imposer définitivement au sein des
Centres médicaux des armées (CMA), et ce aux dépens
du dossier médical papier. L’irruption du numérique
dans un univers médico-militaire formaté et réglementé
bouleverse les habitudes et remet en cause des méthodes
de travail assises parfois sur des décennies de pratique.
Alors que le LUMM se généralise, les univers liés
à la médecine des forces qui ont pourtant intérêt à
l’universalité des dossiers demeurent paradoxalement
peu investis encore dans la numérisation du dossier
médical. C’est le cas notamment des Théâtres
d’opérations extérieures (TOE) et des centres
129
d’expertises. Deux expérimentations en ce sens ont ainsi
été menées en République de Centrafrique (RCA) et en
Irak courant 2016. Une expérimentation, finalement
pérennisée, a été conduite au centre d’expertise médicale
du personnel navigant de Bordeaux.
Quelles sont les contraintes et difficultés rencontrées ?
Quelle plus-value par rapport à l’antériorité ? Quelle
conséquence finalement pour le CMA numérique ?
Après avoir établi un rappel contextuel et un état des
lieux succinct de l’usage du LUMM au sein des CMA,
seront abordé le retour d’expérience en TOE puis en
centre d’expertise afin de mettre en lumière, certes
les défis du projet CMA numérique, mais surtout les
possibilités actuelles d’emploi du LUMM pas ou peu
exploitées.
Contexte
Un peu d’histoire…
L’idée de remplacer le dossier médical papier au profit
d’un logiciel numérique de gestion de dossiers patients
remonte à la fin du siècle dernier, traduite par diverses
applications comme SIMBA (Système d’information
Médicale des bases aériennes).
Le projet SISMU (Système d’Information des Services
Médicaux d’Unités) déboucha sur la livraison au milieu
des années 2000 de la première version du LUMM (1).
Cette V1 fut un échec à la fois industriel et technique :
industriel avec le dépôt de bilan de l’entreprise créatrice,
et technique par les trop nombreuses insuffisances du
logiciel, parfaitement inutilisable dans le quotidien
d’une antenne médicale.
Le changement de conduite du projet, un nouvel
industriel puis une nouvelle gouvernance ont permis
l’arrivée de la seconde version du logiciel. Bien
qu’imparfait, il demeurait plus ergonomique et fluide que
son prédécesseur. Malgré un budget de développement
contraint, sa stabilité a permis sa diffusion, et de
nombreuses antennes médicales l’ont peu à peu adopté.
Après des audits commandés en 2013, le Directeur
central du Service de santé des armées a viabilisé le
projet en donnant cadre, objectif et budget.
Les améliorations de la V2 puis la sortie de la V3
courant 2015 ont permis d’aboutir à un logiciel fiable
utilisé aujourd’hui. Les objectifs de la Direction centrale,
puis les ordres de mise en œuvre (2) ont définitivement
ancré le LUMM dans le paysage de tous les CMA.
LUMM aujourd’hui
Aujourd’hui le logiciel est actif dans tous les CMA
de France métropolitaine et se déploie dans tous les
Centres médicaux interarmées (CMIA) d’Outre-mer
tels les Antilles, la Réunion, la Nouvelle-Calédonie…
Des tests sont en cours au sein des antennes d’expertise
médicale initiale.
Il est accessible par le portail Réseau des professionnels
de santé du Service de santé des armées (REP3SA)
ou par connexion sécurisée via les réseaux Intradef ou
Intragend. Cette diversité apporte une grande variabilité
130
d’usage au quotidien, et donne surtout un sens à une
accessibilité ouverte dans l’espace défense hors CMA.
Il permet ainsi de partager sans restriction de temps,
de lieu ou d’espace toutes les informations médicales
connues relatives à un patient.
La possibilité d’exporter ce Système d’information
(SI) hors du cadre inter-CMA, et d’entrevoir le logiciel
également comme un moyen d’échange et de partage
d’information, a tout naturellement débouché sur
l’idée de son usage en opération extérieure et en centre
d’expertise, compléments logiques du soutien des forces.
Expérimentation sur les TOE : exemples
des Roles 1 de Bangui « Sangaris V » et
d’Abu Ghraib « Chammal »
Principe de l’expérimentation
Depuis son déploiement, la consultation occasionnelle
du SIMForces en Opération extérieure (OPEX) s’est
faite sur plusieurs théâtres. Si on pouvait déjà entrevoir
l’intérêt du LUMM en OPEX, évaluer son usage
quotidien quasi exclusif s’avère être beaucoup plus
instructif. Ainsi sur des théâtres comme la RCA ou
l’Irak dotés de Postes médicaux (PM) durcis à Bangui ou
Abu Ghraib, la mise en œuvre du SI s’est avérée propice.
Il s’agissait alors de délaisser le Livret médical réduit
papier (LMR) durant les consultations, et de n’avoir
comme interface médicale avec le patient que le LUMM,
afin d’en évaluer la pertinence. Il n’y avait pas de double
saisie sur le LMR.
Us et coutumes en OPEX : Le livret médical
réduit
Sa projection impose au militaire de se doter de son
dossier médical réduit. À l’origine, ce dernier était
constitué du LMR et d’un certificat d’aptitude modèle
620-4*1. Le LMR, fiche cartonnée standardisée,
comportait – théoriquement – la retranscription
manuscrite d’un odontogramme, des dernières
données biométriques ainsi que des antécédents
médico-chirurgicaux. En pratique ces données étaient
variablement remplies de par le temps nécessaire
à sa constitution. Conscients de ses insuffisances,
certains médecins d’unité l’ont peu à peu enrichi d’un
électrocardiogramme, d’un audiogramme, voire de la
copie d’éléments du dossier médical (fiche synthèse des
antécédents, dernière visite systématique). Désormais
il peut être extrait du LUMM et ainsi comporter
automatiquement ces données (3).
Une fois sur le théâtre, le LMR est soit conservé
par l’intéressé, soit centralisé au PM, voire conservé
par l’auxiliaire sanitaire de la section. Garant de la
traçabilité de l’information médicale entre la métropole
et le théâtre, il doit être pertinent dans sa conception,
rempli de manière exhaustive à chaque consultation
durant la mission, puis exploité au retour par le médecin
du CMA soutenant l’unité.
p.-a. renoult
Impératifs matériels et limites techniques
L’usage d’un SI médical en OPEX nécessite quatre
prérequis : un ordinateur dédié, une connexion réseau,
un débit suffisant, et enfin l’accès au logiciel.
L’affectation d’un ordinateur professionnel dédié n’est
pas forcément chose acquise en OPEX. Si cela ne pose
pas de problème sur des théâtres installés, la chose peut
se compliquer en phase de montée en puissance de la
force. De plus, pour optimiser l’usage du SI et permettre
ainsi plus de fonctionnalité, il est préférable de compléter
l’ordinateur d’une imprimante-scanner. Les travaux
actuels de sanctuarisation de matériel informatique au
profit des PM vont en ce sens.
Les détachements isolés de volume modeste n’ont
parfois que des connexions satellitaires comme moyens
de communication. Le LUMM étant accessible par
Intradef, les choses sont grandement facilitées par
l’usage répandu de ce réseau sur tous les théâtres, sous
réserve d’installations suffisantes.
Après étude des acteurs des Systèmes d’information et
communication (SIC) des théâtres, il n’a pas été constaté
d’impact négatif de l’utilisation du LUMM sur la bande
passante des réseaux.
Le débit réseau demeure un facteur limitant. En
effet, les moyens satellitaires ayant une bande passante
limitée, la fluidité n’est pas forcément au rendez-vous.
Loin d’être insurmontable au quotidien de par l’activité
globalement plus faible qu’en métropole, c’est une limite
majeure par contre en cas d’affluence de consultations.
La survenue d’une toxi-infection alimentaire à Bangui,
poussant 120 personnes à la consultation en 24h, a pour
cela été très instructive. Dans ce contexte exceptionnel
de forte tension où même le LMR se voit rempli au strict
minimum, l’usage du SI n’est pas la solution immédiate.
Mais il peut trouver son intérêt a posteriori, via sa
capacité de saisie simultanée d’information standardisée
sur plusieurs dizaines de dossiers médicaux numériques
(fonction saisie groupée du LUMM).
L’accès au logiciel enfin demeure la dernière limite.
En OPEX, il n’y a pas de quartier libre de week-end.
Le SI se doit d’être accessible tous les jours, samedi
dimanche compris et ce malgré le décalage horaire.
C’est pourquoi les périodes de maintenance basées sur
les horaires de travail en métropole ne sont pas toujours
les bienvenues. La solution nocturne de week-end a été
avancée pour y remédier.
Réalisations pratiques
L’éventail des possibilités offertes par le SI n’ont
pas toutes été mises en œuvre. Si le LUMM possède
des fonctions qui facilitent entre autres le pilotage et le
contrôle interne, ces besoins ne sont pas aussi prégnants
en mission. Il est plus cohérent d’utiliser un logiciel à
hauteur du bénéfice attendu.
Consultations médicales
La quasi-totalité des consultations médicales
survenues pendant les mandats a été réalisée et intégrée
directement dans les dossiers médicaux numériques
des patients via le LUMM. Seuls les détachements en
poste isolé n’ont pas pu en bénéficier. Ces derniers ont
continué d’utiliser leurs LMR. Les consultations aux
motifs importants ont été numérisées a posteriori pour
fiabiliser l’information contenue dans le logiciel.
Extractions d’informations médicales manquantes
Dans diverses occasions l’accès au LUMM a permis
l’accès aux données médicales d’un patient. Ce fût
le cas lors la prise en charge en urgence au Role 2 de
Bangui d’un patient de gravité Alpha. Le LMR papier
de ce dernier étant manquant, un nouvel exemplaire
avec carte de groupe et antécédents allergiques a été
édité grâce au SI.
Accidents en service et traçabilité
Les registres des constatations des détachements étant
délégués au Role 1, la totalité des Rapports circonstanciés
(RC), Extraits du registre des constatations (ERC) et
Déclarations d’accident présumé imputable au service
(DAPIAS) ont été édités via LUMM puis y ont été
insérés après numérisation.
Exposition ESPT
La totalité des expositions au risque psychotraumatique
a été tracée dans les dossiers numériques des intéressés
grâce à la fonction de saisie de masse du SI.
Avis spécialisés
L’accès du CEMPN de Bordeaux au LUMM,
aux observations, aux pièces jointes comme les
électrocardiogrammes ou photographies insérées depuis
le théâtre, a permis de prendre des avis spécialisés dans
le domaine aéronautique, particulièrement utiles quand
la présence d’un médecin qualifié personnel navigant
(PN) est inconstante sur un TOE.
Évacuation médicale stratégique (STRATEVAC)
La totalité des documents relatifs aux STRATEVAC
(observations, comptes rendus opératoires, fiche
médicale de l’avant, RC, ERC, certificats divers) ont
été réalisés ou intégrés dans LUMM. Les CMA de
rattachement en métropole étaient avertis immédiatement
par le système d’alerte du SI. Cette fonction leur ont
permis d’accéder aux dernières informations médicales
de leurs patients, et de suivre ainsi leur devenir.
Expertises communes en médecine d’armées
L’accès à la totalité du dossier médical numérique a
permis de réaliser des visites révisionnelles du personnel
navigant (VRPN), de manière exceptionnelle des
expertises révisionnelles troupes aéroportées (TAP) et
quelques visites médicales périodiques (VMP).
Visites de fin de mandat (VFM)
La réalisation des VFM sur les théâtres d’opération
permet pour chaque patient de réaliser et tracer la
synthèse médicale de son mandat, de prodiguer conseils,
informations de mise en garde sur le paludisme et
les troubles psychiques post-traumatiques. Nouvel
épisode de médecine d’armée spécialement créé sur le
LUMM, leur compte rendu a été inséré dans la fonction
« Commentaire Actif » du logiciel pour une meilleure
nouvelles utilisations du système d’information médical des forces. retour d’expérience sur les théâtres d’opérations extérieures et en centre d’expertise médicale du personnel navigant
131
visibilité pour les médecins de CMA. Pour la plupart
des militaires projetés, leur traçabilité est grandement
facilitée par la fonction de saisie de masse du SI.
Discussion
Fiabilisation et robustesse du dossier médical
numérique : des avancées majeures pour les
patients et les médecins des forces
Le tracé de l’information n’est plus rompu entre
l’antenne médicale et le TOE, le travail du médecin des
forces, en antenne ou en Role 1 en est donc facilité. Ce ne
fut pas le cas de ce patient d’un mandat précédent dont
le LMR papier retrouvé par hasard contenait un compte
rendu original exhaustif d’un médecin psychiatre. La
continuité de support et d’accès au dossier médical
partout dans le monde est pour le patient une garantie,
à la fois de qualité et de fiabilité, dans sa prise en charge
médicale.
Le numérique n’expose plus à l’illisibilité, à
l’aléatoire de contenu, aux pertes aux conséquences
parfois inquiétantes. Il répond au questionnement
de la possession exclusive à un moment donné de
l’information par le patient ou un tiers, de la violation
du secret médical et de la falsification que le support
papier rend possible.
L’établissement et la numérisation sur le théâtre par
le Role 1 de pièces médicolégales essentielles comme
les RC renforcent les droits du patient, si difficiles à
faire valoir quand ces pièces ont été perdues, ou tout
simplement non établies.
Si la traçabilité médicale numérique au fil de l’eau
n’est pas toujours réalisable sur un TOE, celle des VFM
l’est plus aisément. En effet, non seulement les phases
de relèves sur bases durcies offrent plus de possibilités
d’accès connecté, mais le SI permet également une saisie
de masse en un temps moindre. Véritable trait d’union
entre la mission et la métropole, la VFM est au-delà
du temps médical offert au patient un moyen fiable de
relève entre praticiens d’OPEX et de garnison. C’est
pourquoi, si durant le mandat du patient, à défaut de
pouvoir toutes les saisir, une seule de ses visites devait
être tracée dans LUMM, ce devrait être celle-ci.
Dossier médical numérique et partagé, nouvelle
pratique de la télémédecine
L’interface connectée permet à ses utilisateurs
de consulter simultanément des éléments d’un
même dossier numérique. Observations médicales,
électrocardiogrammes ou encore photos cliniques sont
partagées, discutées, interprétées à distance ouvrant la
voie à une autre application de la télémédecine.
Le partage précoce de l’information apporte une aide
précieuse aux médecins de CMA. Dans la gestion de
crise à l’unité après la survenue de blessés sur un théâtre
par exemple, le conseil au commandement, le soutien
aux familles sont grandement facilités. L’anticipation
et l’organisation notamment sociale d’un retour le sont
tout autant grâce aux pièces de STRATEVAC.
132
Si le LUMM n’est majoritairement utilisé que par
les CMA, rien n’empêche a priori, techniquement ou
légalement, son accès aux autres acteurs médicaux de
la prise en charge d’un patient. Il peut être utile aux
spécialistes des HIA pour l’obtention d’informations
plus complètes sur le patient, aux médecins régulateurs
de l’État-major opérationnel santé (EMOS) pour mieux
évaluer une demande d’évacuation ou encore aux
médecins accompagnateurs d’une STRATEVAC pour
préparer leur mission avec toutes les données complètes
et actualisées de l’état du patient.
Souplesse en médecine d’armée
La pratique d’une expertise en médecine d’armée
nécessite l’accès au dossier médical du patient. Si le
LMR ne le permettait pas, le LUMM en offre par contre
la possibilité partout où il est déployé. Même si l’OPEX
n’est théoriquement ni le lieu ni le temps pour l’expertise,
à la lueur des contraintes de l’exercice de la médecine
des forces, un peu de pragmatisme et de souplesse ne
sont pas à bannir. Les impératifs d’échéance d’expertise
avant projection s’en voient éventuellement reconsidérés
sur les théâtres qui le permettent. C’est d’autant plus
vrai pour les visites révisionnelles spécialisées (troupes
aéroportées, personnels navigants).
LUMM vs LMR papier ?
Opposer LUMM et le LMR n’a probablement pas
de sens, il convient au 21e siècle de considérer le LMR
comme un moyen dégradé et extrait du LUMM, amené
opportunément à le suppléer en cas de difficultés d’accès.
Si le papier a l’avantage de pouvoir être transporté
partout, le SI est par contre manifestement plus sûr, plus
complet, il offre plus de possibilités à son utilisateur.
Conclusions de l’expérimentation (tab. I)
L’usage d’un SI médical tel que le LUMM est très
attractif en OPEX, ne serait-ce que par la fiabilité, la
continuité et la sécurité de l’information qu’il apporte.
La numérisation de visites de fin de mandat exhaustives
ou des dossiers de STRATEVAC en sont les meilleurs
exemples. Son emploi sur le théâtre et en garnison
permet plus de souplesse et de pertinence notamment
en expertise. Si les contraintes résident essentiellement
dans son accessibilité pratique et le faible débit réseau,
une fois ces difficultés dépassées, rien ne devrait alors
empêcher son usage.
Mise en application d’une procédure
d’usage du SIMForces en centre
d’expertise médicale du personnel
navigant
Us et coutumes de la communication CMAcentre d’expertise
Bien qu’intimement liés au SI hospitalier AMADEUS
en usage dans les HIA, les centres d’expertises ont un
p.-a. renoult
Tableau I. Avantages et inconvénients des différents supports de dossier médical
en OPEX.
Les
plus !
LUMM
- Accès à l’intégralité du
dossier médical !
- Pas de perte
d’information entre le
TOE et la métropole
- Continuité de
l’information au moyen
d’un support unique
- Info sur des blessés et
STRATEVAC en temps
réel depuis la métropole
- Autre moyen de
Télémédecine
- RC, ERC numérisés
- Libéralisation de la
médecine d’armée en
OPEX
- Sécurité et confidentialité
DMR
- Utilisable partout
- Rapidité d’emploi
- Accès à un ordinateur et à - Contenu limité, voire très
incomplet selon le mode
Intradef
d’édition
- Le débit réseau !
- Pas toujours présenté à la
- Les périodes de
consultation
maintenance
Risque de violation du
- Les dossiers numériques
secret et de falsification
insuffisamment
des données
renseignés
Les
- Perte de tout ou partie de
moins…
son contenu
- Oublis et autres retards de
réintégration au retour…
- Multiplicité de support
= exploitation aléatoire
au retour dans les CMA
- Écriture pas toujours très
lisible !
habitus réglementaire civil et militaire enraciné du
dossier papier. À la visite, la totalité du dossier patient
est désarchivé et consulté si besoin. À son terme, les
différentes pièces y sont classées, puis le dossier est
retourné aux archives du centre.
La communication entre centre expert et CMA est
basée sur un système de fiches navettes en format papier,
émises à l’occasion des visites préliminaires en antenne
médicale (4, 5). Cette dernière a vocation à récapituler
les éventuels événements médicaux ou professionnels
survenus depuis la dernière expertise et pouvant impacter
l’aptitude du sujet, à porter à la connaissance de l’expert
les dernières données médicales ou biométriques
spécifiques dont il pourrait avoir besoin. À l’issue de la
visite en centre, il est attendu en retour de l’expert qu’il
retourne la décision d’aptitude complétée si besoin d’un
courrier de correspondance.
Confronté à la réalité de l’usage, ce modèle de travail
ne trouve pas de consensuel satisfecit. Quand elle
existe, les experts ne retrouvent pas toujours dans la
fiche les éléments attendus. En antenne médicale, si les
communications téléphoniques permettent aisément le
contact, les correspondances écrites en provenance des
centres d’expertise sont plus rares. Charge au patient
d’y apporter son certificat d’aptitude et de réaliser
oralement le compte rendu de sa visite d’expertise au
médecin des forces.
D’une expérimentation à la pérennisation
En mai 2015, le CEMPN de Bordeaux et l’antenne
médicale de Montauban ont travaillé conjointement à la
mise en place et à l’évaluation de l’utilisation de LUMM
dans le cadre de la visite d’expertise en centre.
L’objectif initial était clair : optimiser les
correspondances médicales entre CEMPN et CMA
(courrier pré visite et réponse du centre), et mettre
à disposition des antennes médicales des éléments
médicaux et administratifs de la visite en CEMPN, avec
comme point d’attention la stricte limitation du surcroît
de temps consacré à cette nouvelle procédure.
La montée en puissance s’est faite en parallèle
du perfectionnement de la procédure, en étendant
l’utilisation de LUMM du personnel navigant de
Montauban à ceux de la garnison de Pau, pour enfin se
généraliser à toutes les unités soutenues par le CEMPN
de Bordeaux le 14 décembre 2015 pour une ultime
« mise à l’épreuve du service », ininterrompue depuis.
Méthodologie de travail
Actions au CEMPN de Bordeaux
La configuration du parc informatique du CEMPN
de Bordeaux lui permet l’accessibilité au LUMM
via le réseau Intradef ou le REP3SA. L’essentiel de
la procédure consiste à numériser, dans un épisode
spécifique du LUMM, l’ensemble des données
recueillies à l’occasion des visites et consultations
au CEMPN de Bordeaux des patients militaires :
certificat d’aptitude d’une part, et d’autre part
biométrie, examen médical, électrocardiogramme,
exploration fonctionnelle respiratoire, compte rendu de
radiographie, bilan orthoptique avec correction optique
optimale, audiogramme, tympanométrie, données
des consultations spécialisées d’ophtalmologie et
d’otorhinolaryngologie, résultats biologiques…
Les conclusions, remarques et recommandations de
l’expert sont portées à l’attention du médecin des forces
en temps réel, via les fonctions de commentaires actif
et d’alerte du SI.
La procédure interne au CEMPN s’est perfectionnée
au fur et à mesure des semaines d’évaluation en fonction
des améliorations proposées par les secrétariats et
de l’appropriation du logiciel : réglage du scanner,
nouvelles utilisations du système d’information médical des forces. retour d’expérience sur les théâtres d’opérations extérieures et en centre d’expertise médicale du personnel navigant
133
numérisation en deux temps, utilisation du trieur… Tout
ceci afin de minimiser le temps passé à la mise en œuvre
de cette nouvelle tâche.
Devant les retours très positifs des unités de la région,
la procédure définitive a été validée en réunion de
service un mois plus tard et officialisée au sein de l’HIA
R. Picqué via le portail qualité ENNOV.
patient sont ainsi amendées. Une meilleure coordination
de son suivi est favorisée. Les failles de sécurité sanitaire
induites par une communication inaboutie entre
professionnels sont corrigées.
Actions en CMA
C’est finalement là que la procédure de
l’expérimentation a été la plus simple. Si le CEMPN a
dû s’approprier les grandes fonctions d’un nouveau SI,
les antennes médicales, déjà utilisatrices au quotidien,
n’ont eu que peu d’actions à réaliser. Il s’agit pour
elles de consolider leur dossier médical numérique
avec les données et examens complémentaires de leur
prévisite. Un message spécifique pouvant être adressé
à l’expert via la fonction commentaire actif du SI, il
n’y a plus de formulaire spécifique ou de fiche navette
en usage.
Généralisation aux autres centres d’expertise
aéronautique
Le CEMPN de Bordeaux a servi de laboratoire au
dossier médical partagé entre centre d’expertise et
CMA. Sa réussite a permis d’établir une procédure
pratique désormais aboutie, efficace et pérenne.
La transposition aux autres centres d’expertise
aéronautique, si elle n’est pas encore actée, est
maintenant grandement facilitée.
Discussion
Nouvelles facilitées en CEMPN
En début de visite au centre, la connexion au dossier
LUMM du PN permet à l’expert de prendre connaissance
instantanément des éléments de la visite pré-CEMPN via
la fonction commentaire du SI, contournant ainsi les
écueils fréquents de la perte ou de l’oubli du papier.
Ce n’est qu’au fur et à mesure de son utilisation qu’ont
été découverts des avantages insoupçonnés jusque-là.
Cela fut d’abord la prise de connaissance d’antécédents,
de consultations à l’unité, de documents médicaux
numérisés (compte rendu d’examen ou d’opération…)
non détenus ou méconnus du centre. En cas d’absence de
prévisite ou de correspondance, le partage d’information
est ainsi maintenu. Les apports sont également dans la
simplification des procédures de tutelles en CEMPN
(compte rendu administratif systématique après chaque
visite aux armées d’appartenance et instances civiles
si besoin), dans l’accès facilité au dossier d’un PN (et
notamment des conclusions de sa dernière expertise)
sans avoir besoin de faire sortir le dossier papier des
archives, dans la traçabilité optimisée de demande d’avis
sur pièces… et au final le gain de temps de traitement
administratif des dossiers par les secrétaires du centre
est significatif.
Le dossier médical partagé : fiabilisation et
croisement des données, consolidation des
expertises et sécurité du patient
Le LUMM devenant ainsi l’interface d’un dossier
médical unique, partagé entre le CMA et le centre
d’expertise, le savoir des principaux acteurs de santé
du patient y est confronté et fusionné.
L’expert, qu’il soit en centre ou en CMA, a désormais
accès à tous les éléments médicaux relatifs au patient.
Ses conclusions n’en sont que renforcées.
Outre les doublons en matière d’examens qui se voient
réduits, les carences informatives quant à la santé du
134
Perspectives
Autre expertise spécialisée : la plongée
Le service de médecine hyperbare et d’expertise de
plongée est chargé, en sus de ses visites initiales et
quadriennales, de superviser les expertises décentralisées
en CMA, réalisées par les médecins compétents en
médecine de la plongée (6). Particulièrement fastidieuse
pour ces derniers, la cohabitation du LUMM avec les
conditions actuelles de réalisation et de supervision
d’expertise pose question là où la retranscription
papier reste encore princeps. Acheminé depuis l’unité
par le patient lui-même, le dossier médical papier,
forcément incomplet et obsolète avec l’usage du
LUMM, sert d’appui aux expertises réalisées en centre.
Il est souhaitable que l’expérience menée au niveau
aéronautique puisse permettre de faire évoluer des
pratiques aux failles désormais criantes.
Expertises médicales initiales
La mise en œuvre du LUMM en Centre d’expertise
médicale initiale (CEMI) apportera une réelle plusvalue, en CMA d’une part ne serait-ce que par le gain
de temps significatif des opérations d’incorporation
et en CEMI d’autre part grâce au recoupement de
l’information médicale avec par exemple la prise de
connaissance d’antériorités qu’il permettra.
Expertises hospitalières
Le rapport intime des CEMPN avec les HIA
auxquels ils sont adossés, partageant le même réseau
et accédant au même SI AMADEUS, laisse présager
d’autres évolutions. L’accès au LUMM sans contrainte
technique du CEMPN de Bordeaux ouvre la voie à
l’expérimentation du SI au sein des HIA. La transmission
de données entre hôpital et antenne médicale, et ce via
le dossier propre du patient est désormais possible. Elle
permettrait de révolutionner la communication entre
HIA et CMA, et un gain de temps formidable dans un
parcours de l’expertise toujours plus exigeant (congés
longue maladie, conseils régionaux de santé…).
Conclusions de l’expérimentation (tab. II)
La mise en place d’un dossier médical partagé via le
LUMM entre CEMPN et CMA a permis de mettre en
p.-a. renoult
Conclusion
Tableau II. Bilan de l’usage du LUMM en CEMPN.
Procédure LUMM
Les
plus !
- Constitution d’un dossier - Maintien d’habitudes et
savoir-faire maîtrisés
médical partagé, commun
entre CMA et CEMPN,
- Rapidité d’emploi du
au contenu fiabilisé et
support papier
enrichi
- Immédiateté de la
mise à disposition de
l’information
- Pertinence éclairée des
expertises
- Optimisation des parcours
de soin et d’expertise
- Simplification de
procédure en CMA par
suppression des fiches
navettes
- Simplification et gain de
temps administratif en
CMA et CEMPN
- Ouverture vers l’usage
en HIA
- Formation et habituation
des personnels du
CEMPN à un nouvel SI
- Investissement initial
Les
moins…
Dossier papier
et fiche navette
- Qualité et exploitation
des fiches navettes
variables, d’un CMA/
CEMPN à l’autre
- Rare correspondance en
retour
- Cloisonnement de
l’information médicale
- Multiplicité des supports
en CMA
- Rôle central du patient
dans le partage de
l’information médicale,
avec son risque
d’omission, de perte ou
de falsification.
évidence de nombreux avantages qualitatifs de pratique
médicale. Il découle de ce savoir partagé plus de fiabilité
dans les informations détenues, plus de solidité dans
les décisions rendues et surtout plus de sécurité pour
le patient grâce à une meilleure coordination médicale.
Les craintes initiales du changement des habitudes se
sont vite évanouies à la faveur des nombreux avantages
pratiques pour tous les acteurs. Porte ouverte sur les
HIA, le succès de l’expérimentation montre le chemin
à d’autres usages possibles et immédiats du LUMM, et
constitue une base solide pour le projet CMA numérique.
Les expérimentations menées sur les TOE et en centre
d’expertise ont permis de mettre en exergue les mêmes
failles de sécurité de l’information médicale des systèmes
en vigueur respectif : information insuffisamment
partagée, risque de perte, transmission laissée à
l’appréciation du patient, manque de coordination.
L’usage d’un SI métier ouvert comme le LUMM
permet de combler ces lacunes, et offre en perspective
un usage largement partagé dans le SSA qui simplifierait
grandement quotidien et procédures actuelles entre
CMA, centres d’expertises, TOE, mais aussi HIA,
direction régionales pour les conseils régionaux de
santé, inspection du service de santé des armées
(ISSA) pour les congés de position de non-activité…
Si ces possibilités sont envisagées avec le projet CMA
numérique, nombre d’entre elles sont réalisables dès
aujourd’hui avec le LUMM (fig. 1).
Figure 1. Atouts et perspectives de l’usage d’un SI commun dans le SSA.
Enfin, comme tout SI, s’il n’est pas parfait et souvent
critiqué, il facilite souvent la tâche de ses utilisateurs.
Encore faut-il prendre le temps et les moyens de se
l’approprier.
Le gouvernement travaille à un meilleur partage de
l’information médicale pour tous les Français, et compte
relancer le Dossier médical partagé (DMP) accessible
sur internet par le patient et les professionnels de santé.
Voulu pour mieux coordonner le parcours de soin, il
est toutefois confronté à de nombreuses difficultés de
mise en œuvre, en médecine libérale comme à l’hôpital.
Il n’a pour l’instant rencontré qu’un succès plus que
modeste (598 091 DMP ouverts au 3/12/2016 ; source
dmp.gouv.fr). Avec le SIMForces et ses applications, le
SSA a déjà un peu d’avance.
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt
concernant les données de cet article.
nouvelles utilisations du système d’information médical des forces. retour d’expérience sur les théâtres d’opérations extérieures et en centre d’expertise médicale du personnel navigant
135
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.Lettre N° 526084/DEF/DCSSA/PC/MA du 18 décembre 2014
relative à la dématérialisation des livrets médicaux.
2.Arrêté du 12 février 2009 portant création d’un traitement automatisé
de données à caractère personnel relatif à la gestion et au suivi des
dossiers médicaux et médico-militaires des personnels du ministère
de la Défense.
3.Lettre N° 503256/DEF/DCSSA/PC/MA du 12 février 2015 relative
à la visite de départ et de retour des missions extérieures
4.Instruction N° 3300/DEF/EMAT/OAT/BEMP du 8 octobre 2014
relative à l’aptitude médicale des spécialistes navigants et non
navigants liés à la mise en œuvre des aéronefs habités et non habités
de l’armée de Terre.
5.Instruction N° 800/DEF/DCSSA/AST/AME du 20 février 2008
relative à l’aptitude médicale aux emplois du personnel navigant des
forces armées.
6.Instruction N° 900/DEF/DCSSA/PC/MA du 21 juillet 2014 relative à
l’aptitude médicale à la plongée subaquatique et au travail en milieu
hyperbare dans les armées.
INFORMATION
Afin d’assurer un suivi régulier de l’acheminement de la revue
« Médecine et Armées », merci de faire parvenir à la rédaction tous
changements d’adresse d’affectation.
« Médecine et Armées »
e-mail : [email protected]
Mme M. SCHERZI
Intradef : [email protected]
1 place Alphonse Laveran
 01 40 51 47 44
75230 Paris Cedex 05
136
p.-a. renoult
Médecine des forces
L’activité du centre médical interarmées de Cayenne
« Personne ne vous croira »
F.-X. Le Flema, N. Andréa, T. Labroussea, E. Martineza, G. Poulaina, W. Atb
a Centre médical interarmées de Cayenne, quartier de la madeleine, CS 56019 – 97306 Cayenne Cedex.
b Centre médical des armées de Rennes, Quartier Leschi, BP18 – 35510 Cesson-Sévigné Cedex.
Résumé
Le centre médical interarmées de Cayenne, tout comme ceux de Kourou et de Saint-Jean-du-Maroni, longtemps desservis
par une image « hostile » de la Guyane, sont pourtant les centres médicaux d’outre-mer les plus intéressants et variés pour
les personnels du Service de santé des armées. Du cabinet de consultation à la forêt en mission « Harpie », les médecins
sont confrontés à des situations uniques qui nécessitent l’ensemble des savoir-faire spécifiques de la médecine militaire.
Cette polyvalence, associée au contexte opérationnel et aux contraintes du milieu équatorial fait des centres médicaux
interarmées de Guyane des affectations passionnantes pour ceux qui se sont engagés pour servir dans la pure tradition du
Service de santé des armées.
Mots-clés : Évacuation aérienne. Guyane. Maladie tropicale. Soutien médical des forces.
Abstract
THE ACTIVITY OF THE HEALTH CENTER FOR JOINT TASK FORCES OF CAYENNE: “YOU NEED TO SEE IT TO BELIEVE IT!”
The “hostile” reputation of Guyana has long been a disservice to the Cayenne Health Centre for Joint Task Forces, as well
as to those of Kourou and Saint-Jean-du-Maroni; yet, for the personnel of the Army Health Service, they provide the most
interesting and varied experience overseas. From the consulting room to the forest, for a HARPIE mission, doctors are
confronted with unique situations that require all the specific know-how of military medicine. This versatility, coupled
with the operational context and the constraints of the equatorial environment, make the Guyana Health Centre for Joint
Task Forces an exciting assignment for those who are committed to serve in the pure tradition of the Army Health Service.
Keywords: Aero medical evacuation. French Guyana. Military medical support. Tropical disease.
Présentation
Le Centre médical interarmées de Cayenne (CMIA-C)
est situé au cœur des Forces armées en Guyane (FAG). Il
prépare et soutient en opération deux unités élémentaires
(le 9e Régiment d’infanterie de Marine, 9e RIMa, et
la Base aérienne 367, BA 367), deux bâtiments de la
Marine nationale, la Gendarmerie, les états-majors
et Directions, soit plus de 2 700 personnels de tous
horizons. Il est composé de 5 médecins permanents, dont
2 titulaires du Brevet de médecine aéronautique et de
défense (BMAD) pour le suivi des personnels navigants
(PN), 1 chirurgien-dentiste, 5 infirmiers, 1 secrétaire de
F-X. LE FLEM, médecin principal. N. ANDRÉ, médecin en chef. T. LABROUSSE,
médecin principal. E. MARTINEZ, médecin. G. POULAIN, chirurgien-dentiste
principal. W. AT, médecin.
Correspondance : Monsieur le médecin principal F.-X. LE FLEM, Centre médical
interarmées de Cayenne, quartier de la madeleine, CS 56019 – 97306 Cayenne Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 137-142
gendarmerie et 6 auxiliaires sanitaires. Ils sont renforcés
par 2 médecins, 7 infirmiers et 4 auxiliaires sanitaires en
mission de courte durée. Chaque médecin est référent
pour une unité ou armée afin que le dialogue avec le
commandement soit facilité. À une activité quotidienne,
souvent « tropicale » déjà passionnante, s’ajoute
une activité opérationnelle soutenue qui s’étend sur
l’ensemble du territoire guyanais, soit 83 000 km2 (le
plus grand département français). Les problématiques
rencontrées sont multiples, les défis nombreux et
motivants. Du médecin aux auxiliaires sanitaires en
passant par les infirmiers, chaque personnel, permanent
ou en mission de courte durée est complémentaire et
apporte sa culture milieu et ses savoir-faire qu’il doit
entretenir et partager. Nous proposons, au travers d’une
semaine d’activité au CMIA-C, de faire découvrir ce
large spectre d’activités offertes par une affectation en
Guyane.
137
Lundi 6 h 30
C’est le rassemblement au CMIA-C. Les médecins
présents font le point de la journée : une mission
« Harpie » (lutte contre l’orpaillage illégal) en cours et
une patrouille sur le secteur de « grande usine » entre
Camopi et Saül qui progresse déjà depuis cinq jours.
D’autres missions de moindre envergure sont également
en cours engageant de nombreux personnels « santés »
(1). La mission « Harpie » est une des Opérations
intérieures (OPINT) du territoire guyanais avec
« Titan » (protection des tirs de fusée) et « Polpeche »
(police des pêches, lutte conte la pêche illégale). Sous la
responsabilité du préfet, la Gendarmerie appuyée par les
FAG maintient une présence permanente dans les zones
les plus reculées de la jungle afin de mettre un frein aux
activités d’orpaillage illégal perpétrées par des Étrangers
en situation irrégulière (ESI).
entre ses pieds, une tape sur l’épaule, un quart de tour
pour ne pas accrocher le patin et il se laisse glisser au
sol vingt mètres plus bas. Dans le souffle des pales,
il se déplace vers l’avant et met un genou au sol. Le
détachement s’est dispersé sur la zone vie du site illégal,
un « curotel » (fig. 2). Ils rassemblent les ESI. La fouille
est rapide : un peu d’or, deux groupes électrogènes, de
la nourriture et des vêtements, de la bâche. L’officier
de police judiciaire fait le bilan et ils procèdent à la
destruction par le feu et à la masse. Ils forment une
colonne et progressent rapidement et en silence vers le
prochain objectif.
7 h
À l’antenne du Groupement d’intervention de la
Gendarmerie nationale (GIGN) de Cayenne, le Médecin
principal C. (MP C.), qualifié en aérocordage perçoit son
« SIG PRO », le pistolet de dotation en gendarmerie. Il
vérifie une dernière fois son matériel, gilet balistique
à port discret, sac avec matériel type « Sauvetage au
combat de niveau 3 (SC3) », quelques médicaments
de soins courants, ration et eau pour la journée… et en
cas de problème son matériel « forêt » (hamac, bâche).
Il sera rentré ce soir si les conditions météorologiques
le permettent. La mission consiste en une mise en
place par dépose en hélicoptère de manœuvre (HM) de
type « PUMA » en corde lisse (fig. 1) pour surprendre
les orpailleurs, détruire un maximum de matériels de
valeur (motopompes, moteurs, groupes électrogènes,
carburants, quads), peut être saisir de l’or et du mercure.
Ils interviendront deux sites sur le secteur d’eaux claires
(à l’Est de Maripasoula), un des plus grands… et plus
rentables de Guyane.
Trois heures plus tard le MP C. se présente à la porte,
il lâche le sac à dos du gendarme qui le précède et qui
disparaît rapidement. Il saisit la corde lisse, la serre
Figure 2. Un curotel - une zone vie d’orpailleurs illégaux.
11 h 15
Le MED E. référente Marine vient d’être contactée par
« le sorcier », nom donné par l’équipage à l’infirmier du
bord. Un marin a eu un accident de moto pendant la nuit
et sort juste de l’hôpital. Il demande une consultation
rapide pour évaluer son aptitude à embarquer. Le patient
présente une entorse de Chopart grave du pied droit. Il va
être immobilisé quatre à six semaines avec une reprise
prévisible en poste sédentaire strict pendant un à deux
mois, ce qui n’est pas compatible avec un poste embarqué
où la pression opérationnelle est très forte. Devant ces
quelques mois d’inaptitude à l’embarquement qui se
profilent, le médecin appelle le « Pacha » (commandant
du bâtiment) pour le prévenir de la longue indisponibilité
de son personnel. Il peut décider de débarquer le patient,
qui rentrerait définitivement en métropole et serait
remplacé par un personnel muté hors plan annuel de
mutation, à partir de deux mois d’inaptitude, ce qu’il
ne fera pas dans ce cas précis.
14 h
Figure 1. Aérocordage sur un site d’orpaillage.
138
Le MP C. se rend compte que le gendarme S. fait un
malaise. Il le fait asseoir et poser son sac. Il procède à
un examen clinique rapide tout en l’interrogeant. Dans
le même temps il lui prend la température. Il relève une
hyperthermie à 38,4 °C. II n’a pas bu beaucoup d’eau,
mais le reste de l’examen est sans anomalie. Il s’agit
probablement d’une déshydratation aiguë avec un début
f.-x. le flem
d’hyperthermie d’effort. Au centre du dispositif, il le
refroidit en l’aspergeant d’eau et en le faisant aérer par
un camarade, de plus, il lui fait boire un litre de Soluté
de réhydration orale (SRO). Un contrôle à trente minutes
montre une nette amélioration, la température a chuté. Ils
anticipent le déplacement vers le point d’extraction pour
modérer l’allure. Il faudra à nouveau faire des rappels
sur les grands principes de l’hydratation au cours d’un
effort en rentrant.
Mardi 6 h 30
Dès son arrivée, le MED A. revoit avec l’infirmier
de soins généraux de premier grade B. (ISG1G. B) le
programme du jour en salle de soin. C’est le « J1 » du
traitement par PENTACARINAT® de la leishmaniose
cutanée de l’adjudant D. Localisée au niveau de son
oreille droite, la lésion était rapidement évolutive.
Contrairement à d’autres patients atteints, il ne se rendait
pas sur le terrain pour des missions opérationnelles
mais c’est un fervent adepte du « trail » en forêt.
Le MED A. parcourt le dossier médical, la dernière
biologie, l’électrocardiogramme (ECG) de référence.
Tout est prêt pour l’arrivée du patient qu’il passera voir
plusieurs fois dans la matinée. Il sera reçu trois fois
cette semaine pour des perfusions sous la surveillance
constante d’un infirmier. Le protocole inclut également
une surveillance biologique, électrocardiographique et
clinique. L’efficacité du traitement sera évaluée à un
mois (2).
11 h 20
Le MED E. qualifiée Personnel navigant (PN) reçoit
en consultation un pilote d’hélicoptère qui se présente
pour une visite d’aptitude au vol dans le cadre d’un
dépassement des quarante heures de vol. Le cadre
opérationnel étant intense en Guyane, les pilotes et
mécaniciens navigants dépassent régulièrement les
quarante heures de vol par mois. Ils sont alors soumis
à une visite médicale où le médecin évalue l’état de
fatigue physique et psychique des personnels navigants
(3). En l’occurrence, le pilote est en parfait état général
et est très motivé pour la poursuite de ses missions, ce
que le médecin lui autorise de faire.
l’équipe médicale d’astreinte, le MP F. et l’ISG1G M.
récupèrent « à la volée » leur matériel santé, des vivres
pour vingt-quatre heures et retrouvent les gendarmes
pour récupérer l’armement. Rapidement arrivés sur base,
le briefing avec des photos aériennes permet d’évaluer
les différents scénaris. L’option de descendre l’équipe
médicale avec une protection est retenue. Il est temps de
décoller. La nuit tombe, une première équipe s’est posée
pour évaluer la situation : les malfaiteurs sont partis, il
n’y a pas de blessé ni d’otage. L’hélicoptère prend le
chemin du retour.
Mercredi 8h
Le MED W. arrive ce jour en Guyane pour sa première
Mission de courte durée (MCD). Le rythme va être
soutenu, demain il perçoit son complément de paquetage
« jungle », son matériel santé, et participe au cours
« fond de sac » avant de partir en formation forêt avec
l’unité tournante de la 2e compagnie (2e Cie) pendant cinq
jours. Il reçoit de nombreux conseils pour la réalisation
de son sac de vie en forêt. Des achats complémentaires
sont souvent nécessaires (sacs étanches, briquet tempête,
coupe-coupe, boussole, sifflet, pince à épiler, etc.). De
retour de la formation forêt, il n’aura que vingt-quatre
heures pour se remettre en condition et partir sur la Base
opérationnelle avancée (BOA) de Maripasoula où il va
soutenir la 2e Cie pour le mois et demi à venir.
10 h
Pour préparer au mieux les personnels en MCD
du CMIA-C à leurs missions, le médecin en chef
A. (MC A.) va présenter à tous les éléments santé
« tournants » les pathologies spécifiques à la Guyane
avec fiches de protocoles pour les personnels isolés.
Dans le même temps, il leur explique la gestion des
évacuations médicales, les « MEDEVAC » qui se font
dans la majorité des cas en hélicoptère avec des délais
d’élongation de plusieurs heures.
18 h
Le téléphone du médecin-chef sonne… un braquage
d’une mine légale serait en cours du côté de Grand Santi.
On annonce un otage, la cuisinière, peut-être des rafales
d’armes automatiques, éventuellement des blessés. La
situation est floue. Une cellule de crise est convoquée
par le Préfet avec présence du médecin-chef du CMIA-C
et le chef du Service d’aide médicale d’urgence (SAMU)
de Cayenne pour évaluer le niveau de soutien santé à
mettre en place. Il est décidé d’envoyer en HM une
équipe de l’antenne GIGN (intégration récente du
peloton d’intervention de la Gendarmerie en Guyane
dans le maillage territorial des antennes GIGN), avec
un soutien par une équipe du CMIA-C au plus près
et le SAMU en renfort sur appel. En quinze minutes,
Le MED M. revient d’une mission inhabituelle. Trois
semaines auparavant elle a géré avec l’Unité de maladie
infectieuse et tropicale (UMIT) du Centre hospitalier
André Rosemon de Cayenne (CHAR) une épidémie de
fièvre Q aiguë chez huit marins de la base navale ayant
participé à une journée cohésion au carbet Marine située
sur les rives de la crique Comté. Tous ont entretenu
des espaces verts avec un « rotofil » et ont présenté
une pneumopathie à Coxiella burnetii dans le mois
qui a suivi. En coordination avec l’épidémiologiste, le
vétérinaire de la Direction interarmées du Service de
santé (DIASS) et les médecins de l’UMIT, une recherche
sur le terrain fut programmée. Pendant cette journée un
peu particulière, des pièges à animaux furent posés, des
recueils d’excréments, des fourmis, des insectes ont été
recueillis pour trouver un éventuel réservoir à Coxiella
burnetii (4, 5).
l’activité du centre médical interarmées de cayenne « personne ne vous croira »
139
15 h 45
Jeudi 5h
Le MP K. est en mission en forêt depuis deux jours
avec une unité du 9 e RIMa. Réveil précoce pour
démonter le bivouac, il doit ranger bâche, faitière
et hamac et manger rapidement. Ils sont partis pour
la journée. L’objectif est de progresser en forêt à
proximité d’une zone d’orpaillage illégal. Ils placeront
un dispositif d’attente tactique et mèneront un assaut
à l’aube, le lendemain. Le médecin avance lentement,
son sac pèse plus de 30 kg. Ils font une pause toutes
les heures et demie.
11 h
Soudain des hurlements retentissent derrière lui :
« mouches à feu ! mouches à feu ! »
Il saisit les bretelles de son sac et se lance au pas de
course loin de la zone à risque. Quelqu’un a bousculé un
nid de petites guêpes de la forêt, les « mouches à feu ».
Une fois dérangées mieux vaut ne pas se trouver dans
les parages. Le calme revenu, les personnels sont assis,
essoufflés, sur leurs sacs. Ils font un point « PAM »
(personnel, armement, munitions) rapide et la progression
reprend. Cinq personnels ont été piqués, mais un seul
semble préoccupant, il a le pouls filant, présente une
urticaire diffuse, une polypnée superficielle et il est très
agité. Rapidement son état de conscience s’aggrave.
Il s’agit très probablement d’un choc anaphylactique.
Il faut être rapide : passer l’alerte, trouver une zone
d’évacuation et surtout initier le traitement. Un poncho
est jeté à terre, une bâche est tendue, il le remarque à
peine. Le médecin sort une ampoule d’adrénaline, dilue
un millilitre dans une seringue de dix millilitres et injecte
trois millilitres en intramusculaire. Dans le même temps,
la perfusion est posée par l’auxiliaire sanitaire titulaire
du SC2. Le remplissage suit. Il faudra une quinzaine de
très longues minutes et deux bolus intraveineux d’un
millilitre d’adrénaline supplémentaire pour rétablir une
conscience et une hémodynamique satisfaisantes. C’est
à ce moment-là que le transmetteur lui tend le combiné
du moyen de transmission satellitaire qui vient d’être
activée. Le médecin d’astreinte MEDEVAC est contacté.
11 h 15
Le MED E. décroche le téléphone d’astreinte. En
forêt, un détachement du 9e RIMa a un blessé. Le
bilan est concis, choc anaphylactique, prise en charge,
coordonnées, description de la zone d’évacuation et
demande de ravitaillement. Le message de demande
d’évacuation, le « 9 lines » est transmis à la cellule
MEDEVAC de l’État-major interarmées (EMIA) ; le
vecteur hélicoptère est prévu, ce sera le « PUMA ». Il
faut décoller au plus vite ! Elle prévient l’infirmière qui
se charge d’équiper le véhicule avec l’auxiliaire sanitaire
de permanence et pendant ce temps gère les contacts
avec l’EMIA et le SAMU. À la BA 367, au pied du
« PUMA », les pilotes, les « mec-nav » (mécanicien
navigant), un « plouf » (plongeur sauveteur) et un
commando s’activent pour préparer l’hélicoptère. Le
briefing est succinct, il faudra utiliser le treuil avec une
140
civière, car le poser de l’hélicoptère est impossible.
Pendant l’heure de vol, le binôme revoit les matériels
nécessaires et prépare les drogues en cas de complication.
14 h
Le MP K. est soulagé, l’hélicoptère arrive. Il observe
la danse des treuils qui descendent l’équipe et le
matériel. À son niveau, il a conditionné le patient au
mieux. Il s’écarte du souffle des pales avec le médecin
de MEDEVAC afin de lui transmettre le dernier bilan du
patient. L’infirmière contrôle les perfusions et la fixation
du matériel. Le patient est stable depuis une heure. Le
MED E. est remontée la première puis le blessé et enfin
l’infirmière. Le vol de retour se passe sans encombre
avec un poser final à l’hôpital de Cayenne où le relais
est pris par le service des urgences du CHAR.
Au sol, dans la forêt, le MP K. a reconditionné son
sac et repris la marche dans les minutes qui ont suivi le
départ de l’hélicoptère.
15 h
Le MP F., médecin référent au 9e RIMa, se rend tous
les jeudis après-midi au point de situation hebdomadaire
du régiment. Les problématiques de l’unité abordées
permettent de connaître la vie du régiment, d’entretenir
le lien avec le commandement et bien sûr de régler
les problèmes « santé ». Aujourd’hui c’est un
problème d’éruption cutanée « étrange » sur la BOA
de Maripasoula qui inquiète le commandement, une
conduite à tenir est demandée. L’antériorité sur la
présence de puces de lit étant connues, le MP F. évoque
cette possibilité et rappelle qu’à l’époque un traitement
mensuel avait été préconisé. Est-il encore fait ? Il décide
de programmer une mission sur Maripasoula pour
résoudre le problème.
15 h 15
De retour d’un stage en forêt, un patient se présente
après avoir reçu un coup au visage durant ce stage.
La dent est luxée. La chirurgien-dentiste principal P
(CDP P.) le reçoit en urgence, réduit la luxation et met
en place une contention. À l’issue de cette consultation
en « urgence », elle reprend ses visites d’aptitude
dentaire dans le cadre des Visites médicales périodiques
(VMP), ainsi que son activité de soins, participant ainsi
au maintien de la capacité opérationnelle des personnels
des FAG.
15 h 45
La fin d’après-midi est le temps des consultations
dédiés aux familles. Mme X. passe la porte avec son
diagnostic sur elle ! Une éruption fébrile typique.
L’interrogatoire confirme la première impression. C’est
un syndrome dengue-like, très probablement due au
virus Zika (6, 7). On avertit alors l’épidémiologiste et
l’interne H. en mission à Cayenne pour sa thèse. La
patiente est incluse dans l’étude ZIFAG (Zika dans les
forces armées en Guyane). Cette étude, dont le protocole
f.-x. le flem
a été élaboré et est mené conjointement par le SSA
et l’institut Pasteur, est la première étude descriptive
prospective de la maladie. Y participent les CMIA de
Kourou et de Cayenne pour les inclusions de cas, le
suivi et les recueils biologiques dans le sang, les urines
et le sperme. C’est un suivi longitudinal d’une année des
patients infectés par le virus Zika. Après information et
accord du patient, le suivi démarre si la PCR (polymerase
chain reaction) pour Zika est positive. Ils sont ensuite
revus de façon rapprochée sur quinze jours puis de façon
fréquente jusqu’à un an.
Vendredi 6 h 30
En consultation, huit cas de paludisme se sont déclarés
après une mission sur « Dagobert », un site d’orpaillage
illégal au sud de Maripasoula. Le commandant C. en fait
partie et revient consulter ce jour après le traitement d’un
accès à plasmodium falciparum, il fut pris en charge pour
un accès à plasmodium vivax avec une récidive le jour de
son anniversaire malgré la prise de PRIMAQUINE®. Le
MP F. vérifie l’état des déclarations épidémiologiques,
le second traitement éradicateur a été efficace, le patient
récupère son aptitude à partir en mission (8).
9 h 45
Le MP L. référent médecine aéronautique, vient
d’être contacté par l’officier sécurité des vols de la
BA 367 composé d’hélicoptères de type « PUMA »
et « FENNEC » mais aussi d’avion de transport de
type « CASA ». Il voudrait avoir des informations
sur la prescription de caféine LP® au profit des PN,
notamment pour les vols de nuit pour les EVASAN
en « PUMA ». En effet les phases de treuil demandent
une concentration maximale et soutenue, parfois
difficile en pleine nuit. Le médecin PN se déplacera
dans l’escadron la semaine prochaine pour présenter
cette molécule à l’ensemble des personnels navigants et
discuter avec eux de l’intérêt opérationnel qu’ils peuvent
en attendre (9, 10).
mordre par un serpent qui n’a pas pu être identifié. Il a
rapidement été chargé dans une pirogue et rapatrié vers
la BOA (base opérationnelle avancée) de Maripasoula.
L’infirmier en place a fait le bilan, il n’y a pas de trouble
hémodynamique, il est non algique et n’a pas de lésion
cutanée en dehors des traces de morsure. Peut-être
s’agit-il d’une « morsure blanche ». La MED E. lui
demande de faire un prélèvement sur tube sec pour
vérifier l’absence de troubles de la coagulation (12).
Le dispensaire le plus proche permettrait d’avoir une
intervention médicale rapide le cas échéant. Il est donc
décidé de le maintenir sur place en observation.
Dimanche 10 h 15
L’EMIA contacte le médecin d’astreinte car un
légionnaire est porté manquant à Saül, village accessible
seulement par voie aérienne au milieu de la Guyane. Il
serait parti il y a plus de vingt-quatre heures en footing
dans les sentiers environnants et n’est pas réapparu.
Il peut s’être perdu ou blessé. Il n’a aucun matériel
de survie. Les missions de recherche en « Quad », à
pied et en hélicoptère « FENNEC » sont en cours.
L’équipe médicale est en alerte pour une intervention
rapide éventuelle. L’officier de permanence des FAG le
recontacte dans la soirée. Le joggeur a été retrouvé et
amené au dispensaire : il s’était tout simplement perdu. Il
sera évacué par voie aérienne civile et récupéré par son
unité à Cayenne. Les conséquences auront été mineures :
une simple déshydratation et une grosse frayeur.
En conclusion
Samedi 18 h 30
La mission « Harpie », la mission « Polpeche », et
la mission « Titan » demandent un investissement de
tous au quotidien, de la programmation à la préparation
physique et technique en passant par l’engagement
individuel en autonomie sur un terrain particulièrement
hostile : la forêt guyanaise.
La présence permanente de militaires et de gendarmes
sur l’ensemble du territoire guyanais pour des missions
engagées physiquement voire dangereuses, nécessite la
mise en place d’une astreinte MEDEVAC 24H/24, avec
une équipe médicale médecin/infirmier. Depuis le début
de l’année 2016, 113 MEDEVAC ont été réalisées par
les personnels du SSA dont 21 médicalisées.
Par ailleurs, les bonnes relations avec le CHAR de
Cayenne, l’Institut Pasteur de la Guyane, et la présence
d’un médecin épidémiologiste à la DIASS, en font aussi
du CMIA-C une unité de recherche scientifique, sur
des pathologies telles que le paludisme, la fièvre Q, la
leishmaniose (13) et le Zika.
Loin de l’image idyllique de certains séjours
outre-mer, la Guyane et ses trois CMIA, ont des attraits
rares qu’ils soient environnementaux, socio-culturels
ou tropicaux. Le caractère opérationnel des missions
soutenues rend le séjour ou la MCD hors du commun,
formateur et certainement inoubliable.
Un appel de Maripasoula : un personnel du groupe
en poste sur le barrage de « papa constant » s’est fait
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt
concernant les données présentées dans cet article.
l’activité du centre médical interarmées de cayenne « personne ne vous croira »
141
11 h 20
Le MP L. est également médecin de prévention. Il
doit se rendre à une réunion de « risque psychosocial »
(RPS). Cette réunion doit permettre de débloquer une
situation conflictuelle au sein d’un bureau d’un service
de soutien de cinq personnels civils. Le chef de la cellule
est suspecté de harcèlement moral par ses subordonnés.
Les arrêts de travail se répètent depuis maintenant
plusieurs semaines. Le commandant d’unité a choisi
de saisir la commission RPS (11) ou siège notamment
le médecin de prévention, l’assistante sociale, les
syndicats. Il va falloir étudier les accusations, et si le
harcèlement semble avéré, trouver une solution rapide
et réglementaire.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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au soutien des activités à risques au sein des armées, directions et
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142
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2012 d’application des dispositions du décret n° 2012-422 du 29 mars
2012 relatif à la santé et à la sécurité au travail au ministère de la
Défense et de l’arrêté du 9 août 2012 fixant les modalités particulières
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136-68.
f.-x. le flem
Médecine des forces
Impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un
effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ?
L. Wilhelma, b, P. Fabriesa, L. Boudina, b, R. Dubourgc, F. Zagnolia, d, F. Caninia, e, E. Saguia, f
a École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran – 75230 Paris Cedex 05.
b Hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, BP 20545 – 83800 Toulon Cedex 9.
c Antenne médicale de Castelnaudary, Quartier Capitaine Danjou – 11452 Castelnaudary.
d Hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre, Rue colonel Fontferrier – 29200 Brest.
e Institut de recherche biomédicale des armées, BP 73 – 91223 Bretigny-sur-Orge Cedex.
f Hôpital d’instruction des armées Alphonse Laveran BP 60149 – 13384 Marseille Cedex 13.
Résumé
Introduction : des exercices calibrés de haute intensité associés au port d’une charge sont répétés et servent d’évaluation chez
les militaires. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’influence du port d’une charge lourde sur la réponse physiologique
de l’organisme lors d’un effort soutenu. Matériels et méthodes : dans cette étude prospective, les sujets effectuaient leur
première marche course de 8 km avec ou sans sac de 11 kg. Les taux salivaires de cortisol, d'α-amylase salivaire, la fréquence
cardiaque, l’anxiété et l’estime de soi ont été évaluées avant et/ou pendant et/ou après l’effort. Résultats : quatre-vingt-un
sujets ont été inclus sur 4 sessions : 1 session sans sac et 3 sessions avec sac. Le taux d’α-amylase augmentait avec l’effort
mais de façon plus marquée dans le groupe avec sac (p = 0,02). Dans le groupe avec sac à dos, la performance était meilleure
pour un taux salivaire de cortisol et d’α-amylase bas. En analyse multivariée, seul un taux d’α-amylase bas avant l’effort
était associé à une meilleure performance. Discussion : les modifications de l’α-amylase pourraient avoir deux origines : à
contrainte inégale l’α-amylase serait un marqueur de contrainte physiologique ; à contrainte égale un taux d’α-amylase bas
pourrait traduire une inhibition du système nerveux sympathique lié à l’entraînement.
Mots-clés : α-amylase. Charge lourde. Contrainte physiologique. Cortisol. Sommeil.
Abstract
THE PHYSIOLOGICAL IMPACT OF CARRYING HEAVY LOADS DURING SUSTAINED EFFORTS.
Introduction: high intensity exercises are repeated and used as evaluation for military personnel. The objective of this study
is to assess impact of carrying heavy loads in physiological response during a sustained effort. Material and Methods: a
monocentric prospective study was realized. Participants did their first 8 km walk/run with or without an 11 kg rucksack.
Salivary cortisol, α-amylase rates, heart rates and anxiety were measured before starting and/or during effort and/or right after
finishing the exercise. Results: eighty one subjects were included in the study, during 4 sessions: 1 session with no rucksack
and 3 sessions with rucksacks. Alpha-amylase rates rose during effort. In the group with rucksacks, the performance did not
depend on sleep time or anxiety, but was better for low salivary cortisol and α-amylase rates. In the multivariate analysis,
only a low α-amylase rate before effort was associated with a better performance. Discussion: the α-amylase modifications
could have two origins: with unequal constraints, here carrying heavy loads, the α-amylase could be a physiological constraint
marker; with an equal constraint, an α-amylase low rate could betray a sympathetic nervous system inhibition due to training.
Keywords: α-amylase. Cortisol. Heavy load. Physiological constraint. Sleep.
Introduction
Durant une activité physique de haute intensité, le
sportif soumet son organisme à d’importantes contraintes
qui en modifient la réponse physiologique (1).
La manière dont un sujet gère son exercice en termes
de durée et d’intensité, est étroitement régulée, et chaque
sportif adapte son rythme à la performance assignée
(2). Au-delà d’un certain niveau, l’activité physique
L. WILHELM, interne des hôpitaux des armées. P. FABRIES, médecin des armées,
CMIA Dakar. L. BOUDIN, interne des hôpitaux des armées. R. DUBOURG, médecin
en chef. F. ZAGNOLI, médecin chef des services, praticien professeur agrégé du Valde-Grâce. F. CANINI, médecin en chef, praticien professeur agrégé du Val-de-Grâce.
E. SAGUI, médecin en chef, praticien professeur agrégé du Val-de-Grâce.
Correspondance : Madame l’interne des hôpitaux des armées L. WILHELM, Hôpital
d’instruction des armées Sainte-Anne, BP 20545 – 83800 Toulon Cedex 9.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 143-152
de haute intensité est vécue comme un stress qui suit
la définition classique décrite par Selye : une phase
d’alarme suivie d’une phase de résistance et enfin, d’une
phase de récupération ou d’épuisement selon la durée et
l’intensité de l’exercice (3, 4).
Les répercussions biologiques de l’exercice dépendent
des contraintes mécaniques et du stress induit par cet
exercice. L’α-amylase et le cortisol salivaire sont des
marqueurs de stress (5, 6) qui s’élèvent durant un exercice
physique via, respectivement l’augmentation de l’activité
sympathique (7) et l’activation de l’axe hypothalamohypophyso-cortcosurrénalien (8). L’exercice augmente
la concentration de l’α-amylase et du cortisol salivaire
d’autant plus qu’il s’agit d’un exercice d’intensité
supérieure à 70 % de la VO2 max (8, 9).
Les déploiements militaires internationaux imposent
des exigences physiologiques considérables pour nos
143
soldats. Des entraînements et des évaluations sportives
permettent à la fois de maintenir leur condition physique
et de les rendre opérationnels. Les personnels militaires
doivent être capables de supporter une charge lourde tout
en maintenant leur performance. Ainsi des exercices
calibrés de haute intensité, comme une course de 8 km
avec un sac à dos de 11 kg à parcourir en moins d’une
heure (8 km correspondant à la distance nécessaire pour
s’extraire d’une zone dangereuse, et une heure étant
la durée maximale acceptable pour s’extraire après
une action) sont répétés et servent d’évaluation chez
les militaires, pour les maintenir dans les meilleures
conditions physiques (10). Dans de telles conditions,
bien que la puissance et l’endurance musculaire soient
maintenues, le port d’une charge lourde accentue les
traumatismes musculo-squelettiques et altère ainsi la
capacité physique des soldats, en augmentant le risque
de blessure (11). Il semble donc intéressant d’évaluer si
le port d’une charge lourde lors de l’exercice accentue
réellement le stress engendré par cet exercice, et apporte
ainsi une plus-value dans l’entraînement opérationnel
des militaires, l’impact du port d’une charge n’ayant
jamais été étudié dans un exercice de haute intensité.
Quel est donc l’impact du port d’une charge lourde
lors d’un exercice intense sur les variables biologiques
du stress ?
Critères d’exclusion/consentement
Les patients ayant déjà réalisé cette épreuve, suivant
un traitement médicamenteux, ou ayant une pathologie
intercurrente, ont été exclus. Les sujets volontaires ont
signé un consentement. Cette étude a fait l’objet d’une
autorisation du Comité de protection des personnes
Ouest VI sous le numéro 2011-A01660-41.
Déroulement de l’étude
Les informations ont été recueillies à plusieurs
moments de l’étude (fig. 2).
Matériels et méthodes
Description de l’étude
Il s’agit d’une étude monocentrique prospective qui
s’est déroulée sur quatre sessions de 72 heures au sein
du quatrième Régiment Étranger situé à Castelnaudary
(Aude). Les sujets inclus de sexe masculin, effectuaient
pour la première fois une course à pied de huit kilomètres
en tenue militaire avec ou sans sac à dos sur terrain plat.
Ils étaient vêtus d’un treillis, de chaussures type rangers,
et équipés d’un sac à dos de onze kilomètres selon les
sessions (fig. 1). L’entraînement a été mesuré par le
questionnaire simplifié d’activité sportive du service de
santé (IM362/DEF/DCSSA/AST/AS du 10 février 1997)
relative à la catégorisation médico-physiologique en vue
de l’entraînement physique militaire et sportif (12).
Figure 1. Sujet équipé.
144
Figure 2. Déroulement de l’étude.
Variables mesurées
Conditions environnementales
Les conditions environnementales ont été relevées
au départ et à l’arrivée de l’exercice (température et
humidité ambiante).
Données biométriques
La fréquence cardiaque a été enregistrée durant
l’épreuve à l’aide d’un cardiofréquence-mètre de terrain
(fig. 3) (Camntech Acti-heart©, Oxford, Royaume
Uni). Elle a été échantillonnée à 128 Hz c’est-à-dire
mesurée 128 fois par seconde. Afin de comparer la
fréquence cardiaque entre les sujets pendant l’effort, une
standardisation a été réalisée selon la méthode décrite
par Vincent (13). Pour chaque sujet, l’ensemble des
fréquences cardiaques mesurées ont été réparties en
40 parties égales, la première partie correspondant au
premier 1/40 du temps de course réalisé par le sujet, etc.
Afin de prendre en compte la corrélation des données
intra-individuelles liées aux mesures répétées de la
fréquence cardiaque, un modèle mixte a été construit
en utilisant la commande « xtreg » sous STATA 9.0, la
composante aléatoire du modèle étant le sujet.
Sur la ligne d’arrivée, la performance a été relevée et
la pénibilité a été mesurée par l’échelle de Borg en dix
points (14) (fig. 4).
La température tympanique a été mesurée au départ
et à l’arrivée de l’exercice (thermomètre électronique
l. wilhelm
10 à 40. Un score supérieur ou égal 34 correspond à une
estime de soi de forte à très forte (annexe 2).
Sommeil
La durée du sommeil a été mesurée par actimétrie de
tronc et auto-questionnaire.
Données biologiques
Figure 3. Sujet équipé du cardio fréquence mètre de terrain.
(Génius li, COVEDIEN©)). En raison de contraintes
techniques, une grande partie des résultats ont été
erronés et ne seront pas présentés.
Les prélèvements salivaires de cortisol et d’α-amylase
ont été réalisés avant le départ, à l’arrivée (fig. 5) et le
lendemain de l’épreuve avec des salivettes (salivettes,
Sarstedt, Rommelsdorf, Germany).
La salive a été congelée immédiatement après le
recueil en attente de dosage à l’Institut de recherche
biomédicale des armées (IRBA) (antenne La Tronche).
Les taux de cortisol et d’α-amylase ont été analysés
dans un second temps grâce aux kits Cortisol salivaire
(Salimetrics®, State College, PA, USA), Kit A-amylase
pour Roche Hitachi (Cobas®, Roche-diagnostic, Suisse).
Analyse statistique
Questionnaires d’anxiété et d’estime de soi
L’anxiété a été mesurée par le questionnaire d’anxiété de
Spielberger (STAI) (15) qui comprend deux parties : une
partie « trait » remplie lors de la visite d’inclusion et une
partie « état », remplie à quatre reprises : la veille, avant,
après et le lendemain de l’exercice. Un niveau supérieur
ou égal à 47 est considéré comme un haut niveau d’anxiété
pour le STAI trait et 41 pour le STAI état (16) (annexe 1).
L’estime de soi a été mesurée par le questionnaire
de Rosenberg (17). Ce questionnaire comprend dix
questions, chacune pouvant être cotées de 1 à 4. La
somme totale est la somme des dix questions et varie de
Toutes les données ont été recueillies sous Excel 2010
(Microsoft®, Redmond, WA, USA), et analysées sous
Stata 11 (College Station, Texas 77845 USA) et SAS 9.2
(SAS Institute Inc., Cary, NC, USA). Dans un premier
temps, les variables ont été étudiées une à une, et la
normalité des variables quantitatives a été recherchée par
le test de Shapiro-Wilk qui ne devait pas être significatif.
Le cas échéant une transformation logarithmique a été
réalisée afin de normaliser une variable de distribution
non gaussienne. Si la normalisation était impossible,
la variable a été laissée telle quelle. Dans un deuxième
temps, les variables ont été comparées deux à deux. La
comparaison de deux variables qualitatives a été réalisée
Figure 4. Présentation du questionnaire de Borg sur la ligne d’arrivée.
Figure 5. Recueil de salive sur la ligne d’arrivée.
impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ?
145
par le test de Chi, ou le test de Fisher si les conditions
d’application du test de Chi² n’étaient pas réunies. La
comparaison d’une variable quantitative de distribution
normale à une variable qualitative a été faite par le test t
de Student, ou une analyse de variance si le nombre de
classes de la variable qualitative était supérieur à deux. La
comparaison d’une variable quantitative de distribution
non normale à une variable qualitative a été faite par le
test de Mann Whitney Wilcoxon, ou de Kruskal-Wallis
si le nombre de classes de la variable qualitative était
supérieur à deux. Dans un troisième temps une analyse
multivariée a été réalisée par régression linéaire. Le
risque d’erreur de première espèce a été fixé à 0,05.
les sessions. Le poids moyen était de 72±7,8 kg. Le
niveau d’entraînement était identique selon les quatre
sessions. Les sujets sans sac ont couru plus rapidement
que les sujets avec sac (45’3’’±4’40’’ minutes versus
38’±3’ minutes) (p < 0,001). Malgré des données
manquantes sur l’entraînement des sujets de la session
2, à niveau d’entraînement et pénibilité (mesuré par
l’échelle de Borg) identiques, dans le groupe avec sac à
dos les sujets de la session 1 ont été moins performants
que ceux des autres sessions.
Anxiété et estime de soi
Le niveau de stress STAI trait entre les quatre groupes
était le même (tab. II). Deux sujets avaient un niveau
d’anxiété trait à 47, les deux provenant de la session 1.
Il existait un effet session sur le niveau d’anxiété
état avant et après la course avec un plus haut niveau
d’anxiété dans la session 1 par rapport aux autres
groupes. Dans les groupes 2, 3 et 4, le niveau d’anxiété
état avant et après la course n’était pas significativement
différent. Un niveau d’anxiété état supérieur ou égal à
41, qui reste modéré, était atteint pour cinq personnes
avant la course, dont trois dans le groupe 1 et aucun dans
le groupe sans sac. Le lendemain de la course la mesure
de l’anxiété état était basse, un seul sujet dans la session
4 avait un score ≥ 41.
Soixante-deux pourcents des sujets avaient une estime
de soi forte à très forte selon l’échelle de Rosenberg
indépendamment des sessions. Dans le groupe avec sac
à dos, les sujets avec une haute estime d’eux-mêmes
selon Rosenberg étaient les moins stressés avant la
course (31 [26-36] versus 25 [22-30], p = 0,02) et après
la course (28 [23-33,5] versus 23 [21-28], p = 0,007).
Cette différence persistait sur le niveau d’anxiété STAI
trait (p = 0,027).
Résultats
De juin 2012 à mars 2013, 81 sujets ont été inclus.
L’âge moyen était de 23,7±3,9 années. Comme le
montre le tableau I, la température, l’humidité ambiante
et l’heure du début d’épreuve étaient différentes selon
les sessions. L’âge et l’indice de masse corporelle
(IMC) n’étaient pas significativement différents entre
Tableau­ I. Caractéristiques des sessions.
Sac de 11 kg
Oui
Non
Session
1
Session
2
Session
3
Session
4
Date
Juin
2012
Juillet
2012
Mars
2013
Octobre
2012
Température
19 °C
13 °C
5 °C
12 °C
Humidité relative
83 %
83 %
93 %
79 %
Heure de départ
6 h 35
6 h 30
8 h 00
8 h 00
21
20
20
20
Âge
23,9±3,7
23,1±3,6
25,3±4
22,5±3,9
IMC
23,5±2
23,2±1,3
23,4±1,9
23,5±1,6
Nombre de
sujets
Fréquence cardiaque
La fréquence cardiaque n’était pas significativement
différente entre les groupes (p = 0,13). La fréquence
cardiaque à l’effort se décomposait en trois parties
Tableau­ II. Anxiété et performance (Légende : STAI : state trait anxiety inventory, # Kruskall-Wallis test).
Sac de 11 kg
Oui
Non
Session 1
Session 2
Session 3
Session 4
Entraînement
16,0±0,6
pas de données
16,2±0,3
Performance
49±4
43±4
44±5
Échelle Borg
5 [2-7]
4,5 [3-7]
STAI trait
33±7
33±5
p
Session 1 à 3
Session 1-3 vs 4
16,1±0,5
0,66
0,58
38±3
0,0003
5 [3-7]
5 [3-7]
0,96#
0,99#
30±7
28,5±5
0,31
0,07
0,01#
STAI état
Jour avant
27 [24-31]
29 [26,5-35,5]
26,5 [20,35]
22,5 [20,5-28]
0,27#
Avant la course
31,5 [27-38]
28,5 [24,5-31]
22,5 [20,5-32,5]
22,5 [20,5-25]
0,01#
Après la course
29 [28-32]
24 [21,5-27]
23 [21-25]
25 [21-27]
<0,001#
Lendemain
27 [24-31]
25 [25-27]
22 [20-29]
23 [22-27]
0,03#
146
l. wilhelm
la moins bonne performance (p = 0,025). Les sujets les
moins anxieux (STAI trait) ont des taux d’α-amylase
les plus bas avant l’effort (p = 0,045). L’α-amylase était
indépendante de l’estime de soi.
(fig. 6) : il existait une ascension de la fréquence
cardiaque jusqu’à la cinquième minute puis une
stabilisation en plateau et une accélération finale dans
les trois dernières minutes.
Cortisol
Il existait un effet session pour les taux de cortisol
dans le groupe avec sac à dos (tab. V). Les groupes 1 et
2 avaient des niveaux de cortisol salivaire plus élevés
avant et après la course. Le niveau de cortisol, avant la
course, n’était pas lié à l’estime de soi. Les sujets du
groupe avec sac qui dormaient plus de six heures avaient
le taux de cortisol le plus bas (0,453 [0,324-0,533] µg/dL
vs 0,734 [0,539-1,041] µg/dL, p = 0,03). Cette différence
persistait après prise en compte de l’anxiété trait ou
état en analyse multivariée (p = 0,0003 et p = 0,0006).
Dans le groupe avec sac, les niveaux de cortisol et
d’α-amylase n’étaient pas corrélés avant la course. En
revanche, ces deux variables étaient corrélées après
la course (p = 0,01, r = 0,34). L’anxiété trait n’est pas
corrélée aux taux de cortisol avant la course (p = 0,71).
Figure 6. Évolution de la fréquence cardiaque pendant l’effort.
Performance
Sommeil
La performance n’était pas liée au niveau d’estime de
soi et au niveau d’anxiété STAI trait chez les sujets avec
sac à dos (respectivement p = 0,58 et p = 0,73). Dans
le groupe avec sac à dos, les sujets de la session 1 ont
couru plus lentement que les deux autres sessions alors
que le niveau d’entraînement, le niveau d’anxiété trait
et la pénibilité étaient identiques entre les trois groupes.
Dans le groupe avec sac à dos, la meilleure
performance était associée à un niveau de cortisol et
d’α-amylase salivaire bas avant la course (p = 0,03 et
p = 0,02 respectivement), et ne dépendait ni de la durée de
sommeil avant la course (p = 0,16) ni du niveau d’anxiété
trait ou état (p = 0,72 et p = 0,66). En analyse multivariée,
la meilleure performance était seulement associée à un
niveau d’α-amylase bas avant la course (p = 0,01).
La durée de sommeil était statistiquement différente
dans les quatre groupes, le groupe 1 étant celui qui avait
le moins dormi avant l’effort, le groupe 2 après l’effort.
Ceux qui ont le mieux dormi sont le groupe 4 avant
effort et le groupe 3 après effort (tab. III).
Alpha-amylase
Le taux d’α-amylase était le même entre les quatre
groupes avant l’effort quelle que soit la durée de
sommeil (tab. IV). L'α-amylase était moins importante
après et le lendemain de l’effort dans le groupe sans
sac, avec un retour à l’état de base. Les sujets avec les
taux d’α-amylase les plus élevés avant l’effort avaient
Tableau­III. Étude de la durée de sommeil (Légende : # Kruskall-Wallis test).
Sac de 11 kg
Oui
Non
p
Session 1
Session 2
Session 3
Session 4
Session 1 à 3
Durée de sommeil
(min)
4 h 52
[4 h 29-5 h 02]
5 h 43
[5 h 28-5 h 59]
6 h 43
[6 h 21-6 h 52]
7 h 26
[7 h 15-7 h 34]
<0,0001#
Heure de coucher
22 h 44
[22 h 28-22 h 55]
22 h 32
[22 h 13-22 h 51]
22 h 48
[22 h 41-23 h 12]
22 h 29
[22 h 21-22 h 39]
0,05#
3 h 45
4 h 22
5 h 32
6 h 00
Durée de sommeil
(min)
6 h 29
[6 h 18-6 h 43]
6 h 14
[5 h 33- 6 h 17]
7 h 16
[7 h 06-7 h 20]
6 h 27
[5 h 39-7 h 14]
<0,0001
Heure de coucher
22 h 26
[22 h 12-22 h 36]
23 h 14
[23 h 11-23 h 18]
22 h 19
[22 h 14-22 h 22]
23 h 32
[22 h 46-0 h 07]
<0,0001
5 h 04
5 h 31
5 h 31
6 h 02
Session 1-3 vs 4
Nuit avant effort
Heure de réveil
0,02
Nuit après l’effort
Heure de réveil
impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ?
