P OLITIQUE COMMERCIALE INTERNATIONALE CHAP ITRE 3 LA P ROTECTION COMMERCIALE TARIF AIRE Section 3.2 MÉRITES ET INCONVÉNIENTS DU DROIT DE DOUANE L'analyse élémentaire et statique du droit de douane démontre que le libreéchange est préférable pour le bien être de la nation à n'importe quel droit de douane. Les arguments favorables et contraires à un droit de douane sont complexes et doivent permettre de préciser les limites au sein desquelles il convient de favoriser le libre-échange. Depuis la fin des années cinquante, plusieurs économistes ont procédé à des estimations empiriques de pertes nettes dues aux droits de douane et à d'autres barrières tarifaires, en terme de bien-être national. La procédure suivie consiste essentiellement à une simple évaluation des surplus b et d de la figure 2 du chapitre précédent. Harry G. Johnson prétend vérifier que la perte "sèche" ne représente qu'une fraction faible du PNB d'une nation (± 1% du PNB). Bien entendu, elle est tributaire de l'ouverture relative de la nation sur l'extérieur. Par ailleurs, toute barrière commerciale comporte un coût administratif qui augmente la perte nette. Dans la mesure où on estime que les agents gérant les droits de douane peuvent être plus utiles ailleurs, on peut considérer que la gestion du droit de douane représente un gaspillage de ressources pour la société globale. 1. LE DROIT DE DOUANE OPTIMAL POUR UN PAYS L'hypothèse qui conduit à la conclusion d'un dommage pour la nation du fait de l'instauration d'un droit de douane se fonde sur son incapacité d'influencer Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg le prix mondial du bien importé. En d'autres termes, l'analyse élémentaire du chapitre 3 postule que la nation subisse le prix concurrentiel sur les marchés mondiaux des biens qu'elle importe. Cette hypothèse est souvent vérifiée car le commerce international est fréquemment très concurrentiel. Toutefois, en certaines circonstances et pour un grand pays, c'est-à-dire un pays qui représente une part suffisamment importante du marché mondial pour le produit importé considéré, le droit de douane peut inférer un comportement identique à celui qui résulte d'un pouvoir de monopsone dans le chef de ce pays, même si aucune firme ne détient un tel pouvoir en son sein. Par exemple, les Etats-Unis sont suffisamment dominants sur leur marché des automobiles pour être capables de contraindre les exportateurs européens et japonais vers les Etats-Unis à diminuer leurs prix en instituant un droit de douane sur les automobiles étrangères. Les Etats-Unis ont probablement le même pouvoir de monopsone pour d'autres catégories de produits tels l'acier et le secteur des télécommunications (télévision, radio, vidéo, téléphonie, ...) bref, des produits qui autorisent des économies d'échelle pour leurs producteurs. Un pays qui dispose d'un tel pouvoir sur les prix de vente étrangers peut exploiter cet avantage en instituant un droit de douane sur les importations. Supposons que les Etats-Unis décident d'instaurer un faible droit de douane sur l'importation des automobiles. Ce droit de douane augmentera le prix payé par les consommateurs américains par rapport au prix payé aux fournisseurs étrangers. Toutefois, compte tenu de l'importance du marché américain, les fournisseurs étrangers préféreront sans doute diminuer légèrement le prix qu'ils consentent aux Etats-Unis afin d'y limiter la baisse de leurs ventes et pour autant que le prix qu'ils reçoivent reste supérieur à leur coût marginal. C'est pourquoi les Etats-Unis en tant que nation peuvent tirer un gain de leur propre droit de douane même si on enregistre encore une perte en termes d'efficacité économique au niveau mondial du fait des importations qui sont supprimées par le droit de douane. Bien entendu, dans la mesure où le prix payé par les consommateurs américains reste supérieur à celui du libre-échange, une certaine perte subsiste pour ces consommateurs, mais tant que le droit de douane est faible, ce coût peut être compensé aux Etats-Unis par les gains qu'autorise la persistance de la 2 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg plupart des importations antérieures, maintenant achetées à un prix plus bas. Cette réflexion incite à se poser la question de savoir s'il existe un niveau positif du droit de douane pour lequel les Etats-Unis se trouvent, en terme de bien-être, dans une meilleure situation que celle du libre-échange. On peut illustrer ce fait en recourant au graphique de la figure 1. Prix 13500 gain pour le pays courbe d'offre étrangère d'automobiles aux Etats-Unis perte pour le pays 10500 10000 9500 courbe de demande américaine d'automobiles importées 6000 A 0 0,9 1 Quantité importée (en millions d'automobiles par an) Figure 1 : Gain pour le pays d'un droit de douane faible qui influe sur le prix de vente Ce graphique est semblable à celui de la figure 2 du chapitre précédent, mais la courbe d'offre étrangère est maintenant croissante au lieu d'être à prix mondial constant, ce qui signifie que les Etats-Unis peuvent influencer le prix à l'importation. Supposons que les Etats-Unis instituent un droit de douane de 1,000 $ sur une catégorie d'automobiles et qu'en conséquence le prix intérieur soit porté à 3 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg 10,500 $ et le prix étranger à 9,500 $. La figure 1 montre que pour les Etats-Unis une diminution de 0,1 million d'automobiles importées que les consommateurs décident de ne plus acheter chaque année du fait qu'ils doivent désormais payer 500 $ supplémentaires soit une perte de bien-être en terme de surplus de 100000 x 500/2 = 25 millions de $. Mais cette perte est largement compensée par le gain que les Etats-Unis prélèvent sur les fournisseurs étrangers du fait des 0,9 million d'automobiles qui continuent d'être importées chaque année à un prix qui s'est réduit de 500 $. Ce gain se chiffre donc à : 1 million x 0,9 x 500 = 450 millions de $.1 Donc, le gain net, suite à l'instauration du droit de douane, est pour les Etats-Unis de 425 millions de $. Dès lors, quel peut être le droit de douane optimal c'est-à-dire celui qui maximise le gain net de la nation ? Pour saisir les limites du pouvoir d'un pays sur le marché, nous pouvons partir de l'idée selon laquelle un droit de douane prohibitif ne peut pas être optimal. Sachant, comme le montre la figure 1, qu'aucun fournisseur étranger ne vendra en-dessous de 6,000 $ et qu'aucun consommateur américain n'achètera audessus de 13,500 $, si les Etats-Unis prélèvent un droit de douane supérieur ou égal à 7,500 $, les fournisseurs étrangers ne fourniront plus d'automobiles aux Etats-Unis et ceux-ci subiront la perte de tous les avantages associés au commerce international. Donc le droit de douane optimal doit se situer quelque part entre l'absence de droit de douane et un droit de douane prohibitif annulant les importations. On peut trouver le droit de douane optimal de la même manière que le rabais de prix optimal de tout monopsoniste. Sans entrer dans des détails mathématiques, on peut admettre que la fonction de surplus de la nation dû au droit de douane a la forme de la figure 2. 1 900 millions de $ de recettes douanières - 450 millions de $ de pertes supplémentaires pour le consommateur. 