En réalité, le débat est plus large : si sa

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l’Empire
Ottoman
la construction d’un empire inachevé
La candidature de la Turquie
à l’entrée dans l’Union Européenne
dépend officiellement
de la pratique démocratique
et de l’attitude d’Ankara
dans les domaines
des droits de l’homme
et des minorités.
En réalité, le débat est plus large :
si sa candidature était retenue, la Turquie deviendrait le premier
État musulman d’une Union, certes laïque, mais dont les membres sont tous
des pays chrétiens. Et puis la Turquie est-elle ou non européenne ?
La question se pose par la géographie, par la culture, mais surtout par l’histoire.
(d'après "le Dessous des Cartes" – sept. 2004)
le Sultanat seldjoukide
au XIIIe siècle
L'histoire des Ottomans commence au début du XIIIe siècle.
Face à Byzance (en beige sur la carte), le sultanat des Seldjoukides (en vert sur la carte),
qui domine le monde musulman depuis le Xe siècle,
se trouve fragilisé par les invasions mongoles (flèches rouges sur la carte)
et par des querelles de succession.
la Naissance
des Ottomans
Les petits émirats d'Asie mineure peuvent ainsi acquérir leur autonomie,
et parmi eux, une petite tribu turcomane, chassée d'Asie centrale par l'avancée des Mongols,
et installée au nord de l'Anatolie. C'est la tribu des Osmanlis (en orange sur la carte),
du nom de leur chef, Osman, et qui donnera son nom à la dynastie naissante des Ottomans.
Comme les autres émirats, elle s'engage dans la lutte contre l'empire chrétien des Byzantins.
la Première
extension
À la mort d'Osman, son fils Orkhan reprend l'offensive contre les Byzantins.
En 1326, il prend possession de la ville de Brousse faisant d’elle la première capitale de l'État.
Par la suite, il enlève le littoral le long de la Mer de Marmara
si bien qu'il dispose d'une position stratégique face aux Byzantins de Thrace, et face à l'Europe.
A la conquête
de l’Europe
En 1344, les Byzantins sont contraints de faire appel aux Ottomans
pour faire face à la menace, à l’Ouest, de la Serbie de Duchan.
Ainsi, les Ottomans s'établissent à Gallipoli et prennent pied en Europe
avant de se lancer à la conquête des Balkans.
A la conquête
de l’Europe
De plus, Orkhan lance des réformes qui servent de bases au futur empire.
Il crée une administration centralisée, le diwan, placée sous l'autorité d'un Grand Vizir ;
et un corps d'élite pour son armée formé de jeunes garçons chrétiens enlevés, puis envoyés
dans des familles en Anatolie où ils sont islamisés, "turquisés", et instruits au métier des armes.
Ce sera le corps des Janissaires.
Sous
Murad Ier
Avec la conquête des territoires des Karamanides en Anatolie, le successeur de Orkhan,
Murad Ier, va élargir l'empire vers l'Est.
En Europe, il conquiert Andrinople en 1363, la Macédoine, la Thrace orientale, et la Bulgarie
avant de vaincre les Serbes à la bataille de Kosovo Polje en 1389.
Cette bataille dite du "champ des merles" est importante, car fondatrice de l'identité nationale serbe.
la Victoire
sur les Hongrois
En 1393, le roi Jean Sigismond de Hongrie lève la plus grande armée chrétienne jamais réunie
pour repousser les musulmans hors d'Europe.
Français, Anglais, Allemands, Italiens se joignent aux armées hongroises
mais la bataille de Nicopolis en 1396 se solde par l'écrasement des croisés par les Turcs.
la Victoire
sur les Hongrois
La supériorité ottomane s'explique par la combinaison de plusieurs facteurs :
l'artillerie, les chevaux, la discipline, l'encadrement, le sens du plan de bataille
et la démographie.
les Difficultés
face aux Mongols
Si les Ottomans dominent l'empire byzantin,
leur seule menace reste les Mongols sur leur flanc oriental.