147
Tableau­IV. A-amylase salivaire (Légende :# Kruskall-Wallis test).
Sac de 11 kg
Oui
Non
p
Session 1
Session 2
Session 3
Session 4
Session 1 à 3
Session 1-3 vs 4
Avant la course
68,007
[41,715-152,857]
57,861
[40,949-72,419]
92,989
[53,844-117,347]
70,654
[42,169-113,702]
0.16#
0.31#
Après la course
867,350
[400,713-1,419,690]
921,855
[463,893-2,130,170]
804,595
[489,295-1,220,400]
592,824
[345,624-837,530]
0.98#
0.02#
144,254
[125,000-164,480]
69,041
[26,685-102,638]
0.35#
0.01#
A-amylase salivaire
(IU/l)
Lendemain
102,088
[62,008-156,816]
Tableau­ V. Cortisol salivaire (Légende : # Kruskall-Wallis test).
Sac de 11 kg
Oui
Non
p
Session 1
Session 2
Session 3
Session 4
Session 1 à 3
Avant la course
0,723
[0,591-0,916]
0,739
[0,479-1,097]
0,353
[0,319-0,499]
0,399
[0,312-0,471]
0,0004
Après la course
1,443
[1,024-1,701]
1,305
[1,076-1,651]
0,730
[0,547-1,008]
0,763
[0,547-0,936]
0,0013
Lendemain
0,220
[0,183-0,255]
0,415
[0,361-0,480]
0,162
[0,115-0,243]
0,432
[0,347-0,502]
<0,0001#
Session 1-3 vs 4
Cortisol salivaire
(µg/dl)
Discussion
Le port d’une charge lourde à l’effort était associé à
une augmentation de l’α-amylase mais non du cortisol
salivaire après et le lendemain de l’effort, traduisant
une activité sympathique accrue et persistante. Bien
que constituant tous les deux des marqueurs du système
nerveux autonome leur activation à l’effort semblait
dépendre de facteurs différents.
Toutefois, il existait deux biais majeurs dans cette
étude. Le premier concernait la méthodologie de l’étude
avec la répartition des sessions. En effet, le groupe sans
sac à dos représentait à lui seul une session. Il aurait fallu
prendre dans chaque session des sujets qui couraient
avec sac à dos ou sans sac. Sur le plan logistique, il était
impossible de faire autrement. En effet les sujets étant
militaires, l’épreuve sportive leur était imposée dans le
cadre de la formation pour laquelle ils s’étaient engagés.
Loin d’une étude expérimentale, notre étude collait au
plus près de la réalité. Le deuxième biais concernait
l’effet session : dans le groupe avec sac à dos il existait
un effet session sur les durées de sommeil, donc sur les
taux de cortisol.
Alpha-amylase
La libération de l’α-amylase est régie par l’activation
du système nerveux autonome (7). La mesure de
l’α-amylase salivaire serait un indicateur non invasif
148
de stress psychologique (18). Chatterton, et al. ont
montré que les sujets se préparant pour un saut en
parachute avaient un taux d’α-amylase plus élevé que
ceux du groupe contrôle qui n’avait pas sauté avec une
augmentation de l'α-amylase par rapport aux valeurs
de base (19). Dans notre étude, les sujets étant en
formation militaire constante, ils étaient soumis à un
stress quotidien et par conséquent le taux d’α-amylase
de base n’a pas pu être obtenu. La différence entre
l’α-amylase de base et celle mesurée juste avant un effort
peut être expliquée par un phénomène d’anticipation
(20). Dans notre étude, la différence de performance
chez les sujets du groupe avec sac n’était pas expliquée
par l’anticipation de l’activation sympathique puisque
l’α-amylase était identique dans tous les groupes avant
l’effort. Dans notre étude l’α-amylase et le STAI trait et
état dans les trois dernières sessions étaient identiques
avant effort suggérant l’absence de lien entre anxiété
et α-amylase.
Dans notre étude l’α-amylase salivaire a été
augmentée après l’effort dans les deux groupes mais
avec une absence de retour à la normale le lendemain
de l’effort dans le groupe avec sac à dos. L’effort
physique à des intensités supérieures à 70 % de VO2max
augmente l’α-amylase salivaire reflétant l’activité
sympathique (9). L’α-amylase se normalise 3 heures
après l’effort (21, 22). Le port d’une charge lourde
activerait le système nerveux sympathique au-delà de
l. wilhelm
24 heures. Cette activation sympathique persistante peut
être expliquée par le port de charge lourde et non par
l’anxiété état le lendemain de l’effort. Aucun des sujets,
à part un seul dans le groupe sans sac, n’avait un score
pathologique.
Le port d’une charge lourde à l’effort entraîne un
ajustement de la vitesse de course. La fréquence
cardiaque entre les groupes n’était pas différente tout au
long de l’effort indiquant que ce paramètre était moins
sensible que l’α-amylase pour mesurer la contrainte
induite par le port d’une charge lourde.
Les lactates augmentant avec l’intensité de l’exercice
(23), ils n’ont pas été pris comme marqueur de l’intensité
de l’exercice car ils sont originaires de la glycolyse et
leur taux est corrélé à l'α-amylase salivaire (24).
Cortisol
Dans notre étude, nous avons mesuré le cortisol
salivaire, plus simple à mettre en place, qui est un reflet
des niveaux de cortisol plasmatique (25, 26).
Il existe une augmentation du cortisol pour des
exercices de longue durée et de haute intensité, supérieur
à 70 % VO2max (27), ce que nous avons observé dans
notre étude.
Le cortisol augmente avec le stress psychologique (19)
mais nous n’avons pas montré de relation entre stress
et anxiété pour les mêmes raisons que celles évoquées
pour l’α-amylase. Ces résultats ont été confirmés dans
notre étude en particulier pour la session 1 qui avait
les taux de cortisol les plus hauts et les performances
les moins bonnes. Pourtant, les sujets avaient les
mêmes caractéristiques ; cet effet session pourrait être
expliqué à la fois par les différences de commandement
de l’encadrement militaire qui ont influencé plusieurs
paramètres dont la durée de sommeil et l’anxiété état
des individus.
La sécrétion de cortisol obéit à un cycle nycthéméral,
sous l’influence de l’horloge circadienne avec un pic
dans les 30 minutes suivant le réveil (28). La privation
de sommeil atténue le rythme circadien du cortisol avec
une augmentation du cortisol dans la journée (29). Nos
données sont en accord avec ces résultats : les sujets
de la session 3 avec sac et la session 4 sans sac avaient
des durées de sommeil supérieures à 6 h et des taux de
cortisol plus bas que les autres sessions. Il semblerait
donc que la différence entre les sessions soit davantage
attribuable à la durée de sommeil qu’au port d’une
charge lourde.
Minetto, et al. ont montré que les taux de cortisol
étaient différents en fonction du niveau d’entraînement
des sujets (30). Or, l’entraînement étant le même pour
tous les groupes, la différence sur le cortisol avant
l’effort n’était pas liée à l’entraînement physique mais
à la durée de sommeil.
Comme cela a été rapporté par Filaire, et al. (31), les
sujets du groupe avec sac à dos les plus rapide avaient
les taux du cortisol les plus bas avant et après la course.
Toutefois, l’étude de Filaire ne prend pas en compte la
durée de sommeil avant l’épreuve sportive. Dans notre
étude, la performance était liée au niveau de cortisol
avant l’effort, mais ce dernier dépendait de la durée
de sommeil la nuit avant l’effort. Toutefois, la relation
cortisol, durée de sommeil et performance disparaissait
en analyse multivariée, la performance n’étant expliquée
que par le taux d'α-amylase salivaire avant l’effort. Une
des hypothèses proposées serait l’inhibition de l’activité
sympathique par l’entraînement physique, un taux
d’α-amylase bas avant l’effort indiquant un bon niveau
d’entraînement. Pour valider cette hypothèse, il faudrait
d’abord attribuer aléatoirement le port du sac au sein de
chaque session puis mesurer précisément la capacité
physique de chaque individu par la consommation
maximale d’oxygène par minute (VO2max) afin de la
corréler à l’α-amylase salivaire.
Conclusion
Le cortisol et l’α-amylase salivaire sont deux
marqueurs activés par le système nerveux autonome
et augmentent lors d’un stress et/ou d’un effort.
Toutefois les modifications de l'α-amylase ont deux
origines : à contrainte inégale, ici le port d’une charge
lourde, l'α-amylase est un marqueur de contrainte
physiologique ; à contrainte égale un taux d'α-amylase
bas pourrait traduire une inhibition du système nerveux
sympathique lié à l’entraînement.
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt
concernant les données présentées dans cet article.
Annexe 1. Questionnaire d’auto-évaluation de Spielberger.
Consignes du questionnaire 1 : un certain nombre
de phrases que l’on utilise pour se décrire sont données
ci-dessous. Lisez chaque phrase, puis cochez, parmi les
quatre possibilités, celle qui correspond le mieux à ce
que vous ressentez. À l’instant, juste en ce moment.
Répondez aussi franchement et spontanément que
possible. Il n’y a pas réponses « justes » ou « fausses »,
« bonnes » ou « mauvaises ». Ne passez pas trop de
temps sur l’une ou l’autre de ces propositions et indiquez
la réponse qui décrit le mieux vos sentiments actuels.
Consignes du questionnaire 2 : un certain nombre
de phrases que l’on utilise pour se décrire sont données
ci-dessous. Lisez chaque phrase, puis cochez, parmi
les quatre possibilités, celle qui correspond le mieux
à ce que vous ressentez généralement. Répondez
aussi franchement et spontanément que possible. Il n’y
a pas réponses « justes » ou « fausses », « bonnes » ou
« mauvaises ». Ne passez pas trop de temps sur l’une
ou l’autre de ces propositions et indiquez la réponse qui
décrit le mieux vos sentiments habituels.
impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ?
149
Questionnaire 1 et 2
Non
1.
Je me sens calme
2.
Je me sens en sécurité, sans inquiétude, en sûreté
3.
Je suis tendu(e), crispé(e)
4.
Je me sens surmené(e)
5.
Je me sens tranquille, bien dans ma peau
6.
Je me sens ému(e), bouleversé(e), contrarié(e)
7.
L’idée de malheurs éventuels me tracasse en ce moment
8.
Je me sens content(e)
9.
Je me sens effrayé(e)
Plutôt
non
Plutôt
oui
Oui
10. Je me sens à mon aise (je me sens bien)
11. Je sens que j’ai confiance en moi
12. Je me sens nerveux (nerveuse), irritable
13. J’ai la frousse, la trouille (j’ai peur)
14. Je me sens indécis(e)
15. Je suis décontracté(e), détendu(e)
16. Je suis satisfait(e)
17. Je suis inquiet, soucieux (inquiète, soucieuse)
18. Je ne sais plus où j’en suis, je me sens déconcerté(e), dérouté(e)
19. Je me sens solide, posé(e), pondéré(e), réfléchi(e)
20. Je me sens de bonne humeur, aimable
21. Je me sens nerveux (nerveuse), agité(e)
22. Je me sens content(e) de moi
23. Je voudrais être aussi heureux (heureuse) que les autres
24. J’ai un sentiment d’échec
25. Je me sens reposé(e)
26. J’ai tout mon sang-froid
27. J’ai l’impression que les difficultés s’accumulent à un tel point
que je ne peux plus les surmonter
28. Je m’inquiète à propos de choses sans importance
29. Je me sens heureux (heureuse)
30. J’ai des pensées qui me perturbent
31. Je manque de confiance en moi
32. Je me sens sans inquiétude, en sécurité, en sûreté
33. Je prends facilement des décisions
34. Je me sens incompétent(e), pas à la hauteur
35. Je suis satisfait(e)
36. Des idées sans importance trottent dans ma tête, me dérangent
37. Je prends les décisions tellement à cœur que je les oublie difficilement
38. Je suis une personne posée, solide, stable
39. Je deviens tendu(e) et agité(e) quand je réfléchis à mes soucis
150
l. wilhelm
Annexe 2. Questionnaire d’auto-évaluation de l’estime de soi.
impact physiologique du port d’une charge lourde lors d’un effort soutenu : l’affaire est-elle dans le sac ?
151
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l. wilhelm
Médecine des forces
La recherche biomédicale en médecine des forces — Exemple
de l’étude de l’infection par le virus Zika
H. d’Aubignya, T. Labrousseb, E. Martinez-Lorenzib, N. Andréb, N. Barthesc, F-X. Le Flemb,
A-N. Ensargueixb, D. Balmerb, M. Okrutnyb, G. Thomasb, D. Belleoudd, F. Simone,
S. Briolantd, f, F. de Lavald, g
a Hôpital d’instruction des armées Saint-Anne, BCRM Toulon, BP 600 – 83800 Toulon Cedex 09.
b Centre médical interarmées de Cayenne, Base de défense de Guyane, CS56019 Quartier Madeleine – 97306 Cayenne Cedex.
c Centre médical interarmées de Kourou ; Quartier Forget, BP 727 – 97310 Kourou.
d Direction interarmées du Service de santé en Guyane, Base de défense de Guyane, CS56019 Quartier Madeleine – 97306 Cayenne Cedex.
e Hôpital d’instruction des armées Alphonse Laveran BP 60149 – 13384 Marseille Cedex 13.
f Unité parasitologie entomologie, Département des maladies infectieuses, Institut de recherche biomédicale des armées, BP 60109 – 13262 Marseille Cedex 07.
g Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, BP 40026 – 13568 Marseille Cedex 02.
Résumé
L’émergence du virus Zika en Guyane a soulevé plusieurs interrogations illustrant l’intérêt de la recherche biomédicale en
médecine des forces. Quels retentissements sur la santé individuelle et sur la capacité opérationnelle ? Comment prévenir
les transmissions vectorielle et sexuelle ? Comment améliorer le diagnostic ? À l’occasion de l’investigation de la première
épidémie de Zika en Guyane les médecins des forces ont pu répondre à certaines interrogations : taux d’asymptomatiques,
validité du diagnostic moléculaire sur les urines, spécificité et précocité de la réponse immune, absence de détection dans le
sperme à quatre mois. Puis, ils ont mis en œuvre une étude de la maladie à virus Zika au sein de la communauté des forces
armées en Guyane consistant en un suivi d’un an (clinique, qualité de vie, biologique, virologique et sérologique) des patients
volontaires, infectés par Zika. La collaboration entre praticiens des forces et ceux des établissements spécialisés (Centre
d’épidémiologie et de santé publique des armées, Institut de recherche biomédical des armées, hôpitaux d’instruction des
armées) constitue une réelle plus-value dans la recherche de terrain.
Mots-clés : Centre médical des armées. Guyane. Recherche biomédicale. Zika.
Abstract
BIOMEDICAL RESEARCH IN GENERAL MEDICINE AMONG THE ARMED FORCES– THE EXAMPLE OF THE ZIKA VIRUS
INFECTION.
The emergence of the Zika virus (ZIKV) in French Guiana raised many questions and showed that military general
practitioners should get involved in biomedical research to answer such questions as: What is the impact of the virus on
people’s health and operational capability? How can vector and sexual transmissions be prevented? How can diagnoses be
improved? The investigation of the first ZIKV outbreak in Guiana yielded improved knowledge about the ZIKV infection:
its asymptomatic rate is lower than expected; the molecular diagnosis validity on the urine is confirmed, so is the absence of
detection in the semen four months after symptoms onset; the specificity and precocity of the immune response are identified.
General practitioners performed a one year follow-up of every ZIKV infected patient (clinical examination, quality of life,
biological, virological and serological tests). Forty eight patients have been monitored. The research carried out on Zika
within French Armed Forces in Giana proved to be both necessary and efficient.
Keywords: Biomedical research, general practitioner, Guiana, Zika.
H. D’AUBIGNY, interne des hôpitaux des armées. T. LABROUSSE, médecin principal.
E. MARTINEZ-LORENZI, médecin. N. ANDRÉ, médecin en chef. N. BARTHES,
médecin en chef. F-X. LE FLEM, médecin principal (TA). A.-N. ENSARGUEIX, médecin.
D. BALMER, infirmier en soins généraux de 1er grade. M. OKRUTNY, infirmier en soins
généraux de 1er grade. G. THOMAS, pharmacien. D. BELLEOUD, médecin chef des
services. F. SIMON, médecin en chef, professeur agrégé de l’École du Val-de-Grâce.
S. BRIOLAND, médecin en chef. F. DE LAVAL, médecin en chef.
Correspondance : Monsieur le médecin en chef F. de LAVAL, DIASS Guyane,
Base de défense de Guyane, CS56019 Quartier Madeleine – 97306 Cayenne Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 153-156
Introduction
Les militaires sont exposés aux risques infectieux et
environnementaux de la population générale et à un
surplus de risques, lors de leur projection dans des
territoires à fortes contraintes comme les zones tropicales.
Pour répondre aux problématiques de santé rencontrées
dans ce contexte, les médecins des forces ne peuvent pas
153
se reposer uniquement sur la recherche réalisée en milieu
hospitalier et civil. Ils doivent être capable de développer
leurs propres projets de recherche pour prendre en
compte des problématiques qui leurs sont spécifiques.
Le projet SSA 2020 prévoit une restructuration de
la médecine des forces, et souligne la nécessité d’y
développer la recherche clinique, directement conduites
au sein des Centres médicaux des armées (CMA), en
collaboration avec d’autres établissements du Service
de santé des armées (SSA) (1).
Historiquement, la problématique du paludisme a
pris une grande place dans cette recherche, du fait de la
létalité possible pour le militaire et de l’atteinte collective
potentielle pour les forces (2, 3). Mais plusieurs
émergences de maladies virales sont survenues ces dix
dernières années, avec à chaque fois un retentissement
possible sur les forces : Chikungunya en 2006, grippe A
(H1N1) en 2009, Ebola en 2013 et Zika en 2015.
Le virus Zika (ZIKV), arbovirus découvert en
1947, a été peu étudié jusqu’à son émergence en
2007 dans le Pacifique, puis en 2015 en Amérique du
Sud. Il est responsable d’un syndrome dengue-like
(fièvre, exanthème, céphalées, arthralgies…) (4). Des
complications neurologiques sont possibles (syndrome
de Guillain-Barré, myélites, méningites, encéphalites…),
ainsi qu’un syndrome malformatif congénital en cas
d’infection pendant la grossesse.
Une épidémie de ZIKV est survenue au sein d’une
compagnie du 3e Régiment étranger d’infanterie (3e REI)
de Kourou au retour du Surinam en décembre 2015 (5).
Il s’agissait des premiers cas d’importation de ZIKV en
Guyane. Un dépistage systématique a été organisé par
la Direction interarmées du service de santé (DIASS)
de Guyane et le Centre médical interarmées (CMIA)
de Kourou, pour établir le diagnostic de tous les cas,
les prendre en charge de manière adaptée, et les isoler
pour éviter l’apparition de cas secondaires. Le manque
de connaissance sur l’infection par ZIKV a alors suscité
de nombreuses interrogations et inquiétudes au sein des
Forces armées en Guyane (FAG).
Quelle gravité potentielle pour le militaire et
sa famille, quel impact sur leur qualité de
vie ?
En effet dans des circonstances similaires, lors de
l’émergence de Chikungunya à la Réunion en 2006,
l’étude d’une cohorte de militaires a mis en évidence
des atteintes articulaires chroniques et une dégradation
de la qualité de vie à distance de l’infection aiguë (6).
En outre, cette affection virale a été reconnue imputable
au service.
Quel impact pour la capacité opérationnelle ?
La survenue d’une épidémie d’indisponibilité n’était
pas compatible avec la réalisation des nombreuses
missions des FAG (mission « Titan » pour sécuriser
le centre spatial guyanais, opérations « Harpie » et
« Polpèche » de lutte contre l’orpaillage et la pêche
menés illégalement).
154
Comment prévenir la transmission ?
ZIKV est transmis principalement par la piqûre
d’Aedes mais la durée réelle d’infectiosité d’un malade
était insuffisamment connue pour pouvoir prendre
les mesures de protection adéquates (insectifuge,
vêtements longs imprégnés, moustiquaire). D’autre
part la transmission sexuelle n’était alors qu’évoquée,
la durée de contagiosité du sperme était méconnue, et
rendait difficile l’établissement de recommandations
quant à la durée du port du préservatif au retour en
métropole pour les militaires en mission courte durée
(7). Il s’agissait d’une de leurs préoccupations majeures
du fait de la possibilité d’infection de la conjointe, avec
le cas échéant un risque de grossesse compliquée.
Comment améliorer la prise en charge des
femmes enceintes en Guyane ?
Cette prise en charge suivait les recommandations
émises par le Haut conseil de santé publique (HCSP)
et le réseau périnatalité (8, 9) : information, prévention
adaptée notamment contre les vecteurs, suivi médical,
sérologique et échographique en milieu obstétrical. Le
HCSP soulignait également la difficulté du diagnostic
sérologique d’infection par ZIKV du fait des réactions
croisées avec la dengue (8). De plus les cinétiques
d’apparition et de disparition des immunoglobulines M
et G n’étaient pas encore parfaitement connues.
Dans ce contexte, il était envisageable de satisfaire à
la demande du commandement qui voulait prendre en
compte ces problématiques afin d’apaiser les inquiétudes
légitimes des militaires. Dans les suites de l’investigation
de l’épidémie de Kourou, la DIASS Guyane a décidé
de soumettre un projet de recherche clinique dénommé
ZIFAG ayant pour objectifs principaux : i) la description
du tableau clinique et biologique de la phase aiguë
puis la recherche d’une éventuelle phase chronique et
d’une altération de la qualité de vie à distance ; ii) la
détermination de la durée d’infectiosité d’un malade
dans le sang et le sperme ; iii) l’établissement de la
cinétique de la réponse humorale (IgM et IgG).
Matériels et méthode
Schémas d’étude
Premièrement, pour l’investigation de l’épidémie de
Zika au 3e REI de Kourou, la totalité de la compagnie
concernée a bénéficié d’une information sur Zika, puis
chaque militaire volontaire était examiné et prélevé (sang
veineux et urine) pour réaliser une recherche du ZIKV
par RT-PCR et par sérologie (avec séroneutralisation), le
jour du retour du Surinam, puis 8 et 30 jours plus tard (5).
Il ne s’agissait pas ici d’un projet de recherche clinique
soumis à autorisation d’un comité de protection des
personnes mais d’une démarche de dépistage individuel
dans le cadre de l’investigation d’une épidémie.
Deuxièmement, le projet de recherche clinique ZIFAG
(étude descriptive prospective de la maladie à virus Zika
h. d’aubigny
au sein de la communauté de défense des Forces armées
en Guyane), mené au sein des CMIA de Cayenne et
Kourou, propose à chaque consultation pour éruption
cutanée et après consentement du patient, la réalisation
d’une RT-PCR diagnostique ZIKV dans le sérum
et les urines. En cas de positivité, un suivi clinique,
biologique, virologique et sérologique d’un an lui est
proposé (tab. I).
Moyens
La DIASS de Guyane dispose de deux médecins, l’un
spécialiste en santé publique et l’autre en recherche.
Ces derniers ont ainsi pu soutenir les sept médecins
et les huit infirmiers des deux CMIA participant aux
activités d’investigation et de recherche, notamment
dans leur élaboration scientifique, la demande de
financement et de toutes les démarches réglementaires
auprès des différentes autorités : bureau recherche de
la Direction centrale du Service de santé des armées
(DCSSA), puis comité de protection des personnes,
puis Agence nationale de sécurité du médicament et
des produits de santé (ANSM). Un interne de médecine
générale a également participé à ce projet à travers le
suivi des patients, la gestion et l’analyse des données,
pour en faire son sujet de thèse d’exercice. Le CMIA de
Cayenne a également reçu l’accréditation de l’Agence
régionale de santé et de la DCSSA pour devenir un lieu
de recherche biomédicale.
Les analyses biologiques, virologiques et sérologiques,
sont réalisées en collaboration avec l’Institut Pasteur
de la Guyane (laboratoire associé du Centre national
de référence des arbovirus) et l’Institut de recherche
biomédicale des armées (Centre national de référence
des arbovirus, hôpital d’instruction des armées (HIA)
Laveran, Marseille).
Résultats
Concernant l’investigation de l’épidémie princeps
au 3e REI de Kourou, 136 militaires (soit tous les
exposés) ont été dépistés en moins de 24 heures puis
suivis pendant 1 mois (5). Au total, 12 cas d’infection
à ZIKV ont été diagnostiqués (taux d’attaque = 8 %),
pris en charge et protégés des piqûres de moustiques.
Dans le même temps des équipes de démoustication
intervenaient sur le régiment. Aucun cas secondaire n’a
été à déplorer.
Seulement quatre personnes infectées étaient
asymptomatiques (27 %, IC-95 : 6-61). La durée
médiane d’incubation était de 9,5 jours (IQR : 7,5-11).
Les huit patients symptomatiques présentaient les signes
suivants : exanthème morbiliforme généralisé (100 %),
fièvre (88 %), myalgies (50 %), asthénie (50 %),
arthralgies (38 %), céphalées (38 %), conjonctivite
(25 %), prurit (25 %), diarrhée (13 %), douleur-rétroorbitaire (13 %), adénopathies (13 %). Un patient
présentait une thrombopénie modérée.
Dix patients étaient positifs pour ZIKV dans les urines
(médiane = 13 jours après le début des signes, minimum
= -1, maximum = 16) contre seulement deux dans le
sérum. Concernant la sérologie, les IgM apparaissaient
précocement avec une faible prévalence des réactions
croisées entre ZIKV et le virus de la dengue (1/12).
Enfin, dix patients ont été volontaires pour réaliser une
recherche virale par RT-PCR ZIKV sur un prélèvement
de sperme à quatre mois du début des signes. Tous
étaient négatifs.
Concernant les résultats de l’étude ZIFAG, 49 patients
ont étés inclus à ce jour et sont toujours en cours de
suivi. Une première analyse intermédiaire sera réalisée
lorsque tous les sujets inclus seront à trois mois de suivi.
Discussion/Conclusion
Les travaux de recherche sur l’infection à ZIKV
menés au sein des FAG ont permis de discuter le taux
d’asymptomatiques de 81 % (IC-95 : 77–85) admis
jusqu’à présent et tiré d’une étude de séroprévalence
rétrospective (10), par rapport aux 27 % (IC-95 : 6–61)
retrouvés dans la cohorte prospective et exhaustive
du 3e REI, sans biais de mémorisation. Concernant le
diagnostic, il a été confirmé l’intérêt du prélèvement
d’urine par rapport au sérum dans le diagnostic
moléculaire de ZIKV quatre jours à deux semaines après
l’apparition des symptômes (11-13). D’autre part, le peu
de réactions croisées des IgM Zika avec la dengue, et
la précocité de leur apparition, est de nature à faciliter
ce diagnostic sérologique. Concernant la transmisssion,
l’absence de détection de ZIKV dans les prélèvements
de sperme de dix patients à quatre mois des symptômes
permettra en cas de confirmation sur d’autres patients,
Tableau I. Suivis clinique, biologique, virologique et sérologique proposés dans le cadre du protocole de recherche ZIFAG.
la recherche biomédicale en médecine des forces - exemple de l’étude de l’infection par le virus zika
155
d’adapter la durée recommandée du port du préservatif
dans la prévention de la transmission sexuelle de ZIKV
(14, 15). Ces résultats, mis en évidence sur 12 cas
infectés représentant déjà une des premières séries pour
l’infection à ZIKV (5), seront précisés et complétés avec
les patients inclus dans l’étude ZIFAG. Ils répondent à
certaines problématiques concrètes du commandement
des FAG. La collaboration entre les différentes entités
du SSA (CMA, Centre d’épidémiologie et de santé
publique des armées, Institut de recherche biomédicale
des armées, hôpitaux d’instruction des armées) permet
de réaliser des investigations d’épidémies ou des projets
de recherche clinique en s’appuyant sur des études de
cohorte rigoureuses et de haut niveau scientifique. Le
domaine des pathologies infectieuses est très riche
en Guyane (16), mais ses problématiques peuvent se
retrouver également en opérations extérieures, ce qui
fait que chaque praticien peut y être confronté. Il existe
un continuum entre la prise en charge du patient, la
déclaration à la surveillance épidémiologique, l’analyse
des données de surveillance et la détection d’anomalies,
l’investigation, la mise en évidence de problématiques et
enfin la recherche clinique. L’activité médicale en CMA
peut être valorisée dès lors que les médecins et infirmiers
des forces s’inscrivent dans cette démarche globale.
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt
concernant les données présentées dans cet article.
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Nancy, France.
h. d’aubigny
Médecine des forces
Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du
Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans
B. Frévillea, R. Castellob, B. Lavenirc, L. Cavalierb, G. Douillardb, L. Aigled, e
a CMA Carcassonne, antenne 3e RPIMa, BP 826 – 11012 Carcassonne.
b CMA de Calvi, camp Raffalli – 20260 Calvi.
c CMA Marseille, antenne Carpiagne, BP 91461 – 13785 Aubagne Cedex.
d CMA Marseille, BP 40026 – 13568 Marseille Cedex 2.
e École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran – 752030 Paris Cedex 05.
Résumé
Cette étude s’intéresse aux urgences admises au centre médical des armées de Calvi qui soutient le 2e Régiment étranger
de parachutistes ; unité isolée en Balagne. Le critère d’inclusion de cette étude prospective était : tout patient reçu en salle
d’urgence et ayant fait l’objet de la rédaction d’une fiche d’admission du 1/1/2013 au 31/12/2015. Les résultats ont été
collectés et analysés avec le logiciel Excel®. Au total 147 patients ont été inclus, l’âge moyen était de 31 ans et demi, les
circonstances d’admission étaient divisées en saut en parachute (40,1 %), sport (27,9 %), médical (27,9 %) et autres (4,1 %).
Le diagnostic final retenu pour chaque patient a été divisé en « médical » (56 %) et « traumatique » (44 %). Les étiologies
médicales ont été divisées en : métabolique 39,3 %, malaise vagal 15,5 %, pneumologie 8,2 %, dermatologie-allergie 6 %,
cardiologie 6 %, digestif 6 %, psychiatrie 4,8 %, uro-néphrologie 4,8 %, autres 4,8 %, neurologie 3,6 % et tropical 1 %. Les
étiologies traumatiques ont été divisées en : fractures 50,6 %, pathologies bénignes 31,2 %, luxations 6,5 %, disjonctions
acromio-claviculaires 5,2 %, traumatismes crâniens 5,2 % et compressions médullaires 1,3 %. Le parcours de soins est
dicté par la géographie et l’isolement du régiment avec un transfert préférentiel sur les structures hospitalières de Bastia.
Mots-clés : Parcours de soins. Parachutisme. Soins premier recours. Traumatologie. Urgences.
Abstract
DIAGNOSIS AND FUTURE OF PATIENTS ADMITTED IN THE EMERGENCY ROOM OF THE MILITARY MEDICAL CENTRE
OF CALVI: A THREE-YEAR STUDY.
This study concerns emergency admissions to the Army Medical Centre of Calvi, an isolated unit in Balagne, which cares
for the 2nd Foreign Paratroopers Regiment. All the patients admitted in the emergency room, who have filled in an admission
form between January 1rst 2013 and December 31rst 2015 could be included in this prospective study. The results were
collected and analysed with Excel®. One hundred and forty seven patients were included. The median age was 31.5 years,
the admission contexts were divided into: skydiving jumps (40.1%), sport (27.9%), medical (7.9%) and others (4.1%). The
final diagnoses were divided into «medical» (56%) and «traumatic» (44%). The medical aetiologies were divided into:
metabolic 39.3%, vasovagal responses 15.5%, pulmonology 8.2%, dermatology-allergology 6%, cardiology 6%, digestive
6%, psychiatric 4.8%, uro-nephrology 4.8% and others 4.8%, neurology 3.6% and tropical 1%. The traumatic aetiologies
were split into: fractures 50.6%, benign pathologies 31.2%, dislocations 6.5%, acromioclavicular separation 5.2%, head
trauma 5.2% and spinal cord compression 1.3%. The care pathway depended on geography and the isolation of the regiment
with a preferential transfer to Bastia hospital.
Keywords: Care pathway. Emergencies. Paratroopers. Primary health care. Traumatology.
B. FRÉVILLE, médecin des armées, praticien. R. CASTELLO, médecin des armées,
praticien. B. LAVENIR, médecin principal, praticien. L. CAVALIER, médecin
principal, praticien. G. DOUILLARD, médecin des armées (TA), praticien. L. AIGLE,
médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce.
Correspondance : Monsieur le médecin des armées B. FRÉVILLE, CMA Carcassonne,
antenne 3e RPIMa, BP 826 – 11012 Carcassonne.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 157-166
Introduction
De nombreuses urgences sont prises en charge par
le médecin des forces. Cet article s’intéresse aux
urgences admises au Centre médical des armées de
Calvi (CMA) qui soutient le 2e Régiment étranger de
157
parachutistes (2e REP). Il s’agit d’un régiment hautement
opérationnel, parachutiste avec des pathologies induites
par le saut et isolé en Balagne (Haute-Corse). Le CMA
dispose d’une salle spécialement consacrée à l’accueil
de pathologies potentiellement graves, nommée « salle
d’urgence ». Cette étude prospective menée sur trois ans,
du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, propose
d’analyser le diagnostic de tous les patients admis
en salle d’urgences du CMA de Calvi ainsi que leur
orientation à l’issue de cette prise en charge initiale.
Après un bref rappel sur le 2e REP, nous aborderons
l’organisation des urgences en Corse. Nous évoquerons
ensuite les matériels et méthodes utilisés, puis nous
présenterons les résultats de l’étude et nous discuterons
les données afin de proposer des pistes pour la
formation des internes de médecine générale militaires,
l’amélioration des pratiques au CMA de Calvi et le
parcours de soins du militaire.
Présentation
Le 2e Régiment étranger de parachutistes
Unique régiment parachutiste de Légion étrangère,
il compte environ 1 200 cadres et légionnaires. Il est
constitué de neuf compagnies auxquelles s’ajoute une
unité de réserve d’une centaine d’hommes (données
ressources humaines du 2e REP, début 2016).
d’anesthésie et réanimation (SFAR)) : il s’agit d’un lieu
d’accueil des patients ayant une détresse vitale existante
ou potentielle dans une structure autre qu’un Service
d’accueil des urgences (SAU) (1).
Maillage sanitaire à proximité du CMA de
Calvi
La Corse est la seule région de France n’accueillant
pas de centre hospitalo-universitaire. D’autre part, il
n’existe pas d’Hôpital d’instruction des armées (HIA)
sur l’île. En Haute-Corse, on recense trois villes où l’on
peut trouver une structure hospitalière avec un SAMU
(service d’aide médicale urgente) accessible 24h/24 :
Calvi, Bastia et Corte (2).
L’HIA de rattachement du CMA de Calvi est l’hôpital
Laveran de Marseille. En fonction de la spécificité de
certaines pathologies, les patients sont le plus souvent
dirigés vers l’HIA Sainte-Anne de Toulon ou vers l’HIA
Percy à Clamart. Pour ce qui est de la neurochirurgie en
urgence, il existe un service en Haute-Corse : le Centre
hospitalier général (CHG) de Bastia, mais sans activité
de radiologie interventionnelle. Cela pose le problème de
la prise en charge des polytraumatisés avec notamment
le traitement des saignements actifs par embolisation.
Matériels et méthodes
Le Centre médical des armées de Calvi
Matériels
Le CMA de Calvi est implanté depuis 1967 dans
l’enceinte du camp Raffalli. Il est armé par 4 médecins
d’active, 3 médecins réservistes et 1 dentiste d’active. Il
est renforcé par des personnels de la Légion étrangère :
5 sous-officiers infirmiers diplômés d’états et d’environ
14 militaires du rang.
Les locaux comprennent, entre autres huit chambres
pour patients « infirmisés » (5 chambres de 4 lits et
3 chambres de 2 lits) et une salle d’urgence (fig. 1).
Celle-ci a été aménagée devant la nécessité de prendre
en charge des patients dans un état grave, qui nécessitent
une surveillance continue, voir des gestes de réanimation
de première urgence. Elle est assimilable à une Service
d’accueil des urgences vitales (SAUV) de niveau 1
(selon les recommandations de la Société française
Le recueil des données s’est basé sur la « fiche
d’urgence » disponible au CMA et comprenant divers
paramètres complétés par le médecin prenant en charge
le patient admis en salle d’urgences.
Ces fiches d’urgences sont situées dans la salle
d’urgences et sont ensuite insérées dans le dossier du
patient.
Figure 1. Salle d’urgence.
158
Méthodes
Le critère d’inclusion était : tous patients (civils et
militaires) admis en salle d’urgences du CMA de Calvi
du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et ayant fait
l’objet de la rédaction d’une fiche d’urgence.
Les critères d’exclusion étaient les consultants, les
patients ayant été pris en charge en salle de soins,
les patients pris en charge en urgence mais pas en
salle d’urgences (par exemple sur les zones de saut à
proximité de Bastia) mais ayant pu bénéficier d’une
fiche d’admission, car disponible dans les véhicules
de secours.
La fiche d’urgence n’ayant pas toujours été
correctement remplie étant donné le caractère « urgent »
de la prise en charge, il a été souvent nécessaire de
compléter les données via les dossiers médicaux et les
fiches d’admission en hospitalisation au CMA (pour les
patients restés au CMA).
Le logiciel utilisé pour le recueil des données et les
analyses statistiques était Microsoft Excel® 2010 où
toutes les données ont été regroupées.
b. fréville
Résultats
Les circonstances
Généralités
Les circonstances ont été regroupées en quatre
catégories : le sport, le saut en parachute, les circonstances
médicales et les autres cas, non spécifiques (tab. III).
Au total, 147 patients ont été inclus dans l’étude. Soit
36 pour l’année 2013, 54 pour l’année 2014 et 57 pour
l’année 2015. Dix-huit fiches étaient incomplètes ou
manquantes mais grâce aux données complémentaires
(interrogatoire des médecins, des patients, dossiers…),
il a été possible de ne pas exclure ces patients.
L’âge moyen des patients inclus était de 31 ans et
demi (écart type 11,8 ans). La médiane était de 29 ans.
L’âge minimum était de 18 ans et le maximum de 83 ans.
La population étudiée était de 9 civils et 138 militaires
Tableau III. Circonstances d’admission.
Les motifs d’admission
Les patients ont été répartis en deux principales
catégories : « médicales » (81 patients) et
« traumatiques » (66 patients). Pour cette deuxième
catégorie, les patients pouvaient présenter plusieurs
pathologies lors d’un même événement (fracture de la
cheville et luxation de l’épaule lors de la réception d’un
saut en parachute par exemple), nous avons compté
chaque pathologie comme un événement ce qui nous a
amenés à un total de 80 cas « traumatiques » différents.
La catégorie traumatisme a été divisée en cinq souscatégories (comprenant les 80 cas), correspondant aux
principaux appareils, décrites dans le tableau I.
Les pathologies d’ordre médical ont été divisées en
seize sous-groupes présentés dans le tableau II.
Tableau I. Les motifs d’admission en traumatologie, par appareil.
Diagnostic
Le diagnostic final retenu pour chaque patient admis en
salle d’urgence a été divisé en deux grandes catégories :
une première « médicale » avec 83 patients, soit 56 %
des pathologies, et une deuxième « traumatique » avec
64 patients (44 %).
Plusieurs de ces patients ont présenté plus d’une
pathologie à la fois avec, par conséquent, plusieurs
diagnostics pour chacun de ces malades. Nous avons
considéré chaque diagnostic séparément de façon à
ne pas omettre une pathologie importante et ne pas
réduire chaque patient à un seul diagnostic. Ainsi,
nous avons recensé 77 diagnostics appartenant à la
catégorie « traumatisme » (pour 64 patients), (tab. IV)
et 84 diagnostics appartenant à la catégorie « médical »
(pour 83 patients).
Tableau IV. Diagnostics traumatologiques.
Tableau II. Motifs d’admission médicaux.
Les étiologies médicales ont été divisées en onze
catégories correspondant soit à un appareil, soit aux
pathologies tropicales, soit à d’autres pathologies
(tab. V). Les pathologies métaboliques représentaient
la majorité des pathologies médicales avec 39,3 % des
cas, soit 33 patients. On comptait 15 CCE (coups de
chaleur d’exercice), 15 épuisements hyperthermiques
d’effort et 3 hypoglycémies survenues chez des patients
faisant un effort physique.
Les fractures représentaient 50,6 % des pathologies
traumatiques avec 39 cas pour 35 patients ayant 1, 2,
voire 3 fractures (tab. VI).
Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans
159
Tableau V. Diagnostics médicaux.
Tableau VI. Répartition anatomique des fractures.
Les luxations représentaient cinq cas (6,5 %). Il
s’agissait exclusivement de luxations d’épaule (les
fractures-luxations ont été recensées dans la partie
« fractures » étant donné le caractère chirurgical
d’emblée de ces pathologies à la différence des luxations
sans fracture).
Les Traumatismes crâniens (TC), avec 5,2 % soit
4 cas, étaient représentés par 2 TC du groupe 1 de la
classification de Masters et 2 TC relevant du groupe 2 (3).
Une compression médullaire cervicale, soit un seul cas
(1,3 %), était consécutive à une hernie discale C4-C5
compliquant une réception brutale lors d’un saut.
Il a été recensé quatre Disjonctions acromioclaviculaires (DAC) représentant 5,2 % des pathologies
traumatiques. Elles n’ont pas été classées dans la
catégorie « pathologies bénignes » du fait de la prise
en charge chirurgicale de certaines d’entre elles.
Représentés par 24 cas, soit 31,2 % des pathologies
traumatiques, les traumatismes bénins étaient divisés en
112 contusions, 7 entorses et 5 pathologies « autres » soit
respectivement 50 %, 29,2 % et 20,8 % des pathologies
bénignes (tab. VII).
Tableau VII. Diagnostic des pathologies traumatiques bénignes.
Les fractures entrant dans le cadre de la sphère
oto-rhino-laryngologiques (ORL) étaient au nombre de
deux, soit 5,2 %. Il s’agissait d’une fissure labyrinthique
lors d’un atterrissage violent en saut en parachute et la
seconde concernait une fracture de l’ethmoïde avec plaie
de l’artère ethmoïdale lors d’une rixe.
D’autre part, 35,9 % des fractures concernaient le
membre supérieur avec 14 cas comprenant 1 fracture de
la clavicule, 6 fractures de l’humérus (dont 3 fracturesluxations) et enfin 7 fractures du poignet (dont
3 fractures-luxations).
À propos du membre inférieur, on recensait 28,2 %
de fractures (11 cas) réparties en 1 fracture de jambe,
4 fractures de pied et 6 fractures de cheville (2 fractures
bi-malléolaires et 4 sans précision).
Dix fractures du rachis ont été comptabilisées, soit
25,7 %, avec 8 fractures tassements de vertèbres
lombaires, 1 fracture tassement de vertèbre thoracique
et 1 fracture coccygienne.
Les fractures plus rares étaient représentées par
1 fracture du bassin et 1 fracture costale, soit 5,1 % des
autres fractures.
On recensait un total de 34 fractures au saut, ce
qui représentait 31 des 35 patients fracturés (certains
patients ont été victimes de plusieurs fractures lors d’un
même saut). La répartition des fractures au saut était de
35,3 % (12/34) au membre supérieur ; 32,4 % (11/34)
au membre inférieur ; 29,4 % (10/34) au rachis et 2,9 %
au crâne.
On dénombrait 71 diagnostics pour 59 patients blessés
lors d’un saut en parachute (tab. VI).
Parmi ces 71 diagnostics, 34 étaient des fractures
(soit 47,9 %).
160
Classification clinique des malades aux
urgences (CCMU)
La répartition des malades selon la CCMU nous a
amenés aux résultats suivants (tab. VIII). La CCMU
correspond à la classification des patients au cours de
leur passage dans le service des urgences, de manière à
évaluer le degré d’engagement dans la prise en charge.
Elle s’attribue à chaque patient de la manière suivante :
– CCMU 1 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel
jugés stables. Abstention d’acte complémentaire
diagnostique ou thérapeutique à réaliser par le Service
mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) ou un
service d’urgences ;
– CCMU 2 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel
jugés stables. Décision d’acte complémentaire
diagnostique ou thérapeutique à réaliser par le SMUR
ou un service d’urgences ;
– CCMU 3 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel
jugés susceptibles de s’aggraver aux urgences ou durant
l’intervention du SMUR, sans mise en jeu du pronostic
vital ;
b. fréville
Tableau VIII. Classification CCMU des patients.
– CCMU 4 : situation pathologique engageant le
pronostic vital. Prise en charge ne comportant pas de
manœuvre de réanimation immédiate ;
– CCMU 5 : situation pathologique engageant le
pronostic vital. Prise en charge comportant la pratique
immédiate de manœuvres de réanimation ;
– CCMU D : patient décédé. Pas de réanimation
entreprise par le SMUR ou le service d’urgences ;
– CCMU P : patient présentant un problème
psychologique et/ou psychiatrique dominant en
l’absence de toute pathologie somatique instable.
Orientation des patients. Classification du
Groupe d’étude multicentrique des services
d’accueil (GEMSA)
L’orientation des patients à leur sortie de la salle
d’urgences est décrite dans le tableau IX.
La classification GEMSA est un outil permettant
d’attribuer à chaque patient un numéro allant de un à
six et évaluant le devenir du patient après son passage
en service d’accueil des urgences. Elle se code de la
manière suivante :
– GEMSA 1 : patient décédé à l’arrivée ou avant tout
geste de réanimation ;
– GEMSA 2 : patient non convoqué, sortant après
consultation ou soins (petite chirurgie, consultation
médicale…) ;
– GEMSA 3 : patient convoqué pour des soins à
distance de la prise en charge initiale (surveillance de
plâtre, réfection de pansement, ablation de fils, rappel
de vaccination, etc.) ;
Tableau IX. Orientation des patients au sortir de la salle d’urgence.
– GEMSA 4 : patient non attendu dans un service
et hospitalisé après passage au Service d’accueil des
urgences (SAU) ;
– GEMSA 5 : patient attendu dans un service, ne
passant au Service d’accueil des urgences (SAU)
que pour des raisons d’organisation (enregistrement
administratif, réalisation d’un « bilan d’entrée », refus
de certains services de réaliser des entrées directes, etc.) ;
– GEMSA 6 : patient nécessitant une prise en charge
thérapeutique immédiate importante (réanimation) ou
prolongée (surveillance médicale attentive pendant au
moins une heure).
Selon la classification GEMSA, dont les résultats
sont présentés dans le tableau X, on retrouvait 27 cas
inclus dans la catégorie GEMSA 2, c’est-à-dire des
patients retournés à domicile ou en compagnie après
leur passage en salle d’urgence et non convoqués pour
des soins à distance. La catégorie GEMSA 3 comprenait
4 personnels, il s’agissait de patients victimes de
fractures et rentrés à domicile et d’un patient migraineux
convoqué à distance de la prise en charge initiale. La
catégorie GEMSA 4 comptait 97 patients hospitalisés
soit au CMA soit dans les autres structures d’urgence
décrites ci-dessus. La catégorie GEMSA 6 retrouvait
19 cas comprenant les quinze CCE, la tumeur cérébrale,
la hernie discale cervicale, la plaie de l’artère ethmoïdale
et l’œdème de Quincke.
Tableau X. Classification GEMSA.
Discussion
Forces et faiblesses de l’étude
Il s’agit d’une étude dans laquelle les cas ont été
recueillis de manière prospective.
D’autre part, la rigueur militaire a permis de travailler
sur des dossiers bien tenus et correctement archivés
ouvrant sur des données complètes.
Cette étude est originale car il n’y a qu’une seule autre
étude se penchant sur les urgences en milieu médicomilitaire français (4).
Néanmoins, cette étude ne détaille pas les différents
traitements ou les différentes prises en charge des
pathologies. D’autre part, elle n’analyse pas non plus
Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans
161
les durées d’invalidité des légionnaires ni leur temps
d’hospitalisation.
Le nombre de patients admis en salle d’urgence varie
selon les années.
Remarquons que cette étude se limite à l’analyse
stricte des patients admis en salle d’urgence, et non à
l’analyse de tous les patients « admissibles » en salle
d’urgence, à savoir :
Tous les traumatismes subis hors zone de saut de Calvi,
comme à Borgo, par exemple, où les patients blessés
sont directement évacués vers le Centre Hospitalier ou
l’une des cliniques privées de Bastia.
Tous les patients admis en salle de soins. Il arrive en
effet que ces derniers soient transférés en salle d’urgence
mais leur prise en charge se fait parfois uniquement dans
cette salle de soins. L’une des explications est l’afflux
de blessés, lors des séances de sauts en parachute sur
la zone de saut du régiment, il peut y avoir plusieurs
blessés graves simultanément.
Les pathologies survenues lors des marches
d’entraînement (manœuvres) ou autres activités
effectuées en Corse mais en dehors du régiment et où
les patients sont directement évacués vers les structures
hospitalières les plus proches. En ce sens, notre étude
peut être considérée comme discrètement réductrice en
termes de nombre de patients.
Interprétation des résultats
Vue d’ensemble
Quelques civils ont été admis dans la salle d’urgence
notamment lors des manifestations où le régiment « ouvre
ses portes ». C’est ce qui explique l’âge particulièrement
élevé de certains patients de la population étudiée.
On remarque que quasiment la moitié des patients
admis en salle d’urgence relèvent de la catégorie
« traumatisme » ce qui souligne l’importance des
pathologies traumatiques dans l’armée. Ceci est encore
plus marqué dans les unités parachutistes où le saut est
très pourvoyeur de fractures et autres contusions de tout
type. Ainsi, le saut représente à lui seul 40 % des patients
admis en salle d’urgence et que 28 % le sont pour des
pathologies liées au sport. Castello retrouve également
une majorité de traumatismes (59 %) et notamment
26 % d’admissions liées au saut dans son étude de 2000
à 2011 sur les hospitalisations au CMA de Calvi, ainsi
que 26 % d’admissions en rapport avec le sport (5).
Plusieurs explications peuvent être apportées au fait
que le nombre de patients varie en fonction des années :
le 2e REP étant un régiment hautement opérationnel,
il a été amené à participer à différentes missions
au cours des trois années d’étude avec notamment
l’opération « Serval » au Mali en 2013 ce qui a eu pour
conséquence une diminution des effectifs du régiment
restés au camp Raffalli à Calvi et donc une diminution
du nombre de pathologies.
Pathologies médicales
Selon l’étude de Brescon, les quatre pathologies
correspondant à des urgences médicales graves
162
rencontrées le plus fréquemment par les médecins
militaires de l’armée de Terre sont : les polytraumatismes
(dus à un accident de la voie publique ou à un accident de
saut en parachute) ; le paludisme grave ; les syndromes
coronariens aigus et les traumatismes graves des
membres (4).
Les pathologies liées à l’effort sont au nombre de
trois : le CCE, l’épuisement hyperthermique d’effort et
l’hypoglycémie.
Dans notre série, ces pathologies liées à l’effort
représentent la majorité des pathologies médicales soit
presque 39,3 % des cas, car la catégorie « métabolique »
(33 cas) n’est constituée que d’un seul patient qui n’est
pas en rapport avec les pathologies liées à l’effort
(une hypoglycémie). On compte autant de CCE que
d’épuisements hyperthermiques d’effort (soit quinze
cas pour chaque pathologie) avec en plus un cas
d’hypoglycémie contemporain d’un authentique CCE.
Brescon montre que 82,6 % des médecins militaires
de l’armée de Terre ont déjà rencontré des CCE ; 45 %
de ces médecins ont eu à les traiter en France, 16 % en
opération extérieure et outre-mer (OPEX/OM), 21,5 %
en France et en OPEX/OM (4).
Dans son étude, Castello retrouve seulement 5 % des
étiologies médicales représentées par les CCE, mais il
étudiait toutes les hospitalisations au CMA de Calvi et
non pas les plus graves. Il compte environ 4 CCE par
an ce qui est comparable à nos résultats avec 5 cas par
an (5). On peut donc parler de continuité des soins entre
la salle d’urgence et le secteur hospitalisation du CMA.
Sur l’année 2014, aux États-Unis, l’incidence des
CCE dans les forces armées était de 25/100 000 avec la
grande majorité des cas pour l’armée de Terre et le corps
des Marines soit 40 et 60/100 000 respectivement (6).
En ce qui concerne les militaires de l’armée française,
sur la période 2012-2014, le taux d’incidence des CCE
était compris entre 12,5 et 16/100 000 personnes/année.
On observe une tendance à la diminution des cas de
CCE depuis 2005, cela peut être dû à une meilleure
sensibilisation des militaires et principalement de
l’encadrement à cette pathologie avec mise en place
de conduites visant à diminuer son incidence comme
un entraînement sportif adapté et la limitation des
performances en fonction des conditions climatiques (7).
Le CCE est la pathologie « médicale » la plus grave
et la plus fréquente de notre étude (8). Aucun décès
n’a été déploré au cours de l’étude. Ceci est dû à une
prise en charge optimale de ces CCE au CMA avec
un refroidissement par immersion dans une baignoire
d’eau froide le plus précoce possible en suivant les
recommandations actuelles (6). Effectivement, la salle
d’urgence du CMA de Calvi est équipée d’une baignoire
située dans le sas d’accès, permettant aux ambulances
d’amener les patients au plus près de celle-ci. D’autre
part, tout le matériel nécessaire au monitoring des
patients est disponible avec un moniteur de surveillance
et une sonde de température rectale (objectivant une
température centrale). Lavenir décrit l’utilisation et
l’efficacité de cette méthode au CMA de Calvi (9).
Enfin, si le patient vient à s’aggraver avec des troubles
b. fréville
de la conscience nécessitant une intubation orotrachéale,
le matériel est disponible avec un respirateur à proximité
immédiate.
Brescon (4) a mis en évidence que 84,6 % des
médecins militaires de l’armée de Terre ont rencontré
des syncopes/lipothymies dont 41,5 % uniquement en
France. Les autres pathologies les plus fréquemment
rencontrées étaient : céphalées/algies vasculaires
de la face (71,2 %) et infections des parties molles
(69 %). En comparaison, les pathologies médicales les
plus fréquentes que nous avons retrouvées après les
pathologies métaboliques sont les malaises vagaux :
15,5 %.
Enfin, la population particulièrement sélectionnée
des parachutistes limite les patients accumulant les
facteurs de risque cardiovasculaire et donc le nombre
des pathologies coronariennes dans notre étude.
Nous recensons trois diagnostics non renseignés car
il s’agissait, pour deux d’entre eux, de parachutistes
américains qui n’avaient donc pas de dossiers
consultables en France et un légionnaire parti dans le
civil depuis l’accident dont le dossier n’a pas été trouvé.
Pathologies traumatiques
Une étude réalisée (10) sur les accidents graves lors
de saut en parachute à ouverture retardée et automatique
(défini comme « un militaire décédé ou présentant un
arrêt de travail d’au moins 21 jours suite à un saut en
parachute effectué en service »), a été réalisée au niveau
de la région Terre Sud-Ouest en 2004 et en 2005. Celle-ci
a retrouvé 58 % de fractures (51,1 % pour le membre
supérieur, 27,1 % pour le membre inférieur et 18,8 %
pour le rachis), ce qui est comparable à notre série où
l’on en retrouve 47,9 %. Par contre, la répartition varie
dans notre analyse : nous avons eu autant de fractures du
membre supérieur que du membre inférieur et du rachis,
avec respectivement 12/34 (35,3 %), 11/34 (32,4 %) et
10/34 (29,4 %). De même, dans cette étude les auteurs
dénombraient 0,6 % de traumatismes crâniens (c’est-àdire un seul cas) sans plaie intracrânienne alors que nous
en avions 5,2 % avec 4 cas, ce qui reste très modeste
dans les 2 recueils.
Dans la littérature, la plupart des études retrouvent
pourtant une majorité d’atteinte du membre inférieur
(11). Une étude israélienne montre que la plupart des
traumatismes au saut dans l’armée concernent les
chevilles (35,6 % de toutes les blessures) (12).
Cette majorité d’atteinte du membre inférieur
retrouvée dans la littérature mais pas dans notre série,
peut être expliquée par le fait que nous n’avons pas
retenu tous les traumatismes liés au saut survenus au
régiment au cours de ces trois ans (34 fractures). En
effet, il existe d’autres zones de saut en Corse avec des
prises en charge effectuées hors garnison. De plus, étant
dans le cadre d’une étude sur les « urgences », nous
n’avons pas recruté les entorses et autres contusions qui
semblaient d’emblée bénignes. Par ailleurs, on remarque
une surreprésentation de fractures au niveau du membre
supérieur sur l’année 2015, qui n’est pas retrouvée
pour le début de l’année 2016 (données personnelles).
Enfin, les nombreuses études sur la traumatologie du
parachutisme montrent des résultats parfois discordants.
D’autres explications peuvent être avancées comme par
exemple la nature du sol particulièrement dur à Calvi
(13), des retards à la consultation ou encore l’utilisation
de deux types de parachutes au mode d’emploi très
différent.
Dans l’étude de Samy (13), les auteurs nous font part
de cinq urgences absolues nécessitant une prise en charge
sans délai au bloc opératoire avec réanimation (3 chocs
hémorragiques sur fracture et 2 fractures tassement
vertébral avec recul du mur postérieur). Pour notre
part, nous n’avons retrouvé qu’un seul cas nécessitant
une prise en charge en urgence absolue concernant les
traumatismes au saut uniquement : il s’agissait d’une
hernie discale C4-C5 avec compression médullaire.
Orientation des patients
En considérant l’ensemble des patients admis, le CMA
de Calvi a géré 77 % de ses patients sans les transférer
(114 malades), soit en les gardant en surveillance au
CMA, soit en les autorisant à retourner en compagnie (ou
à domicile pour les civils) soit encore en les plaçant en
congé de maladie à domicile. Cela montre l’autonomie
du CMA dans la prise en charge diagnostique et
thérapeutique des cas relevant de la médecine d’urgence
auxquels il doit faire face.
À l’inverse, si l’on s’intéresse aux transferts,
29 patients, soit un peu moins de 20 %, ont dû être
hospitalisés à l’extérieur du CMA. Seulement quatre
patients (soit 2,8 %) ont nécessité un transfert sur le
continent (dont un rapprochement géographique). Tous
les autres patients pris en charge en Corse ont été admis
dans l’une des structures de Bastia.
En comparaison, une étude réalisée sur les évacuations
des urgences médico-chirurgicales au 2 e REP sur
l’année 1990 montre que 39 malades ont été évacués
en urgence de la structure médicale du régiment (l’article
ne précise pas le nombre total de patients pris en charge
en urgence), ce qui représente environ quatre fois plus
de patients évacués en transport primaire que dans notre
série (14). Ceci doit cependant être nuancé dans le sens
où notre étude se limite uniquement aux patients ayant
transité par la salle d’urgence (sont exclus les patients
directement transférés dans un hôpital), d’autre part, les
auteurs ne décrivent pas l’offre de soins en Corse, il est
donc possible qu’une prise en charge sur le continent ait
été indispensable pour certains de ces malades, faute de
plateau technique adapté sur l’île à l’époque.
Dans notre étude la majorité des patients n’ont donc
pas été transférés dans les hôpitaux militaires mais
ont simplement été hospitalisés dans les structures
hospitalières civiles adaptées les plus proches. On
retrouve le même type de parcours de soins dans l’étude
sur les accidents de saut de la région Terre Sud-Ouest,
tous les patients hospitalisés ont été pris en charge
dans les structures civiles régionales à l’exception d’un
patient qui a été hospitalisé à l’HIA du Val-de-Grâce
pour une fracture-tassement du rachis lombaire (10).
Néanmoins, concernant notre étude, il semble difficile
de réorienter les parcours de soins en les centrant sur
les HIA étant donné la distance les séparant du CMA
Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans
163
de Calvi. Cela impliquerait des coûts plus élevés pour
la prise en charge des transferts, des délais allongés et
potentiellement une perte de chance pour les patients.
Cette démarche s’inscrit totalement dans le modèle
« SSA 2020 » (Service de santé des armées 2020) avec
une ouverture et des échanges encore plus importants
avec le secteur civil (15).
Dans son étude sur les liens entre CMA et HIA en
2011, Romary (16), constate que 88,5 % des répondants
envoient leurs patients en urgence aux HIA dans moins
d’un quart des cas. D’autre part, en ce qui concerne les
consultations, 86 % des répondants adressent les patients
aux HIA dans moins de la moitié des cas. Quant aux
hospitalisations, 90,8 % des répondants adressent les
patients vers les HIA dans moins de la moitié des cas.
Romary explique cette faible coopération entre CMA
et HIA par deux facteurs principaux : la distance, avec
97 % des CMA ou de leurs antennes se trouvant à moins
de 40 km d’une structure hospitalière civile alors que
44 % d’entre eux se trouvent à plus de 150 km d’un
HIA ; enfin le délai de prise en charge qui est estimé
ne pas être plus court pour les militaires que pour les
civils en HIA.
Selon la classification GEMSA, si l’on ne compte que
très peu de GEMSA 3 cela peut être expliqué car les
patients nécessitant un suivi (notamment vis-à-vis des
plâtres) sont déjà hospitalisés dans les locaux du CMA
et donc catégorisés en GEMSA 4, qui inclut donc la
majorité des patients. Il n’y a ni de GEMSA 1 car aucun
patient n’est décédé, ni de GEMSA 5 car aucun patient
n’était attendu dans cette salle d’urgence.
Enjeux et perspectives
Cette salle d’urgences permet de prendre en charge
rapidement les blessés lors des accidents de sauts en
parachute. Cette proximité avec la zone de saut réduit
les délais d’intervention, qui peuvent être un enjeu
important.
L’un des intérêts de cette salle est le désengorgement
de la structure d’urgence de proximité au centre
hospitalier de Calvi-Balagne. Les admissions qui y sont
faites via le CMA de Calvi concernent uniquement la
réalisation de radiographies pour les patients victimes de
traumatismes. Seuls deux patients (1,4 %) y ont vraiment
été hospitalisés pour un autre motif. Ce désengorgement
du SAU de proximité est d’autant plus important que
durant la période estivale la population locale est
pratiquement multipliée par dix avec un nombre de
passage aux urgences oscillant entre 80 et 120 par jour,
urgences armées par seulement un médecin urgentiste
et un médecin au SMUR.
164
En termes de prise en charge des urgences en Balagne,
le CMA de Calvi peut représenter un atout de poids
en cas d’afflux de victimes grâce à sa grande capacité
d’accueil et à la possibilité de poser de nombreux
hélicoptères. Dans ce cadre, un exercice impliquant de
nombreuses victimes a été réalisé fin mai 2016, dans
le cadre d’un plan Nombreuses victimes (NoVi), pour
tester la faisabilité et la pertinence de cette option.
Conclusion
Cette étude montre que l’on peut retrouver des
pathologies relevant de la médecine d’urgence dans
une unité de l’armée de Terre parachutiste. Il a été
montré la diversité des pathologies « urgentes », qu’elles
soient médicales ou traumatiques, rencontrées en milieu
militaire. Cependant, elles ne sont pas totalement
superposables aux pathologies retrouvées en SAU
étant donné la spécificité de la population militaire et
des activités du 2e REP. D’autre part, il a été mis en
évidence ici une capacité du CMA de Calvi à gérer en
autonomie la plupart des pathologies potentiellement
graves rencontrées, avec un faible nombre de transferts.
Ceci dans le respect des recommandations de bonnes
pratiques et sans prise de risque pour le patient. Par
ailleurs, cette étude souligne les parcours de soins dans
lesquels sont orientés les patients pris en charge en
Corse. Le plus souvent, la chirurgie urgente est effectuée
dans les hôpitaux publics ou privés de Bastia, alors que
les opérations réglées sont transférées sur le continent
vers les HIA.
D’une manière plus générale, en considérant chaque
temps du parcours de soins du patient « grave », on
remarque que ce dernier est pris en charge du début
à la fin par le médecin des forces et son équipe. Tout
d’abord, le relevage des patients sur le terrain est effectué
par le médecin des forces qui se substitue au SAMU.
L’admission en salle d’urgence pour la prise en charge
aiguë du patient est également réalisée par ce même
médecin qui prend cette fois le rôle « d’urgentiste ».
Enfin, il assure le suivi et la rééducation en hospitalisation
dans les 26 lits d’aval du CMA de Calvi. Le seul élément
de dépendance est la radiographie, qui est solutionné par
un accès facilité au Centre hospitalier de Calvi-Balagne.
Pour finir, à travers ce travail, on peut souligner
toute la pertinence d’une formation à l’urgence pour
les médecins militaire servant au profit d’une unité
opérationnelle.
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt
concernant les données présentées dans cet article.
b. fréville
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Saut sur Calvi avec le nouveau parachute de l’armée française. © MC L. Aigle.
Diagnostic et devenir des patients admis en salle d’urgence du Centre médical des armées de Calvi. Étude sur 3 ans
165
166
Médecine des forces
Incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à
bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français
de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013 :
retour d’expérience
M. Repellina, A. Castelnéracb, F. Leclercqc, C. Lafferreried, F. Trévidicc, J.-M. Cuvilliere
a HIA Laveran, BP 60149 – 13384 Marseille Cedex 13.
b BCRM Brest, Île Longue, Service médical, CC 500 – 29240 Brest Cedex 9.
c Escadrille des SNLE, BCRM Brest, CC 400 – 29240 Brest Cedex 9.
d Escadrille des SNA, BCRM Toulon, BP 100 – 83800, Toulon Cedex 9.
e Service de santé des forces sous-marines, BCRM Brest, CSS FSM, CC 900 – 29240 Brest Cedex 9.
Résumé
Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, qui assurent la permanence de la dissuasion, embarquent une équipe
médicale constituée d’un médecin, d’un infirmier anesthésiste et d’un infirmier. Ce trinôme bénéficie d’une formation
technique complémentaire dont le but est la gestion, en totale autonomie, de la plupart des pathologies. Le haut niveau de
prise en charge vise à réduire le nombre d’évacuations sanitaires pour lesquelles le sous-marin fait surface et commet une
indiscrétion majeure compromettant le succès de sa mission. La revue de 81 patrouilles opérationnelles réalisées de mai 1997
à décembre 2013 a permis de recenser 281 pathologies médico-chirurgicales. Elle met en balance l’investissement consenti
dans la formation technique et le bénéfice retiré par la marine du fait de l’action médicale. Ainsi, 35 gestes chirurgicaux ont
été effectués dont 8 sous anesthésie générale. Aucune évacuation sanitaire ne s’est déroulée pendant la période considérée,
ce qui souligne l’importance de la formation renforcée des équipes soignantes. L’exploitation de ce retour d’expérience a
permis une évolution continue à la fois des moyens thérapeutiques embarqués et du programme de formation complémentaire
de l’équipe médicale.
Mots-clés : Évacuations sanitaires. Formation. Pathologie médico-chirurgicale. Sous-marin.
Abstract
FEEDBACK ON THE MEDICAL SURGICAL PATHOLOGIES AOBSERVED ON BOARD THE FRENCH NUCLEAR POWERED,
NEX GENERATION BALLISTIC MISSILE CARRYING SUBMARINES MAY 1997 AND DECEMBER 2013.
French Navy SSBNs ensure constant nuclear deterrence. Each crew is composed by a general practitioner, an anaesthetist,
a male nurse and a male nurse anaesthesist. Medical evacuations force SSBNs to surface which puts their missions in
jeopardy because doing so, they are nolonger untraceable. In order to avoid medical evacuations, every member of the
medical team must undergo an intensive, specific medical training as most of the emergencies (medical and surgical) have
to be managed on board. We observed 281 significant diagnosed pathologies during 81 patrols, between May, 1997 and
December, 2013, which enabled us to assess whether the specific training provided to the French Navy helped them avoid
any medical evacuation. Among the pathologies, 35 required surgery, among which 8 required general anaesthesias. No
medical evacuation was needed, which underlines the importance of the specific training given to the medical staff.
Keywords: Serious pathologies. Submarine. Surgery. Training.
M. REPELLIN, interne des hôpitaux des armées. A. CASTELNÉRAC, médecin
principal (TA). F. LECLERCQ, médecin en chef. C. LAFFERERIE, médecin en
chef. F. TRÉVIDIC, médecin en chef. J.-M. CUVILLIER, médecin chef des services.
Correspondance : Monsieur le médecin chef des services J.-M. CUVILLIER, BCRM
Brest, CSS FSM, CC 900 – 29240 Brest Cedex 9.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 167-176
Introduction
La composante océanique de la dissuasion existe
depuis 40 ans. Dans cet intervalle, les moyens de
communication se sont considérablement développés,
facilitant les échanges d’informations sans limite de
167
temps ni d’espace. Cependant, la discrétion imposée par
la mission du Sous-marin nucléaire lanceur d’engins
(SNLE) ne permet pas au médecin embarqué de profiter
de ces avancées technologiques et le contraint ainsi à
exercer dans des conditions d’isolement extrême. Cet
exercice ne s’improvise pas et réclame une formation du
personnel et un équipement adaptés. Ces dispositions ont
un coût élevé, humain et financier. Cette étude s’interroge
sur leurs justifications au regard des pathologies médicochirurgicales, survenues à bord des SNLE de nouvelle
génération (SNLE NG) depuis 16 ans.
Rappels sur la force de Dissuasion
Le concept de Dissuasion nucléaire apparu après
la Seconde Guerre mondiale, repose sur la terreur
inspirée par l’emploi de l’arme nucléaire et les
dégâts infligés par un pays à l’encontre de son
agresseur. Si l’arme nucléaire est utilisée pour
l’agression et la riposte, l’anéantissement des
territoires rend l’avantage tiré de l’agression quasi
nul. La dissuasion a pour objectifs de protéger la
France de toute agression d’origine étatique visant
ses intérêts vitaux, de préserver sa liberté de décision
et d’action en protégeant son autonomie stratégique
en la soustrayant à un chantage exercé par une
puissance nucléaire. Le président de la République
peut déclencher cette force de seconde frappe en
tout lieu et en toutes circonstances. La dissuasion
repose, maintenant, sur deux composantes : les
forces aériennes stratégiques et la Force océanique
et stratégique (FOST). À partir de 1971, six sousmarins nucléaires lanceurs d’engins du type « Le
Redoutable » assureront la permanence à la mer
pendant 25 ans. Leur succéderont quatre SNLE de
nouvelle génération (NG) : « Le Triomphant », « Le
Téméraire », « Le Vigilant », et « Le Terrible ».
Simultanément, les missiles ont évolué en portée
et en emport de charges. Le missile M51, déployé
depuis 2010, porte des têtes nucléaires à plus de
6 000 km (1).
Le Sous-marin nucléaire lanceur
d’engins (SNLE)
Caractéristiques techniques
Le SNLE NG du type « Triomphant » déplace
14 000 tonnes. Long de 138 mètres, d’un diamètre
de 12,5 mètres, sa hauteur de la quille au sommet du
kiosque est de 23 mètres (fig. 1). La redondance et la
robustesse des équipements font du SNLE NG un engin
particulièrement fiable et silencieux en mer.
168
Figure 1. SNLE devant la pointe Saint Mathieu. ©Marine nationale.
L’équipage
Composé de 111 hommes, tous volontaires, il
compte 16 officiers, 88 officiers-mariniers supérieurs
et 7 quartiers-maîtres et matelots (2). En 2017, deux
équipages seront féminisés à titre expérimental.
Le rythme d’activité
Deux équipages (bleu et rouge) prennent le SNLE en
charge à tour de rôle.
Le rythme d’activité d’un équipage s’organise en
plusieurs phases décrites au tableau I.
Pendant qu’un équipage est en patrouille, l’autre est
en permission puis en entraînement sur simulateurs pour
contrôle des qualifications professionnelles. Pour sa
part, l’équipe médicale s’assure de la mise en condition
opérationnelle de l’équipage (visite d’aptitude à la
Navigation sous-marine (NSM) et à l’exposition aux
rayonnements ionisants, contrôle dentaire) et reprend
sa formation hospitalière.
Tableau­ I. Rythme d’activité des équipages de SNLE (en jours).
Au retour du SNLE à l’Île longue, l’équipage prenant
appareille pour une période d’entraînement individuel
et l’équipage quittant prend quelques jours de repos.
Démarre ensuite la phase très intense d’entretien du sousmarin au bassin, moment crucial pour son maintien en
condition opérationnelle. Le SNLE est alors en situation
de dépendance totale vis-à-vis de la base comme le
patient d’un service de réanimation, perfusé (fig. 2),
sous respirateur. À l’issue, le sous-marin reprend la
mer pour une période intensive d’essais, d’exercices et
m. repellin
Figure 2. SNLE au bassin à l’Île longue. ©Marine nationale.
de qualifications opérationnelles puis reste ensuite en
posture à quai pendant quelques jours, prêt à prendre la
mer sous court préavis. Enfin, débute la patrouille, d’une
dizaine de semaines dont le maître mot est la discrétion,
la position du submersible restant toujours secrète.
Organisation de la vie à bord
Le SNLE partage avec la station orbitale ISS et la
station polaire Concordia, la particularité de réunir lieu
de vie et lieu de travail en milieu confiné, isolé, pour
une durée significative.
En mer, l’activité à bord est ininterrompue puisque
sur 138 mètres de long, le SNLE aligne une centrale
nucléaire, un village (avec boulangerie, cuisines, cabinet
médical, logements), 16 pas de tir, le tout en mouvement.
L’organisation du travail adoptée est de type travail
posté continu. Trois équipes, appelées tiers, se succèdent
à un même poste de travail, par période de 4 heures,
24 heures/24, 7 jours/7. Le poste de travail glisse chaque
jour, ce qui ne spécialise pas le personnel sur une tranche
horaire et préserve chaque nuit une durée minimale de
sommeil. Il garantit 8 heures continues de repos tous les
deux jours (tab. II). En cas de suractivité opérationnelle,
la durée du quart peut passer à 6, 8 ou 12 heures.
Tableau­ II. Organisation des tiers à bord.
Certains personnels, dits hors quart, échappent au
régime de tiers : le commandant, le Commandant en
second (CSD), les commandants adjoints, le cuisinier, le
maître d’hôtel, le boulanger, le médecin, les infirmiers,
l’instrumentiste, le chimiste et les analystes.
L’alternance d’éclairage blanc et rouge simule le cycle
jour/nuit et tente de synchroniser l’horloge biologique
interne (3). Les repas, moments de convivialité et de vie
sociale, mais aussi les temps de repos et de formation
rythment la journée à bord.
Les liens avec le monde extérieur se résument à la
seule réception de messages, le SNLE n’émettant jamais
sauf en cas de force majeure. L’unique contact des
marins avec leur famille est un message hebdomadaire
de 40 mots, le famili. Ce message est censuré par les
autorités militaires à terre, puis est relu par le CSD avant
remise au destinataire. Cette maîtrise de l’information
concerne également les résumés de presse. Elle vise
à écarter toute nouvelle pouvant altérer le moral du
personnel (maladie ou décès d’un proche, catastrophe
naturelle, attentat). En pareil cas, l’escadrille informe le
commandant de la situation. Lui seul décide du moment
opportun pour annoncer l’événement au marin concerné,
après avis du CSD et du médecin.
L’équipage, logé en chambre par trois ou quatre,
prend ses repas à la cafétéria. Les officiers disposent à
quelques exceptions près, d’une chambre individuelle,
et prennent leur repas dans le carré du commandant.
L’ensemble des locaux de vie occupe un peu plus de
400 m2.
L’équipe médicale
Composition
L’équipe est un trinôme médecin – Infirmier
anesthésiste diplômé d’État (IADE) – Infirmier diplômé
d’État (IDE). Comme tout sous-marinier, la signature de
l’acte de volontariat à servir aux Forces sous-marines
(FSM) et la validation de l’aptitude à la navigation sousmarine sont les prérequis au recrutement (4).
Enjeux de la présence de l’équipe médicale
Décidée dès la création de la FOST en 1970, la
présence de l’équipe médicale structurée concourt à
l’acceptation des familles à laisser leur parent partir
loin et longtemps sur sous-marin, garantit au marin
d’être soigné en mer et assure au commandant une
prise en charge médicale optimale lui laissant le temps
de rallier une position propice à l’évacuation sanitaire
(MEDEVAC) si nécessaire. Confronté à la mise en jeu
du pronostic vital ou fonctionnel, le médecin assure la
prise en charge médicale, informe le commandant de
l’évolution et si besoin, lui propose l’évacuation. Ce
dernier décide du déclenchement de la MEDEVAC, dont
la mise en œuvre échappe aux procédures interarmées, et
mobilise d’importants moyens militaires et hospitaliers
(spécialistes concernés par la pathologie en cause).
Le coût d’une MEDEVAC est estimé entre 2 et
5 millions d’euros selon le lieu d’intervention. Compte
tenu de l’impact opérationnel potentiel des décisions
médicales, la relation de confiance entre le médecin et
le commandant doit être totale.
incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013
169
Cursus de formation
Formation avant embarquement
Le médecin
L’objectif de la formation, dite Formation initiale
(FI), est l’acquisition de compétences particulières
et d’une large autonomie technique dans la prise en
charge d’affections médico-chirurgicales afin d’éviter
l’évacuation.
Tout praticien des armées, diplômé d’État, peut
exprimer son volontariat à servir aux FSM. Après
validation de la candidature, il est affecté par la Direction
centrale du Service de santé des armées (DCSSA) en
escadrille de sous-marins et entame, sous l’égide de
l’École du Val-de-Grâce (EVDG), son cursus scindé
en deux volets, une formation milieu de 3 mois et une
formation technique médicale de 14 mois.
La formation milieu a pour but l’acquisition des
connaissances techniques générales du sous-marin, la
gestion de l’atmosphère confinée, la médecine hyperbare
appliquée à la survie et au sauvetage d’un équipage.
Un embarquement sur Sous-marin nucléaire d’attaque
(SNA) sert de stage d’application. À l’issue de ce
parcours qualifiant, le certificat de médecine appliquée
aux sous-marins est attribué.
