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scènes
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la visite de la vieille dame
© vanappelghem
ISSN 1016-9415
275 / septembre 2015
CHF. 12.-- 12 €
DANSE - THÉÂTRE - MUSIQUE - HUMOUR - CHANSON - OPÉRA...
ALAIN PLATEL | MICHEL AUMONT | EMMANUELLE DEVOS | AVISHAI COHEN
OMAR PORRAS | MOURAD MERZOUKI | ÉDOUARD BAER | LÉA DRUCKER | SYDNEY DANCE CIE
CIRQUE AÏTAL | COMPANY WAYNE MCGREGOR ...
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Découvrez les 80 spectacles de la saison 2015 | 2016 sur www.equilibre-nuithonie.ch
Billetterie Fribourg Tourisme et Région 026 350 11 00
s o m m a i r e
66 cinéma
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10
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cine die / raymond scholer
les cinémas du grütli / christian bernard, serge lachat
cinémathèque suisse / raymond scholer
les films du mois / serge lachat
locarno : 68e festival del film / émilien gür
opéra
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14
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22
23
grand théâtre : guillaume tell / éric pousaz
scala : otello / martine duruz
strasbourg : la dame de pique / éric pousaz
lyon : pelléas et mélisande / françois jestin
zurich : i capuleti e i montecchi, elektra, lohengrin / é. pousaz
vienne : the tempest, geistervariationen, rigoletto / é. pousaz
berlin : faust & ariadne auf naxos / éric pousaz
à la comédie : cassandre / kathereen abhervé
ailleurs
25
25
chronique lyonnaise : saison / frank langlois
danse
26
26
meyrin et villars-sur-glâne : ballet preljocaj / bertrand tappolet
saisons
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28
30
31
32
équilibre & nuithonie : riche saison / valérie vuille
thonon-évian : à chacun ses couleurs ! / kathereen abhervé
vidy : le théâtre n’existe pas / frank dayen
entretien : pascal rambert / nancy bruchez
spectacles
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34
35
36
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la bâtie : arts en transversalités / bertrand tappolet
carouge : semianyki express / julien roche
théâtre st-gervais / rosine schautz
théâtre am stram gram / kathereen abhervé
festivals
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38
40
entretien : daniel bizeray / pierre-rené serna
avignon / frank fredenrich
omar porras
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le théâtre en paroles et musique / frank dayen
livres : omar porras et le teatro malandro / rené zahnd
entretien : odile cornuz / anouk molendijk
portrait : philippe gouin / brigitte prost
entretien : anne schwaller / frank dayen
entretien : valère girardin / laurence tièche chavier
entretien : catherine bolle / nadia el beblawi
entretien : jean liermier / laurence tièche chavier
275 / septembre 2015
51
52
53
54
entretien : clotilde mollet / jérôme zanetta
christophe rauck & figaro divorce / frank fredenrich
portrait : cécile garcia-fogel / jérôme zanetta
entretien : cédric pescia / martine duruz
festivals
57
57
58
60
62
63
64
66
avignon / anouk molendijk
chorégies d’orange / françois jestin
aix-en-provence / françois jestin
radio france et montpellier / françois jestin
montpellier danse / bertrand tappolet
beaune : extases baroques / pierre-rené serna, éric pousaz
verbier : atmosphères contrastées / éric pousaz
musique
68
68
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73
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entretien : david greilsammer / christian bernard
portrait : werner güra / david verdier
portrait : valery gergiev / éric pousaz
ensemble contrechamps : saison / anouk molendijk
ensemble vocal de poche / martine duruz
agenda romand / yves allaz
expositions
76
76
78
78
79
79
80
80
81
81
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fondation gianadda : matisse et son temps / s. clar-boson
mémento beaux-arts : france
landerneau : alberto giacometti
mémento beaux-arts : ailleurs
trieste : ippolito caffi
mémento beaux-arts : suisse romande
musée de carouge : concours international de céramique
mémento beaux-arts : suisse alémanique
bienne : journées photographiques 2015
musée rath : j’aime les panoramas / nadia el beblawi
paris
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91
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entretien : stéphane lissner / pierre-rené serna
entretien : christian schirm / pierre-rené serna
opéra : adriana sans histoires / pierre-rené serna
sélection musicale de septembre / françois lesueur
mémento théâtre
bouffes du nord : battlefield
poche-montparnasse : the servant
mémento expositions
institut du monde arabe : osiris, mystères engloutis d’égypte
92 les mémentos
92
93
encarts : messe en si au victoria hall / quatuor de genève &
quatuor terpsychordes / ombres sur molière à l’alchimic
encarts - eldorado au théâtre du loup / sylviane deferne à
lausanne
EDITO
direction
Frank Fredenrich
comité de rédaction
Christian Bernard, Serge Bimpage,
Françoise-Hélène Brou, Laurent
Darbellay, Frank Dayen, Martine
Duruz, Frank Fredenrich,
Jérôme Zanetta
éditeur responsable
Frank Fredenrich
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bimpage-communication
Kathereen Abhervé
Viviane Vuilleumier
secrétaire de rédaction
Julie Bauer
collaborateurs
Kathereen Abhervé, Yves Allaz,
Julie Bauer, Eléonore Beck,
Nancy Bruchez, Gabriele Bucchi,
Sarah Clar-Boson, Gilles Costaz,
Martina Diaz, Nadia El-Beblawi,
Catherine Graf, Emilien Gür,
Bernard Halter, Christophe Imperiali,
Pierre Jaquet, François Jestin,
Régine Kopp, Serge Lachat,
Frank Langlois, François Lesueur,
Anouk Molendijk, Lou Perret, Michel
Perret, Eric Pousaz, Stéphanie Nègre,
Christine Pictet, Brigitte Prost,
Christine Ramel, Serene Regard,
Christophe Rime, Julien Roche,
Emmanuèle Rüegger, Maya Schautz,
Rosine Schautz, Raymond Scholer,
Pierre-René Serna, Bertrand Tappolet,
Laurence Tièche Chavier, David
Verdier, Valérie Vuille,
Christian Wasselin, Beata Zakes
maquette : Viviane Vuilleumier
imprimé sur les presses de
PETRUZZI - Città di Castello, Italie
Vidy-TKM: le derby peut commencer
A
ux oubliettes l'histoire d'amour entre Vidy et Kléber-Méleau. Leurs
capitaines (René Gonzales† et Philippe Mentha), jadis alliés, sitôt
disparus, les deux formations se distinguent, vont s'affronter.
Première conséquence : il faudra désormais choisir entre l'abonnement Vidy et
l'abonnement TKM.
Deux styles
En se profilant comme le défendeur du texte et du théâtre populaire, Omar
Porras construit un programme aux antipodes de la programmation de
Baudriller à Vidy. Jugée exigeante, abstraite, choquante, voire incompréhensible pour certains, la ligne artistique du nouveau directeur a secoué les habituels
abonnés – ce qui n'est pas sans mérite. Mais, à force de trop viser le coup d'éclat ou la polémique (entendez le buzz), Vidy risque de perdre en crédibilité et
ne garder que l'avant-garde intellectuelle, trop petite pour être rentable et souvent infidèle. Ambitieux, le Théâtre au bord de l'eau s'autoproclame “espace
théâtral européen“. Mais, au contraire de celui du Festival d'Avignon, le public
de Vidy n'est pas constitué de vacanciers festoyeurs, suffisamment détendus
pour avaler une performance par soir sur une semaine. Aujourd'hui, Vidy convie
à consommer (autant à la Kantina que dans les salles) et à enchaîner les spectacles (jusqu'à pouvoir les cumuler afin d'en voir plusieurs en une soirée). Le
public que Gonzales a réussi à fidéliser était autre. Il s'était forgé une vision du
théâtre, savait écouter puis réfléchir, et était entraîné à la digestion. Après 20
ans, le public de l'ère Gonzales était certes vieillissant, mais cela ne l'empêchait
guère de goûter aux productions les plus novatrices et pointues (Goebbels,
Lupa…).
Deux tactiques
Alors ? Miser sur un rajeunissement du public ? Cela paraît légitime à l'heure où la fréquentation est en baisse (de 85% de fréquentation en 2011 à 77%
aujourd'hui pour Vidy, alors qu'il est arrivé de voir la salle à moitié vide à
Kléber-Méleau). Le problème est que cette clientèle est devenue de plus en plus
consommatrice – et à moindre coût - du Tube, qui accapare toujours plus son
esprit, se préoccupant de moins en moins de théâtre. Il n'y a qu'à voir le peu de
succès que remporte l'initiative Passculture auprès des écoles vaudoises, ainsi
que la politique tarifaire très avantageuse pratiquée par Vidy auprès des jeunes
ces dernières années. Si Vidy vise l'élite, les écoles et les jeunes (jusqu'à programmer cette saison trois spectacles pour enfants), TKM mise sur le spectateur
de tous les jours, le travailleur lambda, le vulgum pecus, pour qui le théâtre n'est
ni épreuve ni performance, mais poésie et artisanat. TKM risque donc bien de
récupérer les anciens de Vidy laissés sur la touche.
Alors, développer les alliances ? Vidy a grappillé l'audience de l'Arsenic
pour lui voler sa place de scène d'avant-garde (si l'Arsenic et Vidy renouvellent
leur programme commun en 2016, Sandrine Kuster a déjà annoncé son départ
pour 2017), est en train de phagocyter le Festival la Bâtie (un partenariat initié
par l'Arsenic) et a ratissé large avant l'arrivée de Porras au TKM en multipliant
ses collaborations tous azimuts (Art Brut, Cinémathèque, Manufacture, UNIL,
Sévelin 36, Musée de l'Elysée…), quitte à bouleverser le paysage théâtral
scènes
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Tél. (022) 346 96 43 de France 00-41-22 346 96 43
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romand. De son côté, TKM s'est émancipé de son
grand frère Vidy (chaque salle aura son abonnement spécifique) avec l'ambition de se trouver
son propre public. (suite page .....)
Il s'assure de nouvelles alliances (Théâtre de
Beausobre, Am Stram Gram, ainsi que des institutions en France et au Japon) et reprend une collaboration que Vidy a laissé tomber (celle du
Théâtre de Carouge). Mais Porras compte déjà un
réseau romand solide et un public acquis à sa
ligne artistique.
A qui les fonds publics ?
Vidy et TKM sont aussi deux entreprises,
dont la gestion se doit d'être en phase avec leur
temps. TKM a transformé son statut d'association
en fondation, en s'attirant les subsides pérennes
de huit communes alentours – ce que Mentha n'avait pas réussi. TKM peut ainsi compter sur au
moins deux millions de francs de soutiens
publics. Tandis que Vidy se trouve dans une position fragile parce que son système d'autofinancement, mis en place par l'ancien directeur René
Gonzales (jusqu'à 60% de recettes à l'époque,
contre à peine 20% d'autofinancement pour les
autres salles de la francophonie) est de moins en
moins évident. En effet, crise oblige, avec la
réduction du soutien à la culture dans l'Hexagone,
les productions étrangères y seront de moins en
moins les bienvenues. Par conséquent, si Vidy
aura de plus en plus de peine à s'exporter, il aura
besoin d'un financement supplémentaire. Le problème est que l'importance de son subventionnement fait déjà des jaloux (le budget de fonctionnement de Vidy s'élève à 20 millions, soit plus
que le Théâtre de l'Odéon à Paris). Et pas question d'augmenter encore le prix des billets (55.pour un spectacle à Vidy (!), 45.- au TKM). Par
conséquent, tandis que les publics des théâtres
s'amenuisent, l'avenir est à qui pourra le plus prétendre à des subventions.
Les deux équipes ont aligné leurs joueurs, les
politiques arbitrent la partie, le public applaudit.
Que le spectacle commence.
MIGRO
-CULTUREL-CL
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U
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01
Saison 2015/2
6 au Victoria H
ASSICS
all à 20 h
Jeudi 29 octobre 2015
PHILHARMONIA ORCHESTRA LONDON
Esa-Pekka Salonen (direction), Arabella Steinbacher (violon)
Œuvres de Dubugnon**, Brahms, Sibelius
Jeudi 26 novembre 2015
ORCHESTRE DE CHAMBRE DE L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE
DE LA RADIO BAVAROISE
Hélène Grimaud (piano)
Œuvres de Hefti**, Bach, Mozart, Haydn
Jeudi 3 décembre 2015
ORCHESTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
Philippe Herreweghe (direction), Isabelle Faust (violon)
Œuvres de Beethoven
Jeudi 21 janvier 2016
ORCHESTRE SYMPHONIQUE D’INDE
Zane Dalal (direction), Zakir Hussain (tabla)
Œuvres de Smetana, Hussain, Bartók
Jeudi 25 février 2016
CAMERATA SALZBURG
Katia et Marielle Labèque (piano)
Œuvres de Haydn, Mozart, Mendelssohn
Jeudi 17 mars 2016
ORCHESTRE NATIONAL DE RUSSIE
Mikhail Pletnev (direction), Lionel Cottet* (violoncelle)
Œuvres de Tchaïkovski, Glazounov
Mardi 26 avril 2016
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE ROTTERDAM
Yannick Nézet-Séguin (direction), Sol Gabetta* (violoncelle)
Œuvres de Tchaïkovski, Chostakovitch, Prokofiev
Vendredi 27 mai 2016
ORCHESTRE DE PARIS
Paavo Järvi (direction), Khatia Buniatishvili (piano)
Œuvres de Dubugnon**, Schumann, Chostakovitch
* Solistes suisses
** Compositeurs suisses
Billetterie dès le 14 septembre: Service culturel Migros Genève, rue du Prince 7, Tél. 058 568 29 00
Stand Info Balexert et Migros Nyon-La Combe.
www.culturel-migros-geneve.ch
Organisation: Service culturel Migros Genève
www.culturel-migros-geneve.ch | www.migros-pour-cent-culturel-classics.ch
PREMIÈRE SUISSE
THÉÂTRE DE BEAULIEU
30 SEPTEMBRE, 20H
1ER OCTOBRE, 20H
FD/SCENES MAGAZINE
Formulaire d’abonnement
à la page 55
MIKHAILOVSKY
BALLET
SAINTPÉTERSBOURG
T 021 315 40 20
WWW.OPERALAUSANNE.CH
c
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a
le cinéma au jour le jour
Cine Die
15e Neuchâtel International Fantastic Film Festival
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Japon
J’inaugure le festival avec une conférence de Shion Sono, l’enfant
terrible du cinéma japonais, qui semble avoir pris la relève du stakhanoviste Takashi Miike en le dépassant. Par acquit de conscience, je compare
les filmos : Miike sort deux films cette année, Sono six ! Que dans cette
ivresse productive la qualité puisse rester parfois sur le carreau n’étonne
guère et Tokyo Tribe (2014) en est l’illustration. Dans le Japon d’un futur
plus ou moins proche, mais probablement alternatif, les gangs de Shibuya
se livrent à des luttes hégémoniques où les sympas se mesurent aux
méchants. Les sympas sont amoureux et loyaux, quoique filous, et excellent en arts martiaux (surtout la fille du chamane !), les méchants ricanent,
grimacent, humilient, torturent et tuent pour un rien et utilisent des artilleries élaborées. Leurs rejetons ont des plaisirs pervers, comme celui d’utiliser comme canapés ou sièges des esclaves à quatre pattes. Zut ! j’ai failli
oublier : tout le film est chanté sur des (il y en a plusieurs ?) rythmes de
rap et la langue nippone s’y prête étonnamment bien. Tant sur le plan dramatique que sur le plan musical, la répétitivité règne en maître. Mais les
«Tokyo tribe» de Shion Sono
plans sont toujours pleins de choses à regarder. Cela se voit donc sans
ennui, mais un remontant est indispensable après le film. Monsieur Sono
n’a pas dit grand-chose sur le film et ce qu’il a raconté sur ses débuts au
cinéma était d’une plate banalité. Manifestement, il préfère s’exprimer à
travers ses films. Tant Why Don’t You Play in Hell (2013) que Strange
Circus (2005) étaient autrement plus construits et inventifs que son opéra
rap. Dans Strange Circus, Mitsuko, à peine pubère, est contrainte par son
père (directeur d’école, pour corser l’histoire) à assister en secret aux ébats
de ses parents. Le père la viole ensuite devant maman, qui n’ose rouspéter. Dès lors, le mâle a son harem bicéphale soumis à sa volonté incestueuse. Voilà l’édifiante histoire d’une famille dysfonctionnelle racontée par
une femme écrivain en chaise roulante qui ressemble furieusement à la
mère de l’histoire. On se dit donc que l’écrivain est peut-être Mitsuko
adulte, qui se guérit par l’écriture du traumatisme subi. Mais on n’est
qu’au milieu du film et Sono n’a pas dévoilé toutes ses cartes, une plus
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«Why Don’t You Play in Hell»
délirante que l’autre. Why Don’t You Play in Hell est une ode jubilatoire
au 35 mm, où un producteur yakuza (joué par le pince-sans-rire Jun
Kunimura) qui veut faire de sa fille gâtée une star de cinéma, confie la
réalisation d’un film d’action à une équipe de tournage juvénile (sous les
ordres d’un réalisateur in spe qui se prend pour un avatar d’Eisenstein et
de Tarantino). Les sbires occuperont les rôles secondaires et compléteront
l’équipe technique. Parallèlement, ils sont impliqués dans une guerre sans
merci entre gangs, dont le tournage profitera pour des scènes de bataille
dantesques qui entraîneront leur lot de vraies morts et mutilations, où seul
Dieu reconnaîtra les siens. Quand on aime le cinéma, il faut en baver ! Si
les films de Sono ont tendance à se vautrer dans toutes sortes d’excès, ils
emportent l’adhésion à cause de leur enthousiasme communicatif. On ne
peut en dire autant du dernier film de Mamoru Oshii, Nowhere Girl, où le
réalisateur nous inflige pendant une heure les déambulations fatiguées
d’une héroïne amorphe, Ai, qui encaisse stoïquement les coups et humiliations que lui infligent ses camarades de la classe d’arts visuels sur fond
de « Petite Musique de Nuit » de Mozart. On devine vaguement qu’elle
travaille en secret sur une sculpture monumentale qu’elle cache sous une
bâche dans la salle omnisports, mais on attend qu’elle se réveille de sa torpeur. Comme la même actrice, Nana Seino, cassait des membres à gauche
et à droite dans Tokyo Tribe (c’est elle, la fille du chamane !), on n’est pas
étonné qu’au bout d’une heure, un tremblement de terre (ou bombardement ?) secoue l’école et que Ai se mette en mode action pour régler leur
compte à ceux qui l’ont enquiquinée et pour liquider des vagues incessantes de soldats russes. Cela se déroule peut-être uniquement dans sa tête,
mais son enrôlement ultérieur dans l’armée en branle-bas de combat laisse songeur. Pour Abe et le Tenno ? Vivement qu’Oshii retourne au cinéma
d’animation qui l’a rendu célèbre (Ghost in the Shell, 1995).
Asie Continentale
Full Strike (Derek Kwok & Henri Wong), où une championne déchue
de badminton retrouve un deuxième souffle, grâce à un coach alcoolique qui
renonce pour elle à la dive bouteille, ne m’enthousiasme guère, car il accumule les poncifs obligatoires de la grosse comédie hongkongaise qui tache.
Black and White : Dawn of Justice du Taiwanais Yueh-Hsun Tsai est un
film catastrophe où un terroriste obnubilé par le désir de nettoyer la planète
de son pire ennemi, l’homme, fait exploser tous les accès à une ville située
sur une île, pour la tenir à sa merci. Il sème ensuite un virus dont il est le
seul détenteur d’anticorps. Sans surprise, le film coche les étapes convenues,
rendues intéressantes à la tranche du public qui y est sensible, par un policier au physique agréable. Le seul nouveau film asiatique de belle tenue fut
Office du Sud-Coréen Won-Chan Hong (scénariste de The Chaser de Hong-
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Jin Na, 2009) où une petite stagiaire de bureau se venge des humiliations
infligées par ses collègues en les liquidant à l’occasion d’une méprise policière : les détectives croient que les meurtres sont perpétrés par un collègue
(qui vient d’assassiner sa famille).
Sphère Hispanique
La Isla Minima (Alberto Rodriguez, 2014) se déroule dans les années
suivant la mort de Franco dans le delta poisseux du Guadalquivir : deux
flics, dont l’aîné est soupçonné d’un passé pas net dans les rangs des tortionnaires du régime, essaient de mettre la main sur un tueur d’adolescentes.
Atmosphère à la True Detective, construction limpide quoique tortueuse,
suspense impeccable : pas étonnant que le film ait triomphé aux Goya espagnols en février. El Cadaver de Anna Fritz de Hector Hernan Vicens raconte un méfait particulièrement glauque, le viol, à la morgue, du cadavre d’une
actrice jeune et célèbre par trois copains. Mais … Le cadavre se réveille pendant l’acte et n’arrive pas à se défaire tout de suite de sa rigidité mortuaire.
Le trio se concerte : quoi de plus simple que de terminer le travail de la nature, ni vu ni connu, et on n’en parlera plus ? Une chose est sûre : il faut se
décider vite. Scherzo Diabolico, du Mexicain Adrian Garcia Bogliano, commence également par un acte de vilenie : un sous-chef masqué kidnappe la
fille du directeur et la maintient au secret pendant une semaine dans le but
de faire perdre les pédales au papa pour s’emparer de son poste dans l’entreprise. Il réussit son coup, mais en prenant congé du père et de la fille, un
minuscule détail sonore met la puce à l’oreille de la jeune victime. Sa vengeance sera cent fois pire que le préjudice subi. Dans Todos Estan Muertos
de l’Espagnole Beatriz Sanchis, une grand-mère, sentant sa fin approcher,
fait revenir son fils d’outre-tombe pour qu’il sorte la mère de son petit-fils
(qui est aussi la sœur dudit fils), devenue autiste au point de négliger l’ado,
de sa dépression. Le regard hanté de la belle Elena Anaya reflète les reproches qu’elle se fait à longueur de journée.
n’a plus le moindre sentiment. Du
coup, la jeune femme se sent destinée à la reconquête de son mec !
Très coloré (les parents alcoolos
ressemblent à des zombies) et
peuplé de façon hilarante d’individus qui pratiquent le métier de
super héros par la bande. Dans I
Am Here du Danois Anders
Morgenthaler, Kim Basinger joue
une femme d’affaires hambourgeoise quadra qui ne peut avoir
d’enfants. Plaquant tout, elle roule
jusqu’à la frontière tchèque où les
Lovemilla
prostituées, lui a-t-on dit, vendent
volontiers leurs bébés. Elle se fait happer par ce demi-monde d’où elle
émergera, après six semaines d’inconscience due à la drogue, comblée, puisqu’enfin enceinte. Le titre se réfère à la voix de l’enfant à naître qui lui parle
tout au long de son périple. Men & Chicken / Maend & Hons de Anders
Thomas Jensen, est une allégorie sur l’eugénisme et la différence fondamentale entre le civilisé et l’humain. Deux demi-frères dotés d’un bec-de-lièvre
mais d’intérêts très divergents, apprennent à la mort de leur père qu’ils ne
sont que des enfants adoptés. Leur vrai géniteur vit sur une île reculée et
lorsqu’ils veulent lui rendre visite, ils découvrent qu’ils ont encore trois frères supplémentaires, qui arborent tous le bec-de-lièvre familial, et vivent,
coupés du monde, dans une maison de maître délabrée et sale, où des pièces
entières sont occupées par des animaux de ferme. Le père n’est plus qu’une
Sphère Nordique
Alors que le fantôme espagnol se révélera bénéfique, le revenant du
crooner japonais qui accompagne les heures creuses et rêveuses de la malheureuse Liza, the Fox-Fairy du Hongrois Karoly Ujj Meszaros s’avère
fourbe et maléfique : il s’ingénie à provoquer la mort des rares amants de la
pauvrette. Arrivera-t-elle à trouver une âme sœur qui restera en vie ?
«Men & Chicken» de Anders Thomas Jensen
«Liza the fox-fairy» de Karoly Ujj Meszaros
Lovemilla du Finlandais Teemu Nikki est une pochade de science-fiction,
où un jeune cuistot, inquiet de ne plus être à la hauteur à cause des flirts
innocents de sa dulcinée, se fait renforcer par un exosquelette qui, tout en lui
donnant des forces surhumaines, le rend monstrueux aux yeux de sa belle.
Son cœur se brise et il le fait remplacer par un exemplaire mécanique, qui
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momie non déclarée, la fratrie interdisant tout accès au domaine. Au cours
de leurs investigations, les nouveaux arrivés découvrent que leur père a trafiqué l’ADN de chacun de ses fils, y insérant un bout d’ADN animal. Le fait
que Mads Mikkelsen soit constamment en rut s’explique par le fait que son
matériel génétique a été combiné à celui d’un taureau ! Der Bunker de
l’Allemand Nikias Chryssos épingle la coquille vide de l’éducation, quand
un couple vivant en autarcie dans un bunker en forêt confie l’instruction de
son rejeton, qui a l’air trentenaire, à un étudiant qui est venu vivre chez eux
pour rédiger en paix sa thèse scientifique. Un extraterrestre logé dans la
jambe de la femme prodigue à celle-ci des conseils, telle la pythie de
Delphes. Les parents exigeants promettent à leur fils qu’il deviendra président dès qu’il saura par cœur les capitales des pays.
Au mois prochain
Raymond Scholer
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les cinémas du grütli
Miguel Gomes, une
rétrospective, trois sorties
Rentrée substantielle avec la très attendue trilogie de Miguel Gomes Les
Mille et une nuits, une rétrospective Francesco Rosi et trois sorties.
8
Les Mille et une nuits
Francesco Rosi
Plutôt qu’une trilogie, un film en trois parties ou volumes (L’Inquiet, Le Désolé et
L’Enchanté) présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes. Gomes est
l’auteur d’un film inoubliable, Tabou (2012),
mélodrame décalé à la fois parlant et muet, au
somptueux noir et blanc. Loin de l’épure esthétique et du retour sur un genre cinématographique que constituait Tabou, il nous propose
ici son regard sur la crise que traverse le
Portugal depuis quelques années. Tour à tour
Du 9 au 22 septembre, hommage en 10 films
à l’auteur de Salvatore Giuliano, Mains basses
sur la ville, Les Hommes contre, Cadavres
exquis. Du grand cinéma politique italien.
Trois sorties
Trois films qui tous ont remporté des prix
dans différents festivals. Tout d’abord Sam
d’Elena Hazanov (dès le 9 septembre) qui raconte comment un petit garçon de 7 ans qui doit aller
vivre avec son père qu’il ne connaît pas et qui est
en pleine crise de la quarantaine apprivoise peu à peu
celui-ci. Un film plein de
bons sentiments, mais aussi
de stéréotypes.
La Isla minima
d’Alberto Rodriguez (dès le
1er septembre), un thriller
apprenne qu’il a été un terrible tortionnaire de la
police politique de Franco.
Le Challat de Tunis enfin (dès le 9 septembre) qui offre une saisissante peinture des rapports hommes-femmes dans une Tunisie où ces
dernières cherchent à s’occidentaliser.
S’inspirant d’un fait divers ou d’une rumeur
datant de l’époque de Ben Ali, la réalisatrice
Kaouther Ben Hania décide d’enquêter sur l’histoire d’un homme à moto qui, armé d’un rasoir,
balafrait les fesses des femmes aux jupes trop
courtes ou aux jeans trop serrés.
La bonne idée de la cinéaste est de se filmer
elle-même en train de préparer le tournage d’un
film sur ce « challat ». A partir de là, le spectateur n’arrive plus à distinguer le vrai du faux.
Ainsi, interrogeant des acteurs (?) parmi lesquels
elle est supposée trouver celui qui pourrait incarner le « challat », elle obtient un flot de discours
« machistes » de tous ces candidats qui « comprennent » ce geste punitif. Et que croire lorsque
s’immisce parmi ces « acteurs potentiels » un
candidat qui affirme être le vrai « challat » ?
Continuant son enquête préparatoire, caméra à l’épaule, la cinéaste interroge les gens dans
la rue, tombe sur un imam qui affirme que le sexe
féminin est le diable, puis sur l’inventeur d’un
jeu vidéo à succès dont le héros est le « challat ».
Pire, elle rencontre la créatrice d’un test urinaire,
le « vaginomètre » qui permet de mesurer la virginité des futures candidates au mariage !
Confronté à ce « documenteur » roublard qui
brasse les scènes les plus loufoques et les scènes
«Le Challat de Tunis» © Trigon Films
fiction et documentaire, il emboîte tel
Schéhérazade les histoires comme des tranches
de rêves, dans une profusion baroque qui sait
soudain s’effacer devant les témoignages des
victimes de la crise, face caméra. La critique
cinéphile évoque selon les histoires, Pasolini,
Godard, Agnès Varda, Manoel de Oliveira ou
Apichatpong Weerasethakul….
Le 11 septembre à partir de 18h. projection
de l’intégralité des Mille et une nuits en collaboration avec la Bâtie et en présence de Miguel
Gomes. Puis projections de L’Inquiet à partir du
12 septembre, Le Désolé à partir du 30 septembre, L’Enchanté à partir du 31 octobre.
a
espagnol qui fait
«Les Mille et une Nuits» - volume 1 © Box Productions
parfois penser à ces
polars noirs qui se
déroulent dans le sud des Etats-Unis. Ici, on est les plus vraisemblables, le spectateur ne sait plus
au début des années 80 dans l’embouchure du vraiment distinguer le réel de l’imaginaire.
Guadalquivir où deux flics, un ancien de la poli- D’autant plus que les acteurs sont majoritairement
ce franquiste et un jeune qui a commencé avec la des non-professionnels. Mais il ressort du film
démocratie, tentent d’élucider une série de meur- avec une certitude : la société tunisienne (masculitres dont sont victimes des jeunes filles. ne, bien sûr, mais aussi en partie féminine) est
Récompensé par 10 Goyas (!!!), ce film habile et d’une misogynie terrifiante et elle reste, malgré le
maîtrisé est troublant dans la mesure où il nous « printemps arabe », viscéralement traditionaliste
présente le vieux flic comme beaucoup plus sym- dans sa vision des rapports entre les sexes.
Christian Bernard, Serge Lachat
pathique que son jeune confrère jusqu’à ce qu’on
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septembre à la
Cinémathèque suisse
Sam Peckinpah (1925-1984)
Les 14 longs métrages de ce cinéaste américain à nul autre pareil ne sont pas tous des chefsd’œuvre, mais seuls ses deux derniers, Convoy
Peckinpah au tournage de «The Gateway»
assouvit sa soif de vengeance et trouve sa
rédemption, pour l'ultime fois dans un film de
Peckinpah, dans la catharsis de la violence et l'amour d'une femme. La même année, Peckinpah
tourne Ride the High Country, qui marque le
début de ce qu'on a appelé le western crépusculaire. Deux icônes du western, Joel McCrea et
Randolph Scott, montrent leur âge. L'intrusion de
la civilisation dissout l'éthique de l'amitié et de la
loyauté chère au western. Et quand le soleil se
couche sur McCrea mourant, il se couche aussi
métaphoriquement sur le western. Dorénavant il
n'y aura plus de repères moraux. Dans Major
Dundee, Peckinpah voulait aller à l'encontre du
mythe américain sur la Guerre de Sécession et les
guerres contre les Indiens, en montrant l'arrogance, le racisme, la violence. Mais malgré l'intercession de Charlton Heston, il ne put tourner sa
version et dut se contenter d'un film mutilé.
Après une traversée du désert de trois ans, nourrie par une haine pour les producteurs et les studios et une consommation accrue de drogues et
d'alcool, Peckinpah mène un style de vie que l’on
retrou-ve dans ses films. L'histoire du tournage
de The Wild Bunch reflète ainsi celle que raconte le film. Un quarteron d'outlaws se réfugie au
Mexique, avant le début de la Grande Guerre,
pour se mettre au service d'un général contrerévolutionnaire corrompu. Par loyauté pour un
jeune révolutionnaire mexicain, ces repris de justice se sacrifient dans une scène finale de massacre dont la dimension et l'horreur n'avaient
jusque là jamais existé au cinéma, où le son de
l'impact des projectiles dans les corps se faisait
entendre pour la première fois. Le motif suicidai-
re des protagonistes qui cherchent la mort parce
qu'ils se sentent perdus dans le monde moderne
se retrouvait encore dans The Ballad of Cable
Hogue et Pat Garrett and Billy the Kid. Dans
Straw Dogs, un jeune mathématicien américain
qui s'est retiré avec sa femme dans un petit village anglais, est contraint, pour sauver son couple
des loubards qui le menacent avec agressivité et
stupidité, de recourir à une violence archaïque et
brutale, ceci montrant que le vernis de civilisation qui recouvre les instincts primitifs est très
fragile. Dans Junior Bonner et The Getaway, le
héros de western renaît sous une forme moderne,
une fois comme champion de rodéo (le rêve américain transformé en show business), une autre
fois comme gangster qui est le seul dans un
monde corrompu qu'on ne peut acheter. Comme
dans The Wild Bunch, le Mexique redevient un
espace de liberté dans Bring Me the Head of
Alfredo Garcia. Un Américain au bout du rouleau perçoit, dans la quête de la tête d'un mort, la
chance de sa vie, mais elle se termine sous une
grêle de balles. L'ère de l'individu est terminée,
celle des conglomérats opaques a commencé,
comme le montre The Killer Elite des services
secrets. Dans Cross of Iron, le sergent Steiner
garde sa dignité en dépit de l'inhumanité de la
guerre totale.
Peter Ustinov (1921-2004)
Ustinov a réalisé 8 films, la Cinémathèque
en a choisi deux pour son hommage, Billy Budd
(1962) et Lady L (1965), les mêmes qu'elle a
montrés il n'y a pas si longtemps. On aimerait
bien une fois voir son premier, School for
Secrets (1946) ou son dernier, Memed My
Hawk (1984) ou sa satire sur la guerre froide,
Romanoff and Juliet (1961). N'est-ce pas le but
d'une cinémathèque de faire découvrir des raretés ? De même, parmi les films où l'acteur
Ustinov tient le haut du pavé, pourquoi avoir
choisi 2 films connus où il incarne Hercule
Poirot ?
(1978) - un film d’action dans le milieu des
camionneurs - et The Osterman Weekend (1983)
– un thriller politique sur des rivalités entre
agents secrets – sont des œuvres de commande
où le désintérêt du cinéaste est palpable. Issu
d’une famille californienne de juges et d’avocats,
Peckinpah se soustrait à une carrière juridique en
abordant, dès son retour de
l’armée, des études d’art dramatique. Il se retrouve au
milieu des années cinquante à
la télévision, où il écrit des épisodes de séries tv comme Tales
of Wells Fargo, Gunsmoke et
Klondike avant de passer à la
réalisation avec The Rifleman
(1958-1959) et The Westerner
(1960). Son premier western
de cinéma fut The Deadly
Companions (1961), où un
Ben Johnson, Warren Oates, William Holden et Ernest Borgnine dans «The Wild Brunch»
héros vieillissant et blessé
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Histoire du cinéma en
mots et en images
À partir du 16 septembre, et
en principe en alternance, Freddy
Buache, l’éminence grise, et Alain
Boillat, le petit dernier, donneront
ce nouveau cours les mercredis de
14h à 16h au Cinématographe.
L’entrée est libre. Stimulantes perspectives !
Raymond Scholer
9
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Les films du mois
«Amnesia» © Praesens films
AMNESIA
10
un film de Barbet Schroeder, avec Marthe
Keller, Max Riemelt, Bruno Ganz,… (F-CH
2015)
Sorti en séance spéciale à Cannes, projeté
sur la Piazza à Locarno, le dernier film de Barbet
Schroeder, tourné dans la maison de la mère du
cinéaste à Ibiza, c’est-à-dire dans les lieux
mêmes où avait été tourné More, son premier
film, en 1969 (film qui ressort d’ailleurs simultanément sur les écrans français), se donne
comme une réflexion personnelle sur la question
de la langue et de son rapport à l’histoire d’un
pays.
En effet, l’histoire racontée par Amnesia est
celle de la rencontre, au moment de la chute du
Mur de Berlin au tournant des années 90, de Jo,
un jeune musicien allemand, DJ passionné de
sampling, et de Martha, qui après la guerre a
refusé de parler allemand et de continuer à faire
de la musique (rappelons que la mère de Barbet
Schroeder a refusé d’apprendre la langue de
Goethe à son fils né en 1941!).
On le comprend : des éléments autobiographiques permettent au cinéaste de reprendre sous
un angle inédit la question de la culpabilité du
peuple allemand et de sa culture dans les horreurs
de la dernière guerre mondiale et de la possibilité d’expier cette culpabilité. Grave question et
qui mérite d’autant plus d’être soulevée qu’évidemment Jo, qui est né bien après la guerre, ne
comprend pas la position de Martha.
Il devra pourtant affronter la question de la
a
mémoire collective allemande lors d’un repas où
sont réunis sa mère, son grand-père et Martha.
Repas au cours duquel le grand-père qui n’a pas
fait l’armée pour cause de défaillance auditive
doit bien reconnaître sa responsabilité dans le
massacre de jeunes filles juives tout à la fin de la
guerre.
Si la question est grave et rappelle que
Schroeder tourne autour des mêmes problématiques que dans Le Mystère von Bülow et
L’Avocat de la Terreur, Amnesia n’atteint malheureusement jamais la force de ces deux films.
D’abord parce que l’histoire d’amour entre Jo et
Martha manque quelque peu de crédibilité :
même si Marthe Keller reste d’une grande beauté, la voir « danser » dans une boîte de nuit sur les
rythmes de Jo confine au grotesque. Ensuite
parce que le film de Barbet Schroeder est d’une
lourdeur démonstrative, d’un didactisme (il va
jusqu’à nommer la boîte de nuit où se produit Jo
Amnesia !!!) à décourager les spectateurs les
mieux intentionnés… Et les magnifiques couchers de soleil et le décor paradisiaque d’Ibiza,
même filmés en numérique 6K, ne suffisent pas à
emporter notre adhésion.
Serge Lachat
COUP DE CHAUD
Serge Lachat
un film de Raphaël Jacoulot, avec Jean-Pierre
Darroussin, Grégory Gadebois, Karim Leklou,
Carole Franck… (F, 2015)
Avant l’aube (2011) avait fait découvrir
Raphaël Jacoulot et son goût pour le huis-clos et
la montagne, ainsi que son envie de mêler les
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genres (drame social, psychologique, enquête
policière). Ce goût et cette envie se retrouvent
dans Coup de chaud : dans un village de la
France profonde, on a appris à accepter les écarts
de l’idiot du village (vol de fleurs et de figurines
au cimetière, intrusions dans les maisons,
marques trop fortes d’effusions,…). Mais il suffit
que la canicule frappe trop longtemps, que les
angoisses montent à propos des récoltes et que
des tensions naissent à propos de la pénurie d’eau
pour que le fragile équilibre local habilement
entretenu par un maire tolérant (Darroussin) se
lézarde et que la violence explose.
Ce qui semblait devoir prendre la forme
d’une chronique paysanne « à l’ancienne »
(Jacoulot filme d’ailleurs et raconte « à l’ancienne ») avec ses jalousies et ses conflits larvés bascule dans la fable sociale féroce avec une brutalité insoupçonnée. L’idiot du village multiplie ses
écarts, mais ce qui était toléré devient tout à coup
insupportable pour tous et Josef Bouzou (étonnant Karim Leklou) endosse rapidement le rôle
de bouc émissaire qui cristallise toutes les rancœurs et toutes les haines. Il avait l’habitude de
chaparder des babioles, il est forcément celui qui
a volé la pompe qui permettait d’irriguer les
champs ; il explosait dans ses refoulements
sexuels au point que presque violer une octogénaire, le voilà soupçonné du viol d’une adolescente mal dépucelée par son petit ami, soupçonné aussi de vouloir s’attaquer aux petites filles du
village.
Jacoulot, non sans finesse, réussit à nous
inclure dans cette communauté villageoise : difficile de ne pas partager les angoisses des habitants et de ne pas juger bien légère la tolérance
des autorités policières à l’égard de Josef ! C’est
dire que la mort de celui-ci est un soulagement
pour tout le monde, d’autant plus qu’elle coïncide avec le retour de la pluie ! Le village reprend
sa vie tranquille avec sa nouvelle maire : malgré
les vieux conflits et les inégalités, l’ordre règne à
nouveau. Mieux : celui qui est emprisonné pour
le meurtre de Josef est le menuisier, nouveau
venu à l’intégration difficile. Sans oublier que la
mort de l’idiot du village provoque le départ de
son ferrailleur de père et de sa famille, eux aussi
marginaux puisque manouches…
a
LA BELLE SAISON
un film de Catherine Corsini, avec Cécile de
France, Izïa Higelin, Noémie Lvovsky, Kevin
Azaïs, Bruno Podalydès… (F, 2015)
A l’ouverture du film, nous découvrons
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Delphine (Izïa Higelin) qui aide avec bonheur
son père dans ses travaux d’agriculteur. Un père
qu’elle adore, mais dont elle ne supporte plus la
pression qu’il exerce pour la voir mariée. Aussi,
lorsque celle avec qui elle entretient une relation
cachée lui annonce qu’elle choisit le confort d’un
mariage conventionnel, Delphine quitte la ferme
pour un travail de bureau à Paris.
C’est là que le spectateur prend pleinement
conscience que l’histoire racontée se déroule en
1971 avec les premières revendications féministes. Lors d’une course-poursuite avec la police à
la fin d’une manifestation, Delphine rencontre
Carole, professeur d’espagnol et militante, qui lui
fait découvrir les réunions politiques où il est
question de l’aliénation des femmes et des hommes « prisonniers » de leurs rôles ancestraux, des
inégalités de salaires entre les sexes, question
aussi de liberté sexuelle, de contraception et d’avortement… Rapidement les deux femmes vont
nouer une relation amoureuse passionnée, compliquée par la situation « conjugale » de Carole et
surtout par la situation familiale de Delphine
dont le père est victime d’un AVC qui le laisse à
l’état de légume, ce qui contraint la jeune femme
à retourner à la ferme pour aider sa mère.
La séparation ne fait qu’exacerber les sentiments de Carole qui préfère rompre avec son
compagnon et sacrifier l’indépendance qu’elle
revendique avec ses compagnes de lutte. Mais
elle ne tarde pas à découvrir que, dans cet univers
paysan, les revendications féministes relèvent du
délire (pour ces agriculteurs, leurs femmes doivent déjà être bien contentes de pouvoir toucher
au porte-monnaie familial), et que Delphine
passe pour une excentrique simplement parce
qu’elle prend dans ses mains de femme la destinée (économique) de la ferme parentale. C’est
dire qu’il est exclu pour elles d’afficher leur relation amoureuse et leur homosexualité.
La cinéaste réussit à montrer à la fois combien la campagne et la nature portent à incandescence la sensualité de cette relation et combien
cette passion s’effrite forcément devant les mensonges qu’impose un univers aussi « codé ». Et
lorsque la mère de Delphine (magnifique Noémie
Lvovsky) découvre la vérité, elle chasse la « tentatrice diabolique » du paradis dans une scène
terrible.
Film vraiment émouvant malgré quelques
maladresses (les personnages masculins ne font
pas vraiment le poids, la campagne apparaît caricaturalement figée dans les conventions), ce
mélodrame social magnifiquement porté par ses
actrices est aussi un film qui redit les espoirs de
toute une génération d’après 68 : frémissant du
a
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dynamisme
joyeux de mouvements pas encore
figés dans un discours idéologique,
La belle Saison est
un film porteur
d’espoir (cf. la
magnifique lettre
envoyée
par
Delphine à Carole
6 ans après la fin
de leur histoire).
Un film qui
fait du bien, un
film nécessaire
après les Manifs
pour tous du printemps dernier en France !
Jesuthasan Antonythasan dans «Dheepan» © Filmcoopi
Serge Lachat
DHEEPAN
un film de Jacques Audiard, avec Antonythasan
Jesuthasan, Kalieasvari Srinivasan, Claudine
Vinasithamb, Vincent Rottiers… (F,2015)
Palme d’Or quelque peu controversée lors
du dernier Festival de Cannes, le dernier film de
Jacques Audiard apparaît comme un film curieusement déséquilibré, passant de la chronique
sociale au thriller hyperviolent.
Au départ du film, nous sommes en 2009 au
Sri Lanka où les Tigres tamouls viennent d’essuyer une terrible défaite. Nous découvrons l’un
d’entre eux préparant le bûcher où seront brûlés
ses camarades de combats. Dheepan (c’est une
fausse identité) s’arrange ensuite avec une jeune
femme, Yalini, qui passera pour son épouse, et
Yalini se lance à la recherche d’un fille orpheline
ou abandonnée pour constituer une famille susceptible d’être évacuée par le HCR. Ils arrivent
en France où le traducteur tamoul trouve pour
Dheepan un emploi de gardien dans une cité ironiquement baptisée Le Pré où une barre d’immeuble est aux mains de trafiquants de drogue.
Le film d’Audiard s’attache dans un premier
temps à montrer l’intégration difficile et progressive de cette « famille ». C’est le moment le plus
réussi du film, d’autant plus qu’Audiard conserve l’essentiel des dialogues en langue tamoule
prononcés par des acteurs inconnus pour nous:
on y voit Dheepan retrouver sa dignité en effectuant d’humbles tâches de nettoyage, mais aussi
des réparations plus techniques (l’ascenseur). La
fille devient très vite la plus à l’aise en français
et, après des débuts violents, semble bien inté-
a
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grée dans sa scolarité. Quant à Yalini, elle trouve
elle aussi un travail et s’occupe d’un vieil habitant de l’immeuble d’en face qui semble avoir
perdu la tête.
Audiard, à ce moment du film, échappe aux
clichés en nous montrant comment, dans un
contexte de fait « criminel », une vie normale
semble possible. La famille fictive des protagonistes semble même sur le point de devenir une
famille « réelle ». Mais la rencontre par Dheepan
d’un de ses anciens colonels qui lui dit que la
guerre des Tamouls n’est pas finie et qu’on
attend qu’il y participe en versant de l’argent
pour acheter des armes, en même temps que la
recrudescence de la violence née de la sortie de
prison du petit malfrat local (Vincent Rottiers)
qui replonge les immigrés dans les peurs de la
guerre qu’ils ont vécue font retrouver à Dheepan
ses réflexes de combattant. Et le film bascule
soudain dans un déferlement de violence filmée
comme Audiard sait le faire (et, à l’évidence, a
envie de le faire), certes, mais qui enlève au film
sa dimension sociale pour en faire un film d’autodéfense et de vengeance. Pire : on a l’impression que le cinéaste fait remonter son héros du
monde des morts pour assouvir sa vengeance
dans une mise en scène onirique qui rappelle
quelques films américains !
Et la scène finale où tout ce petit monde
tamoul se retrouve en Angleterre pour un barbecue dans le jardin d’un cottage relève terriblement du cliché et explique, voire justifie, le désir
des immigrants de passer coûte que coûte au
Royaume-Uni !
Serge Lachat
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11
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68e Festival del film
locarno
Du 5 au 15 août, Locarno vibrait au rythme de la 68ème édition du
festival du film. Retour sur quelques découvertes marquantes.
Sous le signe du minimalisme
12
Un cinéaste renommé est invité à donner
une conférence dans une petite ville de province à l’occasion d’une rétrospective qui lui est
consacrée. Arrivé un jour en avance, il rencontre au cours d’une promenade une jeune femme
dont la beauté le frappe. Tous deux sympathisent et passent la soirée ensemble. Toutefois, la
jeune femme constate avec amertume que l’intérêt que lui porte son nouvel ami est loin d’être désintéressé. C’est en ces quelques lignes que
tient l’enjeu de la première partie de Right Now,
Wrong Then, dernier opus de Hong Sang-Soo
présenté au Concorso internazionale, chef
d’œuvre de délicatesse et d’humour. Dans la
cette nouvelle réussite, le réalisateur coréen
nous livre une belle leçon de cinéma, un cinéma
capable de trouver matière à chef d’œuvre dans
les motifs les plus anodins.
Dans son film Chevalier, la cinéaste
grecque Athina Rachel Tsangari parvient également à tirer parti du potentiel comique des faits
et gestes du quotidien. Un groupe d’amis passent leurs vacances sur un yacht de luxe. Pour
tromper leur ennui, ils décident de jouer à un jeu
dont l’objectif est de déterminer lequel d’entre
eux est le « meilleur ». Dès lors, tout devient
matière à compétition: il s’agit de savoir qui
parmi eux s’habille le mieux, qui monte le plus
vite une étagère, qui ronfle le moins, qui prépare le mieux la salade d’oursins, etc. Un système
Belgique en 1938 pour fuir la Pologne, les
pogroms et les exactions. Constitué d’une série
de plans-séquences, le film fait se succéder sans
aucun commentaire une suite de conversations
entre les deux femmes, les unes sur Skype, les
autres dans l’appartement bruxellois de la mère,
entrecoupée par des plans de paysages désertiques. Derrière l’austérité de ce dispositif qui
ne facilite pas l’immersion du spectateur se dessine en filigrane le portrait émouvant d’une
femme qui a survécu à Auschwitz. À la croisée
des genres, No Home Movie, malgré la rigueur
programmatique de son titre, laisse au spectateur une grande liberté dans sa lecture du film,
aussi bien film de famille, portrait de femme
que film expérimental.
Suite Armoricaine
Autre temps fort de cette 68ème édition du
Festival de Locarno, Suite Armoricaine de
Pascale Breton raconte le retour d’une professeure d’Histoire de l’art à Rennes, la ville où
elle avait étudié, tandis que l’on suit parallèlement les débuts à la fac de Ion, étudiant en géographique dont la vie est loin de ressembler à un
long fleuve tranquille. Alors que Françoise,
l’enseignante, en retrouvant la Bretagne et d’anciens amis, redécouvre une part d’elle-même
qui avait jusqu’alors sommeillé, Ion est lui aussi
confronté à son passé lorsqu’il reçoit un jour la
visite de sa mère sans-abri qu’il avait jusqu’à
présent reniée. Evocation du parcours intérieur
de deux subjectivités, Suite Armoricaine livre
un portrait sensible de ces deux personnages
dont les routes finiront par se croiser, interprétés
par d’excellents comédiens (Valérie Dréville et
Kaou Langoët).
Emilien Gür
«Suite Armoricaine» de Pascale Breton
seconde partie de ce film conçu comme un diptyque, on retrouve les mêmes personnages, dont
la rencontre se déroule dans des circonstances
identiques. En revanche, la relation qui s’établit
entre eux se distingue par une série de nuances
subtiles de celle que nous avions vu se développer dans la première partie du film. On retrouve
là ce qui fait le charme irrésistible de l’œuvre de
Hong Sang-Soo, minimaliste et brillante :
exploration des potentialités narratives que
contient une seule et même situation, jeu sur les
dérapages que réserve la vie sociale ainsi qu’un
sens de l’absurde qui insuffle une fraicheur
comique aux situations les plus banales. Avec
a
de points est établi pour « mesurer » les performances de chacun dans les moindres tâches
qu’il accomplit. Il faut saluer le geste de la
cinéaste, qui déconstruit avec humour et légèreté l’imaginaire de la compétition constitutif
d’une certaine masculinité. Les personnages,
sympathiques au premier abord, finissent tous
par sombrer dans le grotesque, se complaisant
dans la performance ridicule de leur virilité.
Œuvre minimale elle aussi, mais dans un
tout autre sens, No Home Movie de Chantal
Akerman affirme une radicalité déroutante en
nous faisant plonger dans l’intimité de la relation de la cinéaste à sa mère, arrivée en
c
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Palmarès
Le jury a décerné le Léopard d’or à Right
Now, Wrong Then de Hong Sang-Soo, dont l’acteur principal a par ailleurs reçu le Prix de la
meilleure interprétation masculine. Les quatre
comédiennes du magnifique Happy Hour de
Ryusuke Hamaguchi se sont vues quant à elle
récompensées par le Léopard de la meilleure
interprétation féminine. Tikun de Avishai Sivan
et Cosmos de Andrzej Zulawski ont reçu respectivement le Prix spécial du jury et le Prix de la
meilleure réalisation.
l
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t
é
SAISON1516
O
PÉRA A
UG
RAND THÉÂTRE
THÉÂTRE D
EG
ENÈVE
OPÉRA
AU
GRAND
DE
GENÈVE
LA BELLE
HÉLÈNE
JJACQUES
ACQUES OFFENB
OFFENBACH
ACH
DIRECTION
D
IRECTION M
MUSICALE
GÉRARD DAGUERRE
MISE
M
I SE E
EN
N SCÈNE
SCÈ
ROBERT SANDOZ
CHŒUR D
CHŒUR
DU GRAND THÉÂTRE
L’ORCHESTRE DE CHAMBRE
DE GENÈVE
14 > 25
25.10.2015
WWW.GENEVEOPERA.CH
+41 22 322 5050
o
p
é
grand théâtre de genève : ouverture
La Tarte
Guillaume Tell ?
L'appellation n'est peut-être pas des plus respectueuses,
mais elle est de Rossini lui-même!... En effet, lorsqu'à
trente-sept ans, après le succès triomphal de la création
parisienne de son opéra suisse, le compositeur décide de ne
plus composer pour la scène, il se tourne vers les plaisirs
culinaires et se pique de diffuser des recettes savoureuses
aptes à faire vibrer de plaisir les papilles de ses
admirateurs.
