10ème Congrès National de la SFAP

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10ÈME CONGRÈS NATIONAL
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE : QUESTIONS POUR
LES SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004
BESANÇON – PARC DES EXPOSITIONS ET DES CONGRÈS MICROPOLIS
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
SOMMAIRE
TEXTE LIMINAIRE AYANT SERVI DE BASE DE RÉFLEXION AU COMITÉ SCIENTIFIQUE

Fin de vie, désir de mort et euthanasie : la société à l’épreuve
R. AUBRY, O. MAUREL
CONFÉRENCE GRAND PUBLIC

L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
M. DE HENNEZEL
RÉUNION THÉMATIQUE GRASPHO

Les principes de la sédation
M. MORICEAU

Anticipation d’une demande d’euthanasie
GILLES NALLET

Intégration des familles aux soins
P. TRAVADE, M.-C. FEDOR

Guide méthodologique « Démarche palliative du comité de suivi du programme national de soins palliatifs »
P. COLOMBAT, D. de BROUCKER
 Le desir de vivre en phase terminale
J. CECCALDI, M. MORICEAU
SESSION PLÉNIÈRE

La question de l’euthanasie en Europe
P. BAUDRY
SESSION ATELIERS SÉRIE A
« les pratiques : entre responsabilité et obéissance »
A1 QUESTIONS SPÉCIFIQUES AUX ÉQUIPES MOBILES
 Spectateur ou témoin ?
C. FOURCADE

Equipe mobile témoin de la fin de vie : médicalisation de la fin de vie et risque de bascule vers l’euthanasie clandestine
D. FROMENT
 Peut-on anticiper la demande d’euthanasie ?
I. NEGRE
A3 QUESTIONS SPÉCIFIQUES AUX PROFESSIONNELS HOSPITALIERS
 Questions spécifiques posées aux équipes mobiles
D. POISSON

Influence du lien social sur la question de l’euthanasie
M. LEVY-SOUSSAN

Le projet thérapeutique
V. DUJEU
A4 QUESTIONS SPÉCIFIQUES AUX PROFESSIONNELS DU DOMICILE
 De la pratique de l’hypnovel en ville : de la peur de la sédation à l’intention euthanasique énoncée
Marielle ABADIE

Jusqu’au bout, ne pas se perdre
F.MASSON

Le regard social concerté des différents intervenants (sur le patient, l’entourage et les différents acteurs) peut-il être une composante essentielle de prévention d’euthanasie à domicile ?
Colette MORVAN
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
A5 QUESTIONS SPÉCIFIQUES ENSEIGNEMENT/RECHERCHE
 Enquête auprès d’une promotion d’étudiants en médecine de DCEM4 : leur définition de l’euthanasie
et de leur attitude face à une demande d’euthanasie.
F. NATALI

La demande d’euthanasie exprimée par les patients. L’approche clinique selon l’evidence-based medicine
Pascale VINANT
A6 QUESTIONS SPÉCIFIQUES AUX FAMILLES ET ASSOCIATIONS DE MALADES
 Impact d’un vécu antérieur d’euthanasie sur la demande d’une famille
Noëlle CARLIN

Comment aider une personne chargée d’une mission d’euthanasie ?
Charles JOUSSELIN
A7 QUESTIONS SPÉCIFIQUES D’ORDRE SÉMANTIQUE
 Face à l’euthanasie, quelle philosophie de la mort pour la SFAP ?
Joël CECCALDI

Pourquoi un glossaire ?
Karine BREHAUX

Euthanasie : une parole, un geste, une éthique instrumentale…
Patrice CANNONE
A8 QUESTIONS SPÉCIFIQUES POSEES AUX BENEVOLES
 Bénévoles d’accompagnement et euthanasie : du groupe de réflexion à la formation éthique des bénévoles
Marie Cécile COMBY

Les réactions des bénévoles face à une demande d’euthanasie
Gisèle DESBOS

Bénévoles d’accompagnement confrontés à des demandes d’euthanasie
Josette LE BARBIER
A9 QUESTIONS SPÉCIFIQUES POSÉES À NOS VOISINS EUROPÉENS
 Une pente glissante aux Pays-Bas ? Une analyse éthique huit ans après la dépénalisation
David RODRIGUEZ-ARIAS

Réflexion sur la place du médecin d’une équipe mobile intrahospitalière en soins palliatifs dans la
priseencharge d’une euthanasie à l’hôpital
L. SAUVEUR

Les soins palliatifs à l’épreuve de l’euthanasie, un appel à la vigilance
Alain SCHOONVAERE
A10 QUESTIONS SPÉCIFIQUES POSÉES A CHACUN
 Euthanasie et deuil des soignants
C. GANGLER

Les tensions éthiques à résoudre face aux demandes extrêmes des patients
Thierry MARMET
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
SESSION ATELIERS SÉRIE B
L’euthanasie et la mort désirée : les lieux et les pratiques
B1 URGENCES / RÉANIMATION
 Réanimation, entre soins palliatifs et euthanasie
Maryse BOUCHAMP

Mort désirée et réanimation
Dominique SENASSON

Démarche éthique autour de la situation d’un jeune homme de 20 ans présentant une IMC : tuteur rôle,
place et limites en référence à la loi du 04/03/02
Magali BOTHOREL
B2 PRATIQUES PSYCHOLOGIQUES
 La mort désirée : le regard du psychologue. Euthanasie : désir, légitimité, souffrance
L. BARTHOD

Au-delà de la question de l’acte, que faire avec la demande d’euthanasie ?
Antoine BIOY

Du désir de mort à la demande d’euthanasie
Catherine LAMOUILLE
B3 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN NEUROLOGIE / GÉRIATRIE
 A la recherche du sens
M. Fleur BERNARD

Vous avez pensé : euthanasie ?
Claudine CASTANY
B5 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN ORL/NÉPHROLOGIE
 Incertitude entre demande de mort et limitation thérapeutique
Annie ROCHEDREUX
 Un soignant peut-il s’autoriser à verbaliser une demande d’euthanasie ?
Chantal SILVESTRI
B6 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN CANCÉROLOGIE/HÉMATOLOGIE
 Demandes d’euthanasie en cancérologie : quelle réalité en pratique dans un centre anticancéreux
Gisèle CHVETZOFF
 A l’annonce d’une maladie grave, j’ai arrêté de vivre.”Comment le vécu de l’annonce d’une maladie
grave peut conditionner une demande de mort “
S. CONRATH
 Il faut que cela aille vite
Alcira SUAREZ
B7 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN NÉONATALOGIE / PÉDIATRIE
 “Comment entendre : “Faites tout pour mon enfant” ?”
Alain de BROCA
 Peut-on entendre qu’un enfant en fin de vie désire ou demande la mort ?
Catherine LE GRAND-SEBILLE
 Est-il possible de prévenir la demande d’euthanasie en pédiatrie cancérologique ou chez les enfants
atteints de maladie neuro-dégénérative ?
Evelyne PICHARD
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
B 8 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN PSYCHIATRIE/DÉMENCE
 La mort folle ou l’euthanasie en psychiatrie
N. ARNETON
 Euthanasie du point de vue du gériatre dans le cadre d’une démence
Laure POUDENS
 Euthanasie et soins en psychiatrie
Yves BOLMONT
B9 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN MAISON RETRAITE/SLD/MAS
 Demande d’euthanasie chez le vieillard institutionnalisé : quels mots pour quels maux ?
Hacene CHEKROUD
 Euthanasie et soulagement de la douleur dans les maisons de retraite
Philippe MAIRE
 Demande d’arrêt de l’alimentation entérale chez un malade pauci relationnel
Bruno THUBERT
B 10 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE AU DOMICILE
 Demande d’euthanasie dans le cadre de la prise en charge d’un patient handicapé
Olivier BREDEAU
 Utilisation inadéquate des opioïdes à domicile : risques et dérives possibles
Godefroy HIRSCH

Les aides à domicile confrontées à l’euthanasie
Pascale LIMAGNE
SESSION ATELIERS SÉRIE C
« Demande d’euthanasie : situations et circonstances complexes »
C1 ASPECTS JURIDIQUES
 Une loi sur l’euthanasie peut-elle clore le débat éthique ?
Cécile BOLLY

Les dispositions européennes en matière d’euthanasie : l’évolution d’un concept juridique, le droit de mourir
Karine BREHAUX

Les pratiques euthanasiques à l’épreuve du droit
Nathalie LELIEVRE
C2 EUTHANASIE, SOCIÉTÉ ET ENVIRONNEMENT
 Euthanasie, de la violence à l’autorisation
Isabelle MARIN

Accompagner ou anticiper le terme de la vie : les représentations de la population
Audrey SITBON

A propos de l’euthanasie : quand sortira-t-on de la confusion ?
Danièle LECOMTE
C3 LIMITATION ET ARRÊT DE TRAITEMENT
 Obstination ou résignation ?
Patrick WIENER

Autonomie de la technique et régulation par des pratiques d’euthanasie
Donatien NALLET

Nutrition entérale - quelles réponses pour le soignant convoqué par la vulnérabilité du malade ?
Hubert TESSON
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
C4 REFUS DE TRAITEMENT
 Face à celui qui étouffe et refuse la sédation
Yves BOSCHETTI
 « Donnez-moi un couteau… »
Anne-Sophie DREUMONT
 Demande d’arrêt des soins : quelle réponse apporter ?
Jean-Paul ORY
C6 LA QUESTION DE LA DIGNITÉ
 Vers une “mort apaisée”, convergences et affrontements
Marie Laure CADART

Dignité-euthanasie
Antoine PELLETIER
C7 LA MORT DÉSIRÉE : REGARDS PSYCHANALYTIQUES
 Demandes d’euthanasie : entre honte et culpabilité
S. AMAR

Réalité de la pulsion d’emprise dans la demande d’euthanasie.
Isabelle ATMANI

L’euthanasie, une question d’idéal ?
Marie-Armelle ROQUAND
C8 TESTAMENT DE VIE
 Euthanasie : en finir avec l’hypocrisie ?
Guillaume BERRICHON

“La déclaration de volontés anticipées, c’est dire : “fontaine, je ne boierai pas de ton eau”
Laurence BOUNON

Le testament de vie en unités de soins palliatifs
I. DUTRANNOY
C9 SUICIDE ASSISTÉ
 Utilisation de pompe PCA pour auto-sédation : suicide assisté ?
F. ESCOUROLLE

Dans l’attente d’une mort programmée
Grégoire GREMAUD

Le temps de la demande : euthanasie ou suicide assisté. La place du tiers
Brigitte SAMAMA
C10 LA PLACE LAISSÉE AU DOUTE
 L’homicide légal à l’hôpital
Christine ACCARION

Ethique et intentions
Thierry ROUX

La place du doute en service de soins palliatifs
Virginie TOURTOUR-SERRA
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
POSTERS

QUESTION : EUTHANASIE ? REPONSE : « E.S.P.O.I.R »
DORMIEUX A, FUTO F.LUCCHESI S. DUDOIT E. SALAS S. PR FAVRE R.

LA MORT OU LA VIE !
LE DANTEC F.

SEDATION-EUTHANASIE, LE RISQUE D’UNE CONFUSION
S.BARDET, N.DELFORGE, C.ESPOSITO, DR T.ROUX, DR L.BIRKUI DE FRANCQUEVILLE, B.D’ARGENLIEU C GANSLER
M.MATTER, G.TUMERELLE.V. GÉRARD

ETUDE PROSPECTIVE DE DONNEES SUR LES FINS DE VIE DANS LES SERVICES DU CENTRE HOSPITALIER
DE GAP : PLACE DE LA QUESTION « EUTHANASIE »
A.D’HAUTEFEUILLE – A. DERNIAUX

MODIFICATIONS DES REPRESENTATIONS DU MIDAZOLAM COMME VECTEUR D’EUTHANASIE
PAILLER CH., MAILLE M., ISAAD T.

REFUS DE SOINS : INTERET D’UNE PRISE EN CHARGE PAR L’EQUIPE MOBILE DE SOINS PALLIATIFS ?
GAFFET B, DEVILLE-YVES C, WIART A, DUMONT C, DIOT A, RAYER F

EUTHANASIE : DE L’EBAUCHE A LA REFLEXION
1ère, 2èmeet 3ème Année de l’IFSI CRF de Vesoul - Etudiants Infirmiers

MORT ATTENDUE, MORT DESIREE PAR LES FAMILLES
M.J. LEGRAIN

EUTHANASIE ET MORT DESIREE : LE BENEVOLE D’ACCOMPAGNEMENT AU SEIN D’UNE CHAINE HUMAINE AVEC UNE PLACE SPECIFIQUE
M.O de VAUGRIGNEUSE - C. CATANT – MT PHILARDEAU – D. REYNAUD – E. GALAVIELLE – D. LIEBAULT – B. COMPAGNE – P. LE LANN

ETAT DE NOTRE REFLEXION SUR L’EUTHANASIE
Les bénévoles d’accompagnement Tilleroyes et unité de soins palliatifs Minjoz 234

DU TEMPS A VIVRE : RECUEIL DE TEMOIGNAGES EN SOINS PALLIATIFS
DOCTEUR TOURTOUR SERRA V., ROS M., SICARD S., TRICOTET F., OLLIVARY A, TRÉMELO N., DIDIER S.

ACCOMPAGNEMENT EN FIN DE VIE EN NEONATALOGIE
SICOT E., DUMONT V., CHICHERY M., TOTEL M.F

L’EUTHANASIE EN ILLUSTRATION
DR N. VESCOVALI, DR L. ARASSUS, A. LEMAÎTRE, I.SADOC, M.F. LORÉE

EUTHANASIE / SUICIDE : QUELS DEBATS ?
Dr SCHOONBERG Sylvie, Mmes CHIAVENATO V., DUBOURG E., CAMPOS F., STRAUSS M-R.
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs

QUEL SENS DONNER A L’EUTHANASIE ?
CLIPET C. GOMES M.J.

L’INFIRMIERE A DOMICILE ET LE SUICIDE ASSISTE A GENEVE
P. BALMER, M. MUNNIER

REFLEXIONS ETHIQUES AUTOUR DU CONSENTEMENT DU PATIENT A UNE SEDATION
LORS D’UNE SITUATION AIGUË A RISQUE VITAL IMMEDIAT OU COMMENT EVITER QU’UNE SEDATION
NE SOIT PERÇUE COMME UNE EUTHANASIE DEGUISEE
ARNOUX S., BOSCHETTI Y., BROBECKER C., BRUNET M., DELACROIX M.C., FRIEH C., LECLERCQ C., MATHIS S.,
STOECKEL J.

ET SI ON SEMAIT LE DOUTE ?
DESJOUIS L, PION M, HULOT S, PLISSON B, PERRICHON ML, LEROI M DURIS J, WATTIEZ M, PETIOT J, LORET M,
SENELLART M, BAZIN M, GRANGE C.

SOMMEZ LES MORTS
HILAIRE P.

GROUPE DE PAROLE POUR LES FRATRIES D’ENFANTS DECEDES
P. ORDRONNEAU, DELIOU C.

EVALUATION ET PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DES PLAIES CANCEREUSES :
IMPACT SUR LA QUALITE DE VIE DES PATIENTS
DR SALAS S., F. DUFFAUD, D. BAGARRY, L. DIGUE, C. MERCIER, R. FAVRE

EVALUATION DES ATTENDUS D’UNE UNITE MOBILE DE SOINS PALLIATIFS : ENQUETE MENEE AUPRES
DE SOIGNANTS
I.CASINI, S. PORSIN, F. GROS

LE TOUCHER MASSAGE A TRAVERS LES MAINS D’UNE SOCIO-ESTHETICIENNE
Mme ALLONCLE J.

DEMANDE D’EUTHANASIE CHEZ LE PATIENT CANCEREUX : ET SI LA DOULEUR ETAIT NEUROPATHIQUE ?
CLÈRE F.

ETRE SOIGNANT
CANAULT S., ROBIN C.

L’HYPNOSE MEDICALE : VERS UNE NOUVELLE APPROCHE L’EUTHANASIE : UNE REPONSE MEDICALE
UNIQUEMENT ?
FERRAND M - BRIOIS P.

LES SOINS PALLIATIFS INTERVENTIONNELS : PROGRES OU ABERRATION ?
HAGON O.; CAHANA A.; PAUTEX S.; ROBERT L.; VAN GESSEL E.
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis

L’EQUIPE SOIGNANTE DE MASSONNAT : UN AUTRE REGARD SUR LA FIN DE VIE DES ENFANTS ATTEINTS DE CANCER
P ORDRONNEAU, V LAITHIER, S PICARD, F POYARD, C PERCOT, M HUMBERT, F LASSAUGE, E PLOUVIER.

TOLERANCE ET EFFICACITE ANTALGIQUE DE L’HYDROMORPHONE LP DANS LA DOULEUR
CANCEREUSE
POULAIN P.

ROLE DE LA SPIRITUALITE CHEZ LES SOIGNANTS EN MEDECINE PALLIATIVE
GESCHWIND H.

EVALUATION DE LA SOUFFRANCE DES ETUDIANTS EN SOINS INFIRMIERS CONFRONTES A LA MORT
LORS DE LEURS STAGES.
POAC C., GABORIT B., SOUILLARD M. , PIOLOT A.

DES BENEVOLES POUR LES URGENCES - L’ACCOMPAGNEMENT DANS UN SERVICE D’URGENCES
Jeanne-Marie RINQUIN, Arlette YDRAUT, Odile DUGUA, Nathalie de CASTRIES

LA SOCIO-ESTHETIQUE : UN DESIR DE VIE
BOSQUET-ALMA S, .COLLET C., POULET C., SAMSON A.
TEXTE LIMINAIRE AYANT SERVI DE BASE DE
RÉFLEXION AU COMITÉ SCIENTIFIQUE
FIN DE VIE, DÉSIR DE MORT ET EUTHANASIE : LA SOCIÉTÉ À L’ÉPREUVE
Régis AUBRY, Olivier MAUREL
Préambule
L’euthanasie : de quoi parle-t-on exactement ?
Peut-on rapprocher le désir de mort et le concept de dignité ?
Comment prendre en compte le sentiment d ‘indignité ?
Aider à mourir, n’est-ce pas d’abord prendre soin et accompagner?
Comment aborder les situations exceptionnelles ?
Peut-on parler de droit de mourir ?
Comment concilier le droit et l’éthique face aux situations exceptionnelles ?
Pour ne pas conclure…
Bibliographie
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
FIN DE VIE, DÉSIR DE MORT ET EUTHANASIE :
LA SOCIÉTÉ À L'ÉPREUVE
R. AUBRY ET O. MAUREL
RÉSUMÉ
Les auteurs tentent d’abord de clarifier l’emploi du mot euthanasie. Ils écartent la distinction euthanasie active/
passive qu’ils estiment impropre, puis ils proposent de remplacer la qualification involontaire/volontaire par
imposée/réclamée. Ils analysent ensuite la notion de dignité selon trois conceptions philosophiques distinctes.
S’inscrivant dans une approche ontologique, les auteurs rejettent l’idée qu’on puisse perdre sa dignité, de par
son caractère absolu ; par contre, ils s’attachent à comprendre la perte du sentiment de dignité, très largement
influencée par le rejet social de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Deux priorités s’imposent alors pour
que le sentiment d’indignité ne devienne pas une fatalité : d’une part, s’agissant du dispositif de soins et des
pratiques professionnelles, il faudrait développer une démarche de prévention des problèmes posés en fin de
vie ; d’autre part, dans un souci de cohérence politique, il s’agirait d’appliquer la loi sur les soins palliatifs en
rattrapant le retard actuel pour être à la mesure des enjeux démographiques.
Quoi qu’il en soit, il restera toujours des situations exceptionnelles qui susciteront des demandes d’euthanasie
réitérées, lesquelles doivent avant tout faire l’objet d’une démarche éthique partagée par toutes les personnes
impliquées dans le soin. Cela dit, il ne faut pas confondre la légitimité éventuelle d’une demande d’euthanasie
et l’obligation légale d’y répondre. Inscrite dans un mouvement de défense des droits individuels, la revendication du droit de mourir vient relativiser l’interdit du meurtre en le mettant sous conditions. Or pour les auteurs,
si transgression il devait y avoir, elle ne saurait s’opérer au nom d’un droit souverain à la maîtrise de soi qui
compromettrait le questionnement éthique, ouvrirait des brèches à des dérapages d’interprétation et instrumentaliserait l’auteur de l’acte euthanasique. Si l’on veut donc retenir la notion de “droit de mourir”, il faut
d’abord l’entendre comme le droit à laisser mourir, déjà prévu par la loi : avec le refus de soins de la part du
patient, et avec l’arrêt ou la limitation des traitements actifs de la part des soignants. En outre, pour répondre
aux rares situations extrêmes, deux perspectives sont ouvertes : l’excuse absolutoire, qui présente toutefois des
contraintes d’expression juridique apparemment peu compatible avec la complexité de situations de demandes
d’euthanasie ; puis l’adaptation des textes actuels et l’adoption d’instructions de politique pénale permettant
au juge d’instruction de rendre éventuellement une ordonnance de non-lieu quand, dans le respect de certaines
conditions, la démarche éthique a conduit in fine à rechercher le “moindre mal” dans une situation jugée par
tous comme inextricable.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier celles et ceux qui ont accepté de porter un regard avisé, critique mais bienveillant sur
ce travail, contribuant ainsi à son évolution. Un merci particulier à :
Julienne Brabet (professeur), Benoît Burucoa (médecin), Marie-Claude Daydé (infirmière), Daniel d’Hérouville
(médecin), Robert et Marie Gros (militants associatifs), Nathalie Gourrat (avocate), Dominique Jacquemin (infirmier et éthicien), Pierre Kovalevsky (médecin), Evelyne Malaquin-Pavan (infirmière clinicienne), Donatien Mallet
(médecin), Chantal Neves (cadre infirmier), Colette Peyrard (médecin) et son groupe de travail, Marie-Sylvie
Richard (médecin), Jacques Ricot (philosophe), Patrick Thominet (cadre infirmier).
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Il est assez facile d’avoir une opinion générale et soi-disant “définitive” sur une question comme l’euthanasie,
du moins tant que l’on n’est pas confronté directement à sa propre finitude ou à l’histoire singulière d’un proche en fin de vie. Ce sont surtout les bien-portants1 qui ont un jugement à l’emporte-pièce là-dessus. Sur le
terrain, les choses ne sont pas aussi simples qu’on voudrait le croire ; les personnes concernées, leurs proches
et les équipes soignantes sont confrontées aux limites de leurs certitudes, de leur savoir : ils ont davantage de
questions que de réponses préfabriquées. Chaque situation est unique et impose un questionnement particulier
à la personne concernée, questionnement qui recèle de lourds enjeux à la fois éthiques, sociologiques, psychologiques, médicaux, politiques et juridiques.
Si questionnement il y a, cela présuppose que l’on ne sait pas d’avance quelle décision prendre. Or nous avons
parfois l’impression que la question est réglée : légaliser l’euthanasie serait forcément un progrès, et ceux qui
en doutent seraient des réactionnaires. Non ! Instaurer un débat sur l’euthanasie, ce n’est pas le réduire de
façon simpliste à être pour ou contre quelque chose dont on n’a pas encore discuté, mais que l’on voudrait déjà
résoudre par une loi. Nous le disons sans ambiguïté : nous ne pouvons pas rester sourds aux problèmes posés
par les demandes d’euthanasie. Mais méfions-nous des réactions impulsives et des raccourcis faciles.
Ce texte veut contribuer à la réflexion, ce qui ne va pas sans effort tant le propos est complexe. Dans un premier temps, nous allons essayer de circonscrire le sujet en clarifiant l’emploi du mot euthanasie. Nous porterons
ensuite notre regard sur le désir de mort exprimé dans les demandes d’euthanasie et sur le sens philosophique
de la dignité dont le respect est souvent invoqué en pareil cas ; à partir du concept, nous serons amenés à
analyser sociologiquement le sentiment d’indignité, ainsi que les enjeux éthiques et politiques qu’il suppose.
Enfin, nous verrons comment aborder les situations exceptionnelles, et ce que cela signifie en terme de droit.
L’EUTHANASIE : DE QUOI PARLE-T-ON EXACTEMENT ?
Le mot euthanasie est trop souvent employé sans discernement ; parfois même, sa charge émotionnelle est utilisée comme un épouvantail ou au contraire comme un alléchant sujet de polémique. Avec toute la souffrance
et l’amour qu’elles mettent en jeu, les histoires fortement médiatisées suscitent une émotion profonde, presque
intime, chez chacun d’entre nous. Mais ces situations, souvent extrêmes, deviennent emblématiques des demandes d’euthanasie en général, créant souvent une confusion autour de cette question. Alors qu’entend-t-on
exactement par euthanasie ?
Selon le Comité consultatif national d’éthique2, l’euthanasie qualifie « l’acte d’un tiers qui met délibérément fin
à la vie d’une personne, dans l’intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable. » Mais dans
la presse ou le langage courant, l’emploi du mot euthanasie est souvent complété par un adjectif qualificatif.
Sont ainsi apparus deux couples de notions : la première distinction est considérée du point de vue des soignants : euthanasie active ou passive ; l’autre distinction s’exerce à partir des personnes malades : euthanasie
involontaire ou volontaire.
1 « 86% des français favorables à la “liberté de mourir” : un sondage choc sur l’attitude face à l’euthanasie » : telle était la une accrocheuse d’un périodique distribué récemment aux parisiens.
Sondage BVA/Profession politique du 18 octobre 2003 - Journal Métro, 24 octobre 2003, vol. 2, n°379
Par ailleurs, « L’euthanasie demande de bien portants, mode de bien pensants » est aussi le titre de la seconde partie de l’ouvrage «
Les dangers de l’euthanasie », entretiens avec Lucien Israël, Paris, Editions des syrtes, 2002, p.75
2 CCNE, rapport n°63 du 27 janvier 2000 – 3.1. Le cadre du débat, http://www.ccne-ethique.fr/francais/start.htm
14
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
S’agissant de la distinction euthanasie active ou passive, la définition donnée par le CCNE permet une première analyse sémantique :
 L’expression euthanasie active constitue un pléonasme qui n’a pas lieu d’être puisque l’euthanasie passe
forcément par la réalisation d’un acte lequel est fait délibérément.
 L’euthanasie est dite passive lorsqu’elle réfère à la limitation ou à l’arrêt de traitements. Or, ce sont deux
choses différentes : en choisissant de laisser évoluer vers la mort une maladie qu’elle sait inguérissable,
une équipe soignante ne pratique pas d’euthanasie : elle fait preuve de ce qu’on nomme un «refus d’obstination thérapeutique déraisonnable», plus couramment appelé refus d’acharnement thérapeutique.
L’effort vise alors à soulager les symptômes qui perturbent la qualité de vie de la personne malade3 .
Pour cela, il est inutile de légiférer puisque c’est déjà prévu par la loi sur le droit des malades du 4 mars
2002, ainsi que le rappelle Bernard Kouchner dans son entretien au journal Le Monde4 . Nous pouvons
également nous référer aux articles L.1A et L.1C de la loi du 9 juin 1999 relative aux soins palliatifs,
aux articles 36 et 37 du code de déontologie médicale ainsi qu’aux recommandations de la SRLF et du
Conseil de l’Europe5.
3 « Des soins adaptés à une situation ne sont pas de l’euthanasie, même lorsqu’ils comportent, comme tout acte médical, un risque
d’effets secondaires ». L. Hacpille, Réflexions au sujet de l’euthanasie, EAPC, 2003.
Ce risque d’effets secondaires, dit risque de double effet, (dont l’un est voulu et l’autre possible mais non désiré) ne saurait être reproché « lorsque la maladie a fait son œuvre et que la mort se profile inéluctablement, celle-ci n’est plus un mal absolu par rapport à la
souffrance. Sa survenue n’est donc pas un effet secondaire disproportionné par rapport au traitement de la douleur ou à la limitation
des thérapies actives ». J. Ricot, Dignité et euthanasie, Nantes, Pleins Feux, 2003, p.47
Voir aussi J-C. Fondras, La règle du double effet en soins terminaux : critères, justification et limites, Médecine Palliative n°2, décembre 2002, p. 89-93
4 Le Monde, édition datée du 27 septembre 2003, p.12
5 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé http://www.legifrance.gouv.
fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MESX0100092L
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Pourtant, réfuter l’emploi du mot euthanasie quand il s’agit d’un refus d’obstination thérapeutique déraisonnable est couramment taxé d’hypocrisie. « Faire une piqûre ou débrancher les appareils, c’est pareil » entend-on
parfois. Justement non, ce n’est pas pareil : en n’instaurant pas ou en arrêtant des traitements dont le seul effet
serait de prolonger la vie du malade dans des conditions de souffrance, le refus d’obstination thérapeutique
déraisonnable consiste à laisser advenir la mort naturellement ; alors que l’euthanasie est un acte qui, par luimême, cherche à provoquer la mort. Il ne faut pas statuer seulement à partir de la conséquence, mais surtout
de l’intentionnalité ; dans un cas, le soignant assume la limite de son pouvoir médical ; dans l’autre il utilise
ce pouvoir médical pour abréger la vie. Indépendamment du jugement moral porté sur chacun de ces actes,
soigner et faire mourir ne sont certainement pas des gestes équivalents.
Ainsi, non seulement la distinction euthanasie active et passive ne semble pas pertinente, mais elle entretient
une confusion préjudiciable avec l’arrêt ou la limitation des traitements actifs. D’abord pour les patients et
leurs proches qui ne savent plus à quoi s’en tenir, pour qui le malaise vient s’ajouter à l’inquiétude dans des
moments déjà difficiles à vivre. Ensuite, pour les professionnels de santé qui voient leur responsabilité mise en
doute lorsqu’ils prennent cette décision d’arrêt ou de limitation. Enfin parce que cela laisse penser que c’est
illégal alors que c’est déjà un droit. Pour plus de précision quant à l’effet et à l’intention, nous pourrions revoir
ainsi la définition de l’euthanasie : « acte délibéré d’un tiers visant à provoquer directement ou à accélérer la
mort d’une personne, dans l’intention de faire cesser une situation jugée insupportable ».
Considérons maintenant la seconde distinction, euthanasie involontaire ou volontaire, qui s’analyse du point de
vue des personnes concernées.
 Actuellement, l’euthanasie est dite involontaire lorsqu’elle est subie par un patient qui n’a rien demandé.
Elle est décidée par un tiers, soignant ou proche, qui agit seul dans la plupart des cas : c’est clairement
un homicide volontaire. Cette pratique inacceptable et illégale semble d’ailleurs faire l’objet d’une réprobation universellement partagée. Pour permettre à ceux qui en sont témoins de rompre le silence, il
serait préférable d’utiliser l’expression “euthanasie imposée” plutôt qu’involontaire, car l’ambiguïté du
terme laisse penser qu’on ne l’a pas fait exprès.
« Art. L.1110-5. - Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de
recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure
sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent
pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. (…) Toute
personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise
en compte et traitée. Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie
digne jusqu’à la mort. »
Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=205969&indice=1&table=JORF&ligneDeb=1
« Art. L.1A. - Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. (…)
Art. L.1C. - La personne malade peut s’opposer à toute investigation ou thérapeutique. »
Décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale
http://ordmed.org/CODESept95.html
« Article 36 : Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état
d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le
malade de ses conséquences. Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches
aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité. Les obligations du médecin à l’égard du patient lorsque celui-ci est un
mineur ou un majeur protégé sont définies à l’article 42.
Article 37 :En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et
éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. »
Recommandation 1418 (1999)1 de l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe
Protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants
http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=http%3A%2F%2Fassembly.coe.int%2FDocuments%2FAdoptedText%2Fta99%2FFREC141
8.htm
« 8. L’Assemblée invite les Etats membres à prévoir dans leur droit interne des dispositions assurant aux malades incurables et aux
mourants la protection juridique et sociale nécessaire contre les dangers et les craintes spécifiques auxquels ils peuvent se trouver
confrontés dans le cadre de ce droit, et en particulier contre: le risque d’être en proie à des symptômes insupportables à l’approche de
la mort (douleurs, suffocation, etc.) ; le risque de voir leur existence prolongée contre leur volonté. »
SRLF (Société de réanimation de langue française), recommandations sur les limitations et arrêts de thérapeutiques actives en réanimation adulte, adoptées le 6 juin 2002
16
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs

A contrario, l’euthanasie est dite volontaire lorsque l’acte fait suite à une demande expresse et réitérée
du patient lui-même. Là encore, pour plus de clarté, il faudrait parler d’euthanasie réclamée. Et quand
cet acte n’est pas commis mais seulement facilité par un tiers à travers la mise à disposition de conseils ou
de moyens, on parlera de suicide assisté, médicalement ou non.
Cette distinction ferme entre euthanasie et suicide assisté s’appuie sur l’auteur de l’acte qui engage ainsi sa responsabilité : « Soit l’acte est réalisé par un tiers, on est donc en présence d’une euthanasie relevant de la qualification de meurtre. Soit l’acte est réalisé par le malade lui-même. On est donc en présence d’un suicide. (…)
La question qui se pose est celle de la responsabilité morale de celui qui aide une personne à se tuer. Le suicide
n’étant pas réprimé, sa complicité est donc inexistante. C’est la faille juridique que les partisans de l’euthanasie
ont trouvée et dans laquelle ils se sont engouffrés pour affirmer leurs choix. (…) Cependant la jurisprudence
a sanctionné l’assistance au suicide sous la qualification de non-assistance à personne en danger, d’autre part
les textes répriment aussi la provocation au suicide. »6 Faut-il qu’une invocation, si sincère ou légitime soit-elle,
puisse dédouaner un tiers de sa responsabilité lorsqu’il commet un acte ? Nous reviendrons plus loin sur les limites
du “consentement de la victime”.
De cette approche, d’ordre sémantique, quatre propositions de synthèse peuvent être tirées :
 Qualifier l’euthanasie d’active apparaît inutile parce que redondant.
 Il faut se garder d’employer le terme euthanasie pour parler des limitations ou arrêts de traitements
actifs dans le cadre d’un refus d’obstination déraisonnable (ou refus d’acharnement thérapeutique). Par
contre, continuons à produire des recommandations médicales, à former les soignants à la démarche
éthique qui précède une prise de décision et à sensibiliser le public sur le respect des choix du malade
en matière de traitements.
 La loi n’a pas besoin d’être changée en ce qui concerne l’euthanasie imposée.
 Dans le débat actuel, ce sont bien l’euthanasie réclamée et le suicide assisté qui posent problème, éthiquement et légalement. Mais avant de les aborder en tant que réponses éventuelles à une demande,
essayons d’abord de mieux comprendre le désir de mort.
PEUT-ON RAPPROCHER LE DÉSIR DE MORT ET LE CONCEPT DE DIGNITÉ ?
Chez certaines personnes, le désir de mort est là pour conjurer l’angoisse du mourir, du passage de la vie à
la mort. Elles veulent hâter ce qu’elles redoutent pour que cesse une peur compréhensible : peur de souffrir,
de dépendre des soignants sans comprendre ou contrôler ce qui leur arrive, peur de leurs représentations du
mourir ou de la mort. D’autres fois, ce sont une douleur rebelle ou un symptôme persistant qui peuvent conduire
quelqu’un à vouloir mourir. La première chose à faire est d’écouter et de prendre soin du malade, même s’il
ne peut plus guérir de sa maladie : traiter sa douleur, calmer son angoisse, l’aider à soigner son apparence,
raviver des sensations positives, lui faire profiter au mieux de la vie qui lui reste à vivre : cet accompagnement
est primordial ; et la plupart du temps, les malades abandonnent leur demande d’euthanasie.
Le désir de mort peut aussi provenir d’un sentiment d’indignité, de dégradation physique ou d’inutilité éprouvé
en fin de vie. Ces personnes revendiquent de pouvoir mourir dans la dignité. Et bien sûr, ce slogan est approuvé
par tout le monde : qui ne veut pas mourir dans la dignité ? Le problème vient surtout du fait que cette notion
de dignité est interprétée de trois façons différentes.
1. Dans le premier cas, l’homme est digne parce qu’il est homme. Autrement dit, l’homme est digne par essence,
indépendamment des contingences, de ce qui peut arriver à chacun. C’est ce qu’on appelle une conception
ontologique. La dignité n’est pas définie par rapport à d’autres concepts, elle ne se mesure pas à l’aune de
quoi que ce soit : elle est une qualité humaine irréductible. Par conséquent, l’homme ne perd jamais sa dignité.
6 E. Dunet-Larousse, L’euthanasie : signification et qualification au regard du droit pénal, Revue de droit sanitaire et social, 34 (2),
avril-juin 1998, p.268
17
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Dans un ouvrage récent, Jacques Ricot7 rappelle deux grands textes qui consacrent cette inconditionnalité de
la dignité :
 L’un est de Kant : « L’humanité est-elle même une dignité : en effet, l’homme ne peut être utilisé par
aucun homme (ni par d’autres, ni même par lui-même) simplement comme moyen, mais doit toujours être
traité en même temps comme fin, et c’est en cela que consiste précisément sa dignité. »ttt,
 L’autre est la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui considère dans son préambule
que « la dignité [est] inhérente à tous les membres de la famille humaine » et proclame dans son article
premier: « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit ».
Partant de cette conception ontologique, d’aucuns estiment que la dignité est attachée à la personne en tant
que représentant de l’espèce humaine en général, et non à l’individu en particulier. Dans cette approche
essentialiste, avec ou sans Dieu, il y a primauté de l’essence humaine sur l’existence de l’individu : celui-ci ne
s’appartient pas totalement et sa vie biologique revêt un caractère sacré qui le dépasse. Cette transcendance
de la personne humaine conduit généralement à s’opposer au suicide et à l’euthanasie. Une opposition qui
est d’ailleurs partagée par ceux qui revendiquent la transcendance de l’âme. Leur approche dualiste9 fait
du corps et de l’âme deux choses séparées : le corps est considéré biologiquement comme quelque chose de
profane, tandis que l’âme appartient à Dieu. L’homme n’étant que le dépositaire de la vie qui l’anime, il ne
saurait en disposer à son gré.
2. Dans le deuxième cas, le postulat est inverse : la vie humaine est immanente. Quelles que soient les convictions religieuses de ceux qu’il rassemble, ce courant voit dans l’homme une conscience autonome. L’homme est
ici le récipiendaire de la vie qui l’anime ; chaque individu est doué de libre-arbitre, d’une auto-détermination
qui lui permet de disposer à son gré de sa vie biologique et spirituelle. Cette conception s’apparente à celle
définie par Jean-Paul Sartre10 : « Il y a deux espèces d’existentialistes : les premiers, qui sont chrétiens (…)
et d’autre part les existentialistes athées. (…) Ce qu’ils ont en commun, c’est simplement le fait qu’ils estiment
que l’existence précède l’essence ou, si vous voulez, qu’il faut partir de la subjectivité. (…) L’homme n’est rien
d’autre que ce qu’il fait. (…) Mais si vraiment l’existence précède l’essence, l’homme est responsable de ce
qu’il fait. Ainsi, la première démarche de l’existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu’il
est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence ».
Partant de ce point de vue, certains lient le concept de dignité à ceux de volonté, de liberté et d’indépendance : l’homme est digne parce qu’il exerce sa volonté qui lui permet de choisir et d’ordonner librement
ses comportements. En d’autres termes, la dignité serait fonction de la maîtrise de soi, de son esprit et de
son corps. D’une certaine façon, il s’agit aussi d’une vision dualiste qui fait du corps une matière et une machine soumises au service de l’esprit. Et s’il arrivait que les fonctions mentales ou physiques soient gravement
altérées, la dignité diminuerait du fait d’une moindre “autonomie”, d’une plus grande “dépendance”11 .
7 J. Ricot, Dignité et euthanasie, Nantes, Pleins Feux, 2003
8 E. Kant, Métaphysique des mœurs, La Pléïade, III, p.758-759
9 Notons que le dualisme est absent de la Bible, même chez Saint Paul. On le retrouve chez les Pères de l’Eglise, hérité d’une forme
populaire du stoïcisme opposant la raison (source de tempérance) au corps (objet de passions instinctives). cf.T. Revol, Contre-nature,
in Dictionnaire de l’homophobie, dir. L-G. Tin, Paris, PUF, 2003, p.108
10 J-P. Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Paris, Editions Nagel, coll. Pensées, 1970, p.16-24
11 Ces mots sont placés entre guillemets pour marquer le changement de registre du langage, car leur sens ici n’est plus philosophique
mais médico-social
18
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Dans ce cas, l’homme pourrait perdre sa dignité, puisque celle-ci est relative. Qui plus est, au nom de la liberté
de disposer de soi, il serait légitime de demander la mort lorsque les facultés cognitives ou les capacités physiques sont sévèrement atteintes. L’euthanasie est même un droit revendiqué parce qu’il représente le dernier
acte qui prouve la maîtrise de soi. Pour des associations comme l’ADMD, ce droit serait même opposable aux
tiers tant le contrôle de sa mort devient le dernier enjeu de l’existence12. Enjeu parfois si crucial, si symbolique
que quelques-uns sont poussés à le faire sortir de l’intimité pour le médiatiser.
3. En tension entre ces deux courants de pensée, il en existe un troisième qui emprunte aux deux premiers sans
s’identifier ni à l’un, ni à l’autre. Avec le premier courant, il partage une conception ontologique de la dignité,
mais qu’il attribue à l’individu plus qu’à la personne. Car, comme le deuxième courant, il a une conception immanente de la vie humaine et s’inscrit dans la perspective d’un humanisme existentialiste, se reconnaissant dans
le principe d’autodétermination individuelle. Cependant, il diffère de ce deuxième courant en deux points :

D’une part en évitant de confondre libre-arbitre et souveraineté absolue de l’individu. Si l’individu est
doté d’une liberté de choix, cette liberté n’est pas pour autant un impératif catégorique qui s’impose
aux autres comme un droit indiscutable. Comme le souligne Jacques Ricot13 : « Affirmer “c’est mon
choix” relève d’une conception autiste de la liberté assimilée à une spontanéité pulsionnelle, à une autodétermination irrationnelle, bien éloignée d’une autonomie correctement comprise. L’autonomie, notion
morale, contraire de l’hétéronomie, est d’abord l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite. Il s’agit bien
d’une loi rationnelle, universalisable, et non d’une loi personnelle, ce qui serait une contradiction dans
les termes ».
Pour ce courant, la liberté comporte donc davantage de doute que de certitude, autant de devoirs envers
autrui que de droits : c’est le sens corollaire de la liberté sartrienne : « Quand nous disons que l’homme se
choisit, nous entendons que chacun d’entre nous se choisit, mais par là nous voulons dire aussi qu’en se choisissant il choisit tous les hommes. En effet, il n’est pas un de nos actes qui, en créant l’homme que nous voulons
être, ne crée en même temps une image de l’homme tel que nous estimons qu’il doit être. (…) On doit toujours
se demander : qu’arriverait-il si tout le monde en faisait autant ? Et on n’échappe à cette pensée inquiétante
que par une sorte de mauvaise foi. »14 .
12 Opposable est entendu au sens juridique, même si, à titre individuel, personne n’est tenu de provoquer la mort de quelqu’un qui l’a
demandée ainsi que le rappelle H. Cavaillet, président d’honneur de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) :
« Le débat sur la mort n’est pas théorique. Il nous concerne tous. Il s’inscrit dans une éthique soit transcendante – la vie est un devoir
imprescriptible, soit immanente –je suis maître de mon destin. (…) Personnellement, j’affirme que je suis juge de la qualité de ma vie.
Dans ce domaine, personne ne saurait se substituer à moi. En conséquence, j’ai le droit de fermer moi-même la porte du temps, parce
que la mort, c’est le temps hors du temps. (…) Pourquoi n’aurais-je pas la faculté de faire interrompre ma vie par une tierce personne,
s’il m’était impossible d’agir moi-même ? (…) J’ai le droit de demander un geste, une aide compréhensive pour que soit achevé, lorsque
je l’exige, mon destin. Toutefois, si dans cette hypothèse, je m’adresse à un médecin, celui-ci peut, et personne n’en doutera, m’opposer
sa clause de conscience. Par contre, il devra me dire avant toute chose et avant tout soin prodigué, qu’il ne respecte pas mon choix de
mourir assisté, pour ne pas me confisquer ma liberté ».
H. Caillavet, Penser la mort c’est penser la liberté, in Le droit de partir dans la dignité : pour une mort plus douce, numéro de la Revue
Panoramiques dirigé par A. Guy, Editions Arléa-Corlet, 1995, p.8-11.
A noter que le titre de l’article fait référence à Sénèque dont la conception stoïcienne de la maîtrise de soi et du suicide ne saurait guère
être interprétée dans le même sens que celui de H. Cavaillet.
13 J. Ricot, op. cit. p.16
14 J-P. Sartre, op. cit, p.25-29
19
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Dans ce cadre-là, faire de l’euthanasie ou du suicide assisté un impératif, un droit souverain et opposable aux
tiers serait déresponsabilisant pour ceux qui auraient à le mettre en œuvre, à l’agir ; il conduirait à une forme
d’instrumentalisation de l’homme par l’homme qui est elle-même une limite à la liberté individuelle.

D’autre part, ce qui est contesté, c’est le glissement sémantique qui fait abusivement passer les notions
d’indépendance et d’autonomie du champ médico-social au champ philosophique. Perdre l’esprit ou
bien encore son autonomie physique ne signifie pas que nous perdons du même coup l’humanité conférée par notre conscience et notre autonomie au sens philosophique. Parce qu’ici, le dualisme corps/esprit
ou corps/âme s’efface au profit d’une union, d’une incarnation de l’esprit au sens phénoménologique. «
Il n’y a pas de pensées sans corps et elles sont en partie déterminées par le vivre incarné ».15
En cela, les tenants de ce troisième courant de pensée reprennent au premier sa conception ontologique du
concept de dignité, tout en se démarquant d’une lecture qui sacraliserait trop la vie biologique. La dignité est
comprise comme une valeur inconditionnelle de l’être humain, cette valeur qui n’a pas de prix pour reprendre
une formule de Kant16. En l’occurrence, un être humain ne peut pas perdre sa dignité au motif que ses capacités diminuent face aux progrès de la maladie ou du vieillissement. Car admettre que l’on puisse perdre sa
dignité reviendrait à dire qu’il y a des vies en trop, des corps à ne pas montrer. Ce serait prétendre qu’il y a
parmi nous des vies honteuses, susceptibles d’être proscrites17.
Ce troisième courant ne nie pas la sincérité et l’urgence de certains désirs de mort qui s’expriment de façon
répétée. Mais s’ils nous questionnent, s’ils interpellent notre responsabilité, il ne semble pas éthiquement acceptable que cela se fasse au nom de la dignité : car celle-ci ne saurait être perdue par un seul sans danger
pour l’humanité tout entière. Ce n’est donc pas la dignité que perdraient certaines personnes, mais le sentiment
de leur dignité.
Comment prendre en compte le sentiment d‘indignité ?
Le sentiment est bien une notion subjective qui dépend de chaque individu, de sa perception des choses. Mais
la sociologie a largement démontré que le sentiment prend racine dans les représentations des autres, de la
société en général. Il en va ainsi en ce qui concerne l’image de soi : l’estime que j’ai de moi résulte autant de
ma “propre” impression que de l’intégration de l’image renvoyée par le regard des autres. Avec toutes les
limites liées à la généralisation que comporte une telle question, quel est donc le modèle, l’idéal type que
notre société se fait de l’individu ?
15 B. Cadoré, Douleur et souffrance, : corps, parole et intériorité, DIU de soins palliatifs, centre d’éthique médicale, Faculté libre de
Lille, janvier 2001. Ou encore : « Quand nous entendons sensations, affections, affectivité, passions et pensée, il faut nous prémunir
de les penser comme relevant d’une psyché –d’une âme- sans corps, et d’en chercher par la suite les répondants physiques dans ce qui
serait les “signaux” du corps. (…) Il faut dépasser
la représentation de la psyché comme “siège” de tout cela (…) qui serait de surcroît, telle une forteresse imprenable, un sujet susceptible de posséder ces états si le corps était considéré comme un instrument ». M. Richir, Le corps : essai sur l’intériorité, Paris, Hatier,
1993, p.8-9
16 E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Delagrave, 1966, p.162
17 Pour comprendre le sens des mots, il faut parfois les porter au regard des situations extrêmes. P. Vespieren nous rappelle un certain
passage de la honte à la proscription : « Pour parvenir à une telle déclaration [universelle des droits de l’homme de 1948], il a fallu que
l’humanité, et plus précisément l’Europe, passe par ce qui est reconnu comme des actes de barbarie (la déclaration dit : “des actes de
barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité”). Ces actes avaient été justifiés principalement par deux affirmations : l’une consistait à juger certaines races supérieures à d’autres ; mais la seconde, qu’on tend à oublier, affirmait qu’il y a “des vies qui ne valent pas
d’être vécues”, à l’égard desquelles il est plus raisonnable et plus humain d’accorder “la grâce de la mort”. Et cela a conduit à la mise
à mort de milliers de malades et de handicapés mentaux. » P. Vespieren, Dignité un terme aux significations multiples, in Bulletin de
la Fédération JALMALV, Dignité de la personne en fin de vie, n°31, Décembre 1992, p.10
20
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Dans les pays économiquement riches, on constate que l’homme satisfait facilement ses besoins primaires, que les
limites techniques sont sans cesse repoussées, que le consumérisme semble tout mettre à portée de main, que le
temps se mesure à l’immédiateté. Dans ce contexte, l’homme tend à développer un sentiment de toute-puissance
infantile qui le glorifie. L’individualisme ambiant instaure une sorte de culte, voire une tyrannie du moi qui exige
à la fois tout et son contraire ; comme un enfant capricieux qui croit exister dans la satisfaction immédiate de
ses désirs : il veut un jouet qu’il abandonne sitôt qu’on le lui a tendu. Les autres ne sont là que pour répondre et
applaudir au tout, tout de suite ; sinon ils sont perçus comme des obstacles incompréhensibles et insupportables.
Comme le constate Norbert Elias : « Dans les sociétés développées, ce qui prend le dessus, c’est le sentiment,
largement répandu chez leurs membres fortement individualisés, que chacun d’entre eux existe pour soi et dans
une indépendance absolue par rapport aux autres, au “monde extérieur” en général ».18
Pourtant, notre existence et le sentiment de cette existence dépendent du regard des autres : c’est ce qu’on
appelle l’intersubjectivité. Et c’est dans cette intersubjectivité, dans notre relation aux autres, que nous pouvons
objectiver le monde : car les points de vue des autres étant différents du mien, je comprends que le monde ne
se limite pas à moi et à ce qui m’appartient, mais qu’il est aussi celui d’autrui. Or si j’objective les autres, si je les
réduis à de simples faire-valoir de ma supposée toute-puissance, d’une part je nie leur humanité, d’autre part le
monde devient une extension du moi où tout est illusoirement possible. Dans le langage courant, des expressions
comme «j’assure » ou «je gère » montrent bien à quel point la volonté de maîtrise est impérieuse.
Dans ce contexte, le vieillissement, la maladie et a fortiori la mort sont des spectres qui viennent hanter nos
rêves de toute-puissance. La transformation du corps, la perte d’autonomie, la mort ne sont plus appréhendées
comme un processus naturel inéluctable ; ils sont vécus comme un laisser-aller, une faiblesse, un échec assortis
de culpabilité et de honte. A cela s’ajoute une logique utilitariste : à quoi peuvent bien servir la vieillesse et la
fin de vie ?
Le handicap, la maladie et la mort font bien l’objet d’un rejet collectif qui entraîne dans leur sillon les personnes
concernées : « Le fait que l’isolement prématuré des mourants, sans être particulièrement voulu, soit fréquent
justement dans les sociétés développées, est l’une des faiblesses de ces sociétés. (…) Jamais dans l’histoire de
l’humanité les mourants n’ont été relégués derrière les coulisses, hors de la vue des vivants, de manière aussi hygiénique ; jamais auparavant les cadavres n’ont été expédiés de la chambre mortuaire au tombeau de manière
aussi inodore ni avec une telle perfection technique. (…) Actuellement, les êtres humains qui ont affaire aux
mourants ne sont plus en mesure de leur apporter un soutien ou un réconfort en leur prouvant leur attachement
et leur tendresse. Ils trouvent déjà difficile de leur serrer la main ou de la caresser pour leur donner un sentiment
d’intimité intacte et de sécurité. L’exagération du tabou de civilisation qui interdit l’expression de sentiments
violents et spontanés paralyse assez souvent la langue et la main. Il se peut aussi que les vivants ressentent plus
ou moins inconsciemment l’agonie et la mort comme contagieuses, et donc comme une menace ; ils ont alors un
mouvement de recul involontaire devant les mourants ».19
Voilà comment peuvent naître le sentiment d’indignité et les revendications d’euthanasie qui s’ensuivent : s’autoexclure parce qu’on a intériorisé l’exclusion sociale ; se sentir déchu de son rang parmi les autres hommes parce
que l’on est affaibli. Ce sentiment doit être entendu et compris, mais y répondre par l’euthanasie, ce serait
cautionner le rejet social des plus faibles.
Par un tour de passe-passe, notre société a fait de la dignité une valeur au rabais que seule la mort par euthanasie pourrait renchérir. Ne faudrait-il pas rendre à la dignité sa valeur absolue ? L’être humain est digne et il
reste digne parce qu’il reste un être humain, quoi qu’il arrive. Et si justement il lui arrive de se sentir indigne, le
rôle premier et symbolique de la société n’est peut-être pas de l’exclure davantage en lui donnant les moyens
de disparaître.
18 N. Elias, La solitude des mourants, Paris, Editions Bourgois, coll. Détroits, 1982-1985 (trad. 1987-1998), p.75
19 N. Elias, op. cit. p.12, 37 & 43
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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AIDER À MOURIR, N’EST-CE PAS D’ABORD PRENDRE SOIN ET ACCOMPAGNER ?
Pour que le sentiment d’indignité ne devienne pas une fatalité, pour éviter que la relation entre soigné et
soignant s’articule seulement autour du seul désir de mort, pour renouer avec une approche collective de la fin
de vie, nous devons remettre en cause nos comportements individuels et nos choix de société.
1. Pour commencer, cette remise en cause passe par une démarche de prévention. L’anticipation des problèmes
posés par les conditions de fin de vie conduit à repenser certaines pratiques professionnelles et l’économie
générale du système de soins :

La grande majorité des situations de détresse et des demandes ou tentations d’euthanasie pourrait être
évitée. Pour cela, dès le diagnostic d’une maladie grave, il faudrait évoquer en amont la possibilité
d’arrêter certains gestes ou traitements déraisonnables. Voire même, dans certaines circonstances, invoquer le devoir d’abstention. Ainsi, lorsque surviennent un accident ou une complication au cours d’une
maladie inguérissable, si cela entraîne des séquelles gravissimes ou mortelles à brève échéance, il faut
s’interroger très tôt sur le sens des décisions à prendre, sur les conditions probables d’une vie que l’on
va prolonger. Or, pris dans l’action et par la pression du temps, le médecin peut éluder ou repousser
une décision parce qu’elle est difficile à prendre. Il le peut d’autant plus que les progrès de la science
ont permis de maintenir en vie des personnes qui n’auraient pas survécu quelques années auparavant.
Il peut le faire aussi par peur d’éventuels risques judiciaires. C’est oublier que la médecine ne se réduit
pas à la gestion technique et solitaire d’une succession de cas cliniques.
Donner son sens à la médecine, prendre soin du malade, c’est aussi apprendre à limiter ou arrêter un traitement quand cela devient nécessaire. Ce type de décisions doit faire suite à un débat sans préjugés : en
équipe, avec la personne malade quand cela est possible, avec ses proches. Ce débat est souvent éprouvant
parce qu’il renvoie chacun à ses limites. Et puis cela prend du temps. Néanmoins, quand elle est entreprise
assez tôt, cette démarche évite de créer des situations d’une grande complexité. L’écoute et la réflexion collectives limitent la tentation euthanasique que susciterait une survie dans des conditions pouvant apparaître
scandaleuses. Si difficile soit une décision d’arrêter les traitements, elle est toujours moins violente que l’impasse du désir de mort20 . Aussi, le cas échéant, si un consensus s’exprime et que le temps vient confirmer le
choix d’arrêter des traitements devenus inadaptés, on peut laisser la mort advenir tout en continuant à traiter
la douleur et les symptômes associés.

Prévention également en gérontologie où les demandes d’euthanasie sont toutefois plus rares que chez
les personnes plus jeunes 21. En effet, les changements d’avis par rapport à un désir d’euthanasie
exprimé quelques années plus tôt sont très fréquents à cet âge. Par contre les demandes émanant
des soignants et des familles sont plus nombreuses. Les tentations d’euthanasie imposée s’enracinent
souvent dans la révolte face à certaines conditions de “prise en charge” : vieillards institutionnalisés,
esseulés, dont le lent mourir se déroule parfois dans un contexte de violence institutionnelle, voire de
maltraitance… Comme nous l’avons déjà dit, cela renvoie à notre responsabilité sociale à l’égard des
personnes âgées.
20 En ce qui concerne les services de réanimation, quelques articles récents ont mis en lumière la réalité et la fréquence de pratiques
euthanasiques. Or, la plupart des situations critiques relèvent en fait de la limitation ou de l’arrêt des traitements actifs. Mais l’insuffisance de moyens dans des services d’urgence et de réanimation souvent engorgés vient renforcer le “réflexe technique” et l’absence
de réflexion préalable.
« Il est fort délicat pour un médecin de savoir s’abstenir. Il n’a pas été formé pour cela. Il a reçu une formation d’action. Reconnaître
que”l’inaction” peut être thérapeutique est a priori antinomique. De plus, les rares notions juridiques qu’il connaît l’incitent à agir.
La non assistance à personne en danger est généralement perçue comme une épée de Damoclès. » E. Dunet-Larousse, L’euthanasie :
signification et qualification au regard du droit pénal, Revue de droit sanitaire et social, 34 (2), avril-juin 1998, p.282
21 Conférence permanente des comités et groupes d’éthique dans le domaine de la santé. Assemblée générale
annuelle. L’euthanasie en question. 11 mai 2001
22
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs

Prévention toujours dans les cas d’état végétatif chronique. Force est de constater la fréquence des
demandes d’euthanasie en ce qui les concerne, le plus souvent de la part des proches, là aussi. Elles
sont évidemment à mettre en lien avec l’inadéquation ou l’inexistence des structures spécialisées dans la
prise en charge de ce type de patients, et avec le manque de soutien à leur famille.

Prévention enfin s’agissant des tentations euthanasiques qui résultent de la souffrance professionnelle,
de ceux qui sont engagés dans l’accompagnement des personnes âgées ou très gravement atteintes : il
y a nécessité à vraiment reconnaître cette souffrance, pour mieux la prévenir et pour aider ceux qui la
subissent.
2 Examinons maintenant l’adéquation entre notre volonté politique et l’intensité de nos efforts dans la mise
en œuvre. Peut-on dépasser le stade de compassion immédiate après un drame individuel ou collectif, comme
celui qu’a entraîné la canicule estivale ? Les citoyens et leurs représentants politiques veulent-ils que la réalité
rejoigne les discours ?
Si la réponse est oui, il semblerait assez cohérent de finir ce qui a été commencé avec les soins palliatifs. Car
malgré la loi du 9 juin 1999, tout le monde n’y a pas accès. Voté à l’unanimité par le Parlement, le droit aux
soins palliatifs qui a été donné à chaque personne malade n’est pas respecté. La mise en place d’unités (USP),
d’équipes mobiles (EMSP) et de réseaux de soins palliatifs est loin d’être achevée.
Plusieurs études estiment qu’en France, chaque année, de 150.000 à 200.000 personnes sont susceptibles de
recourir aux soins palliatifs 22, leur champ initial s’étant peu à peu étendu. Au début en effet, on considérait
que seuls les mourants relevaient de ce type de soins ; par la suite, ils ont progressivement concerné des malades en phase terminale, puis des malades inguérissables dont la fin de vie n’est pas forcément proche. Dans les
trente prochaines années, le vieillissement de la population va accroître mécaniquement la demande. Certes,
la majorité des gens n’auront pas besoin d’une prise en charge spécialisée, nécessitant un recours à une équipe
mobile ou à une unité de soins palliatifs ; le plus souvent, une démarche palliative menée par les médecins et
soignants ayant en charge la personne malade suffira.
Mais il n’y a actuellement que 772 lits dans les USP23 , ce qui est déjà bien insuffisant : alors demain ? Quant
aux autres services hospitaliers ou aux soignants de ville, ils sont loin d’être formés et disponibles pour assumer
cette charge.
Si l’on veut éviter le pire et rendre effective la loi de 1999 sur les soins palliatifs, il faut donc s’en donner rapidement les moyens. Il s’agit avant tout d’adapter l’offre de soins aux besoins démographiques et d’articuler
les dispositifs existants :
 sans réduire les soins palliatifs aux soins terminaux,
 en assurant ce qu’on appelle la continuité des soins, sans césure entre les soins curatifs et les soins palliatifs,
 en conjuguant continuité des soins et approche globale de la personne malade en lien avec d’autres
types de soins (prise en charge de la douleur, soutien psychologique, kinésithérapie, nutrition, accompagnement social …),
 en favorisant l’interdisciplinarité des équipes soignantes et l’expression d’une solidarité nationale, notamment en donnant la place qu’il se doit à l’entourage des personnes malades et au bénévolat d’accompagnement.
22 Selon l’avis du Conseil Economique et Social : « les soins palliatifs concernent principalement les cancers, les troubles neurologiques dégénératifs tels que la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson ou la sclérose latérale amyotrophique, le sida, la maladie
d’Alzheimer soit approximativement 15O OOO décès par an. ».
Avis du C.E.S., D. Decisier, L’accompagnement des personnes en fin de vie, Paris, Edition des journaux officiels, 1999.
23 Etat des lieux national des structures de soins palliatifs et d’accompagnement réalisé par la SFAP et l’ORS de Franche-Comté,
novembre 2003 : www.sfap.org
23
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Ce changement des mentalités et des pratiques nécessite également de renforcer la formation des acteurs
de santé, actuels et futurs : en matière de contrôle de la douleur, de démarche éthique, de recueil du consentement éclairé des patients, de proportionnalité des soins, d’écoute... On sait qu’il faudra du temps pour
mesurer l’effet de ce type de formation : plus vite on l’entreprend, plus tôt les personnes malades en verront
les bénéfices. Enfin, il faut renforcer la recherche en soins palliatifs, car il n’est pas de discipline ou de pratique
scientifique qui puisse faire face aux enjeux d’avenir sans investir dans la recherche.
Certes nous sommes partisans dans ce plaidoyer. Mais qui peut nier que les soins palliatifs et l’accompagnement constituent un vrai choix de société ? Ils témoignent de la place et de la valeur que nous souhaitons accorder à ceux qui vont mourir. Même lorsqu’on ne peut plus guérir, on peut encore soigner et soulager.
C’est ce que les soins palliatifs et l’accompagnement s’efforcent de faire en inventant chaque jour des manières
d’être et de faire adaptées à chaque personne concernée : « Les soins palliatifs, sans occulter la valeur du signe,
ne réduisent pas la plainte à un symptôme. (…) Elle est d’abord plainte du sujet en son corps. (…) L’approche palliative cherche à promouvoir la participation du patient aux décisions le concernant. (…) Cette promotion se fera
dans une approche pluridisciplinaire, afin de lutter contre toute normativité portée par chaque discipline. Dans toutes ces dimensions, la responsabilité des différents protagonistes, soignants et soignés, est sollicitée. Cette approche est bien différente de l’application standardisée d’un protocole au sein d’un contrat de soins judiciarisé ». 24
Depuis vingt ans, les soins palliatifs et l’accompagnement ont d’ailleurs permis de réduire considérablement
les demandes d’euthanasie : on observe aujourd’hui que la plupart d’entre elles cessent après une prise en
charge qui contrôle la douleur et prend en compte la souffrance morale : angoisse du mourir, angoisse de
mort, sentiments d’inutilité, de charge, d’indignité, de solitude, d’abandon…
Il ne s’agit pas ici de clamer victoire dans le cadre d’une opposition artificielle entre acteurs des soins palliatifs
et défenseurs de l’euthanasie : car qui peut regretter que les soins palliatifs soient accessibles au plus grand
nombre, qui peut déplorer que les gens souffrent moins et ne demandent plus à mourir ? Il faut d’ailleurs remarquer qu’après plusieurs mois d’application de leur propre loi sur l’euthanasie, les Pays-Bas ont décidé de
renforcer le développement des soins palliatifs pour mieux répondre aux besoins quotidiens. Probablement
parce qu’aider quelqu’un à mourir, c’est d’abord en prendre soin et l’accompagner.
24 D. Mallet, Peut-on soigner sans prendre soin ?, Communication à la conférence de consensus organisée par l’ANAES sur l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches, Paris, 14 & 15 janvier 2004
24
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
COMMENT ABORDER LES SITUATIONS EXCEPTIONNELLES ?
Malgré le nécessaire développement des soins palliatifs, il ne faut pas se leurrer : il subsistera toujours des situations exceptionnelles. Si rares soient-elles, ces situations sont bouleversantes et nous serons forcément ébranlés par les demandes d’euthanasie qu’elles pourront susciter. Si nous ne savons pas d’emblée quoi répondre à
de telles demandes, c’est bien le signe que notre liberté et notre responsabilité sont intactes. Il faut accepter
l’idée que persiste dans la vie un moment où l’on ne sait pas : ce moment est indispensable pour le questionnement, le cheminement de la pensée, le débat, la prise de conscience puis la prise de responsabilité.
Le questionnement généré par l’incertitude a une place fondamentale dans ces circonstances exceptionnelles.
Et comme lors de toute situation où l’éthique est mise en jeu, il est impératif de ne pas être seul pour réfléchir,
pour fonder une décision. Face à une demande d’euthanasie réitérée malgré une prise en charge correctement
menée, il est indispensable de composer une équipe de réflexion : avec la personne malade quand elle le
peut, ses proches, l’équipe soignante, voire des experts extérieurs. A plusieurs, en croisant les regards et les
analyses, il est possible que des pistes de résolutions émergent, pistes que l’on n’aurait pas imaginé dans une
réflexion solitaire. C’est le principe fondamental d’une démarche éthique : une décision ne se satisfait pas du
consensus ; elle requiert l’implication et l’accord de l’ensemble des personnes concernées par la démarche de
soin.
Cette place fondamentale à laisser au questionnement est également nécessaire pour entendre les revirements
opérés par des personnes qui d’abord demandent l’euthanasie, avant d’y renoncer par la suite (notamment
après une prise en charge de leur douleur jugée satisfaisante, avec recours éventuel à une sédation pharmacologique temporaire25). On le sait ne serait-ce qu’en observant ses propres comportements lors de maladies
bénignes, les changements d’avis sont fréquents chez les personnes malades, a fortiori quand leur état est
instable : respecter cette possibilité est fondamental.
D’aucuns renversent l’argument, accusant les soignants d’occulter le désir de mort et d’abuser de leur pouvoir
médical face à la détresse26. C’est parfois vrai. Mais il n’y a de certitude dans aucun cas : ni dans l’affirmation
d’un désir de mort, ni dans son retrait. C’est bien l’écoute de cette instabilité qui compte. Dans les pays ayant
encadré la pratique de l’euthanasie, on insiste bien sur le caractère répété de la demande. Dans ce cadre là,
l’expression du consentement préalable est formalisée et c’est le moins qu’on puisse faire. Cela dit, l’officialisation formelle d’une volonté peut aussi compromettre la possibilité de changer d’avis, car la solennité d’une
telle démarche peut faire craindre de se déjuger en y renonçant après coup. Dès lors, de quelque côté que
l’on se place, gardons-nous d’être péremptoires dans nos attitudes face à la mort, surtout quand il s’agit de
celle des autres. Chez ceux qui ont pratiqué ou encouragé une euthanasie, quand le doute n’a pas eu de place
avant le passage à l’acte, il ressurgit après, de façon souvent dramatique : culpabilité, angoisse, alors même
que la demande d’euthanasie paraissait justifiée de façon “évidente”.
La seule chose dont nous soyons sûrs est qu’il n’y a pas de solution unique, qu’il n’y a aucune bonne réponse. La
singularité de chaque situation et la recomposition permanente de la personne dans le temps de sa fin de vie
font obligation d’inventer et de vivre chaque instant dans ce qu’il a d’unique. Face à un désir de mort persistant, nous sommes confrontés individuellement et collectivement à un dilemme, spécifique à cette situation, sans
échappatoire possible pour notre responsabilité, quelle que soit notre attitude. Dans certains cas, quand la
mort est inévitable et que la souffrance insupportable ne peut être apaisée, l’euthanasie ou le suicide assisté
pourront apparaître à certains comme le dernier choix éthique assumé par la personne malade, son entourage
proche et ses soignants.
25 Pour plus d’informations : La sédation pour détresse en phase terminale, recommandations de la SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), http://www.sfap.org/article.php?sid=4
26 C’est le cas du propos suivant : « Ce n’est pas le proche, l’ami, le soignant qui répond à une demande réitérée, lucide, étayée d’euthanasie volontaire (ou de suicide assisté, comme on voudra) qui s’arroge un pouvoir prométhéen, hors des lois de la vie humaine. Celui
qui s’arroge ce pouvoir, c’est celui qui devient sourd à la demande sous prétexte qu’un peu plus d’amour, un peu plus de caresses, un
peu plus de proximité vont venir à bout de cette demande. Et quand on ose dire : “mais finalement on ne nous demande plus à mourir”,
ne devrait-on pas se poser cette simple question : n’est-ce pas la demande elle-même qui est morte de lassitude désespérée ? A quoi
sert de demander, de demander encore quand on a la preuve quotidienne que la réponse ne viendra jamais. ». D. Pohier-Stein, Soins
palliatifs et euthanasie : éléments pour un débat, Bulletin de l’ADMD n°87, mai 2003, p.46.
25
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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Il ne s’agit pas d’un choix individuel fait d’avance, autrement dit d’un fait accompli, d’une résolution indiscutable. Non, le choix évoqué ici s’inscrit dans l’intensité du présent, dans un espace d’échange, dans l’inconfort du
doute, c’est-à-dire dans une liberté douloureuse certes, mais dans la liberté. Et le passage à l’acte ne procède
pas d’une volonté de maîtrise revendiquée comme un droit, mais d’un choix fragile du “moindre mal”, d’une
éthique de la détresse, de l’agir juste faute de savoir si l’on agit bien. Le doute de cet agir juste est le propre
de notre liberté qu’aucun dispositif ne saurait dérober.
Or c’est là un des risques majeurs d’une légalisation de l’euthanasie : que les questions qu’une telle démarche requiert ne se posent pas ou qu’elles se posent de manière biaisée sur le comment davantage que sur
le pourquoi. Peut-on prendre le risque que l’éthique soit victime, si ce n’est de la loi directement, du moins de
l’absence de questionnement préalable à son application, questionnement jugé facultatif ? Au fond, quand
tant de questions devraient se poser, peut-on décider de la mort simplement parce que c’est un droit ?
26
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
PEUT-ON PARLER DE DROIT DE MOURIR ?
Avant de parler de droit, rappelons cette évidence : mourir est une condition de la nature humaine. Chaque
être humain va mourir et la loi n’a aucune autorité sur cet état de fait naturel27. Le droit de mourir n’a donc
pas de sens en soi, c’est le droit de faire mourir qui est en cause : se faire mourir et faire mourir les autres.
Comme tout droit, celui-ci procède d’une morale. En effet, toute communauté se dote d’une morale guidée par
le souci de conservation et de cohésion du groupe. Celle-ci édicte ce qu’elle croit être l’agir bien, autrement
dit ce qu’elle estime bon ou mauvais pour la survie du groupe dans son ensemble. Le droit est ensuite l’instrument qui vient traduire au plan légal ce qui est légitime ou pas. Nous avons vu qu’il existait en Occident une
forte tension entre valeurs collectives et valeurs individuelles, au profit croissant de ces dernières. « On dit que
la modernité a du mal à penser la morale. C’est sans doute le signe qu’elle ne sait pas quoi en faire. Car la
morale est un système de croyance et que la modernité fait montre de ne plus croire en rien ; mais aussi parce
que l’individu qu’elle a placé au sommet de son échelle de valeurs se veut libéré de toutes contraintes et de
tous devoirs envers le groupe, son précepteur d’hier »28.
A cette évolution de la morale correspond celle du droit. Le droit a longtemps restreint certaines libertés
individuelles : en les ignorant, en les limitant ou en les interdisant. Pour des raisons historiques, politiques et
économiques, ce contrôle des individus s’opérait et était globalement accepté au nom d’une morale dominante.
Cette morale, d’essence élitiste, voyait dans les “faiblesses” ou les “déviances” de l’individu un risque pour la
cohésion sociale, directement ou à travers la remise en cause de l’ordre politique en place.
Peu à peu, l’émancipation politique a permis au sujet de devenir un citoyen. Ensuite, la laïcité et la sécularisation des pratiques sociales a levé d’autres interdits légaux. Enfin, l’économie de marché valorise l’individualisme. En bref, l’individu a acquis une identité juridique plus forte dans la société. Des droits dits fondamentaux
sont même venus défendre les libertés individuelles au cœur de ce qui lie une société dans son ensemble, à
savoir les textes constitutionnels. Par conséquent, le droit est aujourd’hui de plus en plus soumis à une tension
entre des principes d’ordre universel et des intérêts individuels. Il y a d’un côté une appréciation du droit qui se
veut objective, en général (in abstracto), et de l’autre une appréciation qui s’analyse au regard des situations
précises, subjectivement (in concreto).
Il ne s’agit pas ici de regretter cette évolution en souhaitant le retour d’un ordre moral quel qu’il soit. Ce détour
permet seulement de montrer que le droit de faire mourir s’inscrit dans une histoire morale et juridique. En
démocratie, le droit de faire mourir est le privilège du pouvoir politique. Seule la représentation collective est
autorisée à faire mourir, dans le cadre de certaines règles. Le mouvement de défense des droits de l’homme
a permis de restreindre, voire d’abolir une partie de ce droit (luttes contre la torture et la peine de mort, conventions de Genève en ce qui concerne la guerre…). Parallèlement, sans accorder le droit individuel de faire
mourir, l’interdit qui pesait sur le droit de se faire mourir a été levé: en France, le suicide n’est plus hors-la-loi
depuis 1791.
La demande de légalisation de l’euthanasie s’inscrit dans ce mouvement de défense des droits individuels.
Elle vient bousculer la morale de notre communauté dans ses limites en posant la question de l’équilibre entre
individu et société. Car que voudrait dire légaliser l’euthanasie ? Ce serait reconnaître la priorité de la volonté, du consentement individuel sur l’interdit moral et légal de tuer. A travers l’euthanasie, le droit individuel
de faire mourir deviendrait possible par un raisonnement en deux temps: d’abord le droit de se faire mourir
serait le pendant de son droit à la vie ; puis le consentement à être tué ôterait la responsabilité de celui qui
fait mourir.
27 « Que la vie soit mortelle, cela représente certes sa contradiction principale, mais fait indissociablement partie de son essence, au
point qu’on ne peut même l’imaginer autrement. Et la vie est mortelle non pas bien que, mais parce qu’elle est la vie, selon sa constitution la plus originelle. » H. Jonas, Le droit de mourir, Paris, Rivage Poche petite bibliothèque, 1996, p.77
28 T. Le Texier, Ethique et action humanitaire, Mémoire de DESS Développement et coopération, Université de
Paris I – La Sorbonne, 2003, p.6
27
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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1. S’agissant de l’existence d’un droit de se faire mourir à partir du droit à la vie, au moins deux institutions
indépendantes des autorités françaises se sont prononcées :
 Dans le cas de l’affaire Diane Pretty contre le Royaume Uni, la Cour européenne des droits de l’homme
a rejeté une interprétation systématique et contraignante: la Cour « n’est pas persuadée que le droit à
la vie garanti par l’article 2 [de la convention européenne des droits de l’homme 29] puisse s’interpréter
comme comportant un aspect négatif. L’article 2 ne saurait, sans distorsion de langage, être interprété
comme conférant un droit diamétralement opposé, à savoir un droit à mourir ; il ne saurait pas davantage créer un droit à l’autodétermination en ce sens qu’il donnerait à tout individu le droit de choisir
la mort plutôt que la vie. (…) L’article 3 doit être interprété en harmonie avec l’article 2. Ce dernier
consacre d’abord et avant tout une prohibition du recours à la force comme de tout autre comportement
susceptible de provoquer le décès d’un être humain, et il ne confère nullement à l’individu un droit à
exiger de l’Etat qu’il permette ou facilite son décès. La Cour ne peut qu’éprouver de la sympathie pour
la crainte de la requérante de devoir affronter une mort pénible si on ne lui donne pas la possibilité de
mettre fin à ses jours. Toutefois, admettre l’obligation positive qui d’après la requérante pèse sur l’Etat
reviendrait à obliger l’Etat à cautionner des actes visant à interrompre la vie, obligation qui ne peut être
déduite de l’article 3 de la Convention. »30
 Dans le même esprit, en soulignant sa conception de la société et de la morale qui la lie, le Comité
consultatif national d’éthique « renonce à considérer comme un droit dont on pourrait se prévaloir la possibilité d’exiger d’un tiers qu’il mette fin à une vie. La valeur de l’interdit du meurtre demeure fondatrice,
de même que l’appel à tout mettre en oeuvre pour améliorer la qualité de la vie des individus. Par ailleurs,
la perspective qui ne verrait dans la société qu’une addition de contrats individuels se révèle trop courte,
notamment en matière de soins, là où le soignant ne serait plus considéré que comme un prestataire de
services. »31
En conséquence, il ne paraît pas opportun de modifier les articles 221-1 et suivants du code pénal définissant
le meurtre32 . Sinon, l’euthanasie n’amènerait plus à discuter du droit de faire mourir, mais seulement des circonstances et procédures qui l’ont encadré. Autrement dit, faire mourir ne serait plus interdit par principe, mais
relativement autorisé en fonction de certaines conditions d’acceptabilité. Une telle rupture dans l’interdit de
principe et dans le droit de protection de la vie s’avèrerait bien trop risqué moralement et politiquement. Qui
plus est, le discours du droit, de portée générale par nature, amènerait inévitablement des dérapages d’interprétation. « Est-il nécessaire qu’il existe une définition de l’euthanasie particulière aux juristes ? Une définition
juridique servirait d’étalon-base à toutes sortes de spéculations et serait assimilé à un choix de société. »33
Sans vouloir dramatiser à l’excès, on pense aux risques d’eugénisme. Qui sait comment le droit de mourir et ses
conditions d’acceptabilité seront interprétées dans l’avenir ? N’oublions pas que, sous couvert de préoccupations pseudo-humanitaires, certains opposent déjà le prix du maintien en vie dans nos pays à la situation des
pays en voie de développement. D’autres avancent comme argument l’engorgement coûteux de certains services de soins aigus, et particulièrement la réanimation de “ces mourants qui ne meurent pas assez vite “, discours
touchant surtout les personnes âgées atteintes de démence ou de “gâtisme” avec perte d’autonomie.34
29 Convention européenne des Droits de l’Homme - http://www.justice.gouv.fr/textfond/europ1.htm
Titre I, Article 2 : 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (…)
Titre I, Article 3 : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
30 Arrêt de la Chambre dans l’affaire Pretty / Royaume Uni du 29 avril 2002 suite à la requête n° 2346/02, communiqué du greffier
- http://www.echr.coe.int/Fr/Press/2002/avr/Prettyarretfpresse.htm
31 CCNE, rapport n°63 du 27 janvier 2000 – 4. Engagement solidaire et exception d’euthanasie,
http://www.ccne-ethique.fr/francais/start.htm
32 Code pénal, Livre II, Titre II, Chapitre 1er, section 1ère, article 221-1 : « Le fait de donner volontairement la mort constitue un
meurtre.». Au titre des articles 221-3 et 221-5, le caractère de préméditation et les moyens utilisés conduisent à dire que « l’euthanasie
constitue un assassinat susceptible d’être réalisé éventuellement par empoisonnement. » E. Dunet-Larousse, L’euthanasie : signification et qualification au regard du droit pénal, Revue de droit sanitaire et social, 34 (2), avril-juin 1998, p.269
33 E. Dunet-Larousse, op. cit., p.269
34 Pour lire de semblables thèses eugénistes, voir C. Sabouret, Micro-économie de l’euthanasie, Economie de la Santé, janvier 1995
ou J-P. Basquiat, La bombe de la sénescence, La Gazette n°86, 15 septembre 2003
28
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
2. En ce qui concerne la notion de consentement, « il faut distinguer entre le consentement à l’acte médical et
le consentement en tant que fait justificatif de l’infraction. (…) Le consentement à l’acte médical est préalable à
toute intervention médicale. Cet accord fait partie du contrat de nature civile passé entre le malade et le médecin.
Ce contrat conclu, le médecin peut intervenir sur le corps humain. (…) Tandis que le consentement, justificatif de
l’infraction, signifie que la volonté de la victime permettrait de ne pas rendre pénalement responsable l’auteur de
l’acte, puisque l’intention criminelle serait uniquement celle de la victime. »35
Jusqu’ici, en cohérence avec le principe de l’interdit du meurtre, la jurisprudence n’a pas considéré que le
consentement de la victime enlevait la responsabilité pénale en matière d’euthanasie ou de suicide assisté. Ce
point peut-il être remis en cause dans le cadre du maintien de l’interdit ?36 Cela signifierait alors que nous
sommes dans une perspective dualiste où l’individu disposerait de son corps comme s’il s’agissait d’un bien et
non de son être lui-même. C’est une interprétation possible de la loi sur les recherches biomédicales dont
« l’apport (…) à la théorie du consentement de la victime a été d’étendre l’objet du consentement et les droits dont
on dispose. Le corps est ainsi devenu objet de convention, l’homme s’est vu reconnaître des droits nouveaux sur son
corps, on est ainsi passé, comme l’affirme Mme Labrusse-Riou, “du corps que l’on est au corps que l’on a”. »37
Toutefois, la convention d’essai thérapeutique prévue dans le cadre de la recherche biomédicale doit nécessairement recouvrir une cause morale et licite ; la moralité est liée à la gratuité de la participation aux essais
et la licéité aux buts attendus de la recherche, c’est-à-dire au progrès scientifique et au bénéfice social qui
s’ensuit. La libre disposition de son corps s’inscrit donc dans un registre éthique plus large que la simple souveraineté individuelle : « La loi sur la recherche biomédicale traduit le choix d’une éthique nouvelle et le passage
de cette éthique au droit : l’homme dans l’expérimentation thérapeutique est au service de la société et des autres
hommes. La justification de l’impunité des expérimentations est donc l’assistance portée à un autre être humain. »38
En ce sens, concernant l’euthanasie et le suicide assisté, le désir de mort ne saurait constituer une justification en
soi au motif d’une volonté souveraine de l’individu. Si justification il y devait y avoir, elle procèderait non pas
du consentement de la personne concernée, mais de l’intention de l’auteur et de la dimension éthique de l’acte.
Cette dimension dépasse le cadre médical39 : le dilemme euthanasique ne réunit pas seulement un patient et
un soignant dans un contrat de soins consenti ; il réunit des hommes face à un dilemme éthique où s’expriment
leur liberté et leur humanité.
35 E. Dunet-Larousse, op. cit., p.271
36 En effet, en cas de légalisation, la question ne se poserait plus puisque l’infraction ayant disparu, le consentement n’a plus à la justifier ; par contre, il semble évident que le consentement resterait une condition légale, nécessaire mais pas suffisante, pour distinguer
euthanasie imposée et euthanasie réclamée.
37 F. Alt-Maes, L’apport de la loi du 20 décembre 1988 à la théorie du consentement de la victoire, Revue de science criminelle (2),
avril-juin 1991, p.260
38 F. Alt-Maes, op.cit. p.260. L ‘«autre être humain» est ici anonyme, inconnu de celui qui se prête à l’expérimentation. Si l’on transpose la situation dans le cas d’une euthanasie, l’autre être humain ne peut se confondre avec la personne demandeuse qui en est aussi
“bénéficiaire”, mais plutôt à l’homme en général, au “prochain” qui pourrait bénéficier de la portée éthique que comporterait un geste
euthanasique.
39 « Concernant une accélération directe, tout à fait intentionnelle de la fin, par exemple à l’aide de drogues mortelles, on ne saurait
équitablement demander au médecin de prendre la moindre de ces mesures ayant cet objectif-là. (…) Cela est interdit non seulement
par la loi (qui peut être modifiée), mais davantage encore par le sens profond de la profession médicale, qui jamais ne peut confier au
médecin le rôle d’un pourvoyeur de la mort, même à la demande du sujet. » H. Jonas, Le droit de mourir, Paris, Rivage Poche petite
bibliothèque, 1996, p.45-46
29
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
A ce stade de la réflexion juridique, même si une demande d’euthanasie peut paraître légitime, il ne faut pas
confondre cette légitimité et l’obligation légale d’y répondre, surtout au risque d’un plus grand préjudice. Si
l’on veut retenir la notion de “droit de mourir”, il faut d’abord l’entendre comme le droit à laisser mourir. Or ce
droit est déjà prévu par les textes officiels sous certaines conditions qui protègent des dérapages. Aujourd’hui
en effet, toute personne malade peut refuser d’être soignée40 . En outre, nous avons vu que le refus d’obstination thérapeutique déraisonnable (ou refus d’acharnement thérapeutique) était aussi codifié ; les soignants
sont même condamnables s’ils font preuve de cette obstination. Améliorons ce qui existe par des recommandations, par des guides de bonne pratique, par des comités d’éthique, par la formation des soignants, par
l’information du public, par l’adaptation du dispositif de soins, par la recherche en pharmacologie…
Qui plus est, rappelons que le nombre de demandes d’euthanasie volontaires et réitérées reste très faible au
regard du nombre de décès enregistrés chaque année. On ne peut qu’être ému par ces situations individuelles,
mais on ne change pas un principe pour répondre aux cas particuliers. Les situations exceptionnelles méritent
des réponses exceptionnelles, qui résulteront d’une interrogation éthique collective plutôt que de l’application
systématique d’un droit individuel fondé sur le consentement.
40 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MESX0100092L
« Art. L. 1111-4. - Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui
fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences
de ses choix. (…) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne
et ce consentement peut être retiré à tout moment. Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou
investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la
famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. »
30
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
COMMENT CONCILIER LE DROIT ET L’ÉTHIQUE FACE AUX SITUATIONS EXCEPTIONNELLES ?
L’exception éthique est le cadre qu’a préconisé le Comité consultatif national d’éthique : « Ce qui ne saurait être
accepté au plan des principes et de la raison discursive, la solidarité humaine et la compassion peuvent le faire leur.
Face à certaines détresses, lorsque tout espoir thérapeutique est vain et que la souffrance se révèle insupportable,
on peut se trouver conduit à prendre en considération le fait que l’être humain surpasse la règle et que la simple
sollicitude se révèle parfois comme le dernier moyen de faire face ensemble à l’inéluctable. Cette position peut
être alors qualifiée d’engagement solidaire. (…) Sur le plan du droit, ces constatations ne devraient pas conduire
pour autant à la dépénalisation et les textes d’incrimination du Code Pénal ne devraient pas subir de modification.
(…) La mort donnée reste, quelles que soient les circonstances et les justifications, une transgression. Mais l’arrêt
de réanimation et l’arrêt de vie conduisent parfois à assumer le paradoxe d’une transgression de ce qui doit être
considéré comme intransgressable. (…) [La] position d’engagement solidaire (...) invite à mettre en oeuvre une
solidarité qui ne saurait toutefois s’affranchir du risque que représente un geste qui ne visera jamais qu’à agir au
moins mal. Elle pourrait trouver une traduction juridique dans l’instauration d’une exception d’euthanasie. »41
Le constat est similaire pour la Cour européenne des droits de l’homme : « La requérante est empêchée par la
loi d’exercer son choix d’éviter ce qui, à ses yeux, constituera une fin de vie indigne et pénible. La Cour ne peut
exclure que cela représente une atteinte aux droits de l’intéressée au respect de sa vie privée, au sens de l’article
8§1. (…) La seule question se dégageant de l’argumentation des parties est celle de la nécessité de l’ingérence
dénoncée, et le débat a porté essentiellement sur la proportionnalité de celle-ci. La requérante s’en prenait en particulier à la nature générale de l’interdiction du suicide assisté. La Cour considère, avec la Chambre des lords, que
les Etats ont le droit de contrôler, au travers de l’application du droit pénal général, les activités préjudiciables à
la vie et à la sécurité d’autrui. (…) La Cour estime que la nature générale de l’interdiction du suicide assisté n’est
pas disproportionnée. Le Gouvernement [britannique] souligne qu’une certaine souplesse est rendue possible dans
des cas particuliers. »42
Alors, sans légalisation proprement dite, quelles pistes de droit proposer là où l’euthanasie peut apparaître
comme un moindre mal ? Quels sont les buts recherchés par une éventuelle amélioration des textes existants ?
 mieux prendre en compte la souffrance du malade et la place de son entourage,
 veiller à une information claire du malade et à l’expression de son consentement,
 lutter plus efficacement contre l’acharnement diagnostique ou thérapeutique et contre les attitudes médicales inhumaines,
 permettre le dénouement de situations rares, extrêmes et singulières en sortant de la clandestinité en
établissant des recommandations pour garantir une démarche éthique avant la prise de décision collective,
 éviter de rajouter de la souffrance juridique à de la détresse humaine,
 maintenir la condamnation de l’euthanasie imposée.
41 CCNE, rapport n°63 du 27 janvier 2000 – 4. Engagement solidaire et exception d’euthanasie,
http://www.ccne-ethique.fr/francais/start.htm
42 Arrêt de la Chambre dans l’affaire Pretty / Royaume Uni du 29 avril 2002 suite à la requête n° 2346/02, communiqué du greffier
- http://www.echr.coe.int/Fr/Press/2002/avr/Prettyarretfpresse.htm
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
A partir de là, une première perspective envisageable réside dans ce qu’on appelle l’excuse absolutoire :
cette notion consiste à enlever ou atténuer la responsabilité pénale de l’auteur d’un acte délictueux ou criminel.
Concrètement, les articles 221-1, 3 & 5 du Code pénal ne seraient pas modifiés et l’euthanasie resterait un
crime ; par contre, l’auteur de l’acte serait reconnu pénalement irresponsable en fonction de circonstances à
définir dans le Code pénal (Livre I, Titre II, Chapitre 2, article 122-1 et suivants). En fait, ce mécanisme juridique ne supprimerait pas directement l’interdit du crime mais procèderait par ricochet : car malgré la présence
d’un fait et d’un mobile (la mort par euthanasie pour mettre un terme à une souffrance jugée insupportable),
l’intention criminelle resterait contestable. En ce sens, l’infraction et la responsabilité pénale ne seraient pas
automatiquement constituées. A titre d’exemple, c’est ce dispositif qui est aujourd’hui utilisé pour régir la légitime défense. 43
Le recours à cette solution juridique ne va pas sans poser d’importantes difficultés, car il faudrait définir les
situations permettant d’invoquer l’irresponsabilité pénale, à savoir, entre autres :
 Les circonstances et l’état de la personne concernée : ce sont les souffrances jugées insupportables et
non maîtrisables qui sont généralement invoquées. Mais quels types de souffrance : physiques, existentielles, morales, spirituelles ? Qu’en serait-il des souffrances sentimentales incluses par le CCNE ? Faut-il
se limiter au cadre de la fin de vie due à une maladie inguérissable ou cela concernerait-il tout un
chacun à tout moment de sa vie ? Quid des personnes malades ou lourdement handicapées qui ne sont
pas en fin de vie ? Qui serait juge du caractère insupportable des souffrances ?
 Le consentement de la victime : libre, lucide et répété, il serait évidemment une condition (nécessaire
mais pas suffisante) imposée par la loi. D’une part, cela nécessiterait de veiller au respect des dispositions actuelles sur le consentement éclairé, voire de les renforcer ; d’autre part, cela poserait la question
des personnes qui ne sont plus en état de manifester leur consentement, au-delà des dispositions prévues par la loi du 4 mars 2002 s’agissant des « personnes de confiance »44 (en particulier concernant
le défaut de désignation préalable et l’absence d’intérêts égoïstes).