Puis, s’enchaîne la formation technique médicale
qui lui donnera d’une part, de solides connaissances
en radioprotection (2 mois à l’École d’application
militaire de l’énergie atomique (EAMEA), un mois au
Service de protection radiologique des armées (SPRA))
et d’autre part, la maîtrise de techniques chirurgicales
grâce à 6 mois de stages en chirurgie viscérale et
orthopédique, 2 mois d’odontologie, 1 mois en
chirurgie spéciale (ophtalmologie, ORL) puis 1 mois en
réanimation. Une formation à l’échographie lui confère
les bases d’utilisation et d’interprétation de ce moyen
d’exploration non invasif. Un stage en psychiatrie et
au service local de psychologie appliquée de la Marine
permet d’appréhender les techniques d’entretien
psychologique et l’approche thérapeutique des grands
syndromes psychiatriques. Enfin, un stage de préparation
à l’embarquement sur SNLE clôt ce parcours, rappelant
les éléments essentiels à la maîtrise de la qualité de
l’air, à la relation médecin – commandant, à différentes
procédures dont le codage des pathologies en vue d’une
demande d’évacuation. À l’issue, l’EVDG délivre la
mention « médecine appliquée au SNLE ». Selon
les places disponibles, les praticiens participent au
module « tête-cou » du cours avancé de chirurgie en
missions extérieures pour s’approprier les techniques
de drainage d’hématome extra-dural. Dans le cadre de
l’expérimentation de la féminisation, un module de prise
en charge des urgences gynécologiques de la femme
jeune est programmé.
L’infirmier anesthésiste diplômé d’État (IADE)
L’IADE peut être recruté soit directement dans un
service hospitalier, soit par promotion interne d’un
Infirmier diplômé d’État (IDE) orienté par concours vers
170
un institut de formation. Cette voie répond au souci de
progression professionnelle permanente des infirmiers.
Dès son affectation à l’escadrille des SNLE, l’IADE
entame sa qualification par un stage de connaissances
générales et d’atmosphère du sous-marin de quatre
semaines puis un stage de mise en œuvre des automates
de laboratoire de biologie et d’utilisation de produits
sanguins en situation d’exception au Centre de
transfusion sanguine (CTSA) de l’Hôpital d’instruction
des armées (HIA) de Toulon. Il embarque en général très
rapidement à l’issue de ce cursus.
L’infirmier DOSIPERS
L’objectif de formation est la connaissance générale
du sous-marin, la maîtrise des techniques de prélèvement
d’air déterminante pour le suivi de la qualité de l’air, la
gestion des dosimètres et des prélèvements biologiques
pour analyses radio-toxicologiques. Les stages
hospitaliers permettent à l’infirmier d’effectuer tous
les examens biologiques et radiologiques réalisables à
bord et de savoir préparer un bloc opératoire. Son cursus
débute par un cours de 15 jours à l’école de navigation
sous-marine. L’attribution du certificat élémentaire
de sous-marinier valide ce stage et conditionne le
maintien aux FSM et l’accès à la formation technique de
15 semaines. Elle débute par le module « atmosphère »,
suivi du module « radioprotection » à l’EAMEA et au
SPRA. Le module « hospitalier » comporte un stage
de manipulateur en radiologie, un stage d’infirmier
de bloc opératoire et une formation au CTSA Toulon
pour les techniques de transfusion sanguine en
situation d’exception et la manipulation d’automates
de laboratoire.
Entretien des compétences techniques
Une directive d’état-major définit le niveau minimum
d’Entretien des compétences techniques (ECT) requis
pour toute l’équipe médicale. Cette remise en condition
s’effectue pendant les périodes de soutien à quai et
d’entretien du SNLE au bassin.
Au minimum, le médecin doit effectuer 6 semaines de
stages en HIA par cycle, l’IADE 6 en anesthésie et l’IDE
2 semaines. Les six médecins embarqués effectuent ainsi
plus de 280 jours de stage chaque année. Les praticiens
privilégient la chirurgie et l’odontologie. Le CSD, aideopératoire potentiel, assiste à quelques interventions au
bloc opératoire où lui sont inculquées les techniques
de lavage des mains, d’habillage et d’aide opératoire.
Aux stages, s’ajoutent les gardes au Service d’accueil
des urgences (SAU) de l’HIA (trois gardes mensuelles
minimum) et l’entretien du savoir-faire en échographie
proposé au Centre médical des armées de Brest-Lorient,
par un médecin des forces qualifié dans cette discipline
et un spécialiste du service de radiologie de l’hôpital.
Les six IADE embarqués effectuent leur ECT en
service d’anesthésie. Une convention liant l’HIA et
la Chefferie du Service de santé des FSM (CSS/FSM)
permet le renfort de l’hôpital par les IADE embarqués.
Ainsi, chacun d’eux parvient à réaliser un minimum de
90 anesthésies générales (AG) par an. Ils totalisent plus
de 380 jours de stage cumulés par an.
m. repellin
Les IDE orientent leur ECT vers la radiologie, le bloc
opératoire, les urgences pour un minimum de 120 jours
de stage par an.
L’HIA Brest occupe donc une place essentielle dans
la formation des équipes médicales de la FOST, position
favorisée par l’implication constante des spécialistes
hospitaliers et des cadres de santé, la très grande
connaissance et la confiance mutuelle des équipes.
Durée d’affectation du médecin
Affecté à un équipage, le médecin effectue quatre
patrouilles opérationnelles. Ce temps d’affectation
paraît faible au prorata de l’investissement consenti
pour sa formation. En réalité, après quatre missions et
malgré un ECT bien conduit, en général supérieur aux
minima requis, les compétences en chirurgie viscérale
s’émoussent. Pour retrouver le niveau atteint en fin
de formation initiale, le médecin devrait effectuer un
stage de chirurgie de plus de six mois. Le coût humain
ne permet la mise en œuvre de pareil recyclage. Par
ailleurs, réemployer un médecin après quatre patrouilles,
embouteillerait l’enchaînement des embarquements des
praticiens sortant de formation initiale. Or, le maintien
du flux de recrutement (deux médecins/an) assure la
continuité du soutien des équipages et pérennise les
circuits de formation.
Activité médicale
À terre, le médecin est responsable du facteur humain.
Dans ce cadre, il est informé de situations personnelles
ou familiales susceptibles d’influer sur le comportement
du marin pendant la patrouille.
En mer, outre l’activité de médecine de soins et de
prévention, le service médical s’implique dans l’hygiène
navale (contrôle de la qualité de l’eau produite destinée
à la consommation, surveillance de l’atmosphère,
surveillance radiologique et respect des règles d’hygiène
en restauration collective).
Bilan général antérieur à l’étude
Il porte sur 390 missions effectuées de 1971 à
1997 pendant lesquelles une centaine d’événements
significatifs ont été retenus. L’évolution défavorable
des pathologies a justifié 15 MEDEVAC soit pour
cette période, une évacuation toutes les 26 patrouilles
(tab. III). Pour l’US Navy (qui n’a pas de médecin à bord
des SNLE), une MEDEVAC est déclenchée toutes les
trois missions.
Équipement de l’hôpital d’un SNLE
L’exercice de la médecine sous forte contrainte
d’isolement impose de disposer à bord, des moyens
diagnostiques et thérapeutiques, adaptés (tab. IV).
L’évolution et le retour d’expérience de ce matériel
sont pilotés par la cellule Autorité de domaine particulier
santé des FSM (ADP/SANTE/FSM).
Les boîtes de chirurgie sont les mêmes qu’en antenne
chirurgicale (parties molles, vasculaire, chirurgie
Tableau­ III. Affections médico-chirurgicales et évacuations sanitaires de 1971
à 1997.
Chirurgie
Médecine
1h
émorragie digestive
haute (3)
1d
ysphagie rebelle
(cancer
œsophagien) (3)
3 coliques hépatiques
3 coliques
néphrétiques (4)
2 pyélonéphrites
Chirurgie spéciale
2 thromboses
veineuses
9 extractions de dents
profondes (5)
de sagesse
1 t umeur de
1 corps étranger ORL
l’hypophyse (3)
1 glaucome aigu
1 syndrome
1 décollement de
méningé (3)
rétine
3 pneumothorax
1 choriorétinite
1 brûlure oculaire
(potasse) (3)
32 appendicites (1)
4 péritonites (2)
1 occlusion
intestinale (3)
18 abcès profonds
12 traumatismes de
membres
4 sections tendineuses
2 pneumopathies
1 asthme aigu grave
1 tachycardie
ventriculaire (3)
1 phéochromocytome
(3)
1 érysipèle
1 urticaire généralisée
2 syndromes
dépressifs
1 bouffée délirante
aiguë
Motifs d’évacuations :
(1) trois appendicites évacuées (dont une chez le médecin)
(2) trois péritonites évacuées
(3) pathologie ayant entraîné l’évacuation avant 1997
(4) colique néphrétique compliquée
(5) 1 thrombose veineuse profonde
osseuse, chirurgie thoracique, neurochirurgie, chirurgie
de la main, petite chirurgie, amputation, laparotomie).
La table chirurgicale se transforme en table de
gynécologie ou en fauteuil dentaire (fig. 3). La valise
SATELEC Trans’Care® véritable cabinet dentaire
portatif, permet tous les actes usuels de cet art.
Étude
Problématique
L’objectif de ce travail est de recenser les pathologies
médico-chirurgicales auxquelles ont été confrontés, en
mer, les médecins de SNLE, de comparer ces données
à celles observées à bord des navires de surface et
d’évaluer l’adéquation entre la formation proposée et
les situations cliniques rencontrées.
Matériel et méthode
Type d’étude
Le recensement des pathologies médico-chirurgicales
survenues en patrouille, sur SNLE NG du type Le
Triomphant, de mai 1997 à décembre 2013, a été réalisé
par une étude descriptive rétrospective.
Ont été prises en compte toutes les pathologies qui, si
elles étaient intervenues à terre, auraient amené le patient
à recourir à un service d’urgence ou à un spécialiste.
Entrent dans ce cadre celles ayant nécessité un suivi
rapproché, un bilan complémentaire, une prise en
charge thérapeutique particulière, une ouverture de bloc
opératoire et celles ayant eu un impact sur l’équipage
(affections psychiatriques aiguës par exemple).
incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013
171
Tableau­ IV. Dotation en matériels du service médical de SNLE.
Marque
Modèle
Type
Examens
réalisables
Générateur
Kodak
Kodak 2200®
Radiographie
numérisée
Toute exploration
dentaire (kyste)
Générateur
Stéphanix
Stéphanix®
Radiographie
numérisée
Exploration os et
tissus mous
Sonosite
Ttitan®
Échographe
portatif
Horiba ABX
Micro S 60
Biologie médicale
NFS, plaquettes
Rush
Reflotron®
Biochimie
Glucose, créatinine,
urée, ac. urique,
transaminases,
amylase, bilirubine,
sodium, potassium,
hémoglobine
Diagnostica
stago
Start 4®
Biologie médicale
Fibrinogène, TP,
TCA, fact. V,
Biologie médicale
CRP, D-Dimères,
troponine
Biochimie
Gaz du sang,
hématocrite,
ionogramme,
hémoglobine,
lactates
Bandelettes
reactives
Epocal
Epoc®
Massimo
Rad 57®
Airsep
New life
intensity 10®
Fäbius
Spo2, SpCo,
méthémoglobine
Concentrateur O2
Production : 8/l/mn
Tour d’anesthésie
Anesthésie
générale
Figure 3. SNLE table position gynécologie. ©Marine nationale.
En cas d’ouverture de bloc, un compte rendu
opératoire relatif aux éléments médicaux et techniques
complète le rapport général. In fine, tout événement
ayant eu un impact sur la santé de l’équipage ou sur
la prévention (fuite de fréons par exemple) enrichit le
retour d’expérience des FSM.
Outils informatiques
Ces éléments ont été reportés dans un tableur EXCEL
et triés par spécialité (ORL, odontologie, cardiologie,
pneumologie, traumatologie, psychiatrie, pathologies
digestives, dermatologie, ophtalmologie, pathologies
infectieuses et médecine interne (PIT/MIT)).
Le logiciel Epi Info® a été utilisé pour les analyses
statistiques, essentiellement descriptives. Les moyennes
ont été comparées avec le test de Kruskall-Wallis et les
proportions avec le test de Fisher au seuil 5 %.
Organon
Tof watch®
Curamètre
Satelec
Trans’care®
Cabinet dentaire
portatif
Datex
S 5®
Moniteur
Welch allyn
Propaq LT®
Moniteur portatif
Atmos
C-451®
Aspirateur
chirurgical
Mindray
Beneheart D6® Défibrillateur
Généralités
Matachana
20B ™
Autoclave
Weinmann
Medumat®
Respirateur
portatif
Pour les 81 patrouilles prises en compte, la moyenne
d’activité est de 116 consultations. La répartition par
sous-marin figure au tableau V.
Les nombres moyens de consultations par patrouille
en fonction du SNLE n’étaient pas significativement
différents (p = 0,51).
Bair huger™
Tous types de
soins dentaires
Réchauffeur
Recueil des données
Le recensement a été mené à partir du rapport
technique rédigé en fin de mission par chaque médecin,
conformément aux dispositions d’une instruction (5).
Le rapport identifie le SNLE, l’équipage, le numéro de
cycle opérationnel, le médecin et les infirmiers, les dates
de navigation, le motif des consultations et les examens
complémentaires réalisés. Y sont consignés l’ensemble
de l’activité médicale en termes de médecine de soins
(dont les pathologies importantes), de prévention,
d’expertise, les actions de formations suivies (ECT,
développement professionnel continu), les actions
d’éducation sanitaire, les propositions d’évolution de
la dotation en matériel ou en médicaments.
172
Résultats
Prévalence des affections
Parmi les affections rencontrées, 281 pathologies médicochirurgicales ont été observées, soit 3,2 % du nombre
total de consultations réalisées en mer (tab. VI, VII).
Aucune différence significative de distribution des
affections, en termes de spécialités, n’était observée
d’un sous-marin à l’autre.
La répartition des pathologies par spécialité en fonction
des étiologies figure dans les tableaux VIII à XV.
En ce qui concerne l’ophtalmologie et la neurologie,
les brûlures chimiques de l’œil (n = 3), les infections
oculaires (n = 9), les céphalées (n = 2) et les névralgies
(n = 4) constituaient les motifs de consultations.
m. repellin
Tableau­ V. Nombre de consultations par patrouille et par SNLE.
Nombre de
patrouilles
Nombre total de
consultations
Nombre moyen de
consultations
Variance
Écart-type
LE TÉMÉRAIRE
28
3 201
114
4 167
65
LE TERRIBLE
7
840
140
3 225
57
LE TRIOMPHANT
30
3 006
104
2 610
51
LE VIGILANT
16
1 748
109
1 523
39
Total
81
8 795
Évacuations sanitaires
Tableau­ VI. Répartition (en %) des pathologies médico-chirurgicales en fonction
des spécialités.
Pendant les 81 patrouilles étudiées, aucune évacuation
sanitaire n’a été demandée. En se basant sur les données
de la période 1970-1997, 2 MEDEVAC étaient
statistiquement attendues.
Discussion
Formation théorique
opérationnelle
et
situation
En 1968, le médecin des armées Bernardini, alors
conseiller de l’amiral commandant les forces sousmarines, proposait les principes du soutien médical
pour les SNLE. Cette organisation, révisée en 1994, est
quasiment inchangée.
Si la formation initiale des personnels affectés sur
sous-marins a été peu modifiée dans la forme, son
contenu a considérablement évolué en introduisant la
radiographie numérisée, l’échographie et les nouvelles
thérapeutiques. Dix mois sont consacrés à l’apprentissage
de techniques chirurgicales telles l’appendicectomie par
voie de Mac Burney, la cure de hernie étranglée, la
torsion testiculaire, les réductions et immobilisations
de fracture, les sutures tendineuses ou vasculaires. Ces
gestes chirurgicaux sont régulièrement révisés pendant
Ouvertures de bloc opératoire
Parmi les 281 cas considérés, le bloc opératoire a été
ouvert à 35 reprises (12,5 %). Dans huit cas, une AG a
été nécessaire (étaient exclues les AG réalisées dans le
cadre de réfection de pansement).
La dermatologie représentait 63 % des indications
d’ouverture de bloc, la traumatologie 26 % et la sphère
digestive 11 % (tab. XVI).
Tableau­ VII. Répartition des cas par spécialité pour chaque sous-marin.
Le Triomphant
Traumatologie
Le Téméraire
Le Vigilant
Le Terrible
n
%
n
%
n
%
n
%
p
29
35
n
%
9
15
13
28
0.72
Odontostomatologie
14
17
28
30
13
21
10
22
0.99
Dermatologie
18
22
18
20
12
20
7
15
0.98
Patho-digestives
5
6
12
13
8
13
9
20
0.93
PIT/MIT/urologie
8
10
6
7
9
15
2
4
0.98
ORL
2
2
7
8
3
5
3
7
0.99
Ophtalmologie
1
1
4
4
1
2
2
4
0.99
Psychiatrie
0
0
7
8
5
8
0
0
0.98
Neurologie
3
4
5
5
-
0
0
0
0.99
Cardio-pneumologie
2
2
3
3
1
2
0
0
0.99
incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013
173
Tableau­ VIII. Répartition des pathologies traumatiques.
Tableau­ XI. Répartition des pathologies digestives.
Tableau­ IX. Répartition des pathologies dentaires.
Tableau­ XII. Répartition des pathologies PIT/MIT.
Tableau­ X. Répartition des pathologies dermatologiques.
Tableau­ XIII. Répartition des pathologies ORL.
les stages d’ECT, ce qui permet au médecin de mieux
les maîtriser en situation d’isolement.
Le retour d’expérience des 16 années écoulées et
des 35 ouvertures de bloc opératoire témoigne de la
nécessité de maintenir ces compétences.
Cinquante-cinq cas soit environ 20 % des affections
importantes, concernaient la pathologie dentaire et
ce, malgré le soin apporté à l’examen bucco-dentaire
systématique par un chirurgien-dentiste de réserve
rodé au contrôle préventif et à la détection des caries
au cours de la visite médicale périodique. Du fait du
rapide retentissement des douleurs dentaires intenses
sur la disponibilité du personnel, leur traitement sans
délai est une réelle plus-value tant pour le confort de
l’intéressé que pour la bonne marche du quart.
La pathologie digestive concerne 28 cas, soit 10 %
des pathologies importantes recensées. Le diagnostic
reste délicat à poser pour le médecin, même si les
possibilités d’imagerie et de biologie-biochimie se sont
considérablement étoffées. L’échographie permet de
contourner la moindre sensibilité de la radiographie
standard de l’abdomen. Réalisée par un opérateur
compétent et entraîné, elle apporte une aide précieuse
pour le diagnostic positif ou différentiel et le suivi
évolutif. C’est particulièrement vrai dans le cas de
la colique néphrétique où cette technique indolore,
répétitive, simplifie le suivi de la migration lithiasique.
Elle permet au médecin de rassurer le patient mais aussi
le commandant. Les efforts consentis à l’enseignement
de l’échographie et sa pratique régulière tant au SAU
174
m. repellin
Formés à cette école, les médecins ont réduit les
indications de ce geste en mer.
Tableau­ XIV. Répartition des pathologies psychiques.
Plus-value de l’équipe médicale
Tableau­ XV. Répartition des pathologies cardiologiques et pulmonaires.
Tableau­ XVI. Motifs d’ouverture de bloc opératoire.
Dermatologie
n = 22
Orthopédie
n = 9
Chirurgie
viscérale
n = 4
Au regard des pathologies médico-chirurgicales
recensées, l’évaluation de la balance bénéfices/coûts
de la formation des médecins et infirmiers de SNLE
mérite d’être examinée.
En effet, le Service de santé des armées (SSA) se prive
de ces personnels dont les IADE (ressource déficitaire
en HIA) au plan opérationnel pendant la durée de leurs
formations.
L’étude a cherché à apprécier si l’investissement
humain et financier apportait le bénéfice attendu aux
FSM. Parmi les 281 affections répertoriées, ont été
étudiées celles dont le traitement à bord, du fait de
l’engagement du pronostic fonctionnel ou vital, avait
été rendu possible grâce aux compétences acquises du
médecin de SNLE. Entrent dans cette catégorie, les AG
(n = 8), la pathologie dentaire (n = 44) hors pansements
et scellements de prothèse, les parages chirurgicaux de
plaies engageant le pronostic fonctionnel (n = 9), la
pathologie lithiasique (n = 5), soit 66 cas.
Ces données chiffrées ont été comparées à celles
de l’US Navy qui emploie des paramedics, infirmiers
spécialement formés, autonomes pour le diagnostic et
le traitement. Dans ces conditions, une indiscrétion est
constatée toutes les trois patrouilles pour raison sanitaire.
Avec au moins cinq SNLE simultanément à la mer, la
Navy est moins contrainte en matière de MEDEVAC.
Elle peut par ailleurs, adopter des normes d’aptitude plus
souples pour les équipages de SNLE.
Abcès profonds
16
Ongles incarnés
4
Biais
Hygromas collectés
2
Plaie profonde
8
Fracture
1
Appendicite aiguë
2
Hernie inguinale étranglée
1
Thrombose hémorroïdaire volumineuse
1
Ce travail présente un biais potentiel de sélection
des données. La notification des pathologies sur le
rapport de fin de cycle jusqu’en 2013, dépendait de
l’expérience et du ressenti du praticien. L’exemple du
signalement des épidémies à tropisme ORL illustre ces
disparités. En effet, les trois premières semaines de
mission sont marquées par l’émergence d’épidémies
virales, favorisées par le confinement. Les médecins
ayant déjà réalisé plusieurs patrouilles ont tendance
à ne pas mentionner ces épisodes dans le rapport, les
considérant comme habituels vu leur fréquence et leur
caractère bénin. A contrario, le praticien entamant son
premier cycle, les signalera. Ce biais d’appréciation dans
la rédaction du rapport de fin de cycle a dans les faits
un faible impact. La culture du partage d’expérience est
enrichie par les événements vécus par chaque équipe
embarquée. L’appréciation du degré de gravité repose
sur des critères communs et réduit le champ de la
subjectivité dans les déclarations.
que pendant les vacations en HIA trouvent là leur
justification. L’utilisation de l’échographe portable
comme outil d’exploration pendant la visite d’aptitude
participe à l’entretien de ce savoir-faire. La détection
d’une anomalie implique sa confirmation par un examen
échographique à l’HIA.
Par ailleurs, pendant la période étudiée, le nombre
d’ouvertures de bloc opératoire a diminué. Le nombre
d’appendicectomie suit la même tendance (32 appendicectomies de 1971-1997 vs 2 entre 1997-2013).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution :
– la diminution du nombre d’hommes/jour à la mer
liée au passage de la permanence de 3 à moins de
2 SNLE à la mer depuis 1995, consécutive à l’évolution
géopolitique ;
– la réduction des indications opératoires pour
appendicite résultant des recommandations nationales.
Effet « sous-marin »
Aucune différence significative n’a été observée d’un
sous-marin à l’autre en termes de clinique des affections.
Ce résultat était attendu en raison de la grande similitude
des bâtiments et de l’homogénéité des équipages.
incidence des pathologies médico-chirurgicales observées à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de nouvelle génération entre mai 1997 et décembre 2013
175
Comparaison avec les bâtiments de surface
Ces résultats ont été comparés à ceux d’un travail de
thèse portant sur la période de 1989 à 1994 à bord des
navires du Groupe d’action sous-marine (GASM) (6).
Cette comparaison a montré que pour des durées
identiques de navigation, la moyenne de consultations
est sensiblement la même sur les bâtiments de surface
et les SNLE, avec quatre consultations/homme/jour.
Sur les unités du GASM, les principaux motifs de
consultations étaient :
– la traumatologie (30 % vs 28 % sur SNLE) ;
– la pathologie digestive (9 % vs 10 % sur SNLE) ;
– la dermatologie (6,5 % vs 17 % sur SNLE) ;
– l’odontostomatologie (2,4 % vs 20 % sur SNLE).
Pour ces quatre spécialités, les données épidémiologiques sont proches dans les deux forces maritimes.
La différence observée en dermatologie s’explique
par l’atmosphère confinée du SNLE favorisant les
retards de cicatrisation et les infections cutanées. Pour
la pathologie dentaire, l’intérêt certain porté par les
médecins de SNLE, lié à l’acquisition de compétences
techniques dans ce domaine, motivent leur application
à les traiter et à les déclarer. La dynamique est inverse
sur les navires de surface, s’expliquant par le recours
plus facile à l’évacuation.
Concernant la cardiologie, une différence significative
relative au nombre de Syndromes coronariens
aigus (SCA) a été constatée (9 cas en surface soit
0,5 cas/1 000 h.an vs aucun sur SNLE). La moyenne
d’âge est plus élevée pour les « surfaciers », la
poursuite du tabagisme, parfois important, à bord et
une application de normes d’aptitude plus sévères aux
FSM peuvent expliquer cette différence. Le contrôle
plus strict de l’IMC et un tabagisme plus faible (tabac et
vapotage interdits sur sous-marin) (7) peuvent induire un
biais de travailleur sain chez les sous-mariniers mais si
aucun SCA n’est observé sur un SNLE en mer, plusieurs
sont déclarés parmi les équipages à quai, ce qui incite
à la vigilance. La dotation médicamenteuse des SNLE
et des navires de surface intègre un thrombolytique
(métalyse®).
La pathologie psychiatrique paraît dix fois plus
fréquente sur SNLE. Les conditions de vie plus
contraignantes (bruit, éclairage insuffisant, promiscuité,
rythme de quart, confinement) favorisent l’apparition
de syndrome dépressif-like entre le 25e et le 45e jour de
patrouille avec décompensation possible de troubles
latents (8). La décompensation psychiatrique en patrouille
n’entraîne pas automatiquement de MEDEVAC mais
implique une surveillance médicale accrue avec, parfois
isolement du patient pendant toute ou partie de la
navigation restante. Ces situations sont contraignantes
tant pour l’équipe médicale que pour l’équipage qui doit
supporter les quarts que n’effectue pas le malade. Ces
cas, lorsqu’ils surviennent sont bien répertoriés dans
les rapports de fin de cycle. Chez les « surfaciers », la
possibilité de sortir à l’extérieur avec une exposition à la
lumière du jour, l’entretien du tabagisme, le recours plus
aisé à l’évacuation expliquent une gestion plus souple
des situations psychiatriques analogues. Néanmoins,
le risque suicidaire est plus marqué en surface qu’en
SNLE où aucun cas n’a été décrit en mer. Les liaisons
permanentes avec l’extérieur (internet, téléphone)
échappent au contrôle de l’encadrement : une rupture
sentimentale annoncée par SMS peut inciter le marin
en souffrance au geste auto-agressif.
Conclusion
La mission de dissuasion assurée par les SNLE leur
impose une autonomie totale et l’adéquation capacitaire
tant matérielle qu’humaine. La redondance matérielle
répond aux risques d’aléas techniques. Pour l’équipe
médicale, la formation renforcée et les équipements
performants de l’infirmerie leur donnent la capacité de
prise en charge des urgences médico-chirurgicales, à la
fois complète et autonome. Le choix de la Marine et du
SSA d’une équipe médicale embarquée bénéficiant d’une
formation multidisciplinaire complémentaire garde toute
sa pertinence. En effet, l’étude atteste des bénéfices
tirés de la prise en charge des 281 pathologies médicochirurgicales en évitant 29 MEDEVAC potentielles.
L’incidence des pathologies importantes sur SNLE et
navires de surface est comparable excepté les troubles
psychiatriques et les SCA.
La contribution des HIA de Brest et de Toulon
dans la formation avant embarquement, le très fort
investissement des équipes hospitalières brestoises dans
l’ECT concourent à cette réussite.
Dans le cadre du projet SSA 2020, la transformation
des établissements hospitaliers, et en particulier celui
de Brest, pourrait avoir des conséquences pour l’instant
imprécises, dans le concours fourni par l’HIA pour le
soutien de la Force océanique et stratégique.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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origines à nos jours. Édition ETAI ; 2002.
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des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Médecine et Armées
2010 ; 38 : 291-8.
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des Forces sous-marines. Médecine et Armées 1994 ; 22 : 233-8.
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relative à la détermination de l’aptitude médicale à la navigation
sous-marine. BOC n° 18, 30 juillet 2007, texte 24.
5.Instruction n° 2-14830-2014/ESNLE/SANTE du 19 mars 2014
176
relative aux rapports techniques « hygiène et santé » des SNLE.
6.Stève M. Approche épidémiologique des pathologies rencontrées
à bord des bâtiments de surface de la Marine nationale et moyens
pour y faire face, thèse de doctorat en médecine. Brest : université
Bretagne Occidentale, UFR médecine et science de la santé ; 1996.
7.Verret C, Trichereau J, Laporal S, Leger C, Esvan M, Bourdon L,
et al. Étude de mortalité des personnels sous-mariniers de la Marine
nationale, Paris, Observatoire de la santé des vétérans 2014.
8.Trousselard M, Cian, Roux A, et al. Conséquences psycho-cognitives
et physiologiques d’un exercice d’évacuation d’un sous-marin en
plongée. Médecine et Armées, 2010 ; 38, 4 : 299-310.
m. repellin
Médecine des forces
Médecin du personnel navigant : de l’aptitude à la gestion de la
fatigue opérationnelle
V. Beylota, I. Tollub, S. Costec, L. Vitiellod, G. Turband, D. Grase
a CPEMPN – HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.
b Antenne médicale de Cognac – 16109 Cognac Air.
c Centre de formation de médecine aéronautique de l’EVDG, HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.
d Commandement des Forces Aériennes, BA 106, avenue de l’Argonne, CS 70037 – 33693 Mérignac Cedex.
e Antenne d’expertise médicale initiale de Bordeaux, CS 21152 – 33068 Bordeaux Cedex.
Résumé
Le médecin du personnel navigant doit proposer un suivi de proximité bâti sur une relation de confiance avec les navigants.
Sa formation initiale lui permet de connaître les contraintes existantes dans le domaine aéronautique, cependant c’est son
expérience au contact des personnels navigants qui lui permettra de parvenir à être un interlocuteur reconnu donc écouté.
Ses missions actuelles couvrent un vaste domaine touchant à l’aptitude mais aussi au conseil au commandement et à la
gestion de la fatigue en contexte opérationnel. Son action de médecin doit être guidée par la recherche de l’amélioration
de la sécurité des vols et la volonté d’être à l’écoute des personnels évoluant dans un univers d’une technicité croissante.
Mots-clés : Compétences. Fatigue aéronautique. Médecin du personnel navigant.
Abstract
FLIGHT SURGEONS: FROM APTITUDE EVALUATION TO OPERATIONAL FATIGUE MANAGEMENT.
Flight surgeons have to provide medical follow-ups built on a relationship of trust with the navigators. Their initial training
teaches them the constraints of the aeronautical field, however it is their experience with flight crews that enables them
to be recognized and hence listened to. Their missions cover a vast range of activities from medical acts, advice, to the
management of fatigue in operational contexts. Their actions must aim at improving flight safety as well as listening to the
men involved in those flights, in an increasing technical world.
Keywords: Flight surgeon. Skills, Aeronautical fatigue.
Introduction
Le soutien médical des unités navigantes repose
aujourd’hui, quelle que soit l’armée concernée,
sur un suivi de proximité personnalisé offrant une
place particulière au médecin chargé du Personnel
navigant (PN). Cette spécificité, héritage du passé, est
profondément ancrée dans l’imaginaire aéronautique.
Dès l’emploi opérationnel de l’aviation sur les champs
de bataille de la Première Guerre mondiale, il fut
rapidement indispensable de répondre à la question de
l’aptitude médicale initiale, notamment afin de réduire
V. BEYLOT, médecin en chef, praticien certifié. I. TOLLU, médecin en chef.
S. COSTE médecin en chef, praticien confirmé. L. VITIELLO, médecin en chef,
praticien confirmé. G. TURBAN, médecin en chef, praticien certifié. D. GRAS,
médecin en chef, praticien confirmé.
Correspondance : Monsieur le médecin en chef V. BEYLOT, CPEMPN – HIA Percy,
101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 44, 2, 177-182
les pertes humaines non liées aux combats (1). Ainsi les
besoins croissants de former des équipages, imposèrent
lors de ce conflit de procéder à une première sélection
des futurs pilotes. Cette mission fut confiée aux centres
médicaux chargés de la détermination de l’aptitude (le
premier centre dirigé par le Dr Nepper fonctionnera au
Grand Palais en Novembre 1917, suivi de la création en
1918 d’un centre au sein de l’École de pilotage de DijonLongvic, sous la direction du Pr Guillain). Parallèlement,
dès 1917, le docteur J-Georges Ferry (2) recommande de
mettre en place un suivi de proximité auprès des unités
aériennes afin d’améliorer la prévention des accidents.
Ces médecins auraient alors été les mieux placés pour
déceler les formes insidieuses d’épuisement physique et
psychologique alors nommé « mal des aviateurs » (3)
qui touchaient les escadrilles et améliorer la sécurité
aérienne. Malheureusement, cette proposition est restée
caduque du fait de la difficulté de former des médecins
qualifiés en nombre suffisant.
177
Aux États-Unis, cette problématique a pu se concrétiser
dès 1918 par la mise en place d’un enseignement et
la création d’une école de médecine aéronautique du
Service de santé de l’Armée de l’Air au Texas. Cette
école de spécialisation formera en quelques mois les
futurs flight surgeons (4). En France, des démarches
comparables prendront près de 20 ans avant de voir
l’initiation d’un « cours d’aviation » en 1934 au Val-deGrâce (sous la direction de Paul Beyne). Ce n’est qu’à
la fin de la Seconde Guerre mondiale que l’on assiste à
la mise en place de praticiens formés à l’aéronautique
auprès des unités de l’armée de l’Air permettant de bâtir
une relation de confiance et de proximité entre médecins
et personnels navigants (2, 4).
Alors que notre service de santé connaît une phase
d’évolution de sa composante de médecine des forces
(création d’une Direction de la médecine des Forces,
d’un échelon santé spécialisé milieu aérien et de Centres
médicaux des armées (CMA) de nouvelle génération),
nous souhaitons illustrer ce que sont les médecins
chargés du PN aujourd’hui, à travers leurs cursus, leurs
missions et en gardant à l’esprit l’objectif principal
inchangé depuis leurs origines : celui de participer à la
sécurité aérienne.
Le champ de ces médecins va au-delà de la surveillance
de l’aptitude à l’emploi : il s’agit de coordonner le
parcours de soins des navigants, mais aussi d’optimiser
leur potentiel humain et de se positionner dans la
gestion de la fatigue particulièrement en contexte
opérationnel en assurant une interface de proximité
avec le commandement.
Tout ceci ne peut se concevoir que dans le respect de
l’éthique inhérente à la fonction du médecin qui doit
s’occuper de « l’homme-navigant » évoluant dans un
univers de plus en plus technique.
Quelle formation
Afin de pouvoir disposer de médecins compétents,
capables de répondre de manière crédible aux attentes
du commandement, le service de santé a mis en place des
formations qualifiantes délivrant des brevets et relevant
de l’adaptation à l’emploi dans le milieu aéronautique.
Le premier niveau de formation correspond au Brevet
de médecine aéronautique de défense (BMAD), dont
l’origine remonte au brevet de médecine aéronautique
initié en 1944 (4). Ce brevet est aujourd’hui organisé
par le Centre de formation de médecine aéronautique
(CFMA) de l’École du Val-de-Grâce (EVDG). Il propose
aux médecins affectés en CMA ou en antenne médicale
assurant le soutien de bases aériennes, aéronavales ou
régiments d’hélicoptères de l’aviation légère de l’armée
de Terre, de suivre pendant près de 3 mois un cursus
complet théorique et pratique comprenant 10 unités de
valeurs spécifiques de l’environnement aéronautique
(tab. I). Il aborde notamment la physiologie aéronautique
(hypoxie, hypobarie, accélérations), l’expertise médicale
et psychologique du PN et les bases du facteur humain.
Ce brevet est aussi l’occasion d’éprouver physiquement
ces enseignements aux travers de vols, de passage en
178
Tableau I. Unités de valeur incluses dans la formation du BMAD.
Unités de
valeur
Thèmes
Heures
UV 1
Physiologie aéronautique et spatiale
20
UV 2
Médecine générale et aptitude médicale PN
45
UV 3
Ophtalmologie et aptitude médicale du PN
15
UV 4
Oto-rhino-laryngologie et aptitude médicale du PN
10
UV 5
Psychiatrie et psychologie clinique en
aéronautique
15
UV 6
Hygiène et épidémiologie aéronautique
7
UV 7
Sécurité aérienne et facteurs humains
15
UV 8
Ergonomie appliquée à l’aéronautique
12
UV 9
Aéronautique de défense et prévention
(toxicologie)
4
UV 10
Évacuations médicales par voie aérienne
15
Formation aéronautique
Théorique Connaissance de l’environnement aéronautique
30
Théorique Connaissances aéronautiques de base
20
Pratique
Mise en situation
70
caisson d’altitude (hypobare), en générateur d’illusion
sensorielle et en centrifugeuse.
Le second niveau, validé dans le cadre du
développement professionnel continu, correspond au
Brevet supérieur de médecine aéronautique (BSMA)
également organisé par le CFMA depuis 2006. Ce brevet
est ouvert après sélection sur dossier aux médecins
disposant d’au moins quatre ans d’expérience en unité.
Dans le cadre de cette formation supérieure, les modules
enseignés abordent : les facteurs humains et leurs impacts
sur la sécurité des vols, la conduite des enquêtes accidents
et le rôle du médecin, ainsi qu’un approfondissement de
l’expertise médicale aéronautique. Ce brevet comporte
également une formation en vol au cours d’un stage
de quatre semaines au sein de l’escadron de formation
des instructeurs pilotes de Cognac. Ce stage permet de
percevoir de façon beaucoup plus aboutie les contraintes
physiques mais aussi cognitives subies par un élève
pilote en cours de formation.
Ces deux formations nécessitent ensuite un entretien
des compétences théorique et pratique et relèvent d’une
revalidation triennale auprès du CFMA comparable à
celle demandée par la direction générale de l’aviation
civile pour ses médecins agréés.
Un troisième niveau de formation existe et correspond
au brevet européen de médecine aéronautique permettant
de partager les pratiques au sein des pays du Groupe
aérien européen.
Le CFMA coordonne également les formations
Aeromedevac. On retrouve ainsi la formation
« Morphée », pour le personnel appelé à assurer cette
alerte et les formations de préparation opérationnelle
avant projections sur les postes Casa nurse pour le
personnel assurant les Aeromedevac tactiques sur Casa
v. beylot
CN235 et sur les postes Aero Medical Evacuation Team
pour les équipes médicales assurant la mission Medevac
sur hélicoptères.
À côté de ces formations dispensées par le Service de
santé des armées (SSA), les médecins du PN, en tant
qu’acteurs de la sécurité des vols, peuvent se porter
volontaire pour suivre les stages ayant trait à la sécurité
des vols organisés par le Bureau maîtrise des risques de
l’état-major de l’armée de l’Air (5).
Si le CFMA forme les médecins du personnel navigant
comme l’ont rappelé nos anciens, c’est la vie auprès des
unités navigantes avec la découverte de leurs codes et
traditions mais surtout de la complexité des missions, qui
va véritablement forger le futur praticien (6). C’est bien
l’expérience qui fait le médecin du personnel navigant.
Missions et rôle en métropole
De façon immuable, le médecin du PN doit s’assurer
que le navigant dispose, d’une part, des capacités
physiques et psychologiques nécessaires à la conduite
de son activité et d’autre part, que le vol (à travers
ses contraintes) ne doit pas aggraver une pathologie
préexistante chez ce navigant. Enfin l’existence d’une
atteinte (avec son histoire, son potentiel évolutif, son
risque de récidive) ne doit pas compromettre la conduite
de l’activité aérienne par la survenue d’une incapacité
subite (totale) ou subtile (partielle) qui pourrait alors
mettre en danger les personnes transportées et survolées.
Toute décision d’aptitude relève de cet équilibre (fig. 1).
Figure 2. Compétences du médecin PN (7).
soutenues. Il lui revient également d’organiser le
parcours de soins ou d’expertise en lien avec les CEMPN,
de suivre les éventuelles inaptitudes de ses navigants et
de connaître les restrictions éventuellement posées par
les autorités (Commission médicale aéronautique de
Défense ou Pôle médical pour les aptitudes Classe 1).
Intégré aux unités navigantes, le médecin du PN doit
participer aux briefings organisés au sein des escadrons
et essayer de répondre aux questions d’ordre médicoaéronautique soulevées.
Il apparaît donc que le travail actuel du médecin du
PN relève des compétences attendues d’un médecin
généraliste évoluant au sein d’un milieu professionnel
particulier, ce cadre aéronautique exigeant lui imposant
une connaissance approfondie des contraintes afin de
répondre de manière pertinente.
Exemples d’expertises médicoaéronautiques au service du
commandement
Figure 1. Décision médicale et aptitude aéronautique.
La figure 2 illustre ce que peut être le rôle du médecin
du PN sous l’angle des compétences en médecine
générale tel que proposées par Attali et Bail (7). Le
médecin doit bâtir une relation de confiance avec les
différents acteurs de l’activité aéronautique (pilotes,
navigateurs et contrôleurs aériens) en s’appuyant sur
sa connaissance des contraintes subies, mais aussi
de l’environnement professionnel. Il doit assurer la
consultation de premier recours afin d’autoriser le vol
ou au contraire de le suspendre en cas de pathologie
aiguë incompatible avec l’activité aérienne. Par sa
connaissance, il est le mieux placé pour conseiller le
PN sur le plan thérapeutique vis-à-vis de cette activité.
Il participe également à l’organisation des secours, en
répondant aux demandes de soutiens dépendant des
niveaux de risques liés aux activités (8). Cette réponse
nécessite déjà de comprendre les différentes missions
médecin du personnel navigant : de l’aptitude à la gestion de la fatigue opérationnelle
Afin d’illustrer le rôle de conseiller du médecin chargé
du PN, nous proposons d’aborder de façon pratique
quatre situations dans lesquelles le médecin peut être
sollicité.
Briefings
Une fois par semaine, chaque unité navigante organise
un « briefing », c’est-à-dire une réunion rassemblant
l’ensemble du personnel et permettant de faire connaître
ou de partager des informations utiles. Il existe un
cadre réglementaire de la participation des médecins
à ce briefing. Les consignes permanentes d’instruction
du personnel navigant précisent qu’à l’occasion d’un
briefing plate-forme hebdomadaire, un sujet de portée
générale peut être abordé et donne pour exemple un
briefing « facteur humain » pour lequel le médecin
PN peut être sollicité (9). Les consignes permanentes
de maîtrise du risque aérien rappellent l’intérêt de la
présence du médecin dans les escadrons et son rôle
179
d’information sur les risques aéronautiques (10). Il s’agit
donc bien d’une mission incontournable pour le médecin
du PN qui doit y être présent et de temps en temps,
selon l’actualité ou la saison, prendre la parole dans un
moment particulier, trouver le ton juste et être concis
pour faire passer un message important en termes de
santé et de sécurité des vols. Une bonne connaissance
des habitudes, du vocabulaire et des codes de l’unité est
nécessaire. Au-delà du respect des consignes de l’armée
de l’Air, un investissement personnel fort est nécessaire,
d’autant plus que ces interventions permettent aussi aux
médecins de réaliser leur campagne de communication,
c’est-à-dire de se faire connaître pour favoriser les
demandes de consultations et entretenir de bonnes
relations de travail.
d’exemple un pilote de chasse réalise environ 180 heures
de vol/an et peut actuellement dépasser 100 heures
en 2 mois en opération). Au terme de ces visites, le
médecin doit se prononcer sur l’aptitude à la poursuite
de l’activité et fixer la prochaine échéance de visite (au
maximum 15 heures supplémentaires pour les pilotes de
chasse et les navigateurs officiers systèmes d’armes).
Lors de ces visites, le médecin peut également
envisager avec l’intéressé d’avoir recours à des
substances psychoactives permettant d’améliorer le
repos (Zolpidem, Zopiclone) ou le niveau de vigilance
(Caféine LP).
Conseils en progression, conseils
d’instruction
Des aides pharmacologiques permettant de réduire
les effets d’une dette de sommeil prolongée et ont
été utilisées lors d’opérations aériennes soutenues et
continues lorsque les moyens non pharmacologiques
n’étaient pas jugés suffisants pour assurer un niveau
de sécurité des vols satisfaisant (17, 18). L’instruction
744 (16) définit le cadre autorisant l’utilisation de
certaines de ces molécules. L’emploi est envisageable
lorsque les mesures préventives, ergonomiques et
organisationnelles sont jugées insuffisantes. Cette
utilisation nécessite une décision du commandement
opérationnel sur avis du SSA. Le commandement
désigne alors le personnel susceptible de bénéficier de
telles aides pharmacologiques.
Dans son rôle de conseiller, il est indispensable
que le médecin chargé du PN se pose la question
de l’opportunité de leur utilisation car c’est lui qui
conseille le commandement opérationnel et qui sera
à l’origine du déclenchement de la demande de mise
en place et de l’emploi de ces molécules sur le théâtre.
C’est également lui qui doit s’assurer de l’existence
d’un consentement des navigants et de la réalisation
d’essais préalables à l’emploi au sol (à défaut, il devra
les réaliser en opération sous couvert d’une exemption
de vol de 24 heures). Enfin, il devra prescrire ces
molécules, suivre les consommations et transmettre
en fin de mission un rapport de synthèse (19) ayant un
objectif de retour d’expérience et de pharmacovigilance.
Le dialogue entre le médecin chargé du PN, les
PN, les commandants d’escadrille et le commandant
du détachement doit être une réalité permettant
éventuellement d’adapter localement le rythme
d’activité, les conditions de repos ou de restauration
dans un souci de sécurité.
Le cursus du personnel navigant est un long parcours
d’une dizaine d’années qui amènera l’élève pilote
jusqu’à la qualification maximale de chef de patrouille,
de chef navigateur ou de commandant de bord. Tout au
long de ce cursus, l’échec peut être synonyme d’arrêt de
progression ou de réorientation (11). Lors des conseils
qui sont alors organisés (conseil d’instruction en école,
conseil d’examen de progression après l’arrivée en
escadron), le médecin du PN est sollicité et donne un
avis consultatif. Cet avis s’ajoute aux autres avis pris
par le commandant de base : commandant d’escadron,
moniteurs, mais aussi psychologue (du centre d’études
et de recherches psychologiques Air) et peut être aussi
l’occasion de faire apparaître des éléments individuels
jusqu’alors méconnus.
Seule la disponibilité et la relation de confiance
établie entre le médecin et l’élève d’une part, et vers les
membres du conseil d’autre part, permettront de rendre
un avis utile sur l’adaptation au milieu aéronautique et
sur les circonstances susceptibles d’avoir induit l’échec.
Visites de dépassement (12)
L’activité aéronautique réalisée par un pilote devrait
idéalement être répartie tout au long de l’année. Ceci
n’est toutefois pas toujours le cas, aussi certaines
armées (Air et Marine) ont prévu dans le cadre de leurs
doctrines d’emploi d’imposer des visites médicales
aux navigants lorsque ces derniers atteignent certaines
butées mensuelles (13-15). Jusqu’en 2016, le contenu
de ces visites était libre puis fut précisé lorsqu’un
travail d’harmonisation en a défini le cadre (12). La
finalité reste cependant inchangée : il s’agit d’une visite
imposée associant un examen médical précédé d’un
questionnaire qui permet, d’une part, d’évaluer et de
rechercher des signes de fatigue mais aussi d’aborder les
modalités déployées pour lutter contre celle-ci : mesures
organisationnelles, lieux de repos et de vie, voire emploi
de substances modifiant la vigilance. L’intérêt de ces
visites est mis en exergue en opérations extérieures
où les équipages sont fréquemment amenés à dépasser
le rythme des vols habituels à l’entraînement (à titre
180
Prescription et surveillance de l’emploi des
substances modifiant la vigilance (16)
Conclusion
Au final, le rôle du médecin chargé du personnel
navigant est bien d’être ouvert et curieux de
l’environnement au sein duquel il évolue. Il doit être
un praticien polyvalent dont la crédibilité assurera la
qualité d’écoute du commandement et du PN.
Son rôle est proche de la proposition initiale de Ferry
en 1917. Seules les contraintes et les techniques ont
évolué. Sa place dans la chaîne de la sécurité des vols est
v. beylot
réelle et son action ne peut être envisagée qu’à travers
un travail en réseau avec les autres professionnels de
santé (réseau civil local, hôpitaux, centres d’expertise et
médecins insérés auprès des commandements).
De façon similaire aux navigants qui assurent depuis
de nombreuses années une remontée d’informations
concernant les incidents ou les situations à risques
auxquels ils ont été confrontés, il est évident que la
culture du retour d’expérience fait partie des aptitudes
que doit posséder le médecin du PN pour que
l’expérience, la connaissance et le vécu opérationnel
d’un praticien puissent bénéficier au plus grand nombre.
Les médecins du PN d’aujourd’hui, tout comme ceux
d’hier, sont des acteurs essentiels de l’évolution de la
connaissance au sein de leur discipline inscrite à la
croisée des chemins.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit
d’intérêt avec les données citées.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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aérospatiale. Expansion scientifique publications. 2e édition. 1999 : 5.
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cnge.fr/la_pedagogie/concepts_et_principes_pedagogiques/
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ressources humaines de l’armée de l’air. N°68/DEF/DRH-AA/EFPN
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10.Consignes permanentes de maîtrise du risque aérien : tome écoles
de formation du personnel navigant de la Direction des ressources
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médecin du personnel navigant : de l’aptitude à la gestion de la fatigue opérationnelle
1er juillet 2016.
11.Gras D, Beylot V. Pilote de chasse : l’exemple des équipages de
Mirage 2000D et place du médecin chargé du personnel navigant.
Médecine aéronautique et spatiale. 2008 ; 49 (183) : 12-20.
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15.Répertoire d’emploi de l’aviation de chasse. N°215300580/CFA/
BAAC du 27 juillet 2010.
16.Instruction n°744/DEF/EMA/SC-PERF/BORG – N°744/DEF/
DCSSA/PC/MA relative à l’utilisation militaire de substances
modifiant la vigilance du 4 mai 2015.
17.Gras D, Vitiello L, Kereun E, Kerrien C, Dubourdieu D, Perrier E,
et al. Utilisation de la Caféine LP durant l’opération Harmattan sur
le Detair de Souda. Médecine Aéronautique et spatiale. 2012 ; 53
(199) : 97-104.
18.Cocquempot K, Sauvet F, Vitiello L, Gras D, Michaud A, Gros
L. Étude rétrospective de l’utilisation des substances modifiant la
vigilance chez le personnel navigant de la base aérienne 172 de
N’djamena durant les cinq premiers mois de l’opération « Serval ».
Médecine et Armées. 2015 ; 43 (4) : 375-85.
19.Procédure Emploi des substances modifiant la vigilance. DCSSA/
BMA/2015-01 du 1er septembre 2015.
181
VIENT DE PARAÎTRE
MÉDECIN EN AFGHANISTAN
Journal de marche d’un médecin militaire
ordinaire en opération extérieure
Étienne Philippon
Préface du médecin général Charles Puel
Postface du colonel Benoît Aumonnier
Tombeau des empires, l’Afghanistan a été pendant plus d’une décennie un théâtre d’opération
difficile et particulier où les militaires français ont accompli admirablement leur devoir loin de
chez eux. Certains l’on payé de leur vie. Ce conflit a suscité de nombreux ouvrages et pour
la première fois, un médecin militaire français fait part de sa vision du terrain.
Engagé en Afghanistan d’octobre 2010 à avril 2011, le médecin en chef Étienne Philippon
décrit dans son journal avec spontanéité et franc-parler le quotidien de sa mission. Écrit sur
le vif et au fil de l’eau, ce récit offre un regard précis sur les évènements avec un style alliant
tact, pudeur, humour et franchise. Il nous confie ce qu’il ressent et nous invite à partager
l’intimité de l’équipe opérationnelle de liaison et d’encadrement (OMLT) d’un bataillon afghan
déployé en Surobi et en Kapisa. Il explique sans détour le sens de son action de soutien
médical et de formation d’une section médicale afghane, le rôle particulier du Service de
santé des armées en tous lieux et en toutes circonstances au service et avec les combattants
et décrit avec détail et humanisme comment il vit sa mission au quotidien. Il montre la force
et la faiblesse de cette nouvelle armée et, à travers elle, décrit la société afghane. Ce livre
propose l’histoire de ces hommes envoyés loin de chez eux pour conseiller et appuyer sur le
terrain cette jeune Armée nationale afghane pour plus de stabilité.
Le docteur Étienne Philippon nous raconte sans détour sa mission ainsi que son baptême du
feu avec la découverte pour lui du sens des mots « frères d’armes ». Il raconte son quotidien
de soldat et fait partager son expérience opérationnelle vécue dans ce pays, mais aussi ses
réflexions, ses doutes, ses souffrances et ses satisfactions. Une aventure humaine d’un père
de famille, médecin portant l’uniforme.
L’auteur : Étienne Philippon, ancien élève de l’École du Service de santé de Bordeaux (santé
navale), est médecin militaire dans l’armée de terre.
Les droits d’auteurs de ce livre seront reversés à l’association « Terre Fraternité ».
ISBN : 978-2-7025-1642-3 – Format : 15,5x22 cm – Pages : 280 – Prix 26 � – Éditions Lavauzelle,
BP 8 – 87350 Panazol – wwwlavauzelle.com
182
Médecine des forces
Place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des
forces
M. Sahuta, S. Minaberryb, R. Michelc, d, A. Héraudeau Fritsche, P. Lafourcadef
a CMA NG-XP Tours, Antenne médicale de Bricy, Base aérienne 123, BP 64229 – 45144 Saint-Jean-de-la-Ruelle Cedex.
b DRSSA de Saint-Germain-en-Laye, Base des Loges, BP 40202 – 78102 Saint Germain-en-Laye.
c Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, Camp de Sainte Marthe, BP 40026 – 13568 Marseille Cedex 02.
d École du Val-de-Grâce, 1, place Alphonse Laveran – 75230 Paris Cedex 05.
e Antenne médicale de Mérignac, Base aérienne 106, CS 70037 – 33693 Mérignac Cedex.
f Centre médical des armées de Pau-Bayonne-Tarbes, Camp Aspirant Zirnheld, BP 1139 – 64011 Pau Cedex.
Résumé
La médecine manuelle-ostéopathie connaît un essor important en France. Nous avons réalisé une étude épidémiologique
transversale et exhaustive auprès des 844 médecins praticiens des forces du Service de santé des armées en activité en 2014.
L’objectif principal était d’évaluer leurs connaissances, attitudes et pratiques dans ce domaine. Le taux de participation était
de 46 %. La majorité des médecins des forces déclarait avoir une connaissance moyenne voire insuffisante en médecine
manuelle-ostéopathie. Toutefois, 86 % des médecins souhaitaient améliorer leurs connaissances. Ils soulignaient l’intérêt
de la médecine manuelle-ostéopathie en milieu militaire et des spécificités propices à sa pratique (activités à contraintes
musculaires importantes, engagement opérationnel, pathologie du sport). La pratique de la médecine manuelle-ostéopathie
modifiait significativement la prise en charge ostéopathique des patients (orientation et traitement) et était associée à la
détention d’un diplôme de médecine manuelle-ostéopathie, de médecine du sport ou de mésothérapie. Les pathologies
rachidiennes, de hanche, de cheville et de pied et les contractures musculaires étaient les plus fréquemment traitées. Les
techniques musculaires (étirement myotensif et techniques d’inhibition) et articulaires étaient les plus souvent employées.
L’exercice de la médecine manuelle-ostéopathie parmi les médecins des forces restait encore confidentiel mais son
développement au sein du milieu militaire semble intéressant.
Mots-clés : Manipulation ostéopathique. Médecine manuelle-ostéopathie. Pratique médico-militaire. Thérapies manuelles.
Abstract
OSTEOPATHIC MANIPULATIVE MEDECINE AND MILITARY MEDECINE.
Osteopathic manipulative medicine (OMM) has recently known a rapid expansion in France. We carried out an exhaustive
cross sectional study on 844 military general practitioners operating in the French Military Health Service in 2014. The
primary objective of our study was to assess their knowledge, attitude and practices in this domain. The participation rate
was 46%. The majority of the military general practitioners declared having average to inadequate knowledge of OMM,
and 86% of them wanted to improve their knowledge. They valued the medical use of OMM in their military practice
and its specificities (activities with important muscle stress, operational constraints, sports pathology). Practicing OMM
significantly altered the osteopathic orientation and the treatment of the patients and was implemented with a diploma
in OMM, sports medicine and mesotherapy. Spinal, hip, ankle and foot pathologies, and muscle contractures were most
frequently treated. Muscle techniques (“muscle energy techniques” and sustained pressure) and joint techniques were most
often used. The practice OMM in the French Army remains underdeveloped but its essential future development in the
military seems interesting.
Keywords: Osteopathic manipulation. Osteopathic medicine. Military medical practice. Musculoskeletal manipulations.
Introduction
La main a de tout temps été considérée comme un
instrument thérapeutique (1-3). Parmi les thérapies
M. SAHUT, médecin. S. MINABERRY, médecin en chef. R. MICHEL, médecin
en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. A. HÉRAUDEAU FRIRSCH, médecin
principal. P. LAFOURCADE, médecin en chef, praticien confirmé.
Correspondance : Monsieur le médecin M. SAHUT, CMA NG-XP Tours, Antenne
médicale de Bricy, Base aérienne 123, BP 64229 – 45144 Saint-Jean-de-la-Ruelle Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 183-192
manuelles, une discipline, la Médecine manuelleostéopathie (MMO), connaît un développement
considérable en France depuis une dizaine d’années.
Dans le cadre du modèle « SSA 2020 » (4), le
Service de santé des armées (SSA) réaffirme sa
mission première en se concentrant sur le soutien santé
des forces avant, pendant et après les engagements
opérationnels. Cette mission s’étend de la préparation
opérationnelle médicale du combattant jusqu’à la reprise
de service du personnel blessé ou malade, et au-delà,
183
sa réinsertion professionnelle et sociale. En 2009, une
conférence de consensus du SSA (5) soulevait les
besoins de prévention des lombalgies et des risques liés
à la préparation physique chez les militaires d’active.
Dans cette optique, le développement d’un parcours
professionnel dédié à la MMO et à la médecine du sport
est envisagé. La promotion de la démarche préventive
dans le cadre des activités physiques et sportives est
également régulièrement mise en avant.
La MMO reste cependant un domaine peu étudié,
notamment dans le milieu militaire, à la différence des
pays étrangers (principalement anglophones), où cette
pratique semble être mise en avant (6, 7). En 2014,
Héraudeau Fritsch, et al. soulignaient le développement
croissant de l’offre de soins en MMO au sein des armées
françaises (8). Le besoin en médecine manuelle se fait
également ressentir au sein des antennes médicales,
comme le précisent Haus-Cheymol, et al. dans une étude
sur l’évolution de l’offre de soins en Centres médicaux
des armées (CMA) (9) et Bertrand, et al. dans une étude
sur les patients suivis à l’antenne médicale de SaintDizier-Chaumont (10).
La MMO semble donc réellement s’inscrire dans
le parcours de soins du militaire. Il n’existe toutefois
aucune étude décrivant les caractéristiques des médecins
praticiens des forces dans ce domaine. L’objectif
principal de cette étude était d’évaluer les connaissances,
attitudes et pratiques des médecins praticiens des forces
dans le domaine de la MMO. Les objectifs secondaires
étaient de rechercher l’existence de facteurs associés à
la pratique de la MMO et d’évaluer les besoins ressentis
d’une telle thérapeutique dans les armées.
Définitions
La MMO appartient à la famille des thérapies
manuelles, elles-mêmes intégrées au sein des médecines
alternatives et complémentaires (11). Ce terme, retenu
par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), regroupe
« des approches, des pratiques, des produits de santé et
médicaux, qui ne sont pas habituellement considérés
comme faisant partie de la médecine conventionnelle ».
L’arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation
en ostéopathie (12) encadre la formation des praticiens
et leur pratique en France. Selon cet arrêté, la MMO se
définit comme suit : « l’ostéopathe, dans une approche
systémique, après diagnostic ostéopathique, effectue
des mobilisations et des manipulations pour la prise
en charge des dysfonctions ostéopathiques du corps
humain. La dysfonction ostéopathique est une altération
de la mobilité, de la viscoélasticité ou de la texture des
composantes du système somatique, et s’accompagne ou
non d’une sensibilité douloureuse. Les manipulations et
mobilisations ont pour but de prévenir ou de remédier
aux dysfonctions en vue de maintenir ou d’améliorer
l’état de santé des personnes, à l’exclusion des
pathologies organiques qui nécessitent une intervention
thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse
ou par agent physique. »
Différentes techniques ostéopathiques peuvent être
utilisées (13, 14), les plus connues étant celles consacrées
184
aux tissus mous (techniques musculaires, traitement des
fascias, massages transversaux profonds, manœuvres
de décollement des plans cutanés profonds, techniques
viscérales) et celles consacrées aux articulations
(techniques myotensives, mobilisations articulaires
du traitement ostéopathique général, techniques
structurelles avec ou sans « thrust » (manipulation avec
impulsion rapide)).
Les indications de l’ostéopathie sont variables selon
les écoles (15, 16), mais toutes s’accordent à inclure les
pathologies ostéo-articulaires du rachis et des membres,
parmi lesquelles les lombalgies aiguës ou chroniques, les
dorsalgies et cervicalgies (torticolis, « coup du lapin »,
« dérangement intervertébral mineur »…), les entorses
(cheville, genou, poignet…), les tendinopathies (tenniselbow, golf-elbow, périarthrite…), la traumatologie
du sport, certaines perturbations de l’articulé dentaire.
Les contre-indications sont variées (17-19). Elles
concernent essentiellement les manipulations en
cas de pathologie osseuse sous-jacente (pathologie
néoplasique, infectieuse ou inflammatoire, traumatisme
non exploré avec risque de fracture ou d’entorse grave),
de trouble neurologique évolutif et de trouble vasculaire
évolutif dont la dissection artérielle. La MMO présente
également des effets indésirables. Les plus fréquents sont
bénins et caractérisés par une exacerbation de la douleur,
une sensation de raideur ou de restriction d’amplitude.
Des complications plus sévères, parfois mortelles,
sont décrites, liées à des manipulations vertébrales. Il
s’agit de lésions ostéo-articulaires (hernies discales,
fractures, luxations, entorses), nerveuses (médullaires
ou radiculaires) et vasculaires (accidents vasculaires
cérébraux, dissection de l’artère vertébrale). Il existe
toutefois trop peu d’études évaluant la sécurité des
manipulations ostéopathiques pour apprécier l’incidence
de ces accidents (20).
Ces définitions permettent de mieux comprendre le
cadre de notre étude et laissent à penser que la pratique
de la MMO est adaptée en cas de pathologies musculosquelettiques ou de lombalgies chez les militaires (mise
en condition opérationnelle et remise en condition au
retour de mission).
Matériel et méthode
Nous avons réalisé une étude épidémiologique
analytique, transversale et exhaustive sur l’ensemble
des médecins praticiens des forces, de métropole et
d’outre-mer, en activité en 2014, soit 844 médecins (522
hommes et 322 femmes). L’étude a été autorisée par le
chef du bureau « Médecine d’armée » de la Direction
centrale du Service de santé des armées (DCSSA). Le
recueil des informations s’est fait à l’aide d’un autoquestionnaire. Les critères d’exclusion étaient le refus
de participation à l’étude, le non-renvoi du questionnaire
d’enquête ou un questionnaire insuffisamment rempli
(moins de 80 % de réponses au questionnaire).
Le questionnaire a été envoyé sur la messagerie
professionnelle à l’ensemble des 844 médecins praticiens
des forces. Les médecins devaient le renseigner et le
retourner par voie informatique ou postale. Quelques
m. sahut
précisions de réponse ont pu être demandées par échange
de courriel. Le questionnaire (Annexe 1) était divisé
en deux parties : une première avec des questions
générales sur la MMO, concernant tous les médecins
des forces ; une seconde avec des questions spécifiques
sur la pratique de la MMO, concernant uniquement les
médecins la pratiquant. Les données ont été recueillies
du 1er mars au 30 septembre 2014.
Les analyses statistiques et la présentation des
résultats ont été réalisées avec le logiciel Epi-Info®
3.5.4 (Centers for disease control & prevention, Atlanta,
GA, USA, 2012) et avec le soutien méthodologique du
Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées
(CESPA). Le nombre de sujets nécessaires à l’étude
n’a pas été calculé a priori. Il a été décidé d’inclure
l’ensemble des médecins des forces en activité en 2014.
Le plan d’analyse a compris une analyse descriptive
des variables qualitatives et quantitatives ainsi qu’une
analyse bivariée des facteurs associés à la pratique de
la MMO. La comparaison des variables qualitatives a
été réalisée à l’aide du test du χ² lorsque les conditions
d’utilisations étaient réunies et par le test exact de Fisher
dans le cas contraire. La comparaison des variables
quantitatives a été réalisée à l’aide de l’analyse de
variance lorsque les conditions d’utilisations étaient
réunies et par des tests non paramétriques dans le cas
contraire (test de Wilcoxon ou test de Kruskall-Walis).
Résultats
Sur les 844 questionnaires envoyés, 393 ont été
retournés (46,6 %). Deux d’entre eux, insuffisamment
renseignés, ont été exclus de l’analyse. Au final,
391 questionnaires ont été analysés.
L’échantillon étudié était composé majoritairement
d’hommes (sex-ratio H/F de 1,2), d’âge moyen de 37 ans
(Écart Type = 8,2 ans ; les hommes étant en moyenne
plus âgés que les femmes) et pratiquant en moyenne
3 h 30 de sport par semaine (ET = 2,6 h). Dix pourcents
(39/391) des médecins avaient un diplôme de MMO
(ceux en cours de formation inclus). Près de la moitié
des médecins (171/391) avait au moins un diplôme de
médecine du sport (dont 56 % une capacité et 46 % un
DIU).
Sur l’ensemble, 10,7 % (42/391) pratiquaient ou
avaient déjà pratiqué la MMO. Cette population était
composée majoritairement d’hommes (sex-ratio H/F de
1,6), d’âge moyen de 40 ans (ET = 8,5 ans, les hommes
étant en moyenne plus âgés que les femmes), et pratiquait
la MMO depuis 4 ans en moyenne (ET = 4,3 ans). Parmi
les 34 médecins pratiquant la MMO au moment de
l’enquête, 50 % la pratiquaient au moins une fois par
semaine et 10 % avaient des créneaux de consultation
dédiés à la MMO.
L’âge était associé à la pratique de la MMO : les
médecins pratiquant la MMO étaient en moyenne
significativement plus âgés que ceux ne la pratiquant pas
(40,2 vs. 36,6 ans ; p = 0,01). En revanche, nous n’avons
pas mis en évidence d’association significative entre le
genre et la pratique de la MMO (62 % d’homme chez les
pratiquants vs. 54 % chez les non-pratiquants ; p = 0,34).
place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces
Nous n’avons pas mis en évidence d’association
significative entre le nombre d’heures de sport et la
pratique de la MMO (3,3 h de sport chez les pratiquants
vs 3,7 h chez les non pratiquants ; p = 0,33).
Les médecins pratiquant la MMO étaient
significativement plus fréquemment détenteur d’un
diplôme de MMO (p < 10-4), de médecine du sport
(p < 10-3) ou de mésothérapie (p = 0,04).
Les médecins des forces déclaraient avoir des
connaissances moyennes voire insuffisantes en MMO
(tab. I), ceux qui la pratiquaient déclarant toutefois de
meilleures connaissances dans ce domaine (p < 10-4).
Près de 87 % des médecins (337/389) souhaitaient
néanmoins améliorer leurs connaissances.
Pour 89 % des médecins, la MMO avait un intérêt
important dans la pratique quotidienne en métropole.
Pour 77 % des médecins, cette pratique avait un intérêt
important en opérations extérieures (OPEX). Ces
résultats correspondent au nombre de médecin ayant
répondu « beaucoup » ou « assez » à la question 9 du
questionnaire.
Quatre-vingt-deux pourcents des médecins des
forces (317/388) orientaient leurs patients vers des
kinésithérapeutes ostéopathes, 72 % (282/390) vers
des médecins ostéopathes et 52 % (200/387) vers des
kinésithérapeutes non-ostéopathes. Le fait de pratiquer
la MMO modifiait significativement la prise en charge
ostéopathique des patients en termes d’orientation
et de thérapeutique. D’une part, les pratiquants
orientaient significativement plus vers des médecins
ostéopathes (p < 10-3) et les non-pratiquants plus vers
des kinésithérapeutes ostéopathes (p = 0,04). D’autre
part, les pratiquants proposaient plus fréquemment la
MMO de façon exclusive (p < 10-4) et également en
1re intention (p < 10-4).
Tableau I. Connaissances déclarées en MMO.
Connaissances
déclarées en MMO
(répondants)
Effectif
Proportion
(%)
IC 95 %
Indications
(389)
très bon
bon
moyen
insuffisant
13
125
166
85
3,3
32,1
42,7
21,9
[1,9 ; 5,8]
[27,6 ; 37,1]
[37,7 ; 47,8]
[17,9 ; 26,4]
Contreindications
(389)
très bon
bon
moyen
insuffisant
18
115
153
103
4,6
29,6
39,3
26,5
[2,8 ; 7,3]
[25,1 ; 34,4]
[34,5 ; 44,4]
[22,2 ; 31,2]
Méthodes/
Techniques
(388)
très bon
bon
moyen
insuffisant
4
40
147
197
1,0
10,3
37,9
50,8
[0,3 ; 2,8]
[7,6 ; 13,9]
[33,1 ; 42,9]
[45,7 ; 55,8]
Études
publiées
(388)
très bon
bon
moyen
insuffisant
2
17
74
295
0,5
4,4
19,1
76,0
[0,1 ; 2,1]
[2,7 ; 7,1]
[15,4 ; 23,4]
[71,4 ; 80,1]
Législation
(389)
très bon
bon
moyen
insuffisant
6
31
94
258
1,5
8,0
24,2
66,3
[0,6 ; 3,5]
[5,6 ; 11,2]
[20,1 ; 28,8]
[61,4 ; 71,0]
185
Sur le plan de la pratique, notre étude montrait que
les pathologies rachidiennes, de hanche, de cheville
et de pied d’une part et les contractures musculaires
d’autre part étaient les plus fréquemment traitées par
la MMO. Les techniques les plus largement utilisées
étaient les techniques musculaires (étirement myotensif
et inhibition par pression maintenue) et articulaires. Les
tableaux II et III détaillent la pratique des médecinsostéopathes militaires exerçant dans les forces.
Tableau II. Indications de la MMO.
Indications
(répondants)
Effectif
Proportion
(%)
IC 95 %
Curatif (34)
Préventif (32)
34
6
100,0
18,8
[100,0 ; 100,0]
[7,2 ; 36,4]
Pathologie articulaire (34)
Rachis lombaire (33)
Rachis thoracique (34)
Hanche (34)
Cheville/pied (34)
Rachis cervical (34)
Épaule (34)
Genou (34)
Poignet/main (34)
Coude (34)
34
32
30
30
26
25
24
24
20
19
100,0
97,0
88,2
88,2
76,5
73,5
70,6
70,6
58,8
55,9
[100,0 ; 100,0]
[84,2 ; 99,9]
[72,5 ; 96,7]
[72,5 ; 96,7]
[58,8 ; 89,3]
[55,6 ; 87,1]
[52,5 ; 84,9]
[52,5 ; 84,9]
[40,7 ; 75,4]
[37,9 ; 72,8]
Pathologie musculaire (34)
contracture (24)
élongation (24)
déchirure (24)
24
23
4
2
70,6
95,8
16,7
8,3
[52,5 ; 84,9]
[78,9 ; 99,9]
[4,7 ; 37,4]
[1,0 ; 27,0]
Pathologie tendineuse (34)
post-traumatique (12)
inflammatoire (12)
13
9
8
38,2
75,0
66,7
[22,2 ; 56,4]
[42,8 ; 94,5]
[34,9 ; 90,1]
Pathologie douloureuse (34)
31
91,2
[76,3 ; 98,1]
Restriction de mobilité (34)
32
94,1
[80,3 ; 99,3]
Pathologie digestive (34)
2
5,9
[0,7 ; 19,7]
Pathologie gynécologique (34)
0
0,0
[0,0 ; 0,0]
Pathologie pédiatrique (34)
0
0,0
[0,0 ; 0,0]
Type de traitement
Discussion
À notre connaissance, il s’agissait de la première étude
épidémiologique décrivant les connaissances, attitudes
et pratiques des médecins des forces dans le domaine
de la MMO.
Notre étude présentait certaines limites. Nous avons
tenté de contrôler le biais de sélection en réalisant une
étude exhaustive. Toutefois, 46 % des médecins ont
répondu au questionnaire : ce taux de réponse limite la
puissance de notre étude et peut être à l’origine d’un
biais de sélection. Le risque de biais d’information
reste minime devant la standardisation du questionnaire
envoyé à tous les participants. Certains médecins n’ont
cependant rempli que partiellement le questionnaire.
Un mail a été envoyé à ces médecins, afin de leur faire
186
Tableau III. Techniques utilisées.
Techniques utilisées
(répondants)
Effectif
Proportion
(%)
IC 95 %
Techniques neuro-musculaires (34)
étirement myotensif (33)
technique d’inhibition par
pression maintenue (33)
myofascial trigger point (33)
corrections par positionnement (33)
palpé-roulé (33)
travail des tendons type MTP (33)
crochetage myo-fascial (33)
techniques cutanées ou
réflexothérapie (33)
fasciathérapie (33)
techniques tissu conjonctif (33)
33
32
97,1
97,0
[84,7 ; 99,9]
[84,2 ; 99,9]
27
21
19
18
11
8
81,8
63,6
57,6
54,5
33,3
24,2
[64,5 ; 93,0]
[45,1 ; 79,6]
[39,2 ; 74,5]
[36,4 ; 71,9]
[18,0 ; 51,8]
[11,1 ; 42,3]
6
6
1
18,2
18,2
3,0
[7,0 ; 35,5]
[7,0 ; 35,5]
[0,1 ; 15,8]
Techniques articulaires (34)
mobilisations (type TGO) (30)
techniques structurelles sans
thrust (LVHA) (30)
techniques structurelles avec
thrust (HVLA) (30)
30
29
88,2
96,7
[72,5 ; 96,7]
[82,8 ; 99,9]
22
73,3
[54,1 ; 87,7]
21
70,0
[50,6 ; 85,3]
Techniques crânio-sacrées (34)
4
11,8
[3,3 ; 27,5]
Techniques viscérales (34)
1
2,9
[0,1 ; 15,3]
Ostéopathie tissulaire (34)
1
2,9
[0,1 ; 15,3]
préciser leurs réponses ou apporter quelques explications.
Ainsi, seulement deux questionnaires insuffisamment
renseignés n’ont pas pu être exploités. Enfin, la prise en
compte des éventuels biais de confusion n’a pas encore
été réalisée et sera l’objet d’une analyse multivariée.
Nos résultats concernant les connaissances des
médecins des forces sont similaires à ceux d’une étude
de Mingam (21), qui réalisa en 2010 une enquête de
pratique dans le domaine de la MMO chez des médecins
généralistes et internes de médecine générale en France.
Selon cette étude, 52 % des médecins généralistes
déclaraient n’avoir aucune ou peu de connaissances
en matière d’indications et contre-indication, et 62 %
d’entre eux souhaitaient améliorer leurs connaissances
en termes de MMO.
Le fait de pratiquer la MMO modifiait la prise en charge
ostéopathique des patients, en termes d’orientation et
de thérapeutique. Comme dans notre étude, Mingam
soulignait que plus de 80 % des médecins généralistes
adressaient des patients à des médecins ostéopathes.
Ces résultats sont toutefois à nuancer, l’orientation
des patients vers différents praticiens étant également
influencée par la ressource en ostéopathes autour du
lieu d’exercice.
Concernant les pathologies traitées et les techniques
utilisées, aucune enquête de pratique similaire n’a été
retrouvée dans la littérature française. Nos résultats
sont à rapprocher de ceux des enquêtes anglaises
« The Snapshot Survey » (22). Selon ces enquêtes, les
pathologies rachidiennes représentent l’essentiel de la
consultation, alors que les pathologies de hanche, de
m. sahut
cheville et de pied sont très peu représentées. En outre,
l’étirement des tissus mous (78 %), les manipulations
articulaires (75 %) et les techniques de thrust (47 %)
constituent les principales techniques employées.
Les commentaires libres des médecins des forces
ont pu révéler certaines spécificités du milieu militaire
propices à la pratique de la MMO.
D’une part, il était mentionné que certaines activités
militaires entraînent des contraintes musculaires
importantes, souvent majorées en contexte opérationnel.
Nous pouvons citer par exemple les contraintes
musculaires du pilote de chasse lors de diverses
accélérations, du parachutiste lors de la réception d’un
saut et de l’Entrainement physique militaire et sportif
(EPMS) de tout militaire. Les personnels navigants et
leur besoin de MMO ont été principalement étudiés
dans les armées françaises. Par exemple, une enquête
multicentrique menée en 2006 dans les Centres
d’expertise médicale du personnel navigant (CEMPN)
de Bordeaux et Toulon révèle qu’un tiers des navigants,
plus particulièrement les pilotes de chasse, consultait
un ostéopathe (23, 24). De même, dans un mémoire
de juin 2013 (25) un kinésithérapeute du SSA souligne
l’intérêt de la MMO dans le traitement des dysfonctions
ostéopathiques du rachis cervical supérieur chez les
pilotes de chasse embarqués de l’aéronavale.
D’autre part, certaines activités militaires nécessitent
une vigilance accrue. Nous pouvons citer par exemple
la conduite de véhicules terrestres ou aériens, le
parachutisme, le tir, le travail de nuit et le travail posté.
En raison de leurs effets indésirables sur la vigilance,
de nombreux médicaments, comme les antalgiques
contenant de la codéine et les myorelaxants, sont
incompatibles voire contre indiqués avec le maintien de
ces activités (26). Le recours à la MMO représente une
alternative à ce type de traitement médicamenteux, en
préservant les capacités opérationnelles des personnels,
sans les contraintes de leurs effets secondaires. Ceci reste
toutefois à modérer. Malgré l’absence d’étude retrouvée
évaluant l’impact de la MMO sur la vigilance, il est
souvent décrit une certaine fatigue suite à une séance
d’ostéopathie. Ainsi, il est habituellement conseillé un
arrêt des activités physiques ou nécessitant une vigilance
accrue jusqu’à 72 h après une séance de MMO.
Enfin, la médecine du sport représente un domaine
important de la pratique des médecins des forces. Les
accidents du sport représentent 26 % des hospitalisations
au CMA de Calvi d’après l’étude de Castello et al. (27).