Car le 20 juillet 1402, les troupes ottomanes sont vaincues par Tamerlan, le chef mongol,
et le sultan Bayezid Ier est fait prisonnier.
les Difficultés
face aux Mongols
Mais malgré cette défaite et les guerres de succession au sommet de l'État,
les Ottomans relancent leurs expéditions dès 1412.
Le sultan Mehmed Ier reprend l'Anatolie aux Karamanides,
et en 1421, Murad II repart à la conquête de l'Europe par les Balkans.
la Conquête
de Constantinople
La prise de Constantinople, le 29 mai 1453, symbolise la fin de l'Empire byzantin,
le rapprochement politique entre l’Asie et l’Europe,
et la victoire de l'islam sur la chrétienté d'orient.
la Conquête
de Constantinople
C'est donc la consécration d'un empire ottoman dont la plupart des dynasties européennes
deviennent soit vassales, soit partenaires commerciaux tributaires.
Constantinople devient la capitale de l'Empire Ottoman,
les Turcs la nomment dès lors Istanbul.
l’Élargissement
de l’Empire
Les Ottomans élargissent leur empire en achevant la conquête des Balkans, de l'Anatolie,
et en prenant pied au Nord de la mer Noire, sur le khanat de Crimée.
En 1516, ils conquièrent la Syrie et la Palestine, et en 1517, ils enlèvent l'Égypte aux Mameluks.
Mais, avec la conquête du Hedjaz et des villes Saintes de La Mecque et de Médine,
le Sultan ottoman devient désormais le "Commandeur des croyants".
l’Empire
à son apogée
Sous Soliman II, dit Soliman le Magnifique
(ou al- Kanouni, c'est-à-dire l'homme du droit),
l'Empire Ottoman connaîtra son extension maximale.
Il prend aux chrétiens Rhodes, puis Belgrade (en 1521) ;
et une large part de la Hongrie (en 1526) et de la Transylvanie.
l’Empire
à son apogée
La flotte ottomane, avec l'aide des corsaires,
s’impose en Méditerranée orientale et en mer Noire.
Elle parvient non seulement à tenir l'armada espagnole éloignée des territoires ottomans,
mais aussi à s'emparer des "pays barbaresques"
c'est-à-dire l'Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine.
Charles Quint
et Soliman le Magnifique
A l’époque où Charles Quint est empereur des deux mondes,
Soliman le magnifique lui dispute la suprématie en Europe,
jusqu'à conduire ses troupes aux portes de Vienne qu'il assiège en 1529.
Soliman le Magnifique
et François Ier
Soliman II est un stratège,
il cherche et trouve une alliance avec François Ier.
Soliman,
l’homme d’État
A Constantinople, sur un promontoire dominant à la fois Bosphore, mer de Marmara et Corne d'Or,
Soliman fait construire "le palais de la porte du Canon", Topkapi
où les réunions du Diwan (c'est-à-dire le conseil du gouvernement) examinent les lois
qui permettent à l'administration de réglementer la vie des provinces,
en veillant à ce que les populations gardent leur liberté de culte.
Soliman,
l’homme d’État
L'administration du Grand Vizir enregistre les revenus de l'État
qui proviennent d'un système fiscal à la fois sophistiqué et consigné.
la Richesse
du commerce
L’empire tire également ses ressources du commerce
qui transite entre la Méditerranée, l'Océan Indien et l’Europe.
Du Moyen-Orient, les compagnies de commerce rapportent du blé, et des épices vers l'Europe ;
en sens inverse, l'Empire Ottoman devient le principal débouché
des biens manufacturés de l'industrialisation occidentale (comme pour le textile).
Soliman,
le sultan des arts
Le règne de Soliman est tout aussi marquant pour les arts :
les mosquées, les palais, la littérature, les oeuvres de Sinan, les miniatures,
sans oublier la ferveur religieuse du peuple turc
qui se voit alors comme le défenseur de l'orthodoxie islamique.
la Fin
d’une gloire
Au milieu du XVIe siècle, l'empire ottoman est alors à son apogée :
en Afrique, en Europe, et en Asie.
