Ouestaf.com Tel: (221) 33 824 17 20 Fax: (221) 33 824 00 27 Email: [email protected] Site web: www.ouestaf.com Edité par ACC L’EDITO de H. Tidiane SY* Un aveu : ce fut laborieux, ce fut coûteux, mais surtout que ce fut motivant et exaltant ! Au finish, le tout premier Forum Ouestaf organisé sur le thème de « l’entreprenariat social » et « Les Cahiers du Forum Ouestaf », que vous avez sous les yeux et qui en sont le prolongement. Il en sera ainsi désormais de manière épisodique: un Forum sous forme de débat public pour discuter d’une problématique et les Cahiers pour approfondir la réflexion par des contributions écrites, partager les idées débattues et élargir le cercle des participants. Pour les « Amis du Forum », il peut s’agir d’une nouveauté. Pour nous, ce n’est qu’une simple continuité : celle du travail entamé il y a bientôt deux ans, par la création du site web Ouestaf.com et de l’agence de presse « en ligne » Ouestafnews qui l’accompagne. Derrière tous ces projets, qui en réalité n’en forment qu’un, un objectif et une ambition : diffuser et partager l’information et le savoir sans lesquels L’Afrique –ni aucune société du reste ne peut compter se développer, plus encore en ce XXIème siècle. Lorsque nous lancions Ouestaf, pour offrir une plateforme d’information avec une perspective toute africaine – loin des clichés et des prismes déformants -, nous étions mus par la volonté, d’apporter notre petite contribution citoyenne à la construction de nos nations, de notre continent. En cela nous étions inspirés par d’autres qui avant nous – et parfois dans des conditions plus difficiles - ont fait bien plus, se sont donné corps et âme à l’idéal panafricain et à l’édification d’une Afrique libre et prospère. Pour nous c’est bien de cela qu’il s’agit. Permettre à l’Afrique et aux Africains de saisir les enjeux du monde contemporain pour mieux faire face aux défis. Bonne lecture *Hamadou Tidiane SY est le fondateur d’Ouestaf Les cahiers du Forum Ouestaf Bulletin gratuit des Amis du Forum orum N°001, Mai - Juin 2008 Afrique terreau fertile pour l’entreprenariat social L’Afrique constitue un terreau fertile pour l’entreprenariat social. C’est l’une des principales conclusions des experts qui ont animé le 17 mai dernier un panel à l’invitation l du Forum Ouestaf sur le thème « Entreprenariat social : une perspective africaine afric ».(Lire le compte rendu en page2). page2) Ce premier numéro des cahiers du Forum Ouestaf, Ouestaf continue la réflexion et approfondit le débat. A propos de textes… N’y a-t-il a pas lieu de promouvoir une réglementation de « l’entreprise sociale » dans le cadre de l’OHADA pour faire conformer son éventuel statut « d’entreprise » et sa finalité sociale ? Le juriste M Ndao pose le débat. Lire page 8 Du concept à la pratique en Afrique Faire le bond du social à l’économie marketing L’entreprenariat social reconfigure la fonction de production des entreprises et s’impose dans les stratégies marketing comme nouveau créneau à exploiter estime l’universitaires I.Dankoco. Lire page 4 L’Africain et la notion d’entreprise Les italiens, comme les américains, les anglais et les français définissent l’entrepreneuriat social de manière relativement différente en Afrique la réflexion ne fait que s’amorcer selon EL.H.Diouf spécialiste de l’analyse économique. économique Lire page 7 Le point de vue le plus récurrent et qui mérite, la plus grande attention est celui du défaut de « culture entrepreneuriale » que présentent nos sociétés. sociétés C’est ce que pense la consultante en Communication M. Tall. Lire page 3 Sommaire L’Afrique : terreau fertile pour entrepreneurs sociaux……………...................Page sociaux…………….. 2 Et notre pouvoir d’entreprendre ?.......................................................Page 3 Du social à L’économie.....................................................................Page 4 Et l’école dans tout ça !....................................................................Page ....................................................................Page 6 Entreprenariat social en Afrique de l’Ouest...........................................Page 7 Le cadre normatif en question............................................................Page question........................................................... 8 www.ouestaf.com Le n°1 de l’information Ouest Africaine Le Cahier du Forum Ouestaf Page 2 sur 8 Afrique terreau fertile pour l’entreprenariat social Par Assane Diagne* L'universitaire sénégalais Ibrahima Samba Dankoco estime que l'Afrique est un ‘'champ sur lequel on peut expérimenter l'entreprenariat social avec des offres au vrai sens du terme'' pour relever le défi du développement du continent. Les modèles en cours ne prennent pas en compte l'Afrique qui représente moins de 2 pour cent des échanges internationaux. Mamadou Khoulé Modérateur des débats De nouvelles offres devraient être inventées pour exploiter le marché africain'' qui fait près de 800 millions d'habitants, a dit le professeur Dankoco, enseignant à l'Université Cheikh Anta Diop. Ibrahima Samba Dankoco participait samedi à Dakar au premier Forum Ouestaf sur le thème : ‘'Entreprenariat social : quelle perspective pour l'Afrique ? Relevant que l'entreprenariat social est ‘'un concept nouveau dont les contours ne sont pas encore clairement définis'', le professeur Dankoco a indiqué qu'il cherche à ‘'réhumaniser les rapports économiques'' et à ‘'trouver de nouvelles opportunités'' pour l'économie ; Il a cité le cas de la Société nationale de télécommunications (SONATEL) au Sénégal avec le système de recharge Seddo qui met le téléphone à la portée des usagers à faibles revenus. ‘’Ce que la SONATEL a réussi, les banques ne l'ont pas encore réussi, parce que le taux de bancarisation tourne autour de 6 pour cent au Sénégal’’ ‘'L'entreprenariat social a mené vers l'émergence du marketing moderne. Toute entreprise africaine qui ne prend pas en compte le faible revenu Le 17 Mai 2008 s’est tenue à Dakar la première édition du « Forum Ouestaf » sur le Thème « Entreprenariat Social : quelle perspective pour l’Afrique ». Le panel était composé d’El Hadj Alioune Diouf, spécialiste de l’analyse économique, professeur à L’Ecole National d’Administration (ENA) et fin connaisseur