4 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg Le droit de douane optimal correspond à celui qui maximise la fonction. En fait, on peut considérer pour le pays qui détient de fait un pouvoir de monopsone sur les importations, que le gain net résultant d'un droit de douane est optimal lorsque le taux de taxation égalise les gains supplémentaires et les pertes supplémentaires pour une variation infinitésimale du droit de douane. Autrement dit, le droit de douane est optimal pour la nation si, pour une variation infinitésimale de ce droit de douane, la variation totale du surplus est nulle. Surplus net max 0 t optimal droits de douane Figure 2 Sur la figure 3, la variation du surplus de la nation est donnée par: 5 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg (1) + (2) - (3) - [(2) + (4)] ∆ recettes douanières ∆ surplus des consommateurs En approximation linéaire, si t* est le taux ad valorem optimal, t* est déterminé par l'équation suivante : M dp - t* p dM = 0 où M est le niveau des importations p est le prix des importations fixé par l'étranger. Comme on le voit sur la figure 3, les gains supplémentaires en surplus (1) résultent de la capacité de la nation à provoquer une diminution des prix fixés par les exportateurs étrangers pour les importations qui subsistent. Ces gains équivalent le niveau des importations M multiplié par la baisse du prix de l'étranger dp. En fait, la baisse de prix des exportateurs engendre un surplus capté par des recettes douanières unitaires additionnelles (1) + (2) dont une partie (2) est financée par les consommateurs. 6 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg Prix Gains supplémentaires ≅ M dP Pertes supplémentaires (2) Offre étrangère de biens d'importation ≅ tP dM (4) (3) tP (1) dP P Demande d' importation 0 M Quantité importée dM Figure 3 Les pertes supplémentaires en surplus proviennent de la perte de recettes douanières (3) imputables à une réduction des importations (dM), recettes douanières qui valaient tp de plus par unité pour les consommateurs que le prix p auquel les étrangers étaient prêts à vendre et d'une perte de surplus des consommateurs (4), négligée dans l'approximation linéaire. Si bien que: t* = dp p 1 = dM M s m où sm est l'élasticité de l'offre étrangère, car p est le prix d'offre des exportateurs étrangers. Le taux de droit de douane ad valorem optimal est égal à l'inverse de l'élasticité de l'offre étrangère des produits importés par le pays qui établit le 7 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg droit de douane. Plus l'offre étrangère est inélastique, plus le taux de droit de douane optimal est élevé: en cas de forte inélasticité, les étrangers sont censés offrir une quantité constante quel que soit le prix et il est aisé pour le pays importateur d'aller loin sur la voie de leur exploitation. Par contre, si leur offre est infiniment élastique, (s m = ∞), le prix mondial est constant et il est impossible de les contraindre à baisser leur prix. Dans ce cas, les droits de douane ont pour seul résultat de conduire à une perte nette pour la nation et le droit de douane optimal est nul. Enfin, il convient de souligner que le droit de douane optimal pour le pays importateur engendre, sans ambiguïté, une perte nette pour le bien-être mondial. Le pays importateur gagne moins que les étrangers ne perdent. La figure 4 le montre clairement. Le pays importateur n'a gagné la surface qu'au détriment des fournisseurs étrangers. Mais ces fournisseurs étrangers ont perdu davantage : ils ont aussi perdu la surface f qui correspond à l'élimination du surplus du producteur étranger associé aux importations supprimées du fait du droit de douane. Le monde perd la somme des surfaces b + d + f correspondant précisément aux gains du commerce international en libre échange. 8 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg Prix gain pour le pays courbe d'offre étrangère perte pour le pays b+d e f courbe de demande nationale d'importation importation après application du droit de douane optimal Quantité importée Figure 4 2. LES REPRÉSAILLES L'argument du droit de douane optimal suppose que les étrangers ne prennent pas de mesures de représailles, en taxant par exemple les importations en provenance du pays considéré (les Etats-Unis, dans notre exemple). En effet, les pays étrangers peuvent réagir aux droits de douane que les Etats-Unis instituent sur leurs importations, par des droits de douane sur leurs propres importations. Si les Etats-Unis cherchent à augmenter leurs droits de douane sur l'acier européen, les pays européens pourraient augmenter leur droit de douane sur les produits manufacturés et agricoles d'origine américaine. Ces représailles peuvent annihiler les gains du droit de douane optimal pour les Etats-Unis. Elles aggravent bien sûr la perte nette du monde. Les relations commerciales entre l'Europe (CEE) et les Etats-Unis témoignent en permanence de cette menace en réaction aux mesures protectionnistes prises de part et 9 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg d'autre. 3. LE MONDE DE L’OPTIMUM DE SECOND RANG Lorsque l'on fait abstraction des effets externes, on suppose que toutes les courbes de demande et d'offre représentent à la fois les coûts et avantages privés et sociaux. En l'absence de droit de douane, il n’existe pas de distorsions entre les avantages et coûts privés et sociaux, quelle que soit l'activité considérée. Dès lors, le droit de douane introduit une distorsion entre le coût marginal d'une automobile pour les consommateurs (le prix intérieur d'une automobile incluant le droit de douane) et le coût marginal de l'achat de l'automobile étrangère supplémentaire par la société au prix mondial. Or, il n'est pas réaliste de supposer que dans une économie les distorsions n'existent pas ou se compensent parfaitement. En réalité, elles sont fort répandues et sont à la base d'effets externes, c'est-à-dire des effets sur des parties autres que celles qui s'accordent pour acheter et vendre sur le marché. La pollution est un exemple classique de tels effets. Autrement dit, nous vivons dans un monde de second rang (“second best”) rempli de disparités entre les avantages et coûts privés et sociaux. Tant que ces disparités existent, les actions des groupes privés ne conduisent pas à l'optimum social. C'est ainsi que, dans le monde de second rang, l'existence d'effets externes peut justifier un droit de douane. A titre d'exemple, supposons que les emplois occupés au sein d'un secteur national soumis à la concurrence des importations soient plus rentables pour la société que ne le perçoivent les personnes qui décident ou non d'accepter ces emplois. Cela peut se produire s'il s'agit d'un secteur technologiquement avancé où les emplois suscitent l'apport de connaissances et de compétences ou encore un changement d'attitudes qui profitent à d'autres personnes que les ouvriers et les employeurs du secteur. Par conséquent, le coût social lié au fait d'attirer des travailleurs vers ce secteur peut être plus faible que le salaire que les firmes du secteur seraient prêtes à payer à leurs employés. Dans cette situation, il peut être intéressant d'adopter des mesures de politique économique destinées à attirer les travailleurs dans 10 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg ce secteur. Ainsi, une protection tarifaire peut encourager les firmes du secteur à développer leur production et à embaucher davantage de main-d'œuvre, créant de ce fait, des gains sociaux indirects par l'acquisition d'un savoir-faire nécessaire au développement futur de la nation. De tels gains indirects rendent plus compliquée l'estimation du gain ou de la perte nette d'un droit de douane pour l'ensemble de la nation. En vue d'apprécier la pertinence d'un droit de douane par rapport à une autre mesure de politique économique, il est utile de traiter chaque cas individuellement et d'y appliquer la règle empirique de spécificité : les instruments de politique économique sont d'autant plus efficaces qu'ils touchent de plus près la source des distorsions entre les avantages et les coûts privés et sociaux. Ainsi, les taxes ou subventions sur les ventes, la production, la consommation, ou sur les revenus de groupes particuliers peuvent être de bons substituts à l'imposition d'un droit de douane. Les cas suivants suffisent pour expliquer le problème général. 