14
C'est ainsi que, progressivement, la Tarte GuillaumeTell s'accompagne
des Bouchées de la Pie voleuse pour clore un repas dont le mets de résistance
pourrait avoir été le Tournedos Rossini...
Derrière l'ironie facétieuse du compositeur se cachait pourtant une prise
de conscience assez réaliste de la valeur de son ultime ouvrage. Avec ses longs
ballets, ses nombreux intermèdes choraux, ses quatre actes nécessitant plusieurs changements de décors, sa distribution prolixe et une durée d'exécution
de plus de quatre heures en cas d'exécution intégrale, Guillaume Tell sollicite
à l'extrême les ressources d'une maison d'opéra d'importance et ne ménage pas
ses auditeurs non plus. C'est pourquoi, au fil des reprises, le bon sens et le
pragmatisme des gens de théâtre ainsi que du compositeur lui-même auront tôt
fait de l'emporter et plusieurs séquences musicales passèrent rapidement à la
trappe, comme par exemple l'air de Jenny juste avant le tir à la pomme...
Une date incontournable dans
musique lyrique
Dès sa création, Guillaume Tell est pourtant considéré par toute une volée de musiciens et de critiques clairvoyants comme la
pierre angulaire d'un nouveau style, celui du
grand opéra à la française qui allait établir
pour longtemps la suprématie absolue de
l'Opéra de Paris dans le monde lyrique international. Jusqu'à la première guerre mondiale, le
succès de l'ultime opus lyrique de Rossini ne
s'est jamais démenti; mais par la suite, les
goûts évoluèrent et le public commença a bouder ces grandes machines où le spectacle a
souvent tendance à prendre le pas sur les mérites purement musicaux ou dramatiques des
opéras représentés. Bien que souvent mentionné dans les encyclopédies, le titre ne paraît
alors plus que rarement à l'affiche (à Paris, il
est même devenu une rareté absolue), même
s'il se voit souvent parodié, comme ce sera le
cas dans La Belle Hélène d'Offenbach, par
exemple, également à l'affiche du Grand
Théâtre cette saison.
a
r
a
Le spectacle qui marquera l'ouverture de la saison lyrique genevoise est
importé du Welsh National Opera où il a été créé en automne passé après avoir
encore fait une escale au Théâtre Wielki de Varsovie en mai dernier. Et bien
entendu, il comportera quelques coupures, la durée de la représentation n'excédant pas quatre heures, entracte compris. La mise en scène a été réalisée par
David Pountney, l'actuel directeur de l'institution galloise qui a également présidé pendant onze ans aux destinées du fameux festival de Bregenz jusqu'à l'an
passé. Pour le metteur en scène anglais, qui s'est souvent fait remarquer par le
côté iconoclaste de ses réalisations scéniques, l'aspect 'grand opéra' ne présente plus grand intérêt de nos jours. Ce qui fait sens, par contre, c'est la légitime
aspiration d'un peuple décidé à reconquérir sa liberté en se dégageant du joug
des tyrans qui l'oppressent. Dans ce spectacle, l'accent est donc mis sur l'enjeu
primordial que doit représenter pour tout peuple soumis la prise en main de sa
propre destinée politique, à l'image de ce qu'ont osé les Suisses en lutte contre la famille des Habsbourg. Ce défi se double d'une interrogation essentielle
sur le plan privé : Arnold, le héros suisse, assume en effet pleinement son
amour pour une princesse étrangère issue du camp ennemi car, à ses yeux, l'indépendance véritable ne se conçoit pas sans un affranchissement délibéré de
tous les liens qui entravent la liberté d'action des individus. A ce titre,
Guillaume Tell est donc vraiment une œuvre prophétique qui n'a pas perdu une
once de sa modernité pour autant que l'on en fasse disparaître les aspects trop
ouvertement passéistes dictés par les conventions théâtrales des opéras à la
française du XIXe siècle.
"De grandes idées portées par de grandes émotions"
C'est en ces termes que David Pountney résume les enjeux dramatiques
de cet ouvrage. "La lutte du peuple suisse pour reconquérir sa liberté est une
des nombreuses facettes des luttes communes à toutes les populations opprimées." A ce titre, l'ouvrage joua d'ailleurs dès le XIXe siècle un rôle essentiel
dans l'apparition des nationalismes en musique qui feront rapidement florès
partout en Europe... Mettre l'accent sur la dimension humaine implique,
pour David Pountney, un retour à une forme de stylisation scénique évitant
l'histoire de la la facilité du spectacle tape-à-l'œil. Sur une immense toile de fond, le décor
présente une masse glaciaire qui évoque les
sublimes paysages de montagnes enneigées
de la Suisse primitive et pure tout en faisant
étrangement allusion à un certain tableau du
peintre romantique allemand Caspar
Friedrich. Sur le devant du plateau, un échafaudage signale la mise en route de projets
importants, encore au stade de la construction. Les costumes situent très clairement
l'action au XIXe siècle, mais avec quelques
curieux rappels historiques presque ironiques
comme ces cuirasses et heaumes portés par
les soldats autrichiens massés autour d'un
Gessler en chaise roulante : pour le metteur
en scène, il s'agit de montrer par ce biais que
l'Histoire est en route et que les tyrans font
déjà partie des avatars du passé, - voilà pour
l'utopie rossinienne!..
Le ton est donné dès le début de la représentation : le violoncelle solo en charge de la
superbe mélodie calme et suave qui domine
le début de l'Ouverture est placé sur le devant
David Pountney © Anja Kiesel
de la scène vide. Soudain, des soldats font
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Une mise en images décalée
Le principal défi pour tout metteur en scène moderne réside dans la construction même du livret. L'action à proprement parler ne commence qu'après
une bonne heure de musique, lorsqu'Arnold apprend l'assassinat de son père.
Par la suite, le peuple suisse semble prendre son temps avant de se révolter et
les premiers chœurs qui signalent le refus de l'oppression sont construits sur
des mélodies fluides qui n'ont absolument rien de martial. Ce sont de tels
moments qui incitent David Pountney à une mise en images intentionnellement décalées par rapport au texte de façon à souligner par l'ironie, voire l'invraisemblance, des prises de position critiques qui n'auraient pas passé le cap
de la censure si elles n'avaient été soigneusement déguisées par leurs auteurs
sous le fatras des conventions théâtrales d'alors.
Rossini aimait à dire, en parlant de la musique de Wagner, qu'elle comportait trop de mauvais quarts d'heure. Si cette mise en scène de Guillaume
Tell en comporte aussi quelques-uns, ils sont donc intentionnels et servent d'abord à empêcher que le spectateur ne se carre confortablement dans son siège
pour déguster sans arrière-pensées les sublimes mélodies de Rossini. Car l'opéra a aujourd'hui encore le pouvoir (le devoir ?) de choquer en refusant de
faire l'impasse sur les réalités douloureuses dont nous abreuve quotidiennement une certaine presse. Preuve en est la réaction horrifiée d'une bonne partie du public assistant en juin dernier à la première d'une nouvelle mise en
scène iconoclaste de Guillaume Tell au Covent Garden de Londres où le metteur en scène s'est vu conspué en plein spectacle parce qu'il avait osé montrer
le viol d'une jeune Suissesse par l'occupant autrichien sur la musique de ballet du 2e acte. S'il veut survivre, l'art lyrique doit-il vraiment continuer à jeter
un voile pudique sur ce que le cinéma, le théâtre ou la télévision nous montrent avec complaisance à longueur d'année ?
Eric Pousaz
Guillaume Tell au Grand Théâtre : ve 11 sept 15 - 19h30, di 13 à 15h00, ma 15 à 19h30,
je 17 à 19h30, sa 19 à 19h30 & lu 21 à 19h30. Billetterie en ligne.
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MÉMOIRE DU VIVANT
12 sept. au 25 oct. 2015
Jean-François Lapointe sera Guillaume Tell © DR
laFERME
de laCHAPELLE
DELPHINE SANDOZ — MARIE-NOËLLE LEPPENS
— CHARLOTTE NORDIN — CÉLINE SALAMIN
laFERME
de laCHAPELLE
irruption et emmènent de
force l'instrumentiste en
coulisses, comme s'ils s'agissait de montrer manu
militari que la culture n'a
plus droit de cité dans un
pays sous occupation
étrangère. Par la suite, la
mise en scène oscille entre
naturalisme et ironie
comme pour mieux piéger
le spectateur tiraillé entre
le plaisir que procure une
réalisation fidèle à la lettre
du livret et divers dérapages scéniques introduits
par les mouvements caricaturaux des danseurs ou
par de subits arrêts sur
image, notamment dans
l'étonnante scène de l'arbalète...
GALERIE LA FERME DE LA CHAPELLE
39, ROUTE DE LA CHAPELLE | CH -1212 GRAND-LANCY
WWW.FERMEDELACHAPELLE.CH
Ville de Lancy
République et canton de Genève
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scala de milan
Otello
Pour sa programmation estivale, la Scala accueillait Otello de Rossini le
24 juillet dernier.
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Le livret de l’opéra s’écarte largement de la
tragédie éponyme de Shakespeare, malheureusement. Plus proches de l’original, Verdi et son
librettiste, le poète et compositeur Arrigo Boito
ont atteint les sommets de
l’émotion, dont Rossini et
Francesco Berio di Salsa
restent éloignés.
Il ne fallait pas chercher dans les décors minimalistes – la chaise de jardin est exploitée à fond ! de Jürgen Flimm, auteur de
la mise en scène également, ni dans les costumes
tristes parsemés d’anachronismes d’Ursula Kudrna,
l’intérêt principal de la soirée.
Il est vrai que la mise
en scène réservait quelques
surprises, mais pas vraiment bonnes : par exemple,
un tableau noir sur un chevalet posé côté jardin, sur
lequel Desdémone écrit à la
craie trois mots correspondant à des signes arabes
déjà présents : errore, puis infida et gelosia. Est-ce
la traduction de ces signes ? Mystère, pour nous en
tout cas. Autre sujet d’étonnement, des « serviteurs » en longs manteaux noirs, certains portant
une fraise autour du cou (?!), s’occupent à desservir la table pendant le duo Iago/Otello, alors qu’une choriste arrose parcimonieusement le sol à l’aide d’une sorte de karcher ! Au troisième acte, un
cercueil apparaît sur une barque apportée sur
scène ; mais qui est dans le cercueil ? Isaura, l’amie de Desdémone dont cette dernière chante la
triste fin dans l’air du saule, est morte depuis longtemps, et Rodrigo, lui est toujours vivant ! C’est
sur ce cercueil qu’Otello assassinera sa femme,
tandis que le rideau de fond tombe, découvrant
coulisses et projecteurs. Oui, on avait compris,
c’est du théâtre, mais Desdémone ne se relève évi-
a
demment pas pour autant et son époux se suicide
bel et bien !
On ne peut qu’admirer dans le rôle titre le
ténor américain Gregory Kunde : à 61 ans il a
qui sollicite les graves comme les aigus. La chanson du saule correspond en revanche parfaitement
à ses moyens actuels et la cantatrice délivre ce
chant avec souplesse et une sensibilité touchante.
Le Iago de Rossini n’a pas la force de celui de
Verdi. Dans ce rôle Edgardo Rocha a du mal à tirer
son épingle du jeu, en particulier en raison de qualités vocales inférieures à celles de ses partenaires
ténors et que l’on ne peut que remarquer, tant dans
sa confrontation avec Rodrigo que dans le duo
avec Otello.
N’oublions pas surtout de saluer encore les
prestations de l’excellente mezzo Annalisa
Stroppa (Emilia), du jeune Sheenon Moon, dont le
timbre suave et le legato font dresser l’oreille dans
«Otello» © Matthias Baus / Scala de Milan
gardé ses aigus, son timbre riche, sa puissance. Ses
vocalises cependant n’ont plus la précision d’antan et manquent quelque peu d’homogénéité. Prix
à payer sans doute pour avoir dirigé sa carrière
vers des rôles plus dramatiques.
Chouchou du public, Juan Diego Florez
(Rodrigo), se tire sans accrocs des périlleuses
coloratures et décoche ses suraigus avec une autorité sans pareille. On regrette malgré tout une certaine sècheresse dans le timbre, comme si la rondeur du son ne faisait pas partie de ses préoccupations.
La belle Olga Peretyatko dispose d’une voix
mélodieuse et agile, dont le medium n’est souvent
pas assez puissant pour passer la barrière de l’orchestre dans une salle aussi grande que La Scala,
ce qui lui pose problème surtout au deuxième acte,
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la très brève intervention du gondolier ; de
Roberto Tagliavini (Elmiro) et de Muhai Tang, qui
a su donner au chœur et à l’orchestre de La Scala
les impulsions fines ou vigoureuses favorables au
jaillissement de la musique de Rossini.
Martine Duruz
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opéra du rhin
lyon
L'Opéra du Rhin a clos sa saison avec La dame de pique
de Tchaïkovski, donnée en coproduction avec l'Opéra de
Zurich.
Pelléas et Mélisande… le film ! C’est l’impression que
donne la nouvelle production très cinématographique de
l’écrivain et réalisateur Christophe Honoré.
Robert Carsen signe là une mise en scène d'un classicisme de bon ton,
d'allure austère mais néanmoins fidèle aux intentions du compositeur.
L'action se déroule dans un décor unique, une sorte de salle de jeu tendue de
vert où tables, chaises et lit apparaissent et disparaissent comme par enchantement. Hermann, au lever du rideau, est étendu sur le sol et semble baigner
dans son sang. La suite est un long flash-back qui contraint le spectateur à
voir l'entier de l'intrigue par les yeux de son protagoniste masculin.
Quelques coupures plus ou moins bienvenues (le chœur des nourrices au
début et surtout l'intermède dans le style mozartien du troisième tableau...)
permettent un resserrement de l'action qui se déroule ainsi comme un long
cauchemar halluciné et se termine exactement à l'endroit où il a commencé... Misha Didyk épouse les intentions du metteur en scène avec une abnégation impressionnante : même les fêlures d'un aigu parfois sollicité au-delà
du raisonnable semblent assumées avec un panache qui souligne les blessures intérieures du personnage alors que la pâte sonore épaisse mais toujours
malléable de son ténor plus solide qu'élégant lui permet de traverser cet
interminable rôle avec un héroïsme qui force l'admiration. A ses côtés, la
Lisa parfaite de Tatiana Monogarova séduit autant par la puissance radieuse
d'un soprano magnifiquement charpenté que par la pure beauté d'une étoffe
vocale rayonnante de santé. La Comtesse inhabituellement jeune qu'incarne
Malgorzata Walewska permet de déguster jusque dans ses moindres nuances un rôle trop souvent confié à des artistes en fin de carrière qui tentent
péniblement de donner quelque cohérence à des moyens fort dégradés : ici,
les pianissimi sont pleins et les silences
assumés avec panache et non imposés
par un souffle trop court. La scène de sa
mort, véritable drame en miniature inséré dans l'intrigue, forme de ce fait l'indiscutable plat de résistance vocal de la soirée. Magnifiques, le Comte Tomsky
plein de retenue de Roman Ialcic et le
Prince Eletski plus insolent de Tassis
Chrystoyannis ainsi que la Paulina prenante d'Eve-Maud Hubeaux complètent
ce plateau où aucun soliste ne démérite
jamais. L'Orchestre Philharmonique de
Strasbourg placé sous la direction
remuante et plutôt pressée de Marko
Letonja et les choeurs de la maison, légèrement en retrait à en juger par quelques
imprécisions
aussi bien dans l'intonation
«La Dame de pique» © K. Beck
que dans le rythme, contribuent efficacement au succès notable de cette splendide fin de saison. (5 juillet)
Une route qui défile en images dans un paysage nocturne de forêt
inquiétante, une voiture qui stationne sur le plateau tous feux allumés et
Mélisande qui se relève du sol, habillée pour une soirée… ou plutôt pour
racoler. Quand Pelléas un peu plus tard parle de rejoindre son ami Marcellus
mourant, des images de celui-ci nu passent à l’écran, suggérant des relations
homosexuelles. C’est ensuite Mélisande – en songe ou en flash-back ? – qui
se trouve prise entre les deux précédents, défroqués, dans une sensuelle relation à trois. Puis le petit Yniold fume – bientôt la drogue ? – et se tape la tête
sur une vitre... On retrouve ainsi plus ou moins clairement exprimés les
sujets abordés depuis plusieurs années par le metteur en scène, comme le
mal-être, l’inceste, l’homosexualité, mais son traitement certes original ne
colle pas toujours à l’œuvre. Dans sa vision, Mélisande couche ainsi rapidement avec Pelléas, retirant tout le mystère qui entoure en général les relations entre les deux. Pas de grotte, pas de fontaine sur scène, mais des bâti-
La dame de pique Pelléas et Mélisande
Eric Pousaz
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«Pelléas et Mélisande» © Fernandez
ments déplacés sur roulettes, dont une espèce de poissonnerie industrielle
dans une ambiance de bord de mer. La direction musicale de Kazushi Ono
revêt de belles qualités de clarté et de transparence, mais manque certainement de contrastes, de nerf, de drame, de menace. La distribution vocale est
très satisfaisante pour ses deux rôles-titres, Bernard Richter et Hélène
Guilmette, jolis timbres à l’élocution soignée, la voix du ténor s’étant nettement élargie par rapport à ses premiers emplois mozartiens d’il y a quelques
années. Les interventions de Vincent Le Texier (Golaud) sont sonores et
autoritaires mais ne flattent pas l’oreille, tandis que le grain de Jérôme
Varnier (Arkel) sonne plus noble et que la voix de caractère de Sylvie
Brunet-Grupposo (Geneviève) fait toujours aussi forte impression.
François Jestin
Debussy – PELLEAS ET MELISANDE : le 12 juin 2015 à l’Opéra de Lyon
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zurich
I Capuleti
e i Montecchi
Cette version de la tragédie de Roméo et Juliette n'a pas
grand rapport avec Shakespeare. Le librettiste, Felice
Romani, s'est en fait inspiré de la tradition littéraire
italienne où la constellation des personnages est réduite à
l'extrême et où le sort tragique des amants occupe seul le
devant de la scène.
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Christof Loy ne peut s'empêcher de creuser le texte pour découvrir ce
qui se cache derrière le refus réitéré de Giulietta de céder aux avances de
Romeo alors qu'elle lui voue un amour enflammé. Il croit avoir trouvé la
réponse dans une réplique où la jeune femme déclare à son amoureux
qu'elle ne peut quitter un père auquel la lient des liens plus forts que ceux
de l'amour. Du coup, le metteur en scène imagine une relation ambiguë
entre le père et la fille, faite d'attouchements vicieux dans la salle de bain
et de caresses inappropriées dans la chambre à coucher... Si l'idée peut
séduire, elle ne constitue pas une mise en scène à elle seule et il faut bien
convenir que le spectacle, encombré de cadavres et d'un personnage allégorique censé rappeler le poids du Destin dans l'évolution du drame, tourne en rond, au propre comme au figuré, puisque le plateau tournant nous
promène continuellement à travers les diverses pièces du palais.
La musique est royalement servie, malgré un changement de distribution de dernière minute. La jeune chanteuse ukrainienne Olga Kulchynska,
fraîche émoulue de l'école réservée aux jeunes artistes en formation du
Théâtre Bolchoï de Moscou, s'impose à vingt-cinq ans seulement et malgré son relatif manque d'expérience comme une des toutes grandes interprètes de ce rôle délicat qui joint la haute voltige débridée d'une ligne de
chant riche en écarts délicats à négocier aux longs lamentos chargés de
mélancolie typique du premier romantisme italien. La voix est à la fois
légère dans les pianissimi mais corsée lorsque le drame monte en puissance, et le jeu scénique s'apparente déjà à celui d'une grande actrice de théâtre. En face d'elle, le Roméo grandiose de Joyce DiDonato parcourt la
gamme des émotions de l'amoureux toujours repoussé avec un timbre
d'une malléabilité incroyable : la grandeur tragique du personnage est rendue de bouleversante façon par l'aplomb musical dont l'interprète sait faire
preuve autant que par les impalpables raffinements de couleur d'un chant
qui fait un sort sans rupture aucune aux mélodies sans fin caractérisant l'écriture de ce rôle exigeant. Le jeune ténor français Benjamin Bernheim,
membre de la troupe zurichoise, impressionne favorablement l'auditeur
avec une voix qui a gagné en puissance et semble prête à s'attaquer aux
emplois les plus en vue de ce registre dans l'opéra italien de cette époque.
Les deux chanteurs confinés dans des rôles plus épisodiques s'en sortent plus ou moins bien alors que le chœur, malgré une musique qui
ne compte pas parmi les meilleures qui soient tombées de la plume du
compositeur, donne un profil accusé aux scènes d'ensemble sous la
direction d'un Fabio Luisi peu inspiré aux gestes métronomiques. (27
juin)
Elektra
Olga Kulchynska et Joye DiDonato dans «I Capuletti e I Montecchi»
© Monika Rittershaus
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A chaque nouvelle reprise de cette production vieille de près de
dix ans, le succès public est au rendez-vous. Malgré un changement
radical d'optique de la part du metteur en scène Martin Kusej (l'action
se déroule dans un palais de plaisirs douteux où domine la recherche
de plaisirs sadomasochistes), les ressorts dramatiques fonctionnent à
merveille et l'horreur absolue que suscite une telle accumulation de
dévergondages souligne l'inéluctable descente dans la folie d'une
héroïne qui termine le spectacle dans un état de prostration total. Les
éclairages rasants de Jürgen Hoffmann magnifient le décor d'une profondeur déroutante de Rolf Glittenberg et ajoutent plus d'une fois une
touche de surréalisme à l'action scénique en auréolant les personnages de reflets diffus.
Lothar Koenigs, peu connu sous nos latitudes, ne voit pas en
Strauss un compositeur de l'extrême mais s'attache bien plutôt à
démonter les mécanismes d'une instrumentation prolixe qui met en
lumière les moindres mouvements de l'âme. Les violentes explosions
sonores sont certes rendues avec toute la sauvagerie nécessaire, mais
elles ne sont jamais assourdissantes, comme s'il s'agissait d'abord
pour le chef d'en souligner la complexité harmonique plutôt que de
cultiver le pur déferlement de décibels. En plus, le musicien sait doser
avec suffisamment de subtilité de telles envolées pour ne jamais couvrir les voix et confère par là au texte, presque toujours compréhensible, un maximum d'efficacité dans l'instant.
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Homoki a, elle aussi, gagné en cohérence au fil de
la saison. Certes, elle continue d'irriter par certains
parti-pris faciles comme l'élimination systématique
de tout élément surnaturel, car la représentation
théâtrale d'un mythe peut-elle vraiment faire l'impasse sur la dimension ... “mythique“, c'est-à-dire
fantastique, surnaturelle, libérée de toute contrainte
réaliste, de son sujet ? Cette approche scénique
convainc néanmoins par le travail approfondi réalisé sur les attitudes de ces montagnards bornés et
superstitieux et sur la cristallisation des conflits
dans la vie quotidienne d'une petite bourgade bavaroise confrontée à l'apparition de phénomènes
dépassant son entendement. L'Elsa radieuse d'Elza
van den Heever et le Lohengrin vocalement lumineux et confondant d'aisance de Klaus Florian Vogt
font face à un formidable couple maléfique incarné
par une Petra Lang (la Brünnhilde du récent Ring
genevois) dont la voix semble ne connaître aucune
Evelyn Herlitzius dans «Elektra» à Aix-en-Provence. Photo Pascal Victor /ArtcomArt
limite de réserves dramatiques dans son portrait
frémissant de rage d'Ortrud et par un Martin
Juste avant de reprendre le rôle d'Isolde à Bayreuth, Evelyn Herlitzius Gantner au baryton d'une noirceur péremptoire. Les passages choraux
s'imposait en quelques minutes comme la plus formidable Elektra du éblouissent par la richesse sonore et la véhémence impérieuse de chaque
moment, en renouant sans difficulté avec sa formidable prestation lors des registre alors que l'orchestre, dirigé avec une précision remarquable par la
représentations de ce même ouvrage à Aix-en-Provence dans l'ultime cheffe australienne Simone Young, détaille les richesses de cette partition
spectacle réglé par le regretté Patrice Chéreau au
Festival de l'an passé : voix pleine, souple, presque
féline et dotée d'insoupçonnées réserves dans le forte,
aigus pleins et chaleureux, médium solide, - bref :
chaque note de la partition paraît ici assumée jusqu'au
bout dans cette interprétation qui fera sans nul doute
date dans les annales de ce spectacle. Hanna Schwarz
reste elle aussi un miracle de fraîcheur vocale après
une très longue carrière qui n'a jamais connu d'accrocs et habite le rôle déchirant de Klytämnestra avec
un aplomb scénique et vocal que beaucoup d'interprètes plus jeunes pourraient lui envier. Le soprano pulpeux, superbement dégagé dans le haut de la tessiture, d'Emily Magee en Chrysothemis complète d'idéale façon ce trio féminin hors norme avec lequel fait
contraste le baryton prenant, à la pâte sonore d'une
magnifique souplesse, de Christof Fischesser en
Orest. Les comparses et les instrumentistes superbement réactifs du Philharmonia Zurich achèvent de
donner à cette représentation ce lustre que pourraient
Klaus Florian Vogt et Elza van den Heever dans «Lohengrin» © Monika Rittershaus
lui envier bien des scènes internationales... (3 juillet)
Lohengrin
La nouvelle production de Lohengrin donnée en ouverture de saison
en septembre dernier refaisait un court tour de piste dans le cadre de ce
festival. La distribution, inchangée si l'on excepte le remplacement de
Christoph Fischesser par Günther Groissböck en Henri l'Oiseleur, se montrait digne de ce qui se fait de mieux actuellement à Bayreuth, Vienne ou
New-York. Le chœur et l'orchestre Philharmonia de Zurich ont encore
acquis un degré supplémentaire d'assurance sous la direction rapide mais
jamais précipitée de Simone Young alors que la mise en scène d'Andreas
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avec une gourmandise qui fait oublier le statisme relativement longuet de
certaines scènes guettées par le pompiérisme musical d'un compositeur
enclin à vouloir faire de l'effet à tout prix... (11 juillet)
Eric Pousaz
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vienne
Fins de saison
Les dernières représentations de la saison qui s’achève se sont révélées
assez étonnantes : Une Tempête séduisante, un curieux dyptique alliant
Bartok et Schumann, et un Rigoletto à oublier au plus vite...
Staatsoper : The Tempest
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Le 17 juin 1956, l'Opéra de Vienne créait
Der Sturm (La Tempête) du compositeur suisse
Frank Martin avec notamment Christa Ludwig
dans la distribution et Ernest Ansermet à la
direction, représentations qui marquèrent les
seules apparitions du chef suisse à la tête de
l'illustre institution. Après six représentations,
l'ouvrage, inspiré de la pièce de Shakespeare,
disparaissait définitivement du répertoire et
mène depuis une existence plutôt modeste sur
les autres scènes du monde. Le 14 juin 2015,
dans cette même salle, Thomas Adès dirigeait la
création autrichienne de son opéra The Tempest,
créé à Londres en 2004 et déjà repris depuis
dans diverses mises en scène jusqu'au Met de
New York. Le succès public de l'ouvrage que
l'institut viennois a déjà remis à l'affiche pour
cet automne, paraît donc nettement plus promet-
teur que celui de l'opus du musicien genevois...
De fait, la mise en scène de Robert Lepage,
déjà vue en Amérique et au Canada et présentée
dans différentes salles de cinémas de la planète
dans le cadre des retransmissions du
Metropolitan Opera de New York, joue certainement un rôle déterminant dans l'acceptation,
par le grand public, d'une musique qui ne s'écoute pas facilement. Né en 1971, le compositeur britannique Thomas Adès utilise un langage multiforme qui se calque très étroitement sur
les atmosphères contrastées dans lesquelles baignent les scènes de la pièce de Shakespeare souvent marquées au sceau de la magie. L'île déserte de Prospero, chassé de Milan par son ambitieux frère, est ici le lieu de magie par excellence qu'est le Théâtre de la Scala. Le formidable
décor de Jasmine Carudal présente la prestigieuse salle tantôt vue depuis la scène, puis vue
«The Tempest» avec Adrian Eröd (Prospero) et Stephanie Houtzeel (Miranda)
© Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
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depuis la salle et enfin, dans un grandiose troisième acte, en coupe avec le plateau où se
déroule une représentation à jardin et une
impressionnante rangée de loges à cour. Sous la
direction du compositeur, le Philharmonique
viennois semble s'être approprié ce langage
novateur avec une facilité qui force l'admiration. La coulisse sonore qui émane de la fosse
fascine par ses ruptures de ton caméléonesques
selon qu'Ariel, Miranda, Prospero ou Caliban,
ici devenu un rôle d'une importance capitale,
occupent le devant de la scène. La musique
évoque parfois le cinéma par sa capacité
impressionnante à donner à voir ce qu'elle
dépeint grâce à des alliages de timbres surprenants tout en exigeant des chanteurs des prouesses vocales qui dépassent de loin ce que l'on
entend habituellement sur les plateaux d'opéra,
notamment pour le rôle d'Ariel.
La représentation viennoise séduit d'abord
par l'homogénéité d'une distribution où chaque
membre paraît avoir fait sien des emplois complexes servis ici avec un naturel ahurissant.
Certes, le Prospero d'Adrian Eröd ne possède
pas le timbre vibrant du créateur du rôle, Simon
Keenlyside, mais son personnage gagne en profondeur dramatique ce qu'il perd en pur brio
scénique. Malgré un timbre aux aigus métalliques, Audrey Luna maîtrise avec une efficacité à la fois légère et étincelante les invraisemblables chaînes de vocalises qui encombrent le
rôle d'Ariel au point qu'on en oublie leur difficulté d'exécution. Thomas Eberstein, dont le
timbre est mis à rude épreuve par l'écriture du rôle de Caliban, est tout
aussi bouleversant sans jamais donner l'impression de réaliser un
exploit vocal. Stephanie Houtzeel,
une Miranda chaleureuse aux
accents prenants, et Pavel Kolgatin,
un Ferdinand à l'émission vocale un
peu trop raide mais tout de même
capable de belles envolées lyriques,
forment un couple de jeunes amants
à la présence très affirmée, tout
comme le Trinculo vaillant du contre-ténor David Daniels, ou le
Gonzalo aux épanchements passionnés de Sorin Coliban. Dans les autres
rôles moins en vue, la distribution
ne présente aucun point faible et justifie amplement les interminables
ovations qui ont marqué la fin de ce
spectacle d'une grandiose originalité
(18 juin)
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Theater an der Wien :
Bartok et Schumann
Changement radical d'atmosphère le lendemain soir au
Theater an der Wien avec la dernière
production lyrique des Festwochen,
le traditionnel Festival de musique et
de théâtre qui s'étend chaque année
sur plus d'un mois à partir de la mimai. La metteuse en scène Andrea
Breth, encore peu connue dans les
pays francophones, proposait une
version scénique d'un curieux
dytique composé du Château de
Barbe-Bleue de Bartók et des
Variations en mi bémol appelées
parfois
Geistervariationen
(Variations des Esprits) de
Schumann, l'ultime partition écrite
pour le piano par le compositeur
juste avant qu'il ne soit transféré
définitivement dans un asile psychiatrique après
une crise de folie où il se croyait assailli de fantômes.
En première partie de soirée, Judith et
Barbe-Bleue errent sans trouver ce qu'ils cherchent dans un grandiose décor de château abandonné dont les salles défilent sans bruit grâce à
un vaste plateau tournant. Au fur et à mesure de
l'ouverture des portes, la tension s'accentue et
finit par étouffer les deux époux. Derrière la
sixième porte, qui donne accès au Lac des larmes autour duquel sont groupées les femmes
antérieures de Barbe-Bleue, Judith découvre l'inanité de sa recherche et accepte son échec en
se laissant glisser dans l'eau à côté de celles qui
l'ont précédée; elle est aussitôt suivie de BarbeBleue, accompagné soudain de fantomatiques
doubles qui semblent aussi se figer pour l'éternité dans l'élément liquide. Nora Gubisch et
Gábor Bretz, secondés par les instrumentistes
d'une grandiose maîtrise technique du Mahler
Jugendorchestrer que dirige un Kent Nagano au
meilleur de sa forme, incarnent ce couple fatal
avec une impétuosité lumineuse qui laisse l'auditeur pantois.
Au début de la deuxième partie, une septième porte ouvre sur le salon vide d'un institut
médico-social où errent plusieurs vieillards
esseulés, qui portent tous le même costume que
Barbe-Bleue. Ils ont visiblement perdu la
mémoire et ressassent inlassablement des petites phrases sans suite qui les rattachent à un
vécu dont ils ont oublié la teneur. Trois femmes
habillées comme Judith (des aides-soignantes ?
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«Geistervariationen» avec Nora Gubisch (Judith), Gábor Bretz (Herzog Blaubart). Photo Bernd Uhlig
des infirmières ?), essaient parfois d'entrer en
contact avec ces pensionnaires déboussolés
mais sombrent vite dans l'indifférence devant
l'inanité de leurs efforts. Après plus d'une demiheure de silence meublé de quelques éructations
sans queue ni tête, le Barbe-Bleue juvénile du
début réapparaît pour redire le texte du
Prologue de l'opéra de Bartók et finit par ouvrir
une porte derrière laquelle se trouve, invisible
au spectateur, la pianiste Elisabeth Leonskaïa;
celle-ci joue alors avec une retenue d'une
impressionnante intériorité ces cinq Variations
vertigineuses où l'auditeur découvre un
Schumann qui ne se préoccupe plus des règles
du bien-écrire de son temps. (19 juin)
Staatsoper : Rigoletto
La Malédiction qui accable Rigoletto dans
le drame hugolien semble aussi s'être acharnée
sur cette nouvelle production qui a perdu son
chef et deux de ses interprètes principaux dans
des conditions parfois dramatiques. Le soir de la
première en décembre dernier, le Rigoletto du
baryton Simon Keenlyside a en effet perdu sa
voix en cours de représentation alors que le chef
Myung Whun Chung, appelé à remplacer Franz
Welser-Möst parti sur un coup d'éclat, a eu
l'heur de s'attirer l'ire d'une partie du public en
continuant à diriger le spectacle malgré l'aphonie du chanteur principal.
En cette soirée de fin de saison, ne restait
sur le plateau que les décombres d'une mise en
scène de Pierre Audi qui chercherait loin à la
ronde son équivalent pour son culte systéma-
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tique de la laideur dans le décor et de l'incohérence dramatique dans la direction d'acteur. Et
du côté de la musique, cela n'allait pas vraiment
mieux: Rigoletto s'est révélé d'une platitude
exemplaire en restant tout au plus correct au
plan vocal, - mais peut-on vraiment reprocher
son indifférence expressive à un Giovanni
Meoni appelé à la rescousse en dernière minute
après que Dmitri Hvorostovsky a dû lui aussi
baisser pavillon pour des raisons de santé?
Ekaterina Siurina commence elle aussi mal la
soirée avec son soprano déjà trop large pour
croquer le portrait convaincant d'une pure jeune
fille au premier acte, mais retrouve son assiette
dans les deux derniers où elle arrache les larmes
avec ses accents douloureux de femme trahie.
Le Duc de Mantoue de Saimir Pirgu se défend
avec ardeur mais sans rendre justice au côté
séducteur de ce personnage dont les aigus d'airain paraissent ici avoir tout au plus les qualités
qu'on attend chez un militaire montant à l'assaut
des forteresses féminines sans se poser trop de
questions sur la manière. Et du côté de la direction, Evelino Pidõ a bien de la peine à mener
tout son monde à la baguette et se voit souvent
mis en difficulté par des solistes qui ont une
autre conception que lui du rythme et de la
démarche du langage verdien. A oublier au plus
vite (20 juin)
Eric Pousaz
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berlin
Ariadne et Faust
Un Faust de Gounod proposant une superbe distribution,
avec des chanteurs qui s’acquittent à merveille des
exigences de leur rôle, et une surprenante Ariadne auf
Naxos de Strauss réglée par Hans Neuenfels, voici ce
qu’offrait à fin juin la saison lyrique berlinoise.
Deutsche Oper : Faust
22
Beaucoup moins joué en Allemagne qu'en Italie ou en Angleterre, le
chef-d'œuvre de Gounod souffre de sa parenté avec le Faust de Goethe, que
le public germanique cultivé considère comme un des sommets absolus du
théâtre digne des meilleures réussites de Shakespeare ou Racine. La romance douce-amère de la pauvre jeune fille naïve abandonnée par son amant
après une nuit passionnée dans un jardin aux effluves entêtants paraît, il est
vrai, bien minçolette lorsqu'elle est comparée aux prolongements métaphysiques insondables de la pièce dont elle s'inspire.
Aussi Philipp Stölzl s'est-il efforcé dans sa mise en scène de supprimer
tout ce qui aurait pu rappeler aux spectateurs d'aujourd'hui la source dont se
sont inspiré les librettistes de Gounod. Méphistophélès n'est ici qu'un charlatan cabotin dont les pouvoirs surnaturels semblent surtout recelés dans son
porte-monnaie sans fond. Quelques coupures plus ou moins adroites dans la
partition font rapidement oublier ce que le personnage a de démoniaque et
d'inquiétant, de sorte
que l'opéra se déroule
sans anicroche comme
la déchéance programmée d'une jeune femme
abusée incapable d'assumer les conséquences
de son acte et amenée à
tuer pour se sortir de
son mauvais pas.
La mise en scène
«Faust» © Matthias Baus
déçoit, car un décor trop
encombrant restreint
l'espace de jeu à moins d'un quart de la vaste scène. Elle se résume finalement à une interminable série de défilés sur la tournette de tableaux vivants
et de praticables qui permettent d'évoquer sans rupture temporelle les nombreux lieux de l'action. Celui qui chercherait quelques prolongements à la
réflexion que suggère un destin aussi pathétique se voit finalement confronté à une insignifiante galerie d'images dont il se désintéresse rapidement. Et
comme la direction d'acteurs est quasi inexistante, la soirée finit par tourner
à vide.... Heureusement, les chanteurs sont, eux, à la hauteur des exigences
vocales de leurs rôles. Krassimira Stoyanova prête à Marguerite son timbre
séducteur, chaleureux et brillant à la fois alors que Teodor Ilincai, que les
Lausannois ont pu applaudir en Roméo dans l'œuvre de Gounod sur la scène
du Théâtre de Beaulieu il y a quelques années, surprend agréablement avec
son Faust stylé à l'aigu admirable de clarté autant que de plénitude.
Ildebrando D'Arcangelo n'est peut-être pas le plus impressionnant des
Méphisto avec son chant extrêmement stylé et son jeu répétitif, mais la mise
en scène l'a certainement empêché de donner toute la mesure de son talent
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en enfermant le personnage dans une
série
d'attitudes
convenues.
L'excellent Valentin de Marcus Brück
et le touchant Siebel de Stephanie
Lauricella complètent cette superbe
distribution que la direction attentive
aux subtils équilibres sonores de
Marco Armiliato porte à des sommets
expressifs admirables. Comme de coutume, le chœur de la maison fait honneur à sa réputation et rend justice
avec aplomb à un style musical qui ne
figure pas très régulièrement à l'affiche
de ce théâtre. (24 juin)
Camilla Nylund (Ariadne) ©
Monika Rittershaus
Staatsoper : Ariadne auf Naxos
Pour sa première mise en scène d'un opéra de Strauss, Hans Neuenfels
a surpris tout le monde. Cet artiste iconoclaste qui est habitué des scandales
de tous ordres (qui a oublié les rats envahissant la scène du dernier
Lohengrin de Bayreuth ?) s'est pour l'occasion fendu d'une mise en scène
d'un classicisme épuré. L'intrigue n'est certes pas narrée de façon linéaire,
mais les coups de canif donnés au livret se suivent comme autant de
moments visuels qui ajoutent du piment à la superposition de deux ouvrages
de nature différente en suggérant des pistes de lecture auxquelles on n'aurait
pas forcément songé. Ainsi le spectacle improvisé qui constitue l'opéra à
proprement parler donne-t-il vraiment l'impression d'être improvisé, avec de
fausses entrées, des hésitations dans les déplacements, voire du flou dans le
dialogue. Bien que Zerbinetta fasse son cinéma habituel en énumérant le
nom de tous les amants entre les bras desquels elle a passé et en répétant à
l'envi que le secret de la réussite amoureuse réside dans le changement, son
comportement reste imprégné d'une mélancolie qui contredit ses affirmations. Parallèlement, quand Ariadne se trouve face à Bacchus, elle ne cède
pas à ses insidieuses avances mais préfère se poignarder, au risque d'invalider les prédictions de la comédienne italienne.
Dynamique et peu avare en retournement de situations, ce spectacle est
admirablement sous-tendu par l'accompagnement musical aux tournures
capricieuses que tisse un Ingo Metzmacher déchaîné à la tête des quelques
instrumentistes de la Staatskapelle à la dégaine irrésistible. Les chanteurs,
dans un tel contexte, se surpassent tous, de l'acolyte à qui ne sont confiés que
quelques mots aux protagonistes les plus en vue. Camilla Nylund prête à
Ariadne un somptueux soprano dont l'ampleur wagnérienne reste toujours
capable de délicatesses raffinées qui siéraient parfaitement à la musique de
Mozart. Brenda Rae se joue des difficultés techniques du rôle de Zerbinetta
avec un entrain et une bonne humeur railleuse qui donnent un poids inhabituel à ce personnage ambigu. Burkhard Fritz en Bacchus reste légèrement en
retrait car appelé au dernier moment à la rescousse pour remplacer le titulaire subitement tombé malade - mais quel éclat dans la voix, quelle solidité
dans le médium! Marina Prudenskaya en Compositeur fascine par un timbre
aux colorations furtives, passant brutalement de la désespérance du musicien trahi aux débordements emphatiques du jeune homme qui découvre les
premières joies de l'amour. Quant au chant à la fois incandescent et résigné
du Maître de Musique incarné par Roman Trekel, il compte au nombre des
grandes réussites de la soirée en dépit de la brièveté de ses apparitions... (25
juin)
Eric Pousaz
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concession de Christa Wolf qui relisait à sa
manière la guerre de Troie et la dernière heure
de la Troyenne rebelle.
du festival d’avignon à la comédie de genève
Le triomphe d'une
grande tragédienne
Le 69e festival d'Avignon entamait sa dernière ligne droite, lorsque Fanny
Ardant, le temps d'une représentation, a littéralement embrasé l'Opéra
d'Avignon par son interprétation sans faute de la Cassandre de Christa Wolf.
Salle archi-comble malgré la touffeur
ambiante pour cette unique représentation avignonnaise de Cassandre, monodrame sans
souvenirs et son présent, ses cris, sa colère, ses
blessures, son amour pour Thésée. Et, seule au
milieu d'une scène immaculée et vide, Fanny
Fanny Ardant dans «Cassandre» © Marc Vanappelghem
chant ou opéra sans chanteur du Suisse Michael
Jarrell, que servaient les musiciens du Namscae
Lemanic Modern Ensemble placés sous la
direction de Jean Deroyer. Le public était
curieux de découvrir cette nouvelle production
de Cassandre que le compositeur avait remise
sur le métier, après avoir présenté dans les
années 90 une première lecture inspirée du texte
de Christa Wolf. En 2015, il abandonne le
chœur grec et resserre son écriture musicale
autour du monologue poétique de la prêtresse
troyenne oubliée des dieux et des hommes. La
musique de Jarrell n'illustre pas le discours de la
Troyenne, elle est Cassandre elle-même, ses
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Ardant campe, avec le maestria des grandes tragédiennes et la fragilité d'une femme prisonnière et proche de la mort, une rebelle magnifique
et vulnérable qui dit non.
Maudite par Apollon qui lui a offert le don
de divination mais aussi l'incapacité d'être crue,
elle crie dans le vide et refuse jusqu'au bout de
se taire. Cassandre, affirme Fanny Ardant « est
la voix de l'être humain contre la Cité, la société. Et c'est de plus en plus important à notre
époque ou la pensée commune asphyxie
l'esprit. »
Il y a 25 ans, Marthe Keller s'était déjà
confronté à la musique de Jarrell et au texte sans
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Le metteur en scène et directeur du Théâtre
de la Comédie de Genève, Hervé Loichemol
s'est incliné devant cette « perdante
magnifique » en créant pour elle un espace
blanc, intemporel, carcéral, implacable, plaçant
les musiciens en retrait dans l'ombre, sur une
galerie à plusieurs mètres de haut. Fanny
Ardant-Cassandre apparaît, royale et fière,
vêtue d'un long manteau noir. Elle se déplace
sans ostentation, s'allonge parfois ou s'agenouille, habite la totalité du plateau. Aucun gestes inutiles, pas d'effets spectaculaires. Une
sobriété pour dire l'intime. La voix sensuelle et
grave célèbre entre toutes,
murmure, palpite, s'enfle
pour restituer toute l'émotion du texte. Ardant respire avec la musique de
Jarrell, s'interrompt pour
elle. Ce monologue de près
d'une heure est une sacrée
performance, même pour
une comédienne qui s'est
déjà confronté à ce type de
travail. Toutefois avec la
musique contemporaine,
elle reconnaît avoir toujours eu un rapport difficile: « Il faut vivre avec elle,
ce n'est pas instantané. La
musique de Jarrell est
devenue comme une
alliée. » Le public qui
attendait la performance de
la star, véritable icône du
cinéma et du théâtre français, en a été convaincu et
lui a réservé une formidable ovation.
Ce spectacle donnera le coup d'envoi de la
saison 15-16 de la Comédie de Genève dès le 21
septembre prochain, puis sera programmé dans
plusieurs salles européennes. Ne manquer surtout pas une telle leçon de théâtre où la sobriété
verbale, musicale et visuelle se met si justement
au service du texte.
Kathereen Abhervé
Cassandre à la Comédie de Genève, 21-27.09.2015.
Billetterie : +41 22 320 50 01
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Bigre © Pascal Pérennec
Danse
Cirque – Danse
Théâtre
Angelin Preljocaj
29 et 30 septembre
Collectif 4ème souffle
14 octobre
Pierre Guillois
27 et 28 octobre
Théâtre
Musique
Danse
William Wharton
Emmanuel Meirieu
7 et 8 octobre
15 octobre
Cie Gilles Jobin
30 et 31 octobre
Les Pièces de New York
Birdy
Le 4ème Souffle
Maurane
forum-meyrin.ch
Place des Cinq-Continents 1 / 1217 Meyrin
Billetterie + 41 22 989 34 34
Bigre
Quantum
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cette fascinante pièce à laquelle le cinéma
(Curtiz, Borzage ou Lang) s’était tôt intéressé.
À la baguette, Jean Bellorini, directeur du
Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.
chronique lyonnaise
Saison
[9 au 21 mai 2016]
Les deux principales scènes lyonnaises proposent un menu particulièrement
riche et attractif, où, hormis les productions-maison, de grandes figures
(auteurs et metteurs-en-scène) du théâtre européen et français sont conviées et
où les écritures contemporaines ont, encore et toujours, la part belle. En voici
un aperçu, forcément limité mais représentatif.
TNP Villeurbanne
[04 78 03 30 00 ; www.tnp-villeurbanne.com]
Bettencourt Boulevard ou une histoire de
France de Michel Vinaver
Ce sera un des événements de l’année théâtrale, tant à Lyon qu’à Paris (reprise au Théâtre
de la Colline, du 20 janvier au 14 février 2016).
Au-delà de cette affaire Bettencourt qui a agité
la presse, les tribunaux et le cercle sarkozyste,
Michel Vinaver a concocté une pièce formidable, où s’entrelacent traits acérés pour peindre
chaque personnage (dont Éric Woerth et Nicolas
Sarkozy) et une réflexion sur l’histoire au long
cours. Le patron du TNP, Christian Schiaretti,
dont la fibre politique n’est plus à vanter, mettra
en scène. [du 19 novembre au samedi 19 décembre]
Ça ira (1) : Fin de Louis de Joël Pommerat
Joël Pommerat est un des plus singuliers
metteurs en scènes (il ne s’attache qu’à ses propres textes) et des plus doués parmi les dramaturges vivants. Dans ce nouveau texte (premier
épisode d’un cycle sur la Révolution française),
il traite l’histoire « comme s’il travaillait sur les
mythes anciens […]“comme si” cela avait lieu
“ici et maintenant”. Donner un sentiment de
proximité : faire (re)découvrir au spectateur ce
qu’il croyait savoir. » En co-production avec le
Théâtre des Célestins.
[du vendredi 8 janvier au 28 janvier 2016]
Le canard sauvage d’Henrik Ibsen
Juste après sa présentation au Théâtre de la
Colline, voici cette pièce d’Ibsen envers lequel
le metteur en scène Stéphane Brauschweig a
développé une bouleversante familiarité.
[du 2 au 6 février 2016]
Le retour au désert de Bernard-Marie Koltès
Toujours l’indispensable Koltès. Cette fois,
mis en scène par Arnaud Meunier, directeur de
la Comédie de Saint-Étienne et en co-accueil
avec le Théâtre des Célestins.
[du 3 au 11 février 2016]
Liliom (ou la vie et la mort d’un vaurien) de
Ferenc Molnár
Autre événement, le retour, au théâtre, de
Théâtre des Célestins
[04 72 77 40 00 ; www.celestins-lyon.org]
En attendant Godot de Samuel Beckett
Toujours aussi acéré et généreux, JeanPierre Vincent a réalisé une des plus belles productions (créée au printemps dernier à
Marseille) de cette pièce légendaire.
[du 29 septembre au 3 octobre]
La dernière bande de Samuel Beckett
Encore Becket (qui s’en plaindra ?), avec
ce monologue dont un vieil écrivain raté (joué
par Jacques Weber) est l’anti-héros. À la
baguette, rien moins que Peter Stein.
[6 au 15 octobre]
887 de Robert Lepage
Voici ce nouvel opus du fameux dramaturge et metteur en scène canadien (virtuose créateur d’images et de scénographies). Cette fois,
seul en scène, il travaille ce qui distingue la
mémoire du souvenir. [du 13 au 21 novembre]
Orestie (une comédie organique ?) de Romeo
Castelucci
Le formidable homme de théâtre italien
revisite cette production de 1995 dont, de la trilogie d’Eschyle (Agamemnon, Les Choéphores
et Les Euménides), il magnifie la sauvagerie et
la poésie. [du 30 au 27 janvier 2016]
Les affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau
Mise en scène par Claudia Stavisky (directrice de ce théâtre), cette amorale pièce centenaire n’a pas pris une ride : un affairiste self
made man étend ses ambitions jusque dans la
carrière politique.
[du 1er au 26 mars puis du 3 au 7 mai 2016]
Richard III de William Shakespeare
Avec ce Richard III et après sa trilogie constituant Henry VI qui rencontré un ample succès,
Thomas Jolly et sa compagnie La piccola familia ferment ce cycle shakespearien consacré à la
Guerre des deux Roses. [du 17 au 20 mai 2016]
Frank Langlois
A Villeurbanne : «Le Canard sauvage» © Elisabeth Carecchio
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meyrin et villars-sur-glâne : preljocaj
Retours sur
répertoire
Créée au dernier Festival d’Avignon, Retour à
Berratham s'inscrit dans les festivités des 30 ans du Ballet
Preljocaj. Pour l'occasion, la troupe refigure des œuvres
créées pour le New York City Ballet.
Un jeune homme à la recherche d’un amour de jeunesse, fait retour
sur les terres ravagées de son enfance. Face à un texte commandé à l’écrivain Laurent Mauvignier, Retour à Berratham donne voix à la supplication
et aux tourments quotidiens de femmes, de Bosnie en Tchétchénie,
d’Ukraine en Biélorussie, hier, aujourd’hui et demain.
Femmes violentées
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Le féminin en attente, oppressé, contraint, étouffé, exécuté, se dévide
au filtre d’une choralité dansante. Ce chœur parle en mouvements à l’unisson et par le filtre d’une comédienne récitante, Emma Gustaffson, retrouvant possiblement les accents de la tragédienne Sarah Bernardt pour se
muer en coryphée compassionnelle. Elle rapatrie une longue lignée de
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souffrances subies, des Suppliantes d’Eschyle réclamant un asile impossible au chœur des femmes nobles se lamentant avec Electre. Le féminin
apparait ici fatalement lié à une communauté, ses rites et codes, qui le dictent alors que le masculin erre, libre de ses exactions, menaces et souffrances infligées qui poussent dans le ventre des femmes.
Le chorégraphe, 58 ans, donne à l’impudeur d’un récit âpre et suffocant commandé à Laurent Mauvignier, la pudeur d’états de corps somatiques. Ne doivent-ils pas autant au peintre anglais Francis Bacon comme
dans ce duo final réunissant les amants rêvés sur le toit d’une carcasse de
voiture, comme une pâte organique émolliente s’écoulant lentement qu’à
des tutti à l’écriture coupante et ciselée ? C’est une « qualité de mouvement liée au poids, celui du souvenir et de l’Autre. Le développement du
mouvement y rejoint celui de l’eutonie, travail de kinésithérapie basé sur
le déplacement du squelette », précise l’artiste.