du Commerce International. A ses cotés Ibrahima Samba Dankoco Professeur agrégé des des populations africaines va vers des difficultés'', a-t-il averti. ‘'L'entreprenariat social ne doit pas être réduit à la micro-entreprise ou à l'économie sociale ou à l'économie solidaire'', a-t-il souligné, avant de préciser que ‘'l'orientation sociale n'est pas toujours présente pour ce qui est de la micro-entreprise''. ‘'Il ne s'agit pas uniquement de régler des problèmes sociaux. L'entreprenariat social doit permettre de gérer des aspects économiques. Il y a une sorte d'antinomie entre le caractère social et le caractère économique'', a-t-il fait valoir. L'entreprenariat social basé sur une éthique sociale s'oppose à l'entreprenariat économique basé sur une éthique économique'', a dit le professeur Dankoco pour qui l'entrepreneur social ‘'peut aller là où l'entrepreneur économique est incapable d'aller. C'est un faiseur de miracles''. Il a ainsi cité l'exemple de l'inventeur du "café Touba", qui a mis le café la portée des petites bourses, en plus d'avoir créé des emplois. Dans le domaine du commerce, son activité consiste, entre autres, à ‘'fractionner l'offre pour la mettre à la disposition des populations, pour atteindre les segments les plus faibles de la société. Pour sa part, El Hadji Alioune Diouf Économiste et enseignant à l'Ecole nationale d'administration (ENA) a invité à faire la distinction entre ‘'entreprenariat économique et entreprenariat social, affirmant que ‘'pour l'entrepreneur social, la finalité c'est le développement social, tandis que pour l'entrepreneur économique, la finalité c'est le profit, sous entendu les bénéfices financiers. Rejoignant le professeur Dankoco, M. Diouf expert en relations commerciales internationales a soutenu que l'accès aux marchés des pays développés ‘'n'est pas la bonne stratégie'' pour le développement de l'Afrique. Selon lui, ‘'la bonne stratégie, c'est le développement du marché intérieur africain''. Quant à Coumba Touré, représentante en Afrique de l'ouest de l'ONG internationale Ashoka qui cherche à promouvoir l'entreprenariat social dans le monde, elle a défendu que ‘'quand on parle d'entrepreneurs sociaux, on ne peut pas se fixer sur un thème particulier''. culier''. Les solutions des entrepreneurs sociaux vont au-delà au des solutions qui ont été apportées avant. Sans l'aide extérieure et sans aide financière, ‘'ils apportent la preuve qu'il est possible d'avoir des solutions endogènes et durables. Ils ont une vision claire de comment faire pour trouver des solutions durables'', a soutenu Coumba Touré. Universités enseignant à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) de l’UCAD. Ce spécialiste du marketing enseigne également dans quelques autres universités du monde. Enfin il y’avait Madame Coumba Touré Représentante régionale de ASHOKA Sahel une organisation qui identifie et soutien des innovateurs sociaux. Quelques dizaines de personnes étaient présentes, parmi lesquelles des représentants diplomatiques des pays pa de l’Afrique de l’Ouest, des étudiants, des chercheurs des journalistes, et de simples observateurs… Pendant environ 3 heures d’horloge d’ panélistes listes et participants ont eu des échanges riches ri et animés sur un thème jusque là peu effloré. Hormis la sono par moments défectueuse de la salle du Café de Rome les participants ont, à l’unanimité, apprécié la bonne organisation de l’événement. l’événement Images de quelques participan ts aux débats ‘'Nous ne voyons pas l'entreprenariat dans le sens traditionnel du terme. Chez nous le profit est social, il se mesure à travers l'impact social'', a précisé pré Mme Touré. Lors du débat qui a suivi, plusieurs questions ont été soulevées par le public dont notamment celle de l'existence ou non d'un "cadre normatif" qui réglementerait l'entreprenariat social, la prise en compte des réalités culturelles africaines, africain la question de l'intégration dans les programmes d'enseignement de cette nouvelle discipline déjà largement enseignée en Europe et en Amérique du Nord, y compris par les universités les plus prestigieuses. *Journaliste APS Page 3 sur 8 Le Cahier du Forum Ouestaf Croire en notre pouvoir d’entreprendre Professeur Malick Ndiaye Participant aux débats Par Minielle Tall* Il était temps que l’espace public sénégalais (et africain) se saisisse enfin d’un concept que le Monde entier (ou presque) a sur le bout des lèvres : l’entreprenariat social ! Entrevue comme une solution aux problèmes variés et aux multiples crises que connaissent le Monde et l’Afrique – qui à défaut d’en être l’épicentre n’y échappe guère - il était somme toute crucial qu’un débat opposant opinions favorables et grands sceptiques soit organisé. Entre ceux qui voudraient pouvoir, pour simplifier les choses, rattacher davantage le concept d’entreprenariat social à celui d’Economie sociale (qui est peut être un peu mieux circonscrit mais ne fait pas assez état de la notion d’inventivité et d’innovation qui caractérisent les entrepreneurs sociaux) et ceux qui doutent que ce concept soit réellement une solution transférable au contexte (archi complexe) africain, il y a forcément des opinions à recadrer et des arguments à détailler. Le point de vue le plus récurrent et qui mérite, à mon avis, la plus grande attention c’est sans doute celui du défaut de « culture entrepreneuriale » que présentent nos sociétés trop enclines à décourager la moindre initiative détonante. Nous ne nous faisons pas assez confiance, et c’est peut-être Il était temps que l’espace public sénégalais (et africain) se saisisse enfin d’un concept que le Monde entier (ou presque) a sur le bout des lèvres : l’entreprenariat social ! Entrevue comme une solution aux problèmes variés et aux multiples crises que connaissent le Monde et l’Afrique – qui à défaut d’en être l’épicentre n’y échappe guère - il était somme toute crucial qu’un débat opposant opinions favorables et grands sceptiques soit organisé. Entre ceux qui voudraient pouvoir, pour simplifier les choses, rattacher davantage le concept d’entreprenariat social à celui d’Economie sociale (qui est peut être un peu mieux circonscrit mais ne fait pas assez état de la notion d’inventivité et d’innovation qui caractérisent les entrepreneurs