L’intention de l’auteur, les modalités de pratique et de contrôle : si l’on veut maintenir l’enjeu au niveau
éthique, l’intention ne saurait découler du seul consentement individuel de la personne ayant exprimé
son désir de mort. Celle-ci devrait procéder d’un questionnement progressif et partagé faisant du geste
euthanasique un acte éthique plutôt que médical. Il s’agirait donc d’expliciter les étapes de concertation
minimale des personnes concernées, les instances à consulter ou à avertir, les formalités à accomplir, les
déclarations et mesures de contrôle a posteriori…
On le voit, il est extrêmement difficile de codifier en termes précis les conditions faisant de certaines pratiques
d’euthanasie une excuse absolutoire. La complexité et la diversité des situations exceptionnelles ne se prêtent
pas aux dispositions générales que prévoit habituellement le code pénal pour ce chapitre. Or une précision
minimale est ici fondamentale pour protéger la vie d’autrui et éviter les abus, la banalisation d’une pratique
voire sa généralisation à certaines catégories de population. Si l’affichage d’une telle solution semble donc
séduisant de prime abord, on peut douter qu’elle trouve une forme d’expression juridique qui soit sans trop
de risques ou d’effet pervers.
43 Code pénal, Livre I, Titre II, Chapitre 2, article 122-5 : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte
injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense
d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de la défense employés et la gravité de l’atteinte. N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense,
autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont
proportionnés à la gravité de l’infraction. » et article 122-7 « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel
ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf
s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »
44 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé http://www.legifrance.gouv.
fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MESX0100092L
Art. L. 1111-6. – “Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin
traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à
cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance
l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. Lors de toute hospitalisation
dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l’alinéa
précédent. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le malade n’en dispose autrement. »
32
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Puisque les contraintes du Livre I, Titre II, Chapitre 2 du code pénal ne s’y prêtent pas, il est possible de traiter
ces questions en aménageant ou révisant certains textes, les articles 1111-2, 4 & 6 du code de santé publique
notamment, mais aussi les articles 36, 37 et 38 du code de déontologie médicale. Il s’agirait entre autres :
 De faciliter l’intervention d’une équipe de soins palliatifs chaque fois qu’une demande d’euthanasie est
formulée de façon répétée,
 De formaliser la démarche de la démarche éthique qu’imposent certaines circonstances exceptionnelles
de souffrance ou de fin de vie,
 D’évoquer la légitimité éventuelle des risques de double effet45 ,
 De préciser la reconnaissance et le rôle des personnes de confiance, en particulier dans le cas d’absence de désignation préalable ou de défaut d’expression du consentement eu égard à l’arrêt ou à la
limitation des traitements.
Parallèlement au travail de réflexion sur l’aménagement de ces textes, d’autres mesures sont possibles dont certaines figurent d’ailleurs dans le rapport remis récemment au ministre de la Santé par Marie de Hennezel46 :
 Etudier l’intégration des pratiques professionnelles d’accompagnement de fin de vie dans la réforme de
l’expertise médicale actuellement en cours. Valoriser les recommandations de bonnes pratiques édictées
par les sociétés savantes, sous contrôle du ministère de la santé.
 Aggraver les peines encourues pour des actes d’acharnement diagnostique ou thérapeutique ainsi que
pour des attitudes médicales inhumaines.
 Mettre en place des procédures de concertation au sein des hôpitaux permettant une plus grande collégialité des prises en charge et une meilleure information des patients et de leur entourage.
 Prévoir la création de comités d’éthique et de procédures de saisine par les patients, leur entourage ou
les soignants afin de recueillir des avis indépendants. Ces instances pourraient également servir d’experts auprès des magistrats dans le cadre des procédures d’instruction.
 Proposer des instructions de politique pénale favorisant une meilleure prise en compte des situations
exceptionnelles. Celles-ci pourraient faire référence au respect des mesures évoquées précédemment
et inviter le Parquet à agir en conséquence. Toutefois, au regard du code pénal qui resterait inchangé,
la mort de quelqu’un resterait de nature à troubler l’ordre public ; en la matière, il serait trop arbitraire
que la justice s’exerce seulement au moyen du classement sans suite par le procureur de la République,
après enquête préliminaire. Par contre, le renvoi vers un juge d’instruction serait de nature à éclaircir
les circonstances d’un acte d’euthanasie. Dans les situations les plus douloureuses, le juge d’instruction
n’est pas obligé de requérir une détention préventive contre la personne responsable. Il peut par contre
encourager ou favoriser sa prise en charge psychologique. En plus de la loi, l’instruction s’appuierait sur
les recommandations et procédures professionnelles en vigueur afin d’établir les niveaux de responsabilités des uns et des autres et pour estimer si l’euthanasie ou le suicide assisté apparaissaient comme un
moindre mal. Dans l’affirmative, il prendrait acte du caractère éthique et exceptionnel de la situation et
rendrait une ordonnance de non-lieu. Au contraire, il renverrait l’affaire devant la cour d’assises pour les
cas litigieux ou de crime avéré. Le recours à la dispense de peine (aujourd’hui limité aux délits) serait
peut-être à prévoir quand, ne pouvant ni acquitter ni relaxer, la cour d’assises souhaiterait prendre en
compte des circonstances atténuantes.
45 Voir note n° 3
46 Le rapport est consultable sur le site du ministère de la santé :
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/hennezel/rapport_complet.pdf
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Il est clair que ces mesures, tout comme l’excuse absolutoire, ne dispensent pas d’une démarche judiciaire a
posteriori, fut-elle limitée à l’instruction. Faudrait-il agir en amont par un processus d’autorisation préalable ?
Rien n’empêche de mettre en place des organes de concertation et de contrôle. Comme aux Pays-Bas ou
en Belgique, ils permettraient d’empêcher que ne soient commises des euthanasies imposées ou injustifiées.
Cependant, quelle que soit leur légitimité médicale, il n’appartient pas à de simples citoyens d’en autoriser
d’autres à faire mourir quelqu’un ou de les exempter de leur responsabilité. En démocratie, seule la justice
populaire, en a le mandat, par l’intermédiaire de la magistrature et des tribunaux. L’instruction ou le jugement
ne constituent pas une infamie en soi, mais ils sont la garantie que justice est rendue. Cela permet d’un côté
de condamner ceux qui se sont prévalus de la compassion pour commettre un crime, et de l’autre côté, de
comprendre et de disculper ceux dont l’acte de transgression relève d’une éthique partagée. En l’occurrence,
ce quitus aura peut-être la vertu d’apaiser en partie une conscience qui est forcément taraudée par un geste
qu’elle s’est sentie contrainte de faire.
D’aucuns diront que cette approche ne représenterait pas un signal fort adressé en faveur de l’euthanasie.
Cela est vrai. Mais est-ce le but ? N’est-ce pas plutôt un espace de réponse à des cas exceptionnels que
nous cherchons ? Protéger la règle pour le bien de tous et ouvrir des possibles pour ce qui échappe parfois
légitimement à la règle : c’est le respect de cet équilibre qui procure une véritable liberté. Et s’il doit y avoir
un message politique fort, ce n’est peut-être pas celui qui autoriserait la suppression de ceux qui se sentent
indignes, mais plutôt celui qui afficherait notre solidarité avec les personnes handicapées, malades, âgées ou
mourantes.
POUR NE PAS CONCLURE…
Ces réflexions pluridisciplinaires et les perspectives tracées tendent surtout à démontrer que les choses sont
plus complexes qu’on le croit. Invoquer le respect de la dignité ou l’ouverture d’un droit ne suffit pas. Longuement et maladroitement, nous avons essayé de donner du sens aux mots, de comprendre les nécessités et les
limites d’un choix difficile. Nous l’avons fait de façon forcément subjective, mais en invitant chacun à pousser la
réflexion, comme on dit. Nous ne cherchons pas à avoir le dernier mot : il serait pour le moins paradoxal de
conclure un débat que nous souhaitons nourrir.
Régis Aubry, médecin, responsable du service de soins palliatifs du CHU Besançon et
président de la SFAP
(Société française d’accompagnement et de soins palliatifs)
Olivier Maurel,
enseignant universitaire et chercheur en science politique
Paris, le 3 mars 2004
34
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
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35
CONFÉRENCE GRAND PUBLIC
L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE : QUESTIONS POUR LES SOINS PALLIATIFS
Marie DE HENNEZEL
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
L'EUTHANASIE ET LA MORT DESIRÉE :
QUESTION POUR LES SOINS PALLIATIFS
Marie DE HENNEZEL
Il y a vingt ans, on mettait fin aux souffrances extrêmes des agonisants en précipitant la mort.. La pose de
cocktails lytiques était généralisée et pratiquée de façon secrète et clandestine. On ne savait pas, à l’époque,
traiter la douleur. Les équipes médicales et soignantes étaient démunies devant cette mission d’accompagnement que la société leur confiait et pour laquelle elles n’étaient pas préparées.
Aujourd’hui, le cadre légal que nous nous sommes donné – la loi du 9 juin 1999 et la loi du 4 mars 2002 – permet de répondre au vœu de la majorité des personnes, celui de mourir sans douleur, sans angoisses excessives,
sans acharnement thérapeutique, et d’être accompagné jusqu’au bout.
 les douleurs réfractaires, les situations d’angoisse intolérables, peuvent être résolues par des soins palliatifs bien conduits, n’excluant pas d’utiliser tous les moyens disponibles, même si ces moyens ont pour
effet non désiré d’anticiper la mort.
 Le droit de demander la limitation ou l’arrêt des soins actifs est désormais un droit acquis, tout comme
le droit de refuser les soins.
Ainsi je partage l’avis de Paula La Marne lorsqu’elle écrit : « Pourquoi toute cette publicité faite à l’euthanasie,
qui est, sur le plan médical et moral, pour peu que l’on soit informé, tout simplement dépassée ? En l’absence de
savoir-faire et de médicaments appropriés, l’euthanasie pouvait épargner de terribles souffrances, mais on en est
plus là ! »
Pourtant malgré les avancées législatives, malgré les immenses progrès faits par la médecine palliative, des
peurs continuent de traverser le corps social, peur de souffrir, d’être seul et abandonné, au seuil de la mort.
Des confusions persistent dans le grand public comme chez les professionnels de santé autour des termes «
euthanasie », « aide à mourir », « dignité », et l’on continue de croire que la seule manière humaine et digne
de mourir est de demander le geste qui tue.
L’euthanasie continue à se pratiquer, toujours de façon cachée, dans certains services, dans l’ignorance des
bonnes pratiques de fin de vie, et l’idée qu’elle représente l’ultime solution pour les agonies difficiles persiste
dans la population comme chez les professionnels de santé.
Dans le débat actuel, ces peurs et ces confusions pèsent lourd. Elles sont, nous le savons, utilisées par les
sondages et les médias. L’hétérogénéité des pratiques sert d’argument à ceux qui poussent en faveur d’une
dépénalisation de l’euthanasie. Puisque l’euthanasie se pratique, entend-on, pourquoi ne pas encadrer cette
pratique par une loi ?
Dans le rapport que j’ai remis à Jean-François Mattei, en octobre dernier, j’ai proposé 50 mesures destinées,
au contraire, à changer les pratiques. J’ai insisté pour que l’on commence par appliquer les lois qui existent,
pour que l’on forme tous les professionnels de santé confrontés à la mort de leurs patients à la démarche palliative et à la démarche éthique. Il faut apprendre à mieux soulager, à mieux respecter les droits des malades,
notamment le droit de refuser les soins, apprendre à parler avec eux de leurs craintes et de leurs désirs, pour
que l’on fasse une place aux familles et qu’on les soutienne dans la tâche d’accompagnement qui est la leur.
Si la tâche qui incombe aux soins palliatifs est bien de travailler à une clarification sémantique et à une harmonisation des pratiques, cela ne les dispense pas de s’interroger devant ce que vous avez appelé « le désir
de mort », le désir d’en finir. C’est ce à quoi vous nous invitez à réfléchir aujourd’hui
Avant sa mort, l’anthropologue Louis Vincent Thomas m’avait prévenue : « l’euthanasie, c’est comme un iceberg »
Il avait attiré mon attention sur l’extrême complexité de la question, alors que l’on essaie constamment dans
le débat médiatique de la réduire à un débat polémique « êtes vous pour ou contre ? ». Les soins palliatifs
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
se doivent, me semble t’il, de lutter contre cette simplification dogmatique, de faire comprendre la dimension
humaine du débat, la souffrance qui sous-tend la demande, comme celle qu’elle fait naître chez le soignant qui
la reçoit. Chacun d’entre nous ici peut être confronté un jour à un désir de mort. Nous serons confrontés alors
aux limites de nos certitudes et de nos savoirs. C’est pourquoi nous ne pouvons pas rester sourds aux problèmes
posés par les demandes d’euthanasie, mais nous interroger devant chaque cas particuliers, assumant le dialogue de personne à personne que le malade en fin de vie cherche ainsi à provoquer par sa demande d’en finir.
DE QUOI PARLE T’ON ?
Il va de soi que personne ne veut mourir dans d’atroces souffrances, dans l’indifférence générale, ni être maintenu en vie par des machines lorsque tout espoir de guérison est abandonné, ni encore d’être l’objet de soins
dont la seule justification serait d’apaiser la conscience des médecins.
Chacun se souhaite donc une fin de vie digne et humaine, chacun veut « être aidé » au moment de sa mort.
Cela signifie t’il pour autant que la majorité d’entre nous souhaite être aidée par un acte destiné à anticiper
la mort, comme les sondages l’affirment?
C’est bien cette confusion qu’il s’agit de lever à propos du terme « euthanasie ». Que signifie t’il aujourd’hui ?
L’art d’alléger la souffrance de celui qui meurt, la décision d’arrêter des traitements devenus inutiles et dérisoires, ou bien l’acte de mettre délibérément fin à une vie pour mettre fin à une souffrance ?
Il y a un très large consensus aujourd’hui pour distinguer ce qui relève du devoir de soulager et de ne pas
s’obstiner dans des traitements déraisonnables de l’acte homicide intentionnel.
Lorsqu’un médecin, pour éviter à son patient de trop lourdes souffrances, lui donne des antalgiques ou des
sédatifs qui peuvent avoir pour effet non recherché d’anticiper un peu la mort, il s’inscrit dans une logique de
soins palliatifs, il ne pratique pas l’euthanasie.
Lorsqu’un réanimateur arrête une machine, et prend les mesures nécessaires pour que son patient ne souffre
pas les affres de l’agonie, il respecte son devoir de non-obstination déraisonnable et son devoir de soulager,
il permet la mort, il ne la donne pas.
Le terme d’euthanasie devrait donc être strictement limité à l’acte de donner intentionnellement la mort. Il nous
faut donc abandonner ces expressions d’euthanasie active et passive qui jettent la confusion, et introduire,
comme le propose Régis Aubry, la distinction entre euthanasie imposée et euthanasie réclamée.
Cette confusion sémantique est générale. Comme nous avons pu le constater dans la presse à propos des dernières affaires, comme on peut le constater dans la littérature internationale. Il semble que chacun a intérêt à
choisir la définition qui sert ses positions. Ainsi pour les partisans d’une loi dépénalisant l’euthanasie, qui estiment qu’il y a une continuité entre soins palliatifs et euthanasie, les trois actes – arrêter les soins actifs, soulager
la douleur et donner la mort - ont la même valeur puisqu’ils aboutissent au même résultat. On se sert donc de
cet argument pour réclamer « qu’on mette fin à cette hypocrisie » et qu’on légifère.
Les sociétés savantes, notamment la SFAP et la SRLF, soutiennent au contraire qu’il y a une barre éthique entre les deux premiers actes qui sont des actes soignants, et le dernier acte qui ne relève pas de la fonction
soignante, l’acte de donner la mort. Laisser advenir la mort et la provoquer intentionnellement, ce n’est pas
pareil. Dans un cas, le soignant assume la limite de son pouvoir médical, dans l’autre, il utilise ce pouvoir pour
abréger la vie. Soigner et faire mourir ne sont certainement pas des gestes équivalents.
Rappelons ici le communiqué commun de la SFAP et de la SRLF, à la suite de l’affaire Vincent Humbert :
« Nous souhaitons que la confusion entretenue sur les différents termes et situations concernant la fin de vie soit
levée….Cette confusion est très préjudiciable, d’une part pour les patients et leurs proches dont elles augmentent
l’inquiétude et le malaise, et d’autre part pour tous les acteurs de santé dont elle met en cause la légitimité et
la droiture des décisions qu’il prennent. De plus cette confusion obscurcit, voire empêche le débat public sur des
questions particulièrement délicates qui nécessitent rigueur et clarté. »
C’est pourquoi nous insistons pour que la question éthique – que faisons nous, et pourquoi le faisons nous ? – soit
au cœur du débat, comme au cœur des pratiques.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Certaines fins de vie particulièrement difficiles et douloureuses placent les médecins devant un dilemme : faut-il
maintenir en vie le patient au risque de le laisser souffrir ou l’apaiser au risque de hâter sa mort ?
Le sociétés savantes travaillent à des recommandations afin que les décisions de fin de vie soient prises en
toute transparence et collégialité, au terme d’une évaluation de la situation et d’un processus de réflexion
partagée entre l’équipe soignante, la famille et le patient, s’il est conscient.
Ces décisions ne sont véritablement éthiques qui si elles sont assorties d’un accompagnement des équipes, de
la famille et du malade.
Cette clarification sémantique est d’autant plus urgente qu’elle a un impact direct sur la pratique des soignants.
La remarquable étude de l’ORS PACA auprès de 100 médecins généralistes et spécialistes a montré qu’un
pourcentage non négligeable de médecins ont encore peur de « faire de l’euthanasie » quand ils donnent de
la morphine à haute dose. Inversement, certains croient « faire de bons soins palliatifs »lorsqu’ils doublent ou
triplent les doses nécessaires.
On voit à quel point la question de l’intention est importante. Seule la réflexion éthique au sein d’une équipe,
ou d’un réseau de soins à domicile(je pense à la solitude des généralistes devant ce type de situations) peut
être un garde-fou. Augmente-t’on la morphine pour soulager une douleur réfractaire ou pour abréger la vie
d’un patient angoissé que l’on ne sait pas accompagner et dont on ne supporte plus la souffrance ?
Il faut saluer ici l’initiative du groupe de travail de la SFAP qui réfléchit à la rédaction d’un « guide de bonnes
pratiques à l’usage des soignants confrontés aux demandes d’euthanasie « Ce document dont la finalité est
d’aider les équipes à réfléchir, à s’interroger, et à prendre les décisions les plus humaines possibles devrait
permettre de sortir du flou, de la clandestinité et de l’hypocrisie des pratiques, si souvent dénoncés.
QUI DEMANDE QUOI ?
La personne qui demande la mort à un médecin, à un soignant, ou même à sa famille met chacun face à son
échec et à son impuissance. Cette confrontation est difficile. Elle est anxiogène et culpabilisante. Dans le contexte de déni de la mort, et de toute puissance médicale qui est le nôtre, la demande d’euthanasie confronte
médecins et soignants à quelque chose d’insupportable.
On peut comprendre que des soignants qui n’ont pas reçu de formation et qui ne peuvent analyser, à l’intérieur d’un groupe de soutien, les mécanismes inconscients à l’œuvre, puissent être tentés de répondre à cette
demande d’euthanasie pour maîtriser la situation.
Arrive un moment où la souffrance devant une fin que tout le monde pressent, mais dont personne ne peut parler, devient intolérable. Le patient, ou sa famille, réclame qu’on en finisse. Et devant son angoisse, sa solitude,
le risque est de se laisser envahir par ce sentiment d’insupportable et de ne plus arriver à penser, à mettre des
mots sur ce qui se passe. On décide alors de mettre fin à sa vie par ce qu’on ne sait plus quoi faire.
La demande d’euthanasie est donc d’abord l’expression d’une souffrance qui ne sait pas se dire autrement
qu’en disant : « finissons en ! » « je veux mourir ! » « faites quelque chose ! » « ce n’est plus une vie ! » Comment
entendre cette souffrance ? Comment comprendre ce « finissons-en ! » ? S’agit-il d’en finir avec la vie, ou avec
la douleur, la solitude, l’abandon ?
Le professeur Chochinov, psychiâtre américain, à partir des recherches qu’il a effectuées auprès de personnes
en fin de vie, affirme que 80% des personnes qui réclament une mort anticipée ont des douleurs mal soulagées et 60% sont gravement déprimées. Chez ces personnes le désir de vivre et le désir de mourir fluctuent
constamment. Ils sont susceptibles de changer à tout moment, et notamment en fonction de la qualité des soins,
de l’accompagnement ou de la disponibilité des familles. En écoutant le patient et son entourage, en repérant
les raisons sousjacentes à sa demande, en dialoguant avec des propositions adaptées, la quasi totalité des
demandes d’en finir disparaît.
Mais la douleur et la dépression ne sont pas seules en cause. La perte d’estime de soi, le sentiment d’être une
charge pour son entourage, la honte d’avoir à offrir aux autres une image de soi dégradée engendrent, en
effet, le sentiment que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue. « Ce n’est plus une vie ! » « Je ne suis plus
bon à rien ! » voilà comment certains malades justifient leur désir de mourir. Il s’agit d’une véritable dissolution
du sentiment d’identité. Parce que son image se modifie, le malade a l’impression de n’être plus lui-même, de
perdre sa dignité. Ce peut être d’autant plus fort que l’entourage, confronté à sa lassitude et à sa propre
angoisse, ne sait pas toujours combattre ce sentiment de dépersonnalisation du malade. On sait combien cette
souffrance là, de se voir diminué, dépend aussi de la façon dont les malades se sentent considérés par leurs
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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proches et par les soignants. Nous savons, par notre expérience auprès des personnes en fin de vie, à quel
point notre regard, notre manière de soigner avec respect et tact peut diminuer le sentiment d’une personne
d’avoir perdu sa dignité.
Un malade diminué perçoit tout. Il sent donc également les regards gênés, le malaise, le dégoût. Il a vite fait
de comprendre le sens des visites qui s’espacent. La pudeur, la discrétion, une certaine humiliation, on trouve un
peu de tout cela dans la souffrance de celui qui préfère partir vite, pour ne plus déranger les autres.
Lors du 1° congrès européen des soins palliatifs à Paris, le psychanalyste Emmanuel Goldenberg avait attiré
notre attention sur le fait qu’en accédant au souhait d’euthanasie de la personne en fin de vie, nous nous exposions à le faire mourir deux fois : symboliquement et réellement. « Symboliquement, en le laissant croire à
sa déchéance et à l’inutilité de sa vie, réellement parce que cela conduit souvent à hâter la survenue de la mort
naturelle. ...on tue ainsi le sentiment d’identité, puis la personne elle-même. »
Un autre psychanalyste dont nous connaissons bien les travaux sur le travail du trépas s’interroge sur ce que
désire profondément la personne qui réclame sa mort : n’exprime t’elle pas « en sourdine » une tout autre
demande, de relation, d’engagement, d’amour, que nous ne savons pas entendre ?
ENTENDRE
Il est fréquent que les malades passent par des moments où ils souhaitent mourir. Il est fréquent que les familles, lassées et angoissées, souhaitent elles aussi qu’on en finisse. Face à ces pressions, il est nécessaire que
les équipes soignantes apprennent à prendre de la distance par rapport à la violence de la demande, qu’elle
apprennent à en percevoir l’ambivalence, la fluctuation, qu’elles apprennent à se positionner, à dire ce qu’il
est possible de faire et ce qu’elles ne peuvent pas faire, à s’engager à ne pas abandonner.
Il nous semble nécessaire d’apporter aux équipes, dans le cadre de formations ou d’accompagnement psychologique, les éléments qui leur permettre d’entendre la demande de mourir, de la prendre au sérieux, sans
pour autant la prendre au pied de la lettre, ni la mettre en acte.
Il est nécessaire de repérer les différents niveaux d’une demande de mourir (besoin, demande désir).
Les besoins de la personne sont-ils respectés, satisfaits ? Est-elle suffisamment soulagée de ses douleurs,
respecte t’on son rythme, son intimité, consacre t’on assez de temps à l’écouter ? Lui permet-on de libérer ses
émotions ? Accepte t’on de parler avec elle de son désir de mourir et de son angoisse ?
Au delà de la satisfaction des besoins, quelles sont les vraies questions qui nous sont adressées ? « Suis-je
encore digne d’intérêt ? » « ne suis-je pas devenu un poids inutile ? » « Est- ce que je fais toujours partie de
la communauté des vivants ? »
Entendre cette demande de confirmation existentielle et essentielle, cette demande d’amour, à l’intérieur de
la demande d’en finir, est capital.
Que se passe t’il lorsque la personne en fin de vie qui a des antennes particulièrement fines, sent que les autres
l’ont déjà symboliquement enterré, que ceux qu’il aime et se tiennent effrayés et mal à l’aise au chevet de son
lit, se sont déjà retirés ? Alors, de déception, de honte, de lassitude, sa demande d’amour va se charger de
haine, elle va se replier sur lui-même, rompre la communication ou bien exiger avec violence qu’on lui donne
la mort.
Quant au désir, il est – pour reprendre les termes de Françoise Dolto – « désir de repos pour le corps biologique
qui n’en peut plus et désir inconscient d’une vie plus vaste, désir de libération, désir de « découverte du réel ».
UNE INCONTOURNABLE VIOLENCE
Françoise Dolto disait que demander la mort et la donner, c’est une communication manquée, une déception
de communication.
« Les humains ne communiquent pas assez les uns avec les autres. Ils sont pris dans les fantasmes de la mort de
l’autre. Qui ne sont pas du tout des pulsions de mort, mais des pulsions d’agressivité visant l’autre qui déçoit »
Cette dimension d’agressivité dans la demande d’euthanasie est généralement passée sous silence. Celui qui
la reçoit ne la perçoit pas toujours consciemment. Mis en échec par celui qui réclame la mort, le soignant se sent
coupable, et tente d’échapper à cette culpabilité en prenant la fuite ou au contraire en s’exécutant.
Si les soignants étaient davantage conscients de ces mécanismes inconscients, ils pourraient entendre la demande sans se laisser instrumentaliser par elle. Ils pourraient se positionner, dire leurs limites, oser dire leur
malaise devant la demande qui leur est faite et qu’ils jugent abusive, puisqu’ils sont là pour soigner jusqu’au
bout et pas pour mettre fin à la vie.
Assumer son impuissance et son échec face au patient n’est pas facile. Mais paradoxalement c’est cette atti42
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
tude d’authenticité et d’humilité que le patient attend. Car elle humanise les rapports. Il se sent moins seul dès
lors qu’il perçoit cette vulnérabilité qui est partagée par tous les humains face à la mort.
Tous les psychanalystes sont d’accord sur le fait que la demande d’en finir adressée à autrui est une demande
de communication, une façon de provoquer l’autre, de l’atteindre, de le toucher, une façon de l’obliger à s’impliquer dans son histoire, une façon d’exister fortement à ses yeux. On ne mesure pas à quel point ce dialogue
d’humain à humain, de personne à personne est désiré par celui qui pressent sa mort, combien cet échange est
nécessaire dans l’extrême solitude dans laquelle ils se trouvent.
Le sociologue Patrick Baudry, que nous connaissons bien, a attiré notre attention sur ce que le malade mourant
exige au delà des soins et d’une écoute : « un échange qui remet en cause la division fonctionnelle entre bien
et mal portants. » C’est cet échange qui est possible dès lors qu’un médecin ou un soignant engage sa propre
vulnérabilité dans le dialogue, dès lors qu’il peut dire ses limites, dire jusqu’où il peut aller, partager son savoir
avec le patient, s’engager à ne pas l’abandonner, et surtout lui restituer ce qui lui appartient : le temps qui lui
reste à vivre dont nous savons bien qu’il ne dépend pas uniquement de paramètres biologiques ou organiques,
mais surtout de l’énergie psychique du sujet et de ses échéances intimes.
Pourquoi avons-nous tant de mal à reconnaître cette tentative désespérée de nous atteindre dans notre vulnérabilité, sans doute pour se sentir un peu moins seul ?
C’est que celui qui va mourir nous dérange, nous perturbe. N’est-il pas celui qui nous rappelle que nous aussi
nous allons mourir un jour ? En refusant d’entendre son désir de mourir, son angoisse devant la mort, nous refusons d’entrer dans ce que de M’uzan qualifie « d’orbite funèbre du mourant. » Nous refusons de nous laisser
questionner, d’être confronté à nos incertitudes, à notre doute. Sous couvert d’assistance bienveillante, de
compassion, de sollicitude, nous évitons alors ce « face à face » avec celui qui va mourir, et qui par là même
nous menace, ou bien nous le faisons taire en le « sédatant, » comme on dit.
LE BESOIN DE S’APPROPRIER SA MORT
Nous aimerions attirer votre attention sur un autre aspect de la demande de mourir. Aujourd’hui un vaste mouvement s’élève pour réclamer le droit de se réapproprier sa mort. On revendique « le droit de mourir » mais
ne s’agit –il pas d’abord du droit d’être sujet de sa mort, de ne pas mourir dans la conspiration du silence, d’être
comme l’écrit si bien Suzanne Rameix « un mourant au milieu des vivants ? »
La demande de mort est souvent une sorte de sésame, de mot de passe pour sortir de la solitude, pouvoir enfin
parler de cette mort que tout le monde semble fuir et redouter, rompre la digue du silence. Il n’est pas rare
qu’une telle demande force les uns et les autres à sortir de leur retranchement et de leur déni. Manifester sa volonté de mourir, c’est parfois une manière de se mettre au centre de la scène de mort, de devenir actif et sujet.
Le besoin de maîtriser sa mort est peut-être d’abord un besoin d’être informé des conditions dans lesquelles
elle est susceptible de survenir. Bien des demandes de mourir viennent de la peur des conditions du mourir.
Plus les conditions de la fin de vie sont incertaines, faute d’un vrai dialogue avec le médecin ou l’équipe soignante, plus l’anxiété grandit, plus la tentation d’anticiper la mort naturelle apparaît comme seule issue à
cette intolérable angoisse. Le besoin de maîtriser sa mort semble être proportionnel au manque de confiance
dans la capacité des équipes médicales à soulager et à accompagner la fin de la vie. Au contraire, dès qu’une
personne est assurée de ne pas être abandonnée, lorsque la confiance dans le médecin ou dans l’équipe est
établie, il est rare que sa demande de mourir persiste au delà d’un bon accompagnement.
Face à une demande d’euthanasie, il conviendrait de se demander si le dialogue avec la personne en fin de
vie a permis que les peurs relatives aux conditions du mourir puissent s’exprimer. J’ai fait des propositions dans
ce sens dans mon rapport, relatives à l’obligation de se former au dialogue avec la personne préoccupée par
sa mort, afin d’établir avec elle une sorte de contrat de non-abandon.
On sait que lorsqu’une personne peut exprimer ses peurs et qu’elle reçoit l’assurance qu’on ne poursuivra pas
de traitements au delà de ce qu’elle souhaite, qu’on utilisera tous les moyens possibles pour le soulager et
surtout qu’on ne l’abandonnera pas au moment de son décès, sa mort lui est en quelque sorte rendue.
Celui qui va mourir peut alors organiser sa fin, prendre congé des siens, dicter ses dernières volontés, organiser
ses funérailles, tous ces actes constituant un véritable rituel de fin de vie. Les proches se préparent à l’inévitable séparation, c’est le moment des dernières paroles, des derniers gestes, ceux qu’on avait peut-être jamais
osé avoir. On constate alors que le rituel accompli, la personne peut se laisser glisser vers la mort et qu’aucun
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geste délibéré n’a été nécéssaire. Ainsi, la volonté de mourir doit-elle être prise au sérieux. Il ne s’agit pas
d’y répondre par un acte de mort, mais de l’entendre pour ce qu’elle signifie, c’est à dire l’entrée dans ce
que Michel de M’uzan appelle « le travail du trépas », une ultime tentative de se mettre au monde avant de
disparaître, ultime tentative d’accomplissement, d’être sujet de sa mort.
On sait à quel point certains récits d’euthanasie programmée peuvent nous séduire tout autant qu’ils nous terrifient. D’ailleurs, la conscience de la transgression, le côté réunion secrète, accentuent peut-être l’impression
d’avoir participé à un événement fort, chargé d’émotion, auquel l’ensemble des participants ont communié.
Voilà une personne qui fait preuve d’une volonté lucide et respectable de regarder la mort en face et de quitter
ce monde en pleine conscience. Dans un monde où les mourants meurent si souvent à la sauvette, ce cérémonial
des adieux rend à ce moment essentiel de la vie son caractère solennel. Nous y sommes sensibles. Mais faut-il
nécessairement demander la mort, anticiper sa fin pour la vivre en sujet, pour partir lucidement après avoir
dit au revoir aux siens ? Ne peut-on aussi vivre ce rituel de fin de vie en laissant la mort venir à son heure ?
QUI DÉCIDE ?
Quand l’éthique des soins palliatifs engage les médecins et les soignants à laisser à la mort son temps, à ne
pas la retarder ni l’avancer, cela ne procède pas nécessairement d’une position religieuse de respect de la
vie que seul Dieu pourrait reprendre. Non, cela procède d’un respect de ce que les psychanalystes appellent
le sujet et que d’autres appellent l’être ou le soi, c’est à dire à cette instance inconsciente qui est le maître du
désir, qui appartient au secret de chacun et qui échappe à toute volonté consciente.
Ecoutez cette histoire vécue lorsque j’exerçais comme psychologue dans une unité de soins palliatifs et qui
illustre bien le fait que c’est le sujet, en fin de compte, qui décide. Un homme d’une quarantaine d’années, qui
avait un cancer des voies respiratoires en phase terminale, est entré dans un coma agonique naturel, pas du
tout médicalement induit. Ce coma s’est prolongé plusieurs mois, alors que le patient n’était plus nourri, tout
juste hydraté. Le fait est relativement rare – l’équipe se demandait même pourquoi cet homme restait encore
en vie. Après une rencontre avec la famille, j’ai découvert que ce patient avait une fille de 14 ans qui n’était
jamais venu le voir dans le service, parce que sa mère s’y opposait. Cette dernière voulait que l’adolescente
garde l’image d’un père physiquement intègre. J’ai dit à la mère qu’il y avait de fortes chances pour que le
père attende sa fille. Elle a fini par autoriser sa fille à venir rendre visite à son père. L’équipe avait pris soin de
panser le visage de cet homme pour que son image soit le moins traumatisante possible. Une aide soignante
est restée près de la jeune fille pendant toute sa visite. Elle lui a montré comment elle pouvait masser les pieds
de son père pour lui donner quelque chose de bon. Elle l’a encouragé à parler, en lui disant qu’elle pensait
qu’il pouvait recevoir ce qu’elle avait à lui dire. Cet homme est mort dans la nuit qui a suivi.
Nous nous sommes posés un certain nombre de questions. Il en reste encore bien d’autres. Notamment comment
aborder les situations exceptionnelles, où la demande de mourir persiste au delà de bons soins palliatifs et
d’un bon accompagnement ?
Nous distinguons deux situations.
1. La situation d’un patient qui revendique la liberté de mourir et de choisir le moment de sa mort..
Ces revendications de mourir sont souvent mal ressenties par les soignants, à juste titre, car ils se sentent pris
dans un conflit de libertés et se sentent instrumentalisés. Quel souci le malade a t’il du poids qu’il va faire
porter à la personne à laquelle il demande de mettre fin à sa vie ? Que fait-on de la liberté du médecin ou
de l’infirmière que l’on met devant un choix impossible, faisant un appel abusif à sa compassion ?
Dans son intervention en avril 2001, Bernard Kouchner avait dit ceci : « Il me semble que, au moins pour les
personnes qui ont gardé leur autonomie, la médecine n’a pas à intervenir dans un projet de suicide. Autant je
conçois le droit au suicide, autant l’acte me paraît changer de nature dès lors qu’il fait intervenir un tiers, quelque
soit ce tiers, soignant ou non soignant. »
Face à ces situations, il semble légitime que les soignants confrontent le patient à sa responsabilité. Un peu
comme j’ai entendu un jour une infirmière le faire dans un colloque organisé par l’Association pour les droits de
l’homme de Montpellier. « Le soignant n’a pas à assumer le chois de la personne qui souhaite recevoir un produit
mortel, il est censé soigner. Vous avez le droit de vous suicider mais vous ne pouvez pas me demander à moi de
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
vous tuer. Je pense que c’est respecter l’autre que de ne pas lui demander de commettre un tel geste. »
Il appartient donc, comme nous l’avons déjà dit plus haut, de se positionner face à une telle demande : dire
ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire. Le patient est libre de demander la mort, mais le soignant est
libre de refuser.
2. Reste les cas les plus difficiles, des patients lucides, entièrement dépendant, dans l’incapacité de se donner
la mort eux mêmes. Leur demande est généralement perçue différemment, non dans un rapport de forces,
mais comme l’expression d’une authentique et profonde détresse. Face à ces détresses, il peut être plus humain
d’enfreindre la loi que de ne pas le faire. Je propose à votre réflexion ce propos d’Eric Fuchs, professeur
d’éthique à la faculté protestante de Genève : « prendre soin d’autrui, ça peut aller dans certains cas jusqu’à
violer la loi, mais ce sont des cas limites, où au nom de l’exigence de la loi on peut aller contre la lettre de la loi . »
Accéder au désir de mort peut être dans certains cas, on l’a compris exceptionnels, le dernier choix éthique, le
moindre mal. Mais – et je cite le texte remarquable de Régis Aubry et Olivier Morel – « il ne s’agit pas d’un
choix individuel fait d’avance, autrement dit d’un fait accompli, d’une résolution indiscutable. Non, le choix évoqué
ici s’inscrit dans l’intensité du présent, dans un espace d’échange, dans l’inconfort du doute, c’est à dire dans une
liberté douloureuse certes, mais dans la liberté. Et le passage à l’acte ne procède pas d’une volonté de maîtrise
revendiquée comme un droit, mais d’un choix fragile du « moindre mal » d’une éthique de la détresse, de l’agir
juste faute de savoir si l’on agit bien. »
Il va de soi que transgresser exceptionnellement la loi ne dispense pas d’en assumer les risques et la responsabilité.
C’est pourquoi il est si important de développer la réflexion éthique chez les professionnels de la santé.
Développer une autonomie morale, une réflexion personnelle dans laquelle la solitude et l’incertitude sont
acceptées comme des dimensions normales de la vie morale.
EN GUISE DE CONCLUSION
Nous sentons bien là quelle est la responsabilité qui nous incombe à tous les niveaux, politique, institutionnel,
familial, personnel.
Allons nous nous organiser pour donner légalement les moyens de disparaître à ceux qui n’ont plus le désir de
vivre parcequ’ils se sentent seuls et abandonnés de tous, à ceux qui pèsent sur notre société, les plus faibles,
les plus démunies, à ceux dont on jugera peut-être un jour que leur vie ne vaut plus la peine d’être vécue ?
Ou bien, choisirons-nous de nous donner les moyens d’une vraie politique de prévention, capable d’anticiper
les problèmes posés par les conditions de fin de vie ?
 En s’interrogeant très tôt sur le sens des décisions à prendre, sur les conditions probables d’une vie que
l’on va prolonger, en apprenant à limiter ou arrêter certains gestes ou traitements déraisonnables,
voire même en s’abstenant. On éviterait ainsi des situations d’une grande complexité.
 En améliorant la prise en charge des personnes âgées
 En créant des structures spécialisées dans la prise en charge des états végétatifs chroniques et en
organisant un soutien plus efficace des familles.
 En veillant au soutien psychologique des professionnels de santé confrontés à l’accompagnement des
personnes âgées ou des grands malades.
Choisirons nous de renforcer les soins palliatifs dans les institutions comme à domicile, de diffuser la démarche
palliative, de former tous les professionnels de santé à l’accompagnement et à la démarche éthique ?
Le choix est entre nos mains. De lui dépendra la manière dont nous-mêmes et les êtres qui nous sont chers
terminerons leur vie dans les années qui viennent.
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RÉUNION THÉMATIQUE GRASPHO
 Les principes de la sédation
M. MORICEAU
 Anticipation d’une demande d’euthanasie
GILLES NALLET
 Intégration des familles aux soins
P. TRAVADE, M.-C. FEDOR
 Guide méthodologique « Démarche palliative du comité de suivi du programme national de soins palliatifs »
P. COLOMBAT, D. de BROUCKER

Le desir de vivre en phase terminale
J. CECCALDI, M. MORICEAU
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LES PRINCIPES DE LA SÉDATION EN HÉMATOLOGIE
M . MORICEAU1 L. CHASSIGNOL2
médical spécialisé de Praz Coutant - F 74480 Plateau d’Assy
Hospitalier des Vals d’Ardèche – F 07000 Privas
1Centre
2Centre
La sédation consiste à apaiser, à calmer un patient présentant des symptômes d’intensité majeure, inaccessibles aux traitements symptomatiques habituels.
Les moyens thérapeutiques utilisés provoquent une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte
de conscience.
A la phase terminale des hémopathies malignes, des situations de crise sont le fait d’évènements aigus (dyspnée aigue par exemple ) ou chroniques ( dégradation de l’état général – rechutes itératives) aboutissant à un
état de détresse physique , de souffrance psychologique insupportables pour le patient.
Face à de tels tableaux cliniques, se pose le problème du sens d’un soin (la sédation) renvoyant à l’intention
du prescripteur et à la pertinence de l’indication thérapeutique
L'INTENTION DU PRESCRIPTEUR
LES OBJECTIFS DE LA SÉDATION DOIVENT ÊTRE NÉCESSAIREMENT CLARIFIÉS
 soulager le patient de symptômes réfractaires dont les traitements n’arrivent pas à un soulagement adéquat, dans un laps de temps acceptable , d’autant que la souffrance est souvent complexe (excessive ou
intolérable) et intriquée dans un contexte de morbidité aigue ou chronique,
 ne pas abréger délibérément une vie, en tenant compte de la règle du double effet1,
 intégrer la notion de réversibilité de la sédation.
LA SÉDATION DOIT S’INTÉGRER DANS L’HISTOIRE D’UNE RELATION DE CONFIANCE ENTRE LE PATIENT, LE
SOIGNANT, ET LA FAMILLE




éthique de la prise en charge fondée sur l’écoute – la proportionnalité – la justice,
droit du patient d’accéder à des soins palliatifs de qualité renforce sa dignité : loi de 1999 ,
devoir des soignants vis-à-vis du patient et de sa famille : devoir d’information ( code de déontologie)
- d’argumentation – de bienveillance ( la compassion) - de respect ( respect de la personnalité de
l’autre,
respect du cheminement de l’autre).
LA PERTINENCE DE L’INDICATION THÉRAPEUTIQUE
L’IDENTIFICATION DES COMPOSANTES DE LA DÉTRESSE DU PATIENT
 la notion d’urgence à la phase terminale des hémopathies malignes suppose de « redécouvrir la clinique
» et de hiérarchiser les priorités : syndromes de compression – problèmes septiques – troubles neurologiques - hémorragies,
 l’anticipation de l’aggravation programmée des hémopathies malignes rend nécessaire l’ information du
patient et de sa famille – la désignation préalable dès l’annonce du diagnostic de la personne de confiance. L’ anticipation de la mort violente par des prescriptions anticipées n’empêchent pas la présence
du médecin lors de la survenue de tout symptôme pénible,
 les répercussions de la détresse du patient sur la famille ( traumatisme - culpabilité – violence – abattement ) – et les soignant ( stress - activisme – évitement – épuisement) incite à renforcer la stratégie de
communication autour du patient et à organiser la prise en charge selon une dynamique d’équipe.
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10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LE CHOIX DU TRAITEMENT ADAPTÉ
 le traitement étiologique du symptôme n’est pas complètement efficace : corticoides ( dyspnée ) – cytoréduction ( syndrome de compression ) – transfusion ( hémorragie) – anxiolytique ( angoisse ) – morphine ( douleur ) – scopolamine ( encombrement) - neuroleptiques ( agitation ) .
 le produit utilisé dans la sédation est habituellement le midazolam. Le choix de ce produit est fondé sur
la facilité d’utilisation ( administration per os – sous cutanée – intraveineuse ) , l’effet dose – dépendant
, la réversibilité de son action ( demi – vie courte )
 l’intérêt du midazolam est donc de pouvoir être utilisé pour des sédations dont la durée est fonction de
la décision du prescripteur : sédation transitoire ( prévention des soins douloureux) ou prolongée (situations de crise de la phase terminale ).
 la sédation ( midazolam ) est provoquée par une induction 1 mg toutes les 2 à 3 minutes jusqu’à obtenir
un score 4 sur l’échelle de Rudkin. L’entretien est obtenu par une dose horaire égale à 50% de la dose
d’induction, en perfusion continue, en sous cutanée , ou intraveineuse , jusqu’au moment du réveil.
 l’évaluation du traitement ( échelle de Rudkin ) permet d’adapter « en temps réel » les doses de midazolam en fonction de l’objectif recherché : patient éveille (score 1 ) – somnolent ( score 2 ) - répondant
à l’appel ( score 3 ) - répondant à une stimulation légère , yeux fermés ( score 4 ) – ne répondant pas
à une stimulation tactile légère ( score 5 ).
La sédation repose sur une technique maîtrisée . Elle n’a de sens que si son indication est approuvée par le
patient et son entourage et discutée en équipe . La recherche d’un consensus n’est en aucun cas le garant d’une
décision éthique. La sédation est l’élément ultime d’une démarche palliative : elle est en effet une réponse
adaptée à certains besoins spécifiques du patient observés dans des situations extrêmes. En permettant de
soulager le patient et son entourage, elle est un élément de la qualité des soins
Le sens d’une sédation bien conduite est de permettre rétablir des conditions de fin de vie apaisées ; ce qui
participe à la dignité du patient et facilite le cheminement de la famille et des soignants.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
ANTICIPER LA DEMANDE D’EUTHANASIE
Gilles NALLET
Cadre de Santé
Membre du GRASPHO
Service hématologie
CHU BESANCON
CONTEXTE DE LA DEMANDE
Dans la demande formulée par la personne, qui, d’après mon expérience, est très rare, on doit soigneusement
dénoncer une confusion des moyens et de la fin (P. VERSPIEREN).
Que recherche la personne qui demande la mort ?
Bien souvent, « ne plus vivre dans ces conditions actuelles d’existence ». On oublie cette précision, si on change
les conditions de vie, notamment si on atténue la souffrance et si on retient la douleur physique ou morale,
que nous montre l’expérience ?
Le malade ne réitère pas sa demande. En appelant à la mort, c’est une manière indirecte de dire sa détresse
et d’appeler au soulagement.
Autre élément important, il me semble, à retenir : le double langage du malade d’un soignant à l’autre. Cette
parole, à un moment donné, à une personne précise, est un appel dans un climat de détresse, de souffrance et
de questionnement. Il peut varier, évoluer.
Le malade « responsable » de lui-même ne subit-il aucune pression ?
Comment ne pas mesurer ce cruel décalage qui sépare l’intention abstraite de la situation vécue.
Le malade ignore qu’il existe une autre voie possible de prise en compte de soi par des équipes respectueuses
de ses attentes.
DANS QUELLE SITUATION EST LE MALADE QUI DEMANDE L’EUTHANASIE
La personne est en proie à une détresse : peur, désespoir ; sa vie est menacée, la douleur physique, morale,
rythme son quotidien.
En face d’elle : des soignants, des bien-portants qui seuls peuvent répondre, la soulager.
La famille, l’entourage, également bien-portants, avec des liens d’amour, d’amitié qui les lient, ne comblent pas
la solitude du patient « encerclé » de personnes valides.
Le patient n’a-t-il pas des intérêts et des moyens tout simplement différents de l’homme sain ?
La perte de dignité que soulignent les partisans de l’euthanasie, est-elle le propre d’une situation, ou la projection d’un regard qui dégrade ?
Cette vision de la dégradation n’accorde pas de place aux ressources de l’adaptation et à l’évolution mentale
du malade. De plus, ce qui parait insupportable de l’extérieur n’a pas forcément le même sens pour celui qui
le vit. Cette constatation peut s’identifier au quotidien.
La capacité d’adaptation, de cheminement de la personne, ce potentiel inconnu jusqu’alors s’expriment ; les
soignants, l’entourage, sont là pour permettre cette expression.
Il est indispensable d’offrir la possibilité de reprendre l’initiative et de faire encore une histoire avec ce qui
lui reste à vivre.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LES LIENS QUI UNISSENT LES SOIGNANTS ET LE MALADE
P. VERSPIEREN écrit : « Les soignants doivent faire l’effort de toujours regarder le patient comme une personne
digne d’intérêt, partenaire à égalité d’une relation qui s’instaure dans la réciprocité des consciences ».
Il faut souligner l’importance du regard. On sait que le regard d’autrui conditionne notre identité, pour reprendre Jean-Paul Sartre. Il me semble aussi que les mots, autant que les attitudes, le ton forcé, les silences, les
absences, les fuites de toute sorte font percevoir au malade à quel point il est condamné par tous.
Au contraire, la parole, que l’on prend le temps de donner, les réponses que l’on apporte, les renseignements
que l’on fournit, les propositions que l’on fait, font du malade une personne à part entière.
La parole et le regard, deux « outils » du soignant qui tissent les liens entre lui et le patient.
Permettre donc aux malades de retrouver une puissance d’être, certes restreinte par la maladie, c’est redonner à la personne sa place d’acteur et ne pas asseoir le pouvoir soignant aveugle et sourd aux questions du
malade.
LES LIENS DU MALADE ET DE SON ENTOURAGE
Les soignants ne sont pas les seuls à avoir un rôle auprès du malade. Ses besoins en fin de vie sont nombreux.
Certains sont purement médicaux : maintien de la vie, soulagement de la douleur, des effets secondaires du
traitement.
Les autres appartiennent à la vie du sujet, poursuite des liens avec son entourage, dernières tâches à accomplir.
Les soignants doivent permettre à la famille, à l’entourage, de garder leur relation avec le patient, de permettre l’expression de celle-ci.
Que peut-on observer ?
Une diminution de l’angoisse et du désarroi chez la personne en fin de vie et une déculpabilisation de l’entourage qui, de part sa présence continue, joue un rôle dans ce qui se déroule et il est nécessaire d’y donner du
sens au jour le jour.
Tout cela ne peut se faire qu’en concertation constante avec l’équipe soignante.
Aide, écoute, partage, explication des thérapeutiques, des décisions, tout cela implique d’élaborer des « projets » équipe soignante malade entourage.
PRENDRE EN COMPTE LA DOULEUR
Afin de rendre un sentiment de qualité de vie, de dignité, il importe de soulager la douleur physique et morale.
L’acte d’euthanasie supprime la douleur en supprimant l’homme.
La démarche palliative, ou la démarche de soins continus, c’est atténuer ou supprimer la douleur pour redonner
au patient sa place d’homme.
Si on se réfère au concept de souffrance globale de SAUNDER , c’est-à-dire, « les soins de toute nature qui
nous font passer du « guérir » au « prendre soin », la douleur est une expérience globale et bouleversante
composée d’éléments multiples, physiques, psychiques et sociaux ».
Prendre en compte la douleur, c’est permettre à la personne de vivre jusqu’à la fin de façon très riche, réconciliation de soi et des autres. C’est lui permettre également de partager, parler sur ce qui n’a jamais pu l’être.
Le malade dont la douleur est écoutée, évaluée et prise en charge, peut garder une emprise sur ce qu’il vit,
être acteur de sa fin, il peut guider les soins, il peut diriger sa vie malgré l’inévitable lien de dépendance qui
caractérise sa maladie. On traite la douleur, on en débat avec le premier concerné, on négocie, on cherche
des solutions.
Soignants et soignés ont des richesses de solutions, laissons-les les exprimer !
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LE PATIENT GÊNEUR
La personne qui demande l’acte d’euthanasie est en proie à une douleur physique et morale telle qu’il finit par
assimiler la conviction d’être un gêneur.
Quel est le statut des personnes en fin de vie ?
Les personnes en fin de vie ne sont ni des malades avec un projet thérapeutique, ni des « bien-portants ». La
société leur enlève leur statut, leur existence est dépourvue de sens. Trop malade pour être chez eux, l’hôpital
n’a pas toujours la possibilité de l’accueillir, essaie de le transférer. On peut glisser dès lors, du point de vue
des soignants, vers une évacuation de tous les gêneurs et autres êtres encombrants, inutiles, coûteux, nécessitant
des soins lourds.
La pression des familles : « c’est trop long, finir aujourd’hui ou demain, quelle importance ! Ce n’est plus mon
père, qu’on en finisse ! »
C’est l’expression d’un pouvoir d’exclusion, l’acte de tuer peut se faire au nom d’apparentes bonnes raisons.
LA DÉMARCHE DE SOINS CONTINUS
Au regard de toutes ses réflexions, que vivons nous ? Où vivons nous ? Comment travaille-t-on ?
La réalité des services hémato-oncologies, c’est la cohabitation d’une chambre à l’autre de personnes aux besoins très différents, une première rencontre avec une personne qui est projetée dans une réalité inconnue : la
maladie grave, une autre dont la guérison n’est plus possible, une encore en ré évolution, une autre hospitalisée
pour complications et une pour sa greffe. Nous sommes dans un « lieu de vie » riche et complexe. La charge
de travail est exigeante, croissante, technique et protocolisée ; quelle place à la parole et à l’écoute ?
Les 35 heures, véritable révolution sociale, oppose temps travaillé et temps libre dans un contexte non préparé, sans aucune anticipation du problème.
Perdre du temps dans la relation à l’autre, c’est gagner du temps pour demain. Il faut nous approprier les
soins, le prendre soin, ce n’est pas la fonction qui fait le soignant !
Quelques années auparavant, la porte de certaines chambres restait close ; les cocktails lytiques étaient très
courants. On a tous connu des situations de souffrance, d’abandon, de dérive. Aujourd’hui, les soins ont quitté
ces registres (même s’il existe encore des situations extrêmes), l’actualité nous le souligne.
Les infirmières ont pour beaucoup contribué à cette évolution. Aujourd’hui, nous devons structurer et adapter la
démarche de soins continus au sein de chaque service et réfléchir au sens du soin que nous donnons.
Cette demande d’euthanasie, même si elle est rarement exprimée, existe. Dans le contexte actuel : social,
économique, l’anticiper nous engage professionnellement dans une démarche humaniste du « prendre soin
» et ainsi affirmer nos valeurs et nos ambitions. Nous devons porter la parole des malades pour qu’elle soit
entendue par les décideurs qui ne mesurent pas les exigences et la complexité des soins dans les services
d’hémato-oncologies.
La démarche d’accréditation, que nous devons mettre en place, a oublié un point important, l’évaluation du
stress et de la souffrance psychique des soignants confrontés à la maladie grave et à l’accompagnement des
personnes en fin de vie.
Je terminerai par une citation d’Emmanuel GOLDENBERG : « La préoccupation d’accompagner est présente et
on a le sentiment d’être une personne, un sujet respecté ; la dimension d’accompagnement manque et on a le sentiment d’être un corps, une maladie, une dent, que l’on soigne, certes, mais rien de plus… »
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
« INTÉGRATION DES FAMILLES AUX SOINS ; DE L’ATTENTE DES PARTENAIRES MALADES FAMILLES SOIGNANTS A L’OPINION DU PUBLIC »
Le chef de projet : Pr. Philippe TRAVADE
Chef de service Hématologie Clinique Adulte Hôtel Dieu
Contact* : Marie Christine FEDOR
Villemin Pasteur Hôtel Dieu chu BP 69 63003 Clermont Fd [email protected] 04 73 750 075.
GROUPE DE RECHERCHE
Clermont Ferrand le 04 mai 04
CHU CLERMONT FERRAND
Financement : Fondation de France
Le service d’Hématologie du CHU de Clermont-Ferrand, en association avec les services de Soins palliatifs et
de Santé Publique du CHU ainsi que le centre de soins de suite « Les Sapins » à Ceyrat, développe actuellement et depuis 2001 un programme de travail sur le thème de « l’intégration des familles dans les soins en
hospitalisation ».
Le but de cette étude est d’apprendre aux familles des patients hospitalisés à réaliser des gestes simples dans
l’idée que cette participation de la famille permettra au patient et à la famille elle-même de mieux vivre la
maladie, d’atténuer la rupture entre domicile et hospitalisation et de faciliter l’accompagnement et éventuellement le travail de deuil. L’intégration d’un membre de l’entourage dans les soins ne se fera bien entendu
qu’avec le plein accord du patient et de l’entourage, et sera encadrée par des professionnels.
Dans un premier temps a été réalisée une enquête auprès des malades hospitalisés, leur entourage et leurs
soignants.
Les équipes soignantes ont ensuite réalisé des « fiches de transfert » pour les familles, expliquant comment effectuer différents gestes. Ces fiches ont été validées par des hospitaliers, entre autres au moyen de techniques
de consensus. Puis elles ont été soumises à un public « naïf » à qui il a été également demandé de donner un
avis sur l’ensemble du projet.
Nous pouvons résumer les résultats de l’enquête préalable et de l’enquête auprès du public comme suit :
 Les patients et les familles sont fortement demandeurs sur le principe général d’une intégration des
familles dans les soins,
 Les attentes des patients et des familles convergent sur les soins respectant l’intimité et l’autonomie,
 La volonté des familles de s’engager dans le transfert de soins est toujours supérieure à l’attente des
patients,
 Les soignants donnent leur accord pour le transfert des soins qu’ils jugent non techniques y compris pour
les soins touchant à l’intimité … mais les patients ne le souhaitent pas,
 Le public est d’accord avec cette proposition de transfert de soins respectant l’intimité, l’autonomie et
concernant les soins non techniques. Il est favorable à des fiches de transfert simples et peu denses.
La mise en œuvre est actuellement réalisée en Hématologie Clinique à l’Hôtel Dieu et à la clinique Les Sapins.
Elle donnera lieu à une évaluation auprès des patients, des familles et des soignants.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LE DESIR DE VIVRE EN PHASE TERMINALE
J. CECCALDI ° M. MORICEAU °°
°centre hospitalier Robert Boulin – F 33 Libourne
°° centre médical spécialisé de Praz Coutant – F 74480 Plateau d’ Assy
Groupe de réflexion sur l’accompagnement et les soins palliatifs en oncologie et hématologie
A la phase terminale des hémopathies malignes, les demandes d’euthanasie sont rares
(deux formulations en 2002 et 2003 dans un service de 85 lits). Formulées dans un contexte de crise, de telles demandes
sont transitoires. En effet, la survenue d’événements aigus ou chroniques (douleur brutale ou rebelle – complication traumatique – accès de dyspnée – progression tumorale – compression – syndrome dépressif…)
entraîne une perte d’élan vital. Le contrôle des symptômes pénibles ( traitements antalgique, anxiolytique,
antidépresseur, antisécrétoire ) et l’organisation d’un accompagnement paisible permettent à de nombreux
patients d’exprimer leur désir de vivre jusqu’à l’extrême limite de leurs possibilités.
I – « ECHÉANCES ET DÉCHÉANCES » : DES PATIENTS LUCIDES DEVANT L’AGGRAVATION INÉLUCTABLE !

les patients connaissent leur diagnostic : 99% des malades hospitalisés à Praz Coutant relatent leur histoire en précisant la nature de la maladie ( cancer, leucémie, lymphome, tumeur…) et des traitements
( chimio – radiothérapie)
 les patients sont informés du résultat des bilans ( blastes – ganglions…)
 les patients sont conscients des risques inhérents aux rechutes : au cours de leur histoire hospitalière, ils
« voient partir nombre de leurs compagnons de route ». Ils savent que des complications mettent en jeu
le pronostic vital : septicémies – pneumopathie – occlusion - GVH rebelle après une allogreffe …
 les patients peuvent avoir préparé « l’après », ce d’autant que les hémopathies laissent souvent intactes
les capacités à réfléchir et à communiquer.
L’histoire de Monique B. montre jusqu’où peut aller cette faculté et cette volonté d’anticiper, de sortir de soi-même
pour se rendre et rester jusqu’au bout libre, disponible à l’autre et à sa nouveauté ou à sa différence. Enseignante
d’origine anglaise, elle s’était retirée en Dordogne avec son époux diminué par les séquelles motrices d’une hémiplégie compliquant une maladie de Vaquez. Elle-même présenta une leucémie aigue, mise en rémission pendant
trois ans .Lorsque elle apprit de notre bouche qu’elle était en rechute, et comprit qu’elle ne survivrait probablement
pas à son mari dépendant, elle nous demanda la « permission » de venir finir ses jours dans le service lorsqu’elle
serait prête, c’est-à-dire assurée d’une prise en charge fiable et décente pour son compagnon qu’elle voulait
préparer le mieux possible à sa disparition prochaine. Une dizaine de jours plus tard, Monique B. se présentait
dans le service, annonçant que son époux était en sûreté, confirmant qu’elle venait comme prévu finir ses jours en
notre compagnie et indiquant dans la foulée qu’elle n’accepterait plus désormais aucune transfusion tout en s’en
remettant à nous pour que cette dernière ligne droite soit la moins difficile possible. Accueillie sur cette base qui
était régulièrement renégociée pour lui laisser l’opportunité de changer éventuellement d’option, elle est morte
2 semaines plus tard, non sans avoir entre temps appelé quotidiennement son mari pour évoquer avec lui leur
vie commune reprise dans l’ordre chronologique, tranche après tranche, chacune correspondant à un entretien
d’une petite heure. Et beaucoup d’entre nous restent marqués par l’intensité et par la profondeur des échanges
qu’elle trouvait la force de susciter à l’occasion du moindre de nos passages ou de nos soins, restant jusqu’au bout
décentrée d’elle-même, ouverte et disponible en dépit des doutes et des interrogations qui n’ont pas manqué de
l’assaillir. Une grande Dame…
II - « NI SE TERRER, NI SE TAIRE » : DES PATIENTS QUI COMPTENT ENCORE !
 une personnalité intacte les amène à demander, revendiquer, marchander, refuser…
Christophe, décédé à 33 ans d’une porphyrie érythropoïétique congénitale de Gunther, avait progressivement
perdu au fil des années, et en dépit des précautions pour ne pas s’exposer à la lumière, l’essentiel des parties
molles de son visage : paupières (d’où une cécité par ulcération des cornées), nez, pavillons des oreilles et lèvres,
découvrant des dents aux reflets rouges. Les mains n’étaient plus que des moignons dont il usait avec une dexté55
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10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
rité stupéfiante, et les rares zones de peau saine qu’il conservait étaient noires et velues.Quiconque s’aventurait
à franchir le seuil de sa chambre d’hôpital sans décliner son identité était accueilli par un impérieux « Qui rentre
? » et l’étourdi qui prenait l ‘initiative de poser la main sur son corps pour le soigner ou l’aider à se déplacer
sans le prévenir et commenter son geste en temps réel était derechef rappelé à l’ordre par un vigilant « Qui m’a
touché ? ». Relevé 3 jours avant son décès avec une fracture engrenée du col fémoral sur chute en tentant d’aller seul aux toilettes, il continuait à expliquer imperturbablement : « Vous êtes tous très gentils, mais je n’ai pas
l’intention de déranger quiconque. ». Et il a fallu jusqu’au bout le laisser se lever seul et se déplacer sur sa seule
jambe valide en restant à son côté pendant la manœuvre, prêts à intervenir à la moindre faiblesse ou glissade.
Jusqu’à la dernière extrémité, Christophe a réservé le meilleur accueil à ceux qui respectaient scrupuleusement «
la deuxième enveloppe symbolique » qu’il avait établie en sus de sa peau détruite et de sa vue abolie, au point
qu’une s infirmière disait en évoquant son souvenir : « Autant le voir créait la répulsion, autant l’entendre suscitait
sympathie, communion et complicité ».
 les attitudes rappellent « la vie d’avant » : s’habiller (autonomie) – se maquiller (dignité) – sortir ou
recevoir (exister aux yeux des autres) …
 des projets sont envisagés dont les objectifs sont accessibles à court terme (faire un dessin - réaliser
un objet – acheter une voiture…), indispensables - achever une histoire de vie - organiser une «
réconciliation …) ou improbables à plus long terme (tenir jusqu’à un mariage – remarcher…)
 le besoin est souvent fort de parler d’un avenir comme si la maladie n’allait pas s’aggraver : « Plus tard,
il faudra bien que … »
 un excès de stimulation renvoie à la perte d’autonomie : se peser, se lever seul…
 la répétition des rituels peut avoir un effet rassurant (les bilans – les transfusions – les hémocultures
– les chimiothérapies…)
 l’organisation de la vie entre les soins donne un sens à tous les efforts développés
 La volonté de vivre « jusqu’au bout » est affichée tout en revendiquant le droit de parler de la mort
 La mort prochaine est annoncée mais les « conditions du mourir » sont redoutées.
III – « PRENDRE SOIN ET RESPECTER » : UNE ÉQUIPE ATTENTIVE ET TOLÉRANTE !
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accepter les attitudes du patient, même si elles paraissent en décalage par rapport à la réalité : s’agit
il d’un déni ? d’une forme de lutte ?...
aider la famille à accepter ce décalage (« à quoi sert de jouer de la lyre avant de mourir ! ») : expliquer – écouter – rassurer. Comprendre la souffrance de l’autre.
gérer avec souplesse les comportements gênants le fonctionnement de l’institution ( « les horaires libres ») ,
ou s’écartant du règlement : fumer dans la chambre, jouer d’un instrument de musique, faire des « câlins »,
recevoir la visite d’un petit enfant…
ne pas gâcher le temps qui reste à vivre : respecter le sens donné à la fin de vie par ceux qui s’y accrochent – limiter les investigations inutiles – éviter les intrusions maladroites dans la vie privée du patient
ou de sa famille..
adapter les conditions de la prise en charge au caractère unique de la situation (recomposer un univers
familier à l’hôpital - respecter les silences, les joies, les peines – préserver l’intimité du malade, sa part
de rêve (s’il peut y en avoir une !).
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Certains patients laissent une trace indélébile tant ils se sont inscrits avec force dans la vie à la phase ultime de
leur maladie. Leur degré d’information est tel que le terme de déni parait inadéquat pour rendre compte de
la réalité de leur état psychologique. S’ils marquent notre mémoire et continuent ainsi à vivre au fond de nous,
c’est qu’ils nous ont émus, dérangés. Ils nous ont bouleversés, nous incitant à penser autrement, à réfléchir
aux valeurs essentielles.
Quand se manifeste un tel désir de vie, un équilibre s’installe qui facilite la prise en charge et renforce la
disponibilité du personnel soignant (« on ne va pas dans sa chambre à reculons ! »). La survenue d’une complication irréversible est une rupture qui exacerbe les émotions des soignants. Une dynamique d’équipe, par
le biais de réunions pluridisciplinaires, permet d’anticiper l’aggravation terminale de ces patients d’exception,
et de prévenir la souffrance des soignants.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
SESSION PLÉNIÈRE
LA QUESTION DE L’EUTHANASIE EN EUROPE
Patrick BAUDRY
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LA MORT À L’HEURE DE LA SINGULARITÉ
P. BAUDRY
Professeur de Sociologie
Université Michel-de-Montaigne – Bordeaux III
Quelles valeurs sont mises en avant quand on défend l’idée de l’euthanasie comme droit fondamental de la
personne ? Quelles principes sont invoqués quand c’est le caractère éminemment social du mourir que l’on met
en avant ? Ces questions permettent sans doute de clarifier les débats. On pourra répartir des positions, des
visions du monde et surtout des conceptions de la mort. Bien souvent, n’est-ce pas sur les derniers instants qu’on
focalise ? N’est-ce pas de la fin de vie dont on parle ? Un changement s’opère quand la réflexion menée sur les
enjeux des soins palliatifs souligne l’importance de l’accompagnement comme valeur sociale, et donc interroge
le cadre culturel à l’intérieur duquel le mourir se situe. Ainsi pourra-t-on rappeler que si la mort est individuelle,
elle ne concerne pas seulement celui qui va mourir. Ainsi pourra-t-on opposer, par exemple, à l’idéal de liberté
revendiqué par celui qui voudrait pouvoir décider du moment de son départ, la valeur de responsabilité qui
se trouve engagée dans une présence à plusieurs autour de celui qui meurt. En mettant l’accent sur l’entourage
du malade mourant, la mort n’est plus la seule préoccupation des débats, ou l’on peut dire que les conditions
individuelles du mourir ne sont plus leurs seuls objets de discussion. Toutefois, la prise en compte de l’entourage,
les enjeux d’une transmission, le rappel de la question de la filiation présente au cœur de la scène du mourir,
peuvent sembler quelque peu abstraits et finalement relever d’un arrière-plan. L’acteur principal, celui qui
serait de toute évidence le premier concerné, n’est-ce pas celui qui va mourir ? Et ne faut-il pas, quelque cadre
que l’on installe autour de ses derniers instants, entendre ce qu’il demande et respecter ses choix propres ?
On comprend donc que c’est la notion même d’individu qui est en fait en question. A l’évidence de l’individualité de la personne contemporaine, s’oppose (mais de manière complexe) une autre conception de cette
même personne. Ainsi pourra-t-on mettre en cause l’idéal d’une « autonomie » que l’individu serait en droit de
revendiquer en rappelant que, sous couvert d’une liberté de choix, c’est préalablement à un devoir de choisir
auquel l’individu « autonome » se trouve contraint. On pourra mettre en cause la vision « libérale » d’une mort
individuellement choisie, comme si l’humanité pouvait être contenue dans la figure de l’homme décideur, et
comme si le progrès des civilisations tenait à l’accroissement de rationalité d’un individu capable de s’autogérer. Ou encore on pourra opposer à l’idéal d’une virilité devant la mort, la représentation d’une vulnérabilité.
A l’argument d’un individu acteur qui démontrerait logiquement son pouvoir dans une action, on peut opposer
la conception d’une passivité et rappeler l’impouvoir qui affecte un sujet perdant sa maîtrise de sujet1.
Mais cette argumentation peut-elle suffire ? En fait, il faut comprendre que sous couvert de parler de la mort
comme de cette fin que l’homme devrait pouvoir configurer, c’est préalablement de l’individu que ce discours
nous parle. Pour le dire autrement, si c’est sur l’évidence d’un choix concernant le mourir que s’organise sa
rhétorique, sa véritable force tient à la définition d’un individu qu’il véhicule sur un mode implicite.
En introduisant l’idée d’euthanasie comme le droit foncier d’une personne qui est propriétaire de son existence
et donc de sa fin, on met en avant dans la confrontation qu’il aurait avec la mort un individu qui ne serait tel
qu’à la condition de pouvoir précisément démontrer son individualité par des choix dont il serait proprement
l’auteur. On comprend donc que ce ne serait pas seulement des « attitudes » qu’il faudrait changer mais bien
la mort même dans le statut qu’on lui donne, la définition qu’il faudrait en faire, la place qui faudrait lui réserver. En quelque sorte il faudrait adapter la mort aux nouvelles conditions de l’individu. Après des siècles
de souffrance où l’homme se trouvait dans l’incapacité d’agir sur sa fin propre, les progrès du traitement de
la douleur et l’éveil d’une conscience humaine devaient logiquement mener à la possibilité d’un choix et au
respect d’une volonté. La mort devrait changer pour chacun et pour tous : au lieu de subir l’indécidable et
de se trouver prisonnier d’un corps manipulé par une médecine en proie à des fantasmes de toute-puissance
technique, sans considération pour la personne, celle-ci devrait pouvoir revendiquer le refus légitime de thérapeutiques agressives et inutiles. Cette thèse peut s’étayer sur des cas simplement racontés, donnant à saisir
l’idée de bon sens qu’il faut adopter. Des associations se sont multipliées dans les pays européens – mêlant
1 Voir Emmanuel Lévinas Le Temps et l’autre, Paris, PUF, 1983, p. 62 : « Ce qui est important à l’approche de la mort, c’est qu’à
un certain moment nous ne pouvons plus pouvoir ; c’est en cela justement que le sujet perd sa maîtrise même de sujet. »
61
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
rationalisme et humanisme, refus d’une médecine qui dépossède la personne d’elle-même et volonté d’une
protection technique contre la perspective de la souffrance et de la conscience du mourir, affirmation individualiste à disposer de soi et mention des droits de l’homme, protection du corps et éloge du sujet humain.
Une telle conception traite à l’évidence de la mort, mais c’est préalablement le statut de la personne qu’elle
définit. L’idée qui prévaut ici est celle-ci : parce que l’individu contemporain ne serait plus semblable à l’homme
d’autrefois, il faudrait que les conditions du mourir soient modifiées. Pour le dire sous forme d’un résumé, la
mort qu’invoque les soins palliatifs serait une mort « à l’ancienne », méconnaissant le fait d’une modernité qui
ne concerne pas seulement les progrès des thérapeutiques mais le statut même de l’individu.
Or lorsqu’on prétend qu’à l’autorité du « social » succèderait l’autonomie de « l’individu », on oppose moins
une thèse à une autre qu’on ne reproduit de l’une à l’autre un schéma explicatif identique. Au social déterminant de la sociologie classique, on propose une sociologie « nouvelle », mais qui reprend sans la penser
davantage la notion d’individu qu’il fallait autrefois « dépasser ». Ainsi peut-on dire que si « au temps de
Durkheim », le social déterminait l’individu, ce serait aujourd’hui l’individu qui déterminerait le social. Ces deux
thèses, construites en miroir l’une de l’autre, sont tout également insuffisantes, et c’est avec l’illusion de « saisir
un processus historique » que l’on croit pouvoir établir un passage entre une « époque » et une autre. Si le
mourir est bien entendu social, ce n’est pas parce qu’il serait organisé par un opérateur magique – le « social
» – mais parce que la mort est cette question sans réponse à laquelle l’humanité s’affronte, ou encore parce
qu’elle est cette limite qui détermine l’élaboration même de la culture. Dire que le mourir devient une affaire
privée tient du commentaire de l’observable. Croire que « l’individu » doit gérer en dehors de tout rapport
social la relation qu’il entretient avec la mort, n’a aucun sens.
La vie privée et son expansion sont en fait inséparables d’un mouvement social où les mécanismes de la projection et de l’identification permettent de donner corps au récit social à partir de l’expérience individuelle
éprouvée comme singularité dans son inséparabilité avec la trame collective. On se trompe donc – non pas
seulement au plan d’idées qui seraient toutes abstraites, mais au plan d’une analyse sociologique – quand
on fait de l’individu une figure autonome, c’est-à-dire quand on le dissocie du social. Cela non pas seulement
parce que l’individu est nécessairement lié à des contextes sociaux, mais parce que le social se génère depuis
la place de l’individu. En outre, en se représentant l’individu comme un être doué d’une rationalité qu’il pourrait
commander et comme si sa capacité à exercer sa volonté déterminait la propriété qu’il a de lui-même, on ne
se refère nullement à une vision « moderne » de l’individualité, mais à l’inverse à une conception dépassée.
Sur la notion d’individu et le trouble qui l’accompagne, et plus encore qui la génère, je renvoie à ce qu’en
disait Georg Simmel qui parlait « d’une insondabilité indéchiffrable » . Ce que Simmel met en avant, quand
il étudie le sens que prend la notion de l’individu au 18ème siècle et ses transformation au 19ème siècle, c’est
une situation paradoxale. Il s’agit, dit-il, « d’être cet individu déterminé, non interchangeable ». Mais cette
exigence nouvelle produit un « individu [qui] se cherche lui-même, comme s’il ne se possédait pas encore »
. Georg Simmel montre donc la nouveauté d’un individu se cherchant et s’ignorant toujours davantage. Et
se cherchant à partir ou plutôt sur le fond sans cesse dérobé à lui-même de son propre savoir . En fait de
modernité, ce n’est pas une progression vers l’unicité qui s’observe, mais le creusement d’un écart entre soi
et soi . Ou encore l’on peut parler d’un dédoublement comme le fait Marcel Gauchet : « Notre expérience
est irréductiblement l’expérience d’un dédoublement. Un dédoublement entre une part visible et une part
invisible de nous-mêmes. Au-delà de notre corps visible, quelque chose de notre intime identité se dérobe au
visible ; qui plus est, en tant qu’êtres parlants, nous sommes des manieurs d’invisible. Comment que nous nous
tournions, nous nous révélons doubles. Il n’est pas de culture qui ne se construise autour de l’interprétation de
ce partage » . On voit ici que nous sommes très loin de l’illusoire confort d’un individu transparent à lui-même.
Il y a plus encore. Plutôt qu’aux notions d’individu et d’individualité, c’est à celle de singularité qu’il faut faire
place et comprendre que l’intime trouve son sens dans cette situation marquée d’ambiguïté.
La singularité n’est pas une posture qui suppose qu’on ne doute pas de soi ou, inversement, qu’on devienne
tout entier incertain : elle creuse le rapport de soi à soi, et installe dans cet écart non pas la satisfaction d’être
identique à soi ou l’angoisse de ne plus savoir qui l’on est, mais le rapport à l’autre dont la dimension s’intensifie précisément dans ce mouvement. Le succès du livre La Mort intime vient peut être pour partie de ce que «
la » mort (sujet trop général) pourrait prendre sous forme de « l’intime » un tour plus concret ou plus sensible.
Faut-il y voir l’illusion d’une autonomie personnelle ? Ou faut-il comprendre que cet ouvrage renvoie à de
nouvelles configurations du monde social : la singularité qui s’exprime n’est pas alors un repli mais davantage
62
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
une manière de dire au-delà de soi ce que l’individu lui-même ne saurait « gérer ». En ce sens là, l’intime ne se
sépare pas, quand il s’agirait de la fin de vie de quelqu’un d’autre, du rapport à l’autre et aux autres.
On se tromperait si l’on ne faisait de la promotion de l’intime qu’une fabrication médiatique. La télé-réalité
(dont il y aurait beaucoup à dire) peut donner l’illusion d’un individu libre qui peut exprimer ses sensations
et dire ses choix. Elle peut donner à croire que cet individu peut ainsi s’autonomiser du social et trouver dans
le mouvement de cette autonomisation sa liberté propre. La notion d’individu fonctionne ainsi le plus souvent
dans un schéma binaire : à l’individu qui devrait être libre s’opposerait une société qui ne serait envisagée
que sous l’angle des contraintes qu’elle impose. Mais les médias ne sont pas les auteurs du mouvement d’une
singularité qui traverse l’individu contemporain. Au plus peuvent-ils canaliser et caricaturer cette mutation. Pour
l’essentiel, l’intime ne doit pas tout son succès à l’exhibitionnisme des uns et au voyeurisme des autres. Il s’agit
d’un processus historique en raison duquel l’intime est devenu socialement important.
Les progrès que les soins palliatifs réalisent « pas à pas », au lieu de précipiter vers des solutions qui correspondraient aux tendances les plus fortes de nos sociétés contemporaines, s’inscrivent dans un ensemble de
questionnements sociaux. Ce n’est pas seulement la manière de mourir qui est en question, mais la position
qu’occupe l’individu singulier qu’il faut prendre en compte : dans la mesure où c’est cette singularité qui travaille le sujet humain dans son affrontement à lui-même. L’individu peut sommairement s’opposer à la société,
en fonction d’un raisonnement qui peut sembler « concret ». La singularité se situe sur un tout autre plan d’analyse. Il s’agit non pas de l’individu comme forteresse ou lieu clos, mais du rapport que cet individu entretient
avec l’altérité (à commencer par sa propre altérité). Celle-ci ne tient plus alors d’une revendication « abstraite
» de principes ; elle ne se réduit pas à une vision « humaniste » ou à la bonne volonté de quelques uns. Elle
relève d’une expérience.
C’est dans la mesure où il s’agit d’une expérience malaisée, inconfortable, sans réponse définitive possible, que
l’individu peut tenter de se raccrocher à ce qui lui permettrait « enfin » d’en finir avec lui-même : c’est-à-dire
avec sa singularité telle qu’elle l’expose à sa propre altérité. Mais prendre au pied de la lettre ce qui se donne
comme demande de l’individu, c’est non pas reconnaître la personne, mais méconnaître la singularité qui l’anime.
63
SESSION ATELIERS SERIE A
« LES PRATIQUES : ENTRE RESPONSABILITÉ ET
OBÉISSANCE »
A1 QUESTIONS SPÉCIFIQUES AUX ÉQUIPES MOBILES
 Spectateur ou témoin ?
C. FOURCADE