3.1. Le droit de douane et la redistribution des revenus Les barrières commerciales peuvent avoir un effet de redistribution des revenus au sein d'un pays bien plus important que le coût net qu'elles imposent à l'ensemble de la nation suivant le modèle de base. L'égalité d'importance pour chaque franc perdu ou gagné par chaque groupe, si elle constitue une hypothèse commode de calcul, ne traduit pas nécessairement l'expression réelle de la satisfaction de chaque groupe d'une part, et d'autre part doit rarement correspondre à l'appréhension du problème par les autorités qui décident des droits de douane, cette appréhension étant variable avec les circonstances. De plus, le fait de sommer les gains et les pertes des individus pour apprécier les gains et les pertes de la société, constitue une hypothèse simplificatrice compte tenu de la différenciation entre préférences privées et préférences sociales. On pourrait par exemple défendre un droit de douane en avançant qu'il restaure la justice en favorisant un groupe désavantagé à tort, même si 11 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg c'est au prix d'une réduction du bien-être global apprécié en tant que surplus. Toutefois, si l'objectif de la nation est, par exemple, une plus grande égalité des revenus, on doit se poser la question de savoir s'il ne serait pas moins coûteux d'égaliser directement les revenus à l'aide de l'impôt progressif et des transferts. En fait, l'application de la règle de spécificité doit aider à lever l'alternative. Elle conduit ici à préférer l'impôt progressif accompagné de transferts sociaux car cette mesure agit plus directement sur la source de distorsion que le droit de douane. Autre exemple : qu'advient-il si le but est d'obtenir une distribution des revenus optimale pour l'épargne et le financement de la croissance ? Supposons que les facteurs de production diffèrent par leur propension à épargner. Les propriétaires du facteur utilisé intensivement dans le secteur des biens importables épargnent 10% de leurs revenus supplémentaires, tandis que ceux possédant le facteur utilisé intensivement dans le secteur des biens exportables n'épargnent que 5%. Toute restriction aux échanges redistribuerait alors les revenus en faveur du groupe qui épargne le plus et augmenterait le taux moyen d'épargne. De nombreux pays peu développés croient apparemment que les revenus obtenus par les propriétaires terriens grâce à la production et à l'exportation de biens primaires ne sont pas investis, ou du moins ne le sont pas dans les activités désirées par le gouvernement. Si on accepte cette hypothèse suivant la règle de spécificité, la politique la plus efficace est alors d'imposer directement les revenus des propriétaires terriens; les taxes sur l'exportation, cependant, sont souvent utilisées comme un substitut de "second best".2 Compte tenu de l'organisation administrative des pays sous-développés, il est vrai que l'exportation constitue une assiette d'impôt plus facilement mesurable que le revenu des exportateurs. 2 Les taxes à l'importation et à l'exportation sont symétriques dans leur tendance à restreindre le niveau des échanges. 12 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg 3.2 Le droit de douane : moyen d'encourager la production nationale Supposons que le niveau de production d'un bien en situation de libreéchange soit considéré comme inférieur à ce qui est jugé "désirable". Il est possible que la main-d'œuvre reçoive une formation spéciale pour la production de ce produit; ou encore que la collectivité ait le sentiment qu'elle devrait compter davantage sur sa propre production au cas où les approvisionnements de l'étranger seraient menacés dans l'avenir. Quelle est la politique optimale pour encourager une plus grande production domestique ? La figure 5 illustre le problème dans le cas de deux biens. La production sous libre-échange est en A, et la consommation en B. Si l'on veut atteindre OJ comme niveau de production, un droit de douane qui augmente le prix relatif dans le pays domestique au niveau de la droite 2 est suffisant. La consommation est alors en E. Une subvention à la production pourrait aboutir au même résultat pour les producteurs mais à un coût de bien-être inférieur : la consommation est au point H. Prenons l'automobile comme bien importé pour représenter le bien que le pays souhaite produire à des niveaux supérieurs à la production qui existerait sous libre-échange. Cette dernière est indiquée par le point A sur le bloc de transformation TT', les prix de libre-échange sont alors donnés par la droite 1, la consommation par le point B et les niveaux de revenus réels par la courbe d'indifférence yo. Représentons la quantité plus élevée de production de l'automobile que l'on désire par la distance OJ. Pour simplifier les choses, supposons que le pays soit si petit qu'aucune modification de sa politique ne puisse affecter les termes de l'échange mondiaux. Un droit sur les importations d'automobiles peut amener les ressources dans le secteur des biens importables pour accroître la production de OI à OJ, OJ représentant le niveau de production d'automobiles désiré par le gouvernement. Le prix domestique relatif de l'automobile augmente, comme l'indique la droite 2. Le nouveau point de production est en C et le nouveau point de consommation en E ; la recette douanière, exprimée en unités du bien importé, est donnée par FG ; enfin, le taux marginal de substitution en E sur la courbe d'indifférence y1 reflète le ratio des prix domestiques. 13 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg (quantité d'automobiles) x1 B y2 y y 1 0 H G F E T J I K C A 2 1 0 T' x2 (quantité de vêtements) Figure 5: Droit de douane contre subvention à la production pour atteindre un objectif de production L'échange porte sur des quantités réduites : les importations d'automobiles, EK, égales en valeur aux exportations, KC, de vêtements évalués aux prix mondiaux. Cette illustration de l'effet d'un droit de douane correspond exactement à la figure 3 du chapitre précédent. La droite HEC de la figure 5 a été tracée parallèlement à la droite 1 et reflète par conséquent les termes de l'échange au niveau mondial. Supposons maintenant qu'à la place d'un droit de douane sur les importations, le gouvernement subventionne la production de biens importables, ce qui a pour effet de réallouer les ressources productives pour passer du point A (situation de libreéchange) au point C, sur la courbe de transformation TT' : la subvention compense exactement les coûts de production d'automobiles plus élevés au point C, relativement aux prix mondiaux. Cependant, les consommateurs peuvent acheter des biens sur le marché mondial. 14 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg Les consommateurs peuvent atteindre une courbe d'indifférence plus élevée, y2 , en H, car la droite HEC, indiquant les prix mondiaux, coupe la courbe d'indifférence y1 en E. Donc, si le but du gouvernement était d'augmenter la production d'automobiles jusqu'à OJ, il peut atteindre cet objectif au moyen d'un droit de douane, mais il pourrait aussi l'atteindre avec un sacrifice plus petit de bienêtre, au moyen d'une subvention directe à la production. L'utilisation d'une politique commerciale (droit de douane) pour atteindre un objectif de production est inefficace si on la compare à une politique de soutien s'adressant directement aux producteurs sans pour cela introduire des distorsions dans les choix des consommateurs. Bien sûr, en l'absence d'effet externe, l'ensemble de la collectivité a tout de même subi une perte de bienêtre en passant de y0 (niveau de bien-être en libre-échange) à y2 pour que le niveau de production des automobiles s'établisse en OJ. Le choix de la protection de la production d'automobiles ne pourra donc se justifier que s'il en résulte quelque gain social additionnel au bien-être appréhendé par le modèle de base qui exclut tout effet externe. 