sociaux) et ceux qui doutent que ce concept soit réellement une solution transférable au contexte (archi complexe) africain, il y a forcément des opinions à recadrer et des arguments à détailler. Le point de vue le plus récurrent et qui mérite, à mon avis, la plus grande attention c’est sans doute celui du défaut de « culture entrepreneuriale » que présentent nos sociétés trop enclines à décourager la moindre initiative détonante. Nous ne nous faisons pas assez confiance, et c’est peut-être ce qui nous pousse, en matière de développement global comme pour autre chose, à chercher ailleurs, les réponses aux problèmes d’ici. Et c’est pourtant là que la débrouillardise légendaire des Africains pourrait trouver une légitimité puisque le concept d’entreprenariat social stipule – implicitement - que tout individu qui, dans une situation ou ni le privé ni le public n’a pu fournir de réponses adéquates, a proposé une alternative qui profite à la communauté entière, peut être affublé du qualificatif « d’entrepreneur social ». Petite illustration. Souvenez-vous dans les années 90, de ces artisans sénégalais qui, à partir de boîtes de conserves qu’aucune entreprise de recyclage ne pouvait trier (puisqu’il n’y en a jamais eue), se sont mis à confectionner de drôles de malles et mallettes dont les locaux ne voulaient pas (autre illustration du défaut de croire en soi) mais qui faisaient le bonheur des touristes et autres étrangers de passages dans la capitale. Ces hommes avaient assurément, bien avant la vague «écolo » qui secoue la planète aujourd’hui, trouvé une réponse qui, si elle avait été mieux valorisée par l’Etat (ou le grand secteur privé) aurait pu leur mériter les lauriers de nombreux groupes écologiques. Ce type d’initiatives marginalisées mais qui pourtant apportent une réponse efficace aux préoccupations communautaires sont légion dans ce continent que l’on dit honteusement pauvre ! Face à une méconnaissance de nos propres ressources inventives, je crois fortement en la nécessité d’instituer le self-made esteem comme une discipline que l’on enseignerait dès le bas âge plutôt que de décourager les élans de nos jeunes prodiges en leur faisant croire qu’il ne peut y avoir de salut que dans les filières classiques. Bref, accordons-nous pour dire que d’autres initiatives sur ce même thème devraient être entreprises afin d’élargir le débat et de trouver réponses à toutes les interrogations qu’il suscite. *Consultante en communication Mamadou Ndao Juriste Minielle Tall Consultante en Communication Qui a dit utopique? C’est sans tambours ni gros sous qu’Ouestaf, nous a gratifiés d’une rencontre riche d’enseignements ce samedi 17 mai 2008 au Café de Rome. D’aucuns pourraient croire utopique d’organiser de tels débats, un samedi et, de surcroît, sur un thème aussi peu débattu, presque « aérien » comme disait un invité avant l’amorce des débats ! Et justement, c’est bien parce que les quelques douzaines d’âmes d’âm réunies dans cette salle cherchaient à en apprendre davantage sur un secteur émergent (entreprenariat social) qu’une telle entreprise a été bien inspirée et qu’il est maintenant fondamental de systématiser de tels fora…tous les samedis du mois, pourquoi pas ? Quant à l’équipe d’Ouestaf, je crois qu’un grand merci leur est dû. Car pour une première, c’était décidément une belle consécration ! Longue vie à cette initiative et aux perspectives pour l’entreprenariat social qu’elle nous offre et que nous aurions auri tort de ne pas exploiter. Gardons espoir que les banquiers, universitaires, responsables d’ONG, directeurs d’école, étudiants… présents à la rencontre du 17 mai dernier sauront relever le défi et nous valoir, tout au long de l’année le plaisir d’assister d’assist à des manifestations aussi stimulantes. M.T Page 4 sur 8 Du social à L’économie Le Cahier du Forum Ouestaf ? Par Ibrahima.S.Dankoco* L’entreprenariat social traduit un acte d’entreprenariat permettant de faire tomber les barrières à l’entrée des marchés pour la population à faibles revenus. S’agit-il d’une nouvelle prise de conscience (marketing) ou simplement d’un souci d’équité pour ces populations, vivant en marge des marchés importants du monde ? Difficile de trancher mais tenons nous en aux explications données par les tenants de l’émergence d’un nouveau paradigme de l’entreprenariat dans un monde caractérisé par la domination d’un modèle libéral. L’entreprenariat social ne saurait se réduire à l’économie sociale et solidaire, l’orientation économique étant ici un mobile essentiel de l’action de création d’entreprise. Il ne s’agit pas de régler uniquement des problèmes sociaux et environnementaux ; il est fondamentalement question de résultats économiques. Les relations économiques ont supplanté les relations sociales, dans la plupart des sociétés du monde. Ainsi, beaucoup de gratuités sociales sont devenues payantes. Tous les besoins sociaux sont concernés par cette évolution (Cuisine, Logement, Transport, Education, etc.). La recherche de l’efficacité économique par la croissance et les économies d’échelle a conduit à réduire au maximum le social au profit de l’économique. Le calcul économique (coût/ avantage) est devenu l’instrument de décision par excellence, en matière d’allocation des ressources. On peut considérer comme entrepreneur social cette dame qui crée un service de placement et de soutien en ville aux domestiques en mal de repères. Les services d’une société soci d’intérim ou de GRH leur est inaccessible. L’entreprenariat social (éthique sociale) s’oppose à l’entreprenariat économique (éthique économique, utilitariste). Ainsi, dès que la motivation de l’entrepreneur est à dominante sociale ou sert une cause sociale so avérée, l’action de création d’entreprise revêt un caractère social et non « principalement » économique. Professeur Ibrahima Samba Dankoco UCAD des expériences, c’est l’idée elle-même elle et son impact social. Par rapport à un contexte donné, l’innovation peut être une innovation de rupture ou une innovation par transposition (Micro-finance). (Micro Compte tenu de ce qui précède, on o peut Peut Peut-ont alors considérer que toutes les retenir plusieurs exemples problématiques de l’entreprenariat « d’entreprenariat social » au Sénégal : économique se posent