Equipe mobile témoin de la fin de vie : médicalisation de la fin de vie et risque de bascule vers
l’euthanasie clandestine
D. FROMENT
 Peut-on anticiper la demande d’euthanasie ?
I. NEGRE
A3 QUESTIONS SPÉCIFIQUES AUX PROFESSIONNELS HOSPITALIERS
 Questions spécifiques posées aux équipes mobiles
D. POISSON

Influence du lien social sur la question de l’euthanasie
M. LEVY-SOUSSAN

Le projet thérapeutique
V. DUJEU
A4 QUESTIONS SPÉCIFIQUES AUX PROFESSIONNELS DU DOMICILE
 De la pratique de l’hypnovel en ville : de la peur de la sédation à l’intention euthanasique énoncée
Marielle ABADIE

Jusqu’au bout, ne pas se perdre
F.MASSON

Le regard social concerté des différents intervenants (sur le patient, l’entourage et les différents acteurs) peut-il être une composante essentielle de prévention d’euthanasie à domicile ?
Colette MORVAN
A5 QUESTIONS SPÉCIFIQUES ENSEIGNEMENT/RECHERCHE
 Enquête auprès d’une promotion d’étudiants en médecine de DCEM4 : leur définition de l’euthanasie
et de leur attitude face à une demande d’euthanasie.
F. NATALI

La demande d’euthanasie exprimée par les patients. L’approche clinique selon l’evidence-based medicine
Pascale VINANT
A6 QUESTIONS SPÉCIFIQUES AUX FAMILLES ET ASSOCIATIONS DE MALADES
 Impact d’un vécu antérieur d’euthanasie sur la demande d’une famille
Noëlle CARLIN

Comment aider une personne chargée d’une mission d’euthanasie ?
Charles JOUSSELIN
A7 QUESTIONS SPÉCIFIQUES D’ORDRE SÉMANTIQUE
 Face à l’euthanasie, quelle philosophie de la mort pour la SFAP ?
Joël CECCALDI

Pourquoi un glossaire ?
Karine BREHAUX

Euthanasie : une parole, un geste, une éthique instrumentale…
Patrice CANNONE
A8 QUESTIONS SPÉCIFIQUES POSEES AUX BENEVOLES
 Bénévoles d’accompagnement et euthanasie : du groupe de réflexion à la formation éthique des bénévoles
Marie Cécile COMBY

Les réactions des bénévoles face à une demande d’euthanasie
Gisèle DESBOS

Bénévoles d’accompagnement confrontés à des demandes d’euthanasie
Josette LE BARBIER
A9 QUESTIONS SPÉCIFIQUES POSÉES À NOS VOISINS EUROPÉENS
 Une pente glissante aux Pays-Bas ? Une analyse éthique huit ans après la dépénalisation
David RODRIGUEZ-ARIAS

Réflexion sur la place du médecin d’une équipe mobile intrahospitalière en soins palliatifs dans la
priseencharge d’une euthanasie à l’hôpital
L. SAUVEUR

Les soins palliatifs à l’épreuve de l’euthanasie, un appel à la vigilance
Alain SCHOONVAERE
A10 QUESTIONS SPÉCIFIQUES POSÉES A CHACUN
 Euthanasie et deuil des soignants
C. GANGLER

Les tensions éthiques à résoudre face aux demandes extrêmes des patients
Thierry MARMET
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
68
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
SPECTATEUR OU TÉMOIN ?
Mme PERROTIN C.
Philosophe, centre interdisciplinaire d’éthique, université catholique - Lyon
Mme FOURCADE C.
Médecin, EMSP, Clinique Les Genêts, Narbonne
Quel choix pour une EMSP confrontée à plusieurs reprises à des actes d’euthanasie dans des services où elle
intervient ?
Récit d’une expérience où la philosophie et la pratique se rejoignent en favorisant la prise d’initiative de l’EMSP :
Madame PERROTIN C.
Le spectateur peut s’en tenir au simple constat de ce qu’il voit et entend dans une sorte de présence passive à
l’événement qui a lieu devant lui. Il peut même parfois être tenté de faire comme s’il n’avait pas vu ou entendu
parce que le contexte lui paraît trop défavorable. Son silence ou son indifférence contribuent alors au statu
quo, voire sont perçus comme approbation implicite.
Le témoin, quant à lui, est amené à dépasser la position de spectateur…
Il est requis par une présence active, qui en appelle à un engagement de sa part. Ayant vu et entendu, il a à
répondre de ce qui se passe et à chercher comment qualifier l’expérience rencontrée.
Madame FOURCADE C.
Après une formation d’éthique avec Madame Perrotin qui aborde la question du témoin, l’EMSP décide de
rompre le silence en proposant une parole qui ne porte pas la rupture et engage l’avenir.
OBJECTIFS POUR L’ÉQUIPE



Ne plus être spectateur mais devenir témoin en mettant des mots sur des pratiques et des souffrances
trop souvent tues,
Redire ce qui fait loi,
Expliquer ses choix éthiques.
MOYENS
Organisation d’une rencontre en présence d’un tiers médiateur (Dr. M.S. Richard, maison médicale Jeanne
Garnier) pour faciliter le dialogue dans une position d’altérité respectueuse.
RÉSULTATS


Beaucoup de soignants de l’établissement présents et un échange très profond qui un an après permet
l’élaboration de solutions alternatives à l’euthanasie, dans un climat de plus grande confiance.
Poursuite d’une réflexion éthique commune.
Thème choisi pour 2004 : « A quoi sert l’agonie ? »
69
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
EQUIPE MOBILE TÉMOIN DE LA FIN DE VIE : MÉDICALISATION DE LA FIN DE VIE ET
RISQUE DE BASCULE VERS L’EUTHANASIE CLANDESTINE
FROMENT D., MAILLY M.
CHU Montpellier
Notre fonction est d’accompagner les équipes dans la prise en charge des patients lors de la phase palliative
de leur maladie (expertise et soutien) et d’assurer la formation en soins palliatifs de l’ensemble des soignants.
Pendant de nombreuses années les pratiques d’euthanasie imposées (mettre fin à la vie d’un patient atteint
d’une maladie évolutive et incurable de manière délibérée, indolore, et rapide à son insu) ont mis en difficulté
notre unité. Dans le cadre de l’écriture d’un mémoire de DIU de Soins Palliatifs, nous nous sommes intéressées
à l’euthanasie imposée, pratique soignante tenue cachée. Dans certains services c’est la pratique énoncée
comme « la plus judicieuse » et dans d’autres une euthanasie imposée.
Situations vécues à l’UMSP : le « syndrome du lundi matin » quand nous apprenions par téléphone… « il est
mort… il n’a pas souffert, on a augmenté les doses …» suspicion…
Nous étions témoins directs dans les services de la mise en place d’une seringue de morphine inopinée ou d’une
modification de posologie, d’un malaise perceptible, d’une justification maladroite ou au contraire de l’annonce
catégorique de « la meilleure solution finale.» Nous essayions de mettre en mots ce qui se passait, de reposer
la démarche palliative. Signifier notre désaccord « c’est de l’euthanasie nous ne cautionnons pas » entraînait
la rupture de la relation avec les soignants. Ces tentatives sur le vif nous laissaient un sentiment désagréable
de n’avoir pas su… Travaillant régulièrement en binôme nous décidons d’essayer de mieux comprendre ce qui
se passe, quels sont les motifs, les enjeux, les difficultés qui poussent les soignants à commettre l’irréparable et
comment modifier cette pratique ? Nous parlons ici de patients conscients, communiquant, incurables à la phase
terminale de leur maladie. C’est ce que nous appelons le temps du mourir, le temps où le décès est imminent et
inévitable. C’est une bascule dans l’évolution de la maladie ou bien le ressenti du patient, sans que l’on sache à
quel moment la mort va survenir. Ce n’est pas la phase palliative dans sa totalité lorsque le patient ne peut plus
guérir de sa maladie mais continue à vivre sa vie avec elle. Ce n’est pas uniquement le temps de l’agonie. Il ne
s’agit pas de la demande du patient mais d’une pratique des soignants à leur propre initiative, sur prescription médicale, à la demande de l’infirmière ou de la famille au médecin, ou sur décision médicale unilatérale.
Les points de vue peuvent être différents, mais il est important de se les représenter et de les argumenter :
le temps du mourir a-t-il un sens, à qui appartient-il, est-il légitime de le respecter ? Notre travail en service et
les témoignages de formation ont permis de repérer plusieurs éléments concourrant à une situation de crise :
 les symptômes rebelles (échec médical),
 l’insoutenable du corps qui se dégrade (ce qui se voit et ce qui s’entend) (place de l’aide soignante et
de l’infirmière),
 le mal être non identifié du soignant (souffrance),
 l’absence du soignant référent souvent le médecin, mais cela peut être la personne avec qui le patient
est le plus en relation (rupture relationnelle),
 le manque de communication dans l’équipe (et de transmission écrite, non réponse du médecin de
garde interpellé par l’infirmière),
 l’absence de staff, moment pour se poser pour parler de ce qui est difficile dans la situation et de
penser ensemble le projet pour le patient,
 le non repérage de l’angoisse de mort au moment où elle surgit.
Nous avons élaboré quelques actions pour prévenir le passage à l’acte :
- Anticiper les moments de crise en repérant l’angoisse, en prévenant et en traitant les symptômes pénibles,
en contenant la souffrance du patient, de son entourage et ou des soignants…..
- Écrire sur le dossier médical le projet de soins en fonction de la situation du moment (phase de la maladie,
palliative, terminale) conseiller sans se substituer.
 Ne pas se fier au téléphone et se déplacer dans le service si nous le jugeons nécessaire sans attendre
la demande explicite, lors d’une situation sensible.
 Soutenir davantage les équipes en les aidant à repérer leur souffrance en lien souvent avec la projection et l’identification au patient ou à la famille.
70
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Nous avons réfléchi sur la souffrance des soignants et les mécanismes de défense amenant ce passage à l’acte.
Travailler au contact de la maladie, être confronté à la perte d’autonomie des malades, à la dégradation
physique, à la souffrance morale, la douleur, aux symptômes plus ou moins contrôlés, à l’agonie et la mort, la
souffrance de l’entourage, leurs demandes, le manque de communication dans l’équipe, de réflexion pluridisciplinaire, l’incompréhension les uns envers les autres, les conflits… génèrent beaucoup de souffrance chez les
soignants médicaux et paramédicaux et de l’angoisse. Face à cette souffrance, chacun de nous réagit pour
s’adapter inconsciemment grâce aux mécanismes de défense.
D’après Sami-Ali, le Rêve et l’affect : « toute représentation s’accompagne d’un affect, tout affect d’une représentation, la représentation et l’affect sont l’avers et l’envers du même phénomène originel. » L’affect est
une qualité qui s’échange dans la relation. Les mécanismes de défense visent de manière générale à opérer
une coupure entre la représentation et l’affect. Ils permettent de contenir l’angoisse de mort existentielle que
connaît chacun de nous.
Ils ont différentes formes :
 Soit les défenses mettent en jeu le corps du soignant :
Comme la fuite dans l’agir avec l’hyperactivité, l’évitement et le passage à l’acte : décharge du soignant
qui libère son angoisse dans des actes non réfléchis.
 Soit les défenses mettent en acte la pensée :
Comme le déni, la rationalisation et la banalisation : en ramenant l’événement particulier à un événement
banal, la souffrance est neutralisée, et n’a plus lieu d’être. Les soignants banalisent cette « sédation
à l’insu du patient, disent-ils », ils ne se représentent pas l’intention et une confusion s’installe entre
euthanasie et soins palliatifs. En effet ils utilisent les mêmes produits pharmaceutiques prônés dans le
protocole de sédation de la SFAP. Cela constitue pour eux « La bonne mort».
 Soit les défenses font appels aux affects et à l’imaginaire.
Comme l’indifférence affective et l’identification projective : le soignant se substitue au malade et projette sur
lui certains aspects de sa personnalité. Il pense que le malade ressent les mêmes éprouvés que lui. Il fait corps
avec le malade dans une relation sans distance.
Nous avons réfléchi à comment nous positionner quand nous étions témoin.
Être témoin pour C. Perrotin, éthicienne: « Ce n’est ni cautionner, ni sanctionner, ni témoigner. La fonction de
témoin est une position d’altérité. »
Cette définition correspond très bien à notre place et notre travail en Unité Mobile au sein de l’hôpital. Il s’agit
d’inviter le soignant à parler de ce qu’il vient de faire, comme brancher une seringue électrique de morphine
à des doses supérieures au besoin du malade, ou l’augmentation programmée du débit de la SE jusqu’à ce
que mort s’en suive. Bien souvent le soignant n’a pas pensé ce qu’il faisait. Là il se le représente. Cela se fait
toujours avec émotion. Même si nous ne le jugeons pas, il se sent jugé, et coupable. Mais nous lui signifions qu’il
ne se réduit pas en tant que être humain à ce qu’il vient de faire. Le plus souvent, il n’avait pas conscience de
son intention. Il y avait une rupture entre son acte et sa pensée. Ce partage sur sa pratique est une manière
pour lui de prendre du recul, de se détacher de son acte. Une fois l’intention posée, il nous semble indispensable de comprendre comment elle s’est constituée, comment elle s’articule avec son histoire de vie, sa culture.
La personne est amenée ensuite à soutenir ou non une pratique d’euthanasie. Nous n’avons aucun pouvoir sur
sa décision. Par contre notre fonction de tiers permet de redire :
 ce qui fait loi dans la société : interdits anthropologiques de mensonge, d’inceste, de meurtre,
 ce qui est bénéfique pour la position de l’humanité,
 ré interroger sur le bien et le mal, le respect d’autrui,
 Réintroduire la séparation dans une situation traumatique qui entraîne la confusion.
En tant qu’équipe mobile nous ne cautionnons pas l’euthanasie imposée et nous pouvons intervenir sur l’arrêt
de ses pratiques par le soutien des équipes et la formation. Il s’agit d’une formation à l’accompagnement en
soins palliatifs non par l’apprentissage d’un savoir mais qui s’appuie sur la pratique professionnelle et l’histoire personnelle du soignant. Dans le cadre de la formation cette pratique d’accélération de la fin de vie est
évoquée dans tous les groupes. Le témoignage des professionnels met en évidence la souffrance des soignants
et la confusion existant entre les notions de soins palliatifs et d’euthanasie, de sédation et d’accélération du
temps du mourir. La question de l’euthanasie est abordée à partir de témoignages ou de cas cliniques et en
leur demandant de donner une définition de l’euthanasie. Au moment de notre travail sur le respect du temps
du mourir, j’ai introduit un questionnaire basé sur l’accompagnement en SP, le repérage du temps du mourir, et
71
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
une réflexion sur ce temps. L’introduction des questionnaires a montré le décalage entre la pensée rationnelle
avec respect du malade (dans sa temporalité) et le passage à l’acte des pratiques d’accélération de la fin de
vie par irruption d’intolérable exprimées surtout au cours du débat que nous organisons toujours sur l’euthanasie. Je ne m’attendais pas à ce décalage entre les réponses écrites, après réflexion et les changements de
point de vue au cours d’un débat où la dimension affective modifiait les avis. La formation a permis de formuler l’hypothèse de passage à l’acte, réponse non représentée dans une situation d’impuissance, intolérable,
innommable. Il y a une absence de réflexion préalable au passage à l’acte. Le passage à l’acte est toujours
pathologique, face à une impasse thérapeutique et relationnelle. Ce qui se joue n’est pas toujours en lien avec
ce qui se vit là. La formation a amené les professionnels qui l’ont suivi à évoluer. Les évaluations des formations
font ressortir un changement personnel dans la pratique de l’accompagnement, une demande de projet de
soin pour le patient et de groupes de parole dans l’équipe. La formation concourt à penser sa pratique et
peut la modifier, mais il faut aussi prendre en compte et soutenir la souffrance des soignants dans les services
de soins. Une équipe en souffrance risque de perdre de l’intérêt dans son travail, de perdre de la passion,
pour être dans l’agir et la banalisation. Ne plus penser, ne plus se poser de questions, faire les changements
de posologies sans questionner et banaliser l’acte de provoquer intentionnellement le mort, parler de soins
palliatifs alors qu’il s’agit d’euthanasie.
C’est comme la banalisation de l’utilisation du mélange morphine hypnovel, le détournement de ces médicaments devant l’impasse thérapeutique « plus de chimio possible, il va mourir » entraînant une prescription à
l’insu du patient, sans symptôme douleur ou angoisse, jusqu’à ce que le décès s’en suive. C’est passer de soulager les souffrances à abréger les souffrances.
ETUDE DE LA COLLABORATION PENDANT 18 MOIS DANS UN SERVICE
Ayant été confrontées à une pratique d’euthanasie imposée dans un service, nous avons réagi instantanément,
en interpellant les soignants comme nous venons de l’expliquer, individuellement puis en organisant une réunion
d’équipe. Cela a permis de réfléchir ensemble sur ce qui s’était passé et ce qui pourrait être mis en place pour
améliorer les pratiques. Nous avons établi ensemble des propositions pour l’avenir : projet de soins, anticiper
et prévenir les ruptures, donc une collaboration plus étroite entre les soignants du service et l’UMSP :
 Lors du repérage d’une difficulté dans un accompagnement d’un patient en fin de vie par les soignants faire appel à l’unité mobile.
 Suivi plus rapproché de l’UMSP dans les situations difficiles, une autre temporalité de la prise en
charge en fonction de la rapidité de la variabilité symptomatique.
 Temps de réunions posés avec médecin référent, infirmière, aide soignante et surveillante pour repérer
le ou les problèmes possibles et les anticiper.
 Propositions de prescriptions « en cas de » personnalisées.
- Continuer à assurer la traçabilité de notre intervention par écrits clairs dans le dossier de soins du patient suivi.
 Dialogue à chaque passage avec les soignants référents, écoute et soutien informel de l’équipe.
 Proposition renouvelée de possibilité d’intervention d’un psychologue pour l’équipe.
Il s’agissait pour nous d’amener l’équipe à penser sa pratique en se centrant sur le projet de soins. L’analyse
des dossiers a mis en évidence des suivis de patients très ponctuels les années précédentes, nous étions appelés
lors d’un symptôme incontrôlé, (souvent la douleur, et bien souvent nous ne revoyions plus le patient ensuite) ou
lors de la phase agonique. Durant les 18 mois de l’étude, le nombre de patients suivis par l’UMSP a augmenté
et leur suivi a été régulier, sans rupture. Un projet a souvent été possible: retour au domicile, structure médicalisée…certains ont été ré hospitalisés et l’équipe soignante a géré la phase agonique sans avoir besoin de
notre intervention. Ceci illustre la capacité de l’équipe soignante à se confronter à la mort sans trop en souffrir.
Deux prises en charge (4 et 5 mois) jusqu’au décès des deux patients témoignent de la collaboration entre nos
services. Les soignants nous ont précisé qu’ils ont enduré la fin de vie de ce patient, que la souffrance venait
surtout de l’absence d’amélioration et d’un sentiment d’impuissance. La mise en place de passages rapprochés,
le repérage par les soignants de moments critiques permettant notre intervention, l’impulsion de réunions, la
circulation de la parole, l’anticipation des situations problématiques, la discussion sur le projet de vie centré sur
le malade, la démarche éthique proposée, ont rendu effective une collaboration de qualité et permis comme
l’expérience clinique le prouve de bien soutenir l’équipe. Notre rôle a aussi été de faire circuler la parole pour
qu’en réfléchissant ensemble l’équipe soignante médicale et paramédicale trouvent ressources et solutions.
72
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Au cours de ces 18 mois, plusieurs soignants ont verbalisé leurs difficultés « si c’était ma mère, mon grande
père, moi », difficultés bien souvent en lien avec une situation personnelle vécue difficile. Notre présence a
peut être permis l’émergence de certains affects et la prise de conscience de certaine « fragilités » jusque là
remisées. Nous savons que la souffrance personnelle ne peut parfois être mise de côté lorsque nous enfilons
nos blouses. Cette mise en mots peut permettre à chaque personne qui le souhaite d’enclencher un « travail sur
soi » qui permettra de faire face aux situations implicantes futures.
CONCLUSION
Le développement des soins palliatifs depuis 5 ans progresse mais les pratiques professionnelles en soins
palliatifs si elles se sont déjà beaucoup améliorées, doivent encore évoluer. Notre action est soumise à l’appel
d’un service, (accepter de travailler avec une UMSP) puis à l’adhésion du service à l’accompagnement du
patient en fin de vie, centré sur le projet pour un patient. C’est introduire la démarche éthique en pensant sa
pratique. Une équipe en souffrance est une équipe en risque d’euthanasie imposée. Comme nous avons pu
le montrer dans un service donné, le fait de veiller à prendre en compte la souffrance des soignants diminue
le risque de passage à l’acte. Cela passe par l’anticipation. Il ne faut pas banaliser la pose d’une seringue
électrique en fin de vie pour mourir vite, le temps du soignant n’est pas le temps du patient.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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74
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
PEUT-ON ANTICIPER LA DEMANDE D’EUTHANASIE ?
NEGRE I.
CHU Bicêtre – unité douleur/soins palliatifs
78 rue du Gal Leclerc – 94275 Kremlin Bicêtre
Dans le cadre de suivis prolongés de patients atteints de pathologies dégénératives cancéreuses ou non, se
pose avec le temps la question de la fin. Cette interrogation, souvent formulée par le patient lui-même, peut
être difficile à recevoir par le médecin. La dimension affective de la relation, l’angoisse de mort que véhicule
le patient, un sentiment d’impuissance, sont autant d’obstacles à l’écoute sereine de ces moments où le patient
s’autorise enfin à parler des conditions de sa mort.
Pourtant, cette attitude peut être considérée par le patient, parfois de façon inconsciente, comme une censure
ou comme une agression violente. Ainsi, la non prise en compte ou la non élaboration de ce moment où le
patient parie de sa mort peut conduire à une demande massive et ingérable d’euthanasie voire à une tentative de suicide. Le praticien passe alors d’un temps d’évitement à celui de la sidération, encore plus difficile à
gérer et qui radicalise les options thérapeutiques. À l’inverse, l’écoute, l’accueil et l’élaboration de cette phase
difficile peuvent permettre au patient d’ouvrir des perspectives de vie jusque-là inexplorées et de renforcer
l’alliance thérapeutique.
Les auteurs évoquent à ce propos le cas d’une patiente dans un état somatique grave dont le discours autour
de sa mort a été évité par un service de soins. Il s’en est suivi une tentative de suicide qui mena la patiente en
psychiatrie. À partir de cet exemple, une discussion est amorcée.
Les auteurs proposent une stratégie pour éviter toute radicalisation thérapeutique en situation de crise ou des
derniers instants. Cette stratégie ne prévient pas la demande d’euthanasie, qui doit rester une liberté d’expression pour le patient, mais peut l’utiliser pour l’aider à mieux vivre.
75
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DEMANDES D’EUTHANASIE DE LA PART DE SOIGNANTS
À PROPOS D’UN CAS SUIVI EN EMSP
POISSON D., HUET M.J., LE BECHEC V.
UMSP, Groupe Hospitalier Bichat-Claude Bernard, Paris
Lorsque le processus de fin de vie est déjà en cours chez des patients, des demandes visant à accélérer de
façon active ce processus peuvent être, exceptionnellement, formulées par les soignants. Récemment, deux
demandes d’euthanasie (DE) ont été exprimées par des soignants. Nous avons retenu la plus didactique en vue
de présenter la prise en charge d’une DE provenant d’une équipe soignante (ES) et d’en dégager les leçons.
OBSERVATION CLINIQUE
Mme V., 85 ans, est hospitalisée pour déshydratation majeure et coma vigile du à un coma hyperosmolaire
diabétique. Un traitement par réhydratation massive et insuline est entrepris.
Elle un antécédent de mastectomie droite avec curage ganglionnaire et radiothérapie pour cancer du sein, et
conserve un lymphoedème séquellaire du membre supérieur droit (MSD).
Dans les heures qui suivent son admission s’installe une ischémie du MSD en rapport avec une thrombose des
artères sous-clavière, axillaire et brachiale droites. L’état de la patiente contre-indique le traitement chirurgical ; un traitement par héparine est entrepris.
Les 3 premiers jours, les examens biologiques s’améliorent mais le coma vigile persiste ; il permet de communiquer un peu avec la patiente. L’ischémie devient massive et le MSD est bleu violacé avec nécrose des extrémités digitales. Une intervention chirurgicale est de nouveau récusée. Par ailleurs, l’ES décide d’interrompre
les traitements actifs. L’infirmière de l’EMSP constate que la patiente ne semble ni algique ni inconfortable.
Elle confirme l’objectif de soins de confort, et commence à accompagner la famille, composée d’un fils et son
épouse. Ceux-ci cherchent des explications à la maladie brutale de leur mère et n’acceptent pas l’éventualité
d’un décès. Ils précisent leur souhait que la patiente ne « subisse pas d’acharnement thérapeutique ».
À J5, l’apparition de douleurs fait débuter une perfusion IV de morphine à la dose de 1mg/h. À J7, la
patiente est dans un coma « semi-vigile » ; elle ne semble pas souffrir mais, en raison d’une « angoisse très
vraisemblable », de l’Hypnovel 1 mg/h IV est ajouté.
À J8, le médecin de l’EMSP est appelé pour donner son aval à une augmentation des doses de morphine pour
« accélérer les choses ». À l’examen, la patiente est dans un coma profond et calme, avec quelques pauses respiratoires. Le MSD se gangrène. Aucun signe de douleur spontanée ni à la mobilisation du bras n’est décelé.
Une réunion des deux équipes a lieu en urgence. L’ensemble des soignants de l’ES confirme à l’EMSP sa demande « d’accélérer les choses ». Ils n’en peuvent plus ; leur souffrance, devant ce membre putréfié, noir et
malodorant, est devenue intolérable. Ils ne vont plus dans la chambre de la patiente, et n’en prennent plus
soin. Son infirmière pense qu’il n’est pas possible que la patiente ne soit pas douloureuse et ne ressente pas
de souffrance. La souffrance de chacun est écoutée par le médecin et l’infirmière de l’EMSP, puis deux pistes
de réflexions sont proposées, sous forme de questions, aux soignants de l’ES :
 Quel est le symptôme, présenté de manière objective par la patiente, qu’il est possible de soulager en
augmentant la posologie de morphine ? S’il n’y a pas de symptôme objectif, quelle souffrance allonsnous soulager ? Celle de la malade ? La notre de soignants ? Avons-nous d’autres solutions pour faire
disparaître ce que vous ressentez comme étant insupportable ?
 Finalement, l’indication du traitement proposé est-elle d’ordre médical ? Et faire un acte qui n’est pas de
soin ni médical entre-t-il dans nos missions de soignants ?
Une amputation de propreté est envisagée pour faire disparaître la difficulté qui empêche les soins. Le chirurgien affirme le risque vital d’une intervention : la demander, c’est faire effectuer par le chirurgien le geste
qui provoquera la mort de la malade. L’ES prend alors conscience qu’elle demande l’augmentation de morphine pour son propre soulagement. Elle la maintient cependant. Après la pause du repas, l’ES se réunit seule
et décide consensuellement de hâter la mort avec de la morphine et d’envelopper le bras d’un pansement
absorbant les odeurs et imperméable aux odeurs. L’infirmière et le médecin de l’EMSP viennent alors aider
à faire le pansement. Le bras est mobilisé sans que la patiente ne réagisse. Puis la cadre infirmier la coiffe,
76
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
lui fait des soins de bouche. On la repositionne dans son lit. Les soignants présents réalisent alors que le soin
est à nouveau possible ; ils peuvent alors abandonner leur DE et convaincre leur médecin. La DE ne sera pas
renouvelée, et la patiente décède le surlendemain, entourée de son fils et de sa belle-fille.
Après le décès de la patiente, l’accompagnement de membres de l’ES et l’analyse critique des pratiques ont
été rendus nécessaire par une souffrance persistante.
DISCUSSION
La « propension à accélérer la mort »
Bien que la DE ait été masquée et le mot « euthanasie » non prononcé, les périphrases utilisées par les soignants témoignaient d’un souhait explicite d’accélérer la mort en vue de soulager la souffrance de la malade
et correspondent à ce qu’il convient d’appeler une demande d’euthanasie1.
Depuis sa création il y a 28 mois, l’UMSP a accompagné 703 patients. Seules 2 DE (0,28%) ont été exprimées
par le personnel soignant (DE). Si ces demandes explicites sont rares, nous constatons que la « propension à
accélérer la mort » reste présente en milieu hospitalier. « Pourquoi en vient-on, dans les institutions hospitalières ou à domicile, à accélérer la mort de certains patients ? » s’interrogeait P. Verspieren en 19912. Il montrait
alors que, au-delà des techniques de soins et de l’organisation institutionnelle du soin, ces pratiques s’inscrivent
dans des orientations profondes de notre culture. En 2004, ce comportement perdure. En particulier, il peut
consister en l’utilisation de médicaments sédatifs d’emblée à doses élevées, sans rechercher ce qui serait juste
nécessaire au soulagement du patient. La distinction – essentielle – entre soulager un patient et accélérer son
décès devient alors floue puisque l’un et l’autre effets sont obtenus. De là à décider qu’il n’y a pas de différence entre soulager et donner la mort, il n’y a qu’un pas…3
L’évolution de la demande d’euthanasie
Dans la situation que nous présentons, l’ES concernée vit douloureusement les nombreux décès qu’elle doit accompagner. Elle le fait cependant avec attention et a volontiers recours à l’EMSP dans les situations délicates
et pour se former.
Le premier temps de discussion a permis que la parole entre soignants devienne possible et soit écoutée sans
être jugée. Parmi les soignants, certains projetaient leur propre souffrance qu’ils voulaient apaiser en « soulageant » la patiente. Pour d’autres, la vie de la malade n’avait plus de sens pour elle. Quels étaient les décalages entre l’idéal de « bonne mort »4 que chacun projette en lui, et la dure réalité ? Les débats médiatiques
récents sur l’euthanasie n’avaient-ils pas influencé la culture, les représentations conscientes ou inconscientes,
et le comportement de chacun ?5 L’équipe de SP n’a fait aucune critique et a écouté combien la situation était
ressentie comme insupportable. Elle a accepté que la décision de l’ES soit, pour celle-ci, la juste décision, tout
en marquant qu’elle ne s’y associait pas, mais n’a pas rappelé le caractère non permis par la loi. Elle a aussi
questionné pour aider à prendre conscience des enjeux. La relation de confiance établie depuis longtemps
entre les deux équipes permettait ce respect mutuel. Mais c’est l’acte de soins, fondement commun de notre
activité de soignants, qui, accompli ensemble, a retourné la situation. Il autorisait le toucher et la vue de l’autre,
le parler en sa présence. Ainsi, parole et soins ont permis d’envisager la relation humaine : la personne malade
pouvait, dès lors, être considérée comme vivante.
1 « Le terme euthanasie désigne les comportements dont l’objectif est de provoquer la mort d’autrui, de manière à lui éviter ainsi
des souffrances. » P. Verspieren, Euthanasie et suicide assisté, in Manuel de soins palliatifs, coordonné par D. Jacquemin, Dunod,
2001.
2 Patrick Verspieren, La propension à accélérer la mort, Laennec 1991 n°5, p. 9-12.
3 La Société de Réanimation en Langue Française n’a-t-elle pas jugé utile, dans ses recommandations sur Les limitations et arrêts
de thérapeutique(s) actives en réanimation adulte, adoptées en juin 2002, de préciser : « Toute injection de produit(s) avec intentionnalité de décès, comme l’injection de curares chez un patient non ventilé ou l’injection de chlorure de potassium, est un acte
d’euthanasie active. Elle n’est jamais justifiable et est juridiquement qualifiable d’homicide volontaire (Art. 221-1 du Code pénal). »
4 Voir à ce sujet Bernard Matray, Accompagner, in La présence et le respect. Éthique du soin et de l’accompa-gnement, Desclée de
Brouwer, Paris, 2004, p.201-210.
5 L’influence sur son comportement des émissions télévisées ayant traité début 2004 du drame de Vincent Humbert nous a été
signalée par l’une des infirmières qui participait à la DE.
77
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Quels critères de légitimité pour la décision médicale ?
Dans les situations de crise provoquées par la prise de décisions éthiquement difficiles, il est important,
pour nous guider, de faire appel à des critères décisionnels préalablement réfléchis. P. Verspieren propose ainsi des critères de « légitimité éthique »6 pour aider à la décision d’interrompre un traitement en
cours, à savoir : l’inutilité médicale, la disproportion entre bénéfices et préjudices (ou « charges »), et le
dépassement des fonctions de la médecine. Dans cette situation précise où était envisagé non d’arrêter mais de prescrire un traitement, il nous a semblé approprié de partir de deux de ces critères, en
adaptant leur formulation à la situation rencontrée, afin d’aider l’ES à clarifier ses décisions et actions.
Ainsi, convenait-il d’abord de s’assurer de la réalité d’une indication médicale avant de prescrire ce traitement : l’indication d’un traitement ne peut reposer sur une impression subjective sans signe d’appel. Il était ensuite approprié de vérifier que cette prescription restait dans le cadre de la
mission et la fonction de la médecine, ce qui n’était pas le cas. Le troisième critère proposé pour les arrêts de traitement – disproportion entre bénéfices et préjudices du traitement pour le patient – peut, à
l’évidence, être employé également pour discerner si l’on doit entreprendre un nouveau traitement.
Ces trois critères de légitimité éthiques se révèlent donc utiles non seulement pour les arrêts et limitations de
traitements en fin de vie, mais aussi pour la prescription d’un traitement dont l’indication médicale ou dont les
objectifs poursuivis sont incertains.
CONCLUSION
Cette observation souligne que, dans des circonstances extrêmes, prendre soin peut restaurer la personne
vulnérable dans sa dignité d’être humain. Elle permet aussi de relever l’importance du compagnonnage entre
deux équipes, l’une de soins et l’autre de soins palliatifs : compagnonnage de partenaires, c’est à dire de
personnes se respectant mutuellement sans acte de domination de l’une sur l’autre. Enfin, elle montre l’apport
des EMSP dans l’aide aux décisions éthiques difficiles qui se présentent en fin de vie.
Avoir réfléchi au préalable aux questions éthiques est, pour les personnes travaillant en EMSP, essentiel pour
rester disponibles dans ces situations complexes et pour accompagner soignants, patients, familles ou proches.
6 Patrick Verspieren, L’interruption de traitements. Réflexion éthique, Laennec, 2003 n°4, p. 30-45.
78
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
INFLUENCE DU LIEN SOCIAL SUR LA QUESTION DE L’EUTHANASIE
DR LEVY-SOUSSAN M. – SAVIN G.
Infirmière - UMASP GH Pitié Salpêtrière – 47 bd de l’Hôpital 75013 Paris
La question de l’euthanasie peut-elle être entendue dans l’affirmation d’une volonté de la personne, dans
l’exercice d’une liberté de l’individu, sans prendre en considération la dimension du lien de la personne à
l’autre, à la famille, au groupe, sans entendre la possibilité d’une l’influence de la réponse sociale à la personne devenue dépendante, sur la décision médicale en fin de vie.
Nous aimerions aborder cette question à partir de deux cas cliniques où se trouvent intriquées les questions :

de la pertinence médicale de la mise en œuvre d’une technique médicale lourde au long cours (rein
artificiel, trachéotomie avec ventilation assistée),

du désir exprimé ou non de la personne malade vis-à-vis de ce choix,

des limites du consentement chez une personne aux fonctions supérieures altérées,

des possibilités d’éclairer ce choix par une information adaptée à la personne,

de la souffrance des soignants à poursuivre des soins lourds et jugés « futiles »,

du « désir de mort » du côté des soignants lorsque la qualité de vie ne semble plus pouvoir être améliorée et que la mise en œuvre de la technique génère plus de souffrance,

du projet d’un retour à domicile en regard des possibilités socio-familiales désirées et assumées,

des possibilités institutionnelles : les limites actuelles de structures adaptées aux besoins de certains
patients pouvant influencer le questionnement médical concernant la limitation de soins et la question
de l’euthanasie.
79
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LE PROJET THÉRAPEUTIQUE
DUJEU V., DESMEDT M., HODY L., MALOTEAUX J-M.
Cliniques Universitaires Saint-Luc – B – 1200 Bruxelles
Le projet thérapeutique vise à définir une attitude de traitement, de soins adaptés à chaque patient. Un projet
thérapeutique clair, centré sur les besoins du malade et ses proches élimine une grande partie des demandes
d’euthanasie. Il prévient les sentiments d’acharnement ou d’abandon thérapeutique générateurs de ces demandes.
Présent dans notre institution depuis deux ans, cet outil (fruit d’une réflexion multi-métiers) n’est pas toujours
utilisé adéquatement. Nous avons réfléchi aux dysfonctionnements et avons tenté d’élaborer un guide de
«bonnes pratiques» de ce projet :
1. Tout patient hospitalisé au sein de notre institution doit bénéficier d’un tel projet.
2. Celui-ci doit être clarifié : il faut détailler, préciser le niveau d’intervention thérapeutique retenu pour éviter
une interprétation des mots utilisés. Cette étape définit l’objectif poursuivi et assure la cohérence de l’ensemble
du traitement .Elle nécessite la révision de ce traitement afin de s’assurer que les investigations et les médications sont en accord avec le niveau d’intervention choisi.
3. Il doit être réévalué surtout lorsque la situation clinique est instable ex :en cas de complication, si un traitement échoue,…
4. Il doit être individualisé, adapté aux besoins biopsychosociaux du patient.
5. Il doit résulter d’une concertation interdisciplinaire, celle-ci se déroule en quatre temps :

Une mise en commun de l’information et des observations complémentaires des différents professionnels
responsables du patient.

Une discussion car la parole du patient peut être différente selon le soignant auquel il s’adresse. Cette
étape permet d’argumenter les avantages attendus et/ou les risques potentiels des différentes thérapeutique et soins possibles.

Une prise de décision médicale sur un avis éclairé de l’équipe. La décision finale revient au médecin qui
engage sa responsabilité.

Une élaboration d’un projet de soins multidisciplinaires, cohérent et respectant les compétences des
différents professionnels.
6. Il doit être diffusé aux personnes concernées par la prise en charge du patient pour en assurer sa compréhension, sa cohérence et sa continuité.
80
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
7. Il ne doit pas être un projet qui «soulage» l’équipe soignante mais bien un projet centré sur le patient. Il ne
doit pas non plus diluer les responsabilités. Comme nous l’avons déjà souligné, la décision est médicale après
avis éclairé de l’équipe. Chacun est responsable des actions mises en place, inhérentes à ses compétences.
Une évaluation a été réalisée auprès des utilisateurs. Parmi les avantages du projet thérapeutique, ils soulignaient : une clarté et une cohérence dans la prise en charge, une transparence de l’information pour le
patient, sa famille et l’équipe soignante, une ouverture au dialogue et une diminution des conflits.
Le projet thérapeutique permet d’améliorer la qualité des soins aux patients grâce à une clarté et à une uniformité de l’information. Il favorise la concertation interdisciplinaire permettant de former une équipe unie et
cohérente autour du patient et ses proches.
Il permet également de rencontrer les concepts législatifs définis dans les lois sur les droits du patient (loi du
22/08/02) et sur les soins palliatifs (loi du 14/06/02).
Ce concept a fait l’objet d’une expérience inédite à savoir un séminaire commun aux étudiants de dernière
année d’infirmière graduée (de l’ISEI à Bruxelles) et des étudiants de 2ème année de doctorat en médecine
(UCL-Bruxelles).
Une présentation magistrale a été suivie de travaux en petits groupes (10-15 étudiants). Ceux-ci ont été mis
en situation d’équipe et ont travaillé sur des cas pratiques.
Cette partie a été très appréciée par les étudiants et les animateurs (infirmières enseignantes de l’ISEI et
professeurs de la faculté de médecine).
Cette expérience a répondu à une des conditions de réussite du projet thérapeutique à savoir le dialogue
interdisciplinaire.
81
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
CLINIQUES UNIVERSITAIRE SAINT-LUC
Unité de Soins Continus
Date _____________
Projet thérapeutique
destiné au patient atteint d’une affection évolutive et incurable
� Soins palliatifs avec une escalade thérapeutique systématique
Toutes thérapeutiques utiles à l’état de santé du malade
�
Y compris un traitement qui vise à contrôler l’évolution de l’affection incurable
�
Chimiothérapie
�
Chirurgie
�
Hormonothérapie
�
Radiothérapie
�
Autre ____________________________
�
Y compris des manœuvres de réanimation cardio-respiratoire
� Soins palliatifs avec une escalade limitée à certaines thérapeutiques
Toutes thérapeutiques utiles à l’état de santé du malade sans mettre en route :
�
Acte chirurgical, radiologique, endoscopique
____________________________
�
Traitement par vasopresseur & inotrope
____________________________
�
Traitement par anti-arythmique
____________________________
�
Traitement par anticoagulant
____________________________
�
Alimentation artificielle
____________________________
�
Hydratation artificielle
____________________________
�
Correction des troubles électrolytiques
____________________________
�
Traitement par antibiotique
____________________________
�
Transfusion de dérivés sanguins
____________________________
�
Autre
____________________________
� Soins palliatifs sans aucune escalade thérapeutique
Limitation du traitement à la thérapeutique en cours
� Soins de la phase terminale
Arrêt de toute thérapeutique à l’exception de celles qui visent au confort immédiat du patient
REMARQUES :
Ces propositions thérapeutiques peuvent être révisées : le médecin appelé au chevet du patient peut s’il le
juge nécessaire déroger à ces recommandations.
Information donnée
Au patient
Oui
Non
Date
_______
A la famille
Oui
Non
Date
_______
Au médecin traitant
Oui
Non
Date
_______
Motivation(s) pour laquelle l’information n’a pas été transmise :
82
Médecin(s) responsable(s)
Infirmière responsable
Nom(s)
Nom
Signature(s)
Signature
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
DE LA PRATIQUE DE L’HYPNOVEL® EN VILLE :
DE LA PEUR DE LA SÉDATION À L’ÉMERGENCE D’UNE CONDUITE EUTHANASIQUE
ABADIE M, ELLIEN F,
Réseau de santé soins palliatifs Essonne sud SPES
L’objectif de cette étude est de mettre en évidence les questions soulevées par la prescription et l’utilisation
de l’Hypnovel® au domicile dans le cadre d’un réseau de soins palliatifs et d’étudier les attitudes en médecine
de ville.
CONTEXTE
Le réseau Soins Palliatifs Essonne Sud, SPES, est en activité depuis septembre 2002 afin de faciliter le maintien
au domicile des patients en phase palliative ou terminale d’une pathologie évolutive. Il couvre la moitié sud
du département de l’Essonne. Son équipe de coordination, constituée d’un directeur, d’un médecin, de deux
infirmiers et d’un cadre administratif, intervient au domicile, à la demande de tout professionnel de santé, médecins traitants, infirmiers, HAD, etc.… ainsi que des patients et de leur famille dans un rôle de coordination,
d’expertise, de conseil thérapeutique, de soutien technique, logistique et, psychologique. L’équipe favorise
ainsi la naissance et le développement de pratiques thérapeutiques nouvelles en médecine de ville.
Il en est ainsi du Midazolam Hypnovel® médicament de choix dans l’anxiété majeure, lorsque la personne
malade ne peut plus prendre d’anxiolytique par voie per os et que le recours à la voie injectable devient
nécessaire.
MÉTHODE
Les éléments de discussion sont issus de l’analyse de situations cliniques rencontrées au domicile dans le cadre
du réseau.
Dans le cadre d’une anxiolyse en fin de vie, la mise sous Hypnovel® s’impose sur les autres molécules anxiolytiques par ses avantages : maniabilité, action rapide et brève, durée de vie courte. Le choix de ce produit est
compris et accepté par la majorité des médecins traitants (75 %). Il en est de même de son indication dans le
cadre d’une dyspnée aiguë, une hémorragie extériorisée sévère ou autre détresse somatique.
Toutefois, une fois son indication reconnue, reste posée la question de l’auteur de la prescription, compte tenu
de l’inexpérience du médecin généraliste en ce produit, de son absence en pharmacie de ville, et de son utilisation réservée aux médecins expérimentés. Ce produit ne peut être délivré que par une HAD ou pharmacie
hospitalière en lien avec une structure de soins palliatifs (réseau, etc..).
L’AFSSAPS, Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé recommande l’usage de ce produit
en ville tout en précisant qu’un médecin formé à son utilisation doit être présent pour l’instauration du traitement. Dans le cadre d’un réseau, le médecin coordonnateur, tout en jouant le rôle d’expert ne se substitue en
aucune façon au médecin traitant. Ce dernier au terme de leur évaluation conjointe, reste in fine le décideur
et le prescripteur thérapeutique. La poursuite et la surveillance du traitement peuvent dès lors relever de la
seule compétence du généraliste. Au-delà de l’appui de l’équipe de coordination, il engage toute sa responsabilité.
DISCUSSION
Les recommandations de la SFAP émises par un groupe d’expert valident l’utilisation de l’Hypnovel® au domicile seulement dans le cadre d’une sédation en fin de vie. Le risque d’une sédation mal ou non contrôlée
peut constituer un motif de refus de prescription de la part des médecins généralistes. Les bonnes pratiques
de ce traitement nécessitent des moyens humains et techniques de surveillance (passages répétés, contrôle du
niveau de sédation) difficiles à réaliser à la maison. Les médecins libéraux demandent un cadre de prescription adapté pour la ville, non issu d’un modèle hospitalier et de ses recommandations. Ils veulent avoir accès
à des protocoles d’utilisation validés et adaptés pour leur permettre de ne plus être exposés au risque d’une
sédation létale, ou à l’émergence d’une attitude euthanasique.
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En effet, les professionnels de ville se sentent plus facilement autorisés à prescrire le produit dès que les phases terminales et agoniques se présentent en raison d’une responsabilité altérée par la proximité de la mort.
L’objectif du traitement peut devenir alors plus ambiguë. Il s’agit au domicile d’un moment d’intenses difficultés
pour les familles, impliquées et régulièrement informées tout au long de la prise en charge. Au-delà même de
leur épuisement, elles veulent respecter le désir de leur parent de mourir chez lui. Elles peuvent alors souhaiter
le dénouement plus rapide. L’objectif du médecin traitant peut devenir double : soulager le patient mais aussi
soulager la famille. Il faut également souligner l’implication émotionnelle du médecin de par sa proximité avec
le patient et son entourage.
Le soulagement des symptômes reste entendu comme le soulagement du patient. Il est reconnu comme étant
légitime de ne pas retenir le patient dans l’agonie et de ne pas prolonger un « supplice qui dure». Certains
professionnels de santé peuvent voir alors dans la pratique de l’Hypnovel® le moyen de mettre un terme à
une souffrance extrême.
Ils glissent de la peur initiale de la sédation vers des attitudes euthanasiques, elles-mêmes majorées par l’absence de réglementation de l’acte de prescription en ville.
Cette absence réglementaire peut justifier une dérive de l’utilisation de l’Hypnovel®. Le rapprochement est
fait avec le recours à un acte euthanasique non légalisé mais légitimé par la volonté de soulager face à une
souffrance morale indescriptible et/ou non jugulable.
Le médecin traitant est renvoyé à une responsabilité propre et individuelle dans laquelle il peut trouver une
justification à son acte.
Il nous faut également nous interroger sur le rôle du médecin du réseau : peut il être une garantie éthique de par
sa fonction d’expert et de formateur ?
Le médecin traitant, par manque de connaissance en cette molécule, défaut de protocoles validés pour la ville
et, absence de cadre réglementaire, est confronté à son isolement et à ses propres références. Il est ainsi exposé au risque d’une dérive. A ce jour, pour remédier à cela, un médecin référent en soins palliatifs, qu’il soit médecin de réseau, d’équipe mobile ou autre, met à disposition de la ville son champ de compétences. Il garantit
par là même l’usage des bonnes pratiques. Au-delà des fonctions de formation et d’expertise : on peut s’interroger sur son rôle à tenir auprès des équipes de ville. Peut il être de sa place d’expert une garantie éthique ?
Ne quitte t’il pas sa place en exportant de l’hôpital une molécule, en validant son utilisation en ville et, en se
substituant à l’absence de réglementation ?
Ne lui fait on pas remplir une mission abandonnée par la société : l’apport d’un cadre légal ?
Ne devons nous pas nous interroger sur le rôle implicite joué par l’expert et l’absence actuelle de cadre réglementaire dans la prescription de l’Hypnovel® en ville ?
CONCLUSION
Apporter un cadre légal à l’existence de ce produit en ville et promouvoir la formation et le compagnonnage
des professionnels de santé permettrait sûrement de minorer les dérives.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
JUSQU’AU BOUT… NE PAS SE PERDRE
F. MASSON ET S. LACOSTE
équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs
centre hospitalier de Mâcon
Mlle P, 65 ans, téléphone elle-même à l’E.M.A.S.P. pour aide à la prise en charge de douleurs et de dyspnée
d’un cancer colique traité depuis 12 ans, actuellement polymétastatique et en échappement thérapeutique.
Ont été effectuées une chirurgie colique, trois cures de chimiothérapie, une pneumonectomie droite pour métastases.
Elle vient de refuser une nouvelle chimiothérapie proposée pour une extension pulmonaire gauche avec envahissement médiastinal. Ses antécédents sont dominés par une sclérodermie depuis l’enfance avec
amyotrophie de l’hémi-bassin et du membre inférieur droit. Elle vit seule, entourée de nombreux frères et
sœurs. Elle est inspectrice de la D.D.A.S.S. retraitée.
Lors de ce premier téléphone, elle nous précisera son traitement morphinique actuel et avoir déjà rencontré le
médecin spécialiste de la consultation douleur.
Elle nous reprécisera sa demande d’accompagnement : « je suis habituée à la maladie », « je n’ai absolument
pas peur », « hier, j’ai organisé mes funérailles avec les pompes funèbres », « je me sens toute petite par
rapport à la souffrance physique », « je souhaite être hospitalisée les derniers jours ou semaines, car je n’ai
pas envie de souffrir ni de peser sur ma famille ».
Cette première présentation de personne informée, autonome, volontaire, sera confirmée d’emblée par la
première visite à domicile en binôme médecin et cadre infirmier. Elle nous précise qu’elle a également effectué la vente de sa voiture il y a 24h, et rédigé des courriers anticipés pour les administrations. Elle réitère sa
demande d’hospitalisation à prévoir dans les derniers jours (impérative si perte de conscience). Les symptômes
pénibles actuels sont les douleurs et la dyspnée ( insupportable à envisager à l’idée de « noyade »). Elle exige
de ne pas montrer son corps déformé à ses proches.
Durant les visites ultérieures seront abordés, outre la problématique de la douleur, de la dyspnée et des fausses routes alimentaires :
 La demande réitérée d’euthanasie ou suicide assisté, nous le reverrons,
 Les éléments biographiques : avec en particulier sa lutte perpétuelle liée à son handicap avec exigence
de ne pas montrer de fragilité, sa lutte pour un poste à responsabilité, la volonté de ne pas susciter de
pitié (aussi bien dans la vie professionnelle que privée), elle aborde le sens de la vie et de sa vie,
 Le temps présent : que faire de l’espace actuel ? (tout le côté matériel étant réglé). Ne rien dire à la
famille est actuellement son mot d’ordre,
Elle aborde le devenir avec passage progressif des questions précises sur le maniement des morphiniques, à l’interrogation sur la faisabilité d’un suicide, à la demande claire de l’euthanasie ou de suicide assisté selon l’interlocutrice.
La demande d’euthanasie sera régulièrement reformulée :
 Le suicide sera rapidement écarté car « trop douloureux pour la famille » et de résultat incertain,
 Un écrit précisant son refus d’excès de soins avec, notamment refus d’antibiothérapie, est réalisé,
 A chaque visite de notre équipe (du médecin ou cadre infirmier, effectuée en alternance), ou du médecin traitant avec qui la collaboration est étroite, le désir de mort est évoqué, des précisions, demandées :
au cadre infirmier des informations concernant les doses et associations médicamenteuses ou létales, au
médecin l’injection ultime,
 Finalement, elle accepte de révéler partiellement à sa famille l’évolution actuelle et apprécie l’installation de sa sœur aînée (la plus proche affectivement) et de son mari auprès d’elle pour les fêtes de
fin d’année. Durant deux semaines, elle peut encore sortir et masquer sa lutte. Elle exprime sa joie, sa
capacité de rire retrouvée.
 Dès début janvier l’asthénie se majore et l’alitement est plus fréquent. Après concertation, elle décide
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de ne pas pratiquer le scanner de contrôle prévu, qui l’aurait objectivement informée de l’évolution .
 Divers symptômes (douleurs, dyspnée, aphonie, constipation) nécessitent une présence plus soutenue par
entretien téléphonique ou par visites à domicile.
Elle se résigne à informer sa sœur de la réalité de la situation, ce qui nous permettra un soutien plus ajusté
auprès de la famille. Les tâches se distribuent : quand vient la nécessité d’une aide à la toilette, c’est à
une I.D.E. qu’il est fait appel ; la sœur effectue les diverses tâches ménagères et le beau-frère gère les
médicaments. Chacun semble avoir trouvé sa place.
 Les questions sur les dosages médicamenteux se poursuivent. Les boîtes de SKENAN et d’ACTISKENAN
sont accessibles et chaque matin le beau-frère, anxieux, en vérifie le contenu. Durant nos entretiens,
le rituel se poursuit avec demande d’euthanasie, écoute, dialogue et refus de notre part de l’injection
létale. Jamais Mlle P ne manifeste de colère ou d’agressivité.
La répétition incessante à chaque visite de la même demande pouvant être parfois vécue comme harcèlement,
nous culpabilise moins et nous ébranle moins, car nous avons pu parler de la situation en analyse de la pratique.
En effet nous comprenons bien l’angoisse d’asphyxie de la patiente. A domicile, qui interviendra et dans quel
délai ? Même si nous assurions une permanence téléphonique, quel sera le médecin de garde et
l’ajustement de son traitement ? La prescription anticipée d’HYPNOVEL à domicile ne semble pas réalisable.
En cas de problème aigu n’est- il pas absurde de voir un tel accompagnement à domicile se terminer par l’intervention du S.M.U.R. et une hospitalisation probable au service d’urgence pour y décéder ?
Quelle cohérence dans tout ce cheminement ?
La patiente n’a-t-elle pas raison dans ses demandes ?
Mais aussi pourquoi nous a-t-elle choisies, nous l’E.M.A.S.P. comme interlocuteurs ?
Cette retraitée récente, avide d’informations, inspectrice à la D.D.A.S.S. ne peut ignorer la position du mouvement des soins palliatifs face à l’euthanasie, pas plus qu’elle ne peut ignorer l’existence de l’A.D.M.D. Pourquoi
n’a-t-elle pas contacté cette dernière association ?
Devons-nous l’orienter vers elle ? Dans ce cas, que signifierait ce geste ?
Non, la solution est ailleurs et nous posons une hypothèse : Mlle P nous a totalement investies de notre savoir
et de notre pouvoir. Elle en connaît les capacités et les limites. Cette parfaite représentante de l’autonomie et
de la maîtrise nous a testées. Elle nous teste encore.
Et lorsque nous sommes capables d’affirmer paisiblement que nous ne changerons pas de conduite, elle déplace progressivement l’enjeu vers le jeu lui-même : l’oscillation continue entre la demande, notre refus d’y
accéder et le réinvestissement en notre équipe.
Chez la patiente, ce jeu de relation où revendication d’intérêts et toute puissance se côtoient, ne peut se poursuivre qu’avec la garantie de n’être jamais exécuté.
La loi symbolique de l’interdit de tuer est restaurée par notre fermeté. Nous ne sommes plus à chacune de nos
visites, dans cette impression d’engloutissement. Encore avait-il fallu que nous puissions décoder ce jeu.
Céder à sa demande et la rendre possible n’étaient pas les vraies demandes, bien qu’elle nous sature de cette
quête d’euthanasie et nous ébranle peu à peu.
Lorsque nous avons pu percevoir qu’au-delà d’une demande d’euthanasie « compassionnelle », la demande
était autre, nous avons pu poursuivre plus paisiblement nos rencontres. La demande était chaque fois rappelée,
notre réponse réajustée, et nos discours paisibles et confiants. L’hypothèse initiale se confirmait peu à peu.
La nécessité impérieuse de Mlle P était d’être écoutée, d’être reconnue comme sujet, d’être certaine de notre
attention et de notre intérêt pour elle.
Le paradoxe pouvait se poursuivre. Au-delà de ce désaccord apparent, les échanges d’ordre philosophique
existentiel pouvaient se poursuivre. Mais ils étaient devenus sereins. Le décodage avait été nécessaire.
Quelques semaines plus tard, les douleurs et la dyspnée se majorant, Mlle P demandait une hospitalisation
dans le service de cancérologie où elle avait été suivie. Elle y mourut paisiblement après avoir réclamé à boire
et à manger, malgré les fausses routes alimentaires.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LE REGARD SOCIAL CONCERTÉ DES DIFFÉRENTS INTERVENANTS
(SUR LE PATIENT, L’ENTOURAGE ET LES DIFFÉRENTS ACTEURS) PEUT-IL ÊTRE UNE COMPOSANTE ESSENTIELLE DE PRÉVENTION D’EUTHANASIE À DOMICILE ?
I BEUZEVAL, JP COTINAT, L DUBRAY, J LHOMMEAU , C MORVAN, JX PERRIN
Cellule d’aide à la coordination en soins palliatifs à domicile d’Angers
PRÉSENTATION DE LA CELLULE
La cellule est une équipe (issue du domicile ) d’appui et de soutien issue du domicile , aux professionnels du
domicile dans le respect de la non substitution ( plus explicitement : dans le respect des soignants de proximité
choisis par le patient).
Elle vise à favoriser :
 la concertation entre les différents intervenants qui accompagnent un patient à domicile
 les liens entre équipes prenant en charge successivement ce malade
LES FACTEURS PRINCIPAUX POUVANT INDUIRE UNE EUTHANASIE À DOMICILE
1 LA SOUFFRANCE GLOBALE DU PATIENT
Il est souvent difficile pour les intervenants de repérer les différents éléments interagissant dans la souffrance
du patient. L’ échange des regards de chaque professionnel du domicile permet d’identifier davantage les
différentes composantes de la douleur : la part physique : douleur, symptômes difficiles et la part psychosociale.
La fin de vie bouleverse pour la personne malade la représentation de l’estime d’elle même, de son rôle social
et familial. La dépendance accrue vient renforcer, tout particulièrement le sentiment d’être inutile, mais plus
encore celui d’être une charge, un poids pour l’entourage. La prise en compte de ce vécu par les professionnels de proximité est primordial. Leur mobilisation pour recentrer le patient comme acteur, pour conserver et
stimuler les liens sociaux, pour aménager le domicile, mettre en place des relais humains vient dire à la personne soignée que sa vie « vaut le coup », qu’elle est digne d’être vivante. L’estime de soi du patient va aussi
dépendre du regards des soignants.
2 L’ÉPUISEMENT FAMILIAL
L’entourage familial, lorsqu’il est présent, est un acteur essentiel dans l’accompagnement de fin de vie de son
proche à domicile. Il devient aidant et souvent acteur de soins. Généralement, l’entourage n’est pris en compte
que lorsqu’il arrive à épuisement, qu’il entre en conflit avec les soignants, qu’il remet en cause le projet du
patient .
Aussi est-il important que d’emblée, chaque membre de l’entourage puisse se situer comme acteur à part entière : qu’il soit pris en considération avec sa personnalité, son histoire, avec ses souhaits, le rôle propre qu’il
entend tenir mais aussi ses fragilités, ses limites, ses interrogations, ses souffrances. Il va donc être nécessaire
de l’écouter, de l’intégrer dans la démarche en tenant compte de la variabilité possible de ses souhaits, de ses
possibilités, de son cheminement par rapport à la maladie de son proche.
Soutenir l’entourage, le sécuriser par un projet de soins cohérent et partagé, c’est aussi l’informer, lui proposer
des aides (matérielles, humaines) et ouvrir sur des relais possibles.
3 LA SOUFFRANCE DES INTERVENANTS
Chaque professionnel intervient le plus souvent seul à domicile , il ne connaît parfois pas les autres intervenants. Les différents acteurs peuvent être sous l’emprise d’un schéma préconçu sur les autres corps professionnels. Ils méconnaissent fréquemment les rôles et les actions des autres professionnels, et plus encore leurs limites,
leurs difficultés et leurs potentialités. Prendre le temps de se parler, de se connaître en tant que professionnel
mais aussi en tant qu’être humain sont des facteurs importants pour ouvrir les horizons : sources de richesses et
de complémentarités.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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Verbaliser, être entendu dans son impuissance permet de prendre du recul, de ne pas se laisser envahir par
sa propre souffrance au risque de la projeter sur le malade et son entourage. Faire équipe, ne plus se sentir
isolé, être en liens entre soignants sont garants pour ne pas se considérer comme seul décideur de l ‘avenir et
de la vie de l’autre.
SYNTHÈSE
La période de fin de vie interpelle chacun. Les questionnements, les échanges des différents professionnels
permettent de replacer le patient dans son histoire de vie et de se distancier d’un idéal grâce à la singularité
de la prise en charge (avec ses atouts et ses limites tant au niveau du patient, de l’entourage que des soignants) . Prendre en considération les liens sociaux préexistants et en favoriser d’autres permettent à chacun
de donner du sens à ce qui est vécu .
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
ENQUÊTE AUPRÈS D’UNE PROMOTION D’ÉTUDIANTS EN MÉDECINE DE DCEM4 : LEUR
DÉFINITION DE L’EUTHANASIE ET DE LEUR ATTITUDE FACE À UNE DEMANDE D’EUTHANASIE.
LEBOUL D.1, NATALI F.2, BAIL P.1
1 Faculté de médecine et des sciences de la santé de Brest
2 Hôpital Clermont-Tonnerre – Brest Naval
OBJECTIF
Evaluer auprès d’étudiants en fin de 2ème cycle des études médicales leur connaissance du terme d’euthanasie
et apprécier leur position subjective face à une demande d’euthanasie.
Tous les étudiants de DCEM4 de la faculté de médecine de Brest ont répondu individuellement, par écrit à
deux questions. Avant le début du séminaire de soins palliatifs 68 ont donné leur définition de l’euthanasie.
En fin de séminaire 67 ont indiqué quelle serait leur attitude face à une demande d’euthanasie.
Résultats :
Seules 5 réponses (7,35%) se réfèrent aux quatre critères de la définition de l’euthanasie : acte volontaire de
provoquer la mort à la demande du patient, par compassion.
Dans l’ensemble des réponses sont cités : provoquer la mort 63/68 ; acte volontaire 37/68 ; demande du
malade 19/68 ; par compassion 17/68. Une différence, souvent confuse, entre euthanasie active et passive
apparaît 25 fois. L’interdiction légale est citée 6 fois, les soins palliatifs évoqués 2 fois.
Face à une demande d’euthanasie, 9/67 disent y accéder, 33/67 disent s’y refuser, 25 ne savent pas ce qu’ils
feraient ou ne se prononcent pas. Parmi les arguments de leur attitude potentielle , on trouve : l’importance
de chercher à comprendre les motifs de la demande 50/67 : de tenter de soulager la souffrance physique
et morale 33/67 ; d’évaluer l’état psychique et cognitif 13/67 ; de proposer la mise en œuvre des soins palliatifs et de l’accompagnement 31/67 ; de discuter avec les proches 19/67 , avec l’équipe 12/67. Le cadre
réglementaire est rappelé 32/67.
DISCUSSION
1 LE FLOU DE LA DÉFINITION
La difficulté que manifestent les étudiants UBO-Brest pour donner une définition claire de l’euthanasie, nous
apparaît comme un des résultats majeurs. Nous ne pouvons pas l’extrapoler à la définition que donnerait la
population française en général. Muller MT et coll. (1) ont recueilli les réponses de 137 étudiants en médecine
hollandais quant à leur définition de l’euthanasie et à celle du suicide médicalement assisté, ceci avant un séminaire d’une journée consacrée à ce dernier sujet. Les étudiants d’âge moyen 22 ans (71% de femmes, 29%
d’hommes) appartenaient à différentes années d’études. 41% seulement des étudiants hollandais qualifiaient
l’euthanasie d’acte intentionnel de donner la mort, tandis qu’ils sont 54,4% parmi les étudiants brestois.
La demande du patient est mentionnée par 41% des étudiants hollandais, 28% des brestois.
L’item compassion ou une locution équivalente telle « pour soulager la souffrance » n’apparaît pas dans l’étude
hollandaise, mais il n’est pas non plus explicitement cité dans la définition qu’agrée la Commission d’ Etat sur
l’euthanasie des Pays Bas ; la prise en compte d’une souffrance insupportable et sans espoir de soulagement
est recommandée dans une bonne pratique de l’euthanasie.
Nous pouvons penser que la notion « d’acte intentionnel » est si évidente qu’elle n’est pas mentionnée par les
étudiants ou bien au contraire, sans référence explicite au cadre législatif quel qu’il soit, l’euthanasie devient
une action médicale banalisée dont seul le résultat est représenté. Il est préoccupant de constater que plus de
la moitié des étudiants, voire les 2/3 ne font pas référence à la demande du patient et confondent dans le
même vocable ce que serait une euthanasie volontaire et une euthanasie occulte.
De même, 25/68 (36,8%) des étudiants en médecine brestois perçoivent mal la distinction entre euthanasie et décisions thérapeutiques en fin de vie. Ils tentent alors de distinguer une euthanasie dite active d’une
euthanasie dite passive. Caralis et Hammond (2) dans une étude nord-américaine ont comparé les attitudes
d’étudiants en médecine (n=116), de médecins résidents (n=117) et de médecins seniors (n=127) vis à vis de
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
l’euthanasie. Respectivement 78,9%, 77,2% et 70,4% des sondés assimilent les décisions de ne pas engager
ou de retirer un traitement à une euthanasie passive. Davantage même, retirer un traitement est assimilé à une
euthanasie active par 36,3% des étudiants, 32,1% des résidents et encore 20,3% des seniors.
Une étude de Ramirez-Rivera (3) dont nous n’avons pu lire que le résumé, souligne que 50% des étudiants en
médecine de Porto-Rico ne pouvaient pas établir de différence entre euthanasie active et passive.
2 ETRE FAVORABLE À L’EUTHANASIE ET LA METTRE EN ACTE : UN DÉCALAGE.
Un peu plus de 13% des étudiants brestois opteraient pour l’euthanasie en réponse à une demande, 37% ne
savent pas ce qu’ils feraient ou ne se prononcent pas. Selon Ramirez-Rivera (3) 40% des étudiants en médecine et 20% des seniors agréent l’idée de l’euthanasie. Pour l’auteur l’acceptation de l’euthanasie est inversement proportionnelle à l’expérience clinique. Dans le résumé d’un travail norvégien (4) il apparaît que 36%
des étudiants en médecine sont favorables à l’euthanasie à un stade terminal de maladie alors qu’ils sont 71%
parmi les étudiants en droit et 62% en psychologie. Mais seulement 17% du total des étudiants réaliseraient
concrètement une euthanasie.
Caralis et Hammond (2) observent de manière similaire que si 26,3% des étudiants se disent ne pas être
troublés par l’euthanasie « active » et « passive », 7,1% feraient un acte euthanasique. Ils soumettent la
situation d’une jeune femme de 37 ans atteinte d’un cancer du sein multimétastasé, dans un état douloureux
rebelle, en échec de la thérapeutique adjuvante, qui demande une assistance à mourir après une tentative de
suicide. Dans ce cas, 28,9% des étudiants en médecine –32,2% des résidents, 27,9% des seniors, différence
non significative – administreraient des médicaments à des doses pouvant entraîner un arrêt cardiaque ou
respiratoire.
Nos résultats et ceux de la littérature feraient émerger l’estimation suivante : de 8 à 15% d’étudiants en
médecine légitimeraient l’euthanasie jusqu’à sa réalisation, et 1/3 seraient dans une position incertaine plus
influençable.
3 SEUL À DÉCIDER ?
Face à une demande d’euthanasie, les étudiants de Brest évoquent peu les relations avec d’autres intervenants.
A peine la moitié se réfèrent aux soins palliatifs, 28,3% prennent l’avis des proches, 18% débattent avec les
membres de l’équipe soignante. A partir de cas cliniques proposés, Caralis et Hammond (2) rapportent que les
étudiants comme les médecins prendraient des décisions thérapeutiques en concertation avec la famille alors
qu’ils ne leur soumettraient que beaucoup plus rarement le projet d’administrer un produit pouvant provoquer
une dépression respiratoire ou cardiaque.
Cela suggère soit que la décision d’euthanasie est du fait de sa radicalité difficile à partager, cause d’un
désarroi, soit que l’apprentissage du débat pluridisciplinaire est loin d’âtre intégré comme support de la
pratique décisionnelle.
CONCLUSION
Ces résultats nous amènent à discuter l’intérêt d’un l’enseignement des soins palliatifs tout au long du cursus
des études médicales alors qu’il est aujourd’hui inexistant ou limité à des séminaires ponctuels ou optionnels en
cours de 2ème cycle. Même si, comme à Brest, les étudiants acquièrent des connaissances théoriques en 3ème
année, l’absence de réactivation des apprentissages antérieurs et de la réflexion dans les stages hospitaliers
ne permet qu’ils les mobilisent et s’y réfèrent efficacement.
BIBLIOGRAPHIE
Muller M.T., Onwuteaka-Philipsen B.D., Kriegsman D.M.W., Van der Wal G. Voluntary active euthanasia and doctor-assisted suicide : knowledge and attitudes of Dutch medical students. Med Educ. 1996 ; 30(6) : 428-33
Caralis P.V., Hammond J.S. Attitudes of medical students, housestaff, and faculty physicians toward euthanasia and termination of life-sustaining treatment. Crit Care Med. 1992 ; 20(5) : 683-90
Ramirez-Rivera J., Rodriguez R. ., Otero Igaravidez Y. Attitudes toward euthanasia, assisted suicide and termination of
life-sustaining treatment of Puerto Rican medical students, medical residents, and faculty. Bol Assoc Med PR. 2000 ; 92(13) : 18-21
Schiolborg P. Student’s attitudes to acrive euthanasia. Tidsskr Nor Laegeforen. 1999 ; 119(17) : 2515-9
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LA DEMANDE D’EUTHANASIE EXPRIMÉE PAR LES PATIENTS. L’APPROCHE CLINIQUE
SELON L’EVIDENCE-BASED MEDICINE
DR P.VINANT.
Hôpital Cochin. Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Unité mobile de soins palliatifs.
OBJECTIF
Recenser et analyser le contenu des études cliniques abordant la question de la demande d’euthanasie et/ou
de suicide assisté exprimé par le patient.
MÉTHODE
La recherche bibliographique a été faite à partir de trois sources : base de données Medline de 1993 à
2003, revue « Progress in palliative care » (ensemble des résumés concernant les soins palliatifs à partir de
plus de 50 journaux internationaux depuis 1993), liste des références des articles identifiés. Seuls les articles
analysant des faits cliniques réels et non des situations hypothétiques (vignettes clinique) ont été analysés.
Les principales études concernant suicide et cancer ont été intégrées car servant de base à la réflexion dans
plusieurs travaux.
RÉSULTATS
68 articles ont été retenus. Différents contenus ont été identifiés : le lien entre demande d’euthanasie et la
phase d’évolution de la maladie, la prévalence du désir de mort et son évolution au cours du temps, la différence de prévalence entre désir de mort et demande d’euthanasie et /ou de suicide assistée, la notion de
sévérité dans la demande de mort, les facteurs associés à ces demandes : facteurs liés au patient, liés aux
professionnels de santé, l’émergence de recommandations sur la démarche clinique.
DISCUSSION
Plusieurs paramètres sont discutés, l’existence possible de biais en rapport avec l’idéologie sous-jacente des
auteurs, les raisons possibles à la variabilité des résultats selon les études (prévalence, facteurs associés), les
possibilités et difficultés d’objectiver des notions ressenties comme importante en pratique clinique.
CONCLUSION
A l’heure de l’EBM, malgré ses limites, il est crucial pour les cliniciens en Soins palliatifs de connaître ces études
et de pouvoir réaliser des études qualitatives à partir de nos expériences cliniques.
RÉFERENCES
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IMPACT D’UN VÉCU ANTÉRIEUR D’EUTHANASIE
SUR LA DEMANDE D’UNE FAMILLE
N.CARLIN - Cadre infirmier
EMSP - CHU de Grenoble
Nous avons dans notre expérience d’EMSP été confronté à deux situations, a priori opposée, où l’existence
passée d’un geste d’euthanasie a fortement influencé le vécu de fin de vie et orienté, dans une des situations,
une demande d’euthanasie, et dans l’autre, la crainte qu’un tel geste puisse se produire à nouveau.
La situation que nous rapporterons en premier, nous a mis face à des parents âgés, extrêmement inquiets de
la présence de l’EMSP auprès de leur fille atteinte d’un cancer très avancé. Très méfiants, ils exigeront de
savoir ce que nous faisons là, demandant même lors de la première rencontre quelles étaient mes convictions
religieuses. La mère raconte alors que sa première fille, aurait été euthanasiée bien des années plus tôt :
«Une de ces amies l’a emmené au centre anti-cancéreux car elle souffrait beaucoup et trois jours après elle
était morte». Plus tard elle dit «C’était sûrement mieux comme ça». La patiente, leur seconde fille, ancienne
infirmière, exerce quant à elle un contrôle sur tous les gestes des soignants, vérifiant les médicaments donnés
et leurs posologies. Son angoisse est toutefois teintée d’ambivalence: aux demandes d’assurance de nonacharnement qu’elle nous fait fréquemment, il faut toujours rajouter, pour qu’elle s’apaise enfin, que rien ne
sera fait pour hâter la mort. Ces sentiments, tel la résurgence d’un douloureux secret de famille, vont teinter
le climat de cette fin de vie d’une angoisse diffuse et d’une méfiance envers les soignants. Notre assurance
de rien faire pour prolonger, ni hâter ne calmera jamais cette inquiétude et ne permettra pas à un lien de
confiance de se recréer.
Nous ne savons pas si la fille aînée a effectivement reçu une injection létale, mais la certitude de la mère en a
fait une réalité dans l’histoire familiale.
La maladie de la fille cadette, fait rejouer à cette famille la scène première, dans toute l’ambivalence qui
a sans doute été à l’œuvre à cette époque, entre le souhait légitime que les souffrances prennent fin et l’impensable de souhaiter la mort de son enfant ou de sa sœur L’évènement initial rationalisé durant de longues
années « c’était sûrement mieux comme ça », ne peut empêcher la douleur de la perte, l’impuissance et la
colère envers des soignants qui peuvent, «comme ça», vous enlever la vie, sans rien en dire.
Dans la seconde situation une belle-fille exige avec force, lors de notre première rencontre avec la famille (la
femme, trois des cinq fils, la petite-fille aide-soignante, et deux belles- filles) l’euthanasie pour son beau-père.
Aucun des membres présents n’élève de protestations, et tous pensent que cette fin de vie est insupportable
pour le patient. Ce dernier est atteint d’un cancer ORL, très invalidant et douloureux, et aurait manifesté à
plusieurs reprises sa colère et son refus d’une autre opération envisagée par le chirurgien.
La belle-fille argumente que des médecins ont accédé à sa demande pour son propre père quelques mois
auparavant et que « cela c‘est très bien passé ». Elle ne “comprend pas que ce qui est accepté pour l’un soit
refusé pour un autre”. Nous nous positionnons fermement contre un geste euthanasique, mais nous nous engageons à soulager au mieux le patient et à accepter son refus de soins. Cette position semble convenir au reste
de la famille qui rejète alors l’idée de hâter volontairement la mort, et chacun au fil du temps va trouver sa
place dans cet accompagnement qui sera long et difficile. En particulier un des fils, qui nouera une relation
forte avec ce père patriarche et parlera d’une véritable transmission.
La belle-fille persistera régulièrement dans sa demande, nous relatant même, quelques jours avant le décès du
patient, une seconde euthanasie dans sa famille faite quelques jours auparavant dans un autre hôpital.
94
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
DISCUSSION
Si la première situation, fait référence à une époque où des gestes euthanasiques étaient pratiqués à l’insu de
la famille et du patient, la seconde situation, elle risque de se présenter plus souvent dans le futur - avec des
exigences d’entourage ou de patients qui ne savent plus où se situe la loi.
Il est à remarquer combien la conviction forte d’un individu, lorsqu’elle est appuyée sur des opinions fortement
médiatisées, peut faire taire toute une famille - dont les membres ne savent plus alors quand ils sont “bons” ou
“mauvais” parents. C’est notre position ferme, qui a permis à la conjointe du patient et à ses fils, d’oser faire
entendre une autre conception de la vie et de l’accompagnement de fin de vie que celle préconisée par la
belle-fille.
Nous nous demandons encore, ce que serait devenue la cohésion de cette famille s’il c’était trouvé un médecin
pour accéder à la demande dominante de la belle-fille, faite apparemment avec l’aval muet de tous ?
Nous n’avons jamais pu savoir qu’elle était la position exacte du patient face à une demande d’euthanasie
vraie. D’origine étrangère et très handicapé par son cancer, il était très difficile de le comprendre. Son visage
exprimait souvent une intensité proche de la colère, mais ce qui le plus interrogé sa famille et les soignants a
été son incroyable résistance “à tenir”.
Ce que nous apprennent ces situations, c’est la force d’un évènement premier d’euthanasie dans l’histoire d’une
famille et de ces membres et de son influence dans le vécu des fins de vie qui suivront dans l’histoire de cette
famille. Il n’est pas nécessaire que l’acte ait eu lieu effectivement pour qu’il vienne alimenter la culpabilité de
la mort souhaitée pour l’autre et constituer une réalité qui prend va sens.
La culpabilité refoulée d’un tel acte, acte sollicité devant la souffrance de l’autre, semble chercher à s’atténuer
par la répétition pour un autre membre de la famille: il s’agirait plus d’une ré-assurance que “c’était bien
agir que faire cela” puisque cela se reproduit, plutôt que la recherche d’une banalisation de la transgression
première. Mais cela peut se discuter.
Ce que l’on peut remarquer dans les situations relatées, c’est la modification du lien de confiance dans la
relation soigné - soignant. Le “pacte de soin” cher à Ricœur, n’est plus tout à fait sûr et à jamais, puisqu’une
transgression a eu lieu, un jour, même si celle-ci a été appelée des vœux de tous.
Dans une société et une culture qui isole la mort et les mourants, on en vient à considérer l’acte d’euthanasie,
comme un acte personnel, qui ne concernerait que le patient et sa volonté d’en finir. La mort d’une personne,
c’est finalement plus que sa mort: elle agit comme modèle pour les morts à venir, elle clôt l’histoire de cette
personne et inscrit une trace, noue un lien parfois invisible dans histoire des autres.
Ainsi il conviendrait d’appréhender l’euthanasie non comme « une affaire » qui ne concerne que le patient
dans le présent de l’acte et du mourir, mais comme un évènement qui inscrit une empreinte ineffaçable dans
l’histoire familiale, et du lien de chacun avec le monde du soin.
95
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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COMMENT AIDER UNE PERSONNE CHARGÉE D’UNE MISSION D’EUTHANASIE ?
JOUSSELLIN C., VANDEWÈGHE J-C.
Equipe Mobile de Soins Palliatifs, Centre Hospitalier de Seclin (59)
INTRODUCTION
Comment répondre à une personne qui nous demande de l’aide, alors qu’elle est investie par un parent gravement malade d’une mission d’euthanasie ?
Une patiente réclame la mort et charge sa fille d’agir.
Pour ce faire, un médecin travaillant en Soins Palliatifs est sollicité pour apporter des conseils.
Comment répondre à une telle demande ?
CAS CLINIQUE
Madame M., âgée de 78 ans, vient de subir un accident vasculaire cérébrale entraînant une hémiplégie importante avec paralysie faciale et troubles de la déglutition.
Cela fait plus de vingt ans que cette femme a perdu beaucoup d’autonomie en raison d’une Polyarthrite Rhumatoïde sévère. Une bonne prise en charge n’a pas empêché la confrontation épuisante de douleurs au long
cours et l’installation d’un handicap majeur.
Dans ce contexte d’affections graves qui ne sont pas potentiellement mortelles, alors hospitalisée, Madame
M. demande très clairement tous les jours à sa fille d’agir : « fais moi partir, tu me l’avais promis, le Docteur X
aussi, appelle le ! ».
Depuis longtemps la malade avait écrit un « testament de vie » dans le sens d’une euthanasie et en avait
informé son entourage.
Son médecin généraliste, le Docteur X, refuse d’apporter son soutien.
Lors de l’hospitalisation, Madame M. est alimentée à l’aide d’une sonde naso-gastrique. La fille n’ose pas
parler au médecin hospitalier de peur d’une réaction négative de sa part empêchant l’euthanasie de sa mère.
Les quelques allusions, sur l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie, auprès du médecin du service ne sont
pas encourageantes.
Pour tenir sa promesse la fille de Madame M. doit organiser un retour à domicile.
Une euthanasie n’est pas possible à l’hôpital.
Le retour à la maison se fait au bout de six semaines d’hospitalisation. La patiente a nettement moins de troubles de la déglutition, la sonde naso-gastrique est retirée. Malgré cela Madame M. a perdu toute autonomie,
aucune autre amélioration n’est significative, elle réclame toujours quotidiennement à sa fille de la tuer alors
qu’elle accepte en même temps une alimentation per os.
Non soutenue et souhaitant fermement tenir une promesse, sa fille contacte par téléphone son ex médecin
généraliste devenu médecin hospitalier en soins palliatifs : « je sais que vous êtes contre, mais j’ai besoin de
conseils ».
S’engage alors des rencontres hebdomadaires, téléphoniques ou dans un lieu public.
Ces échanges permettent à la fille de prendre un temps de réflexion, de penser : quel rôle lui fait tenir sa
mère ? Que signifie ce geste dans leur histoire commune ? Comment dire au revoir et perdre sa mère dans de
telles conditions ? (1).
Ces échanges permettent au médecin des soins palliatifs de se confronter à des questions pratiques pour le
moins inhabituelles. Par exemple, alors que la fille de la malade le tient au courant de la constitution progressive
et clandestine d’un stock de morphine : « Docteur, quelle est la dose mortelle de morphine en une seule prise ? ».
96
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
RÉSULTAT
750mg de morphine à libération prolongée sont données en une seule prise alors que la patiente est native
de morphine. 36 heures plus tard… la patiente réclame son petit déjeuner.
L’après-midi de ce même jour, sa fille est alertée par les manifestations d’une détresse respiratoire de sa mère
dans la pièce voisine. Sous le regard de sa fille qui reste alors immobile, Madame M. meurt rapidement d’une
fausse route en buvant un verre d’eau. La fille est revue à la suite du « passage à l’acte ». Des conseils de suivi
psychologique sont proposés.
DISCUSSION
A la suite de cette expérience nous retenons :
1. Nous avons accueilli cet appel,
o qui a pour objectif :
 de tenir une promesse,
 d’euthanasier un parent malade.
o mais qui marque aussi :
 une souffrance,
 une confiance.
« S’autoriser à émettre un cri, c’est pressentir que quelqu’un veillera à le recueillir… » dit Martine Ruszniewski
dans son livre face à la maladie grave(2).
2. Nous avons maintenu un espace et un temps de réflexion par des contacts très réguliers.
3. Nous avons demandé au sujet d’arrêter son geste, au moins temporairement, pour lui permettre de penser
4. Nous n’avons jamais menti afin de ne pas trahir face à une telle marque de confiance.
5. Pour autant, cette attitude est très difficile à tenir. Mais cela a été possible par l’évocation régulière au
cours des échanges :
 de nos difficultés personnelles à répondre aux questions,
 de notre point de vue opposé à une telle démarche.
Ainsi, il s’est installé une certaine « distance » et une « pudeur » dans un grand respect mutuel.
Cela nous a permis de tenir.
CONCLUSION
Le geste euthanasique exécuté, la « tâche accomplie », de nombreuses question émergent :
 le médecin a-t-il été témoin ou complice ?
 faut-il ne pas répondre à un tel appel ?
 faut-il répondre différemment et comment ?
 que signifie manger et réclamer la mort en même temps ?
Nous devons en débattre.
Pour notre part il nous semblait impossible de ne pas répondre à un tel appel. Nous n’avons pas empêché
l’euthanasie mais nous espérons avoir contribué à apaiser quelques souffrances auprès de la fille de la patiente ? Enfin, pour diminuer le poids d’une telle histoire sur les épaules, nous devons tenter de la « déposer »
quelque part. C’est ce que nous venons de faire, ici et maintenant. Merci de permettre cela.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
QUELLE PHILOSOPHIE DE LA MORT POUR LA SFAP ?
J. CECCALDI
Groupe de Réflexion pour l’Accompagnement et les Soins Palliatifs en Hémato-Oncologie
« Philosophie » : tel est l’intitulé d’un des chapitres du document de présentation de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP). Il est assorti d’un sous-titre en forme de devise : « Une éthique :
accompagner et soigner ensemble ».
Ce texte indique que la mort du malade est considérée comme un « processus normal ». Cette assertion figure
également dans le préambule des statuts de la SFAP auquel tous les membres de l’association donnent explicitement leur adhésion. Depuis la création de la société en 1990, l’écriture de ce préambule et de ce chapitre
a été plusieurs fois modifiée et ratifiée en assemblée générale, au gré de l’évolution du champ et de la perception des soins palliatifs. A notre connaissance, l’assertion qui retient ici notre attention a fait l’objet de deux
formulations : l’une, citée ci-dessus, a eu cours jusqu’en 1996, puis a connu une éclipse au moins jusqu’en 2000
pour réapparaître à l’identique sur les documents actuels ; l’autre, qui considère la mort comme un « processus
naturel », a été utilisée pendant la parenthèse.
Nous aimerions saisir l’occasion de ce congrès centré sur la mort non pas naturelle ni normale, mais « désirée », pour réfléchir ensemble sur les raisons de ces modifications, les soucis auxquels elles répondent, pour
évaluer la vertu fédératrice et la force mobilisatrice d’un énoncé explicite sur un thème comme la mort.
Tout d’abord, considérer la mort comme un « processus », n’est-ce pas céder à la tentation de la réduire à un
mécanisme en l’amputant de toute signification, accréditant ainsi une vision scientifique pure et dure que l’approche palliative a pourtant vocation de contester dans sa propension hégémonique dans le champ du soin ?
Poursuivons en proposant une analyse rapide des concepts philosophiques de nature et de norme.
LA MORT COMME PROCESSUS NATUREL
On a pu parler pour nature de concept spéculaire. Telle un miroir en effet, son contenu de sens a varié en
fonction du vis-à-vis choisi pour être placé en face d’elle. Ce qui pourrait nous conduire à décrire autant de
couples conceptuels qu’il s’est trouvé de partenaires pour lui être associés dans l’histoire des idées. Ainsi, nature (humaine) et grâce (divine) sont mises en opposition ou en complémentarité selon que l’on s’affiche protestant ou catholique au temps de la Réforme. Quand David Hume le sceptique distingue la religion naturelle
de la religion révélée —qui s’élabore sur l’évènement surnaturel d’une révélation outrepassant la raison—,
c’est à la raison qu’il associe la nature pour penser le divin. Tandis que Kant, lorsqu’il oppose en l’homme sa
nature à sa liberté, met les sentiments —et de façon plus générale tout ce qui résiste au devoir moral— du
côté de la première, et la raison du côté de la seconde pour fonder les choix éthiques sur le principe de non
contradiction. En accouplant nature et culture, l’anthropologue pourra faire la part entre ce qui rapproche et
ce qui distingue l’animal de l’humain : les tourterelles s’accouplent, les tourtereaux vont se marier, la chatte met
bas quand la femme met au monde, le renard a sa fourrure, son terrier et ses mœurs, l’homme ses habits, son
habitation et ses habitudes. Et la mort de l’humain ? Loin d’être pure et simple disparition …dans la nature,
elle est tellement liée à la culture que la moindre trace de rite funéraire suffit aux archéologues pour repérer
et reconnaître l’homme dans leurs fouilles.
Pour Aristote, nature (physis) renvoie non à des abstractions comme une figure géométrique ou un chiffre, mais
toujours à des réalités concrètes dans leur évolution spontanée, i.e. dans les mouvements et changements qui
les affectent indépendamment de toute intervention humaine. Sur cette base, nature peut s’opposer à artifice.
Ce qui conduit à la technique comme entreprise humaine, consciente et rationnelle, pour d’abord s’insérer dans,
mieux vivre avec, s’adapter à, puis utiliser, exploiter, « arraisonner », adapter cette nature : la modification
des formes verbales, la transformation de nature en complément d’objet direct ne sont-ils pas l’indice d’un
changement beaucoup plus radical dans le rapport de l’homme à cette nature — y compris la sienne— au
fur et à mesure des avancées toujours plus hardies de la techno science biomédicale ? Focalisons sur notre
rapport à la mort : nous glissons de l’euthanasie comme constat d’une fin paisible à l’euthanasie comme action
consistant à arrêter une vie estimée invivable. Notre frénésie de maîtrise nous fait passer de la mort spontanée
et naturelle à la mort décidée, imposée dans ses modalités, voire provoquée.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Quand le médecin atteste sur son certificat que telle personne est décédée de « mort naturelle », c’est pour
indiquer qu’il n’y a eu ni suicide, ni meurtre, ni accident ; bref, qu’aucune intervention humaine n’est la cause
du décès, ce qui nous rapproche de la vision aristotélicienne. Mais avec la médicalisation quasi systématique
et de plus en plus poussée de la fin de vie, cette frontière conceptuellement nette entre mort naturelle et mort
provoquée tend à s’estomper dans le quotidien des soignants et dans la perception des « usagers » : dira-t-on
de celui qui est parti au terme d’une sédation programmée, ou après avoir été « débranché » —donc forcément « sédaté »— qu’il est mort, ou qu’on l’a tué ? La réponse, s’il y en a une, est dans l’intention des soignants
concernés, donc dans leur parole, ce genre de décision étant en règle mûrie en équipe. Mais là encore, le
risque existe de dériver du « nous » comme ensemble de sujets conscients et engagés personnellement dans
leur choix au « on, qui n’est personne de déterminé et qui est tout le monde, bien qu’il ne soit pas la somme de
tous »1 . Quel poids et quelle signification éthiques pour une intention qui s’inscrit dans une décision collective ?
LA MORT COMME PROCESSUS NORMAL
« Norme » partage avec « nature » une grande souplesse sémantique. Georges Canguilhem montre dans
une étude résumant et actualisant sa thèse sur « le normal et le pathologique » que «le terme de normal n’a
aucun sens proprement absolu ou essentiel »2. On peut l’opposer à exceptionnel, extraordinaire, singulier, et
l’associer à habituel, ordinaire, régulier, moyen, quand on veut mettre l’accent sur sa composante quantitative,
sa dimension statistique, identifiant la norme à la fréquence. On peut l’opposer à pathologique, fou, bizarre,
étrange, anormal, monstrueux, et le rapprocher de sain, équilibré, logique, familier, quand on veut pointer
son versant qualitatif, son côté existentiel, fonctionnel et ressenti. Le porteur sain d’une anomalie génétique
caractérisée, mais sans incidence sur sa qualité de vie, sera anormal selon la première acception et normal
au regard de la seconde. A l’inverse, tel qui souffre et consulte vainement pour sa « pathologie fonctionnelle
» sera normal quant aux examens subis —donc selon le premier ordre de significations—, et anormal selon
le deuxième.
Dans le champ social et juridique, voire éthique, la norme peut être vue positivement, comme repère pour
orienter les choix, étalon pour garantir la sécurité, référence à laquelle chacun est appelé à se conformer
pour le bien de tous ; ou négativement, comme moyen de régulation, bras de levier pour faire rentrer dans
le rang celui qui n’est pas politiquement correct. Ainsi, l’entrée de leurs chars à Prague au printemps de 1968
a pu être appelée « normalisation » par les Russes qui l’ont perpétrée, eux qui édictaient leur norme depuis
Moscou et (ab)usaient de leur pouvoir pour la faire respecter.
En considérant la mort comme normale, on s’inscrit bien dans le premier sens, statistique, du mot : chacun
sait bien, en effet, au moins depuis les sophistes et leur syllogisme, que « tout homme est mortel ». Quant au
deuxième ordre de significations, la médicalisation croissante de la fin de vie peut conduire à voir la mort
comme anormale, même au terme d’une vie « rassasiée de jours ». De là à confondre mort normale et mort
médicalement correcte, mort normée et mort médicalement corrigée, voire « administrée » par le « système
technicien » cher à J. Ellul, il n’y a plus que la distance qui sépare la norma normata de la norma normans,
qui va de la norme/référence à la norme/régulation, dans un contexte où le rapport de forces penche du
côté médical. Finalement, que ce soit par glissement d’une mort naturelle vers une fin imposée, ou par dérive
d’une mort normale vers une fin administrée, n’est-ce pas toujours le pouvoir technico-médical que l’on retrouve
à l’arrivée, revêtu ou non du manteau —pallium— propre à voiler ce que cette mort gardera toujours de
sauvage, d’étranger, d’éminemment personnel, malgré tous nos efforts pour l’apprivoiser, la naturaliser, la
normaliser ?
Avec l’avènement de la science moderne et de son bras armé par la technique, savoir équivaut à pouvoir,
fatalisme et résignation ne sont plus de mise face à la nature et à ses frasques : l’heure est à la maîtrise de la
maladie, voire de la mort, grâce à la médecine à qui la société délègue désormais l’entretien, la réparation
et l’éventuelle amélioration de chacune des phases de notre vie corporelle, du début à la fin. Jadis naturelle,
spontanée, désormais médicalisée, la mort nous apparaît comme imposée dans ses modalités par un « système technicien » qui tend à en fixer les normes pour chacun. D’où les cris de révolte, au nom d’une autonomie
individuelle et d’une dignité qui rime avec liberté : « Rendez-nous notre mort ! » ou encore : « Ne laissons
1 Martin Heidegger, Etre et temps, Paris, Gallimard, §27.
2 Georges Canguilhem, La connaissance de la vie, Paris, Vrin, 1985, p.161.
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pas notre mort livrée à l’arbitraire des médecins ! », voire : « Puisque notre mort nous est désormais imposée,
confisquée, autant la provoquer ! »
Nous-mêmes, qui considérons « la mort comme un processus normal » et qui faisons partie de ce système technicien, ne sommes-nous pas aussi visés par ces réactions indignées ? Tout en continuant à récuser l’euthanasie
au motif que la vie ne nous appartient pas, le temps n’est-il pas venu de préciser aussi que la mort ne nous
appartient pas davantage, et d’en décliner toutes les conséquences, en particulier dans notre rapport à la
technique —donc au pouvoir— pour mettre en œuvre chaque jour la démarche palliative ? Face au pouvoir
de fait des médecins et du système de santé, le citoyen est en effet tenté de s’appuyer sur un pouvoir de droit,
ce qui le conduit à envisager, souhaiter, voire revendiquer la légalisation de l’euthanasie.
Résister aux tentations de la maîtrise et favoriser davantage la participation active des personnes, des familles et de la société dans son ensemble aux décisions et aux enjeux des derniers instants, c’est peut-être
éviter qu’une loi ne vienne mettre tout le monde d’accord en instaurant finalement l’euthanasie —fruit amer
de la course au pouvoir absolu sur la vie, sur la mort et sur la souffrance— comme droit des usagers et comme
acte médical routinier.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
« POURQUOI UN GLOSSAIRE ? »
K. BREHAUX
Doctorante à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris
Partant de la réalité d’un flou définitionnel de ce qu’est l’euthanasie pour l’opinion publique, des difficultés
du monde soignant face aux demandes d’euthanasie ; une équipe pluridisciplinaire (juristes, philosophes, psychanalystes, anthropologue, psychologues et professionnels de la santé) fut formée au sein de la SFAP afin
d’élaborer un glossaire et tenter de répondre à ces incertitudes.
Pourquoi avoir retenu cette idée et non une autre ?
L’idée d’un glossaire comprenant plusieurs définitions des concepts employés (qu’est-ce que l’argument du
double-effet, l’obstination déraisonnable, l’autonomie..) nous a paru vraiment
judicieuse. Il ne s’agit pas de parvenir à un consensus en se limitant à une définition par concept. Seule une
pluralité de définitions par concept peut contenter toutes les positions et respecter la subjectivité de chacun.
La finalité de ce glossaire est de devenir un outil de réflexion à l’usage des soignants devant faire face à une
demande d’euthanasie .
La méthodologie mise en place fut la suivante : élaborer un premier guide de réflexion et le soumettre à plusieurs équipes de soins palliatifs. Les réponses et les critiques données , nous ont permis d’ordonner ce glossaire
et d’apporter une partie supplémentaire sur les droits individuels : la santé, le soin, la dignité, l’autonomie,
le consentement éclairé , les traitements curatifs, les soins palliatifs, les soins de support, l’arrêt des soins, la
limitation et l’arrêt des traitements, l’obstination déraisonnable, le suicide médicalement assisté, la phase terminale l’agonie.
Ce classement est soumis volontairement à la discussion, qui permettra en retour de l’enrichir et de l’adapter
à la réalité sociale. Seule son utilisation par les soignants nous révélera s’il est devenu oui ou non un outil de
réflexion.
Suite à la demande du Conseil Scientifique de la SFAP, nous avons rédigé deux versions de ce glossaire accompagné du guide « Face à une demande d’euthanasie », l’une plutôt courte, et l’autre plus longue. Nous avons
respecté nos choix initiaux dans la mise en place des concepts abordés, le glossaire dans ces deux versions
conserve son sens initial, une aide méthodologique à l’usage des soignants. Sous ses deux formes, le glossaire
ne donne pas une mais plusieurs définitions de l’euthanasie :
définition 1 : l’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre un
terme à une situation jugée insupportable » (celle du CCNE avis numéro 63 du 27 janvier 2000).
définition 2 : l’euthanasie est l’acte délibéré de donner la mort à un patient, à sa demande réitérée (celle de
Dominique Dinnematin : Jalmalv numéro 64, numéro 61).
définition 3 : l’administration délibérée de substances létales dans l’intention de provoquer l mort, à la demande de la personne qui désire mourir, ou sans son consentement, sur décision d’un proche ou du corps médical
(celle du Sénat.fr/lc/lc42/42.htlm).
définition 4 : l’acte qui consiste à administrer volontairement à un malade, à un handicapé ou à un blessé
incurables, dans le but d’abréger la durée de leur souffrance, une drogue ou un produit toxique qui met rapidement fin à leur vie (celle du Professeur René Schaerer, Jalmav, numéro 13, décembre 1998).
définition 5 : l’euthanasie consiste dans le fait de donner sciemment et volontairement la mort ; est euthanasique le geste ou l’omission qui provoque délibérément la mort du patient dans le but de mettre fin à ses souffrances (celle de Patrick Verspieren, Face à celui qui meurt, DDB, p 143) »1 Cette démarche éthique répond à
certains impératifs que nous nous sommes fixés : respecter les positions altruistes, répondre au monde soignant
mais aussi aux membres de notre société, respecter la complexité fondamentalement humaine de la notion
d’euthanasie, autrefois nommée « bonne mort ». Complexité si difficile à cerner que la solution réside peutêtre dans son évitement, comme le souligne à juste titre Marie de Hennezel dans son rapport: « Notre première
proposition, écrit-elle, sera d’éviter ce terme d’ « euthanasie » qui sème la confusion puisqu’il recouvre des
réalités différentes qu’il importe absolument de distinguer.
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
l’abstention, la limitation ou l’arrêt de thérapeutiques actives (qui concernent les réanimateurs, les urgentistes, mais aussi les soins palliatifs) ;
 le soulagement des symptômes (douleurs, dyspnées, angoisse) ;
 l’arrêt délibéré de la vie.
Ces trois pratiques de fin de vie peuvent entraîner la mort, mais ce n’est pas une raison pour les confondre. » 2
Il reste tout du moins difficile de s’abstraire et d’éradiquer ce concept si lourd de sens, et parfois si confus pour
les esprits dans ses équivalents (qu’est-ce que l’euthanasie passive ? l’euthanasie involontaire, l’euthanasie «
non volontaire » etc.…).
Alors que faire, si ce n’est justement d’essayer de clarifier cet ensemble conceptuel, formalisé dans nos pratiques ? C’est là tout l’enjeu de ce glossaire en tant qu’outil de réflexion commun.
Définir ensemble ce qu’est l’euthanasie et ses dérivés permet d’ouvrir le débat social, et d’argumenter en
faveur ou non d’un droit à mourir, d’une modification ou non de la loi.
Comme le note Jacques Ricot : « En réalité, les propositions de clarification énoncées en 1977 par Patrick
Verspieren ont fini par rencontrer un écho. Ainsi, la nécessité d’abandonner le syntagme malencontreusement
formé d’euthanasie passive, ou à tout le moins d’établir une différence de nature, descriptive et éthique, entre
le faire mourir (euthanasie active) et le laisser mourir (euthanasie passive) progresse désormais aussi bien chez
les adversaires d’une légalisation de l’euthanasie que chez ses partisans ».3
Ce travail de définitions est le premier pas vers la résolution d’un dissenssus plus que naturel, puisque touchant
la condition humaine, l’approche de la fin de vie, le respect de la dignité humaine. Clarifier le concept d’euthanasie, ne peut aboutir sans l’exposition et le dévoilement des rapports de l’individu à autrui, aux fondements
de l’éthique médicale. Aussi une partie sur les droits de la personne est venue se greffer à ce corpus.
Il semble alors naturel de privilégier une approche pluraliste, de respecter les différents points de vues, les
multiples formes de sentiments d’appartenances à une société (d’où les multiples
facettes de la dignité4), de donner plusieurs définitions plutôt qu’une, d’essayer de trouver une base d’entente
commune, de créer un espace public au sens Habermassien5.
1 Groupe de réflexion sur l’euthanasie, SFAP : Monique ACHARD, Pierre BASSET, Dominique BLET, Karine BREHAUX, MarieLaure CADART, Françoise CORLE, Yves DELOMIER, Thérèse DHOMONT, Brigitte JAMMES, Marie-Thérèse LEBLANC-BRIOT,
Pierre MOREL, Mireille PERINEAU-CASALS, Catherine PERROTIN, Colette PEYRARD, Jacques RICOT, Pascale VINANT.
2 rapport sur Fin de vie et accompagnement remis au Ministre de la Santé le 3 octobre 2003,
3 Jacques Ricot : Euthanasie, savoir de quoi l’on parle, Postface, revue Laennec , Paris, 2004
4 voir sur ce point Jacques Ricot : dignité et euthanasie, aux éditons Pleins Feux, Paris, 2003.
5 Habermas Jürgen : Morale et communication, Flammarion, Paris, 1999.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EUTHANASIE : UNE PAROLE EN TENSION D’UNE ÉTHIQUE INSTRUMENTALE…
CANNONE P, DUDOIT E, DUFFAUD F, SALAS S, MERCIER C, FAVRE R,
Service d’oncologie médicale CHU Timone Adultes Marseille.
L’Euthanasie est le lieu de préoccupations passionnées voire passionnelles de l’opinion publique, notamment
depuis l’ouvrage de Vincent Humbert « Je vous demande le droit de mourir », qui ne cesse de chahuter les acteurs des soins palliatifs. Il n’en demeure pas moins une impasse pour les politiques avec cette fameuse question
du « vide » juridique sur ce sujet épineux à la rencontre d’une réflexion éthique, psychologique, philosophique,
médicale et juridique dans le champs de la santé.
Comment pourrait-il en être autrement quand les médias, nous donnent à entendre l’insupportable de situations extrêmes, quand certains de nos homologues Européens légalisent de telles pratiques.
Quelle est la position éthique à adopter s’il en existe une, qui puisse permettre à nos pensées de sortir des
sables mouvants de la passion ? Comme le rappelle Roland Gori, « se dire passionné, c’est faire l’aveu, sans
trop le savoir, de sa disposition pour la bafouer ».
Parler d’éthique, ce n’est pas faire « consensus » comme le rappelle Alain Badiou , ce n’est pas un code ou protocole de bonnes pratiques, c’est avant tout en sciences humaines , le respect de l’être humain et une réflexion
à ce sujet. Ainsi, une médecine amoureuse des conduites à tenir et des recommandations se range du côté de
la pensée unique et de l’évitement du penser comme la marque du soignant moderne. A cela, nous préconisons
une réflexion centrée sur le sujet, un retour au colloque singulier comme socle de l’humain en médecine, intégrant la maladie du patient à la maladie du médecin.
Nos cas de conscience en tant que soignant, en croire les médias et les familles de patients, se retrouvent dans
les services de réanimations avec l’arrêt ou non des machines qui maintiennent la vie, ou lorsqu’une pathologie
très invalidante, tétraplégie par exemple, n’entraîne pas un risque létal. Ce sont des situations extrêmes qui,
au nom d’une peur collective, au nom de la dignité de la personne, nous amènent sur la question de l’euthanasie. Une loi serait alors le garant d’une tentative de maîtrise et d’emprise de quelque chose de sa propre
mort ou de son devenir, et une porte ouverte à toutes dérives, bafouant de fait, nos principes immuables de la
condition humaine, la valeur de la vie.
Notre expérience nous montre que la « mort » n’est pas un acte opposé à la vie, mais bien quelque chose qui
a avoir avec l’être, la condition même d’être humain. A l’instant de l’éloge de la dépression faite par Fédida,
nous pensons qu’il faille accepter le fait « mortel ». La dignité de l’être se trouve aussi dans cet accomplissement, sachant que ce qui par endroit relève d’un abandon du patient aura ailleurs allure d’acharnement
thérapeutique ; ce qui par endroit relève d’un discours sur la mort, ne signe pas à priori un désir de mourir et
encore moins un geste létal de la part d’autrui en réponse.
Nous ne saurions mettre l’histoire singulière d’un sujet en Loi, décrets ou autre, sinon dans un mouvement de
démission de la raison, celle de la conscience individuelle. Il est bien évident qu’il est nécessaire que quelques
« garde fous » puissent exister au niveau de la pensée collective, mais cela ne nous dispense pas de l’usage
de celle-ci au quotidien de nos pratiques…
Si l’on porte « réflexion » sur la mort, on peut se demander si elle peut être un objet pensable, c’est à dire,
si l’on peut en dire quelque chose en dehors des opinions, des faisceaux de croyance. Comme nous le rappelle Bachelard, l’opinion ne pense pas ou du moins, elle pense mal, elle traduit uniquement des besoins en
connaissance. D’après lui, elle s’oppose en cela à la science qui, avant tout, est le fait de savoir poser des
problèmes. En conséquence, il nous faut reconnaître la mort pour impensable et reconnaître que seul demeure
le fait d’exister.
Rappelons nous les dires de M. Heiddeger , « Mourir n’est pas un événement ; c’est un phénomène à comprendre existentiellement ». La mort de l’autre restera toujours hermétique à ma
mort. Lorsqu’un patient meurt, c’est il, ou tu, suivant la relation, mais en aucun cas : « je ». Ainsi, humblement, il nous faut renoncer au savoir tout-puissant et reconnaître que l’autre nous appelle en
un lieu où il substituerait bien son « je » avec le « nôtre » et d’où nous ne pouvons que lui dire : « tu ».
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Nous sommes toujours surpris de constater que les soignants butent sur le mensonge et la vérité, interpellant
avec une logique argumentative : « Faut-il dire ou non à un patient qu’il va mourir... être suivi désormais en
soins palliatifs... », à la recherche de recommandations de bonnes conduites.
Là, où normalement il y a du flou, de l’originalité, aux alentours d’un mot, d’un discours, d’une demande... en
raison des codes et des règles, il ne reste plus que statuts fixes, définitions. Ainsi, en voulant éclairer, discerner,
éviter l’erreur de la mécompréhension, on en est venu à supprimer ce flou qu’ont les mots, leur champ sémantique et par là même, on leur a supprimé leur pouvoir vital.
L’acte de parole, est ce par qui des éléments de notre histoire est remis en travail, en élaboration. C’est parce
que nous traversons par le langage et qu’en même temps nous le remanions, que quelque chose « d’autre »
peut advenir. Et comme le dit Michel Foucault, « commenter suppose… que ce non parlé dort dans la parole,
et que par une surabondance propice ou signifiante, on peut en l’interrogeant, faire parler un contenu qui
n’est pas explicitement signifié ». Soigner c’est, comme le dit Canguilhem, “faire une expérience”, alors nous
sommes assignés de prendre en considération par une casuistique, une logique du cas par cas, nos rencontres
avec le sujet souffrant, en se souvenant que « Penser l’homme en crise, c’est le penser comme un système vivant
en organisation, désorganisation et réorganisation permanentes (Kaes) ».
Nous, soignants, sommes à bien des moments de crise et la demande d’euthanasie en est une, pris entre deux
éthiques, une éthique de situation et une éthique déontologique.
Pour définir l’éthique, Alain Lercher la distingue de la morale, “ la morale serait plutôt un ensemble de prescriptions destinées à assurer une vie en commun juste et harmonieuse. Par exemple : il ne faut pas tuer... il
ne faut pas voler... L’éthique serait plutôt la réflexion sur les raisons de désirer la justice et l’harmonie et les
moyens d’y parvenir. Par exemple, on y examine des questions comme : qu’est-ce que le bien... qu’est-ce qu’un
devoir...”
Cette définition qui indique une opposition entre morale et éthique, permet d’éviter la passion du débat actuel
sur l’euthanasie. En effet, les pratiques médicales, en prescrivant ce qu’il est autorisé ou interdit de faire, même
sur le mode du conseil, apparente la réflexion éthique à une morale. Sachant qu’une confrontation de plusieurs
morales n’a jamais fait une éthique, la différence entre éthique et morale serait le garant de la réflexion, faute
de quoi l’éthique risque fort de désigner une morale faussement consensuelle.
L’éthique de situation est soumise à sa conscience propre, entraînant les dérives du héros, dérives parce que
finalement... de quoi sommes-nous assurés ? Echapper aux instances du Bien et du Mal, au jugement à priori,
n’est pas chose si aisée. Que savons-nous de ce qui nous meut ? Le temps nous montre bien, qu’en fait, d’autres
trames que celles de la raison étendent souvent leurs filets au cœur même de l’argumentation logique. Comme
le disait Freud, “ La raison n’est pas maîtresse en sa demeure “. Alors, au nom de quoi ?
L’éthique déontologique est plus proche des codes et des lois. Elle soumet une personne à respecter et à approuver les règles d’un collectif auquel elle appartient. L’institution, comme nous le dit Kaës, institue le sujet au
cœur de son organisation. Ainsi, l’éthique déontologique permet de sauvegarder à la fois le praticien et le
patient, par un ordre, un code, évitant le chaos. Elle permet des prises de positions rapides, une référence en
cas de faillite de la pensée, une sorte de pare-excitation théoriquement modulable.
Mais, si l’on n’y prend garde, elle peut aussi devenir dogme, voire arrêter la pensée et conduire tout droit à
une morale dont on ne sait plus très bien à quoi elle réfère.
Les médecins soumis au serment d’Hippocrate, ont fort à faire pour se risquer à passer outre certains points de
ce que l’on appelle l’éthique déontologique, alors que pourtant la situation l’exigerait. Le psychologue n’est
pas mieux loti lorsqu’il travaille en institution. Il se situe dans cet entre-deux qui ne manque pas de réactiver
ses fantasmes et fantaisies de soumission et de toute-puissance.
Comme le dit Lacan, “ Le psychanalyste s’autorise de lui-même... et de quelques autres” ou encore, Jacobi, “
Le psychologue se prescrit lui-même “. De ce point de vue, il est vrai que le clinicien penche du côté de l’éthique de situation. Mais appartenant au corps médical, il est également soumis au code de déontologie de sa
profession et l’accepte. Il est lui-même, qu’il le veuille ou non, sujet institué et ne peut donc pas se soustraire à
l’éthique déontologique.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
On voit bien là, la dualité de notre position de soignant, partagé entre les codes déontologiques et la subjectivité de situations.
C’est donc au travers d’une pratique, d’un cas singulier que ces questions se posent, dont l’enjeu n’est pas tant
de trouver une réponse aux allures de vérité mais bien de montrer que la seule vérité qui soit, est la vérité du
sujet dans des circonstances données. Il nous faut alors reconnaître la parole de l’autre dans un travail clinique
en institution. Faire confiance aux patients, familles et médecins, dans ce qu’ils ont à dire et dans les moyens
qu’ils mettent en oeuvre pour l’énoncer, ne pas se substituer à, c’est justement tenir ferme les deux éthiques
citées précédemment. Nous sommes bien dans le champs de la parole et devons œuvrer dans cet entre deux,
individuel et collectif, afin de pratiquer au mieux notre fonction de soignant.
Et comme le rappelle Roland Gori, « c’est peut-être en ce point que l’éthique exige tout autant une prise en
charge plurielle du malade qu’une solitude singulière dans l’assomption du dialogue ».
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
BÉNÉVOLES D’ACCOMPAGNEMENT ET EUTHANASIE :
DU GROUPE DE RÉFLEXION À LA FORMATION ÉTHIQUE DES BÉNÉVOLES
M.C. COMBY, M. CHARDINY, J. DUGELAY
Association Albatros, 33 rue Pasteur, 69007 Lyon.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE
Albatros (groupe de recherche et d’action en soins palliatifs) est une association lyonnaise fondée en 1988.
Elle est adhérente à la SFAP. Ses pôles d’activité d’Albatros sont :
 formation des bénévoles d’accompagnement
 groupes de réflexion et de recherche, formation continue
 suivi du deuil (groupe jour après jour, soutien aux endeuillés)
 vie associative, centre de documentation
 relations extérieures et communication
Albatros comporte actuellement environ 300 adhérents et forme environ 45 bénévoles par an. Ces bénévoles
exerceront leur activité en USP, EMSP, au domicile et en institution gériatrique.
La formation de ces bénévoles fait l’objet d’une convention avec la CNAM dans le cadre du plan triennal de
1999. elle comprend 45 heures de formation théorique par modules de 2 heures, et un stage pratique de 3
mois. Durant toute sa formation le stagiaire est évalué et accompagné par un tuteur.
LE GROUPE DE RÉFLEXION SUR L’EUTHANASIE
LA GENÈSE
Ce groupe de recherche et réflexion s’est formé en 1998 au sein d’Albatros. Il comporte actuellement une
dizaine de bénévoles et est co-animé par RC Baud, fondateur d’Albatros, et MC Comby, médecin urgentiste.
Son objectif initial était de permettre aux adhérents et bénévoles en formation continue de pouvoir faire le
point sur la problématique de l’euthanasie telle qu’elle était présentée par les médias et associations type
ADMD, et de trouver un positionnement propre au bénévolat d’accompagnement.
Les deux premières années le travail principal du groupe a été de faire le point sur les concepts (euthanasie
active, passive, testament de vie, refus de soin, acharnement thérapeutique, conceptions de la dignité et de
l’autonomie) et sur notre propre attitude face à la demande d’euthanasie. Ce questionnement a abouti à la
proposition au congres de la SFAP à Strasbourg en 2000, d’un texte rédigé conjointement avec les bénévoles
de l’association « Rivages », texte exprimant la position et la réaction des bénévoles face à l’euthanasie et
aux propositions du CCNE sur l’« exception d’euthanasie ».
LES TRAVAUX
Le groupe a ensuite travaillé plus spécifiquement sur différents thèmes : sédation et double effet / recours
aux soins d’urgence pour les patients en fin de vie / abstention thérapeutique et arrêt de soins. Chaque thème
a été abordé durant un an au travers de réunions de synthèse et de réflexion toutes les 4 à 6 semaines, de
travail sur des textes de référence (avis du CCNE, travail du groupe de réflexion de la SFAP sur la sédation,
travail du comité d’éthique de la SRLF sur la limitation et l’arrêt de traitement en réanimation, articles de revues médicales) et également à partir de documents médias (émissions télévisées, presse…)
Afin de pouvoir faire partager cette réflexion aux adhérents et bénévoles, chaque session de réflexion a
abouti à la rédaction de documents écrits sous forme de « mini-dossiers » : « Sédation terminale », « Débat
politique en France autour de l’euthanasie », « Ethique et fin de vie », et de plaquettes d’information « Du bon
usage des urgences hospitalières », « Sédation terminale ».
Nous avons également organise une soirée « ouverte » par an sur les différents thèmes satellites de l’euthanasie (SAMU et urgences pour le patient en fin de vie, euthanasie et texte de loi, la demande de mort en
gériatrie, la sédation… chaque soirée étant animée par un médecin extérieur à l’association et un membre
du groupe°).
106
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
VEILLE MÉDIAS, COMMUNICATION
Le groupe s’est engagé à répondre à toute demande d’information sur le sujet de l’euthanasie, de la sédation,
de l’arrêt de traitement… que cette demande émane d’adhérents ou de personnes extérieures à l’association.
Nous assurons également une « veille » média, en assurant l’enregistrement et le visionnage des émissions
consacrées au sujet, la récupération des articles de presse, la lecture d’ouvrages traitant de ces principaux
thèmes. Cette « veille » nous permet de :
 nous tenir au courant de l’évolution des mentalités
 réagir en réponse à des articles (par exemple, au texte de M. Kouchner dans « la vie » en 2000)
 réagir face à des demandes d’information : étudiants préparant un mémoire, situation de demande
d’euthanasie rencontrée par un adhérent…
 répondre à des demandes de la part de médias : mini débat sur TLM (chaîne TV locale) en 2003,
informations régionales (reportage sur Albatros en 2004, participation au plateau « en direct des
régions sur France3 en mars2004), interventions sur émissions radio en 2004…
 répondre à des sollicitations de la SFAP (en préalable aux rencontres avec M. Kouchner en 2000,
l’avis des associations de bénévoles avait été sollicité…)
Cet engagement dans l’information et la communication nous a amenés à deux autres activités : l’animation de
réunions d’information extérieures à albatros, et la formation des bénévoles aux principes d’éthique.
RÉUNIONS D’INFORMATIONS EXTÉRIEURES À ALBATROS
Depuis 10 années, Albatros intervient dans différents établissements scolaires (Lycées, Ecoles d’infirmières,
d’ingénieurs…) pour animer des réunions sur les thèmes : fin de vie, accompagnement et soins palliatifs.
Devant le questionnement important sur l’euthanasie que nous avons rencontré, nous animons depuis 6 ans
régulièrement des réunions plus spécifiquement axées sur les problèmes liés a l’euthanasie (acharnement thérapeutique, refus de soins, euthanasie, traitement de la douleur, sédation).
Quel que soit le lieu d’intervention, la procédure est la même : nous demandons un travail préparatoire des
étudiants (discussion avec le ou les professeurs engagés dans la réflexion, souvent professeurs de Philosophie
ou d’Instruction Civique, préparation des questions, objectifs attendus de l’intervention…). L’intervention dure
en général 2 heures, assurée par plusieurs membres du groupe (au moins 2 si possible), avec dans un premier
temps une heure « commune » comprenant : définition des concepts, rappel des textes de loi en vigueur, aperçu
éventuel de la situation à l’étranger (Pays-Bas), définition des soins palliatifs, positionnement d’Albatros. La
2ème heure est consacrée plus spécifiquement à la réponse aux question des étudiants.
Nous demandons que des adultes responsables des élèves (professeur, directeurs…) assistent à ces réunions,
autant pour être garants du contenu de l’information que nous délivrons, que pour pouvoir permettre ensuite
aux élèves d’en rediscuter avec leurs enseignants.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser le message médiatique autour de l’euthanasie, la portée du
questionnement de ces étudiants va bien au-delà d’une revendication en terme de « droit », qualité de vie,
liberté. Si nous retrouvons, bien entendu, les questions classiques (« pourquoi ne pas accepter l’euthanasie alors
que le suicide n’est pas interdit, alors qu’on pique un animal qui souffre, pourquoi ne peut-on pas disposer
librement de son corps, de sa vie… »), celles-ci ne font pas en général la majorité des questions.
Nous avons retrouvé beaucoup de questions sur le sens de la fin de vie pour le patient, les soignants, la famille (a
quoi ça peut servir de vivre ça ? quel sens donner à un refus de soin ? comment être sûr que quelqu’un qui demande
à mourir veut vraiment mourir ?), d’autres questions sur la dignité en tant que valeur intrinsèque de l’humanité
(qu’est ce qui me permet de dire que la vie d’un handicapé ou d’un vieillard est moins digne que la mienne ?).
107
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Ces jeunes sont tout à fait conscients de la pression sociale actuelle exercée sur les handicapés, les malades et
les mourants (n’est-ce pas déjà tuer quelqu’un que de l’institutionnaliser ? comment respecter la volonté d’une
personne âgée de rester à domicile si la famille ne peut s’en occuper ? pourquoi ne parle t’on jamais de la
mort, du handicap… qu’en terme péjoratifs ? cela ne reviendrait-il pas moins cher à la société de dépénaliser
l’euthanasie que de faire des soins palliatifs ?).
De même, le traitement de la douleur et la sédation leur pose question (n’est-il pas hypocrite de refuser
l’euthanasie et de donner en même temps de la morphine ou de faire une sédation ? qu’est ce qui vous permet
de dire que ce n’est pas le traitement qui a tué le malade ? a t’on le droit de priver quelqu’un de sa communication consciente pendant ses derniers jours ?)
L’autre grand questionnement est l’intrication douleur/souffrance (certains malades souffrent toujours alors que
leurs douleurs sont calmées, qu’est ce que ça signifie ? comment le prendre en charge ? Le médecin est-il vraiment le mieux placé pour dire qu’un patient souffre ? ), ainsi que le droit de refuser des soins (peut-on forcer
quelqu’un à suivre un traitement ? réanimer quelqu’un contre son gré ou si la famille s’y oppose ? ).
Nos interventions tentent de répondre en priorité à ces questions du sens, de la valeur de l’autre, de la capacité des êtres humains à évoluer et s’adapter jusqu’à leur dernier souffle. Même si nous avons hélas peu
de retour sur l’effet de nos interventions et la façon dont elles ont été perçues, il arrive fréquemment que des
étudiants nous transmettent en fin de séance leur surprise (je ne savais pas que la mort n’était pas forcement
horrible, douloureuse, dégradante), et leur questionnement (je vois les choses différemment, c’est plus compliqué qu’à la télé, je vais y réfléchir..).
FORMATION DES BÉNÉVOLES
Ce profond questionnement sur le sens, qui va bien au-delà de la bataille médiatique autour de la dépénalisation au nom d’une liberté et d’une dignité individuelle, ainsi que la demande de nos bénévoles en formation, nous ont amené depuis 2 ans à intégrer à la formation initiale un module de 2 heures sur les problèmes
éthiques de la fin de vie.
Ce module est animé par le médecin responsable du groupe euthanasie et un bénévole. Il comporte une introduction aux principes d’éthique médicale de base (bienfaisance, non-malveillancee, autonomie et justice), dans
le but de faire appréhender aux futurs bénévoles la complexité de certaines décisions et la nécessité de la
réflexion éthique et de la prise de recul face à des situations difficiles qui mobilisent beaucoup d’émotionnel
(arrêt ou abstention de traitement, refus de soins, demande d’euthanasie en particulier).
Toujours sous l’angle de l’éthique et du droit (rappel des textes…) nous abordons le problème de l’euthanasie
en travaillant sur les motifs de la demande et le rôle que le bénévole peut avoir dans l’écoute et le maintien
de la communication. Nous essayons de travailler sur le regard d’autrui comme composant de la dignité, sur
l’autonomie, le sens de l’accompagnement.
Nous abordons enfin les problèmes liés aux traitements antalgiques « lourds » (morphiniques en particulier) et
la sédation : abord du concept de « double effet », risques de dérive… toujours sous l’angle de l’éthique, du
consentement éclairé aux soins et de la communication.
Ce module est particulièrement dense pour être traité en deux heures. Il est en place depuis peu (4 sessions
de formation), ce qui nous donne peu de recul pour en apprécier l’intérêt « sur le terrain. » Au plan subjectif,
le retour que nous en avons est satisfaisant puisque le contenu répond aux attentes des stagiaires dans la
grande majorité des cas, et que malgré le coté ardu, voire rébarbatif du module, la plupart des stagiaires
ne trouvent pas de difficulté particulière à s’y intégrer. Le seul regret récurrent étant celui de ne pas pouvoir
laisser plus de place à l’échange avec les animateurs et à des questions ouvertes, nous envisageons de le
compléter par un atelier optionnel à distance afin de pouvoir mieux répondre aux interrogations suscitées par
cet enseignement.
108
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
CONCLUSION
La réflexion que nous menons depuis 6 ans au sein d’Albatros au sujet de l’euthanasie commence à porter ses
fruits. Face au débat médiatique actuel, vite stérile, nous avons le sentiment que le public non professionnel se
pose des questions beaucoup plus profondes et pertinentes que ne pourraient le laisser penser les enquêtes
d’opinion et les médias. La recherche de sens à apporter aux derniers instants de vie, la solidarité au sein d
‘une société de l’individu, qui exclue trop facilement ceux qui ne sont pas dans les normes de rentabilité et
productivité actuelle, l’autonomie des patients, la possibilité d’être accompagnés pour tous, le rôle des soins
palliatifs… Toutes ces questions sont souvent escamotées dans un débat qui ne parle que de liberté et dignité
individuelles. Si nous avons choisi de communiquer sur ces thèmes, c’est qu’il nous semble urgent de faire entendre et valoriser un autre discours : celui de l’humain : imparfait, souffrant, douloureux, angoissé… mais capable même aux derniers jours de sa vie de faire preuve d’espoir, d’adaptation et de solidarité. La seule réponse actuelle que nous pouvons, en tant qu’association de bénévoles, opposer valablement aux partisans de
l’euthanasie n’est pas une position dogmatique ou confessionnelle (tu ne tueras pas) : c’est celle de notre expérience, de la solidarité et de la richesse humaine de cet accompagnement quotidien des patients en fin de vie.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LES RÉACTIONS DES BÉNÉVOLES FACE À UNE DEMANDE D’EUTHANASIE
DESBOS G.
Albatros 31 rue PASTEUR 69008 Lyon
PROBLÉMATIQUE
Mettre en évidence les réactions intimes des bénévoles lorsqu’un patient ou une famille demande une euthanasie.
MÉTHODE
interview de 8 bénévoles intervenant à domicile ou en institution
MATÉRIEL
ont été étudiés :


