Le travail L’homme n’est pas sauvé par ses œuvres, si belles soient-elles. Il lui faut encore devenir lui-même l’œuvre de Dieu. François d’Assise selon Éloi Leclerc Le travail est « un bien de l’homme » disait Jean-Paul II : par son travail, l’homme développe ses capacités et les met au service d’une communauté ; il coopère avec d’autres personnes pour produire des « biens » et des « services » ; sur son lieu de travail, il noue des liens interpersonnels pour constituer une communauté. C’est le caractère positif du travail : bien plus qu’une nécessité pénible à laquelle on consentirait pour gagner sa vie, le travail est un lieu d’épanouissement personnel, et un lieu de construction de la communauté humaine. En permettant le développement des personnes et des communautés, le travail est un des lieux d’accomplissement de la vocation à laquelle Dieu appelle l’homme, celle de continuer son travail de création et de veiller à ce que « le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde et ne les incite pas à se désintéresser du sort de leurs semblables » (Gaudium et spes, §34). Avant sa conversion, l’Apôtre Paul était fabricant de tentes. Aveuglé, illuminé et retourné sur le chemin de Damas, il devient un homme nouveau, mais ne change pas ses habitudes de travail. Ses mains deviendront désormais un instrument de bénédiction pour une multitude. Il encourage même les nouveaux convertis «à demeurer dans la condition où ils étaient quand ils ont reçu l’appel de Dieu» (1Cor 7, 20; Act 18, 1-4). C’est que tout en ayant reçu la mission d'annoncer le Seigneur ressuscité, Paul ne veut rien recevoir en échange. Même importante, l’annonce de l’Évangile est gratuite et ne cherche pas de récompense. Et si la mission de l'Apôtre occupait largement son temps, il se faisait un point d’honneur et de fierté de gagner sa vie et de ne pas dépendre des autres. «Argent, or, vêtements, je n'en ai convoité de personne; vous savez vous-mêmes qu'à mes besoins et à ceux de mes compagnons ont pourvu les mains que voilà» (Ac 20, 33-34). Toute personne doit travailler pour se nourrir et pour nourrir les siens. Paul ne veut pas échapper à cette loi de la condition humaine qui était pour lui une question d’honnêteté et de dignité: « Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus. Nous vous encourageons, (…) à travailler de vos mains comme nous vous l'avons ordonné » (1 Thess 4, 10-11). Pour Paul, le travail était aussi sa part de collaboration à l’œuvre de Dieu. Selon la Bible, «Yahweh prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder (Gen 2, 15). Si le Décalogue prescrit le sabbat, c’est au terme de six jours de travail (Ex 20,8ss). En effet, les tableaux imagés de la Création en six jours soulignent que le travail de l’homme est présenté comme un reflet de l’action du Créateur. Le récit nous signifie qu’en formant l’homme «à son image et à sa ressemblance» (Gen 1,26), Dieu a voulu l’associer à son dessein. Après avoir mis l’univers en place, il l’a remis entre les mains de l’homme avec le pouvoir d’occuper la terre et de la soumettre (Gen 1, 28). Et tous ceux qui travaillent, même s’ils «ne brillent ni par la culture ni par le jugement, tous cependant, chacun par son métier, «soutiennent la Création» (Si 38, 34). Dans l’Évangile, le travail est magnifié par l’exemple de Jésus fils de charpentier (Mt.13, 55) et ouvrier luimême (Mc 6,8). Dans la logique de l’Incarnation et du chemin de pauvreté choisi par Jésus, le fils de Dieu vit dans la simplicité de notre condition humaine, dans l’humilité de l’ordinaire de nos jours. Quand Jésus emprunte ses comparaisons au monde du travail, il en reconnaît la valeur : pasteur, vignerons, médecin, semeur (Jn 10,1ss; Mc 2,17; 4,3). Non seulement il présente l’apostolat comme un travail, celui de la moisson, (Mt 9, 37; Jn 4, 38) ou de la pêche (Mt 4, 19), non seulement il est attentif au métier de ceux qu’il choisit (Mt 4, 18), mais il suppose par tout son comportement, un monde au travail : le laboureur à son champ (Lc 9,62), la ménagère à son balai (Lc 15,8) et il trouve anormal de laisser enfoui un talent sans le