Emigration et renouveau
« J’ai toujours été attaché à la notion de répertoire. Les œuvres ont
besoin d’être relues, réinterprétées », pose Preljocaj. Confrontant en les
tuilant extravagances baroques et antiques d’hier et de maintenant, La
Stravaganza (1997) passe en revue la dimension de nouvelle naissance
rattachée au dialogue entre immigration européenne et installation d’une
Tour de Babel des cultures au sein de la Grosse Pomme. L’exil y est interrogé comme une possible résonance au parcours du chorégraphe d’origine albanaise, dont la famille dû quitter le Monténégro natal. Sur des chants
d’oiseaux inauguraux et une sensorialité évocatrice du Nouveau Monde
façon Terrence Malick, une trinité de couples aux vêtements d’aujourd’hui contraste avec des silhouettes baroques qui leur font face. Conçu ori-
«La Stravaganza» © Jean-Claude Carbonne
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«La Stravaganza» © Jean-Claude Carbonne
ginellement pour un ensemble classique de 12 danseurs, la chorégraphie
épouse la dynamique ici papillonnante, là inquiète voire tendue d’expectative signée Vivaldi à laquelle se mêlent des pièces américaines contemporaines. « En partie autobiographique, cette première création pour le
NYCB évoque ainsi l’arrivée de personnages bizarres qui viennent de la
Vieille Europe, étant habillés dans des tonalités pouvant évoquer Vermeer
ou Rembrandt. Ils font irruption dans un monde traversé de jeunes danseurs athlétiques, balanchiniens new-yorkais très smarts. C’est la
confrontation de ces deux univers, la Vieille Europe et l’American Way of
Life. L’opus voit les danseurs échanger un vocabulaire corporel étrange
et hybride », explique le chorégraphe.
Oui, il y aurait un trésor dans la mobilité et l’exil qui ne seraient pas
fatalement synonymes de persécutions, contraintes et exploitations. Soit
accepter d’être cet autre renouvelé, recommencé en soi, qui épouse les
variations de la géographie et d’histoires « condansées », partagées entre
les Modernes et les Anciens. Les premiers s’incarneraient dans les creusets classiques de Balanchine marqués par des mouvements vigoureux,
précis, dynamiques, à la beauté formelle tendant vers l’épure que salue
Preljocaj. Les Anciens, émigrés hollandais accostant New-York au 17e s.
avec en figures de proue, les danseurs français contemporains de la vieille
Europe, leur culture multiséculaire. Cet autre recommencé lâche ici ses
pesanteurs, l’histoire obligée, préfère à tout et à tous, le vent, les diagonales, ce qui chante et danse, une transparence.
de prêches millénaristes, la «preuve spectrale» est une invention fantaisiste censée attester du lien essentiellement de femmes avec les démons et le
Malin. La situation de l’été 1692 vit 67 personnes dénoncées, 5 décédées
en prison et 25 pendues. « La preuve spectrale s’étendait jusqu’au domaine des rêves. Il est inouï de voir quelque chose de si éminemment subjectif, même fantasmatique se mue en preuves à charge dans des dossiers
d’accusations entrant dans le jugement de personnes et pouvant déboucher sur une sentence de mort. C’est un déni de justice. Et avec ce dernier,
on rend la justice. Cette dimension m’a troublée. D’où l’envie de travailler sur le thème de la culpabilité, du désir toujours. Et comment la
frustration du désir peut générer une réelle et prégnante violence »,
détaille le chorégraphe.
Prolongés par un décor géométrique, quatre couples évoluent graphiquement dans des symétries troublantes. Les danseuses montent en volutes autour des noires silhouettes de clergymen comme le ferait une brume.
Les danseurs sculptent des figures anguleuses et rectilignes épousant les
mouvements sémaphoriques d’aiguilles d’une boussole cartographiant
l’espace de probables carcans moraux aussi rigides que sous-jacents.
L’ensemble est rehaussé par le sérialisme percussif anxiogène alternant le
bâti et le déconstruit, émanant des musiques signées John Cage (aria, ballade psalmodiée ou choc d’un baiser). La chorégraphie s’adosse merveilleusement aux fondamentaux élémentaires du mouvement que sont
l’énergie et la dynamique, le poids et l’espace.
Chasse aux « sorcières »
Bertrand Tappolet
A l’instar d’un duveteux rêve éveillé, Spectral Evidence (2013),
réanime un vécu historique singulièrement douloureux en tirant son
humus dramaturgique des sinistres procès intentées aux affabulées « sorcières de Salem », en 1692 au cœur de la Nouvelle Angleterre. Sur fond
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La Stravaganza et Spectral Evidence. Théâtre Forum Meyrin, 29 et 30 sept. ; Equilibre
Nuithonie, 25 septembre.
Retour à Berratham. Théâtre de Chaillot, Paris, du 29 sept. au 23 oct. 2015.
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équilibre-nuithonie
Riche saison
En 2015-2016, Nuithonie fêtera ses dix ans et Equilibre
s’affirmera définitivement comme un pôle de la danse.
Foisonnante, la programmation mettra à l’honneur,
comme à son habitude, tous les arts vivants.
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cie Fabienne Berger. La compagnie investira à sa guise les lieux pour fêter
ses 30 ans (le 18 décembre). La danse ne se limitera pas à cet anniversaire, puisque durant toute la saison des compagnies comme Le Ballet
Preljocaj avec Les Pièces de New-York (le 25 septembre) ou encore
Blanca Li avec Robot (le 13 et 14 novembre) se succéderont. Le chorégraphe de The Roots, Kader Attou, reviendra, quant à lui, à Fribourg pour présenter Opus 14 (le 4 février).
Les festivités anniversaires se clôtureront en musique avec les 30 ans
de la Spirale à Équilibre. Les amateurs de Jazz pourront ainsi profiter des
concerts du Anouar Brahem Quartet (le 27 mai) et du Avishai Cohen
Trio ( le 28 mai). D’autres concerts résonneront durant toute la saison,
comme celui de la chanteuse soul Malia (le 9 mars). C’est ainsi une saison riche et lumineuse qui se prépare.
C’est une saison riche en spectacles et en anniversaires qui s’annonce à Fribourg. 30 pièces de théâtre, 14 spectacles de danse, de la musique,
du nouveau cirque, du tout public et quelques surprises s’alterneront sur
les scènes fribourgeoises.
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L’événement, c’est Nuithonie qui soufflera cette année ses dix bougies avec, entre autres, Le NoShow, spectacle québécois décalé et décapant sur les aléas de la création théâtrale. Un bal, un spectacle déambulatoire mis en scène par Julien Schmutz complèteront ces festivités. Côté
programmation, le théâtre sera mis à l’honneur durant toute la saison avec
notamment la présence de personnalités. Michel Aumont incarnera Le Roi
Lear (le 14 mars), tandis que Emmanuelle Devos interprétera avec sublime le rôle de Anna Petrovna dans Platonov (le 22 novembre). Parmi les
invités prestigieux, il faudra également compter Édouard Baer et Léa
Drucker ou encore
Wajdi Mouawad.
Du côté du théâtre
suisse, on pourra
admirer Sils-Kaboul
(du 21 au 23 janvier) mis en scène
par Anne Bisang,
directrice
du
Théâtre populaire
romand ou encore
Marla,
portrait
d’une
femme
moderne (du 18 au
20 février) par
Denis Maillefer. La
création fribourgeoise sera également de la partie,
puisque c’est près
de 7 créations qui
seront hébergées
cette année.
Théâtre Equilibre : «L'histoire du soldat»
© Elisabeth Carecchio
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Valérie Vuille
Entretien avec Thierry Loup
Equilibre-Nuithonie offre cette saison encore des spectacles
diversifiés et de tous les genres. Y a-t-il des pièces que vous conseillez
particulièrement ?
Sœurs de Wajdi Mouawad (le 3 et 4 mars) est une pièce fascinante, c’est
une magnifique saga familiale dont Wajdi Mouawad a le secret.
Constellations (le 23 avril) de l’auteur anglais, Nick Payne, est quant à lui
un spectacle très particulier. Il raconte la rencontre de deux êtres en jouant
sur les possibles. Les scènes sont ainsi rejouées en fonction de détails,
comme les premiers mots, et le récit change. C’est une réflexion sur les
hasards et les aléas de la vie. Le NoShow (du 7 au 10 octobre) est, quant
à lui une des pièces à ne pas manquer de la saison. Il sera joué dans le
cadre de notre dixième anniversaire. Dans ce spectacle québécois, le
public est roi. À l’entrée, il choisit le prix de son billet et en fonction de la
recette, il devra même choisir les comédien(ne)s qui resteront sur scène.
C’est une manière drôle et décalée, de traiter des aléas de la création théâtrale et son avenir aujourd’hui.
La saison théâtrale sera donc riche en découvertes et que se
passe-t-il du côté de la danse ?
Beaucoup de belles choses, et certaines premières suisses, comme Opus
14 de Kader Attou (le 4 février) ou encore Pixel de Mourad Merzouki (le
16 février). Le chorégraphe français s’est associé aux brillants créateurs
numériques Adrien M. et Claire B. pour créer un spectacle de danse dans
un univers numérique envoûtant.
La musique sera également à l’honneur cette année.
Exactement, nous accueillerons la chanteuse soul Malia (le 9 mars) ou
encore Avishaï Cohen Trio (le 28 mai). Le groupe Blønd and Blönd and
Blónd (le 27 novembre) offrira également un spectacle, « Hommage à la
chanson française », drôle et surprenant.
En décembre,
les salles se rempliront de danse avec
l’anniversaire de la
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Propos recueillis par Valérie Vuille
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Théâtre Equilibre : «Opus14» © Michel Cavalca
Espace Nuithonie : «Le cirque invisible» © Toussaint
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maison des arts du léman, thonon - évian - publier
À chacun ses couleurs !
L'esprit de la nouvelle saison est d'emblée donné par la formidable déflagration
lumineuse qui explose au centre de l'affiche, projetant dans l'espace encore
éteint des jets de couleurs vives. Des couleurs qui, selon Thierry Macia, le
directeur de l'institution savoyarde, symbolisent la Maison des Arts du Léman,
unique sur son territoire et multiple par la variété des formes qu'elle propose,
des lieux et des publics.
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La nouvelle saison sera donc colorée et
multiple avec plus de 70 manifestations embrassant tous les arts de la scène, de la chanson au
jazz, de la musique classique au rock, du théâtre musical au théâtre d'auteur, des spectacles
humoristiques aux spectacles pour enfants, des
marionnettes à la danse et au cirque. Si la plupart des spectacles sont accueillis au Théâtre
Maurice Novarina de Thonon, certains poseront
leur tréteaux dans 25 communes de la Haute
Savoie, les concerts classiques s'installeront
quant à eux, dans le magnifique cadre forestier
de la Grange au Lac d'Evian.
Musique classique
La saison s'ouvrira avec l'Orchestre
Philharmonique de Baden-Baden et la violoniste Maria Solozobova attendus dans un programme Tchaikovski, Beethoven et Sibelius.
L'Orchestre des Pays de Savoie, en résidence à
la Maison des Arts du Léman, donnera plusieurs
concerts avec Nicolas Chalvin au pupitre; d'une
part avec les Chœurs et Solistes de Lyon, d'autre part avec le pianiste Roger Muraro lors d'une
soirée romantique, et enfin avec l'Orchestre
symphonique de Mulhouse, dans un programme
Bartók et Dvořák. Avant que le violoncelliste
canadien Gary Hoffman ne forme avec la pianiste Claire Désert un duo d'exception, l'alto
Nathalie Stutzmann présentera à la tête de son
ensemble Orféo 55, des musiques des 17e et 18e
siècles.
Autres musiques
Du jazz avec le contrebassiste R. GarciaFons et le pianiste D. Peña Dorantes, le chanteur californien Gregory Porter, le flûtiste
Michel Edelin, Chucho Valdés et ses AfroCuban Messenger. De l'humour en musique
avec le célèbre duo La Framboise Frivole, les
Cinq de Cœur virtuoses et déjantés, ou les
Autrichiens fous du Mnozil Brass. Les amateurs
de chansons seront séduits par le timbre
rocailleux de la chanteuse Madjo, la voix hyp-
Stephan Eicher © Roch Armando
notique de la Franco-Marocaine Hindi Zahra,
l'hymne à la beauté du groupe corse I Muvrini,
les chansons déstructurées et insolites des
Slash/Gordon, la fanfare d'automates de
Stephan Eicher et tous les autres.
Théâtre, danse et cirque
Une quarantaine de troupes invitées alterneront pour présenter des spectacles tout public,
drôles ou sérieux comme Les Cavaliers de
Kessel, Le Misanthrope de Molière, Pelléas et
Mélisande de Maeterlinck, du Feydeau, du
Corneille, du Lewis Caroll; du Philippe
Caubère, du théâtre forain avec la famille
Burattini, de la danse avec le Groupe Emile
Dubois ou la Cie Accrorap, des contes avec
Henri Gougaud qui ravira grands et petits. Le
jeune public fait par ailleurs l'objet d'une attention toute particulière avec près de 20 spectacles
qui lui sont destinés, théâtre d'ombre, théâtre
d'objet, cirque, danse, contes et marionnettes
dont la Cie Les Anges au Plafond de retour à la
Maison des Arts du Léman pour le bonheur de
tous.
Kathereen Abhervé
Théâtre Maurice Novarina Tél. +33 450 71 39 47 – www.mal-thonon.org
«Quand le diable s'en mele» © N. Hervieux
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théâtre de vidy
Le théâtre
n'existe pas
Coup d’œil sur la deuxième saison du théâtre de Vidy
placée sous la houlette de Vincent Baudriller.
La deuxième saison concoctée par Vincent Baudriller suit la ligne de
la précédente avec deux spectacles coups de poing (Castellucci, Delbono),
des œuvres hybrides, entre performance, théâtre, danse ou film (La Ribot,
Sciarroni, Platel), des productions en langue étrangère (McBurney en
anglais, Milo Rau en serbe, bosniaque et allemand, Nicolas Stemann en
allemand, Deflorian/Tagliarini en italien), quelques artistes bien de chez
nous (Bel Kacem, Tosato, Augustin Rebetez), et une préférence nette pour
la danse (De Keersmaeker, Duyvendak, Berrettini) et la musique (Pedroli).
Restent Pascal Rambert, Jean-François Peyret et, nouveautés, trois spectacles pour enfants (Forced Entertainment, Bel Kacem, Sciarroni).
De Vidy, "théâtre au bord de l'eau", à "Vidy, l'espace théâtral européen". René Gonzales avait ouvert la voie à un théâtre innovant (Novarina,
Lupa, Bory, Heiner Goebbels – qui reviendra à Vidy en seconde partie de
saison). Dans sa nouvelle programmation, Vincent Baudriller pousse
encore plus loin l'exploration de toutes les potentialités du théâtre. Et de
remettre en question la définition du 5e art. Fi de la narration. Vive la
déconstruction ! Et toucher directement le spectateur, même s'il faut se
passer de l'intermédiaire du texte, depuis longtemps sursacralisé par la
scène. Aucune pièce classique n'est à l'affiche de la saison - à l'exception
de "La Mouette" en seconde partie de saison, d'un lointain "Werther !" du
Hambourgeois Nicolas Stemann et d'un texte non-théâtral de Paul Celan
("Le Méridien" par Nicolas Bouchaud).
Trouver la voix, perdre la foi
Dans The Encounter, Simon McBurney adapte le roman Amazon
Beaming du romancier contemporain Petru Popescu grâce à un dispositif
où chaque spectateur est muni de ses propres écouteurs. Un voyage auditif qui, s'il met l'accent sur le journal d'un reporter du National
Geographic, explore surtout le reste d'un territoire auditif luxuriant.
Le texte par excellence, c'est l'évangile. Et Pippo Delbono de se
demander quelle voix dit ce texte, sachant que ce n'est pas Dieu qui a écrit
les évangiles, parce que c'est "l'homme qui a créé Dieu". Le metteur en
scène-comédien-réalisateur a donc voyagé autour du monde pour en ramener des voix qui expriment leur foi à leur manière, et pour les fondre dans
une sorte de messe laïque (Vangelo).
A quoi ressemble la voix du Père est aussi une interrogation qui nourrit les réflexions théâtrales de l'apostat Romeo Castellucci. Il avait déjà
fait parler Dieu dans un remarquable Go down, Moses et filmé en gros
plan la trachéotomie d'un cancéreux bavard dans Giulio Cesare. Sa nouvelle hérésie, Sul concetto di volto nel figlio di Dio (Sur le concept du visage du fils de Dieu), interroge la dignité d'un vieillard incontinent et teste
l'amour de son soignant de fils. Rien ne sera épargné au spectateur.
L'Occident étant en passe de remplacer les logorrhées de la parole
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divine par des logarithmes du Net, le
metteur en scène parisien JeanFrançois Peyret se demande dans
Citizen Jobs, comment parler de Steve
Jobs, le père d'Apple, au théâtre.
Encore plus philosophique, le
Delémontain Augustin Rebetez propose simplement [de] Rentrer au volcan. On ne sait pas encore s'il annonce un constat pessimiste sur le monde
façon Empédocle, mais l'artiste assure
: "Nous avons des cœurs cassés, des
rêves magnifiques et ce qu'on exprime
c'est fragile sale et touchant ça vient
d'ailleurs et pourtant nous sommes là
maintenant."
«The Dark Ages» © Dashuber
L'actualité, la guerre
A l'autre extrême de la programmation de Vidy se trouvent des spectacles plus prosaïques, comme cet En avant, marche !, dans lequel les Belges
Frank Van Laecke et Alain Platel s'intéressent à la fanfare, et à sa manière de jouer et de passer de Beethoven aux marches populaires.
Le Romand Karim Bel Kacem a, lui, choisi de mettre en scène deux
pièces de chambre, à l'opposé l'une de l'autre. Ainsi son Gulliver du classique Jonathan Swift – spectacle aussi destiné au jeune public - est-il l'exact
contrepoint du B.L.A.S.T.E.D, premier texte de l'écorchée vive Sarah Kane.
L'expérience intime de la guerre, fortement présente dans cette dernière pièce, constitue la matière même de The Dark Ages du Bernois Milo Rau.
Habitué à analyser les guerres civiles et actions terroristes qui caractérisent
de plus en plus notre monde contemporain, The Dark Ages, deuxième partie de sa Trilogie de l'Europe, couvre la période 1945-1995. Cinq acteurs de
Bosnie, Serbie, Allemagne et Russie racontent leurs enfances, leurs fuites et
leurs exils.
La réalité constitue également le matériau du tandem romain Daria
Deflorian et Antonio Tagliani. Tandis que quatre retraités grecs finissent
par se suicider ensemble dans Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni (On s'en va pour ne pas vous donner plus de soucis), Reality s'inspire des 748 carnets de notes qu'une Polonaise, femme au foyer, a laissés à sa
mort, en 2000. Avec une précision obsessionnelle, Janina Turek y consignait
ses faits et gestes : appels téléphoniques (38'196), rendez-vous (1'922),
émissions de télé vues (70'042), cadeaux offerts (5'817)… A partir d'un tel
sujet, le spectacle est-il encore possible ?
Enfin, l'amateur du verbe théâtral se rassurera à l'intimité de deux pièces chorales signées Pascal Rambert, dramaturge et metteur scène minimaliste et partisan de l'adresse directe, pour qui seul le personnage compte (voir
entretien page suivante). Clôture de l'amour, spectacle aux nombreux prix,
est un dialogue uniquement constitué de deux longs monologues, celui d'un
homme et celui d'une femme qui lui répond. Histoire d'un amour limité. Et
puis Répétition décline le même modus operandi, mais avec quatre personnages (et quels acteurs ! Emmanuelle Béart, Denis Podalydès, Stanislas
Nordey et Audrey Bonnet). Au fil de ces quatre tirades successives, se
règlent les comptes du théâtre. Peut-être qu'au final, Vidy n'oublie pas encore complètement le texte.
Frank Dayen
Théâtre de Vidy, www.vidy.ch, rés. 021 619 45 45, billetterie du Théâtre de Vidy ou
Librairie Payot Lausanne.
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théâtre de vidy
Pascal Rambert
Du 30 septembre au 9 octobre, Pascal Rambert s’installe à
Vidy avec 2 spectacles : Clôture de l’amour et Répétition, et
une lecture : Avignon à vie.
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A la sortie d’une masterclass consacrée à la dramaturgie qu’il donnait
à la Biennale de Théâtre de Venise à de jeunes écrivains, Pascal Rambert
nous a consacré son dernier entretien avant
de partir en vacances. Des vacances bien
méritées pour ce boulimique de travail à la
fois écrivain, metteur en scène, chorégraphe,
réalisateur et directeur du Théâtre de
Gennevilliers qu'il a transformé en centre
dramatique national de création contemporaine.
Celui qui se définit comme «un écrivain
qui écrit pour des corps et des tessitures» se
débrouille pour réfléchir au monde dans
lequel il vit et lui donner une forme.
Il connaît un succès mondial avec sa
pièce Clôture de l'amour créée au festival
d'Avignon en 2011, jouée plus de 140 fois
depuis, et collectionne les prix et les récompenses jusqu’à être nommé au grade de chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres.
A Vidy cet automne, après Clôture de
l'amour , magnifique texte sur la séparation
amoureuse, où d’abord un homme parle,
longtemps, puis une femme répond, longtemps, il y aura Répétition qui
propose une même succession de monologues, mais pour quatre acteurs :
Audrey Bonnet, Stanislas Nordey, Emmanuelle Béart et Denis Podalydès.
C’est aussi Denis Podalydès qui prêtera sa voix à la lecture d’Avignon à
vie, lumineuse ode au festival d’Avignon.
La grande force de Pascal Rambert, c’est la simplicité ; une manière
sans détour de dire et de montrer, qui touche droit au sentiment. Entretien.
Vous présentez à Vidy en début de saison trois spectacles :
deux pièces et une lecture. Est-ce important de les montrer dans leur
ensemble et dans l’ordre chronologique de leur création ?
Oui. En tant que spectateur j’aime voir le travail d’un artiste à travers le
temps. Le premier partenaire de notre travail artistique c’est le temps, spécialement au théâtre.
«Répétition» Marc Domage
Voir Clôture de l'amour qui est un point central de mon travail depuis plusieurs années,
enchaîner avec Répétition qui est la pièce
créée juste après où on retrouve les mêmes
acteurs mais dans des relations différentes, et
avoir un regard sur tout cela avec Avignon à
vie, un livre auquel j’ai donné une forme totalement étonnante en vers, est éclairant sur
mon travail. Le triptyque est quelque chose
que je pratique beaucoup. Cela me plaît qu’on
entende la contradiction, nichée aussi dans
l’être humain. C’est difficile à reproduire au
théâtre, dans la littérature en général, où l’auteur doit afficher une position tranchée. Moi je
défends le contraire, je donne à voir des êtres
qui bataillent avec leurs contradictions internes et donc je bataille moi-même avec mes
propres contradictions internes de pièce en
pièce. Une pièce répond à l’autre, la contredit,
la conteste. C’est une forme de dialectique du
réel et du temps qui avance.
«Clôture de l’amour» © Marc Domage
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Et puis, je suis très heureux d’ouvrir la saison de Vidy avec Vincent
Baudriller qui a été à l’origine de cette chose incroyable que fut Clôture
de l'amour. Je le remercie encore de l’impulsion qu’il m’a donnée. C’est
lui qui m’a proposé de revenir à Avignon avec quelque chose que j’écrirais. La relation avec Vincent Baudriller est une vraie aventure heureuse.
Jouer à Vidy, c’est comme un retour à la maison. Aujourd’hui, il existe 25
versions de Clôture de l'amour qui se jouent dans le monde. J’en ai mis en
scène environ sept ou huit depuis 2011 aussi bien au Japon, à New-York
qu’à Barcelone ou en Russie.
Quand vous créez des adaptations dans d’autres langues ou
lorsque vous reprenez des spectacles, votre regard sur le texte change-t-il ?
C’est une question philosophique : un objet reste-t-il toujours le même ou,
alors qu’il reste le même, se transforme-t-il ? Il est difficile de répondre à
une telle question.
En fait, ce ne sont pas des adaptations, mais de nouvelles créations avec
des acteurs dans une langue étrangère. Il s’agit d’un long processus de traduction, de répétitions. Je travaille de manière à pouvoir privatiser le texte
pour chaque acteur. Je l’ai fait par exemple en russe, en anglo-américain,
en italien, en espagnol, en serbo-croate, en allemand, et à chaque fois j’adore ça !
La langue que j’écris est une langue de l’oralité et l’acteur a besoin d’une
route stable : la phrase.
Vous êtes à la fois écrivain, metteur en scène, chorégraphe,
réalisateur et directeur de théâtre. Parmi toutes vos activités, s’il fallait en choisir une seule ?
Dans mon I-Pad, j’ai cinq pièces en cours. Elles se nourrissent l’une de
l’autre. Je rêve dessus et ensuite je rédige très vite. Je prépare un projet très
en amont, sinon l’inconscient se bloque, un peu comme un cheval devant
l’obstacle. Il faut du temps pour laisser entrer en soi le rêve d’une pièce.
Il faut absolument maintenir la capacité de l’inconscient à se
cabrer contre l’injonction du quotidien et arriver à dire : « Je ne fais pas
ceci ou cela parce que j’écris. » Alors pour répondre à votre question, si je
devais vraiment choisir ce serait l’écriture. J’ai mis du temps à l’accepter
mais je pense que je suis un écrivain de théâtre. J’écris tous les jours dans
les avions, dans les trains, dans les hôtels ou chez moi à Paris. J’ai passé
35 ans de ma vie à faire cela.
Vous avez écrit Répétition, avant de commencer à répéter
Clôture de l’amour. Ces deux pièces sont étroitement liées. Cela signifie-t-il que vous n’en aviez pas terminé ? Aviez-vous le sentiment qu’il
y avait encore des choses à dire ?
C’est ce problème que j’ai dans la vie, j’ai des choses à dire… un peu. Mais
pas de façon révolutionnaire, plutôt à travers une structure, une forme qui
est pour moi le travail sur le langage. C’est difficile d’écrire du théâtre. Nous
avons des prédécesseurs monstrueux. Lire Shakespeare, Tchekhov, Molière,
ou Bernard-Marie Koltès, ça peut décourager d’écrire. Moi au contraire en
lisant ces auteurs-là, je me dis : « Je veux écrire ! ». Pour moi, la littérature
est un déclencheur d’écriture. Quand j’ai créé Répétition, c’était une façon
de répondre à Clôture de l’amour. J’ai écrit une nouvelle pièce, Argument,
qui sera jouée en janvier 2016 et qui répond en certains points à Répétition
mais aussi à des choses affirmées dans Clôture. C’est comme si le moi
humain de l’écrivain n’était pas un petit moi qui parle de lui-même. Ce que
je n’ai d’ailleurs jamais eu l’impression de faire. Même si mes pièces sont
souvent très proches de la forme autobiographique, j’essaie de donner une
structure à ce moi, à cette parole-là.
A ce propos, le monologue est-il une forme qui vous permet de
réinventer le dialogue théâtral ?
Mais je n’ai pas vraiment choisi le monologue ! Mes textes ressemblent à
des monologues, mais en fait ce sont des dialogues très longs. Clôture de
l’amour est une question/réponse. Ce n’est pas un monologue lorsque quelqu’un parle et que l’autre l’écoute et réagit. Or Audrey (Bonnet) est entièrement vivante lorsque Stanislas (Nordey) lui parle. En juin dernier, au
Théâtre des Bouffes du Nord, j’ai repris avec Arthur Nauzyciel, De mes propres mains, créée en 1993, et les gens trouvaient ce texte très proche de celui
de Clôture de l’amour. J’ai toujours écrit de la même manière et à un
moment donné ça s’entend, on ne sait pas trop pourquoi. J’ai compris que,
parce que j’écris du théâtre, le texte nécessite les meilleurs acteurs que l’on
puisse avoir. Si vous n’avez pas des interprètes hors pair, l’effet ou la présence de l’œuvre n’est pas là. Et donc, j’ai réalisé que j’écris toujours pour
des grands acteurs, je n’écris pas au hasard. Et les grands acteurs ont besoin
d’un texte avec lequel ils peuvent se battre, où ils trouvent les capacités de
déployer leur savoir, leur non savoir ou leur inquiétude devant une œuvre
neuve. Mon travail est finalement de nourrir des fauves !
Propos recueillis par Nancy Bruchez
Théâtre de Vidy-Lausanne :
Clôture de l’amour, du 30 sept au 4 oct
Répétition, du 6 au 9 oct
Avignon à vie, lecture le 4 octobre par Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie
Française
«Avignon à vie», photo Christophe Raynaud de lage
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la bâtie - festival de genève
Arts en transversalités
Sous la bannière de l’étrange, le Festival genevois parcours une galaxie passant
de la grâce à l’animalité au coeur à vif de mondes tourmentés et inspirés
jusqu’au vertige.
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D’un espace hyperréaliste, This how you
will disappear transite progressivement vers un
univers mental fantasmatique. La pièce part
d’une forêt archétypale, comme surgie d’un diorama à l’échelle 1 :1. Elle est traversée par trois
personnages, dont on croit suivre l’expérience
intérieure avant que ne surgisse un rapace nocturne. Suivant la brume sculptée in vivo, la partition
lumière et le bain sonore, on passe de l’harmonie
élégiaque chère à la peinture romantique allemande à une atmosphère empreinte de périls telluriques croisée dans les parages des contes
gothiques.
Pulsions souterraines
Dotée d’une souplesse à la grande vigueur,
une gymnaste à l’entraînement mène toujours
«Demons (Dämonen)». Photo Arno Declair
plus avant l’écartèlement anatomique. Jusque
dans sa tunique, on la croirait issue du Triomphe
de la volonté signé Leni Rifensthal. Le corps en
majesté bientôt délitée de la danseuse espagnole Núria Guiu Sagarra, corps automate travaillé
d’une étonnante ductilité, est dirigé par un
entraîneur. L’homme fonctionne bien plus que
comme un tuteur, jetant la trouble dans la relation entre maître de marionnette à l’exercice et
figure iconique à la vulnérabilité indicible. Ils se
confrontent à des pulsions primitives vitales,
létales et sexuées incarnées par une rock star
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déambulant avec une lenteur de défonce auréolée d’une improbable catharsis le conduisant à
la ruine et au suicide
Passé par une voix anglaise murmurante, le
récit de l’auteur américain Denis Cooper
évoque de manière trouble, brouillée et incertaine, le meurtre commis par le jeune homme
gothique puis l’assassinat de ce dernier et le
retour de la gymnaste qui a sans doute été abusée par l’entraîneur. Les sfumatos et clairs-obscurs signés Patrick Rioux alliés à la musique qui
marquent par ses nappes ambiant associées au
drone doom de Stephen O’Malley et Peter
Rehberg ne sont pas pour rien dans les retours
sur soi mémoriels de souvenirs insondables.
Sacre en résistance
Le corps et le patrimoine
sont pour Olivier Dubois les
vecteurs privilégiés d’un travail d’ébranlement et de questionnement de ce qui fait, selon
lui, humanité en l’Homme :
l’aptitude à se dresser, hurler,
résister. Le Sacre du printemps
a déjà été visité par l’Afrique.
Que l’on songe aux versions
signées Georges Momboye ou
Heddy Maalem. Mais elles se
sont concentrées sur la dramaturgie classique d’un chaînage
de l’humain à une communauté visible et dansante. Figure
historique de la danse africaine contemporaine
tissée d’influences nomades qu’a bien mises en
lumière la chorégraphe sud-africaine Robyn
Orlin dans son Au moment où nous pointions un
doigt vers toi…, la franco-sénégalaise Germaine
Acogny, 70 ans, s’est souvenue de sa collaboration avec Maurice Béjart la pressentant dans le
rôle de l’Elue au sein d’un nouveau Sacre qui ne
vit pas le jour. D’où le titre, « Mon Elue Noire »
du solo conçu par Dubois avec lequel elle a
développé une étroite complicité.
Entre plusieurs passages au noir plateau,
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qui ont parfois l’arrière-goût de « mortelles
ténèbres », et des fumées déchainées, la danseuse impressionne par son morphing d’expressions, cris et statures et marches en sur place
rythmiques. En sous-vêtements noirs, Germaine
Acogny, plus chamanique que jamais, peut faire
amuïr la musique de Stravinski, l’enfermant
entre ses paumes. Elle tire sur sa bouffarde dans
l’obscurité fuligineuse d’une boîte scénique.
Dans une lumière rougeoyante, on entend : « En
ce qui me concerne, je pense que ces têtes
d’hommes, ces récoltes d’oreilles, ces maisons
brûlées, ces invasions gothiques, ce sang qui
fume, ces villes qui s’évaporent au tranchant du
glaive, on ne s’en débarrassera pas à si bon
compte ». C’est un extrait du Discours sur le
colonialisme d’Aimé Césaire (1950), pamphlet
anticolonialiste et antiraciste au propos théâtralisé, imagé, baigné de sang et de violence, cri
d’indignation face à ceux qui s’arrogent le droit
de soumettre d’autres peuples.
Amour vital à mort
L’amour fait toucher du doigt les limites de
l’être humain. Prenez Démons, huis clos nordique signé Lars Noren. Thomas Oestermeier
met cette pièce bergmanienne et sexuée en physicalité exacerbée et tournette scénographique
véhiculant l’idée de « carrousel qui commence à
tourner » décrite par le dramaturge. Un couple de
trentenaires aisés s’aime et ne peut plus se sentir. « Ou je te tue ou tu me tues, ou on se sépare
ou on continue comme ça. Choisis ! » Il y a entre
eux un flot continu d’on ne sait trop quoi, qui
dépasse le sexe et l’amour, la haine et la mort et
qui ne s’éteindra jamais, même s’ils se séparent
physiquement. L’important, c’est que Katarina et
Frank sont deux âmes égarées qui se régénèrent
l’une auprès de l’autre, parce que l’amour et la
haine qu’ils se donnent sont sous-jacents à leurs
répliques contenant « une provocation qui est une
invitation au conflit », comme le souligne la
didascalie inaugurale.
Dans un mélange d’impudeur, de brutalité
sexuel et de cruauté, d’exhibition et de vérité, les
conjoints sont rejoints par un autre couple, lui
tranquille et doté d’enfants. Pour ce théâtre-réalité avec projection d’images réalisées notamment
en vue surplombante, l’intrigue se déroule en
temps réel sur une soirée en 1982. C’est à une
chorégraphie mortuaire, un jeu de massacre des
masques et apparences que convie Démons.
Bertrand Tappolet
Du 28 août au 12 septembre 2015. Rens. : www.batie.ch
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théâtre de carouge
Semianyki
Express
Ce décor semble moins planté pour servir de toile de fond au développement d’une histoire ou à la convocation d’un imaginaire ferroviaire,
que pour servir d’écrin aux différents numéros. Cet écrin aurait pu être
tout autre, mais il fallait que les numéros s’enchaînent avec un semblant
de cohérence. Cette cohérence est celle d’un univers évoqué à grands
traits, et non celle d’une histoire. On peut ainsi regretter que les Semianyki
se soient arrêtés à mi-chemin : la dimension théâtrale est chiche, qui semble uniquement destinée à faire passer la rampe à l’élément clownesque et
à produire du liant entre les scènes.
Le train affrêté par les Semianyki s’arrêtera pour
quelques représentations au théâtre de Carouge
en septembre, le temps d’évoquer un univers décalé
au rythme endiablé.
Référence
«Semianyki Express»
Dans son essai Contre la poésie, le romancier polonais Witold
Gombrowicz déclarait ne pas aimer la poésie pure, pour les mêmes raisons
que le sucre pur le rebute : « Le sucre est délicieux lorsqu'on le prend dans
du café, mais personne ne mangerait une assiette de sucre : ce serait
trop. »
Un clown, qui ponctuellement vient sucrer de son comique un spectacle de cirque autrement monotone, saurait-il nous divertir plus longtemps ? Ou lui faut-il trouver une histoire où se dissoudre pour nous tenir
en haleine ? C’est cette dernière option qu’ont retenue les Semianyki,
clowns russes qui refont un tour de piste après un premier succès en 2011
avec La Famille Semianyki. Les numéros s’inscrivent dans un cadre ferroviaire : la première scène figure, au moyen d’un drap tendu d’un bout à
l’autre de la scène, le départ précipité d’un train que certains de ses occupants manquent de rater, et la suite du spectacle représentera différents
épisodes du quotidien du personnel de bord et des passagers, sans parler
des étapes diverses du voyage, dans le Sud, dans le Nord…
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Assumé et travaillé
en tant que tel, « pur »
donc de toute scorie théâtrale, celui-ci aurait peutêtre fait mouche. Telle
scène où une danseuse de
Flamenco obèse réclame
des applaudissements
avec autorité fait s’esclaffer un public rompu à
ce genre de codes, de
conventions. Force est de
constater que le clown,
qui ne table pas sur ce
genre de connivence culturelle pour dérider les
spectateurs, qui fait rire
par l’absurdité ou le
décalage de sa conduite,
est un être quasiment
absent de ce spectacle.
Les Semianyki, au
contraire, recourent beaucoup à la référence, en faisant par exemple retentir sur scène des tubes
connus des spectateurs, et font peu confiance au simple pouvoir des gestes et des attitudes pour susciter un univers et provoquer le rire.
Spectacle facile, Semianyki Express peut d’un autre point de vue se
concevoir comme ce morceau de sucre qui vient adoucir, le temps d’une
soirée, l’amertume des jours par sa gaieté folle et son rythme endiablé.
Mais les palais difficiles regretteront peut-être le manque de sel d’une telle
friandise.
Julien Roche
Semianyki Express
Théâtre de Carouge
Du 16 au 20 septembre 2015
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théâtre saint-gervais
PRINTEMPS :
Les trois saisons de
Saint-Gervais
théâtre : 14 – 26 mars Recyclages et autres
petites philosophies suspectes conçus par K.
Hernan et A. Rupp
théâtre : 5 – 23 avril Tu nous entends création
d’E. Blaser, A. Barazzone et Cl. Deutsch
Quelques dates-repères en avant-première pour se préparer tranquillement
de futurs voyages au long cours.
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Philippe Macasdar pour sa nouvelle programmation n’a souhaité privilégier aucune thématique au sens habituel du terme, mais a plutôt voulu donner à voir et entendre des artistes
avec lesquels il a pris l’habitude de collaborer,
que ces derniers soient en résidence dans son
théâtre, soient d’ex-étudiants à lui issus de la
Manufacture, soient d’anciens ‘compagnons de
route’ - comme Jean Louis Hourdin qui proposera une profession de foi contre la «violence du
néolibéralisme» inspirée notamment par
Marivaux mais pas seulement - ou soient des
figures notoires du théâtre contemporain,
comme Angelica Liddell qui se lancera en janvier dans un nouveau ‘show’ intitulé Te haré
invencible con mi derrota.
A noter aussi, car cela s’inscrit en plein
dans ces compagnonnages où Philippe
Macasdar ancre ses fidélités, une création de
Claude-Inga Barbey, La damnation de
Faustino, et la venue du toujours fabuleux JeanQuentin Châtelain dans un cabaret autobiographique imaginé par Peter Turrini et intitulé C’est la vie, dont les quatre mots
ordinaires voire ‘infra-ordinaires’ rappellent subrepticement certain titre d’un
certain Georges Perec….
théâtre : 10 – 21 mai King Kong Théorie adaptation d’un texte de V. Despentes par E. Chariot
On le voit déjà, une déclinaison saisonnière qui ne mettra pas que le seul art dramatique
en dialogue ou en discussion, mais également
l’image, notamment au fil des expositions.
AUTOMNE :
théâtre : 27 oct. – 7 nov. L’île des esclaves de Marivaux, revue et relue par J.-L
Hourdin.
théâtre : 1er – 19 déc. La damnation de
Faustino, création de Cl.-Inga Barbey
exposition : 15 sept. – 25 oct. Le
génocide des Arméniens et l’œuvre suisse
exposition : 10 nov. – 20 déc. Face
à elle
Valentine Sergo
HIVER :
théâtre : 19 – 23 jan. Te haré invencible
con mi derrota, spectacle signé Angelica
Liddel
théâtre : 23 – 27 fév. Au bord du monde,
création de Valentine Sergo
exposition : 28 jan. – 6 mars Un monde
migrant
« SGG est un théâtre de quartier, ancré
dans un quartier qui nous ressource, nous inspire, nous construit » martèle Ph. Macasdar. « Et
si SGG est ce théâtre de quartier ouvert sur le
monde, il veut aussi préparer la relève et donner l’occasion aux jeunes équipes, à la nouvelle garde - entre avant-garde et nouvelle vague –
de mettre des mots sur les choses, de faire parler les mémoires ici et maintenant dans la diversité des vécus de chacun » conclut le directeur
transdisciplinaire de la Tour-théâtre de la Rue
du Temple.
exposition : 4 – 14 fév. Force de frappe
Rosine Schautz
Claude-Inga Barbey
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théâtre am stram gram
Le théâtre de tous
les possibles
Après trois saisons menées tambour battant, le
directeur Fabrice Melquiot, auteur et poète, metteur en
scène, comédien, producteur, poursuit son grand rêve
d'un théâtre pour les enfants et les jeunes, où
« la poésie pourra guérir tous les maux. »
L'affiche 15-16, ébouriffante, multiforme, annonce une vingtaine de
rendez-vous où alterneront créations et coproductions ponctuées par les
traditionnels Laboratoires Spontanés, lieux de tous les possibles, mais
aussi des ateliers d'écriture et de jeu théâtral pour petits et grands, bals lit-
téraires, théâtre et brioches pour les « mioches » et loto poétique. Cette
année, Fabrice Melquiot poussera encore plus loin ses investigations dans
le monde du théâtre, jusqu'à l'aller chercher en compagnie du photographe
Martin Dustasta, au fin fond de la Transylvanie, auprès de jeunes roumains, hongrois et roms. De ces rencontres naîtra une création théâtrale
Les enfants du monde qui sera présentée au public genevois.
Place aux héros
Outre les Laboratoires Spontanés qui donneront la parole à de jeunes
artistes en résidence, 1985 In Progress, ou au metteur en scène Robert
Sandoz qui aura carte blanche pour construire un spectacle autour du
thème imposé Cette année Noël est annulé, la saison s'aventurera sur les
traces de quelques héros et héroïnes célèbres comme la Blanche-Neige (ou
la chute du mur de Berlin) inédite transposée par la Cie La Cordonnerie,
dans un HLM berlinois en pleine Guerre Froide. Mais avant de suivre les
tribulations de cette princesse et de ses 7 copains, le fantasque baron
Münchhausen, revisité par la plume poétique du maître des lieux, ouvrira
la saison. Joan Mompart, un fidèle de la rue de Frontenex (La Reine des
neiges et Ventrosoleil) signera la mise en scène de cette premère création
maison. Les aventures rocambolesques du baron préfigureront celles du
fier Gascon Cyrano de Bergerac, pièce d'Edmond Rostand réécrite par le
Japonais Taï-Marc Le Thanh d'après l'album Cyrano de l'illustratrice Rébecca Dautremer dont les Drôles d'Oiseaux de rotin
planent silencieusement depuis 3 ans au-dessus de l'accueil du
théâtre.
Les jeunes au pouvoir
En avril une bande de jeunes de 13 à 24 ans, fidèles compagnons d'Am Stram Gram - ils participent à des ateliers artistiques intergénérationnels proposés depuis 4 ans par le théâtre
- investira le plateau pour présenter la seconde création maison,
Jean-Luc signée Fabrice Melquiot et mise en scène par
Mariama Sylla. Cet hommage à Godard sera donné dans le
cadre du 1er festival Ctrl-J durant lequel la jeunesse prendra le
contrôle du Théâtre de Carouge, du Poche et d'Am Stram
Gram. Une Party littéraire menée par quatre écrivains, et une
expérience sensorielle ébouriffante, Les yeux bandés, signée
Jean Liermier, seront présentés dans le cadre de ce festival hors
normes.
On pourra également voir mais surtout entendre Cosmos
110, un spectacle sonore participatif, ou préférer l'univers des
contes avec Inuk, une histoire venue du Nord, ou Kant, un
conte philosophique de Jon Fosse ou bien encore les Contes
abracadabrants. Il y aura aussi du cirque avec J'ai horreur du
Printemps, de et par Mélissa von Vépy qui deviendra marionnette humaine dans VieLLeicht.
Ne manquer surtout pas le coup d'envoi de cette opulente
saison qui sera donné le 18 septembre, au cours d'une folle soirée ouverte à toutes et à tous, jeunes et vieux, sur simple réservation.
Kathereen Abhervé
Renseignements et réservation : 022 735 79 24 - www.amstramgram.ch
«VielLeicht» par Mélissa van Vépy © Christophe Raynaud de Lage
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Ambronay 2015
Quels sont les autres mystères que
vous nous avez concoctés ?
Daniel Bizeray a pris l’an passé la direction du Festival d’Ambronay.
Il succédait à ce poste à Alain Brunet, qui avait mené au succès la
manifestation depuis 1980, et devient désormais son président. La nouvelle
édition du Festival s’inscrit dans la continuité, avec une programmation
toujours échevelée, axée principalement sur la musique baroque.
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L’orientation est partie d’un thème choisi a
priori, et non pas a posteriori : « mythes et mystères ». Il est décliné sous quatre aspects : le
trois-centième anniversaire de la mort de Louis
XIV, avec le mythe du Roi Soleil ; le mystère du
baroque, dans le sens de redécouvertes ou de
recréations ; les figures mythologiques, à commencer par le mythe fondateur d’Orphée ; et
enfin, le thème du mystère à travers certains
artistes privilégiés du festival. Et tout cela se
concrétise chez une compositrice, Florentine
Mulsant, à qui le Quatuor Terpsycordes a passé
commande d’une œuvre, intitulée sobrement
Mythes et Mystères.
Et comment cela se traduit-il dans les
concerts et spectacles présentés ?
Pour les mythes, il y a ce qui peut être lié à la
comédie-ballet, aux grands motets, que l’on
retrouve dans différents concerts. Par exemple
dans le concert d’ouverture, avec Franco
Fagioli, et nombre de symphonies de comédies-ballets.
Nous donnons ensuite les
deux Te Deum, de Lully et
Charpentier, à l’Auditorium
de Lyon avec le Poème
Harmonique. Dans un caractère moins pompeux, viennent
les grands motets de Dumont
par Sébastien Daucé. La
danse a aussi sa place, dans un
spectacle qui s’intitule
« Rigodon », avec un récitant
faisant le lien entre les danseurs et les musiciens.
l’on a retrouvées ou recréées. La première, c’est
la Passion selon Saint Marc de Bach. Il y a deux
versions du livret, de 1731 et 1744. On vient de
remettre la main, dans une bibliothèque de
Saint-Pétersbourg, sur ce deuxième livret. En
recoupant cela avec ce que l’on sait de pages
réutilisées par Bach, on a retrouvé grosso modo
la musique qui correspondait au texte. La seule
chose qui nous manque, ce sont les récits ; ils
ont été réécrits par Freddy Eichelberger, à la
demande d’Itay Jedlin, le chef qui dirige cette
Passion selon Saint Marc.
Le deuxième mystère, c’est cette partition qui
s’appelle Missa per la nascita del gran Delfino.
Louis XIII l’avait commandée, pour la naissance du futur Louis XIV, précisément. Cette commande avait été faite à un musicien vénitien, un
certain Roberta. La Messe fut jouée 1638. Une
autre recréation mondiale, donc, avec le Galilei
Consort. Toujours dans le cadre des mystères,
on interroge ce que l’on pouvait bien chanter
dans les Ospedale vénitiens, qui étaient uniquement constitués de voix féminines. C’est que
l’on a essayé de reconstituer, avec un enregistrement prévu pour l’occasion. Pour le label
Ambronay, bien sûr. Et enfin, je voudrais citer
Mistérios de Lisboa, avec un jeune chanteur de
fado Duarte, qui chante avec beaucoup de
sobriété, beaucoup d’intelligence et une rhétorique quasi baroque.
Et les figures mythologiques ?
Est-ce une première ?
C’est une recréation et une création mondiales.
Je souligne que l’ensemble le Concert Étranger
et Itay Jedlin ne sont pas encore très connus.
Mais nous avions déjà travaillé avec eux l’an
passé, pour une Passion selon Saint Jean qui a
ébouriffé les auditeurs. Nous reprenons l’aventure avec la Passion selon Saint Marc ; c’est un
enjeu, où l’on met le public à contribution, invité à chanter un choral d’ouverture et un choral
Et le mystère, qu’en
est-il ?
Il s’agit de ces partitions
baroques qui ont disparu, que
Week-end 1 : Franco Fagioli © Julian Laidig
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final, dans l’esprit d’un office de l’époque.
Préparé bien entendu auparavant dans un atelier
et soutenu par un chœur amateur. Premier mystère, donc.
entretien avec daniel bizeray
Quelles sont les orientations de la prochaine édition du festival ?
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Ce troisième axe est illustré par l’Orfeo sous
plusieurs formes : un spectacle jeune public
intitulé le « Mythe d’Orphée », avec Nicolas
Achten, à la fois baryton, claveciniste, théorbiste, harpiste ; spectacle décentralisé à Lagnieu.
Et puis Leonardo García Alarcón, avec son
épouse Marina Flores, pour des grands airs de
Cavalli, tirés d’opéras inspirés de la mythologie : Ercole amante, La Calisto, Dafne. Et aussi,
« Typhon », spectacle poético-drôle, utilisant
des airs de musique baroque.
Une espèce de pasticcio. Les
Mysterien Kantaten de Biber,
sonates du Rosaire, sont donnés par l’ensemble les
Surprises, qui est un ensemble
fétiche pour nous. À qui nous
avions mis le pied à l’étrier en
2010, et qui maintenant ne
cesse de grimper en renommée. En dehors de Mythes et
Mystères de Florentine
Muslant, que je mentionnais,
il y a une œuvre assez mystérieuse du compositeur Thierry
Pécou. Et pour conclure le
festival, une messe, révélée il
y a peu : la Messe à quarante
voix de Striggio, avec quinze
musiciens, réparti en cinq
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Week end 2 : Leonardo García Alarcón © Jacques Verrees
chœurs, par le Concert Spirituel et Hervé
Niquet. Il faudrait aussi citer la Messe en si, de
Bach, et sa genèse si particulière, avec le
Collegium 1704 dirigé par Václav Luks. Et une
autre recréation mondiale, le Magnificat de
Galuppi par le Ghislieri Consort and Choir. En
création pure et dure, enfin : une résidence de
travail, qui mêle musique baroque, orientale,
jazz. Cela s’appelle « Jasmin Toccata ».
On peut parler de fidélité, du public
comme aussi de vos artistes…
Week end 3 : Jordi Savall © David Ignaszewski
des spectacles surprenants pour tout public.
Sans parler de visites d’ateliers, de concerts en
plein-air…
Que dire des dix ans de l’édition de
disques ?
Le label « Éditions Ambronay » a été créé en
2005 à l’initiative d’Alain Brunet et d’Isabelle
Battioni. À la fin de 2015, il aura réalisé près de
cinquante enregistrements. Rien de moins !
Sans compter les compilations. Plus de 100 000
disques vendus en physique, et beaucoup plus
en dématérialisé !
notre part, nous faisons partie de ce que l’on
appelle les festivals structurants, qui ont un
enracinement géographique et régional extrêmement important, et en même temps une spécificité qui justifie le fait que l’État les prend en
compte. Les tutelles nous suivent jusqu’à présent. 2016 annonce toutefois des changements
de structure politique régionale et de gouvernance. Mais je crois que les instances locales
sont très attachées à notre manifestation. On a
deux points de stabilité : tous nos partenaires
sont d’accord sur le fait que nous sommes un
lieu très important pour l’émergence artistique
des jeunes ensembles européens de musique
ancienne ; et la solidarité de tous ces cercles
concentriques que sont la ville d’Ambronay, la
communauté de communes de la plaine de
l’Ain, le Département de l’Ain, la région, l’État,
l’Europe… Une reconnaissance mondiale, et
beaucoup de visites furtives d’autres galaxies !
La nouveauté cette année, c’est notre saison à
l’Auditorium de Lyon. Où l’on assure la partie
baroque ; avec le Poème
Harmonique,
Philippe
Herreweghe,
Marc
Minkowski… Une vitrine
dans la capitale des Gaules !
Oui. García Alarcón, qui revient. Sébatien
Daucé, associé depuis trois ans. Et les grands
Comment se présente l’avenir du fesanciens, qui traversent le festival depuis ses 36
éditions : Jordi Savall pour les Goûts Réunis, les tival ?