3.3. Le droit de douane et l'argument de l'emploi On vient de voir que, dans le cadre d'une économie de plein emploi, la subvention était plus efficace que le droit de douane. Il convient toutefois d'envisager la possibilité d'un sous-emploi. Il est évident que protéger une industrie attire les ressources des autres secteurs. Dès lors, le droit de douane peut-il créer des emplois ou sauvegarder les emplois existants. Si la réponse est oui pour le secteur protégé, elle ne l'est pas nécessairement pour l'emploi global car il faut tenir compte du secteur d'exportation ; et ce problème est aggravé lorsque les pays étrangers répondent au droit de douane par des représailles douanières envers les exportations du pays domestique. Toute modification dans les prix relatifs est responsable de troubles potentiels car certaines industries devront se contracter et d'autres s'accroître. De plus, des modifications de production impliquent une réallocation de la main- 15 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg d'œuvre et des autres inputs d'une industrie à l'autre et peut-être d'une région à une autre. Ces coûts de déplacement sont d'autant plus élevés que les travailleurs en sont venus à être liés à leur emploi parce qu'ils lui ont associé le choix de leur résidence et de leur compétence personnelle. Enfin, des frictions dans les réajustements peuvent engendrer du chômage dans certains secteurs, du moins à court terme. Donc, on peut comprendre la tendance à protéger des industries mises en danger par la concurrence internationale car la plupart des réajustements coûtent cher et prennent du temps. La protection au moyen du droit de douane permettrait de repousser l'ajustement ; mais une fois encore elle doit être considérée comme un "second best" par rapport à l'application de la règle de spécificité consistant en une aide directe en faveur des régions et / ou en vue de promouvoir la formation professionnelle. Remarquons toutefois que si on était en plein emploi, la protection d'un secteur engendrerait des coûts de déplacement dans le secteur non protégé. Par ailleurs, la diminution d'un droit de douane préalablement établi risque aussi d'engendrer licenciement du personnel et réduction de l'utilisation des autres inputs, donc aussi des coûts de déplacement et de réajustement. 3.4. Le droit de douane dissuasif de la consommation de certains produits On peut formuler des remarques à peu près analogues à propos du vœu, exprimé par certains gouvernements, de réduire la consommation de certains biens en-dessous des niveaux que la collectivité choisirait de son propre chef sous libre-échange. Par exemple, le gouvernement peut souhaiter restreindre la consommation privée d'automobiles importées ou d'autres produits qu'il estime être des biens de luxe superflus. Un droit de douane peut atteindre ce but. Mais un impôt direct sur la consommation de ce produit de luxe le pourrait tout aussi bien. Ce sont des instruments différents, car un impôt sur la consommation augmente le prix pour les consommateurs au-dessus du niveau mondial mais laisse les producteurs faire face à la concurrence mondiale aux prix mondiaux. Au lieu de cela, un droit de douane augmenterait le prix domestique pour les producteurs tout aussi bien que pour les consommateurs, et encouragerait un 16 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg transfert des ressources domestiques des biens exportables vers la production de l'article de luxe. Si le souhait du gouvernement est uniquement de restreindre la consommation, l'utilisation d'un droit de douane implique des pertes inutiles : en effet la réallocation des facteurs de production hors de l'industrie des biens exportables est responsable de la baisse de la valeur du revenu produit aux prix mondiaux en-dessous du niveau de revenu sous libreéchange. 3.5. Le droit de douane et le développement économique Une étude des raisons pour lesquelles les pays utilisent les barrières douanières et autres outils restrictifs ne peut être complète sans un bref regard sur les plaintes particulières souvent émises par les pays les moins développés. Les nations qui en sont aux premières étapes du développement considèrent fréquemment le libre-échange comme un ensemble de règles qui entravent, volontairement ou non, leurs propres efforts d'industrialisation (voir chapitre consacré au protectionnisme). L'un des griefs concernant le libre-échange est que toute nation, et particulièrement une petite nation peu développée, perd dans une certaine mesure, le contrôle de son destin en étant exposée aux variations des demandes, des offres et des prix mondiaux. Ceci est en effet une conséquence inévitable si les structures de production dépendent, pour l'essentiel, non pas des demandes locales (sur lesquelles on peut supposer que le gouvernement exerce quelque contrôle) mais des goûts dans le monde entier et de l'efficacité relative des sources locales et étrangères d'approvisionnement. Et cela n'introduit pas seulement des éléments de "dépendance" vis-à-vis de l'étranger, mais aussi des éléments d'incertitude en ce qui concerne l'évolution future des termes de l'échange ; une telle incertitude peut causer des ravages en cas de planification centralisée. Laissons de côté l'incertitude et la "dépendance" qui sont les caractéristiques de l'échange que même des pays riches et développés ne peuvent éviter, comme l'ont appris les Etats-Unis et la CEE pendant la crise de l'énergie ; il reste que les pays moins développés soutiennent souvent que l'échange modifie défavorablement la structure locale de leur économie selon des processus qui peuvent être évités par une utilisation judicieuse de droits de 17 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg douane, de quotas et d'autres moyens qui restreignent et contrôlent l'échange. Il est souhaitable de vérifier par l'analyse la pertinence de ces arguments s'il en est. 3.5.1 L'argument de l'industrie naissante Le terme "industrie naissante" renvoie à des activités industrielles jeunes ou non encore établies, qui ne peuvent se développer parce que la concurrence étrangère maintient les prix domestiques trop bas. Si l'on pouvait laisser l'industrie naissante se développer, affirme cet argument, la nation pourrait à terme établir un avantage comparatif dans cette industrie ou du moins, supporter la concurrence avec succès dans le pays domestique si l'on tient compte de la protection naturelle que donnent les coûts de transports internationaux. L'argument de l'industrie naissante s'applique donc autant aux pays industrialisés qu'aux pays en voie de développement. Mais chez ceux-ci, il prend une acuité particulière parce que la plupart des activités sont dans l'enfance. Il fut utilisé par exemple, par l'industrie sidérurgique américaine au 19ème siècle et il est souvent invoqué par les pays en voie de développement. Analyser la pertinence de cet argument suppose d'abord vérifier si la protection douanière est à même de garantir la croissance de l'enfant. Ensuite, si la réponse est affirmative, il convient de s'interroger s'il n'existe par d'autres moyens plus efficaces. Cet argument est explicitement dynamique et soutient que la protection n'est nécessaire que pour un temps limité. La protection d'une industrie naissante vise à amener cette industrie à un niveau de compétitivité internationale suffisant. Par ailleurs, les gains sociaux éventuels générés par cette industrie peuvent être supérieurs à ceux de l'industrie proprement dite si l'on comptabilise les effets externes par exemple en terme de qualification acquise par une main-d'œuvre qui pourra profiter à d'autres industries. Dans le cadre d'une protection, c'est le marché intérieur qui doit absorber la production à un prix plus élevé que le prix international. Or il n'est pas sûr que le marché local sera de taille suffisante pour permettre à l'industrie naissante d'acquérir l'échelle requise en vue d'abaisser les coûts au niveau étranger. 