0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:38 Page 609 Sommaire 609 615 618 621 623 625 Responsabilité du médecin. La notion de faute est mieux cernée. Anne Laude Responsabilité pénale. La notion de faute caractérisée. Caroline Carreau Prescription hors AMM. Responsabilité au regard du risque accepté par le patient, dûment informé. Jérôme Peigné Le refus de soins. Tout faire pour l’éviter ! Diane Rousseau Infection nosocomiale. Responsabilité de plein droit pour les établissements de santé. Agnès Ballereau-Boyer Au sein de l’équipe médicale. Émergence d’une responsabilité civile statutaire. Sophie Hocquet-Berg RESPONSABILITÉ La notion de faute est mieux cernée Ce sentiment s’inscrit dans un contexte favorable à l’indemnisation des victimes qui implique un accroissement de la responsabilité des professionnels de santé, véritable crise de la responsabilité médicale. Certes, jus- LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 INTERNET UN CONTEXTE FAVORABLE À L’INDEMNISATION DES VICTIMES INDUSTRIE L’ LU POUR VOUS homme de savoir, quel que soit son domaine d’intervention, médecin, pharmacien, architecte, avocat, notaire, ou autre, est responsable et doit à ce titre répondre de ses actes dommageables. Toutefois, l’évolution des progrès scientifiques conduit à plus d’exigence, ne serait-ce que parce qu’elle donne l’espoir de toujours repousser davantage l’inéluctable. Face à ces avancées scientifiques, toute faille, qu’elle soit technique ou humaine, apparaît insupportable. VIE PROFESSIONNELLE Anne Laude Professeur à l’université Paris-Descartes, codirecteur de l’institut Droit et Santé, Paris qu’à la loi Kouchner du 4 mars 2002, les juges déformaient les concepts classiques de la responsabilité, ceux de faute ou de causalité, dans le seul souci d’une meilleure indemnisation des victimes d’accidents médicaux. C’est ainsi que sur une période de dix ans, on a pu constater une augmentation de 280 % des demandes en réparation des dommages causés par l’activité médicale et paramédicale (tableau 1). Cependant, depuis les années 2000, on constate une tendance inverse puisque l’augmentation du nombre de demandes pour la période 2000-2005 est seulement de 5 %. Plusieurs raisons expliquent ces modifications. Tout d’abord, on soulignera que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est venue apporter un frein aux actions en responsabilité des professionnels de santé, en limitant la mise en jeu de leur responsabilité à l’existence d’une faute. Le patient n’est pas pour autant placé dans une situation délicate puisque la loi lui offre la possibilité d’obtenir une indemnisation en l’absence de faute du médecin lorsque survient un risque accidentel inhérent à un acte médical de prévention, de diagnostic ou de soins qui ne pouvait être maîtrisé. Ensuite, la diminution sensible du nombre de demandes peut également s’expliquer par le fait que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, les juridictions ne sont plus seules à connaître du contentieux relatif à la responsabilité médicale, le législateur ayant en effet institué un nouveau dispositif administratif d’indemnisation des victimes leur permettant de saisir dans certaines conditions, les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI). Celles-ci peuvent en effet rendre des avis constatant l’existence d’une faute du professionnel de santé en vue de la proposition DOSSIER En limitant la mise en jeu de la responsabilité des médecins à l’existence d’une faute, la loi Kouchner du 4 mars 2002, a permis de freiner les actions en responsabilité des professionnels de santé. Toutefois, la distinction entre faute et aléa thérapeutique est parfois difficile, comme le montre l’analyse de la jurisprudence. C O N S U LTAT I O N S Responsabilité du médecin 609 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:38 Page 610 RESPONSABILITÉ par l’assureur d’une offre d’indemnisation à la victime (tableau 2). Certes l’analyse des avis rendus par les CRCI ayant retenu la faute du médecin ou ayant conclu à un partage entre la faute et l’aléa traduit inévitablement une évolution depuis la mise en place du système. Toutefois, cette évolution est très loin d’atteindre celle mentionnée pour la période 1990-2000. Désormais, aux quatre juges compétents, civil, administratif, pénal et disciplinaire, il convient d’ajouter les instances administratives que sont les CRCI. Toutefois, le patient a le choix de l’action qu’il souhaite engager. Il peut préférer obtenir la seule réparation du dommage subi, et agir à ce titre en responsabilité civile, ou agir sur le terrain de la condamnation de l’auteur de l’accident médical au prononcé d’une sanction pénale ou disciplinaire. TABLEAU 1 ÉVOLUTION DES DEMANDES EN RÉPARATION DES DOMMAGES CAUSÉS PAR L’ACTIVITÉ MÉDICALE OU PARAMÉDICALE FORMÉES AU FOND ET EN RÉFÉRÉ DEVANT LES JURIDICTIONS CIVILES 1990-2005 Années Cours d’appel TGI TI 237 250 251 363 376 346 433 468 534 607 672 686 730 739 751 751 1074 1065 1483 2132 2408 2842 3186 3547 4295 4458 4798 5275 5208 5196 4982 5048 168 187 171 217 139 151 176 123 165 182 205 174 163 154 122 167 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Tableau réalisé d’après les chiffres du ministère de la Justice. Source : S/DSED RGC-DACS cellule Études et recherches. TABLEAU 2 ISSUE DES AVIS RENDUS PAR LES CRCI 2003 610 2004 2005 Faute (assureur) 21 232 389 Aléa (ONIAM) 24 201 401 Partages 1 28 101 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 DE LA FAUTE MÉDICALE À LA RÉPARATION L’action en responsabilité visant à obtenir des dommages et intérêts par le patient victime d’une faute de la part d’un professionnel de santé peut être intentée devant les juridictions, mais aussi, depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, devant les commissions régionales d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et de maladies nosocomiales (CRCI). De surcroît, dans la mesure où nous disposons en France de deux ordres de juridiction distincts, l’action en responsabilité pourra être engagée devant le juge civil lorsque le médecin exerce son activité à titre libéral ou au sein d’un établissement privé, ou devant le juge administratif dans l’hypothèse où le médecin exerce son activité dans un établissement public de santé. Toutefois, que l’action soit entreprise devant les juridictions civiles, administratives ou devant les CRCI, l’appréciation de la mise en jeu de la responsabilité du professionnel de santé repose désormais sur un principe identique lorsqu’il s’agit d’un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, à savoir l’existence d’une faute. Une faute, même légère, engage l’hôpital Néanmoins, en l’absence de définition de cette notion par le législateur, on soulignera que les tribunaux considèrent que la faute ne présente ici aucune spécificité par rapport à la responsabilité pour faute de droit commun. Ainsi, une faute simple suffit, et aucun caractère de gravité n’est exigé, en dehors de l’hypothèse où la loi a expressément imposé la constatation d’une faute caractérisée (1). De surcroît, même dans le cadre de la responsabilité administrative, le Conseil d’État admet depuis 1992 que toute faute médicale, même légère, justifie l’engagement de la responsabilité hospitalière et n’exige plus la preuve d’une faute lourde. La réparation est alors mise à la charge de l’établissement de santé, sauf dans l’hypothèse d’une faute considérée comme détachable de l’exercice des fonctions, le praticien en assumant alors lui-même la responsabilité. Faute technique : manquement aux recommandations La faute est désormais appréhendée de manière identique aussi bien par le juge civil que par le juge administratif et les CRCI. Elle peut ainsi consister en la violation d’une disposition légale, mais elle peut également consister en une faute technique, ce qui est le cas notamment lorsque le médecin donne à son patient des soins non conformes aux données de la science. Ainsi, le Conseil d’État a considéré, par un arrêt du 12 janvier 2005, que le médecin pouvait être fautif dès lors qu’il n’avait pas tenu compte « pour dispenser ses soins à ses patients, des données acquises de la science, telles qu’elles résultent notamment des recommandations de bonne pratique, élaborées par l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation en médecine, puis par l’Anaes, en s’abstenant de prescrire le dépistage systématique du cancer du col utérin chez ses patientes âgées de 25 à 65 ans » (2). L’intérêt de cette 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:38 Page 611 Tout accident n’est pas fautif L’analyse de la jurisprudence montre que l’unicité de la notion de faute n’est pas encore vraiment atteinte et qu’il existe en effet des divergences d’appréciation de la faute entre les juridictions civiles et administratives. Ainsi, MÉDECINS - TOUS EXERCICES ET SPÉCIALITÉS CONFONDUS Déclarations Accidents corporels Total sociétaires Sinistralité (%) 2005 2006 2 010 115 914 1,74 2 080 115 925 1,79 2 125 116 778 1,82 2 104 117 697 1,78 MÉDECINS - EXERCICE LIBÉRAL TOUTES SPÉCIALITÉS CONFONDUES 2003 2004 2005 2006 1 728 1 836 1 870 1 823 71 770 2,41 71 158 2,58 71 163 2,63 69 626 2,62 MÉDECINS - TOUTES SPÉCIALITÉS CONFONDUES 2004 2005 2006 Décisions de justice civile 226 377 400 450 Condamnations 129 188 252 280 (%) 57 50 63 62 L’évolution du coût moyen d’un sinistre fautif a été encore plus « explosive » puisqu’il a plus que doublé au cours de ces cinq dernières années, de l’ordre de 255 000 € en 2006. Parmi les 10 décisions ayant entraîné, la même année, les indemnisations les plus élevées, de 1,5 à 7 M € (provisions comprises), un seul dossier concerne un accident survenu chez un adulte (radiothérapie). Les 9 autres mettent en cause 6 obstétriciens (dont 2 pour le non-dépistage échographique de malformation fœtale), 1 radiologue (pour le même motif que précédemment), 1 médecin généraliste (enfant âgé de 3 mois) et 1 pédiatre (enfant âgé de 5 ans et demi). Ces constatations expliquent les difficultés rencontrées actuellement dans l’assurabilité de certaines spécialités médicales et celles qui sont à craindre dans l’avenir. LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 INTERNET 2003 Le pourcentage de condamnations devant les juridictions civiles n’a cessé d’augmenter depuis vingt-cinq ans. Inférieur à 40 % durant les années 1980, il atteignait 46 % entre 1995 et 1999, mais dépasse actuellement 60 % (tableau 3), et même 70 % si l’on considère les décisions concernant les chirurgiens. INDUSTRIE Déclarations Accidents corporels Total sociétaires médecins Sinistralité (%) TABLEAU 3 2004 LU POUR VOUS TABLEAU 2 2003 les médecins salariés, sociétaires du Sou médical – groupe MACSF ne déclarent pas à leur assureur personnel l’ensemble des plaintes dont ils sont l’objet. La raison en est qu’un certain nombre de leurs sinistres sont pris en charge, selon la loi, par l’assureur de leur employeur. Environ 8 % des déclarations sont des plaintes pénales, 12 % des plaintes ordinales, 29 % des assignations en référé et 37 % des réclamations amiables. Le reste est représenté par des saisines des CRCI apparues en 2003 (5 %) et ayant atteint un maximum en 2005 (18 %) pour revenir à 14 % en 2006. VIE PROFESSIONNELLE TABLEAU 1 actes ne s’était pas déroulé comme ils l’auraient souhaité (« déclarations de prudence ») s’est effondré, passant de plus de 30 % de l’ensemble des déclarations il y a quinze ans à moins de 5 % actuellement. Autrement dit, la sinistralité des dernières années ne correspond qu’à des personnes insatisfaites (malades ou proches). La sinistralité des médecins libéraux (toutes spécialités confondues) est plus élevée (tableau 2). En effet, DOSSIER Le Sou médical groupe – MACSF assure plus de 115 000 médecins (libéraux et salariés) de toutes spécialités. La sinistralité globale (nombre d’accidents corporels déclarés par an et pour 100 sociétaires) est restée relativement stable (tableau 1). Toutefois, le nombre de déclarations adressées par des sociétaires médecins en l’absence de plainte ou de réclamation de leurs patients mais lorsqu’ils estimaient qu’un de leurs C O N S U LTAT I O N S L’expérience du Sou médical – groupe MACSF MISE AU POINT lorsque, au cours d’une opération, le chirurgien sectionne malencontreusement un organe avoisinant celui qu’il doit opérer, alors que le juge administratif considère par exemple que la lésion du nerf pendant l’intervention ne suffit pas à elle seule à établir la faute médicale (3), la Cour de cassation considère, en revanche que, dès lors que l’intervention n’impliquait pas l’atteinte du nerf et qu’il a été endommagé, cela suffit à établir la faute du praticien. Ce faisant, la position du juge administratif nous semble plus conforme à l’orthodoxie des textes qui considèrent que toute faute peut être invoquée par le patient devant les juridictions, sous réserve qu’il en rapporte la ENTRETIEN décision est ainsi non seulement de souligner l’importance des recommandations professionnelles ou des bonnes pratiques, voire plus généralement des normes comme élément d’appréciation du comportement fautif du médecin, mais aussi de donner une force juridique aux actes de prévention. 