les partis cultivent leur fibre économique - HPC

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GRAND LILLE 3
MERCREDI 10 FÉVRIER 2010
POLITIQUE Patrons et salariés nordistes jugent un thème phare de la campagne électorale
LES PARTIS CULTIVENT LEUR FIBRE ÉCONOMIQUE
OLIVIER ABALLAIN
Il est en tête
de liste de tous
les programmes aux régionales : le développement
économique est le chouchou des candidats. « C’est normal, quand on voit les
indicateurs économiques la région est
pratiquement tout le temps en bas. Ça
donne envie de tout changer », explique
Anne Wattel, candidate du Nouveau
parti anticapitaliste dans le Nord.
Tout changer, ce n’est quand même pas
l’ambition de tout le monde. A commencer par la majorité sortante (socialistes,
radicaux et citoyens) : assis sur son
bilan, le président du conseil régional,
Daniel Percheron, préfère parler de
« région bouclier social », notamment
pour aider les salariés licenciés à se
reclasser. Pierre de Saintignon, son
vice-président, veut poursuivre l’effort
de création d’entreprises, et promet
3 000 emplois dans « l’économie sociale
et coopérative ».
Nouvelles filières
Leur adversaire, Valérie Létard, elle, va
plus loin. La tête de liste UMP-NC joue
sa carte de secrétaire d’Etat pour promettre « 10 000 emplois en quatre ans »
dans les métiers de la « croissance
verte », dont la moitié dans le BTP.
« Mieux vaut aider
les boîtes innovantes
que sauver les canards
boiteux. »
DR
PHILIPPE HOURDAIN
PDG de Adlis-HPC
(55 emplois à Templemars).
« Moi, j’irai voter, parce
que je pense qu’à force
la majorité peut peser
dans les décisions. »
DR
JOËLLE SKARJA
Déléguée du personnel
chez Pimkie.
« L’erreur de la
campagne électorale,
serait de s’enfermer
sur ce territoire. »
DR
SYLVAIN BREUZARD
PDG de Norsys
(200 emplois à Ennevelin).
F. PERRY / AFP
« Les politiques doivent
veiller à ce que l’on ne
soit pas seulement une
unité de production. »
JEAN-PIERRE DELANNOY
Responsable régional
de la CGT Métallurgie.
Mais, ces nouvelles filières ne convainquent pas encore Alain Bocquet, chef
de file du Front de gauche. « Nous sommes une région de tradition industrielle.
Plutôt que de laisser les industries régresser, renforçons-les en finançant
massivement de véritables pôles de
compétitivité autour de la construction
automobile. »
Le contraire du programme d’Europe
Ecologie, qui, de son côté, veut « changer de modèle » en réorientant les aides
régionales pour « préparer notre économie aux activités de l’après-pétrole ».
C’est la véritable recette de tous les
candidats : quand on n’a pas de pétrole,
on a des idées. W
W INDICATEURS
Avec 12,6 % de chômage fin 2009,
la région se classe au 21e rang
national sur 22. Mais tous les
indicateurs ne sont pas au rouge
vif. Quatrième région française
pour son PIB, le Nord-Pas-deCalais a vu son produit par
habitant progresser de 27,6 % de
1990 à 2008 : seules la Corse, la
Bretagne et les Pays de la Loire
ont fait mieux. Et les Nordistes
se sont hissés au 8e rang national
pour les créations d’entreprises
en 2009, avec 24 085 créations.
En cette période de crise, je suis avec
beaucoup d’attention les débats sur le
développement économique de la région. Je crois que le conseil régional a
vraiment un impact dans ce domaine.
On l’a vu les années passées, il y a eu
une impulsion très importante sur l’innovation, la volonté de rapprocher les
entreprises et les universités. Et le
Nord-Pas-de-Calais est quand même
au carrefour de l’Europe, c’est une collectivité qui compte, avec ses 4 millions
d’habitants. Ce qu’il faudrait encore
améliorer, c’est la lisibilité des aides : il
y en a beaucoup, mais le processus est
compliqué. Ce n’est pas très politiquement correct, mais je pense qu’il serait
bon d’aider encore plus les boîtes innovantes, plutôt que d’essayer de sauver
des canards boiteux. W
Je ne sais pas si les élus ont vraiment
du pouvoir face aux grandes entreprises.
Lors du conflit chez Pimkie, on a eu des
promesses, il y a eu des déclarations.
La région allait être vigilante sur les
plans de formation, etc. Mais, après le
conflit, les salariés se retrouvent seuls,
ils doivent se débrouiller. Je pense que
les politiques servent de relais, ils essaient d’attirer des entreprises, mais ils
ne peuvent pas vraiment les affronter.
Ils sont déjà très contents qu’un grand
groupe économique s’intéresse à leur
ville, à leur territoire. Moi, j’irai voter,
parce que je pense qu’à force la majorité
peut peser dans les décisions. C’est à ça
que ça sert les élections régionales. J’ai
vingt-deux ans d’ancienneté, je veux que
les entreprises partagent leurs bénéfices avec les salariés. W
Pour moi, la région fait partie des trois
institutions, avec l’Europe et les communautés urbaines, qui peuvent réellement avoir une action économique
efficace. Dans un secteur technologique
comme le nôtre, on a vu l’effet du soutien régional à l’innovation et à la recherche. C’est un facteur déterminant
sur le plan économique, même si les
effets ne se voient qu’à moyen terme.
Mais, il faudrait de plus grandes régions
en France. Quand vous êtes face à Milan,
à Barcelone ou aux régions allemandes
dans les appels à projets internationaux,
vous ne faites pas le poids. L’erreur de
la région, et de la campagne électorale,
serait de s’enfermer sur ce territoire.
Regardons Paca, Rhône-Alpes, les Pays
de la Loire, ce sont des régions qui prennent un poids considérable. W
Laisser croire que l’on peut régler des
questions économiques liées à l’international par le prisme régional, ce n’est
pas honnête. Que l’on fasse pression
sur les entreprises pour qu’elles respectent leurs engagements, oui, mais
il ne faut pas espérer beaucoup plus.
Pour que la région s’en sorte, il faut
maintenir une dynamique et préserver
les emplois industriels. Mais, par des-
sus tout, les politiques doivent veiller à
ce que l’on ne soit pas seulement une
unité de production, sans aucun pouvoir
décisionnel. On le voit bien avec Total :
quand un grand groupe multinational
décide de fermer une unité, on n'a plus
rien à dire. Dans le domaine ferroviaire,
c’est pareil. Il faut éviter que Bombardier et Alstom délocalisent les cerveaux
et les études. W
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