18 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg A supposer que cela soit néanmoins le cas, l'expérience montre combien il est difficile de supprimer une protection alors même que l'argument qui l'a fait naître ne se justifie plus. Dès lors, le prix payé par les consommateurs nationaux pour faire grandir une nouvelle industrie risque d'être bien supérieur à ce qui était initialement prévu. En définitive, il faudra mettre en balance ces coûts avec les gains nets obtenus du développement de l'industrie. Si ce calcul est favorable à la protection douanière, il conviendrait encore de s'interroger si une solution consistant à laisser faire les entreprises sans protection ne serait pas plus profitable. Le calcul de rentabilité d'un investissement consiste à actualiser les bénéfices futurs. Dès lors, si les entrepreneurs de l'industrie considérée peuvent trouver les sources de financement de l'investissement qui les dotera d'une compétitivité internationale suffisante en leur assurant une valeur actualisée des bénéfices supérieurs aux coûts présents, quand bien même l'Etat devrait être à la base du financement, cette solution est préférable à la protection douanière. Toutefois, on constate ici la difficulté qui peut survenir dans les pays sous-développés considérés par la finance internationale comme non solvables. A défaut de trouver les fonds nécessaires, ces pays sont naturellement tentés de percevoir le droit de douane quitte à le redistribuer aux producteurs sous forme de subvention. Enfin, en ce qui concerne les externalités résultant d'une protection douanière, à savoir les qualifications acquises et disponibles pour d'autres secteurs, rappelons qu'une subvention à la production apporterait les mêmes effets sans engendrer la distorsion imposée par le droit de douane au niveau de la consommation. Un instrument encore mieux adapté eu égard à la règle de spécificité serait de subventionner la formation de la main-d'oeuvre si l'externalité met effectivement en jeu les qualifications de la force de travail. Ici aussi, l'argument de l'impécuniosité prend toute sa dimension. 3.5.2 L'argument du pays neuf et pauvre A propos de l'argument de l'industrie naissante, nous avons vu dans quelle 19 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg impasse pouvait se trouver un pays sous-développé pauvre qui entame son développement. Dans un tel pays, un droit de douane peut constituer une source appréciable de recettes et se révéler meilleur que toute autre mesure que ce soit pour la nouvelle nation et même pour l'ensemble du monde. Dans un pays neuf, où le niveau de vie est bas, les "distorsions intérieures" les plus sérieuses peuvent provenir de l'incapacité du gouvernement à assurer une fourniture suffisante de biens collectifs. Les nations pauvres augmenteraient leurs gains sociaux si elles développaient des services publics fondamentaux tels le contrôle des maladies infectieuses, l'établissement de réseaux d'eau potable, le contrôle de l'approvisionnement en eau pour l'agriculture, l'enseignement, etc. Mais les ressources administratives et financières des nations pauvres ne sont pas suffisantes pour qu'elles puissent satisfaire ces gains sociaux. A l'échelle du monde, cette situation est évidemment le reflet d'une allocation inefficace des ressources mondiales. Aussi, dans les nations pauvres, les droits de douane à l'importation sont une source, non de protection de l'industrie, mais de recettes publiques. Comme elles disposent de ressources limitées en fonctionnaires, ces nations trouveront les droits de douane efficaces : on peut prélever les recettes à un moindre coût en se contentant de faire garder les frontières par un petit nombre de douaniers qui taxent les importations et les exportations qu'en recourant à des types d'impôts plus élaborés et plus coûteux. Il n'est pas possible d'imposer ou de subventionner efficacement la production, la consommation et le revenu si l'on n'est pas capable de les mesurer et de les contrôler. Il convient de rappeler que, abstraction faite des graves problèmes de dépendance (remettant en cause l'hypothèse de concurrence parfaite sur le marché international des produits), le pays pauvre ne peut justifier le droit de douane qu'à cause de la nécessité absolue de satisfaire des besoins sociaux qu'il est incapable de satisfaire parce qu'il ne dispose pas de l'organisation administrative qui lui permette de prélever d'autres recettes à l'intérieur du pays. Si cette possibilité existait sans introduire de nouvelles distorsions, malgré sa pauvreté globale, le pays pauvre pourrait trouver avantage à 20 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg subventionner l'industrie naissante plutôt qu'à percevoir des droits de douane. 3.5.3 Croissance, protection et bien-être On peut démontrer que, si un "grand" pays consacre une part importante de ses ressources en facteurs à la production d'exportation, une baisse des prix des produits exportés peut intervenir et les termes d'échange de ce pays tendront à se détériorer. C'est le cas de la croissance appauvrissante développé par BHAGWATTI. Qu'en est-il si la politique des droits de douane est utilisée pour encourager la production locale des biens importables, et ainsi prévenir une détérioration des termes d'échange en diminuant l'offre d'exportation? S'il s'agit d'un grand pays, capable d'influencer le prix mondial en régulant son offre, c'est-à-dire si on raisonne en dehors de la concurrence parfaite, on peut considérer que le droit de douane sur les biens importés constitue une réponse adéquate au problème posé. Si par contre le pays en question est trop petit pour affecter les prix mondiaux de ses biens exportables ce type d'argument perd de sa force. Supposons que ce soit le cas et raisonnons donc en concurrence parfaite, tout en supposant que le pays est en croissance et impose des droits de douane sur les importations pour soutenir l'industrie des importables au-dessus de son niveau de production sous libre-échange. Nous avons montré dans le chapitre précédent (voir surtout la figure 3) qu'une telle allocation des ressources provoquait des pertes du revenu réel. En outre, les gains potentiels en termes de revenu réel, attendus en raison de la croissance, diminuent en proportion des ressources que le pays consacre au secteur protégé des biens importables. Dans des cas extrêmes, la croissance dans le pays domestique pourrait même avoir pour résultat une perte de bien-être. La figure 6 illustre ces éventualités. La droite 2 indique les prix relatifs mondiaux. Le pays a protégé son secteur des biens importables, à savoir les automobiles, et donc, la droite 1, qui indique les prix relatifs domestiques, est plus horizontale que la droite 2. Aux prix sous protection douanière, le point de production optimale de la collectivité sur la courbe de transformation TT' est au point de tangence A et la consommation en A’. 