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Sommaire
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Responsabilité du médecin. La notion de faute
est mieux cernée. Anne Laude
Responsabilité pénale. La notion de faute
caractérisée. Caroline Carreau
Prescription hors AMM. Responsabilité au
regard du risque accepté par le patient,
dûment informé. Jérôme Peigné
Le refus de soins. Tout faire pour l’éviter !
Diane Rousseau
Infection nosocomiale. Responsabilité de plein
droit pour les établissements de santé. Agnès
Ballereau-Boyer
Au sein de l’équipe médicale. Émergence
d’une responsabilité civile statutaire. Sophie
Hocquet-Berg
RESPONSABILITÉ
La notion de faute est mieux cernée
Ce sentiment s’inscrit dans un contexte favorable à
l’indemnisation des victimes qui implique un accroissement de la responsabilité des professionnels de santé,
véritable crise de la responsabilité médicale. Certes, jus-
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
INTERNET
UN CONTEXTE FAVORABLE À L’INDEMNISATION
DES VICTIMES
INDUSTRIE
L’
LU POUR VOUS
homme de savoir, quel que soit son domaine d’intervention, médecin, pharmacien, architecte,
avocat, notaire, ou autre, est responsable et doit à
ce titre répondre de ses actes dommageables.
Toutefois, l’évolution des progrès scientifiques conduit à
plus d’exigence, ne serait-ce que parce qu’elle donne
l’espoir de toujours repousser davantage l’inéluctable.
Face à ces avancées scientifiques, toute faille, qu’elle soit
technique ou humaine, apparaît insupportable.
VIE PROFESSIONNELLE
Anne Laude
Professeur à l’université Paris-Descartes, codirecteur
de l’institut Droit et Santé, Paris
qu’à la loi Kouchner du 4 mars 2002, les juges déformaient les concepts classiques de la responsabilité, ceux
de faute ou de causalité, dans le seul souci d’une
meilleure indemnisation des victimes d’accidents médicaux. C’est ainsi que sur une période de dix ans, on a pu
constater une augmentation de 280 % des demandes en
réparation des dommages causés par l’activité médicale
et paramédicale (tableau 1).
Cependant, depuis les années 2000, on constate une
tendance inverse puisque l’augmentation du nombre de
demandes pour la période 2000-2005 est seulement de
5 %. Plusieurs raisons expliquent ces modifications.
Tout d’abord, on soulignera que la loi du 4 mars 2002
relative aux droits des malades et à la qualité du système
de santé est venue apporter un frein aux actions en
responsabilité des professionnels de santé, en limitant la
mise en jeu de leur responsabilité à l’existence d’une
faute. Le patient n’est pas pour autant placé dans une
situation délicate puisque la loi lui offre la possibilité
d’obtenir une indemnisation en l’absence de faute du
médecin lorsque survient un risque accidentel inhérent à
un acte médical de prévention, de diagnostic ou de soins
qui ne pouvait être maîtrisé.
Ensuite, la diminution sensible du nombre de demandes peut également s’expliquer par le fait que, depuis
l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, les juridictions ne sont plus seules à connaître du contentieux relatif à la responsabilité médicale, le législateur ayant en
effet institué un nouveau dispositif administratif d’indemnisation des victimes leur permettant de saisir dans
certaines conditions, les commissions régionales de
conciliation et d’indemnisation (CRCI). Celles-ci peuvent en effet rendre des avis constatant l’existence d’une
faute du professionnel de santé en vue de la proposition
DOSSIER
En limitant la mise en jeu de la responsabilité
des médecins à l’existence d’une faute, la loi Kouchner
du 4 mars 2002, a permis de freiner les actions en
responsabilité des professionnels de santé. Toutefois,
la distinction entre faute et aléa thérapeutique
est parfois difficile, comme le montre l’analyse
de la jurisprudence.
C O N S U LTAT I O N S
Responsabilité du médecin
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RESPONSABILITÉ
par l’assureur d’une offre d’indemnisation à la victime
(tableau 2).
Certes l’analyse des avis rendus par les CRCI ayant
retenu la faute du médecin ou ayant conclu à un partage
entre la faute et l’aléa traduit inévitablement une évolution depuis la mise en place du système. Toutefois, cette
évolution est très loin d’atteindre celle mentionnée pour
la période 1990-2000.
Désormais, aux quatre juges compétents, civil, administratif, pénal et disciplinaire, il convient d’ajouter les
instances administratives que sont les CRCI.
Toutefois, le patient a le choix de l’action qu’il souhaite
engager. Il peut préférer obtenir la seule réparation du
dommage subi, et agir à ce titre en responsabilité civile,
ou agir sur le terrain de la condamnation de l’auteur de
l’accident médical au prononcé d’une sanction pénale ou
disciplinaire.
TABLEAU 1 ÉVOLUTION DES DEMANDES EN RÉPARATION
DES DOMMAGES CAUSÉS PAR L’ACTIVITÉ MÉDICALE
OU PARAMÉDICALE FORMÉES AU FOND ET EN RÉFÉRÉ
DEVANT LES JURIDICTIONS CIVILES 1990-2005
Années
Cours d’appel
TGI
TI
237
250
251
363
376
346
433
468
534
607
672
686
730
739
751
751
1074
1065
1483
2132
2408
2842
3186
3547
4295
4458
4798
5275
5208
5196
4982
5048
168
187
171
217
139
151
176
123
165
182
205
174
163
154
122
167
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Tableau réalisé d’après les chiffres du ministère de la Justice. Source : S/DSED
RGC-DACS cellule Études et recherches.
TABLEAU 2
ISSUE DES AVIS RENDUS PAR LES CRCI
2003
610
2004
2005
Faute (assureur)
21
232
389
Aléa (ONIAM)
24
201
401
Partages
1
28
101
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DE LA FAUTE MÉDICALE À LA RÉPARATION
L’action en responsabilité visant à obtenir des dommages et intérêts par le patient victime d’une faute de la part
d’un professionnel de santé peut être intentée devant les
juridictions, mais aussi, depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, devant les commissions régionales d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux,
d’affections iatrogènes et de maladies nosocomiales
(CRCI). De surcroît, dans la mesure où nous disposons en
France de deux ordres de juridiction distincts, l’action en
responsabilité pourra être engagée devant le juge civil
lorsque le médecin exerce son activité à titre libéral ou au
sein d’un établissement privé, ou devant le juge administratif dans l’hypothèse où le médecin exerce son activité
dans un établissement public de santé.
Toutefois, que l’action soit entreprise devant les juridictions civiles, administratives ou devant les CRCI, l’appréciation de la mise en jeu de la responsabilité du professionnel de santé repose désormais sur un principe identique
lorsqu’il s’agit d’un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, à savoir l’existence d’une faute.
Une faute, même légère, engage l’hôpital
Néanmoins, en l’absence de définition de cette notion
par le législateur, on soulignera que les tribunaux considèrent que la faute ne présente ici aucune spécificité par
rapport à la responsabilité pour faute de droit commun.
Ainsi, une faute simple suffit, et aucun caractère de gravité n’est exigé, en dehors de l’hypothèse où la loi a
expressément imposé la constatation d’une faute caractérisée (1). De surcroît, même dans le cadre de la responsabilité administrative, le Conseil d’État admet depuis
1992 que toute faute médicale, même légère, justifie
l’engagement de la responsabilité hospitalière et n’exige
plus la preuve d’une faute lourde. La réparation est alors
mise à la charge de l’établissement de santé, sauf dans
l’hypothèse d’une faute considérée comme détachable
de l’exercice des fonctions, le praticien en assumant
alors lui-même la responsabilité.