611 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 612 FOTOLIA RESPONSABILITÉ cru qu’il était malade pendant huit ans, jusqu’à la révélation de sa séronégativité en 1995. A contrario, pèche par défaut d’humanisme le médecin qui fait procéder à un test de dépistage HIV de son patient sans l’en informer et sans lui révéler les résultats positifs, qu’il découvrira à la faveur de la lecture d’un rapport d’expertise. Ce patient aurait dû recevoir la préparation et le soutien psychologique que son médecin lui devait (6). En ce sens également, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé qu’un anesthésiste manquait à son devoir d’humanisme en interrompant une analgésie péridurale, sur fond de querelle avec l’obstétricien en charge de l’accouchement (celui-ci ayant décidé de sortir déjeuner), alors que l’analgésie était efficace, que le travail se déroulait normalement et que la dilatation était régulière. En ne bénéficiant pas, sans raison médicale, de la continuité des soins entrepris, la parturiente n’a pas eu l’assistance qu’elle était en droit d’attendre de l’équipe médicale (7). Anesthésie péridurale. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé qu’un anesthésiste manquait à son devoir d’humanisme en interrompant une analgésie péridurale, sur fond de querelle avec l’obstétricien en charge de l’accouchement (celui-ci ayant décidé de sortir déjeuner), alors que l’analgésie était efficace. preuve, le seul fait qu’il ait subi un dommage à la suite d’actes médicaux ne permettant pas de l’établir. Le défaut d’humanisme La responsabilité du médecin peut également être engagée sur le fondement de la faute d’humanisme consistant au manquement du professionnel de santé au devoir inhérent à son ministère, à la violation du respect de la personne humaine et de sa dignité, plus généralement donc à la violation du devoir de conscience. Cette idée figurant initialement dans le code de déontologie médicale (4) est reprise aujourd’hui par le code de la santé publique qui dispose que le patient « a le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées ». Les obligations découlant de ce devoir d’humanisme sont nombreuses. Il s’agit non seulement d’obligations d’ordre moral, déontologique, mais aussi, depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, de l’ensemble des obligations consacrées par le code de la santé publique découlant du respect des droits des personnes malades et des usagers du système de santé. C’est ainsi que, selon la cour d’appel de Paris, manque à son devoir d’humanisme le médecin qui omet de signaler à son patient la possibilité d’un faux positif au test de dépistage du virus HIV compte tenu de son manque de fiabilité à l’époque des faits (1987) (5). Le jeune homme a 612 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 La faute déontologique en responsabilité civile De surcroît, alors que traditionnellement la jurisprudence était hostile à ce que le juge puisse considérer la seule méconnaissance d’une disposition du code de déontologie médicale comme constitutive d’une faute civile, elle admet désormais que cette situation, dès lors qu’elle a causé un préjudice à un tiers, puisse être la source directe de la responsabilité civile du médecin (8). Plus spécifiquement, la faute du professionnel de santé peut être retenue par les juridictions civiles, indépendamment du fait que les juridictions disciplinaires ont pour un même acte, considéré qu’il n’y avait pas lieu à sanction disciplinaire. En effet, comme l’a souligné la Cour de cassation, « la méconnaissance des dispositions du code de déontologie médicale peut être invoquée par une partie à l’appui d’une action en dommages intérêts dirigée contre un médecin, et il n’appartient qu’aux tribunaux de l’ordre judiciaire de se prononcer sur une telle action, à laquelle l’exercice d’une action disciplinaire ne peut faire obstacle » (9). FAUTE OU ALÉA THÉRAPEUTIQUE ? Une distinction parfois difficile Si la notion de faute peut ainsi être mieux cernée, il n’en demeure pas moins que la distinction entre faute et risque, ou faute et aléa, est parfois difficile à appréhender. En effet, le législateur a en 2002 considéré qu’un accident médical directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, ayant eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentant un caractère de gravité fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire de travail, pouvait ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale. 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 613 Ordre judiciaire Vocation à connaître Tous les conflits entre particuliers Toutes les violations à une norme de conduite définie par le Code pénal Responsabilité civile Responsabilité pénale Tribunal de grande instance Conseil d’État Peine d’emprisonnement et/ou peine d’amende + dommages-intérêts (en cas de préjudice causé au patient) dix ans à compter de la consolidation du dommage Conseil national de l’Ordre (section disciplinaire) Réparation des dommages et sanction disciplinaire (pour l’agent public) dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits, un an pour les contraventions Sanction disciplinaire : • avertissement • blâme • suspension • interdiction temporaire d’exercer la médecine (trois ans max.) • radiation du tableau de l’Ordre dix ans à compter de la consolidation du dommage LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 INTERNET Les risques des nouvelles techniques Cependant, il est parfois difficile de déterminer si un dommage caractérise un accident médical, une faute ou n’entre pas dans l’une ou l’autre de ces catégories. En effet, comme on l’a souligné, « certaines atteintes surviennent à l’occasion de traitements innovants permettant de dépister et de traiter plus efficacement ou plus simplement certaines affections tout en engendrant des risques spécifiques. À titre d’exemple, le recours à des explorations et interventions sous endoscopie ou cœlioscopie, tout en évitant une chirurgie INDUSTRIE Anaïs Mazenod, membre de l’IDS, Paris Toutefois, l’aléa thérapeutique ne sera pas retenu lorsque le caractère accidentel est lié à l’état antérieur ou à l’évolution prévisible de l’état de santé du patient. LU POUR VOUS Prescription de l’action Réparation des dommages + dommages-intérêts Conseil régional de l’Ordre (section disciplinaire) VIE PROFESSIONNELLE Cour de cassation Responsabilité disciplinaire DOSSIER Cassation Tous les manquements au code de déontologie médicale Tribunal administratif Cour administrative d’appel cour d’appel Sanctions Tous les conflits mettant en présence une administration Responsabilité administrative Tribunal Tribunal Cour de police correctionnel d’assises (contraventions) (délits) (crimes) Appel Disciplinaire C O N S U LTAT I O N S 1re instance Administratif Pénal MISE AU POINT Civil Ordre administratif ENTRETIEN L’ORGANISATION JURIDICTIONNELLE 613 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 614 RESPONSABILITÉ ouverte, peut augmenter le risque d’atteintes secondaires liées notamment à la modification du champ visuel du chirurgien et aux instruments utilisés. Il est alors parfois malaisé de déterminer si elles pouvaient être évitées par le praticien ; les lésions survenant dans ces cas étant mises soit sur le compte de la technique utilisée et donc du risque accidentel, soit au contraire sur celui de l’inattention et donc de la faute » (10). L’analyse de la jurisprudence souligne d’ailleurs des difficultés dans l’appréhension d’une situation en tant que faute ou aléa thérapeutique. Ainsi, à propos d’un dommage subi par une patiente et lié à la perforation de l’œsophage au cours d’une opération chirurgicale, alors que la CRCI avait estimé que le dommage était indemnisable au titre de l’aléa thérapeutique, le tribunal de grande instance de Nantes a considéré que « même si le risque de perforation œsophagienne est qualifié d’exceptionnel dans le cadre d’une telle intervention chirurgicale, et que la déchirure est considérée comme minime, le seul fait pour un chirurgien d’occasionner de manière malencontreuse une blessure ou une plaie à un organe voisin entraînant des complications importantes constitue une maladresse de nature à engager la responsabilité civile du praticien, indépendamment des compétences et des qualités du Docteur X. Il ne saurait s’agir d’aléa thérapeutique » (11). Exceptions au principe de la responsabilité pour faute Si le principe est celui de la responsabilité pour faute, certaines exceptions sont néanmoins introduites. Ainsi, l’article L. 1142-1-I du code de la santé publique envisage comme exception au principe de la responsabilité médicale pour faute l’hypothèse où le médecin est mis en cause en tant que fournisseur d’un produit de santé. Sa responsabilité peut en effet être engagée lorsque par exemple une vaccination cause un dommage au patient, et que le défaut de traçabilité ne permet pas d’identifier le producteur de ce vaccin défectueux. L’article L. 11423 CSP pose une autre exception au principe de la responsabilité médicale pour faute : il s’agit de la recherche biomédicale. En revanche, s’agissant des infections nosocomiales contractées non pas dans les établissements de santé mais auprès des médecins dans leur cabinet médical, le principe est depuis la loi du 4 mars 2002 celui de la responsabilité pour faute. Ce nouveau régime applicable à la mise en jeu de la responsabilité des professionnels pour les infections nosocomiales leur est donc plus favorable que la jurisprudence antérieure qui avait mis à leur charge, comme pour les établissements de santé, une obligation de sécurité de résultat (12). C’est le cas, à titre d’exemple, des infections contractées à l’occasion d’un arthroscanner réalisé à son cabinet par un radiologue ou encore à l’occasion d’une infiltration réalisée à son cabinet par un rhumatologue. Dans la mesure où le cabinet d’un praticien n’est pas considéré comme un établissement de santé, la responsabilité en pareil cas ne pourra être retenue par le juge qu’en cas de faute prouvée. Cette solution a notamment été dégagée 614 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 par un arrêt rendu par la cour d’appel de Caen le 30 janvier 2007 à propos d’une arthrite septique à Streptoccocus oralis contractée par un patient lors de la réalisation par un radiologue d’une arthrographie du genou. En l’absence de faute prouvée, le recours du patient a été rejeté. Si la responsabilité civile a pour finalité la réparation du dommage, dans d’autres hypothèses au contraire le but poursuivi peut être différent, et viser notamment à l’application d’une peine au responsable. Il en est ainsi en matière de responsabilité pénale ou disciplinaire, en cas de violation d’une disposition pénale ou de manquement à une règle professionnelle. QUELLE RESPONSABILITÉ POUR LES MISSIONS DE SANTÉ PUBLIQUE ? La responsabilité médicale est étroitement liée à l’évolution des missions qui sont ou seront confiées demain aux professionnels de santé. À la mission de soin, s’ajoutent les missions de santé publique, comme la déclaration des infections nosocomiales et de tout événement indésirable grave lié à des soins (13) ou la déclaration des situations dans lesquelles une présomption sérieuse de menace sanitaire grave paraît constituée (14). Le médecin a des missions de sécurité sanitaire et participe à la mise en œuvre de l’ordre public sanitaire. Ces nouveaux rôles du médecin conduiront-ils à déplacer la responsabilité du médecin vers les pouvoirs publics, ou au contraire, sera-t-il responsable, là où autrefois il ne l’était pas ? ◆ 414243 NOTES 1. Article 1er de la loi du 4 mars 2002, dans le cadre du dispositif antiPerruche. 