Arts Florissants avec Paul Agnew, cette fois Le Festival est une émanation du Centre
pour des Madrigaux de Monteverdi. Et il y a l’é- Culturel de Rencontre. On a cette chance de ne
mergence, l’autre grand point fort pas figurer sur la carte de crise des festivals, qui
d’Ambronay : avec ce programme « eeemer- touche surtout les petits festivals. Mais c’est
ging » que l’on a lancé l’an dernier, dans le préoccupant malgré tout, pour le tissu, les comcadre d’un vaste programme européen. pagnies, les musiciens, les ensembles... Pour
Repérage et sélection de nouveaux artistes. Donc ainsi, six
ensembles pour le dernier
week-end, au cours de six
concerts de trois quarts d’heure. Et nous avons les spectacles sous chapiteau, le samedi
soir : jazz, musiques du
monde et autres formes transversales. Et les « after » du
samedi, après le grand concert
dans l’abbatiale et l’autre sous
chapiteau : un bœuf plus ou
moins improvisé, gratuit, dans
le logis abbatial. Les dimanches après-midis se consacWeek end 4 : Le Concert Spirituel et Hervé Niquet © Nicole Berge
rent au public familial, pour
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Propos recueillis par
Pierre-René Serna
Festival d’Ambronay, du 11 septembre au 4 octobre. Rens. : 00 33 4 74
38 74 04 ; www.ambronay.org
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Y être. Suivre les débats, argumenter, s'indigner, entendre hurler « c'est consternant ! »
(Cour d'Honneur du Palais des Papes, vendredi
17 juillet), défendre, apprécier, réfléchir ou simplement écouter...
avignon
Y être ... ou
ne pas y être ?
C'est Avignon 2015 comme cela a été
depuis des décennies et ce n'est pas près de se
terminer.
Chaque été, c'est un peu la même rengaine. Il fallait y être, bien sûr.
Aimer ? Ou ne pas aimer ? Ce n'est pas vraiment le problème.
Avignon In selon Olivier Py An II ne pouvait que provoquer des controverses tant il est
vrai d'une part que le lieu s'y prête à merveille,
et que l'on sait d’autre part que cela convient
fort bien au tempérament du personnage.
« Je suis l'autre », tel était l'intitulé de la
programmation du Festival 2015. Vaste programme ! D'autant que cette exclamation
entraînait une question, « avons-nous renoncé
à un monde meilleur ? » Il y a toujours un
risque à lancer de profonds sujets de réflexion,
à chercher à créer un questionnement trop
ambitieux auquel il semble difficile de pouvoir répondre. Ainsi, que peut bien nous dire
un Roi Lear monté dans la Cour d'Honneur du
Palais des Papes par rapport à une telle proposition ? Et la question n'est pas de savoir s'il
s'agit d'un spectacle réussi ou non, même si
l'on sait que de l'avis général, le résultat n'a
certes pas suscité l'enthousiasme, c'est le
moins que l'on puisse dire.
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A contrario, Richard III monté par
Thomas Ostermeier a été le must incontestable de l'édition 2015 du festival : critiques
dithyrambiques, public se ruant sur le moindre strapontin – avec ou sans visibilité ! - mis
en vente last minute, on s'attendait presque à
voir un remake de la Tétralogie version
Chéreau-Boulez, avec jeune femme promettant une agréable fin de soirée à quiconque
offrirait une place. Que cette production très
« rock and roll » ait pu séduire n'étonnera
guère en un moment où « le bruit et la fureur »
sont devenus des leitmotive incontournables.
Enervé, ce Richard III très mode a frappé juste
sans doute car il répond à une certaine attente.
Reste à s'interroger sur la pertinence d'un travail laissant peu de place à la réflexion.
Frank Fredenrich
«Richard III» avec Lars Eidinger, Eva Meckbach © Arno Declair
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Une première saison au TKM
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au TKM, renens
Le théâtre en paroles
et musique
ce de rêver et d'inventer“, “le théâtre est pour
moi une école, un laboratoire de théâtre
citoyen“, “le théâtre est un miracle et me voici
ici au coeur de ce miracle“… Paroxysme de cet
amour pour le verbe, cette soirée poésies
(Chappaz, Jaccottet et Gustave Roud), mises en
lectures par Guillaume Chenevière.
Du Théâtre Kléber-Méleau à TKM, acronyme de Te quiero mucho, en
langage texto hispanique. Omar Porras assume ce rebaptème riche de
sens : d'abord un langage en phase avec son temps, la volonté de
dépoussiérer les classiques, voire de ne pas se départir d'un public qui
communique aujourd'hui différemment ; ensuite une déclaration d'amour
sans détour – au théâtre et à son public.
Au programme
Lors de la soirée de présentation de la saison, le nouveau directeur du Théâtre KléberMéleau a, de manière très directe et poétique,
annoncé la couleur : accompagné par un très
jeune pianiste, Porras a pris plaisir à cabotiner
seul sur les planches, sous le halo d'une poursuite, tel Pierrot sous la lune. Exprimer sa joie d'être là et s'adresser directement à son public, ses
amis et aux émigrés de Vidy. Ici, hommage au
texte, aux bruits des mots, aux plaisirs du sens.
Et cette envie tenace de redonner sa place aux
artisans du théâtre (les petites mains de la décoration, des costumes, de la sonorisation, et cet
appel du pied aux étudiants des Teintureries),
comme s'il fallait sans cesse rappeler qu'avant
d'être un art, le théâtre est un métier (“C'est
dans la pratique que je me suis formé.“).
Le Colombien n'oublie pas ses origines saltimbanques, lui qui, arrivé en Europe, a commencé par divertir les gens dans le métro pour
quelques pièces, voire des sourires. Cette expérience ne l'a jamais quitté et l'a toujours rendu
attentif au vulgus, à l'homme de la rue. D'où son
aspiration à un théâtre populaire, rassembleur et
universel. “Le théâtre doit être une entreprise
d'utilité publique“. C'était aussi le rêve de son
prédécesseur, Philippe Mentha, qui s'est battu
pour bâtir son théâtre dans le quartier de l'usine
à gaz et des abattoirs. “Il a construit ce théâtre
avec ses propres mains [...]. Philippe Mentha
est un poète“, rappelle Porras, qui assure s'insérer dans la continuité de son travail
mi-chemin entre Pierre Dac et le quartier des
bouchers… Et de ponctuer son discours de formules-clés : “au théâtre, l'invisible est visible“,
“tout est possible au royaume de l'imaginaire
[…], c'est votre imaginaire qui me donne licen-
Le premier spectacle à l'affiche de la nouvelle saison TKM est un pièce du patrimoine helvétique : La Visite de la vieille dame de
Dürrenmatt. Réadaptation d'une œuvre qui a
contribué au succès du metteur en scène Porras et
de sa compagnie, le Teatro Malandro, il y a 22
ans : “Des masques pour démasquer la conscience“, résume-t-il. “Une des tâches nobles du théâtre est de stimuler l'imaginaire de la société, de
l'inciter à s'interroger, à vouloir continuer à
apprendre, à désapprendre, à se révéler, à se
révolter.“ Ce texte est revisité pour la troisième
Le texte, justement
Depuis 1979, Philippe Mentha avait toujours lutté pour porter sur scène les grands classiques. Porras croit aussi à cette nécessité du
texte (“On n'a qu'à lire le livre et on sait tout.“).
Aussi convie-t-il en vrac Verlaine, les muses,
Homère, le Roi Lear, mais aussi l'os à moelle, à
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«La Tragédie Comique» d’Yves Hunstad @ Olivier Garros
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fois par Porras (après 1993 et 2004), faute d'avoir
pu présenter un spectacle de création cette année.
En effet, Mentha n'ayant voulu lâcher les clés de
son temple que le 30 juin, Porras n'est arrivé dans
les murs que le 2 juillet !
On ne badine pas avec l'amour de Musset
marquera la première création du TKM. Autre
énergique cabotin, aussi poète qu'écorché,
Musset est entré en résonance, aux yeux et aux
oreilles de la metteuse en scène fribourgeoise
Anne Schwaller, avec un fait de société récent :
la surexposition pornographique consentante de
quelques écoliers romands sur les réseaux
sociaux. Comment dire le rapport amoureux, le
rapport au corps ou l'estime de soi aujourd'hui ?
Musset s'y serait-il pris différemment ?
La Trilogie sur le théâtre que donne le tandem belge Eve Bonfanti et Yves Hunstad comprend La Tragédie comique (seul sur scène, un
acteur dévoile et cache la magie de son métier de
comédien), Du vent… des fantômes (réponse à la
question : d'où vient le théâtre ?) et Au bord de
l'eau (ou comment deux auteurs-interprètes écrivent une pièce de théâtre).
A propos de La Vie que je t'ai donnée de
Pirandello par Jean Lermier, Porras convoque ce
bon mot de Louis Jouvet : “une pièce dont on n'a
jamais fini de rendre la monnaie“.
Dans la pièce Figaro divorce (1937), mis en
scène par Christophe Rauck, le dramaturge et
romancier austro-hongrois Odon von Horvath
fait s'enfuir le barbier de Beaumarchais et son
épouse Suzanne devant la révolution qui s'annonce. Le début de l'intrigue rejoint la préoccupation
de von Horvath qui doit s'exiler hors
d'Allemagne en 1936, devant la montée en puissance du nazisme et le pressentiment des horreurs que l'Europe va connaître.
Bonnes notes
Mentha avait un penchant pour la musique
sensuelle, Porras l'entend aussi de cette oreille
puisqu'il programme des récitals classiques
(Schumann, Chopin, Schubert) et de la musique
contemporaine (l'oudiste-interpète Dhafer
Youssef, le contrebassiste Yves Rousseau, les pianistes Didier Puntos et Cédric Pescia - la complicité avec Kléber-Méleau se poursuit). Enfin,
Porras importe d'Am Stram Gram le concept de
bal littéraire de son ami Fabrice Melquiot. Les
mots en musique, le théâtre d'Omar Porras fera
tout pour nous faire rentrer dans la danse.
Frank Dayen
TKM, www.t-km.ch,
billetterie : Payot Lausanne et Théâtre de Vidy.
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livres
De grands écarts féconds
Curieux, le rapport que le théâtre entretient avec le livre ! C’est comme
s’il ne pouvait se passer de son plus fidèle traître ! Festif, coloré, débauche
de mouvements et de sons, l’art d’Omar Porras semble impossible à
enfermer entre des pages. Pourtant quatre ouvrages existent déjà
sur son travail.
Ils rendent compte à des titres divers d’un
parcours d’une intensité rare, et selon toute probabilité loin d’être achevé. Ils montrent aussi à
quel point cet homme de troupe (parmi les
exemples qui l’inspirent : Grotowski,
Mnouchkine, Barba, Suzuki…) pratique avec
un bonheur fécond toutes sortes de grands
écarts : entre une quête très intériorisée et une
explosion formelle sur scène, entre ses racines
colombiennes et la planète théâtre, entre une
discipline stricte et une apparence de spontanéité, entre une réflexion approndie et une volonté
farouche de laisser leur place à des dimensions
telles que l’intuition ou la sensation.
Et puis, il y a cette sorte de légende qui se
tisse au fil des textes et des images : un jeune
homme qui quitte Bogota avec en poche un
billet aller simple pour l’Europe, la fréquentation des salles et des stages pour finalement se
former « sur le tas », la pratique du théâtre de
rue, les spectacles de marionnettes dans les
métros, la vie dans les squats genevois, la création du Teatro Malandro (en 1990, avec Ubu
Roi de Jarry), puis les créations qui se succèdent, les tournées de plus en plus vastes, jusqu’au choc de la découverte du Japon.
Le premier livre qui reflète cette authentique épopée, le Teatro Malandro l’a publié luimême, à son image : inventif, foisonnant, fourmillant de photographies qui saisissent des
moments de représentation. Là encore, l’on
pourrait parler de grand écart, éditorial cette
fois, si on compare cet album au modeste volume paru dans la précieuse collection « Mettre en
scène » (Actes Sud – Papiers). Pourtant, c’est
peut-être dans cet opuscule de quatre-vingt
pages que l’on pénètre au mieux dans l’« atelier » du créateur. Là, il commente son rapport à
la musique, sa manière d’accompagner les
acteurs, l’importance qu’il accorde au masque,
la nécessité de préserver une aptitude à l’émerveillement ou encore cette ferveur, cette passion
quasi religieuse qui le lie au théâtre.
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Deux autres ouvrages documentent le parcours et la démarche d’Omar Porras. Ils sont
collectifs et témoignent de la richesse des
approches possibles. Philippe Coutant, alors
directeur du Grand T à Nantes, a consacré au
thème l’un des carnets de sa série, rassemblant
pour l’occasion une quizaine de contributions.
Quant au numéro de Mimos publié en 2014, à
l’occasion de la remise du Grand Prix suisse de
Théâtre / Anneau Hans-Reinhart à Omar Porras
il excelle par le sérieux et la richesse de ses études (sous la direction de Joël Aguet, Anne
Fournier, Paola Gilardi et Andreas Härter).
Ce dont tous les livres témoignent, c’est à
la fois de la cohérence du parcours de Porras et
de son formidable désir de rester en « état de
théâtre » (pour paraphraser l’expression de
Georges Haldas) : c’est-à-dire d’être à l’écoute,
en recherche, en exploration même, pour sans
cesse revivifier sa pratique et rêver, pour ce
public qui lui est si cher, de nouvelles fêtes de
l’instant.
René Zahnd
A lire
Teatro Malandro et Omar Porras, Genève et
Bogota, Teatro Malandro/Villegas, 2007
Omar Porras & le Teatro Malandro, Nantes, les
carnets du Grand T, 2010
Omar Porras, introduction et entretiens par Luz
Maria Garcia, avec la collaboration de Béatrice
Picon-Vallin, Arles, Actes Sud – Papiers, 2011
Omar Porras, Berne, Mimos, Annuaire suisse
du théâtre, 2014
Roméo et Juliette no 1339, Avant-Scène Théâtre
L'Eveil du Printemps no 1310, Avant-Scène
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entretien
Odile Cornuz
Odile Cornuz fait partie des artistes associés au Théâtre Kléber Méleau,
dirigé par Omar Porras pour la saison 2015/2016. L’auteur a déjà écrit bon
nombre d’œuvres réalisées pour le théâtre, comme la Saturnale, mise en
scène par Anne Bisang à la Comédie de Genève ou encore L’Espace d’une
nuit, mis en scène par Robert Sandoz au Pommier, ainsi que des œuvres au
croisement des genres, avec son récent Biseaux reloaded, crée avec le
musicien Maurizio Peretti. A l’occasion de son nouveau partenariat, nous
lui avons posé quelques questions concernant sa pratique et ses projets
avec le théâtre.
propriation. Le travail de mise en scène et la
conquête du texte par les comédiens composent
des processus que je suis avec une grande curiosité, si la porte des répétitions me reste ouverte.
Anne Bisang, Robert Sandoz ou Anne-Cécile
Moser, avec lesquels j’ai collaboré, portent des
univers contrastés desquels j’ai beaucoup
appris.
Avec la plasticienne Catherine Bolle
et le pianiste Cédric Pescia, vous ferez partie
des artistes associés pour la saison 2015-2016
de Kléber-Méleau sous la direction d’Omar
Porras. Pouvez-vous nous renseigner sur la
vocation qu’Omar Porras souhaite donner à
votre fonction, et comment vous souhaiteriez
la remplir ? Entretiendrez-vous des liens
Quel a été le point de départ de
votre démarche d’écriture ? Quelles ont
été vos inspirations, vos envies et vos
motivations ?
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L’absence de parole constitue le point de
départ. Se taire plutôt que de parler, mais
avoir des choses à dire : alors écrire. Là
s’ouvre l’abîme des possibles, narratifs ou
dramatiques, du choix des mots, de leur
agencement, de leur rythme. C’est une longue histoire. L’écriture représente une tentative d’explicitation du monde et des êtres,
un arsenal de recherches identitaires, sociales, esthétiques. Lorsque je me trouve face à
un être humain, un phénomène, une crise ou
une œuvre d’art, j’ai besoin de comprendre
quel sens cet être, ces événements ou cette
œuvre peuvent revêtir pour moi, comment
ils s’intègrent dans un paysage sensible et
mouvant. L’écriture s’impose comme mode
exploratoire, d’abord très protégé, dans une
écriture à soi, comme un décodage secret, puis
dans l’exposition de cette écriture, grâce à la
publication ou au relais des arts vivants qui
réinventent les textes en les incarnant.
Bon nombre de vos textes ont été axés
vers la perspective scénique. Comment en
êtes-vous arrivée à l’écriture pour le théâtre
?
D’abord il y eut les textes pour la voix, qui ont
été enregistrés à la radio. Ce fut ma porte d’entrée vers le travail des comédiens et celui d’un
metteur-en-ondes, Jean-Michel Meyer, s’invitant
dans l’espace privé des auditeurs, dans leur intimité. De cette première expérience, je garde en
moi cette envie de me glisser dans l’oreille de
chaque spectateur. Puis ont suivi les corps, avec
une première expérience du plateau à la Comédie
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Odile Cornuz © Augustin Rebetez
de Genève, où j’ai passé six mois de résidence en
2002. J’y ai écrit Saturnale, qui a été mise en lecture puis mise en scène par Anne Bisang. Par la
suite, j’ai poursuivi l’élaboration d’écrits radiophoniques ou scéniques et également exploré la
voie du récit. Toutes les formes m’intéressent,
leurs frontières s’avèrent poreuses.
Quels sont les enjeux d’une écriture
pour la scène dans votre pratique ?
Collaborez-vous avec les metteurs en scène
de vos textes ?
L’enjeu premier s’ancre dans le partage d’une
émotion à travers une expérience forte du langage. Le texte doit transporter hors du monde
connu, ou alors faire retour d’une manière
inédite sur ce dernier. Il s’agit d’une opération
de poétisation, de mise à distance, puis de réap-
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avec la saison en cours ?
Placer l’auteur au centre du théâtre, lui en donner les clés, le laisser œuvrer, écrire, lire, rêver,
faire des rencontres, lui offrir ce biotope qu’est
un théâtre en activité, comme terrain de jeu et
matière à textes : voici le désir, l’idée première.
L’auteur joue un rôle de témoin créateur, un diapason d’éphémère résonnant avec les troupes
occupant les lieux. Mon lien avec la saison sera
organique, ce qui se traduira par des textes
divers, ouverts, écrits avec/dans/pour le théâtre,
se réjouissant de tous les mots qui rugissent
dans les corps, des mots qui imprègnent les
objets et les lieux. Bref, le TKM sera le creuset
de mon écriture.
Propos recueillis par Anouk Molendijk
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ce tableau un fil rouge : appartenir (avec une
intermittence de luciole) à cette troupe où il a
joué Sancho Panza dans Ay Quichotte (en
2001), le rôle titre de El Don Juan (en 2005)
ainsi que le narrateur de L’Histoire du soldat (en
2003 et en 2014) et Ill dans La Visite de la
vieille dame (en 2004 et 2015) est pour lui une
bénédiction, car il admire grandement Omar
Porras, cet artiste qu’il définit comme un
« homme qui a de la chair et du rythme » et qui
le fait « entrer dans un monde acoustique où
l’on perçoit tout. » Et d’ajouter que jouer avec
lui, « c’est comme jouer avec un bon joueur de
ping pong : on est porté. »
portrait de philippe gouin en fauviste
De la précision
à l’improvisation …
Philippe Gouin porte en lui le bourdonnement des cigales et l’univers de
son enfance dont il se plaît à rappeler les odeurs du thym, du romarin et
du basilic, des pins et des tilleuls, des abricotiers et des néfliers…
Né en 1969 d’une mère couturière de formation et d’un père menuisier et électricien, un
ouvrier dont il a hérité le don de danser
« comme une flamme », Philippe Gouin a en
effet grandi à Fos-sur-Mer, à deux kilomètres du
port autonome de Marseille dans un paysage qui
s’est massivement industrialisé, en pleine Petite
Camargue du Golfe du Lion, où non loin des
plages l’on aperçoit aujourd’hui d’immenses
pétroliers et des enfilades de camions qui laissent derrière eux « une sainte odeur de fuel »…
Dès 8 ans, il rentre dans le chœur de l’église de Fos-sur-Mer et pratique les chants de
Provence à tous les Noëls, mais est aussi très
vite sollicité pour son savoir de jeune organiste… Dans sa boîte à souvenirs colorés d’une
gouaille toute méridionale et aux accents du
Sud, il y a aussi un Bourgeois gentilhomme au
collège et l’adaptation d’une chanson de Kiss :
« I was made for lovin’you »…
reté et de précision, avant de gagner Paris en
1992, de se former cahin-caha dans la classe de
chant lyrique du CNSM et de suivre les Cours
Florent avec pour Maîtres Michel Fau, puis
Philippe Joiris – qui lui donnent ses premières
leçons sur ce qu’est la présence quasi animale
d’un acteur sur un plateau.
Carrière
S’ouvre alors une carrière théâtrale qui
commence par des créations avec la Cie Les
A ses côtés, il a appris à jouer masqué et à
faire de l’improvisation où il excelle un mode
d’écriture au plateau - notamment face à Joan
Mompart avec lequel il forme, selon Omar
Porras, « comme un piano à quatre mains dans
un orchestre de jazz ».
Cette saison 2015-2016, il l’ouvrira au
TKM avec les villageois de Güllen, ces figures
du peuple qui le fascinaient dès sa petite enfance à Fos-sur-Mer et auxquelles il espérait pou-
Parcours
Mais tout commence vraiment pour ce feu
follet qu’est Philippe Gouin, lorsqu’avec l’objectif de devenir Ingénieur en eaux et forêts il
entre à 17 ans à l’Université d’Aix-Marseille,
pour des études d’économie financière et internationale - qu’il mènera jusqu’au DESS.
Il découvre en effet alors, médusé, le
monde du spectacle vivant, d’abord lors d’une
représentation d’un Don Giovanni mis en scène
par Gildas Bourdet qui le bouleverse, mais surtout lorsqu’il rencontre Sophie Rouch qui lui
ouvre les portes de l’Aix City Ballet, lui enseigne durant cinq années le jazz, la danse classique et contemporaine et devient son indéfectible Mentor.
C’est dans cette même période qu’il passe
des auditions et intègre une troupe de cabaret
une saison entière, une incroyable école de légè-
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Philippe Gouin
Affamés et qui se poursuit avec la Cie La
Rascasse, la Cie Tecem, Ivan Pommet, Isabelle
Turschwell, Michel Froehly, Joan Mompart,
Dominique Magloire, Jean Liermier et Philippe
Calvario – et avec la Compagnie Kicekafessa
qu’il a fondé il y a 13 ans avec notamment
Marie-Laure Malric, sa compagne de vie.
voir donner un jour vie, avec une palette de sentiments aux couleurs du fauvisme !
Brigitte Prost
Du 22 septembre au 11 octobre : La Visite de la vieille
dame de Friedrich Dürrenmatt, m.e.s. Omar Porras.
Location : 021/625.84.29
Depuis 2001, son aventure au long cours
avec le Teatro Malandro dessine cependant dans
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rencontre avec anne schwaller
On ne badine pas
avec l'amour
“La première création à Kléber-Méleau se veut un manifeste.“ Ainsi parle
Omar Porras pour justifier sa programmation d'On ne badine pas
avec l'amour.
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Un triple manifeste en fait : en
faveur du texte d'abord, parce que
Musset est avant tout un poète ; de la
jeunesse ensuite, parce que la reprise de
Kléber-Méleau par Porras va de pair
avec la vitalité et la passion qui caractérisent le théâtre de ce metteur en scène
; et enfin de l'implication politique et
sociale des artistes, parce que la pièce
(cf. encadré) est loin d'être une fiction
et que son auteur, en avance sur son
époque, par son propre témoignage
d'une génération désillusionnée, a toujours souhaité que le jeune public trouve sa voie entre mélancolie et aspiration idéale. Et Porras de rendre hommage à Anne Schwaller, une artiste dont la
mise en scène de Léonce et Léna en
2012 l'a, de ses propres mots, profondément ému : “Ce soir-là, j'ai vu briller
cette incandescence propre à la jeunesse, cette audace qui fait avancer l'être
humain dans le vertige de l'aventure et
qui laisse des traces dans la peau de
notre destin.“
Avant cette coproduction du
Théâtre de Carouge et du Théâtre des Osses, la
comédienne fribourgeoise issue de la
Manufacture avait joué avec Julien Mages,
Alexandre Doublet, mais aussi Gisèle Sallin qui
l'a fait incarner Anna dans Les Bas-Fonds de
Gorki, Antigone dans Jocaste Reine de Nancy
Huston, et Marie Impie, dans la pièce éponyme
de Denise Gouverneur.
Anne Schwaller : C'est surtout avec Gisèle
Sallin et sa troupe du Théâtre des Osses que j'ai
pu découvrir les exigences de la mise en scène.
Ces expériences, mais aussi celle du cinéma
[Anne Schwaller a aussi joué dans des courtsmétrages et une série télévisée] m'ont confortée
dans mon intérêt pour la mise en scène. Je viens
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d'opéra et créé tout un univers pictural. Et j'ai
donc beaucoup observé le travail de l'artiste, les
heures de solitude, les pinceaux à laver, le fait
d'en mettre partout… Après chaque exposition,
mon père repeint entièrement son atelier en
blanc, comme si tout était à recommencer. Son
atelier doit avoir au moins 10 cm d'épaisseur de
blanc aujourd'hui. (Rires) Donc j'ai été marquée
par cet artisan. Si bien qu'on peut ressentir cet
aspect de boîte à jeux dans ma mise en scène de
Léonce et Léna : cet univers fait de tissu, de
bois, de peinture, de toutes ces matières concrètes. C'est dans ce sens que Valère
Girardin [concepteur de décors sur
Léonce et On ne badine pas] dit qu’une
bonne scénographie lui salit les mains.
Donc je suis ici parce que cette visionlà du théâtre, artisanale et laborieuse,
me semble en effet proche du travail du
Teatro Malandro de Porras.
Pourquoi monter Musset ?
Je me suis replongée dans On ne badine pas avec l'amour suite à une affaire
de mœurs singulière, l'an dernier dans
mon canton de Fribourg. Dans une
école, une dizaine de jeunes d'entre 13
et 15 ans se sont filmés dans des actes
pornographiques et, consentants, les
ont publiés sur le Net. Cette actualité
m'a beaucoup interrogée : quel peut être
le rapport aux corps de cette génération
adolescente ? leur rapport aux sentiments (respect, estime de soi…), à la
chair et à l'amour ? Le texte de Musset
me paraissait suffisamment moderne
pour interroger ces problèmes-là.
Y trouvez-vous des réponses à
ces interrogations ?
d'ailleurs de collaborer à celle de l'opéra
Blanche-Neige de Marius Felix Lange (Théâtre
Equilibre-Nuithonie).
Musset ne fournit aucune réponse. Mais
n'oublions pas que le but du théâtre est
de poser des questions, non d'y répondre. Parce
que, si on a les réponses, il n'y a pas besoin de
travailler.
Omar Porras vous offre de mettre en
scène Musset sur la nouvelle scène du TKM.
Avez-vous gardé le texte de 1834 tel
quel tellement il semble contemporain ?
C'est un honneur ! J'ai 33 ans et je me pince
encore régulièrement pour réaliser que je suis
en train de créer à Kléber-Méleau. L'an dernier,
Omar Porras m'a contactée pour me demander
si j'avais un projet à lui proposer car il souhaitait travailler avec moi. J'ai répondu oui, parce
que j'ai toujours des projets plein la tête et que,
justement, ma conception du théâtre est très
proche de celle de Porras, à savoir l'accent mis
sur l'esprit de création et le travail en équipe.
Mon père est artiste peintre, il a fait des décors
Il n'y a pratiquement rien à y changer car
Musset a, déjà à son époque, posé les questions
que notre société se pose aujourd'hui. Mais le
texte est avant tout un matériau. C'est pour cela
que j'aime beaucoup le théâtre allemand, voire
les mises en scène allemandes de pièces françaises, car on ne se sent pas étouffé par le poids de
la tradition. La modernité de Musset se sent à
chaque interligne. Donc le corps du texte restera comme il est. Rajoutera-t-on une poésie de
Musset, ou une chanson ? Dans la construction
Anne Schwaller
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A gauche et ci-dessus :
Deux croquis de Valère Girardin
pour «On ne badine pas avec l’amour»
de la pièce, il y a des contraintes de l'époque que
je lis et qui ne me paraissent pas nécessaires ; je
vais peut-être couper à cet endroit. Enfin, j'ai
supprimé le choeur antique, pour me centrer sur
les personnages. Ce sont surtout les comédiens
qui priment sur le texte et la mise en scène.
Léonce et Léna, que vous avez mis en
scène, parle aussi des tourments amoureux
de jeunes.
Je sens une continuité entre Léonce et Léna et
On ne badine pas avec l'amour. N'oublions pas
que Büchner a lu Musset. Leur vision du monde
des adultes est celle d'un espace décadant, mortifère, excessif, alcoolisé... dans lequel on ne
peut pas s'identifier. Dans la biographie qu'il
consacre au dramaturge, Gonzague Saint Bris
prétend que Musset serait aujourd'hui un personnage trash. Mais cela vient-il du fait que
Musset a mal grandi ? Cela lui vient-il d'une
mélancolie ? ou alors d'une impossibilité à vivre
dans ce monde-ci ? Musset sera là tour à tour
dans chacun des jeunes personnages (Camille,
Perdican et Rosette).
Cela fait longtemps que vous connaissez la distribution de votre pièce.
Depuis une année, oui. Il est important de réunir
des comédiens assez tôt pour travailler dans cet
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esprit de création que
je revendique. Nous
n'avons pas fait tellement de mises en lectures mais plutôt des
rencontres, pris du
temps pour parler,
pas seulement du théâtre mais aussi de notre
conception de la vie, de notre société, du
monde, de tout ce qui pourrait nourrir la situation d'On ne badine pas.
Vous retrouvez des compagnons de
route.
J'ai rencontré Marie Ruchat sur Léonce et Léna
en 2012, sur laquelle Valère Girardin avait aussi
fait la scénographie. J'ai choisi Frank Michaux,
Charlotte Dumartheray. Avec Marie, il forme le
trio de tête, chacun très différent, et possédant
un caractère très fort, très expressif, très fougueux. C'était important pour l'équilibre des forces. Je retrouve aussi Emmanuelle Ricci et Yves
Jenny, compagnons de route du théâtre des
Osses, et Frank Arnaudon, avec qui je souhaite
travailler depuis longtemps. Quant à Jean-Luc
Borgeat, il m'avait impressionnée dans la pièce
Douze hommes en colère de Julien Schmutz. Je
me réjouis de retrouver ces camarades de ce
point de vue là, parce qu'on fait du théâtre avec
des gens, pas avec des acteurs.
Propos recueillis par Frank Dayen
Du 1er au 23 décembre : On ne badine pas avec l’amour
d’Alfred Musset, m.e.s. Anne Schwaller. Location :
021/625.84.29
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Le drame amoureux
Le titre sonne comme une mise en garde :
On ne badine pas avec l'amour. Musset en sait
quelque chose, lui qui vient de surprendre son
égérie George Sand dans les bras de son médecin, à Venise. L'histoire d'une gondole qui prend
l'eau, la confession d'un enfant du siècle. Cette
expérience fait de Musset le romantique tourmenté qu'on connaît, à peine vient-il de publier
son Lorenzaccio (1834), injoué jusqu'en 1896,
et Fantasio, à peine autobiographique, qui sera
aussi mis en scène posthume.
On ne badine pas avec l'amour (publiée en
1834, représenté quatre ans après la mort de
Musset) met ses deux héros, Camille et
Perdican, aux prises avec l'orgueil. Pourtant
amoureux depuis tout petits, les deux cousins ne
parviennent pas à s'entendre sur une union décidée par le père de Perdican. Si ce dernier vient
de finir ses études universitaires, Camille sort
du couvent. Mais si lui déclare vouloir l'épouser, et respecter ainsi le projet de son baron de
père, la jeune fille refuse qu'on décide pour elle
et fait mine de préférer retourner chez les nonnes. Après une diatribe contre l'éducation religieuse, Perdican projette de rendre sa cousine
jalouse, mais le stratagème, entraînant une troisième personne dans le jeu de l'amour, tourne au
vinaigre : désillusionnée, la paysanne séduite se
suicide. Et la culpabilité aura finalement raison
de l'amour secrètement partagé.
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les métiers du théâtre : scénographe
Valère Girardin
Quand le spectateur va au théâtre, il voit d’abord des personnages
interprétés par des comédiens en costumes, puis la mise en scène et les
décors, les éclairages. L’ensemble lui procure plaisir ou ennui, mais s’il a
apprécié, il s’interrogera sur l’alchimie qui a conduit à cette réussite.
Valère Girardin fait partie de ceux qui œuvrent à la réussite d’un spectacle théâtral. Ce
jeune scénographe romand s’épanouit dans son
métier et en parle avec beaucoup d’enthousiasme. Mais avec un prénom aussi prédestiné, pouvait-il travailler ailleurs que dans le milieu du
théâtre…?
Quel a été votre parcours avant d’arriver à la scénographie ?
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Valère Girardin : J’habite au Locle et j’ai fait un
apprentissage de menuisier. J’ai très tôt été fasciné par les décors de films et la poésie du théâtre. J’aimais la combinaison de la machinerie et de la construction qui fait le décor. Ma curiosité pour ce domaine m’a conduit à
Montréal au Québec où j’ai suivi
l’École Nationale du Théâtre en section scénographie. Nous étions cinq
et j’étais le seul à avoir une expérience pratique. J’y ai passé trois
années exceptionnelles et enrichissantes car mes condisciples avaient
des approches différentes qui m’ont
beaucoup apporté : l’une avait une
formation littéraire, un autre de
décoration d’intérieur, etc.
décors : j’aime faire de la scénographie ET
construire, j’ai besoin d’avoir les mains dans la
peinture, dans les matériaux, j’ai besoin de l’atelier.
Parlez-nous de votre collaboration
avec Anne Schwaller et de On ne badine pas
avec l’amour de Musset qu’elle montera en
décembre au Théâtre Kléber-Méleau.
Avant tout il faut dire qu’Omar Porras, qui reprend la direction de ce théâtre, avait commandé un classique à Anne, et comme nous avions
Comment avez-vous mis à
profit cette formation à votre
retour en Suisse ?
déjà collaboré à la satisfaction de chacun sur
Léonce et Léna, Anne m’a demandé de concevoir un lieu unique chez le baron, qui ménage
des petits coins permettant d’observer en se
croyant cachés, dans l’esprit de la pièce où tout
le monde s’épie, s’espionne. J’ai donc conçu
quatre éléments qui se déplacent pour figurer
ces endroits clos. Lors des nombreux apartés de
la pièce, les personnages pourront voir par dessus ou par derrière ces éléments faits en matières brutes mais déglinguées, boiteuses. J’aime
bien travailler par blocs et construire les décors
à l’avance pour les tester, ce qui est le cas ici,
contrairement à la tendance actuelle qui privilégie le travail collectif et en évolution constante,
parfois jusqu’à la veille de la première. De plus
en plus, le metteur en scène monte la pièce avec
le scénographe, l’éclairagiste, la costumière.
Anne Schwaller, elle, tient le projet et j’ai grand
plaisir à travailler avec elle.
Comment procédez-vous lors de la
conception des décors ?
Je peux dire que j’aime le mot de scénographe,
plus dynamique que celui de décorateur.
D’ailleurs je n’aime pas la décoration, ce qui est fait « pour faire
beau ». Je préfère l’architecture. Les
accessoires doivent servir l’histoire,
les comédiens, les personnages. Si
Anne Schwaller souhaite qu’il y ait
de l’eau sur la scène, je vais réfléchir
s’il faut juste la suggérer, ou la matérialiser sous la forme d’un verre
d’eau, d’un bassin, etc. Quoiqu’il en
soit, c’est chaque fois un défi, et une
manière de travailler très différente
selon les metteurs en scène, mais de
manière générale je lis la pièce, je fais
des croquis ou des collages, je parle
beaucoup avec le ou la metteur/e en
scène, c’est une partie de ping pong.
Sans cela, ce serait comme faire un
ace au tennis : efficace mais peu satisfaisant.
Laurence Tièche Chavier
J’ai commencé par créer des costumes à la demande d’Anne Schwaller
qui montait sa première pièce
Léonce et Lena de Büchner au
Théâtre de Carouge, ensuite j’ai
réalisé de nombreuses constructions
pour le Théâtre Populaire Romand et
pour le Théâtre Kléber-Méleau.
Aujourd’hui je m’occupe des
On ne badine pas avec l’amour de Musset,
mise en scène d’Anne Schwaller, du 1er au 23
décembre, Théâtre TKM à Renens
Valère Girardin
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de la saison théâtrale. On a simplement dialogué
et confectionné comme un cahier de vœux.
Sachant que c'était la première phase et que je
ne serais pas la seule à participer. Finalement
mon dossier a reçu l'approbation de la
Fondation BCV en 2014.
entretien
Catherine Bolle
Catherine Bolle est l'auteur de l'installation Phare qui sera inaugurée au
Théâtre Kléber-Méleau ce 21 septembre. L'artiste lausannoise se pose
en chercheuse plasticienne, mais n'hésite pas à s'entourer de
quelques collaborations pour affirmer son art.
En quoi consistent ces éléments de
l'installation ?
Ce sont de grands prismes triangulaires formés
par des vitrages transparents de couleur rouge.
Ils contiennent chacun des cellules photométriques à colorant, qu'on appelle Graetzel, qui
sous l'excitation des photons de la lumière
induit un courant électrique. C'est un système
unique fabriqué en Suisse par Solaronix à
Aubonne. Avec eux et les architectes RBR, j'avais déjà collaboré à la conception du vitrail
pour le Centre de conférence de l'EPFL. Une
première mondiale en 2014. Au TKM, les éléments de vitrage rouges seront rétro-éclairés la
nuit.
Vous avez l'intention de récolter cette
électricité ?
Je l'espère, mais la quantité sera faible. On
récoltera le courant électrique produit par ces
cellules pour au minimum éclairer la servante.
La servante est cette lumière placée au milieu
du plateau qui est allumée par la dernière personne qui quitte le théâtre et éteinte par le premier qui arrive le lendemain. C'est un peu l'âme
du lieu, une tradition qui est partagée par toutes
les troupes théâtrales.
Butticaz - vitrail du Centre de conférence de l’EPFL
A l'image d'un riche parcours, on découvre
dans son atelier de la zone industriel de
Sébeillon des toiles, des amorces d'installation,
des œuvres sur papier, dont ces cartes topographiques où elle dessine sur le support fragile des
chemins entre le rêve et l'écriture… Il y a aussi
des obstacles à enjamber, notamment les
plaques qui vont être montées sur le toit du
TKM. Nous y voilà.
En quoi consiste cette installation au
TKM ?
L'installation Le phare marquera l'entrée du
théâtre. C'est un peu comme une guirlande formée par plusieurs prismes triangulaires placés à
fleur du toit. Le rêve est que ça se déploie d'une
façon apparemment chaotique, même si chaque
élément pèse 150 kilos. Les prismes de couleur
rouge seront à peine perceptibles depuis le sol.
Mais ils seront très visibles depuis le train qui
va à Genève et passe à la nouvelle gare, tout
près de Prilly-Malley.
Des petits réflecteurs en aluminium seront placés à la lisière du mur. Ceux-ci ont été découpés
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selon mon dessin et représentent des gouttes –
un peu comme la mètis grecque, elles peuvent
exprimer l'énergie, la ruse, la connaissance qui
nous viennent du ciel. Elles ont aussi une certaine brillance qui reflète partiellement la lumière,
et bien sûr elles bougent, ça fera un petit bruit.
L'installation sera rétro-éclairée la nuit par des
luminaires puissants et jouera ainsi pleinement
son rôle de phare et de point de rencontre.
Comment est né ce projet d'installation au TKM ?
Omar Porras cherchait une œuvre d'art lumineuse pour signaler son lieu. Je connaissais ses
spectacles, mais pas le personnage. Il a parlé de
son désir à une personne qui connaissait bien
mes œuvres, elle savait que je travaillais dans
mon coin sur des prismes utilisant des cellules
photovoltaïques. Elle a donc provoqué notre
rencontre, et avec Omar on s'est tout de suite
très bien entendu. On a beaucoup parlé de ce qui
était intéressant, opportun, pour le lieu etc.
Est-ce qu'Omar Porras vous a cadré
ou posé des conditions ?
Ce courant est symbolique ?
Oui, c'est symbolique et métaphorique. Ce qui
m'intéresse le plus c'est la confluence avec le
lieu. Ce site était une fabrique de gaz de ville, ce
qui était un progrès social en 1912. Alors voilà,
quasi 100 ans plus tard, nous vivons un grand
chambardement énergétique et c'est un nouveau
progrès, une mutation, auquel j'adhère en tant
qu'artiste et en tant que militante contre le
nucléaire. Cette métaphore de l'énergie se retrouve dans la création théâtrale. Et puis le théâtre, comme l'art, ne porte-t-il pas les interrogations d'une société et de ses individus.
Des projets ?
Après avoir travaillé au millimètre l'immense
installation à l'EPFL, autant pour le logement
des étudiants que le centre des congrès, j'ai hâte
de retrouver mes quartiers pour une création
plus intime. C'est très intéressant, mais bien cartésien.
Propos recueillis par Nadia El Beblawi
Non, il souhaitait que ce soit prêt pour le début
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entretien
Jean Liermier
Jean Liermier, le directeur du Théâtre de Carouge et Omar Porras, le tout
nouveau directeur du Théâtre Kléber-Méleau, aiment mettre en scène des
textes classiques forts, parfois de manière ludique pour mettre en lumière
l’absurde ou le monstrueux, parfois en s’effaçant derrière la puissance du
verbe seul. Dans le cadre de l’échange fécond entre les deux metteurs en
scène, Jean Liermier exportera sa pièce à Renens en mars 2016, après
l’avoir fait jouer chez lui à Carouge début 2016 (26.1-14.2).
Cette pièce de Pirandello n'est pas
très connue du public. Pourquoi ce choix ?
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Jean Liermier : Mais moi je la connais !... Je
garde une très forte impression de cette pièce
que j’avais vue à Paris il y a une vingtaine d’année, avec Maria Casarès dans le
personnage de Donna Anna, cette
mère, qui alors qu’elle vient de perdre son fils, refuse de jouer le rôle
que la société voudrait qu’elle joue.
Elle bouscule tous les codes car
elle ne pleure pas ! J’ai le souvenir
d’avoir été chamboulé par ce personnage, car je ne voyais pas où
Donna Anna se trompait ! Je suivais sa logique au point de me
demander si ce n’était pas elle qui
avait raison. C’est assez rare pour
qu’aujourd’hui j’éprouve le besoin
de partager ce vertige avec des
spectateurs.
Vous allez ensuite exporter cette pièce
à Kléber-Méleau. Vous avez derrière vous
une riche collaboration avec Omar Porras:
quels en sont les points forts ? Comment la
voyez-vous évoluer ?
style, une réflexion sur l’art de l’acteur. Je suis
fier que ces dernières années sa compagnie du
Malandro ait été en résidence informelle à
Carouge.
En tant que nouveau directeur de KléberMéleau, il s’inscrit dans la continuité de
Philippe Mentha, avec qui depuis quelques saisons nous avions développé une collaboration
qui allait bien au-delà de l’exportation de spectacles. Je me réjouis qu’avec Omar nous puissions poursuivre concrètement ces réflexions
qui font de nos deux institutions deux théâtres
frères.
Omar Porras va mettre en place une
étroite collaboration avec les écoles de théâtre, comme vous le faites également. Cela
vous semble-t-il un enrichissement mutuel ?
Une contrainte ? Un air frais pour le théâtre
en général ?
Je partage avec lui l’amour de la
pédagogie. Depuis toujours.
Transmettre, tant aux futurs professionnels qu’aux spectateurs de
demain, ne relève pas pour nous
d’un cahier des charges imposé,
mais d’une mission organique qui
coule de source, d’une réflexion
quotidienne sur la vie de nos
« guignols ». Tout comme notre
compère Fabrice Melquiot au
théâtre AmStramGram, nous mettons en scène, jouons, et le fait que
nous ne pratiquions pas
« le même théâtre » est une force.
Car il n’y a pas qu’un théâtre !
Qu’une manière de penser. Ce
serait indigne de transmettre cela
aux jeunes. Dans notre complémentarité, les synergies entre nos
trois théâtres me paraissent très
très prometteuses…
C'est une pièce au contenu plus aride. Comment l'aborderez-vous ?
Pensez-vous que son contenu soit
plus aride que celui du Malade
Imaginaire par exemple, où l’ombre de la mort de Molière plane en
permanence ? Je ne trouve pas.
Cette œuvre n’est faite que de Vie,
de personnages qui se dépatouillent
dans l’instant, comme vous et moi,
pour appréhender des questions
essentielles qui les taraudent, sans une pointe de
pathos ou de misérabilisme. Et Pirandello
ménage des surprises, qui non seulement vous
tiennent en haleine, mais provoquent des coupsde théâtre-au cœur ! A jouer j’ai l’impression,
ou l’intuition, que c’est jubilatoire. Et que cette
jubilation peut se transmettre au public.
e
Propos recueillis par
Laurence Tièche
Jean Liermier © Marc Vanappelghem
Porras est l’un des seuls hommes de théâtre
aujourd’hui en Suisse, si ce n’est le seul, dont
les créations tournent sur plusieurs continents.
C’est un fait ! Ce n’est lié ni au hasard ni à une
mode. C’est un travailleur acharné qui a développé depuis 25 ans une méthode de jeu, un
n
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La vie que je t’ai donnée de Pirandello, mise en scène de
Jean Liermier, du 1er au 20 mars 2016, Théâtre KléberMéleau à Renens
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la vie que je t’ai donnée / pirandello
Clotilde Mollet
Jean Liermier le sait bien qui l’a choisie pour jouer une femme au cœur du
drame intime et volatile de Pirandello, Clotilde Mollet est une comédienne
singulière et profonde qui n’a pas son pareil pour incarner toutes les
nuances de l’apparente banalité. Capable de balancer sans peine entre
gravité et humour, entre horreur et légèreté, Clotilde Mollet compte
parmi les meilleures comédiennes du théâtre français. Rencontre.
A l’occasion de sa présence dans la distribution savoureuse de Quand le diable s’en
mêle, tryptique conçu et mis en scène par Didier
Bezace d’après Feydeau pour les Fêtes nocturnes du Château de Grignan, il paraît naturel de
saluer une grande comédienne, souvent trop discrète, mais dont les interprétations fines, sages,
retenues et touchantes ne laissent jamais indifférent le spectateur, tant son énergie communicative peut susciter le rire ou l’effroi. Même
lorsqu’on lui confie un second rôle au cinéma,
elle excelle dans le registre comique ou dramatique avec la même aisance, impressionnante de
vérité. Comment ne pas se souvenir
d’Antoinette Poussin dans Le Violon rouge, de
la Gina du Fabuleux destin d’Amélie Poulain,
de la Marcelle des Intouchables et plus récemment de Madame Lanlaire du Journal d’une
femme de chambre de Benoît Jacquot.
Ce qui frappe dans votre jeu est cette
énergie constante qui s’en dégage. De quel
type d’énergie a-t-on besoin pour jouer au
théâtre ?
Clotilde Mollet : Elle est bien entendu différente
en fonction des auteurs et du lieu dans lequel
vous jouez. Lorsque l’on joue Feydeau et qui
plus est sur un plateau en plein air, il faut
déployer une énergie physique intense, afin de se
faire entendre et d’être précise à chaque mouvement effectué. Le dispositif de Didier Bezace est
comparable ici à une piste de cirque, avec en son
centre comme un podium-tréteau sur lequel nous
faisons notre numéro à tour de rôle. Une fois que
le comédien a compris ce dispositif, il peut alors
canaliser son énergie avec la plus grande justesse
possible. Il est évident que pour le théâtre de
Pirandello, l’énergie nécessaire et très intériorisée sera très différente. C’est passionnant.
Quels sont les hommes ou les femmes
de théâtre qui vous ont précisément permis
de mieux comprendre comment une comédienne doit trouver le rythme juste pour que
e
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metteur en scène et que j’apprécie énormément.
C’est un ami commun qui nous a présenté,
Gilles Privat, un comédien que j’admire beaucoup. Ensuite, c’est le théâtre mystérieux et poignant de Pirandello ; cette noirceur, ce mélange
déconcertant entre rêve et réalité, ce théâtre qui
semble repousser à chaque fois les limites du
comédien, autant d’éléments que j’avais pu
constater quand j’avais joué dans le spectacle de
Jean-Luc Boutté, La Volupté de l’honneur, il y a
vingt ans déjà… Enfin, j’avoue que de retrouver
une comédienne, une partenaire de jeu que j’apprécie comme Hélène Alexandridis est aussi
une raison de me réjouir de ce projet.
Lorsque vous acceptez un rôle, une
partie de vous-même peut-elle toujours s’y
exprimer ?
C’est en effet ce que l’on s’efforce de trouver à
chaque fois, mais ce n’est pas toujours possible.
Parfois, on accepte un rôle par nécessité, parfois
en pensant qu’il est fait pour nous, mais sans
jamais parvenir à rencontrer véritablement le personnage en question. Mais quand vous réussissez
à partiellement ou totalement à vous approprier
le rôle, là on se régale et l’expérience est belle.
Pourquoi vaut-il toujours la peine d’aller au théâtre aujourd’hui, d’après vous ?
Clotilde Mollet
le corps et la parole transmettent le texte de
l’auteur ?
J’ai eu je crois beaucoup de chance, dès le début,
au Conservatoire d’art dramatique de Paris. J’ai
pu bénéficier de guides tels que Jacques Lassalle
et très vite j’ai joué sous la direction de metteurs
en scène comme Louis-Charles Sirjacq, Jean
Jourdheuil, Alain Olivier ou Jean-Louis Hourdin
qui m’ont beaucoup apporté. Mais ce sont également les auteurs que j’ai interprétés qui m’ont
toujours stimulé. J’aime passer d’un registre à un
autre, jouer successivement Marivaux, Albert
Cohen, Jean Genet, Bond, Valentin, Pessoa,
Duras ou Grumberg ! Et puis, je suis toujours très
touchée qu’un metteur en scène fasse appel à moi
pour retravailler avec lui. J’ai pu compter sur la
fidélité et l’amitié d’homme de théâtre comme
Alain Milianti, Didier Bezace, Hervé Pierre,
François Berreur ou Charles Tordjman. Quand je
vous dis que j’ai eu beaucoup de chance tout au
long de mon parcours.
Il est évident pour moi que l’envie et le besoin
d’aller au théâtre doivent rester intacts et qu’il
ne faut jamais oublier que le théâtre peut être
salutaire dans un monde difficile à vivre, dominé par un scepticisme et un pessimisme constants. Le contact des comédiens, de la scène, des
auteurs est plus que jamais indispensable. Les
gens ont besoin qu’on leur raconte des histoires
et aiment se raconter des histoires. Le théâtre
c’est aussi je crois un acte de résistance qui permet de rendre compte, de témoigner et même de
survivre dans certaines régions du monde où la
culture est malmenée. L’acte théâtral doit permettre à chacun de nous de rester en mouvement, de nous questionner sans cesse et de
demeurer exigeant vis-à-vis de nous-mêmes.
A l’occasion de cette coproduction du
Théâtre de Carouge et du Théâtre KléberMéleau, vous serez de passage en Suisse.
Quel rapport entretenez-vous avec ce pays ?
Qu’est-ce qui vous plaît dans le projet
de Liermier quand il vous propose La Vie
que je t’ai donnée de Pirandello ?
Je m’y sens bien et j’y ai des amis. J’ai aussi de
merveilleux souvenirs lors de mes passages à
Lausanne au Théâtre de Vidy. La qualité de l’accueil et du travail que nous offrait un homme
comme René Gonzales resteront comme des souvenirs et des moments théâtraux inoubliables. Je
me réjouis donc beaucoup de retrouver les rives
du Léman.
D’abord, le fait que je connaisse le travail de ce
Propos recueillis par Jérôme Zanetta
e
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vagabondage
Figaro voyage !
Figaro sera de retour sur la scène du Théâtre Kléber Méleau, non pas
dans la version bien connue imaginée par Beaumarchais, mais dans celle
d'Ödön von Horvàt écrite en 1937 sur une trame plus mélancolique
comme l'indique le titre : Figaro divorce.
Lorsque le dramaturge allemand conçoit
cette suite aux aventures des personnages de la
comédie de Beaumarchais, l'humeur n'est guère
à l'optimiste car il était considéré par le régime
nazi comme un auteur « dégénéré », et ses
ouvrages ont fait partie de la première liste des
livres brûlés publiquement au même titre que
ceux de Brecht, Toller, Kraus ou Tucholsky.
52
côté de Carouge, il a monté Têtes rondes et têtes
pointues de Brecht en 2011.
débouché sur une aventure humaine enrichissante. Sa première mise en scène sera consacrée
à Brecht, avec Le Cercle de craie caucasien
monté avec une majorité de comédiens de la
troupe du Théâtre du Soleil. Cette production le
fera connaître notamment en raison d'une invitation à la présenter au Berliner Ensemble en
1998, lors du centenaire de la naissance de
Brecht. De 2003 à 2006, il a dirigé le Théâtre du
Peuple de Bussang marquant ainsi une volonté
de refuser une vision élitiste et hermétique du
théâtre, mais visant plutôt à « éveiller l'esprit et
poser des questions » tout en divertissant.