Notre étude a souligné le lien fort existant entre la MMO
et la médecine du sport. Elle a montré l’association
significative entre la pratique de MMO et la détention
d’un diplôme de MMO, de médecine du sport ou de
mésothérapie. Ce résultat pourrait laisser supposer une
certaine complémentarité de ces différents champs
place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces
médicaux, ainsi qu’un potentiel intérêt pour la prise en
charge des patients.
Malgré les avantages décrits, des difficultés de mise en
pratique ont été soulevées par les médecins des forces, à
savoir le manque de temps pour se former et pratiquer,
ainsi que le manque de matériel adapté.
La MMO semble trouver une place intéressante
dans la pratique médico-militaire, tant en métropole
qu’en opération extérieure. Ceci se confirme par le
développement d’une offre de soin en thérapie manuelle
et ostéopathie depuis quelques années au sein de
différents centres médicaux des armées mais également
au cours de nombreuses OPEX (8).
Parmi les armées étrangères, les États-Unis
d’Amérique semblent les plus avancés dans ce domaine.
Leurs armées disposent de « physical therapists » (PTs)
militaires, physiothérapeutes pouvant être formés aux
thérapies manuelles (28). Projetés en OPEX, ils jouent
un rôle important dans la prévention, l’évaluation et
le traitement de troubles musculo-squelettiques et
apportent une alternative et une réponse efficace dans
des situations d’algies posturales (29-34).
Conclusion
Cette étude souligne l’intérêt de la MMO dans ce
contexte de réorganisation du SSA, de construction
d’un parcours de soins au profit de l’ensemble de la
communauté de défense et de création de parcours
professionnels. Première étude à détailler la pratique
de médecins ostéopathes militaires en France, elle
révèle un exercice assez confidentiel de la MMO dans
les armées françaises. Cette thérapie manuelle pourrait
s’intégrer dans une prise en charge globale complexe
du patient, autant curative que préventive, avec un
objectif de maintien de la capacité opérationnelle. Le
lien étroit existant entre la MMO et la médecine du sport
est également souligné.
Une importante majorité des médecins praticiens
des forces souhaitent améliorer leurs connaissances
en MMO afin de pallier au manque de connaissance
ressenti. Nous espérons que ce travail contribuera à
dispenser une meilleure formation en MMO aux
médecins praticiens des forces et incitera à la réalisation
de projets de recherche, nécessaires au développement
de cette pratique.
Les auteurs ne déclarent pas de conflits d’intérêts
concernant les données présentées dans cet article.
Les positions exprimées dans cet article ne sont que
les points de vue des auteurs et ne doivent pas être
considérées comme le point de vue officiel du Service
de santé des armées français.
187
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m. sahut
Annexe I. 1. Questionnaire.
place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces
189
190
m. sahut
place de la médecine manuelle-ostéopathie en médecine des forces
191
192
m. sahut
Médecine des forces
Aéromédévac tactiques de patients graves – Comment optimiser
la formation ?
H. Mabita, L. Vitiellob, M. Chauferc, I. Tollud, E. Dulaurenta, L. Raynaude, S. Costef
a Centre médical des armées Bordeaux-Mérignac, Antenne de Mont-de-Marsan, 1061, avenue du Colonel Rozanoff – 40118 Mont-de-Marsan.
b Commandement des Forces aériennes, BA 106, avenue de l’Argonne, CS 70037 – 33693 Mérignac Cedex.
c Centre médical des armées de Nancy-Ochey, CS 40334 – 54201 Toul Cedex.
d Antenne médicale de Cognac – 16109 Cognac Air.
e Département d’anesthésie réanimation, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé Cedex.
f Centre de formation de médecine aéronautique de l’EVDG, HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.
Résumé
Pour assurer le soutien médical des opérations militaires extérieures, le Service de santé des armées déploie une chaîne de
prise en charge médicale complète du terrain, où le combattant est blessé, jusqu’à son rapatriement dans les hôpitaux militaires
en France. Au sein de l’opération « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne, deux équipes médicales sont en charge des
évacuations aériennes tactiques ou « intra-théâtre » sur avion Casa, permettant le transport médicalisé de patient de gravité
variable des Role 1 (médicaux) vers les Role 2 (chirurgicaux) et/ou vers les plateformes aériennes permettant les évacuations
aériennes stratégiques ou « extra-théâtre » vers la France. Constituées systématiquement d’un médecin aéronautique,
d’un infirmier convoyeur de l’air et d’un infirmier de soins généraux, ces équipes sont formées par un stage spécifique de
préparation opérationnelle avant projection depuis début 2015. Les piliers de la formation sont la simulation et la proximité
des forces, permettant de s’entraîner en vol. Cet article présente l’intérêt de cette « formation aux aeroMedevac tactiques »
dans la préparation de ces équipes, ainsi que les évolutions récentes et à venir, tant sur le plan pratique qu’organisationnel.
Mots-clés : AeroMedevac tactique. Entraînement en vol. Simulation.
Abstract
TACTICAL AEROMEDEVAC FOR SEVERE PATIENTS: HOW TO IMPROVE THE SPECIFIC MEDICAL TRAINING.
To provide medical support during military operations, the French Military Health Service deploys a complete chain of
operations from the sites where the soldiers are injured, down to their transport and care in French Military Hospitals. As
part of operation “BARKHANE” in the Sahel-Sahara strip, two medical teams were in charge of the tactical medical air
evacuations on aircraft CASA, of Role 1 (medical) and Role 2 (surgical) moderate to severe patients. They were also in
charge of platforms to ensure their strategic air evacuation (“extra-theatre”) to France. The medical teams always consist of
a flight surgeon, a flight nurse and a nurse; since 2015, they receive specific training to prepare them for these operations.
Their training includes medical simulation and flight instruction made possible by the proximity of the Armed Forces.
This article presents the advantages of the ‘tactical aeromedevac training’ for the preparation of those teams, as well as its
practical and organizational developments both recent and future.
Keywords: Tactical aeroMedevac. Simulation. Flight training.
Introduction
Depuis le début de l’opération « Serval » en
janvier 2013, visant à repousser les djihadistes du
H. MABIT, médecin principal praticien. L. VITIELLO, médecin en chef, praticien
confirmé. M. CHAUFER, médecin en chef, praticien confirmé. I. TOLLU, médecin
en chef, praticien. E. DULAURENT, médecin en chef, praticien. L. RAYNAUD,
médecin en chef, praticien certifié. S. COSTE, médecin en chef, praticien confirmé.
Correspondance : Madame le médecin principal H. MABIT, Centre médical des
armées Bordeaux-Mérignac, Antenne de Mont-de-Marsan, 1061, avenue du Colonel
Rozanoff – 40118 Mont-de-Marsan.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 44, 2, 193-198
Mali, des équipes médicales se relaient afin d’assurer
les évacuations médicales tactiques sur la bande sahélosaharienne.
Les élongations importantes sur ce territoire de
près de 5 millions de km2, ont nécessité la mise en
place de plusieurs moyens aériens, au Mali et au
Tchad, afin d’assurer les évacuations médicales
dites tactiques intra-théâtre de la zone de ramassage
du blessé à l’avant, vers une structure médicale de
premier niveau (Role 1) ou de cette structure vers un
niveau supérieur : antenne chirurgicale ou Groupement
médico-chirurgical (GMC) (1).
193
En complément des hélicoptères, des avions CASA
CN-235 ont ainsi été mis en place afin d’effectuer les
évacuations médicales primo-secondaires sur l’opération
Barkhane. Le CASA CN-235 est un aéronef militaire de
transport tactique à turbopropulseur, ayant l’avantage de
pouvoir se poser sur de nombreux terrains sommaires,
de résister aux contraintes thermiques et d’apporter de
l’électricité pour les dispositifs médicaux électriques, ce
qui en fait un aéronef particulièrement intéressant pour
le territoire africain aux fortes élongations.
En plus de l’équipage aéronautique de conduite (deux
pilotes et un mécanicien navigant), une équipe médicale
constituée d’1 Infirmier convoyeur de l’air (IcVAA),
d’1 infirmier de soins généraux et d’1 médecin breveté
en médecine aéronautique, peut être amenée à prendre
en charge jusqu’à 8 blessés couchés, dont 2 intubés
ventilés et peut être renforcée si besoin par du personnel
médical du GMC (infirmier anesthésiste et/ou un autre
médecin aguerri à l’urgence) (1).
En effet, on constate que les patients transportés
sont de gravité croissante, probablement du fait des
progrès de la médicalisation et de la chirurgicalisation
de l’avant. Pendant une mission de plusieurs heures
du fait des fortes élongations sur le théâtre, l’équipe
médicale travaille en situation isolée à bord avec un à
huit patients. L’environnement de travail aéronautique
demeure très contraignant (exiguïté, vibrations, bruit,
hypobarie, hygrométrie, cinétose) et rend la mission
encore plus difficile (2).
Pour toutes ces raisons, en complément de la
préparation individuelle notamment dans le domaine
de l’urgence, une préparation des équipes, spécifique
des aeroMedevac tactiques s’avère nécessaire avant leur
départ en mission.
Réalisé en lien avec la Brigade aérienne d’appui et
de projection (BAAP) du Commandement des forces
aériennes (CFA) de l’armée de l’Air, cette formation
de l’École du Val-de-Grâce (EVDG) met en situation
opérationnelle le personnel médical et paramédical en
équipe constituée, lors d’exercices au sol et de vols
d’instruction, ce qui leur permet de s’approprier l’avion
de transport tactique CASA ainsi que le lot de convoyage
médical CM30, et de s’acclimater aux contraintes
aéronautiques en environnement tactique. Formation
au contenu évolutif, elle s’adapte en permanence au
retour d’expérience des équipes médicales.
La formation « Aéromédévac tactique »
Organisée sous l’égide de l’EVDG, cette formation
entre dans le cadre de la mise en condition finale des
équipes médicales. Adaptée au milieu aéronautique,
elle est destinée au personnel en charge des évacuations
aéromédicales en opération extérieure sur Avion de
transport tactique (ATT) et particulièrement sur CASA
CN-235 lors de l’opération « Barkhane » (3).
La mission Casa Nurse ayant une durée de 3 à 4 mois,
cette formation est organisée trois fois par an, avant la
projection en mission des équipes concernées, constituées
d’un médecin breveté en médecin aéronautique, d’un
194
infirmier en soins généraux et d’un infirmier convoyeur
de l’air.
La formation est répartie en trois temps :
– une partie théorique, relative à la mission Casanurse,
au contexte tactique de l’opération, à l’aéronef (sécurité
et sauvetage), et au lot de CM 30 ;
– des exercices statiques, au sol avec mise en œuvre
et utilisation du matériel médical, au sein de la soute de
l’aéronef en conformité avec les consignes de sécurité ;
– des exercices dynamiques au sol puis au cours d’un
vol d’instruction avec participation de plastrons grimés
et utilisation de mannequins haute-fidélité (simulation
médicale).
Les objectifs de cette formation sont notamment (4) :
– d’être capable d’installer la version Medevac de
l’avion et de mettre en œuvre le lot CM30 ;
– d’être capable de faire face à des situations de
dégradation du patient à bord (apport de la simulation
médicale) ;
– de prendre en charge un patient intubé-ventilé (mise
en condition, embarquement et installation à bord) ;
– d’être capable de gérer le transport d’un afflux massif
de blessés (plan de chargement, ordre d’embarquement,
répartition du travail en vol) ;
– d’améliorer la communication au sein de l’équipe
médicale et avec l’équipage de conduite de l’aéronef
(travail en équipe), il s’agit de développer les
compétences non-techniques ;
– d’acquérir une aisance suffisante pour travailler en
soute en contexte militaire tactique.
L’équipe d’encadrement est constituée d’un ou de
deux médecins anesthésiste-réanimateurs référents en
aeroMedevac, d’équipes médicales revenant de mission,
au titre du retour d’expériences, de convoyeurs de l’air
(CVA) et d’infirmier convoyeurs de l’armée de l’Air
(ICvAA) provenant de l’Escadrille aérosanitaire (EAS),
d’infirmiers du Centre d’enseignement et de simulation
médicale opérationnelle (CESimMO) de l’École du
Val-de-Grâce qualifiés dans le domaine de la simulation
médicale, et enfin de médecin et infirmier du bureau du
conseiller santé du CFA.
Le projet pédagogique de cette formation a été validé
par le Centre de formation en médecine aéronautique
(CFMA) de l’École du Val-de-Grâce (3). L’objectif
n’est pas de réaliser un enseignement de médecine
d’urgence ou de réanimation, mais d’appliquer ces
connaissances dans un environnement complexe et
contraignant, d’appréhender les difficultés relatives au
plan de chargement de la soute suivant les pathologies
et les niveaux de gravité des blessés, à l’embarquement
moteur tournant et au travail technique en soute.
C’est l’acquisition du savoir-être. Elle constitue un
complément aux formations à l’urgence proposées avant
la projection du personnel santé.
Cette préparation permet également aux équipes
constituées d’apprendre à se connaître, de travailler
ensemble, afin d’être immédiatement efficaces une fois
arrivées sur le terrain en mission. Cet apprentissage
du travail en équipe est également fondamental, tout
comme la communication avec l’équipage de conduite
h. mabit
dans le cadre de la gestion d’un événement critique
médical (Crew Ressource Management CRM).
Présentation théorique
Lors de deux demi-journées, les présentations
théoriques abordent :
– les généralités relatives aux aeroMedevac, les
aéronefs, les relations avec le médecin en charge de la
Patient Evacuation Coordination Cell (PECC) ;
– la mission Casanurse au cours de l’opération
« Barkhane », avec plusieurs retours d’expériences
d’équipes descendantes (médecin, infirmier et
convoyeur) ;
– un retour d’expériences du médecin du PECC sortant
de l’opération « Barkhane », qui régule et organise
médicalement toutes les évacuations médicales sur un
théâtre d’opération (5) ;
– le matériel constitutif du lot CM 30 par du personnel
de l’EAS de Villacoublay ;
– les contraintes tactiques du théâtre, par la cellule
opération de la 64e escadre de transport de la base
aérienne d’Évreux ;
– la sécurité et les mesures de sauvetage à bord
de l’aéronef, lors des opérations d’embarquement et
débarquement, mais également lors d’incidents en vol
ou évacuations d’urgence, par un mécanicien navigant
de la 64e escadre de transport.
Formation statique au sol
La formation devient ensuite davantage pratique,
l’aéronef et le matériel sont présentés aux équipes
médicales, au cours d’exercices et d’ateliers au sol.
Le lot CM 30 présente quelques particularités par
rapport au lot PM 14 (Poste Médical 2014) utilisé en
Role 1 (6) :
– le dispositif portable d’analyse biologique EPOC®,
présenté par les CVA/ICvAA et qui permet de réaliser
rapidement une gazométrie, un taux d’hémoglobine, et
une analyse biochimique à bord de l’aéronef (fig. 1) ;
– le respirateur de transport OXYLOG 3000+ ®,
ainsi que tout le système d’oxygène aéronautique,
Figure 1. Atelier de présentation de l’analyseur biologique EPOC®. © Bureau
médecin conseiller du CFA.
aéromédévac tactiques de patients graves – comment optimiser la formation ?
qui font l’objet d’un atelier pratique dont le leader est
un anesthésiste réanimateur référent en aeroMedevac
(fig.  2) ;
– les civières, et le système de sanglage sont également
présentés aux équipes médicales par les CVA/ICvAA.
Lors de la présentation de l’aéronef par le mécanicien
navigant, les équipes médicales prennent connaissance
des équipements de sécurité à bord, des contraintes
physiques de la soute (étroitesse, stress thermique), de
l’installation des brancards et du matériel ainsi que de
la localisation des prises électriques.
Tous ces ateliers visent à se familiariser avec
l’environnement avant les exercices dynamiques.
Figure 2. Atelier de présentation du respirateur OXYLOG 3000 + ®. © Bureau
médecin conseiller du CFA.
Formation dynamique, exercices de
simulation au sol puis en vol
La phase dynamique permet dans un premier
temps de réaliser au sol deux exercices de simulation
d’embarquement de patients en condition tactique. Le
premier simule le transfert d’un patient relevant de
soins de réanimation entre un Role 2 et le CASA pour
la préparation de son rapatriement vers la France. Le
second concerne un transfert de plusieurs blessés entre
un hélicoptère de manœuvre médicalisé (aeroMedevac
de l’avant) et le CASA CN-235, pour le vol vers le GMC
(fig. 3, 4) (7, 8).
Figure 3. Exercice d’embarquement d’un patient de réanimation (par la rampe
arrière). © Bureau médecin conseiller du CFA.
195
Figure 6. Exercice de simulation en vol (mannequin haute-fidélité sur brancard).
© Bureau médecin conseiller du CFA.
Figure 4. Exercice de tri et d’embarquement avec simulation de bord à bord avec
autre aéronef. © Bureau médecin conseiller du CFA.
Un ou plusieurs vols d’instruction permettent
ensuite de réaliser des exercices en simulations en vol,
reproduisant des situations graves et/ou rares sur le
plan médico-aéronautique, en utilisant des plastrons
grimés (simulant des blessés légers) et des mannequins
haute-fidélité (simulant des blessés relevant de soins de
réanimation) (fig. 5, 6).
Après une phase de déclenchement fictif, de
préparation du matériel et du plan de chargement avec
installation de la soute, le vol de jour ou de nuit permet
de proposer une approche tactique au plus proche des
conditions réelles, voire un embarquement rapide des
blessés moteurs tournant. Durant la phase de vol, les
équipes s’entraînent à réaliser des gestes médicaux pour
faire face à la décompensation clinique des cas « joués »
sur mannequins, permettant de se rendre compte de la
difficulté d’effectuer des gestes du fait des vibrations,
de la faible luminosité, du bruit, de l’ergonomie de la
soute et des mouvements de l’aéronef.
Lorsque toutes les conditions peuvent être réunies,
un « bord à bord » avec un Falcon est organisé sur la
plateforme de la BA 107 de Villacoublay, préparant ainsi
au mieux les équipes différentes équipes à cette situation
d’évacuation médicale stratégique de blessés ou malades
graves vers la métropole (3, 9). Les équipes ont alors la
possibilité de travailler en collaboration avec les équipes
médicales de la base aérienne de Villacoublay (antenne
médicale et escadrille aérosanitaire) sur le transfert de
blessés graves avec le kit PLS (Patient Loading System)
(fig. 7). Ce dispositif de chargement de patient permet
de limiter toute dégradation pendant l’embarquement à
bord du Falcon (3).
Figure 7. Exercice de bord à bord entre un Casa et un Falcon. © F. Choizit/
Armée de l’air.
Apport de la simulation
Figure 5. Exercice de simulation en vol (plastron grimé sur brancard). © Bureau
médecin conseiller du CFA.
196
La phase dynamique de la formation utilise la
simulation avec des mannequins haute-fidélité du
CESimMO (fig. 4). Le but est de démontrer à quel point
les gestes techniques bien maîtrisés au sol, sont délicats
h. mabit
et compliqués en soute. On insiste ainsi sur la mise en
condition médicale des blessés avant l’embarquement :
intubation réalisée au sol si nécessaire, même
problématique pour le drainage thoracique et la prise
en compte de sa latéralité dans le plan de chargement,
préparation de l’embarquement d’un blessé conditionné
par un Role 2 (voies et drainages multiples). Tout geste
médical en vol s’avérera plus compliqué (10).
Elle permet de confronter les stagiaires à des situations
cliniques graves et/ou rares en vol et au sol, afin de leur
faire acquérir plus rapidement une expérience dans le
domaine des aeroMedevac tactiques, que seul un grand
nombre d’heures de vol aurait pu apporter en l’absence
de simulation (11, 12).
La dégradation progressive de l’état clinique d’un
patient simulé par un mannequin « piloté » (du fait
de l’évolution défavorable de la pathologie ou la
conséquence d’un facteur aéronautique) permet de
réaliser un entraînement sur des situations graves
nécessitant la réalisation de gestes techniques en vol, des
plus simples (voies veineuses, préparation d’injectables,
réalisation d’une fast écho) aux plus complexes
(intubation orotrachéale ou drainage thoracique). La
spécificité de l’évacuation médicale aérienne tient au
fait que l’évolution clinique du patient peut être la
conséquence de sa pathologie comme celle de facteurs
aéronautiques (hypobarie, hypoxie) ou de l’interaction
des deux.
Enfin, les équipes sont également formées aux
compétences non-techniques (Crew Ressource
Management) notamment sur la communication avec
l’équipage de conduite et le médecin régulateur (afin
de mieux préparer l’accueil à l’arrivée).
Entraînement dans un environnement
tactique complexe, proximité avec les
forces armées
Lorsque le calendrier le permet, la formation est
intégrée à l’exercice « VOLFA », qui est réalisé de
manière semestrielle, au profit des forces des unités
aériennes et des unités au sol du CFA.
Cet exercice d’envergure nationale permet à une
vingtaine d’avions de chasse, à des avions de transport,
des drones, des commandos parachutistes et des
systèmes de défense sol-air, de s’entraîner à des missions
complexes durant deux semaines, de jour comme de
nuit (13). Parmi celles-ci, on trouve des missions de
bombardement, de parachutisme de masse ou encore
de Medevac.
Les conditions de stress, au plus proche du réel,
dans lesquelles vont exercer les équipes médicales en
opération extérieure, sont reproduites dans cet exercice :
coordination des moyens, évolution dans l’espace
d’aéronefs différents, vols tactiques, liaison radio avec
le sol, pression temporelle.
Cet exercice nous permet également de travailler avec
les unités commandos, qui s’entraînent au sauvetage au
combat de niveau 2, en amont de la prise en charge de
ces blessés par l’équipe médicale sur CASA.
aéromédévac tactiques de patients graves – comment optimiser la formation ?
Évolution possible de cette formation
Le monde des évacuations médicales par voie aérienne
n’est qu’une partie du domaine médical. L’expérience
des équipes médicales militaires françaises d’évacuation
médicale par voie aérienne pourrait être enrichie par
des échanges avec l’extérieur. Deux voies paraissent
envisageables : une collaboration d’une part avec les
services de santé des pays alliés et d’autre part avec le
monde médical civil.
En termes de partenariat militaire international, de
nombreuses voies existent, tant sur plan européen
(European Air Group EAG, European Air Transport
Command EATC, European Defense Agency EDA)
que sur le plan de l’OTAN. De facto, la coopération
internationale existe déjà en opération, les équipes
médicales militaires françaises travaillant déjà avec des
équipes médicales militaires étrangères, pour prendre
en charge des blessés français ou étrangers. Outre la
barrière de la langue, cette coopération nécessite de bien
connaître les procédures étrangères, mais également
leurs vecteurs et leur matériel. La réalisation d’exercices
internationaux incluant des vols et des transferts sur des
vecteurs d’origines différentes permettraient d’améliorer
et d’harmoniser les pratiques.
Une interrogation peut se poser quant à une
ouverture au monde civil afin d’échanger, notamment
sur les pratiques d’enseignement dans le domaine des
évacuations aéromédicales, malgré leurs différences
contextuelles de réalisation.
Actuellement, les facultés de médecine parisiennes
avec le Diplôme Universitaire de transport aérien et
rapatriements sanitaires, (faculté de médecine de Pierre
et Marie Curie) et la Capacité de médecine aérospatiale,
(université Paris Descartes) proposent une approche
théorique. Dans le domaine militaire, la connaissance
des contraintes aéronautiques et des principes régissant
les évacuations médicales, sont enseignées à l’issue de
la validation du Diplôme d’étude spécialisé en médecine
générale, lors du Brevet de médecine aéronautique de
défense (BMAD) pour les médecins et au cours du
brevet d’IcVAA pour les infirmiers. Il s’agit ensuite, lors
des formations aeroMedevac d’allier les connaissances
théoriques de médecine aéronautique et de médecine
d’urgence, pour réaliser les exercices pratiques avec le
matériel utilisé actuellement en opération extérieure.
Ces formations complémentaires en cours de carrières
des médecins aéronautiques participent à leur
Développement professionnel continu (DPC) et leur
labellisation est à envisager.
La simulation est actuellement en plein essor dans
le milieu médical, en particulier dans le domaine de
l’anesthésie-réanimation et de la médecine d’urgence.
Dans le milieu des évacuations médicales sur avion ou
hélicoptère, la simulation médicale est également en
progression, utilisant le plus souvent des plateformes de
simulation au sol reproduisant plus ou moins fidèlement
l’environnement d’une soute d’aéronef, des mannequins
hautes-fidélités et de la vidéo permettant des débriefings
plus précis (14). Ces plateformes reproduisent une
partie des contraintes aéronautiques et permettent de
197
travailler les communications en équipe. Afin d’acquérir
ces compétences, le SSA est actuellement en train de
développer des projets de plateforme au sol reproduisant
des soutes d’aéronefs militaires.
Des améliorations permanentes permettent d’offrir
des outils et des exercices de qualité croissante aux
stagiaires. Dernièrement un livret de type « handbook »
a été élaboré, en lien avec l’EAS, afin de proposer un
support facilement utilisable en vol. La simulation d’un
transfert « bord à bord » avec un aéronef d’évacuation
aéromédicale stratégique, est également un élément
nouveau proposé aux stagiaires.
D’autres voies d’amélioration sont à l’étude :
– un transfert type bord à bord avec un hélicoptère de
manœuvre, ayant réalisé une première prise en charge
sur le lieu de ramassage (éventuellement au cours d’un
exercice de l’armée de l’air) ;
– l’enregistrement vidéo en vol des exercices de
simulation permettant un débriefing de plus grande
qualité ;
– une évaluation plus précise de la plus-value de
cette formation aux équipes médicales qui ont ensuite
réalisées la mission, par le biais d’un questionnaire ;
– à plus long terme, une ouverture à l’international
permettant de reproduire les conditions de coopération
assez fréquente sur le territoire de « Barkhane », en
délivrant cette formation en anglais et en invitant des
services de santé militaires alliés à participer ;
– une ouverture au monde civil afin d’échanger sur
les pratiques d’enseignement dans le domaine des
évacuations aéromédicales.
Conclusion
Mise en place depuis deux ans, sous l’impulsion
conjointe du CFA et de l’EVDG, la formation aux
aeroMedevac tactiques doit son succès à l’association de
la simulation et de l’entraînement en situation tactique,
au plus proche possible des conditions d’engagement
actuelles en opération extérieure. Il s’agit d’un stage de
préparation opérationnelle, au plus près des conditions
d’emploi, qui fait la jonction entre l’entraînement à
l’urgence dans des conditions optimales grâce à la
simulation, et l’entraînement spécifique aéronautique
utilisé en opération extérieure. C’est donc un véritable
savoir-être qui est transmis aux personnels projetés.
Cette formation permet in fine aux équipes d’acquérir
une première expérience et d’être aguerries dès
leur arrivée sur le théâtre d’opération, théâtre où, la
coopération internationale est déjà importante et où
l’ouverture proposée de cette formation prendrait tout
leur sens.
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt
concernant les données de cet article.
Remerciements : les auteurs remercient vivement
le Médecin en chef TURBAN Gaël, conseiller
santé du Commandement des Forces Aériennes, et
l’Infirmière Cadre Supérieur de Santé BELLIARD
Valérie, coordonnatrice du Centre d’enseignement et
de simulation de médecine opérationnelle, pour leur
aide dans la rédaction de cet article.
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h. mabit
Médecine des forces
Les équipes médicales opérationnelles de la Gendarmerie : retour
d’expérience de la Corse
D. Toumineta, A. Schirrua, G. Gauthierb, C. Carfantanc
a Antenne médicale en Gendarmerie de Borgo, Centre médical des armées rationalisé corse, Caserne Colonna d’Istria, BP 50 – 20290 Borgo.
b Médecin adjoint du bureau médico-statutaire, ISSA.
c Centre médical des armées rationalisé corse, CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex.
Résumé
Les équipes médicales opérationnelles de la Gendarmerie sont des entités fonctionnelles non organiques composées au
minimum d’un médecin, d’un infirmier et d’un conducteur. Désignées par leur centre médical des armées de rattachement,
elles se déploient sur demande du commandement de région de Gendarmerie à l’occasion de certaines manifestations
susceptibles de dégénérer en troubles graves à l’ordre public. La Corse est depuis plusieurs années le théâtre de violents
affrontements récurrents entre certains manifestants et les forces de l’ordre. Après la description du concept des équipes
médicales opérationnelles de la Gendarmerie, nous allons étudier, à travers cette expérience régionale, les éléments locaux qui
ont permis son optimisation par le Service de santé des armées, ainsi que les pathologies les plus fréquemment rencontrées en
maintien de l’ordre. La prise en charge d’un blessé par une équipe médicale opérationnelle de la Gendarmerie se rapproche
sensiblement du concept de médicalisation de l’avant et doit s’adapter en permanence au réseau médical local.
Mots-clés : Gendarmerie. Maintien de l’ordre. Soutien médical.
Abstract
THE OPERATIONAL MEDICAL TEAMS OF THE MILITARY POLICE FORCE: THE EXAMPLE OF CORSICA.
The operational medical teams of the “gendarmerie” (military police force) are functional entities composed of at
least a doctor, a nurse and a driver. The Medical Center of the Army appoints them, and the regional command of
the “gendarmerie” requests their deployment for certain demonstrations likely to degenerate and seriously disturb the
peace. For several years, Corsica has been the scene of violent clashes between demonstrators and the law enforcement
authorities. We shall first describe the concept of the medical support. Then, the Corsican experience will enable us
to study the local elements that helped the Army Health Service optimize the support, as well as the most common
pathologies encountered while maintaining law and order. This study shows that the conditions in which the medical
teams looked after the casualties are close to those of field medicine.
Keywords : Gendarmerie. Law enforcement. Medical support.
Introduction
La Gendarmerie participe à la sécurité publique
générale en métropole, en outre-mer et à l’étranger. D’un
effectif de près de 13 000 personnels, la Gendarmerie
mobile, assure plus spécifiquement, en toutes
circonstances, le maintien et le rétablissement de l’ordre.
Le Service de santé des armées (SSA) peut être amené
à assurer le soutien médical des opérations de Maintien
D. TOUMINET, médecin principal. A. SCHIRRU, infirmier référent. G. GAUTHIER,
médecin principal. C. CARFANTAN, médecin en chef.
Correspondance : Madame le médecin principal D. TOUMINET, Antenne médicale en
Gendarmerie de Borgo, Centre médical des armées rationalisé corse, Caserne Colonna
d’Istria, BP 50 – 20290 Borgo.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 199-204
de l’ordre (MO). Ce dernier, conduit par une Équipe
médicale opérationnelle Gendarmerie (EMOG), peut
prendre en charge des pathologies spécifiques selon des
principes très proches de la médicalisation de l’avant.
Nous étudierons le bilan des EMOG entre 2009
et 2016 en Corse, où leur déclenchement s’est avéré
fréquent et souvent dans un contexte relativement
violent.
Historique
En France, le maintien de l’ordre s’inscrit dans le jeu
démocratique, entre un droit d’expression reconnu et le
nécessaire respect de l’espace public (1).
199
Au cours du xx e siècle, les modalités de mise
en œuvre de cette politique ont largement évolué
avec la transposition des missions de maintien et de
rétablissement de l’ordre aux forces armées vers une
force spécialement dédiée. En effet, il ne s’agit pas
de combattants, mais de civils qu’il faut disperser ou
réduire. C’est ainsi que fut créée la Gendarmerie mobile
(GM) en 1921, puis les Compagnies républicaines de
sécurité (CRS) en 1944 (1). Le maintien de l’ordre en
France constitue donc une force spécifique au sein des
institutions. Selon la formule de Max Weber, sociologue
du xixe siècle, l’État conserve « le monopole de la
violence physique légitime » (1).
Parallèlement à l’utilisation bien connue du gaz
lacrymogène ou du bâton télescopique, le matériel
attribué aux personnels va évoluer avec l’introduction
d’armes de maintien de l’ordre dites « non létales »,
comme le « flashball » et les grenades (aux fonctions
diverses : aveuglantes, lacrymogènes, dispersantes,
assourdissantes, éclairantes ou fumigènes) (2).
Cependant, le courant actuel dans le maintien
de l’ordre est d’utiliser la force, a minima, selon un
« impératif constant de proportionnalité ». Ce qui n’est
pas sans exposer le gendarme aux risques de dérive des
manifestations qui peuvent engendrer des pathologies
bien spécifiques et potentiellement graves (les derniers
morts en maintien de l’ordre semblent remonter à
août 1975 où deux gendarmes mobiles furent tués lors de
l’assaut d’une cave occupée par un groupe de militants
autonomistes à Aléria en Corse) (3).
Organisation
Unités non reconnues en organisation, les EMOG sont
des formations opérationnelles de circonstance mises en
place dans chaque Centre médical des armées (CMA)
ou antenne médicale dont la liste a été préalablement
établie (4).
Personnels/Typologie
Chaque équipe est constituée par :
– un médecin des armées ;
– un(e) infirmier(e) du corps des militaires infirmiers
et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) ;
– et un conducteur, mis à disposition par la région
de gendarmerie concernée par le soutien médical de
l’opération. L’instruction ne précise pas le niveau de
formation en secourisme qui est requis pour ce dernier (4).
au Centre national d’Entraînement des forces de
Gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier lors de l’exercice
final de synthèse (5). La durée de cette participation
est de quarante-huit heures. L’équipe vient avec son
véhicule sur désignation du commandant du CMA à la
demande du commandant de la région de Gendarmerie
en charge de l’exercice.
Moyens matériels
Les moyens de protection des personnels des EMOG
sont fournis par la région de gendarmerie (6). Ils sont
composés par :
– une tenue spécifique de maintien de l’ordre
possédant des qualités de protection contre l’incendie et
des renforts de protection épaules-bras, cuisses, jambes
et gants ;
– un casque de maintien de l’ordre avec masque à gaz ;
– un gilet par balles à port discret ;
– une paire de chaussures d’intervention ;
– une chasuble marquée d’une croix rouge de neutralité
avec les mentions médecin, infirmier ou conducteur.
Des moyens de radiocommunication mobiles sont
fournis par la Gendarmerie.
Les véhicules sont mis à disposition par les CMA ou
la gendarmerie. Il s’agit d’ambulances de type B (master
au minimum) (7). Celles-ci ne bénéficient cependant pas
des mêmes protections que les véhicules des pelotons
de GM (renfort du plafond et des portes en « Kevlar »,
vitres incassables en « Plexiglas », renfort du parechocs, grilles de protection des phares). Le nombre de
places est également très limité (2 blessés en position
couchée).
Cadre légal actuel
Instruction Gendarmerie
L’article R 211-13 du Code de sécurité intérieure
prévoit que l’emploi de la force doit être proportionné et
« n’est possible que dans les circonstances qui le rendent
absolument nécessaire » (8) (fig. 1).
L’usage de la force est strictement encadré et ne
peut se faire que par ordre d’une autorité compétente.
Formation
La relève d’un blessé au sein d’un maintien de l’ordre
nécessite une approche spécifique, et ce, afin d’éviter
le suraccident. L’Entraînement conjoint des EMOG et
des Escadrons de gendarmes mobiles (EGM) apparaît
comme un prérequis indispensable. L’ambiance sonore,
le milieu saturé en lacrymogène et la gestion du stress
sont autant de difficultés dans la prise en charge.
Afin d’entraîner les EMOG aux interventions dans
un contexte de maintien de l’ordre public, ces dernières
peuvent participer aux stages de recyclage des EGM
200
Figure 1. Photo d’une manifestation à Corte en février 2016. © L’express.
d. touminet
Ces autorités, bien définies, sont à compétence civile
administrative (préfet de région, préfet de police, préfet
de département, sous-préfet, maire), mais également
des commissaires de police et des commandants de
groupement de Gendarmerie, qui utilisent la procédure
de mise à disposition pour mettre en œuvre les différentes
forces de l’ordre (notamment les CRS, les compagnies
d’intervention de la police ou les EGM) (9).
Le terme « force » au maintien de l’ordre public est un
terme générique qui recouvre deux notions distinctes (2) :
– l’emploi de la force au sens strict sans formalisme
particulier (mode d’action pouvant comprendre l’emploi
de bâtons et de moyens lacrymogènes) ;
– l’emploi des armes à feu sur ordre préalable des
seules autorités habilitées (après sommation).
Dans tous les cas, c’est le principe de gradation dans
l’emploi de la force qui guide l’action quotidienne des
forces de l’ordre (fig. 2).
Figure 2. Photo de manifestation à Corte en février 2016. © CMA Corse.
Compte tenu des événements récents dramatiques (tir
de grenade offensive qui a coûté la vie à un manifestant
il y a deux ans à Sivens dans le Tarn), il a été décidé
que toutes les actions de maintien de l’ordre seront
désormais filmées (10).
C’est pourquoi les opérations de maintien de l’ordre
ou de police judiciaire, importantes ou comportant
des risques particuliers pour les personnels de la
gendarmerie, nécessitent un soutien santé spécifique et
organisé qu’il convient d’actualiser selon l’évolution
des risques (11).
Implication pour le SSA
Le SSA dispose d’une compétence de soutien
opérationnel de premier niveau dans lequel s’inscrivent
les EMOG.
La mission confiée à une (ou plusieurs) EMOG est
le soutien médical des unités de Gendarmerie engagées
(12). Elle est donc chargée d’assurer pour les blessés (4) :
– le relevage ;
– les soins ;
– et la mise en condition pour l’évacuation médicale.
En cas d’intervention de plusieurs EMOG, un médecin
peut assurer la régulation des activités médicales des
EMOG et notamment de l’évacuation des blessés en
liaison étroite avec le médecin régulateur du Service
d’aide médicale urgente (SAMU) ou des pompiers
territorialement compétents (12). Des contacts préalables
avec tous les intervenants sont à la base du bon déroulé
de soutien médical, notamment en cas d’afflux massif
de blessés.
Enfin, une EMOG peut être potentiellement
amenée à prendre en charge des policiers engagés
conjointement (CRS) ou des blessés civils, selon le
principe d’assistance et de secours, et lorsque les
circonstances parfois exceptionnelles le justifient (13).
En effet, en cas d’urgence avérée, une EMOG est
habilitée à donner les premiers soins aux autres forces de
l’ordre et à toute personne se trouvant dans leur champ
d’action, en l’absence d’une structure médicale civile
d’urgence sur les lieux de l’intervention. Dans tous les
cas, cette dernière devra être alertée et prendre le relais
dès que possible. Cependant, le cadre réglementaire
d’intervention à leur profit n’est pas défini comme l’a
souligné le groupe de travail sur les EMOG de la zone
de défense et de sécurité Sud en décembre 2015 (7).
Enfin, ils existent de nombreux facteurs qui rendent
l’évolution d’une manifestation imprévisible et
expliquent la complexité d’y associer une force de
l’ordre et un soutien médical adapté.
Afin d’anticiper les éventuelles problématiques du
soutien médical opérationnel, il apparaît indispensable
au médecin désigné d’agir en étroite collaboration
avec le commandement du Groupement tactique
de Gendarmerie (GTG). En effet, il est nécessaire
d’inclure le médecin dans le temps de préparation avec
les différentes autorités en charge des opérations afin
d’évaluer :
– le volume et le type des forces en présence ;
– le nombre attendu et le type de manifestants ;
– l’ambiance locale/le climat social ;
– les risques prévisibles basés sur le rapport des
renseignements de gendarmerie (présence possible de
« casseurs » par exemple) ;
– l’objectif prévisible du commandement (rester
statique, déploiement, interpellation) ;
– les voies d’accès pour l’évacuation médicale ;
– le local d’installation (dans la configuration d’une
mission de protection d’un site).
L’exemple des EMOG en Corse va permettre
d’illustrer ce concept de soutien opérationnel très
spécifique des opérations intérieures.
les équipes médicales opérationnelles de la gendarmerie : retour d’expérience de la corse
201
Emploi de l’EMOG : l’exemple de la
Corse
Le contexte corse
Les difficultés socio-économiques accumulées par
l’île dans les années 50 et 60, conjuguées à un sentiment
d’abandon et les projets d’un développement touristique
de masse vont cristalliser les mécontentements dans l’île
et favoriser l’émergence d’un mouvement autonomiste,
puis de courants nationalistes partagés entre vitrines
légales et organisations clandestines (14).
Le nationalisme corse est devenu un acteur à part
entière de la scène politique insulaire. Son histoire
montre que la violence est omniprésente dans le champ
politique, notamment du fait du développement de son
action armée clandestine depuis les événements d’Aléria
en 1975 (15).
La violence des différents mouvements nationalistes
qui ont vu le jour depuis, n’a jamais cessé de s’exercer
avec plus ou moins d’intensité selon les périodes.
Le mouvement nationaliste ne saurait, toutefois, être
réduit à sa seule expression clandestine et violente.
Longtemps exclu du jeu politique, leur progression
électorale au sein de l’opinion insulaire est actée en
2004 par l’obtention de huit sièges sur cinquante et un
à l’assemblée territoriale avant d’en prendre fin 2015,
la présidence.
La Corse est une région française dans laquelle les
mouvements de contestation fondés sur la revendication
identitaire sont parvenus à s’établir durablement sur la
scène politique. Dans le même temps, leur légitimité a
été grandement contestée : au nom des moyens utilisés
par quelques-uns d’entre eux (la violence) et des buts
que certains assignent à leur combat (l’indépendance)
(16) (fig. 3).
Figure 3. Explosifs « artisanaux » retrouvés à Bastia avant une manifestation
(Europe 1).
Toutes ces évolutions expliquent la difficulté de l’État
d’apporter une réponse politique cohérente mêlant
conduite du dialogue et application de la loi. La présence
et l’action des forces de l’ordre sont donc des actions
délicates à mener afin de ne pas surenchérir les tensions
locales. C’est pourquoi, l’expérience de la violence des
manifestations en Corse justifie la fréquence de l’emploi
de l’EMOG dans cette région (fig. 4).
202
Figure 4. Répartition des EMOG entre 2009 et 2016.
Le dispositif
L’engagement d’une EMOG en Corse se décline selon
le déroulé suivant :
– le commandant de la région de Gendarmerie de
Corse adresse une demande au directeur de la Direction
régional du Service de santé des armées (DRSSA) de
Toulon avec un préavis de 48 heures (celui-ci n’est
parfois pas réalisable compte tenu de l’immédiateté de
la situation) ;
– le directeur régional de la DRSSA de Toulon désigne
le Centre médical des armées rationalisé corse (CMAr
corse) ;
– le commandant du CMAr corse désigne, après
accord de la DRSSA, une (ou plusieurs équipes) selon
le lieu de la manifestation :
- antenne médicale de Borgo pour Bastia,
- antenne médicale d’Ajaccio pour Ajaccio,
- en cas d’indisponibilité des antennes Gendarmerie ou
en cas de besoin d’un renfort : une équipe de l’antenne
médicale de la base aérienne de Solenzara.
Dans la mesure du possible, le CMAr corse fournit un
auxiliaire sanitaire ayant la qualification de conducteurambulancier.
On peut identifier plusieurs éléments facilitant la
coordination du soutien médical avec le dispositif de
maintien de l’ordre :
– la proximité et les échanges réguliers entre le service
de santé des armées et les forces de gendarmerie locales
par la localisation conjointe sur le camp militaire de
Borgo ;
– l’ancienneté en poste de l’infirmier de l’antenne
médicale de Borgo qui par son expérience acquise et
la parfaite connaissance des lieux des manifestations
permet une insertion optimale dans le dispositif ;
– la mise à disposition systématique de moyens
« radio » qui permettent un suivi en temps réel de la
progression des événements.
Lors des manifestations à haut risque, il y a souvent
plusieurs unités engagées (EGM, CRS). En Corse,
l’EMOG est rattachée à un EGM et se déplace solidairement avec lui au départ de la manœuvre. Elle
d. touminet
est positionnée en arrière du dispositif afin de ne
pas surexposer les personnels « santé » ou gêner les
manœuvres des pelotons. Ce rattachement permet la
demande d’une protection en cas de nécessité d’extraction
au cœur de la manifestation. Avec leur bouclier, les
gendarmes mobiles protègent l’équipe médicale,
préalablement entraînée et équipée avec son masque à
gaz et son casque. Toute la plus-value de l’EMOG réside
donc dans sa capacité à aller chercher un blessé en milieu
hostile où les équipes médicales civiles, insuffisamment
équipées et entraînées, ne pourraient s’y rendre.
Sur le lieu des opérations, c’est le GTG qui, en liaison
« radio » avec l’EMOG et les unités engagées, assure le
recueil et la transmission des demandes d’intervention
médicale. Par contre, il appartient au médecin désigné
de prendre contact avec le Centre de réception et de
régulation des appels (CRRA) du SAMU du département
concerné afin de signaler sa présence en amont des
éventuelles demandes d’évacuation médicale.
En Corse, l’EMOG est utilisée comme un lieu de
médicalisation primaire et de tri afin de déterminer pour
le personnel blessé :
– la possibilité de reprendre le maintien de l’ordre ;
– la nécessité de se retirer du dispositif pour une prise
en charge dans un second temps ;
– l’indication d’une demande d’évacuation immédiate
vers le centre hospitalier le plus proche.
Elle n’est pas considérée comme un moyen
d’évacuation, mais comme une médicalisation de
l’avant. En cas de nécessité, une évacuation secondaire
est effectuée par les éléments civils à distance de
tout risque de blessure pour ces derniers. Il s’agit
alors d’organiser une chaîne santé d’évacuation entre
l’EMOG, les pompiers, le SAMU et éventuellement des
moyens héliportés (12).
À l’issue du dispositif, un compte rendu d’intervention
est adressé par le médecin au :
– GTG ;
– commandant du CMAr Corse ;
– conseiller technique santé de la Gendarmerie.
C’est sur la base de ces derniers que sont extraits les
chiffres suivants.
Quelques données chiffrées
Entre 2009 et 2016, trente-trois EMOG ont été
déclenchées. On note que la majorité des EMOG
réalisées n’ont pas eu de blessés à prendre en charge
(72 %). Elles ont soigné 80 types de blessures sur 71
blessés (fig. 5) (17).
Une seule évacuation a été réalisée directement par
le SAMU pour un traumatisme crânien avec perte
de connaissance initiale. Il s’agissait d’un gendarme
départemental en mission de renseignement. Il ne portait
donc aucun effet de protection.
Le maximum de blessés recensés sur une seule EMOG
est au nombre de 27 (dont vingt-quatre traumatismes
sonores). Dans cette configuration, le questionnement du
médecin tourne autour de la reprise du MO et de l’impact
opérationnel en cas de retrait d’un trop grand nombre
de personnels du dispositif par principe de précaution.
Figure 5. Nombre d’EMOG entre 2009-2016.
Au cours des différentes interventions, il a été recensé,
principalement des :
– traumatismes sonores aigus (71 %) ;
– pathologies traumatiques (15 %) ;
– brûlures (13 %) ;
– pathologies circonstancielles (1 %).
Il s’agit des consultations faites auprès de l’EMOG.
Toutes les pathologies recensées le lendemain ou dans
les jours qui suivent la manifestation et en rapport avec
celles-ci ne figurent pas dans ces données.
Les causes des blessures sont variées et facilement
identifiables (fig. 6) :
– pathologies traumatiques : en lien avec des
affrontements, des jets d’objets contondants divers
et variés (pavés, cailloux, boules de pétanque…).
Les éléments de protection permettent cependant de
limiter les pathologies les plus graves. Il s’agit donc
essentiellement de contusions. Sur la période étudiée,
seule une fracture de phalange a été recensée ;
– traumatismes sonores aigus : par l’usage de
« bombes artisanales » à fort pouvoir détonant ou de
grenades offensives des forces de l’ordre (grenade
Figure 6. Répartition des motifs de consultations auprès des EMOG entre 20092016. TSA : traumatisme sonore aigu.
les équipes médicales opérationnelles de la gendarmerie : retour d’expérience de la corse
203
retirée depuis 2014 après la mort d’un manifestant à
Sivens). Le respect du port des protections auditives a
fait l’objet de rappel à plusieurs reprises de la part des
médecins ;
– brûlures thermiques : par jet de cocktails
« Molotov » ;
– pathologies circonstancielles : (coups de chaleur,
insolations, malaises). Celles-ci sont à rapporter aux
conditions de travail. En Corse, les tenues (noires) et le
lourd équipement (poids) sont moins bien supportés lors
des stations debout prolongées sous le soleil.
Ce recensement n’est bien évidemment pas exhaustif
de toutes les pathologies possibles en maintien de
l’ordre. Par exemple, aucune blessure par arme à feu ou
engin explosif n’a été rapportée pendant ces sept années.
Outre le rôle médical proprement dit, l’impact
psychologique de la présence d’une équipe médicale
auprès des EGM n’est pas négligeable notamment
dans le contexte d’insécurité actuelle (alerte attentat).
Elle permet de rassurer les gendarmes mobiles dans
leur progression, notamment les jeunes recrues qui
ont peu d’expérience, comme souvent rapporté par le
commandement Gendarmerie.
Toute la difficulté de ce soutien réside dans le fait que
le médecin peut être différent en fonction des phases de
préparation, du soutien médical proprement dit et du
suivi post-opérationnel. En effet, le premier EGM est
parfois renforcé par la deuxième unité déplacée en Corse
et donc soutenue par une antenne médicale différente
(Borgo ou Ajaccio) voire même par une unité déplacée
expressément en renfort depuis le continent pour le
temps de la manifestation.
L’identité des consultants est donc systématiquement
recueillie lors du recours à l’EMOG afin de permettre
l’instauration d’une consultation de contrôle le
lendemain et ce quel que soit le lieu de celle-ci. Cette
consultation a pour but d’adapter la prise en charge
initiale, d’évaluer la capacité opérationnelle et d’initier
si besoin les demandes de documents en lien avec la
blessure en service. L’uniformisation de l’utilisation
du Logiciel unique médico-militaire (LUMM) permet
de parfaire la continuité de la prise en charge entre les
différentes antennes médicales.
Conclusion
L’expérience « corse » du maintien de l’ordre
montre toutes les spécificités d’un soutien opérationnel
médical développé au profit des escadrons de
Gendarmerie mobile. En effet, le caractère imprévisible
des débordements, le lieu possiblement isolé de la
manifestation et le volume parfois important des forces
en présence, en font un soutien très particulier. La mise
en place d’un dialogue rapproché et régulier avec le
commandement « Gendarmerie » et l’expérience acquise
par les équipes des antennes médicales en Gendarmerie
permettent de coordonner le soutien santé et de l’insérer
dans le dispositif sans contrainte.
L’EMOG en Corse est perçue comme un maillon
essentiel d’une chaîne de soutien médical opérationnel
qui permet d’assurer une médecine de l’avant en
situation dégradée. Ce soutien apprécié par l’ensemble
des forces en présence mérite d’être valorisé, notamment
dans le contexte d’insécurité actuelle de notre pays.
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.D ossier le maintien de l’ordre public. Revue les amis de la
Gendarmerie. Juillet 2013 ; 303 : 24.
2.Circulaire n° 200000/GEND/DOE/S2DOP/BOP du 22 juillet 2011
relative à l’organisation et à l’emploi des unités de Gendarmerie
mobile.
3.Corse – Via Stella — Aleria, 22 août 1975, un tournant dans l’histoire
de la Corse – [internet]. [publié le 20/8/2015]. Disponible sur http://
france3-regions.francetvinfo.fr/corse/haute-corse/aleria-22-aout1975-un-tournant-dans-l-histoire-de-la-corse-788567.htm.
4.Circulaire n° 25700/GEND/DOE/SDDOP/BOP du 22 mai 2012
relative aux équipes médicales opérationnelles de la Gendarmerie.
5.Note express n°17614/DEF/GEND/OE/DO/OPS du 6 juillet 1993 sur
l’organisation d’exercices de soutien santé au maintien de l’ordre à
Saint-Astier.
6.Note express n°29737/RGPACA/DO/BCO du 26/5/2015 relative à
l’emploi des EMOG.
7.Compte rendu de la 2e réunion du groupe de travail DRSSA TLN/
REGEND sur les équipes médicales opérationnelles en gendarmerie
en zone de défense et de sécurité sud du 17 décembre 2015.
8.Article R211-13 du Code de la sécurité intérieure.
9.Instruction commune d’emploi des unités de forces mobiles de la
204
Police nationale et de la Gendarmerie nationale du 29 décembre 2015.
10.Note-express n°29301/GEND/DOE/SDSPSR/BSP/DR du 11 avril
2012 sur le cadre d’emploi de la vidéo protection mobile.
11.Descatha A, Huynh Tuong A, Coninx P, Baer M, Loeb T, Despréaux
T, et al. Occupational practitioner’s role in the management of a
crisis : lessons learned from Paris november 2015 terrorit attack.
Front Public Health. Sept 2016 ; 4 : 203.
12.Instruction n° 600/DEF/DCSSA/PC/MA relative au soutien sanitaire
des activités à risques dans les armées du 17 juillet 2015.
13.Service médical du Raid. Tactical emergency medicine : lessons from
Paris marauding terrorist attack. Crit Care. Fev 2016 ; 13:20-37.
14.Rapport du député Bruno Le Roux sur le projet de loi relatif à la
Corse de 2001.
15.Rapport de la commission d’enquête de l’assemblée nationale sur le
fonctionnement des forces de sécurité en Corse de 1999.
16.B riquet J-L. Le nationalisme corse. Regards sur l’actualité.
Mars 2002. 279 : 27-36.
17.Europe 1 – faits divers – Bastia : des explosifs retrouvés avant
la manifestation - [internet]. [publié le 20/6/2016]. http://www.
europe1.fr/faits-divers/bastia-des-explosifs-retrouves-avant-lamanifestation-26731
d. touminet
Médecine des forces
Le virage incontournable de l’échographie en médecine des
forces. Bilan de dix ans d’utilisation et perspectives
C. Dubecqa, L. Aigleb, c, A. Couretd, G. Moranda, Y. Levaillanta, B. Paklepaa
a CMA Pau Bayonne Tarbes, AMS FS Bayonne, Citadelle Général Berger, BP 12 – 64109 Bayonne Cedex.
b CMA Marseille Aubagne, Caserne Audeoud, BP 40026 – 13568 Marseille Cedex 02.
c École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran – 75230 Paris Cedex 05.
d Service d’accueil des urgences, HIA Sainte-Anne, BCRM Toulon, BP 600 – 83800 Toulon Cedex 09.
Résumé
L’échographie a pris depuis plus de dix ans une place grandissante en médecine d’urgence et ses indications sont désormais
clairement définies. Un travail de thèse a permis de montrer que dans les armées, les médecins des forces s’approprient
également cet outil progressivement. Cent soixante deux médecins ont répondu à un questionnaire de façon anonyme. La
plupart sont formés (60 %), mais encore trop peu ont accès à une formation universitaire qualifiante (5 %). De plus, si son
accès est de plus en plus facilité en missions extérieures (60 %), cela ne représente qu’un quart du temps médical par année
(2,3 mois/an). La pratique en centre médical des armées est encore très marginale (17 %). Les praticiens militaires entretenant
leurs compétences d’urgentiste (environ 50 %) y ont régulièrement accès lors de leurs gardes (87 %). Son intérêt en médecine
de guerre ou en situation isolée est majeur. Un algorithme décisionnel incluant l’échographie pourrait permettre, avec des
appareils désormais miniaturisés, de mieux prendre en charge nos blessés sur le terrain comme au Role 1. Une meilleure
qualification initiale, une utilisation régulière en situation d’urgence, une large diffusion d’appareils récents et surtout une
formalisation des indications doivent permettre de prendre le virage de l’échographie en médecine des forces.
Mots-clés : Échographie. Formation. Médecine des forces. Médecine d’urgence. Opération extérieure.
Abstract
SONOGRAPHY: A TURNING POINT IN ARMY MEDICINE. A REPORT ON TEN YEARS OF EXPERIENCE AND PROSPECTS .
Sonography has taken an increasingly important place in emergency medicine in the last ten years, and its protocol is clearly
established. Research for a PhD showed that Army doctors are also starting to use this tool. One hundred and sixty two
doctors have answered a questionnaire anonymously. Most were trained (60%), however too few doctors still have access
to qualifying academic training (5%). Furthermore, if sonography is increasingly available during missions abroad (60%),
it still only constitutes a quarter of the time spent looking after patients (2.3 months/year). The use of sonography in Army
Medical Centres remains marginal (17%). Army doctors who keep their skills as emergency doctors up to date (about 50%)
use sonography quite regularly when they are on call (87%). It is most useful in times of war or in isolated situations. A
decisional algorithm including sonography could make it possible to care better for our injured men and women in the field,
in role 1 situations. A better initial qualification, regular use in emergency medicine, recent machines made readily available,
and above all the formalization of indications should make this turning point possible by making the use of sonography
widely adopted in Army medicine.
Keywords: Emergency medicine. Army medicine. Foreign operation. Training. Sonography.
Introduction
Les Services de santé des armées des grandes nations
ont toujours été historiquement à l’origine de nouvelles
technologies médicales qui ont bénéficié plus tard à la
C. DUBECQ, médecin principal, praticien. L. AIGLE, médecin en chef, praticien
professeur agrégé du Val-de-Grâce. A. COURET, interne des hôpitaux des armées,
praticien en formation. G. MORAND, médecin principal, praticien. Y. LEVAILLANT,
médecin en chef, praticien confirmé. B. PAKLEPA, médecin en chef, praticien
confirmé.
Correspondance : Monsieur le médecin principal C. DUBECQ, CMA Pau Bayonne
Tarbes, AMS FS Bayonne, Citadelle Général Berger, BP 12 – 64109 Bayonne Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 205-212
médecine civile. Les conditions d’exercice des praticiens
de « l’avant » et de « l’extrême avant », au plus près
des combats, du Service de santé des armées (SSA)
sont propices au développement de nouveaux matériels,
toujours plus petits, légers et ingénieux pour prendre en
charge les blessés de guerre le plus précocement possible
et avec une efficacité comparable à une prise en charge
métropolitaine. Depuis plus de quinze ans, l’échographie
a pris une place grandissante en médecine d’urgence. Sa
plus-value diagnostique, pronostique, notamment pour
le triage, et thérapeutique pour l’aide à la réalisation
de certains gestes, en fait un outil incontournable de
l’urgentiste du 21e siècle.
205
Le SSA a depuis plusieurs années doté les structures
médico-chirurgicales (Roles 2 et 3) d’échographes
et plus récemment les Roles 1 (poste médical). La
miniaturisation des appareils autorise même désormais
leur utilisation par les médecins de « l’extrême avant »
sur le terrain. Cet article a une double ambition. Il définit
d’une part les facteurs actuels limitant son utilisation
dans les armées, à partir d’un questionnaire de thèse
envoyé aux médecins des forces en 2015 sur leur pratique
en France et en mission de l’échographie. D’autre part
il propose de nouvelles perspectives d’utilisation tant
dans le domaine de l’urgence que dans la consultation
quotidienne.
Contexte
La Société française de médecine d’urgence (SFMU)
a édité en mai 2016 des recommandations pour la
formation, l’accès et l’utilisation de l’échographie au
profit des urgentistes (1). Elle décrit précisément les
indications pour lesquelles les médecins urgentistes
doivent être formés. Il est fort probable que ces
recommandations deviennent, dans le futur, opposables
sur un plan médico-légal pour la prise en charge des
patients.
Les médecins des forces, dont l’activité est centrée
sur la médecine générale et la médecine du sport,
ont également pour cœur de métier une activité de
médecine d’urgence en Opération extérieure (OPEX)
où ils sont alors souvent très isolés et les seuls recours.
L’échographie trouve lors ici toute sa place. Ceux d’entre
eux ayant une qualification en médecine d’urgence
peuvent participer aux gardes dans les Services d’accueil
des urgences (SAU) ou le Service mobile d’urgence et
de réanimation (SMUR) de l’hôpital de proximité, au
titre de la formation continue et de l’ouverture du SSA.
Résultats
Entre janvier 2014 et juillet 2015, 162 questionnaires
ont été renvoyés sur les 674 médecins sollicités et
exerçant en CMA (données de la Direction centrale du
Service de santé des armées), soit un taux de réponse
de 24 %. Tous les questionnaires reçus ont pu être
exploités.
Population (tab. I)
L’âge moyen de la population est de 35 ans, dont
61 % d’hommes. Le temps moyen de service est de
8 ans. Le temps passé en mission est de 2,3 mois par
an en moyenne.
Tableau I. Données socio démographique de la population.
Matériel et méthode
Dans le cadre d’une thèse pour l’obtention du titre de
docteur en médecine soutenue en juin 2016, une étude
épidémiologique descriptive rétrospective a été réalisée
du 1er juillet 2014 au 31 janvier 2015 dans les 50 Centres
médicaux des armées (CMA) du SSA.
Des questionnaires ont été envoyés par voie
électronique (questionnaire Google Drive®) à chaque
Direction régionale du Service de santé des armées
(DRSSA) qui les ont diffusés aux praticiens d’active
de leur région.
Le questionnaire comporte quatre parties : les données
socio démographiques, la pratique en OPEX sur les cinq
dernières missions, la pratique lors des consultations en
antenne médicale et enfin, la pratique en garde SMUR
ou SAU.
Les réponses au questionnaire ont été enregistrées sur
le masque créé sur Google Drive® de manière anonyme
puis exportées et exploitées avec le logiciel d’analyse
statistique Epi Info® 7.1.3.3. La modélisation des
résultats a ensuite été effectuée via le logiciel Microsoft
Office Excel® 2013 et logiciel Bio Stat TGV®.
206
Soixante dix sept praticiens de l’échantillon
sont urgentistes (Diplôme d’études spécialisées
complémentaires de médecine d’urgence (DESC MU)
ou capacité de médecine d’urgence (CAMU)) soit 47 %.
On note que 52 % des praticiens déclarent participer
aux gardes en structure d’urgence (centre hospitalier ou
Hôpitaux d’instruction des armées, HIA).
Formation initiale et continue
L’étude montre que 60 % des médecins des forces ont
reçu une formation initiale minimale à l’échographie,
qu’elle soit interne au SSA ou universitaire (5 %
sont titulaires d’un Diplôme interuniversitaire, DIU,
d’échographie). La formation la plus répandue est le
Focused assessment with sonography in trauma (FAST)
(86/162 soit 53 %), puis vient la formation interne du SSA
d’une semaine « échographie pour médecin isolé » (65/162
soit 40 %). On note que 75 % des médecins n’ayant reçu
aucune formation souhaiteraient en recevoir une.
c. dubecq
Accès à un échographe et utilisation de
l’échographie
Tableau II. Dotation, utilisation, apport et limites de l’échographie en mission,
en CMA et en structure d’urgence.
Depuis le début des années 2000, l’accès et le
taux d’utilisation sont croissants. On atteint un taux
d’accès à un échographe en mission de 56 % avec
alors une utilisation dans 86 % des cas. On constate
que l’utilisation augmente parallèlement avec l’accès
à une machine. De plus, lorsque l’accès et l’utilisation
augmentent en mission, le manque ressenti en l’absence
d’échographe au poste médical devient lui aussi très
important (fig. 1).
Figure 1. Évolution de l’accès, de l’utilisation ou du manque ressenti de
l’échographie en mission.
Si l’échographie s’est généralisée en OPEX, son accès
en métropole reste encore très limité : seuls 17 % des
médecins en disposent actuellement en CMA.
Les 52 % des médecins qui prennent des gardes en
structure d’urgence ont dans 87 % des cas un appareil
à leur disposition. La pratique en SMUR et en SAU
est essentiellement tournée vers la traumatologie, en
OPEX elle concerne aussi fréquemment les pathologies
médicales (tab. II).
Discussion
Intérêts et limites de l’étude
Le point fort de cette étude est de dresser un état des
lieux de l’utilisation de l’échographie par les praticiens
des forces, ce qui n’avait jamais été réalisé jusque-là.
Cependant, celle-ci est rétrospective et déclarative et
ne peut donc s’affranchir des biais de mémorisation et
d’auto-évaluation. De plus, l’absence d’échantillonnage
de l’étude qui se voulait la plus exhaustive possible,
n’a pas permis de garantir une bonne représentativité.
La moyenne d’âge de l’échantillon ne diffère pas
significativement (p > 005) de l’ensemble des médecins
des forces. Il peut donc néanmoins être considéré comme
assez représentatif pour cette donnée.
Formation initiale et continue à l’échographie
Si près de 60 % des praticiens des forces ont déjà reçu
une formation initiale à l’échographie, il semble que
le facteur limitant réside dans la formation continue et
l’accès à un appareil pour entretenir ses connaissances
et parfaire son entraînement. Trop peu de praticiens ont
effectué une formation universitaire à l’échographie.
Si celle-ci est sélective et dure 1 ou 2 ans, l’École du
Val-de-Grâce propose à la fois une e.Formation et des
formations pratiques (avec un carnet de stage de suivi
en cours de validation) dont celle pour médecin isolé qui
semble un bon compromis. D’une durée d’une semaine
et essentiellement basée sur la traumatologie, on pourrait
imaginer l’allonger pour mieux y inclure les nombreuses
indications médicales pouvant survenir en mission ou
en cabinet de consultation, l’accompagner d’un stage
pratique et l’étendre ainsi aux indications retenues par
la SFMU (2, 3).
Le cercle vertueux de l’accès à un échographe
L’accès à un appareil stimule la pratique qui en découle,
ainsi, plus de 85 % des médecins ayant un échographe,
que cela soit en mission ou en structures d’urgence en
France, l’utilisent fréquemment. Ces chiffres montrent
le cercle vertueux de l’échographie : les praticiens qui y
ont accès l’utilisent plus et donc deviennent forcément
plus performants. D’où l’importance pour le SSA de
poursuivre l’effort de dotation des Roles 1 en OPEX
mais surtout en CMA car, comme nous l’avons vu,
l’absence de possibilité d’entretien des compétences
en cabinet est un frein majeur à la progression des
praticiens.
le virage incontournable de l’échographie en médecine des forces. bilan de dix ans d’utilisation et perspectives
207
Les praticiens urgentistes CAMU ou DESC MU
(47 %), prenant régulièrement des gardes en SAU/
SMUR, ont dans 87 % des structures la possibilité de
pratiquer l’échographie.
La formation continue en médecine d’urgence reste
donc le seul gage d’une pratique courante en échographie
et ne devrait pas seulement être encouragée mais rendue
obligatoire (3).
Matériel
Les appareils actuellement en dotation dans les Roles 1
sont le plus souvent des VSCAN DUAL PROBE® et
parfois des SONOSITE TITAN® de 2006.
L’apparition sur le marché d’appareils bien plus
performants pose la question du renouvellement du
parc. Le coût d’acquisition d’un échographe performant
(environ 30 000  €) est à mettre en relation avec le
coût horaire d’une évacuation médicale tactique
(MEDEVAC) intra-théâtre (15 000 € environ l’heure
de vol pour un hélicoptère ou un avion). Une seule
MEDEVAC de deux heures dépasse largement le prix
d’acquisition d’un appareil !
Des échographes ultraportables de type VSCAN
DUAL PROBE® dotent depuis deux ans les équipes
médicales des forces spéciales, les équipes MEDEVAC
et plus récemment certains CMA (4). Ces appareils de la
taille d’un téléphone, trouvant facilement leur place dans
un sac médical, permettraient désormais une utilisation
à « l’extrême avant » et la réalisation d’un algorithme
du type « MARCHE RYAN échographique », en
complément de celui enseigné au sauvetage au combat
de niveau (5, 6).
Évolution des pratiques et place en
médecine des forces
Apport pour le blessé de guerre
Les compétences essentielles en échographie
recommandées pour l’urgentiste correspondent
parfaitement aux besoins du médecin des forces,
notamment lorsqu’il se retrouve en situation d’isolement
en OPEX, parfois à plusieurs heures d’avion de la
première ressource chirurgicale et radiologique.
Plus particulièrement pour le blessé de guerre,
l’échographie trouve pleinement sa place dans un
« MARCHE échographique », venant préciser le
diagnostic ou guider une thérapeutique (4, 5).
Massive bleeding (M)
Le contrôle des hémorragies extériorisées est visuel
et ne requiert pas l’aide des ultrasons. Une première
évaluation par une FAST échographie peut cependant
mettre plus facilement en évidence les hémorragies non
extériorisées (7, 8).
Airway (A)
Le contrôle des voies aériennes peut passer par
la coniotomie ou une intubation orotrachéale ;
208
l’échographie peut alors repérer leur positionnement
plus rapidement et plus sûrement qu’une auscultation
ou une mesure du taux de CO2 expiré (EtCO2) (10).
Respiration (R)
L’échographe a une grande spécificité et sensibilité
pour la recherche d’épanchements pleuraux liquidiens
et gazeux (11, 12). C’est un examen reconnu très
performant pour l’évaluation des dyspnées sans
radiographie disponible (13, 14). De plus, elle permet
un repérage et/ou guidage d’une exsufflation ou d’un
drainage thoracique.
Choc (C)
L’appréciation du pouls radial, simple mais peu
précise, peut avantageusement être complétée par
une mesure de la Veine cave inférieure (VCI) et de
la fonction cardiaque. Cette aide est précieuse pour
l’appréciation du remplissage et de l’efficacité attendue
des amines (15, 16). Elle peut de plus diagnostiquer
aisément un épanchement péricardique et ainsi guider
une pericardiocentèse. Enfin, la mise en place d’une
voie veineuse périphérique, ou même centrale de gros
calibre pour le remplissage est rendue aisée par un écho
guidage ou écho repérage préalable (17, 18).
Head/Hypothermia (H)
Lors d’un traumatisme crânien, le doppler transcranien
a une excellente sensibilité et spécificité pour le
diagnostic et le monitorage de l’hypertension intra
crânienne (HTIC) (19).
De réalisation encore plus aisée avec un appareil
ultra-portatif, la mesure du diamètre du nerf optique
est également très sensible (20).
En situation de triage de nombreuses victimes, un
backflow (négativation des vitesses diastoliques) permet
d’envisager la limitation des soins sur un blessé grave
car entrant déjà dans les critères de mort encéphalique
dans d’autres pays européens (19).
Évacuation (E)
L’apport de l’échographie dans le triage permet
une meilleure catégorisation des blessés (21).
Le bilan médical, et le message d’évacuation du
type 9 line deviennent plus fiables et peuvent permettre
une meilleure gestion des vecteurs aériens médicalisés.
Antalgie
La réalisation d’analgésie locorégionale, notamment
d’un bloc ilio-fascial peut être guidée/repérée par
l’échographie. Ce bloc est très efficace lors d’une
blessure du tiers moyen de la cuisse ; il améliore
également la tolérance du garrot (22).
L’échographie ne rallonge pas la prise en charge dans
les mains d’un opérateur entraîné et vient simplement
compléter et affiner la clinique. Cela ne nécessite pas
plus de trois à cinq minutes pour un médecin aguerri à
cette technique. L’ensemble des propositions relatives
à cette procédure de « MARCHE échographique » sont
synthétisées dans le tableau III.
c. dubecq
Tableau III. Le « MARCHE échographique ».
Apport pour le médecin des forces en
situation isolée
Opérant par essence en milieu isolé lorsqu’il est en
OPEX, les ressources locales en imagerie y sont la
plupart du temps inexistantes. Ce praticien se retrouve
donc à évaluer des patients présentant des pathologies
médico-chirurgicales (dyspnée, douleur abdominale,
traumatologie légère) dans des conditions précaires avec
peu de moyens et des conséquences potentiellement très
lourdes sur le plan logistique en termes de MEDEVAC
(23, 24).
Les théâtres d’intervention comme le Sahel
représentent une superficie d’environ dix fois la France
et la seule possibilité pour réaliser une imagerie est une
évacuation vers le Role 2 le plus proche, parfois situé à 5
ou 6 heures de vol.
L’utilisation de l’échographie peut ainsi éviter
certaines MEDEVAC notamment lorsqu’il s’agit
d’éliminer ou de différer le traitement d’une urgence
médico-chirurgicale (25, 26).
On pourrait citer, dans les indications fréquentes :
– les pathologies rénales comme la colique
néphrétique ;
– les pathologies abdominales telles que la cholécystite
et l’appendicite ;
– les pathologies cardio-vasculaires telles que les
phlébites ou l’anévrysme de l’aorte abdominale ;
– les pathologies musculo-squelettiques et le
diagnostic de certaines fractures.
Ces pathologies, toutes retenues dans les
recommandations de la SFMU, représentent une
part importante des évacuations où l’imagerie vient
dédouaner un diagnostic rare et/ou grave ou entraînant
une sanction chirurgicale spécialisée. L’échographie au
poste médical trouve ici toute sa place.
Perspectives : le virage nécessaire du
SSA
Le SSA ne peut rester en marge de l’évolution de
la médecine d’urgence et doit rester leader sur ce
domaine, partie intégrante de la médecine de guerre.
Les recommandations de la SFMU pourraient devenir
opposables pour la pratique dans un futur proche. Si
toutes les indications retenues ne sont pas forcément
pertinentes, une grande partie d’entre elles ont un
intérêt certain pour le praticien des forces, notamment
en OPEX mais aussi lors de sa consultation quotidienne
en métropole (26, 27).
Le tableau IV, reprend les situations cliniques des
recommandations de la SFMU 2016 et propose de les
classer en fonction de leur intérêt (majeur, moyen ou
faible) en médecine des forces (28).
Le renouvellement du parc d’appareils et leur
large diffusion, sont un prérequis indispensable à
une utilisation plus importante de l’échographie pour
initier le cercle vertueux de cet outil. La formation doit
être généralisée et étendue pour coller au mieux à ces
nombreuses applications. C’est dans cette optique que
sont actuellement menés deux travaux (l’un en OPEX et
l’autre en CMA) dont les objectifs sont de préciser, au
regard de l’application concrète sur le terrain, les types
d’échographies les plus fréquemment réalisées afin de
proposer un cahier des charges pour affiner encore les
formations proposées par l’École du Val-de-Grâce.
Conclusion
La médecine d’urgence est bouleversée depuis une
dizaine d’années par l’apparition de l’échographie au lit
du patient. Cet examen échoscopique, complément de
l’examen clinique, apporte dans de nombreuses situations
une aide diagnostique, pronostique ou thérapeutique. La
SFMU décrit dorénavant une quarantaine de situations
cliniques où l’échographie doit être réalisée chez l’adulte
aux urgences.
Le médecin des forces est souvent isolé à l’avant sur
le terrain ou en poste médical, loin de toute structure
hospitalière dotée en moyens d’imagerie. L’apport que
représente l’échographie dans ces conditions est une
véritable révolution. Son utilisation pourrait également
à l’avenir s’intégrer parfaitement dans le sauvetage au
combat et la prise en charge précoce du blessé de guerre
avec un « MARCHE échographique ».
Des travaux sont en cours pour établir un consensus
dans le SSA, à l’instar de la SFMU, sur la place de
l’échographie pour la médecine des forces, le matériel
à utiliser et une formation ciblée sur les indications les
plus pertinentes.
Une meilleure qualification initiale, une formation
continue en structures d’urgence et surtout une plus large
diffusion d’appareils récents en métropole et à l’étranger
restent les seuls gages d’une utilisation optimale au
profit du blessé de guerre, cœur de métier du SSA.
le virage incontournable de l’échographie en médecine des forces. bilan de dix ans d’utilisation et perspectives
209
Tableau IV. Situations cliniques relevant d’une échographie d’après les recommandations SFMU 2016, et intérêt en médecine des forces.
Domaine
Échographie abdominale
Intérêt
Échographie cardiaque
Échographie veineuse
Échographie ostéo-articulaire
Échographie des tissus mous
Recommandation
Intérêt en
Médecine des
forces
Diagnostic
Épanchement péritonéal
Forte
Majeur
Diagnostic
Dilatation des Cavités pyélo-calicielles
Forte
Majeur
Diagnostic
Dilatation vésicale
Forte
Faible
Présence d’un cathéter dans la vessie
Forte
Faible
Diagnostic
Anévrysme de l’Aorte Abdominale
Forte
Moyen
Diagnostic
Épanchement pleural liquidien
Forte
Majeur
Diagnostic
Épanchement pleural gazeux
Forte
Majeur
Diagnostic
Lignes A et B pulmonaires
Forte
Moyen
Diagnostic
Condensation pulmonaire
Forte
Moyen
Thérapeutique
Échographie thoracique
Image cible
Diagnostic
Épanchement péricardique
Forte
Majeur
Diagnostic
Évaluation de la fraction d’éjection
Moyenne
Moyen
Diagnostic
Dilatation du ventricule droit
Moyenne
Moyen
Diagnostic/
pronostic
Mesure de la veine cave inférieure
Forte
Majeur
Diagnostic
Échographie quatre points des membres
inférieurs
Forte
Majeur
Diagnostic
Évaluation d’un épanchement articulaire
Proposition
Majeur
Diagnostic/
thérapeutique
Détection corps étranger
Proposition
Majeur
Diagnostic/
thérapeutique
Détection collection liquidienne
Proposition
Moyen
Forte
Majeur
Forte
Moyen
Forte
Majeur
Forte
Majeur
Diagnostic/
Pronostic/
Thérapeutique
Diagnostic/
Pronostic/
Thérapeutique
Algorithme de prise en charge d’une dyspnée
Algorithme de prise en charge d’une douleur
thoracique
Échographie contextuelle
Diagnostic/
Pronostic/
Thérapeutique
Diagnostic/
Pronostic/
Thérapeutique
Échographie
Interventionnelle
210
Algorithme de prise en charge d’un traumatisé
grave
Algorithme de prise en charge d’un état de choc
Thérapeutique
Guidage/repérage d’une VVP, VVC, Artère
Forte
Majeur
Thérapeutique
Guidage d’une ponction péricardique
Forte
Majeur
Thérapeutique
Repérage d’une ponction d’ascite
Forte
Faible
Thérapeutique
Repérage d’un cathétérisme sus-pubien
Forte
Moyen
Thérapeutique
Repérage d’une ponction pleurale
Forte
Majeur
Thérapeutique
Contrôle position sonde d’intubation oro-trachéale
Proposition
Majeur
Thérapeutique
Guidage d’un bloc radial, cubital et médian
Proposition
Majeur
Thérapeutique
Guidage d’un bloc fémoral
Moyenne
Majeur
c. dubecq
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le virage incontournable de l’échographie en médecine des forces. bilan de dix ans d’utilisation et perspectives
211
212
Médecine des forces
A United Nations training course to investigate allegations of use
of chemical, biological and/or toxin weapons
A.-M. Jalady
Abstract
In case of an alleged use of chemical, biological or toxin weapons, the United Nations Secretary-General may be requested
by any Member State to deploy a fact-finding mission in order to ascertain the facts. Such a Mission would be manned by a
roster of qualified experts which the UN Office for Disarmament Affairs manages. This drove France to organize a training
course in June 2015, and to conduct the basic training of twenty junior experts. This paper reports on the UN approach to
training, based on some e-learning prior to the course so as to obtain security certificates, a few theoretical conferences and,
for most of the course, scenarios role-played by the trainees. It also depicts the key skills required to perform the fact-finding
mission : the international legal framework, the technical guidelines to abide by, and the general methodology. The experts
operate as a team ; they conduct interviews of victims and officials, visit sites looking for evidence of weapons use, take
samples, do clinical examination, and collect documents, photographs or video footages. Everything is registered in order to
preserve the chain of custody. They produce a scientific and factual report. The completion of this training course enabled
some French Armed Forces physicians to become part of the few experts who could be deployed for a fact-finding mission.