2. CE, 12 janvier 2005, n° 25-60-01. 3. CAA Bordeaux, 8 mars 2007. 4. Art. R 4127-32 CSP. 5. CA Paris, 19 décembre 2002, n° 387, n° d’inscription au répertoire général : 200/15368. 6. CA Paris, 20 février 1992. 7. CA Aix-en-Provence, 28 février 2006, publié sur Légifrance par le service de documentation de la Cour de cassation. 8. Cass. civ. I, 18 mars 1997, JCP 1997 II n °22829, Cass. civ. I, 30 octobre 1995, Bull. civ. I, n 383. 9. Cour de cassation 18 mars 1997, Bull. civ. I, n° 99, Cour de cassation 27 mai 1998, Bull. civ. I, n° 187, Cour de cassation 16 mai 2006, Bull. civ. I, n° 238. 10. Duval-Arnould D. « Accident ou faute médicale ? Point de jurisprudence ». In: JCP 2007 I, n° 165. 11. TGI Nantes 10 mai 2006, n° 05/02512. 12. Cass. civ. 29 juin 1999, JCP 1999 II, n° 10138 rapp. P. Sargos. 13. Article L.1413-14 du code de la santé publique, plus généralement sur cette question, v. D. Tabuteau : Médecin « soignant » et sécurité sanitaire. In: Nouvelles frontières de la santé, nouveaux rôles et responsabilités du médecin, sous la direction de F. Bellivier et C. Noiville. 14. Article 1413-15 du code de la santé publique. 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 615 Responsabilité pénale La notion de faute caractérisée FOTOLIA D INTERNET LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 INDUSTRIE La nécessité d’un lien spécifique entre l’activité entreprise, quelle qu’elle soit, et l’atteinte soufferte par la victime fait clairement partie des exigences traditionnelles posées en la matière par les textes. On ne peut en effet rationnellement reprocher au prévenu qu’un comportement ayant effectivement contribué au dommage subi par la victime. Pour cette raison, il a été jugé à différentes reprises en faveur des médecins que la perte d’une chance de survie ne relevait pas de la qualification d’atteinte involontaire à la vie. Les décisions en ce sens sont d’autant plus instructives qu’il leur arrive de faire apparaître des lacunes dans l’acte responsable de l’atteinte subie par la victime. Mais, à défaut de certitude de la relation causale, elles ne sauraient en elles-mêmes entraîner la condamnation du prévenu (exemple 1). LU POUR VOUS FAUTE CARACTÉRISÉE ET LIEN DE CAUSALITÉ VIE PROFESSIONNELLE ans un corps de règles préoccupé de la défense des intérêts de la personne, la responsabilité pénale des médecins constitue une possibilité qui ne saurait longtemps être ignorée. Il convient ainsi d’en prendre la juste mesure au regard des textes qui incriminent et répriment les atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité d’autrui. Un changement majeur est en vérité apparu dans l’approche de ce problème. En effet, même dans un domaine aussi sensible que celui des responsabilités professionnelles, il n’est plus aujourd’hui question dans le Code pénal d’une mise en œuvre systématique des règles répressives applicables aux qualifications en cause. Le dispositif instauré par la loi du 10 juillet 2000, tendant à préciser la notion de délits non intentionnels actuellement en vigueur, repose en dernière analyse sur un ensemble de mesures adaptées aux circonstances proprement dites de « l’accident » qui est intervenu. Il résulte de cette nouvelle politique criminelle un certain nombre de conséquences décisives dans la façon dont les spécialistes concernés ont à répondre de leurs actes. La responsabilité pénale des médecins devient à ce titre largement affaire de casuistique selon les repères DOSSIER Caroline Carreau Maître de conférences à la faculté de droit de l’université Paris Descartes, membre de l’institut Droit et Santé définis par les textes pour les infractions non intentionnelles (article 121-3 du Code pénal) [encadré]. En vue de l’équilibre désormais recherché par le législateur, les qualifications applicables ont précisément en commun de moduler les responsabilités encourues en fonction non seulement du préjudice subi par la victime, mais aussi des caractéristiques du comportement litigieux. La décision attendue des juges doit ainsi intégrer désormais une analyse circonstanciée non seulement du « résultat » de l’infraction, mais également du contexte dans lequel est intervenu le préjudice invoqué. L’existence d’un dommage n’est dès lors plus déconnectée des conditions qui l’ont fait naître. Pour cette raison, il est plus que jamais nécessaire de s’attacher aux événements qui en ont favorisé la réalisation. Il apparaît ainsi que des poursuites ne peuvent être exercées à l’encontre des médecins qu’en considération de leur implication effective dans l’infraction qui leur est reprochée. Leur mise en cause est alors fonction de différents paramètres. À cet égard, dans sa formulation même, la faute « caractérisée » n’est certainement pas une faute quelconque. En particulier, elle laisse entendre que leur responsabilité pénale ne peut être retenue qu’en considération d’une certaine corrélation avec le dommage subi par la victime et d’une grave méconnaissance de l’exercice de leur « art ». Les notions de causalité et d’imputabilité jouent à cet égard un rôle essentiel. C O N S U LTAT I O N S Une nouvelle approche du lien de causalité et la notion d’imputabilité délimitent la notion de faute caractérisée : celle-ci se fonde sur l’intensité de l’inadéquation des choix, sur une prise de risque inconsidérée, et sur la connaissance par le médecin du risque encouru par le patient. Désormais, les responsabilités encourues dépendent non seulement du préjudice subi par la victime, mais aussi des caractéristiques du comportement litigieux. 615 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 616 RESPONSABILITÉ ➜ Exemple 1 (1) DES EXAMENS DE JURISPRUDENCE Un retard de traitement peut ne pas être une faute pénale « Si la réalisation tardive d’un lavage gastrique chez une patiente suicidaire a incontestablement fait perdre à celle-ci une chance de survie, l’homicide involontaire n’est pas constitué, dès lors que l’importance de la dose de médicaments absorbée, l’état cardiaque défectueux préexistant et l’incertitude sur l’heure exacte d’absorption ne permettent pas d’affirmer qu’une intervention rapide aurait en toute certitude permis de la sauver » (Crim., 20 novembre 1996 Dr. pén. 1997 n° 34 Note M. VERON ; Crim., 22 mars 2005 Dr. pén. 2005 n° 103 Note M. VERON). « Une faute dans la prise en charge d’une complication postopératoire gravissime n’est pas en relation de causalité certaine avec le décès d’une patiente opérée d’un cancer du côlon dès lors que les publications médicales s’accordent pour constater un taux de mortalité important dans ce type d’intervention » (Crim., 22 mars 2005 Dr. pén. 2005 n° 103 Note M. VERON). 1. Rédaction du Sou médical ➜ Exemple 2 (1) UN RISQUE DE THROMBOSE NON PRIS EN COMPTE La Cour de cassation a pu ainsi condamner pour homicide involontaire un chirurgien esthétique pour n’avoir pas suffisamment pris en compte un risque avéré de thrombose chez une patiente (manque de concertation notamment avec les anesthésistes et le cardiologue), dès lors que la décision d’intervention et la conduite d’ensemble du processus opératoire à l’origine certaine du décès lui appartenait (Crim., 29 octobre 2002 Bull. n° 196). Hématome cérébral après forceps Également la Cour a retenu l’homicide involontaire d’un pédiatre pour le nondiagnostic d’un hématome expansif chez un nouveau-né extrait par forceps, car si ce défaut de surveillance constitue bien une faute simple, celle-ci « présente un lien de causalité direct et certain avec le décès de l’enfant, qu’il eut été possible d’éviter par une intervention idoine, en dépit des éventuelles séquelles neurologiques » Crim., 13 novembre 2002 Bull. n° 203. Paraplégie après cure de hernie discale Enfin, selon un même raisonnement, un neurochirurgien a pu être retenu coupable de blessures involontaires suite à la paraplégie présentée par une patiente, en ce que la voie opératoire choisie pour la cure de hernie discale était inadaptée (Crim. 21 septembre 2004 Bull. n° 216). 1. Rédaction du Sou médical ➜ Exemple 3 (1) DÉFAUT DE SURVEILLANCE POSTOPÉRATOIRE Constitue une faute de négligence caractérisée le fait pour un médecin anesthésiste-réanimateur, pendant plus de seize heures après avoir ordonné la sortie de salle de réveil d’un enfant de 5 ans jusqu’à son décès, de ne pas avoir rendu visite à son patient et procédé à l’examen clinique qui s’imposait en raison notamment d’un état de somnolence persistant et de la mention « petits problèmes d’hémostase à surveiller » portés au dossier par le chirurgien (Crim., 29 novembre 2005 J.C.P 2006 II 10160 Note F.ALT-MAES). 