Dès lors la question du répertoire ancien ou
moderne reste ouverte, sans exclusive puisque
Exil
C'est donc en exil entre Vienne, Prague et
Amsterdam qu'il publie plusieurs œuvres durant
l'année 1937, un vagabondage forcé qui a sans
doute inspiré l'idée du départ en Allemagne des
protagonistes du Mariage de Figaro. Mêlant
ainsi deux drames, la Révolution française et
ses conséquences pour la noblesse et l'entourage ainsi que le temps de crise des années 1930,
Figaro divorce met en scène les personnages
fuyant un pays dans lequel les privilèges ont été
abolis, mais l'espoir de temps meilleurs s'avérera illusoire aussi bien pour Almaviva que pour
Figaro redevenu barbier. Et c'est Suzanne qui
sera porteuse d'avenir, à travers une prise de
conscience liée à son désir d'avoir un enfant.
Retour sur les rives du Léman
Si la pièce a déjà été montée en Suisse
romande par Valentin Rossier en 2003 à la
Comédie de Genève, c'est au tour de Christophe
Rauck d'en proposer une version que l'on pourra découvrir au TKM du 14 au 24 avril avant
une escale au Théâtre Forum Meyrin les 27 et
28 avril. Il s'agira d'un retour sur les rives du
Léman pour le metteur en scène et professeur
d'art dramatique désormais responsable du
Théâtre du Nord à Lille depuis juin 2013. En
effet, René Gonzalez l'avait invité à trois reprises, d'abord pour L'araignée de l'éternel, d'après
des textes de Claude Nougaro, ensuite pour
L'Affaire de la rue de Lourcine de Labiche en
2012, et Getting attention de Martin Crimp. Du
a
Christophe Rauck
Parcours
Après un début de formation du côté des
arts décoratifs et du dessin, c'est du côté de la
Cartoucherie de Vincennes, au Théâtre de
l'Epée de bois fondé par Antonio Diaz-Florian
que Christophe Rauck a fait ses débuts en tant
que comédien dans les années 1980, époque
durant laquelle il eut l'occasion de rencontrer
Omar Porras. Dans les années 1990, on le
retrouve dans la troupe du Théâtre du Soleil
d'Ariane Mnouchkine, toujours à la
Cartoucherie de Vincennes où il participe à plusieurs productions, Les Atrides et La Ville parjure d'Hélène Cixous. Sa formation auprès
d'Ariane Mnouchkine lui a permis d'acquérir un
« bagage artistique extraordinaire » qui a
c
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a
Christophe Rauck a monté aussi bien Le
Mariage de Figaro à la Comédie Française que
la Vie de Galilée ou le Révizor de Gogol à
Bussang, mais aussi Phèdre ou encore Cassé de
Rémi de Vos.
Frank Fredenrich
Du 14 au 24 avril : Figaro divorce d’Ödön Horváth, m.e.s.
Christophe Rauck. Location : 021/625.84.29
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figaro divorce / von horvath
Cécile Garcia-Fogel
Qui n’a pas vu Cécile Garcia-Fogel en scène ne peut imaginer la présence
forte et rayonnante de cette grande comédienne par l’art incomparable
d’être habitée par son personnage, choisi toujours parmi les plus forts.
Elle sera la Suzanne du Figaro divorce de von Horvath, mise en scène par
Christophe Rauck. Portrait d’une figure majeure de la scène
contemporaine.
Bien entendu, le spectateur averti sera ravi
de retrouver les protagonistes du Mariage de
Figaro de Beaumarchais, monté avec brio par
Rauck en 2007, afin de renouer avec cet esprit
vif et insolent qui joue à distance avec les consciences révolutionnaires du siècle des
Lumières, mais c’est d’abord l’occasion d’admirer le bel éclat des yeux sombres et du visage de Cécile Garcia-Fogel sur lequel s’inscrivent les passions et les émotions de ses héroïnes, merveilleusement lisibles. Capable de douceur aussi bien que de violence, exprimées par
une voix aux nuances infinies, elle impose
immanquablement sa personnalité forte et
ombrageuse, son ultrasensibilité frémissante et
sauvage.
Portrait
Guidée au Conservatoire national supérieur
d’art dramatique par des maîtres inspirés tels
que Catherine Hiégel, Stuart Seide ou JeanPierre Vincent, Cécile Garcia-Fogel semble d’abord affirmer son goût prononcé et sa fidélité
jamais démentie pour les tragédies shakespeariennes sous la direction de Bernard Sobel et de
Stuart Seide, précisément. En 1996, on ne peut
rester indifférent à sa prestation dans Le
Chanteur d’opéra de Wedekind, mis en scène
par Louis-Do de Lencquesaing, ainsi que dans
la vision étonnante que donne Eric Vigner de
l’Illusion comique et par sa première mise en
scène de fragments chantés de Phèdre de
Racine, préfiguration de l’interprétation fulgurante du rôle-titre qu’elle a donné l’an dernier,
portée par la lecture inspirée de Christophe
Rauck (2014).
Elle rencontre dans le même temps (1997)
un autre homme de théâtre important de sa trajectoire scénique. Joël Jouanneau la dirige dans
les Reines de Normand Chaurettes et fera de
nouveau appel à son talent pour Dickie d’après
Richard III de Shakespeare, et surtout dans la
a
c
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formidable pièce de Lagarce, J’étais dans ma
maison et j’attendais que la pluie vienne en
2004. Elle marque alors de son empreinte le rôle
de l’aînée, en insufflant à la jeune-femme une
vibration obsessionnelle et froide qui subjugue.
Mais entretemps, le spectateur privilégié
qui avait pu l’entendre dans le rôle de
Penthésilée de Kleist sur la scène du Théâtre de
la Bastille (1998) ne s’en remettra plus. Dans la
géniale mise en scène de Julie Brochen, elle
forme avec Jeanne Balibar un duo inoubliable.
Cécile Garcia-Fogel, revenue de la défaillance
livide après une chute
de cheval, a dans la
voix toutes les couleurs de la passion,
une intensité du
regard et une fluidité
de mouvements qui
troublait et que l’on
pourra revoir plus
tard lorsqu’elle interprétera avec la même
grâce vrillée la pauvre petite Marquise
d’O, (Kleist), distribuée alors par Lukas
Hemleb (2006).
Cécile Garcia-Fogel dans le rôle-titre de «Phèdre» mis en scène par C. Rauck
Talent
On se remémore
également avec émotion la prestation qu’elle
fournit dans la mise en scène de Seide de Mary
Stuart de Schiller (2009) où la comédienne,
engoncée dans une robe pourpre d’apparât à
grand col, sert le rôle de la reine Elizabeth avec
un aplomb et un furie cynique sans pareil, pour
ajouter encore une figure de femme moderne et
déterminée à son répertoire.
Cécile Garcia-Fogel a aussi montré de quoi
elle était capable en concevant et en réalisant
trois spectacles pour lesquels elle reste fidèle à
a
Ödon von Horvath avec Foi, amour, espérance
(2003) et à William Shakespeare avec J’ai rencontré un fou dans la forêt… (2006) et Le
Marchand de Venise (2010), avec toujours une
faculté avérée à rendre séduisant cet univers
poétique composite, irréel et qu’elle souhaite
musical.
Et comme elle a pu encore récemment nous
le démontrer dans son incarnation de Phèdre qui
fera date, Cécile Garcia-Fogel a cette capacité
d’une diction parfaite et habitée par le souffle
racinien qui nous rend la langue terriblement
proche. Elle évolue aisément dans ce flot de
mots, majestueuse malgré l’hystérie ambiante.
Elle se révèle alors comme une tragédienne irrésistible et possédant l’un des timbres les plus
mélodieux du théâtre actuel.
Les choix artistiques toujours exigeants qui
jalonnent son parcours déterminent un engagement constant, aussi bien lorsqu’elle s’associe à
la Nouvelle lettre adressée par Jack Rallite à
François Hollande afin d’alerter le Président de
la situation délicate de la politique culturelle
française (mars 2014), que lorsqu’elle accepte
la même année de tourner dans le magnifique
long-métrage d’Arnaud Desplechin, Trois sou-
l
i
t
venirs de ma jeunesse. Il était temps de dire tout
le bien qu’il faut penser de cette comédienne
remarquable et incontournable dans le paysage
théâtral de notre temps.
Jérôme Zanetta
é
53
t h é â t r e
Le 29 mai l’Académie vocale de Suisse
romande dirigée par Dominique Tille offrira au
public un voyage dans le répertoire des œuvres
romantiques pour chœur et piano de Schubert,
Mendelssohn et Schumann, accompagnée par
Cédric Pescia qui jouera également en solo. Le
pianiste n’accompagne pas souvent les chanteurs ou les chœurs. Il faudrait, dit-il, ne faire
que ça. Conscient donc de ses limites, il est
pourtant très heureux d’avoir accès à ce répertoire qu’il adore, de faire partie d’un tout.
entretien
Cédric Pescia
Le pianiste franco-suisse Cédric Pescia organise depuis 2007 les
Rencontres Musicales au Théâtre Kléber-Méleau de Renens.
Nous lui avons posé quelques questions sur le programme de
la saison prochaine.
Cédric Pescia nous dit avoir eu immédiatement un bon contact avec Omar Porras, qui a
pris la succession de Philippe Mentha en tant
que directeur du théâtre, dès le 1er juillet 2015.
Le choix de la collaboration s’est
tout de suite imposé, avec l’idée
d’instaurer un lien plus étroit
entre musique et textes.
mêmes !), ainsi que la Partita No 1 de Bach et
les Moments musicaux de Schubert, le 27 mai.
Cédric Pescia a une grande estime pour ce pianiste, lauréat du concours Clara Haskil, avec qui
Philippe Cassard, ami et partenaire de
concert de Cédric Pescia, terminera la série en
ajoutant aux Trois Romances et à l’Humoresque
de Schumann les Sept Fantaisies de Brahms et
la Romance No1 de Clara Schumann.
Dialogues
54
Ainsi, au mois de novembre
Omar Porras mettra en scène un
spectacle réunissant Musset (dont
la pièce On ne badine pas avec
l’amour sera représentée en
décembre) et Chopin : deux
comédiens diront les Nuits, grand
chef-d’œuvre du romantisme où
dialoguent le Poète et sa Muse, et
les Nocturnes leur feront écho
sous les doigts de Cedric Pescia.
Au mois de mai, le même
principe sera adopté, cette fois
avec Schumann et Novalis. Omar
Porras lui-même lira les Hymnes
à la nuit, auxquelles répondront
les Kreislenaria et les Fantasiestücke. A nouveau une forme dynamique sera recherchée, et
non une simple juxtaposition des œuvres.
Jusqu’à présent ce lien entre texte et musique
n’existait pas dans la programmation et sera
renforcé à l’avenir.
Cédric Pescia se sent particulièrement proche de Schumann, de son humanité, de son
caractère passionné. Pour son interprétation, il
se dit inspiré surtout par Alfred Cortot et
Wilhelm Kempff. Le compositeur allemand
sera aussi mis à l’honneur dans chacun des
concerts suivants. L’Irlandais Finghin Collins,
qui a enregistré deux des six volumes de l’intégrale Schumann chez Claves, jouera les
Waldszenen et trois Fantasiestücke (pas les
e
Cédric Pescia © Uwe Neumann
il a occasionnellement joué à quatre mains, et
dont il admire la délicatesse et la fougue.
Le lendemain, le Trio Stark consacrera la
soirée à l’intégrale des trios pour piano et cordes de Schumann. Il y en a quatre. Le Trio Stark
a été formé en 2009 par Cédric Pescia, Nurit
Stark et Valentin Erben, membre pendant trente-huit ans du quatuor Alban Berg, qui a quitté
le trio après trois ans. Aujourd’hui la violoncelliste Monika Lescovar, que Cédric Pescia et
Nurit Stark connaissent de longue date, l’a remplacé. Le trio est une formation gratifiante qui
donne aux instrumentistes l’avantage de se sentir solistes, puisque chacun est très exposé, et
chambristes à la fois. L’ensemble se réunit
autour de projets et non de façon régulière.
n
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Cédric Pescia se produit en tant que soliste
avec orchestre, chambriste ou récitaliste aux
quatre coins du monde. Il est professeur à la
HEM de Genève, membre fondateur de la série
lausannoise de concerts de musique de chambre
Ensemble enScène, mais il vit depuis longtemps
à … Berlin. Ses enregistrements sont nombreux. Sa particularité ? Il ne joue jamais les
œuvres en entier lorsqu’il travaille, afin de garder une certaîne fraîcheur. Le défi, dit-il, c’est
de ne pas répéter ce qu’on a déjà fait.
D’après de propos recueillis par
Martine Duruz
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Date
Signature
Omar Porras
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avignon
Transformation
La 69ème édition du Festival d’Avignon s’est ouverte avec la forte présence
de Shakespeare: Le Roi Lear, par Olivier Py, et Richard III, par Thomas
Ostermeier. Les critiques ont déjà fait leur lot de comparaisons inévitables
entre les deux spectacles, accentuant les défauts de l’un par les qualités de
l’autre. Mais il est important de rappeler que les deux pièces, si elles
proviennent du même auteur, ne jouent pas sur le même terrain, que ce
soit au niveau du format, de la théâtralité, et de la portée significative.
Le théâtre et la parole : le silence
comme machine de guerre…
La mise en scène d’Olivier Py se veut relativement sobre - avec ses habituels décors à roulettes efficaces - en voulant respecter la physionomie du Palais des Papes. Mais elle accumule
tout de même quelques artifices scéniques, parfois intéressants (les sentences écrites en néon,
le trou de sable dans lequel disparaissent les
personnages) et parfois laborieux (la déconstruction méthodique de chaque planche en bois
de la scène, qui détourne l’attention des très
marquantes scènes de Lear et du fou sur la
lande). La lecture des rôles féminins frappe par
le manichéisme, de la virginale Cordélia, croisement entre un cygne éploré et une chaste ballerine (à
qui Py ôte la parole en lui
scotchant la bouche), aux
deux sœurs, barbies démoniaques et nymphomanes.
Plus globalement, la direction d’acteur laisse une
liberté qui aurait pu s’avérer
bénéfique si cela n’avait pas
conduit à lâcher les comédiens dans un espace qui les
dépasse et qui les pousse à
hurler et à gesticuler - rares
sont ceux qui évitent ces
récifs, à l’instar d’Eddie
Chignara (Kent), voire de
Jean-Damien Barbien (le Fou), tant son personnage profite de la démesure. Rien n’est proprement inintéressant ou inconséquent dans cette
lecture. Mais si le doute installé sur la parole
suite à la rupture sémantique impliquée par
Cordélia peut se comprendre par l’interprétation
d’une construction minée par la vacuité, on ne
profite pas toujours comme spectateur du mode
déclamatif tragique monocorde ou de la vocifération pour comprendre quels sont les enjeux de
a
c
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u
cette parole. Car de la bonne intention initiale,
on perçoit des acteurs montrant la langue, plutôt
qu’agissant à travers elle.
…à la parole comme arme ultime…
Richard III, qui part d’une autre réflexion
langagière, est une réussite au niveau de la performativité du langage. La mise en scène profite pleinement de la salle du Théâtre municipal
pour à la fois figurer le Globe et resserrer le rapport scène-salle. Richard III s’approprie non
seulement le lieu mais aussi le public, lui adressant ses célèbres monologues en jouant ingénieusement avec un micro (avec lequel il voltigera sur le public puis à la toute fin s’y pendra
Lars Eidinger est «Richard III» © Arno Declair
par le pied…). Là où la mise en scène excelle,
c’est dans le rythme. Les images sont taillées au
couteau, et les interventions musicales, créées
par Nils Ostendorf, installent une fonction de
l’élément sonore comme un actant à part entière et non pas comme illustratif. La mise en
scène se concentre sur l’évolution du plan du
Richard III plutôt que sur une lecture particulièrement interprétative de celle-ci. Nous sommes
donc happés dans la logique dramaturgique de
a
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a
l
la pièce, et Richard III séduit le public, qui suit
ses manigances avec plaisir… jusqu’au moment
où l’insoutenable surgit. Le décrochage moral
est d’autant plus violent que Richard III était
charismatique dans sa monstruosité. Le personnage bascule dans la paranoïa et masque son
visage avec du vivant (de la crème) pour le
déréaliser, et filmer sa (dé)composition. La
construction de son identité mythique aboutit
sur une scène finale où Richard délire, et où l’on
ne distingue plus son rêve de la réalité de la
guerre. Il se bat seul dans un espace vide, conre son plus grand ennemi: lui-même. L’effroi
saisit les spectateurs avec son effet cathartique.
Si l’on parle à juste titre de la véritable performance de Lars Eidinger en Richard III, il faut
souligner la force cohésive de l’ensemble des
acteurs, dont l’énergie commune est particulièrement efficace. Les cris et gestes sont remplacés par l’adresse constante, la précision rythmique et grammaticale. À aucun moment, la
parole ne dépasse les acteurs: ils l’utilisent pour
créer le drame.
Ces qualités rythmiques et incisives se
retrou-vent dans une autre spectacle signé
Olivier Py, Hacia la alegrìa. Il s’agit de la mise
au style direct d’un chapitre de son roman
Excelsior, évitant ainsi ce qui pouvait être parfois trop commentatif dans l’oeuvre originale.
La traduction en espagnol
impose aussi, comme le
relève Py avec pertinence,
“une énergie poétique inhérante à la langue, à sa rythmique et à son accentuation, contrairement au français qui est “une langue
métaphysique, qui éloigne
les choses de leur dénomimation”. Py réussit donc ici
un tour de force, réalisant
son idéal d’incarnation de
la parole dans la performativité, grâce à l’interprétation à la fois physique et
transcendante de l’acteur
Pedro Casablanc, au centre d’une mise en scène
fonctionnelle et sobre.
Quelles que soient leurs formes ou leurs
esthétiques, ces spectacles de début de Festival
participent à montrer le théâtre comme lieu de
transformation, que ce soit de la parole comme
de l’image, vers la réalité scénique.
Anouk Molendjik
é
57
f e s t i v a l
compte-rendu
Chorégies
d’Orange
Avec les deux ténors les plus courus de la planète, à
savoir Jonas Kaufmann dans Carmen et Roberto
Alagna dans Le Trouvère, le succès était attendu… et
les stars n’ont pas déçu !
58
scène et sanguine, mais le timbre riche et noble peine un peu plus à s’imposer dans le vaste volume du Théâtre Antique. Inva Mula (Micaëla) est
en revanche très puissante mais pas toujours compréhensible sans effort,
tandis que pour sa première apparition ici, Kyle Ketelsen (Escamillo) projette très vaillamment, en particulier dans l’aigu. La direction de Mikko
Franck, aux commandes du Philharmonique de Radio France, est fort
respectueuse de la partition et en fait entendre tous les détails, mais il ne
s’autorise aucune accélération ni aucun alanguissement, trop peu de sentiments en somme. La production de Louis Désiré est bien moins enthousiasmante que les deux précédentes Carmen montées ces 10 dernières années aux Chorégies. Des cartes géantes sur le plateau,
d’après le trio du même nom au 3ème acte, des lances de picadors en arc de cercle qui restreignent considérablement l’espace
de jeu, même si la réalisation s’est débarrassée de la classique
imagerie espagnole. La très belle séquence du début du IV où
Carmen porte la veste du toréador Escamillo ne rattrape pas vraiment le sentiment d’une certaine économie et étroitesse de la
mise en scène (pas de décors, ni même de grande suggestion de
la présence de la taverne de Lilas Pastia au II, ou encore des
montagnes du III), ni la frustration d’entendre un duo José –
Escamillo significativement coupé au III.
Le Trouvère
Kate Aldrich et Jonas Kaufmann © Abadie
Les Chorégies ont déjà accueilli Jonas Kaufmann dans le Requiem de
Mozart, mais le ténor de 2006 est devenu aujourd’hui une vedette
incontestable, et c’est d’abord lui qu’on vient voir cette année. Son Don
José est remarquable – diction impeccable, timbre sombre dans le medium,
qui éclate de brillance dans l’aigu –, et l’acteur est époustouflant de crédibilité et d’engagement. La Carmen de Kate Aldrich est aussi très belle en
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Très aimé à Orange, Roberto Alagna est un grand habitué
des lieux, mais sa participation à l’édition 2015 revêt un caractère certainement moins évènementiel que ses dernières venues
dans Turandot (2012) et Otello (2014), où il effectuait des prises
de rôles. Le ténor français, qui s’est produit dans ces lieux dans
le Trouvère en 2007, assure son Manrico avec un phrasé et un
legato toujours aussi appliqués, mais les passages plus spinto
semblent plus périlleux, comme l’aigu plutôt confidentiel qui
conclut la cabalette « Di quella pira ». Le timbre de Hui He
(Leonora) est somptueux et de couleur finalement très verdienne,
mais la soprano chinoise manque de précision dans l’extrême
aigu, alors que Marie-Nicole Lemieux (Azucena) déploie avec
force son timbre opulent. En première orangeoise, le baryton
George Petean (Luna) fait entendre un exceptionnel grain de
voix, sain et puissant, tandis que Nicolas Testé trouve en
Ferrando un rôle à la mesure de ses beaux moyens. Malgré ces
imperfections vocales, la distribution regagne une cohérence
d’ensemble sous la baguette de Bertrand de Billy, un vrai chef
d’opéra qui, au-delà de l’impeccable qualité de l’Orchestre
National de France, insuffle vie et passion à la musique. On relève toutefois en début de soirée de petits décalages avec le plateau, peut-être dus au dispositif scénique imaginé par Charles Roubaud.
Un praticable tout en largeur repousse en effet parfois les protagonistes en
fond de scène, à bonne distance du chef… et des spectateurs. Agrémentée
des projections vidéo (Camille Lebourges) d’arbres, de façade du couvent,
etc, la production est une réussite et occupe intelligemment le vaste espace. Elle alterne entre moments intimistes et mouvements des masses cho-
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Marie-Nicole Lemieux et Roberto Alagna © Gromelle
Marie-Nicole Lemieux et Roberto Alagna © Gromelle
rales : entrées et sorties des soldats, des religieuses, des gitans et leur roulotte, …
pour un dernier concert (le 10 juillet) aux commandes du Philharmonique
de Radio France. Au cours d’un programme Berlioz, Saint-Saëns et
Poulenc avec son concerto pour deux pianos associant Martha Argerich et
Nicholas Angelich, les spectateurs auront pu apprécier une fois de plus la
relation fusionnelle entre le chef et « son » orchestre dont il a été le directeur musical ces 15 dernières années.
Ces deux productions d’opéra venaient après un concert lyrique en
ouverture de la manifestation (le 7 juillet) réunissant Ekaterina Siurina et
Joseph Calleja. Sous la baguette dynamique d’Enrique Mazzola, le ténor
maltais se montre à son meilleur dans les passages lyriques de Verdi
(comme l’air de Macduff du dernier acte de Macbeth), ainsi que dans un
exceptionnel Lamento de Federico, tandis que la soprano russe remporte
un franc succès dans le belcanto donizettien, ses Norina et Adina étant
vives et espiègles à souhait.
François Jestin
Bizet : CARMEN – le 11 juillet 2015 au Théâtre Antique d’Orange
Verdi : IL TROVATORE – le 1er août 2015
Concert Ekaterina SIURINA / Joseph CALLEJA – le 7 juillet 2015
Concert symphonique – le 10 juillet 2015
Enfin, le festival tenait absolument à inviter Myung Whun Chung,
Concert symphonique eu Théâtre Antique © Gromelle
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compte-rendu
Aix-en-Provence
A Midsummer Night’s Dream de Britten dans la reprise
de la désormais production historique de Robert
Carsen, et la double affiche Iolanta / Perséphone vue
par Peter Sellars, auront été les spectacles les plus
excitants de la dernière édition du festival international
d’art lyrique d’Aix-en-Provence.
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«Alcina» © Berger
Bats-moi Alcina !
L’excitation est aussi bien présente dans la mise en scène de Katie
Mitchell, où dans un intérieur bourgeois début XXème siècle, on fait,
défait, refait le lit… élément de mobilier très utilisé ! Ainsi Alcina vocalise à califourchon sur Ruggiero, Morgana se fait dépoussiérer le corps à
l’aide d’un plumeau jusqu’à ses parties les plus intimes, mais on aurait
peut-être pu s’économiser trois ou quatre coups de cravache lors des petits
jeux sado-maso à répétition. Le dispositif scénique est du même type que
celui utilisé ici pour la création de Written on Skin en 2012, à savoir des
petits cabinets latéraux qu’Alcina et Morgana rejoignent en femmes
vieillies, la magie qui leur donne la jeunesse opérant uniquement sur la
partie centrale du plateau. Au premier étage est implantée une machine à
transformer les humains en animaux, et de-ci de-là sont présentées des
bêtes empaillées sous verres. Tous les chanteurs sont en prise de rôle ce
soir, et les deux noms les plus connus dominent nettement la distribution.
D’abord Patricia Petibon dans le rôle-titre, très investie, expressive et qui
parvient lorsqu’il le faut à diminuer son volume pour produire un son plus
baroque, puis Philippe Jarrousky (Ruggiero), élégiaque, délicat, doté
d’une musicalité hors du commun, et suffisamment sonore dans cette
salle. C’est bien un problème de puissance qui handicape malheureusement les interventions d’Anna Prohaska (Morgana) et Katarina Bradic
(Bradamante), deux très beaux timbres, virtuoses dans les passages fleuris, mais il faut malheureusement souvent tendre l’oreille. Joli ténor
d’Anthony Gregory (Oronte), basse superbement posée de Krzysztof
Baczyk (Melisso), et superbe chant du garçon du Tölzer Knabenchor Elias
Mädler (Oberto) ; on peut rappeler à ce propos que l’Opéra de Paris proposait une soprano dans ce rôle en 1999 et qu’Oberto était tout simplement
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supprimé lors des dernières reprises du spectacle au Palais Garnier ! Pas
de tel scandale à Aix, où le chef Andrea Marcon et le Freiburger
Barokorchester – en résidence pour la deuxième année au festival – se
montrent souverains : quelle énergie, quel mordant sur les attaques, et
quelle qualité du continuo !
Une vraie traversée du désert
Si c’est bien la nouvelle production de l’Enlèvement au Sérail réglée
par Martin Kusej qui a fait le buzz cette saison au festival, il n’est pas certain que celle-ci ait servi au mieux Mozart et son œuvre. Il est vrai que
notre période troublée par les nombreuses et diverses menaces et attaques
terroristes rend plus que jamais très délicat tout traitement de cette
Turquerie où le « monde musulman » est confronté au « monde occidental ». A la lumière des attentats de janvier dernier, puis de la
récente affreuse décapitation en région Rhône-Alpes, le metteur
en scène a dû revoir in extremis sa proposition, en présentant
comme image finale des vêtements ensanglantés à la place des
têtes sanguinolentes. Il n’empêche, après les furieux coups de
sabre lancés auparavant sur d’innocentes pastèques, Kusej reçoit
au rideau de franches huées de la part du public. Il faut dire que
l’ennui commence à gagner au cours de la soirée : malgré le beau
décor de désert de sable écrasé par la chaleur, le jeu est trop
réduit et la conversation semble s’étirer indéfiniment, surtout
dans cette version où les textes ont été « révisés » (par exemple
un élégant « Stop fucking singing ! »). Dans ce contexte, c’est
finalement le comédien Tobias Moretti (Selim Bassa) que l’on
suit avec l’attention la plus soutenue. La soprano Rachele
Gilmore (Blondchen) sonne plus fraîche et délicate que la
Konstanze de Jane Archibald, mais celle-ci est une vraie colorature qui maîtrise la pyrotechnie de son grand air « Martern aller Artern ».
La ligne de chant de Daniel Behle (Belmonte) est soignée mais le volume
bien modeste, tandis que l’autre ténor David Portillo (Pedrillo) est plus en
situation avec un timbre moins noble. C’est vocalement Franz-Josef Selig
(Osmin), vraie basse profonde qui n’a pas besoin de vociférer, qui remporte la palme, l’ensemble étant placé sous la baguette alerte, attentive et plutôt rapide de Jérémie Rhorer aux commandes du Freiburger
Barokorchester.
Le songe aixois
Etait-ce a priori un défi audacieux ou bien un pari gagné d’avance
que de remonter la production créée dans la cour de l’Archevêché en 1991
par Robert Carsen du Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten, vue et
revue depuis bientôt 25 ans sur de très nombreuses scènes ? L’ovation
finale du public ne laisse aucun doute : la magie opère littéralement à
chaque fois ! C’est aussi un sentiment d’un certain « retour à la maison »
tant la communion entre un spectacle et son lieu de représentation paraît
évidente : la lune sur le plateau et les étoiles dans le ciel aixois ! On ne
reviendra pas en détails sur la mise en scène, dont il existe un témoignage
vidéo disponible (DVD filmé en 2006 au Liceu de Barcelone), sinon pour
confirmer qu’il s’agit d’un petit miracle d’élégance, d’humour sans grossièreté et d’équilibre qui colle au plus près de l’ouvrage, entre moments
élégiaques et passages purement comiques. L’orchestre de l’Opéra
National de Lyon, qui mettait encore en 2008 le titre à son programme de
saison, est en fosse et son directeur musical Kazushi Ono est placé au
pupitre. Les cordes sont absolument somptueuses et enveloppantes, et les
cuivres impériaux pour ne citer que ces pupitres. Déjà titulaires de la repri-
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se lyonnaise, le contre-ténor Lawrence Zazzo (Oberon) et la soprano
Sandrine Piau (Tytania) sont de la fête, tout comme l’extraordinairement
bondissant et bidonnant Miltos Yerolemou (Puck). Les couples d’amoureux sont proches de l’idéal avec Rupert Charlesworth (Lysander), John
Chest (Demetrius), Elizabeth DeShong (Hermia) et Layla Claire (Helena).
Tous les protagonistes sont à saluer, des artisans truculents à Theseus et
Hippolyta, mais il ne faut surtout pas oublier de remercier les enfants du
Trinity Boys Choir dont chaque intervention participe à la magie de la soirée.
déplacés à vue qui créent de beaux jeux d’ombre. Dans Perséphone, l’association de quatre danseurs traditionnels cambodgiens, totalement en
osmose avec la progression musicale, est un trait de génie de Sellars. La
comédienne Dominique Blanc (Perséphone), agréablement sonorisée
comme au lointain, est une formidable diseuse et le ténor Paul Groves
(Eumolpe) est en limite de stabilité dans les aigus, mais l’articulation de
son texte est splendide
Le Monstre du Labyrinthe © Beaume
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Petites et autres formes
Dominique Blanc (Perséphone) © Victor
Deux enchantements
Créé il y a trois ans au Teatro Real de Madrid dirigé alors par Gérard
Mortier, la production de la double affiche Iolanta / Perséphone imaginée
par Peter Sellars était accueillie par le festival pour sa première reprise. Un
mot d’abord de la direction musicale de Teodor Currentzis qui est d’une
qualité rare : beauté, ampleur, densité, relief, et quelques nuances absolument inouïes, il défend en particulier une très grande partition de
Tchaïkovski. Avant que Iolanta ne recouvre finalement la vue, le chef et le
metteur en scène ont tenu à insérer un extrait a capella de l’Hymne des
Chérubins, où le temps semble suspendu. L’équipe artistique est exemplaire : la voix ronde et d’une grande pureté de Ekaterina Scherbachenko
(Iolanta), le ténor aux accents héroïques Arnold Rutkowski qui soutient la
tessiture tendue de Vaudémont, la grande basse profonde et puissante
Dmitry Ulianov (René), jusqu’à Willard White (Ibn-Hakia) qui sonne très
noblement. Le dispositif scénique commun aux deux œuvres est dépouillé
et symbolique : masses noires en équilibre au-dessus de chambranles de
portes, toiles peintes qui défilent en fond de plateau, et projecteurs simples
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Outre les grandes productions précédentes, Aix proposait de petites
formes de spectacles, à commencer par Svadba de la compositrice Ana
Sokolovic. Il s’agit d’une pièce vocale pour six femmes a capella, se
réunissant à la veille du mariage de l’une d’elles. Dans la production de
Ted Huffman et Zack Winokur, l’énergie sonore et visuelle dégagée par ce
groupe envahit la salle. A l’auditorium Daris Milhaud, la pièce Be with me
now laisse un souvenir moins impérissable, petit pot-pourri d’airs d’opéra
sur une intrigue soutenue par la vidéo. Le Monstre du labyrinthe de
Jonathan Dove est peut-être une petite forme par sa durée (une heure environ), mais certainement pas pour ce qui concerne les moyens déployés…
avec ses 300 choristes amateurs sur scène ! Le résultat atteint un très haut
niveau de professionnalisme, avec Simon Rattle dirigeant en fosse des
musiciens du LSO et des instrumentistes de l’Orchestre des Jeunes de la
Méditerranée. La mise en scène de Marie-Eve Signeyrole est à la fois bien
réglée et militante lorsqu’elle illustre les drames des migrants fuyant leur
pays. Un ballet était également proposé au Théâtre du Bois de l’Aune :
Spectres, monté par la chorégraphe Josette Baïz et sa compagnie Grenade,
sur des musiques jouées par le Quatuor Béla.
François Jestin
Haendel – ALCINA : le 2 juillet 2015 au Grand Théâtre de Provence
Mozart – DIE ENTFÜHRUNG AUS DEM SERAIL : le 3 juillet 2015 au Théâtre de
l’Archevêché
Britten – A MIDSUMMER NIGHT’S DREAM : le 4 juillet 2015 au Théâtre de
l’Archevêché
Tchaïkovski / Stravinski – IOLANTA / PERSEPHONE : le 5 juillet 2015 au Grand
Théâtre de Provence
Sokolovic – SVADBA : le 3 juillet 2015 au Théâtre du Jeu de Paume
Dove – LE MONSTRE DU LABYRINTHE : le 8 juillet 2015 au Grand Théâtre de
Provence
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radio france et montpellier languedoc-roussillon
Edition 2015
Pour ses 30 ans, le festival Radio France et Montpellier LanguedocRoussillon a mis entre autres à son programme trois rares opéras français,
dont un en version scénique.
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Hervé Niquet et son orchestre Le Concert
Spirituel ont une relation particulière à l’ouvrage
de Boismortier. Ainsi que l’explique le chef qui
débarque dans la salle portant armure, casque et
lance de Don Quichotte, l’opéra fut le premier
abordé par l’ensemble à ses débuts. Déjà proposé cette saison à Versailles et Metz, le spectacle
réglé par Corinne et Gilles Benizio – les humoristes Shirley et Dino à la scène – ménage de
nombreux passages loufoques bien dans le ton du
livret écrit par Charles-Simon Favart. La représentation dure deux heures, mais si on fait
abstraction des différents sketches – entre autres
une apparition hilarante de Shirley en diva espagnole –, dialogues ajoutés, numéros comiques, il
ne reste à peu près qu’une heure de musique,
superbement interprétée par l’orchestre.
Les solistes jouent et chantent, parfois avec
quelques faiblesses. Ainsi le ténor Emiliano
Rarement
représenté,
Fantasio de Jacques Offenbach
a bénéficié récemment d’un
enregistrement de qualité (2 CD
Opera Rara), malheureusement
handicapé par la diction très
moyenne de la distribution
vocale, à majorité britannique.
Ceci n’est pas un problème ce
soir, où les chanteurs sont français pour la plupart, dans cette
version où les dialogues parlés
sont supprimés et des textes
d’introduction lus avec une
intelligibilité maximale par la
récitante Julie Depardieu. En pantalon, chemisier
blanc et nœud papillon défait, Marianne
Crebassa (Fantasio) se délecte de ce rôle travesti
et nous fait admirer l’un des plus beaux timbres
de mezzo qu’on puisse entendre
actuellement. La voix de la soprano
Omo Bello (Elsbeth), tout en
conservant son agilité, semble s’être élargie ces dernières années,
alors qu’on regrette que le rôle de
Flamel soit si peu développé pour la
splendide Marie Lenormand. JeanSébastien Bou (Prince de Mantoue)
et Loïc Félix (Marinoni) défendent
avec force et esprit leur personnage.
L’autre baryton Michal Partyka est
le plus sollicité dans le rôle de
Sparck, sonore mais on ne comprend pas grand-chose à son français,
Omo Bello, Marianne Crebassa et Friedemann Layer © Ginot
tandis que la basse Renaud
Gonzalez Toro (Don Quichotte) n’est pas tou- Delaigue (Roi de Bavière) montre une grande
jours très assuré dans l’aigu alors que le baryton autorité. Le chef Friedemann Layer fait sonner
Marc Labonette (Sancho Pança) déploie un volu- très généreusement l’Orchestre National de
me considérable, parfois en limite de stabilité. La Montpellier, et les chœurs de la Radio Lettone
soprano Chantal Santon Jeffery (Altisidore) fait sont à la hauteur de la tâche, surtout les femmes.
entendre un joli timbre, et le baryton-basse Joao
Fernandes (Montésinos) est sans problème. Au
Décédé trois ans auparavant, Edouard Lalo
final, un spectacle agréablement déjanté dans des n’eut pas le loisir d’assister à la création de La
décors efficaces, colorés et naïfs.
Jacquerie à l’Opéra de Monte-Carlo en 1895,
opéra auquel le compositeur Arthur Coquard
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contribua largement, bien au-delà de l’orchestration ou de l’achèvement de la pièce. Le résultat
est une œuvre qui progresse dramatiquement et
musicalement au cours de ses quatre actes. Cela
démarre, sans ouverture, avec les chœurs de paysans extrêmement vindicatifs accompagnés par
des cuivres très brillants, une pâte sonore qui
frise le style pompier pendant les deux premiers
actes assez courts. Au début du III, le
Philharmonique de Radio France sous la direc-
Véronique Gens et Patrick Davin © Ginot
tion de Patrick Davin joue de splendides pages
symphoniques, puis enchaîne entre plusieurs
duos, des accents clairement wagnériens se faisant entendre en fin de III et on croit même déceler un peu du solo qui illustre l’attente finale de
Tristan pendant l’acte suivant. Après la venue en
2006 d’Alagna et Uria-Monzon dans Fiesque,
cette autre rareté de Lalo est à nouveau défendue
par une distribution de haute qualité, à commencer par Véronique Gens (Blanche) dont la diction
ciselée est encore exemplaire. Plus agressive
dans la projection et l’intensité du vibrato, Nora
Gubisch (Jeanne) chante avec conviction. Fils de
Jeanne et amoureux de Blanche la fille du Comte,
le chef des paysans rebelles Robert est interprété
par le ténor Charles Castronovo, timbre de couleur sombre dans le medium mais qui soutient la
ligne tendue de la partition. Boris Pinkhasovich
(Guillaume) est un baryton surpuissant à la prononciation correcte, Jean-Sébastien Bou ne possède pas naturellement les graves du rôle du
Comte, tandis que Patrick Bolleire (le Sénéchal)
chante avec autorité.
François Jestin
De Boismortier – DON QUICHOTTE CHEZ LA
DUCHESSE : le 17 juillet 2015 à l’Opéra Comédie
Offenbach – FANTASIO : le 18 juillet 2015 au Corum
Lalo – LA JACQUERIE : le 24 juillet 2015 au Corum
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montpellier danse
Corps contraints
et inconscients
Le Festival Montpellier Danse a déployé des corps en états somatiques,
ensevelis puis découverts dans leur liberté de danser et de performer leurs
humeurs et vérités intimes.
En guise de « fourmilière » (Ottof), voici des
femmes aux physiques généreux que l’on retrouve dans le cadre de la présente édition de La
Bâtie. Révélée par son combat féminin au détour
de Madame Plaza créé à Montpellier Danse en
2010, le corps de la chorégraphe Bouchra
Ouizguen se tourne lentement face public avec
ses micromouvements imperceptibles et un
regard qui fore le lointain à l’orée d’ Ottof.
Femmes en résistance
La pièce semble ainsi se développer, un
temps, dans les parages du travail chorégraphique
de la Franco-algérienne Nacera Belaza densifiant
les intériorités et cheminant à la rencontre de sa
propre disparition pour accueillir le monde en soi.
Avec leur physique à la Eli Kakou dans ses sketches mettant en scène Madame Sarfati, les danseuses qui sont aussi chanteuses détonnent. L’opus
rapatrie ici les corps désolés, désertés mettant en
boucle des transes de cheveux agités façon chanteuse de Heavy Metal, là des figements rappelant
le travail de présence plasticienne du tandem
Jennifer Lacey et Nadia Lauro ouvrant sur une
féminité paradoxale et réjouissante. Ou des corps
disparaissant sous les vêtements chers notamment
au chorégraphe français Boris Charmatz. La chorégraphe et danseuse explique : « Dans 'Ottof', on
travaille des dialectes, on travaille la voix, des
voix. Celles de nos mères, pères et sœurs. Les nôtres, celles de nos enfances. » Elle ajoute : « Il ne
s’agit pas de l’évident, du visible. Mais de l’ineffable. De l’amour, du lien.» Echo de la richesse
expressive de la danse orientale et de ses traditions
modernisées, le final où les anatomies plantureuses se déhanchent sur le standard du jazz chanté
notamment par Nina Simone emblématique de la
plus haute des solitudes, My Baby Just Cares for
me, résonne comme une vitale et douloureuse
mélopée. Ottof donne un aperçu décalé autant que
déroutant de ces Mères Courage combatives, qui
assurent souvent seule la subsistance et la cohésion de leur famille.
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Princes tutélaires lessivés
La scène est un tableau. Tour à tour morguelaboratoire incertaine, lieu d’exposition puis d’une
grande lessive en métamorphose, la pièce pour
cinq femmes et une dizaine de tuniques géantes et
totémiques, un brin sacerdotales congelées en
forme humaine, Belle d’hier signée Phia Ménard
fait preuve d’une médusante plasticité et d’un sens
aigu de l’écriture de plateau avec ses différents
plans, perspectives et lumières. La chorégraphe
offre au spectateur un immense espace pour la
contemplation et la décélération des sensations
jusqu’à l’hypnose qui peut faire écho, sur le plan
formel, au travail de l’artiste transalpin Romeo
Castellucci concevant la scène comme un lieu
alchimique générant des poèmes visuels à l’inquiétante étrangeté. D’abord en combinaisons de
protection intégrale d’intervenantes sur sites sensibles, type industrie chimique ou nucléaire, le sextuor féminin se mue en ouvrières de contes cruels
lessivant au gré d’un mouvement métronomique,
comme dans Les Temps modernes de Chaplin, les
immenses vêtements dégelés, comme fondus sur
place. Puis les foulant en tous sens dans des bassines avant de les suspendre comme dans une
ancienne teinturerie. Elles prennent alors des
poses martiales de défi d’héroïnes manga provocantes avant de se dévêtir dans un rire spasmodique continu que l’on avait guère croisé depuis
l’installation-performance Laughing Hole de La
Ribot et Ha ! Ha ! signé Maguy Marin, réflexions
sur le rire comme cataclysme. Cet étonnant ballet
d’automates ensauvagés harponne durablement
l’imaginaire. Il met en lumière, jusqu’à l’épuisement corporel, la déconstruction d’illusions
romantiques et le lessivage de figures archétypales
masculines qui continuent à structurer les inconscients et les horizons d’attente dans les rapports
entre genres.
Festin cru
«Urge». Photo Martin Colombet
phique à 21 ans en découvrant Liqueurs de
chair d’Anjelin Preljocaj, architecture et mécanique érotique arpentant ce que les corps distillent souvent malgré eux entre désir, tension,
larmes et plaisir. Ce n’est pas peu dire que sa dernière création autour de la réalité taboue par
excellence du cannibalisme prend littéralement
de manière kinesthésique et intime dans le corps
du regardeur. Une série de réactions corporelles
en chaîne amènent des danseurs en combinaisons
noires à régurgiter et saliver par spasmes sonores
terrifiants. Proches des zombies de la série
Walking Dead, ils dévorent littéralement l’espace
et en mimographie les autres dans des roulements
de regards fous, saccades de gestes rompus et
coulées d’anatomies s’encastrant l’une dans l’autre. S’ils peuvent ramener à une forme exacerbée
de l’expressionnisme germanique, ces corps
convulsés, soufflants et grimaçants ramènent aux
expressions de scènes d’anthropophagie dans des
films gore décrivant des tribus amazoniennes
appréciant la chair humaine, de Cannibal
Holocaust à Green Inferno d’Eli Roth.
Déployées sur fond d’un cyclo incurvé
pailleté d’argent, possible témoignage d’une
société du spectacle devenue spectrale, ces
actions archaïques surmontées par deux derrières
dénudés en guise de ligne d’horizon héraldique,
nous rappelle combien l’humain qui pense et
médite est doublé d’un animal qui renifle et
goûte, comme le pose le philosophe français
Michel Onfray.
Bertrand Tappolet
A la vision de Urge, on comprend mieux
que David Wampach eut le déclic chorégra-
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festival de beaune
Extases baroques
La 33e édition du « Festival international d’opéra baroque et romantique
de Beaune » s’ouvre avec éclat. Avec un premier week-end faisant succéder
Armide de Lully, un vibrant concert par l’ensemble le Banquet Céleste et
les Vêpres de Monteverdi par la Concerto Italiano.
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Poursuivant son cycle des opéras de Lully
entrepris édition après édition, c’est au tour
d’Armide, l’ultime chef-d’œuvre (1686) de
prendre place lors de la première soirée à la
Basilique Notre-Dame (repli stratégique de la
Cour des Hospices, approprié par sa fraîcheur
en cette canicule). Christophe Rousset est à
l’œuvre, efficace comme toujours face à un
opéra pourléché dans les moindres recoins. Il
est vrai que ce concert bénéficie d’une longue
préparation, héritant de la fraîche série des
représentations à l’Opéra de Nancy. Les exécutants s’y retrouvent au reste totalement (hormis
le chœur), pour le meilleur. On ne change pas
une équipe qui gagne. D’autant que tous les
intervenants distillent une élocution qui rend
justice à la belle prosodie de Philippe Quinault,
à même de rendre les tourments exacerbés des
amours de la magicienne Armide pour le Croisé
Renaud. Et aussi, étonnamment, dans un cadre
où on ne l’attend pas nécessairement : le chœur.
Car c’est le Chœur de chambre de Namur, parmi
les meilleurs ensembles choraux baroques
actuels, qui est ici à pied d’œuvre – différence
avec Nancy –, avec l’acuité et les sens des nuances qu’on lui sait. Mais à chacun des personnages revient pareillement d’être campé avec adéquation. À commencer par le rôle-titre, servi par
une Marie-Adeline Henry idéale de ton, d’ardeur et de substance. Une chanteuse à suivre
désormais. Julian Prégardien lui offre une
vibrante réplique, Renaud souverainement projeté par ce ténor baroqueux au sommet de ses
moyens. Judith van Wanroij, Marie-Claude
Chappuis, Marc Mauillon et Fernando
Guimarães se révèlent tout aussi en phase au
sein d’une distribution vocale qui tient du miracle. L’orchestre des Talens Lyriques se fait
« doux zéphire » ou s’ouvre « des antres et des
abîmes », comme le réclament la musique et son
livret, sous la direction méticuleuse d’un
Rousset dont le talent n’est plus à chanter.
Banquet et Vêpres
La deuxième soirée du Festival réserve une
surprise de taille. Avec un ensemble peu habituel mais de premier choix : le Banquet Céleste,
mené par son mentor Damien Guillon. Ce der-
nier n’est plus à présenter, contre-ténor reconnu
dans les différents territoires de la planète
baroque. Mais sa formation instrumentale le
serait davantage, née en 2006, que l’on a peu
souvent entendue en dehors de quelques festivals spécifiques. Le programme de ce concert
parle déjà de l’originalité de l’entreprise ;
réunissant des pages religieuses de Vivaldi
(Filae maestae Jerusalem, Stabat Mater, Nisi
Dominus) et d’Alessandro Scarlatti (Infirmata
vulnerata), pour ainsi dire inconnues. Et qui
méritent d’un retour de renommée. Guillon est
le prêtre de cet office, lançant sa voix aérienne,
d’une ductilité sans faille, comme un instrument
de plus parmi ceux de l’ensemble qu’il dirige.
Les sept instrumentistes stipulés jouent sur
d’autres cordes, du clavecin au luth et quintette
à cordes, dans un accord parfait. Baptiste
Lopez, l’autre tête pensante du concert, s’offre
même le luxe de troquer un instant son premier
violon pour une viole d’amour (instrument proche de l’alto agrémenté de cordes sympathiques), dans le Gloria (si peu glorieux, mais
plutôt intimiste) du Stabat Mater vivaldien,
pour un mélancolique dialogue avec le contreténor. Page étonnante, chez un compositeur plus
célèbre pour ses traits de virtuosité. Céleste, oui
vraiment !
Le lendemain, en clôture de ce riche premier
week-end, les Vespro della beate Vergine de
Monteverdi exultent par la transmission du
Concerto Italiano. Avec le savoir-faire de
Rinaldo Alessandrini, qui n’est lui plus à présenter, et sa direction impeccable dans les grands
moments d’ensemble. Même si les parties en solo
du madrigalesque monteverdien conviennent
parfois moins aux chanteurs de la troupe.
Pierre-René Serna
Lors du troisième weekend de l'édition
2015 du festival, trois grands noms de la
musique ancienne se succédaient sur le podium
érigé dans le choeur de la cathédrale.
Ottavio Dantone
Le chef italien est venu en Bourgogne avec
l'Ensemble de l'Accademia Bizantina de
Ravenne, une formation dont il est le directeur
musical depuis maintenant presque vingt ans; au
programme figurait l'oratorio biblique Jephtha
de Haendel. La direction énergique de ce musicien a quelque chose de jubilatoire dans l'attention soutenue qu'elle porte aux amalgames de
timbres comme aux grandioses progressions
sonores qui précèdent ces moments intensément
dramatiques que sont, par exemple, la découver-
«Armide» © Phil Léglise
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Chœur de Chambre de Namur © Jacques VERREES
te de l'identité de la victime promise aux dieux
par le héros (la propre fille de Jephtha!) ou l'apparition in extremis de l'ange salvateur qui
demande simplement à la jeune femme sauvée de
l'immolation de consacrer sa vie à Dieu. Le jeu
des instrumentistes italiens, d'une extrême versatilité, rend de son côté toute leur variété de tons
aux atmosphères contrastées de cet oratorio qui,
par bien des aspects, s'apparente à un opéra religieux : les cordes s'accordent en effet de subtile
façon aux dessins raffinés des vents pour tisser
un décor d'une variété confondante qui donne littéralement à voir ce que le concert en église ne
peut que suggérer par la magie des sons. Le
Chœur de Chambre de Namur, enthousiasmant à
tous les points de vue, s'impose dès la déploration initiale des Israélites comme un partenaire
primordial car il sait, grâce à ses interventions
admirablement charpentées, donner leur poids
dramatique juste aux nombreuses scènes où leurs
voix essaient d'implorer le secours divin.
La distribution, comme presque toujours à
Beaune, se révèle de premier ordre. Martin
Vanberg est un Jephtha en tous points royal avec
son timbre tour à tour éclatant et puissant qui
semble subtilement se fêler lorsque prend naissance chez lui le soupçon de la vraie nature de
son serment. Le soprano aérien de Katherine
Watson dessine d'Iphis un profil tout en délicatesse tant sa voix reste bien projetée dans le pianissimo le plus ténu. Gaëlle Arquez, une Storgé
impériale au timbre conquérant mais jamais cassant, Delphine Galou, un Hamor au chant pénétrant, doux et suffisamment 'viril' pour rendre le
travesti crédible, et Caroline Weynants, un Ange
aux séductions vocales limpides et solaires, complètent cet ensemble remarquablement équilibré.
Paul McCreesh
Changement radical d'atmosphère le lendemain soir avec un King Arthur de Purcell enlevé
avec dynamisme et impétuosité par un ensemble
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de neuf chanteurs assumant également les passages choraux. La soirée bénéficiait en plus de la
liberté que donnait aux interprètes la possibilité
de chanter sans partition pour jouer et mimer les
situations invraisemblables du livret avec une
joie d'improviser qui faisait honneur au génie
théâtral du compositeur anglais. Très vite, l'absence de décor ou de réel plateau était oubliée
tant la verve des acteurs-chanteurs et leur connivence avec le chef et les instrumentistes, amenés
également à prendre une part active au déroulement de la pièce, permettaient à la magie de ce
théâtre imaginaire de déployer tous ses artifices.
Le Gabrieli Consort and Players, fondé en
1982 par Paul McCreesh, est habitué à jouer en
effectifs variables. La promptitude des musiciens
à saisir l'atmosphère d'une scène particulière,
alliée à leur rapidité à adapter l'inflexion sonore
de leurs instruments au chant ou à la prosodie
musicale des rôles incarnés par les chanteurs
attestent l'impressionnant degré de perfection
formelle atteint par cet ensemble où le chef agit
plus comme un spiritus rector que comme un
directeur musical imposant sa volonté à ses musiciens. Dans le même esprit, les neuf chanteurs
engagés se partagent les rôles sans que leurs
noms ne soient spécialement mentionnés dans le
programme de soirée, comme s'il s'agissait avant
tout pour eux d'incarner l'esprit de la musique
plutôt que de se profiler comme le soprano ou la
basse en charge de tel ou tel rôle.
Le résultat est tout simplement ahurissant.
