Mécanismes de l’immunosurveillance anti-tumorale Quelques définitions Caractéristiques générales des ₵ tumorales Caractéristiques générales Le cancer est dû à des altérations génétiques qui perturbent l’équilibre entre stimulation et inhibition de la prolifération ₵ᴿ Rupture de dialogue avec son environnement Autosuffisance Capacité réplicative et expansion Immortalité Autosuffisance en signaux de croissance Echappement à l’apoptose Insensibilité aux signaux antiprolifératif Angiogénèse Développement des capacités invasives et métastases Capacité à échapper à la reconnaissance par le SI Potentiel réplicatif illimité Homéostasie tissulaire repose sur le contrôle de la division ₵ᴿ L’homéostasie est un équilibre entre prolifération (division) et différenciation des ₵ La division ₵ᴿ est régulée, + ou -, par l’intégration des signaux de l’environnement par la ₵ et par l’expression de nombreux gènes Dans ce processus, tout gène pouvant devenir transformant par mutation ou par surexpression est un oncogène Oncogène Oncogène Un oncogène est un gène dont l’expression favorise la survenue d’un cancer L’oncogène résulte de la modification ou de la surexpression d’un gène normal, de ce fait baptisé proto-oncogène qui engendre une transformation physiologique de la ȼ. Il peut s’agit de gène dont les propriétés des produits sont modifiés par mutation ou dont l’expression n’est pas corrélée au cycle ȼʳ normal (gène impliqué dans le contrôle de la division ȼʳ) Proto-oncogène : protéines de régulation de la croissance ₵ᴿ Gène suppresseur de tumeur : protéines qui préviennent la croissance ₵ᴿ incontrôlée Addictions Addiction oncogénique Dépendance de la ₵ tumorale vis-à-vis des modifications générées par l’oncogène en terme de prolifération de survie et d’invasion La suppression de l’oncogène induit une restauration partielle des propriétés natives de la ₵ On parle également de « driver oncogénique » Dérégulations et conséquences Mutation et autonomisation du récepteur Activation continue du cycle ₵ᴿ Activation constitutive des protéines de signalisation e absence de signal en amont Résistance vis-à-vis de la † ₵ᴿ programmée Modification phénotypiques et structurale, perte d’adhérence Rupture du dialogue entre la ₵ tumorale et les signaux classiques de l’environnement. Le modèle historique de l’addiction oncogénique Leucémie Myéloïde Chronique 600 nouveaux cas en France par an Hémopathie maligne du groupe des Σ myéloprolifératifs chroniques Prolifération myéloïde monoclonale sans blocage de maturation prédominant sur la lignée granuleuse Anomalie acquise monoclonale d’une ₵ souche pluripotente Translocation t(9,22) ou chromosome Philadelphie avec association du gène ABL (chr 9), et du gène BCR (chr 22) BCR (22q11) Fonction Localisation cytoplasmique Sérine/thréonine kinase possédant un domaine d’oligomérisation Activation ȼʳ passant par les protéines Ras ABL (9q34) Fonction Localisation nucléaire et cytoplasmique o Nucléaire : rôle majeur dans la régulation de l’apoptose après dommages de l’ADN o Cytoplasmique : fonction possible dans les signaux d’adhésion ȼʳ Oligomérisation de la protéine de fusion BCR-ABL → ↗ activité kinase d’ABL ++ Induction de la prolifération ₵ᴿ (Ras/MAPK) Inhibition de l’apoptose (↗ production Bcl2) Anomalie d’adhésion ₵ᴿ : perte d’adhérence aux ₵ stromales (prolifération anarchique des progéniteurs leucémiques) Imatinib (Glivec®) : inhibiteur de l’activité tyrosine kinase 1996 : identification d’un inhibiteur des molécules à activité tyrosine kinase (TK) Agit au niveau de la poche ATP de la portion ABL de BCR-ABL Aucun effet inhibiteur sur l’activité TK d’autres récepteurs (VEGFR et EGFR) 1998 : introduction de cet inhibiteur (initialement appelé CGP57148, STI571 puis l’imatinib mésylate) en clinique Principe