1. Rédaction du Sou médical 616 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 Toutefois, au-delà de ce simple constat, il faut souligner que le degré de proximité entre la faute et le dommage est variable pour ainsi dire d’une espèce à l’autre. Il devient nécessaire à ce titre de déterminer les conditions de mise en œuvre de la loi pénale dans un tel contexte. L’observation qui précède se vérifie aisément dans la réforme qui s’est finalement imposée en matière de délits non intentionnels par la loi du 10 juillet 2000. Il ne s’agit plus en effet de sanctionner quiconque pour toute atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité d’autrui. La première limite imposée par les textes réside de ce point de vue dans une nouvelle approche du lien de causalité contenue dans l’article 121-3 Code pénal. Celle-ci tient à une distinction qui n’existait pas jusqu’alors dans la législation. L’alternative est alors la suivante. Ou bien le lien entre la faute et le dommage subi par la victime (le patient) est direct et toute faute suffit à engendrer la responsabilité de son auteur. Ou bien ce lien n’est qu’indirect, la faute du prévenu ayant seulement créé ou contribué à créer la situation à l’origine du dommage, et seule une faute qualifiée est de nature à entraîner la condamnation pénale de la personne poursuivie (le médecin) (exemple 2). La notion de « faute caractérisée » tend précisément à opérer ce partage selon des repères qui restent à définir. FAUTE CARACTÉRISÉE ET IMPUTABILITÉ Dans la perspective d’une relative « dépénalisation » des atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne, la seconde limite énoncée par les textes, sans doute la plus spectaculaire, concerne la nécessité d’une faute parfois dotée d’un contenu particulier. En d’autres termes, en cas de causalité indirecte, il est désormais exclu qu’une « poussière de faute » suffise, comme par le passé, à entraîner la responsabilité pénale de son auteur. L’exigence d’une faute caractérisée fait intervenir différentes considérations. En premier lieu, elle implique une intensité révélatrice de l’inadéquation des choix opérés par l’agent. Il a pu ainsi être reproché à des médecins de graves défaillances dans la surveillance de leurs patients (Crim., 13 février 2007, pourvoi n° 06-82202). Ou dans la mise en garde des membres de leur équipe (exemple 3). En deuxième lieu, la faute caractérisée fait également référence à une prise de risque inconsidérée de leur part. L’article L.121-3 vise en ce sens l’existence d’une « faute qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité [….] ». En troisième lieu, dans le prolongement de ce qui précède, la faute caractérisée est constituée dès lors que le coupable devait connaître le risque encouru par la victime. Il est clair de ce point de vue que les professionnels doivent, plus que quiconque, agir avec clairvoyance et compétence. Il n’est dès lors guère surprenant que les magistrats aient eu recours à cette exigence pour entrer en voie de condamnation à l’encontre de praticiens auxquels étaient de ce point de vue à bon droit reprochées 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 617 ➜ Exemple 4 (1) C O N S U LTAT I O N S 1. Rédaction du Sou médical MISE AU POINT HÉMATOME COMPRESSIF DE LA TRACHÉE L’homicide involontaire a été également reconnu à l’encontre d’un interne en chirurgie et de son chef de service pour n’avoir pas eu conscience de la nécessité de pratiquer immédiatement une réintervention destinée à DÉFAUT DE SURVEILLANCE DE LA GLYCÉMIE CHEZ UN DIABÉTIQUE Enfin, la Cour de cassation confirme l’infraction d’homicide involontaire prononcée par une cour d’appel à l’encontre d’un médecin endocrinologue pour n’avoir pas correctement surveillé la glycémie d’une patiente qui fera un coma diabétique mortel. La Cour considérera cependant que le manquement du praticien n’est qu’indirectement la cause du décès de la patiente, mais la faute caractérisée étant constituée la sanction d’interdiction d’exercice professionnel de six mois a été légalement prononcée (Crim., 12 septembre 2006 Bull. n° 219). ENTRETIEN MAUVAIS CHOIX D’UN MÉDECIN RÉGULATEUR DE SAMU Un médecin régulateur du Samu commet une faute caractérisée exposant le malade à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer eu égard à son expérience « en faisant le choix, après avoir procédé de manière rapide et superficielle à un interrogatoire téléphonique d’un patient décrivant une douleur thoracique, d’envoyer sur place un médecin de quartier dépourvu de moyens d’intervention plutôt que l’une des trois ambulances du service médical disponibles » (Crim., 2 décembre 2003 Bull. n° 226). résorber un hématome compressif de la trachée (post-thyroïdectomie), malgré l’alerte donnée par le médecin anesthésiste présent en salle de réveil (Crim., 3 mai 2006 Bull. n° 217). Ce que dit le Code pénal LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 INTERNET méthode imposée par les nouveaux textes. Il n’est pas sûr que les notions de faute et de causalité obéissent toujours à des arbitrages très précis. Dans une perspective voisine, il n’est pas certain que l’appréciation in concreto de la faute pénale constitue un « modèle » définitivement reconnu par les juges répressifs. Il reste alors les possibilités offertes par le droit de la responsabilité civile, renforcées au demeurant par les nouveaux textes en vigueur. Mais il s’agit d’un autre débat... ◆ 414231 INDUSTRIE des décisions hâtives ou inappropriées, eu égard en particulier (article 121-3 alinéa 3 Code pénal) à « la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait » (exemple 4). L’apparition de réformes dans un domaine d’activités donné conduit à des changements censés s’inscrire dans la durée. Il apparaît toutefois difficile de dresser un bilan de quelques années d’application du dispositif étudié dans ces lignes. Est ici en cause plus précisément la Voir aussi pour des préjudices de peu de gravité (contraventions) : l’article R 622-1 et l’article R 625-2 et suivants. LU POUR VOUS Atteintes involontaires à la vie • Article 221-6 « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende ». Atteintes involontaires à l’intégrité de la personne • Art. 222-19 Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende. • Art. 222-20 Le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. VIE PROFESSIONNELLE particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. Il n’y a point de contravention en cas de force majeure ». DOSSIER Infractions non intentionnelles • Article 121-3 « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation 617 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 618 RESPONSABILITÉ Prescription hors AMM Responsabilité au regard du risque accepté par le patient, dûment informé Prescrire un médicament en dehors des conditions d’utilisation avalisées par le RCP est juridiquement possible, à condition que ce soit nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins et que cela ne fasse pas courir de risque injustifié au patient. Le médecin peut être fautif par manquement à son obligation d’information. Jérôme Peigné Professeur de pharmacie à l’université Paris-Descartes, membre de l’institut Droit et Santé e problème de la responsabilité du médecin prescrivant un médicament dans des conditions d’utilisation non prévues par l’AMM se ramène au problème général de la responsabilité médicale. Prescrire hors AMM ne place pas le médecin dans une situation nouvelle de responsabilité (la prescription hors AMM n’est pas constitutive en soi d’une faute ou d’un L L’AMM : qualité, sécurité, efficacité Tout médicament préparé industriellement (spécialité pharmaceutique) doit être pourvu d’une AMM, soit nationale, soit communautaire (art. L.5121-8 code santé publique). Cette autorisation est accordée en fonction de trois critères : la qualité, la sécurité et l’efficacité, ces deux derniers s’exprimant sous la forme du rapport bénéfices sur risques (art. L.5121-9 code santé publique). Le dossier d’AMM doit contenir l’intégralité des informations et des études permettant d’évaluer le bienfondé scientifique de la demande d’autorisation. Cette dernière est accompagnée du résumé des caractéristiques du produit (RCP) qui constitue, en quelque sorte, la carte d’identité du médicament, comprenant des renseignements officiels : nom du produit, composition, informations cliniques, indications thérapeutiques, posologie, contreindications, mises en garde, précautions d’emploi, interactions médicamenteuses, effets indésirables… (arrêté du 6 mai 2008, JO 7 mai 2008). À la différence des notices destinées au patient, les RCP sont des documents dédiés aux professionnels de santé, que l’on retrouve compilés dans le dictionnaire Vidal par exemple. 618 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 manquement aux règles de l’art), mais modifie simplement l’appréciation de cette dernière au regard du risque pris par le prescripteur et accepté par le patient dûment informé. QUE VEUT DIRE PRESCRIRE HORS AMM ? Prescrire hors AMM signifie prescrire un médicament dans des conditions d’utilisation autres que celles qui ont été avalisées dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Cela peut consister à prescrire le produit pour une indication thérapeutique autre que celle prévue, ou à une posologie différente, ou encore, tout simplement, pour une personne à laquelle le médicament n’est pas destiné (exemple des médicaments prescrits aux enfants en l’absence de spécialités pédiatriques adaptées). DES CONDITIONS INSCRITES DANS LA LOI : ATU, RECOMMANDATIONS MINISTÉRIELLES Deux circonstances sont prévues par la loi qui organisent la prescription hors AMM, précisément lorsqu’il n’existe pas encore d’AMM. La première concerne les médicaments faisant l’objet d’une recherche biomédicale dans le cadre de la loi Huriet modifiée. La seconde vise les médicaments sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) délivrée dans le cas d’une maladie grave ou rare (art. L.5121-12 code santé publique). À l’inverse, il existe des textes qui restreignent la possibilité de prescrire certains médicaments, pourtant pourvus d’une AMM ou d’une ATU. C’est le cas des médicaments dont la prescription a été assortie d’un certain nombre de conditions et qui ont été classés dans une ou plusieurs catégories de médicaments à prescription restreinte : médicament réservé à l’usage hospitalier, médicament à prescription hospitalière, médicament à prescription initiale hospitalière, médicament à prescription réservée à certains médecins spécialistes, médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement (art. R.5121-77 code santé publique). Une cause spécifique d’exonération de responsabilité a par ailleurs été instituée pour les situations dans lesquelles la prescription d’un médicament est effectuée sur recommandation ou exigence du ministre de la Santé en cas de menace sanitaire grave, telle qu’une attaque bio- 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 619 ➜ Exemple (1) LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 INTERNET 1. Rédaction du Sou Médical INDUSTRIE Le non-respect de l’AMM ne doit pas être une cause d’exclusion dans les contrats d’assurance de responsabilité civile professionnelle, car l’assureur doit prendre en compte la rapidité de l’évolution des connaissances scientifiques, d’autant que les laboratoires pharmaceutiques ne demandent pas systématiquement des extensions d’AMM pour de nouvelles indications. Il est néanmoins prudent de ne prescrire hors AMM que sur la base d’études validées. Par ailleurs, le contrat d’assurance pourrait ne pas accepter de garantir une prescription hors AMM si le juge qualifiait la prescription d’acte illégal, ce qui, à notre connaissance, ne s’est jamais produit. LU POUR VOUS En général, la responsabilité du prescripteur n’a pas été retenue pour des prescriptions hors AMM correctement motivées. Les caisses d’Assurance maladie ont la possibilité d’agir contre le prescripteur en remboursement du paiement de l’indu, s’il omet d’indiquer sur son ordonnance la mention « hors AMM », avec la mention « NR ». Il est donc nécessaire de prévenir le patient de l’absence de remboursement de la prescription afin d’éviter tout conflit ultérieur à ce propos. VIE PROFESSIONNELLE Les principaux cas de prescription hors AMM se retrouvent en psychiatrie, où la dose choisie est souvent très supérieure au maximum préconisé dans l’AMM, et en pédiatrie avec utilisation de ACCIDENTS DÉCLARÉS AU SOU MÉDICAL – GROUPE MACSF − non-respect du dosage (antibiothérapies destinées à combattre des infections multirésistantes mais ototoxiques à forte dose) ; − non-respect des contre-indications (prescription de mésalazine chez une femme enceinte atteinte d’une maladie de Crohn résistant aux autres traitements et ayant provoqué une insuffisance rénale chez l’enfant) ; − indications non prévues à l’AMM (chimionucléolyse avec de l’hexacétonide de triamcinolone ayant provoqué des calcifications vertébrales) ; − non-respect des modes d’administration : plusieurs injections d’anti-inflammatoires dans la même fesse ayant provoqué une fasciite nécrosante puis un décès alors que l’AMM prévoit une ou deux injections, puis un relais par voie orale. NON-RESPECT DE LA MENTION NR En cas de prescription hors AMM, le médicament n’est pas remboursé par l’Assurance maladie. DOSSIER L’EXPÉRIENCE DU SOU MÉDICAL La prescription hors AMM peut conduire à une majoration de la responsabilité