21 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg Automobiles D' B' C' (2) croissance équilibrée A' E' E C T B D A (3) (1) 0 T' Vêtements Figure 6: Croissance en situation de protection Supposons maintenant que les prix relatifs mondiaux restent inchangés, ainsi que la structure des droits de douane du pays, mais que la valeur du revenu produit évalué aux prix domestiques augmente d' 1/3. Les points B, C, D et E représentent quatre points de production possibles pour lesquels la valeur globale à des prix domestiques serait d' 1/3 plus importante qu'en A. Le point B est un point correspondant à une expansion équilibrée par rapport au point 22 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg initial A. Dans un tel cas, la consommation du pays domestique se trouve sur une droite passant par B (dont la pente montre les prix mondiaux, autrement dit parallèle à la droite 2), au point B', aligné avec les points A' et 0 si on suppose que la fonction de consommation est une fonction néo-classique, c'està-dire, entre autre, homogène de degré 1. La croissance a alors augmenté le revenu réel. Mais supposons au lieu de cela que seul le secteur des biens importables ait pu grandir (le point C se trouve directement au-dessus du point A) : les gains en termes de revenu réel diminuent. Par contre si on laisse uniquement le secteur d'exportation se développer (le point D se trouve à la droite de A), le point de consommation D' est préférable à B' qui est lui-même préférable à C'. Finalement, considérons l'impact sur le bien-être d’une croissance qui conduit les ressources sous influence de la protection à quitter l'industrie des biens exportables. Le point E illustre cette possibilité de croissance biaisée. La croissance est tellement biaisée en faveur du bien (les automobiles) qui jouit artificiellement, grâce au droit de douane, d'un prix élevé dans le pays domestique, que le point de consommation E' qui en résulte représente une valeur moins élevée aux prix mondiaux que le point de consommation A' avant croissance.3 L'argument précédent n'est pas un argument définitif en faveur du libreéchange mais il souligne l'existence et le développement des coûts d'opportunité de protection des industries des biens importables ; il souligne encore les coûts provenant de la réallocation des ressources hors des secteurs des exportations. Enfin, rappelons la controverse à propos de l'influence de la protection sur le progrès technique et, par là-même, la croissance que celui-ci peut engendrer. La protection peut ralentir le progrès technique car elle n'incite pas les producteurs nationaux à faire l'effort de réduction de coût nécessaire pour être 3 La possibilité d'une perte de bien-être sous croissance, si une industrie est protégée, a été soulignée par Harry D. JOHNSON, “The Possibility of Income Losses from Increased Efficiency of Factor Accumulation in the Presence of Tariffs”, Economic Journal, 77, mars 1967, pp. 151-154. 23 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg concurrentiel. Cette considération est toutefois contrebalancée par l'opinion contraire de Joseph SCHUMPETER et de John Kenneth GALBRAITH selon laquelle les marges de profit confortables résultant de la protection peuvent accélérer les améliorations techniques en assurant aux grandes firmes de plus amples ressources et une plus grande sécurité pour leurs dépenses de Recherche & Développement. Cette question n'a pas encore été tranchée par des travaux empiriques. 3.5.4 Incitation à l'investissement étranger Un autre argument que l'on présente parfois en faveur de la protection est qu'elle peut encourager les investissements étrangers dans les marchés domestiques. Un droit de douane peut affecter la structure de l'investissement. Si initialement, un pays importe un bien, une barrière douanière protégeant ce bien force les firmes étrangères soit à baisser les prix, soit à essayer de produire le bien directement sur le marché domestique pour éviter ce droit de douane. De telles "usines-pour-éviter-les-droits-de-douane" (tariff factories) ne sont pas rares, comme le met en évidence, par exemple, le nombre d'usines de montage d'automobiles situées en Argentine, au Brésil, en Afrique du Sud et autres pays qui ne possèdent pas d'avantage comparatif dans la production d'automobiles. C'est aussi la stratégie adoptée par les constructeurs japonais pour pénétrer les marchés européens et américains. Des études sur les firmes multinationales révèlent en effet qu'un droit de douane a souvent pour résultat des investissements de la firme dans le pays. Auparavant, elle a exporté en direction du marché en question, investissant dans la publicité et l'image de marque auprès des consommateurs et non pas dans les moyens de production physiques. Lorsque ses importations sur le marché sont frappées par un droit de douane, l'investissement direct devient plus attrayant que ne l'est la seule autre possibilité qui est d'abandonner l'investissement de la firme en image de marque et quitter complètement le marché. Il y a cependant quelque chose de contradictoire et d'ironique dans une telle politique douanière. Supposons qu'un pays cherche à limiter sa dépendance à l'égard des sources étrangères en menant une politique protectionniste ; ce pays peut aussi chercher à diversifier sa structure productive en protégeant ses 24 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg industries locales de la concurrence étrangère. Mais empêcher les biens fabriqués à l'étranger d'entrer dans le pays peut justement encourager l'étranger lui-même à venir dans le pays. Un pays tel que le Canada a souvent été tourmenté à la fois par le désir de protéger toute une panoplie d'industries et par celui de limiter l'incursion de l'investissement américain direct qu'un marché si protégé attire. 4. LE DROIT DE DOUANE ET LA BALANCE DES COMPTES Un droit de douane peut agir sur le taux de change en un sens qui peut réduire le coût du droit de douane sur le bien-être. Un droit de douane réduit les quantités importées alors que le prix des importations ne doit en principe pas augmenter. Donc la valeur des importations diminue, ce qui "améliore" d'autant, toutes autres choses restant égales, la balance des comptes. Si les changes sont flexibles, on assistera à une appréciation de la monnaie nationale. Si ils sont fixes, il se peut qu'une modification de parité (ici une réévaluation) soit nécessaire si l'accumulation de devises étrangères est importante. Cependant, le modèle sous-jacent à notre analyse postule d'une part que les prix équilibrent les marchés ce qui implique un régime de changes flexibles, d'autre part que la nation dépense exactement la valeur du revenu produit ce qui suppose en tout cas une balance courante à solde nul : donc pas de possibilité de modifier le solde de la balance des comptes par les échanges de marchandises. Si on lève ces hypothèses, il est tentant de dire qu'un droit de douane peut créer un surplus en restreignant les importations. Mais ce surplus indique aussi que la nation produit plus qu'elle ne dépense et ce n'est que dans le cadre de l'analyse macro-économique des préférences intemporelles que l'on peut apprécier la situation. 