Keywords : CBRN weapons. International fact-finding mission. Training course. United Nations.
Résumé
UNE FORMATION DES NATIONS UNIES POUR L’ENQUÊTE EN CAS D’ALLÉGATION D’EMPLOI D’ARME CHIMIQUE,
BIOLOGIQUE ET/OU TOXINE.
En cas d’allégation d’emploi d’arme chimique, biologique ou toxinique, le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations
unies peut être sollicité par n’importe quel État membre pour conduire une mission de terrain destinée à établir les faits.
Cette mission serait armée à partir d’un vivier d’« experts qualifiés » tenu à jour par le Bureau des affaires de désarmement
des Nations-Unies. Cela a conduit la France à organiser une formation en juin 2015 destinée à une vingtaine d’experts
débutants. Cet article présente l’approche onusienne de la formation : des cours en ligne permettant l’obtention de certificats
de sécurité, quelques conférences théoriques, et une majorité de jeux de rôle des stagiaires. Il relate aussi les enseignements
clés pour conduire l’enquête : le cadre juridique international, les directives techniques à suivre, et la méthodologie générale.
Les experts travaillent en équipe ; ils réalisent des entretiens des victimes et des officiels, conduisent des visites sur site pour
rechercher les preuves de l’utilisation d’armes, prélèvent des échantillons, réalisent des examens cliniques, collectent des
documents, des photos ou des vidéos. Tout est enregistré afin d’assurer la traçabilité des éléments de preuve. Ils rédigent un
rapport scientifique objectif. Ce stage a permis de qualifier des médecins militaires français à faire partie du petit nombre
d’experts qui pourraient réaliser une mission d’enquête.
Mots-clés : Armes NRBC. Mission internationale d’établissement des faits. Nations Unies. Stage de formation.
Introduction
As the recent events in the Middle East show, the
use of chemical, biological or toxin (CBT) weapons
is a credible threat during conflicts or terrorist attacks.
The authors of these attacks do not always admit that
they have used those kinds of weapons. Yet, doing so
constitutes a violation of the 1925 Geneva Protocol
(1), of the Chemical Weapons Convention (2) or of
A.-M. JALADY, médecin en chef, praticien confirmé.
Correspondance : Madame le médecin en chef A.-M. JALADY, Centre médical
des armées de Montlhéry-Antenne médicale de Vert-le-petit, site de DGA Maîtrise
NRBC, BP 3 – 91710 Vert-le petit.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 44, 2, 213-220
the Biological and Toxin Weapons Convention (3).
The ability of the International Community to establish
evidence of Biological Weapons (BW) or Chemical
Weapons (CW) use has the potential to deter possible
perpetrators. Triggered by a request of any Member
State, the UN Secretary-General (UNSG) is authorized
to establish a field Mission under the so-called « UN
SG Mechanism » and dispatch a fact-finding team to
the site(s) of the alleged incident(s) (4) and promptly
report to all UN Member States. Such a Mission would
be manned by qualified experts from the Member States
listed on a roster, which the UN Office for Disarmament
Affairs (UNODA) manages. However, training these
experts remains a prerogative of the Member States
(5,6). While international cooperation is improving its
213
preparation to address such allegations, a training course
for experts nominated to the roster of the Secretary
General’s Mechanism (SGM) took place in France
between June 7th and 19th, 2015. The Central Direction
of the French Defence Health Service was requested by
the Armed forces Staff to find qualified trainees, within
the framework of its chemical biological radiological
and nuclear (CBRN) mission. It was only the second
time that France, namely the General Directorate for
International Relations and Strategy of the French
Ministry of Defence (DGRIS) organized this kind of
training, in close cooperation with the United Nations
Office for Disarmament Affairs (UNODA). The firstever training course was organised by the Government
of Sweden in June 2009. In November 2012, the second
training course took place in France, and in 2014, in
Sweden ; the United Kingdom and Germany hosted
training courses too. It was an unexpected medical
Mission for a trainee, definitely not a very well-known
Mechanism, involving skills in political analysis,
diplomacy, security, investigation management, stress
management and team working. After academic lectures,
a practical training course took place in the field in
Fontevraud-L’Abbaye (2 CBRN Dragoons Regiment)
and Saumur (Joint CBRN Defense Center). In a first
part, this paper depicts the UN training course. The
second part analyzes the course: the teaching methods
in keeping with the UN way of training and skills for
the missions.
Before training: online preparation
The trainees received guidance by e-mail and on a
specific internet UN site (7). They had to read the SGM
Guidelines and Procedures and the updated appendices
for an investigation in case of alleged use(s) of CBT
weapons. Furthermore, prior to beginning the training,
all the participants were expected to complete three
online training classes about security organized by
the UN Department of Safety and Security (UNDSS)
(8). These classes were: « Basic security in the field »,
« Advanced security in the field » and « Information
Security Awareness Training » (Table 1). Each class
Table I. Online advance preparation of the United Nation department of safety and security.
Online training courses
Basic security in the field
(staff safety, health, and welfare)
Modules
1.Introduction
2. The UN security management system
3. On the move
4. Where you live and work
5. Your health
6 Your wellbeing
7 Your personal safety
Advanced security in the field
1.Introduction
2. Knowing and using your vital security tools
3. Your public behaviour, image, and your personal safety
4. Assessing your security risks
5. Nothing is more important than your wellbeingw
6 Your options in challenging environments
Information Security Awareness
1. Introduction to information security
2. Protecting sensitive information
3. Social engineering
4. Password selection and usage
5. Electronic messaging and phishing
6 Accessing information on the internet
7. Responding to incidents
8. Cybercrime and target identification
9. Mobile devices and wireless networks
10.Data destruction
11.Encryption
12.Social networking and personal privacy
13.Protecting children online and security within the home
14.Security of your data in the cloud
Training
214
a.-m. jalady
comprised slides presented by a speaker, and short
videos. The main part of teaching was based on
readings and podcasts listening ; it was followed by an
assessment. Those who passed were issued a personal
certificate whose validity was limited to three years.
Taking these courses is mandatory for all personnel
stationed in or travelling to a non-headquarters duty
station/mission for the UN.
The training course
Participants
Fourteen nations were represented by the trainees:
Australia, Burkina Faso, Canada, China, France, Italy,
Mexico, Nepal, Pakistan, Romania, Russia, Serbia,
Turkey and the United Kingdom. The trainees were
experts pointed out to UNODA by their countries (5).
Most had a scientific or technological background
(microbiologists, chemists, public health physicians,
armed forces physicians), and there were a few military
officers. France, Australia, and the United-Kingdom sent
observers. The staff was composed of experimented
officials. For example, the UNODA officer in charge of
the course was a former Soviet diplomat with a chemical
and biological weapons (CBW) disarmament experience
and a vast field experience gained with the UN
Inspections in Iraq. The scientific adviser of the course
was a French Professor, the Head of the Department of
Biology of Transmissible Agents of the French Armed
Forces Biomedical Research Institute. The trainees were
divided in two teams of ten people, only two days after
the inception of the course. Each team was coached by
a supervisor nicknamed « the mother ». Both mothers
(an Englishman and a Canadian) had taken part in
the investigation for allegations of use of chemical
weapons in 2013 in Syria within the framework of the
joint UN-OPCW (Organization for the Prohibition of
Chemical Weapons) mission. The Canadian « mother »
had served as the Head of Field Operations and Deputy
Head of the Sellström Mission in Syria. The English
« mother » was a former serviceman with twenty-five
years of experience of Explosive and Ordnance Disposal
(EOD) ; he was the head of the OPCW Mission that
neutralized the Syrian chemical weapons production
facilities, shortly after Syria acceded to the Chemical
Weapons Convention. All classes, be they conducted
in Paris or in Fontevraud, were in English, without
translation. Obviously, it meant for all the participants
to be able to work in a multinational environment using
English language on a daily basis.
Days 1-2
After an ice-breaker the evening before, the first two
days were dedicated to academic presentations at the
Cercle national des armées in Paris (Table 2).
Days 3-12
On the morning of the third day,, the trainees were
divided into two teams, and the team leaders were
appointed by the staff ; in the afternoon, the participants
moved to Fontevraud-L’Abbaye (Maine-et-Loire). The
second part of the training course took place there. It
consisting of nine days of an intensive training workshop
(Table 3). The trainees had to learn how to conduct factfinding activities working as a team, under the rigorous,
but benevolent supervision of their « mothers ».
Table II. Schedule of the masterful presentations (the first two days).
a united nations training course to investigate allegations of use of chemical, biological and/or toxin weapons
215
Table III. Schedule of the training course days 4-12 *Head quarter of the United Nations in New-York.
The scenario
A detailed and credible scenario was distributed to the
trainees on the first day of the course.
The documents below were made available to the
trainees:
1. The letter by the Head of State of the (fictitious)
Republic of Flée to the UN Secretary-General reporting
216
the alleged use of a biological weapon (tularemia)
against civilian targets by another fictitious country
called Mopstuv. This letter provided the information
pertaining to the alleged use, as requested by the UNSG
Mechanism’s guidelines- appendix I (5).
2. Background information on the two belligerent
countries: political situation, geography, history,
a.-m. jalady
population, armed forces and police forces, security
situation, humanitarian situation, refugees, infrastructure
and economy.
3. The Mandate given by the Secretary-General to the
fact-finding mission, was based on General Assembly
resolution 42/37C (4). The aim was to ascertain the facts
related to an allegation of use of biological weapons, to
gather relevant evidence and undertake analyses, and
to deliver a report to the Secretary-General, following
the UN Guidelines and Procedures (5) and its updated
technical appendices of 2007 (9).
Meetings with the UN or a host nation
During the training course, the pace of activities,
although it was inevitably compressed, endeavored to
remain as realistic as possible. On the one hand, Video
Tele Conferences (VTCs) were simulated with the
Officwe of the UN Secretary-General in New York,
and on the other hand meetings were organized with
the host nation to exchange information. For example,
the first meeting took place with the host nation. The
purpose for the trainees was to explain to the host
nation’s ambassador their Mandate, as depicted in their
terms of reference, and to request support that the host
nation should provide to them during their Mission.
After thorough preparation by the team, each meeting
was role-played (Figure 1).
in order to practice the interview method with eye
witnesses, victims, patients or with authorities. The
first field day took place in the field training area of the
CBRN Regiment of Dragoons in Fontevraud. For half of
the day, the fact-finding teams had to take samples and
do interviews on the site of the alleged use (Figure 2),
and during the other half of the day, they went to a
hospital in order to interview victims, medical staff and
authorities, and to collect documents. Sampling matrices
and interviews were thoroughly prepared during team
work the day before. The aim of the day was really to
assess what had happened in Flée, the host nation, to
ship samples to UN designated laboratories, to fill out
the chain of custody forms, to find evidence, and to try
to ascertain the facts of the alleged use of a biological
weapon. Environmental sampling was performed by
a « Sampling Identification Biological Chemical and
Radiological Agent » (SIBCRA) team, soldiers of the
French Air force from Cazaux, whom the team leader
had to manage. Victims’blood samples were simulated
by a local nurse, under the supervision of an expert in
order to preserve the chain of custody.
Figure 1. Team leader on the grill: an official meeting.
Scenario-based training
For the first Practical Exercise (PE), the fact-finding
team had to move as part of a convoy, as if it were in
a war-torn country (Flee), on its way to a sampling
mission. The aim was to assess security, to practice
the radio-checks with the base, to clear the checkpoints properly. For the second PE, the experts had to
realize environmental sampling while filling out the
corresponding forms with a view to preserving the chain
of custody. Each PE was followed by a short de-brief,
so as to identify what had been done well and what had
to be improved. Several indoor PEs were organized
Figure 2. Decontamination airlock for entry and exit in the contaminated field.
The second field day took place in the Joint CBRN
Center in Saumur. Half the day was dedicated to a
presentation of the Center, a visit of the decontamination
facilities and the interview of a scientist suspected of
having been involved in tularemia production. During
the afternoon, the experts visited a Flée biological and
chemical laboratory, had samples taken by the SIBCRA
team and interviewed lab technicians. The final day of
the course was dedicated to a presentation of the factfinding team’s initial report, and its first conclusions.
a united nations training course to investigate allegations of use of chemical, biological and/or toxin weapons
217
Lessons learnt
Pedagogical aspects: the UN approach to
training
Advance preparation online
Online learning is a very interesting way of learning. It
is interactive, always available, and provides an official
certificate at the end of the course if the students get
more than 80 % of the answers right at the final exam ;
this kind of training is very attractive. It could be useful
in other contexts, for example for the soldiers to learn
the health threats before deploying to a foreign country.
A scenario-based training
One of the best ways to learn is when the trainees
are doing things. The principle of this training is to
make the trainees really conduct the investigation step
by step, with a program of increasing intensity, helped
by the UN Guidelines and Procedures (9) and by an
experimented supervisor. The concept of a « mother »
who stays to a team, and coaches it, proved useful. The
« mother » is benevolent with the trainees, accessible
for all questions, and guides them so that they learn
by themselves. The « mothers » followed the usual
rules of a simulation training (10). The language of the
training course was exclusively English. It was a good
opportunity to practise for the trainees whose mother
tongue was not English.
Skills for the mission: methodology to
realize a UN investigation in case of an
alleged use of CBT weapon
the Secretary-General, decides to consider immediately
appropriate and effective measures in accordance
with the Charter of the United Nations, should there
be any future use of chemical weapons in violation of
international law. This resolution puts the authority and
weight of the Security Council behind UNGA resolution
42/37C, that is of lesser political value.
• General Assembly Document A/44/561
Annex I (October 4th1989) contains recommendations
by the group of qualified experts convened pursuant
to the General Assembly resolution A/RES/42/37C
for guidelines and procedures for timely and efficient
investigations of reports on the possible use of chemical
and bacteriological (biological) or toxin weapons. It
contains information (appendix I) to be provided by a
Member State in the report which is to send to request
the UN SG on possible alleged use of CBT weapon on
its national territory. It also contains recommendations
(annex I) for the Member States to provide qualified
experts and analytical laboratories. There is a list of
12 areas of expertise for the experts updated with
16 areas in the technical guidelines and procedures in
2007 (appendix IV) (Table 4). Any Member State may
designate laboratories whose names and capabilities
should be places on a list maintained and periodically
updated by the UN SG and whose services may be
required to test for the presence of CBT agents. « They
may be called upon by the UN SG to participate in
inter-laboratory calibration studies so as to establish
the validity and accuracy of their analytical methods ».
Table IV. CONOPS of the Mission.
Before the Mission
To prepare the Mission, it is necessary to completely
understand and to review the UN Secretary-General’s
Mandate specific to the mission, the up-to-date UN
Guidelines and Procedures (9), the key documents of
the legal framework. The Mandate and the Guidelines
must be perfectly known by the inspectors.
Key documents (11)
• General Assembly (GA) resolution A/RES/42/37C
(November 30th 1987) requests the Secretary-General to
carry out investigations in response to reports that may be
brought to his attention by any Member State concerning
the possible use of chemical and bacteriological
(biological) or toxin weapons ; to provide the assistance of
qualified experts, to develop further technical guidelines
and procedures ; and to compile and maintain lists of
qualified experts provided by Member States.
• Security Council resolution 620 (August 26th1988)
encourages the Secretary-General to promptly carry out
investigations in response to allegations brought to his
attention by any Member State concerning the possible
use of chemical and bacteriological (biological) or toxin
weapons ; and, taking into account the investigations of
218
• General Assembly resolution A/RES/45/57C
(December 4th 990) endorses the proposal for guidelines
and procedures for investigations of reports on the
possible use of chemical and bacteriological (biological)
or toxin weapons contained in document A/44/561.
• General Assembly resolution A/RES/60/288
(September 20th 2006) encourages the Secretary-General
to update the roster of experts and laboratories, as well as
the technical guidelines and procedures, available to him
for the timely and efficient investigation of alleged use.
• Technical Guidelines and Procedures (TGP)
developed by the group of qualified experts established
in pursuance of General Assembly resolution 42/37C
of November 30th 1987 (9). The TGP appendices were
updated in 2007.
This Mission is also justified by the international
legal framework resting on the Geneva Protocol of 1925
(1), the Chemical Weapons Convention (2) and the
Biological Weapons Convention (3).
The country books (road to crisis, culture,
geography, etc.) have to be studied. In the training
a.-m. jalady
course scenario, the alleged CB agent is known, namely
tularemia. A strong detailed updated documentation
has to be collected about it (12). The concept of the
operations (CONOPS) has to be determined (Table 5).
Table V. Action plan.
During the mission
The experts work effectively in teams. The three
priorities are safety and security, facts finding,
conclusion and report.
Working as a team
There are five key concepts for a successful
international team: affinity, reciprocity, consensus,
expertise (that gives authority) and reliability. « During
the mission, your team is your life ; you have to trust
each member ». « It’s amazing how people do what
you want them to do, if you just trust them ». The team
leaders must manage the work of sub-teams to reach the
objectives. It is very important to communicate within
the team and to support one another. « Nobody has the
level not to serve a coffee or hold the bag of someone
else. You have to support each other ». Time discipline
in the team must be respected. Experts always perform
one part of the work of the teams, they have no overall
view of the work of the teams, yet they have to strive
to help their team leaders. The cohesion of the group
is important. The more cohesion there is, the easier it
will be to work together, and the better the results of
the team will be.
Well being
The big mountain metaphor comes into play here.
When there is a very complex mission to be performed,
that needs a lot of work like this one, it can be depicted as
a big mountain. The big mountain has to be broken into
little rocks, and the rocks into stones, until you obtain
achievable tasks. The training course may give rise to
personal interrogations about one’s own involvement.
UN inspectors volunteer to realize this kind of mission.
The framework of this mission is neutrality. Weapons
are neither allowed in the UN vehicles, nor carried by
UN personnel. Investigators have to accept to be a target
sometimes, in a country at war, to fulfill the mission.
This kind of mission may be useful for the world, for
suffering people. It contributes to stop violations of the
1925 Geneva Protocol (1) and to stop wide-scale crimes.
Standards of Conduct
The experts have to conform with rules on how to
behave when they serve for the UN. They are called
« Standards of Conduct for the International Civil
Service » (13) which have to be known. They are
based on the UN values which must guide international
officials in all their actions: fundamental human rights,
social justice, dignity and worth of human beings,
gender equality and respect for nations great and small.
The international civil servants must act with integrity,
impartiality, independence, and discretion.
Security best practice
The red line notion applies: « Nothing is more
important than your life »: during the mission, if it
becomes necessary to choose between evidence and the
life of the team, « you’ll have to choose life ». During
their mission in Syria, the supervisors had to cancel a
visit because it was too dangerous. The acceptable level
of risk needs to be clearly defined. During the entire
mission, investigators have to implement the Mandate,
do scientific proofs, while displaying integrity and
impartiality in evidence management (Figure 3).
Figure 3. UN investigators shield.
Fact-finding best practice
The team has to find evidence to ascertain allegations.
Samplings (environmental or biomedical) are convincing
evidence for the UN. Primary analysis may be done by
the UN experts in the host country, if they have the
on-site capacity. Samplings are sent to a specialized
laboratory designated by the UN, outside the country of
the alleged use of CB weapon, provided and declared by
the Member States on the UNODA roster. The samples
are registered on specific UN forms, which must be
filled out to preserve the chain of custody. The other
types of evidence are interviews of victims or authorities
(local or national authorities, medical staff), documents,
observations, and admission of liability by a nation
(Ex: Iraqi recognition of a biological weapon program
or Syria admitting it possesses chemical weapons). An
armed force physician can be useful for this kind of
investigation: especially for his adaptability, for the
victims or medical staff interviews, or for the medical
support of the team members. As far as documents are
concerned, primary evidence may not be used by the
experts to work on, because they may be degraded. It
is necessary to make copies to work on them. Every
piece of evidence has to be recorded, for the sake of
the chain of custody. Photographs and video footages
are essential. A continuous assessment of evidence is
necessary: is it really strong ? Is it admissible ? Does it
prove anything ? For each visit on the sites of alleged
use of CBT weapon, an evidence collection plan must
be prepared (Table 6).
a united nations training course to investigate allegations of use of chemical, biological and/or toxin weapons
219
the report about the allegation of use of CBT weapons.
The report needs to be factual, unbiased, transparent,
and scientifically sound. It must be given to the UN
Secretary-General in person (5), even if it is very likely
that the host nation will try to acquire it first.
Table VI. Investigation matrix.
The conclusions and the report
During the mission, in order to gain different means or
to communicate, several meetings have to be attended to
by the team of experts with UN or host nations. A useful
tool to prepare a meeting was proposed by supervisors
who had already done this kind of missions in real life.
It consists of three questions: « what do we want ? »,
« what do they want ? », and « what if ? ». Completing
the investigation matrix is a real help to use the facts
found on the field to obtain the objective conclusions
of the report.
The aim of the investigation is to ascertain, in an
objective and scientific manner, facts of alleged
violations of the 1925 Geneva Protocol. The investigation
report has to be consistent with the Mandate given by the
Secretary-General, and to reflect scientific observations
in terms that the politicians will understand without
any ambiguity. Anything the experts say or write may
have significant political consequences. In case of
an actual violation, the case might be brought to the
Security Council. Politicians need a clear answer in
Conclusion
This paper aimed to share an unusual experience of
training by the UN, and the key lessons learnt. The UN
training course which took place in France in June,
2015 was mainly based on situation scenarios, team
work and the implementation of the lessons learnt. This
training course contributed to give the experts, who
might be requested, a common basis of understanding
to complete facts-finding missions in the sites of alleged
use of chemical biological or toxin weapons, and tools
to produce a scientific and objective report within a
given format.
Conflicts of interests: The author does not declare
a conflict of interests concerning the data presented in
this article.
Acknowledgments: The author thanks Colonel
Nicolas Coussière (Permanent mission of France to
the Conference on Disarmament, Geneva) and Pr Eric
Valade (French Armed Forces Biomedical Research
Institute) for their comments.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.Protocol for the Prohibition of the Use in War of Asphyxiating,
Poisonous or Other Gases, and of Bacteriological Methods of
Warfare, Geneva, 1925.
2.Convention on the Prohibition of the Development, Production,
Stockpiling and Use of Chemical Weapons and on Their Destruction,
Technical Secretariat of the Organization for the Prohibition of
Chemical Weapons, The Hague, 1997. https ://www.opcw.org/
chemical-weapons-convention/. Consulted on 12 June 2016.
3.Convention on Prohibition of the Development, Production and
Stockpiling of Bacteriological (Biological) and Toxin Weapons
and on their Destruction. Signed 10 April 1972, entered into force
26 March 1975. Approved by the General Assembly of the United
Nations, December 1971.
4.
UN, 1987. General Assembly resolution A/RES/42/37
(30 November 1987)
5.U N, 1989. General Assembly Document A/44/561 Annex I
(4 October 1989)
6.
U N, 2006. General Assembly resolution A/RES/60/288
(20 September 2006)
7.United Nations Office for Disarmament Affairs. Secretary-General’s
Mechanism : Training Course, France 2015.Training Course for
Experts on the Roster of the Secretary-General’s Mechanism for
220
Investigation of Alleged Uses of Chemical, Biological and Toxin
Weapons, France 7-19 June 2015. https ://odasgm.un.org/. Consulted
on 12 June 2016.
8.https ://training.dss.un.org/courses/login/index.php. Consulted on
12 June 2016.
9.UN, 2007.Updated Technical Appendices of 2007 to the Guidelines
and Procedures accessible at https ://www.un.org/disarmament/wmd/
secretary-general-mechanism/appendices. Consulted on 12 June 2016
10.HAS. Guide de bonnes pratiques en matière de simulation en
santé.2012 accessible at http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/
application/pdf/2013-01/guide_bonnes_pratiques_simulation_sante_
guide.pdf
11.https ://www.un.org/disarmament/wmd/secretary-generalmechanism/key_documents. Consulted on the 12 June 2016.
12.W orld Health Organization. WHO guidelines on tularemia.
Epidemic and pandemic alert and response. Geneva, Switzerland ;
2007 accessible at http://www.cdc.gov/tularemia/resources/
whotularemiamanual.pdf.Consulted on 12 June 2016.
13.UN, 2013. Standards of Conduct for the International Civil Service
(2013) accessible at http://icsc.un.org/resources/pdfs/general/
standardsE.pdf. Consulted on 12 June 2016.
a.-m. jalady
Médecine des forces
L’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital…
K. Cocquempota, J. Bancarelb, J.-P. Freiermuthc, V. Beylotd, H. Mabite, G. Turbanf, S. Costeg
a Escadrille aérosanitaire 6/560 Étampes, BA 107, Route de Gisy – 78129 Villacoublay Air.
b DCSSA/EMOS/M3, 60 bld du Général Martial Valin, CS 21623 – 75509 Paris Cedex 15.
c Service médical d’urgence, BSPP.
d HIA Percy/CPEMPN, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.
e CMA de Bordeaux-Mérignac/AM Mont-de-Marsan, BA 118, 1061 avenue du Colonel Rozanoff – 40118 Mont-de-Marsan Cedex.
f Conseiller santé du Commandement des Forces aériennes, BA 106, avenue de l’Argonne, CS 70037 – 33693 Mérignac Cedex.
g Centre de formation de médecine aéronautique de l’EVDG, Site de l’îlot Percy, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.
Résumé
Le maintien de l’autonomie stratégique de la France implique pour le Service de santé des armées de pouvoir déployer une
chaîne médicale complète afin d’assurer le soutien des forces armées. Le Service de santé des armées a ainsi développé une
chaîne d’évacuation médicale du théâtre à l’hôpital d’instruction des armées métropolitain garantissant à chaque militaire
la meilleure prise en charge médicale dans les meilleurs délais et les meilleures conditions. Cette chaîne MEDEVAC
utilise tous les moyens aériens disponibles : hélicoptères, avions tactiques et stratégiques. Chaque moyen est adapté aux
conditions du terrain sur lequel il opère. Ainsi, l’hélicoptère de manœuvre récupère le militaire blessé au plus proche du
feu pour le conduire à l’unité médicale opérationnelle la plus proche. De celle-ci, le patient est transféré vers une unité
médicale opérationnelle aux moyens médicaux plus importants par un avion tactique où il bénéficiera de la chirurgicalisation
et réanimation de l’avant pour une mise en condition avant une évacuation médicale stratégique jusqu’à la métropole.
Les acteurs de cette chaîne nécessitent une formation leur permettant de prendre en compte les contraintes spécifiques de
l’évacuation médicale par voie aérienne.
Mots-clés : Chaîne médicale. Évacuation médicale. MEDEVAC. Service de santé des armées. Transport aérien.
Abstract
MEDICAL EVACUATION BY AIR: FROM THE BATTLEGROUNDS TO THE HOSPITALS…
The Army Health Service must implement an exhaustive medical support so as to ensure the strategic autonomy of France.
Hence, the Army Health Service has set up a chain of operations from the battlegrounds to the teaching hospitals in mainland
France so as to ensure that servicemen and women can benefit from the best medical care, in the best conditions and without
delay. This chain of operations called MEDEVAC, uses all available air transport: helicopters as well as tactical and strategic
planes. Each means of transport must be suited to the conditions in the battlegrounds. So, utility helicopters collect wounded
servicemen and women from the battlegrounds and take them to the closest operational medical units. Then tactical planes
transfer the patients to an operational medical unit with better medical equipment where they can undergo pre hospital
intensive care and surgery to prepare for a strategic evacuation to mainland France. The staff must be trained so as to be
able to manage the specific constraints of evacuation by air.
Keywords: Air transport. Army Health Service. MEDEVAC. Medical evacuation.
Introduction
Depuis la création du Service de santé des armées
(SSA) en 1708, la rapidité de la prise en charge et
K. COCQUEMPOT, médecin principal, praticien des armées. J. BANCAREL, médecin
en chef, praticien confirmé. J.-P. FREIERMUTH, médecin en chef, praticien confirmé.
V. BEYLOT, médecin en chef, praticien certifié. H. MABIT, médecin principal,
praticien des armées. G. TURBAN, médecin en chef, praticien certifié. S. COSTE,
médecin en chef, praticien confirmé.
Correspondance : Monsieur K. COCQUEMPOT, Escadrille aérosanitaire 6/560
Étampes, BA 107, Route de Gisy – 78129 Villacoublay Air.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 44, 2, 221-230
d’évacuation des blessés a toujours été considérée
comme un facteur déterminant de leur survie. Ainsi se
développèrent les premières ambulances tractées par les
chevaux puis les véhicules sanitaires automobiles et les
trains sanitaires durant la première guerre mondiale. La
maîtrise de la troisième dimension a ouvert de nouveaux
horizons. L’aviation sanitaire est née et s’est développée
au cours des conflits du xxe siècle, bénéficiant à la fois
de l’amélioration des performances des aéronefs et de
la médecine. L’armée française a acquis une maîtrise
de cette chaîne médicale de rapatriement des théâtres
d’opération extérieure à l’hospitalisation en hôpital
221
d’instruction des armées. Les capacités d’évacuations
médicales par voie aérienne de blessés graves sont
devenues un élément déterminant dans le potentiel
d’engagement des forces armées françaises dans les
conflits. L’évacuation médicale précoce par voie
aérienne fait partie intégrante de la prise en charge
moderne du blessé de guerre, permettant aux blessés
de rester sur le théâtre moins de trente heures après
leur blessure. Ceci nécessite des moyens d’évacuations
rapides et performants permettant d’assurer la continuité
des soins avec un haut niveau de médicalisation. Lors
de la dernière décennie, le SSA a rapatrié plus de
546 patients catégorisés en urgence absolue et plusieurs
milliers de militaires blessés ou malades catégorisés en
urgence relative.
Historique (1-10)
Dès la fin du xixe siècle, l’idée de transporter des
blessés dans des nacelles suspendues à des ballons tractés
par des chevaux avait été émise par le médecin général
de l’armée néerlandaise. Ce projet ne vit jamais le jour.
En 1910, Marie Marvingt et Louis Béchereau proposent
lors d’un concours un projet d’avion ambulance dont le
concept a soulevé de nombreuses réticences de la part
de l’armée, des politiques et du monde médical.
Les premières évacuations sanitaires aériennes étaient
dites d’opportunité et le fruit d’initiatives locales,
sur des avions d’armes biplaces non aménagés pour
le transport de blessés. La première du genre s’est
déroulée sur un Farman MF 11 au Royaume de Serbie
en novembre 1915. Mais il faudra attendre 1917 pour
que l’idée d’avion ambulance soit reprise et développée
par le docteur et député Eugène Chassaing, considéré
comme « le père de l’aviation sanitaire ». Le projet est
soutenu par Justin Godart, ministre du Service de santé.
Il transforme un Dorand AR, biplan à armature en bois
en installant deux brancards superposés dans le fuselage
et en supprimant le poste de mitrailleur. Le premier vol
eut lieu le 22 septembre 1917 à Villacoublay.
Il faudra attendre la fin de la Grande Guerre pour
que Chassaing puisse récupérer des avions sans emploi
qu’il aménage en avions sanitaires. Le Breguet XIV
type A2 et type Tbis Limousine reprennent du service
au Maroc et au Levant. Chassaing établit au Maroc une
tactique sanitaire comportant l’évaluation des besoins,
la création de pistes de secours, la coordination entre les
troupes au sol et les moyens aériens, la priorité accordée
aux communications téléphoniques concernant les
évacuations médicales,… L’aviation sanitaire organisée
est née. On dénombre plus de 4 600 évacuations au
Maroc et 2 400 au Levant entre 1920 et 1938. La
médecine aéronautique est encore à ses balbutiements
et les contre-indications à l’évacuation aérienne ne sont
pas encore d’actualité. L’alternative est alors de choisir
entre la civière ou le cacolet à dos de mulet pendant
plusieurs jours ou l’avion avec les quelques incidents
pour les traumatisés thoraciques et abdominaux dus
aux variations rapides barométriques. Ces missions
d’évacuations aériennes étaient considérées comme
222
difficiles et confiées aux pilotes les plus expérimentés
comme Jean Mermoz à Alep.
L’entre-deux-guerres voit le développement du réseau
d’avions sanitaires en métropole. Le médecin colonel
Robert Picqué, médecin-chef de l’hôpital militaire de
Talence, organise les évacuations sanitaires dans le
Sud-Ouest en affrétant trois avions opérant à partir de
la base aérienne de Cazaux. Cela permit de rapatrier des
blessés et malades de toute la région vers Bordeaux pour
se faire soigner. Il décède notamment lors d’une de ses
missions à Marcheprime en 1927.
Un autre concept voit le jour : amener par voie aérienne
l’équipe chirurgicale plutôt que de déplacer le patient.
Plusieurs aéronefs Voisin, baptisés « Aérochir » furent
aménagés mais ne connurent guère de succès. L’idée
sera reprise plus tard lors de la création des antennes
chirurgicales aéroportées.
Sur le plan juridique, l’application des conventions de
la Croix-Rouge internationale à l’aviation sanitaire fut
acquise en 1929 avec l’article 18 de la Convention de
Genève qui assurait en cas de guerre la garantie de la
neutralité à celle-ci. Cette dernière connaît une popularité
internationale grâce à l’organisation du premier Congrès
international de l’aviation sanitaire à Paris par Marie
Marvingt en 1929, des Journées d’aviation sanitaire
coloniale lors de l’Exposition coloniale internationale
de Paris de 1931 puis de congrès internationaux.
Le nombre de combattants blessés, l’étendue et la
variété des territoires de la Seconde Guerre mondiale
ont confronté l’aviation sanitaire à de nouveaux défis.
Les Alliés ont donc mis en place le concept de Holding
hospital ou hôpital de transit aérien. Ce dernier, d’une
centaine de lits ou plus, se situait sous tente sur un terrain
d’aviation, au plus près de la piste à laquelle il était relié,
permettant d’assurer un chargement direct des blessés
dans l’avion sans avoir recours aux ambulances. Les
holding hospitals étaient équipés de moyens médicaux,
chirurgicaux, radiographiques et de laboratoire, et
stabilisaient les patients avant leur évacuation aérienne.
Ce concept est le précurseur des Roles 2 et 3, ou des
Unités médicales de transit (UMT) que l’on connaît sur
les conflits actuels. Les Dakota dont la capacité était de
18 patients couchés assuraient ces norias.
À la fin de la guerre, en juin 1945, le Groupe des
moyens militaires de transport aérien de l’armée de
l’Air (GMMTA) est créé. Le ministère de l’Air recrute
les premières Infirmières parachutistes secouristes de
l’Air (IPSA) pour rapatrier les ressortissants retenus en
Allemagne, les prisonniers de guerre, les travailleurs
du Service de travail forcé (STO) et les déportés. Ces
IPSA seront les précurseurs des convoyeuses de l’air,
dont la première promotion sera officiellement recrutée
en 1946.
La guerre d’Indochine a représenté un tournant décisif
dans l’histoire de l’aviation sanitaire avec l’utilisation
d’hélicoptères, permettant d’intervenir presque partout
et au plus près des zones de combat. Cet emploi est
le fruit d’une initiative du médecin général Robert,
directeur du Service de santé des armées d’Indochine.
Il finança l’achat de deux hélicoptères Hiller 360 et
k. cocquempot
la formation de pilotes spécialisés à l’évacuation
sanitaire dont le médecin Valérie André. Ils jouèrent
un rôle important lors de la bataille de Diên Biên Phu
en assurant la liaison aérienne entre la zone où opérait
la 5e antenne chirurgicale parachutiste et Muong Saï où
se posaient les avions sanitaires. Sur le plan médical, la
mise en condition des patients préalable à l’évacuation
sanitaire fut développée dès la prise en charge initiale.
L’oxygénothérapie et les techniques de perfusion en
vol furent mises au point. Plus de 63 000 blessés furent
rapatriés sur le territoire indochinois et plus de 14 000
en métropole.
La Guerre d’Algérie vit l’arrivée de nouveaux
hélicoptères (Alouette II avec deux brancards, H-34 avec
huit brancards) et d’avions plus performants comme le
Noratlas pouvant être équipé de 18 à 24 brancards selon
la configuration et un chargement arrière par plan incliné.
Durant cette période, des progrès significatifs dans la
prise en charge des patients en vol furent accomplis grâce
à la formation du personnel, à l’évolution de la médecine
d’urgence adaptée aux conditions aéronautiques et à
l’expérience acquise par la réalisation de nombreuses
évacuations sanitaires aériennes.
Les années 1960 et 1970 vont voir l’évolution
l’aviation sanitaire en France et à l’étranger grâce à
deux phénomènes liés au boom économique : d’une
part, l’accroissement de la circulation automobile et
avec lui celui des victimes d’accidents de la route, et
d’autre part, le développement du tourisme qui amène
à travers le monde des millions de passagers dont
certains seront victimes d’accidents ou de maladies
qu’il va falloir rapatrier. Le Service d’aide médicale
urgente (SAMU) est créé par le Pr Lareng en 1968 et va
utiliser l’hélicoptère comme moyen d’intervention sur
terre comme en mer. Dans l’organisation de la sécurité
publique, les moyens aériens et tout particulièrement les
hélicoptères sont intégrés systématiquement dans tous
les plans d’intervention prévus en cas de catastrophe
naturelle ou technologique.
Les performances et le confort des aéronefs
(climatisation, pressurisation, espace disponible,
rapidité et autonomie) se sont améliorés réduisant ainsi
les contraintes aéronautiques sur les blessés. L’emport
d’oxygène complémentaire et la résolution de la
fourniture d’énergie à bord ont permis également de
pouvoir utiliser des appareils de réanimation hospitalière
et d’évacuer simultanément plusieurs patients sur de
longues distances.
Capable de transporter jusqu’à six patients de
réanimation lourde, le module « MoRPHEE » (Module
de réanimation pour patients, à haute élongation
d’évacuation) du Service de santé des armées (SSA)
constitue à ce jour l’une des meilleures réalisations dans
le domaine de l’évacuation médicale aérienne en France.
Les armées engagées dans les opérations extérieures
ont évidemment continué à assurer le rapatriement aérien
de leurs personnels malades ou blessés. Il s’est constitué
au fil des décennies une véritable chaîne d’évacuation
médicale : du lieu de combat où le blessé est récupéré en
hélicoptère puis convoyé jusqu’à l’antenne chirurgicale
l’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital…
par des avions tactiques, et par la suite rapatrié en
métropole à bord d’avions stratégiques qui disposent à
leur bord d’une capacité médicale.
Doctrine (11-14)
L’organisation de la chaîne de l’évacuation médicale
est encadrée par des textes supranationaux (STANAG
3204 — Aeromedical evacuation) et nationaux (MED
3.003 du SSA, DIA-4.0.10).
Le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale
de 2013 rappelle le maintien de l’autonomie stratégique
de la France. Celle-ci repose sur la maîtrise nationale
des capacités essentielles à sa défense. Elle implique
pour le SSA de pouvoir déployer une chaîne médicale
complète afin d’assurer le soutien des forces armées. La
doctrine du soutien médical des opérations est fondée
aujourd’hui sur les principes suivants :
– médicalisation de l’avant, forme particulière et très
spécifique d’exercice médical, qui intègre notamment le
sauvetage au combat et le damage control resuscitation ;
– réanimation et chirurgicalisation de l’avant, au plus
tôt et au plus proche du lieu de la blessure avec des
techniques spécifiques comme la chirurgie de sauvetage
(damage control surgery) ;
– évacuation médicale (MEDEVAC) stratégique
systématique et précoce. La France ne réalise pas
d’hospitalisations prolongées sur le théâtre d’opérations,
le blessé ou malade est ainsi évacué vers la structure
hospitalière la plus adaptée du territoire métropolitain
pour le traitement définitif.
Ce triptyque doctrinal permet d’offrir au soldat une
prise en charge optimale, adaptée à son état clinique,
et lui assure ainsi les meilleures chances de survie, de
réparation des dommages corporels et de récupération
fonctionnelle.
La doctrine de l’Organisation du Traité de l’Atlantique
Nord (OTAN) sépare les évacuations médicales de
l’avant en deux catégories :
– les évacuations médicales de l’avant (FORWARD
MEDEVAC) correspondent au relevage du blessé sur
le champ de bataille jusqu’à la première unité médicale
opérationnelle la mieux adaptée à la situation du
patient (évacuation primaire avec un patient pas ou peu
conditionné) ;
– les évacuations médicales intra-théâtre (TACTICAL
MEDEVAC ou TACEVAC) correspondent au transport
du blessé stabilisé entre deux unités médicales
opérationnelles au sein d’un théâtre d’opérations
(évacuation secondaire avec un patient conditionné).
Ensuite, le patient est évacué du théâtre vers la
métropole par les avions stratégiques (STRATAEROMEDEVAC) pour la poursuite des soins.
Pour chaque étape de prise en charge, le SSA et
les forces armées ont choisi des moyens humains
et matériels pour optimiser le transport des patients
(hélicoptères de manœuvre (HM) MEDEVAC, avions
tactiques Casa nurse et avions stratégiques Falcon ou
Airbus) (fig. 1).
223
Figure 1. Chaîne d’évacuation médicale française. © (DCSSA).
AEROMEDEVAC par hélicoptère de
manœuvre (HM) (15)
Mode d’action — moyens
En opérations extérieures, les vecteurs déployés sont
des hélicoptères de manœuvre de 7 à 11 tonnes (SA
330 PUMA, AS 332 COUGAR, EC 725 CARACAL,
NH 90 CAÏMAN) permettant d’emporter au maximum
six patients couchés (configuration de transport
sommaire). L’équipe médicale composée d’un médecin
aéronautique et/ou urgentiste, d’un infirmier et parfois
d’un auxiliaire sanitaire, est spécifiquement formée à
ce type de mission.
L’hélicoptère reste le vecteur le plus adapté aux
reliefs pour s’affranchir des obstacles du terrain et pour
récupérer le blessé pour le ramener au plus vite vers
un chirurgien. C’est ainsi que les MEDEVAC HM ont
été déployées sur tous les théâtres d’opérations et ont
permis d’évacuer plusieurs milliers de blessés (fig. 2).
En temps de paix, les hélicoptères sont également
employés pour la MEDEVAC que ce soit en métropole
ou dans les DOM-COM. Ils effectuent également, avec
une équipe médicale qualifiée à bord, des missions de
search and rescue (SAR) en milieu maritime (fig. 3)
comme terrestre, et au transport secondaire de patients.
Les évacuations médicales héliportées sont tributaires
de contraintes médico-aéronautiques et tactiques
spécifiques aux vecteurs à voilure tournante. C’est le
juste équilibre de la maîtrise de ces contraintes qui
permet de garantir une sécurité des vols.
224
Figure 2. MEDEVAC HM en OPEX. © BA 172/Armée de l’Air.
Contraintes aéronautiques (16)
Plusieurs facteurs ont été identifiés concourant
à majorer le risque aéronautique des évacuations
médicales héliportées comme le déclenchement d’une
mission dans un délai court entraînant une pression
temporelle avec un temps de préparation du vol réduit,
des sources de distraction depuis la soute avec les bruits
des appareils médicaux, présence d’une équipe médicale
à bord, la vision de blessés souvent graves, le trafic
aérien. De plus, l’amplitude du temps de travail, les
vols répétés, les vols nocturnes, la réduction des temps
de repos ainsi que les situations stressantes peuvent être
autant de facteurs délétères.
k. cocquempot
contexte hostile, l’équipe médicale doit pouvoir assurer
sa propre sécurité avec son armement de dotation.
Des opérations de treuillage de l’équipe médicale
peuvent être nécessaires pour les zones difficilement
accessibles. La formation, l’entraînement préalable et
l’expérience sont indispensables à la bonne réalisation
de ces missions particulièrement périlleuses.
Contraintes médicales
La diversité des théâtres d’opérations extérieures
soumet les pilotes à des contraintes de milieu
particulières. Le pilote habitué à voler dans un climat
tempéré, va devoir voler en milieu tropical ou en haute
montagne. Cela nécessite bien évidemment un temps
d’adaptation qui est réduit par l’expérience acquise
au fil des déploiements. En Afrique, les distances
parcourues sont souvent longues nécessitant de planifier
en urgence un ravitaillement sur le trajet ; par ailleurs,
les conditions météorologiques avec des températures
pouvant avoisiner les 50 °C ou des tempêtes de sable
et des orages tropicaux. Toutes ces contraintes sont à
prendre en compte pour la mise en condition du patient
(charge emportée, résistance du matériel médical
à la chaleur,…). À l’inverse, durant les conflits en
Yougoslavie et en Afghanistan, les MEDEVAC HM ont
été réalisées en ambiance hivernale avec des vols à haut
risque (brouillard, neige, givre,…). Enfin, l’armement
de sabord nécessitant de voler portes ouvertes, le
conditionnement des patients à bord a dû évoluer pour
minimiser l’hypothermie, facteur aggravant du blessé
de guerre (système de réchauffage).
Le médecin à bord participe à la sécurité aérienne : il
connaît les contraintes comme les vols sous Jumelles de
vision nocturne (JVN), le brown-out (nuage de poussière
soulevé par le souffle du rotor), les obstacles filaires.
Grâce à sa connaissance du milieu aéronautique, il
participe à diminuer la pression et le stress de l’équipage
liés à l’évacuation médicale.
Outre la prise en charge qui relève de la médecine
d’urgence, le médecin devra prévenir ou traiter les
conséquences dues aux contraintes aéronautiques
du transport héliporté. En effet, les accélérations du
décollage et de l’atterrissage peuvent avoir une influence
sur l’hémodynamique d’un patient instable. Il en est de
même avec le vol tactique qui garantit la sécurité de
l’appareil sur le champ de bataille.
L’environnement à bord d’un hélicoptère est restreint
et nécessite une adaptabilité de l’équipe médicale.
Un équilibre entre le matériel embarqué permettant à
l’équipe médicale d’assurer au patient le même niveau
de soins qu’un transport pré-hospitalier, et la masse
pouvant être embarquée par l’hélicoptère est subtile.
Les contraintes de poids sont majeures et déterminent la
quantité de carburant et la durée de vol. Cette contrainte
est d’autant plus importante en milieu chaud où la charge
permettant le décollage est plus faible. Le matériel
embarqué doit être le plus miniaturisé possible avec
une autonomie électrique suffisante, ne bénéficiant pas
toujours d’électricité à bord. La disposition du matériel
à bord doit être réfléchie de façon à éviter au maximum
la réalisation de gestes techniques, et que la surveillance
des paramètres se fasse d’un seul balayage visuel. En
cas de transport de blessés multiples, le chargement
et le positionnement des patients à bord doivent être
anticipés. Le médecin réalise un triage, conditionne
les patients avant le chargement de façon à limiter
l’intervention en vol. Les patients les plus graves sont
placés au niveau des places les plus accessibles, le
conditionnement avant l’embarquement est une étape
essentielle car les vibrations, l’exiguïté de la cabine,
l’ambiance bruyante (donc toute communication verbale
avec le patient est réduite et l’auscultation en vol est
impossible), limitent considérablement la possibilité de
réaliser des gestes techniques en vol.
Contraintes tactiques
Formation
L’équipe médicale doit avoir une connaissance du
contexte tactique et l’environnement dans lequel elle
évolue. L’hélicoptère de manœuvre, cible à haute valeur
ajoutée dans la guerre médiatique, reste un vecteur
fragile et vulnérable notamment lors des phases de
transition : décollage, vol en stationnaire, atterrissage.
La situation de combat au sol n’est pas toujours connue
à l’avance, et si le blessé n’a pu être conditionné,
l’équipe médicale pourra être déposée pour réaliser le
conditionnement puis être récupérée secondairement.
Les règles de déplacement ainsi que les techniques de
survie voire de récupération doivent être connues. En
Au vu de toutes ces contraintes, l’importance
d’une formation aéromédicale des équipes réalisant
les MEDEVAC HM apparaît évidente. Ces dernières
doivent connaître les capacités de l’hélicoptère dans
lequel ils volent, les distances et la durée des vols afin
de dimensionner au mieux le matériel et la surveillance
du patient. L’entraînement à la réalisation de gestes
techniques en vol mais également à la communication
avec l’équipage de conduite s’avère essentiel. Le rôle de
l’équipe médicale ne se limite pas à la prise en charge du
patient, mais s’inscrit dans la globalité de la mission et
participe au Crew Ressource Management (CRM). Elle
Figure 3. MEDEVAC HM par hélitreuillage (SAR). © C. Dubaille/SSA.
l’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital…
225
détecte les signaux faibles qui pourraient mettre en jeu la
sécurité des vols (tunnellisation, fatigue de l’équipage,
problème de communication,…).
TACTICAL MEDEVAC par avions
tactiques
Le terme de TACTICAL AEROMEDEVAC regroupe
l’ensemble des évacuations aériennes médicalisées
en intra-théâtre, que ce soit en hélicoptère ou en
avions tactiques. La partie MEDEVAC HM ayant
été abordée plus haut, nous développerons dans cette
partie la TACTICAL MEDEVAC par avions tactiques.
Les moyens de la TACTICAL MEDEVAC ont évolué
avec le conflit saharo-sahélien du fait de l’élongation
importante entre les positions avancées des militaires
et la localisation des unités médicales opérationnelles,
avec le prépositionnement permanent d’un vecteur en
version sanitaire.
Moyens et modes d’action
Cette mission communément appelée Casa nurse a été
confiée au Casa CN 235 (fig. 4, 5). De par son rayon
d’action (jusqu’à 2 500 km), sa capacité d’emport, sa
capacité électrique, la possibilité de se poser sur des
terrains sommaires et sa grande résistance thermique,
le CN 235 est actuellement le vecteur privilégié pour
les missions MEDEVAC que ce soit sur les théâtres
d’Opérations extérieures (OPEX) mais également en
outre-mer. La capacité maximale de la version médicale
est de 11 patients (8 brancards latéraux et 3 fixés au sol),
mais la version retenue en OPEX est de 8 brancards. Cet
avion dispose d’une pressurisation moins performante
que le C160 Transall mais bénéficie d’électricité à bord,
permettant de prendre en charge des patients plus lourds
(D1, D2) qui nécessitent des appareils électriques. La
médicalisation de la soute nécessite l’utilisation d’un lot
de convoyage adapté réparti dans des cantines avec un
plan de chargement spécifique (17).
Il peut décoller sur alerte en 30 minutes à une heure. En
2015, les TACTICAL AEROMEDEVAC ont représenté
122 missions sur le CN 235 et 2 missions sur le C 160,
permettant le transport de 211 patients (source EAS).
Contraintes
Le Casa CN 235 est un avion tactique et les contraintes
engendrées sont communes à celles retrouvées dans les
MEDEVAC HM et dans les STRAT-AEROMEDEVAC
mais à des degrés différents. En effet, celui-ci peut
faire du vol tactique de façon à préserver la sécurité de
l’aéronef et a également la possibilité de se poser sur un
terrain sommaire. Ce type de vol majore les vibrations
et peut avoir des conséquences sur l’hémodynamique
d’un patient instable ou sur le déplacement des foyers
de fracture.
Par ailleurs, cet aéronef vole entre les niveaux de
vol (FL) 150 et 180 (4 500-5 500 mètres d’altitude) et
a une pressurisation permettant d’avoir une altitude
cabine de rétablissement de 6 000 à 7 850 pieds
(1 800-2 400 mètres). Ceci peut induire une hypoxie
hypobarique et une expansion gazeuse dans les cavités
closes et semi-closes. Ces contraintes, plus prégnantes
sur les avions tactiques du fait de leur moins bonne
pressurisation, sont communes avec les avions
stratégiques et seront décrites plus loin.
Formation
Figure 4. Le CN 235, Casa Nurse. © EAS/Armée de l’Air.
La grande capacité de transport de blessés nécessite
une quantité importante de matériel médical. La bonne
maîtrise du chargement et de la disposition du matériel
est indispensable à la bonne prise en charge des blessés
en vol. Cela suppose pour l’équipe de convoyage une
formation initiale et continue sur le chargement, la
répartition du matériel dans les cantines, la réalisation
de soins dans un espace restreint. Le centre de formation
en médecine aéronautique de l’École du Val-de-Grâce
coordonne la formation des équipes médicales qui seront
projetées sur le Casa nurse.
MEDEVAC stratégiques (STRATAEROMEDEVAC) (fig. 6-8)
Figure 5. TACTICAL MEDEVAC sur Casa. © EAS/Armée de l’Air.
226
L’évacuation médicale stratégique est la dernière étape
du rapatriement médical. Elle permet au militaire, où
qu’il soit déployé en mission, en opération ou affecté en
outre-mer et à l’étranger, dont l’état de santé le justifie
de revenir en métropole à des fins diagnostiques ou
k. cocquempot
Figure 6. Transfert Falcon — AR BSPP. © BA107/Armée de l’Air.
thérapeutiques et d’être pris en charge jusqu’à un hôpital
métropolitain, en général un Hôpital d’instruction des
armées (HIA). L’évacuation par voie aérienne fait partie
intégrante de la chaîne de traitement de tout militaire
en mission ou en escale (18). En 2015, 718 patients ont
été rapatriés avec l’ensemble des moyens MEDEVAC
disponibles. Les STRAT-AEROMEDEVAC
représentaient 169 missions aériennes : 45 missions
pour 63 patients urgents P1 et P2, et 124 missions pour
407 patients classés P3 (source EMOS, 2016) (fig. 9).
Moyens et modes d’action
Les MEDEVAC stratégiques urgentes sont réalisées
au départ de la base aérienne de Villacoublay à bord des
aéronefs de la flotte à usage gouvernemental (Falcon
900 et Falcon 2000) configurés en version médicale.
L’équipe médicale est composée d’un médecin
aéronautique, d’un Infirmier convoyeur de l’armée de
l’Air (ICvAA) de l’Escadrille aéro-sanitaire (EAS) et
d’un infirmier de l’antenne médicale de Villacoublay.
L’équipe médicale peut être renforcée de spécialistes
hospitaliers selon la gravité et l’évolution potentielle
du patient. L’anesthésiste-réanimateur est présent dans
près de 60 % des cas et le neurochirurgien dans 2 %
des cas. Cette alerte STRAT-AEROMEDEVAC peut
décoller en 3 heures et a pour mission de rapatrier les
patients classés P1 et P2.
Le système MoRPHEE sur Boeing C 135 FR dote la
France d’une capacité d’évacuation médicale collective
pouvant décoller dans les 24 heures. Cette installation
nécessitant un équipage médical de 11 personnes
qualifiées permet l’évacuation jusqu’à 12 patients de
réanimation et de gravité variable (4 versions avec des
modules pour patient lourd – Intensive Care Module
ICM – et pour patients de gravité intermédiaire – Light
Care Module (LCM)) sur un long rayon d’action (10 h
de vol sans escale).
La 3e flotte d’aéronefs participant aux STRATAEROMEDEVAC est la flotte Airbus de l’escadron
de transport Esterel (A310, A340). Ce sont les vecteurs
privilégiés pour le transport de patients classés P3 (blessés
légers nécessitant un accompagnement paramédicalisé
par un convoyeur). Ces vecteurs peuvent également
être configurés en version MEDEVAC collective
(25 civières pour les A340, 6 civières pour l’A310 DC et
l’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital…
Figure 7 et 8. STRAT-AEROMEDEVAC sur Falcon. © F. Choizit/Armée de l’Air.
1 civière pour l’A310 DA/DB). La version médicalisée
de l’A310 DC a déjà été mise en œuvre. Cette évacuation
collective secondaire et centralisée peut décoller dans les
12 à 24h qui suivent le déclenchement. Compte tenu du
matériel médical et de l’électricité à bord, cette version
peut transporter 6 patients couchés dont 2 patients D1
ou D2. L’équipe médicale est composée de 2 médecins
aéronautiques, de 6 ICvAA et d’infirmiers. Elle peut
être renforcée par des réanimateurs et des infirmiers
anesthésistes en fonction de la gravité des patients.
227
A. PRIORITY (degree of emergency)
- P1 =  Urgent : Emegency patients for whom speedy evacuation is necessary to save life, to prevent complications
or to avoid serious permanent disability (NTM for StratAE < 12 hrs)
- P2 =  Priority : Patients who require specialized treatment not available locally and who are liable to deteriorate
unless evacuated with the least possible delay (NTM for StratAE < 12-24 hrs)
- P3 = Routine : Patients whose immediate treatment is available locally but whose prognosis would benefit
from air evacuation on routine scheduled flights (NTM for StratAE > 24 hrs).
B. DEPENDENCY (need for medical support)
- D1 =  High : Patients who require intensive support during flight. (Patients requiring ventilation, monitoring
of central venous pressure and cardiac monitoring. They may be unconscious or under general anesthesia).
- D2 = Medium : Patients who, although not requiring intensive support, require regular, frequent monitoring
and whose condition may deteriorate in flight. (Patients with a combination of oxygen administration, one or
more i.v. infusions and multiple drains or catheters).
- D3 = Low : Patients whose condition is not expected to deteriorate during flight but who require nursing care
of, for example, simple oxygen therapy, an i.v. infusion or a urinary catheter.
- D4 =  Minimal : Patients who do not require nursing attention during flight but who might need assistance with
mobility or bodily functions (i.e. arm cast : assistance with clothing or meals or luggage).
C. CLASSIFICATION (need for aircraft space and physical assistance/restraints/supervision)
1. CLASS 1 — NEUROPSYCHIATRIC PATIENTS
a. Class 1A : Severe psychiatric patients (stretcher) : Patients who are frankly disturbed and inaccessible,
and require restraint, sedation and close supervision.
b. C
lass 1B : Psychiatric patients of intermediate severity : Patients who do not require restraint and are
not, at the moment, mentally disturbed, but may react badly to air travel, or commit acts likely to endanger
themselves or the safety of the aircraft and its occupants. These patients need close supervision in flight
and may need sedation.
c. C
lass 1C : Mild psychiatric patients (sitting) : Patients who are co-operative and have proved to be
reliable under pre-flight observation.
2. CLASS 2 — STRETCHER PATIENTS (other than psychiatric)
a. C
lass 2A : Immobile stretcher patients : Patients unable to move about their own volition under any
circumstances (even in case of emergency).
b. C
lass 2B : Mobile stretcher patients : Patients able to move about their own volition in an emergency.
3. CLASS 3 — SITTING PATIENTS (other than psychiatric)
a. C
lass 3A : Sitting patients, including handicapped persons, who, in an emergency, would require assistance
to escape.
b. Class 3B : Sitting patients who would be able to escape unassisted in an emergency.
4. CLASS 4 — WALKING PATIENTS (other than psychiatric) : Walking patients who are physically able to
travel unattended.
Figure 9. Catégorisation des patients pour l’AEROMEDEVAC (STANAG 3204, Ed 8).
Contraintes (19, 20)
Le transport de patients à bord d’aéronefs, qu’ils soient
hélicoptères, tactiques ou stratégiques, est tributaire de
contraintes environnementales (vol à haute altitude) et
liées au vecteur (technique et dynamique).
Les Falcon et Airbus (A310-A340) ont un domaine
de vol proche des 11 000 mètres d’altitude et jusqu’à
228
7 000 km. L’altitude entraîne une diminution de la
pression barométrique (hypobarie) qui est susceptible
de retentir sur l’état du patient. La composition de
l’atmosphère reste constante jusqu’à 30 000 mètres avec
une fraction d’oxygène à 21 %. Cependant, l’hypobarie
diminue la pression partielle en oxygène de l’air inspiré
(PiO2) pouvant entraîner une hypoxie hypobarique. La
k. cocquempot
pressurisation de la cabine avec une altitude-cabine
maximale à 8 000 pieds (2 438 mètres) entraîne une
diminution de la PiO2 de 25 %. Un sujet sain aura ainsi
une saturation en oxygène abaissée à 92-94 %, mais
pour des patients fragiles au plan hémodynamique ou
respiratoire cela peut induire une décompensation.
La loi de Boyles-Mariotte (Pression x volume
= constante) implique que le volume des gaz augmente
lors de la montée et diminue avec la descente. Cette
expansion est de 20 % entre 3 000 et 5 000 pieds mais
peut atteindre 35 % à 8 000 pieds (altitude-cabine). Cette
expansion gazeuse peut induire des désagréments voire
des douleurs ou des complications au niveau des cavités
closes ou semi-closes (cavités ORL, tube digestif,
thorax). À titre d’exemple, un pneumothorax minime
pourra devenir compressif en vol par dilatation des
gaz dans le thorax. Cette variation de volume intéresse
également le matériel médical (dilatation des ballonnets
de sonde d’intubation, augmentation du volume des
gaz délivrés par le respirateur, compression d’attelle
pneumatique,…).
La température extérieure à 10 000 mètres d’altitude
est de -56 °C. L’air est donc saturé en eau pour de très
faible valeur d’hygrométrie. À ces niveaux de vol,
l’hygrométrie est comprise entre 4 et 10 % est source
d’inconfort pour le patient (assèchement des muqueuses,
lésions cornéennes, bouchons intra-bronchiques,…).
Toutes ces contraintes nécessitent une surveillance
accrue et rapprochée de la part de l’équipe médicale
(aspiration régulière des patients intubés-ventilés,
protection oculaire, hydratation,…).
D’autres contraintes sont à prendre en compte lors
du chargement et de la surveillance du patient. Les
accélérations liées au décollage sont linéaires et faibles
sur les vols commerciaux, de l’ordre de 0,5 G, alors
qu’elles peuvent atteindre 1,3 G pour les Falcon. Ces
accélérations doivent être prises en compte en fonction
de la pathologie du patient puisqu’elles peuvent retentir
sur l’équilibre hémodynamique : en effet, un patient
hypovolémique sera placé tête vers l’arrière alors
qu’un patient ayant une hypertension intracrânienne
sera placé tête vers l’avant. Les vibrations quant à elles
sont minimes dans ces aéronefs. De faible fréquence,
elles ont pour conséquence une légère augmentation
du métabolisme, du débit cardiaque et de la ventilation.
Leurs effets peuvent cependant contribuer à majorer les
complications par association avec d’autres facteurs de
stress (21).
l’évacuation médicale par voie aérienne : du théâtre à l’hôpital…
Formation
Cette opération de transport de patients fragiles dans
des conditions d’isolement sur de longues durées requiert
une très bonne connaissance du milieu aéronautique mais
également une haute technicité. Toutes les contraintes
environnementales doivent être connues afin d’anticiper
toute complication en vol. Ceci nécessite des équipes
médicales formées et entraînées. Des formations sont
organisées par le Centre de formation de médecine
aéronautique (CFMA) afin de familiariser les équipes
médicales aux matériels embarqués, aux situations
potentiellement rencontrées et au travail d’équipe en
situation dégradée.
Conclusion
L’histoire de l’évacuation médicale militaire est
en perpétuelle évolution et s’adapte aux conflits, à
l’évolution technologique des aéronefs et aux avancées
de la médecine.
Les armées ont fait et feront l’acquisition de nouveaux
aéronefs (hélicoptère NH90, Airbus A400M et MRTT –
Multi Role Tanker Transport), impliquant l’adaptation
des procédures de transport aux spécificités de ces
aéronefs et également l’adaptation des lots médicaux
de convoyage aérien. Certaines développent des projets
de drones tactiques permettant de transporter des blessés
sur quelques centaines de mètres dans le cadre de la
FORWARD MEDEVAC.
Compte tenu de l’évolution du contexte géopolitique et
militaire international, l’activité de rapatriement médical
a profondément évolué pour les armées européennes
ces dernières années. En effet, de nombreuses missions
dites en cross-national (nationalités différentes des
équipes médicales de convoyage et des équipages de
conduite) sont réalisées dans un but de mutualisation des
flottes aériennes européennes. Ces missions particulières
impliquent la connaissance, de la part des équipes
médicales de convoyage, des aéronefs et des procédures
médicales et aéronautiques utilisées par nos confrères
européens.
Du théâtre à l’hôpital, la chaîne de l’évacuation
médicale du SSA garantit à chaque militaire de pouvoir
bénéficier les meilleurs soins dans les meilleures
conditions et dans les meilleurs délais.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.
229
L’Escadrille aérosanitaire 06/560, une unité spécialisée et unique dans les Armées…
Héritière de la Section d’Avions Sanitaires 22/110 basée à Étampes durant la Seconde Guerre mondiale,
l’EAS est une unité opérationnelle de l’armée de l’Air spécialisée dans le rapatriement médical des blessés
militaires. Elle est stationnée sur la base aérienne de Villacoublay.
Armée par du personnel du SSA (un médecin breveté supérieur en médecine aéronautique et des infirmiers
convoyeurs de l’armée de l’Air — ICvAA), elle a pour mission principale de réaliser les évacuations
médicalisées sur tout type d’aéronefs mais participe également aux opérations extérieures pour la TACTICAL
MEDEVAC sur Casa CN 235.
Autres missions de l’EAS :
- expertise médicotechnique : expertise et expérimentation des matériels dans les différents aéronefs,
adaptation et maintenance des lots médicaux de convoyage aérien, régulation des MEDEVAC au sein de
l’EMO-santé et l’European Air Transport Command (EATC) ;
- instruction aéromédicale : maintien en condition opérationnelle (technique, médicale, aéronautique),
formation continue du personnel SSA et armée de l’Air aux lots de convoyage aérien ;
- soutien et assistance en vol : évacuations de ressortissants, missions humanitaires, missions d’aérotransport
de hautes autorités,…
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k. cocquempot
Médecine des forces
Affectation à la Brigade de Sapeurs-pompiers de Paris : cursus
de formation et parcours professionnels
G. Burlatona, Y.-L. Violina, K. Berthoa, S. Dubourdieua, S. Traversa, M. Bignanda,
J.-P. Tourtiera, b
a Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, 1 place Jules Renard – 75017 Paris.
b École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran – 75230 Paris Cedex 05.
Résumé
Les médecins militaires affectés à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris participent à une double activité de médecine
d’armée et de médecine d’urgence pré-hospitalière. Un cursus de formation spécifique de plusieurs années permet de former
chaque médecin aux missions qui lui sont confiées, puis de le préparer à ses affectations futures. L’alternance entre médecine
d’urgence pré-hospitalière et médicalisation de l’avant au profit des forces armées participe pleinement à la richesse du
cursus de médecin des forces et au partage d’expérience entre milieux civils et militaires.
Mots-clés : Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris. Formation. Médecine d’armée. Médecine d’urgence.
Abstract
THE PHYSICIANS OF THE PARIS FIRE BRIGADE: TRAINING AND CAREER.
The military physicians assigned to the Fire Brigade of Paris have two fields of expertise, that of army medicine and that
of pre-hospital emergency medicine. A specific training program enables them to be knowledgeable in the tasks entrusted
to them, and to be prepared for future assignments. Being involved in both pre-hospital emergency medicine and Armed
Forces field medicine provides a wealth of experience and the opportunity to share knowledge and expertise between
civilian and military worlds.
Keywords : Army medicine. Emergency medicine. Fire Brigade of Paris. Training.
Introduction
Le statut militaire de la Brigade de Sapeurs-Pompiers
de Paris (BSPP) confère à la puissance publique la
garantie d’une loyauté absolue et d’un fonctionnement
efficace en tout lieu et en tout temps. Assimilant cette
unité à un corps expéditionnaire déployé sur le théâtre
parisien, la Cour des comptes rappelait dans un rapport
de 2011 que la spécificité des risques de la capitale
justifie l’existence d’une unité militaire.
Les médecins affectés à la BSPP sont des praticiens
passionnés au service d’une formidable institution. Ils
héritent dès leur arrivée de plus de 200 ans d’histoire et
soutiennent une unité opérationnelle dont l’originalité
G. BURLATON, médecin en chef. Y.-L. VIOLIN, médecin en chef. K. BERTHO,
médecin en chef. S. DUBOURDIEU, médecin en chef. S. TRAVERS, médecin en
chef. M BIGNAND, médecin en chef. J.-P. TOURTIER, médecin en chef, professeur
agrégé du Val-de-Grâce.
Correspondance : Monsieur le médecin en chef G. BURLATON, Brigade des SapeursPompiers de Paris, 1 place Jules Renard – 75017 Paris.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 231-238
est le service direct de la population. Les médecins
militaires y apportent leurs qualités et leur enthousiasme
puis y accumulent une expérience incomparable,
profitable pour leurs affectations futures.
La BSPP, une unité militaire
opérationnelle au service de la
population
Un corps unique en France
La BSPP est une unité militaire de l’arme du Génie.
Elle est commandée par un officier général et placée
pour emploi auprès du préfet de police de Paris. Sa
création résulte de la volonté de Napoléon, suite à
l’incendie dramatique de l’ambassade d’Autriche en
1810, de confier la mission de lutte contre l’incendie
à Paris à une unité militaire, sous l’autorité du préfet
de police.
231
La BSPP est composée de 8 500 hommes et représente
ainsi la moitié de la capacité de l’arme du Génie et le
dixième de l’armée de Terre. Sa mission est de protéger
Paris et les 124 communes des trois départements de la
« petite couronne » (Hauts-de-Seine, Seine-Saint- Denis
et Val-de-Marne). Les particularités de ce secteur sont
une superficie de presque 800 km2 et une population
très dense de près de 9 000 000 d’habitants et touristes.
Trois groupements d’incendie et de secours se
partagent chacun un département et environ un tiers de
Paris. À ces groupements dits opérationnels s’ajoutent
le groupement des services, le groupement formation
et instruction et le groupement d’appui et de secours
en charge respectivement des services, de la formation
et du soutien des unités spécialisées (plongeurs,
Intervention en milieu périlleux, spécialistes Nucléaires
radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC)…).
Le secteur de compétence de la BSPP est un théâtre
d’opération complexe et extrêmement dense. Certains
risques spécifiques y font l’objet d’une attention
particulière :
– les incendies ;
– les risques technologiques industriels et urbains (3/4
des « immeubles grande hauteur » de France se trouvent
sur la zone de compétence de la BSPP) ;
– les infrastructures ;
– les institutions de l’État ;
– les grands rassemblements, les violences urbaines ;
– le développement urbain (Grand Paris) ;
– les risques naturels (crue centennale) ;
– les risques sanitaires naturels (virus de la grippe type
H1N1, Ebola (1)…) ;
– le risque terroriste (2).
De ces risques découlent trois grandes missions : « la
prévention, la protection et la lutte contre l’incendie, les
accidents, les sinistres et les catastrophes », « l’évaluation
et la prévention des risques technologiques ou naturels »
et « le secours d’urgence et la résilience sanitaire ».
Une activité opérationnelle tendue et en
perpétuelle augmentation
La BSPP représente plus de 3 % des pompiers de
France et assume 13 % de l’activité nationale (plus de
500 000 interventions par an).
Le centre de traitement des appels 18/112 reçoit et
trie plus de 2 000 000 d’appels par an et déclenche une
intervention toutes les 72 secondes. L’activité de secours
à personne (SAP) a doublé ces dix dernières années. Elle
représente actuellement plus de 85 % des interventions
de la BSPP et entraîne plus de 300 000 hospitalisations
par an.
Le soutien d’une unité opérationnelle
365 jours par an
Organisation de la division santé de la BSPP
Les évolutions récentes de la Division santé (DIVSAN)
la placent plus que jamais comme une émanation du
232
Service de santé des armées (SSA) en phase avec le
plan stratégique du directeur central du SSA à l’horizon
2020 (3).
Elle est composée de 5 centres médicaux au service
des groupements et de 3 bureaux :
– le Bureau de médecine d’urgence (BMU) ;
– le Bureau santé et prévention (BSP) ;
– le Bureau de pharmacie et ingénierie biomédicale
(BPIB).
Afin d’assurer l’ensemble de ses missions le médecin
chef de la BSPP a sous ses ordres 49 médecins militaires
et 15 médecins civils titulaires sous contrat avec la
préfecture de police de Paris. Un médecin est également
détaché au Centre national d’études spatiales (CNES)
de Kourou.
Comme ailleurs, la réserve opérationnelle est un
renfort essentiel pour la DIVSAN, tant sur le plan
qualitatif que quantitatif. Médecins, pharmaciens,
dentistes, vétérinaires et psychologues apportent à la
BSPP leur expertise et un renfort indispensable au
fonctionnement quotidien.
Médecine d’armée au profit de 8 500 hommes
Le Bureau santé et prévention (BSP) est chargé de
superviser le soutien santé de la BSPP, tant sur le plan du
conseil au commandement, que de la médecine de soins,
d’expertise ou encore du suivi médico-administratif
de ses personnels. Comme pour d’autres unités, les
particularités de ce corps opérationnel sont la jeunesse
des personnels et une très forte sollicitation sportive.
Un des principaux objectifs du BSP est d’assurer une
consultation de qualité, notamment en médecine du
sport et en traumatologie. Des médecins affectés dans
les cinq centres médicaux se forment ainsi chaque année
à l’ostéopathie, à l’échographie ostéo-ligamentaire ou
encore à la diététique du sportif. La prévention et la lutte
contre le dopage font par ailleurs l’objet d’une étude
prospective et de nombreuses séances d’informations
au profit des centres de secours.
Une mission essentielle de la DIVSAN est également
le soutien des activités à risques, au quotidien lors des
interventions, à l’entraînement et lors des périodes de
sélection (maison du feu, plongée, intervention en milieu
périlleux…).
Le BSP est également en lien avec l’École du Val-deGrâce (EVDG) pour accueillir les internes en stage au
sein des groupements et participe à de nombreux travaux
scientifiques (thèses, mémoires…).
Une activité opérationnelle quotidienne
L’évolution de la sollicitation opérationnelle place
le secours à personnes au cœur des préoccupations de
la BSPP.
Le Bureau médecine d’urgence (BMU) coordonne
l’activité opérationnelle et scientifique de la
division santé. Il est le correspondant privilégié
du centre opérationnel pour le suivi annuel des
350 000 interventions SAP.
g. burlaton
Environ 1 000 bilans de véhicules secouristes sont
reçus chaque jour par la coordination médicale. Le rôle
du médecin est alors de conseiller les opérateurs et les
chefs d’agrès puis de valider la destination de la victime
ou le renfort médical de certaines interventions.
Les médecins de la BSPP participent également au
même titre que les quatre services d’aide médicale
d’urgence (SAMU) du secteur à la couverture médicale
pré-hospitalière. Sept ambulances de réanimation sont
sectorisées en accord avec l’Agence régionale de
santé (ARS) et effectuent plus de 10 000 interventions
médicalisées par an (dont 18 % de traumatologie grave,
ce qui fait écho aux Opérations extérieures (OPEX) pour
une unité médicale militaire).
Au quotidien comme en situation de catastrophe,
la BSPP s’est vue confier la direction des secours
médicaux par la préfecture de police. Chaque jour, un
médecin Directeur des secours médicaux (DSM) est
ainsi responsable du bon fonctionnement de la chaîne de
secours et assure si nécessaire la direction de la chaîne
santé lors d’événements de grande envergure (4).
Au total, au moins 27 médecins sont nécessaires au
fonctionnement quotidien et 24 heures sur 24 de l’unité :
– 1 médecin-chef Brigade ;
– 1 directeur des secours médicaux ;
– 7 médecins coordonnateurs au centre opérationnel ;
– 7 médecins sur ambulance de réanimation (fig. 1).
10 médecins de consultation
1 médecin de garde au profit de la Brigade de
Recherche et d’Intervention (BRI) de Paris (fig. 2).
À ces gardes quotidiennes s’ajoutent les autres
missions d’enseignement, de médecine de prévention, de
soutien, de suivi d’activités scientifiques et l’armement
d’équipes supplémentaires en fonction des sollicitations.
Un pharmacien, 1 psychologue et 1 vétérinaire sont
également d’astreinte quotidiennement.
Parmi les missions plus ponctuelles et à titre
d’exemples, les équipes médicales de la BSPP arment
plusieurs fois par semaine des ambulances banalisées
pour le soutien de la Présidence de la République ou du
SDLP (Service de la protection), effectuent le transfert
vers les Hôpitaux d’instruction des armées (HIA) des
Figure 1. Équipe médicale sur ambulance de réanimation. ©Cellule
communication BSPP.
Figure 2. Médecin de la BSPP en intervention au sein de la Brigade de recherche
et d’intervention (BRI). ©Cellule communication BSPP.
blessés rapatriés des théâtres extérieurs (fig. 3), ainsi que
les transports médicalisés entre établissements du SSA
et assurent les fonctions de DSM prépositionnés lors
de différents événements (marathons, tournois sportifs,
grandes manifestations…).
Figure 3. Prise en charge d’un blessé grave lors d’une évacuation médicale.
© Cellule communication BSPP.
Médecins et infirmiers sont par ailleurs régulièrement
sollicités par le ministère des Affaires étrangères, la
Direction de la sécurité civile ou l’Union européenne
pour des missions de courtes durées. La réalisation de
missions au profit des forces pourrait également s’avérer
cohérente, notamment pour les postes dont l’activité
principale est finalement assez proche (évacuations
sanitaires tactiques et stratégiques, médicalisation de
l’avant…).
Il faut noter que la DIVSAN collabore étroitement avec
les HIA par la participation aux gardes hospitalières,
la mise en place d’actions de formation (fig. 4) et
l’intégration de leurs structures d’urgences dans
l’orientation hospitalière des patients pris en charge.
Le 13 novembre 2015, l’orientation par la coordination
médicale BSPP de 52 blessés graves vers les HIA
parisiens illustre l’efficacité de cette coopération.
affectation à la brigade de sapeurs-pompiers de paris : cursus de formation et parcours professionnels
233
La recherche scientifique au service de
l’opérationnel
Figure 4. Séance de simulation haute-fidélité commune avec le service d’accueil
des urgences de l’HIA Percy. © Cellule communication BSPP.
Une mission prioritaire : l’enseignement et la
préparation opérationnelle
La DIVSAN intervient à tous les niveaux du cursus de
formation des pompiers. Jeunes recrues, chefs d’agrès,
chefs de garde ou officiers bénéficient ainsi de cours
théoriques complétés par de nombreuses journées de
mise en situation et de simulation.
La formation continue des chefs d’agrès des Véhicules
de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) fait
l’objet d’une attention toute particulière. En complément
des séances régulières, un programme de maintien
des acquis est proposé chaque année en fonction du
contexte (ex : modification des recommandations
pour la réanimation du nouveau-né) ou de la mise en
place de nouveaux matériels (garrots tourniquets).