du praticien. En principe, le prescripteur n’est pas responsable des complications liées à ses prescriptions si elles correspondent à une bonne indication et si elles sont adaptées au patient, avec un suivi satisfaisant. Or, une prescription hors AMM est a priori suspecte et discutable puisqu’elle ne respecte pas les consignes données par le fabricant ; il est facile d’en déduire un manquement aux bonnes pratiques professionnelles. Le praticien doit lutter contre cette présomption en démontrant qu’il a agi conformément à une pratique reconnue par un nombre important de professionnels et dont l’intérêt n’est pas discuté. La jurisprudence ayant admis des prescriptions hors AMM, il faut pouvoir produire : des avis d’experts sur le caractère reconnu et efficace de cette utilisation hors AMM ; la démonstration de l’impossibilité d’utiliser un autre produit disposant de l’AMM pour cet usage ; la littérature médicale sur la légitimité de cette prescription ; la démonstration du caractère rare et imprévisible de la complication ; la preuve que l’information sur le caractère hors AMM et sur les risques spécifiques de la prescription a été donnée. produits n’ayant pas l’AMM pour des enfants de l’âge des patients traités ou chez la femme enceinte, car il y peu de médicaments autorisés pendant la grossesse. Mais, en fait, toutes les spécialités sont concernées, car il n’est pas toujours possible de trouver un produit ayant l’AMM pour le patient traité, dans l’indication qui est la sienne, les demandes d’AMM étant, entre autres, liées aux objectifs de développement commercial du fabricant. C O N S U LTAT I O N S Hormis ces hypothèses, et dans la mesure où aucun texte ne semble l’interdire formellement, il convient de s’en tenir à la liberté de prescription du médecin. Cette dernière est consacrée à l’article L.162-2 du code de la Sécurité sociale en tant que principe déontologique fondamental. Le Conseil d’État en fait un principe général du droit. MISE AU POINT LIBERTÉ DE PRESCRIPTION… DANS L’INTÉRÊT DU PATIENT D’un point de vue déontologique, la prescription d’un médicament hors AMM ne peut être réalisée que dans l’intérêt du patient. En effet, le code de déontologie médicale dispose que le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance (art. R.4127-8 code santé publique). À ce titre, il doit limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. Il doit ainsi tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. Il est également précisé que le médecin doit s’interdire, dans les investigations et les interventions qu’il pratique, comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié (art. R.4127-40 code santé publique). Il ne saurait, en outre, proposer aux malades ou à leur entourage un remède présenté comme salutaire ou sans danger et, plus généralement, tout procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé (art. ENTRETIEN terroriste ou une pandémie virale (art. L.3110-3 code santé publique). Dans ce contexte, les professionnels de santé ne peuvent être tenus pour responsables des dommages résultant de la prescription ou de l’administration d’un médicament, en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues par son AMM ou son ATU, ou même d’un médicament ne faisant l’objet d’aucune autorisation. 619 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 620 RESPONSABILITÉ Formulaire de demande d’autorisation temporaire d’utilisation nominative d’un médicament. Deux circonstances sont prévues par la loi qui organisent la prescription hors AMM dont celle qui vise les médicaments sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) délivrée dans le cas d’une maladie grave ou rare. R.4127-39 code santé publique). Enfin, dans la mesure où elle relève des soins prodigués au patient, la prescription d’un médicament doit être fondée sur les données acquises de la science (art. R.4127-32 code santé publique). C’est donc au regard de ces standards juridiques que la validité d’une prescription hors AMM sera appréciée sur le plan disciplinaire. Ainsi, à partir du moment où elle est conforme aux données acquises de la science et où il s’agit, pour le patient, de la meilleure alternative thérapeutique possible, le bien-fondé de la prescription a toutes les chances d’être reconnu. Responsabilité pénale Le médecin qui effectue une prescription hors AMM est également susceptible d’engager sa responsabilité sur le plan pénal. Cela peut notamment se traduire par une reconnaissance de la mise en danger d’autrui (art. 223-1 Code pénal), de l’atteinte involontaire à l’intégrité physique (art. 222-19 Code pénal), voire de l’homicide involontaire (art. 221-6 Code pénal). Responsabilité civile Au plan civil, le principe reste celui de la faute (art. L.1142-1 code santé publique). Naturellement, la responsabilité du prescripteur pourra uniquement être recherchée si la prescription a été dommageable pour le patient. Il revient alors à ce dernier de prouver que le médecin, auquel il est lié par une relation contractuelle, a manqué à son obligation de moyens, obligation en vertu de laquelle il est tenu de donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. Le manquement sera d’autant plus facile à établir que le médecin aura fait courir un risque injustifié par sa prescription ou se sera notoirement écarté des données scientifiques les plus communément admises. Pour autant, de nombreuses prescriptions hors AMM sont effectuées au regard d’études scientifiques validées, attestées par des publications officielles, reposant sur un consensus médical, ce qui, de fait, réduit les possibilités d’engagement de responsabilité. La faute du médecin pourra aussi revêtir une autre forme : celle d’un manquement à son obligation d’information (art. L.1111-2 code santé publique). 620 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 NÉCESSITÉ D’INFORMER L’absence d’information, une information incomplète ou inexacte ayant empêché le patient de donner un consentement éclairé au traitement prescrit sont en effet susceptibles d’engager la responsabilité civile du médecin. Autrement dit, toute prescription hors AMM doit permettre au patient d’être pleinement renseigné sur les conditions de son traitement. Le prescripteur s’expose particulièrement sur ce terrain s’il ne délivre pas les informations concernant l’utilité du traitement, son urgence éventuelle, ses conséquences et les risques fréquents ou graves normalement prévisibles, ainsi que les autres solutions possibles. Il ne saurait par ailleurs se retrancher derrière le fait que la prescription médicale présenterait un caractère nécessaire. Dans le contexte d’une prescription hors AMM, le risque est d’autant plus développé que les données issues du RCP sont parfois insuffisantes pour ne pas dire inexistantes. Il appartient donc au prescripteur de « révéler » à son patient les données médico-scientifiques qui l’amènent à prescrire un médicament en dehors des conditions normales d’utilisation. MENTION NR SUR L’ORDONNANCE Enfin, il faut préciser que les prescriptions hors AMM doivent respecter les règles de la législation sociale. De manière générale, les professionnels de santé doivent, avant l’exécution d’un acte, informer le patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d’Assurance maladie (art. L.1111-3 code santé publique). Les médecins sont plus spécialement tenus d’indiquer sur l’ordonnance, support de la prescription, le caractère non remboursable des produits prescrits, notamment lorsqu’ils prescrivent une spécialité en dehors des indications thérapeutiques ouvrant droit au remboursement par l’Assurance maladie (art. L.162-4 code sécurité sociale). Il leur appartient donc de signaler qu’une spécialité est prescrite en dehors des indications retenues pour l’inscription du médicament sur la liste des spécialités remboursables, en portant sur l’ordonnance la mention du caractère non remboursable (NR) du produit (art. R.162-1-7 code sécurité sociale). Cette mesure est étendue à la prescription des dispositifs médicaux. En omettant de signaler le caractère non remboursable de sa ligne de prescription, le médecin s’expose, en cas de contrôle des caisses, à devoir rembourser le coût du traitement et, en cas d’abus ou de pratiques répétées, à être traduit devant l’instance spécifique du contentieux de la Sécurité sociale, avec la perspective d’une sanction financière. Prescrire hors AMM est souvent médicalement nécessaire. C’est aussi juridiquement possible, à condition de respecter les principes élémentaires gouvernant l’acte médical. ◆ 414230 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 621 ENTRETIEN Le refus de soins Tout faire pour l’éviter ! LE REFUS DE SOIGNER INDUSTRIE INTERNET LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 LU POUR VOUS Le refus de prise en charge d’un patient n’est possible, pour le médecin, que de façon très restrictive. Deux régimes coexistent quant à la relation médecin/malade. S’agissant de la médecine privée, d’une part, le contrat qui lie le patient et son médecin est un contrat intuitu personæ, ce qui signifie que le médecin et le patient se sont choisis l’un et l’autre. Dès lors, de la même façon que le patient a le droit de choisir son médecin, le médecin est autorisé, sous certaines réserves, à choisir ses patients et peut refuser de soigner. Par exemple, le médecin peut ne pas prendre en charge un patient s’il se considère incompétent ou si les conditions matérielles ne lui permettent pas une prise en charge optimale. Il est nécessaire de préciser que, dans une telle situation, le praticien est dans l’obligation de réorienter son patient vers un autre confrère. Cependant, la loi du 4 mars 2002 met en place de nombreuses règles visant à accroître les droits des malades. S’agissant de la médecine hospitalière, en revanche, le contrat médical est réalisé entre le patient et l’établisse- VIE PROFESSIONNELLE D Non-assistance à personne en péril En premier lieu, la situation d’urgence ou de péril constitue une exception au droit du médecin de choisir son patient. En effet, « quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours » est passible de l’infraction d’omission de porter secours prévue à l’article 223-6 du Code pénal. Cet article impose à toute personne ayant connaissance du péril de mettre en œuvre l’aide la plus appropriée possible à la situation afin de venir au secours de la victime. Cette disposition, de portée générale, est renforcée pour les médecins par l’article 9 du code de déontologie médicale qui dispose : « tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires ». Le médecin se voit donc imposer une obligation particulière de prise en charge de la situation dans laquelle peut se trouver une victime. Ainsi, le médecin peut voir sa responsabilité pénale engagée lorsque, informé de la situation d’urgence, il refuse de se déplacer au chevet du patient ou de prendre en charge un malade. La jurisprudence est à cet égard particulièrement sévère, puisqu’elle considère que le médecin, du fait de ses compétences, est à même de mesurer la gravité de la situation. Elle considère généralement que le médecin ne peut pas ignorer l’urgence de la situation. Elle fait ainsi peser sur lui une vigilance accrue. À cette situation de péril, il faut assimiler la situation de détresse dans laquelle serait plongé un patient que le médecin aurait refusé de prendre en charge pour raison personnelle ou professionnelle. La liberté du médecin DOSSIER e prime abord, le refus de soins est généralement entendu comme le refus, par un médecin, de délivrer des soins à son patient. Cependant, il ne faut pas oublier que cette notion recouvre aussi l’idée que les patients eux-mêmes sont en droit de refuser de recevoir un soin, quelles que soient les conséquences de ce choix. Objection de conscience Néanmoins, le médecin est en droit de refuser de pratiquer certains actes contraires à ses convictions. Par exemple, il est autorisé à faire jouer sa clause de conscience pour refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse (article L.2212-8 du code de la santé publique) ou une stérilisation volontaire (article L.2123-1 du code de la santé publique). Par conséquent, les situations dans lesquelles un médecin est en droit de choisir son patient apparaissent relativement limitées, ce d’autant que le droit pénal impose au médecin d’agir dans plusieurs situations. C O N S U LTAT I O N S Diane Rousseau Membre de l’IDS, Paris ment de soins. Le médecin est donc dans l’obligation de soigner tout patient qui se présentera à lui. MISE AU POINT Si le médecin a la liberté de choisir ses patients, en dehors de tout motif discriminatoire, celle-ci s’arrête dès l’instant où le patient est en situation de péril : le droit pénal lui impose alors d’agir. Lorsque le patient refuse les soins, le médecin est confronté à un cruel dilemme entre l’obligation de respecter la volonté du patient et celle de tout mettre en œuvre pour le sauver. 