de l’immunosurveillance anti-tumorale Immunosurveillance : propriété du SI à reconnaître et détruire les ₵ transformées 1909 : Paul Ehrlich : postulat : cancer survient spontanément in vivo et le SI est capable à la fois de le reconnaître et aussi de s’en protéger 1950 : Lewis Thomas et McFarlane Burnett. Théorie : les effecteurs ₵ᴿ du SI patrouillent activement le corps afin d’identifier et d’éradiquer les ₵ tumorales naissantes 1970 : identification des ₵ T : ₵ effectrices responsables de l’immunosurveillance Arguments pour et contre Arguments pour Expérience 1 Injection de ₵ tumorales dans des souris syngéniques (= clones) Développement tumoral (sans métastases) Exérèse de la tumeur 2ème injection de ₵ tumorales Absence de développement tumoral Immunisation de souris par des ₵ tumorales prévient la réimplantation de ces tumeurs Expérience 2 Injection de ₵ tumorales Développement tumoral Prélèvement des cellules circulantes (LT) et injection des LT de la souris A à la souris B Injection de ₵ tumorales à la souris B Absence de développement tumorale Protection médiée et transférée par les lymphocytes Concept controversé et abandonné jusqu’en 1990 Arguments récents et modèles animaux ↗ du taux d’apparition de tumeurs spontanées ou induites chez des souris immunodéficientes Alymphoïde (RAG -/-) ou déficits spécifiques : LT, LNK IL12/IFN γ Perforine… Arguments contre Peu d’évidences de cancer spontané chez les souris nude athymiques → mais présence de ₵ NK Incidence ↗ de cancers chez des patients présentant un déficit immunitaire acquis de type ₵ᴿ touchant les LT → mais principalement des cancers viro-induits Σ de Kaposi (HHV8) LMNH et SIDA Lymphome et EBV Cancer du col de l’utérus et papillomavirus Incapacité de l’organisme atteint de déficit de l’immunité ₵ᴿ à éliminer ces virus et leur persistance prolongée chez l’hôte favoriserait le développement de tumeurs Les données actuelles sur l’immunosurveillance chez l’Homme Cancers et déficits immunitaires primitifs ↗ de l’incidence des cancers, chez les patients présentant un DIH Ataxie télengiectasie : anomalies qualitatives et quantitatives des LT (hypoplasie thymique) et déficit en IgG2, IgG4 et IgA → incidence accrue de lymphomes, leucémies T et maladies de Hodgkin Σ de Wiskott-Aldrich (mutation de WAS codant pourla protéine WASP, intervenant dans la polymérisation de l’actine) → déficit immunitaire combiné → risque accru de développer un Σ lymphoprolifératif secondaire à une infection par EBV Cancers et TT immunosuppresseurs Incidence accrue de cancer au cours de certaines immunodéficiences induites Transplantés cardiaques : cancer pulmonaire X2 à 25, LMNH x20 Transplantés rénaux : cancer de la peau (non-mélanome) x200 Présence de ȼ tumorales de manière infra-clinique contrôlées par le SI (phase d’équilibre) et l’immunosuppression a déclenché l’apparition du cancer Certains LMNH régressent spontanément lors de l’arrêt des immunosuppresseurs Relation entre le développement de ces cancers et l’immunosuppression Effet GVL Les allogreffes MO non déplétées en LT du donneur : plus faible risque de rechute leucémique que les allogreffes déplétées en LT Effet anti-leucémique des LT → ↘ risque de récidive TT des rechutes par DLI (donor lymphocyte infusion) Régression tumorale Spontanée (cancer rein et mélanome) corrélée à la présence de LT cytotoxique dirigés contre les ₵ tumorale Après radiothérapie : régression des métastases non-traitées Infiltrat lymphocytaire tumoral Présence d’infiltrats inflammatoires de lymphocytes dans les tumeurs Tumor-infiltrating lymphocytes (TIL) Corrélatin avec le pronostic (cancer du sein, ovaire, mélanome, adénocarcinome colique) notamment la présence de T CD8 mémoire Présence de nombreux lymphocytes activés dans les ganglions draînants