Faute technique : manquement aux recommandations
La faute est désormais appréhendée de manière identique aussi bien par le juge civil que par le juge administratif et les CRCI. Elle peut ainsi consister en la violation d’une disposition légale, mais elle peut également
consister en une faute technique, ce qui est le cas
notamment lorsque le médecin donne à son patient des
soins non conformes aux données de la science. Ainsi, le
Conseil d’État a considéré, par un arrêt du 12 janvier
2005, que le médecin pouvait être fautif dès lors qu’il
n’avait pas tenu compte « pour dispenser ses soins à ses
patients, des données acquises de la science, telles qu’elles résultent notamment des recommandations de bonne pratique, élaborées par l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation en médecine, puis par l’Anaes, en s’abstenant de
prescrire le dépistage systématique du cancer du col utérin chez
ses patientes âgées de 25 à 65 ans » (2). L’intérêt de cette
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Tout accident n’est pas fautif
L’analyse de la jurisprudence montre que l’unicité de la
notion de faute n’est pas encore vraiment atteinte et qu’il
existe en effet des divergences d’appréciation de la faute
entre les juridictions civiles et administratives. Ainsi,
MÉDECINS - TOUS EXERCICES ET SPÉCIALITÉS CONFONDUS
Déclarations
Accidents corporels
Total sociétaires
Sinistralité (%)
2005
2006
2 010
115 914
1,74
2 080
115 925
1,79
2 125
116 778
1,82
2 104
117 697
1,78
MÉDECINS - EXERCICE LIBÉRAL TOUTES SPÉCIALITÉS
CONFONDUES
2003
2004
2005
2006
1 728
1 836
1 870
1 823
71 770
2,41
71 158
2,58
71 163
2,63
69 626
2,62
MÉDECINS - TOUTES SPÉCIALITÉS CONFONDUES
2004
2005
2006
Décisions de justice civile
226
377
400
450
Condamnations
129
188
252
280
(%)
57
50
63
62
L’évolution du coût moyen d’un sinistre fautif a été
encore plus « explosive » puisqu’il a plus que
doublé au cours de ces cinq dernières années, de
l’ordre de 255 000 € en 2006. Parmi les
10 décisions ayant entraîné, la même année, les
indemnisations les plus élevées, de 1,5 à 7 M €
(provisions comprises), un seul dossier concerne un
accident survenu chez un adulte (radiothérapie).
Les 9 autres mettent en cause 6 obstétriciens (dont
2 pour le non-dépistage échographique de
malformation fœtale), 1 radiologue (pour le même
motif que précédemment), 1 médecin généraliste
(enfant âgé de 3 mois) et 1 pédiatre (enfant âgé de
5 ans et demi). Ces constatations expliquent les
difficultés rencontrées actuellement dans
l’assurabilité de certaines spécialités médicales et
celles qui sont à craindre dans l’avenir.
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INTERNET
2003
Le pourcentage de condamnations devant les
juridictions civiles n’a cessé d’augmenter depuis
vingt-cinq ans. Inférieur à 40 % durant les
années 1980, il atteignait 46 % entre 1995 et
1999, mais dépasse actuellement 60 % (tableau 3),
et même 70 % si l’on considère les décisions
concernant les chirurgiens.
INDUSTRIE
Déclarations
Accidents corporels
Total sociétaires
médecins
Sinistralité (%)
TABLEAU 3
2004
LU POUR VOUS
TABLEAU 2
2003
les médecins salariés, sociétaires du Sou médical –
groupe MACSF ne déclarent pas à leur assureur
personnel l’ensemble des plaintes dont ils sont
l’objet. La raison en est qu’un certain nombre de
leurs sinistres sont pris en charge, selon la loi, par
l’assureur de leur employeur. Environ 8 % des
déclarations sont des plaintes pénales, 12 % des
plaintes ordinales, 29 % des assignations en référé
et 37 % des réclamations amiables. Le reste est
représenté par des saisines des CRCI apparues en
2003 (5 %) et ayant atteint un maximum en 2005
(18 %) pour revenir à 14 % en 2006.
VIE PROFESSIONNELLE
TABLEAU 1
actes ne s’était pas déroulé comme ils l’auraient
souhaité (« déclarations de prudence ») s’est
effondré, passant de plus de 30 % de l’ensemble
des déclarations il y a quinze ans à moins de 5 %
actuellement. Autrement dit, la sinistralité des
dernières années ne correspond qu’à des
personnes insatisfaites (malades ou proches). La
sinistralité des médecins libéraux (toutes spécialités
confondues) est plus élevée (tableau 2). En effet,
DOSSIER
Le Sou médical groupe – MACSF assure plus de
115 000 médecins (libéraux et salariés) de toutes
spécialités. La sinistralité globale (nombre
d’accidents corporels déclarés par an et pour
100 sociétaires) est restée relativement stable
(tableau 1). Toutefois, le nombre de déclarations
adressées par des sociétaires médecins en
l’absence de plainte ou de réclamation de leurs
patients mais lorsqu’ils estimaient qu’un de leurs
C O N S U LTAT I O N S
L’expérience du Sou médical – groupe MACSF
MISE AU POINT
lorsque, au cours d’une opération, le chirurgien sectionne malencontreusement un organe avoisinant celui
qu’il doit opérer, alors que le juge administratif considère
par exemple que la lésion du nerf pendant l’intervention
ne suffit pas à elle seule à établir la faute médicale (3), la
Cour de cassation considère, en revanche que, dès lors
que l’intervention n’impliquait pas l’atteinte du nerf et
qu’il a été endommagé, cela suffit à établir la faute du praticien. Ce faisant, la position du juge administratif nous
semble plus conforme à l’orthodoxie des textes qui considèrent que toute faute peut être invoquée par le patient
devant les juridictions, sous réserve qu’il en rapporte la
ENTRETIEN
décision est ainsi non seulement de souligner l’importance des recommandations professionnelles ou des
bonnes pratiques, voire plus généralement des normes
comme élément d’appréciation du comportement fautif
du médecin, mais aussi de donner une force juridique
aux actes de prévention.
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FOTOLIA
RESPONSABILITÉ
cru qu’il était malade pendant huit ans, jusqu’à la révélation de sa séronégativité en 1995.
A contrario, pèche par défaut d’humanisme le médecin
qui fait procéder à un test de dépistage HIV de son patient
sans l’en informer et sans lui révéler les résultats positifs,
qu’il découvrira à la faveur de la lecture d’un rapport d’expertise. Ce patient aurait dû recevoir la préparation et le
soutien psychologique que son médecin lui devait (6).
En ce sens également, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé qu’un anesthésiste manquait à son devoir
d’humanisme en interrompant une analgésie péridurale,
sur fond de querelle avec l’obstétricien en charge de l’accouchement (celui-ci ayant décidé de sortir déjeuner),
alors que l’analgésie était efficace, que le travail se déroulait normalement et que la dilatation était régulière. En
ne bénéficiant pas, sans raison médicale, de la continuité
des soins entrepris, la parturiente n’a pas eu l’assistance
qu’elle était en droit d’attendre de l’équipe médicale (7).
Anesthésie péridurale.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé qu’un anesthésiste manquait à son devoir
d’humanisme en interrompant une analgésie péridurale, sur fond de querelle avec
l’obstétricien en charge de l’accouchement (celui-ci ayant décidé de sortir déjeuner),
alors que l’analgésie était efficace.
preuve, le seul fait qu’il ait subi un dommage à la suite
d’actes médicaux ne permettant pas de l’établir.
Le défaut d’humanisme
La responsabilité du médecin peut également être
engagée sur le fondement de la faute d’humanisme
consistant au manquement du professionnel de santé
au devoir inhérent à son ministère, à la violation du
respect de la personne humaine et de sa dignité, plus
généralement donc à la violation du devoir de conscience. Cette idée figurant initialement dans le code de
déontologie médicale (4) est reprise aujourd’hui par le
code de la santé publique qui dispose que le patient « a le
droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier
des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui
garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des
connaissances médicales avérées ». Les obligations découlant de ce devoir d’humanisme sont nombreuses. Il
s’agit non seulement d’obligations d’ordre moral,
déontologique, mais aussi, depuis la loi du 4 mars 2002
relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, de l’ensemble des obligations consacrées par le code de la santé publique découlant du
respect des droits des personnes malades et des usagers
du système de santé.
C’est ainsi que, selon la cour d’appel de Paris, manque
à son devoir d’humanisme le médecin qui omet de signaler à son patient la possibilité d’un faux positif au test de
dépistage du virus HIV compte tenu de son manque de
fiabilité à l’époque des faits (1987) (5). Le jeune homme a
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La faute déontologique en responsabilité civile
De surcroît, alors que traditionnellement la jurisprudence était hostile à ce que le juge puisse considérer la
seule méconnaissance d’une disposition du code de
déontologie médicale comme constitutive d’une faute
civile, elle admet désormais que cette situation, dès lors
qu’elle a causé un préjudice à un tiers, puisse être la
source directe de la responsabilité civile du médecin (8).
Plus spécifiquement, la faute du professionnel de santé
peut être retenue par les juridictions civiles, indépendamment du fait que les juridictions disciplinaires ont
pour un même acte, considéré qu’il n’y avait pas lieu à
sanction disciplinaire. En effet, comme l’a souligné la
Cour de cassation, « la méconnaissance des dispositions du
code de déontologie médicale peut être invoquée par une partie
à l’appui d’une action en dommages intérêts dirigée contre un
médecin, et il n’appartient qu’aux tribunaux de l’ordre judiciaire de se prononcer sur une telle action, à laquelle l’exercice
d’une action disciplinaire ne peut faire obstacle » (9).