la réaction primaire face à la demande d’euthanasie
la réflexion consécutive à cette réaction.
RÉSULTATS
Ont été mis en évidence les thèmes suivants :


en réaction primaire : le doute, la maîtrise, les principes, le pragmatisme, le respect de l’autre, la démaîtrise
en réflexion : l’interprétation, la loi, l’accumulation et l’usure, la notion d’instant parfait, l’inaccompli,
l’aventure
CONCLUSIONS
1. Les bénévoles ont à préciser le vocabulaire et les définitions employées, faute de quoi le dialogue devient
vite impossible.
2. Lors de l’expression verbale et non verbale de la demande d’euthanasie, des moyens sont à mettre en
œuvre pour réduire les interprétations erronées.
2. L’accompagnement ne peut se penser que dans un équilibre entre réactions viscérales et empathiques
d’une part et réflexion, recul, et prise de distance d’autre part ; c’est là l’enjeu du rapport entre intimité et
citoyenneté.
110
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
BÉNÉVOLES D’ACCOMPAGNEMENT CONFRONTÉS À DES DEMANDES D’EUTHANASIE
LE BARBIER J.
Centre Espace Performance- Alphasis Rennes St Grégoire
Il s’agit de rendre compte d’une enquête par questionnaire et entretien réalisée auprès de l’ensemble des
bénévoles d’accompagnement des associations ASP de la Manche et d’Ille et vilaine.
A l’hôpital les bénévoles sont amenés à recevoir les confidences des patients mais aussi parfois leurs demandes :
« je veux mourir, aidez moi », ou plus indirectement « j’ai demandé à mourir, pouvez vous intercéder pour moi
auprès de …. ? » et bien d’autres formulations.
Que peut faire un bénévole face à une telle demande? comment la gérer, dans l’instant, avec le patient ?
Qu’est ce qui est touché, en chacun par cette évocation de l’euthanasie ?
Peut il y avoir décalage entre les convictions profondes de chacun pour soi même, et les préconisations de la
SFAP ? comment sortir (indemne ) de ce dilemme ?
Le bénévole ressent il comme suffisant sa formation initiale ?
Ou trouve t il le soutien nécessaire, et les motivations à continuer sans s’épuiser? le groupe de parole ? l’équipe
(mais qui ? dans celle ci ) les staffs ? une supervision personnelle ? etc.…
L’analyse et la synthèse de cette enquête, devrait permettre de mieux comprendre la réalité du bénévolat
aujourd’hui : son intérêt, ses limites, et peut être ses perspectives d’évolution.
111
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
UNE PENTE GLISSANTE AUX PAYS-BAS ? UNE ANALYSE ÉTHIQUE HUIT ANS APRÈS LA
DÉPÉNALISATION DE L’EUTHANASIE
D. RODRÍGUEZ-ARIAS
Ch. Hervé
(Laboratoire d’Éthique Médicale de Necker-Enfants Malades, Paris-5)
INTRODUCTION
Les Pays Bas ont été, en 2002, l’un des premiers pays du monde à légiférer sur l’euthanasie. Cette pratique
y est néanmoins reconnue par la Cour Suprême depuis 1984 et dépénalisée depuis 1994. Une révision des
pratiques de fin de vie aux Pays Bas dans les dix dernières années peut servir à évaluer si la dépénalisation
de l’euthanasie a provoqué ou non des dérives. L’objectif de cet article est d’examiner la validité d’un des
arguments qui est couramment employé contre une législation favorable à l’euthanasie : l’argument dit de la
« pente glissante ».
LA PENTE GLISSANTE EST-ELLE UNE MENACE RÉELLE ?
En septembre 2003, la tempête médiatique créée par l’affaire Humbert donnait à nouveau en France l’occasion de réviser l’actuelle législation sur l’euthanasie. Nicolas Sarkozy et Dominique Perben ont alors manifesté :
« reconnaître le droit d’abréger la vie d’une personne, on imagine à peu près où ça commence, on voit mal où
ça s’arrête » (Libération, 29 septembre 2003). Ils employaient ainsi un argument récurrent dans le débat sur
l’euthanasie. L’argument de la pente glissante avertit des dérives négatives que la législation sur l’euthanasie
pourrait entraîner : Si on accepte l’euthanasie pour certaines personnes dans certaines conditions, on ne pourra
pas fixer une limite suffisamment claire pour empêcher un élargissement progressif et incontrôlé du cercle des
personnes susceptibles de bénéficier de cette pratique. On pourrait finir par euthanasier ceux qui, sous pression, se sentiraient obligés de demander une aide à mourir.
Nous partirons du présupposé que toute demande d’euthanasie, pour être envisageable, doit remplir certaines
conditions. Premièrement, elle doit faire preuve d’une attitude rationnelle de la part de la personne qui la
désire. Elle doit être mentalement compétente. Deuxièmement, elle doit avoir envisagé convenablement toutes
ses alternatives thérapeutiques et palliatives. Troisièmement, le demandant doit être en condition de justifier
son souhait de façon cohérente par rapport à son propre système de valeurs. Toute pratique de fin de vie
qui ne prendrait pas en compte le désir d’un patient compétent ou qui ne découlerait pas d’une attitude de
respect envers la personne qui veut mourir ne pourrait jamais être considérée « euthanasique ». Or, le risque
d’une loi favorable à l’euthanasie signalé par l’argument de la pente glissante est justement de promouvoir
des pratiques qui n’accompliraient pas ces conditions. Afin d’évaluer ce risque de déviation, il nous paraît opportun d’analyser l’expérience de l’un des pays qui a déjà fait le pas vers une légalisation sur l’euthanasie.
L’euthanasie est pratiquée aux Pays Bas avec une croissante ouverture depuis « l’Arrêt de Leeuwarden »
(1973), à la suite duquel un médecin ne fut pas condamné pour avoir réalisé une euthanasie à un patient
souffrant qui l’avait demandée de façon claire et réitérée. Depuis trente ans, l’euthanasie est soutenue aux
Pays Bas par l’opinion publique, par la plupart des médecins et par la jurisprudence. L’Association Médicale
Hollandaise formula en 1984 une série de conditions dans lesquelles un médecin pratiquant une euthanasie
pourrait ne pas être pénalement poursuivi: 1. la demande doit être exprimée par le patient compétent (sans
coaction) de façon claire et maintenue ; 2. sa maladie doit être incurable ; 3. sa souffrance doit être vécue par
lui comme insupportable (échec des soins palliatifs) ; 4. un deuxième médecin doit vérifier l’accomplissement
des conditions antérieures et 5. le médecin qui réalise l’euthanasie doit être transparent sur les circonstances
dans lesquelles le patient est mort (une commission doit vérifier les circonstances du décès du patient et attribuer son décès à une « mort non naturelle »). Depuis 1991, une procédure de notification des circonstances du
décès a été mise en place afin de surveiller les décès médicalement assistés. (1) Les médecins sont désormais
obligés de noter, dans l’acte de décès, l’histoire médicale du patient, sa demande d’euthanasie, s’ils ont appliqué ou retiré des médicaments avec l’intention explicite d’accélérer la mort du patient et l’avis favorable d’un
deuxième médecin. La même année est paru le « Rapport Remmelink »(2), une rigoureuse étude requise par
le Gouvernement Hollandais. Son objectif était d’évaluer au niveau national l’incidence et les caractéristiques
des pratiques de fin de vie.
112
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LES PRATIQUES DE FIN DE VIE AUX PAYS-BAS
Le Rapport Remmelink montrait que les médecins hollandais recevaient en moyenne 2 à 3 demandes d’euthanasie par an et qu’en 1990, sur 8900 demandes, plus des deux tiers avaient été refusées. Cependant, il mettait en évidence qu’en un an, plus de 1000 décès avaient été provoqués activement par des médecins n’ayant
pas reçu une demande explicite d’euthanasie de la part du patient. Par ailleurs, l’étude montrait également
que, parmi les 22500 cas de mort par sédation terminale, dans 82% des cas le médecin était conscient que
ce geste pouvait produire la mort, et dans 6% des cas la mort était pour le médecin l’objectif prioritaire de
la sédation. Parmi tous les cas de décès qui auraient pu être provoqués par une sédation terminale, plus de
la moitié des patients n’avaient jamais été informés de cette décision. Pourtant, un tiers d’entre eux avaient
étés jugés compétents. Ces résultats indiquent que, avant la dépénalisation de l’euthanasie aux Pays Bas, les
dérives s’étaient déjà produites. Des évaluations identiques ont été répétées 5 et 10 ans après(3, 4). L’évolution des pratiques de fin de vie par rapport au total de décès annuels aux Pays Bas est représentée dans le
tableau ci-dessous :
FRÉQUENCE DES PRATIQUES SUR LE TOTAL DE DÉCÈS (%)*
Année
1990
1995
2001
Ensemble des décisions de
fin de vie
39.4
42.6
43.8
Euthanasie
1.7
2.4
2.6
Suicide assisté
0.2
0.2
0.2
Finalisation de la vie sans la
demande du patient
0.8
0.7
0.7
Sédation ayant comme
possible effet le décès
18.8
19.1
20.1
Limitation et arrêt des
thérapeutiques
17.9
20.2
20.2
*Source : certificats de décès.
Certaines personnes considèrent qu’un contrôle constant de la douleur ainsi qu’un appui psychosocial suffisant
n’ont pas toujours été mis en place lors d’une demande d’euthanasie aux Pays Bas (parfois parce que es
patients refusaient ce type d’aide). Pour combattre la prise en charge insuffisante des patients en fin de vie,
plusieurs associations médicales ont été créées aux Pays Bas. Elles ont pour tâche l’élargissement des connaissances des médecins sur les soins palliatifs.
113
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
CONCLUSIONS
Contrairement à d’autres pays, où la dépénalisation de l’euthanasie est fondamentalement revendiquée au
nom d’un « droit à mourir dans la dignité », la légalisation de l’euthanasie aux Pays-Bas répond à un objectif
bien différent : celui de combattre l’inacceptable pratique clandestine des mises à mort des patients qui n’ont
pas explicitement exposé leur volonté de mourir. Paradoxalement, le même argument de précaution contre les
« euthanasies involontaires » a été invoqué aux Pays Bas pour légiférer et en France pour maintenir l’interdiction.
En France, les affaires Malèvre et Humbert ont montré que des euthanasies, ainsi que des assistances médicales à la mort sans la demande du patient ont déjà eu lieu. En l’absence d’évaluations similaires à celles des
Pays Bas, on ignore le nombre d’euthanasies qui se produisent à l’heure actuelle. On méconnaît de même les
circonstances dans lesquelles ces pratiques sont exercées. Nous considérons que l’ampleur et les circonstances
de réalisation de ces pratiques clandestines constitue une information essentielle que la société et les politiques
doivent connaître afin de pouvoir débattre de façon rationnelle sur l’euthanasie et poser pour ce problème
des alternatives réalistes.
Pour valider la pertinence de l’argument de la pente glissante il faut pouvoir constater une relation directe
entre l’approbation d’une loi favorable à l’euthanasie et une augmentation des dérives inacceptables que l’on
a commentées. Aux Pays Bas, une telle relation n’a pas été prouvée. Certainement, la loi a échoué partiellement quant à son objectif de rendre transparents tous les actes d’euthanasies et de suicides médicalement
assistés.(1) Le résultat des évaluations hollandaises laisse aussi un point d’interrogation sur l’efficacité d’une loi
dont l’objectif était de diminuer l’inacceptable pratique d’« euthanasies » et de sédations terminales sans le
consentement explicite des patients compétents. Cependant, les « euthanasies involontaires » n’ont pas augmenté aux Pays Bas depuis 1990, et elles ont légèrement diminué. Avant cette date, simplement, on ne savait
pas combien d’euthanasies involontaires avaient lieu.
La France se trouve actuellement dans cette situation d’ignorance. Dans ce pays, trois actions nous semblent
urgentes et prioritaires à la régulation sur l’euthanasie : 1. une éducation sur l’importance de partager toutes
les décisions de fin de vie avec les patients compétents ; 2. une éducation sur les alternatives palliatives et
d’accompagnement et 3. une évaluation rigoureuse et exhaustive sur le nombre et les modalités des pratiques
de fin de vie réalisées dans les différents contextes sanitaires.
1. Van der Wal G, van der Maas PJ, Bosma JM, Onwuteaka-Philipsen BD, Willems DL, Haverkate I, et al. Evaluation of the
notification procedure for physician-assisted death in the Netherlands. N Engl J Med 1996;335(22):1706-11.
2. Van Der Maas PJ, Van Delden JJ, Pijnenborg L, Looman CW. Euthanasia and other medical decisions concerning the end
of life. Lancet 1991;338(8768):669-74.
3. Van der Maas PJ, van der Wal G, Haverkate I, de Graaff CL, Kester JG, Onwuteaka-Philipsen BD, et al. Euthanasia,
physician-assisted suicide, and other medical practices involving the end of life in the Netherlands, 1990-1995. N Engl J
Med 1996;335(22):1699-705.
4. Onwuteaka-Philipsen BD, van der Heide A, Koper D, Keij-Deerenberg I, Rietjens JA, Rurup ML, et al. Euthanasia and
other end-of-life decisions in the Netherlands in 1990, 1995, and 2001. Lancet 2003;362(9381):395-9.
114
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
RÉFLEXION SUR LA PLACE DU MÉDECIN D’UNE ÉQUIPE MOBILE INTRA HOSPITALIÈRE
EN SOINS PALLIATIFS DANS LA PRISE EN CHARGE D’UNE EUTHANASIE À L’HÔPITAL.
DR SAUVEUR L.
Centre hospitalier régional de Namur (Belgique)
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Démontrer que le médecin d’une équipe mobile intra hospitalière a une place à prendre dans la prise en
charge d’une euthanasie dans un pays où l’euthanasie est légalisée.
MÉTHODE
Présentation, analyse détaillée et réflexion sur un cas vécu.
RÉSULTATS
Le médecin d’une équipe mobile intra hospitalière en soins palliatifs peut jouer un rôle essentiel et peut être
irremplaçable dans la gestion d’une prise en charge d’euthanasie.
DISCUSSION ET CONCLUSION
Chaque demande d’euthanasie est unique, chaque patient est unique, chaque médecin est unique. Aucune
règle générale ne peut être établie à partir d’un cas, mais je pense que si nous voulons éviter des dérapages
en matière de pratique d’euthanasie, nous avons en tant que médecins spécialisés en accompagnement des
patients en fin de vie une place primordiale à tenir dans cette démarche difficile et qui restera exceptionnelle
si le patient bénéficie d’un accompagnement adéquat tout au long de sa maladie.
115
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LES SOINS PALLIATIFS À L’ÉPREUVE DE L’EUTHANASIE : UN APPEL À LA VIGILANCE
A. SCHOONVAERE
Directeur du Foyer Saint-François à NAMUR (Belgique)
Le 16 mai 2002, la Belgique adoptait une loi de dépénalisation de l’euthanasie ainsi qu’une loi sur les soins
palliatifs. Aujourd’hui, l’existence de la loi dépénalisant l’euthanasie (dans des cas bien précis et dans certaines conditions relativement strictes) est sans doute un des premiers grands défis que doivent aborder les soins
palliatifs. Par ailleurs la pression sociale en faveur de l’euthanasie fait du développement des soins palliatifs
une question, voire une urgence éthique.
Dans une institution de soins palliatifs comme le Foyer Saint-François, qui fut une des toutes premières expériences de soins palliatifs en Belgique il y a 15 ans, cette législation en faveur de l’euthanasie a soulevé d’importantes questions et a valu à l’institution d’être entendue pour témoigner de son expérience dans le cadre
des auditions qui ont précédé le vote de la loi.
En acceptant sa participation au débat démocratique, l’institution se plaçait en première ligne sur le front
de l’opposition à la loi sur l’euthanasie, mettant en évidence les valeurs et les principes qui définissaient et
justifiaient sa pratique acquise au fil des années. Ainsi, elle restait fidèle au contenu des diverses chartes et
recommandations européennes et internationales et dans la visée originelle et originale des pionniers et des
fondateurs de ce mouvement. En outre, elle prenait aussi une position difficile, quelque peu isolée, en franc
tireur par rapport à certaines instances régionales et fédérales de représentation des soins palliatifs en Belgique, qui furent volontairement absentes dans le débat.
Quelques mois après le vote de la loi dépénalisant l’euthanasie, le Foyer Saint-François est amené, dans un
souci de respecter la législation, à se situer par rapport à la loi dépénalisant l’euthanasie. C’est l’occasion de
définir clairement la position institutionnelle par rapport à la pratique de l’euthanasie et d’argumenter le non
recours à cette dernière.
L’enjeu est capital tant pour le projet institutionnel et thérapeutique de la maison que pour la mise en pratique
quotidienne des soins et de l’accompagnement de la fin de vie par l’ensemble du personnel et des bénévoles.
Il s’agit d’affirmer une identité et une conception des soins en fin de vie de manière claire et transparente en
excluant l’euthanasie, et cela dans un climat d’ouverture, de respect et de dialogue.
Ce travail d’analyse et de définition est confié aux membres du comité d’éthique du Foyer Saint-François. Une
argumentation précise est élaborée au fil des réunions débouchant sur un texte à l’usage du personnel et des
bénévoles. Cet outil de référence permet d’apporter des réponses adéquates aux interpellations et demandes des patients et des familles. Ainsi, chaque professionnel et bénévole est davantage en mesure d’entendre
les questions relatives à l’euthanasie, d’avoir une opinion réfléchie sur la question et de justifier le non recours
à la pratique de l’euthanasie au sein du Foyer Saint-François.
Le document, dont nous reproduisons presque intégralement le contenu ci-après, introduit d’abord des clarifications préliminaires indispensables pour ensuite construire une argumentation non-confessionnelle du refus de
l’euthanasie. Il précise également les conditions méthodologiques d’un débat pluraliste pour se terminer enfin
par le recours à une référence théologique.
CLARIFICATIONS PRÉLIMINAIRES


116
Au Foyer Saint-François, on ne pratique pas l’euthanasie. Cela ne signifie nullement que ne soient pas
prises en compte et dans toutes leurs vérités, les demandes lucides et répétées d’euthanasie qui, bien
que rares, existent néanmoins.
La question de l’euthanasie peut-être analysée d’un point de vue légal, du point de vue de la philosophie morale et du point de vue théologique et religieux. Il importe de faire remarquer que tout ce qui
est légal (autorisé par la loi) n’est pas nécessairement licite d’un point de vue éthique. La position du
Foyer Saint-François ne découle pas d’abord et avant tout d’une “option” théologique ou religieuse mais
se fonde d’abord et principalement sur une perspective humaniste.
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
UNE ARGUMENTATION NON-CONFESSIONNELLE JUSTIFIANT LE REFUS DE L’EUTHANASIE.
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Une opposition à l’euthanasie peut être justifiée tout d’abord par un respect de la vie biologique.
La dépénalisation de l’euthanasie risque d’entraîner une perte de confiance dans le rôle traditionnel de
la médecine qui consiste à guérir et accompagner les malades. En outre, elle risque d’induire une culture
du découragement allant jusqu’à nier la valeur de l’accompagnement et la recherche de nouveaux traitements. La relation de confiance entre le patient et le soignant risque ainsi d’être largement entamée.
La dépénalisation de l’euthanasie est une porte ouverte à des dérives “eugénistes” où des vies pourraient être décrites comme sans valeur selon des critères liés à une appréciation subjective et avec
comme corollaire l’induction d’une “culpabilité d’existence” pour les personnes handicapées ou affaiblies par l’âge et la maladie et qui pourraient ne plus être protégées contre des pressions ou demandes
extérieures.
La loi sur l’euthanasie introduit une inégalité foncière entre les personnes parfaitement conscientes et
pensantes et les autres qui ne le sont pas.
Il importe aussi de distinguer les cas de demandes d’euthanasie exprimées en fin de vie de celles qui
sont formulées par des patients en état de détresse extrême (jeunes tétraplégiques par exemple) mais
qui ne sont pas en fin de vie. Dans le premier cas, les demandes doivent être entendues, décodées car il
s’agit souvent d’un appel à l’aide, d’une demande de soulagement de la douleur, etc… Dans le second
cas, le problème du respect de l’autonomie se pose de manière plus cruciale encore. Le respect d’une
conception purement individualiste de l’autonomie ne peut éluder la portée sociale de l’acte d’euthanasie revendiqué comme l’expression d’une liberté. Car une liberté n’est jamais isolée. Elle engage un
entourage et une société.
Enfin la souffrance et la douleur sont à combattre par tous les moyens et ne peuvent être considérées
comme bénéfiques. Le témoignage de solidarité et d’humanité à l’égard des personnes fragilisées,
démunies et handicapées est certainement préférable à la banalisation d’un acte qui consisterait à se
débarrasser “des poids morts” de la société.
MÉTHODOLOGIE POUR UN DÉBAT PLURALISTE
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Il est impossible de “convaincre” un partisan de l’euthanasie qui décrit un cas bien précis où les dérives
sont impossibles, où tout le monde est d’accord, où il n’y a pas de pression, etc… La seule manière
d’avancer les arguments non-confessionnels consiste probablement à refuser de s’enliser sur un cas
particulier mais de montrer comment une extension, un passage à la limite de la pratique en jeu dans
ce cas précis, risque d’avoir des conséquences non négligeables sur la société et sur l’image que l’on se
fait de l’homme.
Il faut aussi désamorcer l’objection “d’hypocrisie des milieux de soins palliatifs”. Accompagner ou administrer certains analgésiques ou pratiquer une sédation réversible, ce n’est pas la même chose que de
tuer. En effet, dans des cas-limites, la notion d’intention est centrale et cruciale. Dans le cas de l’euthanasie, on agit activement dans l’intention de donner la mort. Dans la pratique palliative, on agit dans
l’intention explicite de soulager, d’améliorer la fin de vie et non dans le but de donner la mort. Si l’objectant dit que l’intention ne compte pas, on lui rappellera que cette notion fonde pas mal de concepts
importants du droit (préméditation).
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LA PLACE DE LA RÉFÉRENCE THÉOLOGIQUE
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La référence chrétienne est une composante essentielle de l’identité du Foyer Saint-François. Cette
référence précise la notion de la personne humaine et confère à cette dernière, depuis sa conception
jusqu’à sa mort, une dignité et une transcendance spécifiques et uniques. Le refus de l’euthanasie reçoit
ici un surcroît de sens. Ce refus revient à reconnaître que la personne est le lieu d’une “profondeur” qui
ne lui appartient pas et qu’elle prend aussi son sens en référence à un “Autre”. Corrélativement, le refus
d’acharnement thérapeutique signifie l’acceptation des limites de la condition humaine et le renoncement à une absolutisation de l’histoire strictement biologique de l’homme.
Les arguments développés ci-dessus montrent que le refus de l’euthanasie peut prendre son sens dans
une vision simplement humaniste. La référence théologique ne vient donc pas introduire une sorte de
justification “déraisonnable”, “irrationnelle” ou purement autoritaire de ce refus. La référence théologique fait briller d’un éclat nouveau ce qui possédait déjà sa cohérence d’un point de vue humain. Mais
bien entendu, elle ajoute une responsabilité nouvelle qui peut conduire à un engagement courageux et
prophétique que ne pourrait pas entièrement justifier une pensée qui en resterait aux limites de la stricte
rationalité humaine.
Apprendre à recevoir une demande d’euthanasie, à en comprendre les ressorts pour mieux y “répondre” sans
recourir à l’euthanasie, constitue un des aspects importants de l’approche palliative. C’est aussi une occasion
pour le personnel et les bénévoles de revisiter les concepts et les principes fondateurs des soins palliatifs et de
se réapproprier les valeurs qui fondent leur profession et leur engagement en soins palliatifs.
C’est également une garantie offerte aux patients et familles de bénéficier d’une approche de soins qui restaure une dynamique capable de construire du sens, de produire de l’espoir, et de générer de la vie jusqu’au
bout, y compris, jusque dans ses contradictions.
Pour notre institution, la confrontation des soins palliatifs assumés jusqu’au bout avec une loi dépénalisant
l’euthanasie est un défi important et pose de sérieuses questions sur l’avenir même du mouvement des soins
palliatifs. Ne risque-t-on pas, en amalgamant les réalités d’euthanasie et de soins palliatifs, de réduire considérablement la portée de ceux-ci ou de “décliner” l’approche des soins palliatifs selon des modes d’intervention très variables avec des retombées non négligeables sur les aspects humains, éthiques, philosophiques,
voire même économiques? Dans un pays où l’euthanasie est dépénalisée, c’est un enjeu de taille pour le développement des soins palliatifs. Ces derniers résisteront-ils à des modes de pensée qui risquent de dénaturer
le concept même du soin palliatif laissant croire dans une partie de l’opinion publique que l’euthanasie et les
soins palliatifs procèdent de la même philosophie et peuvent même cohabiter?
Cette question à grande valeur éthique ajoutée se doit d’être au moins posée au sein de toutes les équipes
oeuvrant en soins palliatifs. Au mieux, elle mérite une réponse circonstanciée et approfondie en équipe pour
que les soignants et les bénévoles puissent accompagner jusqu’au bout, sereinement et sans contradictions, les
malades et leurs familles.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EUTHANASIE ET DEUIL DES SOIGNANTS
B.D’ARGENLIEU, C.GANGLER, M.MATTER, DR T.ROUX, DR L.BIRKUI DE FRANCQUEVILLE, S.BARDET, N.DELFORGE,
C.ESPOSITO,, G.TUMERELLE,V. GÉRARD
Centre hospitalier de Compiègne,unité mobile de soins palliatifs
« ça laisse des araignées dans la tête »
OBJECTIF
C’est à partir de cette phrase entendue dans le cadre d’une réunion où était évoqué par des soignants le
souvenir d’actes euthanasiques que nous avons voulu réfléchir sur la spécificité de ce deuil.
MÉTHODE
Nous reprendrons les points clés de la théorie du deuil : le travail de deuil, la souffrance, le déni, l’ambivalence
avec le « désir de meurtre », la culpabilité, l’épreuve de réalité, le deuil narcissique.
Nous éclairerons nos propos par une réflexion éthique en l’illustrant par notre pratique clinique d’animation
de groupes de parole.
CONCLUSION
Notre réflexion tentera de répondre à la question : « En quoi le deuil d’un patient euthanasié peut-il devenir
compliqué pour les soignants ? »
BIBLIOGRAPHIE
N.Amar, C.Couvreur, M.Hanus (collectif). Le deuil PUF
M.Hanus, Les deuils dans dans la vie chez l’adulte et chez l’enfant, Maloine
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LES TENSIONS ÉTHIQUES À RÉSOUDRE FACE AUX DEMANDES EXTRÊMES DES PATIENTS
T. MARMET
CRASP - Hôpital Joseph Ducuing Toulouse Cedex
Depuis des années, dans le cadre de la formation et de l’enseignement, l’animation d’ateliers « que répondre
à la demande : aidez-moi à mourir » conduit à l’identification de trois conflits à résoudre par les soignants :
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Un conflit de soi à soi même qui interroge « l’estime de soi » des soignants, souffrant de leur impuissance
à savoir quoi dire ou quoi faire face à une telle demande ;
Un conflit de soi à l’autre (le malade) qui questionne l’altérité induite par la maladie grave et la capacité, pour nous soignants, de rétablir la nécessaire égalité en droit et en dignité qui est un pré-requis de
l’alliance thérapeutique ;
Un conflit de soi aux autres (entendu comme les institutions que requiert la démocratie d’une vie communautaire). Ce troisième conflit interpelle l’équité du système de soins.
Chacun de ces conflits seront détaillés dans leurs composantes ainsi que les moyens d’amorcer un triple travail
de réconciliation : avec soi-même, avec le patient et avec les institutions. Le travail de réconciliation est une
condition nécessaire et un préalable à toute discussion d’une « demande d’aide à mourir ».
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
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SESSION ATELIERS SERIE B
L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE : LES LIEUX ET LES
PRATIQUES
B1 URGENCES / RÉANIMATION
 Réanimation, entre soins palliatifs et euthanasie
Maryse BOUCHAMP
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Mort désirée et réanimation
Dominique SENASSON
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Démarche éthique autour de la situation d’un jeune homme de 20 ans présentant une IMC : tuteur rôle,
place et limites en référence à la loi du 04/03/02
Magali BOTHOREL
B2 PRATIQUES PSYCHOLOGIQUES
 La mort désirée : le regard du psychologue. Euthanasie : désir, légitimité, souffrance
L. BARTHOD
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Au-delà de la question de l’acte, que faire avec la demande d’euthanasie ?
Antoine BIOY

Du désir de mort à la demande d’euthanasie
Catherine LAMOUILLE
B3 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN NEUROLOGIE / GÉRIATRIE
 A la recherche du sens
M. Fleur BERNARD

Vous avez pensé : euthanasie ?
Claudine CASTANY
B5 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN ORL/NÉPHROLOGIE
 Incertitude entre demande de mort et limitation thérapeutique
Annie ROCHEDREUX
 Un soignant peut-il s’autoriser à verbaliser une demande d’euthanasie ?
Chantal SILVESTRI
B6 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN CANCÉROLOGIE/HÉMATOLOGIE
 Demandes d’euthanasie en cancérologie : quelle réalité en pratique dans un centre anticancéreux
Gisèle CHVETZOFF
 A l’annonce d’une maladie grave, j’ai arrêté de vivre.”Comment le vécu de l’annonce d’une maladie
grave peut conditionner une demande de mort “
S. CONRATH
 Il faut que cela aille vite
Alcira SUAREZ
B7 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN NÉONATALOGIE / PÉDIATRIE
 “Comment entendre : “Faites tout pour mon enfant” ?”
Alain de BROCA
 Peut-on entendre qu’un enfant en fin de vie désire ou demande la mort ?
Catherine LE GRAND-SEBILLE