laisser fructifier (Mt 25, 14-30) (cf. Vocabulaire théologie biblique). Comme saint Paul, François d’Assise encourage ceux qui veulent le suivre à continuer leur travail, les incitant à le vivre comme une mission : «Que les frères qui savent travailler, travaillent et exercent le même métier qu’ils ont appris, s’il n’est pas contraire au salut de l’âme et s’il peut être pratiqué honnêtement» (1R VII, 3). Dès les débuts du mouvement franciscain, les frères et les sœurs se définissent comme des gens de travail. Ils s’engagent d’abord au service des lépreux ou des personnes âgées qu’on plaçait dans des hospices. Quand les premiers frères de François se mirent ensemble, ils rencontrèrent des gens qui étaient comme eux au travail. Dans sa règle, il leur demande de se comporter comme de vrais frères mineurs, i.e. humbles et petits (1R 7,2). Même si pour François, le travail était considéré comme un service, il le relativise par rapport à son engagement envers Dieu. Un jour il avait confectionné un panier d’osier pour frère Sylvestre; son travail achevé, il le livre au feu. À Frère Léon qui s’en étonne, François répond : «Je veux travailler de mes mains, et je veux aussi que tous mes frères travaillent. Non pour le cupide désir de gagner de l’argent, mais pour le bon exemple et pour fuir l’oisiveté. Rien de plus lamentable qu’une communauté où l’on ne travaille pas. Mais le travail n’est pas tout, frère Léon, il ne résout pas tout. Il peut même devenir un obstacle redoutable de la vraie liberté de l’homme. Il le devient chaque fois que l’homme se laisse accaparer par son œuvre au point d’oublier d’adorer le Dieu vivant et vrai (…) L’homme n’est grand que lorsqu’il s’élève au-dessus de son œuvre pour ne plus voir Dieu, alors seulement, il atteint toute sa taille.» (La Sagesse d’un pauvre d’Éloi Leclerc). Fondatrice d’un Institut missionnaire, Marie de la Passion a vite compris que le but de cette œuvre ne pourra se réaliser que s’il y a équilibre entre prière et action. De plus écrit-elle, pour trouver des ressources, «nous devons tendre à gagner notre pain, comme saint Paul et comme les travailleurs; c’est plus franciscain». Avec ses religieuses, elle créera des ateliers de broderie et d’imprimerie, et malgré sa lourde tâche d’organisation de l’Institut, elle s’investira elle-même en écrivant des livres qui seront publiés. Dans les constitutions écrites en 1882, au chapitre premier qui explique la fin spéciale de l’Institut, elle recommande à ses sœurs l’amour du travail : «Qu’elles ne soient jamais inoccupées. Qu’elles donnent à la prière le temps marqué par l’obéissance et que le reste de la journée soit occupé aux œuvres et au travail des mains. Qu’elles cherchent à faire promptement et le mieux possible tout ce qui leur est confié». L’apôtre Paul Réflexion 1. Continuer le travail de création de Dieu, voilà la vocation de l’homme. Comment mon travail me permet-il de continuer le travail de création de Dieu ? Y a-t-il d’autres lieux d’accomplissement de cette vocation ? 2. Converti, Paul ne change pas ses habitudes de travail. Ses mains sont un instrument de bénédiction pour la multitude. Être un instrument de bénédiction, qu’est-ce que ça veut dire pour moi ? Comment mes mains peuventelles être un instrument de bénédiction pour moi, pour les autres ? 3. L’annonce de l’Évangile est gratuite, selon Paul, elle ne cherche pas de récompense. Qu’est-ce que la gratuité ? Est-ce que je peux identifier des gestes gratuits que j’ai posés aujourd’hui? 4. Pour Marie de la Passion comme pour François d’Assise, le travail était une valeur essentielle à l’accomplissement de leur œuvre. Qu’est le travail pour moi? Est-il une valeur importante ? Comment me permet-il de vivre mon engagement afmm ? Prière : Tu es béni. Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain et ce vin, fruits de la terre, de la vigne et du travail de nos mains ! « le travail de nos mains » En artisans de paix et de réconciliation, nous travaillons à rendre le monde plus juste, plus humain… Const. fmm #39 Chant : Comme Lui R. Lebel ou Comme on fait son jardin R. Lebel Fiche no 4