25 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg 5. LES ARGUMENTS NON ÉCONOMIQUES 5.1. La fierté nationale Les nations ont soif de symboles au même titre que les individus, et le fait de savoir qu'un certain bien est produit à l'intérieur du pays peut être un objet de fierté nationale. Et tant que la fierté ne peut naître que d'une oeuvre collective à l'échelle de la nation, tant qu'elle ne peut être achetée par les individus sur le marché, c'est une occasion d'intervention pour la politique gouvernementale. Mais l'instrument de politique économique le mieux approprié est à nouveau la subvention. Ce n'est que dans le cas où la fierté consiste à ne pas importer que le droit de douane est la meilleure politique. 5.2. La défense nationale L'argument de la défense nationale repose sur le fait que des barrières à l'importation aideraient la nation à accumuler davantage de biens essentiels au bien-être économique ou militaire futur sous la forme de stock ou d'une capacité de production d'urgence. Les mercantilistes anglais l'ont utilisé au XVIIème siècle pour justifier le droit de douane frappant les navires afin d'encourager la croissance de chantiers navals anglais et d'une marine marchande anglaise qui seront d'une importance vitale en cas de guerre. Même Adam SMITH, pourtant pionnier du libre-échangisme, s'est abstenu de critiquer ces mesures. Si l'on doit accepter la nécessité de disposer de réserves stratégiques en cas d'urgence, ce n'est pas avec un droit de douane en temps de paix qu'on constitue des stocks pour le temps de guerre. En effet, dans une économie libre, les industriels ne développeront que la capacité de production suffisante pour couvrir les besoins du temps de paix et ne créeront aucune capacité supplémentaire d'urgence. Si c'est celle-ci qu'il faut créer, le meilleur moyen est à nouveau la subvention directe. De plus, s'il faut stocker les biens d'importance vitale, le moyen le moins cher de se préparer aux cas d'urgence est de les acheter au bas prix mondial qui prévaut en temps de paix. Si les ressources des biens d'importance vitale (par exemple, le pétrole) sont épuisables, l'intérêt d'un droit de douane est encore 26 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg plus mince. Une limitation des importations du pétrole en l'absence d'embargo étranger, accélère l'utilisation de ses propres ressources, ce qui diminue d'autant les quantités qui pourront être extraites en cas d'embargo ou de blocus. Il vaut mieux stocker des produits d'importation en temps de paix, à un coût relativement faible, comme les Etats-Unis l'on fait depuis le milieu des années 70 et comme les Européens -y compris la Belgique- le font en imposant un stock minimal aux pétroliers (voir contrat-programme en Belgique). Certes, un pays qui n'est pas producteur de pétrole peut, pour des raisons stratégiques, favoriser le développement de la production de substituts du bien importé en imposant un droit de douane. Mais, dans ce cas encore, mieux vaut subsidier ces secteurs d'activité alternatifs comme l'ont fait plusieurs pays favorisant les économies d'énergie afin de diminuer la dépendance énergétique. Dans ce cas toutefois, la raison est plus économique que stratégique parce que directement liée à la hausse des prix du pétrole. 6. LE DROIT DE DOUANE A L’EXPORTATION Les nations peuvent aussi bien ériger des barrières à l’exportation qu'à l’importation, pour restreindre leur commerce extérieur. Leur analyse est d'ailleurs symétrique à celle des barrières à l'importation. La figure 7 représente les effets d'un droit de douane à l’exportation. Le droit de douane à l’exportation unitaire du bien considéré, est égale à p0 -p1 . Les exportateurs réagissent en offrant davantage sur le marché intérieur. Le prix intérieur baisse en conséquence par rapport au prix mondial. Dans la nouvelle situation d'équilibre, les producteurs auront détourné certaines ressources pour les orienter vers d'autres fins, tandis que les consommateurs auront quelque peu augmenté leur consommation. 6.1. Les effets du droit à l’exportation sur le bien-être Les effets d'un droit de douane à l’exportation sur le bien-être sont déterminés de la façon suivante : - les producteurs enregistrent une perte nette égale la surface a+b+c+d; 27 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg - les consommateurs du pays gagnent la surface a; l’Etat perçoit sur les consommateurs étrangers et redistribue d'une manière ou d'une autre, la surface c qui correspond au produit des droits sur les exportations X1 qui subsistent malgré le droit de douane. La perte nette pour la nation dans son ensemble est égale aux surfaces b et d (si l'utilité marginale de l'unité monétaire est équivalente pour tous les acteurs). Courbe d'offre Prix nationale prix mondial p ° a p b d c droit de douane à l'exportation 1 prix intérieur Courbe de X 1 X demande nationale ° Figure 7: Les effets d’un droit de douane à l’exportation 6.2. Le droit de douane optimal à l’exportation Si la nation exportatrice dispose d'un certain pouvoir de monopole sur le marché mondial, elle peut employer un droit de douane à l'exportation pour exploiter ce pouvoir dans le sens de l’intérêt national. Tout comme une nation disposant d'un pouvoir de monopsone peut instaurer un droit de douane optimal sur les importations, il existe un droit de douane à l’exportation optimal pour la nation dont le taux de taxation augmente avec le nombre 28 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg d'étrangers qui dépendent directement de ses exportations. Le taux de taxation est optimal lorsqu’une variation infinitésimale égalise les gains supplémentaires et les pertes supplémentaires pour la nation. D’une part, les gains supplémentaires résultent de la capacité à faire payer l’augmentation des prix des exportations qui subsistent par les étrangers. Les gains supplémentaires valent le niveau des exportations X multiplié par la hausse du prix payé par l’étranger, dp/dt. D’autre part, les pertes supplémentaires proviennent de la perte d'exportations additionnelles dx/dt, que les étrangers achetaient t x p de plus par unité que les nationaux. Le taux du droit de douane optimal à l'exportation t* est donc celui pour lequel: X dp dX = t* p dt dt Dès lors, on obtient: t * = X dp = dX p 1 dx Le droit optimal à l'exportation est égal à l’inverse de la valeur absolue de l’élasticité de demande étrangère des produits nationaux d'exportation. En réalité, le taux du droit optimal à l’exportation est analogue au taux de marge optimal d'un cartel exportateur international, égal à la valeur absolue de l’inverse de l’élasticité de la demande mondiale pour les produits exportés par le cartel. Ceci résulte du fait qu'un cartel international qui maximise l’ensemble des profits qu'il tire de ses exportations, et la nation qui taxe de façon optimale ses exportations, sont tous deux des entités qui maximisent un profit de monopole. C'est donc l'espoir d'exploiter un pouvoir de monopole national et de voir les étrangers payer plus cher, qui est à l’origine des droits à l’exportation. La Birmanie et la Thaïlande ont ainsi taxé leurs exportations de riz dans le but d’augmenter leur recettes publiques, car ils pouvaient contraindre les autres 29 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg nations du Sud-Est asiatique à leur payer un prix plus élevé. Toutefois les taxes à l’exportation sont rares. En général, les exportations sont plus souvent subventionnées que taxées. 7. SUBVENTIONS A L’EXPORTATION ET DROITS DE DOUANE COMPENSATEURS 7.1 Les subventions à l’exportation La subvention à l'exportation est de pratique courante et peut prendre des formes multiples, tels: - l’assurance-crédit;4 les facilités de crédit à l'exportation;5 les subsides en intérêt;6 les prêts d’Etat à Etat à bas taux d intérêt, en vue de promouvoir les exportations du pays prêteur vers le pays emprunteur; les dépenses directes de promotion que les gouvernements engagent pour le compte des exportateurs;7 les subsides accordés aux entreprises exportatrices. Toutefois une disposition de l’accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce (GATT), reprise par l'OMC, interdit les subventions à l'exportation qui constituent une “concurrence inéquitable” et autorise les pays importateurs à riposter par des “droits de douane compensateurs” protectionnistes. 