L'aisance des chanteurs à se glisser dans la peau
d'un personnage, puis d'un autre, tout en caractérisant exactement la personnalité de l'un et de
l'autre, force l'admiration. La séduction érotique
du chant des soprani dans le Duo des Sirènes, par
exemple, ou les effets comiques que tire la basse
du fameux Air du froid remis à la mode par le
chanteur pop Klaus Nomi ne s'acquièrent jamais
au détriment de la beauté formelle de ces numéros. De fait, rarement le terme d'opéra populaire,
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souvent accolé à ce titre, aura semblé plus adéquat dans la mesure où il définit un genre où sont
satisfaites toutes les attentes du public, des plus
terre-à-terre aux plus sublimes, par un ensemble
de musiciens qui savent toujours trouver le juste
milieu entre le badinage qui convient à ce genre
de spectacle et une surprenante ascèse de l'idée
musicale leur permettant d'élever cette suite
d'airs et de ritournelles souvent trop brefs au rang
de drame grandiose et finalement bouleversant.
On se contentera ici de citer les noms des chanteurs parmi lesquels il serait injuste de faire un tri
au vu de la qualité suprême de chacune de leurs
interventions: Sophie Junker, Grace Davidson et
Anna Denis pour les soprani, Nicholas Mulroy et
Jeremy Budd dans le registre ténor, David Clegg
et Daniel Collins, altistes, Marcus Farnsworth et
Ashley Riches, basses.
René Jacobs
A l'ancien contre-ténor belge revenait l'honneur de diriger le concert Bach de cette édition
du Festival. Le programme, très original, comprenait deux cantates assez rarement exécutées
en concert : l'Ode Funèbre BWV 198 et le drame
profane Hercules auf dem Scheidewege BWV
213. Curieusement, René Jacobs a semblé peu
inspiré par ces pages. L'accompagnement qu'il
dirigeait à la tête du Helsinki Baroque Orchestra
paraissait lourd, indifférencié au point de rappeler ces exécutions qui faisait florès dans les
années cinquante du siècle passé. De la
Trauerode, solistes, chef et instrumentistes n'offraient qu'une exécution terne, de ton tristement
égal à lui-même tout au long de cette petite demiheure de musique; les voix des instruments se
mêlaient en effet en un bouillon informe qui rendait le continuo à la fois pesant et inexpressif
alors que les voix des solistes se cantonnaient
dans une tonalité doloriste peu excitante. Dans la
cantate dramatique construite autour de la personnalité pusillanime d'un Hercule assez inattendu, les quatre solistes, qui assumaient également
les courtes parties chorales, paraissaient plus à
l'aise, malgré la banalité du contexte instrumental, sans pourtant parvenir à donner un profil
accusé aux personnages qu'ils incarnaient. Et
pourtant, le contre-ténor balsamique de Benno
Schachtner en Hercule ou le soprano affûté de
Sunhae Im avaient des atouts à faire valoir!...
Plus réservés, le ténor Julian Prégardien et la
basse Arttu Kataja complétaient le quatuor vocal
qu'on eût souhaité mieux soutenu du côté du
pupitre de direction.
Eric Pousaz
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festival de verbier
Atmosphères
contrastées
Difficile de faire un choix dans la programmation pléthorique d'un festival
qui offre, plusieurs fois pas jour, l'occasion de découvrir de nouveaux
talents ou de retrouver ces têtes d'affiche que toutes les salles de concert du
monde s'arrachent...
Valery Gergiev
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Hôte régulier du festival valaisan, le chef
d'orchestre russe proposait cette année un programme éclectique où se côtoyaient des partitions de Mozart, Ravel et Tchaïkovski, toutes
construites sur un intéressant principe de théâtralité. Le Concerto pour trois pianos de Mozart
ouvrait les feux avec, en vedettes, trois pianistes
russes aux talents confirmés : Denis Matsuev.
Daniil Trifonov et ... Valery Gergiev. Dirigeant
depuis le piano, où il s'était réservé la troisième
partie soliste, la plus facile, le chef axait son
interprétation sur les curieux effets de stéréophonie et d'échos dont joue ici le musicien salzbourgeois. Les envolées virtuoses des deux jeunes musiciens, secondés dans la partie rythmique par un instrumentiste plutôt discret au 3e
piano, soulignaient l'insouciance bondissante de
cette page solaire entre toutes. L'orchestre, au
son souvent trop épais, peinait parfois à seconder efficacement le jeu volatil des solistes, mais
faisait tout de même preuve d'une belle réactivité dans la mise en place d'un accompagnement
qui ne se contentait pas de jouer les faire-valoir.
Le Boléro de Ravel servait de bande-son à
la projection d'un film réalisé à Moscou lorsque
la danseuse Maïa Plissetskaïa, récemment
disparue, y dansait le Boléro réglé par Maurice
Béjart. Si le film décevait par la qualité trouble
de ses images et par une concentration excessive sur les mouvements de la soliste au détriment
de la montée en puissance des pas et des mouvements réglés pour la compagnie
de danseurs qui l'accompagnent,
l'interprétation de Gergiev séduisait par le soin mis à faire ressortir les étonnants amalgames de
sonorités savantes qu'y déploie le
compositeur. La Symphonie No 6
'Pathétique' de Tchaïkovski mettait un point final éblouissant à ce
concert : habitée de contrastes
offensifs, riche en disjonctions de
rythmes et en violentes oppositions de climats, cette version
semblait faite pour le théâtre et
aurait pu irriter par son côté
ostentatoire si le chef n'avait su en
enrichir le débit de touches remarquablement
légères pour en alléger le sentimentalisme
oppressant. (23 juillet)
Manfred Honeck
Changement radical d'atmosphère quelques jours plus tard avec la
venue de Manfred Honeck, un chef
autrichien à la gestique plus mesurée
mais aussi plus sensible à l'intériorisation du propos. Sa direction nerveuse et précise donnait toutes leurs
chances aux phases plus élégiaques
du robuste Concerto de piano No 3 de
Prokofiev, souvent emportées dans le
maelstrom continu de fortissimos qui
envahissent cette page à la fougue
plutôt tonique. L'Orchestre du festival
fut parfait de bout en bout et donnait
Valery Gergiev © Nicolas Brodard
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une démonstration impressionnante de savoirfaire technique et d'impétuosité acérée qui eût
pu en remontrer à bien des ensembles symphoniques réputés. Le jeune pianiste ouzbek
Behzod Abduraimov s'attaquait à la partie soliste et faisait comprendre en quelques notes pourquoi il a enthousiasmé le public londonien lors
de ses débuts dans la capitale anglaise où il y a
empoché le premier prix du Concours
International de piano et remporté un succès
confondant lors du concert final au cours duquel
il interprétait ce même ouvrage. Se jetant à
corps perdu dans cette partition tumultueuse, il
ne freinait que rarement ses élans pour s'offrir le
luxe de quelques mesures où son jeu d'irisait
soudain de nuances chatoyantes avant de se
retrouver plongé dans un combat d'une puissance presque frénétique livré contre les impressionnants déluges de notes que le compositeur
s'est plu à déchaîner. En deuxième partie de soirée, le chef proposait de la Huitième Symphonie
Manfred Honeck © Aline Paley
de Dvorak une vision fougueuse, mais toujours
superbement construite, qui mettait tour à tour
en valeur l'excellence de contributions des premiers pupitres. Le martèlement rythmique des
mouvements extrêmes, la sobriété de la démarche subtilement syncopée du 3e mouvement, et
la beauté fascinante des parties réservées aux
bois et aux cuivres marquaient au sceau de l'excellence cette vision plutôt tourmentée du génie
du compositeur tchèque. Une Suite de valses
tirées du Chevalier à la Rose de Strauss servait
d'amuse-bouche en ouverture de concert;
bruyante, échevelée, elle avait tendance à niveler par le bas un art de la caractérisation que les
connaisseurs de la partition lyrique originale ont
tout de même eu quelque peine à déguster en
l'état. (26 juillet)
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ment à un déchaînement sonore
d'une puissance dramatique exceptionnelle qui couvrait impitoyablement le soprano léger de Sunhae
Im, une spécialiste de la musique
baroque complètement perdue dans
ce contexte. L'acoustique du lieu,
généreuse mais peu précise, a certainement joué un tour ici aux
talents de magicien sonore d'un
chef qui n'en maîtrisait pas toutes
les défaillances... (29 juillet)
Zubin Mehta entouré de sunhae Im et Okka von der Damerau
© Nicolas Brodard
Zubin Mehta
La 2e symphonie de Mahler, dite
Résurrection, représente un défi pour tout
orchestre, à plus forte raison pour une phalange
composée de musiciens qui ne se connaissent
que depuis peu. L'Orchestre du Festival s'y est
montré étincelant, sans pourtant parvenir à ce
degré de fusion des timbres qui, seul, eût permis
une interprétation subtilement différenciée de
ce véritable Everest symphonique. Le climat
populaire des premiers mouvements convenait
idéalement à cet ensemble virtuose, attentif aux
moindres glissements de rythmes ou assombrissements de nuances, mais parfois en difficulté
avec les épineux problèmes d'équilibre sonore
que tentait de réaliser la direction concise et
d'un flux plutôt retenu du chef indien. Dès les
premières mesures, construites avec un art
suprême de la progression sonore, l'orchestre se
profilait comme une formation solide, aux
registres équilibrés et au jeu d'une pétulance
affichée. La transition révélait pourtant
quelques défaillances non dans la technique
mais dans l'aptitude des musiciens à joindre la
fluidité à l'élégance du jeu. Des moments d'intensité poignante succédaient ainsi à d'autres où
les instrumentistes semblaient se laisser porter
par la musique au lieu d'en maîtriser avec énergie le lent et lourd développement.
Gagnant progressivement en confiance,
l'orchestre établissait ensuite un contact plus
soutenu avec le chef et rendait, par exemple,
avec tout l'éclat nécessaire l'apparition presque
furtive du thème populaire de ländler du 2e
mouvement ou l'ironie amère et incisive du 3e.
Avec l'irruption de la voix chaleureuse mais
déjà presque trop épaisse et vibrante d'Okka von
der Damerau, la densité instrumentale des effets
éthérés recherchés par le chef gagnait encore en
efficacité et en cohésion pour aboutir, dans la
lente montée d'adrénaline du dernier mouve-
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Joshua Bell
Ne s'improvise pas chef d'orchestre qui le souhaite. La piètre démonstration
du grand violoniste qu'est Joshua Bell est là
pour le rappeler.
La soirée débutait par un Exultate jubilate
de Mozart où le virtuose avait pris la place du
premier violon pour diriger un orchestre au jeu
épais et indifférencié. La voix somptueuse de
Pretty Yende sauvait de la banalité cette exécution plutôt sommaire, même si l'on avait parfois
l'impression que la soprano, dans la seconde
partie de l'air surtout, avait une
conception trop opératique de cette
partition.
Dans le Concerto de violon de
Max Bruch, dont Joshua Bell jouait
également la partie soliste, l'absence
de chef se faisait cruellement ressentir. Complaisant jusqu'à en devenir
sucré et sentimental, l'accompagnement orchestral ressemblait à ces
soupes mélodiques que nous servent
les superproductions cinématographiques dans les moments de prétendus abandons amoureux alors que le
violoniste, qui tournait le dos à ses
musiciens, se démenait pour amener
un peu de vie dans un accompagnement qui
tournait sur lui-même. Son jeu léger et superbement affûté séduisait certes toujours autant,
mais il peinait à se faire entendre dans un 3e
mouvement franchement bâclé. Une 7e
Symphonie de Beethoven, dirigée avec impulsivité mais sans différenciation aucune par un
chef agité en diable, achevait de prouver que
l'artiste n'est pas (encore ?) un chef avec lequel
il faut compter. (1er août)
l'on excepte la récitation bien scolaire du
Prologue par une Marthe Keller qu'on a entendue plus inspirée qu'en ce moment de pénible
théâtre à l'ancienne. Parfaitement à l'aise à la
tête d'une formation dont il est le chef attitré
depuis maintenant de nombreuses années mais
qu'il dirigeait cette année pour la première fois,
le chef lausannois faisait scintiller chacune des
innombrables voix de cette partition fascinante
dont on peine parfois à croire qu'elle a été écrite en 1922 déjà, soit deux ans avant celle du
Sacre du Printemps de Stravinsky!..
L'Orchestre du Festival était littéralement soulevé par les pulsions visionnaires d'un chef sous la
battue puissante duquel prenaient corps les
inquiétants mystères que recèlent les sept portes
de ce château aux sortilèges à la fois lugubres et
attirants. Portés par une main qui sculptait une
interprétation voulue tempétueuse sans jamais
devenir chaotique, les chanteurs se sont surpassés: Ildikó Komlósi, qui interprétait le rôle par
cœur (c'est sa cent-cinquantième incarnation de
Judith sur le podium ou sur un plateau d'opéra!)
disposait d'un mezzo-soprano aux teintes claires
et aux aigus magnifiquement dégagés alors que
Charles Dutoit © Aline Paley
Matthias Goerne, avec des moyens moins
ouvertement impressionnants, donnait une tournure torturée, prenante et presque affectueuse,
aux tourments du châtelain. En première partie
de concert, la pianiste Khatia Buniatishvili survolait avec une stupéfiante aisance le Deuxième
concerto de piano de Lizst dont la virtuosité
enflammait l'auditoire mais que l'absence de
caractérisation rendait bassement superficielle.
(2 août)
Eric Pousaz
Charles Dutoit
Le Festival s'est terminé sur une fulgurante
interprétation du Château de Barbe-Bleue de
Béla Bartók, convaincante de bout en bout si
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entretien : david greilsammer
Une Pluie d’Etoiles
Le chef d’orchestre et pianiste David Greilsammer commente la nouvelle
saison du Geneva Camerata, ensemble prestigieux dont il assure la
direction avec Céline Meyer.
Le Geneva Camerata est aujourd’hui
synonyme d’éclectisme, de croisements de
répertoires et de rencontres d’artistes venus
d’horizons différents. Votre itinéraire musical et artistique vous prédisposait-il à faire
partie d’un projet de cette ampleur ?
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Artistiquement, j’ai eu la chance de faire un
grand nombre de belles rencontres ces quinze
dernières années avec des personnalités fascinantes venant de tous les univers. Lorsque je
vivais à New-York, mes amis jazzmen m’emmenaient dans les clubs pour écouter des légendes vivantes improviser toute la nuit; quand j’ai
vécu à Paris, j’ai eu la chance de rencontrer des
compositeurs et peintres issus de l’avant-garde
et des cercles d’art contemporain. Lors de mes
voyages en Europe, il y a également eu la rencontre avec les ensembles baroques et j’ai ainsi
pu me familiariser avec les instruments d’é-
poque. Et puis sont venus les amis avec lesquels
j’ai eu le plaisir de jouer les musiques du
monde : musiques balkaniques, tziganes, klezmer, orientales, celtiques… et avec mon frère violoniste qui joue des musiques folkloriques,
de la pop et du reggae - j’ai également pu donner des concerts assez déjantés.
Tout cela vous conduisait donc naturellement à une aventure comme le Geneva
Camerata…
La genèse de cette fabuleuse aventure commence tout d’abord par une rencontre déterminante
avec Céline Meyer qui est non seulement la
directrice de l’orchestre mais aussi la force derrière cette extraordinaire entreprise. Ensemble,
nous avons décidé de créer cet orchestre car
nous avions les mêmes convictions, les mêmes
rêves artistiques et surtout cette même sensation
que l’orchestre du XXIème siècle
pouvait et devait être plus accessible à tous, plus moderne, plus
ludique et plus ouvert. Au départ,
notre idée était de créer une plateforme artistique qui permettrait à
des artistes issus de tous les univers de se rencontrer et d’élaborer
ensemble des projets singuliers.
Notre envie était de décloisonner
le monde classique et de proposer
une expérience plus vivante, plus
novatrice et surtout plus ancrée
dans notre monde actuel ; aujourd’hui, je pense que le Geneva
Camerata est un réel espace de
création dans lequel les rencontres
jouent un rôle primordial - c’est
ainsi que dans le cadre d’un seul
concert, vous pouvez écouter du
baroque, du classique, du contemporain, des musiques du monde, ou
de voir une performance de danse
ou de théâtre!
Venons-en à la saison
prochaine, avec tout d’abord, la
Emmanuelle Béart © Driu & Tiago
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David Greilsammer © cabinetdecreation.com
série des « Concerts Prestige » durant
laquelle vous allez accueillir des artistes
mondialement connus.
Les cinq « Concerts Prestige », proposés à l’abonnement, sont la plus grande vitrine de l’orchestre car en effet, ils accueillent des artistes
prestigieux venus du monde entier. Nous allons
recevoir des stars comme l’actrice Emmanuelle
Béart qui participera à une nouvelle création
musicale et théâtrale basé sur un conte de
Marguerite Yourcenar. La musique a été spécialement écrite pour cet événement par une talentueuse jeune compositrice suisse, Cécile Marti.
Nous sommes très heureux de mettre trois femmes à l’honneur pour ce concert d’ouverture de
saison : une écrivaine, une actrice et une compositrice ! Sans oublier que nous accueillerons
lors de cette même soirée le célèbre violoniste
italien Giuliano Carmignola, qui interprétera le
Concerto pour violon de Beethoven.
Toujours dans les « Concerts Prestige », nous
offrirons une carte blanche à Jean-Guihen
Queyras, prince du violoncelle que l’on ne présente plus. Ensuite, le désormais traditionnel
concert « classique & jazz » recevra l’un des
jazzmen les plus aventureux de la scène internationale, Stefano Bollani, qui a déjà joué avec
plusieurs légendes comme Chick Corea,
Richard Galliano et Michel Portal ; après avoir
reçu les pianistes jazz Yaron Herman et Jacky
Terrasson ces dernières saisons, le public nous a
fait part de son enthousiasme pour ces rencontres entre différents univers musicaux, donc
nous continuons ! Une autre tradition du
Geneva Camerata est celle de collaborer avec
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une compagnie de danse et cette saison, nous
travaillerons avec la compagnie « 7273 », bien
connue à Genève. Son chorégraphe et danseur
Nicolas Cantillon nous a proposé « Climax »,
une pièce atypique pour un « orchestre dansant
et danseur » ! Une partition originale sera créée
spécialement pour l’occasion par Ofer Pelz,
jeune compositeur vivant à Montréal. Ce même
concert sera également l’occasion d’entendre la
célèbre soprano Sandrine Piau dans Rameau,
Mozart et Britten… une soirée déployant tout
l’éclectisme que nous affectionnons.
Le dernier Concert Prestige de la saison, en
forme de feu d’artifice, permettra d’entendre la
soliste russe Viktoria Mullova dans le Concerto
pour violon en mi mineur de Mendelssohn et
pour la première fois, l’orchestre interprètera la
5ème Symphonie de Beethoven. Les amateurs
de mystères et de magie ne seront pas déçus
Schumann. Le deuxième événement sera consacré au monde des Gaulois et à la musique celtique, avec des clins d’œil à Astérix et Obélix !
Le troisième spectacle de la saison présentera
« Platée, reine des Grenouilles », un opéra pour
enfants avec de magnifiques marionnettes construites spécialement pour l’occasion. Nous souhaitons ainsi faire découvrir aux enfants le
monde de la musique et de l’opéra avec humour,
convivialité et enthousiasme.
Le Geneva Camerata est le seul
orchestre à Genève qui propose des
« Concerts Sauvages ». Pourriez-vous nous
parler de cette série très populaire ?
La série des « Concerts Sauvages » est la plus
folle que nous proposons. Chaque spectacle,
d’une durée de soixante minutes sans entracte,
présente des rencontres inattendues entre le
On retrouve également cette saison
un « Marathon GECA » !
Oui, c’est le grand retour ! A vrai dire, lorsque
nous avions programmé le premier
« Marathon » en 2014, nous pensions le faire
qu’une seule fois. L’idée était de programmer,
en l’espace d’une seule soirée, une cinquantaine
d’artistes internationaux issus de toutes les disciplines et styles artistiques, avec un enchaînement fou de performances originales les unes
après les autres. Puis, le succès de cet événement a été tel que nous avons décidé de proposer un nouveau « Marathon GECA » qui aura
lieu le 27 octobre prochain.
L’orchestre va-t-il poursuivre sa mission humaniste et caritative ?
Oui, car cette mission nous tient fortement à
cœur, ainsi qu’à nos musiciens. Nous avons
nommé cette série de concerts « La Musique du
Cœur » et nous y proposons des manifestations
dans les hôpitaux, cliniques psychiatriques et
foyers de la région. Nos musiciens se déplacent
dans ces lieux et offrent des moments de
musique, de partage et de convivialité aux
patients.
Un petit mot sur vos tournées ?
Le Geneva Camerata est fier de porter le nom
de Genève à l’international - le nombre d’invitations à se produire dans les grands festivals et
salles de concerts grandit considérablement de
saison en saison. En deux ans, nous avons déjà
pu donner des concerts à Paris, Berlin, Londres,
Istanbul, Eilat, ainsi que dans de prestigieux
festivals en Suisse comme le Montreux Jazz
Festival ou les Sommets Musicaux de Gstaad.
Cet automne, nous donnerons des concerts à
travers l’Europe et en Amérique Latine !
Une chose toujours frappante lorsqu’on assiste à un concert du Geneva
Camerata est l’engagement absolu des musiciens sur scène…
Sandrine Piau © Sandrine Expilly
puisque les musiciens de l’orchestre se faufileront dans le public pour interpréter
« Autoportrait dans la nuit » du compositeur italien Salvatore Sciarrino, pièce de toute beauté
qui devrait faire voyager les auditeurs dans le
monde du rêve…
Pourriez-vous nous parler également
des « Concerts en Famille » ?
Cette saison nous présentons trois nouveaux
spectacles originaux pour les enfants : pour
commencer, le « Carnaval des Magiciens », qui
accueillera le prestidigitateur et comédien
Pierric Tenthorey dans un spectacle autour de
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classique et les musiques du monde. Cette saison, nous allons accueillir des grands Maîtres de
la « world music » comme Ammar Toumi, virtuose du oud qui proposera un voyage musical
imaginaire entre l’Inde, l’Iran, le Pakistan, la
Turquie… ou encore Robin Girod, joueur de
banjo et guitare qui explore les musiques irlandaise, bretonnes, américaines et antillaises.
Sans oublier le troisième « Concert Sauvage »
avec le rappeur genevois David Granite qui
nous offrira une rencontre renversante entre
Jean-Sébastien Bach et l’univers du rap et du
slam !
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J’ai une grande admiration pour les musiciens
du Geneva Camerata : ils sont non seulement
des virtuoses remarquables, mais aussi des
musiciens dévoués, sérieux, curieux, et dotés
d’un professionnalisme sans faille. C’est un réel
plaisir de voir ces virtuoses se donner corps et
âme sur scène, avec une telle générosité et créativité. Lorsque le public nous dit à quel point il
est ému par la complicité qui existe entre nos
musiciens et par leur enthousiasme, c’est l’un
des plus beaux compliments qu’on puisse nous
faire !
Propos recueillis par Christian Bernard
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de Musique de Zürich, ainsi qu'une carrière de
liedersänger qui le mène du Wigmore Hall de
Londres, à la Philharmonie de Cologne, jusqu'au
Lincoln Center de New York ou bien à la
Schubertiade de Schwarzenberg. Il se produit
aussi bien aux côtés de pianistes que de pianofortistes, arpentant les trois grands cycles schubertiens, ainsi que les Mörike Lieder de Hugo Wolf
ou le Liederkreis op.39 de Robert Schumann.
le ténor werner güra au festival amadeus
Le cinquième
évangéliste
Le 9 septembre prochain, à la Grange de la Touvière, le public pourra
assister au récital du ténor Werner Güra, qui interprétera des airs de
Schubert et Schumann accompagnés par le piano de Fabrizio Chiovetta.
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Pour son récital du 9 septembre prochain à
la Grange de la Touvière, il a proposé au jeune
pianiste genevois Fabrizio Chiovetta de l'accom-
Ce Munichois de naissance est
avant tout l'héritier d'une tradition qui
a su imposer l'art du lied comme passage obligé dans toute carrière
lyrique. Rien d'étonnant à ce que le
public l'ait découvert en 2000 dans
une superbe Belle Meunière de
Schubert, gravée avec le pianiste ! Jan
Schultsz. Elevé d'emblée au rang de
référence, cet enregistrement fut le
déclencheur d'une carrière marquée
par un répertoire très vaste.
Formé au Mozarteum de
Salzbourg, c'est successivement
auprès de Kurt Widmer à Bâle et
Margreet Honig à Amsterdam qu'il
acquit la maîtrise du chant. Sa voix de
ténor fut très tôt repérée par Daniel
Barenboim au Staastoper de Berlin
ainsi que par le Semperoper de
Dresde, qui l'engagea aussitôt. De 1994 à 1999, il
fit ses premiers pas sur scène dans des rôles de
Tamino, Ferrando et Don Ottavio et dans plusieurs opéras de Rossini - rôles qu'il chanta avec
succès au Teatro Carlo Felice de Gênes, l'Opéra
de Lille, La Monnaie de Bruxelles et de l'Opéra
National de Paris, ainsi qu'au Festival für Alte
Musik d'Inns! bruck.
Philippe Herreweghe lui offrira la possibilité de chanter à Salzbourg dans Elias de
Mendelssohn. Cette orientation vers un répertoire d'œuvres vocales-symphoniques et d'oratorios
ne fit que se confirmer grâce à la collaboration
avec Nikolaus Harnoncourt, sous la direction
duquel il interpréta le Messie de Haendel et le
Requiem de Mozart lors d'une tournée japonaise,
ainsi que l'Oratorio de Noël de Bach au
Musikverein de Vienne, les Saisons de Haydn et
la Création au Festival Styriarte de Graz, ainsi
que la Messe en mi bémol majeur de Schubert,
a
Amadeus-Gura, Werner_c_MonikaRitterhaus - copie
Scènes de Faust de Schumann et la Missa
Solemnis de Beethoven avec le Concertgebouw
d'Amsterdam.
Familier aussi bien des formations sur
instruments modernes que sur instruments
anciens, Werner Güra avoue une prédilection
pour le rôle de l'évangéliste dans les deux
Passions de Jean-Sébastien Bach. À mi-course
entre l'expressivité théâtrale et l'introversion du
lied, cette partie de narrateur offre à son timbre
clair et une palette de couleurs très étendue, un
cadre dans lequel il prend ses marques avec un
naturel confondant. Que ce soit avec le RIAS
Kammerchor, le Collegium Vocale Gent ou le
Concentus Musicus Wien, ses apparitions à la
scène comme en studio emportent immédiatement l'adhésion de l'auditeur.
pagner dans une sélection de lieder de Schubert
et dans le cycle des Amours du poète de
Schumann. Entre gris-clair et vert nocturne, la
voix de Werner Güra saura avec certitude se
frayer un chemin jusqu'au cœur du public du
Festival Amadeus.
David Verdier
Mercredi 9 septembre 2015
Festival Amadeus, Grange de la Touvière - Genève
WERNER GÜRA ténor
FABRIZIO CHIOVETTA piano
Franz Schubert : Der Wanderer / Wandrers Nachtlied I
/ Sehnsucht / Der Einsame / Winterabend / Bei Dir allein
/ Willkommen und Abschied
Robert Schumann : Dichterliebe op.48
Souvent comparé à Peter Schreier, il mène
de front des activités d'enseignant à l'Académie
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valery gergiev et l'orchestre du mariinsky à genève
Un homme pressé
Le directeur artistique du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg est un
véritable 'fou' du travail. Son agenda pour le mois de septembre signale sa
montée sur le podium quasiment chaque soir dans une longue tournée qui
le mènera d'Italie en Allemagne en passant par la Suisse et les Pays-Bas
avant que le maestro ne se retrouve dans la fosse et sur le podium de son
théâtre pour deux concerts et quatre représentations d'opéra avant la fin
de ce même mois (Lohengrin, Khovantchina, La dame de Pique et Le
Gaucher de Chtchédrine... Excusez du peu!).
Qu'est-ce que l'âme russe
Dans une interview accordée au journaliste
Bruce Duffie avant une série de concerts donnés
à Chicago, Valery Gergiev est amené à parler de
la différence de sonorités entre les orchestres
américains ou européens et les ensembles russes.
Sa réponse, dans un premier temps, étonne. Pour
lui, en effet, tous les orchestres peuvent exceller
dans le répertoire russe s'ils trouvent la clef de ce
qu'il appelle l'âme russe. Pour citer l'artiste,
celle-ci s'exprime au travers d'une qualité particulière de brillance et de mordant dans le jeu des
musiciens qui permet à la musique de 'parler'
directement à la sensibilité de l'auditeur. Cette
faculté n'a donc rien à voir avec le passeport des
musiciens!... Au contraire, selon lui, il est
réjouissant d'entendre que la musique des compositeurs russes, abordée par des formations de
sensibilités et de traditions différentes, révèle à
chaque audition des qualités restées voilées dans
d'autres approches qui n'étaient pas nécessairement moins 'bonnes' ou moins 'justes'. Ces différences se retrouvent d'ailleurs entre les divers
orchestres de son pays, et il va même jusqu'à dire
qu'il y a parfois moins de différence entre le jeu
de son orchestre et celui de certains musiciens
européens ou américains qu'entre les interprétations entendues à Moscou et Sat-Pétersbourg!
Interrogé sur ce qu'il considère comme le plus
juste au regard de sa propre culture, le chef
répond qu'il ne lui appartient pas de formuler un
jugement définitif dans ce domaine, et que le plus
important reste de trouver un axe interprétatif qui
émeuve directement l'auditoire auquel il s'adresse.
Lorsque le journaliste tente de lui faire définir ce qui différencie le travail de mise au point
d'une symphonie de Tchaïkovski avec un orchestre russe ou un orchestre européen, Valery
Gergiev mentionne d'abord les conditions de travail qui diffèrent grandement. En Europe ou en
Amérique, le temps de répétitions est calculé au
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plus juste. Et comme, malgré leur célébrité, les
partitions de Tchaïkovski sont tout de même
moins souvent inscrites au répertoire de ces formations que les pages de Debussy, Beethoven ou
Mahler, la préparation d'un concert doit s'articuler sur d'autres critères. Dans le répertoire romantique, il faut pouvoir faire confiance à son
instinct et laisser une part de l'interprétation à
l'inspiration de l'instant. La prise de risque, en
concert, est en effet un des facteurs essentiels à
rendre excitante l'expérience du 'live'. Ce
qui se fait presque
spontanément en
Russie
demande
ainsi un travail plus
détaillé et parfois
plus lent et chronophage en Europe ou
en Amérique. Mais.
de son côté, le musicien russe doit parfois lutter contre une
forme pernicieuse
d'habitude, qui vire
facilement au bâclage ou à la négligence
du détail par manque
de fraîcheur dans
l'instant. A final, il est heureusement impossible
de dire si l'une ou l'autre approche est la meilleure car par des chemins détournés, chaque ensemble peut prétendre à une forme de perfection, ici
comme ailleurs!
Retour à la 'Pathétique'
En juillet dernier, dans le cadre du Festival
de Verbier, Valery Gergiev interprétait la
Symphonie no 6 de Tchaïkovski avec la complicité des jeunes musiciens du Verbier Festival
Orchestra. A Genève, il dirigera ce même ouvra-
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ge avec son orchestre du Théâtre Mariinsky. La
comparaison promet d'être enrichissante. Sa
conception d'une telle musique a en effet évolué
au fil des ans et reste magnifiquement documentée, avec notamment deux CDs enregistrés l'un à
Vienne et l'autre à Saint-Pétersbourg. Divers
concerts comprenant cet ouvrage ont en outre été
diffusés par la radio notamment avec le concours
des musiciens de l'Orchestre philharmonique de
Rotterdam, dont il fut le chef principal de 1995 à
2008 et du London Symphony Orchestra, aux
destinées duquel il préside depuis 2007. Une
écoute en parallèle de ces témoignages montre un
chef toujours plus attentif à acérer le trait au
risque parfois d'enlever une certaine théâtralité à
ces pages où le tempérament dramatique du compositeur est superbement mis en évidence. Les
tempi choisis ont également tendance à s'assouplir, voire à se ralentir comme dans le 2e mouvement ou dans le final qui se termine quasiment en
point d'interrogation sur un lent retour au silence.
Gageons qu'à Genève, où le chef pourra bénéficier de la présence d'un orchestre dont il a façonné la sonorité depuis de si nombreuses années,
cette Symphonie Pathétique permettra de faire le
Valery Gergiev
point sur la conception actuelle que se fait cet
immense artiste d'une des partitions qui lui tient
le plus à cœur à en juger par le nombre de fois
qu'il l'inscrit à ses programmes de concert.
Eric Pousaz
Genève, Victoria Hall me. 9 sept, 20 h : Valery Gergiev
dirige l'orchestre du Théâtre Mariinsky. Au programme:
Roméo et Juliette, suite tirée du ballet de Prokofiev, et
Symphonie no 6 de Tchaïkovski dite 'Pathétique'
Location : Service culturel Migros, 022/319.61.11
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saison
Contrechamps
Lors sa première saison (2013-2014) en tant que directeur artistique, Brice
Pauset appelait de ses vœux une “redéfinition des axes trop étroits définis
par l’histoire musicale récente, par l’emprunt de chemins laissés en
jachère; pour enfin, “hors piste”, dessiner une nouvelle carte de la
situation de la création musicale actuelle, plus en accord avec la réalité
foisonnante de notre temps et de notre rapport à l’Histoire”.
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Le “hors piste” de sa saison initiale s’est
mué en une “tectonique des plaques” pour cette
saison 2015-2016, soit une redéfinition d’une
cartographie qui se polarise en convergences et
décrochements, qui eux-mêmes se situent
autant à l’intérieur des œuvres, que dans leur
inscription esthétique et temporelle, et leur
réception intellectuelle ou sociale.
Ainsi la programmation tend à mettre en
lumière les différentes esthétiques apparemment contradictoires desquelles sont nées certaines œuvres, et leurs possibles dépassements.
Le premier concert dirigé de la saison, le 29
septembre, proposera notamment la collision de
l’icône rock Franck Zappa avec le jazzman John
Zorn, lui-même au centre d’une diversité esthétique remarquable. Dialogueront avec ces deux
pôles une œuvre de Conlon Nancarrow et la
création commandée par l’Ensemble de Lisa
Lim Speak, be silent.
Ce premier événement passé, l’Ensemble
se lancera dans une série de concerts qui l’amènera à explorer d’autres contrées que sa terre
genevoise originelle. Le 17 octobre, il se produira pour la première fois dans les
Donaueschinger Musiktage dans un programme
(Patrick Franck: Freiheit-La société utopique)
repris le 13 février à Zürich. Le concert
“Nouvelles de Ljubljana” sera ainsi d’abord
donné à la Philharmonie Slovène le 25 octobre
avant d’être repris à Genève le 27 octobre, puis
en Allemagne le 29 avril. A partir du 30 octobre les Romands pourront assister à la reprise de
l’Histoire du soldat par le Teatro Malandro avec
des dates à Fribourg (30-31 octobre), Yverdon
(4-5 novembre) et Vevey (7-8 novembre), et par
la suite ce spectacle atteindra aussi la France
(Belfort les 12-13 novembre et Caen les 2-3
décembre). Ces tournées comprendront également la reprise du programme “Inventiones latinas”, donné le 23 mai à l’Alhambra le 24
mai à la Tonhalle de Zürich.
Multiples voyages
Cette exploration littérale de la cartographie européenne se fera de façon plus
suggestive et minimale dans les habituels
rendez-vous de musique de chambre. Le
premier, le 8 novembre, proposera une
réflexion sur le Surréalisme, avec un intérêt
particulier autour de la figure d’Antonin
Artaud (John Zorn, “Le Mômo”, et une
improvisation autour de “Jet de sang”). Le
6 décembre offrira un regard original sur un
aspect folklorique de la ville de Genève,
avec des détournements d’éléments caractéristiques de la fête de l’Escalade : piccolo
et percussion offriront une alternative intéressante aux fifres et tambours! On trouvera également des détournements d’hymnes
et de chants traditionnels dans les œuvres
d’Holliger, de Galina Ustvolskaya et de
Le violoniste David Grimal participera au premier concert
dirigé de la saison, celui du 29 septembre © Gilles Abegg
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Lachenmann. La figure de Gervasoni sera
convoquée à travers la parution d’un nouvel
ouvrage et d’un concert le 7 février, puis l’on
pourra réentendre une œuvre majeure de Grisey,
Vortex temporum, le 6 mars au Musée
d’Ethnographie. Le 17 avril verra se juxtaposer
des pièces de Schütz et Lachenmann, avec la
participation de l’Ensemble vocal Séquence,
puis le 1er mai contribuera à une réflexion sur la
musique électronique et la provenance des sons,
avec des oeuvres de Chiyoko Szlavnics, Steven
Kazuo Takasugi et Karlheinz Stockhausen.
Le mouvement, actif comme interne, sera à
l’honneur du concert du 17 novembre, où l’on
pourra entre autre, entendre les Improvisations I
et II sur Mallarmé de Boulez avec la soprano
Yeree Suh. Les concerts du 26 janvier et du 18
mars offriront des passarelles vers les nouvelles
générations de musiciens, grâce à la collaboration avec le CMgo et l’Académie d’orchestre de
la Haute Ecole de musique de Genève. La voix
sera aussi à l’honneur le 14 juin avec Kai
Wessel dans Beiseit de Holliger et le 23 février
avec la présence de la grande mezzo-soprano
dramatique Yvonne Naef, qui interprètera aux
côtés de Stephan Rügamer une version pour
ensemble de Das Lied von der Erde de Mahler,
en parallèle à l’exécution de Funérailles de
Ferneyhough. Lors du dernier concert de la saison, nous aurons l’occasion d’entendre deux
commandes de l’Ensemble Contrechamps, des
créations de Clemens Gadenstätter et de Marta
Gentilucci.
Comme chaque année, Contrechamps proposera des activités de médiation diverses, et
continuera son travail de diffusion d’écrits sur la
musique contemporaine, avec la parution à
venir d’ouvrages sur Ives, Gervasoni, et des
essais sur Webern, Debussy et Boulez.
Ainsi cette saison nous proposera de multiples voyages, nous invitant non seulement à la
découverte de nouveaux horizons, mais aussi à
explorer des géographies plus discrètes. Le
terme de direction, pour parler de la fonction de
Brice Pauset à Contrechamps, implique donc
plus que jamais sa signification première : celle
qui sous-entend l’orientation. La direction, qui
éclaire donc plus qu’elle n’impose, est évidemment issue d’une subjectivité profonde; c’est en
cela que l’on rejoint le coeur du vivant.
Anouk Molendijk
Informations et réservation: www.contrechamps.ch,
+41 22 329 24 00
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festival amadeus
Le programme du 8 septembre
Ensemble vocal
de poche
L’Ensemble vocal de poche, dont Frederik Sjollema est le cofondateur, a vu
le jour en 2007. Il est formé de chanteurs qui se sont côtoyés dans
l’Ensemble vocal de Michel Corboz, puis dans d’autres ensembles, et qui
donc se connaissaient de longue date. L’intention était de se réunir pour
interpréter, sans chef, des œuvres choisies en fonction des affinités
musicales du groupe.
La musique de Byrd, tout comme celle de
Pärt, est raffinée et bien écrite. Il est essentiel
pour l’Ensemble vocal de poche de choisir des
œuvres fortes et émouvantes, et aussi d’avoir
l’occasion de confronter des époques différentes. Il doit y avoir un fil conducteur, une cohérence, mais les ruptures, les surprises sont
indispensables. A la Renaissance on ne présentait évidemment pas la Messe pour quatre voix
de Byrd sous la forme que le public découvrira
au Festival Amadeus. Mais l’époque n’était pas
sans se livrer aussi à des pratiques surprenantes ; par exemple celle qui consistait à écrire des
messes sur la musique des chansons populaires.
Ensemble Vocal de Poche
Le groupe fonctionne sur l’écoute de l’autre, et non sur l’obéissance à un chef qui imposerait ses conceptions. Bien sûr il n’est pas toujours aisé de se mettre d’accord : il faut savoir
ce que l’on peut se dire et surtout comment on
le dit. La solution trouvée est l’enregistrement
des répétitions, qui permet à chacun de se
contrôler d’une oreille critique. Cela évite les
vexations provoquées par les remarques des uns
ou des autres, et les réactions qui pourraient être
explosives.
Le travail commence par un projet issu
d’une idée de l’un des membres ; on décide
alors à qui incombera la mission de porter le
projet, de chercher les partitions notamment.
Une deuxième personne se charge ensuite de la
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cohérence du concept, de l’ordre des pièces.
Enfin on procède à des essais pour s’assurer que
le tout est convaincant.
Les répétitions ne sont ni simples à organiser, ni régulières ; leur fréquence dépend des
concerts à préparer. Le plus souvent l’effectif
est de huit chanteurs, parfois six, choisis selon
leurs disponibilités. Frederik Sjollema, avec
l’aide de Philip Nielsen, s’occupe de l’administration et des contacts. Il a de l’expérience dans
ce domaine, puisqu’il a rempli le même rôle
pour Michel Corboz, Laurent Gay (Ensemble
vocal Séquence) et Stephan MacLeod (Gli
Angeli). La participation d’un instrumentiste,
qui enrichit la palette sonore des voix, est le
plus souvent requise.
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Il s’agit du même programme que celui du
concert inaugural de l’Ensemble vocal de poche
en 2007 : la Messe pour quatre voix de William
Byrd et le Magnificat d’Arvo Pärt. Ces œuvres
seront présentées d’une façon originale, à savoir
entrecoupées par les interventions de Margaret
Harmer, qui improvisera sur des cloches médiévales, l’orgue n’étant plus sollicité comme au
premier concert. Ces cloches, sur lesquelles la
percussionniste frappe, sont suspendues à un
rail métallique. Elles ont été fondues à Londres
sur la demande de Margaret Harmer et ne sont
pas tout à fait « accordées » du point de vue harmonique, ce qui leur donne justement un côté
« médiéval ». Elles sont en résonance avec le
style tintinnabuli (cloches ou clochettes) d’Arvo
Pärt, procédé de composition musicale se référant aux tintinnabules utilisées dans la liturgie
catholique. Le Magnificat sera également entrecoupé par d’autres pièces de Pärt : Summa et Da
Pacem Domine.
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Les chanteurs de l’Ensemble qui participeront au concert : Gyslaine Waelchli, et MarieHélène Essade, sopranos, Josquin Gest et
Christelle Monney, altos, Simon Jordan et
Tristan Blanchet, ténors, Frederik Sjollema et
Philip Nielsen, basses
Le programme du 8 septembre a fait l’objet
d’un enregistrement paru en décembre 2014 qui
peut être commandé sur le site :
www.evpoche.com
D’après des propos recueillis par
Martine Duruz
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septembre
Agenda romand
Le 70e Septembre Musical de Montreux-Vevey, le week-end des Vibrations
de Bonmont et la grande fête organisée à La Chaux-de-Fonds autour de la
réouverture de la célèbre Salle de Musique constituent, avec à Bienne la
Schubertiade d’Espace 2, les événements les plus marquants du mois.
Ajoutons-y deux manifestations très prisées des Romands en terre
alémanique, le Festival Menuhin de Gstaad, qui jette ses derniers feux,
et le Zermatt Festival, qui se tiendra du 11 au 20 septembre dans la belle
station valaisanne.
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A Lausanne, à la Cathédrale, le Chœur Pro
Arte et le Chœur de Chambre de l’Université de
Fribourg, préparés par Pascal Mayer, se joindront au Sinfonietta de Lausanne pour interpréter en première suisse, sous la conduite
d’Alexander Mayer, la cantate Prayers of
Kierkegaard (1942-1954) de Samuel Barber,
ainsi que la Symphonie No 2 « Lobgesang » de
Mendelssohn. (je 24)
A la Salle Paderewski, en ouverture de sa
35e saison, les Concerts de Montbenon
lon et cordes de Mendelsshon et le Carnaval
des animaux de Saint-Saëns. (ve 25)
Au Théâtre de Beaulieu, le prestigieux
Mikhailovsky Ballet de Saint-Pétersbourg dansera sur des musiques de Schubert, Debussy et
Arvo Pärt, en ouverture de saison de l’Opéra de
Lausanne. (me 30 sept. et je 1er oct.)
A l’Eglise St-François, les vingt-six chanteuses du Mystère des Voix Bulgares présenteront des œuvres de leur répertoire, en hommage
à l’ethnomusicologue Marcel Cellier. (di 6)
A Martigny : Cecilia Bartoli © Ueli Weber / DECCA
accueillent l’Orchestre des Variations
Symphoniques, conduit par Luc Baghdassarian,
directeur artistique de cette formation fondée en
janvier 2014, ainsi que les pianistes Sylviane
Deferne, Brigitte Meyer et le violoniste Mario
Hossen dans le Concerto pour deux pianos
K.365 de Mozart, le Concerto pour piano, vio-
a
A Ecublens, à la Galerie du Pressoir, la
pianiste polonaise Dominika Szlezynger, diplômée du Conservatoire de Genève, se produira
en récital. (di 6)
A Chéserex, à l’Abbaye de Bonmont, cinq
concerts sont programmés du vendredi 25 au
dimanche 27 à l’enseigne des « Vibrations de
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Bonmont ». Se produiront successivement le
Chœur d’hommes basque Oldarra (signifiant
élan, impulsion) de Biarritz (ve 25), un quatuor
instrumental varié qui mettra en valeur des
« Résonances d’Est en Ouest », puis un chœur
féminin qui fera entendre des chants polyphoniques de monastères de femmes, ainsi que les
Voix de Lausanne, ensemble fondé en 2012 par
Dominique Tille, dans les poignantes Vêpres
pour chœur mixte a capella (1915) de Serguei
Rachmaninov. (sa 26) Suivront le lendemain
l’Ensemble vocal Amaryllis de Rolle, conduit
par Christine Mayencourt, qui mettra son talent
au service de « Chants de louange au cours des
siècles », et enfin, Sœur Marie Keyrouz et son
ensemble chanteront « La Passion selon les
Eglises orientales ». (di 27)
A Sainte-Croix, à la Salle communale,
l’Ensemble vocal L’Auberson présentera l’opéra comique L’île de Merlin ou Le Monde renversé de C.W. Gluck. (sa 26)
A Mézières, au Théâtre du Jorat, est
annoncée une « Fête aux chœurs », par deux
chœurs dirigés par Dominique Tille, avec le
Trio Nørn et le Boulouris 3+3. (di 13)
A Montreux-Vevey, le 70e Septembre
Musical, commencé le 27 août, se poursuit dans
diverses salles jusqu’au jeudi 10 septembre.
Informations sur : www.septmus.ch
A Martigny, à la Fondation Gianadda,
concert hors abonnement de la mezzo-soprano
Cecilia Bartoli et d’I Barocchisti, conduits par
Diego Fasolis, pour une soirée « De Venise à
Saint-Pétersbourg » (me 2). Les mêmes interprètes seront à l’Eglise de Saanen à l’enseigne
de « A la cour des tsars ». (ve 4)
Au même endroit, concert décentralisé du
Festival de Zermatt, par Christian Zacharias et
le Scharun Ensemble de la Philharmonie de
Berlin. Au programme figurent des œuvres de
Mozart, Scarlatti et Beethoven. (ma 15)
A Sion, à la Fondation de Wolff, le Quatuor
Beethoven jouera des œuvres de Mendelssohn
et de Brahms (ve 4), et au Glarier, les vingt
accordéonistes de Bulle donneront un concert
de musique classique sous la direction de leur
chef Lionel Chapuis. (sa 19)
A Zermatt, le festival accueille du 11 au
20 le Scharun Ensemble Berlin et le Zermatt
Festival Orchestra, les pianistes Christian
Zacharias (également comme chef), Joachim
Carr, Fabrizio Chiovetta, Cédric Pescia avec la
violoniste Nurit Stark, Michel Dalberto avec le
baryton Stephen Genz, la soprano Regula
Mühlemenn, le violoniste Shmuel Ashkenasi,
l’altiste Blythe Engstroem et le Trio Nota Bene.
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Symphonies No 31 « Paris » et No 36 « Linz »
de Mozart compléteront le programme. (sa 5 et
di 6)
Au Palais des Congrès, l’Orchestre
Symphonique Bienne Soleure donne son premier concert d’abonnement de la saison, sous la
direction de Kaspar Zehnder, avec le Chœur
TOBS. Au programme figure une rareté, la
Suite « Genesis » (1945), qui réunit des pages
de Schönberg, de Shilkret, de Tansman, de
Milhaud, de Castelnuovo-Tedesco, de Toch et
de Stravinsky. (me 9)
Au Stadttheater, Première du Comte Ory de
Rossini, conduit par Marco Zambelli, avec une
mise en scène, des décors et des costumes réalisés par Pierre-Emmanuel Rousseau. (ve 25)
A l’Abbatiale de Bellelay, l’Ensemble
baroque Eloquence présentera des « Dialogues
à deux chœurs », avec des pages de Schein,
Schütz, Scheidt et du Graduel de Bellelay. (di
20)
A Martigny et Zermatt : Scharun Ensemble Berlin © Ghandtsch
Rens : www.zermattfestival.com
A Gstaad, sous la tente du festival, concert
de clôture du Menuhin Festival, avec les Wiener
Symphoniker conduits par Philippe Jordan, chef
attitré de cette formation depuis le début de la
saison 2014-15. Au programme figurent le
Concerto pour violon de Brahms, avec Nikolaj
Znaider en soliste, et la Symphonie No 8 (ex-9e)
« La Grande » de Schubert. (sa 5) Rens :
www.gstaadmenuhinfestival.ch
A La Chaux-de-Fonds, un week-end de
fête est annoncé du vendredi 11 au dimanche 13
pour la réouverture et les 60 ans de l’emblématique Salle de musique, qui vient de subir d’importants travaux de rénovation. Le Nouvel
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A La Chaux-de-Fonds : Gautier Capuçon © Gregory Batardon
Ensemble Contemporain et l’Ensemble
Symphonique Neuchâtel, conduit par
Alexander Mayer, avec le violoncelliste Gautier
Capuçon et l’organiste Philippe Laubscher en
solistes, ouvriront les feux le vendredi soir.
Tous les concerts sont gratuits. Rens :
www.tpr.ch
A Bienne, pour la 19e Schubertiade
d’Espace 2, près de 150 concerts seront donnés
durant le premier week-end de septembre dans
une quinzaine de lieux au cœur de la ville.
Bertrand de Billy sera à la tête de l’Orchestre de
Chambre de Lausanne pour le concert de gala
du samedi soir, avec le pianiste Pascal Rogé,
soliste du Concerto No 2 de Saint-Saëns. Les
A Bienne : Pascal Rogé
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A Porrentruy, à l’Eglise des Jésuites, à
l’enseigne de « Vers le style galant », des pièces
de J.S. Bach et de ses fils, ainsi que de Vivaldi,
seront proposées par l’organiste Michael
Radulescu, qui termine par ailleurs l’enregistrement d’une intégrale Bach d’une trentaine de
CD sur le fameux orgue Ahrend de l’édifice
jurassien. (di 6)
A Fribourg, au Théâtre Equilibre, le Ballet
Preljocaj présente Spectral Evidence sur une musique
de John Cage et La Stravaganza sur des musiques de
Vivaldi et de comédies musicales chorégraphiées par
Angelin Preljocaj. (ve 25)
Yves Allaz
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figures dominantes du paysage artistique du
XXème siècle, à savoir le Français et son
meilleur ennemi, Picasso ? Elle eut été d’autant
plus fructueuse que l’on a déjà naturellement
tendance à les mettre en résonance.
fondation gianadda
Matisse et son temps
Pour son affiche estivale, la Fondation Gianadda resserre les liens étroits et
amicaux déjà tissés avec le Centre Pompidou en reprenant l’une de ses
expositions, enrichie pour l’occasion d’œuvres de collections suisses. Matisse et
son temps vise à replacer l’immense figure du XXème siècle dans son contexte
artistique, au fil de ses évolutions successives, et à faire dialoguer ses œuvres
avec celles de ses contemporains et même suiveurs, afin de démontrer que la
production du Français ne naquit pas d’un cerveau isolé, aussi génial fut-il.
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Si le concept de l’exposition, qui se veut
prolixe et éclairant, s’articule autour d’un dialogue entre le peintre et ses confrères, il se révèle
aussi à double tranchant. En effet, les forces
d’une telle approche se révèlent a priori limpides : elle permet de dégager lisiblement les
éventuels liens d’influence mutuelle entre un
artiste et ses pairs, ou au contraire peut agir tel
un coup de projecteur sur une singularité affirmée dont la production semble fonctionner en
autarcie. Elle donne en outre souvent à voir
l’esprit d’une époque, ou alors son contraire, un
art hors du temps et des repères connus. Une
telle exposition se veut aussi, en principe, plus
riche et variée, et enfin, la temporalité plus étendue permet d’englober les précurseurs et descendants.