Composante immunitaire intra-tumorale (nature ₵ᴿ) = nouveau biomarqueur Reconnaissance des ₵ tumorales par le SI Mise en évidence d’Ag associés aux tumeurs Les ₵ tumorales non immunogènes portent un Ag « trop faible » pour induire une RI mais cet Ag peut servir de cible à une RI préalablement induite Les Ag tumoraux Immunogénicité des tumeurs : Ag associés aux tumeurs Des centaines d’Ag associés aux tumeurs et reconnus par le SI ont ensuite été identifiés Ils sont classés en 5 groupes Ag du groupe « cancer-testis » Ag non exprimés dans les tissus normaux (expression ectopique par les ₵ germinales) Expression dans les tissus sains testiculaires, pas de présentation CMH-1 Expression partagée par différents types histologiques de tumeurs et présentation CMH-1 Ag de différenciation Ag de lignées, exprimés par les tissus sains et pathologiques → expression parfois dérégulée Mélanocytaire Prostatique Gènes normaux surexprimés ou exprimés de façon aberrante Exprimés à des niveaux faibles dans les tissus sains Surexprimés dans différentes tumeurs HER2/neu : cancer du sein MUC-1 : différents cancer Ces Ag de tumeurs peuvent servie de cibles de LT chez de nombreux patients, naturellement ou de façon thérapeutique Risque d’auto-immunité pour les Ag de différenciation, voire surexprimés Ag uniques et/ou spécifiques Exclusivement exprimés par les ₵ tumorales : NéoAg Mutations ponctuelles Protéines chimériques Ag dérivés d’agents pathogènes VHB et VHc : cancer du foie HPV : cancer du col de l’utérus H. Pÿlori : cancer de l’estomac Les acteurs de l’immunité anti-tumorale La RI innée : 1ère ligne de défense Facteurs solubles (complément) ₵ dont les granulocytes, mastocytes, macrophages, ₵ dendritiques (DC) et les ₵ NK La RI adaptative se développe plus lentement mais se caractérise par une ↗ de la spécificité antigénique et une mémoire LB LT CD4 et CD8 Des ₵ cytotoxiques se trouvent à l’interface de l’immunité innée et adaptative ₵ T NK (NKT) et les LT invariants Mécanismes effecteurs de la réponse anti-tumorale Ȼ cytotoxique LT CD8 T γδ NK Perforine/granzyme Moindre rôle pour les ȼ B et les AC Cytokine : IFN γ Activation ȼʳ Action anti-tumorale et anti-proliférative Action sur la présentation antigénique Récepteurs de l’immunité innée (PRRs) Induction LT CD4 Th1 (IFN γ) IL12 (IFN γ) CPA RI innée anti-tumorale : activation des CPA L’activation du SI inné est nécessaire à l’induction de la RI adaptative DAMPS : signaux de danger produits par les cellules tumorales Conséquences de l’activation des phagocytes Les DC matures peuvent activer les TCD4 et les TCD8 Les ȼ dendritiques peuvent internaliser des particules exogènes via après reconnaissance par les PRR → Dégradation par la voie endo-lysosomale et présentation par les molécules CMH de classe II aux TCD4 Certains antigènes (< 200nm) peuvent être internalisés par la ȼ par une voie non-endocytique → Dégradation par le protéasome et présentés par les molécules CMH de classe I aux TCD8 Activation des ȼ NK Les lymphocytes T innés : LTγδ LT innés Populations homogènes avec répertoires restreints Tissu : Vδ1 activés par des molécules non identifiées tumorales Sang : Vδ2 activés par des métabolites phosphatés des tumeurs Costimulation par NKG2D Les lymphocytes NKT LT innés 0.01 à 1% des LTCD3+ Répertoire TCR semi-invariant Restreints par CD1d (monomorphe) + glycolipides Deux modes d’activation Ag exogène Ag endogène Interaction des ȼ de l’immunité innée au cours de la réponse anti-tumorale Recrutement des ȼ innées par des signaux inflammatoires Activation réciproque des macrophages / ȼ dendritiques et des lymphocytes innés Par la tumeur (signaux de danger, ligands de NKG2D) Par l’axe IL-12/ IFNγ IFN γ Action directe anti-proliférative et apoptotique Activation des macrophages ↗ de l’inflammation