7.2. Les droits de douane compensateurs Ces droits sont destinés à protéger l'industrie nationale contre une concurrence étrangère déloyale, car subsidiée. C'est ainsi que les entreprises sidérurgiques 4 En Belgique, les risques de crédit à l'exportation sont assurés par l'Office National du Ducroire (OND). 5 En Belgique, il s’agit du crédit export. 6 En Belgique, le Copromex a été l'organe qui octroyait des subsides en intérêt pour les exportations de biens d'équipement (supprimé en septembre 1995). 7 En Belgique, ces dépenses directes de promotion se font via l’Office Belge du Commerce Extérieur (OBCE). 30 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg américaines ont souvent exercé durant les années 80 des pressions sur leur gouvernement pour imposer des droits de douane compensateurs à l’encontre des entreprises sidérurgiques européennes censées être subsidiées. Le constat n'était pas toujours justifié mais l'argument était utilisé en vue d'obtenir une protection sans être en contradiction avec le GATT. Les arguments favorables et contraires aux droits de douane compensateurs adoptés à l’encontre de subventions à l’exportation, peuvent être montrés à l'aide de la figure 8. Prix offre mondiale (supposée parfaitement élastique) B A p Subvention à ° a b l'exportation c droit du pays de douane étranger p 1 D compensateur C Demande d'importation O M 0 M 1 Quantité importée Figure 8: L’effet sur le bien-être de l’imposition d’un droit de douane compensateur. Au prix mondial p0, le marché d'importations du pays considéré s'équilibre au point A si on est en régime de libre-échange. La subvention à l’exportation d'un gouvernement étranger abaisse la courbe d'offre en p1 et augmente les importations du pays importateur. Dans ce cas, le monde subit un gaspillage des ressources égal à la surface c, si on suppose que le coût marginal en ressources de l'offre est égal à p0 . En effet, le pays exportateur perd a+b+c alors que le pays importateur gagne a + b. Si le pays importateur impose un droit de douane compensateur juste suffisant pour équilibrer la subvention à l'exportation, on retrouve le même prix p0 et le même volume d'échange M0 qu’au point A, où prévalait le libre-échange. 31 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg Du point de vue de l'efficacité mondiale, le droit de douane compensateur est ici une application réussie de la règle de “spécificité”, car il frappe exactement l'activité dans la mesure même de la distorsion introduite par la subvention. Quant au pays exportateur, la situation est paradoxale car il subit une perte nette égale à la surface a, alors qu'en l'absence de subvention et donc du droit de douane compensateur, il éviterait cette perte. Enfin, le pays importateur reçoit un gain par rapport au régime de libre-échange, équivalant à la surface a, qui constitue un pur transfert du pays exportateur vers le pays importateur. En imposant un droit de douane compensateur, le pays importateur sert l'efficacité mondiale à ses dépens, puisqu'il perd ainsi la surface b dont il bénéficierait en l’absence de représailles. Si on raisonne en l'absence d'effets externes, les subventions à l'exportation établissent ainsi un curieux partage des enjeux entre le bien-être national et le bien-être mondial. En régime de changes flexibles, il est important de noter que les subventions à l'exportation impliquent des subventions implicites à l'importation pour le pays qui subventionne en raison de l’élévation du taux de change qui, bien que faible, facilite l’achat de biens étrangers. 8. CONCLUSION Un droit de douane peut s'appuyer sur des arguments valables mais qui ne sont pas ceux qui sont utilisés d'habitude. D'une façon ou d'une autre, toutes les défenses légitimes d'un droit de douane se fondent sur l'existence d'effets externes c'est-à-dire de distorsions, ou de disparités entre gains et coûts privés et sociaux, qu'il convient de prendre en compte. Quand une nation dans son ensemble, peut influer sur le prix auquel les étrangers offrent les importations, un droit de douane positif peut être optimal pour la nation. Ce pouvoir national de monopsone est assimilable à une distorsion, puisqu'il existe un écart entre le coût marginal auquel la société prise dans son ensemble peut acheter les importations et le prix que tout individu devrait payer s'il agissait isolément en l'absence de droit de douane. Le taux du droit de douane optimal pour la nation est égal à l'inverse de l'élasticité de l'offre étrangère. Si la courbe d'offre étrangère est infiniment 32 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg élastique et si le prix mondial est fixe pour la nation, le droit de douane optimal est égal à zéro. Moins l'offre étrangère est élastique, plus le droit de douane optimal est fort. Mais le droit de douane n'est optimal que si les gouvernements étrangers n'imposent pas en représailles des droits de douane sur les importations. Et, qu'il y ait ou non des actions de représailles en l'absence d'effets externes, le droit de douane optimal pour la nation constitue néanmoins une perte de bien-être pour le monde pris dans son ensemble. Quand il existe des distorsions (effets externes) au sein de l'économie nationale, il vaut sans doute mieux instaurer un droit de douane que de ne rien faire. Le fait de savoir si cela vaut mieux dépend des informations empiriques précises que l'on possède. Mais si instaurer un droit de douane est préférable à ne rien faire, un autre instrument est souvent encore meilleur que ce droit de douane. Selon la règle de spécificité, il convient d'utiliser l'instrument de politique économique qui touche de plus près le centre de la distorsion entre incitations privées et sociales. Cette règle empirique joue à l'encontre du droit de douane, qui n'a en général qu'un lien indirect avec la source de la distorsion intérieure. La plupart des principaux arguments en faveur d'un droit de douane, tels que les arguments de l'industrie naissante et de la défense nationale, ne parviennent pas à montrer que le droit de douane est préférable à tout autre instrument de politique économique. Le cas le plus favorable au droit de douane est constitué par le cadre d'un pays neuf, où le pays est si pauvre et son gouvernement si peu développé que le droit de douane est une source des recettes de l'Etat nécessaires au financement des investissements et services publics de base. L’analyse des barrières à l’exportation est symétrique à celle des barrières à l'importation. Un droit à l'exportation cause plus de tort aux producteurs de biens d'exportation qu'il n'aide les consommateurs et procure des recettes à Etat. Il laisse donc un coût net à la charge de la nation lorsque celle-ci ne peut exporter qu'à un prix mondial fixe. Si la nation dispose d'un certain pouvoir de monopole, elle peut tirer des gains nets d’un droit à l’exportation, comme une nation qui disposait d'un pouvoir de monopsone pouvait prélever un droit de douane optimal à l’importation. 33 Politique Commerciale Internationale - Prof. J. GAZON - SEII - ULg Enfin, la subvention à l’exportation est plus usitée que le droit de douane à l’exportation. Elle constitue une perte nette au niveau du monde. En effet, elle peut aussi faire l’objet de représailles de la part du pays importateur qui peut imposer un droit de douane compensateur. 34