aussi à finance, micro-détail, micro microl’entreprenariat social : la question de la micro-finance, jardinage avec les femmes ; la micro microtaille de l’entreprise, l’absence d’un téléphonie est un exemple : Seddo, IZI au statut juridique spécifique, etc. Sénégal. Ces questions ne sont pas encore Avec ces exemples, on est tenté d’opposer tranchées mais méritent d’être micro-entrepren entreprenariat social à macro ou débattues pour faire avancer la méso-entreprenariat entreprenariat social. L’approche réflexion. micro permet de fractionner l’offre pour Les bénéficiaires en entreprenariat l’adapter à un segment particulier du social sont à la fois l’entrepreneur luilui marché. même et les consommateurs visés. La problématique sociale en matière Mais du fait de la puissance de la d’entreprenariat semble donc se réduire à nouvelle offre, lorsque l’expérience (adaptatio de l’offre réussit, une grande entreprise pourrait la un fractionnement (adaptation) qui s’oppose à la recherche d’une récupérer pour exploiter exploite le segment de dimension conduisant aux économies de marché concerné notamment en utilisant coût. de petits exploitants comme relais. Sans prétendre réaliser un consensus sur On peut dés lors s’attendre à ce que cet la définition, nous avons préféré adopter « entreprenariat social » soit aux antipodes des économies de coûts et, une approche marketing de la notion ainsi, expose les bénéficiaires à des coûts d’entreprenariat social en espérant élevéss pour compenser des pertes qu’elle traduit correctement ce La fonction de production s’enrichit paradigme nouveau de l’entreprenariat. d’efficacité et d’efficience économiques. Le bénéfice recherché ici n’est pas du « besoin de socialiser » et devient Tous les exemples cités ici partent économique mais social, avec un accès du alors : Y= F (K, L, S) d’une idée : les besoins sociaux sont divers et aussi indispensables les uns que plus grand nombre aux commodités de la Avec : K=capital ; L= travail ; vie moderne, dans une société où les les autres : consommer, communiquer, S= Socialisation travailler. L’offre des produits servant à relations sociales restent encore vivaces (tiers-monde, monde, pays du Sud). L’entreprenariat ne pouvait ainsi être les satisfaire est souvent trop Un paradoxe peut alors être constaté cons dans envisagé, que selon une perspective sophistiquée dans les marchés officiels la logique de l’accès qui mène aux économique. (légaux) pour être adaptée aux moyens surcoûts. Ce qui conduit inévitablement à la des pauvres et des exclus de la société. mise à l’écart de nombreuses Pour chaque exemple, une innovation En effet, c’est une baisse des coûts qui devrait permettre la massification de populations eu égard aux contraintes a permis d’opérer l’ajustement qu’il l’offre et non le contraire. posées par les divers marchés de était nécessaire de réaliser pour établir Cependant, les mécanismes d’adaptation biens et services. le lien avec la demande spécifique des On a souvent rétorqué aux objecteurs non consommateurs relatifs (ou demande dans beaucoup de cas permettent d’agir sur les prix nominaux au consommateur sociaux qu’en matière d’affaires, il sociale). grâce à un ajustement à l’intérieur du mix n’y a point de sentiment. Pourtant, Il peut être gênant toutefois, de marketing. l’homme n’est pas que rationalité, il constater que dans certains cas, l’idée Un équilibre global est assuré dans la ait été celle d’une entreprise formelle est envahi par des sentiments qui perception de l’offre qui arrive à opérer ayant pignon sur rue ! donnent un sens à sa vie. (Suite page 5) Mais ce qui est important dans chacune C’est tout le marketing mix d’un produit qui est concerné par l’innovation conduisant à l’entreprenariat social. Page 5 sur 8 Du social à… (Suite de la page 4) une compensation acceptée par le consommateur (La qualité s’ajuste ainsi au prix et à la distribution). Mais le simple fait de fractionner l’offre peut suffire pour masquer L’effet-prix. Il peut arriver enfin que le consommateur soit conscient des surcoûts et des prix qui en résultent, mais accepte de payer une prime à l’adaptation (Seddo, IZI dans la téléphonie ; microcrédit). Avec l’idée d’entreprenariat social, l’homme est remis au centre des théories et modèles économiques. De cette manière, on ré-humanise les rapports économiques. On considère alors que c’est l’homme qui crée la valeur ; mais que, sans accès à la valeur, il ne peut pas jouir de toute sa dignité. La fonction de production s’enrichit du « besoin de socialiser » et devient alors : Y= F (K, L, S) Avec : K=capital ; L= travail ; S= Socialisation La base de consommation s’élargit donc et l’économie trouve de nouvelles opportunités de croissance. En effet, l’essentiel des nonconsommateurs du monde se trouvent dans le tiers-monde. Leur accès aux marchés ne pourrait qu’être bénéfique à la croissance mondiale. Ainsi c’est la fonction de production du monde qu’il serait nécessaire de modifier pour mettre l’économie mondiale sur une nouvelle rampe de croissance. Cela permettrait en même temps de régler la question de la pauvreté et du développement durable. Grâce à l’entreprenariat social, le social devient un facteur de production dans la chaîne de valeur d’un bien économique. A ce propos, il faut que l’on comprenne que depuis les années 50 la valeur a quitté l’entreprise pour s’installer dans l’espace marché. D’où la nécessité de prendre en compte les caractéristiques de l’environnement de marché dans la fonction de production et de vente des entreprises. Toute entreprise qui intègre le niveau faible des revenus des populations pauvres, dans sa fonction de production et de vente, fait donc œuvre d’entreprenariat social ; car, grâce à cela, elle arrive à briser les barrières qui maintiennent ces populations hors des marchés classiques du bien (service) considéré. Le Cahier du Forum Ouestaf ? De cette manière, en considérant les masses pauvres des pays sous développés, on pourrait avoir quelques espoirs de voir se développer dans ces pays de véritables marchés pour les entreprises. Pour améliorer l’économie des pays du tiers monde, il serait nécessaire donc de repenser les bases même de ces économies notamment dans le sens d’un entreprenariat social permettant