FAUTE OU ALÉA THÉRAPEUTIQUE ?
Une distinction parfois difficile
Si la notion de faute peut ainsi être mieux cernée, il
n’en demeure pas moins que la distinction entre faute et
risque, ou faute et aléa, est parfois difficile à appréhender.
En effet, le législateur a en 2002 considéré qu’un accident
médical directement imputable à des actes de prévention,
de diagnostic ou de soins, ayant eu pour le patient des
conséquences anormales au regard de son état de santé
comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentant
un caractère de gravité fixé par décret, apprécié au regard
de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant
notamment compte du taux d’incapacité permanente ou
de la durée de l’incapacité temporaire de travail, pouvait
ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale.
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Ordre judiciaire
Vocation
à connaître
Tous les conflits
entre particuliers
Toutes les violations
à une norme de conduite
définie par le Code pénal
Responsabilité
civile
Responsabilité
pénale
Tribunal de grande
instance
Conseil d’État
Peine d’emprisonnement
et/ou peine d’amende +
dommages-intérêts
(en cas de préjudice causé
au patient)
dix ans à compter
de la consolidation
du dommage
Conseil national de l’Ordre
(section disciplinaire)
Réparation des dommages
et sanction disciplinaire
(pour l’agent public)
dix ans pour les crimes,
trois ans pour les délits,
un an pour les contraventions
Sanction disciplinaire :
• avertissement
• blâme
• suspension
• interdiction temporaire
d’exercer la médecine
(trois ans max.)
• radiation du tableau
de l’Ordre
dix ans à compter
de la consolidation
du dommage
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INTERNET
Les risques des nouvelles techniques
Cependant, il est parfois difficile de déterminer si un
dommage caractérise un accident médical, une faute ou
n’entre pas dans l’une ou l’autre de ces catégories. En
effet, comme on l’a souligné, « certaines atteintes surviennent à l’occasion de traitements innovants permettant de
dépister et de traiter plus efficacement ou plus simplement certaines affections tout en engendrant des risques spécifiques. À
titre d’exemple, le recours à des explorations et interventions
sous endoscopie ou cœlioscopie, tout en évitant une chirurgie
INDUSTRIE
Anaïs Mazenod, membre de l’IDS, Paris
Toutefois, l’aléa thérapeutique ne sera pas retenu lorsque
le caractère accidentel est lié à l’état antérieur ou à l’évolution prévisible de l’état de santé du patient.
LU POUR VOUS
Prescription
de l’action
Réparation
des dommages +
dommages-intérêts
Conseil régional
de l’Ordre (section
disciplinaire)
VIE PROFESSIONNELLE
Cour de cassation
Responsabilité
disciplinaire
DOSSIER
Cassation
Tous les manquements
au code de déontologie
médicale
Tribunal
administratif
Cour administrative
d’appel
cour d’appel
Sanctions
Tous les conflits
mettant en présence
une administration
Responsabilité
administrative
Tribunal
Tribunal
Cour
de police
correctionnel d’assises
(contraventions) (délits)
(crimes)
Appel
Disciplinaire
C O N S U LTAT I O N S
1re instance
Administratif
Pénal
MISE AU POINT
Civil
Ordre administratif
ENTRETIEN
L’ORGANISATION JURIDICTIONNELLE
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RESPONSABILITÉ
ouverte, peut augmenter le risque d’atteintes secondaires liées
notamment à la modification du champ visuel du chirurgien et
aux instruments utilisés. Il est alors parfois malaisé de déterminer si elles pouvaient être évitées par le praticien ; les lésions
survenant dans ces cas étant mises soit sur le compte de la technique utilisée et donc du risque accidentel, soit au contraire sur
celui de l’inattention et donc de la faute » (10).
L’analyse de la jurisprudence souligne d’ailleurs des
difficultés dans l’appréhension d’une situation en tant
que faute ou aléa thérapeutique. Ainsi, à propos d’un
dommage subi par une patiente et lié à la perforation de
l’œsophage au cours d’une opération chirurgicale, alors
que la CRCI avait estimé que le dommage était indemnisable au titre de l’aléa thérapeutique, le tribunal de
grande instance de Nantes a considéré que « même si le
risque de perforation œsophagienne est qualifié d’exceptionnel
dans le cadre d’une telle intervention chirurgicale, et que la
déchirure est considérée comme minime, le seul fait pour un
chirurgien d’occasionner de manière malencontreuse une blessure ou une plaie à un organe voisin entraînant des complications importantes constitue une maladresse de nature à engager la responsabilité civile du praticien, indépendamment des
compétences et des qualités du Docteur X. Il ne saurait s’agir
d’aléa thérapeutique » (11).
Exceptions au principe de la responsabilité pour faute
Si le principe est celui de la responsabilité pour faute,
certaines exceptions sont néanmoins introduites. Ainsi,
l’article L. 1142-1-I du code de la santé publique envisage comme exception au principe de la responsabilité
médicale pour faute l’hypothèse où le médecin est mis en
cause en tant que fournisseur d’un produit de santé. Sa
responsabilité peut en effet être engagée lorsque par
exemple une vaccination cause un dommage au patient,
et que le défaut de traçabilité ne permet pas d’identifier
le producteur de ce vaccin défectueux. L’article L. 11423 CSP pose une autre exception au principe de la responsabilité médicale pour faute : il s’agit de la recherche biomédicale.
En revanche, s’agissant des infections nosocomiales
contractées non pas dans les établissements de santé mais
auprès des médecins dans leur cabinet médical, le principe est depuis la loi du 4 mars 2002 celui de la responsabilité pour faute. Ce nouveau régime applicable à la mise
en jeu de la responsabilité des professionnels pour les
infections nosocomiales leur est donc plus favorable que
la jurisprudence antérieure qui avait mis à leur charge,
comme pour les établissements de santé, une obligation
de sécurité de résultat (12).
C’est le cas, à titre d’exemple, des infections contractées à l’occasion d’un arthroscanner réalisé à son cabinet
par un radiologue ou encore à l’occasion d’une infiltration réalisée à son cabinet par un rhumatologue. Dans la
mesure où le cabinet d’un praticien n’est pas considéré
comme un établissement de santé, la responsabilité en
pareil cas ne pourra être retenue par le juge qu’en cas de
faute prouvée. Cette solution a notamment été dégagée
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LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
par un arrêt rendu par la cour d’appel de Caen le 30 janvier 2007 à propos d’une arthrite septique à Streptoccocus
oralis contractée par un patient lors de la réalisation par
un radiologue d’une arthrographie du genou. En l’absence de faute prouvée, le recours du patient a été rejeté.
Si la responsabilité civile a pour finalité la réparation
du dommage, dans d’autres hypothèses au contraire le
but poursuivi peut être différent, et viser notamment à
l’application d’une peine au responsable. Il en est ainsi en
matière de responsabilité pénale ou disciplinaire, en cas
de violation d’une disposition pénale ou de manquement
à une règle professionnelle.
QUELLE RESPONSABILITÉ POUR LES MISSIONS
DE SANTÉ PUBLIQUE ?
La responsabilité médicale est étroitement liée à l’évolution des missions qui sont ou seront confiées demain
aux professionnels de santé. À la mission de soin, s’ajoutent les missions de santé publique, comme la déclaration des infections nosocomiales et de tout événement
indésirable grave lié à des soins (13) ou la déclaration des
situations dans lesquelles une présomption sérieuse de
menace sanitaire grave paraît constituée (14). Le médecin
a des missions de sécurité sanitaire et participe à la mise
en œuvre de l’ordre public sanitaire. Ces nouveaux rôles
du médecin conduiront-ils à déplacer la responsabilité
du médecin vers les pouvoirs publics, ou au contraire,
sera-t-il responsable, là où autrefois il ne l’était pas ? ◆
414243
NOTES
1. Article 1er de la loi du 4 mars 2002, dans le cadre du dispositif antiPerruche.
2. CE, 12 janvier 2005, n° 25-60-01.
3. CAA Bordeaux, 8 mars 2007.
4. Art. R 4127-32 CSP.
5. CA Paris, 19 décembre 2002, n° 387, n° d’inscription au répertoire
général : 200/15368.
6. CA Paris, 20 février 1992.
7. CA Aix-en-Provence, 28 février 2006, publié sur Légifrance par le
service de documentation de la Cour de cassation.
8. Cass. civ. I, 18 mars 1997, JCP 1997 II n °22829, Cass. civ. I, 30
octobre 1995, Bull. civ. I, n 383.