Mais les choses vont basculer progressivement à partir de la fin du XVIe siècle.
le Recul des Ottomans
face à la Sainte Ligue
Les défaites face aux chrétiens en Moldavie, en Hongrie,
et surtout à Lépante, en octobre 1571,
montrent les premières faiblesses.
Les Ottomans sont vaincus par la flotte coalisée de la Sainte Ligue
qui réunit l'Espagne, Venise et le Saint-Siège.
la Perte
du commerce maritime
Avec le contrôle de la route des Indes par les Portugais,
le commerce maritime rapporte désormais moins d'argent aux Ottomans.
les Problèmes
intérieurs
Des querelles de succession à la tête du sultanat,
des rébellions au sein de l'armée, la corruption d'une administration qui se délite,
un net retard sur les Européens pour moderniser l'économie
et la forte dévaluation de la monnaie entraînèrent
des difficultés économiques et des révoltes dans des provinces du territoire européen de l'Empire.
les Pertes territoriales
en Europe
En 1683, les Ottomans sont battus à Vienne,
ils perdent la Hongrie, la Transylvanie et la Podolie, avec le Traité de Karlowitz en 1699.
Puis avec le traité de Passarowitz en 1718,
ils cédèrent le Nord de la Serbie et la Valachie occidentale.
le Recul
face aux Perses
La situation se renverse face aux Perses chiites
qui reprennent plusieurs provinces.
les Pertes
face aux Russes
Les Russes prennent le contrôle de la Crimée et d'une partie du littoral de la Mer Noire.
C’est le début de ce qu’on a appelé “la Question d'Orient”,
car pendant plusieurs décennies,
cette question va désigner les rivalités russes et européennes sur l'Empire ottoman.
les Conquêtes russes
Tout le long du XVIIIe siècle, la Russie poursuit la formation de son propre Empire,
elle veut accéder aux mers chaudes et aux détroits ouvrant sur la Méditerranée,
ce qui l'amena à vouloir s'emparer des terres ottomanes.
Au terme de la guerre russo-ottomane de 1768-1774,
les Ottomans furent contraints d’accepter le Traité de Kütchük-Kaynardji.
l’Inquiétude
des Anglais
L'annexion de la Bessarabie en 1812 par la Russie
commence à préoccuper sérieusement les Britanniques
face à un éventuel contrôle russe sur le Bosphore et les Dardanelles.
En effet, les Anglais veulent protéger leur route des Indes,
en contrôlant la péninsule Arabique et l’Égypte.
l’Indépendance
de la Grèce
Selon l'expression du Tsar Nicolas Ier, l'Empire ottoman est "l’homme malade de l'Europe".
L’Empire se disloque un peu partout.
Dans les Balkans, la répression des Ottomans ne fait qu'attiser les nationalismes régionaux
où l'on voit poindre l'idée de nation.
La Conférence de Londres finira d’ailleurs par reconnaître en 1830 l'indépendance de la Grèce.
le Traité
de San Stefano
Des conflits éclatent vers 1870 en Bulgarie, en Serbie, en Bosnie, et en Roumanie.
Mais le traité de San Stefano en mars 1878
confirme l'émergence des puissances orthodoxes dans les Balkans.
le Recul définitif
en Europe
En septembre 1878, les grandes puissances se réunissent à Berlin
pour procéder à une redistribution territoriale au détriment de l'Empire ottoman.
le Recul définitif
en Europe
La Serbie, le Monténégro et la Roumanie deviennent indépendantes ;
un Royaume de Bulgarie est créée ;
la Grèce annexe la Thessalie et une partie de l'Épire ;
l'Autriche occupe la Bosnie et l'Herzégovine ; l'Angleterre obtient l'île de Chypre ;
et la Russie gagne les régions de Kars, d’Ardahan et de Batoum.
l’Émancipation
de l’Égypte
L'Égypte devient autonome grâce à Mehmed Ali qui se fait proclamer gouverneur.