621 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 622 RESPONSABILITÉ de choisir ses patients s’arrête donc dès l’instant où le patient est en situation de péril. Non-discrimination En second lieu, bien que le médecin puisse, dans le cadre de la médecine libérale, déterminer lui-même les patients qu’il prendra en charge, son choix ne doit pas être fondé sur un motif discriminatoire. En effet, l’article 7 du code de déontologie médicale précise que « le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ». Il y a discrimination dans l’accès aux soins lorsque, par exemple, un médecin refuse de soigner les patients qui bénéficient de la couverture maladie universelle (CMU). Cette situation, devenue trop fréquente, a conduit à la rédaction d’un rapport par M. Chadelat, inspecteur général des affaires sociales, visant à dénoncer le comportement de certains praticiens. À cet égard, le Conseil national de l’Ordre des médecins a précisé qu’il prendrait « des mesures énergiques face aux praticiens qui enfreignent la déontologie médicale ». On constate ainsi que les situations dans lesquelles le médecin est autorisé à choisir les patients qu’il soigne sont assez restreintes. Néanmoins, si le médecin peut difficilement refuser de soigner un malade, le malade, en revanche, est en droit de refuser le soin. LE REFUS D’ÊTRE SOIGNÉ Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, l’article L.1111-4 du code de la santé publique précise qu’« aucun acte médical ni aucun traite- En 1993, la décision des médecins britanniques du Withenshawe Hospital de ne pas ponter un fumeur coronarien s’il n’arrêtait pas de fumer avait provoqué beaucoup de commentaires, le patient étant décédé peu après. Ce refus de soins avait été assimilé par la presse britannique à de la morale abusive, ce que les médecins de Manchester récusaient, arguant du fait qu’ils ne voulaient pas faire courir à ce patient un risque thérapeutique important pour des bénéfices réduits. Claude Got commentait dans le Concours médical : « Peut-on être assuré que la notion de punition et la recherche d’un effet d’annonce pour dissuader les fumeurs soient absentes de leur décision ?». Ch.M. Le Concours med, 1993, 115, 2594. 622 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 ment ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». En effet, par principe, toute atteinte à l’intégrité physique du corps humain est prohibée. Les articles 222-7 et suivants du Code pénal répriment les violences volontaires à l’intégrité du corps humain. Cependant, l’acte médical constitue une exception légale à ce principe. En effet, l’article 16-3 du Code civil dispose : « Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ». Respecter la volonté de refus de soins… C’est en réponse à ce principe qu’a été intégré, au sein du code de la santé publique, l’article L.1111-4 qui impose au médecin de recueillir le consentement du patient préalablement à tout acte médical. Ce même article impose alors au médecin de respecter la volonté du patient, ce qui suppose de respecter, le cas échéant, sa volonté de refuser le soin. Néanmoins, le médecin reste tenu de tout faire pour convaincre le patient d’accepter le traitement mis en œuvre dans son intérêt. …sauf acte indispensable à la survie et proportionné à l’état Cette situation de refus de soins a été fréquemment constatée dans le cadre de la transfusion sanguine rejetée par les témoins de Jéhovah du fait de leurs croyances religieuses. De nombreuses affaires ont été portées devant les juridictions après que certains médecins ont pratiqué une transfusion sanguine sans consentement du patient, voire malgré son refus. Certains patients ont alors demandé réparation du préjudice subi du fait du non-respect de leur volonté par le médecin. Dans cette situation, deux obligations fondamentales pour le médecin s’opposent : l’obligation de respecter la volonté du malade d’un côté, l’obligation de tout mettre en œuvre pour sauver la vie du patient de l’autre. Face à cette délicate situation, la jurisprudence administrative a adopté une position souple en précisant que « les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale [...] une atteinte grave et manifestement illégale lorsque, après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d’accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; le recours dans de telles conditions à un acte de cette nature n’est pas non plus manifestement incompatible avec les exigences qui découlent de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et notamment de son article 9 » (CE ord., 16 août 2002, n° 249552). Néanmoins, les juridictions civiles, notamment la cour d’appel d’Aix-enProvence, semblent s’aligner sur les dispositions de la loi du 4 mars 2002 en considérant que le patient doit assumer les conséquences de son refus de soins. ◆ 414241 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 623 Un double régime de responsabilité INTERNET LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 INDUSTRIE Ce sont en premier lieu les juridictions administrative et judiciaire qui ont déterminé les conditions d’engagement de la responsabilité des établissements de soins et des médecins en matière d’infections nosocomiales avant que le législateur ne vienne en déterminer les contours. LU POUR VOUS LES RESPONSABILITÉS SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ENGAGÉES VIE PROFESSIONNELLE L DOSSIER es infections nosocomiales ont été définies par le ministère de la Santé dans une circulaire du 13 octobre 1988 (n° 88-263) : « Toute maladie provoquée par des micro-organismes, contractée par un patient dans un établissement de soins après son admission pour hospitalisation ou soins ambulatoires, dont les symptômes peuvent apparaître au cours du séjour à l’hôpital ou après un certain délai, variable selon la période d’incubation et la nature des interventions ». Une circulaire d’application du 29 décembre 2000 (DGS/DHOS/E2 n° 645) en a donné une définition plus large. Il s’agit en effet de « toute infection contractée dans un établissement de santé ». Les infections nosocomiales, représentant une source importante de risques pour le patient (plus de 10 000 décès par an), sont devenues un enjeu de santé publique. Les pouvoirs publics sont ainsi intervenus afin d’organiser la lutte contre ces infections. Ainsi, la juridiction judiciaire consacrait une présomption de faute à la charge des établissements privés lorsque l’infection avait été contractée lors d’une intervention chirurgicale (Cass. 1er civ., 21 mai 1996) ou dans une salle d’accouchement (Cass. 1er civ., 16 juin 1998). Si le patient, demandeur à l’action en justice, établissait le lien de causalité entre d’une part son séjour hospitalier, et d’autre part son état de santé, l’établissement de santé était responsable du dommage, sauf si ce dernier établissait qu’il avait pris les précautions d’usage et n’avait commis aucune faute. La juridiction administrative, elle, affirmait que si le patient avait contracté une infection nosocomiale, c’était en raison d’une désorganisation dans le service : elle présumait que l’établissement s’était rendu coupable d’une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service (CE, 9 décembre 1988, Cohen). Puis en 1999, via trois arrêts, la juridiction judiciaire a affirmé que médecin et établissement de santé étaient tous deux tenus à une obligation de sécurité de résultat dont ils ne pouvaient se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère ; la preuve de l’absence de faute ne leur permettant plus en effet de s’exonérer de toute responsabilité (Cass. 1er civ., 29 juin 1999). Suite à cette construction jurisprudentielle est intervenue la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Cette dernière n’est applicable aux instances en cours que lorsque le litige, dont la juridiction est saisie, date du 5 septembre 2001 au moins. Il convient alors de distinguer selon que les activités de prévention, de diagnostic ou de soins, ayant donné lieu à infections nosocomiales, sont antérieures ou non au 5 septembre 2001. C O N S U LTAT I O N S Agnès Ballereau-Boyer Membre de l’institut Droit et Santé, Paris MISE AU POINT Le patient victime d’une infection nosocomiale contractée dans un établissement de santé est indemnisé selon un double régime. Si les conséquences de l’infection sont particulièrement graves, son indemnisation est assurée au titre de la solidarité nationale. Dans les autres cas, l’établissement ou son assureur doit en principe en supporter la charge. ENTRETIEN Infection nosocomiale 623 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 624 RESPONSABILITÉ Types de faute qui peuvent être retenus à l’encontre du médecin • Manquement à son obligation d’information : obligation d’origine professionnelle et légale, elle contraint le médecin à informer le patient tant sur la maladie dont il est atteint que sur les traitements et soins envisagés ainsi que sur leurs risques éventuels. Une limite à cette obligation pouvant s’assimiler à une obligation de conseil : l’urgence ou le refus par le patient d’être informé. Il convient de rappeler que la charge de la preuve de l’exécution de cette obligation incombe au médecin. • Manquement à l’hygiène, à l’asepsie, aux bonnes règles en matière de stérilisation : la faute s’analyse ici en un manquement à une règle préalablement fixée. • Absence d’antibioprophylaxie : la prescription de cette technique thérapeutique fait partie intégrante de la consultation préopératoire. Dans l’hypothèse de survenue d’une infection nosocomiale et en l’absence d’antibioprophylaxie, le médecin est fautif puisque aucune mesure destinée à prévenir l’infection n’a été prise, faisant perdre au patient toute chance d’échapper à l’infection. • Diagnostic tardif de l’infection : il sera reproché au médecin de ne pas avoir mis tous les moyens à Ainsi, pour les activités de prévention, de diagnostic ou de soins antérieures au 5 décembre 2001, c’est le régime jurisprudentiel qui a vocation à s’appliquer : le médecin ainsi que l’établissement de santé demeurent tenus envers le patient d’une obligation de sécurité de résultat dont ils ne peuvent se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère. La jurisprudence retient en outre que l’établissement, condamné à la réparation des conséquences dommageables de l’infection, dispose d’un recours subrogatoire à l’encontre des praticiens soumis à une obligation de sécurité de résultat (Cass. 1er civ., 1er février 2005). Les