9. Cour de cassation 18 mars 1997, Bull. civ. I, n° 99, Cour de cassation
27 mai 1998, Bull. civ. I, n° 187, Cour de cassation 16 mai 2006,
Bull. civ. I, n° 238.
10. Duval-Arnould D. « Accident ou faute médicale ? Point de
jurisprudence ». In: JCP 2007 I, n° 165.
11. TGI Nantes 10 mai 2006, n° 05/02512.
12. Cass. civ. 29 juin 1999, JCP 1999 II, n° 10138 rapp. P. Sargos.
13. Article L.1413-14 du code de la santé publique, plus généralement sur
cette question, v. D. Tabuteau : Médecin « soignant » et sécurité
sanitaire. In: Nouvelles frontières de la santé, nouveaux rôles et
responsabilités du médecin, sous la direction de F. Bellivier
et C. Noiville.
14. Article 1413-15 du code de la santé publique.
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Responsabilité pénale
La notion de faute caractérisée
FOTOLIA
D
INTERNET
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
INDUSTRIE
La nécessité d’un lien spécifique entre
l’activité entreprise, quelle qu’elle soit, et
l’atteinte soufferte par la victime fait clairement partie des exigences traditionnelles
posées en la matière par les textes. On ne
peut en effet rationnellement reprocher au
prévenu qu’un comportement ayant effectivement contribué au dommage subi par la
victime. Pour cette raison, il a été jugé à différentes reprises en faveur des médecins que la perte
d’une chance de survie ne relevait pas de la qualification
d’atteinte involontaire à la vie. Les décisions en ce sens
sont d’autant plus instructives qu’il leur arrive de faire
apparaître des lacunes dans l’acte responsable de l’atteinte subie par la victime. Mais, à défaut de certitude de
la relation causale, elles ne sauraient en elles-mêmes
entraîner la condamnation du prévenu (exemple 1).
LU POUR VOUS
FAUTE CARACTÉRISÉE ET LIEN
DE CAUSALITÉ
VIE PROFESSIONNELLE
ans un corps de règles préoccupé de la défense
des intérêts de la personne, la responsabilité
pénale des médecins constitue
une possibilité qui ne saurait
longtemps être ignorée. Il convient ainsi
d’en prendre la juste mesure au regard des
textes qui incriminent et répriment les
atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité d’autrui.
Un changement majeur est en vérité
apparu dans l’approche de ce problème. En
effet, même dans un domaine aussi sensible
que celui des responsabilités professionnelles, il n’est plus aujourd’hui question dans
le Code pénal d’une mise en œuvre systématique des règles répressives applicables
aux qualifications en cause.
Le dispositif instauré par la loi du 10 juillet
2000, tendant à préciser la notion de délits
non intentionnels actuellement en vigueur, repose en dernière analyse sur un ensemble de mesures adaptées aux circonstances proprement dites de « l’accident » qui est intervenu. Il résulte de cette nouvelle politique criminelle un
certain nombre de conséquences décisives dans la façon
dont les spécialistes concernés ont à répondre de leurs actes.
La responsabilité pénale des médecins devient à ce
titre largement affaire de casuistique selon les repères
DOSSIER
Caroline Carreau
Maître de conférences à la faculté de droit de l’université
Paris Descartes, membre de l’institut Droit et Santé
définis par les textes pour les infractions non intentionnelles (article 121-3 du Code pénal) [encadré].
En vue de l’équilibre désormais recherché par le législateur, les qualifications applicables ont précisément en
commun de moduler les responsabilités encourues en
fonction non seulement du préjudice subi par la victime,
mais aussi des caractéristiques du comportement litigieux. La décision attendue des juges doit ainsi intégrer
désormais une analyse circonstanciée non seulement du
« résultat » de l’infraction, mais également du contexte
dans lequel est intervenu le préjudice invoqué.
L’existence d’un dommage n’est dès lors plus déconnectée des conditions qui l’ont fait naître. Pour cette raison, il est plus que jamais nécessaire de s’attacher aux
événements qui en ont favorisé la réalisation. Il apparaît
ainsi que des poursuites ne peuvent être exercées à l’encontre des médecins qu’en considération de leur implication effective dans l’infraction qui leur est reprochée.
Leur mise en cause est alors fonction de différents paramètres. À cet égard, dans sa formulation même, la faute
« caractérisée » n’est certainement pas une faute quelconque. En particulier, elle laisse entendre que leur
responsabilité pénale ne peut être retenue qu’en considération d’une certaine corrélation avec le dommage
subi par la victime et d’une grave méconnaissance de l’exercice de leur « art ». Les
notions de causalité et d’imputabilité jouent
à cet égard un rôle essentiel.
C O N S U LTAT I O N S
Une nouvelle approche du lien de causalité
et la notion d’imputabilité délimitent la notion
de faute caractérisée : celle-ci se fonde sur l’intensité
de l’inadéquation des choix, sur une prise de risque
inconsidérée, et sur la connaissance par le médecin
du risque encouru par le patient. Désormais,
les responsabilités encourues dépendent non
seulement du préjudice subi par la victime, mais aussi
des caractéristiques du comportement litigieux.
615
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RESPONSABILITÉ
➜ Exemple 1 (1)
DES EXAMENS DE JURISPRUDENCE
Un retard de traitement peut ne pas être une faute pénale
« Si la réalisation tardive d’un lavage gastrique chez une patiente suicidaire a
incontestablement fait perdre à celle-ci une chance de survie, l’homicide
involontaire n’est pas constitué, dès lors que l’importance de la dose de
médicaments absorbée, l’état cardiaque défectueux préexistant et l’incertitude
sur l’heure exacte d’absorption ne permettent pas d’affirmer qu’une intervention
rapide aurait en toute certitude permis de la sauver » (Crim., 20 novembre 1996
Dr. pén. 1997 n° 34 Note M. VERON ; Crim., 22 mars 2005 Dr. pén. 2005
n° 103 Note M. VERON).
« Une faute dans la prise en charge d’une complication postopératoire gravissime
n’est pas en relation de causalité certaine avec le décès d’une patiente opérée
d’un cancer du côlon dès lors que les publications médicales s’accordent pour
constater un taux de mortalité important dans ce type d’intervention » (Crim., 22
mars 2005 Dr. pén. 2005 n° 103 Note M. VERON).
1. Rédaction du Sou médical
➜ Exemple 2 (1)
UN RISQUE DE THROMBOSE NON PRIS EN COMPTE
La Cour de cassation a pu ainsi condamner pour homicide involontaire un
chirurgien esthétique pour n’avoir pas suffisamment pris en compte un risque
avéré de thrombose chez une patiente (manque de concertation notamment avec
les anesthésistes et le cardiologue), dès lors que la décision d’intervention et la
conduite d’ensemble du processus opératoire à l’origine certaine du décès lui
appartenait (Crim., 29 octobre 2002 Bull. n° 196).
Hématome cérébral après forceps
Également la Cour a retenu l’homicide involontaire d’un pédiatre pour le nondiagnostic d’un hématome expansif chez un nouveau-né extrait par forceps, car
si ce défaut de surveillance constitue bien une faute simple, celle-ci « présente
un lien de causalité direct et certain avec le décès de l’enfant, qu’il eut été
possible d’éviter par une intervention idoine, en dépit des éventuelles séquelles
neurologiques » Crim., 13 novembre 2002 Bull. n° 203.
Paraplégie après cure de hernie discale
Enfin, selon un même raisonnement, un neurochirurgien a pu être retenu
coupable de blessures involontaires suite à la paraplégie présentée par une
patiente, en ce que la voie opératoire choisie pour la cure de hernie discale était
inadaptée (Crim. 21 septembre 2004 Bull. n° 216).
1. Rédaction du Sou médical
➜ Exemple 3 (1)
DÉFAUT DE SURVEILLANCE POSTOPÉRATOIRE
Constitue une faute de négligence caractérisée le fait pour un médecin
anesthésiste-réanimateur, pendant plus de seize heures après avoir ordonné la
sortie de salle de réveil d’un enfant de 5 ans jusqu’à son décès, de ne pas avoir
rendu visite à son patient et procédé à l’examen clinique qui s’imposait en raison
notamment d’un état de somnolence persistant et de la mention « petits
problèmes d’hémostase à surveiller » portés au dossier par le chirurgien (Crim.,
29 novembre 2005 J.C.P 2006 II 10160 Note F.ALT-MAES).