Est-il possible de prévenir la demande d’euthanasie en pédiatrie cancérologique ou chez les enfants
atteints de maladie neuro-dégénérative ?
Evelyne PICHARD
B 8 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN PSYCHIATRIE/DÉMENCE
 La mort folle ou l’euthanasie en psychiatrie
N. ARNETON
 Euthanasie du point de vue du gériatre dans le cadre d’une démence
Laure POUDENS
 Euthanasie et soins en psychiatrie
Yves BOLMONT
B9 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE EN MAISON RETRAITE/SLD/MAS
 Demande d’euthanasie chez le vieillard institutionnalisé : quels mots pour quels maux ?
Hacene CHEKROUD
 Euthanasie et soulagement de la douleur dans les maisons de retraite
Philippe MAIRE
 Demande d’arrêt de l’alimentation entérale chez un malade pauci relationnel
Bruno THUBERT
B 10 L’EUTHANASIE ET LA MORT DÉSIRÉE AU DOMICILE
 Demande d’euthanasie dans le cadre de la prise en charge d’un patient handicapé
Olivier BREDEAU
 Utilisation inadéquate des opioïdes à domicile : risques et dérives possibles
Godefroy HIRSCH
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Les aides à domicile confrontées à l’euthanasie
Pascale LIMAGNE
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
RÉANIMATION, ENTRE SOINS PALLIATIFS ET EUTHANASIE
M BOUCHAMP ; DR JC DUCREUX
CH Roanne
INTRODUCTION
Parler d’euthanasie en réanimation est sujet à controverse. Définir les termes, les particularités doit permettre,
au delà des mots, de clarifier des comportements quotidiens afin de jeter les bases d’un véritable débat dont
personne ne conteste la nécessité.
Il existe en réanimation, et ce dès le début de la prise en charge, « les soins de base (hygiène, cutané, surveillance…), les traitements de confort (antalgie, ventilation, hydratation…) et les thérapeutiques actives
auquel il sera préféré le terme de curatives ou étiologiques » (1).
DÉFINITIONS
Jacques Ricot cite la définition de Comité National Consultatif d’Ethique (CCNE) « geste d’un tiers qui met
délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable…. » (3).
La Société de Réanimation en Langue Française (SRLF) retient sous le nom d’euthanasie « des pratiques où la
mort est l’intention de l’acte » (1) après avoir écarté du propos l’euthanasie active et passive. Elle propose
aussi, une procédure éthiquement validée dont le but est de clarifier les intentions véritables des médecins, des
soignants, s’interrogeant alors sur l’opportunité de poursuivre des thérapeutiques curatives. Elle comprend :
 le recueil des données médicales et non médicales, l’information du patient, de ses proches sur l’évolution de la situation,
 la délibération consensuelle voire argumentative,
 l’information du patient et des proches sur la décision prise,
 l’accompagnement de ceux-ci ainsi qu’un recours à une 2ème délibération en cas de désaccord de la
famille,
 la communication de la décision,
 sa mise en œuvre,
 la suspension en cas d’éléments nouveaux.
Les réanimateurs s’entendent sur la définition de l’acharnement thérapeutique et sur la nécessité de l’éviter.
Le refus de l’obstination déraisonnable consiste donc à limiter ou à supprimer les thérapeutiques curatives ou
étiologiques tout en poursuivant les autres soins. (soins de base, soins de confort) qu’on pourrait dès lors qualifier de palliatifs même si la littérature n’en fait encore que peu d’écho.
COMMENTAIRE
Ce texte remarquable et courageux de la SRLF subit quelques critiques y compris en son sein :
 Problématique de sa mise en place due en partie à l’inconscience donc à « l’incompétence » des patients. La notion « d’ayant droit moral » ou de « testament de vie » (2) comme le préconise C. Melot,
ne résout rien car elle ne permet pas de savoir si les sentiments exprimés par le patient alors qu’il était
bien portant sont toujours les mêmes. La notion de manque de temps est souvent mise en avant. Il ne
sera question ici que de parler des thérapeutiques au long cours excluant les situations d’urgence vitale
ce qui laisse penser que le temps de la réflexion nous est toujours donné. Nous retiendrons que les praticiens se doivent aujourd’hui de recenser toutes les informations qu’a pu faire le patient comme élément
de décision.
 Divergences d’opinion qu’évoque C.Melot quant à la manière de définir l’euthanasie et l’opportunité ou
non de qualifier ainsi les limitation de soins ou les arrêts thérapeutiques. L’arrêt thérapeutique équivaut
à une « euthanasie active » (2) car la « décision de ne pas combattre la maladie (…) aura pour effet de
raccourcir la vie comme dans le cas d’euthanasie active » (2). La question de l’intention n’étant pour eux
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
qu’une pirouette sémantique voire une hypocrisie intellectuelle pour ne pas assumer les responsabilités
médicales de ce type de décisions.
Levons d’emblée toute ambiguïté par rapport à cette « intention ». Quel médecin pourrait être motivé par le
fait de donner la mort ? Poursuivant la même logique, faut-il alors bannir le terme d’euthanasie du vocabulaire
des réanimateurs ?. Même en phase palliative, c’est toujours la posologie minimale suffisante qui doit être recherchée. Un praticien ne peut pas prétendre agir pour favoriser le confort et administrer sciemment des doses
trop importantes sans dire qu’il fait de l’euthanasie. C’est donc en cela que la question de l’intention serait une
hypocrisie : prétendre par un paternalisme forcené, agir pour le confort du patient sans voir (consciemment ou
non) que les doses administrées ne sont pas en adéquation avec l’effet recherché.
Il faut donc tenter de circonscrire ces différentes notions afin de se prononcer.
LIMITATION DE SOINS
Il s’agit de maintenir les thérapeutiques en cours mais avec la résolution de ne pas aller au-delà en cas d’aggravation. (pas de recours à la dialyse par exemple). C’est donc le « refus d’augmenter les traitements curatifs
ou de les mettre en oeuvre tout en poursuivant les autres thérapeutiques. » (1).
- En pratique, les soins de confort et de base sont bien sûr maintenus et privilégiés. Cette décision ne pose pas
de problème et prépare la famille (ainsi que les soignants) à envisager la perte de leur proche et permet de
les accompagner « efficacement ».
Quand l’agonie se prolonge, il faut réévaluer cette décision et savoir muter le patient s’il se stabilise même de
façon précaire (insuffisance rénale terminale par exemple). L’évolution vers une décision d’arrêt thérapeutique
doit être conforme à toutes les étapes de la procédure afin de prévenir toute dérive. Il faut en effet s’assurer
que la survie du patient n’est pas possible contrairement aux prévisions initiales.
ARRÊT THÉRAPEUTIQUE
Il s’agit de « l’interruption de tous les traitements curatifs jugés inutiles (selon la procédure) car le but n’est plus
que de prolonger une agonie. » (1).
- En pratique, la mort est rarement immédiate après l’arrêt des amines et quand bien même elle le serait,
celle-ci est imputable, comme le souligne Mme Nicolas, avant tout à la « gravité de la maladie elle même et
à l’impuissance de la médecine dans le cas du malade considéré » (3).
La question de l’arrêt de la ventilation est plus délicate car elle est classée d’une part dans les traitements de
confort en assurant la suppléance de la mécanique respiratoire évitant ainsi l’asphyxie et d’autre part dans
les thérapeutiques curatives par sa participation au traitement de la maladie causale. Plusieurs hypothèses
sont envisageables :
- soit le patient est en état de mort cérébrale et l’arrêt peut donc être total et immédiat (débranchement du
respirateur) sans que plane l’ombre de l’euthanasie dans cette démarche,
- soit il s’agit d’une maladie neurodégénérative ou d’une insuffisance respiratoire terminale pour lesquelles la
ventilation peut permettre la survie du patient (trachéotomie et ventilation définitive). Dans ce cas, ni le temps
ni l’incompétence des patients ne sont des obstacles car la conscience des patients n’est pas altérée, la recherche du consentement est alors indispensable. Un temps suffisant doit donc être accordé pour que le patient et
la famille puissent prendre leur décision. L’accompagnement doit rester systématique quelque soit la décision
prise et la réversibilité de celle-ci toujours possible.
- soit il existe une défaillance multiviscérale persistante, au delà de toute ressource thérapeutique et dans ce
cas il est légitime d’interrompre le « volet curatif » de cette ventilation. (comme on arrêterait les amines ou
l’épuration extra-rénale.). La SRLF ne condamne pas l’arrêt du respirateur ce qui est parfaitement recevable
d’un point de vue rationnel à condition qu’une sédation suffisante soit prescrite afin d’assurer le confort des
patients et de l’entourage. Cette pratique peut surprendre mais comparons la à une détresse respiratoire
d’un patient cancéreux en phase terminale d’un cancer du poumon. Ce patient ne sera pas intubé mais par
une sédation suffisante nous lui éviterons de se sentir asphyxié, preuve que le confort peut être apporté en
l’absence de ventilation.
Pour autant, l’émotion que mobilise ce type de décision chez l’entourage comme chez les soignants peut amplement justifier à elle seule que l’arrêt soit progressif ; (en modifiant les paramètres purement curatifs comme
la FIO2 par exemple).
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EUTHANASIE
Unanimement condamnée par les réanimateurs, l’euthanasie telle que la SRLF et le CCNE la définissent ne
permet pas de circonscrire complètement ce qu’est l’euthanasie en réanimation.
Pour la SRLF, l’euthanasie consisterait en « des pratiques où la mort est l’intention de l’acte ». On ne peut pas
dire que la majorité des médecins soit motivée par l’intention de donner la mort mais inversement n’importe
quel comportement ne peut être excusé sous prétexte que le praticien n’avait pas l’intention de donner la
mort.
Pour le CCNE, le but est de «(…) mettre un terme à une situation jugée insupportable » . Or qui d’autre que le
patient peut et doit juger de sa qualité de vie et donc de ce qu’est « l’intolérable » pour lui ? Il est alors facile
d’imaginer les risques de dérives d’une telle définition.
- Dans la pratique, un acte aussi « violent » que le débranchement d’un respirateur, nous l’avons vu, peut fort
bien n’être pratiqué que dans un contexte de non acharnement thérapeutique. Inversement, une injection de
sédatif ou d’antalgique prise pour une thérapeutique de confort peut être un acte euthanasiant si sa posologie
est disproportionnée et vise à hâter la survenue de la mort.
CONCLUSION
On ne devrait donc parler d’euthanasie en réanimation qu’en cas d’injection létale, d’augmentation injustifiée
ou disproportionnée des thérapeutiques de confort (sédation, antalgie), ou de toute autre « pratique où la
mort est l’intention de l’acte. » (1).
La question de l’intention est au cœur du débat ; à ceux qui en douteraient, notons que si celle-ci et claire, la
survenue de la mort restera source de souffrance potentielle mais plus de culpabilité.
Les limitations de soins, les arrêts thérapeutiques sont conformes à la démarche palliative dès lors qu’ils respectent une telle procédure et permettent d’éviter les dérives de l’acharnement thérapeutique et de l’euthanasie.
La mort peut donc être « désirée » en réanimation aussi bien par les soignants que par les proches ou même
par le patient comme dans tout autre service tant la souffrance morale est grande parfois. Pour autant , en
accédant à une telle demande, ne renierait-t-on pas ce qui fait le fondement même de notre humanité dans le
respect de la dignité comme « principe ontologique » (3) ?
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
MORT DÉSIRÉE ET RÉANIMATION
D. SENASSON
Unité mobile d’accompagnement et de soins palliatifs
Hôpital européen Georges Pompidou - Paris
Après avoir dénoncé l’acharnement thérapeutique l’opinion publique réclame le droit à la mort pour réduire le
temps improductif de l’agonie comme celui d’une vie grevée au long cours par un état neurologique déficitaire.
Le combat contre l’indignité émerge dans le prolongement idéologique de la lutte anti-douleur avec pour
moteur l’identification aux souffrances du mourir et du handicap .
Du côté des professionnels la réflexion évolue sur les indications et les limites de la réanimation. L’objectif est
de prévenir les catastrophes neurologiques induites et la prolongation des agonies.
Les sociétés savantes avancent en ce sens et préconisent des procédures décisionnelles intégrant une démarche
éthique et consensuelle avec l’entourage des malades.
Ce qui se clarifie par l’analyse des pratiques se révèle sur le terrain dans la complexité des enjeux liés aux
décisions de limitations et d’arrêts des traitements actifs.
Lorsqu’un pronostic vital est engagé l’ambivalence n’est pas seulement médicale. Il n’est jamais simple d’opposer la mort à une qualité de vie incertaine.
Un exemple clinique montrera les mouvements croisés d’une équipe désireuse d’apporter des limites « raisonnables » à la réanimation et d’une famille menacée d’effondrement par le décès d’un proche. La décision
d’abstention thérapeutique sera vécue par la famille comme une « mise à mort » inadmissible dans sa finalité
et violemment refusée.
COMMENT SONT PRISES LES DÉCISIONS DE RÉANIMATION ?
Depuis la loi du 4 Mars 2002 sur les droits des malades une décision médicale unilatérale n’est plus recevable.
Le consentement du malade est requis et par défaut celui de ses proches si son état de conscience est altéré
comme c’est souvent le cas en réanimation.
Mais un décalage se creuse entre l’évolution des mentalités et celle des pratiques médicales confrontées aux
marques temporelles de la psyché.
L’hospitalisation d’un proche en réanimation est un choc affectif qui réduit la capacité de compréhension
immédiate . Sa portée traumatique altère le processus de pensée, ce qui en réanimation n’est pas toujours
compatible avec l’ajournement d’une décision.
Par l’expérience répétée des situations les réanimateurs connaissent mieux les conséquences délétères prévisibles de la réanimation, mais ce repérage peut aussi parfois les amener à préjuger du contexte dans lequel
évolue le malade et à anticiper un renoncement prématuré ou inapproprié à l’ entourage. Tels sont régulièrement les enjeux d’un refus d’ admission et de décisions d’abstention.
UN EXEMPLE CLINIQUE
M.Z âgé de 80 ans se défenestre depuis le 2ème étage de son appartement. Rescapé il reste dans un coma
prolongé suite à l’anesthésie pour réduction de sa fracture du col du fémur.
Devant un syndrome de détresse respiratoire, les réanimateurs se posent la question de son intubation. Compte
tenu du pronostic neurologique et des antécédents ils optent pour l’abstention comme la réponse la plus adaptée intégrant le désir de mort du malade.
L’explication à la famille déclenche une réaction d’opposition extrêmement violente et l’exigence d’une réanimation active, avec menace de procès aux « médecins nazis qui veulent tuer notre père » proférée par l’un
des fils, avocat comme son père. Aucun dialogue n’est possible au-delà de cette hostilité première. La décision
d’intubation est prise et présentée à la famille comme perspective d’un sevrage impossible et pénible pour
le malade.
Dans l’ après-coup de cette escalade en miroir de la défiance, l’appel à collaboration de l’équipe mobile de
soins palliatifs est centré sur la réduction du conflit et la préparation de la famille à penser la mort du malade
inévitable aux yeux des réanimateurs.
Après évaluation de la situation et du malade l’équipe mobile propose de réunir un conseil de famille avec
130
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
médecins et soignants afin de remettre à plat les enjeux de la réanimation et de repartir sur la base d’ un
projet thérapeutique cohérent : une ébauche de réactivité est en faveur d’une possible récupération neurologique et respiratoire qui serviront de support.
Lors de cette rencontre la famille parle d’un testament de vie rédigé dix ans auparavant, dans lequel M.Z
demande à ne pas être réanimé. Cette révélation tardive vient renforcer l’incompréhension des réanimateurs
et le sentiment que le désir du malade a été barré. A la fin de l’entretien un des fils peut dire « on est arrivé
exactement là où mon père ne voulait pas ».
L’exploration de l’histoire familiale se heurte aux résistances des proches qui n’en voient pas l’utilité. Derrière
ces réticences émergent les liens terrifiants entre processus morbides. Le suicide fait suite au diagnostic d’
Alzheimer « débutant » posé par le médecin traitant. Il vient se surajouter à un état dépressif qui évolue depuis dix ans et pourrait coïncider avec la perte d’une affaire cédée au fils cadet. La dépression s’est majorée
après les traitements d’un cancer de la prostate il y a sept ans. M.Z avait acheté « suicide mode d’emploi »
puis l’a ensuite égaré, pour se maintenir dans une asthénie chronique associée à une surconsommation de médicaments et sans réel suivi psychothérapique. Cette période a été très pénible pour les fils dans l’impuissance
à re dynamiser leur père malgré l’entourage familial . L’acte suicidaire est d’autant plus traumatisant qu’ils ne
l’ont pas anticipé dans ce contexte d’une grande résistance passive. La culpabilité violemment expulsée sur les
soignants est projetée dans le réel fantasmé du meurtre de leur père.
Dans le cas de M.Z pour les réanimateurs la défenestration signifie la mort désirée. Ce n’est qu’après s’être
imposé la réanimation invasive et face à son mutisme interprété comme un possible refus, qu’ils se posent la
question du traitement de la dépression, comme ils le font habituellement pour les suicidants.
Suite au conseil de famille les fantasmes de mort continuent de circuler autour de M.Z. Le projet thérapeutique
appuyé sur de possibles récupérations respiratoire et neurologiques, est contre-investi par certains réanimateurs et par la famille qui les demande mais n’y croit pas.
L’équipe de soins palliatifs s’efforce de soutenir le malade, les soignants et la famille dans l’idée d’une progression vers l’autonomie et la sortie de réanimation. Une première tentative d’extubation « sans conviction
» échoue. La famille refuse toujours de s’en tenir là , M. Z est trachéotomisé. La perspective du sevrage sert
de monnaie d’échange pour une place en service de gériatrie aiguë, négociée par l’équipe mobile avec les
réanimateurs et les gériatres, et qui se concrétise après mise en place d’une gastrostomie. A son arrivée en
gériatrie M.Z est aphasique et hémiplégique. Il relève d’un séjour gériatrique ou d’ un retour à domicile aménageable avec aides, ce que la famille va toujours refuser.
L’IMPASSE DES REFUS
M. Z reste six mois en gériatrie dans l’impossibilité des gériatres à construire un projet recueillant durablement l’assentiment de la famille et avec évidemment peu de marge du côté des structures. Lorsque le chef de
service de Gériatrie négocie « activement » le transfert de M. Z en long séjour auprès d’un de ses collègues,
M.Z fait une pneumopathie d’inhalation à point de départ digestif. Les gériatres ne font pas d’investigations
supplémentaires et se mettent d’accord par téléphone pour des « soins de confort uniquement ». Les fils en
déplacement à l’étranger consentent chacun à la décision de ne pas réanimer leur père. Ils demandent à leur
retour pourquoi leur père n’a pas été transféré en réanimation. Avec l’équipe de gériatrie ils font perdurer
l’alternance entre un contrôle harcelant mêlé de critiques et de moments calmes. M.Z décède dans le service
accompagné de ses proches.
Pour les soignants de réanimation comme de gériatrie la difficulté aura été de gérer l’ambivalence invariablement remise en scène par cette famille. Le soutien de l’équipe de soins palliatifs a porté sur le bien-fondé des
positions soignantes et le maintien d’une cohérence sans sombrer dans le procès d’intention meurtrière.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
QUE CONCLURE ?
Les limites de l’inacceptable se répercutent au long d’une chaîne transversale de refus individuels et collectifs
significatifs, dont celui des structures. En dehors des cas où l’on peut s’appuyer sur la mort cérébrale attestée
par un EEG plat il n’y a pas de situation préréglée. Face à un coma qui se prolonge avec des séquelles prévisibles doit-il suffire que la neurologie barre le futur pour prescrire l’abstention ? S’il est toujours souhaitable
de « laisser du temps au temps » la réanimation précipite le déterminisme des conséquences et l’impératif des
questions de vie et de mort. La constance de l’ambivalence génère des expressions contradictoires.
En situation traumatique les affects évoluent de la sidération vers l’expression des plaintes. C’est bien souvent
à partir de leurs revendications que se révèlent l’engagement critique d’une famille, tout comme celui d’une
équipe soignante. Dans notre exemple clinique les désirs de mort et la mort désirée par le malade sont présents à travers l’acte de défenestration, la dépression chronique et le testament de vie. Comment ont-ils pesé
sur les décisions ? L’incidence semble avoir été plutôt individuelle avec des positions tranchées pour certains,
le désir présupposé du malade les faisant aller dans le sens de l’euthanasie. La parole a circulé d’autant plus
librement qu’elle a été médiée par l’UMASP. La demande initiale des soignants étaient le renforcement de
leur désirs de mort par identification projective: « ce malade doit mourir aidez-nous à faire passer le message
à la famille ! », le regard de l’équipe mobile sur un malade vivant a permis un dégagement juste suffisant
pour délester la charge affective et calmer l’enjeu en le recentrant sur le soin. La délégation aux proches
du consentement introduite par la loi du 4 Mars 2002 modifie elle le cours décisionnel ? Le testament de vie
aurait-il compté différemment hors du contexte de la TS, par exemple dans celui d’un cancer évolué ? Quelle
est la place du désir de la famille ? La pression des proches peut contribuer à la durée de l’agonie, favoriser
des pratiques d’accélération et d’ euthanasie déguisée visant à abréger le temps jugé inutile et insupportable
de la fin de vie, au mieux s’intégrer dans la réflexion collégiale des soignants sur le sens et les indications de
leurs pratiques, espace médian dans lequel il est possible de poser des limites progressives entre acharnement
et abstention. Les conseils de famille précoces sont utiles lorsqu’il y a des enjeux décisionnels, et répétables.
Mais le malade de réanimation a généralement peu de moyens de se porter garant des bénéfices attendus.
L’implication « partagée » équipe-entourage dans le processus de décision peut valoir plus sur l’investissement
des soignants et de l’entourage que sur celui du malade , dont on sait combien la participation active est
déterminante . La participation des soignants au processus décisionnel fait partie intégrante des recommandations. Elle vise la cohérence de l’ information et des attitudes. Mais les tensions qui caractérisent les situations extrêmes font se côtoyer mort désirée idéalement et désirs de mort au risque du brouillage des positions
subjectives et professionnelles.
Pour que la fonction-cadre de l’équipe existe réellement encore faut-il que les soignants aient la possibilité de
faire tiers au sein de leur équipe. Voilà bien ce que les acteurs des soins palliatifs actualisent et cherchent à
mobiliser dans les services où ils sont appelés à collaborer.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LA MORT DÉSIRÉE : LE REGARD DU PSYCHOLOGUE
EUTHANASIE : DÉSIR, LÉGITIMITÉ, SOUFFRANCE
BARTHOD L, DONZELOT M-N, DURAND-VIEL S, LACROIX B, LAMBERT C, MAMIE A-L, MYOTTE J.
Membres du Collège des Psychologues en Soins Palliatifs de Franche-Comté.
Le psychologue se situe hors du champ de l’action, en cela il se différencie des autres soignants. C’est son écoute, sa pensée et sa parole interprétative qu’il met à disposition afin de favoriser l’élaboration psychique et le
cheminement de tous les partenaires engagés dans les difficultés rencontrées lors des moments de fin de vie.
Il est le garant de l’espace à penser là où les situations peuvent devenir soit paralysantes soit violentes par
la charge d’angoisse qu’elles véhiculent. De plus le psychologue se situe en “non-expert” de la question de
l’euthanasie en accompagnant le sujet dans ce qui fonde son humanité. Il est particulièrement sensible aux
émotions et débats cruciaux qui s’expriment lorsque pour un malade est évoquée la question de la mort. Au
moment de la fin de vie il s’intéresse en particulier à la question du désir du sujet. Il prend en compte, et parfois
restitue, la problématique singulière qui amène une personne à exprimer un vœu de mort.
La souffrance viendrait légitimer la demande d’euthanasie, autoriser le sujet à désirer la mort, à la demander
pour lui-même ou pour un autre. Si la demande est légitime (au sens de loi intime, loi du sujet), l’acte d’euthanasie le devient-il ? N’est-ce pas ce qui est sous entendu dans les assertions : “on ne peut laisser les gens comme
ça...”“A notre époque, on a le droit de partir dignement.” Et pourtant dans ces demandes n’est-ce pas aussi la
vie qui se dit ? Il serait trop réducteur d’écouter la demande d’euthanasie uniquement comme un désir de mort.
Il s’agit d’entendre ce que dit le sujet au delà de l’explicite ; ses multiples désirs souvent ambivalents : attachement / séparation, besoin de reconnaissance / vécu de dévalorisation, désir de vie / réalité de la mort.
N’est-il pas inadapté d’apporter une solution à une question dont la réponse est nécessairement ailleurs ?
N’est-il pas illusoire de chercher à supprimer, à faire taire les souffrances qui se déploient à travers ces demandes ?
Il s’agit d’offrir à un patient, sa famille et une équipe la possibilité de travailler sans culpabilité sur l’ambivalence que suscite la mort attendue et redoutée. L’expérience de la parole ouvre un chemin au sujet. Elle permet
qu’une élaboration se réalise afin de formaliser la souffrance voire de dépasser les difficultés angoissantes
des uns et des autres. Quel sens la vie peut-elle avoir devant l’échéance de la mort ?
La mort serait-elle la dernière limite que nous croyons pouvoir maîtriser en décidant de ses modalités ?
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
AU-DELÀ DE LA QUESTION DE L’ACTE, QUE FAIRE AVEC LA DEMANDE D’EUTHANASIE ?
A. BIOY
Unité douleur et Soins Palliatifs du CHU Bicêtre
Clinique de l’Hypnose, Etudes et Recherche (CHER, Bordeaux)
La question de l’euthanasie concerne nombres de disciplines, dont la plupart posent la question de l’acte en
lui-même. Mais pour le psychologue, cette question de l’acte n’est pas au premier plan de sa clinique. Se pose
par contre la question du sens de la demande d’euthanasie, en tant que parole adressée par un patient à des
soignants. Cette demande peut ainsi s’inscrire dans une démarche de plainte, où elle prend une valeur symbolique (stopper les souffrances plus que mourir réellement). Elle peut également renvoyer à d’autres dimensions,
comme l’ultime sursaut de contrôle d’une angoisse de mort grandissante, le désir d’abréger les souffrances
affectives de l’entourage, une situation de dépendance qui vient trahir des valeurs personnelles, etc.
L’auteur propose ainsi plusieurs cas cliniques avec des motifs différents de demandes d’euthanasie. Ces récits
amènent à penser qu’avant même de se poser la question de l’acte (un réflexe souvent trop rapide) et de
sa justification médicale, légale ou autre, se pose la question du sens de la demande, et de sa place dans la
dynamique interne du patient.
Une fois les motivations à une demande d’euthanasie entendues, l’auteur propose l’utilisation de techniques
hypnotiques pour replacer le patient au centre de son désir, de ses perceptions et de ses émotions en lien avec
sa demande. Grâce au relationnel particulier qu’instaure l’hypnose, l’auteur montre qu’il est possible de mieux
gérer la parole autour de l’euthanasie, sans en trahir le sens, la portée, et sans nier un désir authentique d’en
finir pour le patient avec quelque chose dont il ne veut plus.
Ainsi, il est possible de faire de ce désir encore mal entendu, mal compris voire non admis par les soignants,
une véritable dynamique d’accompagnement.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
DU DÉSIR DE MORT À LA DEMANDE D’EUTHANASIE
C. BRZYCHCY, C. LAMOUILLE, B. WARY
Service régional de soins palliatifs- CHR Metz-Thionville
Une des fonctions principales des membres d’une Equipe Mobile de Soins Palliatifs est l’écoute ; écoute du patient, de ses désirs, de ses refus, de ses espoirs et de ses pertes ainsi que celle de sa famille et des soignants.
Cette écoute fait suite à une demande, condition indispensable à l’intervention des soignants de l’équipe étant
donné leur rôle consultatif. Les demandes, très diverses (soulagement de la douleur et des autres symptômes
pénibles, soutien psychologique…) émanent du patient, de ses proches ou de ses soignants dans leurs particularités et dans un temps donné de la fin de vie.
Il y a donc demande et demande, ce qui est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’une demande d’euthanasie,
d’où un nécessaire questionnement à propos de ce que l’on considère comme une demande et ce qui se cache
derrière les autres apparences de la demande.
Ce travail comportera deux parties, une première qui s’attachera à l’analyse de la demande elle même, à ses
fondements et à ses formes, et une seconde partie qui orientera la réflexion sur le rôle du tiers.
Le dictionnaire Larousse définit la demande comme : « action de demander quelque chose, de faire savoir ce
qu’on souhaite, ce qu’on désire ». Le verbe demander vient du latin demandare qui veut dire confier. Il signifie
« faire savoir, dire à une personne ou à plusieurs ce que l’on veut, ce que l’on souhaite obtenir ».
Ces définitions nous situent d’emblée dans le champ de la parole, du désir et de la relation à l’autre. Pour qu’il
y ait demande, il faut une personne qui parle et une qui entende. Cette simple chose n’est pas sans poser de
questions car elle s’avère en réalité complexe. Les mots étant par essence des symboles, il n’est pas possible
qu’ils expriment exactement ce qu’une personne veut dire. Les mots sont des codes qui représentent des objets,
des choses, des idées… Ils ne sont pas les objets, les choses, les idées elles-mêmes. Le passage de l’objet au
mot qui le représente provoque une prise de distance induisant nécessairement un décalage entre la chose à
dire et ce qui est dit. Le mot, ou parfois la suite de phonèmes, de lettres qui constituent le support matériel d’un
sens sont appelés signifiant. Ces signifiants sont utilisés pour exprimer une demande, c’est à dire tenter d’exprimer ainsi un besoin, un manque d’où naît le désir. Pour Lacan, ce qui est signifié « n’est pas pure et simple traduction du besoin mais reprise, ré assomption, remodelage du besoin, création d’un désir autre que le besoin
». Il en est de même lorsqu’il s’agit d’exprimer un désir. « Le désir est profondément changé d’accent, subverti,
rendu ambigu lui même par son passage par les voies du signifiant », autrement dit par sa mise en mots.
Nous voici donc devant deux éléments de réflexion pour comprendre ce qu’une demande est susceptible d’exprimer. Elle dit, de manière déformée, quelque chose d’un besoin et/ou quelque chose d’un désir, les deux
étant souvent liés.
En plus de cela, il est important de prendre en compte le fait qu’elle s’adresse à un Autre. Il est rarement
facile d’obtenir de l’autre que la demande soit satisfaite, sauf si le besoin apparaît. Lacan souligne que « la
demande est par elle même si relative à l’Autre, que l’Autre se trouve tout de suite en posture d’accuser le
sujet, de le repousser alors qu’en évoquant le besoin, il authentifie celui-ci, il l’assume, il l’homologue, il l’amène
à lui, il commence déjà à le reconnaître, ce qui est une satisfaction essentielle ».
L’expérience donne au quémandeur une certaine connaissance de ces mécanismes. Dans l’espoir que sa demande soit satisfaite, il a l’habitude de ne pas la présenter nue mais de la déguiser en se servant d’un besoin
qui sera plus facilement admis. Il utilise des prétextes.
Le déguisement choisi est fonction de l’Autre. Le quémandeur ne s’adresse pas de la même façon à une dame
d’œuvre, un banquier ou un marieur. Autrement dit, la demande tient compte de l’autre. Lacan dit que « son
désir (au quémandeur) sera pris et remanié non seulement dans le système du signifiant, mais dans le système
du signifiant tel qu’il est instauré ou institué dans l’Autre ». Comme évoqué précédemment, le premier facteur
influençant est le passage par le signifiant ; le second, comme précisé à l’instant est l’interaction avec le système du signifiant de l’Autre. Un sujet doit donc en passer par une certaine gymnastique avant que l’Autre
n’accède à sa demande.
Il apparaît qu’une demande d’euthanasie est le plus souvent un acte violent ( au même titre que le serait la
réponse euthanasique elle même) qui exprime probablement un besoin tout aussi violent d’être encore aimé.
Soulignons ici que, pour Lacan, toute demande est une demande d’Amour. C’est ce besoin, ce manque qui doit
être identifié, reconnu par l’Autre, sans cela, il y a risque de passage à l’acte.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Dans cette hypothèse, il devient difficile de mettre en évidence une transition entre désir de mort et demande
de mort. Par la demande violente d’être tué, il s’agit de faire naître le désir de se voir vivre encore dans le
regard de l’autre. La remise en cause de l’existence d’un désir de mort, impose que cet autre, le receveur de
cette parole soit conscient de son rôle débordant largement celui de l’exécuteur ou du co-responsable justifiant
le meurtre. Dans l’expression d’un désir de mort, il est donc question d’autre chose, qui n’est pas à confondre
avec une demande d’euthanasie. Pour un patient, c’est une chose de dire « je veux mourir », c’en est une autre
de demander à un tiers de réaliser cet acte.
Lorsque ces paroles arrivent à leur destinataire, elles peuvent emprunter différentes voies selon son niveau de
lecture. Il est lui-aussi soumis à son système signifiant, à ses filtres, ses désirs, son imaginaire et il est pris dans les
filets d’un certain mode de relation à celui qui demande. Par conséquent, il est possible, que cet interlocuteur
fasse « erreur ». En premier lieu, il peut prendre pour une demande d’euthanasie, ce qui n’en est pas une.
En second lieu, il peut rester au niveau du contenu manifeste de la demande et croire que la personne malade
souhaite mourir. Si aucun moyen n’est mis en place pour lui permettre d’élaborer les enjeux de cette situation,
le risque de passage à l’acte est important.
Heureusement, il est possible aussi que cet interlocuteur soit capable d’entendre que cette demande est le
signe d’une souffrance intense. Ceci lui permet d’adopter une attitude d’écoute dans le but d’identifier la ou
les causes de la souffrance du patient, autrement dit ce qui lui manque pour se sentir mieux.
Dans ce dialogue, le patient peut se sentir reconnu, entendu dans sa souffrance et modifier peut-être sa demande en s’approchant de son véritable objet.
Les manques dont souffre le malade se situent parfois dans un registre relativement concret : manque d’ajustement du traitement antalgique, manque de soulagement d’autre symptômes physiques, manque de soutien
relationnel ou psychologique. Il faut alors tout faire pour soulager le malade et pour voir cesser les demandes
d’euthanasie. Lorsqu’ aucune réponse apaisante ne peut être donnée, le risque de passage à l’acte réapparaît. La prise en charge pourrait pourtant s’orienter vers le soutien du malade afin de l’aider à supporter ses
manques. La réalisation d’un travail de deuil atténue la souffrance et optimise les capacités d’adaptation du
malade. Dans tous les cas, il convient de rassurer le malade sur la permanence de l’aide qui lui sera apportée.
Ceci pointe partiellement l’importance de l’autre et son rôle tant dans la demande que dans la réponse.
Il est troublant d’observer que nombre de malades demandeurs d’euthanasie disposent des moyens de se
suicider mais ne passent pas à l’acte. Ce constat indiquerait une fois de plus que ce n’est pas la mort qui est
souhaitée mais une recherche de relation.
Il existerait dans cette demande de mort à l’autre, la recherche de la réalité de l’interdit du meurtre, interdit,
tabou selon Freud tout aussi puissant que la pulsion de meurtre qu’il contrecarre. Il est en effet impossible de
séparer euthanasie, acte euthanasique, du meurtre, du fait de tuer, éloigné de son sens uniquement pénal.
Le passage à l’acte euthanasique pourrait faire naître dans l’Autre une certaine jouissance que Freud associe
à un autre interdit celui de l’inceste. La demande de mort apparaît comme une façon de tester la puissance
de ces interdits fondateurs.
Une demande d’euthanasie contient souvent une autre question. Elle peut concerner les intentions de l’autre :
sont-elles bonnes ou mauvaises ? y-a-t-il risque de passage à l’acte ? Y-a-t-il des solutions ? L’autre restera-t-il
aidant, présent ?Est-il attentif ? Le plus fréquemment il s’agit de tester la fermeté du désir de l’autre face à
cette vie qui s’en va afin de savoir si elle a encore de la valeur, si elle vaut encore la peine d’être vécue.
Ceci soulève une nouvelle question : à qui est adressée la demande ? Le plus souvent elle ne s’adresse pas au
médecin qui fantasmatiquement au moins, aurait les moyens de passer à l’acte, mais aux autres soignants ou
parfois aux membres de la famille. S’il s’agit de la famille, la demande d’amour semble évidente. Mais si la
famille ne peut entendre, le malade peut se tourner vers les soignants afin qu’ils soient dépositaires de cette
souffrance ou qu’ils jouent un rôle de médiateur avec la famille. Le malade peut aussi leur attribuer un savoir
susceptible de lui faire penser qu’ils seraient d’une aide plus efficace.
Cette notion d’aide invite à conclure. Les demandes d’euthanasie ne seraient-elles pas toujours des demandes
d’aide à vivre mieux ? Elles seraient alors le signe d’un travail psychique en pleine évolution qui ne pourrait
se réaliser qu’à l’aide d’un tiers, témoin de ce cheminement, et qui par des réponses appropriées permettrait
de dépasser cette phase de demande ; où au contraire les faire resurgir si les réponses sont inadaptées. Les
vraies demandes d’euthanasie existent-elles ?
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
A LA RECHERCHE DU SENS
GÉRIATRIE : FIN DE VIE – TROUBLES COGNITIFS - SOUFFRANCE DES SOIGNANTS
M.-F. BERNARD
Infirmière spécialiste clinique
Unité mobile Accompagnement et Soins Palliatifs Hôpital Émile ROUX 94456 Limeil Brévannes
VIEILLISSEMENT ET INCIDENCE DES TROUBLES DÉMENTIELS
Du fait de la croissance démographique, des progrès médicaux et de l’amélioration des conditions de vie,
les démographes annoncent en 2050 près de 600000 décès après 80 ans. En gériatrie la mort est souvent
l’inéluctable issue, il faut apprendre à soigner sans guérir. Cette évolution a de graves conséquences quant à
l’accueil des plus âgées dans les établissements de santé et aux attitudes collectives face à la mort, quand on
sait qu’un grand nombre présenteront des troubles démentiels. Cette progression soulève des problèmes liés
aux soins spécifiques, aux moyens matériels et financiers disponibles et aux questions d’ordre éthique, l’euthanasie risque de s’intensifier
VIEILLISSEMENT DES AIDANTS NATURELS ET ACCOMPAGNEMENT DU DÉMENT
Les proches doivent composer avec les modifications de la communication, l’agitation et l’agressivité et ils passent le relais aux professionnels de santé. Cela dit, il ne faut pas jeter la pierre aux familles et conclure trop
vite que le lien social se délite. La fin de vie à domicile n’est pas toujours souhaitable, les membres de la famille
doivent tout assumer sans être suffisamment aidés matériellement ou financièrement et l’accompagnement se
fait alors au détriment de leur propre santé.
DÉPLACEMENT DU LIEU DU MOURIR
Un tournant sociologique s’est amorcé dès les années 60, où, en l’espace d’une génération, le lieu du mourir
passe du domicile aux structures médicalisées où ¾ de nos contemporains décèdent. Les personnes âgées atteintes de pathologies psychiatriques ou de démence finissent leur vie en soins longue durée après un cahoteux
parcours en institution.
DE MULTIPLES PERTES, DEUILS LORS DE PATHOLOGIE DÉMENTIELLE OU PSYCHIATRIQUE
L’annonce du diagnostic de démence ébranle la sécurité, elle a l’effet d’un cataclysme pour le malade et son
entourage. La maladie qui frappe les fonctions cognitives pose des questions existentielles, avenir brisé. Elle
est vécue comme une perte d’unification, le psychisme et les capacités de relation sont mises à l’épreuve, tout
ce qui faisait sens dans sa vie et avec ceux qui l’entourent se délite. Le malade est en rupture affective suite à
la perte des aidants naturels, il se retrouve seul sans être capable de s’auto suffire et placé en institution. Il y
a rupture de la sécurité, peur de la souffrance et de la violence. Au début, il a conscience que sa mémoire fait
défaut, puis redoute de ne pas contrôler son corps. Il est exclu en tant que malade du champ social et exclu en
tant que dément puisque ce terme renvoie à l’image de la folie. Plus les troubles s’intensifient, plus l’entourage,
les soignants se dérobent, le dément mourant cristallise l’échec de la médecine et la déchéance.
DES MORTS COMME LES AUTRES ?
Cette mort beaucoup s’imagine qu’elle est vécue avec une certaine résignation mais il s’agit bien plus d’une
défaite. Les vieillards, ne sont pas plus sereins que leurs cadets face à l’inconnu que représente la mort. Les
proches et les professionnels sont éprouvés par la mort de leurs aînés, cette mort peut tout aussi bien être
redoutée que souhaitée.
SOUFFRANCE DE L’ÉQUIPE MÉDICO-SOIGNANTE : RUPTURE ET SOLITUDE DES PERSONNES ÂGÉES. Un Les
soignants sont confrontés à d’innombrables difficultés, les facteurs émotionnels incriminés sont majorés par des
facteurs institutionnels (manque de personnel, de temps) et organisationnels (peu d’interdisciplinarité). Ces situations complexes les mettent en échec (problème d’évaluation, long mourir, troubles du comportement…), ils
ont du mal à repérer les phases palliatives, cela peut entraîner une surenchère de la technique et acharnement
thérapeutique : gastrostomie…
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Les équipes soignantes les prennent en soins durant des années, soit des liens chaleureux se tissent, soit le
minimum est assuré, ce en fonction du comportement docile ou agressif de la personne âgée. Certaines sont
choyées, des relations transférentielles proches des relations familiales se tissent D’autres, que nous pourrions
qualifier de « mauvais malades », parce qu’elles sont hostiles, sont désinvesties. La solitude qui leur est imposée
est une épreuve terrible qui peut les amener à réclamer une mort qui serait pour elles une forme de délivrance
ou à refuser de s’alimenter. La personne âgée peut au contraire faire violence à l’équipe par sa soustraction à
toute relation, elle est alors candidate soit au mauvais traitement (violence active ou passive, physique, verbale
et non verbale), soit à l’indifférence, cela peut aller jusqu’à une demande d’euthanasie .
D’autres sont désertées, car les soignants sont bouleversés par la souffrance physique, les plaies et odeurs insoutenables. Ils mettent en place des stratégies d’évitement, les soins sont dispensés à la hâte sous forme d’une
somme de gestes réalisés avec dextérité mais dépourvus de délicatesse.
Lorsque leur vie touche à sa fin, comment trouver du sens à dispenser des soins répétitifs à une personne aréactive ou au contraire violente ? Comment évaluer l’inconfort et comment soulager et soutenir quand aucune
coopération n’est possible ? Comment trouver du sens à prendre soin d’elle quand on ne connaît rien de son
histoire ? Comment aider les familles et les professionnels à supporter la dégradation du corps, quand l’agonie
se prolonge ?
Mais ne soyons pas tentés de critiquer séance tenante les soignants. En gériatrie la fin de vie expose avec plus
d’intensité la question du sens à poursuivre des soins et la question du désir de le faire. Les professionnels font
ce qu’ils peuvent pour humaniser une situation qui au fil de l’évolution de la maladie et du fait des conditions
de travail précaires, ne l’est évidemment plus.
La solitude est légion en gériatrie, il va sans dire que les soignants souffrent aussi de solitude du fait des frustrations rencontrées au travail, de l’écart considérable entre un idéal soignant, une qualité de soins optimale
souhaitée et les soins réellement dispensés.
CAS CLINIQUE : MADAME D
COMMENT ACCOMPAGNER CES PATIENTS : RÔLE DES MEMBRES DE L’ÉQUIPE MOBILE.
Pouvons-nous en tant que membres d’une équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs aider les
soignants à trouver du sens : pour les personnes âgées, pour eux-mêmes, pour l’Homme… ? Est-il réaliste de
croire pouvoir les encourager à modifier leur regard, à réfléchir à l’art de soigner, à trouver une gratification
dans des soins infirmiers dits de base, réalisés avec bienveillance ? Le compagnonnage des équipes référentes
par les membres de l’unité mobile, dans ces périodes de crise est un engagement au service de la qualité des
soins et de la qualité de vie, mais ce serait un leurre de croire qu’ils peuvent taire toute la souffrance.
Le mouvement des soins palliatifs milite pour re-socialiser la mort et les soignants de gériatrie défendent la
cause des plus démunis sans savoir ce dont ils ont besoin et doivent s’en débrouiller. Il est important d’effectuer
une triple réinsertion : des personnes atteintes de pathologie psychiatrique ou de démence dans la société,
de la place des aidants naturels dans les institutions, de la valeur des actions des professionnels qui prennent
soin d’eux jusqu’à leur mort.
Les équipes référentes attendent une reconnaissance du travail effectué, un développement des connaissances, un soutien pour aborder leur propre souffrance. Ceux de l’EMSP les écoutent et valorisent certains soins
difficiles à réaliser et les aident à trouver du sens à chacun de leurs actes. Le compagnonnage est un mode de
collaboration à développer en gériatrie. Il est essentiel de mettre la main à la pâte, de prendre soin en direct
pour soulager les soignants, sans que ce soit par excès et qu’ils se déchargent de leurs responsabilités, de les
aider à accepter de faire autrement. Pour accompagner les soignants et résister à leur demande d’euthanasie
de ces grands vieillards avec qui la relation est souvent inexistante, à mourir, quelqu’un doit pouvoir rester à
ses côté, ce qui n’est pas seulement une position de soignant impuissant (soi-niant), mais plutôt une position de
témoin, d’humain solidaire qui n’a aucun pouvoir sur celui qui se meurt si ce n’est pour améliorer son confort.
C’est peut être cela conserver à l’autre sa position de sujet.
Accompagner expose à une charge psychologique élevée. Les soignants ne peuvent faire l’économie d’une
réflexion sur le sens de leur présence (être observateur ou témoin), prendre conscience de la valeur de ce qu’ils
font afin de pouvoir rester attentif et d’éviter l’abandon.
Soins corporels et accompagnement sont indissociables. Il est essentiel de réhabiliter les gestes d’entretien de
la vie, hautement symboliques remplis d’habiletés techniques et d’humanité qui apaisent. L’attention portée au
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
corps et l’art de réaliser les soins favorisent la qualité de vie.
Faire face aux transformations des modes relationnels.
La communication n’est pas seulement verbale, nous sommes en relation avec le malade par le biais de tous
nos sens. La manière de rassurer, d’apaiser la souffrance, d’être soi même thérapeutique lors des soins est
sous-estimée.
La substitution doit être adaptée afin de respecter l’autonomie. Il s’agit de considérer le malade comme sujet,
c’est de surcroîts valoriser les capacités qu’il conserve, reconnaître la vie qu’il a encore devant lui, c’est se
résoudre à ne pas l’assimiler exclusivement à ses déficits.
Accompagner c’est oser le risque. Dans cette relation au mourant, la sécurité et l’identité du soignant sont
mises en péril. Chez le vieillard, ce maternage (actes de nourrir, laver) peut ne pas être un moment de plaisir
partagé et il sera suivi quoi qu’il fasse de l’anéantissement du corps puis de la mort, ce qui suppose d’accepter
une relation de proximité sans se laisser phagocyter.
Ce travail où l’humain se mobilise, ne peut se faire qu’en équipe interdisciplinaire en unissant nos savoirs, tant
notre savoir-être, que notre savoir-faire, dans un climat de partage.
Les formations théoriques sur le plan technique et relationnel et le développement de nouvelles connaissances
diminuent la part d’étrangeté à l’approche de la mort. La position de suppléance, d’étayage qui est le quotidien de la fonction soignante en gériatrie n’est pas valorisée alors que cette expérience peut tout aussi bien
être gratifiante comme déroutante pour celui qui la vit.
L’investissement des soignants dans le projet de soins individualisés est essentiel et les actions mises en œuvre
sont autant d’ordre psycho-sociales que médicales.
S’intéresser à l’histoire du sujet. Les patients ont tous une histoire de vie, un inconscient auxquels il faut absolument s’intéresser pour mieux saisir les difficultés liées aux soins.
Les groupes de parole, de supervision et les réunions de crise sont nécessaires pour supporter la sidération
entraînée par la mort des malades. Nous avons besoin de réfléchir sur la gravité des maux et sur le sens des
gestes effectués dans un sens raisonnable pour le mieux être du sujet âgé.
Les groupes de réflexion éthique ne sont pas d’usage répandu en gérontologie. Les soignants souffrent moins
lorsqu’ils voient le positif chez l’autre, lui révèlent qu’il est digne d’intérêt. Il gagnent à méditer sur les valeurs
qui sous tendent la condition humaine telles que la liberté, la dignité, l’autonomie et à tenter de les nourrir.
Au quotidien, les plus avancés dans la maladie, peuvent nous émouvoir, que cette relation passe par la parole,
le regard, les gestes ou le sourire.
CONCLUSION
Dans cet exercice gériatrique, la prise en charge permanente du confort et de tous les symptômes est incontournable.
Quand bien même la personne ne saurait exprimer sa souffrance ou sa détresse autrement que par des cris,
des comportements agressifs, difficiles à supporter…le soignant n’a pas d’autre choix que de rester capable
de voir l’être humain malgré les effets dévastateurs de la maladie.
Les ruptures des grands vieillards et qui plus est en fin de vie sont multiples, mais comment faire face à la
confrontation quotidienne avec la déchéance et la mort quand la société et les tutelles négligent cette frange
croissante de la population. Nous pouvons nous questionner sur les soins dispensés aux personnes âgées polyhandicapées en fin de vie, ce qui ne peut manquer de susciter des réflexions sur l’attention fort différente
portée aux deux extrémités de la vie et sur les inégalités pour l’accès aux soins.
De plus, les sociétés savantes ne considèrent pas la gériatrie comme une spécialité prestigieuse, cela se ressent
par l’insuffisance de moyens octroyés en gériatrie et en soins palliatifs gériatriques, ceci est une forme d’exclusion. La réduction des dépenses de santé ont un rôle prépondérant, elle ne permet pas aux soignants de
réaliser des soins palliatifs de qualité. L’État, les pouvoirs publics ont un rôle fondamental à jouer à ce niveau.
Les acteurs de la société civile, les familles, les professionnels…, tout un chacun à son niveau de responsabilité
pour éviter d’en arriver à l’euthanasie.
Si nous souhaitons que les soins palliatifs gériatriques représentent un ensemble de soins et non seulement une
belle philosophie, il faut pouvoir les dispenser à toutes les personnes âgées et obtenir les moyens humains et
matériels afin d’y parvenir.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
VOUS AVEZ PENSÉ : EUTHANASIE ?
CASTANY-SERRA C., TOURTOUR-SERRA V.
Equipe mobile et unité de soins palliatifs,
Centre Hospitalier Général, 207, avenue Julien Fabre, BP 321, 13658 Salon cedex
Le cas clinique de Melle S. A. nous servira de support d’analyse aux questionnements éthiques d’une équipe
mobile sur la sédation pharmacologique ou l’euthanasie déguisée réalisée par un service de médecine.
Il s’agit d’une patiente âgée de 22 ans hospitalisée, dans un service de médecine polyvalente, pour la prise en
charge d’une infection pulmonaire avec détresse respiratoire. Elle est tétraplégique, porteuse d’une trachéotomie, une gastrostomie, une sonde urinaire à demeure. L’indice de Karnofsky est à 20%. La communication est
altérée, elle se fait à l’aide d’un tableau de lettres.
Dans ses antécédents, nous retrouvons que deux ans auparavant au cours d’une épreuve sportive réalisée en
milieu scolaire, elle a présenté une perte de connaissance brutale qui a fait diagnostiquer une hémorragie
cérébrale, s’ensuit une hospitalisation en milieu spécialisé puis un relais est pris en centre de rééducation.
Elle restera un an dans ce centre, des liens professionnels et amicaux vont s’établir entre la patiente et le personnel soignant. Quand elle partira, elles lui offriront un bracelet qu’elle ne quittera plus. Pendant un an, elle
progressera, elle pourra se servir avec difficultés d’une main.
Par la suite, elle est transférée dans une maison d’accueil spécialisé, située à 60 km du domicile parental et
familial. Les visites de l’entourage familial se font rares. Avec l’accord de la patiente, sa famille par un mois
au Maroc, Melle S. A. décompense sur le plan respiratoire.
Elle est alors hospitalisée en médecine polyvalente. Elle devient oxygénodépendante et son état clinique pulmonaire infectieux nécessite la mise sous antibiotiques par voie injectable réservés à l’usage hospitalier. Elle a
des aspirations bronchiques fréquentes. De ces faits, la maison d’accueil spécialisé ne souhaite pas l’accueillir
de nouveau.
L’équipe mobile intervient à la demande de l’équipe soignante et de la patiente pour prise en charge de
difficultés d’ordre psychologique. Dans un premier temps, l’infirmière et la psychologue de l’équipe interviennent et découvrent une jeune femme en détresse psychologique porteuse d’automutilation, d’agressivité
surtout pendant la dispensation des soins, une souffrance des soignants qui interprètent un refus de soins et
une demande d’aide à mourir car en effet la patiente va à plusieurs reprises se « dé canuler » et se mettre
en détresse respiratoire.
Au cours d’une intervention de l’équipe mobile dans ce service de médecine, le médecin est vivement interpellé
par l’infirmière du service car Melle S. A. vient à nouveau de se dé canuler et la situation devient trop difficile,
l’interne a demandé de la recanuler ; l’infirmière demande : et si nous ne faisions rien ? La canule est remise
en place.
Après discussion avec l’interne du service, il est décidé d’augmenter le traitement anxiolytique de la patiente.
Elle est réévaluée quotidiennement par l’infirmière et le médecin de l’équipe mobile : la patiente est calme,
non somnolente.
Quelques jours passent, la patiente s’agite à nouveau, s’auto mutile. Une discussion entre l’interne du service, le
psychiatre, l’infirmière et le médecin de l’équipe mobile, aboutit à une modification de traitement anxiolytique
et antidépresseur.
Il est décidé de prendre en charge de façon pluridisciplinaire (médecin de soins palliatifs, psychiatre, infirmière, psychologue de l’équipe mobile) de manière régulière afin de soutenir la patiente et sa famille mais
aussi l’équipe paramédicale et médicale. Il également décider de faire appel aux bénévoles de l’A.S.P. de
la région salonaise.
Après cette décision, nous avons été confrontés à diverses difficultés en particulier à l’évitement du médecin
aux discussions éthiques, au manque de concertation autour du cas de cette patiente.
Elle est décédée quelques jours plus tard avec des posologies de Midazolam non habituellement utilisées et
recommandées en soins palliatifs et administrées à l’insu de la patiente et de la famille.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Les difficultés que nous avons rencontrées :
Dans le service référent :
Nous avons été confrontés au fait qu’il n’y ait pas de concertation autour du cas clinique et éthique de cette
patiente. Chaque soignant fait en fonction de sa propre expérience, sans formation spécifique sur la prise en
charge des patients en soins palliatifs. Le service semble pris dans une spirale : pas de temps pour se « poser »
et se poser les questions éthiques autour des soins procurés à la patiente, pas d’anticipation de situation difficile, peu d’entretiens avec la famille.
En équipe mobile de soins palliatifs :
Les difficultés de l’équipe ont été d’organiser des discussions clinique et éthique dans le service, d’aborder la
question de l’euthanasie.
Après cet événement, nous avons ressenti la nécessité de partager en équipe mobile (réunion de service et
groupe de parole).
L’équipe du service de médecine dans une difficulté extrême demande à l’équipe mobile de participer à leur
« débriefing».
Plusieurs problématiques sont ressorties de cette réunion :

La relation malade / médecin du service de médecine est particulièrement forte et la « diffusion du
ressenti » pèse sur l’équipe soignante, qui n’ose se positionner,

Les commentaires font évoquer un épuisement du personnel, l’existence d’un lien entre la souffrance des
soignants, le désir de mort projeté et l’euthanasie « déguisée ».

Les prescriptions initiées par l’équipe mobile, n’ont-elles pas dérivé et conduit le service à pratiquer une
euthanasie déguisée ?
Un enjeu pour l’équipe mobile : maintenir un lien déjà si fragile avec les services de soins, accepter le compromis sans se compromettre, mais jusqu’où accepte-t-on le compromis ? Jusqu’où peut-on aller devant la fuite,
l’évitement de l’équipe soignante ?
Il me semble nécessaire de reposer le cadre d’intervention de l’équipe mobile dans un service de soins. Une
réunion d’équipe peut s’organiser autour des attentes des soignants du service :
une aide ? Si c’est le cas, le soignant doit être en mesurer de reconnaître ses limites, ses difficultés.
une couverture ? Le rôle et les missions de l’équipe mobile de soins palliatifs doivent sans cesse être expliqués.
C’est un travail « de fourmi ».
Les comportements se modifient après les réunions d’informations, nous constatons plus de demandes de prise
en charge, puis le phénomène s’estompe. « La machine doit être sans arrêt relancée ».
Sous quelle forme, pouvons nous envisager ces réunions ?
De façon formelle, lors d’une réunion commune de service certainement, autour du questionnement éthique
concernant le patient, mais la souffrance des soignants ?
De façon informelle, entre confrères ou entre pairs, revenir sur des commentaires faits sur le travail en commun,
il me semble que nous ne pouvons faire l’économie d’un travail personnalisé de réflexion, de soutien. Tout ceci
suppose une formation de base à l’écoute de tous les soignants.
Une place privilégiée est laissée au psychologue qui aura la lourde tache d’être à la fois animateur, facilitateur (faire circuler la parole), de médiateur.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DE L’INTENTION ÉTHIQUE À LA DÉCISION MÉDICALE :
COMMENT OBJECTIVER LES INCERTITUDES ?
N. VICAT et A. ROCHEDREUX, Pr DABOUIS
Service d’oncologie médicale, soins palliatifs
CHU Hôtel Dieu Nantes
Nous proposons d’évoquer avec vous le cas d’une patiente de 87 ans qui refuse d’être dialysée le jour où elle
sera en insuffisance rénale terminale. Cette situation nous a fait réfléchir à plusieurs niveaux :
 D’un point de vue éthique, se questionner sur la recevabilité de la demande de cette patiente : Qui
évalue ? Comment évaluer ? Pourquoi évaluer ? Critères d’évaluation ? Concilier nos valeurs, celles du
patient, celles de sa famille, celles de la médecine et du soin…. De la société..
 Ayant collégialement estimé recevable sa demande, nous avons dû créer ou adapter outils et procédure
pour que le souhait de la patiente soit respecté le jour venu.
 Doutes et incertitudes ont sous tendu toute notre démarche : doute de la détermination de la patiente
à refuser la dialyse, doute de sa capacité à se projeter le jour venu, incertitude sur l’adhésion des médecins intervenants au jour T (jour où la décision sera prise), incertitude des conditions d’hospitalisation :
aux urgences ? le dimanche ? la nuit ? la décision du médecin présent (urgentiste ou néphrologue)
 Difficultés pratiques : comment faire connaître et respecter le choix de la patiente et la réflexion des
médecins qui la suivent ? Comment pallier l’absence de dossier unique accessible à tout moment, comment transmettre les informations.
Après avoir présenté le plus succinctement possible le cas de Me S, nous verrons comment nous avons procédé
pour répondre au mieux au choix de la patiente. Nous présenterons ce que nous avons mis en place pour
anticiper la situation au jour T avec toutes ses incertitudes.
Nous rencontrons pour la première fois la patiente le 3 mars 2004.
Le contexte est celui d’une femme de 87 ans qui présente une néphropathie glomérulaire terminale au stade
proche de la nécessité de recourir à l’épuration extra-rénale.
La demande de réflexion éthique est adressée au médecin de l’équipe mobile de soins palliatifs. Me S. se
déplace en chaise roulante en raison de gonalgies sévères. La patiente est souriante. La situation médicale est
considérée comme stable mais précaire. Lorsque les perspectives thérapeutiques sont évoquées, la patiente
précise son désaccord à l’égard de l’hémodialyse, elle ne développe aucune argumentation autre que l’inconfort des allées et venues et le fait « qu’il faut bien mourir de quelque chose ».
Me S accepte que son fils se joigne à l’entretien. Son fils apparaît réceptif, concentré sur l’échange, attentif
à pouvoir aider sa mère dans le respect de sa décision. On arrive très vite au fait de savoir comment faire
respecter la décision de Me S.
Il faut parvenir à établir une certaine procédure fonctionnelle, y compris dans l’urgence, le médecin traitant
semble participer aux mêmes perceptives, à savoir tenter d’entendre la décision de Me S.
 La situation a besoin d’être analysée car cette patiente reste en demande de soins, ne veut pas être « abandonnée », même si cette hospitalisation est « jusqu’au bout » comme elle le mentionne avec résignation..
 Nous envisageons alors l’hospitalisation en urgence. Dans ce cas la décision thérapeutique appartient
au médecin qu’elle rencontrera à ce moment là.
 Ceci amène l’équipe médicale à transmettre à la patiente et sa famille l’existence d’une démarche clinique concertée de limitation de soins dans le cadre du service des urgences. Il existe un document écrit
qui a été soumis au GNES (Comité d’Ethique local). Il est utilisé comme un outil pour être une aide à la
décision, impliquant le patient et sa famille, il cherche à harmoniser les pratiques soignantes. Bien que
ce formulaire s’avère mal adapté à la décision à prendre. nous décidons cependant de l’utiliser car il a
l’ intérêt d’informer cette famille, que le moment venu, il est possible de faire valoir le choix de Mme S.
 En attendant cette hypothétique hospitalisation, nous conseillons à Mme S et ses enfants de penser à la
rédaction d’un document libre exprimant la volonté de la patiente.
142
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs

Par contre nous insistons auprès de Mme S que les médecins peuvent avoir des positions sensiblement
divergentes qui pourraient conduire à une décision de dialyse..
Nous revoyons la patiente en présence de son fils un mois plus tard le 6 avril 2004
Le motif de la consultation est de finaliser l’expression de la décision de la patiente dans la perspective de
l’aggravation continue de l’insuffisance rénale.
Madame S est constante dans son choix de refuser l’épuration extra rénale. Elle présente une certaine dissociation de l’attention pendant qu’il est question de sa situation.
Son fils s’exprime pour montrer qu’il a bien compris le processus de décision tendant à faire respecter le choix
de sa mère. La conversation s’engage sur la possibilité d’être désigné comme personne de confiance, le document interne à l’établissement « personne de confiance, un nouvel acteur » lui est remis. Ce fils exprime ses
difficultés à prendre une responsabilité qui l’implique dans le domaine de l’affection qui le lie à sa mère. Il lui
est précisé qu’il n’est que le porteur du désir de sa mère et non pas le responsable de la décision
Le document de limitation de soins a bien été envisagé avec le médecin traitant, celui-ci a formulé un commentaire allant dans le sens du respect de la volonté de la patiente. Ce document est signé par tous les
intervenants présents à cette consultation, il est introduit dans le dossier de la malade, et la famille conserve
l’original. De même si l’hospitalisation de Mme S se fait sur rendez-vous dans le service de néphrologie, elle a
été informée que son avis a été porté dans son dossier.
Il est reprécisé à la patiente que dans l’hypothèse où son désir serait respecté, elle serait prise en charge
symptomatiquement soit dans un service conventionnel soit dans l’unité de soins palliatifs.
Il est mentionné de nouveau à la patiente qu’elle peut à tout moment revenir sur sa décision.
Méthodologie de la démarche
1. S’interroger sur la demande de limitation thérapeutique : est-elle recevable ?
 Application de la DDE (M. Vespieren, Dr JM Gomas) : données techniques et scientifiques, cliniques, et
humaines………
 Délibération interdisciplinaire, temps respecté, maturation des acteurs du soin, et des sujets.
2. Faire connaître le choix du patient (à T-1) et le valider avec le médecin néphrologue, et médecin traitant
et la famille
 Absence d’outils palliée par l’usage d’une grille décisionnelle partiellement adaptée à la situation,
elle est remplie par le médecin traitant, la patiente, la famille, le médecin néphrologue, le médecin de
l’EMSP,
 Respect d’un délai de réflexion d’un mois,
 Proposition de nommer une personne de confiance,
 Conservation de la trace de cette procédure multidisciplinaire Original en possession de Me S,:double
du document introduite dans le dossier médical, remis aux enfants avec l’accord de Mm S., remis au
médecin traitant, au médecin des soins palliatifs.
3. Limite de cette procédure
 Il s’agit d’une procédure intervenant comme une décision clinique à un moment donné Q. Il s’agit d’une
décision professionnelle dans laquelle le patient tend à être acteur des décision qui, le concernent .
La décision peut être discutée par le praticien en charge des soins le moment venu et la patiente peut
changer d’avis.
 Il existe des difficultés d’accès aux informations en cas d’ hospitalisation urgente.
4. La demande de soins proportionnés est associée à une demande de soins.
5. La conduite à tenir pourrait être : entendre le besoin précis de cette patiente qu’il faut entendre, prévoir
une accès direct dans le service de néphrologie, inscrite Mm S. sur liste des patients connus de l’unité de soins
palliatifs, prévenir Mm S. et sa famille que la décision d’orientation thérapeutique peut être réévaluée le jour
venu dans un sens différent soit du fait de son changement d’avis soit du fait des circonstances médicales
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DISCUSSION
Il s’agissait de faire respecter la décision de Me S à T-1. Anticiper permet d’une part d’aider r Me S. et ses
proches dans leur cheminement d’autre part de préparer la patiente à toutes les éventualités, y compris que
son choix ne soit pas respecté.
D’un point de vue médical, la demande était acceptable du fait de l’âge de la patiente, son histoire, sa façon
de vivre (veuve, solitaire)
Il est nécessaire de penser à moyen terme : différencier qualité de vie et qualité de fin de vie : Me S. ne veut
pas être dialysée 3 fois par semaine, mais veut être soignée à l’hôpital. Seule Me S. peut être juge de sa
qualité de fin de vie.
L’évaluation médicale se situait dans ce contexte d’une personne en fin de vie. Son espérance de vie dialysée
n’excédait pas 6 mois. Fatigue, douleur, souffrance : comment évaluer les dégâts psychiques et physiques de
cette dialyse ?
En l’occurrence nous passons d’une médecine scientifique à une médecine soignante.
Pour le Pr R. Zittoun « la médecine a toujours été une technie (tekhnê) : « un savoir pratique », la médecine
corrige les imperfections de la nature avec des outils. Ce qui est nouveau, c’est l’omniprésence des techniques,
nul ne lui échappe. « Pallier à cette médecine scientifique par une médecine soignante qui redonne sa place
au malade comme sujet. . Objectiver le subjectif en ne laissant pas de côté ce que pensent les gens.
L’incertitude (différente du doute) pose le problème de la décision du médecin. Or toute décision est prise
dans des conditions d’incertitude et toute décision est sous-tendue par un jugement de valeurs (maintien de
vie à tous prix, réparation). Or sauver ou guérir n’est plus l’objectif de la maladie grave. Quel est alors le
traitement adapté ?
Il faut dépasser l’incertitude, d’autant que plus la maladie est grave, plus on peut admettre l’incertitude.
Doit-on la partager avec le patient ? : le néphrologue ne connaît pas avec précision les conditions de vie et
les délai liés à l’espérance de vie de Me S si elle est dialysée.
Pour répondre à l’incertitude il doit établir des normes de pratique.
Me S choisit d’une certaine façon de finir ses jours à l’hôpital. Dans sa détresse, l’hôpital peut être un havre où
se reposer, se sentir en sécurité, réfléchir, un lieu d’une rencontre soignant/soigné.
CONCLUSION
Cette approche permettra peut-être à Me S. de prendre la décision qui lui « convient » le jour T. Et pour le
cas où sa décision ne serait pas suivie, de vivre moins « violemment » un geste thérapeutique. D’autant que ce
geste pourrait être suivi ultérieurement d’une limitation thérapeutique. Dans cette situation Me S. et sa famille
le vivraient moins brutalement pour l’avoir anticiper.
Mais « souvent ce sont les évènements qui décident plus que les hommes ».
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
UN SOIGNANT PEUT-IL S’AUTORISER A VERBALISER UNE PENSEE D’EUTHANASIE ?
C. SILVESTRI, N. DENIS-DELPIERRE, S. CONRATH, B. LESIMPLE-CLAUDE, V. LEVENEZ. PR DABOUIS
Service d’oncologie médicale, soins palliatifs
C.H.U. Hôtel-Dieu, Nantes.
OBJECTIF
Réfléchir sur les espaces investis par les soignants pour exprimer leur ressenti face à une prise en charge
particulièrement difficile.
MÉTHODE
PRÉSENTATION DU CAS CLINIQUE
Mme F., 53 ans, est hospitalisée en unité de soins palliatifs pour une tumeur de l’éthmoïde en phase terminale.
La tumeur est étendue avec un envahissement de la zone périorbitaire et de la base du crâne. Peu douloureuse
à son admission, elle présente très rapidement des troubles de la vigilance. Après deux semaines, ses troubles
s’aggravent et elle entre progressivement dans un état sub-comateux. L’extension tumorale est importante, la
tumeur s’extériorise sur le visage. L’époux de Mme F suggère de faire un bandage pour « bien cacher la tumeur ». Progressivement, la tumeur croît puis provoque des saignements et un écoulement purulent. La patiente
nécessite donc des soins quotidiens longs et pénibles puis la pose d’un pansement compressif cachant le haut
du visage, c’est-à-dire ses yeux et son nez. Elle reçoit alors un traitement morphinique à faible dose ; lors des
soins, elle n’exprime aucune plainte. Peu à peu la patiente ne réagit plus à aucun stimulus ; le neuro-chirurgien
contacté évoque une destruction corticale par extension tumorale…
Les soignants font chaque soin en binôme, pour se soutenir ; ces soins sont pénibles à cause :
 du risque d’hémorragie tumorale ;
 de l’écoulement purulent et malodorant au niveau des fosses nasales ;
 de l’étendue et de l’extériorisation de la tumeur responsables d’un préjudice esthétique considérable
Les interventions ne semblent pas douloureuses chez cette patiente qui est calme et ne présente alors aucun
symptôme particulier, le traitement antalgique n’est pas modifié.
La famille de Mme F manifeste sa confiance en l’équipe qui la soutient et accompagne sa souffrance…La fille
la plus présente de la patiente est aide-soignante. Elle amène ses propres filles âgées de 4 et 2 ans. La chambre est investie comme un lieu de vie et les murs sont décorés de photographies et de dessins d’enfants….
Lors des transmissions quotidiennes certains soignants expriment oralement les difficultés à prendre en charge
cette patiente, chacun peut également participer à un groupe de parole tous les 15 jours.
Quelques jours avant son décès, Mme F. présente des râles bronchiques et des gémissements lors des soins….
Le traitement antalgique est augmenté, l’encombrement bronchique est amélioré sous anticholinergiques à
faible dose.
La réalisation du pansement de la face devient encore plus délicate et la tumeur saigne de plus en plus….
La difficulté est telle que chacun pourrait s’interroger sur le bien fondé et le sens de chaque action.
Pourtant, la pénibilité de cette prise en charge est exprimée une fois par écrit dans le cahier de soins en 8
semaines d’hospitalisation….
Mme F. décède un après midi en présence dans le service de sa fille, de son gendre et de l’aumônier…
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
RÉFLEXIONS AUTOUR DES REPRÉSENTATIONS
L’EUTHANASIE
L’Euthanasie
Peut être considérée comme
un passage à l’acte
Homicide volontaire
avec intention de soulager la personne
Certains soignants ont seulement
expriméla difficulté des soins
et l’inquiétude quant à la croissance
inéluctable de sa tumeur,
directement liée à
la durée de vie de Mme F.
Suicide assisté
La famille n’a jamais fait
cette demande
La patiente n’a jamais
fait cette demande
REALITE
La question de l’euthanasie ne s’est jamais posée pour Mme F
?
LE SOIGNANT
soignant
Mission
Prendre soin de
=
agir au bénéfice du patient
REALITE
A partir du moment où Mme F
est entrée dans le coma,
les soins qui ont lui ont été donnés s’accompagnent
d’incertitude sur le bénéfice.
Potentiellement, le soignant peut
être confronté à un sentiment d’impuissance
majoré par la crainte de l’extension
inéluctable de la tumeur
Ce qui suppose des
représentations de la
mission et du bénéfice
But des actes de soins
Guérir
Douleur
Confort global
IDEAL DU SOIGNANT
DISCUSSION
- Mme F a été très entourée par sa famille et ses amis… La durée d’hospitalisation de Mme F a permis des
échanges réguliers et harmonieux entre la famille de Mme F et l’équipe ;
- La chambre de Mme F a été investie comme un espace privé, décorée de photographies apportant notamment l’image de ce que Mme F représentait pour sa famille et de ce qu’elle était physiquement avant la maladie : une femme assez jolie et coquette. Ces éléments ont été majoritairement considérés comme positifs par
l’équipe soignante. Cependant, il a été évoqué que ceux-ci pouvaient être source d’émotions parfois difficiles.
Plus généralement, la question de l’euthanasie soulève la question du passage à l’acte, qu’il soit suicidaire ou
meurtrier. Cette réflexion amène à proposer l’hypothèse suivante : le mécanisme du passage à l’acte serait le
résultat d’une souffrance. Celle-ci proviendrait d’un décalage insupportable entre l’ « idéal du soignant » et
146
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
le réel d’une prise en charge difficile. La question du sens que l’on peut y donner est centrale . Pour pouvoir
donner du sens, il est nécessaire que des espaces existent pour permettre l’émergence de réflexions et questions : « c’est horrible, mais je culpabilise de penser ça de Mme F », « pourquoi soigner si cela ne participe
qu’à la prolongation d’une souffrance indicible ? », « et dans ce cas, ne serais-je pas plus dans mon identité
de soignant si je participais au soulagement de cette souffrance que je perçois ? »…
PROPOSITIONS
Un travail visant à donner du sens à la prise en charge de Mme F a été réalisé dans le service. Ceci a peutêtre permis de réduire le décalage que tout soignant peut ressentir entre son idéal professionnel et le réel.
Une réflexion est à présent en cours au sein du service pour développer des moyens complémentaires dont le
but serait de prévenir la souffrance potentielle des soignants.
Actions mises en place lors de la prise en charge de Mme F : un autre avis médical lors d’une consultation
neurologique au chevet de Mme F, pour conforter la prise en charge ; consultation pluridisciplinaire et réunions
interdisciplinaires.
Les soignants bénéficient d’un groupe de parole, certains utilisent des soutiens extérieurs : séance de régulation
en cabinet privé, activités favorisant la détente (relaxation, sport…) etc..
Cependant, une réflexion peut être proposée sur le développement d’espaces supplémentaires d’expression,
dans un but complémentaire à ceux qui existent déjà. Le peu de traces écrites dans le dossier de soins sur le
ressenti des soignants amène à questionner sur les différents moyens d’expression des difficultés rencontrées.
L’expression orale, écrite, et corporelle est plus ou moins facile selon les personnes.
- la création d’un cahier où chaque soignant peut :
 écrire ce qu’il ressent,
 représenter graphiquement ce qu’une situation lui évoque,
 la création d’un atelier jeux de rôle avec un régulateur extérieur à l’équipe.
CONCLUSION
La maladie de Mme F était choquante et incurable. Les soignants n’ont pas abordé la question de l’euthanasie,
mais chacun a pu aborder le décès de la patiente comme un soulagement compte tenu du contexte. De façon
plus générale, la pensée d’euthanasie, même fugace, soulève les questions suivantes : qu’est-ce que je veux
vraiment tuer ? La patiente ? Sa tumeur face à laquelle je me sens impuissant(e) ? Mon sentiment d’impuissance
qui me fait souffrir ? En d’autres termes, si j’ai une pensée d’euthanasie, c’est parce que je souffre de cette
prise en charge difficile. Cela devrait m’alerter et m’amener à l’exprimer. Enfin, pour répondre en partie à la
question posée initialement, « un soignant peut-il s’autoriser à verbaliser une pensée d’euthanasie » ? Chaque
membre d’une équipe soignante devrait s’autoriser à exprimer sa souffrance. En effet, si la culpabilité d’une
pensée d’euthanasie vient à bloquer la réflexion du soignant, il peut être en danger (de burn-out, de passage
à l’acte). Il serait donc souhaitable de réserver plus d’espaces favorables pour déposer les émotions ressenties, et exprimer la souffrance, pour redonner, ou recréer du sens aux actions de soins difficiles.
BIBLIOGRAPHIE
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granted requests for euthanasia and assisted suicide in the Netherlands: interview study with structured questionnaire, BMJ.
2000 Oct 7;321(7265):865-6.
Ilinka Haverkate, Agnes van der Heide, Bregje D Onwuteaka-Philipsen, Paul J van der Maas and Gerrit van der Wal,
Death and the Physician , The emotional impact on physicians of hastening the death of a patient, MJA 2001; 175: 519522.
Bergeret Jean et coll., 1998, Psychologie pathologique, théorique et clinique, 7è édition, Paris, Masson.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DEMANDES D’EUTHANASIE EN CANCÉROLOGIE : QUELLE RÉALITÉ EN PRATIQUE DANS
UN CENTRE ANTICANCÉREUX ?
CHVETZOFF G. PERRET M. THEVENET G. ARBIOL E. GOBET S. SALTEL P –
Centre Léon Bérard, 28 rue Laennec 69373 LYON
Nous avons recherché rétrospectivement les situations de demandes d’euthanasie au CLB de janvier 2001 à
décembre 2003.
MÉTHODE
Nous les médecins cliniciens ont été sollicités. Nous avons également recherché les dossiers discutés en comité
pluridisciplinaire de soins complémentaires (CSC) et analysé chaque situation de demande persistante.
RÉSULTAT
16 situations ont été identifiées. Parallèlement, environ 1000 patients sont décédés au CLB et près de 500 à
domicile. Toutes les situations rapportées par les cliniciens étaient également connues du CSC. Elles ont concerné 8 hommes, 7 femmes et un enfant. L’âge moyen était de 56 ans (9-76 ans). Parmi les 15 adultes, 14
vivaient en couple, 13 avaient des enfants.
Dans 2 cas, la demande ne venait que de la famille et elle a disparue au cours de l’évolution.
Dans 7 cas, la demande venait du patient seul. Enfin, dans 7 cas, la demande venait du patient mais était
fortement relayée par l’entourage (voire prédominante pour 2).
Les motivations avancées étaient très voisines : perte d’espoir, refus d’être une charge, désir de maîtrise. Dans
tous les cas sauf 4 (demandes exclusives ou prédominantes de la famille), la souffrance morale paraissait
intense. Il existait des symptômes physiques rebelles dans 4 cas (douleur 3, vomissements 1).
La demande a disparu au cours de l’évolution dans 9 cas mais a persisté jusqu’à la fin dans 7 cas (de quelques
jours à deux ans).
8 patients sont décédés à domicile, 7 au CLB et 1 en USP. Une sédation par Hypnovel® a été instaurée chez
4 patients, dont 3 en demande persistante.
CONCLUSION
Les demandes d’euthanasie sont rares mais existent en cancérologie et peuvent parfois persister malgré des
soins palliatifs bien conduits.
148
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
« A L’ANNONCE DE MA MALADIE GRAVE, J’AI ARRETE DE VIVRE »
COMMENT LE VÉCU DE L’ANNONCE D’UNE MALADIE GRAVE PEUT CONDITIONNER
UNE DEMANDE DE MORT
S. CONRATH; C. SILVESTRI; B CORMERAIS; ML.ONNO; N. DENIS et l’équipe soignante de l’unité de soins palliatifs du
CHU de Nantes
INTRODUCTION
Le vécu de l’annonce d’une leucémie grave peut conditionner une demande de mort
MÉTHODOLOGIE
ETUDE D’UN CAS CLINIQUE
Madame S., 82 ans, célibataire, sans enfant, a vécu il y a 2 semaines l’annonce d’une leucémie aiguë monoblastique pour laquelle le pronostic semble compromis même avec un traitement lourd.
Elle refuse alors tout traitement curatif puis tout soin…
Elle et sa famille organisent son transfert en unité de soins palliatifs. Depuis elle refuse de s’alimenter et verbalise quotidiennement son souhait de mourir au plus vite sans acharnement de soins. Ce désir de mort semble
soutenu par la famille.
Elle se sent « crucifiée » parce qu’on la laisse continuer à vivre et évoque chaque jour comme une obsession la
façon dont on lui a annoncé la maladie et son pronostic….
DISCUSSION
Problématiques soulevées :
 Si on la considère en état de choc suite à l’annonce de sa maladie: est-elle en état de prendre une
décision éclairée concernant le traitement proposé? A-t-elle pris la bonne décision?
 Comment la respecter dans sa démarche de refus de traitement et l’accompagner
 Comment entendre sa demande de mort ?
Propositions :
 Accompagner la patiente : considérer l’humeur dépressive qui s’est révélée antérieure à l’annonce de la
maladie et réactionnelle au décès d’un frère en 2001.
 Accompagner la famille qui exprime sa souffrance sur un mode agressif dirigé contre l’équipe soignante .
CONCLUSION
Importance d’évaluer la capacité de la personne à entendre son diagnostic pour lui permettre de s’autoriser
à vivre malgré la maladie.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
IL FAUT QUE CELA AILLE VITE
SUAREZ A. CORRADINI N., THOMAS C., MECHINAUD F.
Service d’oncologie pédiatrique chu Nantes
Nous rapportons une situation de demande d’euthanasie.
A., âgée de 6 ans est suivie depuis 2002 pour tumeur cérébrale sous tentorielle (ATTR). Pronostic sévère conduisant à un protocole intensif dans le cadre de la recherche clinique. Traitement réalisé entre Angers et l’IGR
associant chimiothérapie conventionnelle, programme multi greffe, neurochirurgie et radiothérapie jusqu’en
juillet 2003. Les parents sont précisément informés de la gravité de la maladie et des aspects du traitement.
Novembre 2003, l’IRM contrôle montre des images spinales non signalées aux parents, lesquels profitent de
cette période pour réaliser des projets avec leur fille.
Janvier 2004, prise en charge en urgence à Nantes pour compression médullaire qui permet d’annoncer la
rechute aux parents. Leur demande est extrêmement précise : « Il faut que cela aille vite ». Ils évoquent la
possibilité de signer une décharge pour libérer les médecins de leur responsabilité. Leur souhait est que A.
et sa famille ne soient pas confrontées à sa dégradation. Les parents refusent la venue désirée par A. de ses
camarades de classe. Aucun projet de vie.
L’équipe réussit progressivement à recentrer le projet sur A. : le traitement de la douleur et la radiothérapie
lui permettent de participer avec enthousiasme aux activités du service. La progression tumorale dégradant
son état de conscience, elle quitte la vie tranquillement.
La maman témoignera : « j’ai vu la vie qui s’en va, ce moment était incontournable même si j’en avais très peur ».
Réflexions de l’équipe :
 le projet de soin doit être continu et il y a eu ruptures dans le cas de A,
 le repositionnement du triangle parents enfant soignants a permis aux parents d’avancer.
150
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
COMMENT ENTENDRE : “FAITES TOUT POUR MON ENFANT!”
DE BROCA ALAIN, BARATHON MARION, BERQUIN PATRICK - NEUROPÉDIATRIE
CHU Amiens 80054 cedex 1
La fin de vie d’un enfant est insupportable pour des parents. Quelles que soient les raisons de cette vie
abrégée (maladie génétique, acquise, accident, violence) les parents se sentent remis en question dans leur
capacité parentale, notamment la mère. L’enfant qui devait être choyée ne le peut plus. « Je n’ai pas été
capable d’amener mon enfant à son statut d’adulte » disent-ils. Le sentiment de culpabilité est toujours très
important. Les derniers moments présumés de la vie sont autant de périodes d’interrogation supplémentaires
et d’exacerbation de toutes leurs ambivalences avec renforcement de ce sentiment de culpabilité. Il arrive
alors fréquemment d’entendre : « Docteur, il faut tout faire pour mon enfant ! ».
Comment entendre ces paroles ? Quels sens ont-elles ?
Nous proposons une réflexion sur ces questions à partir de l’expérience de 3 situations familiales vécues ces
derniers mois dans lesquelles nous avons été confrontés à ces questions.
L. est un enfant (18 mois) avec encéphalopathie séquellaire après maltraitance. Après plusieurs mois vécu dans
un tableau d’encéphalopathie convulsivante réfractaire à tous les traitements, l’enfant s’aggrave dans u tableau
d’infection pulmonaire. Il décédera après 15 jours d’accompagnement dans l’unité.
D. 5 mois, présente une amyotrophie spinale infantile type 1. Le temps du diagnostic passé, la préoccupation des
parents est centrée sur l’avenir. Comment tout faire … sans trop faire ? 2 ans après, il est bien vivant avec ses
parents, ventilé en VNI nocturne.
L. 10 mois présente une encéphalopathie convulsivante probablement d’origine anténatale. Une aggravation
des crises entraîne son hospitalisation en juin. Au bout de 15 jours, l’aggravation est telle que 4 antiépileptiques
ne suffisent pas. L’équipe souligne peu à peu l’inexorable avancement de la maladie et explique tous les gestes
proposés à leur enfant afin qu’ils prennent tout leur sens. Malgré la confiance que ces parents nous portent, l’incompréhension est forte et il faut effectivement faire tout pour elle. Après de nombreux entretiens, il semble que
les confusions sur le « tout faire » aient pu être nivelées, permettant son décès dans la chambre entourée de ses
parents de 2 membres de l’équipe.
Notre analyse de ces situations permet de souligner que cette question place chacun dans une perspective
du « mieux à faire » dans l’immédiat et pour un avenir projeté et donc renvoie à un travail de réflexion sur
« l’idéal de vie que chacun porte en soi » Accepter de travailler sur la contextualisation de ce « tout faire »,
accepter de prendre du temps pour comprendre les enjeux du « tout faire » pour celui-celle qui en parle nous
semble être à la base même de toute mise en place d’une aide appropriée au malade et à sa famille. A l’inverse, entendre ce « tout faire » comme si, seule, la toute puissance technique médicale avait du sens, oriente
l’équipe dans une potentielle optique d’irrespect du patient et de sa famille par les deux extrêmes alors
envisagés : l’acharnement technico-thérapeutique et la fin de vie - euthanasie. C’est dire si l’équipe soignante
doit accepter de prendre du temps à la reformulation de toute parole pour ne jamais se méprendre sur leur
signification. C’est dire si une mise en situation doit se travailler bien en deçà des difficultés que peuvent nous
susciter ces situations extrêmes.
151
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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« PEUT-ON ENTENDRE QU’UN ENFANT EN FIN DE VIE DÉSIRE OU DEMANDE LA MORT ? »
Le Grand-Sébille C., maître de conférences en Socio-anthropologie de la santé et Éthique médicale, Faculté
de Médecine, Lille 2.
Cette communication s’appuie sur les résultats d’une étude qualitative (commanditée par la Fondation de
France et l’association F-X-B) et sur les témoignages de nombreux soignants en pédiatrie. L’exposé éclairera
les difficultés de l’adulte à « penser » l’enfant voulant mourir. Seront abordés, en première partie, les aspects
anthropologiques et philosophiques qui nourrissent cette antinomie entre l’enfance et la mort. Puis, nous évoquerons à partir de notre travail de terrain, les questions suivantes :