d’impliquer les populations dans les structures d’offre et de demande. IL s’agira de réinventer l’activité et les produits pour les rendre accessible au plus grand nombre d’africains. Cela passera par une appréciation plus juste et plus réaliste du fonctionnement des sociétés visées. IL serait nécessaire pour réussir un tel pari de réformer les législations nationales des pays pour plus d’ouverture et de souplesse, et les adapter aux conditions qu’impose cet « entreprenariat ». Ainsi, il est urgent de réformer le commerce africain dans le sens d’une plus grande adaptation aux conditions de vie et d’existence des populations. De ce point de vue, on peut considérer la vente ambulante, dans sa forme actuelle et son évolution, comme un type d’entreprenariat social, dans la mesure où la distribution traditionnelle formelle est rendu accessible à tous. Pourtant, les vendeurs ambulants ne sont pas reconnus dans la législation qui tente de formaliser tout le commerce sous la pression de la Banque Mondiale. C’est tout le marketing mix d’un produit qui est concerné par l’innovation conduisant à l’entreprenariat social. Le produit (en entreprenariat social) est différent de celui du marché traditionnel. Il s’agit donc d’une innovation produit visant à élargir le marché à d’anciens non consommateurs relatifs (Clayton Christensen) du produit de référence. La valeur des produits de l’entreprenariat social est inférieure à celle des produits des marchés d’origine. C’est ainsi que leur compétitivité dans les marchés originels est minée par leur caractère dérivé et simplifié. (Exemple : du terranga et du Diamono) Le fractionnement de l’offre augment les coûts de transaction. Toutefois, la simplification de l’offre permet de compenser la hausse des coûts pour donner, dans certains cas, des prix largement plus faibles que ceux du produit originel. Les conditions de distribution et de circulation des biens et services changent aussi radicalement. La commodité de l’accès conduit dans beaucoup de cas à des situations d’illégalité et de non conformisme par rapport à la législation en vigueur. Les formes de communication adoptées sont révolutionnaires et reposent, généralement, sur l’interpersonnel et le bouche à oreille. La diffusion de l’information se fait avec une grande efficacité auprès des personnes et groupes concernés. Organiser la promotion de l’entreprenariat social en Afrique constitue un enjeu de taille pour le développement. Ainsi, nous pensons que l’expérience de ASHOKA, (organisation créé par l’Américain Bill Drayton, en Inde en 1984) est à encourager et à répliquer partout où c’est nécessaire. Il faut tout de même poursuivre et approfondir l’idée même d’entreprenariat social, pour en faire un instrument de développement économique et non seulement l’expression d’actions d’éclat ou des exploits exceptionnels réalisés par des personnages rares dans leur capacité d’innovation et d’imagination. Il serait bon de ramener l’idée à la hauteur de l’homme ordinaire pour en faire une source d’inspiration fertile en vue de résoudre les problèmes de survie et d’émancipation des hommes et des femmes qui peuplent le continent. A travers cette contribution, nous avons voulu lancer un certain nombre de débats à propos de l’entreprenariat social. Nous espérons que quelques réactions nous permettrons d’approfondir et d’élargir le débat ainsi posé. *Professeur agrégé, UCAD Merci... et à la prochaine! L’équipe du Forum Ouestaf remercie toutes les personnes qui ont d’une manière ou d’une autre contribué à la tenue de la première édition du Forum qui a eu lieu le Samedi 17 Mai 2008. Tout d'abord, les panélistes, El Hadji Alioune Diouf, Ibrahima Samba Dankoco et Coumba Touré ainsi que le modérateur, Mamadou Khoulé pour leur apport inestimable à la richesse et à la qualité des débats. Nos remerciements vont également à tous les invités ayant répondu présent et ayant, par leur participation, enrichi les échanges. Nous ne saurions oublier de remercier doublement, ceux qui après avoir répondu présent au Forum, ont encore pris de leur temps et de leur expertise pour participer à la rédaction des présents Cahiers. A vous tous, Ouestaf dit MERCI et vous donne rendez-vous au prochain Forum qui portera sur les TICs et les PME/PMI. Ainsi renaîtra l'Afrique! L’équipe Ouestaf. Le Cahier du Forum Ouestaf Page 6 sur 8 Et pourquoi ce débat ? Difficile de cerner avec exactitude un concept qui évolue et pour la définition duquel il n’y pas encore d’unanimité. Plusieurs définitions existent, selon l’usage qu’on fait du concept ou alors les appréhensions qu’il suscite. Pratique née en Inde dans les années 80 selon les promoteurs de cette nouvelle idée, encore dénommée Innovation Sociale, elle a ensuite été théorisée par des chercheurs aux Etats Unis. Aujourd’hui en Europe et ailleurs dans le monde développé, c’est une discipline enseignée dans les Universités et dans les grandes écoles de management, ou certaines ont ouvert des chaires spécialement dédiées à cette discipline. C‘est dire l’importance qu’elle a acquise au fil des ans. Dans le continent qui a le plus besoin de changements, les entrepreneurs sociaux ont-ils conscience de leur existence et de leur rôle ? Faute de conceptualisation ou de vulgarisation, certains se demandent même « c’est quoi un entrepreneur social ? ». L’objectif de cette première édition du Forum Ouestaf c’est de poser le débat à partir d’une double perspective, d’abord l’entreprenariat et ensuite le changement ou l’innovation sociale. A partir de ces deux paramètres, il s’agira d’abord de dire qui est entrepreneur social et qui ne l’est pas. Ensuite et partant de là, répondre à plusieurs autres interrogations : Comment concilier des objectifs sociaux et des objectifs économiques (profit) traditionnellement jugés distants ? L’entreprenariat social serait-il un compromis entre plusieurs logiques antagonistes ? Peut-il déboucher sur un nouveau modèle économique? Peut-il enfin être la clé aux nombreux défis qui se posent à nos sociétés dans la bataille du développement ? Peut-il être créateurs d’emplois, être générateur de richesses? Bref, dans le contexte actuel d’inflation généralisée et de crise multiforme et multisectorielle, l’entreprenariat social peut-il être une réponse aux