1. Rédaction du Sou médical
616
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
Toutefois, au-delà de ce simple constat, il faut souligner que le degré de proximité entre la faute et le dommage est variable pour ainsi dire d’une espèce à l’autre. Il
devient nécessaire à ce titre de déterminer les conditions
de mise en œuvre de la loi pénale dans un tel contexte.
L’observation qui précède se vérifie aisément dans la
réforme qui s’est finalement imposée en matière de
délits non intentionnels par la loi du 10 juillet 2000. Il ne
s’agit plus en effet de sanctionner quiconque pour toute
atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité d’autrui.
La première limite imposée par les textes réside de ce
point de vue dans une nouvelle approche du lien de causalité contenue dans l’article 121-3 Code pénal. Celle-ci
tient à une distinction qui n’existait pas jusqu’alors dans
la législation. L’alternative est alors la suivante. Ou bien
le lien entre la faute et le dommage subi par la victime (le
patient) est direct et toute faute suffit à engendrer la
responsabilité de son auteur. Ou bien ce lien n’est qu’indirect, la faute du prévenu ayant seulement créé ou
contribué à créer la situation à l’origine du dommage, et
seule une faute qualifiée est de nature à entraîner la
condamnation pénale de la personne poursuivie (le
médecin) (exemple 2).
La notion de « faute caractérisée » tend précisément à
opérer ce partage selon des repères qui restent à définir.
FAUTE CARACTÉRISÉE ET IMPUTABILITÉ
Dans la perspective d’une relative « dépénalisation »
des atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la
personne, la seconde limite énoncée par les textes, sans
doute la plus spectaculaire, concerne la nécessité d’une
faute parfois dotée d’un contenu particulier. En d’autres
termes, en cas de causalité indirecte, il est désormais
exclu qu’une « poussière de faute » suffise, comme par le
passé, à entraîner la responsabilité pénale de son auteur.
L’exigence d’une faute caractérisée fait intervenir différentes considérations.
En premier lieu, elle implique une intensité révélatrice
de l’inadéquation des choix opérés par l’agent. Il a pu
ainsi être reproché à des médecins de graves défaillances
dans la surveillance de leurs patients (Crim., 13 février
2007, pourvoi n° 06-82202). Ou dans la mise en garde
des membres de leur équipe (exemple 3).
En deuxième lieu, la faute caractérisée fait également
référence à une prise de risque inconsidérée de leur part.
L’article L.121-3 vise en ce sens l’existence d’une « faute qui
exposait autrui à un risque d’une particulière gravité [….] ».
En troisième lieu, dans le prolongement de ce qui précède, la faute caractérisée est constituée dès lors que le
coupable devait connaître le risque encouru par la victime. Il est clair de ce point de vue que les professionnels
doivent, plus que quiconque, agir avec clairvoyance et
compétence. Il n’est dès lors guère surprenant que les
magistrats aient eu recours à cette exigence pour entrer
en voie de condamnation à l’encontre de praticiens auxquels étaient de ce point de vue à bon droit reprochées
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➜ Exemple 4 (1)
C O N S U LTAT I O N S
1. Rédaction du Sou médical
MISE AU POINT
HÉMATOME COMPRESSIF DE LA TRACHÉE
L’homicide involontaire a été également reconnu à l’encontre d’un interne
en chirurgie et de son chef de service pour n’avoir pas eu conscience de
la nécessité de pratiquer immédiatement une réintervention destinée à
DÉFAUT DE SURVEILLANCE DE LA GLYCÉMIE CHEZ UN DIABÉTIQUE
Enfin, la Cour de cassation confirme l’infraction d’homicide involontaire
prononcée par une cour d’appel à l’encontre d’un médecin endocrinologue
pour n’avoir pas correctement surveillé la glycémie d’une patiente qui fera
un coma diabétique mortel. La Cour considérera cependant que le
manquement du praticien n’est qu’indirectement la cause du décès de la
patiente, mais la faute caractérisée étant constituée la sanction
d’interdiction d’exercice professionnel de six mois a été légalement
prononcée (Crim., 12 septembre 2006 Bull. n° 219).
ENTRETIEN
MAUVAIS CHOIX D’UN MÉDECIN RÉGULATEUR DE SAMU
Un médecin régulateur du Samu commet une faute caractérisée exposant
le malade à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer eu
égard à son expérience « en faisant le choix, après avoir procédé de
manière rapide et superficielle à un interrogatoire téléphonique d’un
patient décrivant une douleur thoracique, d’envoyer sur place un médecin
de quartier dépourvu de moyens d’intervention plutôt que l’une des trois
ambulances du service médical disponibles » (Crim., 2 décembre 2003
Bull. n° 226).
résorber un hématome compressif de la trachée (post-thyroïdectomie),
malgré l’alerte donnée par le médecin anesthésiste présent en salle de
réveil (Crim., 3 mai 2006 Bull. n° 217).
Ce que dit le Code pénal
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
INTERNET
méthode imposée par les nouveaux textes. Il n’est pas sûr
que les notions de faute et de causalité obéissent toujours
à des arbitrages très précis. Dans une perspective voisine, il n’est pas certain que l’appréciation in concreto de
la faute pénale constitue un « modèle » définitivement
reconnu par les juges répressifs. Il reste alors les possibilités offertes par le droit de la responsabilité civile, renforcées au demeurant par les nouveaux textes en vigueur.
Mais il s’agit d’un autre débat... ◆ 414231
INDUSTRIE
des décisions hâtives ou inappropriées, eu égard en particulier (article 121-3 alinéa 3 Code pénal) à « la nature
de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que
du pouvoir et des moyens dont il disposait » (exemple 4).
L’apparition de réformes dans un domaine d’activités
donné conduit à des changements censés s’inscrire dans
la durée. Il apparaît toutefois difficile de dresser un bilan
de quelques années d’application du dispositif étudié
dans ces lignes. Est ici en cause plus précisément la
Voir aussi pour des préjudices de peu de gravité (contraventions) :
l’article R 622-1 et l’article R 625-2 et suivants.
LU POUR VOUS
Atteintes involontaires à la vie
• Article 221-6
« Le fait de causer, dans les conditions et selon
les distinctions prévues à l’article 121-3, par
maladresse, imprudence, inattention, négligence
ou manquement à une obligation de sécurité ou
de prudence imposée par la loi ou le règlement,
la mort d’autrui constitue un homicide
involontaire puni de trois ans d’emprisonnement
et de 45 000 € d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée
d’une obligation particulière de sécurité
ou de prudence imposée par la loi
ou le règlement, les peines encourues sont
portées à cinq ans d’emprisonnement
et à 75 000 € d’amende ».
Atteintes involontaires à l’intégrité de la personne
• Art. 222-19
Le fait de causer à autrui,
dans les conditions et selon les distinctions prévues
par l’article 121-3, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une
obligation de sécurité ou de prudence imposée par la
loi ou le règlement, une incapacité totale de travail
pendant plus de trois mois est puni de deux ans
d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une
obligation particulière de sécurité ou de prudence
imposée par la loi ou le règlement, les peines
encourues sont portées à trois ans
d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende.
• Art. 222-20
Le fait de causer à autrui, par la violation
manifestement délibérée d’une obligation particulière
de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le
règlement une incapacité totale de travail d’une
durée inférieure ou égale à trois mois est puni d’un
an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
VIE PROFESSIONNELLE
particulière de prudence ou de sécurité prévue par
la loi ou le règlement, soit commis une faute
caractérisée et qui exposait autrui à un risque
d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient
ignorer.
Il n’y a point de contravention en cas de force
majeure ».
DOSSIER
Infractions non intentionnelles
• Article 121-3
« Il n’y a point de crime ou de délit sans intention
de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas
de mise en danger délibérée de la personne
d’autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en
cas de faute d’imprudence, de négligence ou de
manquement à une obligation de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est
établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les
diligences normales compte tenu, le cas échéant,
de la nature de ses missions ou de ses fonctions,
de ses compétences ainsi que du pouvoir et des
moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les
personnes physiques qui n’ont pas causé
directement le dommage, mais qui ont créé ou
contribué à créer la situation qui a permis la
réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les
mesures permettant de l’éviter sont responsables
pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de
façon manifestement délibérée une obligation
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RESPONSABILITÉ
Prescription hors AMM
Responsabilité au regard du risque
accepté par le patient, dûment informé
Prescrire un médicament en dehors des conditions
d’utilisation avalisées par le RCP est juridiquement
possible, à condition que ce soit nécessaire à la
qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins et que
cela ne fasse pas courir de risque injustifié au patient.
Le médecin peut être fautif par manquement à son
obligation d’information.