152
L’inflation de l’espérance en médecine, empêche-t-elle d’entendre la « demande » de mort ?
Comment l’enfant ou l’adolescent ont-ils signifié aux adultes qui les entourent leur désir de mourir ?
Comment ces soignants, ces parents, les ont-ils « autorisés » à entrer dans la mort ?
Et avec quels effets ?
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EST IL POSSIBLE DE PRÉVENIR LA DEMANDE D’EUTHANASIE
EN PÉDIATRIE CANCÉROLOGIQUE OU CHEZ LES ENFANTS ATTEINTS DE MALADIE
DÉGÉNÉRATIVE ?
Dr. E. PICHARD
Centre de Traitement de la Douleur et de Soins Palliatifs Institut Gustave Roussy – Villejuif.
INTRODUCTION
Il est un fait indéniable que, adulte ou enfant, la durée palliative s’allonge et ceci est du à l’amélioration et la
multiplicité des traitements anticancéreux et à la prise en compte très précoce de tous les symptômes inhérents
à la maladie cancéreuse ou aux maladies dégénératives.
Cela a pour corollaire des symptômes de fin de vie de plus en plus neurologiques en particulier des métastases
cérébrales et méningites, et une dégradation physique et relationnelle beaucoup plus durable qu’auparavant
et donc beaucoup plus « inacceptable » au plan parental et soignant.
POSITION DU PROBLÈME
Face à la durée, il existe des décalages. Le premier décalage est celui de la dégradation physique qui aliène
la relation aux autres. Le deuxième est le décalage entre ce que le malade donne à voir et ce qu’il vit intérieurement.
« Quand le corps se défait, l’essentiel se montre. L’homme n’est qu’un nœud de relation, seules les relations
comptent pour l’homme ».
C’est à partir de cette phrase du frère aîné de Saint Exupéry que nous allons articuler ce sujet de l’insupportable face à la douleur innommable ou non reconnaissable et à la durée qui paraît interminable et s’intrique
dans les douleurs.
Ce que les autres (les entourants) voient et peut être ne comprennent pas, c’est l’occupation du malade (par
les examens et les traitements) qui favorise le travail psychique de l’adaptation rapide à sa nouvelle situation
et à son acceptation. Ce qui était inacceptable probablement encore quelques semaines plus tôt le devient
alors pour le patient. Les parents et les proches sont en discordance et en décalage puisqu’ils n’acceptent pas
cette dégradation ; leur acceptation est beaucoup plus lente. Ils ne comprennent pas que le malade puisse
s’adapter à une telle catastrophe et quelque part peuvent lui en vouloir de cette adaptation rapide qu’est la
propre sauvegarde de l’autre. Face à cette durée, la famille va réagir.
Il n’est pas rare d’entendre « on n’en peut plus » « c’est insupportable » pouvant bien entendu aller jusqu’à
la demande de « mettre fin ». Ceci va mettre en jeu le « pouvoir faire », ce qui a été tout au long de la maladie, qui va non pas s’opposer avec le « savoir être ». Etre inactif « en apparence » c’est-à-dire accepter
une inconnue de savoir à apprendre et à partager, accepter de découvrir ensemble en même temps pour
communiquer.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
RÉPONSES POSSIBLES
Savoir être devant des altérations physiques :
Les altérations sont générées par la tumeur, par les conséquences des médicaments et par les déformations,
par les rétractions, les escarres liées aux atteintes neurologiques de l’immobilisation, etc… Il en ressort qu’elle
génère de la part des soignants, une reconnaissance avec la mise en place d’attitude préventive et d’attitude
active même en phase palliative kinésithérapie, orthèse, radiologie interventionnelle, chirurgie…
Le savoir être devant ce qui est exprimé en termes de douleur :
Quand la non communication arrive, il y a deux types de repérages rapides : le premier repérage concerne
la douleur aiguë, le deuxième est la douleur durable.
En ce qui concerne la douleur aiguë, il existe une expression faciale typique quels que soient la culture et
l’âge et il est parfaitement décrit dans le « facial coding » du nourrisson et qui comporte quatre items qui sont
exprimés en présent / absent :
 sourcils froncés,
 paupières serrées,
 sillon naso labial accentué
 bouche ouverte.
Si l’on regarde la statuaire, la peinture, l’expression artistique exprime ces items, qui sont transculturels et
transgénérationnels.
Par ailleurs, il existe des repérages qui doivent être identifiés pour un douleur durable. Ils appartiennent à des
items d’hétéro évaluation qui tous convergent vers un comportement de désocialisation. Par exemple, chez le
nourrisson cela s’appelle la sociabilité, la consolabilité (échelle Amiel Tison) ; chez l’handicapé : isolement du
patient, troubles psychologiques, malaise des soignants (échelle de San Salvadour) ; chez les personnes âgées
: communication, vie sociale, troubles du comportement (échelle Doloplus).
Nous en venons maintenant, à ce qui déstabilise les intervenants, au nom de la « douleur- souffrance » quand
le verbal n’est plus et génère la demande d’interruption de la vie.
Un travail sur la douleur est en cours de réalisation pour individualiser les douleurs dans ces situations particulières.
Il se décline en quelques notions importantes :
 quand le verbal n’est plus : il faut reconstruire ensemble tous les modes d’expression,
 le malade retrouve sa place centrale entouré de tous les soignants et aidants,
 les regards et les savoirs sont alors équivalents hors de toutes hiérarchie sociale et de tout savoir médical.
Quand on veut examiner un enfant potentiellement douloureux non communiquant, il faut toujours le faire en
équipe ; ceci n’est pas une règle mais une proposition de travail :
 avoir tous ses sens en éveil,
 identifier les manifestations les plus expressives et performantes des patients,
 inventer et redécouvrir les « pictogrammes »,
 parler et poser les questions lentement, clairement, en utilisant un langage normal,
 attendre la réponse (lenteur idéatoire, réponse retardée).
Comment trouver la douleur quand le langage n’est plus ?
Le savoir de chaque partenaire va permettre d’identifier quatre situations expressives qui peuvent toutes en
imposer pour de la douleur et qui seront à différencier les unes des autres :
 le mécontentement,
 la quête affective,
 la souffrance,
 la douleur physique.
154
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Quand le schème douleur est identifié, il faut réaliser l’examen en respectant les liens affectifs et les positions
confortables avec une méthodologie stricte mais adaptée au contexte et parfaitement exhaustive. Il faut cependant reprovoquer la douleur pour l’identifier : terrible paradoxe. Après cet examen, on essaie de traiter
au plus près dans ces situations.
CONCLUSION
Il n’y a aucune recette sinon une observation multi-professionnelle, surtout beaucoup d’ingéniosité pour retrouver les modalités de communication et en favoriser la réappropriation par les parents et les soignants les
plus proches. Alors le temps qui s’écoule qui n’était rempli que par l’insupportable douleur physique peut de
nouveau prendre un sens relationnel.
Ce qui n’existe pas, produis-le : c’est l’intention.
Extrait de « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran »
Eric-Emmanuel Schmitt
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LA MORT FOLLE
ARNETON N. ET LEGENDRE C.
hôpital psychiatrique de Ville-Evrard St Denis Romain Rolland secteur 1
M. V. J. né le 25/10/1927 au Portugal fut admis dans l’unité d’hospitalisation psychiatrique après passage
aux urgences, au mois de janvier 2004. Il a deux filles.
L’indication d’hospitalisation est liée à un processus dépressif avec un aspect délirant persécutif, un refus alimentaire et insomnies.
On ne remarque pas d’antécédents chirurgicaux ni psychiatriques connus.
Par contre on note une prise en charge à l’hôpital de Villejuif en 1993 pour un néo de la lèvre inférieure traité
par radiothérapie et chimiothérapie.
Le début des troubles semble remonter à quelques années de manière progressive ou M. V. est convaincu qu’il
était maltraité par l’équipe soignante de l’hôpital de Villejuif qui d’après lui, a réalisé des expériences scientifiques sur son corps et l’a torturé, qu’il est fiché sur Internet, qu’il est surveillé partout dans son appartement
et à l’extérieur dans ses déplacements.
En 1999 il a un accident de voiture avec sa femme qui décède des suites de ses blessures. Il se culpabilise et
se dit responsable de sa mort.
Cette expérience délirante persécutive a évolué pendant plusieurs années laissant apparaître un syndrome
dépressif avec refus alimentaire et insomnie.
A son admission, M. V est mis d’emblée sous traitement neuroleptique et antidépresseur.
L’évolution est lente, lors des entretiens médicaux et infirmiers, il parle de sa vie, très focalisé sur la période de
traitement de son cancer, n’ayant pas supporté l’isolement, pensant avoir été traité comme une bête. Il parle
beaucoup du décès de sa femme, de sa culpabilité et ajoute qu’il a préparé sa mort, qu’il a fait donation de
ses biens à ses filles, que ses obsèques sont préparées, il nous parle d’euthanasie et cite l’exemple de Humbert
Vincent, il veut en finir avec toute cette souffrance, refuse toujours de s’alimenter et de s’hydrater. Il demande
la mort à multiple reprise.
Le médecin somaticien propose une perfusion qu’il accepte et reste encore une semaine sans s’alimenter.
Son frère qui vit au Portugal lui rend visite, peu à peu il se réalimente.
La prise en charge médicale et infirmière fut surtout axée vers les entretiens psychiatriques réguliers, la stimulation à l’hygiène, l’alimentation, la revalorisation et bien évidemment le traitement médicamenteux.
On a observé un bon soutien familial.
Allant mieux, nous pouvions envisager la sortie de M. V. mais il ne souhaitait plus vivre seul dans son appartement, trop de souvenirs dit-il, il ne veut pas non plus se rapprocher de ses filles, préfèrerait vivre avec son
frère de 92 ans ou être en foyer médicalisé.
Nous lui avons donc trouvé une place dans une maison de retraite avec un suivi régulier avec un psychiatre de
notre service.
Il a été par la suite admis en foyer résidence prés du lieu d’habitation d’une de ses filles en Savoie.
On peut remarquer dans cette prise en charge l’aspect dépressif et l’importance de la culpabilité, l’isolement… autant d’éléments qui rendent la vie difficile et tendent à vouloir en finir en faisant une demande
d’euthanasie.
Le traitement antidépresseur faisant céder la dépression, le patient n’a plus fait cette demande.
Pouvons nous penser que cette demande d’euthanasie était en fait un des symptômes de la dépression ?
Pouvons nous penser que le refus de s’alimenter était une sorte d’euthanasie passive et lente ?
Dans ce cas précis comme une tentative de suicide.
Reste que plusieurs fois la demande d’euthanasie fut verbalisée comme une demande d’aide et envers une
équipe soignante.
156
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
L’EUTHANASIE DU POINT DE VUE DU GÉRIATRE DANS LE CADRE D’UNE DÉMENCE
POUDENS L.*, CATENACCI E.*, AUBRY A.**, KARIM A.*
*service de soins de suite et réadaptation et soins de longue durée, hôpital de Pertuis, rue de Croze - 84120 Pertuis
**C.M.L.S. Roger Duquesne, rue de la vierge noire - 13100 Aix-en-Provence
En gériatrie où tout lit est potentiellement un lit de soins palliatifs se posent de nombreuses questions d’éthique
notamment chez la P.A. démente d’où la proposition de ce sujet concernant la question de l’euthanasie.
Dans une première partie, nous proposons de poser les définitions suivantes : l’euthanasie et la démence.
L’EUTHANASIE
- Ethymologiquement, le mot euthanasie vient du grec : « eu » qui signifie bonne et de « thanos » qui veut dire
mort.
L’euthanasie permettrait donc une mort naturelle, bonne et douce sans souffrance.
Elle consisterait à faciliter le passage de la vie à la mort en supprimant toute souffrance.
- Mais actuellement, ce terme a évolué et s’attache à l’acte volontaire qui provoque délibérément le décès
d’une personne qui souffre de façon insupportable ou vit une dégradation insoutenable.
- Dans le Code de Déontologie, plusieurs articles font référence à l’euthanasie de façon indirecte :
 Article 2 : le médecin se doit de respecter la vie humaine du patient et sa dignité.
 Article 37 : le médecin doit soulager les souffrances de son patient, l’assister moralement et éviter toute
obstination déraisonnable dans les investigations ou traitement.
 Article 38 : le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ces derniers moments, assurer par des soins
et mesures appropriées la qualité de fin de vie, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son
entourage.
Le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort du patient.
- Dans le Code pénal , l’euthanasie reste assimilé à un meurtre ou empoisonnement ou à la non-assistance à
personne en danger.
- De son côté, le Comité Consultatif National d’Ethique rejette la dépénalisation de l’euthanasie, renonce à
considérer qu’il pourrait s’agir d’un droit mais propose l’aménagement du code de procédure pénale avec
mention de « cas d’exception ».
LA DÉMENCE
C’est une pathologie neuro-dégénérative dont la plus connue est la Maladie d’Alzheimer et on répertorie
d’autres démences dites apparentées à la M.A. : les démences vasculaires, la démence à corps de Léwy et les
démences fronto-temporales.
Pour simplifier, nous allons prendre pour modèle la M.A. et décrire brièvement ses différents stades d’évolution
qui montrent bien l’hétérogénéité de cette pathologie :
- la phase de début ou phase pré-démentielle :
Elle se caractérise par l’apparition de troubles cognitifs concernant surtout la mémoire épisodique et de travail, le langage écrit puis oral : aphasie anomique avec des manques du mot, diminution de la fluence verbale
et des troubles attentionnels avec perte des rapports temporels et apraxie visuo-constructive.
Les autres fonctions cognitives sont conservées.
La P.A. peut présenter des modifications de l’affectivité, un syndrome dépressif, une anxiété.
Il n’y a pas de répercussion sur les activités de la vie quotidienne.
- la phase d’état ou phase démentielle :
Elle se caractérise par l’existence d’un syndrome démentiel patent avec des troubles cognitifs majeurs : de
la mémoire, perte des repères spatio-temporels, syndrome aphaso-apraxo-agnosique et une altération des
capacités de raisonnement puis des fonctions exécutives avec un retentissement important sur les activités de la
vie quotidienne et l’apparition de troubles psycho-comportementaux et déambulation.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
- la phase évoluée ou terminale :
Elle se caractérise par une perte d’autonomie qui devient complète et des troubles psycho-comportementaux
majeurs.
Dans une deuxième partie, nous évoquons la formulation de la demande d’euthanasie :
LA P.A. DÉMENTE EST-ELLE CAPABLE DE DEMANDER À MOURIR ? ET COMMENT ?
OUI ? QUAND ?
- à l’annonce du diagnostic d’une démence en phase de début : comme pour toute autre pathologie dégénérative incurable, la P.A. peut vouloir mourir.
- à la phase d’état de la démence : la P.A. peut avoir des moments de lucidité où elle peut avoir conscience
de ses troubles et soit sombrer dans un état dépressif majeur avec repli sur elle-même jusqu’à développer un
syndrome de glissement, soit revendiquer sa volonté de mourir.
- à la phase évoluée de la démence : bien que grabataire, la P.A. peut ressentir l’envie de mourir.
COMMENT ?
- en phase de début, la P.A. peut être capable de s’exprimer très clairement
- à la phase d’état de la démence, la P.A. peut arriver à se faire comprendre :
- soit par un changement de comportement qui demandera à l’équipe une attention toute particulière car par
défaut de pouvoir s ‘exprimer la P.A. pourrait vouloir passer à l’acte : automutilation, défenestration, refus
alimentaire, crises d’agitation
. soit en étant capable, au milieu d’une jargonophasie, de « lâcher » des mots tels que mort, cimetière ou plus
explicitement lancer « je veux mourir ».
- en phase évoluée : la P.A. peut aussi refuser de manger, « lâcher » un mot ou avoir une larme pendant une
toilette.
POURQUOI ? derrière ces demandes il se cache :
- une grande souffrance morale et physique
- une atteinte à l’identité de la P.A.
- un sentiment de déchéance à venir ou plus ou moins avancé
- un sentiment d’être une charge pour les autres
NON : la P.A. démente peut ne pas pouvoir formuler cette demande dans les cas de démence fronto-temporale où la P.A. se présente plutôt avec des troubles du comportement au premier plan, des stéréotypies
verbales et se situe sur un versant euphorique.
Mais derrière cette euphorie ne se cache-t-il pas une souffrance atypique ?
Ou dans les cas des démences évoluées avec une P.A. grabataire, mutique et gastrostomisée.
LA DEMANDE D’EUTHANASIE PROVENANT DE LA FAMILLE
QUAND ?Lorsque la P.A. est dans un stade terminal qui n’en fini pas de durer avec présence de troubles trophiques délabrants.
COMMENT ?La famille peut clairement exprimer cette demande ou de façon détournée, parfois en accusant
le médecin de prolonger la vie de la P.A. par les perfusions.
Pire, la famille peut être tentée de passer à l’acte.
POURQUOI ?
- L’absence de communication avec la P.A.dans les syndromes d’immobilisation terminale.
- L’état clinique de déchéance de la P.A. peut devenir intolérable aux yeux des proches.
- Les proches peuvent être liés à la P.A. par une promesse.
- il peut aussi exister des causes moins avouables.
Au total : les familles sont en très grande souffrance, se retrouvent seules et ont peur de leur propre déchéance
et mort.
158
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LA QUESTION DE L’EUTHANASIE SOULEVÉE PAR LES SOIGNANTS
QUAND ?
- lorsque l’équipe prend réellement conscience que la P.A. est en phase terminale et que l’issue arrive avec une
notion de doute qui peut surgir : a-t-on fait le maximum ? N’y a-t-il pas plus à faire? Ou n’y a-t-il pas autre
chose à faire ?
- ou à contrario, quand on a une hyper médicalisation aboutissant à une maîtrise de la vie et de la mort avec
un sentiment de forte responsabilité pour l’équipe mais pour quel résultat ?
- quand la P.A. souffre moralement ou physiquement et que les moments de soins n’apportent plus de réconfort
mais ne font que majorer cette souffrance.
- quand la famille souffre et exprime son souhait d’en finir.
- lorsqu’il y a un excès de demande de la part des P.A., des familles ou du médecin.
COMMENT ? en s’exprimant très clairement ou en passant à l’acte sans en parler…
POURQUOI ? Cette demande est révélatrice d’une très grande souffrance, d’un sentiment d’impuissance et de
culpabilité et renvoie aussi à l’angoisse de sa propre déchéance et de sa propre mort.
Elle signe aussi un sentiment d’épuisement bien connu sous le terme de burn out et
résulte d’un manque de formation, de réflexion sur la mort et l’accompagnement de fin de vie, d’un manque
d’écoute et enfin d’un effectif trop restreint.
III. Dans une troisième partie, nous tenterons de suggérer des réponses à ces demandes en illustrant par des
cas cliniques vécus tout en sachant que chaque cas est unique et qu’une généralisation est impossible.
Mais au total, la réponse revient à prodiguer de « bons » soins palliatifs avec un travail en équipe multidisciplinaire pour une prise en charge globale du patient, de sa famille et des soignants : cette démarche s’apparente tout à fait à la prise en charge globale déjà réalisée en gériatrie mais avec des moyens moindres
qu’en unité spécialisée.
Etre face à la démence ne doit pas changer fondamentalement nos pratiques.
Il devient donc impératif de développer des lits de soins palliatifs reconnus en tant que tels et intégrés aux
services de soins de suite et soins de longue durée pour bénéficier de moyens supplémentaires humains et matériels, désengorger les unités spécifiques de soins palliatifs gériatriques qui restent indispensables et surtout,
pour ne pas rompre les liens tissés entre les personnes âgées et les soignants.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DEMANDE D’EUTHANASIE CHEZ LE VIEILLARD INSTITUTIONNALISÉ : QUELS MOTS
POUR QUELS MAUX ?
H. CHEKROUD1, MAI THI TRAN2, D. VANHEEMS1, P. SAUNIÉRE3 A. HERBAUT1, H. LAMBLIN4, L. GIVELET4, S. SOYEZ1,D.
MALLET1
Le questionnement sur la fin de vie et la mort est incontestablement présent dans le discours des personnes
âgées institutionnalisées. Ce discours peut prendre des formes variées : interrogations (« pourquoi continuer à
vivre ? »), affirmations (« j’ai fait mon temps », « je suis inutile, un fardeau pour les miens ») mais aussi demandes (« que pouvez faire pour moi ? »). Il touche plus ou moins les soignants à qui il s’adresse, et ce d’autant
plus que la formulation choisie est directe (« je veux mourir »), mais le plus souvent, ces propos, fréquents dans
les services de gériatrie de longue durée, sont banalisés et on constate un réticence à envisager certaines de
ces demandes comme des demandes d’euthanasie.
Pourquoi le discours sur la mort des personnes âgées en long séjour est-il reçu de manière différente de celui
des malades jeunes ou des patients hospitalisés dans un service de soins palliatifs ? Au delà de l’expression
d’un malaise et d’une souffrance intérieure, ne traduisent-ils pas parfois un véritable désir de mourir ? Certes,
le patient âgé qui exprime ce désir, le fait le plus souvent dans un contexte de grande lassitude. Il dit sa difficulté d’accepter le vieillissement, de faire le deuil de son indépendance psychique et physique antérieure et
la difficulté de trouver du sens à la vie présente. La question de l’euthanasie ne semble donc pas apparaître
au premier plan. Pour autant, on ne peut pas dire qu’elle est absente. L’existence d’un espace où la parole
peut s’exercer librement peut nous aider à mieux comprendre les demandes réelles des patients : il ne s’agit
pas seulement de mettre des mots sur des maux mais de réfléchir à la question « quels mots pour quels maux ?
1 Service de soins de suite et de soins palliatifs CH jean de Luxembourg 29 rue H. Barbusse, 59320 Haubourdin.
2 Laboratoire CNRS : unité mixte de recherche 8528, Université Charles De Gaulle Lille 3.
3 Service de géronto-psychiatrie Institut Camille Miret 46120 LEYME.
4 Unité de soins de longue durée, CH de Loos 22 rue H. Barbusse, 59150 Loos.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EUTHANASIE ET SOULAGEMENT DE LA DOULEUR DANS LES MAISONS DE RETRAITE
P. MAIRE
Résidence Bellerive, Bellerive 1, 2016 Cortaillod – CH
Les maisons de retraite seront vraisemblablement de plus en plus appelées à répondre à des demandes
d’euthanasie. En effet, aujourd’hui, davantage qu’à domicile ou qu’à l’hôpital, la fin de vie et la mort se vivent
dans les maisons de retraite, où il est très fréquent que l’on soit confronté à des expressions plus ou moins
précises et persistantes d’une aspiration à mourir. Lesquelles trouvent toujours leur origine dans les épreuves
physiques et psycho-affectives de la personne âgée. Si, à chaque fois, ces demandes interpellent les collaborateurs auxquelles elles s’adressent, elles tendent toutefois à être la plupart du temps banalisées de diverses
manières qui relèvent du déni.
Pour une part, cette tendance peut tenir au fait qu’il est difficile de déterminer si ces demandes sont l’expression d’une naturelle et compréhensible lassitude de vivre ou si elles constituent une demande formelle d’assistance au suicide. Par ailleurs, les collaborateurs se sentent parfois démunis du fait qu’ils ne disposent pas
toujours des compétences de communication suffisantes pour faire face à la situation. Mais avant tout, on peut
émettre l’hypothèse que ces demandes sont le plus souvent trop confrontantes par rapport à leur rôle et à leur
souci d’aider pour qu’ils puissent y apporter une réponse adéquate. Ce qui met en évidence que l’aptitude à
répondre à une demande commence par la capacité à l’entendre.
Or, il existe une autre manifestation qui est insuffisamment prise au sérieux, c’est celle de la douleur. Ici aussi,
la tendance consiste à généralement minimiser ce que la personne âgée exprime. Ainsi, l’ensemble du personnel soignant, médecin traitant compris, va volontiers considérer qu’elle exagère, qu’elle simule, ou encore
que c’est normal de souffrir lorsqu’on est âgé… Il subsiste que l’on peut sans peine observer une indéniable
corrélation entre une douleur physique - ou une souffrance psycho-affective - et des propos faisant état d’une
aspiration à mourir.
Partant du sentiment que les mesures que nous adoptions dans notre institution en vue de soulager la douleur
pouvaient être améliorées, nous avons mené une campagne de mesure systématique de la douleur au moyen
des échelles visuelles analogiques, ou du questionnaire Doloplus pour les résidents trop désorientés pour de
se prononcer d’eux-mêmes. Cette mesure a été précédée d’une phase de sensibilisation au cours de laquelle
nous avons invité nos résidents à exprimer leurs douleurs au moyen de dessins ou de textes. Rétrospectivement,
cette phase aura été en particulier très utile pour dissiper la pudeur qui entoure la question de la douleur, tant
du point de vue des soignants que des résidents.
C’est ainsi que plusieurs enseignements remettant en question notre pratique professionnelle ont pu être tirés
de cette campagne.
Premièrement, le simple fait de parler ouvertement de la douleur - ce qui était nouveau - contribue à son soulagement. Ce qui est ici déterminant, c’est de la nommer précisément : par sa description spécifique et sa mesure, la douleur acquiert un sens. Or il est nécessaire qu’une signification soit donnée à une manifestation si l’on
veut avoir la moindre influence sur elle. En d’autres termes, la nomination permet d’opérer l’essentielle distinction entre ce qui nous arrive, d’une part, et l’interprétation que nous faisons de ce qui nous arrive, d’autre part.
Deuxièmement, et dans le même temps, nous avons observé qu’en plus de la douleur en soi, la personne exprime toutes sortes de commentaires mentaux qui rendent la situation encore plus pénible. Comme cette vieille
dame qui avait beaucoup de peine à déglutir, mais qui souffrait essentiellement de ce que l’on aurait pu penser d’elle du fait qu’elle était toujours la dernière à table. Ainsi, nommer la douleur et la distinguer des commentaires qu’elle engendre contribuent déjà le plus souvent à la faire passer d’insupportable à supportable.
Troisièmement et du point de vue de leur soulagement, nous avons naturellement eu la confirmation que de
nombreuses douleurs sont sous-estimées et que par conséquent la couverture antalgique peut être améliorée,
par une adaptation de la médication, ou simplement par une modification du dosage et/ou de la fréquence
d’administration.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Quatrièmement, et ce n’est pas ici le moindre des enseignements, cette exploration a eu un effet conséquent
sur les soignants en leur permettant de développer plus de respect, une meilleure écoute et davantage de
présence à l’égard des personnes souffrantes. Et surtout une attitude plus active à l’égard de leurs propres
souffrances. En nous confrontant à nous-mêmes, la douleur des autres nous apprend aussi l’humilité et la nécessité d’un développement personnel, tant il est vrai que nous ne pouvons aider les autres qu’à partir de l’attention que nous portons à nos propres interpellations. Logiquement, il apparaît ainsi qu’en niant nos douleurs
personnelles, nous n’avons pas accès à celles d’autrui.
Appliqué aux demandes d’euthanasie, ce dernier enseignement pourrait alors signifier qu’une réponse passe
prioritairement par la capacité pour les soignants de développer une attitude plus active à l’égard de leurs
propres souffrances et de traiter leurs interpellations personnelles. En aucun cas, il ne s’agit de chercher à
faire disparaître douleurs et demandes d’euthanasie. Par contre, il importe de pouvoir garantir qu’elles seront
entendues et qu’elles recevront la réponse attentive et empathique qu’elles méritent, une réponse subordonnée
à la faculté d’être à même de retourner les douleurs personnelles et de dépasser la peur de la mort. Ceci dans
l’espoir que cette réponse aidera la personne dans le passage qu’elle s’apprête à effectuer.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
COMMENT ACCOMPAGNER UN ETAT PAUCI RELATIONNEL QUAND LA FAMILLE
EPUISEE AU BOUT DE 4 ANS DEMANDE UN ARRET DE L’ALIMENTATION ENTERALE.
Docteur B. THUBERT, EMSP du CH de Rambouillet
Docteur C. HAJJAR, CGAS de Chevreuse
Mme C. MERCIER, psychologue, CGAS de Chevreuse
Docteur N. VESCOVALLI, Directrice du réseau de soins palliatifs à domicile « Le Pallium ».
OBJECTIFS
Prise en charge des états pauci relationnel vivant en Maison d’Accueil Spécialisé et accompagnement de l’entourage. Réactions et réponses face à une demande d’euthanasie
Méthode :
Mise en place d’une travail pluridisciplinaire avec intervention de l’équipe mobile de soins palliatifs et saisi si
nécessaire du comité d’éthique du réseau de soins palliatifs
DISCUSSION
Nous avons été confronté à deux cas d’aggravation, pour l’un la famille (belle sœur médecin) a demandé
l’arrêt de l’alimentation parentérale afin qu’il meure.
La situation est celle d’une détresse familiale qui s’exprime différemment pour chacun :
 l’épouse présente un syndrome dépressif, elle a du mal à venir le voir car elle ne retrouve pas l’homme
qu’elle a aimé,
 la fille ne prend aucun contact car pour elle il est déjà mort,
 la belle-sœur se reproche que son beau-frère soit dans cette situation là et revit une situation douloureuse d’une alimentation par voie entérale agressive et mal tolérée vécue par elle 15 ans auparavant.
Après avoir saisi le comité d’éthique du réseau « Le Pallium », il a été envisagé
 de réévaluer le traitement et d’arrêter les inhibiteur de la pompe à proton,
 en cas de surinfection bronchique, abstention d’antibiothérapie mais contrôle de la fièvre, et lutte contre
l’encombrement bronchique.
Peu de temps après (2 semaines) est survenue une anémie suivi d’une abstention de transfusion, et le patient
est décédé calmement.
La prise en charge de la souffrance de cette famille a été de proposer par une gestion des symptômes attendus et une réévaluation des thérapeutiques. Ceci a été fait en mesurant le sens et les conséquences des
modifications thérapeutiques sans pour autant provoquer un geste euthanasique.
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10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DEMANDE D’EUTHANASIE DANS LE CADRE DE LA PRISE EN CHARGE D’UN PATIENT
HANDICAPÉ SÉVÈRE À DOMICILE
BREDEAU O. MARTIN K.
Réseau Ville - Hôpital Oïkia - Saint Etienne
Nous souhaitons évoquer à partir d’une observation d’un malade jeune handicapé sévère une demande
d’euthanasie survenue pendant son accompagnement à domicile. Le réseau ville hôpital OÏKIA s’occupe essentiellement de malades atteints de cancer en soins palliatifs, cette observation ne représente pas un cas
d’accompagnement exceptionnel (3 à 5 personnes par an) de malade atteint de handicap neurologique
sévère. Les soins palliatifs ont été modélisés à partir de l’accompagnement de malade atteint de cancer ,
aujourd’hui les équipes y compris à domicile sont sollicités pour tout malades incurables notamment lors q’un
événement clinique met en jeu le pronostic vitale . La maladie chronique avec un handicap sévère va modifié
en profondeur le malade par rapport à son environnement, sa famille et les soignants qui vont l’accompagner.
Cette chronicité n’existe pas dans le cancer. Pouvons nous utiliser notre expérience pour répondre au malade
présentant un handicap sévère le rendant dépendant pour tous les actes de la vie quotidienne ?
Lors que nous rentrons en contact en mai 2003 avec Mr B.P., il est âgé de 37 ans, c’est à l’appel de son médecin traitant à la suite d’un nouvel épisode de douleur artérielle touchant le pied droit. En fait il présente
une aggravation de l’ischémie évoluant depuis 48 heures. Ce praticien est en difficulté pour répondre au le
traitement de la douleur suite à l’ischémie aigue ; de plus il est confronté à une demande d’euthanasie réitérée
de la part du malade et de son épouse. Cette demande s’accompagne de refus d’hospitalisation et se réfère
à l’inefficacité des dernières interventions artérielles faites il y a un mois.
Nous souhaitons donner des arguments à partir de l’observation clinique, l’accompagnement à domicile et
l’analyse psychologique de cette situation pour refuser une demande d’euthanasie.
Ce patient est atteint par un syndrome de Marphan diagnostiqué en septembre 2000 et depuis 3 ans avec les
complications citées selon l’ordre chronologique : atteinte neuromusculaire du bras droit, hémiplégie droite et
aphasie suite à un A.V.C. sylvien gauche massif, : phlébite droite compliquée d’embolie pulmonaire , hématome
sous dural sous AVK avec première crise d’épilepsie généralisée, insuffisance cardiaque modérée associée à
une insuffisance mitrale, AVC sylvien droit régressif, artériopathie stade IV du membre inférieur droit ; pontage
fémoro-tibial postérieur droit, crise d’épilepsie post opératoire contrôle scanner récidive de l’hématome sous
dural, ischémie sub aigue du greffon traitement médical abstention chirurgicale (trop de risques de thrombose)
mise sous morphine par voie orale pour la douleur sortie de l’hôpital sur décharge, persistance de la douleur
nécrose de l’avant pied proposition d’amputation sous le genou droit.
Cette histoire clinique très complexes a emmené une quinzaine d’hospitalisations avec des séjours parfois long.
Ce patient se retrouve à 37 ans « cloué » dans un lit, dépendant pour tous les actes de la vie quotidienne, son
univers se limite à une salle à manger où est installé le lit médicalisé face à la télévision. Ancien travailleur
manuel, il est marié et a 2 enfants ses centres d’intérêts sont limités. Et il se voit proposer une hospitalisation
pour amputation sous tibiale droite qu’il refuse de façon catégorique.
La prise en charge coordonnée dans le cadre du réseau a permis le soulagement de la douleur physique
avec la mise en place d’une PCA de morphine, l’optimisation des traitements locaux de la nécrose cutanée,
l’anticipation des complications infectieuses et la gestion des crises d’épilepsie itératives, l’accompagnement
social et la mise en place d’aide à domicile, un lien avec l’APF pour la participation à des activités d’animation
extérieures au domicile, un suivi psychologique rapproché qui est décrit ci après.
Cette activité coordonnée des différents acteurs sanitaires et sociaux, est possible grâce au réseau de soins
palliatifs de proximité, animé par une cellule de coordination. Cette cellule de coordination est composée
d’un médecin, d’un infirmier, d’une psychologue et avec une logistique administrative et un secrétariat adapté.
Son objectif est de permettre le lien, le soutien, voire la formation action des différents acteurs du domicile.
Son implication pratique par des visites en accord avec les soignants référents a permis un accompagnement
pouvant répondre à la demande d’euthanasie.
164
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Si la suite de l’histoire de ce patient (9 mois après le 1er contact) a pu être poursuivi en milieu hospitalier pour
réaliser l’amputation acceptée par le patient, et permettre un appareillage pour une reprise à la marche, à
ce jour effective, le sevrage de la pompe à morphine et l’optimisation du traitement des complications neurologiques, c’est grâce au lien que permet le réseau entre les soignants du domicile et les équipes hospitalières.
La demande d’euthanasie dans le cadre de cette longue prise en charge a marqué la première approche du
patient et de son épouse, une demande qui est apparue d’emblée, largement manifeste et verbalisée. Nous
avons découvert peu à peu au fil des mois, chacun dans notre rôle auprès de cette famille, toute la problématique latente à cette demande qui n’a cessé de s’imposer à la réalité de la maladie pour devenir inévitable,
incontournable, de plus en plus manifeste. C’est l’essentiel de cette problématique d’un point de vue psychologique que nous allons essayer de vous retracer ici en quelques points.
Premier point : c’est bien la question du traitement d’une douleur physique aiguë qui amène la cellule de
coordination d’OÏKIA (médecin et infirmier coordinateurs) à rencontrer Mr B. Mais bien au-delà de ce contexte
douloureux, c’est une détresse familiale intense à laquelle nous allons tous être confrontés. La vie individuelle
et familiale n’a plus aucun sens et il est apparemment clair pour Mr B. et son épouse qu’il faut y mettre un
terme, la mort fut-elle le prix à payer. Nous rentrons dès lors dans l’intimité d’une famille à feu et à sang, «
the horror house » le visiteur est-il prévenu par un écriteau « halloweenesque » à l’entrée de la maison. Une
véritable prise en charge en réseau s’organise autour de Mr B. ainsi qu’un travail de soutien psychologique
demandé par l’épouse pour les deux derniers garçons de la fratrie âgés de 6 et 13 ans ; travail que le
plus jeune accepte volontiers, mais que refusera le deuxième malgré une première rencontre très dense en
éléments cliniques. L’épouse de Mr B. suit elle-même une psychothérapie depuis plusieurs mois auprès d’une
collègue psychologue en ville. Commence dès lors un long suivi du patient et de sa famille au cours duquel
chacune de nos visites (médecin, infirmier, psychologue) sera le réceptacle de la souffrance qui se trame dans
l’histoire familiale où la violence verbale et physique est omniprésente.
Deuxième point : en permettant à cette détresse familiale de s’exprimer, de se verbaliser, la demande d’euthanasie, solution psychique très fermée, va peu à peu s’effacer et laisser une ouverture possible vers la pensée
et l’élaboration. Il nous a paru fondamental au regard de l’histoire familiale d’entendre comment cette demande ne tendait pas seulement vers Thanatos, mais peut-être tout autant vers Eros. Et lorsque les pulsions de
vie reprennent le pas sur les pulsions de mort, le processus psychique d’une recherche de sens peut à nouveau
s’enclencher et se mettre en travail. C’est la vie qui rentre et circule à nouveau dans cette « maison huit clos »
que nous connaissions jusqu’alors : les enfants s’activent, des sourires apparaissent.
Troisième point : les symptômes de Mr B. s’améliorent peu à peu et dans ce contexte d’amélioration clinique
impensable quelques mois auparavant, nous nous mettons à imaginer, à rêver collectivement une reprise
d’autonomie pour Mr B. Or, comment cette famille peut-elle penser l’évolution favorable d’une pathologie qui
dure déjà depuis plusieurs années et qui reste lourde de conséquences ? Comment peut-elle s’inscrire à nouveau dans la projection dans l’avenir alors que l’issue euthanasique marquait jusqu’alors la mort psychique de
la pensée familiale ? Comment peut-elle se réapproprier son vécu et son histoire et se détacher du recours à
l’intervention d’un objet extérieur ? C’est, nous semble-t-il, en reconnaissant une place à chacun des membres
de la famille et en favorisant l’expression et la circulation de la parole qu’un travail psychique individuel et
familial s’est enclenché. Ainsi la question de l’amputation a-t-elle pu être pensée par Mr B.P., individuellement
et en toute autonomie psychique, indépendamment de la pensée familiale ; une amputation refusée puis
acceptée par le patient qui a retrouvé peu à peu sa capacité de penser, de ressentir, et donc de décider et
peut-être de vivre.
Le dernier point serait celui de l’intervention du réseau dans cette prise en charge. Rapidement, le patient et
surtout son épouse ont investi les différents professionnels, avec un transfert massif notamment sur l’infirmier
coordinateur et la psychologue. Happés par l’histoire et le vécu de cette famille, nous avons laissé les affects
s’exprimer et se déposer massivement lors de nos visites, régulières et fréquentes. Le cadre ainsi instauré aura
très vite permis une utilisation malléable par l’épouse de Mr B. : le réseau devient un tiers exutoire, étayant,
contenant, rassurant. Réseau « utilisé » également par le patient lui-même qui, allant mieux physiquement, se
saisit des perches vers la vie que lui tendent les différents intervenants. Nous avons pu nous détacher, en tant
que professionnels, de cette demande euthanasique et penser un projet de vie pour Mr B., un projet qu’il a
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10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
fini par s’approprier pour lui-même, malgré les bouleversements dans sa vie familiale, et qu’il peut à nouveau
penser individuellement.
Du point de vue psychologique, c’est bien à la mort psychique que Mr B. a réchappée et c’est bien vers une
nouvelle vie qu’il se tourne avec l’intégration psychique de son handicap et une possible rééducation.
Nous pouvons tirer plusieurs enseignements de cette histoire remarquable.
Premièrement, redire que la douleur non maîtrisée, le handicap sévère, la perte d’autonomie physique et
l’absence de perspective, sont autant d’arguments pour une demande d’euthanasie.
Les soignants du domicile sont confrontés seuls à des demandes qui justifient l’existence d’équipe de coordination de proximité en soins palliatifs .L’accompagnement en pluridisciplinarité réalisé à domicile peut permettre
d’apporter des réponses adaptées à cette demande d’euthanasie.
L’évolution de ce malade , nous rappelle notre devoir d’humilité et qu’il s’agit avant tout de la vie privé d’un
homme dans son environnement familial et social qui doit être privilégié. Nos vérités se fissurent confrontés à
une réalité acceptée.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
UTILISATION INADÉQUATE DES OPIOÏDES À DOMICILE : RISQUES ET DÉRIVES POSSIBLES
Dr. HIRSCH Godefroy
EADSP 41 111 rue du Bourg Neuf 41000 Blois
La prescription des morphiniques a considérablement augmenté ses dernières années, notamment à domicile,
et ce fait est bénéfique pour la prise en charge de la douleur des patients en fin de vie. Cependant, de
nombreuses équipes de soins palliatifs intervenant à domicile, en particulier dans le cadre des réseaux, relèvent trop fréquemment des utilisations inadéquates des morphiniques et s’interrogent sur de possibles dérives
euthanasiques.
Cette présentation cherche à mettre en évidence et à discuter, à travers une pratique de terrain :
- Des faits constatés à domicile :
 Initiations de traitement trop tardives, timorées ou excessives,
 Erreurs de prescriptions en particulier lors de l’augmentation des doses, dans les règles d’équi-analgésie,
 Non anticipation des effets secondaires,
 Utilisation inappropriée des patchs de fentanyl (primo-initiation, doses trop fortes, surdosage possible,…) parfois franchement euthanasique,
 Des périodes « à risques » notamment lors de l’arrêt de la voie orale.
- Des causes possibles :
 Méconnaissances des règles de bases de la prescription,
 Confusion autour du double effet,
 Insuffisance de la démarche clinique, en particulier autour de l’évaluation,
 Manque de repères éthiques, tentation euthanasique,
 Messages ambigus sur certains morphiniques.
- Des propositions en terme de sensibilisation et de formation des acteurs :
 Le choix des messages,
 Les données pharmacologiques des produits utilisés,
 Le sens du traitement antalgique et son inscription dans une véritable démarche palliative,
 La nécessité de faire naître et d’enraciner une réflexion éthique.
Les réelles difficultés dans l’analyse clinique et la prise en charge thérapeutique des douleurs en fin de vie à
domicile, les risques toujours possibles de dérives euthanasiques, doivent inciter les équipes de soins palliatifs
à continuer leurs efforts dans le domaines de la formation mais aussi favoriser le développement d’une culture
du questionnement éthique dans la pratique quotidienne de tous les intervenants du domicile.
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LES AIDES À DOMICILE CONFRONTÉES À L’EUTHANASIE ?
M.-P. LIMAGNE
Centre de Formation François-Xavier Bagnoud
Actuellement, le Centre François-Xavier Bagnoud est de plus en plus sollicité pour assurer auprès d’aides à domicile des formations à l’accompagnement des personnes en fin de vie. En 6 mois, de septembre 2003 à mars
2004, neuf groupes de 10 à 12 personnes ont bénéficié d’une formation de 3 à 4 jours. C’est dans ce cadre
que des aides à domicile se sont exprimées sur leur vécu par rapport à des situations dites « d’euthanasie »
auxquelles elles ont été confrontées.
En préalable, il semble important de préciser quelques points concernant les conditions de travail des aides à
domicile, peu connues du monde des soins palliatifs.
1. Selon l’arrêté du 26 mars 2002 : « l’intervention à domicile de l’aide est un accompagnement et un soutien
des personnes dans leur vie quotidienne : actes essentiels, activités de la vie ordinaire et activités sociales ».
Elles assurent, l’aide à la toilette, les courses, le repas et le ménage. L’évolution des situations fait que les aides à
domicile assurent parfois le travail d’une aide soignante (toilette au lit, prévention des escarres…) d’une coordinatrice des soins entre la famille et les soignants, d’un bénévole ou d’un proche qui assure l’accompagnement
d’une personne en fin de vie, sans en avoir comme un soignant ou un bénévole, ni les moyens, ni la formation.
2. Par ailleurs, le temps de présence auprès de la personne est la grande spécificité de leur rôle par rapport
aux autres intervenants du domicile. L’aide à domicile peut rester huit heures par jour auprès du malade, faire
des nuits ou un week-end dans le cadre des structures mandataires et, cela parfois durant des années. La
durée et l’évolution de la maladie sont des facteurs qui ne facilitent pas la mise en place de limites claires par
rapport à leur rôle et leur fonction.
3. Inversement elles peuvent aujourd’hui aussi intervenir de façon ponctuelle dans les situations de fin de vie
quand une HAD ou un réseau les sollicite.
4. Dans certaines situations (structure mandataire), l’aide à domicile perd son emploi chaque fois que la personne meurt. La fragilité de leur emploi représente une autre réelle difficulté.
5. Les aides à domicile que nous avons rencontrées vivent souvent elles-même dans une grande précarité.
6. Les personnes embauchées dans le cadre d’une structure de type prestataire, peuvent bénéficier d’une formation continue tout en touchant leur salaire. Celles qui dépendent d’une structure mandataire peuvent avoir
une formation, mais elles les suivent sur leur temps libre. Parfois les personnes qui venaient en formation étaient
celles qui travaillaient la nuit…ou celles en attente d’un nouveau contrat (donc au chômage).
Se pose une question importante : Est-il acceptable d’embaucher des personnes dans une grande vulnérabilité
avec des problèmes relationnels et sociaux importants, pour prendre en charge des personnes elles-mêmes
dans une grande fragilité et demandant un soutien et des compétences importantes… ? C’est pratiquement
un des rares métiers d’aide aux personnes qui soit accessibles aux demandeurs d’emploi sans diplôme ou aux
étrangers ayant des diplômes non reconnus par notre pays. N’est-ce pas un paradoxe étonnant de l’accompagnement des personnes en fin de vie ?
Après cette présentation, qui nous semble un préalable indispensable pour comprendre ce que peuvent vivre
ces professionnels, nous allons aborder le thème qui nous préoccupe aujourd’hui : « Les aides à domicile confrontées à l’euthanasie ».
En formation, la question qui semble la plus préoccupante au démarrage est : « comment répondre aux personnes qui demandent la mort ? » Tout un temps de réflexion est prévu sur comment entendre et comprendre
cette demande d’assistance à la mort. Il est important d’en faire une analyse précise, car il y a toute une palette de nuances entre « je veux mourir maintenant, avec votre aide » ce que l’on pourrait appeler une vraie
demande d’euthanasie et « je suis las de la vie, j’aimerai que la mort arrive, je n’ai plus rien à faire, j’aimerai
que ça aille vite, je ne voudrais pas traîner » que l’on pourrait appeler des souhaits de mort, une attente de
la mort. » Puis, la formation étant un lieu où le partage d’expérience est favorisé, les questions sur l’euthanasie
arrivent presque systématiquement. C’est à ces moments là que la parole se délie. Les membres des groupes
selon leur expérience abordent les situations critiques rencontrées à domicile.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Parmi les 95 personnes que nous avons eues en formations lors de ces 6 mois, 4 s’étaient trouvées dans des
situations qui les ont mis très mal à l’aise, où le plus souvent il leur était demandé de partir brutalement, de
ne pas revenir, que leur travail était fini. La personne accompagnée était morte (ou allait l’être) le lendemain.
Par exemple : l’aide à domicile intervient auprès d’un vieux monsieur en fin de vie souffrant régulièrement
de crises d’asthme. Son fils médecin semble suivre de près le traitement. Une entente cordiale existe entre ce
monsieur et l’aide à domicile. Ils se connaissent depuis longtemps. Un jour, le fils vient car le père souffre d’une
crise violente. Il demande à la garde d’aller acheter de l’eau. Surprise par cette demande, celle-ci est partie,
mais elle ne s’imaginait pas qu’en rentrant, elle retrouverait le monsieur mort. Sa réaction a été : « vous l’avez
tué ! Vous n’aviez pas le droit de faire ça… ! » Le médecin n’a pas répondu et lui a demandé de rentrer
chez elle. Quand l’aide à domicile a rappelé pour savoir quand avait lieu les funérailles, la date était fausse.
Quand elle est arrivée, il était déjà enterré…
Autre exemple : une personne de 50 ans, souffrant d’un cancer des os en phase terminale, et un mari très
proche, ne supportant plus de voir sa femme dans cet état ; cette dernière demande que cela se termine. Un
ami médecin, est venu pour « aider cette personne à mourir… » L’aide à domicile n’a pas compris. Qu’ont-ils
fait ? Aucune explication n’a été donnée. Un sentiment de gène régnait dans la maison. La seule chose dite fut,
« votre travail est terminé ici… ». La personne est morte dans la nuit.
Dernier exemple : l’aide à domicile arrive pour s’occuper de la personne âgée dont elle a la charge et trouve
près d’elle une infirmière qui prépare une perfusion et un médecin qu’elle ne connaissait pas. Elle s’inquiète de
l’état de la patiente et demande des informations. Là aussi, un sentiment de déranger, des réponses évasives
et pour finir « ce ne sera pas la peine de venir demain. » Que se passe-t-il pour ces personnes suite à ces
situations ? Certaines se sentent en confiance dans leur structure et peuvent avoir une écoute. Mais d’autres
ne disent rien, et tombent malades ou ne peuvent pas reprendre un nouvel accompagnement. Parfois c’est
la formation qui autorise la parole et permet une prise de distance. Certaines trop en souffrance, viendront
bénéficier des services de notre centre d’accompagnement du deuil pour aborder ces situations difficiles. Non
seulement la tristesse existe, mais aussi la colère d’être infantilisées, non reconnues et de n’avoir rien pu faire.
Leur grande difficulté est qu’elles entendent au quotidien parfois la souffrance, des demandes de mort, elles
accompagnent au mieux, elles portent seules ces souffrances et elles se trouvent brutalement mises devant le
fait accompli que tout doit s’arrêter. C’est comme si tout le travail d’accompagnement qu’elles réalisent n’était
pas pris en compte dans ces situations. Souvent d’origine étrangère ou de milieux défavorisés, elles se sentent
vulnérables, manquent d’assurance et de confiance en elles. Ces situations, sont d’une grande violence. Elles
interviennent parfois à deux ou trois selon les besoins de la personne aidée, mais elles n’ont, en général, pas
de contacts entre elles ou très peu. Les « transmissions orales » sont peu encouragées par leur structure. Elles
se sentent donc le plus souvent seules. Le principe du binôme qui existe pour les bénévoles intervenant à domicile semble difficile à mettre en place pour des salariés. Par ailleurs, les familles sont peu en contact avec la
structure administrative qui les embauche. Les permanents qui organisent les prises en charge n’ont ni le temps
ni les moyens de faire un travail approfondi d’évaluation des situations au départ. Le suivi en cours de prise
en charge est succinct. C’est seulement quand il y a un problème que parfois les aides demandent conseil ou
soutien, mais ces dernières n’osent parfois rien dire de peur d’être déconsidérées et ne plus être sollicitées
pour de nouveaux contrats. C’est pourquoi, certaines n’imaginent pas qu’elles puissent avoir une place dans
une équipe. Souvent elles entendent des paroles ou observent des comportements, par exemple face à la
douleur ou face au refus de manger ou de prendre les médicaments. Même si ces renseignements peuvent être
utiles aux soignants, elles n’osent pas s’imposer. Elles ne se sentent pas autorisées à parler ou tout simplement
ne sont pas écoutées. Cependant, elles ont besoin aussi de comprendre ce que les soignants font en fin de vie,
pour éviter des interprétations hâtives… (par exemple, l’utilisation de la morphine…) Les silences, les non-dit,
la non considération entre acteurs du domicile peuvent être source d’incompréhension et de grande souffrance.
Il est important de redire que les aides à domicile accompagnent des personnes parfois durant des années et
jouent un rôle important. Elles aspirent à de la reconnaissance, y compris lors de la fin de vie de ces personnes.
Si l’objectif de santé publique est de permettre aux personnes de mourir à domicile, plusieurs conditions ne
sont pas encore suffisamment remplies.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Cependant nous constatons depuis quelques années des évolutions tout d’abord à propos de la formation de
ce public :
 un grand effort est fait pour inciter les aides à acquérir le Diplôme d’Etat d’Auxiliaires de Vie Sociale
(DEAVS).
 des formations continues sur le thème de l’accompagnement des personnes en fin de vie sont plus nombreuses,
car les aides à domicile se sentent démunies mais aussi parce que la CNAM propose des aides financières.
 certaines structures forment les coordinateurs pour être plus à l’écoute des familles, mais aussi des aides.
 des groupes de parole sont parfois proposés aux aides.
Autre exemple positif : c’est l’équipe mobile de soins palliatifs d’une région qui a été à l’initiative de la mise
en place de formations pour des aides. Leurs interventions ponctuelles au cours de la formation, a permis de
créer des liens et de faire connaissance. Certaines ont pu même témoigner du travail d’appui qu’elle avait eu
de la part de l’équipe mobile. Pour elles, se sentir soutenues, reconnues, pouvoir appeler quand un problème
se présente, parler après le décès… représente de réelles améliorations de leurs conditions de travail.
En conclusion, si le développement des soins palliatifs à domicile et des réseaux représente un axe important
de santé publique, il paraît urgent de réfléchir à la place des aides à domicile dans ces équipes de soins, à
leur formation et leur statut.
1 Le terme d’aide à domicile, qui est le plus usité, englobe dans notre propos les titres d’aide ménagère, garde à domicile, garde
malade, sachant que le nouveau terme sera « auxiliaire de vie sociale ». Des aides à domicile homme existent mais ils sont peu nombreux, ce qui explique l’emploi du féminin dans ce texte.
2 ASH – 11 avril 2003- n°2306
3 Schwartz Anne, SEMAD d’Annonay, Les aides à domicile écrivent leur métier, Ed ; J.P. Huguet, 2002
4 LEDUC Florence, ESCALERE Bernard, MENESSIER Denis, ENNUYER Bernard, FIOR Sylviane, L’aide à domicile : des métiers, des définitions, p. 243-254, La formation des personnels p.255-281, Les services mandataires, p. 159-167 ; In : Guide de l’aide à
domicile, Dunod, 2001.
5 Le désir de mort en soins palliatifs, G. Desfosses, Médecine palliative, N°5 Octobre 2003tt
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
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SESSION ATELIERS SERIE C
« DEMANDE D’EUTHANASIE : SITUATIONS ET CIRCONSTANCES COMPLEXES »
C1 ASPECTS JURIDIQUES
 Une loi sur l’euthanasie peut-elle clore le débat éthique ?
Cécile BOLLY

Les dispositions européennes en matière d’euthanasie : l’évolution d’un concept juridique, le droit de mourir
Karine BREHAUX

Les pratiques euthanasiques à l’épreuve du droit
Nathalie LELIEVRE
C2 EUTHANASIE, SOCIÉTÉ ET ENVIRONNEMENT
 Euthanasie, de la violence à l’autorisation
Isabelle MARIN

Accompagner ou anticiper le terme de la vie : les représentations de la population
Audrey SITBON

A propos de l’euthanasie : quand sortira-t-on de la confusion ?
Danièle LECOMTE
C3 LIMITATION ET ARRÊT DE TRAITEMENT
 Obstination ou résignation ?
Patrick WIENER

Autonomie de la technique et régulation par des pratiques d’euthanasie
Donatien NALLET

Nutrition entérale - quelles réponses pour le soignant convoqué par la vulnérabilité du malade ?
Hubert TESSON
C4 REFUS DE TRAITEMENT
 Face à celui qui étouffe et refuse la sédation
Yves BOSCHETTI
 « Donnez-moi un couteau… »
EMSP, CH VALENCIENNES
 Demande d’arrêt des soins : quelle réponse apporter ?
Jean-Paul ORY
C6 LA QUESTION DE LA DIGNITÉ
 Vers une “mort apaisée”, convergences et affrontements
Marie Laure CADART

Dignité-euthanasie
Antoine PELLETIER
C7 LA MORT DÉSIRÉE : REGARDS PSYCHANALYTIQUES
 Demandes d’euthanasie : entre honte et culpabilité
S. AMAR

Réalité de la pulsion d’emprise dans la demande d’euthanasie.
Isabelle ATMANI

L’euthanasie, une question d’idéal ?
Marie-Armelle ROQUAND
C8 TESTAMENT DE VIE
 Euthanasie : en finir avec l’hypocrisie ?
Guillaume BERRICHON

“La déclaration de volontés anticipées, c’est dire : “fontaine, je ne boierai pas de ton eau”
Laurence BOUNON

Le testament de vie en unités de soins palliatifs
I. DUTRANNOY
C9 SUICIDE ASSISTÉ
 Utilisation de pompe PCA pour auto-sédation : suicide assisté ?
F. ESCOUROLLE

Dans l’attente d’une mort programmée
Grégoire GREMAUD

Le temps de la demande : euthanasie ou suicide assisté. La place du tiers
Brigitte SAMAMA
C10 LA PLACE LAISSÉE AU DOUTE
 L’homicide légal à l’hôpital
Christine ACCARION