juridictions administratives n’ont pas non plus appliqué de manière anticipée le régime institué par loi du 4 mars 2002. LE RÉGIME D’INDEMNISATION INSTITUÉ PAR LA LOI DU 4 MARS 2002 En revanche, pour les infections nosocomiales liées aux activités de prévention, de diagnostic ou de soins datant au moins du 5 septembre 2001, le régime institué par la loi du 4 mars 2002 est applicable. L’article 98 de ladite loi (article L. 1142-1 du code de la santé publique) maintient une responsabilité de plein droit à l’égard, uniquement, des établissements de santé. Les professionnels de santé restent soumis à un régime de responsabilité pour faute, dont la charge de la preuve incombe au demandeur, donc au patient victime. Cet article dispose que : « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ». Cette loi place au même rang tous les établissements de soins, privés ou publics. Elle consacre ainsi une responsabilité de plein droit dont seule la cause étrangère est exonératoire ; aucun arrêt en la matière n’a encore été rendu. Il apparaît que l’établissement pourrait échapper à sa responsabilité en prouvant que l’infection nosocomiale 624 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 sa disposition pour tenter de guérir son patient. Le juge sanctionnera alors ce retard de diagnostic s’il a fait perdre au patient une chance de voir son état de santé s’améliorer. • Traitement inapproprié ou insuffisant de l’infection : la responsabilité pénale du médecin peut être engagée en cas de prise en charge inadaptée de l’infection, une fois constituée, si la faute commise, c’est-à-dire le traitement inadapté, a causé de manière certaine les blessures ou le décès ou a fait perdre au patient toute chance d’échapper au dommage. ne résulte ni de l’hospitalisation ni des actes invasifs pratiqués en son sein. Ces nouvelles dispositions n’affectent ni la responsabilité pénale ni la responsabilité disciplinaire encourue par le médecin suite à une faute. La loi du 30 décembre 2002 a par ailleurs introduit une modification dans le code de la santé publique un régime d’indemnisation en faveur du patient victime d’une infection nosocomiale, qui varie en fonction de la gravité de son état de santé. La loi prévoit en effet un partage de la réparation des dommages nosocomiaux entre les assureurs et la solidarité nationale. Le nouvel article L. 14421-1 du code de la santé publique dispose désormais qu’ « […] ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : les dommages résultant d’infections nosocomiales dans les établissements ou les services ou organismes […] correspondant à un taux d’incapacité permanente supérieur à 25 % […] ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ». Seuls les dommages inférieurs à ce taux sont donc désormais à la charge des assureurs. Ce dispositif faisant appel à « la solidarité au secours de la responsabilité » (1) aboutit ainsi à faire peser sur la collectivité le poids de la réparation des dommages les plus lourds tandis qu’il ne laisse substituer à la charge des établissements et des professionnels – et plus particulièrement de leurs assureurs – que celui des dommages les moins graves. Toutefois, pour éviter que ce nouveau système ne déresponsabilise les établissements et les professionnels de santé, il est prévu que l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), après avoir indemnisé au titre de la solidarité nationale les victimes des dommages nosocomiaux les plus graves, puisse exercer un recours en cas de manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales (2). ◆ 414242 NOTES 1. Radé C. La solidarité au secours de la responsabilité. Resp civ et ass 2003, chr. n° 5. 2. Art. L. 1442-17 in fine CSP. 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 625 INDUSTRIE INTERNET LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 LU POUR VOUS L VIE PROFESSIONNELLE a prise en charge d’un patient requiert souvent l’intervention complémentaire de plusieurs médecins, parfois de spécialités différentes, et de membres de professions paramédicales. Ainsi l’anesthésiste-réanimateur est-il non seulement le collaborateur privilégié du chirurgien, mais aussi celui de nombreux autres spécialistes. De même, l’obstétricien et la sage-femme forment une association avec des compétences communes et une compétence spécifique de l’obstétricien, notamment lorsque l’accouchement devient dystocique. Le médecin et l’infirmière constituent eux aussi une équipe avec un rôle propre à chacun d’eux et une collaboration nécessaire pour certains actes réalisés par l’infirmière sur prescription médicale ou en vertu d’un protocole. Enfin, on peut citer le cas du médecin coordinateur vis-à-vis des médecins traitants dans les établissements recevant des personnes âgées ou encore celui du chef de service de psychiatrie dans ses rapports avec les praticiens hospitaliers de son service. Toutes ces situations caractérisent l’existence d’une équipe médicale dans laquelle plusieurs professionnels de santé participent conjointement à la prise en charge d’un DOSSIER Sophie Hocquet-Berg Maître de conférences à l’université Paul Verlaine, Metz patient dans un cadre coordonné. Si le code de déontologie envisage la collaboration de plusieurs médecins pour l’examen ou le traitement d’un malade, il rappelle que « l’exercice de la médecine est personnel » (CSP, art. R. 412769) et que par conséquent « chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles » (CSP, art. R. 4127-64). Il ressort de ces règles déontologiques que si la décision peut être conjointe, les responsabilités restent individuelles. Dès lors, en cas de dommage causé à un patient, la question de la détermination de la personne juridiquement responsable se pose de façon plus complexe au sein d’une équipe médicale. Dans le secteur public, les règles de la responsabilité civile applicables au médecin hospitalier obéissent aux règles communes à tous les agents publics de l’État. Le patient est dans la situation d’un usager du service public et n’a conclu aucun contrat avec le médecin auteur du fait dommageable. La faute que ce dernier a commise donne lieu à réparation à l’issue d’une action engagée contre l’établissement public d’hospitalisation. En revanche, dans le secteur privé – auquel le présent article sera limité –, le droit de la responsabilité civile, tout en admettant des cas résiduels de responsabilité du fait d’autrui, reste dominé par le principe de la responsabilité individuelle (1). La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé n’a pas abordé la question de la répartition des responsabilités civiles au sein de l’équipe médicale. Toutefois, elle a solennellement posé le principe de la responsabilité médicale pour faute, sans que l’existence ou non d’un contrat de soins ait une influence sur l’étendue des devoirs du professionnel de santé. Cette loi a, en effet, « décontractualisé » la relation médecin-patient, marquant ainsi l’émergence d’une responsabilité statutaire. De même, la jurisprudence récente montre que les responsabilités des professionnels de santé dépendent moins de la nature de leurs relations avec le patient que du statut juridique en vertu duquel ils exercent leur art. Cette évolution doit être prise en considération pour déterminer les responsabilités qui pèsent sur le chef de l’équipe médicale et sur chacun de ses membres. C O N S U LTAT I O N S En secteur privé, si la décision médicale peut être conjointe, les responsabilités restent individuelles… à ceci près que chaque professionnel d’une équipe exerçant à titre libéral peut être condamné in solidum. Tandis que les membres de l’équipe ayant le statut de salarié échappent en principe, en raison de leur subordination à l’employeur, à toute responsabilité civile personnelle. MISE AU POINT Émergence d’une responsabilité civile statutaire ENTRETIEN Au sein de l’équipe médicale 625 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 626 RESPONSABILITÉ LES RESPONSABILITÉS INCOMBANT AU CHEF DE L’ÉQUIPE MÉDICALE Le chef de l’équipe médicale, lorsqu’il exerce à titre libéral, répond, comme tout professionnel de santé, de ses fautes personnelles. En outre, en sa qualité de chef d’équipe, il est responsable du fait des infirmières et des aides-soignantes placées sous son autorité. Le praticien répond des dommages que ces personnes causent dans l’exercice de leur activité, même si elles sont employées par la clinique et mises temporairement sous ses ordres. En assistant le praticien lors d’un acte médical d’investigation ou de soins, elles deviennent ses préposées occasionnelles pour les actes accomplis sous sa surveillance médicale directe (Civ. 1er, 28 mai 1980 : Bull. I, n° 160). Vis-à-vis du personnel paramédical Ainsi, il a été jugé qu’une infirmière agit sous l’autorité de l’anesthésiste, et aux risques et périls de celui-ci, pour tous les actes exécutés pendant la phase de réveil, jusqu’à la reprise complète des fonctions vitales. La responsabilité d’un anesthésiste a, de ce fait, été retenue dès lors qu’un patient a été victime d’une atteinte du système nerveux due à une perfusion qui avait été mise en place par une infirmière, de façon défectueuse, au cours de la réanimation (Civ. 1 er, 11 décembre 1984 : Bull. I, n° 333). La jurisprudence a cependant tempéré cette règle en permettant de rechercher la responsabilité de l’établissement lorsque le médecin est lui-même victime de l’infirmière employée par la clinique (Civ. 1er, 13 mars 2001 : Bull. I, n° 72). En l’espèce, au cours d’une intervention chirurgicale, un gynécologue obstétricien avait eu le pied droit écrasé en raison d’une faute de la panseuse qui l’assistait, préposée de la clinique, lors de la manipulation de la table mobile d’opération. Conformément au droit commun de la responsabilité civile du fait d’autrui, la garantie du commettant* est subordonnée à la preuve d’une faute de son préposé. Le praticien ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve du caractère irréprochable de son propre comportement. Il ne peut davantage exercer un recours subrogatoire à l’encontre des préposés fautifs « ayant agi dans les limites de leur fonction », lesquels bénéficient désormais d’une « immunité personnelle », comparable à celle dont bénéficient les agents publics (Ass. plén. 25 fév. 2000, Costedoat : Bull. ass. plén., n° 2). En revanche, si l’acte de soins dommageable relève du rôle propre du personnel infirmier ou de l’aide-soignante et qu’il n’est pas exécuté sous la surveillance du praticien, seule la responsabilité de son employeur, l’établissement de santé, peut être engagée (Civ. 1er, 9 janvier 1973 : Bull. I, n° 13). Une clinique a ainsi été déclarée responsable de la faute commise par une infirmière salariée lors d’une séance de chimiothérapie. Au cours de la perfusion, l’aiguille était en effet sortie de la veine, et les 626 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 produits à injecter s’étaient répandus dans les tissus, entraînant de graves dommages pour le patient (Civ. 1er, 29 mars 1989, n° 86-14555). Vis-à-vis de l’équipe médicale S’agissant de la responsabilité civile du chef de l’équipe médicale du fait des autres médecins qui la composent, elle doit être appréhendée au regard de la transformation des rôles respectifs des différents intervenants à l’acte médical. La position traditionnelle consiste à considérer que le chef de l’équipe médicale est responsable, non seulement de ses propres fautes, mais encore de celles commises par les médecins auxquels il a eu recours et auxquels il s’est substitué, en dehors du consentement du patient, pour une partie inséparable de son obligation. Cette solution vise tout particulièrement l’anesthésiste auquel le chirurgien serait, selon