Jérôme Peigné
Professeur de pharmacie à l’université Paris-Descartes,
membre de l’institut Droit et Santé
e problème de la responsabilité du médecin prescrivant un médicament dans des conditions d’utilisation non prévues par l’AMM se ramène au problème général de la responsabilité médicale.
Prescrire hors AMM ne place pas le médecin dans une
situation nouvelle de responsabilité (la prescription hors
AMM n’est pas constitutive en soi d’une faute ou d’un
L
L’AMM : qualité, sécurité, efficacité
Tout médicament préparé industriellement (spécialité pharmaceutique) doit être
pourvu d’une AMM, soit nationale, soit communautaire (art. L.5121-8 code santé
publique). Cette autorisation est accordée en fonction de trois critères : la qualité, la
sécurité et l’efficacité, ces deux derniers s’exprimant sous la forme du rapport
bénéfices sur risques (art. L.5121-9 code santé publique). Le dossier d’AMM doit
contenir l’intégralité des informations et des études permettant d’évaluer le bienfondé scientifique de la demande d’autorisation. Cette dernière est accompagnée du
résumé des caractéristiques du produit (RCP) qui constitue, en quelque sorte, la carte
d’identité du médicament, comprenant des renseignements officiels : nom du produit,
composition, informations cliniques, indications thérapeutiques, posologie, contreindications, mises en garde, précautions d’emploi, interactions médicamenteuses,
effets indésirables… (arrêté du 6 mai 2008, JO 7 mai 2008). À la différence des
notices destinées au patient, les RCP sont des documents dédiés aux professionnels
de santé, que l’on retrouve compilés dans le dictionnaire Vidal par exemple.
618
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
manquement aux règles de l’art), mais modifie simplement l’appréciation de cette dernière au regard du risque
pris par le prescripteur et accepté par le patient dûment
informé.
QUE VEUT DIRE PRESCRIRE HORS AMM ?
Prescrire hors AMM signifie prescrire un médicament
dans des conditions d’utilisation autres que celles qui ont
été avalisées dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Cela peut consister à prescrire le produit
pour une indication thérapeutique autre que celle prévue,
ou à une posologie différente, ou encore, tout simplement, pour une personne à laquelle le médicament n’est
pas destiné (exemple des médicaments prescrits aux
enfants en l’absence de spécialités pédiatriques adaptées).
DES CONDITIONS INSCRITES DANS LA LOI : ATU,
RECOMMANDATIONS MINISTÉRIELLES
Deux circonstances sont prévues par la loi qui organisent la prescription hors AMM, précisément lorsqu’il
n’existe pas encore d’AMM. La première concerne les
médicaments faisant l’objet d’une recherche biomédicale dans le cadre de la loi Huriet modifiée. La seconde
vise les médicaments sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) délivrée dans le cas d’une maladie grave
ou rare (art. L.5121-12 code santé publique).
À l’inverse, il existe des textes qui restreignent la possibilité de prescrire certains médicaments, pourtant pourvus d’une AMM ou d’une ATU. C’est le cas des médicaments dont la prescription a été assortie d’un certain
nombre de conditions et qui ont été classés dans une ou
plusieurs catégories de médicaments à prescription restreinte : médicament réservé à l’usage hospitalier, médicament à prescription hospitalière, médicament à prescription initiale hospitalière, médicament à prescription
réservée à certains médecins spécialistes, médicament
nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement (art. R.5121-77 code santé publique).
Une cause spécifique d’exonération de responsabilité a
par ailleurs été instituée pour les situations dans lesquelles
la prescription d’un médicament est effectuée sur
recommandation ou exigence du ministre de la Santé en
cas de menace sanitaire grave, telle qu’une attaque bio-
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➜ Exemple (1)
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
INTERNET
1. Rédaction du Sou Médical
INDUSTRIE
Le non-respect de l’AMM ne doit pas être une
cause d’exclusion dans les contrats d’assurance
de responsabilité civile professionnelle, car
l’assureur doit prendre en compte la rapidité de
l’évolution des connaissances scientifiques,
d’autant que les laboratoires pharmaceutiques
ne demandent pas systématiquement des
extensions d’AMM pour de nouvelles indications.
Il est néanmoins prudent de ne prescrire hors
AMM que sur la base d’études validées. Par
ailleurs, le contrat d’assurance pourrait ne pas
accepter de garantir une prescription hors AMM
si le juge qualifiait la prescription d’acte illégal,
ce qui, à notre connaissance, ne s’est jamais
produit.
LU POUR VOUS
En général, la responsabilité du prescripteur n’a
pas été retenue pour des prescriptions hors
AMM correctement motivées.
Les caisses d’Assurance maladie ont la
possibilité d’agir contre le prescripteur en
remboursement du paiement de l’indu, s’il omet
d’indiquer sur son ordonnance la mention « hors
AMM », avec la mention « NR ». Il est donc
nécessaire de prévenir le patient de l’absence
de remboursement de la prescription afin
d’éviter tout conflit ultérieur à ce propos.
VIE PROFESSIONNELLE
Les principaux cas de prescription hors AMM se
retrouvent en psychiatrie, où la dose choisie est
souvent très supérieure au maximum préconisé
dans l’AMM, et en pédiatrie avec utilisation de
ACCIDENTS DÉCLARÉS AU SOU MÉDICAL –
GROUPE MACSF
− non-respect du dosage (antibiothérapies
destinées à combattre des infections
multirésistantes mais ototoxiques à forte dose) ;
− non-respect des contre-indications
(prescription de mésalazine chez une femme
enceinte atteinte d’une maladie de Crohn
résistant aux autres traitements et ayant
provoqué une insuffisance rénale chez l’enfant) ;
− indications non prévues à l’AMM
(chimionucléolyse avec de l’hexacétonide de
triamcinolone ayant provoqué des calcifications
vertébrales) ;
− non-respect des modes d’administration :
plusieurs injections d’anti-inflammatoires dans la
même fesse ayant provoqué une fasciite
nécrosante puis un décès alors que l’AMM prévoit
une ou deux injections, puis un relais par voie orale.
NON-RESPECT
DE LA MENTION NR
En cas de prescription hors
AMM, le médicament n’est
pas remboursé par
l’Assurance maladie.
DOSSIER
L’EXPÉRIENCE DU SOU MÉDICAL
La prescription hors AMM peut conduire à une
majoration de la responsabilité du praticien. En
principe, le prescripteur n’est pas responsable des
complications liées à ses prescriptions si elles
correspondent à une bonne indication et si elles
sont adaptées au patient, avec un suivi satisfaisant.
Or, une prescription hors AMM est a priori suspecte
et discutable puisqu’elle ne respecte pas les
consignes données par le fabricant ; il est facile
d’en déduire un manquement aux bonnes pratiques
professionnelles. Le praticien doit lutter contre cette
présomption en démontrant qu’il a agi
conformément à une pratique reconnue par un
nombre important de professionnels et dont l’intérêt
n’est pas discuté. La jurisprudence ayant admis des
prescriptions hors AMM, il faut pouvoir produire :
des avis d’experts sur le caractère reconnu et
efficace de cette utilisation hors AMM ; la
démonstration de l’impossibilité d’utiliser un autre
produit disposant de l’AMM pour cet usage ; la
littérature médicale sur la légitimité de cette
prescription ; la démonstration du caractère rare et
imprévisible de la complication ; la preuve que
l’information sur le caractère hors AMM et sur les
risques spécifiques de la prescription a été donnée.
produits n’ayant pas l’AMM pour des enfants de
l’âge des patients traités ou chez la femme
enceinte, car il y peu de médicaments autorisés
pendant la grossesse. Mais, en fait, toutes les
spécialités sont concernées, car il n’est pas
toujours possible de trouver un produit ayant
l’AMM pour le patient traité, dans l’indication qui
est la sienne, les demandes d’AMM étant, entre
autres, liées aux objectifs de développement
commercial du fabricant.
C O N S U LTAT I O N S
Hormis ces hypothèses, et dans la mesure où aucun
texte ne semble l’interdire formellement, il convient de
s’en tenir à la liberté de prescription du médecin. Cette
dernière est consacrée à l’article L.162-2 du code de la
Sécurité sociale en tant que principe déontologique fondamental. Le Conseil d’État en fait un principe général
du droit.