Ethique et intentions
Thierry ROUX

La place du doute en service de soins palliatifs
Virginie TOURTOUR-SERRA
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
UNE LOI SUR L’EUTHANASIE PEUT-ELLE CLORE LE DÉBAT ÉTHIQUE ?
BOLLY C., VANHALEWYN M.
Centre Universitaire de Médecine Générale, UCL, Bruxelles
Au-delà du « pour ou contre » qui agite bien des prises de parole à propos de l’euthanasie, nous proposons
d’en parler ici en rappelant l’importance du contexte dans lequel chaque demande est faite et du processus
de maturation nécessaire avant de donner une réponse .
Il nous semble indispensable d’articuler 3 dimensions :
 accepter de nous laisser toucher par la souffrance de l’autre – y compris quand les manifestations de
cette souffrance ne nous agréent pas,
 accepter de nous ouvrir à la complexité du réel et apprendre à en intégrer les différents éléments,
qui ne sont pas tous donnés d’emblée,
 accepter de prendre suffisamment de distance pour être et pour rester capables de penser ce que
nous mettons en œuvre dans notre pratique.
Accepter de nous laisser toucher par la souffrance de l’autre nécessite de prendre le risque de la rencontre,
d’oser se mettre en péril.
Accepter de prendre suffisamment de distance nécessite d’élargir son regard, d’envisager des points de vue
différents, d’apprendre à analyser, à élaborer.
La complexité du réel nous apparaît alors à travers une tension qui nous invite non pas à faire le grand écart,
mais à nous donner le temps d’un va-et-vient, d’un aller-retour entre l’action et la réflexion, le contexte et les
concepts, l’individuel et le collectif.
Toute tension peut-être la cause d’un repli sur soi ou l’occasion d’un apprentissage, voire d’une transformation.
C’est une question de recherche, de travail, d’ouverture, de lâcher-prise aussi …
Dans notre réflexion, nous souhaitons attirer l’attention sur la double polarité qui se manifeste à différents
niveaux :
- d’une part la dimension paradoxale à laquelle la loi votée en mai 2002 peut nous conduire :
 cette loi permet d’ouvrir davantage le dialogue à propos de l’euthanasie , mais elle risque également
de le clore de manière prématurée si un geste d’euthanasie tend à devenir la manière la plus normale,
la plus logique de répondre à une demande;
 cette loi crée des conditions pour que la liberté de conscience des soignants puisse s’exercer , mais elle
risque aussi de réduire la réflexion à propos de notre pratique si l’euthanasie tend à devenir une solution à la souffrance humaine : elle sera alors ce qui permet de ne plus devoir se tenir dans l’inquiétude
que provoque toute fin de vie.
- d’autre part l’interprétation possible de la loi dans deux dimensions tout à fait opposées :
 certains y voient un obstacle au libre choix du patient parce qu’il y a différentes contraintes : la souffrance doit être intolérable, la demande répétée, l’équipe consultée, l’avis médical confirmé par un ou
deux collègues, …
 d’autres trouvent qu’elle constitue une référence trop exclusive à l’euthanasie comme solution idéale.
- et enfin l’impression, si on prend le temps de s’approprier les termes de la loi, que celle-ci contient à la fois
un risque réel d’appauvrissement de notre pratique et une occasion d’enrichissement de celle-ci :
 le risque est entre autres celui d’un glissement possible du côté de la solution idéale, de l’application
automatique de règles, de la mise en ordre administrative d’un dossier ou encore de l’évitement de la
grande complexité dans laquelle chaque demande d’euthanasie plonge les soignants,
 l’occasion est celle d’une ouverture possible à une remise en question de notre pratique et de nos compétences : comment analysons-nous une situation ?
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
Acceptons-nous d’interroger nos propres conceptions et nos propres croyances ?
Quels sont les éléments du réel à partir desquels nous cherchons à donner une réponse ? Quelle attention apportons-nous aux différents facteurs qui peuvent influencer l’autonomie d’un patient ? …
Si les soignants ne peuvent pas faire l’économie du travail que doit susciter chaque demande d’euthanasie,
l’élaboration commune dont il s’agit concerne le patient et tout ce que sa demande peut signifier ou dont elle
témoigne, mais également les soignants.
Ce qui est en jeu concerne la manière dont les différents acteurs en présence parviennent à analyser la situation, dont ils questionnent leur conception et leur représentation des choses, dont ils convoquent les différents
éléments du réel à partir desquels ils cherchent à donner une réponse.
Or, jusqu’à présent, les soignants sont insuffisamment formés à la dimension relationnelle de leur pratique, ainsi
qu’à l’élaboration d’un discernement éthique.
Vouloir combler ces lacunes nécessite de sérieuses remises en question , car l’acquisition de telles compétences
ne peut pas se faire une fois pour toutes, mais elle est indispensable pour introduire une subjectivité et une
intersubjectivité qui manquent énormément à la médecine technique, avant tout basée sur le morcellement et
sur l’objectivation du corps.
Si la loi comble un vide juridique, elle ne peut ni combler un vide relationnel, ni clore le débat éthique.
Au contraire, nous pensons qu’elle rend encore plus indispensable la mise en œuvre d’un questionnement éthique, qui cherche à établir des liens entre 3 pôles, à les tenir ensemble :
Contexte
de la demande
Tu
Je
Conscience
Ils
Traditions,
disciplines
En soins palliatifs, il est excessivement rare qu’un soignant soit le seul soignant d’un patient. Dans la loi belge,
une demande d’euthanasie ne concerne dans son effectivité que le médecin qui devra y réagir. Pourtant, la
demande et la réponse touchent et influencent en réalité toutes les personnes concernées par la situation de
fin de vie. Il est donc normal et nécessaire qu’elles puissent prendre la parole autour de ce qui se passe. Pour
que la rencontre soit vraiment constructive et ne se limite pas à la confrontation de croyances, de préjugés et
de discours rigides, nous croyons que des outils sont nécessaires. Ils pourront faciliter le dialogue et l’éthicité
du processus de prise de décision.
Nous proposons pour cela, comme pour toute décision difficile à prendre d’un point de vue éthique, une démarche en 4 temps, traversés par le dialogue.
Ces 4 temps sont les suivants :
 l’écoute du récit du patient
 l’accueil des émotions et des jugements spontanés des soignants
 la prise de distance, la recherche de discernement
 le partage du changement.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Soignant
Patient
Ecoute
du récit
Accueuil
des émotions et
des jugements
Situation
difficile
Partage
du changement
Soignant
Prise de
distance
Grille en
7 étapes
Patient
Cette démarche, qui sera détaillée lors de l’atelier, permet de rappeler que si l’éthique fait la part belle aux
valeurs, elle ne peut pas se concevoir sans une écoute préalable de l’autre et de soi-même.
BIBLIOGRAPHIE
1 BOLLY C., VANHALEWYN M., Aux sources de l’instant, manuel de soins palliatifs à domicile, Weyrich Edition, Neufchâteau, juin 2004, 272 p.
2 LONGNEAUX J.M., L’euthanasie, un an après la loi, in Revue Ethica Clinica, Erpent, décembre 2003, p. 2-3.
3 ENGLERT M., Euthanasie : la morale et la loi , in Journal La libre Belgique, Bruxelles, 5 juin 2002, p.48.
4 BOITTE P., COBBAUT J.P., JACQUEMIN D., La loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie : un outil prêt à l’usage ?, in
Revue Ethica Clinica, Erpent, décembre 2003, p. 22-27.
5 DIRICQ C., PAYEN M.C., Un deuil difficile après une euthanasie. Traumatisme d’une mort actée, in Revue Ethica clinica
n° 32 , Erpent, décembre 2003, p.6-11
6 BOITTE P. Formation à l’éthique des professionnels de la santé : pour une approche centrée sur l’expérience, Revue Ethica
Clinica n°24, Erpent, décembre 2001, pp 12-20
7 BOLLY C., GRANDJEAN V., VANHALEWYN M., VIDAL S., L’éthique en chemin. Manuel de créativité pour les soignants,
L’Harmattan, Paris, juin 2004, 262 p.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LES DISPOSITIONS EUROPÉENNES EN MATIÈRE D’EUTHANASIE : L’ÉVOLUTION D’UN
CONCEPT JURIDIQUE, LE DROIT DE MOURIR
K BREHAUX
Institut d’Etudes Politiques de Paris
La question de l’euthanasie soulève bien des débats que ce soit sur le plan national qu’européen. Les dispositions relatives à cette question sont diverses. Deux pays européens, les Pays-Bas et la Belgique imposent une
nouvelle forme de résolution quant à la réglementation de l’euthanasie : la dépénalisation de l’euthanasie
dite active.
Nous nous trouvons face à des difficultés juridiques d’homogénéisation des pays de l’Union Européenne car
trois cas de figures à ce sujet existent : certains pays (hors de l’Union Européenne) l’ont décriminalisé (le Code
péruvien ne réprime plus l’individu qui donne la mort à un mourant depuis 1924), d’autres au contraire incriminent l’euthanasie c’est le cas de l’Allemagne (article 216 du Code Pénal), de l’Autriche (article 77 du Code
Pénal) et du Portugal (article 134 Code Pénal), enfin d’autres ignorent complètement l’euthanasie de sorte que
l’auteur agissant sur demande du mourant est un meurtrier ordinaire (France , Grande-Bretagne…). Dans tous
les cas, le législateur exige qu’une demande ait été formulée de manière requise et pressante par le patient,
le consentement du patient constituant alors une cause d’atténuation de la peine.
Dans cette situation, comment parvenir à un consensus sur ce type de débat qui touche la condition humaine et
les fondements normatifs de toute société ? Le droit (la sphère juridique) a-t-il le droit de s’emparer du corps
? Peut-il et doit-il traiter de la dimension biologique et spirituelle d’un individu ?
Le problème est plus complexe dans le cadre de l’Union Européenne ; aux différences de législation des Etats
membres, s’ajoute le flou définitionnel autour des termes d’euthanasie active ou passive. Un débat européen
sur l’euthanasie pourrait tout à fait aboutir à une décision légalement irrévocable quels que soient les souhaits
des Etats membres. Quelle place accorder au droit de mourir ? Quelle place lui est faite par le droit belge
? Nous pourrions également inverser les rapports et nous demander s’il revient aux réalités du corps et de
l’âme de construire le droit qui leur correspondraient. En effet, n’est-ce pas précisément exercer sa liberté
individuelle et son libre-arbitre que de choisir l’heure de sa propre mort ?
Deux modèles politiques et juridiques persistent : les pays qui ont dépénalisé, et ceux qui refusent de le faire.
Pourtant, la mise en place de politiques européennes, à commencer par la constitution européenne, pourrait
opérer certaines modifications dans le champ des systèmes de justice. Le retentissement de l’affaire Diane
Pretty a mis en valeur les dernières dispositions en matière de droit européen. Bien que la requérante n’ait eu
gain de cause, nous avons pu constater l’émergence d’un nouveau droit : le droit de mourir.
Le droit européen s’est donc interrogé ces dernières années sur le droit de mourir dans la dignité. Les dispositions du droit européen protègent le droit à la vie de toute personne, l’individu devant bénéficier des mêmes
droits à l’approche de la mort, l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme indique que le
droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. De même que selon l’article 4 de la Convention Européenne des Droits de l’homme, il ne peut être demandé à un médecin d’accomplir un acte euthanasique, qui
entrerait en conflit, le cas échéant, avec les normes et obligations médicales. L’intervention d’un tiers dans l’acte
euthanasique entre également en conflit avec l’article 8 de la Convention européennes des Droits de l’Homme.
C’est donc à travers le droit à l’autodétermination du mourant et le droit à l’accès aux soins palliatifs , que se
forme un nouveau droit : le droit de mourir dans la dignité, qui s’additionne à celui de la protection humaine.
Le refus de recours à la requête de Diane Pretty par la Cour Européenne des Droits de l’Homme est fondé sur
l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui protège la vie, respecte la conformité de
1 L’euthanasie ainsi définie est un crime puni et réprimé par les articles 221-3 ; 221,4 et 221-5 du Code Pénal sous la qualification
d’assassinat ou d’empoisonnement.
180
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
la DDP avec sa jurisprudence. La Cour Européenne a également jugé l’impossibilité de la corrélation du droit
de vie avec le droit de mourir : « Dans ses conditions, elle n’est pas persuadée que « le droit de vie » garanti
par l’article 2 puisse s’interpréter comme comportant un aspect négatif. L’ article 2 ne saurait sans distorsion
de langage, être interprété comme conférant un droit diamétralement opposé, à savoir le droit de mourir ; il
ne saurait davantage créer un droit à l’autodétermination en ce sens qu’il donnerait à tout individu le droit de
choisir la mort plutôt que la vie. »
L’affaire Diane Pretty montre la difficulté pour le droit européen d’inclure dans son corps deux droits diamétralement opposés : le droit de vie et le droit de mourir.
Difficulté accrue dans la mesure où le droit
européen respecte les jurisprudences et systèmes de droits de chaque pays de l’Union Européenne en conformité avec La protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants
adoptée à la 728ème réunion des Délégués des Ministres du 30 octobre 2000.
Le mourant, légalement, a le droit de refuser tout traitement thérapeutique et a donc la possibilité de « se
laisser mourir ». Le droit à l’autodétermination, permissivité de l’euthanasie passive, s’oppose à la protection
de la vie (interdit de mettre intentionnellement fin à la vie d’autrui). La vision politique belge, quant à elle, met
en balance la protection de la vie et le droit à l’autodétermination.
L’hypothétique incompatibilité du droit européen avec le droit interne belge, fit l’objet d’une saisine du Conseil
d’Etat par le Sénat belge. Le Conseil d’Etat saisi par le Président du Sénat, le 22 mars 2001, formula un avis
sur la proposition de loi « relative à l’euthanasie » et la proposition de loi « relative aux soins palliatifs »
Le texte examine d’abord si la proposition de dépénalisation de l’euthanasie est compatible avec le droit à
la vie, garanti par l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et par l’article 6 du Pacte
International relatif aux Droits civils et Politiques. Le Conseil d’Etat a fait remarquer que la Convention Européenne des Droits de l’Homme et le
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ne visent pas à protéger « la vie » en tant que telle
mais bien « le droit à la vie » et il considère que cette protection doit être mise en balance avec le droit à
l’autodétermination des individus et avec le rôle du législateur, consistant à concilier des conceptions éthiques
opposées dans ce domaine. Le Conseil d’Etat conclut que la proposition de loi est parfaitement compatible
avec les articles de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et le Pacte International relatif aux Droits
civils et Politiques car il respecte le droit à l vie en prenant toutes les précautions nécessaires pour s’assurer de
la volonté réelle du patient . Cet avis du Conseil d’Etat fut fondamentalement favorable à la proposition de
loi, et souligne la complexité du droit européen à concilier des approches juridiques si diverses.
Le droit dans son universalité, peut-il contenir deux droits particuliers et opposés ?
L’affaire Diane Pretty, montre que la protection de la vie domine, mais il est à noter que l’invocation d’un droit
à mourir dans la dignité a provoqué un recours en Cour Européenne. Comme le rappelle la Cour Européenne,
on ne peut englober le droit de mourir dans l’article 2, et donc dans le droit inconditionnel de protection de
la vie. Ce refus de subsumer le droit de mourir au droit de vivre met en branle le droit lui-même, ce qui nous
mène à des situations extrêmes telles que les affaires Diane Pretty et Vincent Humbert. Aussi, ce constat nous
pousse vers une ultime hypothèse : est-ce dans la nature du droit que de traiter ce qui relève de la condition
humaine, de la vie, de la mort ?
Le droit européen est la démonstration de cette tentative d’inclure le droit de vie et le droit de mourir dans ces
fondements, mais n’est-ce pas au détriment de sa nature, de sa validité, de ses normes ?
Recommandation du 12 novembre 2003 (24) du Comité des ministres aux Etats membres sur l’organisation des soins palliatifs (adoptée par le Comité des Ministres le 12 novembre 2003, lors de la 860e réunion des Délégués des Ministres) site Internet http : www
//stars.coe.fr
« Les soins palliatifs doivent faire partie intégrante du système de santé de tout pays. En tant que tels, ils doivent figurer dans les
principaux programmes de soins médicaux et dans certains programmes spécialisés tels que ceux consacrés au cancer, au sida ou à
la gériatrie »
Les gouvernements doivent conduire des études d’évaluation des besoins afin d’apprécier les moyens nécessaires en matière de services, d’effectifs de différents niveaux de qualification et de formation des différentes professions (y compris les bénévoles) »
Arrêt de la Chambre dans l’affaire Pretty, communiqué du Greffier.
181
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LES PRATIQUES EUTHANASIQUES À L’ÉPREUVE DU DROIT
LELIÈVRE N.
Juriste LYON
« Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde » A Camus
Aujourd’hui, le débat est-il passionnel, mené par compassion ou doit-il mener vers une réflexion juridique,
médicale, sociale?
Nombreuses sont les expressions utilisés avec des adjectifs multiples : acharnement thérapeutique, refus de
soins, euthanasie, suicide assisté, arrêt des thérapeutiques actives, aide à mourir etc. Mais connaissons nous
bien la signification des termes et leurs conséquences juridiques?
1.QUELQUES DÉFINITIONS AU REGARD DU DROIT
EUTHANASIE
- Le terme euthanasie vient du mot Grec « Thanatos » qui signifie « bonne mort ». Mais que signifie avoir une
bonne mort ? La législation du code pénal sanctionne toute atteinte à l’intégrité corporelle et/ou à la vie mais
ne cite pas directement l’euthanasie. En revanche, est répréhensible le fait de provoquer délibérément la mort
de quelqu’un.
- Différentes écoles s’opposent quant à la définition de l’euthanasie et une distinction est faîte alors sur les
notions de « active » ou « passive » du geste ; d’autres écoles attachent plus d’importance à la finalité du
geste.
L’euthanasie active viserait les infractions dîtes de « commission », qui consisterait en l’administration de substances létales afin de provoquer la mort d’un patient à sa demande afin d’abréger des souffrances devenues
insupportables. L’euthanasie active serait constitutive, au plan pénal, des crimes de meurtre et d’assassinat (art
221-1 et 221-3 CP) ceci aussi bien sur le plan matériel qu’intentionnel.
L’euthanasie passive se caractériserait davantage par une abstention caractérisée par l’arrêt ou abstention
de soins ou du traitement médical susceptible de prolonger la vie à partir du moment où l’on est convaincu que
la situation est sans issue (l’arrêt thérapeutique peut consister en l’arrêt d’une respiration artificielle, diminution
d’un médicament permettant de conserver un rythme cardiaque normal).
Il y a euthanasie passive lorsqu’il y a refus ou abstention des soins (B., Legros « Les droits des malades en fin
de vie », Les études hospitalières, Coll. Thèse 1999).
On peut noter une certaine clémence dans les cas d’euthanasie passive car pas le geste de provoquer directement le décès. Le résultat est identique le décès du patient mais matériellement le décès n’est pas provoqué
par un geste, une action.
Quelque soit la définition retenue, l’euthanasie a une connotation pénale du fait de l’intervention délibérée
d’une tierce personne (soignant, famille, proche) en vue d’abréger la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et/ou évolutive afin de la soulager de ses souffrances.
Les partisans de la thèse qui attache davantage d’importance à la finalité de l’acte considèrent que les praticiens se limitent de respecter le processus conduisant naturellement au décès du patient. Il lève l’obstacle
permettant ainsi à une évolution naturelle de la mort. Raisonnement partagé par F., R. Cerruti « […] Le malade
meurt alors naturellement de causes qu’il n’était plus raisonnable de combattre par des interventions médicales », « L’euthanasie : approche médicale et juridique ».
SUICIDE, SUICIDE ASSISTÉ
Le suicide n’est pas répréhensible pénalement, toute personne est en droit de se donner la mort. En revanche,
dès lors que le suicide est réalisé par l’intervention, l’aide d’une tierce personne pour mettre délibérément fin
à la vie d’une personne dans l’intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable ; la répression
pénale est de rigueur. Par une décision du 29 avril 2002, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a refusé
d’autoriser un droit au suicide assisté d’une patiente en fin de vie (affaire Diane PRETTY).
182
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
REFUS DE SOINS
Le refus de soins semblerait constituer un droit pour le patient en application de la loi du 4 mars 2002 et
l’équipe médicale se devrait de s’y conformer quelque soit les conséquences pour le patient. La seule obligation qui pèse à la charge du médecin serait celle de « tout mettre en œuvre » pour convaincre le patient
d’accepter les soins qui s’imposent si la vie du patient est menacée en cas de refus de soins. Lors des débats
parlementaires, il était, à ce titre, mentionné « le principe du consentement du patient lui ouvre le droit de
refuser des soins proposés » et par conséquent « il ne peut y avoir de traitement ou d’examen diagnostic
imposé ».
Cependant, le principe, du droit au refus de soins, semble être remis en question suite à deux décisions rendues
postérieurement à la loi du 4 mars 2002. Alors que le droit civil accorde une place importante à l’autonomie
de la volonté, la protection de l’intégrité corporelle apparaît comme une limite aux droits des patients. Du fait
de ses compétences professionnelles, il appartient au médecin d’évaluer « la nécessité » de l’intervention.
ACHARNEMENT THÉRAPEUTIQUE ET ARRÊT DES SOINS
« L’acharnement thérapeutique est défini comme une obstination déraisonnable, refusant par un raisonnement
buté de reconnaître qu’un homme est voué à la mort et qu’il n’est pas curable ». René L. Commentaire du code
déontologie médicale.
Les dispositions des articles 37 complétées par l’article 38 du nouveau code de déontologie médicale de
1995 résument parfaitement la doctrine déontologique en matière de soins palliatifs” En toutes circonstances,
le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute
obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique”.
En juin 2002, la SFAR a rendu publique les recommandations relatives aux « limitations et arrêts de thérapeutiques actives en réanimation adulte ».
La doctrine juridique espagnole parle « d’euthanasie naturelle » pour qualifier le cas de l’abstention de traitement curatif.
2.EUTHANASIE ET PERSPECTIVES
VIVRE UN DROIT OU UNE OBLIGATION ?
Le droit à la vie est reconnu, garanti et consacré de manière intangible par les traités internationaux et notamment l’article 2 de la CEDH « Le droit de toute personne à la vie est protégée par la Loi. La mort ne peut
être infligée à quiconque intentionnellement […] ». « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine […],
ce droit est protégé par la loi […]. »
En conséquence le principe du droit à la vie impose aux états à la fois une obligation négative : interdiction de
priver un individu de la vie et parallèlement une obligation de prendre les mesures nécessaires à la protection
de la vie par des dispositions pénales sanctionnant toute atteinte au droit à la vie. Dans l’affaire Diane Pretty,
la Cour a refusé de reconnaître une dérogation au droit à la vie, au contraire « Il n’est pas possible de déduire
de l’article 2 un droit de mourir ».
LA FIN DE VIE EST-ELLE GÉNÉRATRICE DE NOUVEAUX DROITS, DE DROITS SPÉCIFIQUES ?
- Testament de vie, garant de l’autonomie de la volonté ?
La liberté testamentaire est bien l’expression de la volonté d’une personne où elle manifeste ses dernières
volontés.
Ainsi, Dominique K., a rédigé « un testament de vie » où il est précisé « 1) Je refuse d’être maintenue en vie
par des médicaments, techniques ou moyens artificiels, 2) Je demande que l’on ait recours à l’euthanasie, mort
douce. ».
Cependant ce document n’a aucune valeur juridique en France. En effet, on ne peut pas demander par avance
dans un document écrit l’intervention d’une tierce personne pour provoquer le décès. L’euthanasie est réprimée
pénalement. Le consentement de la personne ou sa demande ne peut justifier l’infraction.
- L’exception d’euthanasie
Pourquoi « l’exception d’euthanasie » ? Pour le CCNE « il n’est jamais sain pour une société de vivre un décalage trop important entre les règles affirmées et la réalité vécue ». C’est la raison pour laquelle le CCNE a
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
parlé de cette notion « d’exception d’euthanasie » motivée par le principe de l’engagement solidaire et du
consentement.
Définition de « l’exception d’euthanasie » : « Face à une situation de détresse, lorsque tout espoir thérapeutique est vain et que la souffrance se révèle insupportable notamment lorsque la mise en œuvre des autres
démarches (soins palliatifs, accompagnement, refus de l’acharnement thérapeutique) s’est révélée impuissante
à une offre de vie supportable, on peut se trouver conduit à prendre en considération le fait que l’être humain
surpasse la règle et que la simple sollicitude se révèle parfois comme le dernier moyen de faire face ensemble
à l’inéluctable. Cette position peut être qualifiée d’engagement solidaire ».Rapport n°63 du CCNE « fin de
vie, arrêt de vie, euthanasie » janvier 2000, l’exception d’euthanasie.
Cette « exception d’euthanasie » ne conduit pas à une dépénalisation du geste. En revanche, elle permet aux
juges de prendre en considération les mobiles. Il s’agit d’apprécier le bien-fondé des prétentions des intéressés au regard non pas de la culpabilité en fait et en droit mais des mobiles qui les ont animés que le CCNE
qualifie « d’ouvertures exceptionnelles » : souci d’abréger des souffrances, respect d’une demande formulée
par le patient, compassion face à l’inéluctable.
FIN DE VIE ET DIGNITÉ
- Loi 2002 et principe de dignité : « La personne malade a droit au respect de sa dignité » article L 1110-2
du code santé publique ; « Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition
pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort » article L 1110-5 (CSP).
- Rapport du Conseil de l’Europe, mai 99 : Dans un rapport du conseil de l’Europe, mai 1999, les Etats membres
du Conseil de l’Europe refusent l’idée d’une aide active à mourir. Ils estiment nécessaire voire primordial pour
les états membres de développer les soins palliatifs.
Le respect de la dignité de la personne n’ait pas de l’aider à mourir mais de la protéger, de la soulager.
« Respecter et protéger la dignité d’un malade incurable c’est avant tout créer autour de lui un environnement
approprié, lui permettant de mourir dans la dignité. Priorité doit donc être donnée au développement des
soins palliatifs et des traitements anti-douleur et à l’accompagnement social et psychologique des malades et
de leurs familles ». A cette fin, « les malades incurables et les mourants doivent bénéficier d’un droit à l’autodétermination et d’un droit à l’information. »
Pour effacer cette image négative de la mort, l’assemblée recommande aux états de respecter et de protéger la dignité des malades incurables et des mourants à tous égards en développant l’accès, la formation
aux soins palliatifs. L’assemblée conclut par une interdiction absolue de mettre fin intentionnellement à la vie
des malades incurables ou mourants. La souffrance n’est pas un motif suffisant pour légitimer un tel acte. Il
appartient aux états membres de développer les structures adéquates pour prendre en charge ces patients
et respecter leur dignité.
CONCLUSION
« Il existe bien une déontologie de l’accompagnement des personnes en fin de vie, qui exprime la volonté
d’assister dans la dignité, la solidarité et le respect, ceux dont la vie prend fin. »
Comment une loi de portée générale pourrait elle saisir toute la dimension intime et singulière du lien qui se
noue entre le patient et son médecin. Qui devrait elle concerner le patient agonisant ou le cancéreux qui a
encore un peu de temps pour se préparer. Que faire de ces patients qui ne sont plus aptes à exprimer leur
volonté ?
BIBLIOGRAPHIE
-« Les limites au principe du consentement aux soins consacré par la loi du 4 mars 2002 », A. COHEN, Gestions hospitalières ; décembre 2002 ;
-« Principe de la dignité et droit de la personne », S. BOUCHENE, Droit, déontologie, soin, vol 2, n°2, juin 2002, Masson ;
-R. CABRILLAC, M-A. FRISON-ROCHE, T. REVET ; Libertés et droits fondamentaux, 9°édition, Dalloz, 2003 ;
184
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EUTHANASIE, DE LA VIOLENCE À L’AUTORISATION
I.ATMANI et MARIN I.
Equipe mobile de soins palliatifs Hôpital Delafontaine 2 rue Delafontaine 93 200 Saint Denis
La question actuelle de la légalisation de l’euthanasie nous semble celle de l’autorisation à mourir. Les discours
explicites des défenseurs de l’ADMD, n’ont besoin pour s’accomplir d’aucun tiers. Paradoxalement, ce qui est
demandé dans l’euthanasie, c’est l’accord du soignant qui l’accomplit, et à travers lui, de la science et de la
société, donc une forme d’autorisation de déliaison. L’autorisation à mourir vient prendre alors la place d’un
projet de soins, de traitement, voire un projet politique pour ces malades démunis.
Les soins palliatifs ne représentent-ils pas à leur manière une forme d’autorisation à mourir ?
Dans les deux cas, la responsabilité de la mort se dilue par cette autorisation institutionnalisée et rendue
partageable.
Le « devoir vivre », qui soudait les sociétés traditionnelles, disparaît dans cette quête permissive.
Les demandes d’euthanasie sont ressenties, par nous, équipes mobiles comme une double violence : à notre
position de soignants, et à celle de soignants en soins palliatifs. Elles nous renvoient en miroir le projet implicite
des soins palliatifs de pacification de la mort par la revendication d’une autre forme d’euphémisation de la
violence de la mort, une autre « bonne mort ». Mais la mort n’est-elle pas intrinsèquement violente ? Et cette
volonté de pacification n’est-elle pas qu’illusoire ? Peut être est ce même le comble de la violence que de la
nier totalement ?
Comment alors demeurer soignant en équipe mobile de soins palliatifs ? Il nous semble que la seule position
tenable est d’ordre symbolique tout en répondant par une autre forme de violence : celle de la pensée.
La forme de cette intervention serait alors celle d’un dialogue socratique.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
ACCOMPAGNER OU ANTICIPER LE TERME DE LA VIE,
LES REPRÉSENTATIONS DE LA POPULATION
MARESCA B., SITBON A.
Credoc
OBJECTIF
Cette communication se propose d’articuler les notions d’accompagnement et d’euthanasie dans les représentations de la prise en charge des malades en fin de vie.
Méthode
Les résultats et réflexions soumises sont issus d’une étude réalisée en 2003 en collaboration avec l’INPES
(Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé) dans le cadre du Programme national de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement. L’étude a été menée sur deux sites, la Moselle et la
banlieue parisienne, à partir d’entretiens semi-directifs auprès de 28 personnes.
Résultats
Cette recherche a permis d’explorer les connaissances et représentations de la population à l’égard des soins
palliatifs et de l’accompagnement de fin de vie. L’euthanasie n’était pas le thème premier de l’étude, mais
cette problématique a été abordée à plusieurs reprises par les personnes interrogées.
Discussion
On explorera les articulations entre les opinions sur l’accompagnement et les différentes formes de réponses
à la fin de vie (prolonger la vie, hâter, soulager, laisser-faire). On s’interrogera sur les conditions de formation
de ces positions (croyances, expériences et représentations sociales autour de la vieillesse, de l’accident, de
la maladie grave qui condamnent l’individu (maladie invalidante, dégénérescence, paralysie et leur prise en
charge)).
Conclusion
L’accompagnement et les soins palliatifs sont dans un sens considérés comme une avancée sociale, mais ils
n’effacent pas toujours la légitimité de la demande d’euthanasie. Il persiste des doutes quant à leur capacité
à répondre à la demande d’une fin de vie jugée décente et digne.
186
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
A PROPOS DE L’EUTHANASIE
QUAND SORTIRONS-NOUS DE LA CONFUSION ?
D. LECOMTE
Unité mobile d’accompagnement et de soins palliatifs
Hôpital européen Georges Pompidou - Paris
Chaque semaine ou presque, une émission de télévision tente d’aborder la question de la fin de vie, des soins
palliatifs et de l’euthanasie sans permettre de sortir de la confusion .
De quoi parle-t-on ? de deux types de situations que tout oppose, hormis le tragique et la compassion qu’elles
font naître.
D’une part, la fin de la vie des personnes atteintes d’une maladie incurable, dans la phase ultime de son évolution est une situation qui n’a de nouveau que la difficulté pour nos contemporains à admettre cette réalité
comme inévitable et naturelle. Le refus de vivre cette dernière étape est à l’origine de demandes d’euthanasie. C’est pour aider à vivre ce temps-là, qui précède une mort devenue inéluctable à court terme, que les
soins palliatifs se sont créés et se développent.
D’autre part, il existe des situations tout aussi douloureuses mais absolument différentes quand à leur origine
et à leur évolution : il s’agit des états limites, états végétatifs chroniques, locked-in syndrome … où les personnes sont encore vivantes, mais sans aucune autonomie, avec des possibilités de communication extrêmement
réduites ou nulles. A l’inverse de la situation précédente, c’est parce que l’espérance de vie de ces personnes
est redevenue longue que le problème de l’arrêt de leur vie se pose pour une partie de la société. Ces situations extrêmes sont le plus souvent le résultat d’une réanimation longue et difficile, parfois acharnée, durant
laquelle la possibilité de séquelles lourdes n’a pas été anticipée. Il y a eu un réel danger de mort, la mort a
été évitée et la situation finale semble pire que la mort pour certains … C’est là que naît l’offre d’euthanasie
comme réponse à cette souffrance.
Personne nécessitant
Personne en état
des soins palliatifs
végétatif chronique
Souffrance intolérable
Eléments communs
Peur du temps qui reste à vivre
justifiant le recours à l’euthanasie
Sentiment d’indignité et d’inutilité
Désir de maîtriser la vie et la mort
Pathologie
Maladie grave et évolutive
Séquelles d’une pathologie aiguë
Evolution
Aggravation
Etat stable
Espérance de vie
Mort proche inévitable
Longue durée de vie
Etiologie
Maladie mortelle incurable
Accident aigu
potentiellement mortel
Rapport avec la mort
La mort approche
La mort a été évitée
Rapport à la médecine
Réparation de l’impuissance de la
Réparation des excès de la
Réponse
Demande d’euthanasie
Offre d’euthanasie
Créer un droit à l’euthanasie viendrait alors comme une réparation tardive des excès de la médecine qui n’a
pas su en son temps laisser la mort advenir.
Les progrès considérables de la médecine durant la seconde moitié du XX°siècle ont laissé croire que c’était
la mort elle-même que nous combattions, et non les maladies que nous cherchions à vaincre. La mort a cessé
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
d’être l’événement naturel qui termine la vie pour devenir un élément maîtrisable, le résultat d’une décision
personnelle et/ou médicale.
Ces étranges concepts, impensables il y a quelques décennies, tels que “ le droit de mourir ”, “ l’arrêt de vie
”, “ l’exception d’euthanasie ” viennent en réponse à une médecine arrogante, qui se pense toute-puissante
et lui renvoient, comme un devoir, le droit de donner la mort. Juste retour des choses ? à se prendre pour Le
Créateur, l’homme-médecin, inventeur de la “ réanimation ” est pris à son propre piège. Il se voit imposé le
droit de vie et de mort….
Penser à un droit de mourir évoque en miroir le fantasme d’un possible droit de ne pas mourir ! L’homme garde
la liberté de se donner la mort, de décider de mourir QUAND il veut. Mais aujourd’hui ne sommes-nous pas en
train d’évoluer vers l’illusion du “ mourir SI je veux ”?
Le développement des soins palliatifs est assurément la bonne réponse pour aider à soulager la souffrance
du temps inévitable de la fin de la vie, mais il ne peut apporter la réponse aux situations chroniques. On ne
peut pas s’engager de la même manière auprès d’une personne en fin de vie avec qui la relation est par
définition limitée dans le temps et auprès d’une personne avec qui la communication est extrêmement réduite,
voire inexistante pour une durée sans limite. Un même professionnel risque de s’épuiser dans l’alternance entre
ces deux types d’accompagnement qui demandent un investissement différent.
Les structures de soins palliatifs ne sont donc pas les lieux d’accueil adaptés pour ces malades en situation
chronique.
Besoins d’une personne
Besoins d’une personne
en soins palliatifs
en état végétatif chronique
Accompagnement
Besoins communs
Soutien de l’entourage
Prise de décision éthique
Engagement professionnel
Acceptation d’une relation
intense limitée dans le temps
Acceptation d’une relation
longue et très réduite
Acceptation de la mort
Acceptation d’un temps
proche et inévitable
sans limite
Pour ces derniers, deux voies de réflexion s’imposent : l’une, urgente, est de créer des lieux de vie pour ces
personnes dans des situations extrêmes et prolongées.
L’autre nécessité est de développer la réflexion éthique en amont de ces drames, ce qui permettrait de ne
plus aboutir à ces états.
La pratique médicale actuellement se veut, à juste titre, de plus en plus scientifique et rationnelle : C’est la médecine basée sur l’évidence (EBM). Pourquoi, lorsque la mort est annoncée par toutes les études et toutes les statistiques comme inévitable, les médecins basculent-ils si facilement dans l’irrationalité absolue, si bien exprimée
par la formule : “ on ne sait jamais …” qui vient alors paralyser la pensée et justifier tous les acharnements ?
C’est au contraire dans une analyse précise de la genèse de ces situations de vie extrêmes qu’il faut chercher
une réponse afin de pouvoir anticiper et éviter de créer de nouveaux cas. Un certain nombre d’équipes de
réanimation médicale s’y emploient et s’imposent quotidiennement de rediscuter la juste proportionnalité des
traitements mis en œuvre, pour éviter toute obstination déraisonnable.
Penser en terme de loi n’aide guère quand il doit s’agir de décider dans une situation particulière, unique, ce
qu’il est juste de faire ou ne pas faire pour cette personne, aujourd’hui. La réponse la plus fréquente est encore
bien souvent “ d’ajourner la mort ”, comme l’écrivait Jankélévitch, en poursuivant les thérapeutiques de façon
systématique, jusqu’au lendemain. Décider de limiter certains traitements, de les interrompre ou de ne pas les
mettre en route n’est pas une décision facile ni légère. Pourtant cette réflexion s’impose pour ne pas confondre
ce qui est techniquement possible avec ce qui est éthiquement possible.
188
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
La réflexion éthique s’offre à la médecine comme une tentative de redonner conscience à une science qui
parfois s’égare.
Mais la société, elle aussi, refuse la mort et veut croire à une médecine toute-puissante. Il est donc tout aussi
essentiel de tenir les familles des malades informées de la réalité de la situation médicale et de son évolution
défavorable, des limites de la technique, sans nourrir d’illusions dangereuses ni les acculer au désespoir, mais
en les aidant à cheminer vers l’inévitable drame de la séparation. Il ne s’agit pas de leur faire porter le poids
d’une décision difficile, mais de les associer à l’évolution de la réflexion des professionnels face aux limites des
possibilités de la médecine.
Une relecture de l’histoire du jeune Humbert, à la lumière de ces réflexions, montrerait que c’est peut-être
lorsqu’il a compris qu’on ne pouvait pas le garder à Berck, que la société n’avait aucun lieu, aucun projet de
vie pour lui, que ce jeune homme plein de détermination aurait conçu son projet de mort comme ultime projet
possible. De même si mon collègue, médecin anesthésiste – réanimateur a volontairement provoqué la mort de
ce jeune homme, c’est parce que, dans cette situation extrême dont s’étaient emparés les médias, il n’y avait
plus de place pour laisser la mort advenir, plus d’espace pour la penser naturelle et plus de temps pour s’y
préparer. La société lui a imposé d’en finir.
Souhaitons que parler de la mort redevienne possible dans une réflexion apaisée, à distance des cameras,
des micros et des faits divers tragiques. La mort est à la fois un événement intime et un événement social. Ce
n’est pas une loi qui permettra de respecter et réunifier ces deux dimensions, mais une parole plus libre sur cet
aspect tragique mais essentiel de la condition humaine : vivre en se sachant mortel.
189
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
« OBSTINATION OU RÉSIGNATION ? »
Dr WIENER P.
Médecin généraliste
Dr EDAN C.
Pédiatre CHU Rennes
OBJECTIF
Comment prendre des décisions au seuil de la mort ? Questionnement par une réflexion contradictoire à partir
de deux cas cliniques pris en charge de façon simultanée dans notre équipe ( Réseau VILLE HOPITAL « La
BRISE » - coordination de soins palliatifs d’enfants suivis par l’unité d’ Hémato-oncologie pédiatrique du CHU
de RENNES).
MÉTHODE
Nous ferons un parallèle saisissant entre :
1) J R 19 ans à ce jour, qui est depuis plus de 18 mois considéré en phase terminale d’une tumeur qui ne lui
a laissé aucun répit depuis le diagnostic en 2001. Les pertes de compétences successives aboutissant à une
situation proche de celle de « Johnny » ( « Got his gun » ! Scanner cérébral à l’appui), et les interventions
médicales étant réduites au strict minimum, la prise en charge se fait surtout par les auxiliaires médicaux, des
tas d’amis et des bénévoles JALMALV. Chez lui tout l’entourage se demande, bien qu’avec ferveur ( parfois
religieuse) et résignation, « à quoi ça sert toute cette souffrance »…
2) G M, 6 ans , décédée d’un gliome exophytique du tronc cérébral évolutif après chimiothérapie et radiothérapie. Les parents non résignés entendent parler de l’association « Manon demain » et trouvent un chirurgien
aux Etats Unis qui accepte de tenter une intervention de « dernière chance », récusée par les neurochirurgiens
locaux. Coût 250 000 EUROS… L’enfant décède aux Etats Unis deux jours après l’intervention et est incinérée
là-bas pour être rapatriée…
RÉSULTATS
D’un côté un passage en soins palliatifs qui traîne à domicile depuis deux ans au point d’en devenir incompréhensible. Les parents répétant « à quoi ça sert », mais sans jamais formuler de demande d’euthanasie.
L’adolescent lui, en est devenu incapable ( encore que ?), alors qu’il avait antérieurement exprimé des pulsions
suicidaires auprès de sa psychologue.
De l’autre « acharnement thérapeutique ( ?) », voyage épique aux US, voire aveuglement vis à vis d’un éventuel charlatan ou profiteur (?), qui aboutissent à un décès anticipé ;
Discussion : Elle est ouverte :
Où est la vérité dans tout cela ? A-t-on tué ou pas quand on a forcé le destin ? Que veut dire d’assister quelqu’un qui meurt à petit feu-combustion lente, et dont on ne peut plus savoir vraiment s’il souffre ou non ? Quelle
est le poids en France de la décision des familles et du patient ( à comparer par exemple au Québec) ?
CONCLUSION
Mais nous ressentons qu’il ne faut pas nier la réalité des souhaits de mort, énoncés ou non, par les parents
comme les enfants, et donc d’en rester à la législation actuelle sous couvert que de bons soins palliatifs suffiraient à régler le problème.
190
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
AUTONOMIE DE LA TECHNIQUE ET RÉGULATION PAR DES PRATIQUES D’EUTHANASIE
D.MALLET, S.SOYEZ, D.VANHEEMS, A.HERBAUT
Service de lits de suite et de soins palliatifs, hôpital d’Haubourdin, Haubourdin, 59481
La conception instrumentale et anthropologique de la technique
Dans le langage commun, la technique est une instance neutre. Elle est un moyen inventé et produit par les
hommes afin de servir une finalité définie. Elle demeure sous le contrôle de celui qui l’utilise. Cette conception
instrumentale et anthropologique de la technique incite les soignants à développer une certaine maîtrise d’un
instrument neutre mis à la disposition de la volonté et du désir des hommes. Une des visées de la réflexion
éthique serait de mieux discerner l’usage de ces techniques, présupposées maîtrisables.
La technique comme dévoilement et instrumentalisation
Heidegger, sans nier l’exactitude de la conception instrumentale de la technique, s’interroge sur l’essence de
la technique. La technique n’est pas qu’une activité de production. Elle est dévoilement, c’est à dire apparition
de quelque chose de caché dans le non caché. Ainsi celui qui produit une coupe, un bateau, une maison va
rassembler au préalable l’apparence extérieure et la matière de l’objet fabriqué en vue de sa réalisation
finale. Dès lors, la technique n’est pas qu’un instrument de production. Elle est une révélation. Elle fait apparaître. La technique est un concept et une modalité du savoir. Elle est « dans le domaine du dévoilement, c’est
à dire de la vérité ».
Ce dévoilement se déploiera dans la nature sous forme d’une pro-vocation. La nature est mise en demeure
de fournir le matériel nécessaire. La technique moderne transforme la nature « en réservoir de forces toujours
mobilisables dans lequel elle puise sans vergogne pour l’assujettir à ses desiderata ». Le travail ancestral du
paysan consistait à confier la semence aux forces naturelles de croissance et de veiller à ce qu’elle prospère.
L’agriculture moderne a changé la donne. La nature est provoquée afin de rendre le meilleur rendement. Elle
est exploitée, triée, sélectionnée. La nature est sommée de fournir le matériel nécessaire.
Cette provocation déplace l’essence de l’objet sollicité. Heidegger propose l’image du fleuve traversé par «
le vieux pont de bois qui depuis des siècles unit une rive à l’autre ». L’apparition de la centrale électrique a
dénaturé son identité primaire. « Le fleuve est muré dans la centrale. Ce qu’il est aujourd’hui comme fleuve, à
savoir fournisseur de pression hydraulique, il l’est de part l’essence de la centrale ».
La nature est un réservoir et non plus un milieu. Elle est un fond (Bestand) à la disposition de ce qui sera dévoilé et fabriqué. Cet arraisonnement par la technique ne se limite pas à la nature. Elle s’étend à l’homme qui
devient matériel, fond, soumis à ce même mouvement de dévoilement.
Ce dévoilement est-il sous la dépendance de l’homme comme le laisserait penser une conception anthropologique de la technique ? Le dévoilement passe par l’homme. Mais celui-ci est mis en « demeure de dévoiler
le réel comme fond dans le mode du commettre ». A la conception anthropologique et instrumentalisée de la
technique, Heidegger oppose une conception instrumentalisante.
L’homme n’est pas libre dans son rapport à la technique. Elle le place dans une dynamique face au réel. La
technique n’est pas sous la domination de l’homme. Elle est une exigence qui se situe au dessus de l’homme,
de ses projets et de ses activités. Il ne peut l’embrasser totalement du regard, ni la dominer ou la maîtriser.
L’homme « se trouve comme dépassé par ce qu’il engendre ou plutôt par ce qui est engendré ». Il existe une
volonté autonome de la technique non pas comme une conscience lucide et omnisciente, providentielle et inspirée, mais plutôt comme un agent historique non subjectif . L’homme est ainsi pris dans la technique, dans le
destin du dévoilement.
Applications au domaine de la santé
Ces considérations théoriques sur la technique peuvent sembler à distance des réalités du soin. Quelques
exemples permettent d’établir des applications de cette conception instrumentalisante de la technique au
domaine du soin.
Le statut médical et juridique de mort cérébrale transforme l’être humain en un fond, une banque d’organes,
disponibles, soumis à la technique.
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Le développement de la technique a conduit à définir une autre nature à l’embryon. D’une identité mal définie
et source de débats, elle l’a identifié et réduit en amas de cellules embryonnaires pouvant être instrumentalisées à des fins de recherche et de traitement.
De même ne retrouvons-nous pas le caractère instrumentalisant de la technique dans les attitudes de persévération ou d’acharnement thérapeutique ? Les critiques ciblées sur les praticiens pour rejeter de telles pratiques
ne se trompent-elles pas de cible ? Prétendre à une maîtrise par le praticien de la technique, notamment des
techniques de réanimation, ne relèvent-ils pas de l’utopie ou d’une mauvaise analyse ?
Si la technique s’apparente à une volonté agissante, le médecin n’a pas la pleine capacité de maîtriser cette
volonté qui agit et l’agit indépendamment de lui. L’accroissement numérique des patients en état végétatif ou
en état pauci-relationnel suite à l’avancée des techniques de réanimation est le reflet de cette autonomie de
la technique, de cette instrumentalisation de l’humain pris comme domaine d’application de la technique. De
même les progrès de l’imagerie médicale dans le domaine du diagnostic ante natal conduit à une inflation de
diagnostics possibles, probables ou confirmés, source de tragédies pour les couples confrontés à ces révélations.
L’euthanasie comme régulateur de la technique
L’euthanasie, surtout si elle est sauvage, secrète, solitaire, non verbalisée, peut être comprise comme une
tentative de régenter une technique qui échappe. Certains services de réanimation sont ainsi engorgés par
des patients en état végétatif avec des perspectives de récupération limitées. Les services de rééducation
n’accueillent pas le plus souvent ces patients lorsque l’étiologie est une anoxie cérébrale. Les services d’éveil,
habilités à recevoir ces personnes gravement handicapées, ont dans les faits peu de capacité d’hospitalisation.
D’autres patients qui pourraient bénéficier avec profit de techniques de réanimation doivent être transférés
dans d’autres services ou d’autres hôpitaux. Afin de sortir de cette quadrature, des pratiques d’euthanasie
sont réalisées, argumentées de manière plus ou moins honnête par le principe de justice ou de bienfaisance.
L’euthanasie réalise alors une triple fonction :
Elle cherche à limiter la volonté autonome de la technique. Elle est une tentative de reprendre un contrôle sur
cette force autonome.
Elle est présentée par certains comme étant une fonction de soin, la dernière fonction de soin, le retour à une
fonction soignante compatissante. « Lorsque l’échec des traitements curatifs est reconnu, la tache de la médecine est d’être humanitaire. C’est dans ce contexte que l’euthanasie et l’aide médicale au suicide sont aujourd’hui
proposées comme des réponses médicales respectueuses de la souffrance des patients. On pourrait même
ajouter au risque de paraître cynique, que la médecine scientifique devient enfin sensible à la souffrance ! ».
Enfin, elle est une régulation technocratique des conséquences de la technique. A terme, elle pourrait s’intégrer
dans une politique de santé publique, faisant évoquer alors les tragédies du XXème siècle.
Dans cette optique de régulation de la technique, l’euthanasie contient une dimension paradoxale. Prétendant
lutter contre les excès de la technique, c’est par un surcroît de technique – l’acte d’homicide - que le soignant
entendra gérer cette volonté instrumentalisante. La technique réalise alors son apogée. Elle dévoile et réduit
comme fond le corps humain. Devenu inexploitable, elle le supprime, l’anéantit.
Demeurer humain avec la technique
La perception de la technique en tant que volonté instrumentalisante tendrait à laisser croire que patients et
soignants sont des otages livrés aux mains d’une force démoniaque qui asservirait ceux qui croient l’utiliser.
L’euthanasie serait la clôture de cette instrumentalisation.
Comment concevoir le rapport entre l’humain et la technique, sans nier son fabuleux apport et sans être naïf
sur ses conséquences ?
C’est probablement en conscientisant le caractère autonome et instrumentalisant de la technique que le praticien sera le plus à même à la fois de lutter contre ce phénomène mais aussi de l’accompagner en humanisant
cet agir qui le dépasse. Dans cette optique, la formation des jeunes médecins a une place centrale.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Le refus d’une scission entre une dimension technique de la médecine et une sollicitude humanisante - ces deux
composantes étant tour à tour louées ou bannies - apparaît une seconde exigence. L’erreur serait de cliver les
pratiques de soins entre des médecins animés par la technique et d’autres la récusant au nom d’un humanisme
conservateur. Même si des polarités sont nécessaires, elles doivent plus s’envisager sous le mode de complémentarité que de segmentation.
Ainsi l’obstétricien lorsqu’il réalise une échographie de dépistage des malformations est certes pris dans le
dévoilement de la technique mais doit aussi demeurer attentif aux répercussions que cette investigation du
caché génère chez la parturiente et son époux.
La troisième proposition serait de percevoir que le rapport à la technique n’est pas uniquement de l’ordre de
la maîtrise mais bien plutôt d’un appel à la créativité. « Il ne s’agit pas pour l’homme d’être humain malgré la
technique, mais avec elle ; il ne lui faut pas se déplacer au-delà de la technique, mais habiter l’univers technique que lui-même construit et dans lequel il cherche à réaliser la réponse de sollicitude à la demande de soin
qui lui est faite ». La dimension technique dans l’histoire de l’humanité n’est pas à rejeter. La tache du soignant
en lien avec le patient et son entourage est d’inventer, de créer les comportements, les paroles d’humanité,
mais aussi de fixer les limites qui permettront à l’homme de continuer à tendre vers une position de sujet, pris
dans la globalité de son existence. Plus qu’à la maîtrise, c’est in fine un appel à la créativité des pratiques de
soin et des dynamiques d’équipe.
Certains services de réanimation néo-natale font ainsi preuve de réelles innovations à travers l’organisation
de réunions de service, de recours à des psychologues ou à des bénévoles, de ritualisation de leur décision
d’arrêt de traitement, d’association des parents aux prises de décision ou d’accompagnement de ces derniers.
C’est dans cette créativité que l’autonomie de l’humain pourrait à nouveau se manifester, contrebalançant
alors l’autonomie de la technique.
Cette recherche d’une créativité peut passer par un travail réflexif sur sa pratique telle qu’elle est réalisée
dans certains groupes d’éthique clinique.
La quatrième proposition, pour rester dans le problème de la régulation de l’autonomie de la technique par
des pratiques d’euthanasie, serait le maintien de l’interdit de l’homicide. La dépénalisation de l’euthanasie, en
évinçant l’interdit, risquerait de laisser sans entrave l’autonomisation de la technique. « Il s’agit de défendre
l’ambiguïté de ces pratiques (d’euthanasie) et l’obligation d’une justification dialectique et paradoxale qui
maintient la question de la légitimité comme une question qu’il s’agit de faire exister sous peine de transformer la pratique des arrêts de réanimation ou des arrêts de vie en pratique d’expulsion des individus les plus
fragiles. Il s’agit de faire exister le caractère transgressif de l’action au cœur même d’un agir qui justifie et
assume cette même transgression ».
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NUTRITION ENTÉRALE
QUELLES RÉPONSES POUR LE SOIGNANT CONVOQUÉ
PAR LA VULNÉRABILITÉ DU MALADE ?
H. TESSON, M.F. MICHENAUD, J. DAVIOT
Centre de soins palliatifs. Centre Hospitalier Départemental. La Roche sur Yon
Notre service hospitalier a été amené à prendre en charge Mme B., âgée de 70 ans, ayant eu une résection
chirurgicale (incomplète) d’une tumeur cérébrale maligne. Cette intervention chirurgicale s’était compliquée
d’une hémorragie cérébrale avec spasme artériel réflexe, entraînant un coma prolongé. C’est 2 mois après
cette intervention chirurgicale que la patiente nous est adressée pour soins palliatifs, alors qu’elle présente
toujours un état dit “végétatif”. Sa tumeur cérébrale est toujours en place, avec par conséquent un pronostic
envisagé comme létal à moyen terme (quelques mois à priori). La patiente arrive intubée, nourrie par une
sonde naso-gastrique, avec une alimentation délivrée de façon continue, 24h/24. Les phases d’éveil sont très
réduites. La patiente est bradypnéïque. Son traitement médicamenteux associe un anti-convulsivant et une
morphinothérapie administrés par la sonde. On apprend par la famille que la morphinothérapie avait été
mise en place dans le service précédent, sur insistance de celle-ci (sans éléments précis quant à une éventuelle
douleur). La morphinothérapie avait été délivrée de façon quotidienne à dose croissante, dans une perspective
devenue rapidement euthanasiante. L’absence de décès malgré les doses atteintes avait finalement fait opter
pour une réduction de la morphinothérapie et un transfert en soins palliatifs au CHD de La Roche sur Yon.
Dans notre service, la nutrition est poursuivie selon le schéma initial, par voie entérale, administrée à la pompe
de façon continue. Par contre, la morphinothérapie est diminuée de façon progressive, permettant un sevrage
complet, sans aucun signe repérable de douleur. La bradypnée disparaît et la patiente présente des phases
d’éveil plus longs (caractérisés par l’ouverture des yeux), mais sans aucune communication verbale. Le réflexe
de déglutition est inexistant. Malgré une antibiothérapie, il persiste une bronchorrhée abondante.
Après trois semaines de stabilité clinique, l’idée d’un transfert en service de long séjour est évoquée. Cette
perspective entraîne une réaction violente de la fille de Mme B. La perspective d’une vie s’envisageant à
nouveau dans la durée (bien que limitée par la persistance de reliquats tumoraux) lui est intolérable. La fille
de Mme B. nous pose avec colère la question du sens de la nutrition entérale. Elle souhaite que cette nutrition
soit arrêtée pour éviter de prolonger artificiellement cette situation difficile et pour permettre à sa maman
de rester dans notre service jusqu à sa mort. Nous exprimons clairement à la famille que cette question du
sens de la nutrition se pose également à nous, soignants, depuis l’arrivée de Mme B. dans notre service, sans
qu’une réponse juste et bonne puisse s’imposer à notre réflexion éthique. La légitimité d’un tel questionnement
est donc soulignée. De même est souligné la nécessité de prendre du temps pour tenter de répondre au mieux
à la question essentielle pour tous : Comment envisager des soins, dispensés à Mme B., qui signifient au mieux
l’humanité commune, partagée par la malade, sa famille et nous, soignants ? La famille se dit satisfaite que
le questionnement soit posé en ces termes et accepte volontiers que le temps nécessaire soit pris pour tenter
d’y répondre au mieux.
Ce questionnement est repris en équipe dès le lendemain. Trois éléments sont mis en avant, relatifs à l’humanité
commune des personnes concernées :
- Mme B ne nous semble pas en souffrance. Supprimer brutalement toute alimentation, pour éviter qu’une
prolongation de sa vie ne continue à faire souffrir ses proches, nous semble procéder d’une dynamique euthanasiante, visant d’abord à faire disparaître celle dont la défaillance fait souffrir les autres. Nous nous sentons
« convoqués » par la vulnérabilité de Mme B. (notamment lors de ces moments d’éveil), appelés à prendre
soin d’elle.
- Poursuivre la nutrition de façon continue, permanente, 24 h/24, ne nous semble pas relever d’un soin adapté
à la situation de la patiente. En effet, le pronostic sombre à moyen terme, la grande pauvreté en terme de
communication, la grande vulnérabilité de cette personne, sont autant d’éléments qui nous imposeraient d’op194
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
ter d’abord pour une attitude privilégiant la dimension subjective du soin. Cette dimension nous apparaît en
partie sacrifiée par l’usage de cette nutrition permanente.
- La poursuite d’une technique visant à prolonger à tout prix la vie de la patiente nous semble faire fi de la
souffrance des proches ; c’est à dire ceux-là même qui assurent la plus grande présence régulière auprès de
la malade.
Notre recherche d’un soin adapté nous amène finalement à poursuivre la nutrition, tout en lui redonnant sa
dimension sociale : la nutrition n’est désormais plus délivrée en continu, mais selon des horaires relativement
fixes (matin et soir). Il est par ailleurs décidé que la poche de nutrition ne sera posée que si la patiente est
éveillée. Dans le cas contraire, on se donne une heure d’observation avant de renoncer éventuellement à l’acte
technique et de le reporter à douze heures plus tard. Ce schéma, bien que procédant d’un artifice technique,
nous semble plus proche d’une alimentation normale, avec ses horaires, sa dimension relationnelle et participative (si minimes soit-elle) du sujet. Par ailleurs, la diminution prévisible de la ration calorique quotidienne
conditionnerait désormais la durée de vie de la patiente et permettrait d’éviter un transfert sur une unité de
long séjour. Cette décision recueille un avis favorable de l’équipe présente. Elle est écrite sur le dossier de
soins de Mme B. et explicitée.
La famille de Mme B. est prévenue de notre réflexion. Elle nous dit adhérer véritablement à la façon dont nous
envisageons désormais de prendre soin de la patiente. Cette famille se dit heureuse de la décision prise, manifestant une très grande reconnaissance relative aux conséquences de la décision, mais plus encore à l’esprit
dans lequel elle a été prise et elle s’appliquera. Des mots sont exprimés à la patiente elle-même, en présence
de sa famille, à ce sujet.
Assez rapidement, les apports nutritionnels sont effectivement diminués de façon conséquente du fait de la
somnolence de la patiente (souvent une seule poche par jour). La fille de Madame B. est désormais plus apaisée. Rester en présence de sa mère lui reste d’une grande difficulté, mais elle donne un sens aux soins prodigués et sa révolte s’est, de ce fait, apaisée. La diminution des apports nutritifs entraîne un amaigrissement
modéré et une déshydratation de la patiente, avec un effet positif direct, sur les secrétions broncho-trachéales
qui deviennent désormais beaucoup plus rares.
Au troisième mois d’hospitalisation, la patiente présente de façon assez subite, des expectorations abondantes, sous forme de vomiques, évocatrices d’une collection suppurée. Il est décidé de ne pas traiter l’infection.
Il est à nouveau recherché une adaptation de l’alimentation à l’état clinique de la patiente. Tenant compte
de l’abondance des expectorations et de la grande asthénie physique et psychique présentées par Mme B.,
la poursuite de la nutrition ne nous semble plus conforme au sens donné jusque là aux soins qui lui sont prodigués. La nutrition est complètement arrêtée. La sonde naso-gastrique est donc retirée. La famille adhère à
ce choix.
Progressivement les secrétions se raréfient. La patiente n’a quasiment plus de moments d’éveil. Elle décède
plus de quinze jours après l’arrêt de toute nutrition, en présence de son mari. Durant cette période, l’hydratation était limitée à l’humidification quasi-permanente de la bouche par un nuage de vapeur. La patiente n’a
développé aucune escarre.
La prise en charge de Mme B. a duré trois mois dans notre service. Notre questionnement quant aux soins à
apporter s’est porté au-delà des seules conséquences de nos actes (en terme d’effets). Ce qui a été visé était
l’essence même de ces actes, l’esprit qui pouvait les animer. Il semble que chacun des soignants a pu percevoir,
au cours de ces trois mois, comment il était effectivement mis en responsabilité, convoqué par la vulnérabilité
de Madame B. La recherche d’une qualité dans ces soins, dans une adaptation au contexte clinique, familial et
social, l’absence d’arrêt de la nutrition du jour au lendemain, sont autant d’éléments qui expriment la réponse
de chacun à cette convocation. L’utilisation de la technique de l’alimentation entérale dans une première période, puis la décision de s’abstenir de cette technique dans un second temps, nous ont semblé aussi s’inscrire
dans cette réponse. Cette évolution reposait sur la recherche d’une “juste relation” à la technique, dans un
refus de considérer celle-ci comme étant d’emblée “bonne en soi”. La technique n’est pas “bonne en soi”.
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Elle peut s’avérer nécessaire ou non. L’enjeu nous semble particulièrement important lorsque des hommes et des
femmes prennent soin de malades en grande vulnérabilité, proches de leur mort.
L’ensemble des membres de notre équipe se dit “satisfait” de la façon dont ont été dispensés les soins pour
Mme B. et ses proches. L’apaisement de sa famille semble aussi nous conforter dans nos choix. Et pourtant, il ne
peut s’agir d’avoir des certitudes quand à nos motivations profondes et au bien-fondé de nos actes. Nous terminons avec cette citation du philosophe Maurice Blondel, et que nous faisons nôtre : « Un mélange d’ombres et
de lumières persiste, alors qu’il nous semblerait préférable d’être en pleine nuit ou en plein jour. C’est dans cet
entre-deux mouvant, dans ce crépuscule, qui est déjà une aurore, que vit et doit se déployer notre pensée ».
Quelques références philosophiques à ce sujet :
- Emmanuel LEVINAS, Ethique et infini, poche, 1982
- Martin HEIDEGGER, Essais et conférences. La question de la technique, Gallimard
- Maurice BLONDEL, L’action (1893), PUF, 1973
- Hans Jonas, Le droit de mourir, Ed Payot et rivages
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
FACE À CELUI QUI ÉTOUFFE ET REFUSE LA SÉDATION
ARNOUX S., BOSCHETTI Y., BROBECKER C., BRUNET M., DELACROIX M.C., FRIEH C., LECLERCQ C., MATHIS S., STOECKEL J.
USP et EMSPCA – Hôpitaux Civils de Colmar.
OBJECTIF
Questions et réflexions soulevées par le refus de sédation d’un patient dans une situation extrême.
MÉTHODE : CAS CLINIQUE
Présentation du cas :
Mme Y, 57 ans, atteinte d’une SLA depuis 4 ans, est admise en USP pour évaluation et élaboration du projet
de soins.
L’apparition de troubles de la déglutition incite l’équipe à proposer à la patiente une gastrostomie qu’elle a
refusé jusqu’alors. Elle y consent après plusieurs épisodes de fausses routes sévères.
Trois jours après la pose de la gastrostomie apparaît une décompensation respiratoire aiguë qui surprend
l’équipe tant par sa gravité que par sa survenue rapide.
S’étant assuré de l’irréversibilité de la décompensation respiratoire, l’équipe engage une réflexion sur l’indication d’une sédation.
La patiente refuse cette sédation…
DISCUSSION
Ce cas clinique suscite une controverse au sein de l’équipe autour de deux questions :
- la réalisation d’une sédation non désirée est-elle humanité ou euthanasie déguisée ?
- la non réalisation d’une sédation par respect du refus du patient est-elle humanité ou cruauté ? Accepter que
quelqu’un meurt étouffé selon sa volonté de non-sédation est-il envisageable par une équipe soignante ?
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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« DONNEZ MOI UN COUTEAU »
DR PONTUS M ; DR DREUMONT AS ; DELCOURT D (PSYCHOLOGUE) ; MAROLOT S ET MARCEL S (IDE)
EMSP et Service de Soins de Suite Centre Hospitalier de Valenciennes
MeC, 82 ans, veuve, 4 enfants, catholique pratiquante.
Hospitalisée pour dermohypodermite de jambe gauche.
Découverte d’une infiltration tumorale cutanée et profonde du pelvis liée à des métastases d’un carcinome
épidermoïde secondaire à un cancer du col utérin traité en 1988.
Annonce du diagnostic : la patiente demande l’intervention de l’équipe mobile de soins palliatifs afin « d’organiser sa fin de vie ». Elle décèdera 1 mois après.
OBJECTIFS
Mettre en évidence des difficultés rencontrées par une équipe soignante et une équipe mobile face à une
demande récurrente d’euthanasie.
DIFFICULTES
1/Fond douloureux constant majoré pendant les soins ; refus de la prise d’ACTISKENAN® par « peur d’être
somnolente ». La patiente accepte le DUROGESIC® mais la douleur n’est pas complètement contrôlée.
2/Demandes d’euthanasie récurrentes, violentes :
« Donnez moi un couteau, préparez moi une seringue… ».
3/Difficultés d’intervention des soignants face à ce corps douloureux et aux demandes d’euthanasie : souffrance de l’équipe.
DISCUSSION
La plus grande difficulté est la douleur, paradoxalement elle refuse l’ACTISKENAN®
Hypothèse : - Devant le refus d’accéder à sa demande d’euthanasie, elle veut garder le contrôle de son
temps de vie en refusant les interdoses.
- Expiation de son péché de demande d’euthanasie violente : douleur est un purgatoire.
CONCLUSION
Nous pouvons regretter que la patiente n’ait adhéré à nos propositions thérapeutiques antalgiques.
La demande d’euthanasie a perduré jusqu’au décès de la patiente.
Cette prise en charge reste insatisfaisante et génératrice de souffrance pour les soignants.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
DEMANDE D’ARRÊT DES SOINS : QUELLE RÉPONSE APPORTER ?
JP Ory et l’équipe de Médecine A. - CHIC de Haute-Saône,
41, avenue A. Briand 70014 VESOUL
De plus en plus fréquemment, les équipes soignantes sont confrontées à des demandes d’arrêt de traitement
émanant du patient âgé ou de sa famille s’il n’est pas à même de participer. Les équipes ont une expérience
encore limitée à cette problématique et se heurtent à un dilemme éthique : « entre ne pas faire et acharnement thérapeutique… ».
L’approche légaliste, juridique peut-elle régler un problème, avant toute chose, d’ordre humaniste ?
A partir de deux observations très différentes sont analysées les positions de l’équipe ; Mme M. est âgée de
91 ans, parfaitement lucide, hospitalisée pour métrorragies, apprend et comprend le diagnostic de cancer
utérin avec envahissement du petit bassin… et demande à rentrer à domicile. Mr L., 48 ans, est transféré
dans l’unité en coma végétatif, après plusieurs semaines en réanimation. La famille a parfaitement entendu le
caractère non réversible de la situation et ne désire pas de poursuite de soins lourds. Ce type de demande
pose difficultés à l’équipe soignante, médicale comme paramédicale. La théorie ici défendue est de replacer
le patient et/ou sa famille en position active. La mise en place d’une consultation par un psychiatre fait intervenir un tiers et permet à nouveau circulation de la parole. La triangulation patient – médecin et son équipe
– psychiatre, repositionne chacun. L’analyse sereine d’une situation devient possible, avec identification de la
demande et de ses motifs et mise en place d’une réponse concertée. Le débat n’est pas qu’éthique ou philosophique. Il y a, au bout de la nécessité de réflexion, le respect d’une vie.
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VERS UNE « BELLE MORT », CONVERGENCES ET AFFRONTEMENTS
M.L. CADART
Laboratoire d’Ecologie Humaine et d’Anthropologie. Aix en Provence.
récentes montrent qu’il existe des invariants : une « mort apaisée » serait celle qui concerne un adulte âgé
qui meurt sans souffrance, entouré, accompagné de ses proches, une mort qui permet le temps du travail de
deuil (1).
La mort dans notre société constitue toujours un scandale. En témoignent les évènements récents et dramatiques
de 2003 (décès liés à la canicule, mort de Vincent Humbert) qui ont mobilisé les médias. L’opinion publique
s’est posée la question : Quelle est cette société moderne, qui, d’un côté, peut laisser mourir de déshydratation
(c’est-à-dire de soif dans les représentations populaires), des milliers de personnes vulnérables dans la solitude, et qui, de l’autre, refuse à un homme jeune, grabataire, condamné à vivre une vie qui lui est insupportable,
la mort qu’il réclame, transformant sa mère et son médecin en meurtriers à poursuivre. Cette société-là doit
paraître bien dure à un observateur extérieur comme à bon nombre de nos concitoyens. La mort est un fait
social total, « un des grands révélateurs des sociétés et des civilisations, donc le moyen de leur questionnement
et de leurs critiques » (Thomas, 2). Pour un anthropologue, son traitement permet d’entrevoir tous les aspects
culturels fondamentaux dans une société.
Depuis 50 ans, les conditions de la mort ont subi des modifications inhérentes à l’évolution de notre société.
Reléguée à l’hôpital, la mort a été confiée à des soignants formés à la combattre, à en repousser les limites à
l’extrême et pour lesquels elle constitue un échec. La technique a envahi l’hôpital. Le prix à payer de la connaissance scientifique et de l’objectivation du corps a été la suspension du sujet. (Gori, 3) « La normalisation de
la mort n’est réussie qu’en apparence » (Higgins, 4) et la médecine s’est vue assignée petit à petit une mission
qui n’est plus référée aux valeurs fondamentales de la société.
Notre société contemporaine est complexe : à la fois monde de la technique, de la vitesse, de la performance,
de la consommation et du spectacle, elle compte parmi ses valeurs fortes l’autonomie du sujet et la réalisation
de soi. Elle permet à chacun de bénéficier dans sa vie quotidienne de technologies de pointe notamment dans
le domaine de la médecine. Par ailleurs, le niveau d’éducation de la population n’a jamais été aussi élevé, ce
qui devrait permettre un sens critique et l’ accès à une information de qualité.
Depuis une trentaine d’années, il existe en France un mouvement de fond qui lutte contre la déshumanisation
technique de la fin de vie, la position de « malade-objet » et l’acharnement thérapeutique. Ce mouvement
qui œuvre vers plus d’humanité n’est pas toujours mis en lumière dans les médias qui privilégient le caractère
exceptionnel de certaines fins de vie et les débats passionnés entre partisans et adversaires de l’euthanasie,
alors que la définition-même de ce mot n’est pas univoque. Ce mouvement est discret, tenace. Des textes importants, dont des textes de lois majeurs dans le domaine de la santé, en sont issus témoignant d’une évolution
en profondeur d’une certaine pensée médicale où l’éthique trouve toute sa place.
Il est constitué essentiellement de deux courants qui sont nés d’une révolte contre les conditions déshumanisantes de la fin de vie, le mouvement de soins palliatifs et celui du droit à mourir dans la dignité. Alors qu’ils
oeuvrent dans le même sens et se rejoignent sur la majorité des questions, ils s’opposent et s’affrontent sur la
question de l’euthanasie. « Or, La plupart du temps, l’assurance de ne pas être abandonné, d’être soulagé de
ses douleurs, et surtout de ne pas être « prolongé » suffit à rassurer. Seule une infime minorité de personnes
veulent maîtriser leur mort et en choisir le moment. » (de Hennezel, 5)
Pourquoi cette question qui reste exceptionnelle quand tout a été fait pour soulager le malade entraîne-t-elle
de telles discussions voire des affrontements et qui sont ceux qu’elle oppose ?
L’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD) est née en 1980. Ce mouvement d’opinion a pour
but de faire évoluer les idées, les comportements, les lois pour que les êtres humains puissent mourir dans les
conditions qu’ils jugent les meilleures pour eux-mêmes. L’association défend trois objectifs auxquels chaque
adhérent peut souscrire de façon isolée :le droit à la lutte contre la douleur, le droit au refus de l’acharnement
thérapeutique, le droit à l’euthanasie volontaire. L’importance de l’image de soi, la peur de la déchéance et
de la dépendance poussent certains à vouloir choisir la mort, le mourant étant le seul responsable de sa mort.
L’ADMD se situe au niveau du droit de la personne, de la liberté du sujet responsable et seul maÎtre de sa vie
selon une conception de la dignité individualiste. Elle défend le testament de vie dans lequel le patient donne
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
des directives anticipées concernant sa fin de vie. Elle a combattu notamment pour la désignation d’une personne de confiance pouvant être choisie par tout malade, le respect du refus de soins par les patients, l’accès
par le malade aux informations contenus dans son dossier médical.
Le mouvement des soins palliatifs dont l’origine remonte aux années 60 en Grande Bretagne est né en France
il y a une vingtaine d’année. Les soins palliatifs sont des soins actifs sans être étiologiques. « C’est ce qui
reste à faire quand il n’y a plus rien à faire » disait C. Saunders la fondatrice du mouvement en Grande
Bretagne. Ils prennent en compte le malade dans sa singularité et concilient traitement et « prendre soin de la
personne ». La dignité fait partie de la condition humaine ne peut être entamée par la maladie. Le malade
est vivant jusqu’à sa mort, qui est un processus naturel. Il doit être traité comme tel et accompagné jusqu’au
bout, l’accompagnement concernant aussi ses proches. En France, la Société française de Soins Palliatifs (SFAP)
est née en 1991. Son objectif est d’être une instance représentative auprès des décideurs et des pouvoirs
publics pour la reconnaissance et le développement des soins palliatifs. Pour elle, il ne s’agit pas seulement
et surtout de multiplier les services de soins palliatifs mais de diffuser « l’esprit des soins palliatifs » afin
que tout soignant soit capable de les dispenser, ce qui nécessite formation et accompagnement des équipes.
Ce mouvement non hiérarchisé rassemble des professionnels médicaux et paramédicaux et des bénévoles.
Ses valeurs essentielles sont : l’accompagnement du malade jusqu’à la fin de sa vie, l’importance donnée à
sa qualité de vie, le soulagement de la souffrance dans toutes ses composantes, le respect de la volonté du
malade de refus de soins, le refus de l’acharnement thérapeutique et le refus de provoquer intentionnellement
la mort.
La description succincte de ces deux courants nous montre leurs nombreux points d’accord masqués par une
divergence fondamentale concernant la question de l’euthanasie. Celle-ci n’est ni le suicide médicalement
assisté ni l’arrêt des thérapeutiques, mais « l’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne
dans l’intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable. » (6)
Ces deux mouvements ont contribué à une évolution marquante bien qu’encore trop peu visible de la société
face à la question de la fin de vie. Cette évolution se heurte cependant à la résistance de beaucoup de soignants formés à une culture biomédicale basée sur la recherche d’un traitement étiologique de la maladie ;
pour beaucoup d’entre eux, les soins palliatifs restent associés à la mort alors qu’une enquête récente réalisée
par l’ORS PACA (7) montre que le grand public leur est très favorable et les associe au soulagement des souffrances, quelque soit le stade de la maladie.
Cette évolution de la société s’est traduite dans deux textes de lois fondamentaux: la loi du 9/06/1999 visant
à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs et la loi du 4/03/2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé. Elle se retrouve également dans la modification du code de déontologie médicale
en 1995. Dans ces textes apparaissent :
 La définition et la reconnaissance des soins palliatifs (Code de la Santé Publique en 1991),
 Le droit d’accéder aux soins palliatifs et à un accompagnement pour toute personne dont l’état le
requiert,
 La nécessité de consentement libre et éclairé de la personne face à tout acte médical,
 le refus de l’acharnement thérapeutique et le droit du patient à s’opposer à une thérapeutique ou une
investigation. « le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix » (loi du 4/03/2002),
 le respect de la dignité du malade, de sa vie privée et du secret des informations le concernant. « Les
professionnels de santé doivent mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer une
vie digne jusqu’à la mort » (loi du 4/03/2002),
 la prise en charge de la douleur (priorité dans les établissements de santé depuis 1994),
 la proposition faite à tout malade de désigner une personne de confiance,
 L’interdiction faite au médecin de provoquer délibérément la mort.
D’autres textes dont je ne fais que citer certains portent l’empreinte de cette réflexion :
 La charte du patient hospitalisé (1995) qui garantit des droits aux malades,
 Le texte de la Société des Réanimateurs en Langue Française (SRLF) Les limitations et arrêts de thérapeutiques actives en réanimation adulte (2002),
 L’avis du CCNE du 27/01/2000. Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie,
 Le rapport au ministre de la santé Fin de vie et accompagnement (10/2003) contenant 45 recomman201
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dations dont la formation et l’accompagnement des équipes soignantes ainsi que la nécessité de tenir
compte de l’existence de directives anticipées (5),
 Les recommandations de l’ANAES de la conférence de consensus l‘accompagnement des personnes en
fin de vie et de leurs proches les 14 et 15 /01/2004.
Ces textes importants sont trop peu connus des soignants et du grand public. Pourtant, ils concernent chacun.
Quiconque ne désire-t-il pas pour lui et ses proches cette «mort apaisée » qui permet au mourant de partir en
paix avec lui-même et les autres et évite aux morts de hanter les survivants ?. Faisant abstraction de conceptions philosophiques différentes, n’est-ce pas la peur de la souffrance et du manque d’accompagnement que
viennent dire les résultats très favorables à l’euthanasie des différentes études faites auprès de la population ?
Le danger ne vient-il pas de la médiatisation d’un sujet aux termes mal définis que chacun s’approprie quand
on parle d’euthanasie pour désigner des concepts aussi différents que le suicide médicalement assisté, l’arrêt
de thérapeutiques devenues inefficaces, le soulagement de la douleur ou le réel acte d’euthanasie dont la
demande devient exceptionnelle quand tout a été fait pour soulager et accompagner la personne en fin de
vie et ses proches ? Le débat sur la fin de vie ne devrait-il pas avoir lieu quand seront expliqués, éclairés ces
termes, quand les avancées précédemment exposées seront connues, débattues pour aborder la complexité
des questions éthiques qui se posent pour certaines situations irréductibles ? M. Foucault (8) disait que le biopouvoir ne laissait pas de place au questionnement éthique. Ne pouvons-nous pas dire que ce questionnement
est actuellement en cours dans les questions de fin de vie qui quittent le seul champ du médical pour retourner
vers l’ensemble de la société ? Dans cette société, les soins palliatifs ne pourraient-ils pas apparaître comme
les nouveaux rituels de la belle mort pour aller vers une mort apaisée, sans souffrance, accompagnée ?
1. Seale S., Van der Geest S. 2004 Good and bad death : Science & Medicine 58 (883-885
2. Thomas L.-V. 1975 Anthropologie de la mort. Paris, Payot.
3. Gori R. Espace Ethique méditerranéen. 03/02/2004
4. Higgins R. W. 2003. L’invention du mourant. Violence de la mort pacifiée. Paris. Esprit.
5. De Hennezel M. 2003. Fin de vie et accompagnement. Rapport au Ministre de la Santé.
6. Comité consultatif National d’Ethique (CCNE)
7. Observatoire Régional de Santé Provence Alpes Côte d’Azur .2002. Attitudes et pratiques face aux soins palliatifs.
8. Foucault M. Dits et Ecrits I .
202
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
DIGNITÉ-EUTHANASIE
A.PELLETIER
Unité de soins continus, clinique Saint Laurent, Rennes
« Jusqu’à La Mort, Accompagner La Vie » ; « Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité ». Ces deux
slogans -qui servent de définition pour des associations dont les objectifs sont pourtant très différents- ne rendent pas compte de la totale altérité de celui que l’on accompagne : nous partageons la vie comme la dignité
. On n’accompagne pas la vie, on accompagne la personne (ceci n’altère en rien la beauté des termes ni la
qualité du travail de l’ association JALMALV.) La question de la dignité est un peu différente.
N’étant ni philosophe ni psychologue mais médecin, il m’a paru utile de mener une réflexion sur la dignité de
la personne en fin de vie à partir d’une expérience et non d’un travail de documentation.
En effet, dans toutes les questions posées par l’existence humaine, l’expérience sans réflexion est aveugle, la
réflexion non fondée sur l’expérience est vaine, une législation qui ne serait pas enracinée dans la réflexion et
l’expérience est irrecevable. A ce titre il semble que les nombreuses personnalités - parfois du monde médiatique - qui expriment des certitudes sur le sujet de l’euthanasie, sans avoir jamais soigné un malade en fin de
vie, nourrissent notre réflexion, mais ne peuvent prétendre à la connaissance .
Dans l’exercice quotidien de la médecine et à la lumière de ce que nous apportent les patients, il semble que la
dignité de la personne (de l’autre) repose sur le regard que cette personne reçoit et sur celui qu’elle porte sur
elle-même. Mais ces deux regards ne convergent-ils pas vers une constante, dignité intrinsèque de l’homme ?
La dignité
Lorsque l’on dit de quelqu’un qu’il « s’est drapé dans sa dignité », on envisage la dignité comme le regard
que porte la personne sur elle-même. Un comportement digne est bien sûr nécessaire mais on saisit tout de
suite la limite, franchie dans l’expression ci-dessus, entre la dignité d’assumer sa condition d’homme et l’orgueil
d’une maîtrise du soi mal comprise. Il n’en reste pas moins que l’estime de soi est constitutif de la dignité de
l’homme.
Par ailleurs, on dit de quelqu’un qu’il a été “élevé à la dignité de...” lorsqu’une distinction lui est accordée
(commandeur de la Légion d’honneur par exemple). Le regard que l’autre porte sur la personne est donc
également constitutif de sa dignité. Nous avons tous dans notre vie reçu ou donné des regards créateurs ou
des regards qui tuent, qui rendent indigne de vivre.
Même si ces deux aspects sont très importants, il est un fait que le regard porté et le regard reçu sont variables en fonction du vécu quotidien. C’est la raison pour laquelle dans l’accompagnement des personnes en fin
de vie, la présence d’une équipe est importante pour, au-delà des défaillances individuelles, toujours permettre à celui que l’on soigne de se voir accueilli, aimé, respecté dans sa dignité de personne, même si le regard
qu’il porte sur lui-même peut aussi être défaillant.
Pourtant, au-delà de ces regards variables, il existe une dignité, constante, intrinsèque, constitutive de l’homme,
qui demeure le mystère de l’autre, que l’on doit essayer d’approfondir sans pouvoir risquer une réponse définitive : un prisonnier dans un camp de concentration peut se sentir indigne de vivre, est considéré par ses bourreaux comme indigne de vivre. Pourtant aucun des lecteurs de ces lignes ne peut souscrire à cette affirmation.
Quand les regards sont morts, la dignité demeure.
Soulignons qu’aucune décision de vie ou de mort -et donc d’euthanasie- ne peut être prise du fait de deux
variables (les regards) mais seulement d’une constante : les regards ne sont en fait que ceux que l’on porte sur
cette dignité intrinsèque qu’il convient d’approfondir.
203
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« Bien que l’homme soit dépendant de la nature (il faut manger, boire, se soigner...) on ne peut identifier
la nature humaine à la spontanéité animale ». Ce qui rend l’homme digne pourrait être son aptitude à gérer le monde et à régner sur la nature. Tout homme est créateur du monde dans lequel nous vivons, pour
le meilleur (la Joconde est faite d’un bout de bois, de végétaux et de minéraux transformés) ou pour le
pire... que nous lisons dans nos journaux quotidiens. « Nous n’avons pas à agir en serviteur d’une nature qui
est à notre service. Le bien n’est pas ce qui assure le règne de la nature ; le mal n’est pas ce qui la contrecarre. Être moral n’est pas suivre la nature mais la transformer. Nous avons donc à intégrer notre corps
à sa grandeur de sujet que la nature conditionne mais ne saurait définir »(Gustave Martelet). Ce chemin
de dignité est encore insuffisant : on connaît les dégâts de la toute puissance de l’homme sur la nature.
En effet cette responsabilité créatrice de l’homme perd tout son sens si elle se transforme en volonté de maîtrise. La dignité de créateur n’a de sens que si nous nous reconnaissons comme créature, c’est-à-dire recevant ce
pouvoir d’un ailleurs que nous ne pouvons toujours nommer. En effet, la dignité de l’homme n’est pas seulement
de régner sur la nature, mais aussi de s’y intégrer puisqu’il en est à la fois maître et partie.
Comment être à la fois maître et partie, maître et dépendant ? Prenons l’exemple d’un couple et de ses enfants : comment le couple peut-il assurer à la fois l’orientation, la direction de sa famille tout en s’y intégrant ?
C’est seulement par sa capacité à aimer que l’homme peut à la fois gouverner la nature et s’y intégrer harmonieusement. Une réponse, partielle, au mystère de la dignité humaine, est donc que l’homme est capable
d’amour. Cette réponse ne résout pas la question de la dignité des personnes non communicantes (bien que,
par expérience, il soit bien difficile de juger de cette absence, comme en témoignent de nombreuses histoires
de vies « végétatives » résolues dans la mort seulement après un événement important qu’à vue humaine le
patient attendait et qui est en général de l’ordre de l’amour).
Si on aborde la question de l’euthanasie sous l’angle du respect de la dignité et de l’amour de l’autre, la
question ne serait donc pas : l’euthanasie est-elle un acte d’amour ? mais : est-ce que je reconnais à celui qui
me demande la mort une capacité à aimer, une humanité, alors que j’accepte l’idée de répondre « positivement » à sa demande ? Si rendre digne (et peut être aimer en vérité), c’est permettre à l’autre d’aimer,
la réponse paraît simple pour celui qui ne croit pas en l’au-delà : l’euthanasie ne rend pas capable d’aimer.
Elle ouvre pourtant sur une question spirituelle pour celui qui y croit : si je suis capable d’aimer après ma mort,
pourquoi m’interdire d’y recourir ? A cette question la réponse est, peut-être : croyant en l’au-delà je ne peux
supprimer ce que j’en ai reçu.
Sans épuiser la question, on peut donc proposer que la vraie dignité de l’homme ne se situe pas dans son
aptitude à gouverner le monde et à le transformer mais dans son aptitude à aimer, c’est-à-dire à se décentrer
de lui-même, à se reconnaître créature et en cela à devenir créateur de vie, du monde et de sa dignité.
Comment accueillir l’autre dans sa dignité d’être aimant ?
C’est toute la question de l’accompagnement et des soins palliatifs. Il n’est pas lieu d’insister ici sur les ingrédients nécessaires, et le plus souvent suffisants pour accueillir l’autre dans sa dignité de personne :
 soins adaptés à la personne et proportionnés.
 prise en charge de la douleur globale.
 accompagnement humain et
 accompagnement spirituel dans une démarche de recherche de vérité.
 travail en équipe.
204
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Et l’euthanasie ?
Une telle demande cache souvent un sens inattendu et révèle souvent une demande de vivre autrement plutôt
que de mourir.
Reconnaissons que même dans des situations de prise en charge optimale (donc imparfaite), il peut subsister
très exceptionnellement des demandes d’euthanasie. Pour autant on ne résout pas un problème en le faisant
disparaître, comme Alexandre le nœud gordien. Il est certain qu’une équipe ne peut avoir réponse à tout (la
volonté de toute puissance nous guette tous) : c’est un fait d’humanité. Il est préférable de refuser de raisonner en dilemme et d’essayer de défaire le nœud de la relation en exprimant sa faiblesse. A la demande de
mort, la réponse « je ne sais pas, nous allons chercher ensemble » est plus efficace que toutes les certitudes.
Les convictions sont importantes, les certitudes mortifères. Si la relation tarde à créer la réponse, la sédation
peut être proposée. Par contre il existe de multiples situations où la question se pose par défaut de prise en
charge de la société civile, amenant à des situations réellement déshumanisantes où la volonté de mort paraît
légitime. Du fait de ce défaut de relation, lié en général à la solitude ou à l’insuffisance d’accompagnement,
la plupart des demandes d’euthanasie ne surviennent-elles pas dans des lieux où elles ne sont pas entendues ?
(grande vieillesse)
Transgresser l’interdit « tu ne tueras pas » et envisager l’euthanasie comme possible, même exceptionnellement, dans une pratique quotidienne qui n’est faite que de cas particuliers, c’est mettre en difficulté l’avenir de
notre profession de soignant car c’est perdre la confiance que la société nous donne. C’est aussi se priver de
la liberté d’imaginer, dans la relation, des réponses nouvelles et toujours différentes.
Ne répondons pas à un vrai scandale par un autre ; ne résolvons pas un « problème » en mettant une croix
dessus ; ne cherchons pas de solutions juridiques et techniques ; ne nous privons pas du droit à imaginer (créer) ;
ne faisons pas l’économie d’une réponse humaine personnelle et de celle de la société civile face à des situations déshumanisantes.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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DEMANDES D’EUTHANASIE : ENTRE HONTE ET CULPABILITÉ
S. AMAR
Psychologue - Centre de Soins Palliatifs et Traitement de la Douleur
Hôtel-Dieu de Paris
Après avoir distingué le concept de culpabilité de celui de la honte d’un point de vue psychanalytique, nous
dégagerons les implications de cette dernière dans la problématique de la “ mort désirée ”.
La culpabilité si souvent évoquée, invoquée, ou redoutée par les soignants, travaille à entraver l’expression de
la honte du sujet malade, ainsi que les conditions d’écoute de cette dernière.
En effet, alors que le sentiment de culpabilité se déploie dans le collectif réel (équipes soignantes, représentants religieux, associatifs…) et symbolique (Loi, interdits, déontologie...), la honte émerge dans l’intimité.
Honte et culpabilité s’inscrivent dans une dualité, l’une ayant alors pour effet d’exclure l’autre.
S’articulant dans l’être du sujet, la honte n’en fonctionne pas moins par le détour du regard de l’autre, réel ou
intériorisé. Ce processus explicite, selon nous en partie, la rareté des demandes d’euthanasie ou leur caractère
souvent éphémère en USP; de même éclaire-t-il l’impact socio-politique actuel de la revendication d’un droit
de mourir dans la dignité, et ce, à l’heure où l’image prévaut.
Si la honte (ou la crainte de l’éprouver) constitue un des soubassements de la demande d’euthanasie, l’ombre
du sentiment de culpabilité (ou la culpabilité elle-même) détermine la réaction de refus de ceux à qui elle est
adressée; réaction tout aussi tributaire de l’inéluctable écho à notre propre expérience intime de la honte.
Un des ressorts du discours partisan d’une législation est précisément de faire émerger la honte en lieu et
place de la culpabilité, rempart contre l’agir euthanasique. Le propre de la demande d’euthanasie n’est-il
pas de convoquer celui à qui elle est adressée à une position de toute-puissance au-dessus des lois et dans un
en deçà de la Loi ?
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
RÉALITÉ DE LA PULSION D’EMPRISE DANS LA DEMANDE D’EUTHANASIE
I . ATMANI
EMSP. Hôpital Delafontaine. Saint-Denis.
Si la demande de mort arbore un irréductible accent dramatique, elle s’articule par ailleurs dans un indéniable rapport de force.
Cette requête convoque le médecin sur le terrain de la toute puissance, laquelle même si elle est fantasmée se
révèle potentiellement mortifère lorsqu’elle réclame sa mise en acte. Elle retentit sur l’entourage comme l’affirmation abrupte de l’incapacité à maintenir un lien significatif, enfin cette demande surgît comme une volonté
d’exclusion de la communauté des vivants.
Au delà de son caractère encombrant, complexe et destructeur, la demande de mort interroge l’objet auquel
elle est adressée sur le processus qui lui est insupportable de soutenir : travailler à la mort pour la médecine
alors qu’elle ne la pense pas, soutenir la déliaison dans la relation affective, travailler à l’exclusion dans le
groupe. Autant de convocations qui conduisent au constat d’une vive impuissance ou à l’obligation d’un désaveu.
Autant d’ « impossibles » pris dans l’expression de la pulsion d’emprise dont l’objectif est de prendre les
pleins pouvoirs sur l’objet. L’introduction de ce concept psychanalytique, nous laisse entrevoir la question de
l’euthanasie sous l’angle d’une tentative de maîtrise, une forme ultime de subjectivation comme réponse à des
violences subies, comme tentative de résolution de traumatismes. Il s’agit alors de se déprendre de la dimension spectaculaire afin de mettre en évidence la dualité et l’économie libidinale au cœur de cette réalité.
A ce qui est si communément invoqué comme relevant d’une volonté de « lâcher » quelque prise, nous opposons
l’hypothèse d’une forme ultime d’investissement et d’auto conservation…
Cela nous conduirait entre autre à discuter cette question : la demande d’euthanasie est-elle une demande
de mort ?
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
L’EUTHANASIE, UNE QUESTION D’IDÉAL ?
ROQUAND M.A.
Centre Paul Papin Angers
Ce propos s’appuie sur, l’expérience acquise depuis plusieurs années, auprès de patients cancéreux ; ces personnes ont été rencontrées et accompagnées parfois, du début de leur maladie à leur mort.
La demande d’euthanasie peut être là, que peut en dire le psychanalyste?
La mort cette ultime ultimité, qu’évoque Jankélévitch, la mort « seul instant du futur jamais levé », est chez
l’Homme source d’une angoisse fondamentale. Face à ce danger, le Sujet mobilise ses forces mais les dommages corporels, l’état de dépendance suscités par la maladie, viennent ternir l’image idéale de son moi, le narcissisme est blessé. Une tension s’installe entre le moi et le surmoi (héritier des instances parentales), apparaît
un sentiment de culpabilité inconscient ou clairement exprimé.
Pour Freud, l’angoisse de mort est l’angoisse du moi d’être abandonné par le surmoi protecteur, « l’inconscient
ne connaît pas la mort ».
L’euthanasie demandée avant toute atteinte physique répondrait, et à l’idée insupportable pour le Sujet de
voir son image touchée, et à l’angoisse d’être insuffisamment soulagé et entretenu dans une vie jugée inacceptable. Le moi, pris dans une relation spéculaire, est sous la dépendance du surmoi.
Chez le malade en outre, des douleurs physiques trop présentes, un handicap majeur font demander « la fin
»comme apaisement des tensions, s’active alors la pulsion d’emprise, dérivée de la pulsion de mort, pour maîtriser cet état insupportable où : « ne plus être comme avant…faire souffrir tout le monde… », génère une
culpabilité grandissante pour le moi face aux exigences surmoïques.
La famille est démunie, captive de la souffrance vécue et des idéaux véhiculés.
En conclusion l’euthanasie fait référence à un état de détresse du moi qui fait retour à une étape antérieure.
L’accompagnement du malade doit faciliter l’ultime accomplissement de soi. Cet état ne peut être connu avant
que le corps n’oblige l’être à s’engager dans cette voie.
RÉFÉRENCES
Freud, essais de psychanalyse, coll. pbp 1985
Freud, la vie sexuelle, coll.Puf 1985
Jankélévitch, la mort, coll. champs flammarion 2001
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EUTHANASIE : EN FINIR AVEC L’HYPOCRISIE ?
G. BERRICHON
Equipe mobile de Soins Palliatifs Centre Hospitalier d’Avignon
Equipe mobile Douleur et Soins Palliatifs Centre Hospitalier Cavaillon-Lauris
Les soins palliatifs visaient à bouleverser l’ordre établi pour que soient reconnues et incarnées des valeurs
affirmées dans la théorie mais bafouées dans la pratique, pour que le patient bénéficie de ses droits théoriquement inaliénables1.
Pour ou contre l’euthanasie ? Allons nous une fois encore faire comme si le problème était là, quand les partisans d’une dépénalisation mettent désormais stratégiquement sous ce terme le suicide assisté ? Allons nous
continuer à tenir le rôle que l’on veut bien nous donner, du côté des ministères comme de l’ADMD ?
Souvenons nous, le destin des soins palliatifs est de mourir. De mort naturelle, dans un monde où l’homme serait
respecté sans conditions, de sa naissance à sa mémoire.
Serions nous hypocrites au point de supposer que nous pouvons relâcher la pression, parce que la loi de 99
nous a donné un peu de légitimité ? Sur la base de principes que nous ne partageons qu’entre nous, et encore,
pouvons nous nous contenter d’affirmer notre opposition à l’euthanasie, continuer à nous bercer de ces principes sans affirmer clairement que, sans illusions, c’est un autre monde que nous tentons de bâtir ?
La pression sociale en faveur de l’euthanasie nous exhorte à développer sans cesse nos compétences et notre
professionnalisme, au service d’un engagement éthique qui nous maintienne sans cesse en alerte et en in-quiétude2. Mais elle oblige aussi à affirmer l’urgence : des moyens décents, des lits d’USP, des équipes mobiles
qui ne se mesurent pas en fractions, des formations permanentes, des temps de régulation indiscutables, et
qui sait peut-être un droit d’ingérence dans ces situations où c’est bien en amont que la réflexion et la qualité
auraient leur place.
1 Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Assemblée Générale de l’O.N.U., décembre 1948
2 Ethique et Professions de Santé, Rapport au Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapées, Mai 2003
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LA DÉCLARATION DE VOLONTÉS ANTICIPÉES, C’EST DIRE :
« FONTAINE, JE NE BOIRAI PAS DE TON EAU ! »
BOUNON L., BÉAL J.L.
USP « La Mirandière ».
Le titre de cette intervention, La déclaration de volontés anticipées, c’est dire « fontaine, je ne boirai pas de
ton eau» est l’exact opposé de la recommandation d’un proverbe bien connu : « Il ne faut jamais dire : fontaine
je ne boirai pas de ton eau ! ».
Ce proverbe est à la fois la conclusion qui m’est venue lorsque j’ai analysé l’observation de madame R et en
même temps, de manière plus large, il est un fil conducteur intérieur pour écouter toute volonté exprimée, la
nôtre comprise, et plus particulièrement toute demande d’euthanasie. Cette observation tente d’indiquer
la position qui a été la nôtre pour écouter Mme Madame R. qui avait mandaté un tiers, une de ses filles, pour
nous remettre une déclaration de volontés anticipées signées et datées.
Ce qui est premier dans cette position, c’est de s’ouvrir à entendre l’enfermement d’une déclaration de volontés anticipées. En effet, écouter un être humain, c’est ne pas l’enfermer dans sa volonté surtout si elle est
anticipée. C’est croire qu’on puisse changer d’avis.
Ce qui est important aussi dans cette position d’écoute,
c’est d’être en dehors d’un débat d’idées. Lorsque nous sommes confrontés à des situations de demande
d’euthanasie ou de respect de volontés anticipées, le risque est d’entrer dans un débat d’opinions et de croire
que nous sommes conviés à prendre une décision. Un consensus ne saurait être une garantie éthique. Cela
témoignerait plutôt d’un défaut d’écoute.
Nous accueillons Mme R. le 5 janvier 2004 à l’unité. Elle est transférée d’un hôpital régional pourvu d’une
UMSP. C’est une patiente de 56 ans, atteinte depuis 6 ans d’un cancer du sein. Elle a subi chimiothérapie et
radiothérapie. Lors d’un contrôle qui a révélé des métastases osseuses, elle a fait le choix de ne pas subir une
autre chimiothérapie et s’est tournée vers des « médecines douces ». Elle été bien jusqu’au mois de juillet 2003,
continuant ses activités. Aujourd’hui elle souffre de métastases osseuses, hépatiques et pulmonaires. Elle est
bien au courant du diagnostic et du pronostic. L’observation médicale lors de l’admission décrit Mme R. comme
une personne complètement dépendante, extrêmement fatiguée, triste, mutique, fermée mais néanmoins capable, si on l’aide, de tenir le fil d’une conversation, même si elle a des moments de confusion dans le temps. Elle
souffre en outre d’une hypoacousie. L’observation soignante du 06/01 note que c’est une patiente très fermée,
qui ne parle pas sauf pour donner des ordres brefs, très négative et méfiante de tout ce qu’on lui fait.
Un matin, quelques jours après l’admission de Madame R, la fille qu’elle avait mandatée, est présente lors de
la visite du médecin et propose à sa mère de donner « les papiers » au Docteur. Cette fille, que j’ai rencontré
ainsi que sa sœur, le matin du décès de leur mère, m’a parlé de cette scène étrange : Madame R. ne leur
adressait plus la parole ni à l’une, ni à l’autre, depuis son hospitalisation à l’hôpital le 29/12/03, sans qu’elles
comprennent pourquoi. Elle s’en tient donc à ce qui a été promis et souhaite s’acquitter de son mandat. Ce qui
paraît légitime puisque l’état de sa mère est bien celui que décrit « la troisième volonté anticipée » : que l’on
me procure une mort douce dans la mesure où je me trouverais en situation de dégradation de mes facultés
physiques ou neuro-psychiques sans espoir d’amélioration.
A cette proposition, Madame R. qui aurait pu dire quelque chose, fait seulement des gestes d’énervement,
d’impatience que, dans l’instant, sa fille ne sait trop comment interpréter. Elle remet donc la déclaration de
volontés anticipées au médecin.
« Au moment où j’ai donné au Dr devant elle les papiers, maman a dit en colère, « moi, je crois en la vie ! » ou
« moi, ce que je veux, c’est vivre ! », je ne sais plus très bien. J’étais sidérée, j’étais restée sur ce qu’avait dit
maman, avant ! C’était plein de contradictions. Devenir dépendante, ça été terrible ! A la maison, c’était clair
qu’elle n’avait pas envie de continuer comme ça. Sa sœur enchaîne : « Oui, et à Hôpital de B., à une infirmière
de SP qui lui demandait ce qu’elle attendait de La Mirandière, elle a répondu : « me retaper ! »
« Mais, même moi, quand j’ai vu le changement à La Mirandière, je me suis dit : dans 15 jours, elle sera à la
maison ! » Et c’est vrai que Madame R. est beaucoup plus ouverte. Médecins et soignants le constatent tous.
Elle se sent mieux, apprécie les bains bouillonnants et sa jambe lui fait moins mal. Elle dit: « si on me faisait
des massages, je remarcherais ! » Le dimanche 11 janvier 04, Madame R. a eu la visite d’un pasteur qui l’ac210
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
compagne depuis le début de sa maladie. Ce pasteur n’est plus dans la région, et il a fait un long aller-retour
pour venir lui dire « Au Revoir ».
Le 13 janvier nous recevons un courrier de ce pasteur adressé au Dr Béal
et à l’équipe soignante de La Mirandière. Il nous parle de Madame R., de sa maladie et des choix qu’elle a
fait par rapport aux traitements. Ensuite, il nous délivre le message qui motive cette lettre et que nous interprèterons diversement connaissant le militantisme personnel de ce pasteur à l’ADMD : « Soutenant les positions
de l’ADMD vous avez ou allez recevoir de la part de sa fille C., sa déclaration de volontés anticipées. Elle
sait bien évidemment que le débat sur l’aide active à mourir est encore en débat et en réflexion dans notre
pays.
Alors qu’elle a maintenant des difficultés pour parler, et la tentation de se murer, je voulais vous dire tout ce
que je viens d’écrire afin que vous accompagniez au mieux la dernière étape de sa vie.
Qu’est ce qui est exactement demandé ? Qu’en faire ?
Et bien, nous avons simplement continué à accompagner Madame R. dans son quotidien sans nous soucier de
ses volontés datées et signées. Lorsqu’elle est morte, le 19 janvier, deux semaines après être arrivée à La
Mirandière, nous avons adressé cette réponse au pasteur pour rendre compte de notre position dans l’accompagnement de Mme R. mais aussi dans un souci d’accompagnement pour lui aussi :
Monsieur Le Pasteur,
Nous avons éprouvé un certain désarroi en recevant votre lettre parce que, sans que cela soit explicite, il y
est question d’un débat d’idées dans lequel nous ne souhaitons pas entrer. L’accompagnement de Madame R.
nous a d’ailleurs conforté dans cette position.
Lorsque Madame R. est arrivée à l’Unité, toute l’équipe soignante a éprouvé le sentiment d’une patiente fermée, emmurée, comme vous l’exprimez dans votre lettre.
Au fil des jours, un dialogue a pu s’établir en dépit de l’hypoacousie et des difficultés pour parler.
Madame R. se sentait mieux, sa jambe lui faisait moins mal et elle a tout à fait apprécié les soins qui lui étaient
donnés, en particulier les bains bouillonnants. Ces soins dispensés à l’Unité par les soignants, sont venus toucher
son corps. Ce qu’elle nous en disait témoignait d’une rencontre et d’une ouverture. Ils lui ont permis de renouer
avec les sensations parlées de son corps qui s’étaient perdues dans le refus de la maladie.
Sa fille C. a remis à un des médecins de l’Unité, devant elle, la déclaration de volontés anticipées qu’elle avait
signée au mois d’août 2003 ainsi que le mandat qu’elle lui avait accordé en septembre 2003 pour exiger
qu’on respecte ses volontés au sujet de sa propre vie. J’ai eu l’occasion d’en parler avec elle et sa sœur, le
matin du décès de leur mère.
Au moment où C. a donné les papiers au médecin, sa mère s’est écriée : Moi, je crois en la vie !
C. m’a dit : J’étais sidérée, j’étais restée sur ce qu’avait dit maman !
Les deux sœurs ont aussi ajouté que leur mère ne leur parlait plus depuis son hospitalisation à l’hôpital, le 29
décembre 2003.
Le jeudi 15, un des médecins de l’unité a emmené Madame R. visiter son petit fils T. dans le service de néonatalité du CHU, en voiture, avec son fauteuil roulant. Cette visite avait été « négociée » à la demande du
service de néo-natalité à une heure de faible fréquentation des visites pour ne pas « déranger, choquer les
autres familles ». Comment mieux dire l’ostracisme qui entoure celui ou celle dont la mort est annoncée ? Les
modalités de leur vie, traversée par la maladie, en font des êtres d’une autre espèce. En rigueur de terme,
leur vie est même devenue choquante !
Aider Madame R. à aller voir son petit fils et que quelqu’un l’y accompagne, en l’occurrence une jeune mère,
nous a donc paru très important, parce que c’était une manière pour elle de se relier dans la génération au
genre humain.
A son retour, elle a beaucoup parlé de cet enfant et du souci que sa situation lui causait. La nuit, elle a été
très angoissée.
Le vendredi, elle a à nouveau bénéficié d’un bain bouillonnant qu’elle a beaucoup apprécié. A partir de midi,
elle semblait très fatiguée. Elle est restée dans son lit pour prendre son repas dont elle n’a mangé qu’une
mousse au chocolat.
Le soir, elle a pris un bol de soupe, puis s’est endormie.
Le samedi et le dimanche, elle a été très endormie, sans pour autant être dans le coma. Elle est morte dans la
nuit de dimanche à lundi à 4 heures.
A La Mirandière, nous pensons que le cœur de la question de la maladie, est de nous amener à cheminer.
En ce sens, il nous semble être resté à l’écoute de Madame R. et d’une histoire qui témoigne pour nous d’une
ouverture à la vie. Une soignante m’a parlé de votre émotion le dimanche 11 janvier lorsque vous êtes venu
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
voir Mme R. ainsi que des mots que vous lui avez confiés : Une brèche s’est ouverte dans le mur qu’elle avait
érigé. C’est le sentiment que nous en avons eu aussi. Votre passage lui a été une possibilité de mourir dans
la paix. Nous pensons que le mur érigé dans l’histoire de cette femme pour ne pas consentir à la vie était
l’enfermement dans sa volonté propre. Pour parler du cheminement de certains patients dont la mort les surprend particulièrement, ce qui a été le cas pour Madame R., les soignants utilisent souvent cette métaphore :
Il ou elle a lâché. Ce qui est lâché, c’est aussi bien la volonté de mourir, que la volonté de ne pas mourir.
Ce qui est désiré, c’est vivre et c’est peut-être cela mourir dans la paix. » Il nous semble en effet, que la
seule manière d’écouter, d’accompagner des personnes, proches et malades, prises dans cette volonté anticipée est de ne pas les croire. C’est-à-dire ne pas les laisser s’y enfermer en répondant par une position
dogmatique. Être pour ou contre le respect de cette volonté anticipée, c’est considérer cette volonté comme
immuable. Cette position laisse alors une ouverture, elle autorise un cheminement. C’est ce que nous tentons
de dire au pasteur : Accompagner au mieux, ce n’est pas respecter une volonté, surtout si elle a été anticipée, parce qu’alors, comme toute anticipation, elle est purement imaginaire, c’est croire à un cheminement.
Pour conclure, nous pensons que de cette position d’écoute découle probablement un fait qui peut paraître surprenant : L’USP « La Mirandière » a 11 ans d’existence, près de 1800 décès y sont survenus après une durée
moyenne de séjour de 25 jours et néanmoins, nous ne comptons guère que 3 à 4 demandes d’euthanasie par
an et venant le plus souvent des familles ! Bien évidemment, en comparant ces chiffres à ceux qui sont annoncés
par d’autres lieux de soins palliatifs, on peut s’interroger sur ce que nous appelons « demande d’euthanasie ».
Aussi, je précise que pour nous, cette observation n’est pas comptabilisée dans les demandes d’euthanasie.
Tout au plus, il y a eu incitation d’un tiers à accueillir la déclaration de volontés anticipées signées par Mme
R. dans le cadre de l’ADMD.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LE TESTAMENT DE VIE EN UNITÉ DE SOINS PALLIATIFS :
UN COMBAT COMMUN ENTRE LES ASSOCIATIONS MILITANTES POUR LE SUICIDE ASSISTÉ ET CELLES MILITANT POUR LE DÉVELOPPEMENT DES SOINS PALLIATIFS ?
I. DUTRANNOY, P. JAVEL, C. TIRAPO, F. ESCOUROLLE
USP gériatrique - Hôpital Bretonneau - 23 rue Joseph de Maistre - 75018 Paris
L’engagement et la généralisation des testaments de vie est-elle une pratique à développer en unité de soins
palliatifs (USP) ?
La confrontation à une situation extrême a posé les bases d’une réflexion d’équipe sur la confusion entre
euthanasie et sédation, mais aussi sur l’utilité du testament de vie et de ses limites. Les volontés, exprimées par
la patiente à travers un document contractualisé auprès d’une association militante pour le suicide assisté, s’est
avéré être un outil précieux d’aide à la décision. L’ensemble de l’équipe a pu y retrouver également, contre
toute attente, des valeurs fondatrices des soins palliatifs.
Mme B., 64 ans était atteinte d’une L.A.M. (leucémie aiguë myéloïde). Ancienne soignante, parfaitement informée du diagnostic et consciente du pronostic. Cette femme attachante, était divorcée, sans enfant, isolée. Dès
l’annonce du diagnostic, deux ans plus tôt, elle avait souffert d’une dépression réactionnelle et avait refusé
initialement la mise en route d’une chimiothérapie intensive.
A son arrivée dans le service, nous nous sommes attachés à soulager ses douleurs et à la soutenir psychologiquement. Mme B. a pu retourner chez elle, parvenant de nouveau à se projeter dans la vie. Une chimiothérapie
orale ayant même été reprise. Au cours de son hospitalisation au sein de l’USP, Mme B. a pu nous livrer son
angoisse de mourir dans d’atroces souffrances. A domicile, elle avait été marquée, dans son corps et dans son
psychisme, par les douleurs. Elle a mentionné surtout son angoisse de se voir se dégrader physiquement.
Malgré une confiance totale dans notre équipe et le fait que nous l’ayons soulagée, elle nous a fait part de sa
volonté d’adhérer à une association militante pour le droit de mourir dans la dignité. Elle exprimait ce souhait
comme une garantie « au cas où… » : au cas où nous ne respections pas nos engagements, au cas où nous n’en
serions plus capables, au cas où elle déciderait de mettre un terme à son existence.
Nous avons entendu cette demande, sans jamais chercher à la convaincre de changer d’avis. Nous l’avons soutenue dans ses démarches et nous nous sommes engagés à faire notre maximum pour la transférer en Suisse
pour être « médicalement assistée au suicide », si elle le décidait.
Au cours, de son hospitalisation elle n’a pas fait de demande pour être transférée dans ce lieu. L’aggravation
de son état a vu une majoration de ses douleurs, finalement assez bien traitées, mais surtout une souffrance morale accrue, liée à une angoisse s’enracinant dans un fantasme d’agonie terrible. Le soutien de l’équipe, entre
autre de la psychologue, l’avis du psychiatre, les traitements, n’ont plus suffit dans la période de fin de vie.
Une demande de sédation a été formulée par la patiente. D’abord intermittente, puis continue, accompagnée
de l’arrêt de tous traitements dit « curatifs », comme l’antibiothérapie ; arrêt décidé en réunion d’équipe en
s’appuyant notamment sur le testament de vie de la patiente, pour vérifier si nous étions en accord avec notre
engagement, notre pratique soignante et surtout avec ses volontés.
A la relecture de ce document, une évidence s’est imposée à nous : toutes les volontés exprimées pouvaient se
résumer en une volonté de bénéficier d’une prise en charge palliative. Seule la non observance de ce droit
entraînait l’expression d’une dernière volonté : le transfert en Suisse pour pratiquer un suicide assisté. Ce testament spécifiait :
213
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
« JE SUSMENTIONNÉ, DÉCIDE PAR LA PRÉSENTE CE QUI SUIT :
JE SUIS EN PLEINE POSSESSION DE MA FACULTÉ DE JUGEMENT
- Dans le cas où je perdrais à l’avenir mes capacités de décision, les instructions données ci-dessous s’appliqueraient. Si mes fonctions vitales importantes sont à ce point affectées que, pour autant que l’on puisse en juger,
toute amélioration de mon état peut être exclue et si l’on doit considérer qu’en l’absence d’autres interventions
médicales, cet état conduira directement à la mort, j’exige :

