REFERENTIEL DE COMPETENCES ET RE-INGENIERIE DU DIPLÔME D’INFIRMIER ANESTHESISTE Monique Guinot* Directeur Ecole des Infirmiers Anesthésiste APHP – Paris Au delà des craintes légitimes que le projet de Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) a suscitées, la réingénierie du diplôme d’Infirmier Anesthésistes (IADE) initie un inventaire intéressant des compétences exercées et reconnues de notre métier. Cet inventaire permet aussi, de reconstruire un référentiel de formation, de l’inscrire dans le système universitaire de reconnaissance des diplômes européens et de respecter ainsi les accords de Bologne. Même si quelques inquiétudes et incertitudes demeurent, aujourd’hui, concernant les schémas de construction des compétences de notre métier ce référentiel devrait permettre de légitimer un grade Master (2) à notre formation. C’est dans ces perspectives que le groupe de professionnels de l’anesthésie, réuni au Ministère de la Santé et des sports, travaille. Le contexte Il parait important de rappeler quelques étapes du projet et en premier lieu, son point de départ qui est l'émergence de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 instituant la Validation des Acquis de l’Expérience. Cette loi légitime trois voies possibles pour accéder aux titres ou diplômes : Les voies scolaire et universitaire L’apprentissage ou la formation professionnelle continue La VAE pour remplacer une partie des épreuves; Bien que nouveau pour nos branches professionnelles, ce processus se révèle être très ancien, puisque le titre d'ingénieur est accessible depuis 1934 par la voie de la VAE et que depuis 1990, il existe à l'ENA cette troisième voie pour accéder au diplôme de la prestigieuse école. C'est donc, dans cette perspective que le Ministère de la Santé et des sports, a demandé à chaque organisation professionnelle de construire un référentiel métier afin de référencer les « compétences cœur de métier » exercées et les outils d’évaluation s’y référant. Les objectifs affichés sont l’application de la Loi et l'amélioration de la qualité des soins. Cette demande s'effectue alors que le Professeur Berland remet son rapport prônant des transferts de compétences des médecins vers les infirmiers pour maintenir l’offre nationale de soins dont la pérennité est menacée du fait de la démographie médicale. Les accords de Bologne, par ailleurs, rendent nécessaire une harmonisation des diplômes européens et des cursus dans le système Licence, Master, Doctorat (LMD). A ce cadrage européen, s'ajoute en France, la Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la création des ordres professionnels dont la mission est entre autre, de veiller à la compétence des professionnels. Le Décret du 21 août 2008 relatif à la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie des agents de la fonction publique hospitalière, implique employeurs et employés dans une démarche de développement des compétences, doublée d'une politique nationale d’Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) pour les professions médicales et paramédicales 1 Ce nouveau panorama professionnel se projette dans un contexte social difficile : économie contrainte, complexité des savoirs, développement de nouvelles technologies, vieillissement de la population, fragilité de certaines catégories sociales, exigence de qualité des soins, judiciarisation. La formation des infirmiers anesthésistes avait pris en compte, depuis plusieurs années, les changements qui s'étaient effectués dans les modes d'apprentissage des nouvelles générations : la nécessité de construire des compétences professionnelles d'une autre manière que par le seul transfert de connaissances via les cours magistraux. Les concepts pédagogiques se devaient d'être différents, d'orienter l'apprenant vers le questionnement, d’utiliser la confrontation aux situations de travail pour la recherche de connaissances, d’engager l'élève dans la construction de ses compétences en mobilisant, transposant, combinant ses savoirs, savoirs faire et savoirs relationnels au gré des situations professionnelles et des contextes de stage. Le référentiel de compétences Afin de mener à bien la réingénierie du diplôme IADE, le Ministère a constitué un groupe de travail (dit de production), composé de médecins et d'infirmiers anesthésistes avec une échéance calendaire des travaux fixée à fin 2009. Travailler sur le concept de compétence a nécessité, préalablement pour le groupe, de circonscrire le terme et ses composantes. Grâce à un travail anticipé, sous la houlette d'un expert du CNAM1, et grâce au financement conjoint du SNIA2 et du CEEIADE,3 le groupe s'était initié à la construction d'un premier référentiel de compétences**. De ce fait, le groupe a dégagé rapidement des éléments faisant consensus : La compétence s’exerce en situation et ne se manifeste que dans l’activité Elle est la capacité à gérer avec efficience une situation Elle est reliée à la situation Son développement s’effectue dans la gestion de situations de plus en plus complexes et diversifiées à l’aide de ressources de plus en plus spécialisées. Elle fait appel à un ensemble de savoirs, de savoirs faire, de comportements, et de connaissances, mobilisés dans une action et adaptés aux exigences d’une situation. Les niveaux de compétence se distinguent par la dimension d’autonomie du professionnel face à une situation et par sa capacité à faire face à la complexité, à l’imprévisible, et au changement. Ainsi, être compétent c’est : Posséder un potentiel d’action efficient dans un ensemble de situations Savoir juger Poser des actes qui ont un sens et sont susceptibles de modifier la situation Savoir prendre des initiatives Anticiper Résoudre des dysfonctionnements Savoir agir dans un contexte exceptionnel 1 CNAM : Conservatoire National des Arts et Métiers SNIA : Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes 3 CEEIADE : Comité d'Entente des Ecoles d'infirmiers Anesthésistes 2 **publié bulletin SNIA N°177 juin 2007 2 Comprendre les situations, pour faire Combiner de façon dynamique les savoirs pour permettre l’activité Au delà de la clarification du concept, le groupe de travail était guidé par un consultant externe choisi par le Ministère. Le travail de construction s'est déroulé en trois étapes successives : Référentiel d'activités Référentiel de compétences et critères d'évaluation Référentiel de formation Au terme de la première étape, le groupe de construction a identifié sept activités cœur du métier : 1. Préparation et organisation du site et du matériel d’anesthésie en fonction du patient, du type d’intervention et du type d’anesthésie 2. Mise en œuvre et suivi de l’anesthésie et de l’analgésie en fonction du patient, de l’intervention et de la technique anesthésique 3. Mise en œuvre et contrôle des mesures de prévention des risques, opérations de vigilance et traçabilité en anesthésie-réanimation 4. Information, communication et accompagnement du patient tout au long de sa prise en charge 5. Coordination des actions avec les autres professionnels 6. Veille documentaire, études, travaux de recherche et formation continue en anesthésie-réanimation, douleur et urgences. 7. Formation des professionnels et des futurs professionnels A la suite de cette première étape le groupe a défini sept compétences « coeur du métier ». 1. Anticiper et mettre en place une organisation du site d’anesthésie en fonction du patient, du type d’intervention et du type d’anesthésie 2. Analyser la situation, anticiper les risques associés en fonction du type d’anesthésie, des caractéristiques du patient et de l’intervention et ajuster la prise en charge anesthésique 3. Mettre en œuvre et adapter la procédure d’anesthésie en fonction du patient et du déroulement de l’intervention 4. Assurer et analyser la qualité et la sécurité en anesthésie réanimation 5. Analyser le comportement du patient et assurer un accompagnement et une information adaptée à la situation d’anesthésie 6. Coordonner ses actions avec les intervenants et former des professionnels dans le cadre de l’anesthésie-réanimation, de l’urgence intra et extrahospitalière et de la prise en charge de la douleur 7. Rechercher, traiter et produire des données professionnelles et scientifiques dans les domaines de l'anesthésie, la réanimation, l'urgence et l'analgésie 3 Ces sept compétences ont été déclinées en sous-compétences. Des critères d’évaluation et des indicateurs ont été définis pour tous. Ces critères d’évaluation permettent ainsi de fixer le niveau requis pour la délivrance du diplôme d’état. Référentiel de formation Ce travail de définition des activités et compétences rend lisible la complexité du métier. Il reste à identifier les composantes de la construction de ces compétences dans un référentiel de formation pour que les compétences définies soient reproductibles et que les manifestations de ces compétences soient visibles dans l’exercice quotidien. Selon la méthodologie présentée par le consultant du Ministère, l’étape suivante nécessite : d’identifier les savoirs nécessaires à la mise en œuvre des compétences, d’identifier et organiser les unités d’enseignement, de détailler chaque unité d’enseignement, d’organiser et mettre en cohérence l’ensemble des unités d’enseignement et des ECTS par semestre. Le référentiel de formation, ainsi établi répondra au cadrage européen et pourra donner lieu à l’attribution des crédits selon le système européen de transferts de crédits « European Credits Transfer System » (ECTS). Cependant, ce référentiel aussi complet soit-il en terme d’unités d’enseignements nécessite une implication forte et déterminée de tous les acteurs de la profession pour garder à notre formation son caractère professionnel. Chaque professionnel de l’anesthésie (IADE, cadre IADE, cadre formateur IADE et médecin anesthésiste) par son implication, son positionnement, sa fonction et ses propres compétences contribue à la construction des compétences des futurs professionnels. Que ce soit dans une : Fonction organisationnelle et institutionnelle du stage, plutôt réservée aux cadres et tuteurs Fonction pédagogique du stage, dans l'accompagnement des élèves et l’évaluation de leur progression, dans la mise en relation de l’élève avec les ressources du stage, dans la qualité des liens entretenus avec l’école. Fonction de guide de proximité, dans l'encadrement pédagogique de l’élève dans ses activités quotidiennes, dans le soutien apporté dans les recherches de documents, d'information ou de sens. Les formateurs construisent conjointement au stage, la relation pédagogique en dynamisant les liens qui existent entre les différents professionnels du stage : accompagnement en stage, suivi du parcours avec les professionnels du stage animation de travaux de groupes avec les professionnels (ED, TP, analyse de situations cliniques…) suivi des élèves en difficulté co-construction des outils d’évaluation normative et de progression (carnet de stage…) aide à la recherche aménagement du parcours de formation en fonction des contextes et des profils 4 Conclusion : Maintenant, un nouveau profil est donné aux professions et aux formations para médicales. Les référentiels que nous allons inscrire dans notre quotidien vont constituer les nouvelles références opposables de nos métiers face aux patients, face aux juridictions, face aux employeurs… Profitons de ces nouvelles références pour rendre lisible la manifestation de toutes nos compétences dans nos activités quotidiennes, faire valoir la hauteur de nos responsabilités et la reconnaissance que nous en attendons. Correspondance : Ecole IADE AP-HP, G-H Pitié-Salpêtrière – 47 Bd de l’hôpital – 75651 Paris Cedex 13 Mail : [email protected] 5