MISE AU POINT
LIBERTÉ DE PRESCRIPTION… DANS L’INTÉRÊT
DU PATIENT
D’un point de vue déontologique, la prescription d’un
médicament hors AMM ne peut être réalisée que dans
l’intérêt du patient. En effet, le code de déontologie
médicale dispose que le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance (art. R.4127-8 code santé
publique). À ce titre, il doit limiter ses prescriptions et
ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et
à l’efficacité des soins. Il doit ainsi tenir compte des
avantages, des inconvénients et des conséquences des
différentes investigations et thérapeutiques possibles. Il
est également précisé que le médecin doit s’interdire,
dans les investigations et les interventions qu’il pratique,
comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire
courir au patient un risque injustifié (art. R.4127-40
code santé publique). Il ne saurait, en outre, proposer
aux malades ou à leur entourage un remède présenté
comme salutaire ou sans danger et, plus généralement,
tout procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé (art.
ENTRETIEN
terroriste ou une pandémie virale (art. L.3110-3 code
santé publique). Dans ce contexte, les professionnels de
santé ne peuvent être tenus pour responsables des dommages résultant de la prescription ou de l’administration
d’un médicament, en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues
par son AMM ou son ATU, ou même d’un médicament
ne faisant l’objet d’aucune autorisation.
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RESPONSABILITÉ
Formulaire de demande
d’autorisation temporaire
d’utilisation nominative
d’un médicament.
Deux circonstances sont
prévues par la loi qui
organisent la prescription
hors AMM dont celle qui
vise les médicaments sous
autorisation temporaire
d’utilisation (ATU) délivrée
dans le cas d’une maladie
grave ou rare.
R.4127-39 code santé publique). Enfin, dans la mesure
où elle relève des soins prodigués au patient, la prescription d’un médicament doit être fondée sur les données
acquises de la science (art. R.4127-32 code santé
publique). C’est donc au regard de ces standards juridiques que la validité d’une prescription hors AMM sera
appréciée sur le plan disciplinaire. Ainsi, à partir du
moment où elle est conforme aux données acquises de la
science et où il s’agit, pour le patient, de la meilleure
alternative thérapeutique possible, le bien-fondé de la
prescription a toutes les chances d’être reconnu.
Responsabilité pénale
Le médecin qui effectue une prescription hors AMM
est également susceptible d’engager sa responsabilité sur
le plan pénal. Cela peut notamment se traduire par une
reconnaissance de la mise en danger d’autrui (art. 223-1
Code pénal), de l’atteinte involontaire à l’intégrité physique (art. 222-19 Code pénal), voire de l’homicide involontaire (art. 221-6 Code pénal).
Responsabilité civile
Au plan civil, le principe reste celui de la faute (art.
L.1142-1 code santé publique). Naturellement, la
responsabilité du prescripteur pourra uniquement être
recherchée si la prescription a été dommageable pour le
patient. Il revient alors à ce dernier de prouver que le
médecin, auquel il est lié par une relation contractuelle,
a manqué à son obligation de moyens, obligation en
vertu de laquelle il est tenu de donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises
de la science. Le manquement sera d’autant plus facile à
établir que le médecin aura fait courir un risque injustifié
par sa prescription ou se sera notoirement écarté des
données scientifiques les plus communément admises.
Pour autant, de nombreuses prescriptions hors AMM
sont effectuées au regard d’études scientifiques validées,
attestées par des publications officielles, reposant sur un
consensus médical, ce qui, de fait, réduit les possibilités
d’engagement de responsabilité. La faute du médecin
pourra aussi revêtir une autre forme : celle d’un manquement à son obligation d’information (art. L.1111-2 code
santé publique).
620
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
NÉCESSITÉ D’INFORMER
L’absence d’information, une information incomplète
ou inexacte ayant empêché le patient de donner un
consentement éclairé au traitement prescrit sont en effet
susceptibles d’engager la responsabilité civile du médecin. Autrement dit, toute prescription hors AMM doit
permettre au patient d’être pleinement renseigné sur les
conditions de son traitement.
Le prescripteur s’expose particulièrement sur ce terrain s’il ne délivre pas les informations concernant
l’utilité du traitement, son urgence éventuelle, ses
conséquences et les risques fréquents ou graves normalement prévisibles, ainsi que les autres solutions
possibles. Il ne saurait par ailleurs se retrancher derrière le fait que la prescription médicale présenterait
un caractère nécessaire. Dans le contexte d’une prescription hors AMM, le risque est d’autant plus développé que les données issues du RCP sont parfois
insuffisantes pour ne pas dire inexistantes. Il appartient donc au prescripteur de « révéler » à son patient
les données médico-scientifiques qui l’amènent à prescrire un médicament en dehors des conditions normales d’utilisation.
MENTION NR SUR L’ORDONNANCE
Enfin, il faut préciser que les prescriptions hors
AMM doivent respecter les règles de la législation
sociale. De manière générale, les professionnels de
santé doivent, avant l’exécution d’un acte, informer le
patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d’Assurance maladie
(art. L.1111-3 code santé publique). Les médecins sont
plus spécialement tenus d’indiquer sur l’ordonnance,
support de la prescription, le caractère non remboursable des produits prescrits, notamment lorsqu’ils prescrivent une spécialité en dehors des indications thérapeutiques ouvrant droit au remboursement par
l’Assurance maladie (art. L.162-4 code sécurité
sociale). Il leur appartient donc de signaler qu’une spécialité est prescrite en dehors des indications retenues
pour l’inscription du médicament sur la liste des spécialités remboursables, en portant sur l’ordonnance la
mention du caractère non remboursable (NR) du produit (art. R.162-1-7 code sécurité sociale). Cette
mesure est étendue à la prescription des dispositifs
médicaux. En omettant de signaler le caractère non
remboursable de sa ligne de prescription, le médecin
s’expose, en cas de contrôle des caisses, à devoir rembourser le coût du traitement et, en cas d’abus ou de
pratiques répétées, à être traduit devant l’instance spécifique du contentieux de la Sécurité sociale, avec la
perspective d’une sanction financière.
Prescrire hors AMM est souvent médicalement nécessaire. C’est aussi juridiquement possible, à condition de
respecter les principes élémentaires gouvernant l’acte
médical. ◆ 414230
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Page 621
ENTRETIEN
Le refus de soins
Tout faire pour l’éviter !
LE REFUS DE SOIGNER
INDUSTRIE
INTERNET
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
LU POUR VOUS
Le refus de prise en charge d’un patient n’est possible,
pour le médecin, que de façon très restrictive. Deux
régimes coexistent quant à la relation médecin/malade.
S’agissant de la médecine privée, d’une part, le contrat
qui lie le patient et son médecin est un contrat intuitu
personæ, ce qui signifie que le médecin et le patient se
sont choisis l’un et l’autre. Dès lors, de la même façon
que le patient a le droit de choisir son médecin, le médecin est autorisé, sous certaines réserves, à choisir ses
patients et peut refuser de soigner. Par exemple, le
médecin peut ne pas prendre en charge un patient s’il se
considère incompétent ou si les conditions matérielles
ne lui permettent pas une prise en charge optimale. Il est
nécessaire de préciser que, dans une telle situation, le
praticien est dans l’obligation de réorienter son patient
vers un autre confrère. Cependant, la loi du 4 mars 2002
met en place de nombreuses règles visant à accroître les
droits des malades.
S’agissant de la médecine hospitalière, en revanche, le
contrat médical est réalisé entre le patient et l’établisse-
VIE PROFESSIONNELLE
D
Non-assistance à personne en péril
En premier lieu, la situation d’urgence ou de péril
constitue une exception au droit du médecin de choisir
son patient. En effet, « quiconque s’abstient volontairement
de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque
pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son
action personnelle, soit en provoquant un secours » est passible de l’infraction d’omission de porter secours prévue à
l’article 223-6 du Code pénal. Cet article impose à toute
personne ayant connaissance du péril de mettre en
œuvre l’aide la plus appropriée possible à la situation afin
de venir au secours de la victime. Cette disposition, de
portée générale, est renforcée pour les médecins par
l’article 9 du code de déontologie médicale qui dispose :
« tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un
blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en
péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins
nécessaires ». Le médecin se voit donc imposer une obligation particulière de prise en charge de la situation dans
laquelle peut se trouver une victime. Ainsi, le médecin
peut voir sa responsabilité pénale engagée lorsque,
informé de la situation d’urgence, il refuse de se déplacer
au chevet du patient ou de prendre en charge un malade.
La jurisprudence est à cet égard particulièrement sévère,
puisqu’elle considère que le médecin, du fait de ses compétences, est à même de mesurer la gravité de la situation. Elle considère généralement que le médecin ne
peut pas ignorer l’urgence de la situation. Elle fait ainsi
peser sur lui une vigilance accrue.