De plus, ce dernier s'imposer au Hedjaz, en Arabie et au Soudan.
le Morcellement de l’empire
par la France, l’Angleterre et l’Italie
En 1869, l'ouverture du canal de Suez est un symbole de plus
de la perte de souveraineté ottomane sur la région.
le Morcellement de l’empire
par la France, l’Angleterre et l’Italie
En effet, le canal est construit et contrôlé par des capitaux français puis anglais,
et les Ottomans ne retirent rien de cette nouvelle voie commerciale majeure.
Quant en l’Afrique du Nord,
la France prend pied en Algérie en 1830, puis en Tunisie,
alors que les Italiens débarquent en Tripolitaine en 1891.
l’Impérialisme
européen
Dès la fin du XIXe siècle, les Ottomans sont vaincus.
Les réformes lancées pour moderniser le sultanat et son administration sont bien trop tardives,
et la domination occidentale est nette dans les secteurs scientifique et industriel.
De plus, l'Etat Ottoman dépend de la "banque ottomane", certes à capitaux turcs,
mais surtout à capitaux franco-anglais.
l’Impérialisme
européen
Les Ottomans sont donc endettés et contraints de céder aux Européens
des concessions sur l'exploitation des ressources,
la construction des routes, la gestion du chemin de fer de Bagdad,
et l'exploitation des premiers gisements pétroliers.
le Démantèlement
de 1914-1918
En raison de l’alliance entre les Ottomans et les Allemands pendant la première guerre mondiale,
du génocide arméniens en 1915,
et de la découverte de gisements de pétrole, la Grande-Bretagne et de la France
vont soutenir les mouvements nationalistes arabes
mais aussi négocier un partage de la région à travers l’accord Sykes-Picot en 1916.
le Démembrement
de l'Empire
Les accords de Sèvres du 10 août 1920 oblige l’Empire : à créer un État arménien,
à accorder l’autonomie aux Kurdes, à céder la Thrace et la région de Smyrne à la Grèce, .
à placer les nations arabes sous mandat de la Société Des Nations
qui les confie à la France et à la Grande-Bretagne,
et à perdre le contrôle des Détroits qui sont désormais internationaux.
l’Arrivée
de Mustafa Kemal
Face à l'impuissance d'Istanbul pour résister au dépeçage du territoire ottoman,
un officier ottoman, Mustafa Kemal, décide d'organiser l'indépendance de la Turquie.
Il est soutenu par la classe politique et par une population humiliée.
Il fonde un gouvernement à Ankara,
il rejette les clauses du traité de Sèvres et il reprend le combat.
la Reconquête
de territoires
Les troupes turques, en 1921, reprennent Kars et Ardahan à l'Arménie,
ainsi que la Cilicie au Sud.
la Renégociation
des accords de Sèvres
Les troupes turques chassent les Grecs d'Anatolie en 1922.
Un armistice est conclu en octobre de la même année,
et le traité de Lausanne est signé en juillet 1923,
fixant ainsi les frontières actuelles de la Turquie.
la Renégociation
des accords de Sèvres
Par ce traité, les Turcs reconnaissent l'indépendance des anciennes provinces arabes,
ils procèdent à l'échange des populations turques de Grèce avec les Grecs d'Anatolie,
et ils mettent fin à la création d’un État arménien et d’un État kurde
comme il était prévu dans les accords de Sèvres.
la Création
de la Turquie
Le sultanat et l'Empire ottomans disparaissent définitivement le 29 octobre 1923
avec la proclamation de la République laïque de Turquie :
sa capitale est Ankara,
et son premier président de la république est Mustafa Kemal.
Ce survol est trop rapide, pour
une histoire militaire et diplomatique
extrêmement complexe.
Mais cette combinaison entre
guerre, occupation, religion,
pétrole, humiliation des peuples
en rappelle une autre :
les Balkans hier,
le Proche et le Moyen-Orient
aujourd'hui...
Comme si le puzzle de l'ex-Empire Ottoman n’en finissait pas
de se défaire et de se refaire.
La connaissance de l'histoire donne un sens très particulier à l'hypothèse de
l'entrée de la Turquie en Europe.
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