Une voie propre
A contrario, les faiblesses d’une telle
approche thématique ne font qu’exacerber ses
risques inhérents : cessant d’être monographique, l’impact d’une telle exposition peut s’en
voir singulièrement dilué, et le spectateur, venu
pour admirer Matisse, peut logiquement rester
sur sa faim et se plaindre de voir le grand peintre littéralement noyé au milieu des autres toiles. La lecture autant que la lisibilité du parcours du chantre du soleil méridional risque
aussi de s’en trouver altérée, et l’on pourrait
passer à côté soit d’une linéarité construite, étapes par étapes, soit de points de rupture successifs. Last but not least, l’intitulé de l’affiche en
réalité collective serait-il une tromperie sur la
marchandise ? Pourquoi ne pas proposer alors
une éblouissante bataille de titans entre les deux
L’ambivalence de Matisse en tant qu’objet
d’étude dans l’histoire de l’art permet de faire
un premier pas moins frustrant en direction de
l’exposition du Centre Pompidou. Le Français
reste en effet un artiste intellectualisant réellement sa discipline, réfléchissant aux concepts et
écrivant beaucoup. Mais sans ce dialogue avec
ses contemporains, et avant lui ses maîtres tel
Gustave Moreau, qui l’affranchissent des carcans académiques, Matisse n’aurait probablement pas pu oser autant qu’il a par exemple osé
lors de sa période Fauve, où la couleur explose
les barrières du réel : l’audace ne se définit en
fin de compte que par rapport aux autres. La
force des très grands artistes, c’est aussi de
dépasser cette double barrière faite de réflexion
et de confrontation : l’évolution de leur production ne faiblit pas qualitativement, et c’est particulièrement vrai pour Matisse, qui à chaque
étape semble aller plus loin.
Ainsi, entre cubisme et abstraction, les
deux révolutions artistiques du siècle dernier,
Matisse poursuit sa propre voie tout en s’y intéressant avec un intérêt particulièrement vif. Il
entretint ainsi une fidèle amitié avec le cubiste
de la première heure Juan Gris, et sa Porte-fenêtre à Collioure (1914), qui fait presque figure
d’ovni dans sa production, traduit un écho certain sans jamais franchir le pas. Par contre, les
sculptures du Français se rapprochent beaucoup
plus des œuvres cubistes de certains de ses
pairs. Mais Matisse ne cède pas plus à l’abstraction qu’au cubisme, et dans l’immédiat entredeux guerres, il se replie comme Picasso ou
Derain dans un classicisme évident, fait de figures féminines, d’odalisques, et vers un goût
pour l’ornementation aux antipodes de l’abstraction. Et comme les plus grands avant lui, le
crépuscule de la vie du peintre livre une intensité d’expression maximale en un minimum de
moyens, la série de papiers colorés découpés
Jazz sonnant comme un point d’orgue simple,
précis, lumineux, où la symbiose de la couleur
et du graphisme des formes se mêle à celle de la
poésie des intitulés.
Sarah Clar-Boson
Henri Matisse «Jazz ( Le cheval, L'écuyère et le clown)», 1947. Planche gravée en couleur exécutée au pochoir,
42,5 x 65,5 cm. Centre George s Pompidou, Musée national d’art moderne, AM 10894 GR (1-20)
© Succession H. Matisse / 2015, ProLitteris, Zurich / Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand
Palais / Jean-Claude Planchet
a
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t
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Matisse et son temps, Fondation Pierre Gianadda,
Martigny, jusqu’au 22 novembre 2015
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[
CONCERTS DU DIMANCHE
ORCHESTRAL
]
17 HEURES
0 4 10
2015
S in f o n i e t t a
Sinfonietta
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Genève,
ville de culture
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S C ÈN E
SCÈNE
CULTURELLE
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Genève, Maison
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Tourisme,
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Cité Seniors,
S e n i o r s,
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le concert).
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RENSEIGNEMENTS:
418
RENSEIGNEMENTS: 0800
080 0 418
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18 (Suisse)
(Suisse)
+41
+ 41 22
22 418
418 36
36 18
18 ((Etranger)
Etranger) BILLETTERIE
B I L L E T T ER I E
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CHF 8.8.- Abonnements
A b o n n e m e nt s
CHF 144.144.- et
et CHF
CHF 96.-Chèques
96.-Chèques culture
culture acceptés.
acceptés.
CHF
Salle
d’une
Salle équipée
équipée d
’une boucle
boucle magnétique
magnétique pour
pour
malentendants.
malentendants. Accès
Accès pour
pour handicapé
handicapé
expos itions
Aix
Caumont
en
FRANCE Chantilly
Centre d’Art :
Canaletto - Rome, Londres, Vienne.
Jusqu’au 20 septembre.
l
Annemasse
Villa du Parc : Constellation.
l
Jusqu’au 20 septembre.
Arles
Divers lieux : Les Rencontres
l
photographiques - premier festival
international de photographie.
Jusqu’au 20 septembre.
Avignon
Collection Lambert : Patrice
l
Chéreau, un musée imaginaire.
Jusqu’au 11 octobre.
Bastia
Musée : 130 ans de création
l
joaillière à Bastia - l’atelier Filippi.
Jusqu’au 19 juillet 2016
78 Bordeaux
Galerie des Beaux-Arts
:
Bordeaux – Italie. Echanges &
visions artistiques - XVIIe-XXe siècles. Jusqu’au 7 septembre
l
LeMuséeCateau
Matisse : Geneviève
l
Claisse. Jusqu’au 20 septembre
franc e
Jusqu’au 21 mars 2016
Domaine de Chantilly : Le siècle de François Ier. Du 7 septembre au 7 décembre.
l
Limoges
Galerie des Hospices
:
L’amour, la mort, le diable.
Jusqu’au 18 octobre
l
Ornans
Musée Courbet :
Sensations de
l
nature - Courbet, Pissaro, Cézanne,
Van Gogh, Bonnard, Hartung, Pénone.
Jusqu’au 12 octobre.
Enghien
Centre des arts : Orlan - Strip- Marseille
Rodez
tease, des cellules jusqu’à l’os. Du
MuCEM : Traces - Fragments
Musee Soulages
l
l
16 septembre au 13 décembre
Evian
Palais Lumière : Jacques-Emile
l
Blanche. Jusqu’au 6 sept.
Giverny
l Musée des impressionnismes :
Photographier les jardins de
Monet. Cinq regards contemporains. Jusqu’au 1er novembre
d’une tunisie contemporaine.
Jusqu’au 28 sept. Migrations divines. Jusqu’au 16 novembre.
l Musée Cantini : Hervé
Télémaque. Jusqu’au 20 sept.
Metz
Centre Pompidou-Metz
:
Rétrospective Tania Mouraud.
Jusqu’au 5 octobre. Leiris & Co. Picasso, Masson, Miró, Giacometti,
Lam, Bacon…. Jusqu’au 14 sept.
l
Landerneau
Fonds H. et E. Leclerc : Alberto Meudon
Musée Rodin : Robert Doisneau
l
Giacometti. Jusqu’au 25 octobre.
Le
Cannet
Musée Bonnard : Henri Manguin
l
- Un Fauve chez Bonnard. Jusqu’au
31 octobre.
Lens
Le Louvre : D’Or et d’ivoire l
relations artistiques entre Paris et
la Toscane, 2e moitié du 13e s.
Jusqu’au 28 sept. Métamorphoses.
Carte blanche à Bruno Gaudichon.
Narcisse, Arachné et les autres....
l
(1912-1994). Sculpteurs et sculptures. Jusqu’au 19 novembre
Montpellier
Musée Fabre : L’Âge d’or de la
l
Peinture à Naples - de Ribera à
Giordano. Jusqu’au 11 octobre
Nice
Musée national Marc Chagall :
l
Nice, soleil, fleurs - Marc Chagall et la
Baie des Anges. Jusqu’au 21 sept.
: Claude
Leveque, Le Bleu de l’œil. Jusqu’au
28 septembre
l
Strasbourg
Musée d'art moderne : Tristan
l
Tzara (1896-1963). Du 24 septembre au 17 janvier
Wingen
Musée Lalique : 1715 - 2015 : les
l
300 ans du Hochberg. Jusqu’au 1er
novembre
AILLEURS
Amsterdam
Van Gogh Museum : Much / Van
l
Gogh. Du 24 septembre 2015 au
17 janvier 2016
Aoste
Centre Saint-Bénin : Antonio
l
Canova. Jusqu’au 11 octobre.
Bilbao
Musée Guggenheim : Jeff Koons,
l
rétrospective. Jusqu’au 27 sept.
Fonds Hélène & Edouard Leclerc
pour la culture, Landerneau
Alberto Giacometti
Il s’agit d’un réel événement culturel que cette exposition organisée à Landerneau !
Consacrée à l’œuvre d’Alberto Giacometti, cette exposition permettra au public de
découvrir la collection de la Fondation et de l’atelier de l’artiste, grâce à des œuvres
exceptionnelles illustrant les différentes périodes de création de Giacometti, en particulier la période surréaliste et celle des figures minuscules des années de guerre, moins connues du public.
L’approche choisie, à la fois chronologique et thématique, confrontera les visiteurs à
une œuvre protéiforme, aux composantes nombreuses, où l’artiste jongle avec différents
médiums (peinture, dessin, sculpture) et varie d’échelle en fonction des « crises de la
représentation » qu’il traverse au cours de sa carrière, oscillant entre l’infiniment petit
(pendant la guerre), et une échelle plus monumentale (à partir des années 1960).
Parmi les 150 œuvres exposées, les visiteurs pourront approcher l’ «Homme qui
marche», la si célèbre icône de Giacometti qui sera incontestablement la pièce maîtresse
de cette exposition exceptionnelle.
à découvrir aussi, outre des plâtres rarement sortis des collections, une œuvre rendue
à la vie par Martial Raysse : l’ «Objet surréaliste», 1932.
Alberto Giacometti «Le Nez», 19, version 1949
Bronze, 80,9 x 70,5 x 40,6 cm © Succession Giacometti (Fondation
Giavometti + ADAGP), Paris, 2015
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. Jusqu’au 25 octobre 2015
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a
expos itions
en
europe
Château de Miramare, Trieste
Ippolito Caffi
Né à Belluno en 1809 et formé à l’Académie de Venise, ce peintre italien a connu une carrière mouvementée qui l’a conduit à séjourner à Paris, Naples, Londres,
ainsi qu’en Espagne, tout en revenant régulièrement à Rome et Venise, et en accomplissant un grand voyage en Orient en 1843.
Ippolito Caffi rapporta de nombreux dessins de ses différents voyages et, fort renommé, il reçut des commandes du pape tout en exposant avec succès à Venise, Milan,
Rome et Trieste, ainsi qu’à Paris et Londres. Il était connu pour être un paysagiste précis dont les œuvres, claires et rigoureusement construites - prétextes parfois à de
curieux effets d’éclairage artificiel mais aussi à des délicatesses dignes de Corot - continuent la tradition du
paysage urbain d’un Canaletto.
Une fascinante exposition lui est consacrée au
Château de Miramare à Trieste, en guise de prologue à la
célébration des 150 ans de la mort de l’artiste vénitien.
Une exposition qui démontre sa passion pour les voyages,
son enthousiasme lors de la découverte d’un Orient fascinant et inconnu, mais également pour les environnements,
les monuments et les couleurs des villes italiennes (Venise,
Rome, Naples), et ce désir de fixer les émotions, les
paysages, les rencontres...
Ippolito Caffi, «Egypte, Isthme de Suez», 1844. Huile sur toile, 55 x 85 cm. Venezia, Fondazione Musei
Civici di Venezia - Galleria Internazionale d’Arte Moderna di Ca’ Pesaro
Ippolito Caffi fut un extraordinaire interprète et
novateur du védutisme vénitien du XIXe siècle, mais aussi
un patriote qui participa activement aux batailles du
Risorgimento, convaincu que l’Italie avait droit à la liberté
; ce qui, hélas, lui valu de mourir lors de la bataille navale
de Lissa en 1866.
. Jusqu’au 8 décembre 2015
Jean-Michel Basquiat - Le moment
est venu. Jusqu’au 1er nov.
Brescia
Musée de Sainte Julie : Brixia
l
- Rome et les gens du Po. Une rencontre de la culture - 3e au Ier s. av
JC. Jusqu’au 17 janvier.
Bruxelles
Bozar : Les Belges. Une histoire
l
de mode inattendue. Jusqu’au 13
septembre.
Cologne
Wallraf-Richartz-Museum
:
Godfried Schalcken (1643-1706) : la
séduction peinte. Du 25 septembre
au 24 janvier 2016
l
Ferrare
Palazzo dei Diamanti : Art vidéo
l
au Palais des Diamants - 1973/1979
- Reconstitution. Du 26 septembre
au 18 octobre.
Florence
Galleria Palatina : Carlo Dolci l
Florence 1616-1687. Jusqu’au 15 nov.
Francfort
Städelmuseum : William Hogarth.
l
Jusqu’au 6 septembre.
a
g
Londres
Milan
British Museum : Du Figuratif à
Palazzo Reale : Giotto, l’Italie.
l
l
l’Abstraction - L’Art moderne dans
le monde arabe. Jusqu’au 8 novembre. Le dessin dans l’argent et l’or De Leonardo à Jasper Johns. Du 10
septembre au 6 décembre.
l Courtauld Gallery : Jonathan
Richardson
par
lui-même.
Jusqu’au 20 septembre.
l National Gallery : Frames in
Focus - Sansovino Frames.
Jusqu’au 13 septembre.
l National Portrait Gallery : BP
Portrait Award 2015. Jusqu’au 20
septembre.
D’Assise à Milan. Du 2 septembre
au 10 janvier
Parme
Fondazione Magnani
l
Rocca,
Mamiano di Traversetolo : “Vues de
France“ - Renoir, Monet, Cézanne,
Matisse, De Staël. Jusqu’au 13 sept.
Possagno
Museo Gipsoteca Canova
:
Antonio Canova - L’art profanateur
dans la Grande Guerre. Jusqu’au
28 février.
l
Lucques
Rome
Villa Le Pianore, Camaiore : This
Chiostro del Bramante : James
l
l
is Picasso, photographies de David
Douglas Duncan. Jusqu’au 13 sept.
Tissot. Du 26 septembre au 21
février.
l Musée Capitolin : L’âge de l’angoisse. De Commode à Dioclétien.
Jusqu’au 4 octobre.
Madrid
Fondation Mapfre : Pierre
l
Bonnard. Peindre l’Arcadie. Du 10
septembre au 6 janvier.
l Musée du Prado : Monumental
Views of Spanish Cities. The
Romantic Painter Genaro Pérez
Villaamil. Jusqu’au 6 septembre.
l Musée Thyssen-Bornemisza :
Zurbaran. Jusqu’au 13 septembre.
e
n
Venise
Giardino di Palazzo Soranzo
l
Cappello : Roberto Sebastian Matta,
sculpture. Jusqu’au 15 octobre.
l Le Stanze del Vetro : Fulvio
Bianconi at Venini. Du 13 septembre
au 10 janvier.
d
a
Palazzo Falier : Sean Scully.
Jusqu’au 27 septembre.
l Palazzo Grassi : Martial Raysse.
Jusqu’au 30 novembre.
l Peggy Guggenheim Collection:
Charles Pollock - une rétrospective.
Jusqu’au 14 septembre
l Punta della Dogana : Slip of the
Tongue. Jusqu’au 31 décembre.
l Scoletta dei Battioro : Antoni
Clavé. Jusqu’au 31 octobre.
l
Vincenza
l Basilica Palladiana : Flow_1 - arte
contemporain italien et chinois e
dialogue. Du 17 septembre au 1er
novembre.
l Palladio Museum : Thomas
Jefferson et Palladio - Comment
construire un monde nouveau. Du
19 septembre au 28 mars.
Vienne
Albertina (Albertinapl.) Black &
l
White. Jusqu’au 17 janvier. Edard
Munch. Du 25 septembre au 24 janvier.
l Osterreichische Galerie Belvedere :
Rembrandt, Titien, Bellotto : esprit et
splendeurs de la Gemäldegalerie de
Dresde. Jusqu’au 11 octobre.
79
expos itions
Genève
Art Bärtschi & Cie : Antoine
l
80
Roegiers. Du 3 sept. au 31 octobre
& Laurie Anderson. Du 17 sept. au
31 octobre.
l Blondeau & Cie (Muse 5) Martin
Szekely & Louise Lawler. Du 17
sept. au 31 octobre.
l Centre d'art Contemporain (VieuxGrenadiers 10) Steven Claydon.
Jusqu’au 22 novembre.
l Centre d'édition contemporaine
(Saint-Léger 18) Jason Dodge,
David Hominal, Raphaël Julliard,
David Maljkovic avec Konstantin
Grcic, Victor Man. Du 17 sept. au
14 novembre.
l Centre de la Photographie (Bains
28) Manon. Du 17 sept. au 29
novembre.
l Espace Ami Lullin - Bibliothèque
de Genève (Promenade des Bastions)
De l’argile au nuage. Du 18 septembre au 21 novembre
l Espace L (rte Jeunes 43) Niura
Bellavinha, Frederic Post, Caroline
Valansi et Vasilis Zografos. Du 17
sept. au 8 novembre.
l Ferme de la Chapelle, GrandLancy (39, rte de la Chapelle) MarieHoëlle Leppens, Charlotte Nordin,
Céline Salamin, Delphine Sandoz Mémoire du vivant. Du 12 septembre au 25 octobre.
l Fondation Bodmer (Cologny) Les
livres de la liberté. Jusqu’au 13 septembre.
l Galerie Patrick Cramer (Vieux-
en
Billard 2) André du Besset. Du 7 au
15 sept. & Kira Weber. Du 17 sept.
au 5 novembre.
l Galerie Anton Meier (Athénée 2)
"Hommage" - Philippe Deléglise,
Keith Donovan, Tito Honegger,
Charles de Montaigu. Du 3 sept. au
17 octobre.
l Galerie Mezzanin (63, Maraîchers)
Elfie Semotan. Du 17 sept. au 31
octobre.
l Galerie Skopia (Vieux-Grenadiers
9) Simone Schardt & Thomas
Huber. Du 17 sept. au 31 octobre.
l Galerie Turetsky (25, Grand-Rue)
Aliska Lahusen. Du 24 sept. au 31
octobre.
l Maison Tavel (Puits-St-Pierre 6)
Devenir Suisse – GE 200. Jusqu’au
10 janvier 2016.
l Mamco (Vieux-Granadiers 10)
Cycle Des histoires sans fin, été
2015. Jusqu’au 20 septembre.
l Musée Ariana (Av. Paix 10) Anna
Dickinson - Harmonies de verre &
Luxe, calme et volupté - Concours
swissceramics. Jusqu’au 1er nov.
l Musée d’art et d’histoire (Ch.Galland 2) Peintures italiennes et
espagnoles & Aimer la matière. Un
regard mis à l'honneur. Jusqu’au 31
déc. Jean-Pierre Saint-Ours. Un
peintre dans l’Europe des
Lumières. Du 24 septembre au 31
décembre.
l Musée de Carouge (pl. Sardaigne)
Concours international de céramique - la lampe céramique. Du 19
septembre au 6 décembre.
s uis s e
Musée international de la CroixRouge (Paix 17) Expériences de
vérité - Gandhi et l’art de la nonviolence. Jusqu’au 3 janvier 2016
l Musée Rath (pl. Neuve) ‘J’aime
les panoramas’. Appropriations du
monde. Jusqu’au 27 septembre.
l Musée de la Réforme (Maison
Mallet) Le ciel devant soi. Jusqu’au
25 octobre.
l Musée des Suisses dans le monde:
Suisse-Arménie. Jusqu’au 20 sept.
l Théâtre Saint-Gervais (Salle Käthe
Kollwitz de 12h à 18h) Fragments Le Génocide des Arméniens et
l’œuvre suisse vus par la presse. Du
15 septembre au 25 octobre
l Red Zone Arts (r. Bains 40)
“Espaces du Rêve“, expositon solo
de Leng Hong. Du 9 sept. au 31
octobre.
l Xippas Art Contemporain (Sablons 6) Ian Davenport & Robert
Irwin. Du 17 sept. au 31 octobre.
l
se. Du 18 septembre au 3 janvier.
Fribourg
Espace Tinguely - Saint-Phalle :
l
Sculpture et architecture dans
l’oeuvre de Niki de Saint Phalle.
Jusqu’au 31 décembre
Lens
/ Crans
Fondation Pierre Arnaud : Homme
l
blanc - Homme noir. Impressions
d’Afrique. Jusqu’au 25 oct.
Mézières
Musée du papier peint : Fusions
l
- œuvres en verre contemporaines.
Jusqu’au 3 novembre.
Martigny
Fondation Pierre Gianadda :
l
Matisse en son siècle. Jusqu’au 22
novembre.
l Fondation Louis Moret (Barrières
33) Aloïs Dubach. Du 12 septembre
au 18 octobre.
Lausanne
Fondation de l’Hermitage (2, rte
Neuchâtel
Signal) Marius Borgeaud. Jusqu’au
Centre Dürrenmatt (Pertuis du Saut
l
l
25 octobre.
l Mudac (pl. Cathédrale 6) Le verre
vivant II. Jusqu’au 1er nov. L'Eloge
de l'heure. Jusqu’au 27 septembre.
l Musée cantonal des beaux-arts (pl.
Riponne) Giuseppe Penone.
Regards croisés. Du 25 septembre
au 3 janvier.
l Musée de l’Elysée (Elysée 18) La
mémoire des images - Autour de la
collection iconographique vaudoi-
74) Dürrenmatt à Neuchâtel.
Jusqu’au 6 septembre
l Musée d'art et d'histoire (espl.
Léopold-Robert 1) 14/18 La Suisse et
la Grande Guerre. Jusqu’au 18 oct.
l Musée d'ethnographie (St Nicolas
4 ) Secrets. Jusqu’au 18 octobre.
Vevey
Musée Jenisch : L'infini du geste
l
- Ferdinand Hodler dans la collec-
Musée de Carouge
Concours international de céramique
Le Concours international de céramique, dont la particularité est
d’exiger des artistes qu’ils travaillent sur un thème donné, généralement un
objet fonctionnel dans la tradition de la production historique de faïence
carougeoise, a porté son choix, cette année, sur la lampe céramique, précisant qu’il devait s’agir d’un appareil d’éclairage fonctionnant à l’électricité, et d’une taille maximale de 50 centimètres. Quant au type de lampe
(lampe de plafond, applique murale, lampe sur pied, lampe de table ou de
chevet, veilleuse, etc.), il est laissé au choix des candidats.
Le Musée de Carouge, organisateur du Concours, a ainsi reçu plus de
450 propositions provenant du monde entier, et un jury a évalué les œuvres
à partir de critères d’originalité, d’esthétique et de qualité du travail
céramique, sélectionnant ainsi 58 lampes. Ce sont ces œuvres qui forment
l’exposition proposée au public.
Signalons encore que le même jury se réunira le 18 septembre pour
juger les propositions sur pièces en respectant l’anonymat des candidats,
pour finalement octroyer trois prix : le Prix de la Ville de Carouge, doté de
10'000.- francs, Le Prix de la Fondation Bruckner pour la promotion de la
céramique de 2'000.- francs ainsi que le prix de swissceramics –
Association Céramique Suisse de 1'000.- francs.
Une des lampes sélectionnées
tous droits réservés
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. Du 19 septembre au 6 décembre 2015
g
e
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d
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expos itions
en
s uis s e
Bienne
Journées photographiques 2015
Sous la thématique de l’adaptation, les 19es Journées photographiques de
Bienne exposent une vingtaine de photographes suisses et internationaux, dans
les musées et la vieille ville de Bienne, parmi lesquels Laurence Bonvin, Jeanne
Chevalier, Alicja Dobrucka Lucas Foglia, Richard Gilligan, Yoshinori Mizutani,
Henning Rogge et Joël Tettamanti.
L’édition 2015 offre à voir les tendances de la jeune photographie suisse et
internationale à travers le prisme d’un sujet parti-culièrement actuel : l’adaptation. Du Japon aux Etats-Unis en passant par l’Ukraine ou le Lesotho, sans
Yoshinori Mizutani, « Tokyo Parrots », 2013 © Yoshinori Mizutani
[Importees des tropiques comme animaux domestiques, les perruches
ont envahi l’espace urbain de Tokyo.]
oublier la Suisse naturellement, la vingtaine de photographes sélectionnés rendent
compte d’une actualité très proche. Ils ont exploré cette capacité formidable que possède le vivant de s’adapter à de nouvelles conditions. Ils ont enregistré comment
l’humain, l’animal, mais aussi le territoire se transforment en réagissant à un milieu
changeant, transformé naturellement mais surtout de la main de l’homme. En effet,
au XXIe siècle, les défis ne sont plus uniquement naturels, ils sont aussi provoqués
par les sociétés humaines elles- mêmes. Ces dernières sont confrontées à des situations inédites, pour lesquelles elles cherchent des solutions d’adaptation, ou entrent
Joel Tettamanti, « Kobo, Lesotho », 2013 © Joel Tettamanti
[Evolution et adaptation de
parfois en résistance.
la tenue vestimentaire typique des habitants du Lesotho]
Les Journées photographiques de Bienne ont retenu des travaux qui traitent de
domaines qui questionnent le futur de nos sociétés actuelles comme l’exploitation
intensive des ressources énergétiques, la démographie, les nécessités économiques, les changements politiques récents, la religion, le climat ou les modifications génétiques. Certains photographes questionnent eux le médium photographique et sa capacité d’adaptation en exploitant les potentialités de l’archive et en inventant de nouvelles solutions de présentation de l’image photographique.
. Jusqu’au 20 septembre 2015
tion Rudolf Schindler & Wallpaper
Liberation - Les carnets de JeanLuc Manz. Jusqu’au 4 octobre.
Impressions en noir - A propos de
l’estampe et du dessin chez Jean
Otth (1940-2013). Jusqu’au 1er
novembre.
OUTRE SARINE
Bâle
Cartoon Museum (St. Albanl
Vorstadt 28) Atak (Georg Barber).
Spécial, la collection de caricatures
et de bandes dessinées - le nouvel
accrochage signé Atak. Jusqu’au
25 octobre.
l Fondation Beyeler (Riehen)
Alexander Calder Gallery III.
Jusqu’au 6 sept. Marlene Dumas.
Jusqu’au 6 septembre.
l Kunsthalle : Maryam Jafri Generic Corner. Jusqu’au 1er
novembre. Andra Ursuta - Whites.
a
g
Du 4 sept. au 1er novembre.
Musée des cultures : Holbein.
Cranach. Grünewald. Chefs-d'œuvre du Kunstmuseum Basel - invité
du MKB. Jusqu’au 28 février
l Museum für Gegenwartskunst
(St. Alban-Rheinweg 60) De
Cézanne à Richter. Jusqu’au 21
février.
l Musée Tinguely (Paul SacherAnlage 1) Haroon Mirza/hrm199
Ltd. Jusqu’au 6 septembre.
l Schaulager (Ruchfeldstr. 19,
Münchenstein) The Collection of the
Emanuel Hoffmann Foundation.
Jusqu’au 31 janvier.
Bienne
Winterthur
CentrePasqu’Art (fbg Lac 71-75)
Fotomuseum : Beastly / Tierisch.
l
l
l
l
Michael Sailstorfer. Jusqu’au 13 sept.
Riggisberg
Abegg-Stiftung : Le triomphe
l
des ornements. Tissus de soie du
XVe siècle italien. Jusqu’au 8 nov.
Saint-Gall
Kunstmuseum : Gerard Byrne.
l
Jusqu’au 13 septembre. Que la
lumière soit.... Des impressionnistes à Thomas Alva Edison.
Jusqu’au 25 octobre.
Berne
Spiez
Centre Paul Klee (Monument im
Schloss : Picasso Fruchtland 3) Klee à Berne. Jusqu’au
17 janvier. Klee & Kandinsky.
Jusqu’au 27 sept.
l Musée des Beaux-Arts (Hodlerstr.
8-12) Toulouse-Lautrec et la photographie. Jusqu’au 13 décembre.
Pierre de lumière. Visions du cristal
dans l'art. Jusqu’au 6 septembre
e
n
Des arlequins, des femmes et des corridas. Jusqu’au 27 septembre.
Weil
/ Rhein
Vitra Design Museum : Making
l
Africa. A Continent of Contemporary
Design. Jusqu’au 13 septembre.
d
a
l
Jusqu’au 4 octobre.
Kunstmuseum (Museumstr. 52)
Richard Deaco - On the Other Side.
Jusqu’au 15 novembre.
l
Zurich
Kunsthaus (Heimpl.1) Europe ...
l
l’avenir de l’histoire. Jusqu’au 6
septembre. Incertitude de la conscience - une collection privée.
Jusqu’au 4 octobre. John Waters How much can you take ? Jusqu’au
1er novembre. Un âge d’or.
Jusqu’au 29 novembre.
l Museum Bellerive (Augustinergasse 9) Cose fragili - Verre de
Murano. Jusqu’au 13 septembre.
l Museum Rietberg (Gablerstr. 15)
Un monde chatoyant - la photographie en couleurs avant 1915.
Jusqu’au 27 septembre. SEPIK - Art
de Papouasie - Nouvelle Guinée.
Jusqu’au 4 octobre.
81
expos itions
musée rath, genève
S'approprier le monde
Qui ne s'est pas un jour émerveillé devant un beau panorama et même laissé
aller à un sentiment de domination. Certains lieux offrent évidemment des
points de vue privilégiés et amorcent plus facilement ce jeu d'appropriation.
C'est cette notion que souligne l'exposition J'aime les panoramas. Un genre
qu'elle trace au fil du temps et de ses transgressions sur un parcours
de près de 400 œuvres.
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La popularité du panorama a nourri nombre de pratiques artistiques, autant celles des
beaux-arts que des arts populaires. D'ailleurs le
musée Rath s'est associé au musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de
Marseille pour élaborer cette exposition. La
photographie et le cinéma ne sont bien sûr pas
en reste puisque le titre de l'exposition s'inspire
d'une réplique de Jean Dujardin, dans le film Le
Caire. Nid d’espions (2006). En prononçant
“J'aime les panoramas“ devant le Canal de Suez
en 1955, un an avant sa nationalisation, OSS
117 souligne non seulement la contemplation du
paysage mais aussi l'idée d’appropriation, de
domination, voire d’aliénation. L’expérience
panoramique pose alors, pour les commissaires
de l'exposition, la question de notre rapport au
monde.
L'histoire si particulière de cette représentation de la réalité se confond avec la naissance
de la société industrielle. D'abord issu d’une
logique scientifique et militaire, le panorama a
été rapidement accaparé par la société du spectacle. Il triomphe à la fin du XVIIIème siècle,
avec un premier grand succès à Londres, où l'on
édifie un bâtiment circulaire pour abriter une
représentation de La flotte anglaise ancrée entre
Portsmouth et l'île de Wight. La scène reproduite de façon illusionniste sur 360° se découvrait
en se plaçant au centre, légèrement en hauteur,
un peu comme si le spectateur se tenait au
milieu de la mer, sur le pont supérieur d'une frégate. Ce paysage maritime enchanta le public et
enthousiasma rapidement les capitales européennes.
Engouement
De cette période faste, il ne reste bien souvent que des maquettes, des fragments ou des
affiches pour témoigner de l'engouement populaire du XIXème siècle pour les panoramas.
Face à l'histoire du dispositif, la premières salle
propose une œuvre de T.J. Wilcox (2013) qui
nous offre sur un écran circulaire une vision
hybride, hors du temps; alors que l'impressionnante photographie de Jeff Wall joue du décalage entre la réalité et la fiction face au Panorama
Bourbaki, peu avant sa restauration. L'ensemble
de l'exposition oscille ainsi constamment entre
les époques, multipliant les exemples historiques et contemporains au point de nous égarer
sur cette notion de panorama.
Par contre ce parcours éclectique offre parfois de très beaux rapprochements et quelques
retrouvailles comme les délicats paysages
miniatures de Michel Grillet ou les Stairs
conçus par Peter Greenaway, en 1994, qui nous
placent directement face au paysage, sans
oublier La Prose du transsibérien illustrée par
Sonia Delaunay. Quant à l'œuvre A Closer
Grand Canyon, 1988, de David Hockney, elle
constitue pour les concepteurs de l'exposition
un condensé du genre, une façon contemporaine de poser la réflexion sur le point de vue, de
nous positionner entre cette sensation de domination et de fusion avec l'immensité d'un
paysage.
Nadia El Beblawi
Musée Rath, Genève. "J'aime les panoramas".
S'approprier le monde, jusqu'au 27 septembre 2015 ;
puis au MuCEM, Marseille, du 4 novembre 2015 au 29
février 2016
Auguste Baud-Bovy «Maquette du Panorama, Vallee de Lauterbrunnen et Schwarzhorn et L’Eiger, le Monch, la Jungfrau», 1891 © Commune d’Aeschi, Berne
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expos itions
Johan Christian Dahl «View from Bastei», 1819. Huile sur toile, 86 x 101 cm © Drammens Museum, Drammen (Norvege)
T.J. Wilcox «In the Air», 2013. Film super 8 transfere sur video, projete sur ecran 8 metres de diametre © Courtesy T.J. Wilcox
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entretien
Stéphane Lissner
C’est fort d’un parcours de directeur lyrique des plus prestigieux, du
Châtelet au Festival d’Aix-en-Provence, du Teatro Real de Madrid à la
Scala de Milan, que Stéphane Lissner prend en main les destinées de
l’Opéra de Paris. Le nouveau directeur se confie sur les axes d’une
programmation appelée à se prolonger durant six ans. Bien au-delà de la
saison 2015-2016, la première conçue par lui et d’ores et déjà annoncée,
avec quelques primeurs pour les lecteurs de Scènes Magazine.
Vous venez à l’Opéra de Paris avec
votre propre conception artistique, on l’imagine volontiers. Quelle serait-elle ?
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J’ai toujours travaillé dans l’idée qu’une saison
en soi n’a pas beaucoup de sens. Même si elle
prend un sens pour le public, qui s’abonne,
achète des billets. En même temps, je pense que
c’est à moi de lui proposer sur une période plus
longue, un parcours dans lequel il va pouvoir
retrouver soit des lignes musicales, soit des
compositeurs, des chanteurs, des metteurs en
scène, des chefs d’orchestre. Donc, j’essaye
d’inventer une cohérence dans la programmation, des chemins avec un certain nombre d’artistes que je choisis et avec lesquels je tente d’écrire les pages des années qui suivent. Parfois il
peut s’agir de compositeurs disparus ; c’est le
cas de Schœnberg, mais seulement pour la première année, un cycle sur la saison 15-16. Mais
ce sera aussi le cas avec Berlioz, avec là un projet sur quatre ans, avec quatre opéras, dont un
seul, Béatrice et Bénédict en version concert, et
les trois autres, la Damnation de Faust,
Benvenuto Cellini et les Troyens en versions
scéniques. Ce sera aussi le cas avec la littérature : puisque j’entends faire un cycle sur le thème
de la littérature française à partir de commandes
à des compositeurs, italiens, français et suisse,
Michael Jarrell pour ce dernier. Ils vont ainsi
chacun travailler sur un sujet littéraire, au cours
des prochaines années. Mais cela peut être aussi
des artistes lyriques, comme Bryan Hymel,
Jonas Kaufmann, madame Yoncheva, madame
Netrebko… Des artistes avec lesquels j’invente
un parcours à travers les œuvres. Cela peut être
aussi des metteurs en scène, comme Claus
Guth, Calixto Bieito, Warlikowski, Alex Ollé…
Mais tout cela se raccorde. Et tout cela fait un
projet. Et la recherche d’une continuité.
Y aurait-il de votre part une fidélité à
des artistes avec qui vous avez pris vos
marques, vos habitudes de travail ?
Oui, d’une certaine manière. On retrouve le chef
Pekka Salonen, avec qui je travaillais déjà au
Châtelet, Philippe Jordan, venu à Aix-enProvence il y a quinze ans ou plus tard à la Scala,
par exemple. De même pour les metteurs en
scène, comme Peter Brook, ou le regretté Patrice
Chéreau, ou Castellucci. Parfois il y a aussi des
œuvres qui me tiennent à cœur, comme Moïse et
Aaron, que j’avais déjà produit au Châtelet.
Pensez-vous vous inscrire dans une
continuité, ou voyez-vous votre
nouvelle politique artistique
comme une rupture, par rapport à
un passé récent ou plus ancien ?
Je pense que la continuité, c’est les
350 ans de l’Académie nationale de
musique ! L’ancêtre fondateur de
l’Opéra de Paris, poursuivi par
Garnier, l’Opéra-Comique, la
Bastille… Et j’inclus dans cette riche
Histoire aussi bien l’art lyrique que
l’art chorégraphique. Puisque je
défends l’un comme l’autre. On possède à l’Opéra de Paris une compagnie
de danse exceptionnelle, et c’est une
Stephane Lissner
© Elisa Haberer - Opera national de Paris
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grande chance. On a aussi la chance d’avoir deux
salles, qui permettent de pouvoir varier ; Mozart
et Rossini à Garnier, les XIXe siècle et les spectacles plus lourds à Bastille, Wagner, Verdi, etc.
C’est cela la continuité. Cela étant, on sait que les
directeurs qui se sont succédés ont été très différents les uns des autres. Il n’y a pas pour autant
de rupture. La maison continue. Il y a les goûts,
les choix, les idées, ou une idée de l’opéra au
XXIe siècle... Je pense que l’opéra au XXIe siècle s’inscrit dans le temps, les grandes interrogations de l’humanité, des questionnements, et une
certaine forme de réflexion. C’est l’idée que je
me fais de l’opéra. Mais je respecte, d’ailleurs,
ceux qui ne penseraient pas comme moi…
Je posais cette question, parce que
l’on avait avancé, à tort, que Nicolas Joel
constituait une rupture par rapport à la gestion précédente de Gerard Mortier… Et que
l’on pouvait penser, à tort aussi certainement, qu’il en est de même avec votre arrivée
succédant à l’ère Joel…
Je ne pense pas qu’il y ait de rupture. Il y a simplement des directions différentes, au sens artistique. On peut privilégier les voix, le théâtre, la
musique à travers la direction d’orchestre… On
peut, comme moi, chercher la globalité de l’opéra ; c’est-à-dire réunir les arts plastiques, le
livret à travers la littérature, les chanteurs qui
interprètent, les chefs etc. Il y a des gens qui
extraient la voix dans l’opéra. Ce ne serait pas
ma démarche. Mon émotion passe davantage
par le personnage et la théâtralité de la voix. Et
c’est pour moi plus important que les prouesses
d’une voix. J’ai presque davantage d’affection
pour un chanteur qui aurait raté son si bémol,
que pour celui qui l’aurait réussi mais sans
expression. L’artiste est de chair et de sang.
Certains peuvent considérer aussi que le théâtre
a pris trop de place ces dernières années dans
l’opéra. Je le concèderais volontiers… L’opéra
doit être un tout. Il faut savoir en trouver la globalité. Le texte, la musique, le chant, le théâtre… L’opéra n’est beau que parce que c’est un
ensemble de composantes artistiques réunies.
L’Opéra de Paris est une grande maison internationale, certes. Malgré tout, pensez-vous que l’Opéra de Paris, subventionné
par le ministère de la culture français, se
doive de défendre le répertoire français ?
Là-dessus, je suis très clair. J’ai travaillé à Paris
au Châtelet, à Aix, à Madrid, en Autriche, à
Milan… Partout où j’ai été, j’ai considéré que
l’Histoire du théâtre, sa tradition, son passé au
sens noble, devaient être pris en compte. Et ce
n’est pas un hasard si je fais ici à Paris un des
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compositeurs que je considère comme l’un des
plus grands de l’Histoire de l’opéra, qui est
Berlioz, pour lequel je prévois un grand cycle. Et
c’est pourquoi j’ai aussi inscrit, dans les programmes futurs, Meyerbeer et Saint-Saëns. Parce
que je crois que l’Opéra de Paris n’aurait pas dû
attendre si longtemps pour monter les
Huguenots. C’est vrai aussi pour Samson et
Dalila… Que faire de mieux que les Troyens
pour marquer les trente ans de la Bastille et les
350 ans de l’Académie nationale de musique !
Et dans un même contexte, qu’en estil des créations ?
Quant aux créations d’opéras, je les ai toutes
orientées autour de la littérature française. J’ai
défendu l’idée que Balzac, Claudel et Racine,
pour ne pas les nommer, seraient les trois dramaturges sur lesquels je m’appuierai. Et les
commandes que je passerai seront sur ces
auteurs, et sur la littérature française. Dans le
cas de Michael Jarrell par exemple, le sujet sera
Bérénice de Racine. Prévu pour la saison 18-19.
Je précise que les trois créations déjà commandées, le sont avec le compositeur et le librettiste, bien entendu, mais aussi avec le metteur en
scène et le chef d’orchestre. Il s’agira donc d’un
travail d’ensemble.
Vous avez lancé des projets nouveaux,
comme la « Troisième scène » sur écran, et
l’Académie. Qu’en est-il pour l’Académie ?
Partout où je suis passé, j’ai lancé le principe
d’une académie. L’Académie européenne de
musique à Aix, qui se poursuit, l’Académie de la
Scala que j’ai développée, avec 1200 élèves, très
importante en Italie… Et en venant à l’Opéra de
Paris, j’ai souhaité auprès de la ministre quand
j’ai été nommé, m’engager sur l’idée de créer
l’Académie de l’Opéra national de Paris. Pour
l’instant avec quatre secteurs, qui pourront toutefois par la suite s’étoffer : le chant, avec l’Atelier
lyrique, qui continue sous la direction de
Christian Schirm ; la chorégraphie, sous l’autorité de Benjamin Millepied et William Forsythe ; le
théâtre, avec un metteur en scène dans l’immédiat, mais plusieurs par la suite ; et enfin, sous
l’impulsion de Philippe Jordan, les musiciens,
sous la tutelle des musiciens de l’orchestre de
l’Opéra de Paris, la première année avec les cordes ; ces musiciens seront amenés à travailler
dans la fosse, en supplémentaires. Ces quatre
secteurs seront mis en place dès le 1er septembre. Ce sera le début de l’Académie de l’Opéra
national de Paris. Cette Académie ayant pour
mission et vocation d’augmenter et de se diversifier : composition, différents métiers, etc.
Propos recueillis par Pierre-René Serna
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entretien
Christian Schirm
Peu après des premières armes au Grand Théâtre de Genève, Christian
Schirm avait fondé en 2005 l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, dont il
préside depuis aux destinées. Dix ans de succès et un bel anniversaire.
Après dix ans sous trois directeurs
successifs, Gerard Mortier, Nicolas Joel et
maintenant Stéphane Lissner, quel serait le
bilan de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris
et ses perspectives ?
Nous sommes désormais intégrés à l’Académie
de l’Opéra de Paris que vient de lancer
Stéphane Lissner. L’insertion va de soi, bien que
l’Académie aura peu à peu à préciser ses modalités plus en détail. Nous poursuivons donc
l’Atelier lyrique dans un nouveau contexte.
Quant au bilan, on peut déjà avancer des chiffres. Au cours de ces dix ans, nous ont suivi 100
artistes ; des chanteurs bien entendu, mais aussi
des chefs de chant et accompagnateurs. Nous
avons donc lancé de nouveaux artistes. Avec
trois axes : un début de carrière ; une consolidation de leurs acquis ; une projection auprès des
professionnels de la musique. Sur le plan pratique, cela s’est traduit par des concerts et productions lyriques où ces jeunes artistes étaient
appelés à participer, mais aussi la distribution
de ces artistes au sein des grandes productions
de l’Opéra de Paris. Gerard Mortier, à qui j’avais proposé ce projet d’atelier, l’avait d’emblée
immédiatement accepté, et était devenu très présent. C’était, donc, il y a dix ans. Nicolas Joel a
pris le relai, lui-même très concerné par l’enseignement que nous apportions à tous ces jeunes.
Depuis, nos participants au fil de ce temps sont
à la tête de belles carrières internationales. Il
n’est que de citer Marianne Crebassa, Stanislas
de Barbeyrac, Florian Sempey, Ciryl Dubois,
Alisa Kolosova… Ils ont été aidés en cela par
des metteurs en scène, à qui nous avions fait
appel, de grand renom : comme Dominique
Pitoiset, Christophe Perton, David Lescot, JeanYves Ruf, Jean Liermier, directeur du Théâtre
de Carouge. Puisqu’il s’agit avant tout d’un travail d’équipe. Le résultat se lit dans les débouchés : tous nos jeunes artistes ont trouvé des
débouchés. Ils travaillent tous, et gagnent leur
vie par leur activité musicale. Je précise aussi
qu’au cours de ce périple avec notre atelier,
aucun de nos participants n’a jamais claqué la
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Christian Schirm
© Eric Mahoudeau / Opera national de Paris
porte ! Un joli bilan, en quelque sorte.
Le recrutement est resté depuis sur le même
principe : des auditions. Il faut compter 350
auditions par an, pour sélectionner 20 candidats,
et au final ne garder que deux, trois ou quatre,
suivant les postes à pourvoir. Il y a seize postes,
dont douze chanteurs et quatre pianistes accompagnateurs. Le principe est aussi celui d’un
recrutement le plus international possible. D’où
le répertoire que nous cultivons, lui aussi des
plus international. D’où aussi, puisqu’il faut
savoir parfois émettre des réserves, un répertoire lyrique français que nous défendons mais
avec certaines précautions. C’est ainsi que nous
n’avons encore jamais fait d’Offenbach. Qui
nécessiterait une élocution parfaite de tous, dans
le chant évidemment, mais aussi dans les dialogues parlés. Avec le bagout nécessaire… Mais
ce genre de projet reste toujours ouvert.
L’avenir ? Désormais, il sera au sein de
l’Académie. Dans laquelle l’Atelier trouve sa
place naturelle, encouragé fortement par le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane
Lissner.
Propos recueillis par Pierre-René Serna
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opéra
Adriana sans histoires
Nouvelle production qui clôt la saison de l’Opéra de Paris, Adriana Lecouvreur
constitue aussi l’ultime production programmée par Nicolas Joel, le précédent
directeur de l’institution. Désormais, à partir de la mi-septembre, on devrait
pouvoir mieux juger de la politique artistique de l’actuel directeur,
Stéphane Lissner.
ardeur et valeur la partition de Francesco Cilèa
(créée en 1902, avec ses relents de vérisme),
soufflant la tempête sur l’orchestre et les chanteurs. Le grand triomphateur de la soirée.
Angela Gheorghiu plante le rôle-titre, comme
précédemment à Covent Garden, parfaitement
crédible avec la belle allure de sa prestance et de
sa voix, qui, il est vrai, s’affirme mieux passés
des premiers flottements. De son côté, Marcelo
Álvarez ne représente pas un Maurizio très subtil (avec, qui plus est, les bras constamment
ouverts, ce tic de ténor que ne pallie
pas une direction d’acteurs absente) ;
mais le rôle est ainsi fait et se satisfait d’une projection pleine et en
force. Luciana D’Intino donne toute
la noirceur de la Princesse de
Bouillon, la rivale de l’héroïne, avec
une émission sans faille. Et c’est
ainsi que tout est en place pour une
œuvre et production de répertoire.
Stuarda bien située
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«Adriana Lecouvreur» © Vincent Pontet/Opéra national de Paris
Dans ce cas, celui d’Adriana Lecouvreur, il
s’agit plus exactement d’une coproduction,
nouvelle à Paris mais déjà vue dans d’autres
villes. La réalisation David McVicar a ainsi été
étrennée en 2010 au Covent Garden de Londres,
avant de voyager dans d’autres temples
lyriques. La représentation à la Bastille se distinguant essentiellement par l’interprétation
musicale. Le temps passant, il est possible que
le travail de McVicar ait perdu de sa substance.
À la Bastille, il se limite à de beaux décors et
costumes, bien illuminés, dans le style luxueux
de l’époque de l’intrigue, celle de la cour française au temps de Louis XIV et de ses falbalas
de théâtre (théâtre dans le théâtre, pour cette
trame inspirée du destin tragique d’une actrice
célèbre). Une illustration au premier degré du
livret, qui correspond d’une certaine manière à
l’image stéréotypée que l’on se fait hors de
France, de l’époque de « grandeur » du pays. Ce
qui à Paris même, prête plutôt à sourire. Sachant
qu’il n’y a guère plus dans la mise en scène,
a
dont les mouvements et gestes se réduisent au
strict minimal conventionnel et syndical.
Reste la musique. Daniel Oren défend avec
Coproduction internationale,
une fois encore, Maria Stuarda triomphe au Théâtre des Champs-Élysées. On sait que cet opéra, créé en
1835, doit son retour à partir des
années 1990 à la compétition vocale
à laquelle se livrent les deux héroïnes principales. Une espèce d’exploit sportif, fréquent dans beaucoup
d’œuvres de bel canto, et qui dans ce
cas a fait que les divas ont contribué
à la remise à jour en nos temps modernes du 43e
opéra de Donizetti (accompagné d’une nouvelle
édition critique de la partition). S’il ne s’agit pas
«Maria Stuarda» © Vincent Pontet/Opéra national de Paris
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d’un opéra de la valeur de Lucia di Lamermoor,
il recèle bien des charmes, en particulier dans la
grande scène finale de la mort de Maria, en
dehors de quelques arias et duos (duels ?) attendus.
Donc, deux héroïnes rivales, comme le
demande le livret et ainsi que tel sur scène. Au
Théâtre de l’avenue Montaigne : la Elisabetta
(reine d’Angleterre) de Carmen Giannasttasio,
et la Maria Stuarda (reine d’Écosse)
d’Aleksandra Kurzak (dans la vie civile, nouvelle compagne de Roberto Alagna). On ne saurait rencontrer voix plus différentes, de style et
de timbre, malgré le fait qu’il s’agisse de deux
sopranos. La première chante à tout volume,
avec une projection franche, mais parfois dure
et imprécise ; ce qui convient, d’une certaine
difficulté particulière, comme le chœur du théâtre, tous aux ordres de Daniele Callegari.
Le montage scénique de Moshe Leiser et
Patrice Caurier, déjà présenté auparavant au
Covent Garden londonien ou au Liceo de
Barcelone, sait éviter les pièges d’un livret simpliste où tout est dit d’entrée : le conflit des
deux reines et la fin tragique de la pauvre Écossaise. Le décor mêle, comme les costumes, les
références historiques et modernes, dans un jeu
d’acteurs précis. Le suffisant pour illustrer la
trame, sans la caricaturer. Ce qui, au final, avec
la restitution musicale, séduit.
Mousquetaires de clôture
L’Opéra-Comique ferme pendant dix-huit
mois pour cause de travaux. L’avenir dira ce
6 Les Mousquetaires au couvent DR Pierre Grosbois.jpg
manière, à son personnage de méchante.
Pendant que la seconde distille les nuances à
travers sa voix légère ; comme le veut son rôle
de triste gentille. Mais les deux s’unissent idéalement lors de leurs confrontations partagées.
En ce sens, une distribution parfaitement élue.
Les autres composants du plateau se font discrets, comme le requiert l’œuvre ; y compris pour
le ténor Francesco Demuro (Leicester), qui possède une technique sûre, depuis ses pianissimos
jusqu’à ses passages de lyrisme, à défaut de
posséder un air propre. L’Orchestre de chambre
de Paris les accompagne avec adéquation dans
sa partie bien rythmée, qui ne présente pas de
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qu’il en est du futur de la salle historique. La
dernière production a ainsi tout d’une fête et de
regrets. Les Mousquetaires au couvent, l’opérette de Louis Varney, qui a charmé nos aïeux
depuis sa création en 1880, fait donc sa réapparition. Enlevée avec bagout par l’illustration
scénique de Jérôme Deschamps, entre costumes
faux Louis XIII et joyeux délire. C’est animé,
drôle souvent. En phase avec cette histoire fantaisiste de truculents mousquetaires faisant
irruption chez les prudes bonnes-sœurs (un sujet
similaire à celui du Comte Ory de Rossini, cela
dit en passant, mais sur une tout autre musique).
Car il n’y a pas ici à chercher trop loin. De
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même pour la musique, qui, hormis deux ou
trois ensembles finement tournés, verse le plus
souvent dans les tambours et trompettes. Entre
Sébastien Guèze, Franck Leguérinel, AnneCatherine Gillet, Anne-Marine Suire et
Antoinette Dennefeld, les chanteurs se révèlent
des mieux appropriés pour défendre leurs rôles,
voire leurs musiques, avec une verve communicative. Le chœur des Cris de Paris et l’Orchestre
de l’Opéra de Toulon s’affirment tout autant de
circonstance, sous la baguette avisée de Laurent
Campellone.
C’était le dernier spectacle de Jérôme
Deschamps à l’Opéra-Comique. Après huit saisons de glorieux mandat directorial et un bilan
exemplaire. Un ultime concert, de clôture sinon
d’adieu, précède la fermeture des portes, récapitulant trois cents ans de l’institution
(fondée en 1715). Hérold, Berlioz,
Messager et Bizet, voisinent avec
Chabrier, Offenbach et Delibes, pour
des extraits de cet opéra-comique dit
romantique. Melody Louledjian, que
l’on a appréciée dans le rôle-titre de
Ciboulette en ce même lieu, remplace au pied levé Julie Fuchs initialement prévue, avec allant dans un
extrait de L’Amour masqué de
Chabrier. Mais Nicky Spence constitue la belle surprise de la soirée :
ténor d’une technique confondante,
jouant de nuances diaphanes et de
changements de regis-tres souverainement dominés, dans des pages des
Pêcheurs de perles et de Lakmé. Le
Cercle de l’Harmonie bénéficie de la
belle énergie (un peu trop énergique
parfois) de son chef Jérémie Rhorer.