On s’abstiendra à mon égard de toutes les mesures destinées à prolonger ma vie, par exemple le placement en soins intensifs, la réanimation, la respiration artificielle, l’alimentation artificielle, les transfusions sanguines, l’apport de liquides par des infusions ou des sondes, des traitements pharmaceutiques
avec des antibiotiques, des produits de chimiothérapie, ainsi que toutes les interventions pénibles à
des fins de diagnostic ou de traitement.
Je choisis ce paragraphe dans mes dispositions en cas de maladie. OUI ou NON
 Toute assistance médicale devra être limitée à l’atténuation optimale des douleurs et des souffrances.
L’objectif devra être de maintenir la qualité de vie qui me reste à un niveau le plus élevé possible.
Je choisis ce paragraphe dans mes dispositions en cas de maladie. OUI ou NON
 Tous les médicaments contre les douleurs et les souffrances devront être dosés de telle manière que
mon état subjectif soit le meilleur possible, même si cela doit raccourcir ma durée de vie.
Je choisis ce paragraphe dans mes dispositions en cas de maladie. OUI ou NON
 Si la volonté que j’exprime par la présente ne peut pas être pleinement respectée par le médecin
traitant, la responsabilité de mon traitement devra être transmise à un médecin proche de Dignitas.
Je choisis ce paragraphe dans mes dispositions en cas de maladie. OUI ou NON
 Je refuse de servir d’objet de recherche de mon vivant.
Je choisis ce paragraphe dans mes dispositions en cas de maladie. OUI ou NON
 Je refuse que mon corps soit employé à des fins de recherche après ma mort.
Je choisis ce paragraphe dans mes dispositions en cas de maladie. OUI ou NON
 Je refuse que mes organes soient employés pour d’autres personnes après ma mort clinique.
Je choisis ce paragraphe dans mes dispositions en cas de maladie. OUI ou NON »
Le fait de respecter notre contrat vis à vis de Mme B., lui a évité d’avoir recours à cette pratique, lui a évité
un transfert dans un état de santé précaire et un sentiment d’abandon dans ce moment si important de sa vie.
Mme B. est morte dans le service des complications infectieuses liées à sa pathologie. Certes, une sédation
continue a été effectuée, mais elle a permis un accompagnement de la patiente avec les membres de l’équipe,
en qui elle avait toute confiance.
Le testament de vie (ou directives anticipées écrites) correspond à « l’acte par lequel une personne capable,
pour le cas où elle ne pourrait plus manifester sa volonté, consigne par écrit , dans une déclaration, ses volontés
par rapport à sa fin de vie.» Certaines associations militant pour la « légalisation » de l’euthanasie proposent des testaments de vie. Dans le cas de Mme B., il s’agissait du testament de vie proposé par l’association
Dignitas, domiciliée en Suisse.
La généralisation des testaments de vie en USP paraît difficile, car souvent limitée par le niveau d’information
ou la capacité d’intégration psychique du diagnostic et du pronostic. Est-il souhaitable que les USP s’engagent
dans cette pratique pour tous les patients, pour lesquels ceci est envisageable ?
Une autre question se pose : les associations ou structures de soins palliatifs ont-elles pour mission de concevoir
et de proposer un tel document adapté à leur pratique et à la législation actuelle ?
En effet, en analysant ce document, nous pouvons remarquer que le testament de vie n’est pas uniquement là
214
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
pour revendiquer une demande de suicide assisté -demande d’ailleurs non formulée dans le testament ( !). Or,
il est souvent réduit à cela dans nos représentations. A notre sens, il pose également la question de l’acharnement thérapeutique, de la limitation des soins, du renoncement au fantasme de toute-puissance, du droit et du
souhait à être informé, du droit à être entendu, accompagné et soulagé de sa douleur, de sa souffrance morale, ainsi que d’autres symptômes éventuels. Il place la personne malade au centre des décisions concernant
sa vie, lui permettant de préparer sa fin de vie et de s’approprier son histoire jusqu’au bout.
Cet outil pourrait également servir de support, ou offrir l’occasion d’une discussion authentique entre le médecin et le patient, sur la situation médicale et le vécu de cette dernière. Il représente également une aide
potentielle à la démarche de soins.
Il évoque également la notion de personne de confiance, désormais prévue par la loi du 4 mars 2002, loi
dans laquelle un proche peut être désigné pour parler au nom du malade si celui-ci ne pouvait plus le faire,
mais sans décider pour lui.
Autant de points qui nous concernent en tant que militants du développement des soins palliatifs, et pour lesquels nous nous engageons déjà en USP, oralement.
Faut-il le faire également par écrit ? sous quelle forme ? selon quelles modalités ? Quel sens attribuer au
testament de vie ?
Bien sûr, encore une fois il convient de garder à l’esprit la singularité de chaque patient, la nécessité de
s’adapter à sa capacité d’aborder de telles questions, ainsi que de laisser une place au doute et à l’incertitude.
Il nous semble important de dépasser le débat passionnel, voire le clivage qui voudrait opposer les associations militantes pour le suicide assisté et les soins palliatifs ; la réflexion pouvant s’appuyer sur le partage de
certaines valeurs communes.
La généralisation des testaments de vie en soins palliatifs pose la question de l’information au patient, quant
à son diagnostic, ainsi que celle de son accompagnement de ce temps qu’il reste à vivre, à savoir le droit des
patients à l’accès aux soins palliatifs.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
- Conférence de consensus : l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches, 14 et 15 janvier 2004
- Mission « Fin de vie et accompagnement », rapport de M. De Hennezel, oct. 2003
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
UTILISATION DE POMPE P.C.A. (PATIENT CONTROL ANTALGY) POUR AUTO-SÉDATION :
SUICIDE ASSISTÉ ?
P. JAVEL, C. NATIVEL, B. GAUDET, F. ESCOUROLLE
U.S.P. Gériatrique - Hôpital Bretonneau - 23 rue Joseph de Maistre - 75018 Paris.
Les principaux objectifs de notre étude, étaient de répondre au questionnement suivant :
L’utilisation de pompe PCA pour auto-sédation est-elle compatible avec les pratiques recommandées en soins
palliatifs ?
Quelles sont les indications et la méthodologie de cette pratique en gériatrie ?
Peut-on clarifier les concepts d’auto-sédation et de suicide assisté ?
Face à des patients dans la maîtrise, présentant une anxiété massive, résistante aux pratiques habituellement
recommandées, une titration par Midazolam a été effectuée par l’équipe soignante. Après réflexions et concertations d’équipe, les patients étant parfaitement informés, selon les recommandations décrites par la SFAP,
une sédation intermittente a été mise en place par PCA, avec auto-gestion de la pompe par le patient.
Dans le cadre de nos deux années d’activité, nous avons été amenés à suivre quelques patients, pour lesquels
la pratique de la sédation s’est avérée incontournable.
Parmi ces quelques cas, certains avaient pour indication une anxiété majeure non soulagée par les méthodes
habituelles (traitements médicamenteux ou non, suivi psychologique ou psychiatrique).
Pour deux d’entre eux, nous avons utilisés une PCA (Patient Control Antalgy), afin de leur permettre une
auto-sédation intermittente. Pour ces deux cas, il était significatif de constater que nous avions à faire à des
patients complètement informés du diagnostic initial et surtout de l’état d’évolution de leur maladie et de son
caractère incurable. Ces patients avaient des personnalités affirmées, ayant toujours tout maîtrisé dans leur
vie et « piliers » de leur famille.
Les motifs d’hospitalisations dans l’unité étaient clairs. Ils ont également pu au cours de l’hospitalisation régler
tous les problèmes en suspens (prise en charge de l’épouse en maison de retraite ; adieux fait à chacun).
Une fois cette étape très active passée, nous avons vu l’angoisse de ces patients augmenter au fil des jours.
L’attente de la mort est devenue insupportable. Les soutiens traditionnels efficaces un temps, ont montré rapidement leurs limites. L’anxiolyse par utilisation de Midazolam a apporté un mieux être, transitoire.
Les moments d’angoisses devenant de plus en plus importants, une sédation intermittente a été proposée. La
demande des patients était de pouvoir bénéficier de moments « de sommeil », lorsque leur lucidité exacerbée
générait une angoisse incoercible.
Dans un premier temps, la sédation a été faite par l’équipe soignante, afin de titrer l’anxiolytique. Une dose
de fond de Midazolam a été mise en place, avec la possibilité de bolus, effectués par les soignants, pour
gérer les moments de crise, souvent sur demande du patient.
L’équipe a très vite compris, qu’il était important pour ces patients de maîtriser cette sédation. C’était au final
un moyen pour eux de contrôler encore leur vie et d’avoir une emprise sur leur angoisse.
Dans un second temps, une éducation du patient a été effectuée, par l’équipe soignante, pour l’autogestion de
la PCA. L’éducation a été facilitée, du fait qu’ils l’utilisaient déjà pour le contrôle de l’antalgie. Leur apprentissage a consisté essentiellement dans l’assimilation du mode d’action du Midazolam (délai d’action, durée
d’action, effet anxiolytique et sédatif ). Les patients ont donc ainsi pu gérer cette angoisse.
Les demandes récurrentes d’euthanasie, qui apparaissaient lors des accès d’angoisse, ont pu disparaître complètement pour l’un d’eux et pendant un temps limité pour l’autre.
Ce dernier patient a fait la demande d’une sédation continue, qui a été réalisée. Cette sédation a été nettement facilitée par l’auto sédation initiale. Le patient était prêt, ainsi que ses proches et l’équipe soignante.
Cette prise en charge et cet accompagnement n’ont pas été sans susciter de nombreuses interrogations parmi
les membres de notre équipe : certains y voyant une pratique d’euthanasie ou plus exactement de suicide
assisté. Il a donc fallu pour nous, rediscuter des objectifs poursuivis et surtout clarifier différents concepts :
216
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
euthanasie, sédation, suicide assisté (plus exactement de l’assistance médicale au suicide).
Nous nous sommes référés aux définitions suivantes :
 L’euthanasie est « l’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de
mettre un terme à une situation jugée insupportable » ;
 L’assistance médicale au suicide, est « l’acte d’un médecin qui apporte une assistance et des médicaments à un patient qui a l’intention de les utiliser pour se donner la mort, à la demande de ce patient ».
 La sédation en fin de vie, désigne « l’utilisation de moyens pharmacologiques altérant la conscience
dans le but de soulager un malade souffrant d’un symptôme très pénible et résistant aux traitements
adéquats, ou d’une situation de détresse incontrôlée ».
En regard de ces définitions, il était important pour l’ensemble de l’équipe , ainsi que pour les patients et leur
famille de clarifier les objectifs de l’auto sédation . En effet, dans la nécessité de soulagement des symptômes,
les dosages des produits utilisés pour y parvenir n’ont, en aucun cas, été faits à des doses létales. Le patient
pouvant choisir de s’administrer une quantité de Midazolam, soit pour anxiolyse ou pour sédation. Il était clair
que le patient ne pouvait pas s’injecter de dose létale, car la programmation de la PCA ne le permettait pas.
Une fois la quantité suffisante atteinte pour l’auto sédation, le patient dans le coma ne pouvait plus s’administrer de Midazolam.
Cependant, même si l’information, quant aux objectifs et effets de l’auto sédation étaient clairement compris
des patients, nous ne pouvons nier le désir de mort qui les motivait.
Ces patients se sentaient prêts à mourir et leur entourage dans l’acceptation. L’attente étant trop longue, ils
ont vu dans cette pratique une alternative satisfaisante à un acte d’euthanasie.
Nous ne pouvons pas nier non plus, le double effet de cette auto-sédation, qui a certainement contribué à
diminuer le temps qu’ils leur restait à vivre, mais l’impact est difficilement objectivable. En effet, dans la survenue de la mort de ces patients, le lâcher prise, l’arrêt de l’alimentation, et surtout l’évolution de la pathologie
létale ont certainement joués un rôle prédominant. Il nous paraît important de noter que l’intention de la prise
en charge ne visait qu’au soulagement de leurs souffrances.
Ces patients et leurs proches nous ont dit avoir été en confiance, avoir eu le sentiment d’être entendus, sans que
nos convictions ou jugements de valeurs ne leur soient opposés.
Par ailleurs, ce qui a également beaucoup touché notre équipe, c’est un sentiment de respect mutuel, car nous
ne pouvons, encore une fois, nier que ces patients ont été très attentifs au respect de notre pratique et à ses
limites.
Les demandes d’euthanasie ont peut-être disparues en partie, parce que nous avions réussis à soulager leur
souffrance et parce que nous l’avions entendue. Il est possible aussi, que ces patients n’ont pas voulu nous mettre dans une situation éthique et pénale difficile.
Nous pensons toucher là, quelque chose d’essentiel dans la notion de droit. Si nous avons le devoir d’entendre
les souhaits des patients et de veiller au respect de leurs droits, non pas le droit du malade, mais celui de
citoyen à part entière, cependant, nous ne pensons pas, que ce droit doive s’imposer à celui des soignants et
encore moins être nié. Ce qui malheureusement s’entend parfois dans le discours des militants pour le droit à
l’euthanasie.
Ces patients nous ont montrés que si nous respections leurs droits, ils étaient capables de la réciproque. En fait,
nous leur avons laisser la possibilité d’user du droit du respecter celui d’autrui ! Droit qui nous semble finalement essentiel de préserver, même pour tous, malades ou pas.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
« La sédation pour détresse terminale », recommandations de la SFAP, 2003.
J-M. Lassaunière, C. Lespès, « Sédation en fin de vie : état des pratiques en unités de soins palliatifs », Médecine Palliative n°1, Oct 2002.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DANS L’ATTENTE D’UNE MORT PROGRAMMÉE
Gremaud G., Jeanneret Brand S., Pécaut J., Von Wyss M.
La Chrysalide (unité de soins palliatifs du canton de Neuchâtel, Paix 99, 2300 La Chaux-de-Fonds, Suisse)
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Présentation d’une situation clinique de soins palliatifs se terminant par une assistance au suicide à la lumière
de la législation suisse1, des directives de l’académie suisse des sciences médicales2 (ASSM), de la position de
la société suisse de médecine et de soins palliatifs3 (SSMSP) et de la position de notre institution.
MÉTHODE
Cette étude de cas présente la situation d’une patiente de 51 ans hospitalisée dans notre unité de soins palliatifs en raison d’une atrophie multi-systémique, maladie neurologique dégénérative évolutive. La patiente a
eu contact auparavant avec une association d’aide au suicide mais elle a choisi un séjour en soins palliatifs en
raison de son inconfort. Suite à ce séjour en milieu de soins palliatifs, elle terminera sa vie par une assistance
au suicide à domicile.
RÉSULTAT
L’étude de ce cas illustre les possibilités de respecter à la fois l’autonomie de la patiente et les valeurs de
l’unité de soins palliatifs où elle a été hospitalisée.
DISCUSSION ET CONCLUSION
L’étude de ce cas montre les limites de l’activité palliative. Elle affirme que le respect de l’autonomie de la
patiente est prioritaire. Les soins palliatifs ne sont qu’une des réponses à une demande de mort désirée, en
particulier par le recours à sédation en présence de symptômes réfractaires.
RÉFÉRENCES
1 Code pénal suisse articles 114 et 115.
2 Prise en charge des patients en fin de vie, directives médico-éthiques de l’académie suisse des
Bull Med Suisses 2004;85(6);294-297.
3 www.palliative.ch
218
sciences médicales,
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LE TEMPS DE LA DEMANDE : EUTHANASIE OU SUICIDE ASSISTÉ.
LA PLACE DU TIERS
SAMAMA B.
Psychologue clinicienne.
Centre de soins palliatifs et traitement de la douleur.
Hôpital Hôtel-Dieu de Paris.
M. V, 60 ans vit depuis peu avec son diagnostic de leucémie. Il accepte une première ligne de chimiothérapique et semble avoir bien supporter son hospitalisation. Il est en excellent état physique et ne présente aucune
douleur. À la fin de celle-ci, alors qu’il n’a aucun symptôme invalidant, il demande l’euthanasie. Devant le refus
des médecins, il ne dit rien, accepte leurs arguments et rentre chez lui. Deux jours plus tard, sa femme appelle
pour nous dire que nous devrions apprendre que « quand quelqu’un dit qu’il veut mourir, c’est la vérité » et
que son mari s’est suicidé. Elle nous reproche d’avoir obligé son mari à se donner lui-même la mort. Ce discours
réveillera une grande culpabilité chez les soignants avec l’impression d’avoir abandonné le malade et de
s’être par la même défiler en refusant la demande.
Ces éléments cliniques questionnent
1. Devant l’absence de symptômes débilitants et douloureux, la demande d’euthanasie a très vite été éludée.
Y aurait-il un temps ou cette demande est efficace sur les médecins ? Ce temps de la demande devrait-il obligatoirement correspondre au temps de la reconnaissance de l’impuissance médicale par les soignants ?
2. Quand le patient a la possibilité physique de se suicider, que demande-il vraiment à l’autre ? Qui est ce
tiers indispensable et qui, ici fait défaut ? Quel est son véritable rôle ?
3. Comment repenser la culpabilité des soignants de n’avoir pas fait un acte qu’ils se refusaient de toute façon
à faire ?
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
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L’HOMICIDE LÉGAL À L’HÔPITAL
Mme ACCARION C.
Psychanalyste - Equipe Mobile de Soins de Confort et Palliatifs – Centre Hospitalier Poissy / Saint-Germain-en-Laye – Site
de Poissy 78303
Il s’agit d’un travail s’appliquant à interroger la place que peut tenir un soignant (un médecin) quand la loi
l’autorise à tuer.
Cette réflexion vient s’étayer sur les circonstances de la vie où l’homme est dans cette situation de droit (militaire, bourreau, etc. …).
Une part du travail nous amène à réfléchir sur l’ambiguïté faisant que, après avoir « tout fait » pour sauver
une vie (en Réanimation par exemple), les évènements amènent l’homme médecin à tuer – par compassion.
Notre propos se veut aujourd’hui tourné vers l’acte de tuer qui est, comme dans la guerre, comme dans la peine
de mort, très rarement entendu.
220
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
ETHIQUE ET INTENTIONS
Dr. T. ROUX, Dr. L. BIRKUI DE FRANCQUEVILLE, B. D’ARGENLIEU, M. MATTER, C. GANGLER, S. BARDET, N. DELFORGE, C.
ESPOSITO, G. TUMERELLE, V. GERARD
Centre hospitalier de Compiègne, unité mobile de soins palliatifs
Dans le débat de société autour de l’euthanasie, la question des intentions présentes derrière les actions semble être un élément déterminant pour évaluer la justesse éthique de nos décisions.
A propos de l’obstination déraisonnable, la dérive interprétative qui pourrait en être faite, en assimilant
l’arrêt d’un traitement ou son abstention à une démarche comportant une dimension euthanasique ; ou dans
le principe du double effet qui différencie l’effet voulu et recherché de l’effet prévu ou prévisible, c’est bien
de l’intentionnalité des actes dont il est question, pour juger de la dimension éthique de la décision prise en
toute conscience.
Pour autant, le courant du conséquentialisme selon lequel la valeur éthique d’une action impose de considérer
l’ensemble des effets qu’elle produit nous interroge sur la justesse de cette vision morale des choses.
Par ailleurs, sommes-nous toujours au clair avec nos intentions ? Dans ces situations limites où la souffrance d’un
patient, d’une famille, d’une équipe soignante voire notre propre souffrance nous envahit, au moment où le
doute peut nous assaillir, comment nous assurer de la vérité et de l’honnêteté de nos intentions ?
Ce travail se propose de chercher les repères qui pourraient nous aider à prendre du recul sur nos émotions
et à éclairer notre conscience dans de telles situations.
221
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LA PLACE DU DOUTE EN SERVICE DE SOINS PALLIATIFS
Dr V. TOURTOUR - SERRA V. Dr. CASTANY - SERRA C.
Centre Hospitalier de Salon De Provence Unité et Equipe Mobile de Soins Palliatifs
207, avenue Julien Fabre 13300 Salon De Provence
Monsieur B. est transféré du service de chirurgie polyvalente pour une prise en charge palliative d’une néoplasie laryngée polymétastatique découverte un an auparavant, ayant été traitée par chirurgie palliative et
mise en place d’une trachéotomie devant un syndrome compressif local avec dyspnée.
Monsieur B. vit dans une caravane avec un isolement social important.
Une voisine lui porte un intérêt depuis un mois et c’est elle qui l’a convaincu de se faire enfin hospitaliser.
Dés son arrivée dans le service, Monsieur B. est très revendicatif avec l’équipe.
Il veut voir le médecin du service sans délai.
Lors du premier entretien médical, Monsieur B. semble adopter une attitude défensive.
En outre, la communication est rendue difficile par la trachéotomie.
Monsieur B. revendique plusieurs consultations par des spécialistes compétents (il insiste).
En premier lieu, il demande une consultation ophtalmologique pour obtenir une nouvelle paire de lunettes et
éventuellement une cure chirurgicale de sa cataracte si nécessaire.
Deuxièmement, il sollicite une consultation cardiologique pour vérifier son pace maker (cela fait des années
qu’il n’a pas été contrôlé).
Et enfin, il souffre d’une rupture ancienne de la coiffe des rotateurs à droite et il veut une consultation urgente
avec un chirurgien orthopédiste pour bénéficier d’une intervention.
Monsieur B. veut ensuite savoir ce qu’il fait dans ce service.
Quel est ce service ?
Quelle est la spécialité de son interlocuteur médical ?
Pourquoi ne peut-il pas rentrer chez lui ?
Quelle est sa maladie ?
Pourquoi lui a-t-on posé une canule ?
Pourquoi ne se décide on pas à l’enlever ?
Il apparaît, après avoir écouté toutes ses questions et voyant Monsieur B. le regard fixe et interrogateur, qu’il
ignore son diagnostic, les missions du service et surtout l’absence d’éventualité d’un retour dans sa caravane.
Monsieur B. est alors informé de son diagnostic et de sa prise en charge palliative.
Il renonce dès lors à l’intervention chirurgicale de son épaule si l’on veut bien contrôler son stimulateur cardiaque.
Il est entendu avec lui qu’il ne retournera pas dans sa caravane mais qu’il pourrait bénéficier de permissions.
Une période de quiétude, presque d’apaisement est alors notée par l’équipe.
Puis, vient une période de colère avec agressivité, exigences vis à vis de l’équipe soignante alternant avec des
états de gratitude et de complaisance.
Cependant, peu à peu la communication verbale devient impossible, Monsieur B. n’ayant plus la force d’occlure
sa trachéotomie.
Une angoisse apparaît avec la crainte d’une détresse respiratoire, entraînant des demandes d’aspirations
itératives et traumatiques.
L’évolution de la maladie se fait alors ressentir.
Monsieur B. est cachectique, grabataire, ne communicant que par l’ouverture et la fermeture des paupières.
Des ulcérations au niveau de l’ensemble du dos rendent les soins très difficiles pour le patient et l’équipe soignante.
Monsieur B. progressivement entre dans un coma de moins en moins réactif.
L’équipe est préparée à son départ. La prise en charge de la douleur est faite par des morphiniques et l’anxiété est traitée par de l’Hypnovel avec des réévaluations fréquentes.
Malheureusement son état cachectique s’aggrave et s’accompagne d’un cortège de troubles trophiques marqués, en particulier cutanés.
Une lente agonie débute.
Il est de plus en plus difficile pour chacun des membres de l’équipe soignante d’entrer dans la chambre.
222
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
Un malaise s’installe, que nous arrive-t-il ?
On pense secrètement, individuellement à l’euthanasie !
L’analyse de ce cas clinique nous permet de relever les doutes rencontrés dans une unité de soins palliatifs.
Le premier doute est alors posé sur l’annonce du diagnostic, du lieu d’entrée et des missions du service.
Certes, l’information du patient sur son diagnostic reste un droit mais comment s’adapter au désir du patient
de savoir ou ne pas savoir ?
Monsieur B. prétend ne rien savoir sur sa maladie, n’employant jamais le mot cancer. Est-ce par mécanisme de
défense ou non renseignement du corps médical ?
Dans ce cas précis aucun élément figurant dans le dossier ne permet d’analyser son discours.
La question du doute sur l’attitude à adopter reste alors une singularité propre à chaque patient.
Le principe dans cette situation étant de reformuler les questions pour s’assurer que le patient attend bien une
réponse à ses interrogations.
En effet, il appartient au malade de prendre la décision de l’annonce de son diagnostic et de son pronostic.
L’équipe soignante doit apprendre à l’entendre.
Il est donc nécessaire que les professionnels (médicaux, paramédicaux et bénévoles) soient formés à l’écoute
du patient.
L’accompagnement de l’équipe n’est pas seulement centré sur la maladie mais aussi sur la souffrance qui en
découle. La prise en charge physique, psychique et spirituelle ne dépend pas du degré des connaissances
acquises.
Les décisions sur les orientations thérapeutiques et interventionnelles obéissent au principe de bénéfice/risque.
Le deuxième doute se pose sur la nécessité de la sédation.
S’agit-il d’une véritable angoisse du patient ou d’une projection de l’équipe ?
La communication avec le patient a disparu, les choix thérapeutiques ne peuvent plus tenir compte de son
avis.
Aussi, il est important (si cela est possible) de recueillir les désirs du patient avant la phase de coma, ou plus
précisément, avant la rupture de la communication.
Dès lors, les orientations thérapeutiques vont être décidées grâce à des échanges réguliers et de façon pluridisciplinaire.
Les paramètres décisionnels sont recueillis par des outils standardisés et validés, limitant les implications émotionnelles.
Le troisième doute posé est celui de l’euthanasie comme alternative de prise en charge.
L’agonie de Monsieur B. ne justifie t-elle pas un tel geste ?
Mais après tout y-a-t-il agonie ?
Y-a-t-il souffrance ? De notre part certainement.
Il apparaît lors des différentes réunions d’équipe une difficulté sur la prise en charge globale du patient, la
situation devenant insoutenable pour l’équipe.
Le problème est alors identifié par l’un des soignants. La communication au sein de l’équipe se rétablit. Nos
identifications au patient sont là. Devant ce corps “ presque mort ” nos angoisses existentielles resurgissent.
Nous, membres de ce service de soins palliatifs, nous doutons.
Certes, mais ce doute est bénéfique.
Il permet de prendre du recul face à une situation.
Grâce au groupe de parole la souffrance des soignants est exprimée et la souffrance attribuée au patient
diminue. Le personnel soignant révèle ses propres mécanismes de défense.
Nos différentes peurs sont mises à jour.
La peur de la mort mais aussi la peur de cette atteinte corporelle, la peur de cette perte d’intégrité.
Mettre un sens à nos attitudes, identifier notre propre projection sur le patient nous permet de ne pas avoir,
pour certains un sentiment de culpabilité et pour d’autres un sentiment de “ toute puissance “ sur la représentation de la “ bonne ” mort.
Le moment du décès ne nous appartient pas.
Il ressort par ailleurs avec ces différents doutes, le coté humain de chaque membre de l’équipe. Ces doutes
une fois qu’ils ont été identifiés, peuvent être rationalisés.
Ainsi l’accompagnement des patients et des familles est amélioré par la compréhension de leur propre doute
sur une éventuelle euthanasie.
223
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
L’abstention euthanasique de l’équipe ne doit pas être vécue comme un abandon du patient mais bien comme
faisant partie de l’accompagnement.
Elle permet de donner du temps au patient, à sa famille mais aussi à l’équipe soignante qui peut se défaire
de ses certitudes et laisser sa place au doute.
Ce temps qu’il reste à vivre est important même s’il est dans certaines situations énigmatique.
224
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
225
POSTERS

QUESTION : EUTHANASIE ? REPONSE : « E.S.P.O.I.R »
DORMIEUX A, FUTO F.LUCCHESI S. DUDOIT E. SALAS S. PR FAVRE R.

LA MORT OU LA VIE !
LE DANTEC F.

SEDATION-EUTHANASIE, LE RISQUE D’UNE CONFUSION
S.BARDET, N.DELFORGE, C.ESPOSITO, DR T.ROUX, DR L.BIRKUI DE FRANCQUEVILLE, B.D’ARGENLIEU C GANSLER
M.MATTER, G.TUMERELLE.V. GÉRARD

ETUDE PROSPECTIVE DE DONNEES SUR LES FINS DE VIE DANS LES SERVICES DU CENTRE HOSPITALIER
DE GAP : PLACE DE LA QUESTION « EUTHANASIE »
A.D’HAUTEFEUILLE – A. DERNIAUX

MODIFICATIONS DES REPRESENTATIONS DU MIDAZOLAM COMME VECTEUR D’EUTHANASIE
PAILLER CH., MAILLE M., ISAAD T.

REFUS DE SOINS : INTERET D’UNE PRISE EN CHARGE PAR L’EQUIPE MOBILE DE SOINS PALLIATIFS ?
GAFFET B, DEVILLE-YVES C, WIART A, DUMONT C, DIOT A, RAYER F

EUTHANASIE : DE L’EBAUCHE A LA REFLEXION
1ère, 2èmeet 3ème Année de l’IFSI CRF de Vesoul - Etudiants Infirmiers

MORT ATTENDUE, MORT DESIREE PAR LES FAMILLES
M.J. LEGRAIN

EUTHANASIE ET MORT DESIREE : LE BENEVOLE D’ACCOMPAGNEMENT AU SEIN D’UNE CHAINE HUMAINE AVEC UNE PLACE SPECIFIQUE
M.O de VAUGRIGNEUSE - C. CATANT – MT PHILARDEAU – D. REYNAUD – E. GALAVIELLE – D. LIEBAULT – B. COMPAGNE – P. LE LANN

ETAT DE NOTRE REFLEXION SUR L’EUTHANASIE
Les bénévoles d’accompagnement Tilleroyes et unité de soins palliatifs Minjoz 234

DU TEMPS A VIVRE : RECUEIL DE TEMOIGNAGES EN SOINS PALLIATIFS
DOCTEUR TOURTOUR SERRA V., ROS M., SICARD S., TRICOTET F., OLLIVARY A, TRÉMELO N., DIDIER S.

ACCOMPAGNEMENT EN FIN DE VIE EN NEONATALOGIE
SICOT E., DUMONT V., CHICHERY M., TOTEL M.F

L’EUTHANASIE EN ILLUSTRATION
DR N. VESCOVALI, DR L. ARASSUS, A. LEMAÎTRE, I.SADOC, M.F. LORÉE
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10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis

EUTHANASIE / SUICIDE : QUELS DEBATS ?
Dr SCHOONBERG Sylvie, Mmes CHIAVENATO V., DUBOURG E., CAMPOS F., STRAUSS M-R.

QUEL SENS DONNER A L’EUTHANASIE ?
CLIPET C. GOMES M.J.

L’INFIRMIERE A DOMICILE ET LE SUICIDE ASSISTE A GENEVE
P. BALMER, M. MUNNIER

REFLEXIONS ETHIQUES AUTOUR DU CONSENTEMENT DU PATIENT A UNE SEDATION
LORS D’UNE SITUATION AIGUË A RISQUE VITAL IMMEDIAT OU COMMENT EVITER QU’UNE SEDATION
NE SOIT PERÇUE COMME UNE EUTHANASIE DEGUISEE
ARNOUX S., BOSCHETTI Y., BROBECKER C., BRUNET M., DELACROIX M.C., FRIEH C., LECLERCQ C., MATHIS S.,
STOECKEL J.

ET SI ON SEMAIT LE DOUTE ?
DESJOUIS L, PION M, HULOT S, PLISSON B, PERRICHON ML, LEROI M DURIS J, WATTIEZ M, PETIOT J, LORET M,
SENELLART M, BAZIN M, GRANGE C.

SOMMEZ LES MORTS
HILAIRE P.

GROUPE DE PAROLE POUR LES FRATRIES D’ENFANTS DECEDES
P. ORDRONNEAU, DELIOU C.

EVALUATION ET PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DES PLAIES CANCEREUSES :
IMPACT SUR LA QUALITE DE VIE DES PATIENTS
DR SALAS S., F. DUFFAUD, D. BAGARRY, L. DIGUE, C. MERCIER, R. FAVRE

EVALUATION DES ATTENDUS D’UNE UNITE MOBILE DE SOINS PALLIATIFS : ENQUETE MENEE AUPRES
DE SOIGNANTS
I.CASINI, S. PORSIN, F. GROS

LE TOUCHER MASSAGE A TRAVERS LES MAINS D’UNE SOCIO-ESTHETICIENNE
Mme ALLONCLE J.

DEMANDE D’EUTHANASIE CHEZ LE PATIENT CANCEREUX : ET SI LA DOULEUR ETAIT NEUROPATHIQUE ?
CLÈRE F.

ETRE SOIGNANT
CANAULT S., ROBIN C.

L’HYPNOSE MEDICALE : VERS UNE NOUVELLE APPROCHE L’EUTHANASIE : UNE REPONSE MEDICALE
UNIQUEMENT ?
FERRAND M - BRIOIS P.

228
LES SOINS PALLIATIFS INTERVENTIONNELS : PROGRES OU ABERRATION ?
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
HAGON O.; CAHANA A.; PAUTEX S.; ROBERT L.; VAN GESSEL E.

L’EQUIPE SOIGNANTE DE MASSONNAT : UN AUTRE REGARD SUR LA FIN DE VIE DES ENFANTS ATTEINTS DE CANCER
P ORDRONNEAU, V LAITHIER, S PICARD, F POYARD, C PERCOT, M HUMBERT, F LASSAUGE, E PLOUVIER.

TOLERANCE ET EFFICACITE ANTALGIQUE DE L’HYDROMORPHONE LP DANS LA DOULEUR
CANCEREUSE
POULAIN P.

ROLE DE LA SPIRITUALITE CHEZ LES SOIGNANTS EN MEDECINE PALLIATIVE
GESCHWIND H.

EVALUATION DE LA SOUFFRANCE DES ETUDIANTS EN SOINS INFIRMIERS CONFRONTES A LA MORT
LORS DE LEURS STAGES.
POAC C., GABORIT B., SOUILLARD M. , PIOLOT A.

DES BENEVOLES POUR LES URGENCES - L’ACCOMPAGNEMENT DANS UN SERVICE D’URGENCES
Jeanne-Marie RINQUIN, Arlette YDRAUT, Odile DUGUA, Nathalie de CASTRIES

LA SOCIO-ESTHETIQUE : UN DESIR DE VIE
BOSQUET-ALMA S, .COLLET C., POULET C., SAMSON A.
229
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
QUESTION : EUTHANASIE ?
RÉPONSE : « E.S.P.O.I.R »
(Evaluation, Souffrance, Pronostic vital, Outil Infirmier, Relation d’aide)
Recherche financée par l’ANAES.
DORMIEUX A, FUTO F.LUCCHESI S. DUDOIT E. SALAS S. PR FAVRE R.
Unité Mobile Intra Hospitalière de Soutien et de Soins Palliatifs. Service du Pr Favre AP-HM Timone
Notre clinique auprès du patient en situation de mort imminente nous met face à des questionnements paradoxaux :
 comment entendre la demande ? ( différence entre désir et demande)
 comment cela résonne t’il en nous ( projection, perception) ?
Face à ces questions le protocole « E.S.P.O.I.R » a été élaboré : c’est un travail de recherche sur la souffrance
du patient dans les atteintes somatiques graves et de son écho chez les infirmier(e)s.
OBJECTIF
La création et la mise en application d’un indicateur d’évaluation adapté à l’exercice infirmier, afin de repérer
et d’évaluer l’état de Souffrance des patients, dont le pronostic vital est engagé.
Méthode :
Deux phases :
1. développement de l’indicateur sur l’état d’interaction infirmier/patient à partir :
 d’entretiens filmés semi directifs : 40 patients et 40 infirmières d’oncologie médicale,
 une analyse des contenus.
2. utilisation de l’indicateur.
RÉSULTATS
Il existe bien une corrélation entre l’état de souffrance d’un patient et la mise en place d’évitement ou de
souffrance chez le soignant. L’interaction infirmier(e)/patient positive, désamorce des demandes d’euthanasie.
L’euthanasie est la réponse au désespoir.
DISCUSSION
Cette recherche ouvre des portes de réflexion sur :
 le burn out ;
 l’écho et le travail de la souffrance comme moyens d’entrée en relation ;
 l’infirmière : clinicienne et technicienne est un outil de soins.
CONCLUSION
Tous travaux, qui contribuent à diminuer la souffrance, à aider le patient et son entourage, sont de nature à
prévenir une demande d’euthanasie et en faire un travail.
231
10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
LA MORT OU LA VIE !
LE DANTEC F.
infirmière Centre de Soins Palliatifs et traitement de la douleur Hôtel-Dieu Paris
Mr D, 77 ans est atteint d’une maladie de Khaler découverte en juillet 2001. Il est hospitalisé en hématologie
pour suspicion de tassement vertébral un dimanche soir.
Le Centre est appelé le mercredi pour des accès douloureux non soulagés malgré une augmentation progressive des doses de morphine IVSE (40-60), Mr D crie au moins 2 ou 3 fois par minute sans aucun mouvement.
Au décours du 1er entretien il signale à l’un des membres de notre équipe, resté seul avec lui « qu’il préfère
que l’on pousse la seringue plutôt que de le laisser avec une telle douleur et qu’il n’est plus d’aucune utilité à
la société ». Cette demande est réitérée une 2ème fois dans les mêmes conditions deux jours après.
Mr D est kinésithérapeute depuis 40 ans, il a travaillé au sein des plus grands services de neurologie de Paris,
il est veuf et sa fille unique a quitté depuis quelques mois la région pour des raisons professionnelles. De plus,
suite à une émission TV, il connaît la position de l’équipe par rapport à cette demande.
Devant ces accès douloureux persistants sous morphine vient s’ajouter un traitement par kétamine et corticoïdes.
La douleur disparaît et il nous reparle de l’émission mais n’évoque plus la demande d’euthanasie.
Problématiques :
Quand la douleur pousse à la demande !
La position de l’équipe mobile face à une telle demande !
La formation au soulagement des symptômes, outil indispensable pour limiter les demandes d’euthanasie.
232
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
SEDATION-EUTHANASIE, LE RISQUE D’UNE CONFUSION
S.BARDET, N.DELFORGE, C.ESPOSITO, DR T.ROUX, DR L.BIRKUI DE FRANCQUEVILLE, B.D’ARGENLIEU C GANSLER
M.MATTER, G.TUMERELLE.V. GÉRARD
Centre hospitalier de compiègne,umté mobile de soins palliatifs
« Vous ne m’enlèverez pas de l’idée que c’est de l’euthanasie que vous faites, sauf que les gens partent plus
lentement »
A la suite d’une prise en charge commune Unité mobile de soins palliatifs et service de soins, la sédation
pharmacologique pratiquée chez un patient a été perçue comme une euthanasie déguisée. Pourquoi la sédation est-elle encore considérée par certains soignants comme un moyen d’abréger la vie?
OBJECTIF
L’objectif de ce travail est de clarifier auprès des équipes soignantes ce qu’est la pratique de la sédation et ce
qui la différencie de l’euthanasie.
MÉTHODE
Dans un premier temps, nous nous proposons de comprendre pourquoi un soignant rentre dans cette confusion
en travaillant autour des émergences des représentations qu’il se fait de la sédation. Dans un second temps,
nous opposerons nos objectifs et surtout le sens que nous donnons à notre pratique de Ia sédation.
CONCLUSION
Même si chaque situation reste singulière, il convient d’abord d’informer et de former sur la pratique de
la sédation en fin de vie puis d’entretenir une dynamique de réflexion et de questionnement permanents ne
laissant pas les soignants dans le doute sur l’intention.
BIBLIOGRAPHIE
C Dreyer.L’euthanasie, cours. Juin 2001
Conférence de consensus de l’ANAES.texte de recommandations Janvier 2004
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
ETUDE PROSPECTIVE DE DONNÉES SUR LES FINS DE VIE DANS LES SERVICES DU CENTRE HOSPITALIER DE GAP : PLACE DE LA QUESTION « EUTHANASIE »
A.D’HAUTEFEUILLE – A. DERNIAUX
Médecins - U.M.S.P. des Hautes Alpes - Centre Hospitalier – 05200 Embrun
Nous avons proposé aux médecins un travail prospectif concernant tous les décès survenus à l’hôpital de Gap
sur une période de deux mois, afin d’initier une réflexion autour de la question de l’euthanasie.
Une première rencontre avec 12 praticiens hospitaliers a permis de finaliser un questionnaire pour tenter de
répondre aux questions suivantes :
 comment s’expriment les demandes d’interventions médicales autour des fins de vie ?
 certains éléments (symptômes, données familiales ...) sont ils plus fréquemment associés à ces demandes ?
 quelles sont les pratiques médicales dans les derniers jours de vie ?
 pour quelle proportion de malades la question de l’euthanasie intervient elle en cours de prise en charge ?
Cette enquête, en cours d’exploitation, a suscité une forte mobilisation des médecins, mais aussi des soignants.
Elle permet d’aborder des questions encore jugées tabous pour beaucoup. Elle se révèle comme une première
étape de « débrouillage »...
Les obstacles relevés sont :
 le sujet de l’enquête (touche « le côté humain » des soignants, suscite des résistances à livrer ses pratiques)
 peur d’être jugé
 difficulté de trouver le temps pour répondre au questionnaire.
A un mois et demi du début du recueil, 50 questionnaires ont été remplis. Une analyse statistique permettra
de partager les résultats au sein du centre hospitalier de Gap, avec la possibilité de mener éventuellement un
travail plus affiné par la suite.
Cette contribution au congrès permet d’avancer vers plus de clarté de la part du milieu hospitalier sur ce sujet
principalement traité jusqu’à présent par les médias.
Par ailleurs, cette enquête a favorisé de nouveaux échanges avec les services du Centre Hospitalier de Gap,
dans l’espoir d’une meilleure collaboration.
234
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
MODIFICATIONS DES REPRÉSENTATIONS DU MIDAZOLAM COMME VECTEUR
D’EUTHANASIE
PAILLER CH., MAILLE M., ISAAD T.
Unité Douleur et Soins Palliatifs du CHU Bicêtre
OBJECTIFS
Le midazolam peut être administré en fin de vie dans le cadre de la dyspnée avec anxiété, or son utilisation précède parfois de peu le décès des patients. Aussi, pour certaines équipes de soins, son utilisation est
assimilée à une forme d’euthanasie masquée. Ainsi dans un service, les soignants ont refusé d’administrer le
midazolam, malgré des indications justifiées, conduisant à des situations de fin de vie plus inconfortables pour
le patient.
MÉTHODOLOGIE
Un groupe d’information a été proposé, réunissant les soignants de l’équipe concernée. Ce groupe était animé
par une infirmière, un médecin et une psychiatre de l’unité-douleur et soins palliatifs. Deux groupes ont eu lieu,
permettant à la majorité des soignants de participer. Un premier temps didactique au sujet des indications et
contre-indications du midazolam en soins palliatifs a été mené, suivi d’une discussion libre avec les participants.
RÉSULTATS
Les infirmières ont mieux compris l’indication de ce médicament en situation de fin de vie. Mais surtout, les groupes ont été l’occasion de revenir sur les décès des patients où une suspicion d’euthanasie avait été évoquée,
dévoilant des prises en charge qui avaient été jugées insatisfaisantes par l’équipe. Ce travail d’élaboration
avec l’équipe a permis par la suite une utilisation du midazolam de façon consensuelle et adaptée pour le
patient.
DISCUSSION
Ces groupes ont eu un effet positif, permettant de revenir sur des accompagnements difficiles, mais qui
n’avaient pas été identifiés auparavant en tant que tel. Les craintes concernant les pratiques d’euthanasie en
général ont également pu être abordé. Sans être des groupes de paroles, on peut estimer que ces réunions
avant tout didactiques ont également eu un effet cathartique avéré pour l’équipe de soins.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
REFUS DE SOINS : INTÉRÊT D’UNE PRISE EN CHARGE PAR L’ÉQUIPE MOBILE DE SOINS
PALLIATIFS ?
GAFFET B, DEVILLE-YVES C, WIART A, DUMONT C, DIOT A, RAYER F
L’équipe mobile de soins palliatifs du centre hospitalier de Saint-Quentin est en place depuis novembre
1999.
Nous avons été amenés lors de nos différentes interventions à prendre en charge des patients pour refus de
soins.
OBJET DE L’ÉTUDE ET MÉTHODOLOGIE
Il nous a paru intéressant de faire une étude rétrospective sur 18 mois de l’ensemble des dossiers ayant pour
motif d’intervention le refus de soins.
Sur 220 dossiers recensés, on note 6 motifs initiaux de refus de soins, pour un âge moyen de 81 ans.
Les motifs initiaux étant le refus de soins, le refus d’amputation et le refus alimentaire chez des patients en
soins palliatifs.
A l’analyse de ces différentes prises en charge, deux situations se dégagent :
 les refus de soins fermes et définitifs,
 les refus de soins transitoires.
Nous avons été amenés à une prise en charge globale du patient, de sa famille et de l’équipe soignante,
chaque cas étant individuel, nos propositions se sont adaptées en fonction de la situation.
RÉSULTAT
Il ressort que le choix du patient a été respecté, évalué mais parfois difficile à assumer pour les familles et
les soignants.
DISCUSSION ET CONCLUSION
Nous ferons donc la présentation des différentes situations cliniques rencontrées dans ce poster qui mettra en
valeur l’intérêt de l’intervention d’une équipe mobile de soins palliatifs en insistant sur la notion de prise en
charge pluridisciplinaire, de réflexions éthiques, de sentiments d’impuissance des soignants, d’ambivalence des
familles, de respect du choix du patient, de l’importance d’une écoute et d’un accompagnement.
236
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EUTHANASIE : DE L’ÉBAUCHE À LA RÉFLEXION
1ère, 2èmeet 3ème Année de l’IFSI CRF de Vesoul - Etudiants Infirmiers
CONSTAT
L’actualité est très centrée sur les problématiques de l’euthanasie, la société s’interroge sur de nouveaux projets de loi. Deux courants éthiques semblent émerger, d’une part les tenants d’une légalisation, d’autre part
les partisans d’une démarche plus centrée sur les soins palliatifs.
OBJECTIF
Mettre en place une démarche pédagogique spécifique concernant la réflexion sur l’euthanasie dans la
formation initiale infirmière.
DESCRIPTION
La démarche pédagogique s’est déroulée en 5 étapes :
 La réflexion a été replacée en lien avec les modules globaux et transversaux des 3 promotions
 Une revue de presse par promotion avec des articles nationaux et régionaux ainsi que 5 questions
servant de guide à la réflexion.
 Un travail collectif, puis en petits groupes, a été élaboré promotion par promotion où chaque promotion détermine 1 ou 2 messages forts reflétant leurs réflexions respectives.
 Echanges entre promotions
 Rédaction d’un résumé par promotion.
 A l’issue de cette démarche les étudiants ont dégagé des pistes spécifiques en rapport avec leurs
niveaux de formation.
 Les 1ère année s’interrogent sur le sens des mots utilisés : « L’euthanasie :Qui ? Quoi ? Comment ? et
Pourquoi ? ».
 Les 2ème année ciblent leur message sur le pouvoir des soignants et s’interrogent sur le comportement
a adopter en tant que soignant : « Pouvoir de vie ou de mort ? ».
 Les 3ème année analysent de façon plus conceptuelle les problématiques de l’euthanasie : « De loin
« la morale », de près « l’éthique ».
CONCLUSION
Ce travail a permis de visualiser les différents niveaux de réflexion au cours de la formation et souligne
l’intérêt d’une démarche systémique d’acquisitions dans la formation.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
MORT ATTENDUE, MORT DÉSIRÉE PAR LES FAMILLES
M.J. LEGRAIN - Assistante Sociale usp/emsp du Centre Hospitalier de BETHUNE
Service Social de la Maison Médicale JEAN XXIII FRELINGHIEN
Service Social du Centre Hospitalier Régional Universitaire de LILLE SFAP
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Comment accompagner les familles qui attendent, qui souhaitent la mort de leur proche ?
I- Quels sont les paramètres qui amènent une telle demande ? :
a) la famille et la maladie : - épuisement physique et moral de l’entourage
- histoire familiale, souvenir d’expériences douloureuses avec de grands malades
- la famille supporte mal la dégradation physique et psychologique de la personne malade
b) l’environnement familial : - vie de famille perturbée par la maladie (problèmes de comportement des
enfants
- difficultés scolaires - rejet du parent malade)
- vie de famille et lieu de vie à réorganiser - perte d’intimité
- rôle et statuts qui changent pour chacun
c) aspects économiques : - baisse des revenus
- coût des aides à domicile
- coût des déplacements
- héritage
II- Quelles peuvent être les réponses du service social en soins palliatifs ? : Le service social est à la disposition
des familles et de l’entourage par l’écoute et l’entretien d’aide :
a) accueille la famille et toutes ses questions dès l’entrée du patient
b) donne l’information et propose des aides matérielles, humaines, psycho-sociales (dans l’accompagnement);
et oriente vers les services extérieurs pour remobiliser la famille
c) fait le relais avec le service hospitalier et les institutions extérieures
Le service social a le souci de redonner à la famille sa place dans l’hôpital et dans la société. Ceci pour lui
permettre d’appréhender autrement la situation actuelle.
CONCLUSION
Pour accompagner les familles dans la formulation d’une demande d’euthanasie, une prise en charge globale
et évolutive, dès l’annonce de la maladie ne serait-elle pas à privilégier ?
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EUTHANASIE ET MORT DÉSIRÉE : LE BÉNÉVOLE D’ACCOMPAGNEMENT AU SEIN
D’UNE CHAÎNE HUMAINE AVEC UNE PLACE SPÉCIFIQUE
M.O de VAUGRIGNEUSE - C. CATANT – MT PHILARDEAU – D. REYNAUD – E. GALAVIELLE – D. LIEBAULT – B.
COMPAGNE – P. LE LANN
Commission nationale Bénévolat – Fédération JALMALV
132, rue du Faubourg St Denis – 75 010 PARIS
Au sein d’une chaîne humaine
La question de l’euthanasie interroge chaque être humain dans un lieu situé au confluent :
 de son histoire, de sa culture,
 de ses peurs, de ses valeurs.
Le bénévole, tout comme la personne malade, ses proches ou les professionnels de santé, n’échappe pas à
cette réalité.
Il est interrogé par les paroles qu’il recueille :
Les personnes malades : « Je voudrais être mort », « Ca suffit ».
Les proches : « Il a assez souffert », « Je n’en peux plus ».
Les professionnels de santé : « Il souhaite mourir », « Il n’y a plus rien à faire ! ».
Il s’interroge sur ce que recouvrent ces expressions :
Celles du malade
Celles des proches
Celles des professionnels
douleur physique ?
épuisement ?
surcharge de travail ?
souffrance morale ?
sentiment de perte de
épuisement ?
vide affectif ?
deuil anticipé ?
sentiment d’impuissance ?
perte de l’image ?
manque de soutien ?
absence de sens ?
AVEC UNE PLACE SPÉCIFIQUE
- De par sa fonction originale - acte choisi, gratuit, solidaire – en partenariat avec les autres accompagnants :
 sans projet sur les autres,
 sans jugement,
 sans lien familial ou professionnel,
le bénévole d’accompagnement offre un espace de parole permettant une libre expression des souffrances
et des peurs.
- Confronté aux difficultés inhérentes à sa fonction, le bénévole bénéficie du soutien de son équipe, du
groupe de parole et de l’association.
Ainsi, la présence du bénévole d’accompagnement prend-elle toute sa dimension :
 Vis-à-vis de la personne gravement malade en lui confirmant qu’elle reste partie intégrante de la
communauté humaine,
 Auprès des proches, elle témoigne par son soutien discret, d’une réelle solidarité humaine,
 Auprès des professionnels de santé, par le regard positif porté sur leur action.
Mars 2004
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
ETAT DE NOTRE RÉFLEXION SUR L’EUTHANASIE
Les bénévoles d’accompagnement Tilleroyes et unité de soins palliatifs Minjoz
Ecoute-JALMALV Besançon
Instruits par notre expérience, après échanges qui nous rassemblent régulièrement, nous pensons :
 il ne faut pas légiférer, mais accepter un questionnement permanent et collectif entre interdit et transgression; questionnement individuel également car c’est la grandeur de l’individu que d’être en débat
permanent,
 nous sommes frappés comme bénévole par les demandes d’euthanasie qui disparaissent après quelques
jours (traitement approprié et écoute réelle), et même reprise d’un goût de vivre, réveil d’intérêts nouveaux, jusqu’au dernier moment de vie,
 nous constatons même une transformation des personnes après sortie de leur “encerclement” familial
quand leur sont proposées d’autres perspectives,
 nous constatons une méconnaissance de la problématique de fin de vie et des mots concernant l’euthanasie, et des traitements de la souffrance (entendu de la part d’un médecin de ville : il ‘n’est pas encore
mourrant, on ne va pas lui faire de morphine),
 nous constatons que la question de l’euthanasie se pose moins en soins palliatifs que pour des malades
très handicapés dont l’espérance de vie peut être longue.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
DU TEMPS À VIVRE : RECUEIL DE TÉMOIGNAGES EN SOINS PALLIATIFS
DOCTEUR TOURTOUR SERRA V., ROS M., SICARD S., TRICOTET F., OLLIVARY A, TRÉMELO N., DIDIER S., LAMOISE B.
Centre Hospitalier 207, avenue Julien Fabre 13658 Salon-de-Provence
Notre enquête porte sur la notion de temps : le postulat de départ est que l’euthanasie met un terme au temps
qu’il reste à vivre. Une alternative à cette interruption volontaire du temps peut être l’unité de soins palliatifs,
où chaque patient et son entourage va réinvestir ce temps et tenter de lui donner un sens.
Ainsi le travail de réflexion que nous avons effectué a été le suivant : face à l’alternative de l’euthanasie
comme anticipation de la fin de vie, l’unité de soins palliatifs peut-elle témoigner de ce temps comme simplement un moment de vie ?
Nous avons recueilli des témoignages de patients hospitalisés dans l’unité durant une année. Ces témoignages
ont été retenus en rapport avec la symbolique du temps et reflètent leur vécu : tristesse, attente, projets…
moments de vie.
Le poster, fidèle à ce qu’ils ont dit, sera constitué de leurs paroles ainsi que de notre témoignage sur ce qu’ils
ont fait de ce temps. Ces témoignages pourront être lus au travers d’un sablier, symbole du temps qui s’est
écoulé durant cette année.
En conclusion autour de la question « qu’est-ce que vivre ? » nous avons voulu écouter les patients et restituer
ce qu’ils nous disent de leur temps de vie.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
ACCOMPAGNEMENT EN FIN DE VIE EN NÉONATALOGIE
SICOT E. DUMONT V. CHICHERY M. TOTEL M.F
Centre Hospitalier Orléans
18 Allée des sorbiers 45650 St Jean le Blanc
Dans le cadre du décret de Février 2002 relatif à l’exercice de la profession d’infirmière, des puéricultrices cliniciennes ont élaboré un travail de réflexion lors de l’accompagnement en fin de vie de l’enfant et de sa famille.
OBJECTIFS
Concevoir un cadre de pensées et d’actions lors de l’accompagnement dans le but d’optimiser la qualité des
soins. Cette conception entend la coordination et la cohérence d’une équipe pluridisciplinaire. Les axes de
réflexions intègrent ces notions :
- la nécessité de « s’attacher pour mieux se détacher »
- la prévention des deuils dysfonctionnels
- la prise en compte des difficultés des soignants face à la mort.
MÉTHODE
Elaboration d’un référentiel de connaissances intégrant :
- devenir mère : qu’est-ce que c’est ?
- l’attachement parent-enfant et ses difficultés
- l’accompagnement en fin de vie
- les actions infirmières dans l’avant, pendant et l’après décès
- les différents deuils
- le vécu des soignants.
RÉSULTATS
Changement significatif observé dans la prise en soin effectuée par l’équipe
- instauration d’une dynamique de réflexion fédérant l’équipe autour d’un projet de soins
- instauration d’un dialogue pluridisciplinaire, d’une relation soutenante dans l’équipe
- instauration d’une cohésion et cohérence d’équipe.
La réflexion a conduit à l’élaboration d’un outil infirmier : le plan de soin guide intitulé « pré-deuil » dont
l’utilisation vise à améliorer la qualité des soins.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
L’EUTHANASIE EN ILLUSTRATION
DR N. VESCOVALI, DR L. ARASSUS, A. LEMAÎTRE, I.SADOC, M.F. LORÉE
Bénévoles de l’ASP – Illustrateur professionnel
LE PALLIUM 3 place de la mairie 78190 TRAPPES
Les demandes d’euthanasie existent aussi à domicile. Les équipes mobiles du domicile, en particulier, au sein
des réseaux, tentent d’y répondre et d’accompagner les patients et les familles égarés dans une telle impasse.
Le Réseau Le Pallium a été confronté à 9 demandes d’euthanasie sur 213 malades suivis à leur domicile au
cours de l’année 2003. Les motifs ou les personnes concernées par ces demandes sont variés ; Le patient nous
apprend par sa demande « embarrassante » qu’il ne s’agit pas exclusivement d’une demande de mourir, mais
plutôt d’être écouté et soulagé de ses souffrances grâce à la rencontre d’êtres humains qui, par leurs actes,
reconnaissent que la vie qu’il leur confie a une valeur sacrée.
Les membres de l’équipe mobile ont apporté, avec toute leur humanité, une réponse la mieux adaptée à chaque cas : nous allons tenter de vous l’exposer dans cette illustration.
Nous avons choisi ici de présenter ce sujet sous forme artistique, grâce à la compétence et au savoir, d’un illustrateur
professionnel, ce afin de passer par la dimension de l’art pour que notre regard s’oriente sous un autre angle.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
EUTHANASIE / SUICIDE : QUELS DÉBATS ?
Dr SCHOONBERG Sylvie, Mmes CHIAVENATO V., DUBOURG E., CAMPOS F., STRAUSS M-R.
Centre Hospitalier d’Agen – Equipe Mobile de Soins Palliatifs 47923 AGEN Cedex
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
L’emploi des termes « euthanasie » et « suicide » porte régulièrement à confusion. Selon différents critères,
nous avons essayé d’étudier la position de ces deux concepts.
MÉTHODE
Recueil des données selon lesquelles l’euthanasie et le suicide sont étudiés. Un candidat à l’euthanasie est-il
suicidaire ?








L’être humain :
o Sa santé
 Physique
 Morale
o Sa souffrance
 Physique
 Morale
Sa demande
 Appel au secours ?
 Demande réelle ?
Selon les définitions :
o Dictionnaire de la langue française d’Alain Rey
o Dictionnaire médical Garnier Delamare
o Autres
Dans nos médias :
o Presse grand public
o Presse médicale
o Autres
Le point de vue du législateur
Le point de vue des proches
La position de la société :
o Associations
o Enquêtes d’opinion
Sur un plan médical : on réanime ?
RÉSULTATS
Les résultats seront présentés de façon comparative, dans un souci de lecture facilité par la mise en évidence
des mots clés.
DISCUSSION
Les différences importantes, souvent dans l’opposition, de cette étude comparative, laissent entrevoir l’hypothèse d’un regard différent sur ces deux situations. L’orientation parfois opposée de ces deux regards pourrait
être liée au sujet lui-même, l’être humain, d’un côté « sain », de l’autre « atteint d’une maladie incurable ».
Conclusion : la situation des personnes atteintes de maladie incurable nous renvoie probablement à notre propre mort. Dans cette hypothèse, faire de l’euthanasie un « droit » pourrait être un moyen pour notre société
d’éviter cette confrontation intolérable à la mort.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
QUEL SENS DONNER À L’EUTHANASIE ?
CLIPET C. GOMES M.J.
Unité de Soins Palliatifs Centre Hospitalier BETHUNE 62400 Ville : BETHUNE - France
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Rechercher le sens donné par le patient à sa demande d’euthanasie et le sens reçu par le soignant.
MÉTHODE
Confronter deux espaces de questionnement : pour le patient, celui du pourquoi : « pourquoi cette demande ? »,
pour le soignant celui du comment : « comment l’entendre ? »
RÉSULTATS
« Pourquoi ? »
Trois revendications essentielles :
- Principe d’autonomie :
Inscrit dans une philosophie des droits du sujet comme un appel à reconnaître sa liberté individuelle.
- Qualité de vie : Signifiée par deux leitmotiv :
La souffrance globale pouvant réduire à néant l’intérêt de vivre et mettre en faillite le propre respect du
patient.
La dignité comme absence de déchéance
Cette sensation de perte de la qualité de vie est source de non sens.
- Souffrance spirituelle :
Quelle signification donner à la vie quand les dimensions intérieures ne peuvent plus s’exprimer ?
« Comment ? »
- Principe de bienfaisance
Chercher le meilleur pour le patient c’est considérer sa demande exprimée et entendue à un moment donné.
- Ouverture à la transcendance :
Tenter d’accompagner le patient au delà de sa demande en discernant ses lieux de transcendance
- L’équipe :
Premier lieu ressource du soignant confronté à une demande d’euthanasie .
DISCUSSION
- L’autonomie de l’un ( patient ) considérée comme capacité « accordée » à penser librement ne pourrait alors
être déliée de l’autonomie de l’autre ( soignant ) ?
- Notion du « bien » et difficulté à discerner ce qui est mieux pour l’autre
CONCLUSION
« Pourquoi » et « comment » : ce questionnement face à la demande d’euthanasie ne peut prendre sens que
s’il est réciproquement respecté et considéré comme s’inscrivant à un moment non figé de l’histoire du patient
et du soignant.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
L’INFIRMIÈRE À DOMICILE ET LE SUICIDE ASSISTÉ À GENÈVE
P. BALMER, M. MUNNIER, infirmières spécialistes clinique
Fondation des services d’aide et de soins à domicile - Genève
INTRODUCTION
En Suisse, selon une enquête récente, l’assistance au suicide est plus fréquente que dans les autres pays européens. Cette pratique concerne 200 personnes environ chaque année . Régulièrement la presse se fait l’écho
des débats tant auprès du public, du monde politique qu’au niveau des professionnels de la santé. « L’assistance au suicide ne fait pas partie de l’activité médicale » a réaffirmé l’Académie suisse des sciences médicales, mais elle admet qu’un médecin « peut être amené à apporter une telle aide ». Qu’en est-il de la pratique
infirmière ? Quels textes, lois et recommandations professionnelles peuvent soutenir notre réflexion infirmière ?
MÉTHODE
En tant qu’infirmières spécialistes clinique dans une équipe mobile de soins palliatifs à domicile, nous sommes
sollicitées par des soignants confrontés à cette réalité encore mal balisée et qui suscitent une multitude d’émotions, de peurs et de questionnement légitimes.
Nous avons recherché les documents pouvant servir de cadre d’analyse et qu’ils soient internationaux, suisses
ou cantonaux (Genève). Ces textes officiels peuvent baliser les réflexions professionnelles et personnelles indispensables à effectuer.
RÉSULTATS
Les définitions officiellement retenues par les associations professionnelles, par les sociétés de soins palliatifs,
les recommandations des instances internationales, les lois fédérales (suisses) ou cantonales (genevoises) permettent de poser les jalons à une discussion réfléchie et sérieuse sur le positionnement de l’infirmière face au
suicide médicalement assisté pratiqué au domicile.
CONCLUSION
Les infirmières doivent connaître les textes officiels existants, et solliciter leurs associations professionnelles pour
participer de façon plus active au débat de société déjà largement commencé en Europe sur le suicide assisté.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
RÉFLEXIONS ÉTHIQUES AUTOUR DU CONSENTEMENT DU PATIENT À UNE SÉDATION
LORS D’UNE SITUATION AIGUË À RISQUE VITAL IMMÉDIAT OU COMMENT ÉVITER
QU’UNE SÉDATION NE SOIT PERÇUE COMME UNE EUTHANASIE DÉGUISÉE
ARNOUX S., BOSCHETTI Y., BROBECKER C., BRUNET M., DELACROIX M.C., FRIEH C., LECLERCQ C., MATHIS S., STOECKEL J.
EMSPCA – Hôpitaux Civils de Colmar
OBJECTIF
Il arrive que dans une situation extrême, la sédation soit rapidement suivie de la mort, d’où l’amalgame avec
l’euthanasie. Nous proposons une réflexion éthique autour de l’information et du consentement pour prévenir
cette dérive.
MÉTHODE
Support de réflexion avec regroupement des questions autour d’axes bipolaires ; illustration sous forme
d’une boussole.
RÉSUMÉ
Recueillir le consentement ou le non consentement d’un patient pour une sédation dans une situation à risque
vital immédiat nécessite une réflexion d’équipe autour de quatre axes :
 quand proposer la sédation au patient, faut-il attendre la survenue du symptôme ?
 comment formuler la proposition ?
 quoi entendre dans la réponse ; à quoi le patient dit-il oui ou non ?
 et toujours en arrière fond, la sédation POUR QUI : le patient, la famille, l’équipe ?
CONCLUSION
Ne pas faire l’impasse sur ces questions devrait permettre à une équipe de tenir le cap de la philosophie
des soins palliatifs en évitant la dérive de l’euthanasie.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
ET SI ON SEMAIT LE DOUTE ?
DESJOUIS L, PION M, HULOT S, PLISSON B, PERRICHON ML, LEROI M DURIS J, WATTIEZ M, PETIOT J, LORET M, SENELLART
M, BAZIN M, GRANGE C.
Hôpital Local 42 rue de Paris 78550 Houdan
Il s’agit de traiter la place du doute dans les demandes d’euthanasie que l’on rencontre et qui nous mettent
en difficulté : ce sont les demandes des familles. Le doute anxiogène ou facteur d’inhibition peut être aussi
moteur d’une réflexion.
Nous montrerons comment nous sommes parvenus à « semer le doute » pour désamorcer la demande d’euthanasie.
Entendre, comprendre et désamorcer une demande d’euthanasie : sa complexité.
Il faut avant tout pouvoir entendre sans jugement et s’interroger sur ce que dissimule une telle demande. Cette
demande témoigne selon nous d’une trop grande souffrance des proches. Avec violence ils veulent y échapper.
Cette souffrance est provoquée par l’éloignement inexorable de celui qui se meure.
Comment désamorcer une demande d’euthanasie ?
Tout d’abord le médecin pose une limite en affirmant son refus de donner la mort. La famille doit trouver une
autre issue à son drame.
Nous constatons, du côté de la famille, que témoignage d’amour et désir de mort peuvent alterner et même se
confondre. Nous nommons cela l’ambivalence.
Dans un second temps le soignant va se saisir de cette ambivalence pour permettre à la famille de ne pas
commettre l’irréversible. En semant le doute on permettra de réamorcer une réflexion et ainsi de prendre de
la distance avec les pulsions de mort.
En analysant trois situations cliniques nous montrerons que « semer le doute » est un moyen d’agir.
Nous tenterons d’observer et de comprendre comment une famille passe d’une demande d’euthanasie réitérée
à une résignation face à une mort toute naturelle de son proche. Nous montrerons comment nous sommes parvenus par le doute à désamorcer la demande d’euthanasie tout en accompagnant les familles.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
SOMMEZ LES MORTS
HILAIRE P.
Centre anti-cancéreux Georges-François Leclerc unité d’évaluation et traitement de la douleur - Dijon
OBJECTIF
Ces vers sont dans le fruit pour sonner le tocsin
Suggérés comme un cri sur cette euthanasie.
MÉTHODE
Norme faucheuse ici, ou bien hypocrisie
Qui nous dit le Bonheur dans le pré de demain ?
RÉSULTAT
Par lequel au delà le passage est serein :
La Dignité de l’Un dans l’ultime phtisie
Ou la quiète Loi par la Cité choisie
S’obligeant à nommer l’inconnu des confins.
DISCUSSION
La Douleur fait trop mal, que le « palliant » pâlisse
Tenté de pentothal comme hostie rédemptrice ?
Respectons le débat mais ne nous trompons pas
CONCLUSION
Entre la Liberté qu’on croit au prompt trépas
Et notre humain devoir de la Sollicitude
La Justice et le Bien sont dans l’incertitude.
RÉFÉRENCES
1 suétone, IIè siècle
2 avis n°63 : comité consultatif national d’éthique, 2000
3 n’importe quel journal du 27 septembre 2003
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
GROUPE DE PAROLE POUR LES FRATRIES D’ENFANTS DECEDES
P. ORDRONNEAU, DELIOU C.
Dans le service d’oncologie pédiatrique où je travaille, nous sommes confrontés les uns les autres ensemble,
équipe médicale et paramédicale à la maladie grave de l’enfant.
En réalité, c’est toute une famille en grande détresse qui doit se battre contre une maladie toujours injuste, plus
encore lorsqu’il s’agit d’un enfant.
Tous les professionnels que nous sommes dans ce service, quelques soient nos raisons personnelles et professionnelles avons le même objectif : accompagner au mieux l’enfant et sa famille sur le plan médical, social et
psychologique.
Lorsqu’un enfant est atteint d’un cancer, ses parents se mobilisent autour de lui et malgré leur chagrin, leur
révolte, leur colère, ils arrivent à organiser un accompagnement extraordinaire de leur enfant tout au long de
la maladie, jusqu’à la phase finale.
Pour les frères et sœurs qui vivent le même choc, c’est un bouleversement dans leur vie quotidienne. Ils subissent
un véritable abandon.
Ils nous est apparu indispensable de pouvoir leur offrir un espace de parole, uniquement pour eux où ils peuvent rencontrer d’autres enfants vivant la même expérience.
En effet, comment les aider à vivre lorsque les parents brisés par le chagrin ont concentré leur attention sur
l’enfant malade.
L’objectif de ce groupe de soutien psychologique aux fratries est au minimum de pouvoir leur offrir un espace
convivial et chaleureux où il est possible de communiquer, partager émotionnellement avec d’autres.
Dès la première réunion, nos objectifs étaient atteints. Les enfants ont spontanément pu évoquer ce qu’ils ressentaient, le partager en toute simplicité.
Le cadre de ce groupe s’est révélé suffisamment sécurisant pour laisser libre cours à la parole libératrice.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EVALUATION ET PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DES PLAIES CANCÉREUSES :
IMPACT SUR LA QUALITÉ DE VIE DES PATIENTS
DR SALAS S., F. DUFFAUD, D. BAGARRY, L. DIGUE, C. MERCIER, R. FAVRE
Hôpital Timone Adultes, 264, rue Saint-Pierre ; 13385 Marseille CEDEX 05
Equipe mobile de soutien et de soins palliatifs ; Service d’oncologie médicale du Professeur
Les plaies cutanées d’origine cancéreuse peuvent correspondre soit à une extension loco-régionale à la peau
de la tumeur primitive (tumeurs malignes de la cavité buccale, du pharynx ou du larynx, les cancers du sein
inflammatoires, les sarcomes), soit à une métastase cutanée et/ou lymphatique. Ces plaies ont la particularité
de ne jamais cicatriser sans traitement spécifique. D’aspect disgracieux, mutilantes, malodorantes, douloureuses, ces plaies ont de nettes répercussions psychosociales. Il existe actuellement un manque de consensus dans
la littérature concernant l’approche thérapeutique de ces patients. Celle-ci devrait associer des soins sur la
plaie mais également une approche plus globale, incorporant par exemple un soutien psychologique. La mise
en place d’une Unité Mobilisable Intra Hospitalière de Soutien et de Soins Palliatifs (UMIHSSP) a permis de
structurer et d’homogénéiser cette prise en charge. L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’impact
d’une prise en charge thérapeutique standardisée et pluridisciplinaire, des patients présentant une plaie cutanée d’origine cancéreuse sur leur qualité de vie. Les objectifs secondaires sont d’évaluer l’impact de cette
prise en charge sur d’autres critères : le niveau d’anxiété, le niveau de dépression et le degré d’asthénie, la
douleur, l’aspect clinique de la plaie. Les patients seront recrutés par l’intermédiaire de l’UMIHSSP. La prise
en charge des patients sera identique à celle mise en place en dehors du protocole. Des évaluations seront
réalisées systématiquement à différents temps : initialement, à 48 heures, à 1 et 2 semaines, à 1, 2 et 3 mois.
Le critère de jugement principal correspond au niveau de qualité de vie mesuré par le questionnaire EORTCQLQC30. D’autres données seront recueillies : données socio démographiques et données cliniques (relatives
à la tumeur primitive, à l’aspect clinique de la plaie, aux thérapeutiques mises en œuvre), données relatives
à la qualité de vie (questionnaires standardisés EORTC-QLQC30, VQ-Dermato, SF-36), données relatives à
l’anxiété-dépression-asthénie (ADA), données relatives à la douleur (EVA).
Les résultats de ce travail constitueront la base de réflexions afin d’améliorer et d’optimiser la prise en charge
de ces patients.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
EVALUATION DES ATTENDUS D’UNE UNITÉ MOBILE DE SOINS PALLIATIFS : ENQUÊTE
MENÉE AUPRÈS DE SOIGNANTS
I.CASINI, S. PORSIN, F. GROS
Unité Mobile de Soins Palliatifs Traitement de la douleur- Accompagnement
Centre Hospitalier – Bât. : « les chênes verts » 06 135 GRASSE Cedex
Exemple de l’Unité Mobile des Soins Palliatifs d’Antibes-Cannes-Grasse.
OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
Bilan des missions de l’U.M.S.P. concernant les pratiques professionnelles, les connaissances et le niveau de
formation en matière de soins palliatifs et de traitement de la douleur des soignants .
MÉTHODOLOGIE
Un questionnaire portant sur les pratiques professionnelles, les connaissances et le niveau de formation en
matière de soins palliatifs et de traitement de la douleur des soignants est destiné aux soignants des trois
centre hospitaliers.
La diffusion est organisée par les cadres infirmiers des secteurs d’activité.
La restitution se fait par courrier anonyme à l’U.M.S.P. La saisie se fait sur tableur Excel élaboré par la cellule
qualité d’Antibes.
L’analyse des résultats présente une analyse descriptive et une analyse comparative après distinction de deux
populations homogènes dans la première analyse.
LES RÉSULTATS
Les catégories représentées sont pour 39%des IDE et pour 32% des AS.
A la question « Qu’attendez-vous de l’U.M.S.P. ? » 8 personnes sur 10 répondent : l’accompagnement du
malade.
Huit soignants sur 10 disent ne pas avoir reçus de formation en soins palliatifs depuis plus de cinq ans.
Dans l’analyse comparative des deux populations des divergences apparaissent. Les AS attendent de manière
plus significative le soutien de l’équipe, les conseils thérapeutiques et la présence de groupes de parole que les IDE.
Les IDE savent mieux joindre l’U.M.S.P. que les AS.
CONCLUSION
Cette enquête nous a conduit à l’élaboration d’un plan d’action avec nouvelle présentation de l’U.M.S.P. qui
existe depuis un an :
Mise à disposition d’un calendrier des formations ouverte au personnel
Rédaction et proposition d’un guide des principaux symptômes en soins palliatifs
Rédaction et proposition d’un guide de prise en charge de la douleur chez l’adulte .
Nouvelle enquête dans un an.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LE TOUCHER MASSAGE À TRAVERS LES MAINS D’UNE SOCIO-ESTHÉTICIENNE
Mme ALLONCLE J. socio-esthéticienne de l’unité mobile de soins palliatifs
Hôpital Tenon, 4 rue de la Chine 75020 Paris
La présentation du poster consiste à mettre en évidence la prise en charge d’un patient par la technique du
toucher massage.
Soins réalisés par la socio-esthéticienne de l’unité mobile de soins palliatifs en place depuis 5 ans.
Cette approche se fait auprès de patient atteint de maladie grave.
Sur ce support vous trouverez une définition du toucher massage, ses effets physiques et psychologiques.
L’intérêt de ce document est de mettre en avant une technique qui redonne au corps sa place et sa fonction.
c’est une pause détente qui engendre, bien être, confort et réconfort.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DEMANDE D’EUTHANASIE CHEZ LE PATIENT CANCÉREUX : ET SI LA DOULEUR ÉTAIT
NEUROPATHIQUE ?
CLÈRE F.
Unité d’Evaluation et de traitement de la douleur, Ets Helio-Marin, 47 rue du Dr Calot, 62600 Berck-sur-mer
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Décrire les différents types de douleurs neuropathiques liées à la maladie cancéreuse, afin de ne pas les méconnaître lors de l’évolution tumorale, notamment en cas d’échappement du traitement antalgique.
MÉTHODE
Revue de la littérature.
RÉSULTATS
Les douleurs neuropathiques liées au cancer (DNLC) sont soit d’origine tumorale, soit d’origine iatrogène. La
tumeur peut léser le système nerveux soit localement, soit à distance du fait de métastases, soit du fait de phénomènes paranéoplasiques. Les 3 piliers du traitement du cancer (chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie)
sont également à l’origine de DNLC.
ETIOPATHOGÉNIE DES DNLC
Masse tumorale
Métastases
Tumeur
Paranéoplasie
Cancer
Chirurgie
Traitement
Radiothérapie
Chimiothérapie
DISCUSSION
Une connaissance précise du stade de la maladie et de la chronologie des traitements instaurés est indispensable pour repérer le(s) mécanisme(s) de la douleur. Si la morphine constitue le gold-standard chez le patient
cancéreux douloureux, son efficacité est relative pour l’analgésie des DNLC, qui sont multiples et fréquentes.
CONCLUSION
Une analyse fine de la sémiologie s’impose tout au long du suivi du patient, surtout s’il existe un échappement
aux opioïdes, afin d’adapter le traitement antalgique. Un accent doit également être mis sur la prévention des
DNLC iatrogènes. Une meilleure prise en charge des DNLC devrait limiter les demandes d’euthanasie.
254
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
ETRE SOIGNANT
CANAULT S., ROBIN C.
Vesoul
SOI NIE PRENDRE SOIN DE SOI






Déni des émotions dans les soins
Identification, attachement au patient
Personne soignée en fin de vie : reflet de notre propre mort et de nos deuils
Reconnaissance des émotions des soignants
Mise en place de mécanismes de défense
Demande d’aide et de soutien : collaboration avec l’EMSP (Equipe Mobile de Soins Palliatifs)
- Ne pas souffrir avec la personne soignée ; « donner un sens curatif aux soins palliatifs ! ».
PUISSANCE IMPUISSANCE





Guérir à tout prix
Profession socialement reconnue
Difficultés à reconnaître les et ses limites
Difficulté à demander de l’aide
Culpabilité d’être vulnérable
- Une mauvaise gestion des situations palliatives peut conduire à l’EUTHANASIE.
SOINS PALLIATIFS
CONTRE POUR




Connotation sociale négative
Confusion entre soins palliatifs et euthanasie
Mort non provoquée
Notion de vie, de confort, de respect et d’autonomie jusqu’au bout
- « Il faut rester humble ! »
Selon CHRISTIAN RICHARD (cadre EMSP) :
« Les soignants ont à faire le deuil de la fin de vie belle, sereine, acceptée ».
Selon ANTHONY ROBBINS :
« Nos croyances, nos concepts sont des ordres incontestés qui nous disent comment sont les choses, les êtres ;
ce qui est possible et impossible.
Elles influencent le moindre de nos sentiments, de nos pensées et de nos actions ».
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L’HYPNOSE MÉDICALE : VERS UNE NOUVELLE APPROCHE
L’EUTHANASIE : UNE RÉPONSE MÉDICALE UNIQUEMENT ?
FERRAND M - BRIOIS P.
Unité de Soins Palliatifs Centre Hospitalier BETHUNE 62400 Ville : BETHUNE • Pays : France
[email protected]
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Face à une demande d’euthanasie, l’hypnose médicale permettrait une ouverture vers d’autres possibles.
MÉTHODE
L’hypnose est un état psychologique “spécial” avec certaines caractéristiques physiologiques ressemblant au
sommeil, seulement superficiellement, et marqué par un fonctionnement de l’individu à un autre niveau de conscience que l’état de conscience ordinaire.
Cet état, nous l’expérimentons tous les jours, tout simplement lorsque nous sommes “dans la lune”, “dans les
nuages”, ou bien encore dans cet état intermédiaire entre le rêve et l’éveil.
La différence entre l’hypnose et cet état plus ordinaire est l’intention.
L’hypnose est un moment de travail intense sur notre monde imaginaire. C’est une démarche naturelle qui nous
met en relation d’attention avec notre espace environnant et notre sensorialité ; ce processus comporte de
nombreux phénomènes tels que l’absorption, la réceptivité, la capacité à accueillir, à refuser ou à se fermer,
ou à se dissocier.
Pour aider le patient à entrer en état hypnotique, j’utilise ce qu’il apporte : son comportement, ses symptômes,
sa vision du monde, ses goûts. Chaque personne étant unique, la séance est toujours sur mesure.
RÉSULTAT
L’hypnose, par sa dynamique, va permettre au patient de retrouver sa capacité à répondre, de manière
nouvelle et adaptée, aux situations difficiles qu’il rencontre. Il ne s’agit pas pour lui d’obéir à des suggestions
extérieures, mais de réutiliser ses compétences et ses capacités d’adaptation personnelles, dont il a perdu
l’usage. Il existe en lui des possibilités non utilisées, des possibilités “inconscientes” qui pourront être activées.
DISCUSSION
Des exemples de pratiques dans notre service illustreront nos propos.
CONCLUSION
L’hypnose médicale permettrait par une approche différente et un regard unique sur la personne, de la faire
accéder à ses propres ressources.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LES SOINS PALLIATIFS INTERVENTIONNELS : PROGRÈS OU ABERRATION ?
HAGON O.; CAHANA A.; PAUTEX S.; ROBERT L.; VAN GESSEL E.
Division d’Anesthésiologie, Hôpitaux Universitaires de Genève CH 1211 Genève 14
Les soins palliatifs et l’antalgie interventionnelle sont deux spécialités à la fois antinomiques et, synergiques.
Les douleurs restent préoccupantes en soins palliatifs, parallèlement, les techniques peu invasives continuent à
se développer pour optimaliser l’antalgie (1).
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Nous cherchons à optimaliser l’antalgie par une analgésie neuroaxiale chez des patients cancéreux, dont les
douleurs sont rebelles aux traitements médicamenteux, comme Ohlson et al (2), mais en privilégiant l’analgésie par les anesthésiques locaux avec des adjuvants.
MÉTHODE
Nous avons revu les dossiers de sept patients atteints d’une maladie oncologique avancée.
Après une sélection rigoureuse des patients, selon des critères précis, nous posons une péridurale test pour
évaluer les effets physiques et l’impact psychologique. Après une période de 3 à 5 jours d’observation, nous
décidons avec le patient de procéder à l’implantation de la péridurale PAC®.
RÉSULTATS
L’efficacité antalgique a été remarquable avec une diminution de EVA, même si l’antalgie par voie systémique n’a pu être stoppée que chez un patient sur sept. Un important état anxieux nécessitant un soutien
psychologique et un traitement anxiolytique majeur s’est développé malgré une analgésie adéquate.
DISCUSSION ET CONCLUSION
Chez des patients en fin de vie, souffrant d’une antalgie insuffisante pendant une longue période, une brusque antalgie peut déclencher un état anxieux sévère(3).Nous croyons que l’antalgie interventionnelle met en
lumière quelques uns de nos besoins existentiels en fin de vie.
1.Winkelmuller, Neuromodulation 1999; 2: 67-76
2. Ohlson, Pain, 1992 ; 48 : 349-343
3.Cahana, Pain Medecine 2002 ; 3: 289-290
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
L’ÉQUIPE SOIGNANTE DE MASSONNAT : UN AUTRE REGARD SUR LA FIN DE VIE DES
ENFANTS ATTEINTS DE CANCER
P ORDRONNEAU, V LAITHIER, S PICARD, F POYARD, C PERCOT, M HUMBERT, F LASSAUGE, E PLOUVIER.
OBJECTIF
Donner les moyens à une équipe soignante de mieux accompagner l’enfant en fin de vie et sa famille.
MÉTHODE
Dans le service d’onco-hématologie pédiatrique de Besançon, nous sommes confrontés à la maladie grave de
l’enfant. Quand les thérapeutiques n’ont pas abouti, il y a au bout la mort de l’enfant qui nous révolte toujours.
Il nous est apparu indispensable de bénéficier d’une formation soins palliatifs en équipe.
RÉSULTAT ET DISCUSSION
Au travers de nos expériences différentes et complémentaires et de cette formation pour l’ensemble du personnel, notre vision de la mort a pu se modifier. A la fois, il nous semble que les moments de fin de vie d’un
enfant sont très précieux pour l’enfant, pour la famille et qu’ils peuvent être vécus avec sérénité, à condition
que la douleur soit contrôlée et que le confort soit assuré. Il y a néanmoins une véritable ambivalence. En effet,
il nous est possible d’accepter qu’on ait envie que « ça cesse » pour ces enfants et leurs familles qui vivent de
grandes souffrances physiques et morales. Notre témoignage d’équipe, c’est essayer de faire part de notre
expérience; des « plumes qu’on laisse » dans la mort d’un enfant, des stratégies qu’on met en place pour que
les plumes repoussent.
CONCLUSION
Avec cette formation dispensée par Annick Ernoult de la Fondation François Xavier Bagnoud, il s’est agi d’une
véritable prise de conscience de ce que l’on vit autour de la mort d’un enfant.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
TOLÉRANCE ET EFFICACITÉ ANTALGIQUE DE L’HYDROMORPHONE LP
DANS LA DOULEUR CANCÉREUSE
POULAIN P.
Institut Gustave-Roussy, Villejuif
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Evaluer la tolérance et l’efficacité antalgique de l’hydromorphone LP chez des patients cancéreux intolérants
à la morphine.
MÉTHODES
Essai multicentrique, en ouvert, réalisé auprès de patients cancéreux présentant une intolérance à la morphine.
Après accord d’un CCPPRB et obtention de leur consentement éclairé, les patients recevaient pendant 28
jours de l’hydromorphone LP. La tolérance était évaluée toutes les semaines à l’aide d’un score global de tolérance (EV ; 0=mauvaise, 3=excellente). L’intensité des signes d’intolérance opioïde était évaluée sur une EV
(0=absent, 3=sévère). L’efficacité antalgique était évaluée par la mesure de l’intensité douloureuse sur une
EN (0=absente, 10=maximale) et une EV (0=absente, 3=sévère) et par l’appréciation globale par le patient
sur un EV (0=nulle, 3=excellente).
RÉSULTATS
80
70
60
50
Inclusion
J28
*Concentration mémoire
40
30
20
it
*T
ro
nie
ub
le
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sc
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nit
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So
mn
CONCLUSION
ée
s
10
ce
% patients avec signes d'intolerance
opoioïde d'intensité sévère ou modérée
61 patients (60,4±10,9 ans) présentant une douleur d’intensité 5,5±2,3 sur l’EN ont été analysés. Ils recevaient à l’inclusion 222,0±246,4mg de morphine et à J28, 72,8±146,2mg d’hydromorphone. Le score global
moyen de tolérance a augmenté significativement (p<0,0001) de 0,5±0,6 (morphine) à 1,8±0,9 à J28 ( hydromorphone LP), ce score s’améliorant chez 73,8% des patients. Le pourcentage de patients présentant des
signes d’intolérance opioïde a diminué significativement au cours de l’essai (Figure 1). L’intensité douloureuse
(3,1±2,3 à J28) a diminué chez 61% des patients. Le % de patients présentant une douleur sévère a diminué
de 44% à l’inclusion à 8% à J28. L’efficacité du traitement a été jugé bonne ou excellente par 66% des patients à J28 versus 38% à l’inclusion.
Figure 1: Pourcentage de patients avec signes d’intolérance opioïde d’intensité sévère ou modérée
Chez les patients cancéreux intolérants à la morphine, l’hydromorphone LP est une alternative efficace et bien
tolérée, s’accompagnant d’une amélioration des signes d’intolérance aux opioïdes et d’une amélioration de la
symptomatologie douloureuse.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
RÔLE DE LA SPIRITUALITÉ CHEZ LES SOIGNANTS EN MÉDECINE PALLIATIVE
GESCHWIND H.
CHU Henri-Mondor, Université Paris 12, Créteil et Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris.
OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
1. Elucider les raisons du choix des soignants pour les soins palliatifs,
2. Evaluer le rôle de la spiritualité dans ce choix,
3. Etudier les pratiques des soignants.
MÉTHODES
Enquête par entretiens avec des soignants qui ont été invités à parler de leur vie professionnelle et privée, de
leurs traditions, croyances, religion, et éducation.
RÉSULTATS
Les entretiens ont été réalisés chez 52 soignants dans 10 institutions. 48% des soignants professionnels et 75%
des bénévoles sont croyants pratiquants. 26% des infirmières ont été attirées par les soins palliatifs parce que
déçues par la médecine curative ou impressionnées par les Sidéens. 43% des soignants professionnels et 83%
des bénévoles ont rencontré la mort dans leur famille. La culture religieuse a influencé le choix de 48% des
soignants professionnels et 25% des bénévoles.
CONCLUSIONS
1. Les soins palliatifs ont été choisis en raison de la culpabilité d’avoir abandonné des parents gravement
malades ou mourants,
2. des conditions avantageuses de travail en équipe sans hiérarchie,
3. de la prégnance d’une spiritualité qui induit une offre de soins disproportionnée avec la faible demande
des malades,
4. Les soignants doivent être constamment aidés pour prévenir l’épuisement.
260
L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
EVALUATION DE LA SOUFFRANCE DES ÉTUDIANTS EN SOINS INFIRMIERS CONFRONTÉS À LA MORT LORS DE LEURS STAGES.
POAC C.(1), GABORIT B.(2), SOUILLARD M.(3) , PIOLOT A.(1)
(1) Equipe Mobile de Soins Palliatifs, (2) service d’Oncologie Médicale, (3) Institut de Formation en Soins Infirmiers, C.H.U.
Henri Mondor 94010 Créteil cedex.
Les étudiants en soins infirmiers (ESI) sont des acteurs de soin en milieu hospitalier. L’objectif de l’étude est
d’évaluer leur souffrance face à la mort.
Un questionnaire a été distribué à l’ensemble des étudiants de l’IFSI (557 au total ).
Le taux de réponse a été de 63 % soit 350 questionnaires rendus.
72% des ESI ont été confrontés à la mort lors de leurs stages (47% en 1ère année et 94% en 3ème année).
60% des ESI ont déjà été confrontés à l’entourage d’un malade décédé. Rencontrer l’entourage angoisse 66%
des ESI. 59% éprouvent des difficultés face à la fin de vie des patients et 20 % affirment avoir déjà évité la
chambre d’un patient en fin de vie. 57% répondent avoir peur de la mort et 55 % éprouvent des difficultés
face à la mort des malades. Cette peur et ces difficultés ne diminuent pas durant le cursus. 20% des ESI n’ont
pu parler de ces difficultés avec le personnel soignant.
L’étude souligne une véritable souffrance des ESI face à la mort, quelque soit l’année d’étude. L’absence de
communication sur ce thème entre ESI et soignants, parfois signalée, peut contribuer à cette sensation de malêtre des ESI.
Cette étude suggère de proposer une formation initiale en collaboration avec l’IFSI, les acteurs de soins palliatifs et les tuteurs de stage.
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10 ÈME CONGRÈS NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SOINS PALLIATIFS
10, 11 & 12 juin 2004 - Besançon – Micropolis
DES BENEVOLES POUR LES URGENCES
L’ACCOMPAGNEMENT DANS UN SERVICE D’URGENCES
Jeanne-Marie RINQUIN
Fondation Hôpital Saint-Joseph - 185, rue Raymond Losserand 75674 PARIS Cedex 14
[email protected]
Arlette YDRAUT, Odile DUGUA, Nathalie de CASTRIES
Des bénévoles pour les urgences
Rinquin J.-M.
L’équipe mobile de soins palliatifs de la Fondation Saint-Joseph (bénévoles et soignants) accompagne régulièrement des patients hospitalisés au service “Portes” (service d’hospitalisation de lits d’urgences). Les soignants
de l’équipe interviennent de manière ponctuelle aux Urgences où le besoin d’une présence bénévole s’est fait
sentir. Une équipe de volontaires choisie en raison de sa spécificité de bénévoles d’accompagnements s’est
constituée.
Les soins palliatifs ne prennent pas seulement en charge “la fin de vie” mais aussi “un temps de vie”.
Dans cette optique, les bénévoles d’accompagnements signifient que la société s’intéresse à l’être humain dans
sa globalité.
Etre bénévole d’accompagnement aux Urgences est un engagement fort : on y rencontre tous les accidentés
de la santé et de la vie.
L’attente, l’angoisse et la peur du diagnostic génèrent beaucoup de tension, tension partagée par les familles
et les soignants.
Les bénévoles proposent aux malades et à leurs familles ce pourquoi ils sont formés : l’écoute, la présence à l’autre.
Le bénévole n’a pas de projet thérapeutique pour le malade, il est près de lui, il entend sa souffrance et son
désarroi, sa colère parfois… Face à des situations difficiles, le bénévole mesure ses limites.
Les soignants des Urgences nous ont accueillis chaleureusement ; ils constatent combien notre présence est utile
et souhaitent que nous développions notre temps de présence.
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L’euthanasie et la mort désirée : questions pour les soins palliatifs
LA SOCIO-ESTHÉTIQUE : UN DÉSIR DE VIE
BOSQUET-ALMA S.
Médecin dans le service douleur - soins palliatifs du centre hospitalier d’Evreux et présidente de l’association apeches.
COLLET C.
Aide-soignante du service douleur - soins palliatifs de l’hôpital d’Evreux
POULET C.
Infirmière du service douleur - soins palliatifs de l’hôpital d’Evreux
SAMSON A.
Socio-esthéticienne de l’association apeches
Equipe du service soins de suites palliatifs, hôpital de La Musse , Evreux
La démarche en Soins Palliatifs s’attache à soulager la souffrance globale et à préserver la meilleure qualité
de vie ; ce qui se produit le plus souvent. Pourtant des demandes d’euthanasie peuvent encore émerger.
Au cours de la maladie, le corps est souvent malmené. Le regard de l’entourage renvoie comme un miroir
l’image de ce corps que le malade ne reconnaît plus.
La pratique des soins de socio-esthétique nous amène à nous interroger sur le sens des soins, trop souvent limités à leur seul sens médical. Leur technicité parfois trop pesante fait oublier la personne qui se trouve derrière
ce corps, ces symptômes inconfortables qui signent la maladie. Retrouver du plaisir et mettre la maladie à
distance contribuent à restaurer l’identité de la personne.
Le réinvestissement progressif du corps permet de restaurer une dignité et reconstruire la relation à l’autre.
Le fait que la socio-esthéticienne ne soit pas une « blouse blanche » s’avère être une ouverture pour la personne. Cependant, sa place est à redéfinir au sein des équipes traditionnelles et pose la question du secret
partagé.
Les soins du corps ne sont-ils pas trop fréquemment sous-estimés ? La prise en compte de désirs liés à la condition humaine et non plus au statut de malade n’est-elle pas oubliée actuellement dans les équipes de soins
palliatifs ? Le sujet réduit à son corps objet n’aurait plus alors la possibilité de s’exprimer sauf pour demander
la mort ?
RÉFÉRENCES
« Le désir de mort en soins palliatifs », G.Desfosses. Med. Pal 2003 ;2 : 275-277
« Sens et valeur de la mort. Faits, philosophie et réflexion sur la responsabilité sociale et clinique ».
Med Pal 2002 ; 1 : 103-112
« La dignité de la personne humaine », P. Verspieren. Cours du 16-01-03. Centre Sèvres
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