Récemment, l’ensemble des chefs d’agrès a été formé
à la télétransmission d’électrocardiogramme au moyen
de nouveaux moniteurs multiparamétriques.
Le BMU participe également à l’organisation
d’exercices de plus ou moins grande ampleur dans le
cadre des stages de formation ou encore d’exercices
majeurs au sein de la zone de défense.
La formation continue des personnels de la DIVSAN
est pilotée par une cellule « formation spécialisée » sous
forme notamment de séances de simulation haute-fidélité
sur mannequin (187 personnels formés en 2015) ou lors
des nombreux stages organisés (NRBC, intervention
en milieu périlleux, triage…). Une cellule « démarche
qualité » assure le suivi des événements indésirables,
l’organisation de revues de morbi-mortalité, la rédaction
des protocoles et participe aux choix en termes de
formation initiale et continue des personnels.
En collaboration avec l’EVDG ou les différentes
universités, les médecins de la BSPP participent à
l’enseignement au profit des plus jeunes et à l’ouverture
du SSA en intervenant au quotidien dans les différents
cours et stages organisés par l’EVDG, les formations
NRBC du SSA, la préparation avant projection, les
capacités de médecine d’urgence ou de médecine de
catastrophe ainsi que lors de différents congrès et
enseignements post-universitaires (5).
234
La mise en place et la participation à des études
sont des compléments indispensables à l’activité
opérationnelle. L’intérêt de la mesure des lactates en
pré-hospitalier, la prévention de l’hypothermie en
traumatologie, les modalités de défibrillation, la prise en
charge précoce du sepsis, les filières de prise en charge
des arrêts cardiaques réfractaires, la prise en charge des
syndromes coronariens sont quelques-uns des sujets
actuellement étudiés par la BSPP.
Le travail de la cellule scientifique permet l’évolution
des pratiques et des matériels (6-8). À titre d’exemple,
l’étude multicentrique « PLYO » (plasma lyophilisé)
réalisée conjointement par le Centre de transfusion
sanguine des armées (CTSA) et la BSPP étudie pour
la première fois l’administration du plasma lyophilisé
française en pré-hospitalier civil.
Dans un autre domaine, la réalisation de plusieurs
travaux successifs a permis l’amélioration progressive
de la détection des arrêts cardiaques lors de la prise
d’appel permettant d’augmenter la qualité du massage
cardiaque guidé par téléphone puis la géolocalisation
de défibrillateurs et de personnels volontaires formés
au secourisme (9).
En complément des séances de formation internes, le
BMU organise également tous les ans dans les murs de
l’EVDG six séances des « conférences de réanimation
pré-hospitalières » ouvertes au milieu civil.
Un terrain de stage unique au profit des
médecins et infirmiers des forces
Plus de 300 stagiaires sont accueillis chaque année
sur ambulance de réanimation. Parmi eux, 80 % sont
militaires, issus principalement des forces, de l’École
de santé de Lyon et de l’EVDG. Les internes civils et
militaires, sont accueillis pour des stages de plusieurs
semaines à un semestre (Diplôme d’étude supérieur
(DES) de médecine générale ou d’anesthésie-réanimation
et Diplôme d’étude supérieur complémentaire (DESC)
de médecine d’urgence).
La cellule d’enseignement spécialisé partage
certains locaux et travaille en jumelage avec le
Centre d’Entraînement et de simulation en médecine
opérationnelle (CESimMO) de Paris. Plusieurs modules
de formation BSPP font également partie du catalogue
de formation de l’EVDG.
Plan de formation des médecins à la
BSPP
Le bon fonctionnement de la DIVSAN, tel que décrit
ci-dessus, exige une formation spécifique théorique et
pratique complémentaire à la formation universitaire
initiale. Deux parcours de formation ont été mis en
place : Médecin transporteur et coordinateur (MTC) et
Médecin de consultation et de prévention (MCP) (10).
g. burlaton
Le prérequis pour les MCP est le diplôme de docteur
en médecine, complété au plus vite par l’acquisition
de compétences et de diplômes en médecine du sport.
Les MTC doivent impérativement être titulaires d’un
diplôme de médecine d’urgence (capacité, DESC
et bientôt DES) puis d’une capacité de médecine de
catastrophe validée ou en cours.
La filière de MTC, validée par l’EVDG, est articulée
en quatre niveaux progressifs répartis sur au minimum
4 ans :
Formation initiale ou brevet élémentaire (70 h de cours,
gardes en doublure sur ambulance de réanimation) ;
– formation d’adaptation ou brevet de perfectionnement
(252 h de formation réparties sur 2 ans, gardes en
doublure à la coordination médicale) ;
– formation complémentaire ou brevet de spécialisation
(56 h de formation réparties sur 1 à 2 ans) ;
– formation de perfectionnement ou brevet supérieur
(136 h de formation).
L’obtention du brevet de spécialisation conduit à
l’attribution par l’EVDG du diplôme de « médecin en
soins d’urgence pré-hospitalière ».
Appréhender les spécificités du milieu
La formation initiale des médecins s’effectue
sur dix jours. Ce stage commun aux deux filières
permet d’acquérir une connaissance générale sur le
fonctionnement des différents groupements et services
de la Brigade mais également une idée suffisamment
précise du travail de soldat du feu et de secouriste pour
pouvoir travailler en symbiose avec eux et appréhender
toutes les problématiques de médecine d’armée liées à
leurs spécificités.
À titre d’exemple, le passage dans des simulateurs
d’incendie permet de découvrir les rudiments de la
« lecture du feu » et de mieux sensibiliser les personnels
à l’exposition à la chaleur. Une garde en VSAV et
quelques rappels de secourisme permettent également
de mieux comprendre le métier de sapeurs-pompiers
de Paris.
« NRBC », « accouchement », « intubation difficile »,
« plans de secours et triage » et « méthodologie des
études cliniques »).
Se préparer aux situations d’exceptions
L’année 2015 a malheureusement rappelé à tous le
rôle essentiel des toutes premières équipes confrontées
à une situation de crise. Se préparer aux situations
d’exception est un impératif, tant pour le médecin de
garde sur ambulance de réanimation, que pour celui
pré-positionné à l’occasion d’événements spécifiques
(rencontres sportives, grandes manifestations, troubles
urbains, Saint-Sylvestre…).
Le perfectionnement et l’entraînement aux principes
de la médecine de catastrophe (plans de secours, triage,
sauvetage déblaiement), aux techniques de travail
en hauteur ou en excavation (stages interventions en
milieu périlleux de 1er et 2e niveau) mais également au
travail en collaboration avec les forces de Police fait
l’objet de stages spécifiques, d’exercices de simulation
sur mannequin haute-fidélité et de séances de serious
game (fig. 5). Le stage « officier de garde compagnie et
premier médecin » offre au médecin déjà expérimenté
une solide formation complémentaire. L’organisation
de stages communs aux médecins et aux autres officiers
participe à la cohérence et à l’efficacité de la réponse de
la BSPP en situation de crises (11, 12).
Devenir Team-Leader sur ambulance de
réanimation
Les médecins nouvellement affectés ont les
connaissances universitaires nécessaires à la pratique
de la médecine d’urgence mais doivent encore apprendre
à commander l’engagement des personnels médicaux,
paramédicaux et secouristes tout en respectant certaines
règles relatives à la sécurité et l’efficience des secours.
Des séances de simulation haute-fidélité (auxquelles
participent aussi des internes ou seniors des quatre
SAMU partenaires) permettent aux médecins de parfaire
le leadership d’équipe.
Quelles que soit leur ancienneté et leur expérience,
les médecins récemment affectés bénéficient aussi de
plusieurs semaines de « compagnonnage » en service
médical avec gardes en doublure sur ambulance de
réanimation, puis suivent plusieurs modules spécifiques
dans leur première année d’affectation (formations
Figure 5. Exercice de simulation haute-fidélité lors du stage de médicalisation en
milieu périlleux. © Cellule communication BSPP.
affectation à la brigade de sapeurs-pompiers de paris : cursus de formation et parcours professionnels
235
En complément, une formation aux spécificités de
l’organisation des secours et du tissu hospitalier de la
plaque parisienne, permet au médecin affecté depuis au
moins un an de débuter des gardes de médecin adjoint
à la coordination médicale et de gérer à distances les
secours apportés par la BSPP à la population.
BMPM ont été récemment affectés comme « référent
urgence » dans des centres médicaux des armées, des
antennes spécialisées, des services d’urgence, des
unités de sécurité civile ou encore à Matignon ou à la
Présidence de la République…
Devenir pleinement opérationnel
Les risques technologiques et sécuritaires, associés
à la densité de population imposent notamment le
maintien de compétences dans le domaine du risque
NRBC. Un stage d’une semaine de perfectionnement
à la prise en charge des urgences en ambiance NRBC
est donc obligatoire (fig. 6), complété pour certains par
les différents stages, diplômes universitaires et master
proposés notamment par l’EVDG.
Parcours professionnel des médecins
affectés à la BSPP
Figure 6. Exercice de synthèse du stage « médicalisation en ambiance NRBC »
sur le site de l’EVDG. © Cellule communication BSPP.
La formation de « Coordinateur chef » permet
après plusieurs années d’assurer la garde de médecin
responsable de la coordination médicale et de gérer
si besoin l’activation de la salle de crise du centre
opérationnel.
Pleinement opérationnel, le médecin affecté à la
BSPP se voit ainsi délivrer par l’EVDG le diplôme
de « médecin en soins d’urgence pré-hospitalière ».
Il pourra continuer à acquérir de l’expérience et
développera d’autres compétences par le suivi des
formations continues internes (simulations, staffs de
service, congrès, exercices…) et celui de formations
universitaires civiles ou militaires.
Que l’on veuille inscrire sa carrière dans une filière
d’urgence ou dans celle de médecine d’armée, le passage
à la BSPP doit être intégré comme une marche en
avant logique dans la carrière d’un médecin militaire.
L’échange d’expérience entre unités et entre praticiens
fait partie des richesses du SSA et permet à de nombreux
médecins de servir en alternance à la BSPP, au BMPM
et dans les nombreuses unités où une compétence de
médecine d’urgence semble indispensable. De manière
non exhaustive, certains médecins de la BSPP ou du
236
Au décours d’une première affectation en Centre
médical de groupement (CMA), les médecins voient
leur implication dans la politique opérationnelle et
doctrinaire de la BSPP s’approfondir. Tout médecin
militaire doit dans son parcours être amené à accéder
à des postes « d’encadrement ». Certains médecins
expérimentés se voient ainsi confier la responsabilité
d’un des cinq centres médicaux de la Brigade. Un
médecin chef de centre médical de groupement
incendie est ainsi responsable d’une équipe de plus de
20 médecins, 15 infirmiers et 20 militaires du rang, du
soutien de plus de 1 800 personnels et du fonctionnement
quotidien de 3 ambulances de réanimation (équivalent à
la fois d’une antenne médicale et d’un petit SAMU). Le
médecin-chef du groupement instruction est quant à lui
responsable d’un centre médical équivalent de Centre
de formation initiale des militaires du rang (CEFIM)
avec plus de 1 000 incorporations par ans et le suivi des
personnels en formation.
Ces médecins anciens accèdent également à la dernière
partie du plan de formation : « Officier supérieur de
garde et Directeur des secours médicaux ». Ils peuvent
alors intégrer le tour de garde de Directeur des secours
médicaux et intervenir à ce poste sur des interventions
de grande ampleur.
Ils pourront ensuite emprunter des parcours spécifiques
en fonction de leur appétence, de leur formation et des
besoins du service. Le fonctionnement du BMU nécessite
la présence de médecins expérimentés en charge de
différents dossiers en relation avec l’état-major de la
BSPP, la préfecture de Police, la direction de la Sécurité
civile, quatre SAMU, l’assistance publique des hôpitaux
de Paris, l’ARS et bien d’autres organismes.
À titre d’exemple, les différents médecins en
charge des plans de secours, des risques NRBC, de la
coordination médicale ou encore de la démarche qualité
et du contentieux, suivent les formations universitaires
nécessaires à la bonne exécution de leur mission et
interagissent au quotidien avec les nombreux acteurs
en charge de la santé, de la sécurité et de la gestion de
crise (13-17).
Les médecins référents en SAP et ceux en charge de
la formation spécialisée s’occupent de la doctrine de
formation initiale et continue, mais également de la
rédaction et de la mise à jour de référentiels et de textes
réglementaires. Ils sont régulièrement sollicités pour
évaluer la pertinence puis organiser la mise en place de
nouveaux matériels ou de nouvelles procédures.
Les médecins de la cellule scientifique participent à
la mise en place de travaux de recherche, au suivi des
différents registres et à l’encadrement scientifiques des
médecins, internes et infirmiers de la BSPP.
g. burlaton
Conclusion
Le soutien médical de la BSPP est une expérience
opérationnelle particulièrement polyvalente et
enrichissante. Dans l’esprit du plan d’action du SSA à
l’horizon 2020, la division santé n’a de cesse d’optimiser
l’exercice de sa mission régalienne de soutien de
l’homme en offrant aux pompiers une chaîne de soins
complète depuis le soutien d’activité opérationnelle en
pré-hospitalier jusqu’à la réinsertion des personnels
blessés, tout en s’ouvrant au monde civil et aux autres
ministères. Un cursus de formation spécifique validé
par l’EVDG permet de former chaque médecin aux
missions qui lui sont confiées, puis de le préparer à ses
affectations et OPEX futures. Les médecins affectés à
la BSPP sont conscients et fiers de représenter le SSA
aux yeux de l’unité, des parisiens et de nombreux autres
acteurs de santé.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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affectation à la brigade de sapeurs-pompiers de paris : cursus de formation et parcours professionnels
237
VIENT DE PARAÎTRE
LES ORGANISATIONS
BIENTRAITANTES
Mickaël Bardonnet, Michel Lefebvre,
Pierre Mongin
Les questions d’autonomie et de bientraitance sont centrales dans nos sociétés qui
connaissent des mutations profondes. Elles concernent en premier lieu les personnes dites
vulnérable – âgées, handicapées, malades – mais elles concernent également chacun d’entre
nous au sein de nos organisations et entreprise.
Les auteurs dans « les Organisations Bientraitantes » proposent une approche simple et
universelle des questions d’autonomie et de bientraitance basée sur la connaissance et la
satisfaction de nos besoins fondamentaux et de ceux des personnes qui nous entourent. Ce
choix permet de s’affranchir de toute typologie et convention qui peuvent avoir tendance à
enfermer, voire à isoler, et ce afin de pouvoir cerner les solutions les plus performantes et
novatrices, susceptibles d’amplifier les capacités d’autorégulation de chacun.
Ainsi le modèle proposé, le Modèle de Stevenson, ne préjuge pas des besoins des personnes
en raison de leur âge, leur sexe, leur pathologie et leur handicap éventuels ou encore de leur
contexte socioprofessionnel. Son caractère universel permet de comprendre et d’agir sur les
organisations pour accroître leur potentiel de bientraitance.
Mickaël Bardonnet : professionnel de la formation et du conseil dans les domaines sociaux
et médico-sociaux (ACET et INFIPP). Usager du secteur médico-social en tant que parent.
Michel Lefebvre : ingénieur conseil, fondateur d’une société d’ingénierie des systèmes
d’information (ACET) et gérant d’une société de conseil et d’édition (ADICE). Auteur de
plusieurs ouvrages socio-économiques dont les Patrimoines du Futur (L’Harmattan).
Pierre Mongin : consultant-formateur, intervenant à Lille et sur le MOOC Gestion de projets
Centrale Lille. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Managez avec le Concept Mapping,
Organisez vos idées avec le Mind Mapping, Enseigner autrement avec le Mind Mapping
(Dunod).
Préface : Yvonne Mignot-Lefebvre, sociologue CNRS, vidéaste. Auteure d’une thèse d’État,
Communication et Autonomie.
ISBN : 978-2-9154-2509-3 – Format : 21x15 cm – Pages : 172 – Prix 22 � – ADICE-édition, 30 rue du
pressoir – 75020 Paris – Tél. : 06 14 18 41 46 – [email protected]
238
Médecine des forces
Le véhicule médical de soutien du bataillon de marins-pompiers
de Marseille
E. Le Gonideca, E. Delmonda, C. du Rétaila, P. Menota, C. Pécouta, F. Topinb
a Groupement santé, Bataillon de marins-pompiers, 9 boulevard de Strasbourg – 13233 Marseille Cedex 20.
b Centre médical interarmées, BP 38 – 98843 Nouméa Cedex. France.
Résumé
Le véhicule médical de soutien du bataillon de marins-pompiers de Marseille assure deux missions principales : le soutien
sanitaire des pompiers en opération et la direction des secours médicaux en présence de nombreuses victimes. Au travers
d’une étude rétrospective, cet article évalue son activité, les pratiques professionnelles de ses équipes et propose une réflexion
visant à adapter sa doctrine d’emploi.
Mots-clés : Bataillon de marins-pompiers de Marseille. Directeur des secours médicaux. Soutien sanitaire opérationnel.
Abstract
THE MEDICAL SUPPORT VEHICLE OF THE MARSEILLE NAVAL FIRE BATTALION.
The medical support vehicle of The Marseille Naval Fire Battalion has two main missions: the medical support of the
firefighters in operation and, in case of mass casualties, the medical management of their rescue. Through a retrospective
study, this article assesses the activities of the teams, their professional practices and reflects on how to use the vehicle
in an optimal way.
Keywords: The Marseille Naval Fire Battalion. Medical rescue director. Operational health support.
Introduction
Bataillon de marins-pompiers de Marseille
(BMPM)
Le bataillon a été créé en 1939 suite à l’incendie des
Nouvelles-Galeries sur La Canebière. En 2004, la loi
de modernisation de la sécurité civile (1), lui confère
l’ensemble des prérogatives d’un Service départemental
d’incendie et de secours (SDIS) pour la ville de Marseille,
son port, l’aéroport de Marignane et le terminal pétrolier
de Port de Bouc. L’amiral commandant le bataillon
est placé sous l’autorité du maire de Marseille et des
ministres de l’Intérieur et de la Défense.
Chaque jour, le bataillon assure plus de
300 interventions. Le Secours d’urgence à personnes
E. LE GONIDEC, médecin en chef, praticien confirmé, E. DELMOND, médecin en
chef, C. du RETAIL, médecin en chef, praticien confirmé, P. MENOT, médecin hors
classe de deuxième échelon, C. PECOUT, médecin principal, F. TOPIN, médecin en
chef, praticien certifié.
Correspondance : Monsieur le médecin en chef E. LE GONIDEC, Groupement santé,
Bataillon de marins-pompiers, 9 boulevard de Strasbourg – 13233 Marseille Cedex 20.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 239-244
(SUAP) représente 83 % d’entre elles et la lutte contre
les incendies, 5 % (2). Rapportée à la population,
cette activité est la plus importante de France. Ainsi,
pour 1 000 habitants, le BMPM a effectué en 2015,
122 interventions alors que la moyenne nationale d’un
Service départemental d’incendie secours (SDIS) était
de 62 et de 65 pour la brigade des sapeurs-pompiers de
Paris (BSPP) (3).
Le groupement santé
Le groupement santé est dirigé par un médecin
militaire. Fort de 140 personnels, il réunit, 36 médecins
(civils et militaires), 2 pharmaciens militaires,
26 infirmiers militaires, 64 officiers mariniers dont
la moitié sont conducteurs de véhicules sanitaires. Il
regroupe le Service mobile d’urgence et de réanimation
(SMUR), le service médical d’unité, la pharmacie et
le centre municipal de formation aux techniques de
premiers secours.
Dans le cadre de la convention liant la ville de
Marseille à l’assistance publique des hôpitaux de
Marseille (AP-HM) (4), le SMUR du bataillon arme
24h/24, 3 des 6 Ambulances de réanimation (AR)
239
du SMUR de Marseille. En 2015, elles ont assuré
7 195 interventions.
Les médecins du SMUR du bataillon participent
aux gardes sur AR, sur le véhicule médical de soutien,
sur l’hélicoptère de la sécurité civile de Marignane,
à la régulation médicale du Centre de réception et de
régulation des appels 15, du Service d’aide médicale
d’urgence 13 (CRRA 15/SAMU 13), au service des
urgences de l’Hôpital d’instruction des armées (HIA)
Laveran et pour les plus anciens à l’astreinte de directeur
des secours médicaux pour la ville de Marseille.
Le véhicule médical de soutien (VMS) (fig. 1)
La convention AP-HM/BMPM mettant à disposition
du SAMU 13 les ambulances de réanimation du BMPM
(4), il a été décidé de conserver sous commandement
pompier exclusif un moyen médicalisé capable d’assurer
la sécurité du personnel en intervention et de répondre
à des missions spécifiques.
Figure 1. Le véhicule médical de soutien.
L’armement du VMS est constitué d’un médecin,
d’un infirmier et d’un conducteur (5). L’habilitation du
médecin VMS a lieu à l’issue d’une formation validante
(6). En plus d’une solide expérience d’urgentiste, il doit
être compétent en médecine de catastrophe et dans le
domaine NRBC-E (Nucléaire radiologique biologique
chimique explosif). Il est formé aux techniques de
secours routiers, aux contraintes des Interventions en
milieu périlleux (IMP1), et maîtrise les plans de secours
et d’interventions marseillais. Ce cursus de formation
interne dure généralement un an. Outre une expérience
sur ambulance de réanimation, l’infirmier doit posséder
des compétences pour les interventions en milieu
périlleux et en situation Nombreuses victimes (NOVI).
Les conducteurs, tous marins-pompiers, apportent une
aide précieuse au binôme médecin-infirmier grâce à
leur connaissance du bataillon et de ses procédures
opérationnelles.
Le véhicule support du VMS est un véhicule toutterrain équipé comme une ambulance de réanimation
mais sans capacité de transport de victime.
240
Le VMS est un véhicule aux missions polyvalentes :
– le soutien sanitaire opérationnel (SSO) : mission du
Service de santé et de secours médical des SDIS fixée
par décret (7), elle garantit aux marins-pompiers en
intervention le soutien d’une équipe médicale lorsqu’un
risque particulier est identifié (nombre important de
pompiers engagés, intervention longue ou au potentiel
évolutif, environnement défavorable, risque toxique
ou technologique). Renforcé par un chef de groupe et
trois Véhicules de secours et d’assistance aux victimes
(VSAV), le médecin du VMS a pour mission d’organiser
le SSO et le SUAP. Il doit être capable de conseiller
le commandement des opérations de secours sur le
réengagement des marins-pompiers en intervention, de
coordonner la prise en charge des éventuelles victimes,
et enfin de demander les renforts sanitaires.
– Pré-directeur des secours médicaux (préDSM) :
lors d’un accident à effet limité (accident de circulation
avec multiples victimes), lors d’un événement avec
nombreuses victimes (attentat) ou encore lors d’un
dispositif prudentiel (comme certaines manifestations
sportives ou culturelles) l’équipe du VMS est employée
à des fins d’organisation et de triage, dans l’attente du
DSM en titre.
– Interventions en milieu spécifique : du fait de ses
capacités de franchissement et des formations plus
poussées de l’équipage, le VMS est préférentiellement
affecté à des missions particulières en coordination
avec le CRRA 15/SAMU 13. C’est le cas pour
les interventions en milieu spécifique comme les
calanques de Marseille, la bande côtière ou certains
lieux urbains inaccessibles ou périlleux. L’équipage du
VMS intervient alors avec les sections opérationnelles
spécialisées (groupe de recherche et d’intervention en
milieux périlleux, sauvetage déblaiement, sauvetage
aquatique ou détachement intervention héliporté) du
bataillon.
– Intoxications au monoxyde de carbone (CO) :
aux frontières entre son rôle de pré-DSM et celui de
SMUR, le VMS est régulièrement déclenché pour la
confirmation et la prise en charge des intoxications au
CO sur Marseille.
– Interventions primaires : à la demande du CRRA 15,
il peut aussi effectuer des missions SMUR lorsque tous
les autres moyens de la ville sont indisponibles.
– Permanence des soins : l’équipage du VMS
assure enfin, la permanence des soins pour tout le
personnel BMPM de garde en heure non ouvrable, soit
quotidiennement environ 300 personnes. Cette offre de
soins se manifeste au travers de consultations médicales
mais aussi par la possibilité d’émettre un avis sur
l’aptitude à l’emploi à la demande du commandement.
Matériels et méthode
Une étude rétrospective de l’ensemble des
interventions du VMS a été réalisée entre janvier 2014
et février 2015. Une base de données a été créée sur un
tableur Excel ® à partir des observations archivées au
SMUR du BMPM : fiches d’intervention médicale ou
fiches multivictimes. Une requête auprès du service
e. le gonidec
statistique du BMPM a permis de fiabiliser cette base
de données en vérifiant son exhaustivité.
Pour chacune d’entre elles, la nature de l’intervention,
la date, l’horaire (heures ouvrables de 7 h 30 à 17 h 30,
heures non ouvrables) et la durée (départ caserne –
disponibilité radio) ont été notifiés. La catégorisation
des victimes (urgence relative, urgence absolue, décédé
ou indemne) et leur mode de transport (médicalisé ou
non) ont également été renseignés.
Il est à noter que l’activité de consultation n’apparaît
pas dans ces données.
51 minutes et les interventions SMUR avec 53 minutes.
La durée moyenne des interventions sans victime est de
91 minutes.
L’étude de la catégorisation des victimes prises en
charge par le VMS révèle que seules 46 interventions
(11,4 %) ont eu lieu en présence d’au moins une urgence
absolue ou d’une urgence dépassée. Dans 32 cas (70 %
d’entre elles), ce sont des interventions SMUR.
Pour 143 missions (35,4 %), le médecin du VMS n’a
examiné aucune victime et pour 52 missions (12,9 %)
il n’y avait que des indemnes.
Résultats
Incendies (SSO et SUAP)
Le VMS a réalisé 404 interventions entre janvier 2014
et février 2015. Avec une moyenne mensuelle de
29 sorties, il a été engagé au minimum 23 fois en
mai 2014 et au maximum 44 fois en février 2015. Il est
intervenu 151 fois (37,4 %) pour incendie (afin d’assurer
le SSO et le SUAP) (fig. 2), 106 fois (26,3 %) pour des
interventions primaires à la demande du CCRA 13 et
dans 65 cas (16,1 %), il a été envoyé pour suspicion
d’intoxication au monoxyde de carbone.
Sur les 151 interventions pour incendie, 65 (43 %)
se sont déroulées sans victime et 26 (17,2 %) avec des
indemnes uniquement. Le VMS a occupé la fonction
de pré-DSM d’emblée ou secondairement au cours
de 20 missions (30,8 % des incendies). Le VMS est
intervenu à six reprises (4 % des incendies) en présence
d’une urgence absolue. Alors engagé en tant que
pré-DSM, il a pu coordonner l’action des moyens (AR et
VSAV). Il a été engagé quatre fois (2,6 % des incendies)
en présence d’une urgence dépassée (découverte de
corps). Il est intervenu une fois (0,66 %) en tant que
pré-DSM dans l’attente du « DSM Marseille ».
Pré-DSM
Le VMS a été engagé 56 fois en tant que pré-DSM
(13,9 % des interventions) :
– soit d’emblée (33 fois, 58,9 % des interventions
pré-DSM) : 11 fois sur l’aéroport de Marignane lorsqu’un
aéronef était en difficulté, 14 fois sur un accident de la
voie publique et 8 fois lors d’un dispositif prudentiel.
– soit in fine (à 23 reprises, 47,1 % des interventions
pré-DSM) : 20 fois lors d’un incendie et 3 fois lors d’une
intoxication collective au monoxyde de carbone.
Lorsqu’il est engagé sur un AVP, il y a plusieurs
victimes dans 60 % des cas et au moins une urgence
absolue ou dépassée dans 50 % des cas.
Intoxication au monoxyde de carbone
Sur 65 interventions pour intoxication au CO, seules
deux urgences absolues (3,1 % des missions CO) ont
été recensées : une fois où le VMS était le seul moyen
médical présent, et une deuxième fois en tant que
pré-DSM en renfort d’une ambulance de réanimation.
L’intoxication au CO a été écartée 36 fois (55 %).
Figure 2. Répartition en pourcentage des missions du véhicule médical de soutien.
Dans 54 % des cas, le VMS intervient en heures
ouvrables. Il n’a pas été observé de différence
significative d’horaires entre les différents types de
missions.
La durée moyenne d’intervention est de 70 minutes.
Les durées les plus longues concernent le SSO et les
missions pré-DSM avec 89 minutes (max. 250) et les
plus courtes, les suspicions d’intoxication au CO avec
le véhicule médical de soutien du bataillon de marins-pompiers de marseille
Rapports d’intervention
Le croisement des données du service statistiques et du
SMUR a permis de retrouver 127 interventions (31,5 %)
pour lesquelles il n’avait pas été réalisé d’observation
médicale. Au cours de ces interventions, aucune victime
n’a été prise en charge.
Enfin, 75 rapports d’intervention (27,1 %), en
particulier les fiches multivictimes, ont été mal
renseignées. Les items manquants correspondaient pour
la plupart à l’heure de prise en charge des victimes.
241
Discussion : « faut-il paramédicaliser
le VMS ?  »
Incendie
Cette étude ouvre une réflexion sur le soutien sanitaire
en opération au bataillon. Avec 60 % des interventions
sans victime, le choix d’une médicalisation d’emblée,
d’une sectorisation unique pour le soin d’urgence à
personne et le soutien des pompiers sont remis en cause.
En différenciant le SSO du SUAP, les autres corps de
pompiers s’organisent autrement, comme dans le SDIS
78 ou à la BSPP ici présentés.
Les moyens sanitaires y sont déclenchés par les
opérateurs des centres de traitement des appels en
s’appuyant sur des « trains de départ » prédéfinis et des
logigrammes prenant en compte : la nature du sinistre et
son évolutivité, le nombre de sapeurs-pompiers engagés,
la durée prévisible d’intervention, les contraintes
environnementales (en particulier la météo), et le niveau
d’engagement antérieur des équipes de secours.
Le secteur SSO est hiérarchisé en plusieurs niveaux.
Le 1er niveau est assuré par un VSAV à la BSPP. Un
bilan secouriste est réalisé à tous les pompiers quittant
la zone de remise en condition du personnel (8). Il prend
en compte les valeurs de la fréquence cardiaque, de
la tension artérielle et de la température corporelle et
permet de se prononcer sur le réengagement au feu :
immédiat, différé après 15 min de repos supplémentaires
ou sur la nécessité d’une consultation médicale.
Le 2e niveau est tenu par un infirmier sapeur-pompier
protocolisé au SDIS 78. Intégré au secteur soutien de
l’homme, il se distingue du SUAP. Il accueille les
pompiers dans la phase de réhabilitation. Si la situation
clinique l’impose, les pompiers peuvent être transférés
vers le secteur SUAP. L’infirmier agit en lien avec le
médecin sapeur-pompier d’astreinte. À la BSPP, ce
niveau n’existe pas.
Le 3e niveau est assuré par un médecin pompier.
D’astreinte dans le SDIS 78, il est de garde à la BSPP
(DSM ou AR). Il intervient d’emblée à la demande du
CTA ou après évaluation conjointe de la situation avec
l’officier santé du CTA ou l’infirmier sapeur-pompier
déjà engagé.
Tout comme dans les SDIS où les infirmiers occupent
une place centrale dans le SSO, les infirmiers du Service
de santé des armées assurent le soutien de nombreuses
activités à risques (9) (sauts en parachute, plongées,
manœuvres d’artillerie…) ou de certaines opérations.
Au bataillon, les deux premiers niveaux n’existent
pas. Si cette étude ne permet pas de se prononcer sur
la place du VSAV, elle ouvre une réflexion sur la
paramédicalisation du SSO. Fort de son expérience
d’infirmier militaire, de ses compétences acquises sur
ambulance de réanimation, l’infirmier du bataillon
possède la technicité et l’autonomie pour armer un
véhicule de soutien sanitaire. Comme le spécifient le
guide de bonnes pratiques (10) et Resnier et al. (11), il
peut mettre en œuvre la marche générale des opérations
242
spécifique au soutien sanitaire : reconnaissance
du sinistre, évaluation des risques et des mesures
préventives adaptées, contrôle sanitaire individuel,
surveillance particulière du déblai, surveillance des
pompiers après intervention par le service de médecine
du travail du SDIS. En collaboration étroite avec le
Commandant des opérations de secours (COS) et en
lien avec le DSM d’astreinte, il possède les compétences
pour organiser le soutien et évaluer les besoins en
renforts médicaux.
Si la place du médecin est à discuter, une réflexion
visant à améliorer le SSO lors des opérations de
grandes ampleurs au bataillon doit également être
menée. Probablement du fait de sa médicalisation, le
VMS est perçu, avant tout, par les cadres prenant la
fonction de COS comme un moyen SUAP. Une refonte
de la doctrine avec la création d’un secteur soutien de
l’homme devrait permettre au VMS de recentrer son
action sur le SSO. Cette évolution ne pourra se faire
qu’avec l’apprentissage d’une Marche générale des
opérations (ensemble des étapes suivies par les pompiers
pour lutter contre les incendies) spécifique au soutien
sanitaire. Une refonte de la fiche d’intervention prenant
en compte cette démarche est déjà en cours.
Pré-DSM
Par convention préfectorale, le médecin chef du
bataillon est le directeur des secours médicaux de la ville
de Marseille. Le médecin du VMS occupe une fonction
de pré-DSM dans l’attente de l’éventuel engagement
de celui-ci.
Notre étude relève qu’il a occupé ce rôle 46 fois
(11,4 %) principalement au cours d’incendie d’ampleur
ou lors d’accidents de la voie publique. Dédiée au
médecin du VMS, cette fonction peut également être
confiée aux médecins des ambulances de réanimation
du bataillon grâce à leur culture du « multivictimes ».
Titulaires de la capacité de médecine de catastrophe,
ils suivent dès leur arrivée une semaine de formation
« 1er médecin sur les lieux ».
Les attaques terroristes perpétrées à répétition sur
notre territoire viennent rappeler l’importance de la
fonction de DSM. En organisant avant de soigner, il
recherche le bénéfice collectif plutôt qu’individuel.
Les décisions prisent au cours des premières minutes,
conditionnent le plus souvent le bon déroulement des
opérations de secours. Le VMS offre cette capacité
sans délai.
Intoxications au monoxyde de carbone
Le centre opérationnel des services de secours
et d’incendie de Marseille engage le VMS pour
toute suspicion d’intoxication au CO. L’absence
d’intoxication dans plus de la moitié des interventions et
la quasi-absence d’intoxication grave confirme l’intérêt
d’engager une réflexion sur les critères d’engagement
du VMS. Il est probable qu’en l’absence d’indication
d’envoi d’un SMUR, le déclenchement d’un VSAV et
d’un moyen incendie avec mesure d’ambiance du CO
e. le gonidec
permettrait de réduire le nombre d’intervention sans
intoxication confirmée. Équipées de RAD 57 (oxymètre
de pouls portable capable de détecter la présence de
carboxyhémoglobine), cette mission pourrait également
revenir aux AR du bataillon participant elles aussi à la
surveillance des intoxications au monoxyde de carbone
du plan national santé environnement (12).
Évaluation des pratiques professionnelles
Cette étude permet également d’évaluer les pratiques
professionnelles des médecins prenant la garde sur
le VMS. Elle rapporte en particulier des difficultés
dans la rédaction du compte rendu d’intervention.
Les observations manquantes correspondent aux
interventions sans victime aussi bien pour le SSO, que
pour les suspicions d’intoxication au monoxyde de
carbone, les dispositifs prudentiels ou les alertes pour
les aéronefs en détresse au-dessus ou à l’approche de
l’aéroport de Marignane.
Consultations en heures non ouvrables
Les consultations non urgentes assurées à l’infirmerie
sont renseignées dans les livrets médicaux des pompiers
mais elles ne sont pas répertoriées dans un registre.
Dans le cadre de l’amélioration des pratiques, il en a
été créé un pour les consultations HNO. Il permet de
mieux tracer les accidents en service et d’optimiser les
démarches qui en découlent.
Conclusion
Le véhicule médical de soutien du bataillon de marinspompiers de Marseille est unique en son genre. Crée il y
a 25 ans pour assurer le soutien sanitaire des pompiers
en opérations, ses missions sont aujourd’hui multiples.
Assurant à la fois le soutien sanitaire opérationnel
et le soin d’urgence à personne, le VMS rencontre des
difficultés à se positionner dans sa mission de soutien.
Une réflexion sur le SSO au bataillon permettra de
repenser la place du médecin, aujourd’hui inadaptée
et devra s’attacher par ailleurs, comme les référentiels
l’imposent, à la mise en place d’une marche générale
des opérations.
Le contexte des menaces actuelles, en particulier
terroristes, rappelle toute l’importance de la fonction
de directeur des secours médicaux. Avec le VMS, le
bataillon met à la disposition des Marseillais, un moyen
immédiatement réactif et adapté pour organiser les
secours dans l’attente du médecin-chef, DSM en titre.
Les auteurs ne déclarent pas de conflits d’intérêt
concernant les données présentées dans cet article.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.Loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile,
article  23. https ://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2004/8/13/2004811/jo/texte
2.Bataillon de marins-pompiers de Marseille. Rapport d’activité 2014.
https ://www.marinspompiersdemarseille.com/sites/bmpm/files/
ressources/bmpm-rapport-activite-2014.pdf
3.Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.
Les statistiques des services d’incendie et de secours 2015. http://
www.interieur.gouv.fr/content/download/90819/706317/file/
StatsSDIS15BD.pdf
4.Convention n° 2002-0106/AP-HM relative à la coopération de la ville
de Marseille et de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille
pour le fonctionnement du service mobile d’urgence et de réanimation
du centre hospitalier régional, article 3. 2002.
5.Ordre permanent 2.18 n°34 BMPM/EM/OPS/NP du 6 octobre 2015
relatif à l’armement du véhicule médical de soutien.
6.Instruction permanente 2.3 n°8 BMPM/EM/SANTE du 23 janvier
2012 relative à l’organisation du groupement santé du bataillon de
marins-pompiers de Marseille.
7.Article R1424-24 crée par décret 2000-318 2000-04-07 du 9 avril
2000 du Code général des collectivités territoriales.
le véhicule médical de soutien du bataillon de marins-pompiers de marseille
8.Note circulaire n° 2011-110503 BEP/NC/MB/FC/D2 du 17 juillet
2011 relative à la remise en condition du personnel sur intervention.
9.Instruction n° 600/DEF/DCSSA/PC/MA du 17 juillet 2015 relative
au soutien sanitaire des activités à risques dans les armées.
10.Guide de bonne pratique – Soutien sanitaire opérationnel au sein des
SDIS. 2014. http://docplayer.fr/1216921-Guide-de-bonne-pratiquesoutien-sanitaire-operationnel-au-sein-des-sdis-version-finale-phasede-production-scientifique.html#show_full_text.
11.Resnier F, Chemouni P, Fromentin B, Wyffels F, Steve J.-M.
Le soutien sanitaire opérationnel (SSO). Portail national des
ressources et des savoirs de l’école nationale supérieure des
officiers sapeurs-pompiers. 2016. https ://www.google.fr/
url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web & cd = 3 & ved
= 0ahUKEwiFzfGh3IHPAhXDQZoKHTc1A5sQFggn MAI &
url = http://pnrs.ensosp.fr/content/download/35261/594057/file/
PNRS-Sante_Article_Soutien_Sanitaire_Operationnel.pdf & usg
= AFQjCNG2hDG9_69DQSxVi7bakL3zDDmcWg & sig2 = Gu8P4
n5HCvNxMZxYNU4v4Q
12.Circulaire interministérielle DGS/7 Cn°2004-540 du 16 novembre
2004 relative à la surveillance des intoxications au monoxyde de
carbone et aux mesures à mettre en œuvre.
243
VIENT DE PARAÎTRE
LES ESSENTIELS DE LA RECHERCHE
BIBLIOGRAPHIQUES SANTÉ
Chercher - Organiser - Publier
Évelyne Mouillet
Cet ouvrage regroupe l’essentiel des méthodes et pratiques de la
recherche bibliographique en santé en trois activités : chercher,
organiser et publier. Chaque activité correspond à une partie qui détaille le travail à effectuer
et les outils bibliographiques à connaître pour le réaliser, elle se termine sur la présentation
approfondie de l’outil essentiel.
La première partie présente la méthode de la recherche documentaire dont les modalités sont
communes aux outils bibliographiques en ligne, ainsi que PubMed/MEDLINE.
La deuxième partie montre comment sélectionner références et documents, notamment pour
réaliser une revue systématique. La présentation des mesures bibliométriques permet ce tri
et la mise en place de la veille bibliographique avec EndNote et Zotero.
La dernière partie explique la rédaction bibliographique, pour appeler et présenter des
références dans un mémoire, une thèse, un article. Les règles de Vancouver en sont l’outil
essentiel.
Tout au long du texte sont proposés des recommandations de lecture, des exemples illustrés,
des encadrés récapitulatifs ainsi que 28 exercices pratiques pour s’entrainer et s’évaluer.
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244
Médecine des forces
Soutien médical d’un meeting aérien : une coopération
interministérielle nécessaire
C. Carfantana, L. Quirin-Cesarib, S. Bergzollc, R. Dupontd, M. Gehanta
a Centre médical des armées rationalisé corse, CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex.
b SAMU de Haute-Corse, Centre hospitalier de Bastia, Route Royale – 20600 Bastia.
c Service départemental d’incendie et de Secours de Haute-Corse, Service de santé et de secours médical, Lieu-dit « Casetta » – 20600 Furiani.
d Direction centrale du Service de Santé des Armées, Bureau médecine d’armée, 60, boulevard du général Martial Valin – 75509 Paris Cedex 15.
Article reçu le 22 février 2016, accepté le 27 septembre 2016.
Résumé
La saison des meetings aériens 2015 a connu en Europe trois accidents majeurs entraînant de nombreuses victimes dont
quinze morts. Outre les dangers propres aux évolutions aériennes, l’organisation du soutien médical d’une telle manifestation
doit prendre en compte l’ensemble des éventualités pouvant entraîner de nombreuses victimes. Elle doit s’appuyer sur une
coopération interministérielle ainsi que sur l’aide d’associations agréées de secourisme, et débouche sur un arrêté préfectoral
encadrant la manifestation. Les auteurs exposent la mise en œuvre du soutien médical d’un meeting aérien à partir de
l’exemple du meeting aérien de la base aérienne de Ventiseri-Solenzara qui s’est tenu en mai 2015. Cette manifestation
de grande ampleur permet de tisser des liens importants entre le Service de santé des armées et les organismes de secours
civils corses, dans une zone où le maillage territorial des secours nécessite des coopérations interministérielles pérennes.
Mots-clés : Meeting aérien. Organisation des secours. Plan ORSEC. SAMU. SDIS.
Abstract
MEDICAL SUPPORT OF A FLIGHT SHOW: A NECESSARY INTER MINISTERIAL COOPERATION.
Three major accidents, resulting in many casualties and fifteen dead people happened during the 2015 season of flight shows
in Europe. The medical support teams of such events must take into consideration all the potential dangers which may result
in people being hurt, and not just the dangers specific to flight shows. They must rely on an inter-ministerial cooperation as
well as on the help of registered first aid associations, and a prefectoral order to supervise the show. The authors report on
the implementation of the medical support for a flight show on the basis of the flight show of Ventiseri-Solenzara Military
Airbase in May 2015. This large scale event makes it possible to identify important connections between the Army Health
Service and Corsican civilian relief agencies, in a region where inter ministerial cooperation needs to be long term.
Keywords: Flight show. IDS. ORSEC plan. Relief organisation. SAMU.
Introduction
La base aérienne de Solenzara a accueilli les 30
et 31 mai 2015 un meeting aérien rassemblant trois
patrouilles acrobatiques et de nombreux aéronefs.
C. CARFANTAN, médecin en chef. L. QUIRIN-CESARI,. S. BERGZOLL,.
R. DUPONT, médecin en chef. M. GEHANT, médecin principal.
Correspondance : Monsieur le médecin en chef C. CARFANTAN, Centre médical
des armées rationalisé corse, CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 44, 2, 245-252
Chaque année, des manifestations aériennes sont
organisées au sein de différentes bases aériennes.
L’organisation des secours doit permettre de répondre
au dispositif prévisionnel de secours classique d’une
manifestation accueillant du public et doit garantir une
montée en puissance rapide capable de gérer un afflux
massif de victimes inhérent à un mouvement de foule, un
acte malveillant ou à une catastrophe aérienne. Pour ce
faire, les organisateurs doivent s’appuyer sur le Service
de santé des armées (SSA), le Service départemental
245
d’incendie et de secours (SDIS) et le Service d’aide
médicale urgente (SAMU).
La saison des meetings 2015 avec les accidents
de Brighton le 22 août 2015 (7 morts et 15 blessés),
de Bâle le 23 août 2015 (collision de 2 avions, 1 mort)
et de Cerveny Kamen en Slovaquie le 20 août 2015
(collision de 2 avions lors de la répétition d’un show de
parachutisme, 7 morts et 5 blessés graves) confirme la
nécessité pour les organisateurs de prévoir un dispositif
de secours adapté à l’ampleur de la manifestation et au
contexte sanitaire local.
Catastrophes lors de manifestations
aéronautiques
Les meetings aériens existent depuis le début du
20e siècle. Les risques d’accident sont importants : le
public est souvent important et les démonstrations
d’aéronefs comportent des risques majeurs de par
les contraintes physiques imposées aux pilotes
(accélération, illusions sensorielles) et la haute technicité
des présentations (évolution en patrouille, enchaînement
de figures). On peut ajouter à ces facteurs l’aspect
mécanique avec la présentation en vol de vieux aéronefs
au titre de l’histoire de l’aviation avec des contraintes
importantes sur leurs structures dans des évolutions à
fort facteur de charge.
Ramstein : la prise de conscience
Le 28 août 1988 sur la base militaire américaine
de Ramstein en Allemagne, 3 avions de la patrouille
acrobatique italienne font l’objet d’une collision en vol
tuant 70 personnes et blessant gravement 346 autres.
Près de 1 500 personnes bénéficient de soins médicaux
ou psychologiques.
Malgré ce lourd bilan, tous les blessés sont traités et
évacués en 96 minutes. L’efficacité des secours mis
en œuvre est le résultat d’une planification préalable
et d’une coopération étroite entre les organismes de
secours. Le nombre de véhicules d’évacuation a
lui-même été anticipé. Toutefois, la communication,
l’identification et le suivi des victimes se sont avérés
problématiques (1).
Suite à cet accident, de nouvelles règles de sécurité
sont mises en place à l’échelon international : interdiction
de survol du public, altitude de vol minimale d’évolution
et réglementation de la distance horizontale avec le
public en fonction de la vitesse de l’appareil (2).
Faits récents
Les mesures prises à la suite de la catastrophe aérienne
de Ramstein ont certainement permis d’éviter d’autres
catastrophes. Mais les contraintes tant techniques que
physiques d’un show aérien imposent tout de même
d’anticiper un éventuel d’accident, puisque le risque
nul n’existe pas comme le prouvent deux catastrophes
aériennes récentes :
– 2002 : en Ukraine, à Sknyliv, lors d’une présentation
aérienne réunissant 10 000 spectateurs, un avion
246
s’écrase suite à une erreur de pilotage faisant 77 morts
et 543 blessés ;
– 2011 : aux USA, à Reno, lors d’une course aérienne,
un avion perd un compensateur de profondeur, devient
incontrôlable et s’écrase faisant 11 morts et 79 blessés
graves.
L’organisation d’une manifestation aérienne
s’appuie en France sur deux arrêtés : l’un régissant les
manifestations accueillant du public et l’autre relatif aux
manifestations aériennes.
Cadre législatif
Dispositif prévisionnel de secours, arrêté du
7 novembre 2006 (3)
Toute manifestation accueillant plus de
1 500 personnes doit donner lieu à une demande auprès
du maire de la commune ou au préfet de police pour
Paris. L’organisateur doit remplir un certain nombre
d’obligations, dont celle de « porter assistance et
secours aux personnels en péril » (4). Un référentiel
national annexé à l’arrêté de 2006 (3) permet d’aider les
organisateurs à dimensionner leur dispositif prévisionnel
de secours en fonction de l’affluence attendue et du
lieu de la manifestation. L’arrêté de 2006 fixe la liste
des associations de sécurité civile agréées pouvant
contribuer au dispositif prévisionnel de secours.
L’organisateur doit désigner un interlocuteur unique
du dispositif de secours qui sera l’interface entre
l’organisateur, le Directeur des secours médicaux
(DSM) désigné par le préfet, les autorités d’emploi
des associations agréées et les organismes de secours
extérieurs : le Commandement des opérations de secours
(COS) en cas d’événement majeur.
Les dispositions de ce référentiel sont essentiellement
centrées sur la sécurité du public et ne tiennent pas
compte de la dangerosité des évolutions aériennes et de
la prise en charge des équipages et de leurs mécaniciens
en cas d’accident. À ce titre, l’organisation d’un
dispositif de secours d’un meeting aérien doit tenir
compte des éléments propres aux évolutions aériennes
et aux éventuels baptêmes aériens offerts au public.
L’autorisation de manifestation aérienne est délivrée par
le préfet du département, au regard des éléments fournis.
Arrêté préfectoral d’autorisation de
manifestation aérienne
L’arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations
aériennes (2) encadre l’organisation de ce type
d’événement. Outre la partie concernant l’ensemble
des évolutions aériennes (trajectoires, minutage,
établissement d’un règlement aéronautique), le comité
d’organisation doit en termes de secours :
– « organiser un poste de coordination pour faciliter le
déroulement de la manifestation et prévoir les moyens
de communication adéquats » ;
– « prévoir les moyens de secours et de lutte contre
l’incendie dont la définition et le niveau sont à établir
c. carfantan
en liaison avec la direction départementale des secours
en prenant en compte les infrastructures locales déjà
existantes et les éventuelles facilités ou difficulté
d’accès ».
Un comité d’organisation doit donc travailler en
amont avec l’ensemble des services de secours locaux
pour proposer au préfet un dispositif permettant de
prendre en charge l’accidentologie circonstancielle, les
accidents aériens et les événements majeurs impliquant
de nombreuses victimes (accident aérien, attentat…).
Dispositions particulières ORSEC
La planification de l’Organisation de la réponse de
la sécurité civile (ORSEC) a pour objet de secourir les
personnes, de protéger les biens et l’environnement
en situation d’urgence. Les plateformes aéronautiques
disposent de Plans de Secours Spécialisés intégrés
dans les dispositions particulières du plan ORSEC
départemental depuis la loi de modernisation de la
sécurité civile (5). Ces nouvelles dispositions ont pour
but de simplifier l’organisation des secours et de veiller à
la cohérence des secours en intégrant chaque disposition
particulière à une réflexion globale des secours au niveau
départemental : la montée en puissance des secours doit
être adaptée, anticipée et coordonnée.
Ce dispositif législatif est une aide précieuse à
l’organisation des secours d’un meeting aérien, mais
il demande nécessairement un effort d’anticipation à
l’organisateur pour adopter le dispositif de secours à
la localisation de la manifestation aérienne en tenant
compte des organismes de secours et des centres
hospitaliers locaux.
Anticipation des besoins
La base aérienne de Solenzara a accueilli les 30 et
31 mai le premier meeting aérien français de l’année
2015. Le Service de santé des armées a toujours occupé
une place importante dans l’organisation des soutiens
santé des meetings aériens organisés sur les bases
aériennes de l’armée de l’Air. Une note de la Direction
centrale du SSA de 2015 définit l’action du Service de
santé des armées lors de ces manifestations et désigne
le commandant du Centre médical des armées (CMA)
comme interlocuteur auprès du préfet pour l’organisation
et la mise en œuvre du dispositif de secours d’un meeting
ayant lieu sur une base aérienne de l’armée de l’Air (6).
À ce titre, il doit proposer un dispositif de secours en
relation avec le DSM désigné par le préfet, le SDIS, le
SAMU et les associations de secourismes agréées (3).
La seule voie d’accès est une route nationale à deux
voies. L’île compte un second centre hospitalier à
Ajaccio (côte occidentale, 2 h 20 de route). La base
aérienne s’avère donc être isolée des deux centres
hospitaliers. Une antenne Service mobile d’urgence et
de réanimation (SMUR) est ouverte depuis le 14 juin
2010 à Ghisonaccia à 10 minutes de la base, mais
les Postes médicaux avancés (PMA) des SDIS et les
Postes sanitaires mobiles (PSM) des SAMU sont basés
à Bastia, Ajaccio, Calvi et Sartène et donc au minimum
à 1 h 40 de route. Les durées de vol en hélicoptère sont
respectivement de 25 minutes pour Bastia et 20 minutes
pour Ajaccio.
L’éloignement, la capacité des deux centres
hospitaliers insulaires (rapidement saturés par la
surpopulation printanière et estivale) conjugués à
l’absence de trauma center et de centre de traitement
des brûlés ont imposé dès les réunions préparatoires
initiales de prévoir d’une part, un dispositif permettant
éventuellement une montée en puissance rapide à l’aide
de moyens prépositionnés sur la base aérienne et d’autre
part une capacité de régulation des évacuations par voie
aérienne confiée à un médecin dédié à cette mission.
Communications
La coordination de l’ensemble des intervenants
qu’ils soient militaires et civils (pompiers, hospitaliers
ou secouristes) nécessite des moyens de transmissions
compatibles entre eux et n’interférant pas avec les
moyens radios aéronautiques. Le système INPT
(Infrastructure nationale partageable des transmissions)
nommé Antares® pour les pompiers et la sécurité
civile, paraissant le plus adapté, est retenu. Les bases
aériennes militaires doivent à terme bénéficier de ce
système permettant une interopérabilité accrue en cas
d’événement majeur nécessitant l’engagement des
moyens militaires.
Deux protocoles de transmissions sont mis en place
(fig. 1, 2) : le premier pour le dispositif de secours
classique et le deuxième en cas d’afflux saturant de
blessés induisant la mise en œuvre du plan ORSEC –
nombreuses victimes (ORSEC-NOVI).
Lieu de la manifestation
La Corse est une île montagneuse particulièrement
exposée aux aléas météorologiques et soumise à un
tourisme grandissant, puisqu’en 2014 elle a accueilli
7,4 millions de voyageurs (dont 70 % de mai à septembre)
alors qu’elle ne compte que 320 000 habitants (7).
La base aérienne de Ventiseri-Solenzara est située
dans la plaine littorale orientale de la Corse à 100 km
au sud du centre hospitalier de Bastia (1 h 40 de route).
soutien médical d’un meeting aérien : une coopération interministérielle nécessaire
Figure 1. Ordre de transmission dispositif de secours « classique ».
247
et la nécessité d’optimiser la traçabilité des patients par
l’utilisation dès le ramassage par les équipes de secours
tant militaires que civils de fiches spécifiques, type
Tanit®. (fig. 5) Ces dernières se révèlent suffisamment
résistantes, solides et facilement utilisables par tous les
intervenants.
Figure­ 2. Ordre de transmissions ORSEC-NOVI.
Réunions préparatoires au meeting de l’air
Dès le mois de décembre 2014, des réunions
préparatoires ont lieu afin de présenter un dispositif
cohérent aux services de la préfecture. La base aérienne
étant située à la frontière entre les deux départements
corses, il est demandé au préfet de Haute-Corse la
possibilité de travailler avec les deux SDIS (Haute-Corse
2B et Corse du Sud 2A). Afin de ne pas démunir les
casernes de Haute-Corse et d’augmenter les synergies
insulaires, une demande de besoins matériels et humains
du SDIS-2A est faite par le préfet de Haute-Corse auprès
de l’État-major de zone de défense (EMZD).
Une dernière réunion, au mois d’avril, a validé
l’ensemble du dispositif avec le directeur de cabinet de
la préfecture de Haute-Corse. Ce dispositif a dû tenir
compte des contraintes budgétaires et humaines de
chaque service. Le déploiement préventif sur la base
aérienne de moyens humains et matériels des deux
SDIS et du SAMU 2B a fait l’objet de conventions
avec contreparties financières. Le risque potentiellement
grave d’un crash aérien sur une zone publique ou
d’un accident routier sur l’unique voie d’accès de la
manifestation a incité à prépositionner d’important
moyen sur la base aérienne.
Figure 3. Poste médical avancé lors de l’exercice NOVI. © MC Carfantan SSA.
Figure 4. Pompiers et militaires lors de l’exercice NOVI. © MC Carfantan SSA.
Entraînement
Les dispositions particulières ORSEC de la plateforme
aéronautique de Ventiseri-Solenzara imposent la
réalisation d’un exercice ORSEC-NOVI de façon
régulière (fig. 3, 4). Par ailleurs, l’isolement de la
base aérienne oblige le CMA de Ventiseri-Solenzara à
s’entraîner annuellement avec les moyens de l’armée de
l’Air (pompiers et secouristes de la base) au ramassage,
au tri et la mise en œuvre d’un poste médical avancé
dans l’attente de l’arrivée du SDIS et du SAMU. Dans
le cadre de la préparation du meeting aérien, un exercice
ORSEC-NOVI est réalisé avec les moyens militaires du
site et les moyens civils locaux (SDIS et SAMU).
Cet entraînement confirme le besoin d’avoir des
moyens de transmission communs interconnectables
248
Figure 5. Fiche Tanit®. © Tanit developpement®.
c. carfantan
Le mode opératoire interministériel testé pendant
cet exercice a permis de travailler de façon concertée
et collégiale. Il s’est avéré possible de l’appliquer à
l’occasion du meeting mais aussi pour un quelconque
événement grave qui pourrait survenir à proximité
de la base aérienne. Il est décidé à l’issue que le SSA
assurerait le ramassage et les premiers soins des blessés.
Le SDIS prendrait la direction des secours médicaux
et l’organisation du poste médical avancé (tri et
médicalisation) et le SAMU assurerait les évacuations
en relation avec le Centre de réception et régulation des
appels de Bastia (CRRA).
Mise en œuvre
Moyens prépositionnés sur la base
Du point de vue matériel, les SDIS ont fourni
2 postes médicaux avancés et 5 Véhicules de secours
aux asphyxiés et blessés (VSAB), le SAMU de HauteCorse a déplacé le lot Poste sanitaire mobile (PSM)
première génération de Bastia sur la base aérienne
(médicaments et matériels permettant la prise en charge
de 25 victimes).
Le PMA du SDIS 2A est monté près de la tour de
contrôle dans une position centrale et le PMA du SDIS
2B ainsi que le lot PSM du SAMU sont gardés en
réserve afin de pouvoir les déployer en fonction du lieu
d’une éventuelle catastrophe. Les PMA des SDIS ont
une composition équivalente à un lot PSM de première
génération du SAMU (fig. 6).
Le SDIS 2B a apporté son expertise dans le cadre de la
coordination de tous les moyens de secours avec la mise
en place de son Poste de commandement (PC) de site
mobile et des moyens de transmissions (INPT®) (fig. 7).
Figure 7. Poste de commandement (PC) de site du SDIS 2B. © MC Carfantan SSA.
(3) capable de fournir des secouristes pour une telle
manifestation. Le préfet a autorisé la mise à disposition
de secouristes militaires en validant l’arrêté de
manifestation aérienne qui demande aux organisateurs
de prévoir un dispositif de secours en adéquation. Cet
arrêté est moins contraignant que l’arrêté de 2006 sur
les dispositifs prévisionnels de secours (2).
Le calcul du nombre de secouristes est basé sur le
calcul du Ratio intervenants secouristes (RIS) qui tient
compte du nombre de personnes attendues, de la nature
et de l’accessibilité de la manifestation et du délai
d’intervention des secours publics (3) (tab. I).
La zone publique est divisée en deux secteurs
équivalents. Chaque secteur dispose d’un Poste de
secours avancé (PSA) comprenant 2 tentes équipées
de lits de campagne, 1 ambulance équipée et 2 cantines
dites « catastrophe » permettant de débuter le tri et la
prise en charge des patients en cas d’événement majeur.
Ces cantines sont réalisées dans le but de permettre à
tous les secouristes et personnels du SSA de réaliser les
algorithmes de prise en charge initiale « SAFE MARCHE
RYAN » (tab. II).
Tableau­ I. Calcul du ratio d’intervenants secouristes. D’après le Référentiel
National des Missions de Sécurité Civile.
Formule
Indicateurs
Meeting de
Solenzara
P2 : activité du
rassemblement
0,25 (assis) à
0,40 (debout, dynamique)
Figure 6. Poste médical avancé (PMA) du SDIS 2A. © SGC Dupont Armée de l’Air.
Indice total
de risque
i = P2 + E1 + E2
soutien médical d’un meeting aérien : une coopération interministérielle nécessaire
0,25 (salle) à
0,4 (> 5 ha, pente…)
i = 0,4 + 0,4 +0,4
E2 : délai
d’intervention
Dispositif de secours
La couverture de la zone d’évolution du public est
assurée par des personnels du Service de santé des
armées et des binômes de la sécurité civile de l’Unité
d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de
Corte (UIISC). La Corse n’a pas d’association agréée
E1 : environnement
0,25 (< 10 min) à
0,4 > 30 min
Ratio
d’intervenants RIS = i x (P/1 000)
secouristes
P = public attendu
RIS = 18 = 
1,2 x (15 000/1 000)
249
Tableau­ II. Moyens humains.
L’ensemble du matériel utilisé par le SSA provient des
deux Centres médicaux des armées Corse et de l’antenne
médicale de l’UIISC de Corte. Les consommables
sont pris en charge par la Direction régionale du
Service de santé des armées (DRSSA). Un poste de
secours comprend un lot pédiatrique d’examen et le
centre médical d’examen comprend un lot d’urgence
pédiatrique.
Au niveau humain, chaque secteur comprend une équipe
médicale et 10 binômes de secouristes. Chaque médecin
responsable de secteur peut contacter le médecin-chef
de la base aérienne et/ou le DSM par téléphone (réseau
militaire de la base) ou moyens radio INPT®.
Le recomplètement des postes de secours est fait par
le centre médical d’évacuation ou la pharmacie du SDIS
installé au pied de la tour de contrôle (fig. 8-10).
par voie routière ou par hélicoptère (l’EC-145 de
la sécurité civile pouvant se poser à proximité). Au
niveau humain, l’équipe du CME est composée d’une
équipe du SSA (1 médecin, 1 infirmier et 1 auxiliaire
sanitaire) et d’une équipe du SAMU 2B (1 médecin,
1 infirmier et 1 conducteur ambulancier). Les patients
y sont adressés par les postes de secours avancés après
régulation par le directeur des secours médicaux, les
VSAB du SDIS 2B et 2A faisant les norias sur la voie
Figure­ 8. Plan de la zone dite « public ».
Centre médical d’évacuation (CME)
Situé dans le CMA à l’entrée de la base aérienne,
il permet de préparer les patients à leur évacuation
250
Figures 9 et 10. Postes de secours avancés (PSA). © SGC Dupont Armée de l’Air.
c. carfantan
principale de la base aérienne réservée aux secours.
Le positionnement de l’équipe du SAMU2B au CME
permet une meilleure coordination avec le Centre de
réception et de régulation des appels (CRRA) de HauteCorse de Bastia (fig. 11, 12).
Figure 13. Super Puma treuillant une civière Transaco®. © SGC Dupont Armée
de l’Air.
Réunions de coordination
La manifestation s’est déroulée sur deux jours. Une
réunion de coordination organisée par le médecinchef du CMA et le DSM a eu lieu tous les matins
avant l’ouverture des portes au public, cette réunion
permettant surtout de faire des rappels sur les moyens
de transmissions et la conduite à tenir en cas d’activation
du plan ORSEC-NOVI.
Bilans des deux journées
Figures 11 et 12. Centre médical d’évacuation (CME). © SGC Dupont Armée
de l’Air.
Équipes spécifiques
Deux équipes du SSA sont chargées d’assurer le
secours au profit des équipages des aéronefs : la première,
localisée avec les pompiers de la base au pied de la tour
de contrôle, est chargée d’assurer le soutien de la piste
aérienne en cas d’accident sur la zone de l’aérodrome.
La seconde est prête à décoller avec l’équipe Search
and Rescue (SAR) en cas d’éjection d’un pilote en mer
ou en dehors de la zone de l’aérodrome (fig. 13). Une
équipe de sauveteurs-plongeurs opérationnels de l’armée
de l’Air est positionnée au niveau de l’étang situé en
bout de piste afin de pouvoir récupérer immédiatement
l’équipage d’un aéronef en cas d’amerrissage.
L’affluence des deux jours a été moins importante
qu’attendue (12 000 personnes sur les deux jours).
Les consultations dans les postes de secours ont
essentiellement été en relation avec la chaleur
(dermatologie) et de la petite traumatologie. Le CME a
accueilli deux personnes pour des malaises sans gravité
et il n’y a pas eu d’évacuation secondaire vers les
centres hospitaliers. L’ensemble du dispositif a permis
un mélange des cultures interministérielles, ainsi qu’au
sein du SSA avec l’intégration d’une équipe du CMA de
Calvi, et une mise en commun des procédures pouvant
laisser présager d’une bonne complémentarité des
services de secours en cas d’événement majeur touchant
la Corse (fig. 14, 15).
Poste de commandement opérationnel
(PCO)
Situé à proximité du poste de commandement du
meeting et du PC de site du SDIS 2B, le PCO travaille
« en miroir » avec le Centre opérationnel départemental
(COD) de la préfecture de Haute-Corse. Dans le cadre
de l’organisation des secours, un médecin du SAMU2B
est présent afin de coordonner les évacuations médicales
avec le CRRA et le Directeur des secours médicaux
(DSM) en cas d’activation du plan ORSEC-NOVI.
soutien médical d’un meeting aérien : une coopération interministérielle nécessaire
Figure 14. Nombre d’entrées.
251
Figure 15. Motifs de consultations.
Conclusion
Les manifestations aériennes accueillant du public
sont des manifestations à haut risque comme l’a
malheureusement démontré l’année 2015, avec trois
accidents majeurs en Europe. Cela confirme la nécessite
de prévoir des dispositifs de secours en tenant compte
de l’importance du public, mais aussi du risque
aéronautique.
Du fait de l’insularité et de l’isolement de la base
aérienne, l’organisation d’un meeting sur Solenzara
nécessite en plus d’un dispositif prévisionnel de secours,
des moyens prépositionnés capables de mettre en œuvre
un plan NOVI-ORSEC et d’organiser les évacuations
médicales par voie routière et aérienne.
Cette organisation interministérielle, où chaque
administration a un rôle prédéterminé, permet des
échanges riches pouvant s’avérer utile pour une zone
comme la Corse où les deux centres urbains concentrent
l’essentiel des moyens de secours et où le caractère
montagneux et le réseau routier insuffisant allongent
les délais d’intervention.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.Martin TE. The Ramstein airshow disaster. J R Army Med Corps.
1990 Feb ; 136 (1) : 19-26.
2.Ministère de la Défense, de l’Équipement, des Transports et
du Tourisme, de l’intérieur. Arrêté du 4 avril 1996 relatif aux
manifestations aériennes (NOR : EQUA9600491A).
3.Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire. Arrêté du
7 novembre 2006 fixant le référentiel national relatif aux dispositifs
prévisionnels de secours (NOR : INTE0600910A).
4.Premier ministre. Décret n° 97-646 du 31 mai 1997 relatif à la mise
en place de service d’ordre par les organisateurs de manifestations
sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif (NOR :
252
INTD9700133D).
5.Premier ministre. Loi 2004-811 du 13 août 2014 de modernisation
de la sécurité civile (NOR : INTX0300211L).
6.Direction centrale du Service de santé des armées. Rôle du Service
de santé des armées pour les meetings au profit de la fondation
des œuvres sociales de l’air. 2015. Report No. : N° 505657/DEF/
DCSSA/PC/MA.
7.Institut national de la statistique et des études économiques. Bilan
de l’activité du tourisme en Corse. 2015. http://www.insee.fr/fr/
publications-et-services/default.asp?page=collections-regionales/
corse/publications.htm
c. carfantan
Médecine des forces
Activité pédiatrique d’une antenne dans un « désert médical »
C. Carfantan, A. Doucelance, PY. Pegaz, R. Beaurain, M. Gehant
Centre médical des armées rationalisé corse, CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex.
Résumé
Le contexte démographique médical dans lequel est implantée l’antenne médicale de Solenzara a créé une situation propice au
développement d’une activité de consultation pédiatrique au profit des familles des militaires. L’adhésion du commandement
de la base défense et de la Direction régionale du Service de santé des armées ont permis d’avoir les moyens nécessaires
à la mise en œuvre de ce projet qui fut rapidement un succès comme le montrent les chiffres croissants de consultation
entre 2012 et 2015. Cette activité mobilisant chacun des acteurs de l’antenne médicale, du secrétaire au médecin en passant
par les infirmiers et auxiliaires sanitaires, est une activité en équipe valorisante et utile pour la formation professionnelle
continue. Bénéfique également en termes de confiance des militaires envers l’institution et d’image du Service de santé dans
les forces, elle a également permis une réduction de l’absentéisme en lien avec ces consultations réalisées antérieurement
de façon exclusive dans le secteur civil.
Mots-clés : Désert médical. Modèle 2020 du SSA. Pédiatrie. Simulation.
Abstract
THE PAEDIATRIC ACTIVITIES OF A MEDICAL UNIT IN A ‘MEDICAL DESERT’.
The medical demographic contexts in Solenzara were favourable to the development of paediatric consultations in the
Military Medical Centre for servicemen and women. The Military authorities provided specific means for this project,
which quickly turned out to be a success. The medical activities required the skills of every military health professional, and
resulted in invaluable team work. It was instrumental in increasing the trust in, and notoriety of the French Military Health
Service, and in reducing the rate of absenteeism caused by appointments made previously within the civilian Health Service.
Keywords: Paediatric. Simulation. French Military Medical Service model 2020. Medical desert.
Introduction
Les unités soutenues par les antennes médicales
des Centres médicaux des armées (CMA) sont très
différentes : l’armée d’appartenance et la mission
opérationnelle influent directement sur la nature du
soutien médical à mettre en œuvre. Leur position
géographique peut elle aussi avoir des conséquences
sur ce soutien, et entraîner la nécessité de proposer une
diversification de son offre médicale et paramédicale
afin de répondre aux préoccupations quotidiennes du
C. CARFANTAN, médecin en chef, praticien confirmé. A. DOUCELANCE, médecin
principal, PY. PEGAZ, médecin des armées. R. BEAURAIN, infirmier en soins
généraux de 2e grade. M. GEHANT, médecin en chef, praticien confirmé.
Correspondance : Monsieur le médecin en chef C. CARFANTAN, Centre médical
des armées rationalisé corse, RN 198 CS 10001 Ventiseri – 20223 Ghisonaccia Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2017, 45, 2, 253-258
militaire et du commandement. Ainsi, depuis 2012,
l’Antenne médicale (AM) de Solenzara a développé une
offre de soins pédiatriques.
Nous développerons successivement le contexte ayant
abouti à la mise en place de cette consultation spécifique.
Dans un second temps, nous aborderons les moyens et le
cadre permettant cette ouverture, que nous apprécierons
par l’intermédiaire d’un relevé d’activité depuis 2012.
Pour finir, nous replacerons cette spécificité dans le
contexte quotidien de la mise en œuvre des CMA et du
maintien en condition opérationnelle toujours prégnant
du personnel du Service de santé des armées (SSA).
Contexte
La Corse, destination fort appréciée par les vacanciers,
n’a pas que des côtés plaisants pour le personnel
253
militaire affecté sur l’île. Sa géographie complique
beaucoup les déplacements. Le cadre de vie rural ne
facilite pas l’installation des jeunes médecins en dehors
des deux centres urbains que sont Ajaccio et Bastia
qui concentrent la moitié de la population insulaire
(350 000 habitants en hiver, auxquels s’ajoutent jusqu’à
3,5 millions de touristes entre mai et septembre) (1).
« Désert Médical »
L’antenne médicale de Solenzara, antenne du CMA
rationalisé corse, soutient principalement la base
aérienne 126 de Ventiseri-Solenzara et les brigades de
Gendarmerie à proximité (1 400 personnes). L’antenne
médicale se situe dans une zone de très faible densité
médicale (fig. 1) à 1 h 30 de route du centre hospitalier de
Bastia et 3 h 00 de celui d’Ajaccio. Implantée en pleine
zone rurale, la base aérienne n’est entourée que de vastes
communes peu peuplées et dépourvues de médecin en
nombre suffisante. Cette carence est notamment majeure
sur le domaine pédiatrique avec une seule praticienne
pour toute la plaine orientale (11 pédiatres référencés
en Corse dont 1 seule hors de Bastia et Ajaccio) (2).
pour l’instant pas abouti, l’Agence régionale de santé
(ARS) étant peu encline à porter des projets « politisés »
ou ne faisant pas l’unanimité chez les médecins libéraux
insulaires.
Cette faible densité médicale a toujours permis à
l’antenne médicale d’avoir une activité de médecine
générale variée avec l’ensemble des militaires et leur
famille. L’ouverture à la pédiatrie doit donner lieu à
un projet plus global permettant d’accueillir les enfants
dans des conditions satisfaisantes (réfection des salles
de soins, matériels spécifiques) et de s’assurer de la
continuité de l’offre proposée tout au long de l’année
(assentiment des praticiens des armées affectés à
l’antenne médicale au projet).
Adhésion des commandants de la base de
défense
Confronté à un absentéisme inhérent aux consultations
dans le secteur civil pour leurs enfants et aux jours dits
« enfant malade », le commandant de base de défense
a tout de suite compris l’intérêt de cette démarche
d’ouverture vers les familles des militaires. Ce soutien du
commandement a permis de rénover la salle d’urgence
et la salle de soins de l’antenne médicale (fig. 2), mais
aussi de faciliter l’accès à l’antenne médicale située dans
l’enceinte de la base aérienne par la réalisation de badge
annuel au profit des familles.
Figure 2. Rénovation des salles de soins.
Projet d’établissement 2014-2018 du CMA (3)
Figure 1. Densité médicale en Corse en janvier 2016 (2) (d’après l’Ordre
départemental des médecins).
De nombreux projets de maisons médicales sont portés
par les maires des communes mitoyennes du CMA afin
d’accroître l’offre médicale et paramédicale, mais n’ont
254
Axe stratégique du projet d’établissement du CMA,
cette activité a permis d’accélérer la réfection de
l’antenne médicale.
L’exercice de la pédiatrie nécessite l’implication et
l’adhésion de l’ensemble des catégories de personnel
(médecin, infirmier, mais aussi auxiliaire sanitaire) pour
accueillir, expliquer, calmer ou rassurer enfant(s) et
parent(s), participant ainsi à la valorisation du travail
de chacun autour d’une démarche de soins commune
et une activité de soins variée et gratifiante. C’est un
atout pour la cohésion et la considération du personnel.
c. carfantan
Mise en œuvre
Formation du personnel
Le cursus de médecine générale impose depuis 2004 la
réalisation d’un stage dans un service d’urgences et d’un
stage dans un service de pédiatrie et/ou de gynécologie
au cours de l’internat permettant à l’ensemble des
praticiens d’avoir lors de leurs formations initiales des
compétences en pédiatrie générale et d’urgence.
Les médecins de l’antenne médicale ont tous réalisé la
formation « prise en charge des urgences pédiatriques »
qui comprend un enseignement numérique et un
enseignement présentiel avec la réalisation de mises
en situation avec simulation au sein du Centre
d’enseignement et de simulation à la médecine
opérationnelle (CESImMO) de l’École du Val-de-Grâce,
un praticien a suivi la formation du diplôme universitaire
de gestes d’urgences en pédiatrie de l’université de
Poitiers. Ces deux formations présentent l’avantage
d’être pragmatiques et complémentaires des formations
de médecin de l’avant, utilisant des algorithmes de type
MARCHE (4, 5). La réalisation des simulations permet
de mettre en place un projet pédagogique précis, de
travailler et de progresser dans des prises en charge
dont l’occurrence peut s’avérer rare pour un médecin
militaire travaillant en antenne (« jamais la première fois
sur un patient ») (6, 7). Une convention avec le Service
départemental d’incendie et de secours de HauteCorse (SDIS-2B) permet d’emprunter leur mannequin
de simulation haute-fidélité de façon ponctuelle afin
d’entretenir ces compétences.
La formation des praticiens est complétée par la
réalisation de gardes mensuelles au sein des urgences du
centre hospitalier de Bastia qui accueillent les urgences
pédiatriques de Haute-Corse. Outre la formation
continue des praticiens et l’encadrement du personnel
paramédical par des instructions régulières, l’accueil
d’une consultation pédiatrique nécessite des adaptations
dans le planning quotidien.
médicale d’organiser le temps dédié aux familles sans
répercussions sur la disponibilité du service médical pour
le soutien des militaires. Dans le cadre de l’urgence, les
enfants sont accueillis directement à l’antenne médicale,
de préférence après contact téléphonique.
L’astreinte héliportée de l’antenne impose, en heures
non ouvrables, une astreinte à une heure pour un
médecin et un infirmier. Cette équipe peut être rappelée
en heures non ouvrables par l’officier de permanence
de la base aérienne ou revenir lorsqu’un enfant vu en
consultation en heures ouvrables doit bénéficier d’un
examen de contrôle.
Pratique raisonnée et concertée
Le travail en antenne médicale présente l’avantage
d’être collectif et permet une continuité de soins,
d’échanger sur les situations cliniques et d’harmoniser
les pratiques au plus près des dernières recommandations
officielles. Cela permet un suivi rapproché comme dans
les épisodes fébriles (motif fréquent de consultation),
et de convoquer les enfants toutes les 48h en cas
d’absence de foyer bactérien évident afin de les
réexaminer complètement, limitant ainsi l’utilisation
des antibiotiques par exemple. De la même façon, les
enfants sont déshabillés, pesés et mesurés d’autant plus
facilement que nos services disposent d’auxiliaires
sanitaires et d’infirmières (fig. 3). Le personnel et des
salles de soins adaptées permettent à une antenne d’avoir
une approche clinique quasi hospitalière.
Ouverture de l’antenne et particularités de
l’antenne
L’ouverture de l’antenne aux enfants des ayants droit
nécessite un accueil permanent tout au long de l’année
afin de mettre en place un suivi apprécié par les familles,
mais aussi d’avoir une activité continue, formatrice
pour les praticiens. Si la consultation n’était ouverte
que de façon discontinue, nous ne recevrions que les
rares urgences.
Ainsi, nous nous sommes efforcés de proposer des
consultations au profit des familles pendant les heures
ouvrables de la base aérienne afin que la démarche
initiée avec les familles soit pérenne.