Il ne reste plus qu’à souhaiter bonne
chance à Olivier Mantei, appelé à
reprendre les destinées de la maison.
Così cristolien
On ne saurait trop louer la politique de
l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, qui porte
la bonne parole de l’opéra dans des territoires
éloignés, géographiquement et culturellement.
C’est ainsi que la nouvelle production de Così
fan tutte se glisse dans la programmation de la
Maison des Arts de Créteil. La grande salle possède une vaste scène, un peu trop vaste, face à
un amphithéâtre en moquette et velours, et une
fosse d’orchestre un peu enterrée. L’acoustique
s’en ressent, mais l’alchimie mozartienne
prend.
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L’orchestre et le chœur des Musiciens du
Louvre-Grenoble excellent tout autant, et
davantage en seconde partie où ils sont exposés
sur scène, que dans une première partie qui les
dilue parfois dans les effets de scène.
Te Deum fastueux
«Cosi fan tutte» © Mirco Magliocca / Opera national de Paris
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Le sextuor vocal réuni par l’Atelier lyrique
trouve vite ses marques, dans des caractérisations individuelles claires et une conjonction
d’ensemble. Gemma Ní Bhriain (Dorabella) et
Andriy Gnatiuk (Don Alfonso) bénéficient
davantage de vertus collectives. Quand Ruzan
Mantashyan, Adriana Gonzalez et Tomasz
Kumięga s’emparent avec éclat des personnages de Fiordiligi, Despina et Guglielmo.
Oleksiy Palchykov constituant un état intermédiaire, pour un Ferrando blessé sans excès
démonstratif. L’Orchestre-Atelier OstinatO
(constitué de premiers Prix de conservatoires se
formant au jeu d’orchestre), réalise un sans
faute : dans une belle couleur générale et des
ponctuations instrumentales bien piquées. Et ce,
en dépit des conditions : l’acoustique éteinte de
sa fosse, mais aussi la direction à laquelle il est
soumis. Jean-François Verdier prend en effet,
d’emblée, des tempos acerbes, sous une battue
aride, brusque, mais précise. Si l’orchestre
répond présent à ces ordres impitoyables,
quelques flottements pour les ensembles vocaux
disséminés sur la large scène, à la fin du premier
acte, s’expliquent ainsi.
Il est vrai que la mise en scène de
Dominique Pitoiset ne les favorise guère sur ce
plan. On aurait pu imaginer un décor qui enserre les protagonistes. Mais ceux-ci vont et viennent dans un espace vide au milieu de mobiliers
éparses, censés situer l’action dans une arrièreboutique de mode (ou un plateau de télé réalité,
on ne sait). Mais la sauce prend. En raison d’un
jeu d’acteurs net et bien campé, et de la symbiose du tout, chants et instruments.
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Alceste au sommet
La mise en scène d’Alceste d’Olivier Py
revient, après deux ans, au palais Garnier. Elle
n’a guère changé, entre son décor de panneaux
noirs griffés en direct de coups de craie (tags ?),
et des praticables métalliques qui reçoivent les
Pour le Te Deum de Berlioz dans la grande
salle de la Philharmonie de Paris, FrançoisXavier Roth emploie les grands moyens : un
orchestre combinant Les Siècles et le Jeune
Orchestre Européen Hector-Berlioz (émanation
du Festival Berlioz), les uns et les autres sur
instruments d’époque (saxhorns et ophicléides
inclus), et des choristes réunissant les Cris de
Paris, les ensembles vocaux Otrente et Stella
Maris, le Chœur de la Philharmonie du Coge
(issu des Grandes Écoles), la Maîtrise de Radio
France, le Singapore Symphony Children’s
Choir et des chorales venues de collèges de
Seine-Saint-Denis, Créteil et Paris. Il fallait
ainsi, devant cette foule, savoir jauger les balances, tout en maintenant les arrêtes. Roth est à
son affaire, avec l’aide de Michel Tranchant,
chef de chœur, dans une direction sans cesse
«Alceste» © Julien-Benhamou / Opera national de Paris
protagonistes. Une façon de relecture du drame
de Gluck, réduit à l’essentiel, mais qui lui
conserve tout son impact. Marc Minkowski
revient, lui aussi. Avec sa battue impétueuse.
Mais cette fois face à un plateau vocal renouvelé. Stanislas de Barbeyrac, ténor de style glorieux et subtil comme il est en est peu,
convoque triomphalement le rôle d’Admète.
Véronique Gens reste la grande tragédienne que
l’on attend, conférant au rôle-titre son ampleur
et son aura. Stéphane Degout complète un trio
vocal de première volée (nettement préférable,
dans notre souvenir, à celui de 2013).
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maîtrisée, des plus sublimes débordements
hymniques jusqu’aux infinies délicatesses en
prières de cette œuvre faite d’amples figures
contrastées. L’orgue électronique, sous les
doigts de Daniel Roth (père de FrançoisXavier), sonne un peu rêche et dru, avec sa couleur synthétique. Mais l’ensemble emporte tout.
Jean-François Borras parvient à lancer son
timbre élégiaque du Te ergo quæsumus face à
des voix et instruments rassemblés comme un
seul chant.
Pierre-René Serna
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Hamburg, le WDR Rundfunkchor Köln et le
NDR Chor Hamburg. Le 21 septembre place à
Mozart et à L’Enlèvement au sérail (en concert)
avec Jérémie Rhorer à la tête du Cercle de
l’Harmonie et la distribution suivante : Jane
Archibald (Constance), Norman Reinhardt
(Belmonte), Mischa Schelomianski (Osmin),
David Portillo (Pedrillo), Rachele Gilmore
(Blonde) et Tobias Moretti (Pacha Selim).
Parmi les nombreux concerts proposés à la
Philharmonie, celui du 22 septembre permettra
de retrouver Nathalie Stutzmann qui chantera
des extraits du Knaben Wunderhorn de Mahler
accompagnés par Douglas Boyd à la tête de
l'Orchestre de chambre de Paris (Haydn, Webern
et Schönberg en complément). Jessye Normann
«Don Giovanni», vue d’ensemble, janvier-février 2015 © Vincent Pontet/Opéra national de Paris
qui avait du annuler sa présence en mai dernier,
sera là le 23 avec un programme intitulé « Hooray for love » constitué par
Sélection musicale de septembre :
La nouvelle saison de l'Opéra National de Paris placée sous la direction un florilège d'airs et de musicals accompagnés par le pianiste Mark
artistique de Stéphane Lissner, débutera le 5 septembre à la Bastille, avec Markham.
une reprise de la désormais célèbre Madama Butterfly de Puccini, mise en
Le 24, Laurence Equilbey dirigera Les Vêpres solennelles d'un confesscène par Bob Wilson. Distribution évidemment renouvelée avec, dans le seur de Mozart puis le Magnificat de Carl Philipp Emanuel Bach avec le
rôle-titre, Ermonela Jaho en alternance avec Oskana Dyka, Annalisa Chœur Accentus et l'Insula Orchestra et les solistes Judith van Wanroij,
Stroppa (Suzuki), Piero Pretti (Pinkerton) et Gabriele Viviani (Sharpless), et Wiebke Lehmkuhl, Reinoud Van Mechelen et Andreas Wolf.
dans la fosse Daniele Rustioni à la tête de l'orchestre de l'opéra, dernière le
Le 30, concert Korngold (Concerto pour violon) et Mahler Le Chant
13 octobre. Le Palais Garnier ouvrira quant à lui ses portes le 7 avec une de la terre proposé par l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé
reprise, celle de Platée de Rameau, imaginée il y a bien longtemps par par Mikko Franck, avec Vilde Frang (violon) et les chanteurs Alisa
Laurent Pelly : sur le plateau, Frédéric Antoun, Alexandre Duhamel, Florain Kolosova et Christian Elsner. A noter également les 30 septembre et 1er
Sempey et Julie Fuchs placés sous la direction de Marc Minkowski (derniè- octobre, un concert de l'Orchestre de Paris dirigé par Jesus Lopez Cobos :
re le 8 octobre). La Bastille proposera également pour la dernière fois du 12 au programme la symphonie n°49 de Haydn suivie par le Stabat Mater de
septembre au 18 octobre une reprise du
Rossini interprété par Maria Agresta,
Don Giovanni de Mozart dans la version
Varduhi Abrahamyan, Paolo Fanale et
de Michaele Haneke : pour défendre une
Michele Pertusi.
nouvelle fois cette mise en scène coup de
A l'Opéra de Versailles, concert
poing, Arthur Rucinski (Don Giovanni),
Mozart (Vêpres solennelles, voir plus
Maria Bengtsson (Anna), Mattheuw
haut au TCE) le 26 septembre par le
Polenzani (Ottavio), Karine Deshayes
Chœur Accentus, l'Insula Orchestra diri(Elvira), Alessio Arduini (Leporello) et
gés par Laurence Equilbey avec les solisGaëlle Arquez (Zerlina) dirigés par Patrick
tes Judith Van Wanroij, Wiebke
Lange et Marius Stieghorst jusqu'au 18
Lehmkuhl, Reinoud Van Mechelen et
octobre.
Andreas Wolff.
Le cycle Schönberg commencera le
16 septembre avec un concert dirigé par
Vu et entendu : triomphe personnel
Philippe Jordan donné à la Philharmonie :
mérité pour la magnifique Véronique
au programme Les Variations pour orchesGens qui débutait au Palais Garnier dans le
tre de Schönberg et la 4ème symphonie de
rôle d'Alceste de Gluck, une reprise de la
Mahler avec en soliste la soprano Genia
production d'Olivier Py dirigée par Marc
Kühmeier.
Minkowski (16 juin).
Le TCE lèvera son rideau le 14 septembre avec une version concertante du
Ailleurs en France : à ne pas manFreischütz de Weber conduite par Thomas
quer du 29 septembre au 7 octobre, la
Hengelbrock avec Véronique Gens
Manon de Massenet interprétée par
(Agathe), Nikolai Schukoff (Max),
Patrizia Ciofi dans une mise en scène
Christina Landshamer (Annette), Yorck
signée Renée Auphan et Yves Coudray.
Felix Speer (Kouno) et Miljenko Turk
«Alceste» © Julien-Benhamou/Opéra national de Paris
François Lesueur
(Ottokar), le NDR Sinfonieorchester
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Bouffes du Nord
Battlefield
«Battlefield» © Victor Tonelli
Peter Brook, Jean-Claude Carrière et Marie-Hélène Estienne se laissent inspirer par une épopée millénaire, celle que relate le Mahabharata.
Grâce à la richesse du langage de ce texte (de ces textes...), et à ses histoires étonnantes où se trouvent les questions essentielles qui concernent
notre vie, ils font revivre pour le public, sous une forme théâtrale, cette histoire qui, bien qu’appartenant au passé, reflète en même temps les très durs
et innombrables conflits qui déchirent notre monde, aujourd’hui.
90
. Du 15 septembre au 17 octobre 2015
Réservations : 01.46.07.34.50
ATELIER (loc. 01.46.06.49.24)
Hyacinthe et Rose de et avec
François Morel - du 8 septembre au
11 décembre
u Danser à la Lughnasa de Brian Friel
- m.e.s. Didier Long - du 22 septembre au 9 janvier
BOUFFES PARISIENS
(01.42.96.92.42)
u Avanti de Samuel Taylor - m.e.s.
Steve Suissa - avec Francis Huster et
Ingrid Chauvin - du 17 septembre au
3 janvier
COLLINE (rés. 01.44.62.52.52)
u Les Géants de la montagne de
Luigi Pirandello - m.e.s. Stéphane
Braunschweig - du 2 sept. au 16 oct.
u Ce ne andiamo per non darvi altre
preoccupazioni de Pétros Márkaris un spectacle de et avec Antonio
Tagliarini et Daria Deflorian - du 18
au 27 septembre
u Reality de de Mariusz Szczygieł du 30 septembre au 11 octobre
COMÉDIE BASTILLE
(rés. 01.48.07.52.07)
u Bon anniversaire mon amour de
Corinne Hyafil et Thierry Raguenau m.e.s. Christian François - du 13 sepu
tembre au 2 novembre
COMÉDIE FRANÇAISE
SALLE RICHELIEU (01.44.58.15.15)
u Père d'August Strindberg - m.e.s.
Arnaud Desplechin - du 19 septembre au 4 janvier
u Le Misanthrope de Molière m.e.s. Clément Hervieu-Léger - du
24 septembre au 8 décembre
STUDIO-THÉÂTRE (01.44.58.98.98)
u Comme une pierre qui... de Greil
Marcus - m.e.s. Marie Rémond et
Sébastien Pouderoux - du 15 septembre au 25 octobre
VIEUX-COLOMBIER (01.44.39.87.00)
u 20 000 lieues sous les mers de
Jules Verne - m.e.s. Christian Hecq
et Valérie Lesort - du 26 septembre
au 8 novembre
COMÉDIE SAINT-MICHEL
(loc. 01.55.42.92.97)
u Le Mensonge de Florian Zeller m.e.s. Bernard Murat - avec Pierre
Arditi et Evelyne Bouix - du 4 septembre au 31 octobre
HÉBERTOT (loc. 01.43.87.23.23)
u Victor de Henri Bernstein - m.e.s.
Rachida Brakni - avec Caroline Silhol
et Eric Cantona - dès le 2 sept.
a
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MADELEINE
(loc. 01.42.65.07.09)
u Le Roi Lear de Shakespeare - m.e.s.
Jean-Luc Revol - avec Michel Aumont
- du 11 septembre au 11 oct.
POCHE-MONTPARNASSE
(01.45.48.92.97)
u The Servant de Robin Maugham m.e.s. Thierry Harcourt - avec
Maxime d’Aboville - du 1er septembre au 8 novembre - Molières 2015
PORTE SAINT-MARTIN
(01.42.08.00.32)
u Irma la douce de Alexandre
Breffort, Marguerite Monnot - m.e.s.
Nicolas Briançon - du 15 septembre
au 10 octobre
RENAISSANCE
(loc. 01.42.08.18.50)
u Conseil de famille de Amanda
Sthers - m.e.s. Eric Civanyan - dès le
9 septembre
RIVE GAUCHE (01 43 35 32 31)
u 24 heures de la vie d’une femme
de Stefan Zweig - m.e.s. Steve
Suissa - avec Clémentarine Céarié jusqu’au 29 novembre
r
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Oscar et la Dame rose d’ EricEmmanuel Schmitt - m.e.s. Steve
Suissa - avec Judith Magre - du 23
septembre au 1er décembre
STUDIO DES CHAMPS ELYSÉES
(01.53.23.99.19)
u Le porteur d’Histoire de et m.e.s.
Alexis Michalik - du 4 septembre au
30 décembre
THÉÂTRE DE PARIS
(01.48.74.25.37)
u Momo de Sébastien Thiéry - m.e.s.
Ladislas Chollat - avec Muriel Robin
et François Berléand - de 1er septembre au 28 octobre
THÉÂTRE DES VARIÉTÉS
(01.42.33.09.92)
u Ne me regardez pas comme ça !
de Isabelle Mergault - m.e.s.
Christophe Duthuron - avec Isabelle
Mergault et Sylvie Vartan - du 18
septembre au 11 octobre.
u
Les réservations de billets peuvent être
effectuées par l’intermédiaire du site :
theatreonline.com
Poche-Montparnasse
The Servant
à Londres, Tony,
un jeune aristocrate
paresseux emménage
dans une confortable
maison de ville, il
engage Barrett comme
domestique.
Ce dernier se
révèle être un valet
modèle, travailleur et
intelligent. Une certaine
complicité
s’établit peu à peu
mais rapidement les
rôles s’inversent et le
maître se retrouve
l’esclave de son serviteur.
Ce chef-d’œuvre
de manipulation, mis
en scène de manière
fine et sensible, est
«The Servant» © Brigitte Enguerand
repris pour 60
représentations. A ne
pas manquer, d’autant que Maxime d’Aboville y reprend le rôle qui lui a permis d’obtenir un ‘Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privé’.
. Du 1er septembre au 8 novembre 2015
Relâches exceptionnelles les 6 et 23 septembre - Réservations : 01.45.44.50.21
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a
p a r i s
b e a u x - a r t s
Institut du Monde Arabe
Osiris, mystères engloutis d’Égypte
Osiris. Le plus humain des dieux égyptiens. Immobile et emmailloté dans ses bandelettes de
momie, le dieu se distinguait de ces êtres surnaturels, puissances élémentaires mi-hommes mianimaux quelque peu extravagantes du panthéon de l’Égypte pharaonique. La légende racontait
qu’il fut engendré par le Ciel (la déesse Nout) et la Terre (le dieu Geb) et hérita de la royauté
terrestre. Il enseigna aux hommes l’agriculture, leur donna des lois, leur apprit à adorer les
dieux, leur apporta la civilisation.
Exposition événement de la rentrée, « Osiris, mystères engloutis d’Égypte » dévoilera 250
objets retrouvés lors de fouilles sous-marines, dont les découvertes récentes de ces 7 dernières
années menées par Franck Goddio. Viendront s’y ajouter une quarantaine d’œuvres provenant
des musées du Caire et d’Alexandrie dont certaines sortiront d’Égypte pour la première fois.
Ces découvertes, à la signification historique hors du commun, permettront d’illustrer la «
légende d’Osiris », l’un des mythes fondateurs de la civilisation égyptienne. La célébration des
« Mystères d’Osiris », grande cérémonie de l’Égypte antique commémorait, perpétuait et renouvelait annuellement cette légende divine.
Trois séquences composent le parcours. La première séquence met en exergue le mythe et
ses protagonistes. La deuxième, la plus importante, est celle consacrée au rite. Enfin, dans la
troisième et dernière séquence, on reviendra sur le mythe, sa postérité et la diversité de ses
représentations.
. Du 8 septembre 20154 au 31 janvier 2016
Dieu Bès. Terre cuite. Époque ptolémaique, probablement IIIe ou
IIe siècle av. J.-C., Thônis-Héracléion, Baie d'Aboukir, Égypte :
Photo : Christoph Gerigk © Franck Goddio/Hilti Foundation.
Centre Pompidou
l UNE HISTOIRE, art, architecture et
design, des années 80 à aujourd'hui
– jusqu’au 11 janvier
l ANNA ET BERNHARD BLUME : LA
PHOTOGRAPHIE TRANSCENDANTALE –
jusqu’au 28 septembre.
l VALÉRIE BELIN - Les images
intranquilles – jusqu’au 14 sept.
Château de Versailles
l ANISH KAPOOR – jusqu’au 1er
novembre
Cité de l’Architecture
l CHAGALL, SOULAGES, BENZAKEN…
LE VITRAIL CONTEMPORAIN – jusqu’au
21 septembre.
Espace Dali
l DAUM, VARIATIONS D’ARTISTES – du
11 septembre au 3 janvier
Fondation Cartier
l BEAUTÉ CONGO – 1926-2015 –
CONGO KITOKO – jusqu’au 15 nov.
Galerie des Gobelins
l L’ESPRIT ET LA MAIN. Héritage et
savoir-faire des ateliers du Mobilier
national – jusqu’au 17 janvier
l LE GARDE-MEUBLE EN VOYAGE. Luxe
et ingéniosité du bivouac de
Napoléen - du 18 septembre au 13
décembre.
Grand Palais
l ELISABETH LOUISE VIGÉE LE BRUN –
a
g
du 23 septembre au 11 janvier
Institut du Monde arabe
l OSIRIS, MYSTÈRES ENGLOUTIS
D’EGYPTE – du 8 septembre au 31
janvier
Jeu de Paume
l KHVAY SAMNANG, L’homme-caoutchouc / VALÉRIE JOUVE, Corps en
résistance / GERMAINE KRULL (18971985), un destin de photographe –
jusqu’au 27 septembre.
Maison de l'Amérique latine
l PABLO REINOSO – jusqu’au 5 sept.
Maison de la Photographie
l JOHN EDWARD HEATON Guatemala / PIERRE REIMER – du 9
septembre au 31 octobre
Maison Rouge
l MY BUENOS AIRES – jusqu’au 20
septembre.
Monnaie de Paris
l TAKE ME (I’M YOURS) – du 16 septembre au 25 octobre.
Musée des arts décoratifs
l TRÉSORS DE SABLE ET DE FEU Verre et cristal aux Arts
Décoratifs - XIVe au XXIe siècle –
jusqu’au 15 novembre.
l CORÉE : DESIGN ET MÉTIER D'ART –
du 19 septembre au 7 février
Musée d’art moderne
l HENRY DARGER – jusqu’au 11 oct.
l APARTÉS 2015 Isabelle
e
n
Cornaro, Alain Della Negra, Kaori
Kinoshita et Gyan Panchal – jusqu’au 13 décembre.
Musée Cognacq-Jay
l THÉ, CAFÉ OU CHOCOLAT ? L’essor
des boissons exotiques au XVIIIe
siècle – jusqu’au 27 septembre
Musée Guimet
l ART BONPO DE L’ANCIEN TIBET – jusqu’au 12 octobre
l INTÉRIEUR CORÉEN, OEUVRES DE INSOOK SON – du 18 septembre au
14 mars
l CARTE BLANCHE À LEE BAE – du 18
septembre au 25 janvier
Musée Jacquemart-André
l SPLENDEUR DU PORTRAIT À LA COUR
DES MÉDICIS – du 11 septembre au
25 janvier
Musée du Louvre
l UNE BRÈVE HISTOIRE DE L’AVENIR –
du 24 septembre au 4 janvier
Musée du Luxembourg
l FRAGONARD AMOUREUX – du 16
septembre au 24 janvier
Musée Marmottan-Monet
l VILLA FLORA. Les temps enchantés – du 10 septembre au 7
février
Musée de Montmartre
l L’ESPRIT DE MONTMARTRE ET L’ART
MODERNE 1875-1910 – jusqu’au 13
septembre
d
a
Musée d’Orsay
l DOLCE VITA - Art décoratif italien
1900-1940 – jusqu’au 13 sept.
l SPLENDEURS ET MISÈRES DES COURTISANES. Images de la prostitution
en France 1850-1910 – du 22 septembre au 20 janvier
Musée du Quai Branly
l TATOUEUR, TATOUÉS – jusqu’au 18
octobre
l L’INCA ET LE CONQUISTADOR – jusqu’au 20 septembre.
l PHOTOQUAI - biennale des images du monde – du 22 septembre
au 22 novembre
Musée Rodin
l RODIN, le laboratoire de la création
– jusqu’au 27 septembre
Palais de Tokyo
l CÉLESTE BOURSIER-MOUGENOT :
Acquaalta / PATRICK NEU / JESPER JUST:
Servitudes / TIANZHUO CHEN – jusqu’au 13 septembre
Pinacothèque
l LE PRESSIONNISME 1970 - 1990,
les chefs-d’œuvre du graffiti sur
toile de Basquiat à Bando – jusqu’au 13 septembre.
91
m é m e n t o
GENEVE
concerts
92
u 1.9. : « BALKAN-BAROQUE ! »,
GENEVA CAMERATA, dir. David
Greilsammer, GILAD HAREL, clarinette. Salle Opéra - Hôpital cantonal
de Genève à 19h30 (billetterie sur
http://genevacamerata.com/rates)
u 3.9. : La Bâtie - Festival de
Genève. GLI ANGELI GENÈVE, dir.
Stephan MacLeod (Oeuvres de
Thomas Tallis, Motets &
Lamentations de Jérémie).
Cathédrale Saint-Pierre à 21h (loc.
La Bâtie)
u 3.9. : Concert caritatif - orphelins
de SOS Village-Kfarhay, Liban.
ELIZABETH SOMBART, pianiste, FABRICE
EULRY, pianiste improvisateur &
QUATUOR RÉSONNANCDE (Chopin,
Bach, Rimsky-Korsakov). Victoria
Hall à 20h (loc. Espace Ville de
Genève, Grütli, Genève Tourisme Centrale Billetterie T 0800 418
418)
u 9.9. : Migros-pour-cent-culturelclassics. ORCHESTRE DU THÉÂTRE
MARIINSKI, dir. Valery Gergiev
(Prokofiev, Tchaïkovski). Victoria
Hall à 20h (loc. SCM 022/319.61.11)
u 13.9. : AURÉLIE MATTHEY, violon et
LAURENT NICOUD, piano (Hommage
à Lucien Durosoir). Musée d'Art et
d'Histoire, salle principale, à 16h
(rés. 032 717 79 25)
u 14.9. : GLI ANGELI GENÈVE -
Stephan MacLeod baryton-basse
et
direction.
Aleksandra
Lewandowska soprano. Marianne
Beate Kielland alto. Carlos Mena
contre-ténor. Valerio Contaldo
ténor (JS Bach). Victoria Hall à 20h
(loc. Espace Ville de Genève,
Grütli, Genève Tourisme - Centrale
Billetterie T 0800 418 418)
u 17.9. : Concert Prestige n°1 - Le
Chant du Monde. GENEVA
CAMERATA, dir. David Greilsammer,
EMMANUELLE BÉART, comédienne,
GIULIANO CARMIGNOLA, violon
(Debussy, Beethoven, Marti,
Schubert). Bâtiment des Forces
Motrices à 20h (billetterie sur
http://genevacamerata.com/rates)
u 25 et 26.9. : Ciné-Concert. OSR,
LE MOTET DE GENÈVE & MAÎTRISE DU
CONSERVATOIRE POPULAIRE DE MUSIQUE
DE GENÈVE, dir. Ludwig Wicki.
KAITLYN LUSK soprano (Le Seigneur
des Anneaux). Victoria Hall à 19h30
(loc. Billetterie OSR, www.osr.ch, T
+41 (0)22 807 00 00)
u 28.9. : Les Grands Interprètes.
RENAUD CAPUÇON, violon, NICHOLAS
ANGELICH, piano (Brahms). Victoria
Hall à 20h (loc. Service culturel
Migros Genève, 022 319 61 11,
Stand Info Balexert, Migros Nyon-La
Combe)
opéra
u 6.9. : Récital ANNA CATERINA
ANTONACCI, soprano, DONALD
SULZEN, piano (Ravel, Poulenc,
Chausson). Grand Théâtre (billette-
Salle Centrale de La Madeleine
Quatuor de Genève + Quatuor
Terpsychordes
Le 3ème concert de la saison 2015 sera marqué par le passage à la
Salle Centrale de la Madeleine, le Musée d’Art et d’Histoire, traditionnel
lieu d’accueil de la formation, devant faire l’objet
d’importants travaux de
rénovation.
Le
Quatuor
Terpsychordes (Girolamo
Bottiglieri
et
Raya
Raytcheva, violons, Caroline
Cohen-Adad, alto, François
Grin, violoncelle) est invité
par le Quatuor de Genève
pour donner l’octuor de
Mendelssohn.
Autres invités de marQuatuor Terpsychordes
que: Frédéric Kirch et
© bülp.ch_Patrick Bühler.
François Guye, qui se joindront au Quatuor de
Genève, pour le 2nd sextuor de Brahms, l’opus 36. Rappelons qu’ils avaient
donné ensemble le 1er sextuor de Brahms en 2011, ainsi qu’une belle «Nuit
transfigurée» en 2013.
. Dimanche 20 septembre 2015 à 11 heures
Billets à l’entrée
rie en ligne sur le site du Grand
Théâtre)
u 11, 13, 15, 17, 19, 21.9. :
GUILLAUME TELL de Gioacchino
Rossini, dir. Jesús López-Cobos,
Orchestre de la Suisse Romande,
Théâtre Alchimic, Genève
Ombres sur Molière
Victoria Hall
Messe en Si
Johann Sebastian Bach sera à l’honneur au Victoria Hall en septembre
grâce à l’ensemble Gli Angeli Genève, placé sous la direction de la basse
Stephan MacLeod, ainsi
qu’aux solistes Aleksandra
Lewandowska, soprano,
Marianne Beate Kielland,
alto, Carlos Mena, contreténor, et Valerio Contaldo,
ténor.
Pour le plus grand
plaisir du public, ils interpréteront la plus célèbre des
Alexis Kossenko
messes de l’histoire de la
musique, à savoir la ‘Messe
en si mineur BWV 232’ .
Signalons que pour cette ‘Messe’, l’ensemble est comme à son habitude
formé de plusieurs des plus fins spécialistes au monde de cette musique :
ainsi du cor de Thomas Müller, de la trompette de Guy Ferber ou du traverso d’Alexis Kossenko... associés à une distribution vocale exceptionnelle.
. le 14 septembre 2015 à 20h
Lors de la première représentation de Tartuffe, Molière, victime d'un
complot politico-religieux, tombe en
disgrâce et sa pièce est interdite. Il
faut dire que celle-ci se permet de
remettre en question l'Eglise qui
avait plein pouvoir à cette époque.
La nouvelle création de
Dominique Ziegler, fiction historique
basée sur l' « Affaire Tartuffe »,
raconte le duel entre Molière et le
pouvoir afin d'obtenir l'autorisation
de jouer Tartuffe. Ecrite en alexandrins et récompensée par le Prix
Plume d'Or, cette pièce s'intéresse à
la liberté d’expression, sujet, malheureusement, plus que jamais d’actualité.
Dans le rôle-titre, le comédien
Yves Jenny © Bobby C Alkabes
Yves Jenny, que l’on a déjà pu
apprécier sur les scènes romandes.
. Du 8 septembre au 4 octobre 2015
Réservations : [email protected] ou +41 22 301 68 38
Location : billetterie Ville de Genève
a
m.e.s. David Pounthey. Grand
Théâtre à 19h30, le 13.9. à 15h
(billetterie en ligne)
g
e
n
d
a
m
Théâtre du Loup, Genève
Eldorado
Avec ‘Eldorado’, c’est depuis les pays d’origine que l’on suit l’épopée
de ceux qui au péril de leur vie quittent leurs terres natales pour tenter d’atteindre la terre promise. C’est avec une grande intelligence et un sens consommé de la narration que Laurent
Gaudé tisse les destins croisés de
ces multiples émigrants clandestins
confrontés à l’imperméabilité de la
citadelle Europe.
Ce texte résonne en nous
comme un cri sourd de colère rentrée et de désespoir, il s’ancre dans
une actualité qui depuis plus de dix
ans ne cesse de prendre de l’ampleur et devient un véritable
phénomène de société, mais en
hissant les personnages qui incarnent cet affrontement au rang
d’icônes, de figures mythologiques
d’une tragédie contemporaine.
La comédienne cubaine Amanda
Le metteur en scène Patrick
Cepero fait partie de la distribution
Mohr et le Théâtre Spirale travaillent régulièrement sur la thématique
des migrations avec des intervenants d’ici et d’ailleurs, et ils ne pouvaient
qu’être interpelés par ce texte.
. Du 15 au 27 septembre 2015
Réservations :
par email, [email protected] / par téléphone, +41 22 301 31 00
théâtre
u 3.9. : Festival de La Bâtie. LA
CONVENTION DES VENTRILOQUES de
Dennis Cooper, m.e.s. Gisèle
Vienne. La Comédie à 21h (loc. La
Bâtie)
u Les 5 et 6.9. : DÄMONEN de Lars
Nóren,
m.e.s.
Thomas
Ostermeier. Théâtre de Carouge,
salle François-Simon, sam à 21h, dim
à 17 (billetterie : 022/343.43.43 [email protected])
u Du 8.9. : Festival de La Bâtie. ESTA
BREVE TRAGEDIA DE LA CARNE de et
m.e.s. Angélica Liddell. Salle des
fêtes du Lignon à 21h (loc. La
Bâtie)
u Du 8 au 11.9. : Festival de La
Bâtie. LETTRES DE NON-MOTIVATION de
Julien Prévieux, m.e.s. Vincent
Thomosset. Théâtre Saint-Gervais,
grande salle, Mar 8: 19h / Mer 9: 21h
/ Je 10: 21h / Ve 11: 19h (loc.
022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch)
u Du 8 au 12.9. : Festival de La
Bâtie. NOUS SOMMES TOUS DES PORNSTARS de et m.e.s. Jérôme Richer. Le
Grütli, salle du 2e, mar-ven à 21h,
mer-jeu-sam à 19h (022/888.44.88,
[email protected] / )
a
g
u Du 8.9. au 4.10. : OMBRES SUR
MOLIÈRE de et m.e.s. Dominique
Ziegler, création., mar+ven à 20h30,
mer-jeu-sam-dim à 19h (rés.
022/301.68.38 / [email protected])
u Du 9 au 20.9. : LE RUISSEAU NOIR
de et m.e.s. Elsa Rook. Opéra
inspiré de la vie et de l’œuvre
d’Annemarie Schwarzenbach. Le
Grütli, salle du sous-sol, mar-jeusam à 19h, mer-ven à 20h, dim à 18h
([email protected]
/
022/888.44.88)
u Du 15 au 20.9. : SEMIANYKI
EXPRESS par le Teatr Semianyki,
m.e.s. Yana Tumina. Théâtre de
Carouge, salle François-Simon, marmer-jeu et sam à 19h, ven à 20h, dim
à 17 (billetterie : 022/343.43.43 [email protected])
u Du 15 au 27.9. : ELDORADO de
Laurent Gaudé, m.e.s. Patrick
Mohr. Création du Théâtre Spirale.
Théâtre du Loup, mar-jeu-sam à 19h,
mer-ven à 20h, dim à 17h (rés.
022/301.31.00)
u Du 15.9. au 11.10. : 84,
CHARING CROSS ROAD d’Hélène
Hanff, m.e.s. Pierre Bauer, création. Théâtre des Amis, Carouge,
mar-ven à 20h, mer-jeu-sam à 19h,
dim à 18h (rens. 022/342.28.74)
e
n
é
m
e
u 19 et 20.9. : FAIM DE LOUP d’après
les Frères Grimm, m.e.s. Ilka
Schönbein, dès 8 ans. Théâtre des
Marionnettes, sam à 19h, dim à 17h
(rés. 022/807.31.07)
u Du 21 au 27.9. : CASSANDRE d’après Christa Wolf, m.e.s. Hervé
Loichemol. Avec Fanny Ardant.
La Comédie de Genève, lun-mar-jeusam à 19h, ven à 20h, dim à 17h,
relâche mercredi 23 (loc.
022/320.50.01 / [email protected])
u Du 22 au 29.9. : PIERRE À PIERRE
de et m.e.s. Rosa Diaz, dès 2 ans.
Théâtre des Marionnettes (rés.
022/807.31.07)
u Du 22.9. au 10.10. : RETALK – LE
POINT SUR LES TENDANCES ÉROTICOEXOTIQUES DU FOUND FOOTAGE, m.e.s.
Julia Perazzini et Valerio Scamuffa.
Théâtre Saint-Gervais, salle Isidore
Isou, mar-jeu-sam à 20h30, mer-ven
à 19h (loc. 022/908.20.20 ou
www.saint-gervais.ch)
u Du 22.9. au 18.10. : MALGRÉ LES
APPARENCES. Spectacle musical par
Maria Mettral et Aliose, m.e.s.
Christian Gregori, création.
Théâtre du Crève-Cœur, ch. de Ruth,
Cologny (rés. 022/786.86.00)
u Du 22.9. au 1.11. : LES ACTEURS
DE BONNE FOI de Marivaux, m.e.s.
Geneviève Pasquier et Nicolas
Rossier. Théâtre de Carouge, salle
Gérard-Carrat, mar-mer-jeu et sam à
19h, ven à 20h, dim à 17 (billetterie :
022/343.43.43 - [email protected])
u Du 29.9. au 18.10. : VOYAGE AU
BOUT DE LA NUIT de LouisFerdinand Céline, m.e.s. Philippe
Sireuil. Studio André Steiger, mar-
n
t
o
mer-jeu-sam à 19h, ven à 20h, dim à
17h, relâche lun + dim 4.10. (loc.
022/320.50.01 / [email protected])
danse
u Du 30.9. au 11.10. : NARSARSUAQ
de Maud Liardon, création. Salle
des Eaux-Vives, 82-84 r. Eaux-Vives,
à 20h30 / sa 19h, di 18h30 (rés. et
billetterie en ligne sur www.adcgeneve.ch)
LAUSANNE
concerts
u 24.9. : CHŒUR PRO ARTE DE
LAUSANNE & CHŒUR DE CHAMBRE DE
L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG, dir.
Alexander Mayer, avec LÉONIE
RENAUD & CAROLE MEYER, sopranos,
RUDOLF SCHASCHING, ténor (Barber,
Mendelssohn). Cathédrale à 20h
(rés. 021/316 71 60 ou
http://www.sinfonietta.ch)
u 25.9. : REQUIEM de Gounod.
Ensemble vocal Arpège & Quatuor
4elles; Petya Todorova, contrebasse;
Julie Sicre, harpe; Benjamin Righetti,
orgue; Sabina Fulgosi, Véronique
Rossier, Jonathan Spicher, Jean-Luc
Waeber, solistes; Julien Laloux,
direction. Eglise St-François à 20h30
(Billetterie: www.monbillet.ch)
u 26.9. : Vibrations de Bonmont. LES
VÊPRES de Rachmaninov, Ensemble
choral Voix de Lausanne, dir.
Dominique Tille. Abbaye de
Salle Paderewski, Lausanne
Sylviane Deferne
Sylviane Deferne © Sébastien Goyon
La pianiste Sylviane Deferne
sera en concert en septembre
avec sa consœur Brigitte Meyer,
ainsi qu’avec l’Orchestre des
Variations symphoniques dirigé
par Luc Badhassarian.
Au programme :
- Mozart : Concerto pour deux
pianos, interprété par Brigitte
Meyer et Sylviane Deferne
- Mendelssohn : Concerto pour
violon et piano ; au violon Mario
Hossen, piano Sylviane Deferne
- Saint Saens : « Carnaval des
animaux » avec Brigitte Meyer et
Sylviane Deferne
. le 25 septembre 2015 à 20h
d
a
93
m
é
m
Bonmont, Chéserex, à 20h15 (rés.
022 557 52 75)
théâtre
94
u Du 8 au 12.9. : THE ENCOUNTER d’après Petru Popescu, m.e.s. Simon
McBurney. Vidy-Lausanne, salle
Charles Apothéloz, mar-jeu à 19h,
mer-ven à 20h, sam à 17h (rés.
021/619.45.45 - www.billetterievidy.ch)
u Du 10 au 26.9. : B.L.A.S.T.E.D d’après Anéantis de Sarah Kane, m.e.s.
Karim Bel Kacem. Vidy-Lausanne,
salle René Gonzalez, mar-mer-jeu à
19h30, ven à 21hsam-dim à 20h (loc.
021/619.45.45)
u Du 11 au 26.9. : GULLIVER d’après
Les Voyages de Gulliver de Jonathan
Swift, m.e.s. Karim Bel Kacem. VidyLausanne, salle René Gonzalez,
nombreuses
séances
(loc.
021/619.45.45)
u Du 22.9. au 4.10. : HOME-MADE de
et m.e.s. Magali Tosato. VidyLausanne, La Passerelle (loc.
021/619.45.45)
u Du 24 au 25.9. : THE DARK AGES de
et m.e.s. Milo Rau. Vidy-Lausanne,
salle Charles Apothéloz, jeu à 19h,
ven à 20h (rés. 021/619.45.45 www.billetterie-vidy.ch)
u Du 30.9. au 4.10. : CLÔTURE DE L’AMOUR de et m.e.s. Pascal Rambert.
Vidy-Lausanne, salle Charles
Apothéloz, mer-ven-sam à 20h, jeu à
19h, dim à 15h (rés. 021/619.45.45 www.billetterie-vidy.ch)
danse
u 30.9. et 1.10. : MIKHAILOVSKY
BALLET, Without Words, Duende,
Nunc Dimittis, chor. Nacho Duato.
Opéra de Lausanne (Billetterie :
021/315.40.20, lun-ven de 12h à 18h
/ en ligne et infos : www.opera-lausanne.ch)
AILLEURS
annemasse
RELAIS CHÂTEAU-ROUGE à 20h30
sauf mention contraire (loc.
+33/450.43.24.24)
u 9.9. : SEHNSUCHT, LIMITED EDITION,
chor. Koen Augustijnen
u 11.9. : MOUNTAIN MEN
u 16.9. : FIREHEAD + LISZTOMANIA +
ARES
u 18 et 19.9. : BIGRE par la Cie le
Fils du Grand Réseau
u 23.9. : FAADA FREDDY
u 30.9. : THIBAULT CAUVIN
e
n
t
fribourg
THÉÂTRE EQUILIBRE
Salle Equilibre à 20h, sauf mention
contraire (billetterie : Fribourg
Tourisme 026/350.11.00 / [email protected])
Equilibre: +41 26 350 11 00
u 25.9. : LES PIÈCES DE NEW YORK,
Ballet Preljocaj, chor. Angelin
Preljocaj
givisiez
THÉÂTRE DES OSSES, 20h, di à 17h
(loc. 026/469.70.00)
u Du 30.9. au 11.10. : LE REVIZOR de
Nicolas Gogol, m.e.s. Evelyne
Castellino
martigny
FONDATION GIANADDA, à 20h, dim à
17h sauf mention contraire (rés. +41
27 722 39 78)
u 15.9. : CHRISTIAN ZACHARIAS,
piano, SCHAROUN ENSEMBLE DE LA
PHILHARMONIE DE BERLIN (Mozart,
Scarlatti, Beethoven)
meinier
FESTIVAL AMADEUS. Grange de la
Touvière (billetterie : Très Classic,
022 781 57 60 / Grange de la
Touvière dès le 21.8. au 022 750 20
20 / tous les soirs, 2 h avant le
concert)
u 1.9. à 20h30 : ENSEMBLE LES
DISSONANCES & DAVID GRIMAL violon
(Mozart)
u 2.9. à 20h30 : RAPHAËL SÉVÈRE clarinette, JEAN-FRÉDÉRIC NEUBURGER
piano, FRANÇOIS SALQUE violoncelle
(Beethoven, Berg, Bernstein)
u 3.9. à 20h30 : ENSEMBLE RARO &
OLIVIER DARBELLAY cor (Schreker,
Brahms)
u 4.9. à 20h30 : GENEVA PERCUSSIONS
CENTER (Reich)
u 5.9. à 20h30 : ECHOA. Cie Arcosm
u 6.9. à 12h : CHŒUR DE MEINIER &
MICHEL TIRABOSCO flûte de pan
(Antonio Vivaldi / Manuel de
Sumaya)
u 6.9. à 17h : CABARET FRIMOUSSE
u 8.9. à 20h30 : ENSEMBLE VOCAL DE
POCHE, MARGARET HARMER cloches
médiévales (Dialogue musical
William Byrd et Arvo Pärt)
u 9.9. à 20h30 : WERNER GÜRA ténor
& FABRIZIO CHIOVETTA, piano
(Schubert, Schumann)
u 10.9. à 17h : LEMANIC MODERN
ENSEMBLE, dir. William Blank.
MATTHIAS ARTER hautbois (Antignani,
Blank, Riparbelli, Benjamin)
a
g
o
u 10.9. à 20h30 : TRIO WANDERER
(Schubert)
u 11.9. à 20h30 : JAN LUNDGREN TRIO
& GRÉGOIRE MARET harmonica. Jazz
u 12.9. à 20h30 : CAMERATA ARMIN
JORDAN,
dir. Benoît Willman,
PHILIPPE CASSARD piano (Ibert,
Mozart, Schubert)
meyrin
THÉÂTRE FORUM MEYRIN
(loc. 022/989.34.34)
u 29 et 30.9. : LES PIÈCES DE NEW
YORK, chor. Angelin Preljocaj
u 29 et 30.9. : HISTOIRE SPRIRITUELLE
DE LA DANSE par David Wahl
mézières
THÉÂTRE DU JORAT à 20h, dim à 17h
(loc.
021/903.07.55
ou
[email protected])
u 4 et 5.9. : EN AVANT, MARCHE !,
m.e.s. Alain Platel et Frank van
Laecke, dir. musicale Steven
Prengels
u 13.9. : LA FÊTE AUX CHŒURS. Deux
spectacles dirigés par Dominique
Tille, l’un avec le Trio Nørn et
l'Ensemble vocal féminin Callirhoé,
l’autre avec le Boulouris 3+3 et le
chœur Voix de Lausanne
u 25.9. : YAEL NAIM, chanson
monthey
THÉÂTRE DU CROCHETAN à 20h
(loc. 024/471.62.67)
u Du 9 au 20.9. : POUR EN FINIR AVEC
LE JUGEMENT DE DIEU, m.e.s. RenéClaude Emery
u Du 25 au 27.9. : LA VERITÀ de et
m.e.s. Daniele Finzi Pasca
montreux
SEPTEMBRE MUSICAL 2015
Jusqu’au 10 septembre
(Réservation : 021/962.80.05, ou
TicketCorner, Fnac, ou réservation
en ligne : www.septmus.ch/fr/billetterie/)
u 1.9. : EUROPEAN PHILHARMONIC OF
SWITZERLAND, dir. John Fiore.
ALEKSANDR SHAIKIN, lauréat Concours
Géza Anda 2015, piano (Bernstein,
Gershwin, Schönberg). Auditorium
Stravinski à 19h30
u 2.9. : ALEKSANDR SHAIKIN, lauréat
Concours Géza Anda 2015, piano
(Mozart, Beethoven, Prokofiev).
Hôtel des Trois-Couronnes à 19h30
u 3.9. : EUROPEAN PHILHARMONIC OF
SWITZERLAND, dir. John Fiore. LUKAS
GENIUŠAS, lauréat XV Concours
Tchaikovsky, piano, GÉRARD CAUSSÉ,
e
n
alto
(Dvo ák,
Tchaikovski).
Auditorium Stravinski à 19h30
u 5.9. : EUROPEAN PHILHARMONIC OF
SWITZERLAND, dir. John Fiore. ANDREY
BARANOV, lauréat Concours Reine
Elisabeth
2012,
violon
(Mendelssohn-Bartholdy, Elgar).
Salle del Castillo à 19h30
u 6.9. : ORCHESTRE NATIONAL DE
FRANCE, dir. Emmanuel Krivine,
piano
BERTRAND
CHAMAYOU,
(Humperdinck, Saint-Saëns, Berlioz).
Auditorium Stravinski à 18h
u 7.9. : EUROPEAN PHILHARMONIC OF
SWITZERLAND, dir. et présentation
Philippe Béran, JOAN MOMPART, narrateur (Mendelssohn-Bartholdy,
Prokofiev). Auditorium Stravinski à
11h
u 7.9. : FRANK DUPREE, piano
(Schubert, Gershwin, Ravel).
Château de Chillon à 19h30
u 8.9. : ORCHESTRE FRANÇAIS DES
JEUNES, dir. David Zinman, JEANFRÉDÉRIC NEUBURGER, piano (Berlioz,
Beethoven, Brahms). Auditorium
Stravinski à 19h30
u 9.9. : FRANK DUPREE, piano, EDGAR
MOREAU, violoncelle (Brahms,
Schumann, Chostakovitch). Château
de Chillon à 19h30
u 10.9. : IVO POGORELICH, piano
(Liszt, Schumann, Stravinski,
Brahms). Salle del Castillo à 19h30
morges
THÉÂTRE DE BEAUSOBRE à 20h sauf
mention contraire
(loc. 024/471.62.67)
u 2.9. : L’ELIXIR D’AMOUR AVEC LE
LIVRE SUR LES QUAIS d’Eric-Emmanuel
Schmitt, m.e.s. Steve Suissa
u 29 et 30.9. : JEFF PANACLOC,
m.e.s. Jarry
thonon-évian
MAISON DES ARTS DU LÉMAN, Espace
Maurice Novarina à 20h30, sauf mention contraire (loc. 04.50.71.39.47 ou
en ligne : billetterie.mal-thonon.org)
u Jeudi 24 sept. à 20h à Cervens,
salle polyvalente & Vendredi 25
sept. à 20h à Messery, salle polyvalente : LE PLEURE-MISÈRE de Flann
O’Brien, m.e.s. Clara Simpson / Jeu :
Gilles Fisseau, Davog Rynne
u Mercredi 30 sept. à 20h : LA
DANSE DU DIABLE. Texte, m.e.s. et jeu
Philippe Caubère. Histoire comique
et fantastique
d
a
Saison musicale à la Grange au Lac
Evian-les-Bains
Saison musicale à la Grange au Lac
Evian-les-Bains
Saison mus
Evian-les-B
Musique classique à la Grange
Orchestre Philharmonique
de Baden-Baden
Musique
classique à la Grange
Judith Kubitz, direction
Maria Solozobova, violon
Tchaikovski, Sibelius, Beethoven
Orchestre Philhar
de Baden-Baden
Nathalie Stutzmann - Orfeo 55
Tchaikovski, Sibelius, Beethoven
Lumière et romantisme
Nicolas Chalvin, direction
Mozart, Schubert
Samedi 17 octobre à 20h
Nathalie Stutzmann
Orchestre des Pays de Savoie
Samedi 14 novembre à 20h
Choeurs et Solistes de Lyon
Samedi 2 avril à 20h
Samedi 14 novem
Samedi 12 décembre à 20h
Orchestre des Pays de Savoie
Samedi 16 jan
janvier
vier à 20h
Roger Muraro, piano
Samedi
maià à20h
20h
Samedi 21
4 juin
Mahler, Fauré, Brahms
Varsovie
vie romantique
Nicolas
olas Chalvin,
Chalvin, direction
direction
Mendelssohn,
Weinberg
endelssohn, Chopin, Weinber
W
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einber
Varsovie romantique
Nicolas Chalvin, direction
Mendelssohn, Chopin, Weinberg
Stephan Eicher
Les Arie antiche
Choeurs et Solist
Nathalie
Stutzmann,, contralto
et direction
Gary Hoffmann
violoncelle
Orfeo 55, orchestre de chambre Lumière et romantism
Claire
Scarlatti,Désert
Giordani,, piano
Caldara, Carissimi,...
Nicolas Chalvin, direct
Beethoven,
Mozart, Schubert
Samedi 5Brahms,
mars Schumann,
à 20h Bach
Gary Hoffmann, violoncelle
Orchestre des Pays de Savoie
Adrien La Marca,
Claire Désert, piano
Orchestre Symphonique de
Mulhouse L
Christian-Pierre
Beethoven, Brahms, Schumann, Bach
Nicolas
Nic
olas Chalvin et P
Patrick
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Davin,
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, direction
direction Danowi
Samedi
2¢Navril à 20h
%DUW´N'YRĔ¢N
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David Kadouch, pi
Samedi 21 mai à 20h
Entre Wroclaw et Evia
Orchestre des Pays de Savoie
Mahler,
Fauré, Brahms
Orchestre
Symphonique de
Mulhouse
HUMOUR / MUSIQUE
Samedi
Nicolas
MnozilChalvin
Brasset Patrick Davin, direction 12 décem
Samedi 12Danowicz
décembre
déc
embre
à 20h
Christian
, violon
David Kadouch, piano
Orchestre
Pays
e des P
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Savoie
Entre Wroclaw et Evian... Rencontres
Roger
Muraro
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o, piano
0 450 71 39 47
Nathalie
55
Samedi 5Stutzmann
mars à 20h- Orfeo
Orchestre des Pa
Nathalie Stutzmann
Lumière
Adrien et
Laromantisme
Marca, alto
Nicolas
Chalvin,
direction
Christian-Pierre
La Marca, violoncelle
Mozart, Schubert
Christian Danowicz, violon
Samedi 14 novembre à 20h
David Kadouch, piano
Entre Wroclaw
et Evian...
, alto Rencontres
Adrien
La Marca
Mahler,
Fauré,
Brahms
Christian-Pierre La Marca, violoncelle
S
tephan Eicher
Stephan
Maria Solozobova, vio
Les Arie antiche
Judith Kubitz, direction
Nathalie Stutzmann, contralto et direction
Tchaikovski, Sibelius, Be
Orfeo 55, orchestre de chambre
Samedi 17 octob
Scarlatti, Giordani, Caldara, Carissimi,...
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Yes
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Orchestre des Pa
Roger Muraro, pia
Chanson, jazz à la GrangeYes Yes Yes
Varsovie romantique
Nicolas Chalvin, direct
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Chanson, jazz à la Grange
Chanson, jaz
HUMOUR / MUSIQUE
Mnozil Brass
Samedi
janvier
à 20h 5 déc
Samedi 16 janvie
Samedi
4 juin à 20h
Gregory16
Porter
. Samedi
décembre
embre
à 20h30
vril à 20h30
Stephan Eicher . Samedi 16 aavril
Stephan
Vendredi
endredi 28 mai à 20h30
Chucho Valdés
Valdés and the A
fro-Cuban Messenger
Messenger . V
Afro-Cuban
ch ©
Armando
Simon F
Fowler
owler / Roch
Roch Armando
Nathalie Stutzmann
Orchestre
Samedi 17Philharmonique
octobre à 20h
de Baden-Baden
Maria
Solozobova,
violon de Savoie
Orchestre
des Pays
Judith
Kubitz,
direction
Choeurs et Solistes de Lyon
Musique cla
Gregory Porter . Samedi 5 décembre à 20h30
Gregory Porter .
Stephan Eicher . Samedi 16 avril à 20h30
Stephan Eicher .
mai à 20h30
Chucho Valdés and the Afro-Cuban
Messenger . Vendredi 28Chucho
Valdés a
Stephan Eicher
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