cette conception, réputé s’être substitué pour l’accomplissement de ses propres obligations (Civ. 1er, 9 octobre 1984 : Bull. civ. I, n° 251). Paralysie du plexus brachial. Condamnation in solidum Ainsi, la responsabilité d’un chirurgien a été retenue par les magistrats en raison d’une faute de l’anesthésiste auquel il avait eu recours pour procéder à l’ablation de la vésicule biliaire d’une patiente. Au cours de l’intervention, la mauvaise position du bras de la malade sur la table d’opération, qui était imputable à une faute de l’anesthésiste, avait en effet provoqué une atteinte du plexus brachial par élongation et une paralysie de la main droite (Civ. 1er, 18 juillet 1983 : Bull. I, n° 209). Cette solution s’accorde mal avec l’indépendance professionnelle de certains professionnels de santé et, en particulier, avec la compétence spécifique de l’anesthésiste dans l’exercice de son art, désormais reconnu comme une spécialité à part entière. Au contraire, le cumul de responsabilités personnelles de deux professionnels de santé pour la méconnaissance des obligations qui leur sont propres est une solution davantage en harmonie avec le concept d’équipe médicale, reposant sur la complémentarité des compétences de ses membres, qui agissent conjointement. La responsabilité de l’un des intervenants n’excluant pas la responsabilité de l’autre, chaque professionnel de santé fautif peut être condamné in solidum à réparer l’entier dommage (Crim., 22 juin 1972 : Bull. crim. n° 218 et n° 219). Anesthésiste et chirurgien condamnés pour défaut de transfusion lors d’une néphrectomie Dans cette affaire, le chirurgien et l’anesthésiste avaient négligé de rechercher le groupe sanguin d’une patiente, et de prévoir des flacons de sang iso-groupés, alors que le risque hémorragique était pourtant prévisible compte tenu de l’état antérieur de la malade. Ils avaient, en outre, omis de pratiquer, dès la première heure de l’intervention, une transfusion de sang qui aurait permis de la sauver. En 18/06/08 14:39 Page 627 FOTOLIA 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 C O N S U LTAT I O N S DOSSIER LA RESPONSABILITÉ INCOMBANT AUX AUTRES MEMBRES DE L’ÉQUIPE MÉDICALE INTERNET LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 INDUSTRIE Défaut d’information : condamnation in solidum La responsabilité des différents médecins se succédant pour réaliser des investigations médicales a ainsi, par exemple, été retenue solidairement par la Cour de cassation du fait d’un manquement à leur obligation d’information. En l’espèce, une aortographie avait été prescrite pour un enfant par un médecin, spécialiste de la chirurgie thoracique et exécutée par un électroradiologiste, sans pour autant que les parents aient été informés des risques de l’acte ni que leur consentement fût recueilli. À la suite de cet examen, qui n’était ni indispensable ni urgent, le jeune patient s’est trouvé atteint de paraplégie. Dans ces conditions, les deux praticiens furent condamnés in solidum par les magistrats. Le médecin prescripteur était, en effet, tenu d’informer les parents des conséquences possibles de LU POUR VOUS S’agissant de la responsabilité des autres membres de l’équipe médicale, son régime dépend, là encore, directement de leur statut juridique. S’ils exercent à titre libéral, ils engagent leur propre responsabilité en cas de manquement aux devoirs qui leur incombent à titre personnel (CSP, art. L. 1142-1, I, al. 1er). Ainsi, le juge doitil vérifier si chacun des médecins, membres de l’équipe, a bien agi conformément aux données acquises de la science et retenir la responsabilité in solidum de tous ceux dont la faute est à l’origine du dommage (Civ. 1 er, 15 novembre 2005, n° 04-16.798). VIE PROFESSIONNELLE Arrêt cardiorespiratoire après amygdalectomie : défaut de surveillance Dans cette affaire, le patient était décédé d’un arrêt cardiorespiratoire quelques instants après avoir subi une MISE AU POINT outre, en fin d’intervention, ils n’avaient pas assuré une surveillance suffisante lors du changement de position de l’opérée qui fut remise sur le dos sans précautions, ce qui occasionna son décès par suite d’un arrêt cardiorespiratoire. La Cour de cassation a jugé que les deux praticiens, qui agissaient ensemble en tant que membres d’une équipe chirurgicale, avaient commis l’un et l’autre des fautes susceptibles d’engager leur responsabilité. Même si l’anesthésiste était le principal responsable du décès, le chirurgien se devait de faire respecter les règles de prudence et de sécurité concernant des actes ne faisant pas appel à des connaissances techniques échappant à sa propre compétence. La répartition du poids de la réparation entre les coresponsables se fait ensuite selon la gravité des fautes commises. Cependant, en plus des devoirs découlant de la mise en œuvre de sa propre spécialité, le chirurgien est tenu, en sa qualité de chef de l’équipe médicale, d’une obligation générale de prudence et de diligence, consistant notamment à veiller à ce que le patient soit, à l’issue de l’intervention, placé sous la surveillance d’une personne qualifiée (Ass. plén., 30 mai 1986 : Bull. ass. plén., n° 8). ENTRETIEN Le chef de l’équipe médicale, lorsqu’il exerce à titre libéral, répond, comme tout professionnel de santé, de ses fautes personnelles, mais aussi des fautes des personnes placées sous son autorité. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que, même si l’anesthésiste était le principal responsable du décès, le chirurgien se devait de faire respecter les règles de prudence et de sécurité concernant des actes ne faisant pas appel à des connaissances techniques échappant à sa propre compétence. amygdalectomie alors qu’il avait été laissé seul dans sa chambre par l’infirmière chargée de le surveiller, le chirurgien et l’anesthésiste ayant immédiatement quitté la clinique. L’assemblée plénière a considéré que la responsabilité du chirurgien devait également être retenue, même si la surveillance postopératoire ne lui incombe pas normalement. Elle a estimé, en effet, que le chirurgien, auquel incombe l’organisation et la conduite générale de l’intervention, est à ce titre tenu de s’assurer, au cours des différentes phases de l’opération et jusqu’au réveil, que toutes les précautions ont été prises pour assurer la sécurité du malade. Le chirurgien a, en outre, un devoir d’information visà-vis de ses confrères à qui il doit transmettre les renseignements nécessaires à la pratique de leur acte (Civ. 1er, 28 octobre 1997 : Bull. I, n° 298). Il peut aussi incomber au chirurgien de choisir le mode d’anesthésie (Civ. 1er, 31 mars 1998, n° 96-14.570). Le chef d’équipe doit, par ailleurs, veiller à la présence des équipements et produits nécessaires à l’intervention sans pouvoir se retrancher derrière la carence de l’établissement dans lequel il exerce. Le chef de l’équipe médicale est ainsi responsable, mais à titre personnel, à l’égard de son patient de l’ensemble de l’opération de soins dont il coordonne l’exécution. 627 0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1 18/06/08 14:39 Page 628 DR RESPONSABILITÉ Aortographie. Le médecin prescripteur comme le radiologue ont l’obligation d’informer le patient des risques d’un examen. l’acte, de façon à leur permettre de donner leur accord en toute connaissance de cause. De son côté, le radiologue n’était, quant à lui, pas tenu par la prescription de son confrère, mais disposait, de par sa qualité et ses fonctions, d’un droit de contrôle sur sa prescription, et avait aussi l’obligation d’informer les parents de l’enfant des risques de l’intervention (Civ. 1er, 29 mai 1984 : Bull I, n° 177 et n° 178). Cette solution est la conséquence logique de l’indépendance de chaque praticien. Elle peut ainsi être également appliquée aux différents membres de l’équipe médicale qui sont de spécialités complémentaires. Ces professionnels de santé sont tenus de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile (CSP, art. L. 1142-2, al. 1er). Les établissements de soins privés ne sont pas responsables des fautes commises par un médecin, ou tout autre personnel médical, exerçant en leur sein à titre libéral (Civ. 1er, 26 mai 1999 : Bull. I, n° 175). Pas d’action récursoire de la clinique contre un salarié En revanche, si le membre de l’équipe médicale a le statut de salarié, il échappe en principe, en raison du lien de subordination le liant à son employeur, à toute responsabilité civile personnelle. Pour les infirmières, comme pour tout autre salarié, la Cour de cassation retient dorénavant que « n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers, le préposé qui agit dans les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant » (Ass. plén., 25 février 2000, Costedoat, précité). Pour les médecins et les sages-femmes, c’est au terme d’une évolution plus récente, et après avoir exactement 628 LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008 jugé le contraire pendant une brève période, que la Cour de cassation juge désormais qu’aucune action directe en réparation ou action récursoire de l’établissement ne peut être exercée à l’encontre du médecin (ou de la sagefemme) salarié qui est resté dans les limites de sa mission (Civ. 1er, 9 novembre 2004 : Bull. I, n° 260 et n° 262). Dans la première affaire, un médecin de garde, salarié d’une clinique privée, qui avait pris en charge un patient à l’issue d’une intervention sur la carotide, avait vu sa responsabilité retenue par les juges du fond en raison d’un défaut de surveillance, le patient ayant été victime d’une hémorragie, puis d’une hémiplégie, en dépit d’une nouvelle intervention chirurgicale. La seconde affaire concernait une sage-femme salariée qui avait pris en charge une femme enceinte de trente- cinq semaines et demie présentant une rupture prématurée des membranes. Du fait d’un défaut de surveillance ayant retardé le diagnostic d’une souffrance fœtale, la sage-femme avait été condamnée, in solidum avec le gynécologue de garde et la clinique, à réparer le préjudice causé aux parents, car l’enfant souffrait d’une grave infirmité motrice cérébrale due à la souffrance fœtale. Dans les deux cas, la Cour de cassation a censuré les décisions des cours d’appel au motif que seule la responsabilité de la clinique devait être engagée, les deux professionnels de santé étant des salariés ayant agi sans excéder les limites de leurs fonctions respectives. Nonobstant l’indépendance professionnelle dont il bénéficie dans l’exercice de son art, le membre de cette profession médicale, lié par un contrat de travail, ne répond donc pas personnellement des conséquences dommageables de sa faute, dès lors que celle-ci a été commise dans les limites de l’exercice de sa mission. En de telles circonstances, c’est la clinique qui supporte définitivement le poids de la réparation du dommage subi par le patient, sans pouvoir exercer un recours subrogatoire contre l’auteur du dommage. Garants des fautes commises par le personnel médical ou paramédical qu’ils emploient, les établissements de santé sont tenus de contracter une assurance de responsabilité couvrant leurs salariés agissant dans la limite de la mission qui leur est impartie, même si ceux-ci disposent d’une indépendance dans l’exercice de l’art médical (CSP, art. L. 1142-2, al. 4). ◆ 414247 RÉFÉRENCE ET NOTE 1. Hocquet-Berg VS, Py B. La responsabilité du médecin. Paris, Heures de France éd., 2006. * Un commettant est un individu qui fait appel aux services d’une autre personne pour accomplir certaines tâches ou fonctions. D’autres articles (responsabilité du médecin du travail, référentiel d’indemnisation de l’Oniam, handicap de naissance), qui complètent ce dossier, seront publiés dans les numéros à venir.