La différenciation cellulaire forcée, une nouvelle arme contre les glioblastomes? Une avancée majeure dans la compréhension de nombreux cancers est la IRM d’un glioblastome découverte de cellules cancéreuses dites « souches ». Les glioblastomes, tumeurs du cerveau hautement agressives n’échappent pas à ce constat. L’absence de traitements curatifs a engendré une série de nouveaux travaux visant à se débarrasser spécifiquement de ces cellules. C’est le cas de la thérapie dite différenciatrice dont le but est de forcer une cellule souche cancéreuse à devenir non souche pour la rendre inoffensive. Le cancer est un problème de santé publique, il atteint près de 12 millions de personnes chaque année dans le monde. En France, c’est la première cause de mortalité et selon l’organisation mondiale de la santé cette maladie deviendra la première cause mondiale de décès. Tout le monde connait ce mot, mais qu’est-ce qu’un cancer ? Il nous vient du grec « karkinos » qui signifie crabe. En effet, les médecins grecs apparentaient les lésions cancéreuses à celle d’un crabe déchirant une proie. Cette image de nos anciens reste pleine de sens pour caractériser cette maladie dévastatrice. Historiquement, le cancer a toujours existé mais les premières descriptions datent de -3500 av J.C et la première définition nous la devons à Hippocrate. Aujourd’hui, le cancer est une maladie caractérisée par la présence d’une tumeur. Celle-ci résulte de la prolifération anormale d’une cellule du à la perte de régulateurs essentiels ou de la capacité à s’autodétruire. Ce mauvais fonctionnement cellulaire à pour point de départ une mutation ou une anomalie dans notre code génétique. Le nombre de cancer par an a doublé en 25 ans pourtant le risque de mortalité a diminué de 25%. Ce recul de la mortalité, nous le devons aux progrès de la science et de la médecine. C’est grâce au travail passionné de nombreux chercheurs et médecins qu’une meilleure prise en charge et un meilleur traitement sont possibles. Néanmoins, si à l’heure actuelle 60% des patients ont une chance de guérir, encore trop de cancers demeurent incurables et c’est malheureusement le cas du glioblastome. Le glioblastome : un cancer aujourd’hui incurable Le glioblastome est la tumeur cérébrale la plus fréquente avec environ 2500 nouveaux cas par an en France et touche essentiellement des personnes de plus de 50 ans. Ce cancer atteint les cellules gliales (astrocytes et oligodendrocytes) qui sont les plus présentes dans le cerveau avec les neurones. Son caractère agressif et l’inefficacité des traitements rendent le pronostic vital faible avec une survie des malades excédant rarement 2 ans. En effet, le principal traitement est l’exérèse chirurgicale qui consiste à retirer tout ou partie de la tumeur. Mais le cerveau, organe complexe, rend la chirurgie difficile et ce malgré les avancées technologiques. La chimiothérapie et la radiothérapie restent quand à elles peu efficaces. Les cellules souches : pour le meilleur et pour le pire Au cours du développement embryonnaire, les cellules souches présentes dans les différents tissus peuvent donner naissance par division à 2 cellules aux destins différents. En effet, l’une restera souche et l’autre non souche. Cette dernière, par un phénomène complexe appelé différenciation, deviendra une cellule spécialisée assurant une fonction précise au sein du futur organe. Dans le cas du cerveau, ces cellules souches sont capables de générer des cellules gliales et des neurones. De plus, ce processus de différenciation s’accompagne d’une perte de capacité proliférative. Ainsi, la cellule différenciée n’est plus capable de se diviser. Au cours de cette dernière décennie, la découverte et une meilleure compréhension des cellules souches ont fait naître de nouveaux espoirs dans le traitement de nombreuses pathologies. C’est notamment le cas pour les maladies dégénératives (Alzheimer, Parkinson, arthrose…), les maladies génétiques mais aussi dans les lésions de la moelle épinière. Le but de ces traitements serait de forcer les cellules souches à se différencier en un type cellulaire précis et ensuite de les implanter dans le tissu pour remplacer les cellules défaillantes ou mortes. Ces traitements sont appelés « thérapies différenciatrices ». prélèvements tumoraux issus directement de patients du CHU Guy de Chaulliac à Montpellier. Dans un second temps, une protéine différenciatrice appelée neurogénine 2 a été surexprimée dans ces cultures. Au bout de quelques jours, la surexpression de cette protéine conduit à une forte mortalité cellulaire par autodestruction (90% environ) et pour les cellules qui survivent, à une magnifique différenciation en neurones. En effet, ces cellules stoppent leur prolifération, adoptent une morphologie radicalement différente et sont douées d’une activité électrique caractéristique des neurones. Les cellules souches cancéreuses issues de glioblastomes ont donc la capacité, si on les y oblige, de se différencier en neurones devenant ainsi inoffensives. La présence de cellules souches résiduelles à l’âge adulte dans différents organes laisse penser que cette population pourrait être à l’origine de certains cancers car elles ont encore la capacité de se diviser. Effectivement, des études récentes ont mis en évidence, dans différents cancers (sein, colon, cerveau, leucémie…), une population de cellules cancéreuses dites « souches » aux propriétés particulières (prolifération intense, résistance aux thérapeutiques classiques). Ces cellules responsables de l’initiation et de la progression des tumeurs en seraient donc les « piliers ». Si dans un contexte normal, ces cellules souches assurent le renouvellement des tissus et sont une source thérapeutique prometteuse, dans un contexte tumoral elles constituent une cible à éliminer. L’absence de traitements curatifs du glioblastome contribue donc à définir de nouvelles pistes thérapeutiques visant à détruire de manière spécifique ces cellules souches rebelles. La différenciation forcée : la thérapie de demain contre les glioblastomes ? Les travaux menés au sein de l’équipe du Dr. Hugnot (Institut des Neurosciences de Montpellier) ont pour objectif l’élaboration d’une forme de thérapie dite différenciatrice. En effet, que se passe-t-il si l’on force ces cellules souches cancéreuses à se différencier en neurones? Si cela est possible, perdent-elles leur caractère agressif? Dans un premier temps, des cultures de cellules souches cancéreuses ont été établies à partir de Les cellules souches cancéreuses issues de glioblastomes ont donc la capacité, si on les y oblige, de se différencier en neurones devenant ainsi inoffensives. Des travaux sur les animaux sont également en cours et devraient montrer si ce phénomène est possible à partir de tumeurs directement formées dans le cerveau de souris. Dans de nombreux cancers, la mise en évidence de populations de cellules cancéreuses dites « souches » est une avancée conceptuelle importante pour la compréhension des mécanismes de résistance aux traitements classiquement administrés. Les recherches sur ces cellules sont en plein essor du fait de retombées potentielles rapides dans le domaine thérapeutique. Ces travaux très prometteurs sur la différenciation forcée par la neurogénine 2 ouvrent de nouvelles perspectives pour mieux traiter ou définir de nouvelles pistes de traitements de cette pathologie dévastatrice et incurable. P-O.G. Ces travaux soutenus par l’ARC ont fait l’objet d’une demande de dépôt de brevet européen. Projet : Division asymétrique et différenciation forcée des cellules souches tumorales de glioblastomes Pierre-Olivier GUICHET