et production de chimiokines (recrutement ȼʳ) ↗ présentation Ag Destruction tumorale Macrophage : TNFα, radicaux oxygénés LT innés : perforine Les deux phases de la RI anti-tumorale Phase initiale : recrutement au sein de la tumeur de ȼ innées NK, macrophages, DC, LT γδ, LT NKT Molécules de stress activent les NK et γδ: effet lytique direct Communication inter-ȼʳ activant une boucle d’amplification positive Phase secondaire Les DC phagocytent des débris ȼʳ et maturent Migration dans les ganglions drainant Activation des LT CD4 (Th1) et CD8 (présentation croisée) Migration des LT effecteurs dans la tumeur Destruction des ȼ tumorales par les LT CD8 cytotoxiques (perforine) Les DC matures peuvent activer les TCD4 et TCD8 et stimuler la réponse adaptative 1ère ligne de défense contre la progression des ȼ cancéreuses → les ȼ de l’immunité innée (macrophages, NK et NKT) Les PAMPs à la surface des ȼ tumorales sont reconnus par les récepteurs PRR des précurseurs des DC, macrophages, NK, NKT Les DC sécrètent de l’IFNα, qui active les ȼ de l’immunité innée Suite à l’internalisation d’antigènes présents dans le milieu extra-ȼʳ Les DC subissent un processus de maturation essentiel pour l’activation des ȼ de l’immunité adaptative L’activation des LT CD8 cytotoxiques conduit ainsi à la lyse spécifique (TCR/CMHI-peptide dépendant) des ȼ tumorales L’échappement des tumeurs à la RI Immunogénécité Certains Ag tumoraux sont faiblement immunogènes Répression de l’expression de ces Ag Inhibition de l’apprêtement de l’Ag Au niveau des protéines transporteurs TAP Au niveau du protéasome Inhibition de l’expression des CMH Mutation génique Au niveau de la B2M Perte de réponse à l’IFN Au niveau des mécanismes effecteurs Inhibition des lymphocytes effecteurs IDO (indoleamine 2,3 dioxygénase) : catabolise le tryptophane IL10, TGF-β : cytokine immunosuppressive Galectine 1 : inhibe l’activation des LT Formes solubles des ligands de NKG2D (MIC) : inhibe la cytotoxicité Sur-expression de FasL : tue les lymphocytes activés (exprimant Fas) PD*L1 : inhibe les LT CD8 effecteurs PD-1+ Résistance des ȼ tumorales à l’apoptose Surexpression des protéines anti-apoptotiques Génération d’un environnement suppresseur de RI DC suppressives (tolérogènes) et LT reg Macrophages M2 et Th2 Myeloid-derived suppressor cells → inhibition de la réponse immunitaire Les 3 E de la RI anti-tumorale : Elimination, Equilibre, Evasion Concept d’immunoediting Observations expérimentales Les tumeurs qui évoluent dans un animal immunocompétent sont plus résistantes à la réponse anti-tumorale que celles qui poussent dans un animal immunodéficient La RI anti-tumorale exerce une pression de sélection sur les ȼ tumorales † des ȼ sensibles Sélection par mutation des clones moins immunogéniques et plus immunosuppresseurs pouvant échapper au système immunitaire Instabilité génétique ? Effets délétères de l’inflammation : angiogénèse par ex Le SI sculpte la tumeur qui devient progressivement insensible à la RI → analogie avec les microorganismes, en particulier les virus (VIH) Conclusion et points à retenir Les tumeurs peuvent être reconnues et détruites par le SI Signaux de danger Ag des tumeurs Intérêt pronostic : TIL Possibilités d’intervention à visée thérapeutique Les principaux acteurs de la RI anti-tumorale sont les Lymphocytes NK et LT CD8 (perforine), et l’axe IL12/IFNγ Le SI a également un effet délétère : l’inflammation chronique favorise la carcinogénèse et l’angiogénèse, et la RI sélectionne les tumeurs agressives Règle des 3 E : élimination, équilibre, évasion Nombreuses possibilités d’intervention thérapeutique AC monoclonaux : avancée majeure Thérapie ȼʳ : plus complexe mais prometteuse Trouver les schémas thérapeutiques adaptés à chaque cancer et à chaque patient