défis qui se posent à nos nations et à nos sociétés? Pour sa première édition, Le Forum Ouestaf a posé le débat ! L’entreprenariat social à l’école Par Yakhya Ba* Le social entrepreneurship (entreprenariat social est un concept d’origine Anglo-Saxon. C’est un concept qui a commencé à attirer l’attention depuis l’exemple de la Grameen Bank de Mouhamed Yunus (prix Nobel de la paix en 2006) au Bengladesh au début des années 90. Si l’entreprenariat social a été initié dans le micro crédit avec la Grameen bank, il est loin aujourd’hui de se limiter à la seule activité bancaire (la micro finance en particulier). Il touche tous les secteurs économiques. Cet intérêt croissant pour l’entreprenariat social émane du caractère novateur du concept dans son traitement et son apport pour ce qui est des problèmes sociaux tels que le développement durable, le chômage, les inégalités dans l’accès aux denrées de premières nécessités, la santé, l’exclusion sociale et la liste est encore longue. L’impact socio économique de ce type d’entreprenariat à favorisé donc la multiplication d’entreprises « sociales » sous forme de projets, associations, coopérative etc. Ces entreprises de type nouveau utilisent le plus souvent les mécanismes traditionnels du marché. Suffisant pour que des chercheurs s’intéressent à ce phénomène. Ainsi, le canada fait parti l’un des premiers pays à prendre très au sérieux l’impact positif en terme d’alternative pour une croissance économique que pourrait procurer l’entreprenariat social. Très tôt donc, le gouvernement canadien a mis sur place le Canadian Center for Social Entrepreneurship (CCSE) pour mener des recherches, donner l’info, et régler des problèmes liés à l’entreprenariat social. Et la CCSE sera logée dans la faculté de commerce de l’Université d’Alberta à EDMONTON. Aux Etats-Unis d’Amérique, l’une des plus grands business school au monde va s’intéresser le premier au concept. Il s’agit de la HARVARD Business School qui lance en Janvier 1993 un programme de recherche et d’enseignement, sur l’entreprenariat social, dénommé : Social Entreprise Initiative. Elle sera suivie dans cette lancée par la plupart des universités américaines d’Oxford à New York en passant par Columbia et Yale. En Europe et plus particulièrement en France ce n’est qu’un peu plus tard que le concept d’entreprenariat social intègre la sphère universitaire. Néanmoins, une place très importante lui a été attribuée avec notamment l’ESSEC qui a été la première école de management française à créer en janvier 2003, un pôle d’expertise sur le thème de l’entreprenariat social. La CHAIRE entreprenariat social de l’ESSEC s’impose aujourd’hui comme l’une des meilleures dans le monde. C’est un programme d’enseignement et de recherche appliquée dans la création d’organisations à finalité sociale ; dans la stratégie et le management en économie sociale ; et dans la responsabilité sociale et le développement de l’entreprise En Belgique, la prise en compte de l’entreprenariat social dans les programmes de l’enseignement supérieur s’est fait un peu plus tôt qu’en France. En 2000, le centre d’économie Social Belge, en partenariat avec l’université de Liège et le groupe financier coopérative CERA, crée la CHAIRE CERA qui est un programme d’entreprenariat et de Management en économie sociale. L’ensemble de ces programmes universitaires mis en place un peu partout dans le monde ont pour objectif commun une meilleure rentabilisation de la pratique de l’entreprenariat social. Une comparaison du contenu des différents programmes montre que la perception que l’on a de l’entreprenariat social et les attentes qu’on en a diffèrent selon les zones, et la culture entrepreneuriale. Ce qui est probablement à l’origine du caractère polysémique du concept. Maintenant si en Amérique et en Europe les outils pour le bon développement de l’économie sociale sont entrain d’être mis en place, qu’en est il pour le continent africain ? Les plus optimistes diront certainement que la pratique de l’entreprenariat social est bien réelle. Mais il faut cependant convenir que jusqu'à présent aucun programme de recherche aucun pole d’enseignement d’initiative africaine n’a été constaté dans nos universités. Les seuls programmes qui s’intéressent à ce type d’entreprenariat sous nos cieux sont du ressort exclusif d’organismes venus d’ailleurs. Les programmes d’encadrement et de renforcement de capacité de ces organismes sont conçus et mis en œuvre sans que nos réalités socio économiques ne soient adaptées à ces programmes « importés » même s’il est coutume de dire que tout programme qui réussi peut être copié partout. Seulement comme évoqué plus haut l’entreprenariat social à ses spécificités et pour que son efficacité soit réelle il faut absolument qu’il réponde à des besoins disparates pour une communauté réduite contrairement aux programmes structurelles de développement jadis connus. Il serait intéressant, donc, pour une fois dans l’histoire que nos chercheurs ne soient pas dans la position d’attente et de prendre les choses en main pour doter nos universités et écoles de commerces de programmes qui permettent la mise en place de chaire de formation professionnelle dans le domaine de l’économie sociale et solidaire compte tenu des besoins et les spécificités de l’entreprenariat social « africain » et Sénégalais en particulier pour que celui-ci devienne le catalyseur du développement. Assistant Marketing Ouestaf* Page 7 sur 8 Le Cahier du Forum Ouestaf De l’entreprenariat social en Afrique de l’Ouest Par El. Hadji Alioune Diouf* Malgré le formidable développement des forces productives du capitalisme triomphant, une partie importante du monde est plongée dans une pauvreté révoltante. Et en dépit des progrès technologiques sans précédent, la pauvreté caractérise la partie la plus importante du monde. La répartition du revenu mondial montre que la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5% du revenu mondial. Cette pauvreté est inégalement répartie dans le monde car elle est surtout présente en Asie et en Afrique subsaharienne. C’est pourquoi l’Afrique de l’Ouest n’est pas épargnée. Malgré toutes les tentatives connues et répertoriées par toute la littérature économique, la pauvreté continue de se répandre dans les