La présence permanente de deux médecins à l’antenne
médicale de Solenzara que nécessite l’activité de la
base aérienne (astreinte héliportée et soutien de la
plateforme aéronautique) a facilité la réalisation de
ces visites. Les familles prennent rendez-vous pour les
consultations programmées, ce qui permet à l’antenne
activité pédiatrique d’une antenne dans un « désert médical »
Figure 3. Consultation médicale.
Mise à disposition d’un lot pédiatrique par la
Direction régionale
Devant l’activité croissante de l’antenne médicale
dans un contexte persistant d’isolement vis-à-vis des
structures hospitalières, la Direction régionale du
Service de santé des armées de Toulon a octroyé à
255
l’antenne médicale en 2015 un budget afin d’équiper la
salle d’urgence d’un lot pédiatrique (réalisé à partir du
lot pédiatrique poste médical 14 du SSA) permettant
la mise en condition d’un enfant potentiellement grave
avant l’arrivée de l’équipe du SMUR (fig. 4). Ce lot
permet aussi de compléter le lot de secours héliporté
d’un kit pédiatrique et s’inscrit directement dans la
continuité de l’enseignement d’urgences pédiatriques
suivi au CeSImMO.
Figure 5. Nombre annuel de consultations pédiatriques (2016 ne comprend que
10 mois).
Figure 6. Évolution trimestrielle des consultations pédiatriques entre début 2015
et le 3e trimestre 2016. ( Nombre de praticiens sur l’antenne médicale).
Figure 4. Nouvelle salle d’urgence avec matériels pédiatriques.
Nouveaux affectés
Les affectations de septembre demeurent le meilleur
moyen de tisser des liens avec les familles. Lors de la
journée des arrivants, le maillage santé corse et l’antenne
médicale sont présentés par un médecin de l’antenne,
portant à la connaissance des nouveaux affectés d’une
consultation pédiatrique. La campagne à la rentrée
scolaire des certificats de non contre-indication aux
activités sportives permet aussi de rencontrer les familles.
Figure 7. Répartition des âges des enfants suivis.
Activités depuis 2012
Évolution de l’activité depuis 2012
Le nombre de consultations pédiatriques augmente
depuis 2012 avec près de 650 consultations réalisées
en 2015 (fig. 5). L’année 2016 connaît une petite baisse
inhérente à la présence d’un seul médecin présent sur
l’antenne sur deux trimestres du fait de formations et
d’opérations extérieures (fig. 6). Les familles continuent
de venir, mais cette configuration oblige à baisser le
nombre de créneaux de consultations sur rendez-vous
et a des conséquences sur l’activité pédiatrique globale.
Âge des consultants
La répartition des âges s’avère assez homogène
(fig. 7). La proportion de nourrissons est relativement
importante (25 %) et assez représentative du manque de
pédiatre dans la plaine orientale.
256
Motifs de consultation
Les motifs de consultation sont marqués par une part
non négligeable de demande de rédaction de certificats
de sport et de vie en collectivité (fig. 8) surtout à
l’officialisation de cette consultation. Cette activité
moins valorisante demeure importante pour tisser des
liens avec les parents pouvant aboutir à un suivi et
malgré un mois de septembre souvent chargé, il a été
décidé d’essayer de les absorber au maximum chaque
année. Les motifs de consultation sont en corrélation
avec une consultation de médecine générale pédiatrique.
La pathologie oto-rhino laryngée, surtout virale, est
le premier motif de consultation. Ce dernier paraît être
un motif simple, mais qui peut prendre beaucoup de
temps, car il faut persuader les parents de l’inutilité
d’un grand nombre de médicaments et de l’importance
des désobstructions rhino-pharyngées souvent perçues
comment douloureuses (8).
c. carfantan
Figure 8. Motifs de consultation pédiatrique sur l’antenne médicale.
Conséquences sur l’activité de
l’antenne et des praticiens
Maintien d’une activité de soins valorisante
et utile
Cette activité permet de proposer une activité de
soins pérenne et d’impliquer l’ensemble du personnel
de l’antenne de l’auxiliaire sanitaire au médecin. La
reconnaissance des familles motive le personnel qui
adhère complètement en augmentant spontanément le
nombre de créneaux et en participant à l’amélioration de
la capacité d’accueil de l’antenne par une gestion efficace
des rendez-vous permettant d’accueillir les militaires et
leur famille, tout en garantissant la réalisation des visites
médicales réglementaires.
L’accueil des enfants des militaires a eu des
conséquences directes sur l’activité de soins au profit des
militaires, l’antenne étant désormais réellement perçue
comme un acteur de soins au service des militaires. Cette
proximité participe à une relation « soutenant-soutenus »
cohérente, reconnue et permettant d’avancer sur des
dossiers globaux importants pour le CMA (infrastructure
par exemple), car outre la participation à la mise en
œuvre du modèle 2020 du SSA, elle participe aussi au
bon fonctionnement de la base aérienne et des unités
soutenues.
Compétences pour l’activité opérationnelle
Dans les zones de conflits, les enfants représentent
une proportion significative des traumatismes rencontrés
en zone de guerre et les soignants doivent être prêts à
soigner cette population (9-11). L’engagement actuel
dans la Bande sahélo-saharienne (BSS) est caractérisé
actuellement par une volonté de mettre en avant les
cinq pays partenaires. Cela se caractérise souvent lors
des opérations par la mise en œuvre quasi systématique
d’Aides médicales à la population (AMP) conjointes avec
un médecin local. L’AMP est faite quasi exclusivement
au profit des enfants. Une activité quotidienne de
pédiatrie paraît donc importante dans le cadre du
maintien des compétences du médecin militaire toujours
très volontaire à aider et exercer une médecine pratiquée
depuis longtemps par nos anciens outre-mer (12).
activité pédiatrique d’une antenne dans un « désert médical »
De la même façon, l’antenne médicale de Solenzara
assure une astreinte héliportée conjointe avec
l’escadron d’hélicoptères de l’armée de l’Air au profit
de l’Organisation internationale de l’aviation civile
(OACI) en cas de perte d’un aéronef et de l’Organisation
maritime internationale (OMI) pour secourir des
naufragés, blessés ou malades en mer. Ces missions sont
très diverses et peuvent donner lieu à des prises en charge
où la pédiatrie ne peut être improvisée (13). En ce qui
concerne les enfants suivis sur l’antenne, nous avons été
amenés à évacuer trois enfants vers le centre hospitalier
de Bastia, le SAMU étant déjà engagé et n’ayant pas de
possibilité de transport : deux par hélicoptère (accident
de quad à forte cinétique et convulsions hyperthermiques
avec trouble de la conscience persistant) et un par voie
routière (purpura fébrile).
Conclusion
Le « désert médical » où est située l’antenne médicale
de Solenzara a permis le développement d’une activité de
consultation pédiatrique. Activité valorisante et reconnue
du commandement et de la population soutenue, elle n’a
pu voir le jour que du fait d’une forte demande comme le
montre le nombre croissant des consultations entre 2012
et 2015 et de l’investissement quotidien de l’ensemble
du personnel de l’antenne médicale.
Le commandement de la base aérienne 126 et la
Direction régionale du Service de santé des armées de
Toulon ont joué un rôle majeur dans le développement
de cette activité, permettant d’avoir les moyens de nos
ambitions (salles de soins et d’urgence rénovées, lot
pédiatrique et matériels spécifiques au sein de l’antenne
médicale) et de fournir au militaire au soutien de qualité.
Elle a également permis de réduire l’absentéisme
en lien avec les consultations pédiatriques réalisées
antérieurement systématiquement dans le secteur civil.
Outre le maintien des compétences en médecine
générale, elle a permis d’ancrer l’antenne médicale au
cœur du parcours de soins des militaires et d’augmenter
la proximité avec la population soutenue et leur
confiance vis-à-vis de l’antenne médicale, participant
à une image positive du Service de santé des armées
dans les forces.
257
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c. carfantan
Médecine des forces
Implication du Service de santé des armées dans l’aide médicale
urgente en mer : point de situation métropolitain en 2016 et
perspectives d’avenir
E. Dulaurenta, C. Carfantanb, B. Schneiderc, L. Lelyd, L. Corgiee, P. Guénotf
a Centre médical des armées de Bordeaux-Mérignac, antenne médicale de Mont-de-Marsan.
b Centre médical des armées rationalisé Corse, antenne médicale de Solenzara.
c Frégate anti-sous-marine Primauguet, Force d’action navale de Brest
d Centre médical des armées de Brest, antenne médicale de Lanvéoc-Poulmic.
e Centre médical des armées de Toulon, antenne médicale de Hyères-Aéro.
f Centre médical des armées de Bordeaux Mérignac, antenne médicale de Cazaux, BP 70413 – 33164 La Teste Cedex.
Résumé
Historiquement en charge de la recherche et du sauvetage des aéronefs en détresse aux côtés des équipages aéronautiques
militaires, les médecins et infirmiers du Service de santé des armées assurent également en milieu maritime le secours
médicalisé héliporté sur l’ensemble du littoral métropolitain français. Cette mission de service public est placée au cœur de
la médecine des forces car transposable aux théâtres d’opérations extérieures. Or, depuis 2013 et la création des services
mobiles d’urgence réanimation maritimes, les équipes du Service de santé des armées se sont vus reléguées à un rôle de
supplétif malgré leurs compétences et leur savoir-faire. Toutefois le modèle « SSA 2020 » en particulier à travers son aspect
« Ouverture » assure au Service de santé des armées les conditions optimales pour lui permettre de garder sa position d’acteur
majeur de ce domaine. La sanctuarisation des compétences en médecine d’urgence des équipes médicales militaires en charge
de cette mission apparaît comme l’une des mesures principales qui assurerait d’atteindre cet objectif.
Mots-clés : Aide médicale urgente en mer. Maritime. Secours héliporté. Service de santé des armées (SSA).
Abstract
THE INVOLVEMENT OF THE FRENCH MILITARY HEALTH SERVICE IN THE EMERGENCY MEDICAL AID AT SEA: THE
METROPOLITAN SITUATION IN 2016 AND PROSPECTS
Historically in charge of the Defense Search and Rescue Missions, alongside the military aeronautical crews, the doctors
and nurses of the French Military Health Service (SSA) have, in particular, provided Helicopter Medical Assistance at sea.
This Public Service mission is at the core of the military medical teams’ activity because it is transferable to the theatres
of external operations. Since 2013 and the creation of Maritime Medical Emergency Teams by the Civilian Public Health
Authorities, the SSA teams have been considered incidental, despite their experience and their savoir faire. However, the
new strategic “SSA 2020” model, particularly because of its “Openness” provides the SSA with the best conditions to keep
its key position. In order to achieve this goal, it seems essential to preserve the skills of Emergency Medicine within the
military medical teams in charge of helicopter medical aid at sea.
Keywords : French Military Health Service. Helicopter rescue. Medical emergency.Sea.
Introduction
Avec près de 20 000 kilomètres de côtes et la deuxième
zone économique exclusive du monde, la France est sans
conteste une puissance maritime. À ce titre, elle exerce
sa souveraineté sur son territoire maritime à travers
E. DULAURENT, médecin en chef, praticien. C. CARFANTAN, médecin en chef,
praticien confirmé. B. SCHNEIDER, médecin, praticien. L. LELY, médecin en chef,
praticien confirmé. L. CORGIE, médecin principal. P. GUÉNOT, médecin principal.
Correspondance : Monsieur le médecin principal P. GUÉNOT, Centre médical des
armées de Bordeaux Mérignac, antenne médicale de Cazaux, BP 70413 – 33164 La
Teste Cedex.
E-mail : [email protected].
médecine et armées, 2017, 45, 2, 259-266
l’action de l’État en mer dont l’un des domaines majeurs
est « la sauvegarde des personnes » (1).
En raison de leurs vecteurs adaptés et de leurs
personnels formés, les forces armées jouent un rôle de
premier ordre dans l’organisation et la mise en œuvre
du secours en mer. C’est à ce titre que les équipes
médicales du Service de santé des armées (SSA) font
figure d’acteur majeur de ce domaine. Or, les évolutions
récentes de la réglementation de l’aide médicale en
mer tendent à rendre plus difficile leur participation
à cette mission considérée pourtant comme « cœur de
métier ». Le modèle « SSA 2020 » en particulier dans
sa dimension « ouverture » est un outil essentiel qui
259
doit permettre de pérenniser voire renforcer la place du
service de santé des armées dans ce domaine.
Les auteurs envisagent donc ici d’établir un état des
lieux de l’organisation de l’aide médicale en mer et de
l’implication du SSA sur le territoire métropolitain.
Ils proposent ensuite une analyse des difficultés que
rencontre le SSA et proposent quelques voies de
réflexions.
Aide médicale en mer
Imprévisible et indomptable, la mer est un milieu
périlleux où l’Homme ne saurait évoluer en toute
sécurité. Ainsi, la population des gens de mer est la plus
exposée du monde du travail avec un taux d’accidents
sept fois supérieur aux ouvriers du bâtiment (2, 3). Et,
malgré les progrès technologiques croissants, chaque
année apporte son lot de fortunes de mer et de naufrages
meurtriers.
Historique
Depuis toujours consacré par l’usage, le sauvetage
en mer n’a vraiment pris naissance qu’en 1823 avec la
création en Angleterre de la Royal National Life Boat
Institution. Fondée sur les valeurs d’entre-aide et de
solidarité, il s’est formalisé tout au long du xxe siècle
pour aboutir notamment à la signature en 1979 de la
convention de Hambourg qui pose les bases de son
organisation internationale (4). La France applique ce
texte fondateur. Toutefois, elle va plus loin et organise à
son niveau dès 1983 l’aide médicale en mer (5) absente
de la convention. Ces dernières années la densification du
trafic maritime en particulier touristique, les exigences
sociétales et les enjeux de santé publique sont à l’origine
de l’accélération considérable du développement
réglementaire et normatif de l’aide médicale en mer
(6, 7) comme en témoigne la révision de l’organisation
de l’aide médicale en mer en 2011 (8), la nomination
des Services d’aide médicale urgente (SAMU) de
coordination médicale maritime (SCMM) et la création
des Services mobiles d’urgence réanimation maritimes
(SMUR-M) en 2013 (9) ou l’attribution d’enveloppes
budgétaires dédiées en 2014 (10). Le service public de
santé a également structuré son corpus documentaire
technique en particulier à travers l’édition en 2013 par la
Société française de médecine d’urgence d’un référentiel
de bonne pratique (11).
Toutefois certaines situations sont exclues du cadre
sémantique de l’aide médicale en mer. C’est le cas de
l’assistance médicale immédiate par un bâtiment d’état ;
des procédures en vigueur sur les navires de guerre ;
des sinistres majeurs (organisation de la réponse de la
sécurité civile - ORSEC) ; des accidents de plongée…
Organisation (4-18)
L’action de l’état en mer dont la « sauvegarde des
personnes » est un domaine à part entière, est placée
sous l’autorité du préfet maritime. L’aide médicale en
mer s’appuie ainsi sur une organisation interministérielle
où les acteurs agissent en pleine coordination.
Les centres régionaux opérationnels de surveillance
et de sauvetage
Les Centres régionaux opérationnels de surveillance et
de sauvetage (CROSS) sont des établissements relevant
du ministère du Développement. Ils ont notamment
pour missions la surveillance de la navigation, des
pollutions et des pêches maritimes ainsi que la diffusion
des renseignements de sécurité maritime. Équivalent
français des Maritime Rescue Coordination Center
(MRCC) définis par la convention de Hambourg
(4), ils sont donc destinataires de l’ensemble des
informations susceptibles de justifier le déclenchement
d’une opération de sauvetage, d’évacuation ou de
déroutement. En fonction de ces éléments, le chef de
mission Search and rescue (SAR) déclenche, dirige
et coordonne les éventuelles opérations de secours.
Pour ce faire, à travers un système de « conférence à
trois », il est en communication étroite et permanente
(fig. 1) avec le navire et les acteurs médicaux (Centre
de consultation médical maritime – CCMM et SAMU
de coordination médicale maritime – SCMM). Il est
également habilité à solliciter le concours de tous moyens
d’intervention maritimes ou aériens, militaires comme
civils (hélicoptères des bases aéronavales, de l’armée
de l’Air, bâtiments de la Marine nationale, protection
civile, douanes, gendarmerie nationale, société nationale
de sauvetage en mer – SNSM).
Cinq CROSS se répartissent les eaux territoriales
métropolitaines et participent aux échanges
internationaux : Gris-Nez et Jobourg pour la zone
Manche-mer du Nord ; Corsen pour la zone Manche
ouest et Atlantique Nord (surveillance accrue du
Rail d’Ouessant) ; Etel pour la façade Atlantique ; la
Concept
Actuellement, l’aide médicale en mer est fondée sur la
consultation radio-médicale (5-8) et consiste en la prise
en charge par un médecin de toute situation de détresse
humaine survenant parmi les membres de l’équipage,
les passagers ou les simples occupants d’un navire
de commerce, de pêche ou de plaisance français ou
étrangers ainsi que des bâtiments des flottilles civiles
de l’État, à la mer.
L’action va d’un simple conseil jusqu’à l’organisation
de l’intervention d’une équipe médicale sur le navire,
suivie en cas de nécessité de l’évacuation du patient.
260
Figure 1. Fiche d’alerte du CROSS.
e. dulaurent
Garde pour la mer Méditerranée (renforcé par le centre
d’Aspretto pour la surveillance de la Corse).
Le Centre de consultation médicale maritime
(CCMM)
Créé en 1983 (5) et institué en 1995 (12) « Centre de
consultations et d’assistance télémédicales maritimes »,
le CCMM assure un service permanent et gratuit pour
tout marin ou personne embarquée à bord d’un navire
français ou étranger situé dans la zone de responsabilité
maritime française. Peuvent également bénéficier de son
concours tous les marins français situés dans le monde
entier profitant ainsi des facilités d’échange dans leur
langue maternelle.
Un médecin urgentiste assure donc une permanence
de consultation à distance et de régulation médicale.
L’intégralité de son activité est tracée et peut comporter
la télétransmission de données numériques telles qu’un
électrocardiogramme ou des images. Au-delà de
répondre à une demande initiale, le médecin du CCMM
est également en mesure d’effectuer le suivi des patients
au cours de consultations itératives. Enfin, il diffuse des
formations paramédicales aux marins portant sur les
actes de prévention, les dotations médicales de bord et
les télécommunications.
Au total, en fonction de la gravité de la pathologie, de
son degré d’urgence et des possibilités de soins à bord,
il propose au capitaine du navire une conduite à tenir
codifiée qui va de la poursuite des soins à bord (avec
ou sans déroutement) jusqu’à l’évacuation (médicalisée
ou non).
Les SAMU de coordination médicale maritime
(SCMM)
Déterminés en 2011 (8) puis désignés en 2013
(9), les quatre SCMM métropolitains sont des unités
fonctionnelles des SAMU 76B (Le Havre), 29 (Brest),
64A (Bayonne) et 83 (Toulon). Conformément aux
missions des SAMU, les SCMM reçoivent les appels
de demande d’aide médicale 24h/24h et 7j/7j. Ils
organisent en lien avec les CROSS dans le délai le plus
court possible, la réponse médicale la mieux adaptée à la
nature de la demande du CCMM (2e conférence à trois).
Pour cela, ils désignent les équipes médicales et en fixent
la composition. Enfin, ils s’assurent de la disponibilité
des moyens d’hospitalisation publics ou privés adaptés à
l’état du patient, font préparer son accueil, et organisent
son transport du point de débarquement à l’établissement
de soins (SMUR terrestre, Véhicule de secours et
d’assistance aux victimes – VSAV).
Les SMUR-Maritimes (SMUR-M)
Annoncés en 2011 (8) puis désignés en 2013 (9), les
SMUR-M sont des unités fonctionnelles des SAMU des
départements côtiers. Leurs équipes sont composées
d’un médecin et d’un infirmier volontaires, qualifiés
en médecine d’urgence et entraînés à la prise en charge
pré-hospitalière aéro-maritime avec un matériel adapté
(13, 15).
Le tableau I (9) montre la répartition des SCMM et
SMUR-M officiellement désignés.
Tableau I. Répartition 2013 des SCMM et SMUR-M.
Autres acteurs
Les quatre organismes décrits précédemment, piliers
de l’organisation des opérations de secours et de
sauvetage, peuvent également faire appel à d’autres
acteurs reconnus de l’aide médicale en mer. Ces
partenaires interviennent selon des spécificités locales :
– les différentes autorités militaires en charge du
commandement opérationnel des équipes médicales du
SSA et des vecteurs aéronautiques (Marine nationale,
armée de l’Air, Gendarmerie nationale, Douanes,
Sécurité civile) ;
– les acteurs bénévoles des moyens nautiques de la
SNSM et de tout navire à la mer en mesure de participer
aux sauvetages ;
– les Centres opérationnels et services départementaux
d’incendie et de secours (CODIS-SDIS), les SAMUSMUR côtiers, les établissements de soins.
Procédure effective de la réalisation d’une
évacuation médicalisée héliportée
Une fois qu’une intervention médicale à bord d’un
navire est prescrite par le CCMM, l’intervention des
équipes des SMUR maritime ou du SSA et la réalisation
de l’évacuation héliportée (fig. 2) se décomposent en
4 étapes principales (16,18) :
Figure 2. Organisation schématique d’une aide médicale en mer.
implication du service de santé des armées dans l’aide médicale urgente en mer : point de situation métropolitain en 2016 et perspectives d’avenir
261
– une phase d’alerte et de régulation au cours de
laquelle s’effectuent les « différentes conférences à
trois  » ;
– une phase de recueil par le médecin d’intervention
(auprès des CCMM et SCMM) et le commandant de
bord de l’hélicoptère (auprès du CROSS et de son
commandement organique propre) des informations
nécessaires pour l’évaluation de la situation aéromaritime
sur place et de l’état de santé du patient ;
– une phase de sauvetage : la plus périlleuse. Le
médecin et l’infirmier doivent en effet s’adapter à de
nombreuses contraintes. Celles-ci sont principalement
liées à l’isolement et aux conditions d’intervention
(exiguïté, bruit, vibrations, mal de mer et de l’air,
météorologie, hélitreuillage, communication difficile)
entraînant un temps de médicalisation parfois réduit ;
– une phase de transfert vers un centre hospitalier avec
la poursuite de la médicalisation dans des conditions
exigeantes pendant la phase de vol retour.
Missions et moyens
Les équipes médicales sont composées d’un médecin
et d’un infirmier. Elles tiennent l’alerte 24h/24h et
7j/7j, avec un délai entre l’alerte et le décollage de 15
minutes en heures ouvrables et d’une à deux heures
en heures non ouvrables. Même si le médecin n’est
pas systématiquement diplômé en médecine d’urgence,
l’entraînement spécifique au milieu aéromaritime
(fig. 3), la coopération avec les équipages des vecteurs
aéronautiques (pilotes, mécaniciens, sauveteursplongeurs…) et la formation médicale continue,
notamment pré-hospitalière, à la prise en charge des
urgences médico-chirurgicales garantissent un haut
niveau de technicité et de qualité des interventions
médicalisées.
Bilan d’activité
Les bilans d’activités des CROSS (19) métropolitains
font état pour l’année 2015 de 4 008 interventions de
recherche et sauvetage. La répartition géographique était
assez homogène sur l’ensemble du littoral. Les moyens
de secours étaient le plus souvent nautiques dans 62 %
des cas puis terrestres dans 28 %, et enfin aéronautiques
dans 10 %.
En ce qui concerne les acteurs médicaux, les données
sont plus difficiles à recueillir (17, 18, 20). Le CCMM
rapporte environ 3 405 téléconsultations pour l’année
2014. Pour les SCMM un peu moins de 800 affaires
de régulation ont concerné l’aide médicale en mer
en métropole en 2015. Elles ont donné lieu à 479
décisions de prise en charge avec 19 % d’évacuations
médicales (EVAMED), 30 % d’évacuations sanitaires
(EVASAN) et 51 % de soins à bord avec ou sans
déroutement. Le moyen aéronautique était le plus
utilisé : Marine nationale, Sécurité civile et armée de
l’Air. La répartition du type de pathologies variait selon
les SCMM avec globalement 50 % de médecine et 50 %
de traumatologie. La répartition géographique montrait
44 % pour la zone Manche-Mer du Nord, 32 % pour
la zone atlantique et 24 % pour la zone Méditerranée.
Implication du Service de santé des
armées
En charge prioritairement de la mission SAR (21,
23) qui consiste à la recherche et au sauvetage des
équipages des aéronefs militaires ou civiles en détresse
(Organisation internationale de l’aviation civile –
OACI), les forces armées ont de tout temps également
joué un rôle de premier ordre dans le secours en
mer en raison de leurs personnels formés et de leurs
vecteurs adaptés (rayon d’action, autonomie et emport
importants ; capacité de vol et d’hélitreuillage de nuit…).
Les équipes médicales du SSA soutenant ces unités ont
donc toujours été naturellement en charge de conduire
le volet médical de ces interventions (24, 25).
262
Figure 3. Hélitreuillage du médecin. © MP Rebardy.
Le matériel médical (fig. 4) est fourni par le SSA avec
un effort particulier sur la miniaturisation. Les éléments
de sécurité (harnais…) et de protection individuelle
(bouchons auditifs, combinaison étanche, casque de vol,
gants…) sont alloués par les armées (Marine nationale
et armée de l’Air).
Organisation locale
Actuellement six structures médicales du SSA
impliquées dans la mission SAR, se répartissent
l’activité d’aide médicale en mer sur l’ensemble des
façades maritimes métropolitaines. Chacune d’elle
détient un mode de fonctionnement propre en fonction
des unités soutenues et de leur relation avec les acteurs
locaux du service public de santé.
Il s’agit de :
– l’antenne médicale (AM) de Cherbourg du Centre
médical des armées (CMA) de Rennes pour la Manche ;
– l’AM de Lanvéoc-Poulmic du CMA de Brest pour
l’Atlantique Nord et rail d’Ouessant ;
e. dulaurent
l’été 2016. Depuis, les missions sont assurées à l’aide
d’un hélicoptère de dernière génération « NH 90 »,
sous l’autorité des CROSS Gris-Nez et Jobourg, et
en coordination avec les CCMM et SCMM du Havre.
Le plateau technique du Centre hospitalier (CH) de
Cherbourg étant parfois insuffisant, de nombreuses
interventions sont régulées à destination des CH
du Havre, Centre hospitalier universitaire (CHU) de
Caen, Lille, Rennes et Brest (caisson hyperbare).
L’AM de Cherbourg réalise actuellement plus 60 %
des interventions médicalisées en Manche Mer du Nord.
L’isolement géographique de la flottille et de l’AM
de Cherbourg par rapport aux CH et leurs antennes
SAMU rend difficile la création à court terme d’un
SMUR Maritime.
Figure 4. Exemple de lot d’intervention médicale. © MP Guénot.
– les AM du centre médical des armées de RochefortCognac pour la façade Atlantique ;
– l’AM de Cazaux du CMA de Bordeaux-Mérignac
pour l’Atlantique Sud ;
– l’AM de Hyères-aéro du CMA de Toulon pour la
Méditerranée ;
– l’AM de Solenzara du CMA rationalisé de Corse
pour la Corse et la Méditerranée.
Leur répartition est illustrée par la figure n° 5.
Le SSA est également impliqué dans le plan
« Organisation de la réponse de la sécurité civile »
(ORSEC) maritime à travers les équipes « santé » du
Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM),
seule unité en France dotée et capable de mettre en œuvre
l’Unité médicale d’intervention maritime (UMIM) (26).
CMA Brest – AM Lanvéoc-Poulmic
L’AM de Lanvéoc-Poulmic assure, en coordination
avec les CROSS Corsen et Etel, CCMM et SCMM
de Brest, la mission d’aide médicale urgente en mer
pour la façade Bretagne et le rail d’Ouessant, à bord
d’un hélicoptère « NH 90 » de la Marine nationale
(fig. 6). Créé en 2013, le SMUR-M de Brest a permis
le rapprochement de l’AM de Lanvéoc-Poulmic et le
SAMU de Brest par le biais d’une convention finalisée en
juillet 2016 (27). Celle-ci prévoit notamment le partage
des alertes entre ces deux structures géographiquement
proches au rythme de 60 % SSA et 40 % au SMUR-M
de Brest. Diverses difficultés techniques persistent à ce
jour pour la mise en œuvre pratique. L’AM garde à sa
charge exclusive les déclenchements SAR OACI (24).
CMA Rennes – AM Cherbourg
En charge de l’aide médicale en mer pour la façade
Manche Est et la Mer du Nord, du Mont-Saint-Michel
à la frontière belge, l’AM de Cherbourg armait un
hélicoptère « EC 225 » de la Marine nationale jusqu’à
Figure 6. Hélicoptère « NH 90 » de la Marine nationale. © Marine nationale.
CMA Rochefort-Cognac (28)
Figure 5. Cartographie métropolitaine des principaux acteurs de l’aide médicale
en mer.
Depuis 2014, le système d’astreinte des équipes
médicales militaires du Centre médical des armées
Rochefort-Cognac a disparu au profit d’une insertion
complète au service des urgences et SMUR du CH de
La Rochelle, au travers d’une convention avec la Direction
régionale du SSA (DRSSA) de Bordeaux. Les médecins
urgentistes militaires des antennes de Rochefort, Saintes
et Cognac participent aux gardes au SMUR terrestre du
CH de La Rochelle, et sont préférentiellement projetés
implication du service de santé des armées dans l’aide médicale urgente en mer : point de situation métropolitain en 2016 et perspectives d’avenir
263
avec un hélicoptère « SA 365 Dauphin » de la Marine
nationale (fig. 7) en cas de déclenchement d’une mission
d’aide médicale en mer. Cette mutualisation efficiente
semble être un exemple abouti de coopération civilomilitaire, même si le nombre et la disponibilité des
médecins urgentistes militaires restent restreints.
Figure 8. Hélicoptère « SA 330 Puma » de l’armée de l’Air. © MP Guénot.
seuls personnels embarqués sur les bâtiments de la
Marine nationale. Un hélicoptère « SA365 Dauphin »,
puis « NH 90 » à l’horizon 2017, est mutualisé avec
les équipes du SMUR-M de Toulon, en charge des
interventions civiles en milieu maritime.
Figure 7. Hélicoptère « SA 365 Dauphin » de la Marine nationale. © Marine
nationale.
CMA Bordeaux-Mérignac – AM Cazaux
(24, 29)
L’AM de Cazaux médicalise un hélicoptère « SA330
Puma » de l’armée de l’Air (fig. 8), dédié à la recherche
et au sauvetage des équipages et aéronefs en détresse
dans le sud-ouest de la France.
Les équipes médicales militaires participent également
à l’aide médicale en mer pour la façade atlantique sud,
entre les zones de responsabilité des SMUR-M de
La Rochelle et Bayonne. L’AM poursuit une étroite
collaboration avec le SCMM 64 et le SMUR terrestre
d’Arcachon. Néanmoins, aucun projet de mutualisation
plus approfondi n’est actuellement envisagé à court terme.
CMA Corse – AM Solenzara (24, 30)
Comme à Cazaux, les équipes médicales militaires
assurent conjointement les missions de SAR et d’aide
médicale en mer pour la façade méditerranéenne sud
et Corse, à bord d’un hélicoptère « SA 330 Puma »
de l’armée de l’Air. Le plateau technique du CH de
Bastia s’avérant parfois insuffisant, elles soutiennent
également les missions de transfert médical secondaire
de patients vers le continent (CHU de Marseille, CH
de Toulon, caisson hyperbare…). L’AM entretient une
étroite collaboration avec les acteurs civils de santé. À
ce jour, la création d’un SMUR maritime Corse n’est
pas envisagée à court terme.
CMA Toulon – AM Hyères-aéro (20, 31)
L’AM de Hyères-aéro assure l’alerte d’aide médicale
en mer pour la façade méditerranéenne au profit des
264
Discussion (32)
L’Aide médicale urgente en mer (AMUM) est un
domaine historique du SSA. Elle reste plus que jamais
une véritable activité opérationnelle dite « cœur
de métier » puisque directement transposable aux
théâtres d’Opérations extérieures (OPEX). En effet,
la médicalisation pré-hospitalière héliportée en milieu
isolé et périlleux est une mission princeps des équipes
médicales militaires projetées (évacuations médicalisées
par hélicoptères de manœuvre — HM MEDEVAC).
Or, sur le territoire national, depuis la désignation des
SMUR-M en 2013 (7), les équipes du SSA se trouvent
reléguées à un statut d’acteur optionnel. D’une mission
articulée autour de l’expertise des équipes du SSA
dans l’exercice médical en milieux aéro-maritime, les
autorités de santé priorisent aujourd’hui l’engagement
de moyens dédiés à l’intervention médicale d’urgence
mis en œuvre par des médecins spécialistes de ce
domaine. Ce nouveau paradigme rend ainsi plus difficile
la participation des équipes du SSA qui ne rentrent pas
toujours dans le cadre normatif édicté. En effet, les
centres médicaux des armées actuellement impliquées
dans l’AMUM ne comptent pas systématiquement
dans leurs effectifs de médecin considéré comme
« urgentiste » par le Service public de santé (SPS).
Au final, les équipes médicales militaires pourraient
donc voir les équipages des hélicoptères dont elles
soutiennent les activités tout au long de l’année et avec
lesquelles elles sont déployées en OPEX, mener sur le
territoire national en compagnie d’équipes médicales
civiles une activité opérationnelle comparable à celle
qu’elles mènent en opération.
Pourtant, la place effective des équipes du SSA
dans le domaine de l’AMUM reste encore quelque
peu préservée. Tout d’abord parce que le savoirfaire et l’expérience des équipes du SSA sont encore
unanimement reconnus (9, 16-18). Ensuite parce que
e. dulaurent
les membres des équipes civiles et militaires ont tissé
entre eux depuis longtemps des liens solides personnels
et confraternels. Ainsi, de nombreux praticiens et
infirmiers militaires participent à titre individuel au
fonctionnement des SAMU et des Services d’accueil
des urgences (SAU) tandis que certains membres des
équipes de ces services œuvrent activement au sein de
la réserve opérationnelle du SSA. Au-delà de ces deux
aspects, le SSA reste encore un acteur de l’AMUM car
les équipes des CH des façades maritimes poursuivent
leur adaptation à cet exercice sensible et périlleux. Ainsi,
l’appréhension des contraintes des milieux maritime et
aéronautique nécessite au-delà d’une formation, une
véritable expérience et un vrai volontariat. De même,
les spécificités techniques de la médicalisation en milieu
hostile maritime rendent souvent difficile l’application
des préceptes de la médecine d’urgence en SMUR
terrestre (13). Enfin, même si la nécessaire qualification
à l’embarquement et à l’hélitreuillage sur les vecteurs
du ministère de la Défense est réalisable, l’obtention
d’habilitations (protection du Secret) concernant les
vecteurs de dernière génération fait figure de réelle
problématique.
Toutefois, au vu de l’importance des moyens alloués,
le processus institué par l’instruction de 2013 (7) semble
s’inscrire durablement dans le sens de l’histoire. Aucune
des contraintes décrites précédemment ne semble
insurmontable pour le SPS et les seules relations
humaines ne suffiront pas à garantir au SSA sa place
dans l’AMUM. Le SPS pourrait donc à plus ou moins
long terme se passer des équipes du SSA et faire appel
aux vecteurs aéronautiques militaires pour y transporter
leurs propres équipes médicales.
Effectuant cette analyse et profitant d’un terrain
encore favorable, le SSA tente de garantir une partie
de sa participation à l’aide médicale en mer à travers
la signature de conventions. Ces accords assurent
par exemple l’intégration des médecins diplômés
en médecine d’urgence aux équipes de gardes des
SAMU-M (CMA de Rochefort) ou bien encore la
répartition de l’astreinte entre équipes civiles et
militaires (CMA de Brest) ; les équipes du SSA gardant
en propre la responsabilité de la SAR OACI. Par leur
caractère institutionnel, ils scellent la relation SSA-SPS
dans ce domaine. Toutefois, leur hétérogénéité et leurs
conditions d’application souvent délicates les fragilisent.
Le modèle « SSA 2020 » (33) doit permettre de remédier
à ces difficultés et ainsi sanctuariser la place de SSA
dans l’AMUM.
Perspectives d’avenir (32)
Le projet de service et le modèle « SSA 2020 » (33)
à travers leur dimension « ouverture » visent à faire du
SSA un acteur à part entière du SPS, conscient de ses
devoirs et de ses droits. Cette démarche partagée par le
ministère de la Santé et de la Défense trouve dans l’aide
médicale d’urgence en mer la meilleure des applications.
Il s’agit là pour chacune des parties, pour qui l’AMUM
est un enjeu stratégique, de se retrouver autour d’un
projet commun.
Pour le SSA, une piste de réflexion consisterait en la
sanctuarisation au sein des antennes médicales en charge
de l’aide médicale urgente en mer, de compétences en
médecine d’urgence reconnues du SPS. À la parfaite
maîtrise des contraintes des milieux aéronautique et
maritime, le SSA ajouterait ainsi l’expertise nécessaire
en médecine d’urgence. Il répondrait alors de la
meilleure des façons au cadre réglementaire imposé.
La présence pérenne et en nombre suffisant de médecins
urgentistes dans ces antennes permettrait également
d’armer peut-être plus aisément des postes d’évacuation
médicale héliporté en OPEX avec des praticiens
urgentistes, formés aux spécificités de la médecine de
guerre et habitués aux conditions d’évacuation extrêmes
ainsi qu’aux élongations importantes. Il serait alors
possible d’imaginer le développement d’un parcours
professionnel au sein des filières aéronautique et
aéronavale. Cette organisation pourrait également être
associée à une formation continue partagée avec les
instances universitaires et donc accessible aux équipes
civiles des SMUR-M. Dans cette dynamique, des projets
de recherche clinique communs ne manqueraient pas de
voir le jour, le SSA bénéficiant là encore de la force du
système national de l’enseignement supérieur.
Pour le SSA, le constat de la diversité des approches,
de l’engagement, des relations avec les autorités locales
civiles et militaires plaide également pour la désignation
d’un référent national militaire sur ce sujet. Ce praticien
aurait pour mission de créer et d’animer un réseau, de
veiller au partage et à la mise en œuvre des bonnes
pratiques, d’assurer une veille technique. Ce dernier
pourrait trouver sa place au sein de l’échelon milieu
« aéronautique » de la future direction de la médecine
des forces. Au plus près des états-majors, il pourrait
travailler à la fluidité des procédures de déclenchement
des secours qui diffèrent selon les armées (22, 23, 32). Il
ferait également office dans son domaine de relais entre
les armées et les autorités du SPS. Il pourrait ainsi veiller
aux évolutions des doctrines d’emploi des capacités
héliportées que les armées consacrent de manière
pérenne ou épisodique aux missions de Service public.
Car si la Marine nationale à travers sa fonction « gardecôtes » sanctuarise certains de ses vecteurs pour ces
missions (hélicoptère « Dauphin »), le constat est tout
autre pour l’armée de l’Air qui priorise l’emploi de ses
hélicoptères à la mission SAR au profit des équipages
et aéronefs en détresse en métropole (22, 23) et à la
Recherche et sauvetage au combat (RESCo) en OPEX.
L’ouverture doit également passer par une démarche
de rapprochement de la part du SPS. Ainsi, conscients de
leur rôle dans le soutien des équipes médicales projetés
en OPEX, les centres hospitaliers faciliteraient plus
facilement l’accès des praticiens comme des infirmiers
militaires aux services d’urgence (SAMU-SMUR-SAU).
Les SAMU identifiant officiellement un véritable
vivier de compétences dans les CMA pourraient
également s’adresser à eux afin de réaliser des missions
héliportées avec les vecteurs des SAMU ou de la sécurité
civile. Cette procédure permettrait aux équipes du SSA
d’intervenir plus souvent et fournirait aux régulateurs
des SAMU une option supplémentaire.
implication du service de santé des armées dans l’aide médicale urgente en mer : point de situation métropolitain en 2016 et perspectives d’avenir
265
Conclusion
Fort d’une histoire où les compétences du SSA sont
reconnues et soulignées par l’ensemble des acteurs et
bénéficiaires, la pérennité de la participation de ses
équipes à l’aide médicale en mer dépend à moyen
terme de sa capacité à devenir et à rester un acteur à
part entière du SPS. De la part du SSA, cette démarche
passe probablement par la sanctuarisation d’un nombre
suffisant de postes de médecins qualifiés en médecine
d’urgence dans les antennes médicales qui participent
à l’aide médicale en mer. De la part du SPS, il s’agit
de prendre en compte le savoir-faire du SSA et
définitivement intégrer le soutien qu’il se doit d’apporter
au SSA afin de lui permettre d’assurer en tous lieux et
en toutes circonstances sa mission régalienne. Au-delà,
la participation des médecins et infirmiers du SSA à
l’AMUM s’intègre naturellement aux réflexions que
le SSA mène sur à la place des soins d’urgence au sein
de la médecine des forces et la juste reconnaissance par
le SPS des compétences des équipes du SSA dans ce
domaine.
Remerciements au MC N. Granger-Veyron.
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt
concernant les données présentées dans cet article.
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relative à l’organisation du secours, de la recherche et du sauvetage
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services publics ne relevant pas du ministère de la Défense ou sur
ordre du ministre de la Défense dans l’intérêt des armées.
23.État-Major des Armées. Protocole relatif aux moyens aériens de
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entre le ministère de la Défense et des anciens Combattants et le
ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports
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médecine aéronautique, CPEMPN – HIA Percy, le 9 décembre 2016.
32.Compte-rendu N° 1-0160/DRSSA.BX/SP du 13 juillet 2016, relatif à
la réunion aide médicale en mer et secours maritimes du 4 mai 2016.
33.Modèle du SSA 2020 : N° 500154/DEF/DCSSA/PS du 4 janvier 2016.
e. dulaurent
Médecine des forces
Le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies
au cours de la crise de Suez – Opération « Mousquetaire » —
Novembre 1956
F.-M. Grimaldi, P.-J. Linon, L. Aigle
Résumé
Les auteurs relatent l’organisation et la chronologie du soutien santé d’une opération internationale majeure menée par les
Français et les Anglais en novembre 1956 lors de la crise de Suez. Ils évoquent le soutien des unités engagées au sol après
parachutage mais aussi lors de l’assaut amphibie et reviennent plus particulièrement sur le dernier saut opérationnel réalisé
par une antenne chirurgicale parachutiste. Ils décrivent l’état des pertes, la prise en charge des blessés et la gestion de leur
évacuation. Enfin au regard des engagements récents ils évoquent l’importance stratégique pour le Service de santé des
armées de disposer de cette capacité de largage d’une composante santé afin de conserver la capacité « d’entrer en premier »
y compris par la 3e dimension.
Mots-clés : Antenne chirurgicale parachutiste. Crise de Suez. Opération aéroportée. Soutien médical.
Abstract
MEDICAL SUPPORT OF AIRBORNS AND AMPHIBIOUS OPERATIONS DURING SUEZ CRISIS « MUSKETEER » OPERATIONNOVEMBER 1956.
The authors describe the organisation and chronology of the medical support of the international operation lead by the
French and the British in November 1956, during the Suez crisis. They relate the medical support of units engaged in field
fighting after they were air-dropped, as well as after the amphibious assault and more specifically they go over the last
operational parachute jump realized by a surgical unit. They describe the casualties, the care of the wounded soldiers and
the management of their evacuation. Finally, in view of the recent engagements, they refer to the strategic importance for
the French Medical Health Service to be able to drop a medical support unit, and in doing so retain their capacity to be the
“first to enter” and make History.
Keywords: Airborne operation. Medical support. Para field surgical team. Suez crisis.
Introduction
Depuis 1869, le Canal de Suez relie la Méditerranée
à la Mer Rouge. Dirigeant de l’État égyptien, le colonel
Nasser nationalise cet axe hautement stratégique de
manière autoritaire et unilatérale le 26 juillet 1956.
F.-M. GRIMALDI, médecin-général (2s), ancien chirurgien des hôpitaux des armées.
P.-J. LINON, colonel® du CTA du SSA. L. AIGLE, médecin en chef, professeur agrégé
de l’École du Val-de-Grâce.
Correspondance : Monsieur le médecin général F.-M. GRIMALDI, Monsieur le
médecin en chef L. Aigle.
E-mail : [email protected] ou [email protected]
médecine et armées, 2017, 44, 2, 267-276
Dans les jours qui suivent, les gouvernements français
et anglais envisagent une « expédition punitive », en
concertation avec Israël. C’est le début de l’opération
« Mousquetaire » qui regroupe l’ensemble des opérations
navales, aériennes et terrestres franco-britanniques (1).
La composante terrestre française s’articule autour
d’une force d’intervention issue en grande partie de
la 10e Division parachutiste (10e DP), commandée par
le général Massu. Elle aura pour mission de mettre
en œuvre une opération amphibie et une Opération
aéroportée (OAP). Cette opération « Amilcar »
donne le nom de « Force A » aux troupes françaises.
L’orthographe « Hamilcar » pour les Anglais explique le
marquage « H » peint en blanc sur les véhicules (fig. 1).
267
Figure 1. Jeep du 2e RPC avec le « H », marquage de l’opération Hamilcar et un
hélicoptère Bell 47 venant chercher des blessés. (ECPAD).
Préparation et planification du Soutien
Santé de la 10e DP
En juillet 1956, la 10e DP, stationnée en Afrique
du Nord, vient d’être créée à partir du Groupement
parachutiste d’intervention, le GPI. Le médecin
commandant Richaud était le médecin chef du GPI
depuis le 6 septembre 1955.
Entré à l’École du Service de santé militaire (ESSM)
de Lyon en 1932, Francis Richaud est médecin lieutenant
en 1939. Affecté au 27 e Régiment de tirailleurs
algériens, la guerre s’achève pour lui le 20 mai 1940,
après les combats de Wassigny (Aisne) où il est fait
prisonnier. Son action au feu au secours des blessés
lui vaut l’attribution de la croix de guerre 39-45 avec
citation à l’ordre de la brigade. Libéré en 1941, il rejoint
la résistance.
Le 5 septembre 1946, il passe le brevet parachutiste
(BP 6758) à Mont-de-Marsan et est muté en unité
parachutiste jusqu’en 1949. Il ne revient dans les Troupes
aéroportées, les TAP, qu’en 1955, comme médecin-chef
du GPI. Le 1er juillet 1956 lors de la constitution de la
10e DP, il devient directeur du Service de santé de la
division.
Richaud participe activement à la préparation du
débarquement amphibie et de l’OAP. Deux régiments
sont désignés pour intervenir lors de l’assaut amphibie :
le 1er Régiment étranger de parachutistes (1er REP) et le
2e Régiment de parachutistes coloniaux (2e RPC). Le
1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (1er RCP) et le
3e RPC resteront en réserve à Chypre et n’interviendront
qu’en renfort. Il rédige dans le courant du mois
d’octobre 1956 une « Note d’organisation générale et
de fonctionnement du Service de santé dans la zone de
la 10e DP » (2).
« Il prévoit un infirmier par engin de débarquement.
Immédiatement après leur débarquement sur les plages 1
et 2, les médecins-chefs du 1er REP et du 2e RPC devront
chacun installer leur Poste de secours (PS). Leur mission
268
sera « d’assurer les soins urgents et de mettre en état
d’évacuation » les blessés regroupés dans des « nids à
blessés protégés des feux de l’ennemi ».
Les évacuations se feront par Landing craft vehicule
personnel (LCVP) au nombre de deux par plage, vers
« le bateau-hôpital, la Marseillaise croisant au large ».
Seules les extrêmes-urgences et les 1res et 2e urgences
seront évacuées. Les blessés légers seront traités et
gardés sur place.
La 405e Compagnie médicale parachutiste de la 10e DP
(405e CMP) installera, sur la plage où elle débarquera,
un élément léger de triage-réanimation-transfusion.
Il assurera les premiers soins et le regroupement des
blessés en attente d’évacuation médicale par hélicoptère
ou par LCVP. Par la suite, elle déploiera une section
de triage et une section d’hospitalisation, renforcées
secondairement par l’hôpital de campagne.
Tous les personnels de la 405e CMP et de l’Antenne
chirurgicale parachutiste de la 10e DP (ACP 10), sont
rapidement pré-alertés.
Le médecin commandant Collodin vient de prendre
le commandement de la 405e CMP.
Ancien élève de l’ESSM, Promotion 1935, Roger
Collodin soutient sa thèse sur « Les fractures isolées de
l’aile iliaque » en juillet 1939. Affecté en août 1939 au
166e Régiment d’Infanterie de Forteresse, sur la ligne
Maginot dans le secteur de Rohrbach-lès-Bitche, il n’a
même pas eu le temps de passer par l’École d’application
du Val-de-Grâce. Le 18 juin 1940, il participe avec son
unité aux combats sur le canal de la Marne au Rhin.
Sa bravoure au combat, lui fera attribuer la croix de
guerre 39-45 avec citation à l’ordre de la division. Fait
prisonnier le 22 juin 40, il le restera jusqu’en mars 1944.
Affecté à Marseille puis muté au 1 er RCP en
janvier 1946, il passe le brevet parachutiste en avril
(BP N° 5689), et rejoint en Indochine la demi-brigade
de marche parachutiste. Après avoir commandé la
75e compagnie médicale aéroportée en 1950, il devient
médecin chef du 11e Choc, à Perpignan puis en Algérie
de 1951 à 1956. Désigné pour prendre le commandement
de la 405e CMP, il y arrive le 4 août 1956. Chevalier
de la Légion d’Honneur, il est déjà titulaire de quatre
citations.
Le 1er juillet 1956, l’Antenne chirurgicale mobile
parachutiste (ACMP), commandée par le médecin
capitaine Guichardière depuis janvier 1956, est rattachée
à la 10e DP et devient l’ACP 10.
De la promotion Lyon-Section coloniale 1945, André
Guichardière, « La Guiche » pour ses camarades, rejoint
l’Indochine en juin 1952, après son stage de Médecine
tropicale à l’École d’application du Service de santé
des Troupes coloniales au Pharo à Marseille. Affecté au
2/24 RMTS, le 2e Bataillon du 24e Régiment de Marche
de tirailleurs sénégalais à Haiphong, son comportement
et son action pour sauver « ses » blessés font qu’il est
décoré de la croix de guerre des Théâtres d’opérations
extérieurs (TOE) avec citation à l’ordre du corps
d’armée. Attiré par la chirurgie et le parachutisme, il
effectue successivement en 1954, un stage chirurgical de
quatre mois à l’Hôpital Lanessan à Hanoï, puis passe le
brevet parachutiste en mai 1954 (BP 88099). Après son
retour en métropole, il est muté en 1955, à Marrakech, au
f.-m. grimaldi
Maroc, successivement au 2e Bataillon de parachutistes
coloniaux (BPC) puis au 6e RPC. Reçu à l’assistanat
de chirurgie et nommé chef de l’ACMP, il quitte le
protectorat en novembre 1955 pour l’Algérie.
Au cours du 1er trimestre 1956, il fait l’inventaire du
matériel technique de l’antenne reçu du magasin général
du Service de santé de Châteauroux. En mai, fort de son
expérience indochinoise, il propose un complément de
dotation en médicaments, réclamant de la strychnine,
« nécessaire dans la réanimation moderne », de la
tifomycine et de la streptomycine « à l’heure actuelle
d’un usage courant en chirurgie abdominale », de l’éther
anesthésique, de l’huile camphrée. Il recommande
surtout le fractionnement du matériel en trois lots : un lot
parachutable « réanimation-transfusion » de 250 à 300 kg,
permettant la réanimation ou les gestes de sauvetage des
blessés intransportables, un lot parachutable de matériel
chirurgical de 8 à 900 kg et enfin un lot d’hospitalisation
non parachutable. Le poids total de l’ensemble est
important, de près de quatre tonnes.
Prévoyant l’emploi de l’antenne « très éloigné de sa
base ou d’une maintenance appropriée », il reprend avec
son équipe la totalité du conditionnement. Il répartit
l’échelon de réanimation et d’urgence vitale, dans une
vingtaine de paniers en osier imperméabilisés, le reste
étant mis dans des caisses en bois.
Le 22 juin, il participe à un saut d’exercice avec
largage des personnels et du seul panier de réanimation
N° 2. Allant immédiatement « aux résultats », il
constate que le cloisonnement du panier en osier a été
parfaitement efficace. Aucun objet en verre n’a souffert :
« plasma sec, ampoules, caféine, éphédrine, morphine,
phénergan, solucamphre, seringues ». Il conclut à
l’attention du médecin commandant Richaud : « Tout
ce matériel fragile est arrivé au sol, sans une ampoule
cassée, aucune détérioration n’est à signaler ». La mise
à niveau opérationnel de l’ACMP lui vaut une notation
élogieuse de Richaud. Il « a insufflé à son personnel
sous-officier et infirmier, un esprit d’équipe permettant
à cette petite formation chirurgicale de fonctionner dans
les meilleures conditions ».
En août 1956, au moment où se profile l’intervention
militaire de Suez, il quitte l’Algérie pour prendre un
poste d’assistant de chirurgie au Cameroun. Le médecin
capitaine Robert lui succède.
Issu de Lyon (Promo 1946-Section coloniale), Henri
Robert n’a pas 29 ans. Il passe le brevet parachutiste
en octobre 1950 (BP 52013) alors qu’il est encore
élève. Après sa thèse en 1952, il suit le stage au Pharo
d’où il sort bien classé. Il rejoint l’Extrême-Orient
en 1953 et est affecté au Tonkin. Après un stage en
chirurgie à l’Hôpital Lanessan, il sert chez les paras, à
l’ACP 4, au 7e BPC et à l’ACP 1. Pour son dévouement,
il reçoit la croix de guerre TOE avec citation à l’ordre
de la division. À son retour d’Indochine en 1955, son
expérience au sein des TAP fait qu’il est muté à Montde-Marsan, à l’infirmerie du détachement de la brigade
de parachutistes coloniaux. Il quitte ce poste pour être
médecin chef du 8e RPC pendant quelques mois, avant
de rejoindre l’Algérie en juillet 1956, où il prend le
commandement de l’ACP 10, bien que n’étant pas
assistant de chirurgie.
Mise en place de la force terrestre à
Chypre
À partir du 22 octobre 1956, l’intervention devenant
imminente, de nombreux bâtiments civils et militaires
quittent le port d’Alger avec les véhicules et les matériels
lourds de l’échelon d’assaut. Plusieurs avions d’AirFrance et d’Air-Algérie sont réquisitionnés. L’État-major
du 2e RPC, dont le médecin chef, le médecin capitaine
Velten embarque le 26 octobre 1956 pour Chypre.
Jean-Paul Velten n’a que 29 ans mais possède déjà une
solide expérience du combat. Ayant dans sa famille un
médecin général (Lyon 1892) blessé et cité en 14-18, il
est de la même promotion que Robert. Il a eu un parcours
identique. Breveté parachutiste en septembre 1950
(BP 51774), il passe sa thèse en 1952 sur un sujet de
médecine tropicale : « Essai de recensement des lépreux
dans le monde et traitements actuellement utilisés contre
la lèpre ». En 1953, il complète sa formation au Pharo
puis passe six mois à la 1re Demi-brigade coloniale
de commandos-parachutistes à Vannes. Ces stages
confortent son désir de devenir médecin-parachutiste
et de servir outre-mer. Il rejoint l’Indochine et effectue
un stage en chirurgie à Lanessan, avant de devenir
médecin-chef du 30e Bataillon de marche de tirailleurs
sénégalais fin 1953… Bien loin des paras ! Le 13 mars
1954, il est désigné pour sauter sur Ban-Na-Peng au
Moyen-Laos. Il doit remplacer en urgence le médecincapitaine Rougerie, médecin-chef de l’ACP 1 qui vient
de se blesser à l’atterrissage. Son activité chirurgicale
et l’organisation des évacuations sanitaires les jours
suivants lui vaudront l’attribution de la croix de guerre
TOE avec deux citations à l’ordre de la division. Il
restera médecin-chef de l’ACP 1 jusqu’en avril 1955.
À son retour en métropole, il est désigné pour servir à
Bayonne à la Brigade de parachutistes coloniaux, avant
de rejoindre en septembre 1956, le 2e RPC en Algérie.
Le lendemain, 27 octobre 1956, le reste du 2e RPC
quitte à son tour l’Afrique du Nord. Le médecin
lieutenant Bichet, médecin adjoint du régiment est de
ce vol.
Bernard Bichet entre en 1948 à l’École principale
du Service de santé de la Marine et des colonies, plus
connue à Bordeaux sous le nom de Santé navale. Il
passe rapidement le brevet parachutiste le 29 août 1951
(BP 57403) et après sa thèse fin 1955, effectue le stage
au Pharo. Il choisit le 2e RPC qu’il rejoint au cours de
l’été 1956 à Boufarik à une quarantaine de kilomètres
d’Alger. Contrairement à son médecin chef, et alors
qu’ils n’ont qu’un an et demi de différence, il n’a aucune
expérience de la guerre.
Le même jour, à Alger, l’ACP 10 embarque avec son
matériel dans un autre avion. L’effectif théorique de
l’ACP est de seize personnels, mais ils ne sont que douze
à partir. Le médecin capitaine Robert est le chirurgien
chef. Le médecin lieutenant Barbier a été désigné fin
août comme chirurgie adjoint.
Issu comme son médecin chef de l’École de
Lyon, André Barbier (Promo 1950), breveté à Pau
en octobre 1952 (BP 75253), a rapidement été attiré
par la chirurgie. Détaché à Paris en cours d’études,
il effectue plusieurs stages chirurgicaux à l’hôpital
le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de suez – opération « mousquetaire » - novembre 1956
269
militaire Percy à Clamart. En juin 1956, à sa sortie de
l’École d’application du Val-de-Grâce, il est désigné
comme deux autres médecins paras de sa promotion
pour servir dans un régiment TAP en Algérie. Après
avoir été détaché au 3e RPC, il est affecté à l’ACP 10.
Comme toute l’équipe de l’ACP, il poursuit une activité
technique en Chirurgie B2 à l’Hôpital Maillot, mais il
n’a aucune expérience de chirurgie de guerre. C’est le
plus jeune de tous les médecins participant à l’opération.
Cinq sous-officiers, dont certains sous contrats,
tiennent les postes techniques comme Froger, l’infirmier
de bloc, Desbrosses, l’infirmier anesthésiste, décoré
de la médaille militaire le 14 août 1956 ou Flavien,
tous « anciens d’Indochine ». Enfin cinq parachutistes
appelés, complètent l’équipe faisant fonction de
brancardiers.
Ils s’installent au « Camp X », appelé par les Français
« Camp Michel Legrand » (1). Dans l’attente de
l’arrivée des convois maritimes et du déclenchement
de l’opération, l’équipe se rend à plusieurs reprises
sur le terrain d’aviation de Tymbou à une vingtaine de
kilomètres au Sud-est de Nicosie. Avec la compagnie de
livraison par air, ils contrôlent le conditionnement des
colis en caisses de bois et en panières en osier (fig. 2).
Le 29 octobre 1956, le poste de commandement de
la Force A et celui de la 10e DP font mouvement vers
Chypre, suivis le 31 de l’état-major de la 10e DP, dont
le médecin commandant Richaud.
Le 1er novembre, le bâtiment de ligne Jean Bart
appareille. L’échelon d’assaut amphibie, composé
du 11e Choc, de Commandos-Marine, et surtout du
1er REP, est à bord. Le médecin capitaine Palu en est
le médecin chef.
Jean Palu entre à Lyon en 1947. Après sa thèse en
juillet 1952 et son année d’application au Val-deGrâce, il part pour l’Indochine en septembre 1953.
Jeune médecin-lieutenant, médecin-chef du 2/1 RTM,
le 2e Bataillon du 1er Régiment de tirailleurs marocains,
il est décoré de la croix de guerre TOE avec citation
à l’ordre de la division pour son action au feu peu de
temps après son arrivée au Tonkin. Volontaire pour
passer le brevet para alors que Diên-Biên-Phù vit ses
dernières heures, il est breveté en mai 1954 (BP 88100)
en même temps que son camarade et ancien de deux ans,
André Guichardière (BP 88099). Il est immédiatement
affecté, comme médecin-chef du 1er BEP décimé à
Diên-Biên-Phù, en remplacement du médecin lieutenant
Jean-Louis Rondy, fait prisonnier par les Viet. Il fait
mouvement vers l’Algérie en février 1955 avec cette
unité. Nommé médecin capitaine, il participe aux
engagements sur le terrain du tout nouveau 1er REP.
Le médecin-lieutenant Boucheau, son adjoint, est
aussi sur le Jean Bart.
Très tôt attiré par le parachutisme, Pierre Boucheau
(Lyon 1948) a passé le brevet en 1951 (BP 57412).
Détaché six mois en Algérie au 1er RCP avant de terminer
sa formation au Val-de-Grâce en 1955, il choisit le
1er BEP basé à Zéralda. Pendant un an il participe à
plusieurs opérations avec le bataillon devenu régiment
quelques semaines après son affectation.
Leur convoi arrive à Limassol (Chypre)
le 4 novembre.
Jusqu’au dernier moment le déroulement des
opérations est incertain et discuté entre Français
et Britanniques. Massu écrira le 13 décembre 1956,
dans son rapport d’opération que : « dans le Plan
Mousquetaire, l’action amphibie devait précéder de
30 minutes l’assaut aéroporté. La variante Télescope
dont la décision fut communiquée aux exécutants le
4 novembre à bord du Jean-Bart en rade de Limassol
situait cette action (amphibie) 24 heures après les
premiers parachutages » (3). C’est ce qui sera réalisé à
partir du 5 novembre au matin.
À la veille de l’opération, le Général Beaufre adresse
un Ordre Général aux forces terrestres s’apprêtant à
débarquer par air et par mer :
Ordre Général N° 5
OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS, CAPORAUX,
BRIGADIERS ET SOLDATS.
Nous allons en ÉGYPTE, avec nos alliés et amis
britanniques.
La FRANCE et le MONDE auront les yeux fixés
sur vous.
Vous pouvez être fiers de la mission capitale qui
vous est confiée. Je suis sûr que vous en serez
dignes. S’il le faut, vous saurez renouveler les
exploits de vos Anciens sur cette terre d’ÉGYPTE.
J’ai toute confiance en votre Valeur et en votre Foi.
Vous n’oublierez pas non plus que l’ÉGYPTE
a longtemps été notre amie. Vous allez y
représenter la FRANCE. Par votre attitude et
votre comportement vous aurez à cœur d’y faire
reconnaître la grandeur et l’humanité de notre
Patrie.
Figure 2. Chargement d’une palette de l’ACP 10 avec panières en osier et caisses.
Aérodrome de Tymbou (Chypre) — 4 novembre 1956 (ECPAD).
270
Le Général BEAUFRE
Commandant la Force A
f.-m. grimaldi
Lundi 5 novembre 1956 : l’opération
aéroportée
1re vague : Saut sur Port-Saïd du groupement
Ouest (toutes les heures sont en heure locale)
Ayant décollé de Chypre dans la nuit, les premiers
parachutistes français sautent sur Port-Saïd à partir
de 7 h 30. De leur côté, les parachutistes britanniques
prennent le contrôle du terrain d’aviation de Gamil, dix
kilomètres plus à l’Ouest.
Les Français sont aux ordres du Colonel Pierre
Château-Jobert, alias Conan, son nom de guerre de la
France libre, compagnon de la libération. Ils s’élancent
vers l’inconnu, au-dessus de la DZ 5, au Sud de la ville
et de l’usine des eaux. À 150 mètres d’altitude, ils n’ont
que 20 secondes de descente sous voile. La zone de saut,
de 800 mètres de long sur 350, est presque entièrement
entourée d’eau. Cette 1re vague est forte de la moitié du
2e RPC, de la 5e « Centaine » de la 11e Demi-brigade
parachutiste de choc, dont huit hommes-grenouilles,
et d’une trentaine d’autres parachutistes. Elle a pour
mission de s’emparer de deux ponts importants (2e RPC)
et de l’usine des eaux (11e Choc). Le médecin capitaine
Velten et son équipe suivent le chef de corps.
Deux commandos du 11e Choc atterrissent directement
dans l’enceinte de l’usine de traitement des eaux.
Le caporal André Michaud grièvement « atteint à la
poitrine et au cou par des coups de baïonnette » (4) et le
parachutiste Claude Humblot, mortellement blessé par
des soldats égyptiens, décèdent avant d’avoir eu le temps
de se déséquiper. Ils ont 22 ans. Le sergent Louis Bellon
de la 1re compagnie du 2e RPC, atteint d’une balle dans la
poitrine, est aussi tué à l’atterrissage. Il a 29 ans. Ancien
des FFL et du 3e SAS, Bellon avait été cité à l’ordre de
l’armée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sorti de
l’ENA en 1955, il était depuis trois mois, directeur de
cabinet du préfet de Tizi-Ouzou. Sergent de réserve, il
s’était porté volontaire pour l’opération et avait rejoint
le 2e RPC à Chypre.
Si quelques paras se blessent à l’atterrissage, plusieurs
sont touchés par balle ou éclats. Ils sont pris en charge
par l’équipe médicale de Velten. Dès 9 h 30, cinq blessés
graves sont évacués par les hélicoptères de la Royal
Navy vers le porte-avions « HMS Bulwark ». Le sergent
Lucien Noyon, 27 ans, (compagnie d’appui), « atteint
par un éclat de mortier à la tête » et le parachutiste Albert
Berthélémy, 22 ans, (4e compagnie), « atteint d’une
balle dans la tête » décèdent dans la soirée à bord du
porte-avions. Les honneurs militaires seront rendus par
la Royal Navy à ces deux « marsouins » du 2e RPC,
avant que leurs corps ne soient immergés au large de
Port-Saïd.
Après ce premier assaut, les capacités d’accueil
au poste de secours du 2e RPC sont dépassées. Aux
quelques Français s’ajoutent surtout de nombreux
soldats égyptiens qui sont pris en charge par le médecin
capitaine Velten et ses hommes.
Vers 12 heures, l’usine des eaux comme le pont d’ElRaswa sont sous contrôle français. Château-Jobert
demande que l’ACP soit larguée au plus tôt.
À 13 heures, il insiste pour que les blessés les plus
graves soient évacués vers l’aérodrome de Gamil, point
de regroupement et de rapatriement des blessés vers les
navires anglais.
2 e vague : Saut sur Port-Fouad du
groupement Est
À 15 h 15, les parachutistes de la 2e vague française,
pour la plupart du 2e RCP, sautent à leur tour. Ils
suivent le lieutenant-colonel Albert Fossey-François.
Commandant en second du 2e RPC, lui aussi est
compagnon de la libération.
Longue de 1 200 mètres sur 500, la DZ 6 est à peine
plus vaste que celle de Port-Saïd. Les hommes ont pour
mission de contrôler Port-Fouad au nord de la zone de
saut. L’équipe médicale réduite à quatre est dirigée par
Bernard Bichet. Sorti du Pharo quatre mois plus tôt, c’est
son baptême du feu.
Il vient de se déséquiper quand un parachutiste lui
est amené. Il a le pied déchiqueté. Son état nécessite
une intervention urgente que le jeune médecin réalise
sur place. Cette amputation de sauvetage au combat
vaudra à Bichet l’attribution de la croix de guerre TOE
avec citation à l’ordre du corps d’armée pour avoir
« effectué sous le feu de l’ennemi, dès son arrivée au
sol une amputation de jambe avec un matériel sommaire.
[Il] a par son intervention sauvé la vie de ce soldat… ».
« Polycriblé par des éclats dans la région dorsale » le
parachutiste Lucien Lees, âgé de 21 ans, (3e compagnie),
meurt rapidement après sa blessure. Porté disparu après
le saut de cette 2e vague, le corps de Robert Gabrielli,
lui aussi 2e classe à la 3e compagnie du 2e RPC et âgé
de 21 ans, ne sera retrouvé que six jours plus tard.
« Resté accroché à l’avion, il chuta quelques kilomètres
plus loin. Il a malgré tout réussi à tirer son ventral et
a atterri en terrain ennemi. Son corps a été retrouvé à
19 kilomètres de Port-Fouad et transféré en France ».
Dans l’après-midi, à la demande des deux médecins
du 2e RPC, les blessés sont évacués vers les porteavions « HMS Theseus et Bulwark » (fig. 3). Au cours
de ces premières heures, on dénombre déjà six morts, un
disparu et plus d’une trentaine de blessés. La présence
de l’antenne chirurgicale devient impérative. Réclamée
depuis midi, l’ACP a décollé de l’aérodrome de Tymbou
vers 14 heures.
3e vague : Saut sur Port-Saïd de l’ACP 10
Arrivés à 17 heures au-dessus de Port-Saïd, trois Nord
2501 larguent l’ACP (fig. 4, 5). L’équipe chirurgicale
réduite à douze, saute derrière Henri Robert (5). Le
matériel suit, réparti en 35 colis. Il comprend les
échelons « réanimation-transfusion », « chirurgie » et
une partie du lot « hospitalisation ».
Avec ce saut au crépuscule, le chef d’antenne, son
adjoint et ses infirmiers n’ont qu’une vingtaine de
minutes avant la nuit pour retrouver, rassembler et trier
les colis. Seuls six paniers sont ouverts le soir même
dans un bâtiment de l’usine des eaux et permettent de
démarrer les premières interventions.
le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de suez – opération « mousquetaire » - novembre 1956
271
Figure 3. Évacuation médicale de blessés du 2e RPC par un hélicoptère anglais
(Westland Whirlwind HAS7) (ECPAD).
Figure 5. 5 novembre 1956 — Aérodrome de Tymbou (Chypre).
De gauche à droite : médecin capitaine Robert, le chef largueur, médecin
lieutenant Barbier (Photo Écho d’Alger 5/11/1957).
Figure 4. ACP 10 — Décollage de l’aérodrome de Tymbou (Chypre) —
5 novembre 1956 (ECPAD).
Vers 19 h 30, les « têtards » du 11 e choc, ces
hommes-grenouilles prévus pour récupérer d’éventuels
parachutistes tombés à l’eau (ce qui ne fut pas le cas
en dépit de l’exiguïté de la DZ 5), font plusieurs
allers-retours entre Port-Saïd et Port-Fouad sur une
embarcation. Ils évacuent vers l’antenne trois des blessés
les plus sérieux de Bichet.
Grièvement « blessé à l’abdomen par un éclat de
mortier », Marcel Barcelo, 21 ans, Parachutiste de la
2e compagnie du 2e RCP, est opéré à l’ACP. Évacué, il
décède le lendemain, 6 novembre. Gabriel Bey, 2e classe
(compagnie de commandement et de services) du même
régiment, n’a que 20 ans. Atteint à la jambe droite par
éclat de mortier, il est évacué quelques jours plus tard
272
à Malte, au Royal Naval Hospital Bighi. Amputé de
jambe, il y décède le 14 novembre 1956, bien loin de
ses frères d’armes.
Comme l’écrira le 10 novembre Richaud, l’ACP
« s’installe dans un pavillon de l’usine d’épuration des
eaux et commence à fonctionner à 20 heures, traite
blessés amis et ennemis et continue l’évacuation dès
le 6 au matin à 8 heures sur porte-avions par hélicoptères
britanniques » (6).
Les autres colis seront recherchés le 6 au matin.
Certains ballots tombés à l’eau, ne pourront être
récupérés.
Son action personnelle fait qu’Henri Robert se verra
attribuer la croix de guerre TOE avec citation à l’ordre
de la brigade : « Médecin chef d’une ACP, qui a toujours
fait preuve de courage, de sang-froid et de dévouement.
Parachuté le 5 novembre 1956, à Port-Saïd (Égypte)
avec son antenne, pour secourir les grands blessés du
2e Régiment de parachutistes coloniaux, a regroupé,
sous le feu ennemi son personnel et son matériel et a
commencé ses interventions dans les plus brefs délais,
montrant en ces circonstances difficiles de très belles
qualités professionnelles et militaires ».
André Barbier vit là sa première expérience de
chirurgie de guerre. Il recevra la croix de guerre TOE
avec citation à l’ordre du régiment. « Jeune médecin
de grande valeur, s’est montré à tout instant un
auxiliaire particulièrement précieux pour son médecinchef. Parachuté à Port-Saïd le 5 novembre 1956, il
prit immédiatement une part prépondérante dans
f.-m. grimaldi
l’organisation de sa formation, de sorte que moins de
deux heures après l’arrivée au sol, l’antenne pouvait
réanimer et opérer chirurgicalement les blessés de la
vague d’assaut. Il confirma dans ces circonstances ses
belles qualités d’officier et de médecin ». Il nous a
précisé que l’ACP a eu à traiter plusieurs blessés français
mais surtout des Égyptiens. Amputations, explorations
et parages de plaies furent les principaux gestes réalisés
par les deux jeunes « chirurgiens » non titrés.
À 22 heures, le médecin commandant Richaud,
traversant le Canal, passe de Port-Fouad à Port-Saïd et
s’installe dans l’usine des eaux à proximité de l’ACP.
La figure 6 rend compte de la position de l’ensemble
des éléments santé français.
Mardi 6 novembre 1956 : l’opération
amphibie
Le mardi 6 novembre à 4 heures, le groupe amphibie
mené par le 1er REP aux ordres du lieutenant-colonel
Brothier, prend place dans les chalands de débarquement.
À 6 h 30, ils s’éloignent des bateaux-mères et entament
leur progression vers les plages de Port-Fouad. À
7 h 25, la vague « verte » aborde la côte, suivie à 7 h 30
des vagues « rouge » et « blanche ». Le soutien santé
est assuré par le médecin capitaine Palu, le médecin
lieutenant Boucheau, le dentiste auxiliaire Lacroix et
les infirmiers et brancardiers du 1er REP. Ils installent
immédiatement le poste de secours régimentaire sur la
plage. Trois unités de Commandos Marine complètent
cet échelon d’assaut. Leur soutien est assuré par le
médecin auxiliaire Pouillot et par un infirmier de la
405e CMP.
À 8 heures, le médecin commandant Richaud
débarque à son tour et s’installe au PS du 1er REP. Dès
9 h 30, il reconnaît les locaux du club nautique de PortFouad, beau et vaste bâtiment situé en bordure du canal,
à proximité du bac. Prévu pour accueillir le centre de
triage et de ramassage, il ne sera pas utilisé.
Des combats sporadiques ont lieu retardant peu
la progression vers le nord du 2e RPC et vers le sud
du 1er REP, puis leur jonction. Au cours de ces rares
combats dans Port-Fouad, le sergent Joseph Hatala de
la 2e compagnie du 2e RPC est touché par un obus au
niveau de l’hémi-thorax droit. Âgé de 26 ans, il est tué
sur le coup.
Vers 11 heures, la situation à Port-Fouad semble
normalisée. À la demande d’un médecin égyptien,
Richaud organise pour le lendemain 7 novembre le
transfert de nombreux blessés civils et militaires vers
l’hôpital de Port-Saïd de l’autre côté du canal.
À 14 heures, avec plusieurs heures de retard, l’élément
de ramassage de renfort de la 405e CMP débarque enfin.
Les dix-sept hommes de cette unité devaient arriver avec
les vagues du matin dans un engin amphibie « Dukw ».
Malheureusement, ils étaient dans l’un des Dukws qui
n’ont pu atteindre la plage : trois sont tombés en panne,
un a pris feu avant sa mise à l’eau, un n’a pu quitter le
bâtiment de débarquement La Rance, deux ont coulé.
C’est dans l’un des Dukw qui a coulé au large de Port
Fouad, que Claude Fontaine, sergent à la Compagnie du
Génie de Plage, se noie. Il a 22 ans.
Dans la journée, sur ordre du commandement, onze
blessés français sont évacués par engins de débarquement
vers le Jean Bart dans de conditions de mer difficiles,
d’autant que le bâtiment est loin au large.
Figure 6. Implantation des postes de secours et de l’ACP10 à Port-Saïd et PortFouad. (Carte complétée, tirée de « Suez 1956 », de Paul Gaujac, Lavauzelle
Ed. 1986, p. 231)
1 – 07 h 30, Lundi 5 novembre 1956, Saut 1re vague du 2e RPC, DZ5, Port-Saïd.
Installation PS.
2 – 15 h 15, Lundi 5 novembre 1956, Saut 2e vague du 2e RPC, DZ6, Port-Fouad.
Installation PS.
3 – 17 h 00, Lundi 5 novembre 1956, Saut ACP 10, DZ5, Port-Saïd. Installation
dans l’usine des eaux.
4 – 07 h 25, Mardi 6 novembre 1956, Débarquement 1er REP, Plage Port-Fouad.
Installation PS.
5 — 09 h 30, Mardi 6 novembre 1956, Club nautique de Port-Fouad. Reconnaissance
implantation section de triage 405e CMP.
Mardi 6 novembre 1956. Minuit : cessezle-feu
Alliés des Égyptiens, les Soviétiques ont exigé
immédiatement l’arrêt des hostilités. Les États-Unis
soucieux de leurs intérêts se sont alignés. Sous la
pression de ces deux pays, qui se repositionnent comme
les deux grandes puissances mondiales, les forces alliées
changent de posture.
À minuit, l’expédition de Suez se termine. Elle n’a
duré qu’une quarantaine d’heures. La victoire acquise
par les hommes sur le terrain leur est confisquée sur
l’autel de la politique internationale (1).
le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de suez – opération « mousquetaire » - novembre 1956
273
Journée du 7 novembre et suivantes
Dans la journée du 7 novembre, les blessés militaires
français pris en charge à l’ACP sont évacués par
hélicoptères vers les bâtiments britanniques. Les civils et
les militaires égyptiens le sont vers l’Hôpital de Port-Saïd.
En prévision des évacuations médicales, six
hélicoptères Bell 47 du groupe d’hélicoptères N° 3
avaient été embarqués à Alger le 28 octobre 1956 sur
le « Léon Mazzella ». Ce cargo avait été réquisitionné
le 29 août, pour être transformé en porte-hélicoptères.
Des plaques de tôle recouvertes de bâches épaisses
« antidérapantes » avaient été soudées sur la plage
avant, entre les mâts de charge. Une petite plate-forme
de secours se situait à l’arrière du château. La lenteur de
ce « convoi marchand de renfort immédiat » ne le fera
arriver que le 6 novembre au large de Port-Saïd. Les
Bell 47 remontés pourront alors faire quelques rotations
et déposer directement les blessés français sur le pont de
la Marseillaise, le navire-hôpital français.
Naviguant au large, la Marseillaise devait recueillir
et traiter les Français. Ancien paquebot de luxe de la
compagnie des messageries maritimes, faisant la ligne
d’Extrême-Orient, il avait été aménagé pendant l’été.