centres urbains et surtout dans le monde rural. Face donc à l’échec des solutions préconisées, des mécanismes de survie ont été imaginés par les populations dans le cadre de l’économie populaire, sociale et solidaire. Dans ce sens, l’entrepreneuriat social est une innovation sociale apparue dans les années 70 en Amérique, Europe, Asie et surtout Afrique ; innovation sociale qui ne peut être définie qu’à partir de la culture entrepreneuriale et de l’élément social qui est l’élément fondamental de la démarche ; et enfin innovation sociale qui a des principes qui déterminent sa ligne de conduite et qui fait face à des défis importants pour son développement. employé. Pour le mot entrepreneurial, FORTIN pense qu’il s’applique à plusieurs réalités qui vont de la création à la gestion d’une entreprise donc du démarrage d’une activité entrepreneuriale. Il peut s’agir aussi des interventions sociales et innovatrices innovatr permettant de saisir des occasions d’affaires, et même parfois de recherches d’emplois pour les sans-emplois. sans El .H. A. Diouf, lors du Forum Cette première étape franchie, qu’est ce que l’entrepreneuriat social ? Il y a beaucoup de définitions de cette notion. Il n’y a pas une définition générale reconnue. Les italiens, comme les américains, les anglais et les français définissent l’entrepreneuriat de manière relativement différente. Néanmoins cette notion présente partout une double perspective : entrepreneuriat et social. so La première facette, l’entrepreneuriat fait référence au démarrage d’entreprise ; et également aux innovations sociales permettant d’atteindre des objectifs d’affaires. La deuxième facette est la composante sociale qui est la mission centrale qui distingue tingue l’entrepreneuriat social et qui oriente l’ensemble des décisions. Ainsi donc le concept d’entrepreneuriat social est très important quand il met en Pour cerner la notion exergue la propension à agir contre les problèmes auxquels les populations sont d’entrepreneuriat social, il est utile de commencer par préciser ce qu’est confrontées, surtout quand ces problèmes sont ignorés par les puissances publiques. la culture entrepreneuriale. Selon Muhammed YUNUS, prix Nobel 2006, Paul FORTIN, de passage à Dakar en toute « initiative innovante destinée à 2004, et lors d’une conférence venir en aide à des individus peut-être peut publique sur la culture qualifiée d’entrepreneuriat social ». entrepreneuriale soutenait que le Donc la réponse à des besoins sociaux soc et mot entrepreneurial pouvait l’innovation sont des éléments importants s’appliquer à plusieurs réalités. et même déterminants dans la définition Selon FORTIN, en parlant de culture du concept. dans l’entrepreneuriat on fait Pour Coumba TOURE, Représentante référence à des attitudes et des Régionale Ashoka Sahel on appelle valeurs comme l’autonomie, la entrepreneuriat social l’action des responsabilité, la créativité et la « individus qui réagissent et essaient de solidarité ; à des connaissances, des trouver des solutions à des problèmes de compétences de savoir-faire, de leur communaut ». savoir-être et de savoir-agir Cette définition est conforme à la tradition appropriées pour relever les défis chez Ashoka As où on estime que les comme entrepreneur, associé ou entrepreneurs sociaux sont «des individus qui proposent des solutions innovantes aux problèmes sociaux les plus cruciaux de notre société. Ils proposent des idées neuves capables de provoquer des changements à grande échelle ». L’entrepreneuriat entrepreneuriat social est donc une initiative privée au service de l’intérêt collectif dont la finalité sociale est supérieure ou égale à la finalité économique. L’entrepreneuriat social combine 3 dimensions : Un projet économique quand par exemple il s’agit git de répondre à une demande là où il y a défaillance des services publics Une finalité sociale dès qu’il faut lutter contre la pauvreté, la marginalisation et l’exclusion, valoriser un territoire, assurer une équitable rémunération aux producteurs. Une gouvernance ouvernance participative dans la mesure où le processus de prise de décision n’est pas lié à la propriété du capital. L’ambition au niveau de l’entrepreneuriat social est d’entreprendre autrement et de répondre autrement. Les entrepreneurs sociaux sont des d innovateurs sociaux. Dans la classification des entrepreneurs sociaux, on distingue des critères économiques et des critères sociaux selon l’OCDE. Parmi les critères économiques le premier critère retenu sera la production de biens et services de manière manièr continue. Au niveau des critères sociaux, il y a lieu de retenir l’objectif explicite de service à la collectivité, le pouvoir de prise de décision non basé sur la détention de capital et la limitation de la distribution des bénéfices. Une des différences essentielles entre les entrepreneurs sociaux et les entrepreneurs économiques réside dans le traitement des bénéfices. Chez les entrepreneurs économiques, l’activité de l’entreprise se traduit par la distribution des bénéfices aux actionnaires, le bénéfice étant considéré comme une fin. Tandis que les entrepreneurs sociaux considèrent le bénéfice comme un moyen qui doit être réinvesti pour le développement des capacités de l’entreprise. Pour illustrer nos propos nous donnerons en exemple ASHOKA et SONGAI. Bill DRAYTON, créateur de ASHOKA est le véritable pionnier de l’entrepreneuriat social. En effet, ASHOKA, qui a été créé en Inde au début des années 80, cherche à identifier et financer des individus qu’on peut considérer comme innovateurs sociaux. socia Aujourd’hui ASHOKA est présente dans 60 pays et compte plusieurs entrepreneurs sociaux qui interviennent dans (Suite Suite page 8) 8 Le Cahier du Forum Ouestaf Page 8 sur 8 Entreprenariat… (Suite de la page7) l’éducation, la santé publique, l’environnement, la pêche et le développement économique. Monsieur Aly Haidar de l’Océanum est considéré comme fellow ASHOKA depuis 2002, donc comme entrepreneur social dans le domaine de la gestion marine. Il a comme ambition de promouvoir le repos biologique et la gestion durable des ressources halieutiques par la création de plusieurs parcs marins. Fondé en 1985, le projet Songhaï était au début un centre de formation pour jeunes béninois