Une salle de radiologie et des blocs opératoires avaient
été installés, le pont supérieur arrière avait été transformé
en héliport. Il s’avérera que les hélicoptères Westland
Whirlwind HAS7, version anglaise du Sikorsky H19,
étaient trop lourds pour cette piste « de fortune ».
C’est pour cette raison que les hélicoptères anglais,
qui transportaient jusqu’à six blessés couchés, ont
directement acheminé les Français vers les porte-avions
de la Royal Navy. Le 8 novembre, le navire-hôpital
français mouille enfin dans le port de Port-Saïd, facilitant
le transfert des derniers blessés.
Le « démontage » et le retour
L’ONU avait voté dès le 4 novembre la résolution 998
autorisant la constitution d’une force d’interposition. La
FUNU, Force d’Urgence des Nations-Unis (en anglais
UNEF – UN Emergency Force) sera la première à
intervenir sous Casque Bleu.
Prévu dans la planification, pour être déployé dès
J + 3, l’hôpital de campagne N° 461 ne débarque à PortSaïd que le 15 novembre, à J + 10 (3). Il vient relever
l’ACP et restera jusqu’au 12 décembre 1956.
Le 16 novembre 1956, lendemain de l’arrivée de
l’hôpital de campagne, l’ACP embarque à Port-Saïd
pour Chypre, alors qu’un premier contingent danois
arrive. Des Suédois et des Indiens suivent. L’antenne
sera maintenue en réserve plusieurs semaines à Chypre
dans l’éventualité d’une reprise des hostilités.
Fin novembre la Marseillaise lève l’ancre et arrive
à Toulon le 30 (fig. 7). Les blessés des combats et les
malades sont confiés à l’hôpital maritime Sainte-Anne.
Le 8 décembre, les corps des tués, qui avaient été
inhumés dans des sépultures provisoires quittent Port
Saïd pour Marseille sur le transport de troupes le Verdon.
Un détachement d’honneur les accompagne.
Pendant cette période de transition, deux soldats
perdront malheureusement la vie. Le 8 décembre au
274
Figure 7. Navire-hôpital la Marseillaise (Ina.fr).
cours d’un exercice Michel Hien, 22 ans, 1re classe
du 2e RPC est mortellement blessé par arme à feu. Le
17 décembre 1956, Erhart Gotze est le dernier tué de la
force terrestre. Légionnaire du 1er REP, âgé de 26 ans,
il sécurise avec un groupe l’embarquement d’une partie
de son régiment au niveau du bassin Cherif, quand ils
sont pris à partie par plusieurs tireurs embusqués. Atteint
en plein cœur, il meurt immédiatement. Ce jour-là une
bonne partie du 1er REP s’apprête à quitter Port-Saïd.
Le 18 décembre, le médecin commandant Collodin et
la 405e CMP partent sur le Pasteur. Après être passés
par Chypre, ils débarquent à Alger le 24 décembre, pour
les fêtes de Noël !
Appareillant seulement le 22, l’escorteur Malgache,
avec à son bord le médecin capitaine Palu du 1er REP,
accoste à Alger le 26 décembre. Son adjoint, le médecin
lieutenant Boucheau sur le Mortain, vieux liberty-ship
cédé aux messageries maritimes et réquisitionné comme
transport de troupes, n’y arrive que le 28.
Le 23 décembre, le 2e RPC quitte à son tour l’Égypte
sur l’Athos II, avec ses deux médecins. Le 24 décembre
au soir, la messe de Noël est célébrée à bord par le père
Louis Delarue, aumônier, « Padre » du 2e RPC et du
1er REP en présence de nombreux cadres et parachutistes.
Après une escale à Chypre, le régiment est à Alger le
29 décembre. Juste à temps pour la Saint Sylvestre !
Le 27 décembre, après plus d’un mois d’inactivité sur
l’île, toute l’ACP embarque sur le Skaugum à Limassol
(Chypre). Appareillant le 28, ils ne débarquent à Alger
que le 2 janvier 1957. Eux « fêteront » Noël et le nouvel
an loin de chez eux.
Pertes santé
En recoupant les rapports du médecin-chef de la 10e DP
entre le 5 et le 10 novembre (5) et du Général Massu
entre le 5 novembre et le 13 décembre 1956 (3), les
pertes françaises s’établissent à douze morts, dont sept
le premier jour. Sur les douze tués, huit appartiennent au
2e RPC, deux au 11e Choc, un à la compagnie du génie
de plage et un au 1er REP. Leur âge moyen est de 23 ans.
f.-m. grimaldi
En plus des morts au combat, un accident par arme à feu
entraîne la mort d’un parachutiste du 2e RPC.
Quarante-trois blessés sont relevés dont trente et un
du 2e RPC dès le premier jour. Parmi les blessés, trentecinq parachutistes le sont au combat, cinq se blessent à
l’atterrissage et deux lors du débarquement amphibie.
Ces chiffres, qui ne concernent que l’opération
aéroportée et amphibie, sont à rapporter aux 1 100
parachutistes largués et aux 34 000 combattants français
ayant pris part à ce bref conflit.
Les Britanniques comptèrent 22 tués et 97 blessés. Les
Israéliens auraient eu 176 tués. Pour une intervention de
cet ordre les pertes alliées furent très faibles.
L’estimation des pertes égyptiennes s’avère plus
difficile. Certaines sources évaluent le nombre de morts
dans la zone du canal entre 750 et 1 000. Surtout des civils.
Dans son rapport, le Général Massu estime les pertes
militaires ennemies à 218 tués et 215 prisonniers (3).
Les enseignements
Le 13 décembre 1956, le médecin commandant
Richaud adresse son rapport final (5) sur les opérations
d’assaut au médecin colonel Michel Paléologue (Lyon
1923), directeur du Service de santé de la « Force A ». Ses
observations portent essentiellement sur les évacuations
sanitaires et sur l’intérêt de la présence d’une antenne
chirurgicale.
Concernant les évacuations médicales, il rappelle que
pendant les premières heures, le transport des blessés
n’a pu se faire que grâce aux hélicoptères britanniques,
que les hélicoptères français ne sont arrivés qu’après la
bataille et que les évacuations médicales imposées par
le commandement par voie maritime se sont avérées
difficiles et inconfortables pour les blessés. Il conclut
cependant que la plupart des blessés ont pu être reçus en
moins de deux heures dans une formation chirurgicale.
L’ACP, quant à elle, s’est avérée adaptée. Mais
comme tous les responsables d’unités aéroportées, la
critique principale concerne le poids du matériel. Il
est impératif d’en réduire le tonnage et de revoir la
solidité du colisage pour résister à l’épreuve du choc à
l’atterrissage. Ces propositions sont encore d’actualité et
alimentent toujours les réflexions des chefs d’antenne.
Quelques jours après le cessez-le-feu, le médecin
capitaine Robert a été invité par ses confrères chirurgiens
du 25th Para field surgical team de la 16th Independent
parachute brigade. Il retient de sa visite que l’équipe
anglaise est composée de 2 chirurgiens et 6 infirmiers,
alors que l’ACP a un effectif de 2 chirurgiens et de 14
paramédicaux (5). Les ACP d’Indochine étaient, elles,
armées par huit personnels dont un chirurgien.
Pour le matériel, chacun des huit parachutistes
anglais saute avec une gaine libérable de 35 kg,
contenant son équipement individuel et du matériel
spécifique en rapport avec sa qualification technique.
Le reste est réparti dans 6 ou 8 containers permettant
d’emporter la tente en nylon de 100 à 120 kg (470 kg
pour le modèle français), 1 table d’opération articulée,
légère, en duralumin, 1 bouilleur-stérilisateur type
« poissonnière » et ses 2 réchauds à pétrole, plutôt
qu’un autoclave, un petit appareil à soufflet permettant
la ventilation manuelle par sonde d’intubation, un
éclairage par 2 lampes à vapeur de pétrole, 1 aspirateur
à pied inexistant dans l’ACP. Ces éléments montraient
bien qu’il était déjà possible de réduire le tonnage des
antennes parachutistes.
Évolution — Avenir
Plus aucun militaire, du chef d’état-major des Armées
au jeune soldat, ne met en doute la nécessité du soutien
médico-chirurgical du combattant éloigné de toute
structure hospitalière.
Déjà en mars 2007 et le saut sur Birao au nord de la
République centrafricaine, mais surtout depuis 2013,
avec l’intervention dans la Bande sahélo-saharienne,
l’Armée française a renoué avec les opérations
aéroportées (7). Les médecins d’unité parachutiste
étaient dans les avions (8) mais pas les chirurgiens.
En Indochine, les six ACP de l’armée française ont
effectué 27 sauts opérationnels entre 1947 et 1954 (9).
Sur les 29 chirurgiens qui se sont succédé, 14 ont sauté
avec leur antenne. Avec certitude, ils ont sauvé bien des
vies. À lui seul, le médecin capitaine Pierre Delacroix
(Lyon 1943) a effectué six sauts opérationnels entre
mai 1949 et mars 1950.
Aucune antenne chirurgicale parachutiste n’a été
larguée dans un cadre opérationnel depuis soixante ans
y compris lors de l’opération « Bonite » sur Kolwezi en
mai 1978 (10). Aucune n’a participé depuis plusieurs
années à un exercice ou à une manœuvre aéroportée
avec largage des personnels et des matériels. Le
dernier largage de la 7e ACP remonte à 2003 lors de
l’exercice majeur de la 11e brigade parachutiste en
terrain libre « Rastibel » en Vendée (fig. 8). Le volume
et le poids de l’ACP, dont le matériel est commun avec
les antennes chirurgicales aérotransportables restent
une limite opérationnelle à son largage sans dégâts
par la 3e dimension, à son regroupement puis à son
déploiement une fois au sol. En 2016, le poids et le
volume d’une antenne sont d’environ 6 tonnes pour
Figure 8. Largage de la 14 ACP 2003 (MC Aigle).
le soutien médical des opérations aéroportées et amphibies au cours de la crise de suez – opération « mousquetaire » - novembre 1956
275
45 m3. La miniaturisation et le « durcissement » du
matériel sont au cœur des réflexions depuis la création
des ACP. Leur conditionnement par le 1er Régiment du
train parachutiste et les tests de résistance aux chocs
après largage par tranche arrière, par éjection à très
faible hauteur, ou peut-être sous aile dirigeable dans
l’avenir, sont à poursuivre (fig. 9).
plus est en milieu hostile, probablement de nuit, peut
retentir sur les capacités de réactivité immédiate que
l’on est en droit d’attendre de ces personnels hautement
qualifiés. Ce stress pourrait modifier la prise en charge
des premiers blessés en urgence vitale qui leur seraient
confiés. Ce type d’engagement nécessiterait pour nos
chirurgiens, comme pour les spécialistes militaires,
une préparation technique au saut opérationnel avec
infiltration sous voile afin de diminuer le stress inhérent
à cette mise en place où le passager prend toute sa part
dans la navigation lors du saut.
Si le médecin de régiment parachutiste a retrouvé
toute sa place de la conception à l’organisation et à la
conduite du soutien santé d’une OAP tant en automatique
que désormais en saut opérationnel à grande ou très
grande hauteur, la fonction aéroportée des ACP et de
ses personnels est une spécificité à entretenir. En effet
le régime d’alerte de nos armées, l’Echelon national
d’urgence (ENU) dispose d’une composante parachutiste
le G.08 dans lequel est incluse une ACP. Elle doit
permettre à nos armées de conserver cette capacité
« d’entrer en premier », y compris par la 3e dimension.
Conclusion
Figure 9. Colis autoguidé par GPS (Histoire et stratégie).
La création du Module de chirurgie vitale (MCV),
structure chirurgicale très légère (700 kg environ) mise
en œuvre par une équipe chirurgicale réduite à cinq
personnes, a facilité son emploi au profit des forces
spéciales, mais jamais par aérolargage. Certains de ses
membres ne sont d’ailleurs pas brevetés parachutistes.
Pour ces toutes petites unités, l’utilisation du saut en
tandem, pourrait permettre une mise en place sans cette
qualification. Toutefois l’angoisse d’un premier saut, qui
En 1956 cette dernière opération aéroportée
d’envergure en Égypte, avant celle de Kolwezi en
1978, a démontré le caractère indispensable d’unités
parachutistes dans les forces d’intervention. Il en va
de même pour les personnels du Service de santé qui,
aux côtés des combattants, doivent à leur tour « passer
par la portière ». S’il apparaît toujours préférable de
« déposer » une équipe médico-chirurgicale, plutôt que
de la larguer, cela peut parfois s’avérer impossible. Ce
savoir-faire unique se doit d’être conservé.
L’Opération de Suez a mis en œuvre un nombre
conséquent de personnel du Service de santé, d’active
et de réserve, engagés et appelés, et pas seulement
celui des unités parachutistes. Médecins, chirurgiens,
pharmaciens, officiers d’administration, sous-officiers
et brancardiers, tous à leur niveau ont participé au succès
médical de cette intervention.
Et pourtant, la plupart n’ont jamais vu l’Égypte !
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.Suez 1956. Reportage de guerre, 2015 ; n°14.
2.Richaud F. Note, 5 pages manuscrites. SHD/DAT 7 U 4295.
3.Massu J. Rapport d’Opérations 700 bis (13 décembre 1956), annexé
au JMO de la 10e DP. Période du 1er octobre au 31 décembre 1956 —
SHD/DAT 1 H 4677.
4.B ulletin des anciens de Suez et Chypre « Mousquetaire »
avril 2008 ; n° 21.
5.Richaud F. Rapport N° 448/SS/10 du 13 décembre 1956. SHD/DAT
7 U 4295.
6.Ordres d’opérations de la 10e DP n° 53/4/TS du 23 octobre 1956.
Annexe II – SDH/DAT 1H.4677.
276
7.Bertier de Sauvigny L. Au regard des OAP conduites lors de
l’opération « Serval », quels enseignements pour l’avenir ? Para de
demain 2015 : 48-54.
8.Aigle L, Bay C, Douillard G, Lavenir B, Cavalier L. Soutien santé
de deux opérations aéroportées aux confins du nord Niger : bilan et
enseignements. Médecine et Armées. Accepté en attente de parution.
9.Linon PJ. Les sauts opérationnels des ACP en Indochine. in « Debout
les Paras ». 2014 ; N° 229 :19-25.
10.Ferret JN, Forissier R. L’opération du 2e REP sur Kolwezi au Zaïre
et ses enseignements en matière de soutien médical initial d’un
détachement aéroporté. Médecine et Armées 1982 ; 10(3): 249-58.
f.-m. grimaldi
Médecine des forces
« Tranches de vie »
Introduction
Lors de la conception de ce numéro spécial consacré à la médecine des forces, nous nous sommes posé la question
de savoir comment nous pourrions faire ressortir, en essayant d’être exhaustif, le kaléidoscope que représente les
compétences métiers du médecin généraliste militaire. De cette réflexion est née l’idée de ces « tranches de vie ».
Nous avons donc sollicité des praticiens servant ou ayant servi dans des unités, services, formations nécessitant soit
des qualités soit un profil particulier et nous leur avons demandé de raconter, de la manière la plus vivante qui soit,
au travers d’un exemple le plus souvent, ce qui fait l’attrait, la singularité ou encore l’originalité de leur pratique
quotidienne.
C’est avec des titres volontiers accrocheurs que nous souhaitons capter votre attention et espérons que
la lecture de ces « tranches de vie » des médecins des forces vous permettra de découvrir qu’il existe
bien de multiples facettes à leur métier.
MC Beylot Vincent et MC Aigle Luc.
Tranches de vie
« Mon nom est Bond… » : médecin au service action
MÉDECIN CHEF DU SERVICE ACTION
Le Service action (SA) est le Bras armé de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), il a pour but de
concevoir, préparer et conduire à la demande, des opérations à caractère clandestin. Il est un ensemble unique composé
d’un état-major et de trois centres chacun spécialisé dans un domaine particulier. Le Centre parachutiste d’entraînement
spécialisé (CPES) agit préférentiellement en zone normalisée, le Centre parachutiste d’instruction spécialisée (CPIS)
en zone de crise et en terrains difficiles (jungle, désert et montagne) et le Centre parachutiste d’entraînement aux
opérations maritimes (CPEOM) en zones littorales maritimes et subaquatiques. Ces activités engagées nécessitent
fréquemment l’appui d’une composante santé que ce soit à l’entraînement ou en mission. Chaque centre se trouve
donc doté de trois médecins et trois infirmiers capables de soutenir ses agents en France ou à l’étranger.
Les médecins qui font le choix de rejoindre le SA doivent avant tout satisfaire aux tests de sélection, suivre une
année de formation initiale à la clandestinité puis se qualifier dans les domaines propres à leur centre d’affectation.
Une fois qualifié agent opérationnel, le médecin est employé au sein de son service médical. Il partage son temps entre
la médecine d’unité, le soutien des activités à risques, les entraînements, la formation continue et les missions. Il fait
appel à des compétences médicales variées, médecine générale, médecine du sport, médecine d’urgence, médecine
hyperbare ou encore médecine appliquée au parachutisme.
médecine et armées, 2017, 44, 2, 277-290
277
Il accroît ses aptitudes opérationnelles en
acquérant des qualifications dans le domaine du
saut opérationnel à grande hauteur, de la plongée
ou des techniques spécifiques aux opérations
clandestines.
Quel que soit leur centre d’affectation, les
médecins du service se doivent d’être capables
d’agir en situation d’urgence ou de crise sur très
court préavis et en tout lieu. Les médecins, au
même titre que tous les hommes et femmes qui
composent le SA, contribuent à la réactivité et la
capacité d’adaptation qui caractérisent et font la
force de cette unité. Ils sont donc médecins mais
également et surtout agents opérationnels du Service
action, capable d’élaborer et de conduire les missions
à caractère médical, ou non, qui peuvent leur être
confiées.
Pour autant, les agents du SA ne sont pas des
« surhommes » mais des hommes et des femmes
sélectionnés pour leurs solides qualités foncières, leur sûreté
Figure 1. Médic.
de jugement, leur rigueur, leur honnêteté intellectuelle, leur humilité, leur
capacité à résister au stress, leur aptitude à vivre et agir seul, leur sens du mimétisme,
leur créativité et leur discrétion. Le bon agent est tout simplement une pièce de puzzle au profil très
particulier qui trouve parfaitement sa place dans cet assemblage de caractères et de compétences qui constituent le
Service action.
En conclusion, être affecté au SA est synonyme de disposer d’une autonomie de moyens pour réaliser des missions
variées dans tous les milieux : urbain, rural, désertique, maritime… mais aussi de pouvoir s’entraîner de manière
réaliste et de développer des projets créatifs et innovants. Le SA permet un mode d’exercice unique, hors du commun
et passionnant du métier de médecin des forces.
« Casse-tête chinois et auberge espagnole ! » : bienvenue à la maison mère
D. VARVENNE, G. RICHA, C. RONDEL
Les soldats de la Légion Étrangère représentent 7 % des effectifs de l’armée de Terre. Ce sont 8 400 hommes qui
ont choisi de servir la France à titre étranger, d’intégrer les rangs de cette institution pour ses valeurs, sa discipline
et ses traditions.
C’est 8 400 hommes de toutes origines qui parviennent, dans la diversité, à créer
l’unité et l’esprit
de corps. Pour le médecin des
forces, exerçant son métier au profit
des légionnaires, c’est également
une aventure humaine singulière,
riche et passionnante.
Le 1er Régiment étranger, implanté
au cœur de « la Maison Mère », à
Aubagne, est le régiment socle qui
soutient l’ensemble des unités de la Légion
étrangère.
C’est ici que l’histoire de chaque légionnaire
commence. C’est également ici qu’elle
se termine. En effet, à Aubagne, se croisent
chaque année 5 000 candidats à l’engagement,
600 militaires en activité au Quartier Viénot, 150
blessés de la Légion étrangère et quelques anciens
qui quittent l’Institution…
Autant d’hommes pris en charge par les quatre
médecins de l’antenne médicale.
Lundi matin, 7 h 15.
Café avec les légionnaires responsables de la sélection.
278
Figure 1. L’arrivée.
tranches de vie
- « Bonjour Sergent, combien de candidats ce matin ?
- Trente-deux, mon Capitaine, on a commencé les
biométries.
- D’accord. Le médecin-chef va démarrer a priori. Je
viendrai l’aider juste après les couleurs régimentaires
et le footing avec l’état-major. Le médecin principal
verra les consultants. »
Le café du lundi, c’est l’occasion de faire le point sur
la permanence du week-end et les patients admis en
hébergement à l’antenne médicale. C’est aussi la mise
en condition de chacun avant d’aborder la semaine qui
démarre sur les « chapeaux de roues »… Les candidats à
l’engagement se bousculent dans les couloirs. Les cahiers
des compagnies sont déposés, annonçant le nombre de
consultants à venir. Il faudra recevoir à 11 h, créneau qui
leur est réservé, les légionnaires blessés en congé longue
maladie, sans oublier les urgences éventuelles !
Le recrutement
métries. ©
, les bio
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Chaîne de
Figure 2.
ne.
D. Varven
Le recrutement à la Légion étrangère est un processus
de sélection continu, fonctionnant toute l’année,
dimanches et jours fériés inclus. Il repose sur une
organisation humaine et matérielle complexe, impliquant particulièrement l’antenne médicale. Le médecin de Légion
doit effectuer les visites d’aptitude médicale initiales des candidats dès leur arrivée, pour leur permettre de réaliser les
tests de capacité physique, sans jamais interrompre cette chaîne de recrutement. Il est également un acteur décisif lors
de la commission hebdomadaire de sélection, qui ne retient finalement que 1 300 légionnaires sur les 5 000 postulants
initiaux.
Sur le plan médical, la détermination de l’aptitude n’est pas chose aisée et les enjeux sont multiples. Barrière de
la langue, fréquence des maladies infectieuses (syphilis, hépatites B et C) ou liées à la précarité (tuberculose, gale),
absence de couverture maladie pendant les trois premières semaines de séjour à Aubagne, difficultés éthiques, sont
autant de situations complexes, auxquelles le médecin de Légion est confronté quotidiennement.
La barrière de la langue
L’interrogatoire clinique prend souvent une tournure cocasse pour ne pas dire vaine…
- « Do you speak English ?
- Yes Sir.
- [Soulagé]… Ok, so have you ever got any medical problem ?
- Yes Sir. I do sport !
- [Sceptique]… Okay… So why do you want to join the Legion ?
- Yes Sir ! I do
[Désabusé]
L’antenne médicale d’Aubagne compte parmi ses infirmiers, secrétaires et auxiliaires sanitaires environ sept
nationalités différentes, ce qui offre généralement les services rapides d’un traducteur. Mais le médecin de Légion
doit tout de même avoir certaines prédispositions en langues étrangères et les praticiens actuels constituent chacun un
référent que ce soit pour l’arabe, l’anglais, le roumain et l’espagnol ! Sinon, ultime recours, il reste encore le langage
des signes ou le dessin !
Le problème éthique
Un candidat d’origine mongole, âgé de 33 ans, présente un souffle cardiaque d’allure non fonctionnelle, une scoliose
marquée et un tiroir douteux de la cheville droite. Il arrive directement de l’aéroport et n’a déclaré à son arrivée que
150 € de ressources financières.
Pour déterminer son aptitude à l’engagement, il faut au minimum une échographie cardiaque (coût de cet examen
en l’absence de couverture sociale = 92 €), un holorachis (35 €), et une radiographie dynamique de la cheville
droite (35 €).
Que faire ?
Entretenir encore un peu l’espoir de ce candidat et lui demander la réalisation de ces examens onéreux, pour lui
permettre de passer les épreuves sportives qui le conduiront éventuellement en commission ?… Ou admettre que ce
candidat, même s’il parvient à effectuer ces examens complémentaires, aura peu de chance d’être retenu parmi les
meilleurs à la commission, et qu’il est plus honnête de lui expliquer que son rêve de Légion s’arrête là ?…
médecine et armées, 2017, 45, 2
279
Le suivi des blessés
Être médecin à la Maison Mère d’Aubagne, c’est aussi devenir le médecin référent des légionnaires blessés, issus
de tous les régiments étrangers :
- travailler en étroite collaboration avec les spécialistes hospitaliers* pour reconstruire ces militaires et leur permettre
un retour en unité opérationnelle ;
- assurer leur protection financière et sociale ;
- anticiper leur reconversion ou leur retour vers le milieu civil quand l’inaptitude médicale impose leur réforme ;
- savoir leur accorder du temps, une oreille attentive, un regard bienveillant ;
- savoir parfois leur rappeler qui ils sont pour encourager davantage leur guérison !
* NDLR : l’hôpital d’instruction des armées Laveran a ainsi été nommé 1re Classe d’honneur de la Légion Étrangère, titre honorifique
décerné par le général commandant la Légion.
Le fonctionnement classique d’une antenne médicale
Parallèlement, les médecins d’Aubagne se doivent d’assurer, comme tout médecin des forces, les consultations
quotidiennes et les visites médicales périodiques. Mais, là encore, il faut savoir prendre en compte la singularité des
légionnaires consultants…
- « Bon, Caporal, tu as une fracture de fatigue du tibia droit, il faut te mettre au repos sportif. Il faut que tu arrêtes
de courir.
- Reçu, Mon Capitaine. Mais les combats de free-fight et le jiu-jitsu, je peux quand même, hein ? »
…
Le conseil au commandement
À la Légion étrangère, le médecin, même s’il appartient au centre médical des armées dont dépend son antenne,
garde une place de choix au sein de l’état-major du régiment qu’il soutient.
À Aubagne en particulier, compte tenu de la spécificité des hommes qui y servent ou qui y passent, le médecin se
doit de préserver un lien étroit et permanent avec le chef de corps du régiment et toute la chaîne de commandement.
Des responsables du recrutement aux responsables de la reconversion, en passant par les commandants de compagnie
ou le directeur des ressources humaines, tous agissent pour le bien du légionnaire, du premier au dernier jour de son
contrat. Entretenir ces relations à la fois amicales et professionnelles, facilite la prise en charge des patients légionnaires
et la qualité de leur suivi.
Élément incontournable de la médecine des forces, plus encore au sein de cette unité, « le médecin de Légion » est
ainsi connu et reconnu.
Fiers de servir la grenade à sept flammes avec « honneur et fidélité », cette reconnaissance implique cependant
des devoirs, notamment celui de la disponibilité dans la participation aux activités du régiment, qu’elles soient de
tradition (Noël, fêtes de Rois, Camerone, cérémonies de départs), sportives (cross régimentaire, trail du 1er RE, cross
de Camerone), d’entraînement (marche régimentaire, exercice annuel) ou encore tout simplement quotidiennes comme
le repas du midi par catégories au mess officiers.
« Une mission perchée… » : soutien médical du Groupement militaire de haute montagne
B. GINON, D. CABANE
Népal région de Khumbu 5 300 m, le 25/9/2016 :
6 h 00 : « Je me réveille ; à côté de moi, Jean Yves le chef d’expédition sommeille encore. Nous avons dormi un peu
serrés dans notre petite tente d’un mètre de large, chacun percevant les mouvements de l’autre. Cette nuit, il a neigé
et le thermomètre est descendu en dessous de moins dix degrés Celsius. Emmitouflés dans nos épais sacs de couchage
en duvet, nous n’avons pas ressenti le froid. Pour autant je n’ai pas passé une très bonne nuit, le sommeil ayant tardé
à venir, perturbé par quelques céphalées, avant d’être entrecoupé de nombreux réveils… Ma position de médecin me
rend attentif aux autres membres de l’expédition ; mais également aux réactions de mon propre organisme…
Arrivés au Népal il y a quinze jours, cela fait maintenant une semaine que nous avons débuté notre acclimatation.
C’est dans cette phase délicate de l’adaptation à l’hypoxie, que les pathologies d’altitude peuvent se déclencher.
Hier, nous avons marché 2h pour passer la barre des 5 000 m qui constitue le seuil de la très haute altitude. Pour moi
cette altitude marque une frontière, et son franchissement s’accompagne toujours d’une part d’anxiété. Nous quittons
le milieu connu des altitudes fréquentées dans les Alpes. Arrivés sur notre lieu de bivouac, nous avons installé notre
campement avant de manger, emmitouflés dans nos duvets, puis de nous coucher « comme les poules » à 18 h 30,
avec le soleil.
À 6 h 30, nous nous levons. La préparation du petit-déjeuner commence immanquablement par la « corvée » d’eau
consistant à faire fondre de la neige. Nous engloutissons nos lyophilisés avant de plier le camp.
Aujourd’hui, nous rejoignons les 4 autres membres de l’équipe, les grimpeurs, qui nous précèdent de 24 h Nous
devons rallier leur bivouac à 5 750 m, en suivant un cheminement glaciaire transitant par un court passage technique.
280
tranches de vie
Si les conditions sont bonnes, l’objectif est d’atteindre notre sommet d’acclimatation culminant à 6 200 m d’altitude.
Les grimpeurs ont prévu d’y rester dormir, alors que Jean Yves et moi redescendrons à des altitudes plus modestes… »
Le groupe militaire de haute montagne
Le Groupe militaire de haute montagne (GMHM) est un groupe d’alpinistes d’élite se déplaçant aux quatre coins
du monde. Spécialisé dans l’évolution en environnements extrêmes, il développe des savoirs faire qu’il transfère à
l’armée de Terre. Ces dernières années, le GMHM a réalisé plusieurs ascensions techniques entre 6 000 et 8 000 m
d’altitude, dans les Andes et en Himalaya.
Dans le cadre de ses missions, le GMHM est souvent accompagné d’un médecin. Exerçant dans un grand isolement,
le médecin d’expédition doit être en mesure de gérer une urgence médicale ou traumatique, puis de mettre en place
une évacuation sanitaire s’appuyant en grande partie sur des moyens locaux.
Préparation de la mission
Comme pour tout soutien médical, la préparation en amont est primordiale. Elle intègre les spécificités de notre
exercice. Au plan thérapeutique nous prévoyons de quoi faire face aux pathologies spécifiques du milieu (altitude et
froid). Des moyens et des stratégies doivent être prévus pour faire face à des évacuations sur plusieurs jours de marche.
Les structures hospitalières des pays fréquentés (Népal, Inde, Pérou…) sont très inégales et doivent faire l’objet d’une
évaluation préliminaire. Enfin, les contraintes logistiques de l’expédition (déplacement pédestre) nous font limiter la
quantité totale de matériel médical à 20-30 kg.
Le déroulé d’une expédition
Une expédition à haute altitude dure 6 à 8 semaines et comporte plusieurs phases :
- l’acclimatation : elle permet de prendre de l’altitude progressivement. L’objectif est de s’adapter physiologiquement
pour l’altitude du camp de base, tout en évitant les pathologies liées à l’hypoxie. C’est la phase la plus à risque de
survenue du mal aigu des montagnes et de ses complications ;
- le camp de base : en Himalaya, il se situe le plus souvent entre 5 000 et 5 500 m d’altitude, à proximité immédiate
du sommet. C’est le lieu de préparation de l’ascension. Les alpinistes s’alimentent en abondance, tout en se reposant
et en conservant une activité physique modérée pour compléter leur acclimatation. En lien étroit avec leur routeur
météo, les grimpeurs observent leur itinéraire dans la face. Le médecin est impliqué au quotidien dans la vie de
ce petit groupe évoluant en vase clos. Sa position particulière permet de jouer un rôle tampon, de désamorcer
d’éventuelles tensions ;
- la phase d’ascension : quand toutes les conditions sont
réunies, les grimpeurs se lancent dans l’ascension, en
autonomie complète pour 4 à 6 jours. Le rôle du médecin
et du chef d’expédition restés au camp de base est d’assurer
une permanence radio tout en observant, la progression des
cordées dans la face. Cette phase de l’ascension est la plus
stressante, car la plus à risque d’accident traumatique grave.
Recherche/Explorations physiologiques
Crédit photos : GMHM.
médecine et armées, 2017, 45, 2
Le soutien médical d’expédition, par son caractère
hors norme constitue une occasion idéale de mettre en
place un protocole de recherche physiologique ou pour
tester du matériel, en conditions de terrain,
au froid et en hypoxie. En 2014
et 2016, les études
Shimer (Shishapangma
Memory) et Namaste
(Nangpai Memory and
Attention Smartphonebased TEst) ont été
menées en partenariat
avec l’Institut de
recherche biomédicale des
armées. Ces deux études
avaient pour objectif
d’évaluer l’attention et
la mémoire de travail en
situation d’hypoxie hypobare
subaiguë, à partir notamment de
tests supportés par smartphones.
281
Quelques exemples de prises en charge
Nous accompagnons des petits groupes de 6 à 8 personnes, et le plus souvent, nous n’avons à traiter que de la
« bobologie ». Toutefois au cours des quinze dernières années les différents médecins accompagnant les expéditions
du GMHM ont notamment dû faire face à un accident mortel, un œdème pulmonaire de haute altitude, à des gelures…
Mukut Parbat (Inde) Septembre 2009 : dans la région du Gharwal, une équipe de 8 grimpeurs, part à l’attaque
d’un sommet de plus de 7 000 m. Quelques jours après l’arrivée, l’acclimatation commence à peine, et tout le monde
se trouve à un camp intermédiaire à 4 900 m d’altitude. Un des grimpeurs présente une asthénie marquée avec une
Saturation artérielle en oxygène (SpO2) à moins de 80 %, plus basse que celle de ses camarades. L’interrogatoire
retrouve des céphalées intenses, déjà présentes les jours précédents. Le médecin pose le diagnostic de mal aigu des
montagnes modéré à sévère. Après un passage dans le caisson hyperbare portable peu efficace et l’instauration d’une
corticothérapie, il est décidé de faire redescendre le malade 1 000 m plus bas. Sur le terrain, un choix tactique difficile
se pose : où le médecin doit-il se positionner ? Avec le patient, alors que la descente est souvent seule salvatrice dans
les pathologies d’altitude ? Ou bien avec le reste de l’équipe qui poursuit son acclimatation et peut être soumise à
d’autres difficultés médicales ?
Descendu dans un premier temps avec un autre grimpeur, le malade sera finalement rejoint par le médecin 24 h plus
tard, compte tenu d’une évolution peu favorable. C’est à ce moment que le tableau d’œdème pulmonaire de haute
altitude sera avéré et que la décision de rapatriement du grimpeur sera prise.
Kamet (Inde) septembre 2012 : alors que 4 alpinistes du GMHM viennent de réaliser une première en gravissant la
face ouest du Kamet à 7 800 m d’altitude, la descente est délicate après 5 jours passés à plus de 6 000 m dont 3 bivouacs
à 7 500 m. Un des grimpeurs est particulièrement atteint, ayant eu du mal à boire et à s’alimenter dans la redescente de
la face, il rejoint le camp de base à 5 400 m d’altitude dans un état d’épuisement et il présente des gelures profondes
au niveau des mains et des pieds. Au cours des 30 km de retour à pied parcourus sous la neige jusqu’au village de
Ghastouli (à 3 900 m d’altitude), il devra être perfusé pour réhydratation intraveineuse. Pendant les jours qui suivront,
le médecin réalisera quotidiennement les pansements sur le lit d’une chambre d’hôtel miteuse du fond de l’Inde.
Épilogue
La médicalisation d’une expédition d’alpinisme à très haute altitude présente de nombreuses similitudes avec certains
postes isolés en opérations extérieures ou dans la marine. Les spécificités sont représentées par un dénuement encore
plus grand et des conditions de vie spartiates dans un environnement d’altitude caractérisé par l’hypoxie et le froid.
L’expérience du soutien d’expédition permet également de développer une certaine rusticité ainsi que des savoirs faire
spécifiques. Enfin, c’est avant tout une aventure humaine inoubliable, permettant à un médecin montagnard d’exercer
son métier dans l’environnement qui le passionne.
« Tremblement, catastrophe et feu de forêt » :
médecin de la Sécurité civile
H. MARSAA
Les Formations militaires de la
sécurité civile (ForMiSC) sont des
unités de l’armée de Terre issues
de l’arme du génie mises pour
emploi à disposition du ministère
de l’intérieur. Elles regroupent
environ 1 500 militaires répartis
essentiellement au sein de
trois unités d’instruction et
d’intervention de la sécurité
civile (UIISC) basées à Nogentle-Rotrou (UIISC 1), Brignoles
(UIISC 7) et Corte (UIISC 5).
Leur mission est d’intervenir
lors des catastrophes naturelles
et technologiques aussi bien
en France qu’à l’étranger sur demande
d’assistance de pays touchés par un sinistre. Elles sont
spécialisées en particulier dans la recherche de victimes
sous décombres lors de tremblements de terre, la lutte
contre les feux de forêt, la production/traitement de
l’eau et l’assistance médicale à la population. Elles
282
Figure 1. Descente en rappel
à partir d’un hélicoptère
de type « PUMA ».
© MP Marsaa.
Figure 2. Sauvetage de
Darlène, victime de 15 ans
retrouvée vivante après
14 jours sous les décombres.
tranches de vie
disposent également de moyens de détection et de décontamination dans le cadre des risques nucléaire, radiologique,
bactériologique, chimique et explosif.
Les UIISC sont caractérisées par leur rapidité de déploiement. Ainsi le contrat opérationnel impose un départ de l’unité
en trois heures en cas d’intervention, 24 h/24 et 7 j/7, ce qui constitue un véritable challenge et nécessite une astreinte
permanente. Sept médecins et sept infirmiers, tous militaires, sont affectés dans les UIISC. Leurs missions principales
sont, comme dans toutes les unités de l’armée française, le soutien et la mise en condition opérationnelle des forces. Ce
soutien adopte plusieurs formes en France : médecine de soins, aptitude, soutien des activités et entraînements à risque.
Un exemple de mission spécifique des ForMiSC est le soutien du Détachement d’intervention héliporté (DIH) : il
s’agit d’un groupe constitué d’une vingtaine de sapeurs sauveteurs spécialisés dans la lutte contre les feux de forêt
inaccessibles aux moyens terrestres et acheminés avec leur matériel en hélicoptère au plus près de la zone sinistrée. Le
soutien de ce détachement est assuré par un médecin ou un infirmier isolé qui bénéficie de la même mise en condition
opérationnelle que les équipiers : formation « feux de forêt » indispensable pour la connaissance du milieu, qualification
aérocordage, extraction d’urgence en nacelle… Cette mission particulière nécessite un bon niveau physique ainsi que
des compétences en médecine d’urgence qui doivent être régulièrement entretenues par la réalisation de gardes en
milieu extra et intra-hospitalier.
À l’étranger, la mission de certains détachements peut être particulièrement tournée vers l’assistance médicale aux
populations sinistrées. C’est le cas notamment lors de la projection de L’Élément médical de sécurité civile rapide
d’intervention médicale (ESCRIM). Cet hôpital de campagne médico-chirurgical et obstétrical de la Sécurité civile
est géré conjointement par le Service départemental d’incendie et de secours 30 (SDIS30) et l’UIISC 7. Il illustre
parfaitement la collaboration civilo-militaire. Participer à une mission au sein de cette structure originale représente
une formidable expérience et ce, à tous niveaux : contact auprès des populations sinistrées, travail en équipe avec
professionnels issus de nombreux horizons, environnement rustique inhabituel, gestion de problèmes logistiques de
toutes sortes, évolution en environnement international dans un contexte de crise…
Un autre exemple caractéristique des ForMiSC est celui de la médicalisation des victimes sous décombres pendant
les opérations d’extractions lors des séismes. Dans ce contexte délicat et potentiellement dangereux, le travail en
concertation entre soignants et sauveteurs est primordial. L’obtention, au terme d’un processus rigoureux, de la
certification International search and rescue advisory group (InSARAG), label dépendant de l’Organisation des
nations unies dans le domaine du sauvetage-déblaiement de même que le projet d’intégration de l’ESCRIM au sein
du corps médical européen valorisent le niveau technique de ces détachements.
Servir dans les ForMiSC constitue ainsi une expérience atypique dans les armées, différente mais passionnante.
Cette affectation offre l’opportunité de découvrir le milieu de la sécurité civile aussi bien en France qu’à l’étranger.
La disponibilité opérationnelle élevée est compensée par la variété et la richesse des missions pour porter secours
aux populations sinistrées et apporter l’aide de la France lors d’une crise sanitaire grave. Les missions des dernières
années de Haïti au Japon en passant par le Népal et la Guinée en sont quelques exemples.
« En passant par la portière » : médecin parachutiste
L. CASSOU, C. GALLINEAU, J-D. LARTIGOLLE, P. VICTOIRE, O. MARTINEAU
Trois médecins des forces, affectés dans des antennes médicales soutenant des unités parachutistes, ont participé
à l’exercice international « Colibri » simulant une opération aéroportée de grande envergure. Leur récit illustre leur
contribution respective et complémentaire à l’organisation et au bon fonctionnement de la chaîne santé en opération.
Les spécificités du milieu parachutiste imposent notamment le largage par saut aéronefs des équipes médicales et du
matériel nécessaire à leur mission.
Le médecin de la compagnie d’infanterie parachutiste
4 h 15, sur l’aire d’embarquement, c’est le contrôle des parachutistes. Mon équipe est en place : un auxiliaire
sanitaire au début de mon câble, l’infirmier sur l’autre. Mon sac santé est dans ma gaine (système de portage du sac
qui accompagne le parachutiste), un ampoulier et des garrots fixés sur la chasuble sous mon parachute, mon fusil
d’assaut assujetti, chargeur sur l’arme. Je porte environ 40 kg de matériel, comme le reste de l’équipe médicale, poids
« acceptable » grâce à notre entraînement physique quotidien.
6 h 20, la lumière verte s’allume, la sonnette retentit, ça pousse derrière, nous franchissons la portière (sortir de
l’avion dans le jargon parachutiste). Après le calme de la descente, l’atterrissage est rude, comme à chaque fois, mais
je suis indemne. Urgentiste, au cœur de mon métier de médecin parachutiste, j’analyse la situation : y a-t-il des cris
ou une voile blanche signalant un blessé ? Non. Je replie mon parachute et rejoins le reste de l’équipe au point de
regroupement avec mon « barda ». Notre matériel santé à dos d’homme nous permettra de tenir en attendant le lot de
projection initiale qui sera aéro-largué demain avec un véhicule. Pour l’heure, insérés dans une compagnie d’infanterie
parachutiste que je connais bien, nous nous concentrons sur l’assaut du village « à conquérir ». Si sous le feu ennemi
l’un d’entre nous est blessé, nous saurons appliquer les bons gestes au bon moment, grâce aux entraînements réguliers
à l’antenne médicale et la formation reçue au Centre d’enseignement et de simulation de la médecine opérationnelle
(CESimMO). Pendant 24 heures, nous sommes le seul soutien santé de l’opération.
médecine et armées, 2017, 45, 2
283
Le médecin au poste médical
Figure 3. Accueil des premiers blessés
au poste médical. © MC Cassou.
8 h 10, je fais partie de la
deuxième phase de largage.
Nous nous apprêtons à
réceptionner le Poste médical
complet modèle 2014
(PM/14) qui sera parachuté
demain. J +1, 12 h 00, les trois
tonnes du PM/14 percutent
bruyamment le sol. Aidé de
l’équipe médicale et d’autres
parachutistes, nous récupérons
le matériel puis montons la
structure métallique de la
tente. Mon objectif : rendre
le PM opérationnel le plus
rapidement possible pour
recevoir les premiers blessés.
En 4 h 30, il est en mesure
d’accueillir 2 blessés graves
Figure 1. Saut de la 11e Brigade
et 6 blessés légers. La réussite
parachutiste. © 11e BP.
de notre installation résulte
du travail préparatoire mené
avec les spécialistes de la livraison
par air. Elle est également le fruit
Figure 2. Largage du poste médical. © MC Aigle.
de l’investissement de mon équipe
qui, la semaine dernière, a déconditionné
l’ensemble du PM/14, identifié les caisses indispensables, trié celles-ci en fonction de leur poids pour les répartir de
façon homogène sur les palettes de largage et repérer le matériel sensible nécessitant une protection renforcée. Notre
mission est dorénavant de rassembler, trier et mettre en condition de survie les blessés, avant de les évacuer vers une
antenne chirurgicale.
Le médecin de la cellule de coordination d’évacuation des blessés
J + 1, 12 h 30, je quitte la zone où je viens d’être parachuté pour rejoindre les éléments précurseurs de l’état-major
de la 11e Brigade parachutiste. Je m’installe dans le poste de commandement tactique de l’opération, et commence
à m’assurer que la chaîne santé, entièrement aéro-larguée, est pleinement efficiente. Mon rôle consiste à coordonner
les évacuations sanitaires. Sous la tente, l’espace est confiné. Au milieu des crépitements incessants des postes de
transmission, les premiers comptes rendus nous annoncent que la compagnie d’infanterie parachutiste est sévèrement
« accrochée ». Une demande d’évacuation de blessés tombe sur les ondes radio. L’état-major se mobilise et attend mes
consignes. Même si le contexte est très particulier, je suis serein : le soutien s’organise comme nous l’avions planifié.
Malgré la fatigue physique et l’isolement, les équipes médicales, insérées dans le dispositif militaire, assurent, de
manière déterminante, la prise en charge initiale des blessés. Le matériel largué leur donne les moyens rudimentaires
mais suffisants pour garantir la survie des blessés. Par la suite, nous profiterons de la zone où nous avons été largués
pour faire poser un avion médicalisé afin d’évacuer, dans les plus brefs délais, les blessés vers une antenne chirurgicale.
À ce stade, nos objectifs sont atteints grâce à notre préparation opérationnelle adaptée et nos compétences médicales
en situation hostile.
« Sur le même bateau… » : une médecine à la mer
L. VERMEULEN, D. GUNEPIN
Missions interalliées en Atlantique Nord
Orchestrées par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ces missions-exercices, de 1 à 2 mois sont
l’occasion de déployer des bâtiments en Atlantique Nord principalement autour de la Norvège, Suède, Islande, Irlande,
Royaume-Uni et des Pays-Bas. Ces exercices mettent en jeu plusieurs bâtiments de fonctions et de nationalités variées.
Les interactions avec les médecins des bâtiments étrangers et les autorités rencontrées permettent de comparer nos
pratiques, matériels, formations et protocoles. À plusieurs reprises, lors de ces exercices, en tant que jeune médecin
diplômé du brevet de médecine navale, j’ai dû porter assistance à des bâtiments étrangers sans infirmier et ou sans
médecin. Cette assistance concerne des urgences ou tous types de problèmes médicaux. Dans ces situations, l’apport
284
tranches de vie
de l’échographie et de la radiographie est une réelle plus-value pour le diagnostic. De plus tous les marins (français et
étrangers) se mobilisent pour faciliter la prise en charge du ou des blessés par le médecin. Il existe vraiment au sein
de l’univers de la Marine une cohésion très forte dans la difficulté qui me rend fière de faire ce métier de médecin
embarqué. La reconnaissance de notre savoir-faire et du service rendu sur les bâtiments français et étrangers est réelle
et sincère.
Alerte et disponibilité
La sûreté et la protection de la façade atlantique, où siège notre principale force de dissuasion nucléaire : les Sousmarins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), nécessitent un régime d’alerte particulier. Ces missions sont soumises
à modifications de dernière minute en fonction des conditions météorologiques, des avaries, de la circulation des
bâtiments étrangers sur nos côtes… Le préavis de ces modifications est de moins de vingt-quatre heures. Ces périodes
d’alerte (un mois sur deux le plus souvent), sont partagées entre les différentes frégates. Lors de ces périodes, le
commandement du bâtiment peut réduire le temps de ralliement en fonction des impératifs opérationnels. À plusieurs
reprises j’ai été appelée le week-end ou en vacances pour rallier le bâtiment en moins de six heures. Cette disponibilité,
parfois pesante familialement, doit rester un principe fort de notre engagement de médecin des forces.
La vie à bord
Le médecin est le conseiller privilégié, « sans filtre »
du commandement dans le domaine de la santé, du bienêtre de l’équipage, de l’hygiène et de la prévention.
Cette relation privilégiée permet de gérer rapidement
et efficacement les situations d’urgence (évacuation
sanitaire, modification de la route du bâtiment pour
améliorer la stabilité de celui-ci le temps d’un soin
risqué…). La gestion des difficultés relationnelles,
du harcèlement moral, du mal-être au travail, des
problèmes sociaux ou familiaux incompatibles avec
le statut embarqué est dépendante de cette relation
médecin-commandement.
À bord, outre la fonction de soignant, le médecin
est aussi l’officier « distraction ». Ce rôle consiste à
organiser les escales des marins, gérer les activités
de cohésion et de loisir à bord. Cette fonction
originale et pour le moins hors cœur de métier
m’a pourtant beaucoup aidée lors de mes premiers
mois d’embarquement en facilitant les contacts avec
l’équipage tout en « prenant la température » du bord.
© Vermeulen.
L’isolement
Sur le remorqueur de haute mer « Malabar » , lors de l’exploration des routes au nord du Groenland et lors de la
traversée de l’Atlantique, nous étions à plusieurs reprises à plus de cinq jours de mer du premier hôpital. L’objectif de
ces missions pour le médecin est de pouvoir prendre en charge les marins en toutes circonstances et sans possibilité
d’aide extérieure dans des locaux spartiates et avec le minimum de matériel. Ce bâtiment ne possède qu’un accès
internet extrêmement limité : un mail par jour et par personne en texte seul, sur une adresse unique pour tout l’équipage
du bord et sans accès à Google, Internet explorer, Mozilla… ni aux boîtes mail personnelles civiles ou militaires. Il
faut savoir partir avec la documentation médicale la plus adaptée. L’accès au téléphone est variable en fonction de
la localisation et des conditions météorologiques. Cet isolement que l’on peut ressentir comme valorisant est aussi
très stressant. La moindre situation qui peut dégénérer, et mettre en jeu le pronostic vital ou fonctionnel, suscite une
poussée d’adrénaline.
Au total, le métier de médecin embarqué est passionnant dans bien des domaines. L’interaction avec le commandement
et les marines étrangères est enrichissante. L’adaptabilité constante demandée à bord des bâtiments rend plus complexe
l’obtention de diplômes qualifiants et le suivi de formations. Le statut particulier de praticien isolé est particulièrement
valorisant tout en favorisant une grande indépendance très tôt dans le cursus.
« Années lycée et crises d’ado… » : médecin en lycée militaire
MC F. ROBIN, MC (R) L. PAPILLAULT, MP (R) A.-L. BRETON
Il existe actuellement en France six lycées militaires : Lycée Militaire de Saint-Cyr-l’École, Prytanée National
Militaire de La flèche, Lycée naval de Brest, l’École des Pupilles de l’Air, Lycée Militaire d’Aix-en-Provence et
médecine et armées, 2017, 45, 2
285
Lycée Militaire d’Autun. Ce sont des établissements d’enseignement secondaire classiques permettant la scolarisation
en internat d’élèves garçons et filles depuis la classe de seconde, parfois depuis la sixième. Ces lycées présentent
quelques particularités par rapport au secteur civil, en effet les enfants scolarisés sont majoritairement des enfants de
militaires, d’agents du ministère de la Défense et de fonctionnaires et permettent après le baccalauréat la préparation
aux concours d’officiers des armées en classes préparatoires.
L’encadrement des 700 élèves présents en moyenne dans chaque établissement est assuré par du personnel
militaire (chefs de section et commandants d’unité) alors que les cours sont dispensés par des professeurs détachés
de l’éducation nationale.
Le dispositif médical en place dans les lycées
L’offre de soins dans ces établissements est bien supérieure à celle qui existe en secteur civil : l’activité y est
relativement importante, elle est centrée sur le soutien aux élèves (environ 20 consultations quotidiennes au sein
de chaque lycée) et sur une activité d’aptitude et d’expertise liée à la présentation aux concours des grandes écoles
militaires.
Ces soins sont assurés par un médecin militaire d’active à temps plein, parfois par des médecins scolaires ou
réservistes à temps partiel, un médecin psychiatre ou un psychologue complétés par une équipe d’infirmières civiles
(deux en moyenne) ainsi que deux à trois aides-soignants ou auxiliaires sanitaires sans oublier une secrétaire.
Un mode d’exercice singulier
L’exercice d’un médecin généraliste militaire soutenant une population de 700 jeunes internes de 15 à 22 ans, parfois
dès 10 ans (lycée militaire d’Autun et l’École des pupilles de l’Air) au sein d’un lycée de la Défense est spécifique
car la prise en charge d’un patient adolescent est toujours singulière. L’adolescence est en effet une période de
transition marquée par de nombreuses transformations. Ainsi, l’équilibre de l’enfant se fragilise : le rapport au corps,
l’évolution de l’autonomie, la construction de la personnalité et la socialisation vont évoluer construisant pendant
ces années l’adulte qu’il va devenir. En consultation médicale l’adolescent doit être considéré comme un individu
singulier capable de participer autant que possible au processus de prise de décision tout en gardant à l’esprit qu’il
n’a pas encore toute l’objectivité d’un adulte. Les manifestations des symptômes sont éminemment variables en
fonction de l’enfant-adolescent et de son rapport avec autrui. Ainsi encore plus que dans la population générale, la
consultation de cet « être en devenir » doit être extrêmement adaptée à l’individu
et à son niveau de maturité.
Les adolescents n’aiment pas particulièrement se découvrir
Figure 2. Lycée militaire d’Autun
tant sur le plan physique que psychologique et n’ont
(intradef).
pas forcément envie de parler à quelqu’un
qu’ils connaissent mal et
auquel il leur semble
difficile d’accorder leur
confiance d’emblée.
Certains d’entre eux
viennent chercher à
« l’infirmerie », ou
Figure 1. Élèves du lycée
service médical, un
naval lors d’une cérémonie
lieu d’écoute, parfois
(intradef).
de réconfort auprès des
infirmières ou des aidessoignants d’autant plus que
quelques-uns ne retrouvent
leur famille qu’au moment des
vacances scolaires.
Progressivement, favorisé par
le monde confiné de l’internat,
le lien de confiance se tisse avec
l’équipe du service médical et parfois
une consultation pour un traumatisme bénin permet
de dépister une souffrance psychique qui peut être
ainsi prise en charge rapidement. Ainsi, ce métier
nécessite d’avoir des qualités d’écoute et d’empathie
particulièrement développées.
La plupart de ces jeunes gens traversent la
période de l’adolescence sans encombre, gardant
le souvenir de ce séjour en internat comme un
enrichissement et un épanouissement personnels.
286
tranches de vie
Un champ de prévention et de dépistage inestimable
La spécificité de l’internat et la facilité d’accès aux soins pour ces adolescents en lycée militaire offrent un champ
de prévention et de dépistage inestimable, largement supérieur aux possibilités données en médecine scolaire civile
voire en médecine de ville. Classiquement en médecine générale, ils représentent la classe d’âge qui a le moins
recours aux soins lors de difficultés psychiques. Ce repérage précoce et cette prise en charge rapide concernent tout
particulièrement les troubles du comportement alimentaire mais aussi la prévention de la dépression et du suicide de
l’adolescent, enjeu majeur de santé publique. Le métier de médecin des armées en lycée militaire est ainsi une pratique
de la médecine de soins originale et passionnante.
« Isolé mais pas seul » : soutien santé sur les sous-marins nucléaires d’attaque par les
infirmiers
J. PONTIS, O. HOLUB, B. SCHNEIDER, M. BOHIC, M. AGOUSTY, D. ZIDOUR, J.E. BLATTEAU, C. LAFFERRERIE
Dimanche, 22 h 00, au fond du canapé, un « James Bond » à la télé… le téléphone d’astreinte de permanence médicoradiologique sonne… C’est l’infirmier d’un Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) en patrouille en Atlantique.
« Allô ? Docteur ? Allô ? Non, je vous entends mal… J’ai mon MOTEL (maître d’hôtel) qui est tombé dans une
échappée… il hurle, il est en vrac, je n’arrive pas à le bouger malgré la morphine et il a des fourmis dans les jambes… ».
Revient alors dans mon esprit l’image du second maître transmetteur tombé de 5 mètres dans le massif de mon SNLE
2 ans plus tôt : pneumothorax bilatéral, fractures costales et vertébrales… Bon… après quelques conseils de prise en
charge immédiate, une MEDEVAC paraît inévitable… « Où êtes-vous exactement ?… », « Non, Doc, un hélico, ce
n’est pas possible ! On se fait brasser ! Il y a mer 5… », « Bon, OK… trop dangereux ».
Après de nouveaux conseils de stabilisation et de surveillance, j’arrive à convaincre le commandant en second du
SNA de se rapprocher des côtes pour l’évacuer. Vingt-quatre heures plus tard, ce sont finalement l’hélicoptère et
le médecin d’une frégate française qui croise non loin qui récupéreront le blessé. Plus tard sur cette même mission,
l’infirmier sera également confronté à des malaises hypotensifs sévères atypiques. Une nouvelle fois le médecin
d’astreinte sera sollicité et décidera d’une évacuation. Quarante-huit heures plus tard, le diagnostic d’insuffisance
surrénalienne aiguë sera posé à l’hôpital…
Sauf exception (raison opérationnelle, isolement extrême), le soutien médical des SNA est assuré uniquement par un
infirmier. Isolé sous l’eau, avec des possibilités de communication souvent inexistantes, il a la lourde tâche d’établir
des diagnostics, de prendre des décisions thérapeutiques complexes et ainsi de garantir au commandant la continuité
de la mission.
Les principaux risques spécifiques à bord des SNA, milieu « industriel » exigu en atmosphère confinée, sont le
traumatisme grave, l’intoxication par les fumées d’incendie, véritable hantise du sous-marinier, l’électrisation et le
risque radiologique.
Les médecins de l’Escadrille des SNA
(ESNA) ont différentes missions : la mise
Figure 1. Treuillage d’un médecin sur
en condition opérationnelle et soutien des
un sous-marin nucléaire d’attaque
équipages de SNA à quai, embarquements
(Marine nationale).
ponctuels pour des missions nécessitant
un renfort médical. Ils ont également
le devoir de maintenir un haut niveau
d’exigence dans la formation continue
des infirmiers (cours théoriques,
participation aux consultations médicales
à l’infirmerie en plus des « recyclages »
hospitaliers et pré-hospitaliers). Ils
mettent à jour la dotation en matériel
et médicaments ainsi que les protocoles
thérapeutiques destinés aux infirmiers.
Toujours dans ce souci d’exigence et pour
enrichir la formation médicale continue
des paramédicaux embarqués, deux
projets sont en cours : la création d’une
filière d’Infirmiers hyperbaristes (IH)
adaptée aux spécificités de la survie et du
sauvetage d’un équipage de sous-marin en
milieu hyperbare et le développement d’un
partenariat avec l’antenne toulonnaise du
médecine et armées, 2017, 45, 2
287
Centre d’entraînement et de simulation à la médecine opérationnelle (CESimMO) pour des simulations à bord des
SNA autour de thèmes adaptés aux risques spécifiques de ce milieu très particulier.
Non, les infirmiers de SNA ne sont pas seuls…
Glossaire
Échappée : petit escalier étroit
Massif : partie verticale du sous-marin ou kiosque
« Cauchemar de Noël… » : médicalisation d’une intervention du Groupement d’intervention
de la Gendarmerie nationale
O. DUBOURG, C. BOUTILLIER DU RETAIL, R. ROFFI, F. RAMON, D. COMMEAU, Y. FRESSANCOURT
Nous sommes à l’approche de Noël, en pleine soirée cohésion pour les familles de la force d’intervention du
Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), à Satory. Soudain, certains visages, auparavant rieurs,
se font graves. Quelques secondes plus tard, tous les bippers de la section d’alerte raisonnent… Il faut partir, devant
les familles, pour une prise d’otage. L’homme retient un enfant et a ouvert le feu sur les forces de l’ordre, à plusieurs
reprises.
Nous roulons à vive allure sur la route pluvieuse, en convoi. Durant le trajet, des informations nous parviennent
peu à peu, grâce au réseau radio équipant chaque véhicule : environnement immédiat et configuration des lieux,
circonstances du drame, articulation du dispositif tactique. Si un assaut d’urgence s’avère nécessaire immédiatement,
nous discutons la place des éléments santé avec l’infirmier (photo 1). Tout gain de temps est précieux : notre binôme
médecin-infirmier, dans le même véhicule, essaye d’anticiper une éventuelle prise en charge et met en alerte le Service
d’aide médicale urgente (SAMU) concerné géographiquement.
Dès notre arrivée, nous sommes « briefés » collectivement dans une salle de la mairie, avec les derniers éléments
recueillis par les négociateurs à pied d’œuvre depuis plusieurs heures. Le plan
d’assaut d’urgence est brièvement complété. La configuration des lieux
et le fait que le preneur d’otage est seul nous font décider de garder
notre binôme groupé, dans un des deux groupes tactiques.
Nous déposons une partie de notre matériel santé à
Figure 1. Infirmier.
la mairie. Pour les communications, nous
disposons d’un canal santé dédié afin
de coordonner nos moyens sans
perturber le canal commun
au groupe tactique. Après
une rapide discussion
avec les pompiers
présents, nous reprenons
Figure 2. Colonne GIGN.
contact téléphonique avec
le centre 15 et compte tenu
des délais de ralliement de
l’antenne du Service mobile
d’urgence et de réanimation
(SMUR) la plus proche,
demandons le pré-positionnement
d’un véhicule médicalisé.
Protégés par nos équipements
balistiques, sac médical d’urgence sur
le dos et bouteille d’oxygène à la main,
nous progressons discrètement vers une
des façades de la maison. La pression
ajoutée par la présence d’un enfant est
palpable… L’attente débute alors, dans
un froid pinçant. Au petit matin, après une
longue lutte contre le sommeil et le froid,
les premières nouvelles des négociateurs
se veulent rassurantes : le preneur d’otage
semble plus calme.
288
tranches de vie
Soudain, nos radios grésillent. Courant vers nous depuis le poste de commandement, du chef de section la voix
haletante ordonne de donner l’assaut : « il va tuer l’enfant, assaut, assaut ! ».
Les secondes suivantes semblent hors du temps. Les coups sourds du bélier contre la porte d’entrée sont entrecoupés
de détonations sèches, puis suivis d’un silence tendu.
Enfin, le message radio tombe, laconique : « le doc, vite !».
Notre binôme s’élance vers la maison, à l’intérieur de laquelle nous sommes guidés vers une pièce. J’ai le temps
d’apercevoir l’individu, qui ne semble pas blessé, maîtrisé dans un coin de la pièce. Ce que nous redoutions le plus
est arrivé : l’homme a tiré sur l’enfant. Je me fais confirmer l’absence d’autre blessé et nous prenons en charge la petite
victime, porteuse d’une plaie thoracique gauche transfixiante. Un opérateur du GIGN a plaqué sa main sur l’orifice
antérieur, très hémorragique. L’enfant vomit du sang. Il faut se concentrer sur les gestes de survie et aller vite. Juste
avant la décision de l’assaut, malheureusement, le véhicule SMUR a dû repartir pour sa relève et je demande qu’on
les rappelle. Notre binôme santé est bien complémentaire et la répartition des tâches aide à maîtriser notre stress.
L’expérience acquise lors des gardes pré-hospitalières permet de dérouler la prise en charge. La mise en condition
se poursuit après l’arrivée du SMUR, puis l’enfant est évacué vers une structure chirurgicale.
Quelques heures plus tard, la bonne nouvelle tombe, l’enfant est sauvé, le chirurgien thoracique précisant tout de
même qu’il a perçu le péricarde à l’exploration de la plaie !
La mission première de la présence d’un médecin et/ou d’un infirmier dans une colonne d’assaut du GIGN est la
médicalisation quasi immédiate d’un opérationnel blessé.
Certains éléments de ce soutien santé au plus près sont constants : la progression se fait la plupart du temps à
l’arrière de la colonne, du côté de moindre menace ; l’équipement de protection balistique est le même que celui des
opérationnels ; l’armement diffère évidemment, il n’a pour but que l’éventuelle auto-défense immédiate.
Les contacts visuels et radio permettent à la fois de suivre pleinement l’action en cours — donc de savoir se
positionner au mieux au sein de la colonne d’assaut — et porter secours aussitôt que possible à un opérateur blessé
en cours d’action, sur les bases du sauvetage au combat.
Cette fonction de soignant nous amène également à prendre en charge d’éventuels blessés sur les lieux de l’intervention,
avant de les confier aux services de secours civils.
Cette médecine de « l’extrême avant » au sein du GIGN souligne la quintessence des exigences des métiers de
médecin et d’infirmier militaires : « en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances ».
« Costume, cravate exigés ! » : soutien médical ministériel
E. LE GONIDEC, Y. LE GOFF
Médecin généraliste diplômé en médecine d’urgence ayant passé plusieurs années auprès des forces, j’ai décidé de
me porter volontaire pour rejoindre le cabinet du Premier ministre. Ma candidature ayant été retenue par la Direction
centrale du Service de santé des armées et le médecin-chef de Matignon, je suis reçu par le chef de cabinet pour mon
premier entretien d’embauche. Guidé par un garde républicain, je traverse la cour d’honneur puis franchis le perron,
maintes fois vu dans les médias. Le bureau du chef de cabinet se trouve au pied de l’escalier en stuc menant au
bureau du Premier ministre. Je suis reçu par un homme affable, direct et pressé. Le rythme est donné. Il m’explique
en quelques mots les qualités requises : compétences techniques, disponibilité, discrétion et intelligence de situation.
Ayant à peine quitté la rue de Varenne, je suis contacté par le médecin-chef : « ta candidature a été retenue. Rends-toi
disponible, tu feras ton premier voyage officiel en doublure dans quinze jours ». Installé dans le train qui me ramène,
je mesure la chance d’être médecin militaire : faire un métier aux multiples facettes, que seul le Service de santé des
armées propose.
Quelques jours plus tard, intimidé dans ma nouvelle tenue de travail, ma valise cabine au bout du bras, je rejoins
Matignon. Nous partons en convoi vers l’aéroport d’Orly pour rejoindre directement l’avion floqué « République
Française ». À bord, le service proposé par l’armée de l’Air ne me rappelle pas vraiment celui dont j’avais bénéficié
lors du retour de ma dernière opération extérieure… Je profite du vol pour rencontrer le staff technique : aide de
camps, intendant, transmetteur et policiers du service de la protection. Je suis rapidement rassuré par l’ambiance
familiale, qui m’expliquent-ils, se construit entre autres au cours des voyages préparatoires. Ces missions permettent
à chacun d’organiser le futur déplacement officiel. Le médecin, après une analyse précise des moyens sanitaires du
pays hôte, doit organiser les secours pour offrir le meilleur niveau de soins pour tous les membres de la délégation.
C’est l’occasion de découvrir d’autres systèmes de santé et des problématiques bien différentes selon les pays. Ainsi
quelques mois plus tard, après avoir demandé au directeur d’un hôpital universitaire vietnamien si sa structure offrait
un plateau technique neurochirurgical, je me retrouverai dans une pièce, aussi grande qu’un gymnase, au milieu de
dizaines de traumatisés crâniens sous ventilation mécanique, victimes d’accident de deux roues…
Quelques heures après avoir posé, les rencontres, les forums, les conférences de presse s’enchaînent. Il faut rester
vigilant et anticiper en permanence. Interdiction de manquer le départ du cortège !
Lors d’un court passage à l’hôtel, qui ne m’évoque pas franchement un casernement militaire, je retrouve ma
valise cabine déposée à Matignon. À côté, je note la présence rassurante du sac « de réserve » qui va me permettre de
médecine et armées, 2017, 45, 2
289
recompléter mon sac médical.
Outre du matériel d’urgence
miniaturisé, il comporte de
nombreuses spécialités de
Figure 1. Hôtel Matignon
médecine générale permettant
© MC Le Gonidec.
de répondre à la tourista
d’une journaliste politique
ou à la rhinorrhée d’un chef
d’entreprise.
Ce premier voyage
vient me rappeler toutes
les exigences et les
spécificités du poste.
Outre une disponibilité
de tous les instants, le
médecin de Matignon
est un praticien qui
doit savoir évoluer
seul. C’est le cas dans
la gestion du quotidien,
en assurant les consultations, en organisant
en amont les déplacements, en gérant l’entretien
de ses matériels et de sa pharmacie, mais il doit
aussi se préparer à l’exceptionnel, faire son métier
d’urgentiste. Ce dernier est pratiqué en France de
façon hebdomadaire lors de la prise de gardes sur
ambulance de réanimation. Celles-ci apportent ainsi
une véritable légitimité au médecin en le préparant à
prendre en charge, seul, le syndrome coronarien d’une
autorité tout en appréhendant l’environnement, que ce
soit la pression du chef de cabinet et de la conseillère
en communication ou les contraintes imposées par
l’agenda et la sécurité.
Figure 2. Protocole à l’arrivée de
L’avion redécolle. Avant de poser cinq heures
l’avion ministériel © MC Le Gonidec.
plus tard, le Premier ministre aura pris le temps de
me recevoir en toute simplicité, loin du tumulte du
voyage officiel…
Je repense encore souvent à ce retour en avion où je me suis dit que je ne devais pas me laisser enivrer par les fastes
de la République et ne jamais oublier que j’étais médecin militaire.
290
tranches de vie
TÉMOIGNAGE
MÉDECIN DE MARINE, DU CRABE TAMBOUR À 2016
X. Fouillanda, C. Campéonb, M-L. Vaissiéb,
M. Ducombsb, D. Gunepinb
Introduction
La France est une des grandes
puissances maritimes, elle possède
la deuxième surface économique
exclusive au monde, sa Marine est
présente en permanence sur tous
les océans (fig. 1). L’équipage de
certaines unités, en fonction de
leur taille, des missions auxquelles
elles sont destinées ou des zones
dans lesquelles elles vont évoluer,
comprend une équipe médicale.
Son travail à bord est un exercice Figure 1. Ravitaillement à la mer par mauvais temps. © Dr Fouilland
atypique et polyvalent. L’activité 2016.
du service médical peut être
divisée en trois volets : produire du soin, prévenir mener des opérations.
Produire du soin
Un service médical embarqué est un petit hôpital flottant : l’activité de soin
ne pourra se cantonner qu’à l’examen clinique et à la prescription. Une fois
les amarres larguées le soutien en produit de santé ou en matériel devient
complexe et l’autonomie est la règle. Notre contrat est d’amener en mer une
« médecine au standard 2016 ». Dans un monde extrêmement normatif, c’est
un défi quotidien.
a BCRM Brest, FREMM Aquitaine, Service médical – 29240 Brest Cedex 9.
b Service médical de la force d’action navale – 29240 Brest Cedex 9.
X. FOUILLAND, médecin des armées, praticien. D. GUNEPIN, médecin en chef, praticien confirmé. M.-L. VAISSIÉ, médecin des armées,
praticien. M. DUCOMBS, médecin des armées, praticien. C. CAMPÉON, infirmière en soin généraux de 1er grade
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L’équipe médicale devra ainsi
veiller à toute la partie santé
du bâtiment en commençant
par l’état des locaux de soins
et de leur aménagement (où la
rouille et la désuétude peuvent
être parfois rencontrées) sans
oublier leur propreté (fig. 2).
Il lui incombe également de
s’assurer du bon fonctionnement
et des révisions périodiques des
matériels sachant qu’aucune Figure 2. Infirmerie d’une frégate anti sous-marine. © Dr Fouilland
réparation ne sera possible une 2012.
fois en mer ! Avoir un appareil de
radiographie embarqué implique aussi le suivi de la réglementation en matière
de radioprotection, de s’acquitter de contrôles périodiques de cet appareil et de
la surveillance des dosimètres individuels. Enfin, elle a sous sa responsabilité
l’approvisionnement en produits de soin, leur stockage et la surveillance des
péremptions.
Parallèlement à cette préparation matérielle il lui faut assurer la gestion
administrative du service : envoi des messages épidémiologiques hebdomadaires,
des suivis quotidiens, mensuels et trimestriels d’activité.
Enfin, et bien évidemment, il y a le soin. Un des points marquants de la
pratique embarquée est la dimension « d’équipage » et donc de patientèle.
Nous connaissons les personnels que nous soignons, nous les côtoyons sur leur
lieu de travail et vivons avec eux. L’activité est celle d’une antenne médicale,
avec une attention particulière à porter aux évolutions potentielles de certains
tableaux cliniques du fait de l’isolement.
La confidentialité médicale est très difficile à conserver sur un navire : nous
sommes des soignants immergés au milieu de leurs patients. Elle est pourtant
un essentiel de la confiance qui nous est accordée. Il arrive qu’un marin
évoque spontanément ses problèmes de santé à son chef alors même que nous
refusons ces détails à ce même chef…
Prévenir
La mise en œuvre de la prévention en médecine embarquée est une nécessité
incontournable qui permet de boire avec confiance l’eau du bord, de s’alimenter
en sécurité et de ne pas découvrir en mer qu’un marin souffre d’une pathologie
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médecine et armées, 2017, 45, 2
susceptible de décompenser : il y a la prévention « hygiène » et la prévention
« aptitude ». Les médecins de Marine, comme les autres médecins des armées,
ont reçu ces formations à la médecine de prévention lors de leur passage
à l’École du Val-de-Grâce, ces cours ont été « marinisés » à l’Institut de
médecine navale à Toulon et « prennent vie » lors de la première affectation.
Sur le versant « hygiène » le médecin est essentiellement présent comme
observateur. Son rôle est de conseiller, de s’assurer que les choses sont faites
dans les règles de l’art et dans le respect de la réglementation et de tirer
la « sonnette d’alarme » des intervenants en cas de dysfonctionnement ou
d’anomalie manifeste.
Concernant par exemple l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) :
le rôle de l’équipe médicale est de contrôler l’existence et la bonne tenue
d’un « registre EDCH » et de s’assurer du suivi des travaux sur l’usine de
production d’eau tout en vérifiant que les personnels dédiés sont correctement
formés.
La prévention « aptitude » suit les mêmes règles que dans le reste de nos
armées. Sa particularité est liée à l’aptitude à la mer. Il faut savoir rester
bienveillant mais ferme dans cette décision dont l’impact, au milieu de
l’océan, ou d’une mer déchaînée, peut avoir des conséquences majeures tant
pour le personnel et l’équipage que pour la mission.
Au plan psychosocial, notre position de médecin du bord nous permet
d’appréhender les réalités du métier de nos patients tout en restant en dehors
de leur chaîne hiérarchique. Cette proximité crée des circonstances favorables
les amenant à se confier plus facilement. Il nous arrive de « désamorcer » des
situations personnelles et professionnelles complexes, une action médicale
particulièrement bienvenue dans un milieu si exigu et isolé.
Mener des opérations
Un bâtiment est une unité opérationnelle qui rempli des missions auxquelles
prend s’intègre la chaîne santé. Un gros navire est un univers cloisonné
dans lequel les intervenants ne se voient pas, ou très peu, et travaillent
en interdépendance. Les communications, les plus modernes soient-elles,
ne peuvent permettre de s’affranchir d’une coordination préalable. Ainsi
sont définis et revus régulièrement des modus operandi sous forme de
« planchettes » communes aux différents intervenants et établies en amont
des situations que pourrait rencontrer le navire : combat, intervention sécurité,
assistance à un navire, évacuation de ressortissants (fig. 3). L’équipe médicale
participe à la mise en place des protocoles dans lesquels elle prend part.
médecine et armées, 2017, 45, 2
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Au-delà de la planification des
opérations, le médecin, l’infirmier
et les brancardiers participent
aux exercices quasi quotidiens
d’homme à la mer, incendie,
voie d’eau, crash hélicoptère,
combat…
Le positionnement de l’équipe
médicale, en dehors de la
chaîne fonctionnelle, lui confère
Figure 3. Exercice securité sur le BCR Somme. © Mte Lecomte 2016.
une « vision extérieure ». En
opération le médecin peut
percevoir certaines tensions ou fatigue de l’équipage en lien avec l’activité du
bateau et doit y être attentif afin d’en informer le commandant, le « pacha »,
si nécessaire.
Sur les bâtiments de la Marine
nationale, les brancardiers sont
aussi les personnels assurant la
restauration. Par conséquent
la préparation opérationnelle
et leur formation sont une
composante majeure de l’activité
du service médical. Concernant
l’entretien de leur qualification en
secourisme, leur motivation peut
s’avérer hétérogène, nécessitant
d’être entretenue par le binôme
médecin – infirmier. Ce dernier
doit s’impliquer au quotidien dans
leur formation (exercices santé,
instruction au fonctionnement
des matériels, inscription à des
formations de secourisme et stages
aux urgences en métropole). Cet
investissement, garant d’une
prise en charge efficace menée
en équipe le moment venu,
est source de sérénité pour le
médecin (fig. 4).
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Figure 4. Exercice crash avia sur le BCR Somme. © Mte Lecomte 2016.
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Les spécificités « Marine nationale »
Un des premiers aspects spécifiques d’une équipe médicale embarquée est
l’appartenance à un équipage. Le médecin et l’infirmier sont, vis-à-vis de leurs
patients, des membres à part entière de celui-ci : l’échange avec les autres
corps de métiers est permanent. Ils vivent, mangent et dorment à bord souvent
plus de 100 jours par an.
Une autre particularité est celui de l’exercice en binôme médecin-infirmier. Ce
« couple » est le plus souvent formé pour une durée d’affectation de deux ans.
Si la relation hiérarchique n’est pas discutable, il s’agit plus d’une collaboration
que d’un commandement. Les marins ont beaucoup de mal à percevoir le
défi que représente le maintien des compétences d’un médecin généraliste et
de son infirmier car ils ne voient à bord que la « partie émergée » de notre
travail. Ce décalage peut générer quelques incompréhensions et nécessite de
la pédagogie. Enfin vient la possible appréhension devant la multiplicité des
taches demandées : la polyvalence exige d’établir ses priorités afin de ne pas
se disperser, c’est aussi la chance d’une pratique non répétitive. L’autonomie
précoce demandée à un jeune médecin de marine a un coût : elle nécessite
réflexion et préparation mais procure une grande satisfaction.
La vie « extra professionnelle »
Choisir un poste embarqué pour un médecin c’est s’orienter vers une vie active,
qui nécessite une grande disponibilité, elle-même dépendante de l’actualité
nationale et internationale. C’est le choix exigeant d’une vie exaltante où
il faut réussir à préserver un temps pour la famille et sa vie personnelle en
mettant tout particulièrement à profit les périodes « à quai ». Celles-ci sont
aussi des moments propices à la formation continue et à la réalisation de
gardes aux urgences permettant de maintenir son niveau technique.
Conclusion
Le Service de santé des armées propose une multitude de postes différents.
S’orienter vers la Marine nationale c’est faire le choix d’un exercice polyvalent
autonome et atypique : la mer est un milieu d’exception passionnant. Ce premier
poste en sortie d’internat est un moment capital de la vie professionnelle et
personnel d’un médecin des forces. Cette décision mérite d’être mûrement
réfléchie. Nous espérons que la lecture de cet article vous permettra de
« larguer les amarres » en toute sérénité. Bon vent !
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