rejetés par l’école. Aujourd’hui c’est un réseau national de fermiers, de centres informatiques, de centres de formation agricole. SONGHAI c’est aussi un centre de réhabilitation de l’environnement et un système de crédit. Son fondateur est Monsieur Goodfrey Nzamujo. Dans la charte fondatrice, il est écrit que Songhaï a pour ambition de favoriser l’émergence d’une nouvelle société fondée sur une culture d’entreprise socio-économique durable, valorisant les ressources locales et capable de s’insérer dans l’économie internationale. Dans les pays sous-développés et particulièrement en Afrique de l’Ouest plusieurs défis doivent être relevés pour donner à l’entrepreneuriat social l’élan qu’il lui faut pour être à la hauteur des ses ambitions. Ces défis sont : Créer un environnement juridique favorable à la création d’entreprises sociales Développer de manière urgente la sensibilisation à l’entrepreneuriat social au niveau des professionnels de la création d’entreprises, au niveau des marchés financiers et des acteurs sociaux du secteur privé et du monde rural Créer des dispositifs d’appui à la création d’entreprises sociales Appuyer les entreprises sociales dans des secteurs à fort potentiel de créations d’entreprises, d’activités économiques et sociales, d’emplois dans les secteurs des services, des droits de la propriété intellectuelle, de la pêche, de l’agriculture, de la santé publique, de l’environnement, de la promotion économique, de l’éducation et de l’artisanat. Encourager les entrepreneurs sociaux dans le sens du renforcement de l’autonomie des populations dans le développement local Appuyer particulièrement les entrepreneurs sociaux qui interviennent dans le domaine de l’apprentissage. Le cadre normatif en question Par Mamadou Ndao* L‘entrepreneuriat social est une notion relativement jeune qui a fait son apparition en Amérique du Nord et en Europe dans les années 1990. Sa définition actuelle ne fait pas encore l’objet de consensus. Certains chercheurs en général, tentent une définition théorique qui distingue l’entrepreneuriat social des autres structures de l’économie solidaire (qui combinent un projet économique et une finalité sociale) et celle de l’économie sociale (alliant un projet économique et une gouvernance participative). Sous certains cieux, comme au Québec, en Espagne… pragmatisme oblige, la réalité de l’entreprise sociale se présente sous des formes juridiques assez variées, allant des mutuelles aux coopératives, des entreprises collectives aux organismes communautaires à but non lucratif (ONG, Fondations, etc.) Pour les Africains, le débat conceptuel sur l’entreprenariat social n’est pas encore posé, on semble même l’évacuer, du moins sous la forme d’une opposition doctrinale, (il y a peu d’écrits). Mais en pratique, l’entrepreneuriat social se comprend comme un ensemble d’activités convergentes vers des valeurs qui animent les initiatives socio économiques portées par des individus et des groupes. Le but visé étant, pour ces entrepreneurs de type nouveau, de régler les questions de pauvreté et d’exclusion, de droits humains, au profit de certaines franges de la population. En cela, on peut supposer que l’initiative privée doit en être le moteur pour porter une innovation susceptible de produire un bien ou un service marchand. Cependant un certain nombre de questions demeurent pour ces Africains engagés aujourd’hui dans un processus d’intégration régionale, et surtout avec des normes juridiques qui ont tendance à s’uniformiser. Vu sous ces deux angles, les formes juridiques que devraient ou pourraient revêtir les « entreprises sociales » et le statut des « entrepreneurs sociaux » ne sont pas sans poser des interrogations. La plupart des dynamiques novatrices, dans les domaines aussi divers que la micro finance, l’éducation, l’habitat, la communication… sont souvent enclenchées par le mouvement associatif dans ses différentes déclinaisons (coopératives, mutuelles, etc.). Or, le statut d’association est un vieil héritage de la loi française de 1901. Ce dernier qui est en vigueur dans la plupart des pays francophones d’Afrique n’autorise ces associations à mener que des activités à but non lucratif (ABNL). La question qui se pose alors est de savoir - face à l’opportunité de booster le développement local qu’offre « l’entreprenariat social » - comment concilier l’interdiction d’activités à but non lucratif et « l’entreprenariat social » qui, dans son acception la plus large suppose aussi l’exercice d’activités marchandes complètement inscrites dans l’économie de marché. N’y a-t-il donc pas lieu de promouvoir une nouvelle réglementation de « l’entreprise sociale » dans le cadre de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, OHADA pour faire conformer son éventuel statut « d’entreprise » et sa finalité sociale - et au besoin d’inclusion, de gouvernance et de développement ? Le statut d’association ne requiert-il pas aujourd’hui d’être mieux légiféré pour lever les obstacles liés essentiellement à l’ambigüité entretenue entre l’activité à but non lucratif, et l’activité de production de biens et services marchands, l’une et l’autre constituant des leviers pour régler la question de l’emploi (ou de l’auto-emploi) et la mobilisation de l’épargne, tout en stimulant l’action citoyenne sociale ? Au Sénégal par exemple on désigne souvent ce phénomène par secteur informel dans un langage fourre tout. Et l’entrepreneuriat social subit de ce point de vue les contraintes de la bureaucratie, et de la méfiance à l’endroit de ce tiers secteur à qui on a du mal à trouver un statut juridique convenable comme l’on fait certains pays du Nord. L’initiative de l’APIX qui vise à faciliter la création d’entreprises dans un temps très réduit pourrait prendre en compte cette perspective, mais pour l’instant ne règle pas la question de la rigidité du cadre législatif. Il semble alors que la réforme du cadre législatif soit aujourd’hui, une urgence et un préalable. A ce titre des leçons peuvent être tirées de l’expérience des radios communautaires dans leur domaine, qui ont pu réussir cela dans la plupart des pays, et ce à l’échelle mondiale par l’adoption d’une « charte de valeurs ». *Juriste, coordonnateur de Média Dev Africa Email: [email protected]