À cette situation de péril, il faut assimiler la situation
de détresse dans laquelle serait plongé un patient que le
médecin aurait refusé de prendre en charge pour raison
personnelle ou professionnelle. La liberté du médecin
DOSSIER
e prime abord, le refus de soins est généralement
entendu comme le refus, par un médecin, de
délivrer des soins à son patient. Cependant, il ne
faut pas oublier que cette notion recouvre aussi
l’idée que les patients eux-mêmes sont en droit de refuser de recevoir un soin, quelles que soient les conséquences de ce choix.
Objection de conscience
Néanmoins, le médecin est en droit de refuser de pratiquer certains actes contraires à ses convictions. Par
exemple, il est autorisé à faire jouer sa clause de conscience pour refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse (article L.2212-8 du code de la santé
publique) ou une stérilisation volontaire (article
L.2123-1 du code de la santé publique).
Par conséquent, les situations dans lesquelles un
médecin est en droit de choisir son patient apparaissent
relativement limitées, ce d’autant que le droit pénal
impose au médecin d’agir dans plusieurs situations.
C O N S U LTAT I O N S
Diane Rousseau
Membre de l’IDS, Paris
ment de soins. Le médecin est donc dans l’obligation de
soigner tout patient qui se présentera à lui.
MISE AU POINT
Si le médecin a la liberté de choisir ses patients, en
dehors de tout motif discriminatoire, celle-ci s’arrête
dès l’instant où le patient est en situation de péril :
le droit pénal lui impose alors d’agir. Lorsque
le patient refuse les soins, le médecin est confronté
à un cruel dilemme entre l’obligation de respecter
la volonté du patient et celle de tout mettre
en œuvre pour le sauver.
621
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Page 622
RESPONSABILITÉ
de choisir ses patients s’arrête donc dès l’instant où le
patient est en situation de péril.
Non-discrimination
En second lieu, bien que le médecin puisse, dans le
cadre de la médecine libérale, déterminer lui-même les
patients qu’il prendra en charge, son choix ne doit pas
être fondé sur un motif discriminatoire. En effet, l’article 7 du code de déontologie médicale précise que « le
médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la
même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou
une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé,
leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur
égard ». Il y a discrimination dans l’accès aux soins
lorsque, par exemple, un médecin refuse de soigner les
patients qui bénéficient de la couverture maladie universelle (CMU). Cette situation, devenue trop fréquente, a
conduit à la rédaction d’un rapport par M. Chadelat,
inspecteur général des affaires sociales, visant à dénoncer le comportement de certains praticiens. À cet égard,
le Conseil national de l’Ordre des médecins a précisé
qu’il prendrait « des mesures énergiques face aux praticiens
qui enfreignent la déontologie médicale ».
On constate ainsi que les situations dans lesquelles le
médecin est autorisé à choisir les patients qu’il soigne
sont assez restreintes. Néanmoins, si le médecin peut
difficilement refuser de soigner un malade, le malade, en
revanche, est en droit de refuser le soin.
LE REFUS D’ÊTRE SOIGNÉ
Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades, l’article L.1111-4 du code de la santé
publique précise qu’« aucun acte médical ni aucun traite-
En 1993, la décision des
médecins britanniques
du Withenshawe
Hospital de ne pas
ponter un fumeur
coronarien s’il n’arrêtait
pas de fumer avait
provoqué beaucoup de
commentaires, le patient
étant décédé peu après.
Ce refus de soins avait été assimilé par la presse britannique à de la morale abusive,
ce que les médecins de Manchester récusaient, arguant du fait qu’ils ne voulaient pas
faire courir à ce patient un risque thérapeutique important pour des bénéfices réduits.
Claude Got commentait dans le Concours médical : « Peut-on être assuré que la
notion de punition et la recherche d’un effet d’annonce pour dissuader les fumeurs
soient absentes de leur décision ?». Ch.M.
Le Concours med, 1993, 115, 2594.
622
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
ment ne peut être pratiqué sans le consentement libre et
éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à
tout moment ».
En effet, par principe, toute atteinte à l’intégrité physique du corps humain est prohibée. Les articles 222-7 et
suivants du Code pénal répriment les violences volontaires à l’intégrité du corps humain.
Cependant, l’acte médical constitue une exception
légale à ce principe. En effet, l’article 16-3 du Code civil
dispose : « Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps
humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à
titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le
consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement
hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».
Respecter la volonté de refus de soins…
C’est en réponse à ce principe qu’a été intégré, au sein
du code de la santé publique, l’article L.1111-4 qui
impose au médecin de recueillir le consentement du
patient préalablement à tout acte médical. Ce même
article impose alors au médecin de respecter la volonté
du patient, ce qui suppose de respecter, le cas échéant, sa
volonté de refuser le soin. Néanmoins, le médecin reste
tenu de tout faire pour convaincre le patient d’accepter
le traitement mis en œuvre dans son intérêt.
…sauf acte indispensable à la survie et proportionné
à l’état
Cette situation de refus de soins a été fréquemment
constatée dans le cadre de la transfusion sanguine rejetée
par les témoins de Jéhovah du fait de leurs croyances religieuses. De nombreuses affaires ont été portées devant les
juridictions après que certains médecins ont pratiqué une
transfusion sanguine sans consentement du patient, voire
malgré son refus. Certains patients ont alors demandé
réparation du préjudice subi du fait du non-respect de leur
volonté par le médecin. Dans cette situation, deux obligations fondamentales pour le médecin s’opposent : l’obligation de respecter la volonté du malade d’un côté, l’obligation de tout mettre en œuvre pour sauver la vie du patient
de l’autre. Face à cette délicate situation, la jurisprudence
administrative a adopté une position souple en précisant
que « les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale [...]
une atteinte grave et manifestement illégale lorsque, après avoir
tout mis en œuvre pour convaincre un patient d’accepter les soins
indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver,
un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; le
recours dans de telles conditions à un acte de cette nature n’est pas
non plus manifestement incompatible avec les exigences qui
découlent de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales et notamment de son article 9 » (CE ord., 16 août 2002, n° 249552). Néanmoins, les
juridictions civiles, notamment la cour d’appel d’Aix-enProvence, semblent s’aligner sur les dispositions de la loi
du 4 mars 2002 en considérant que le patient doit assumer
les conséquences de son refus de soins. ◆ 414241
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Un double régime de responsabilité
INTERNET
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
INDUSTRIE
Ce sont en premier lieu les juridictions administrative
et judiciaire qui ont déterminé les conditions d’engagement de la responsabilité des établissements de soins et
des médecins en matière d’infections nosocomiales
avant que le législateur ne vienne en déterminer les
contours.
LU POUR VOUS
LES RESPONSABILITÉS SUSCEPTIBLES
D’ÊTRE ENGAGÉES
VIE PROFESSIONNELLE
L
DOSSIER
es infections nosocomiales ont été définies par le
ministère de la Santé dans une circulaire du 13
octobre 1988 (n° 88-263) : « Toute maladie provoquée par des micro-organismes, contractée par un
patient dans un établissement de soins après son admission
pour hospitalisation ou soins ambulatoires, dont les symptômes
peuvent apparaître au cours du séjour à l’hôpital ou après un
certain délai, variable selon la période d’incubation et la
nature des interventions ». Une circulaire d’application du
29 décembre 2000 (DGS/DHOS/E2 n° 645) en a donné
une définition plus large. Il s’agit en effet de « toute infection contractée dans un établissement de santé ».
Les infections nosocomiales, représentant une source
importante de risques pour le patient (plus de 10 000
décès par an), sont devenues un enjeu de santé publique.
Les pouvoirs publics sont ainsi intervenus afin d’organiser la lutte contre ces infections.
Ainsi, la juridiction judiciaire consacrait une présomption de faute à la charge des établissements privés lorsque
l’infection avait été contractée lors d’une intervention chirurgicale (Cass. 1er civ., 21 mai 1996) ou dans une salle d’accouchement (Cass. 1er civ., 16 juin 1998). Si le patient,
demandeur à l’action en justice, établissait le lien de causalité entre d’une part son séjour hospitalier, et d’autre part
son état de santé, l’établissement de santé était responsable
du dommage, sauf si ce dernier établissait qu’il avait pris les
précautions d’usage et n’avait commis aucune faute.
La juridiction administrative, elle, affirmait que si le
patient avait contracté une infection nosocomiale, c’était
en raison d’une désorganisation dans le service : elle présumait que l’établissement s’était rendu coupable d’une
faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service (CE, 9 décembre 1988, Cohen).
Puis en 1999, via trois arrêts, la juridiction judiciaire a
affirmé que médecin et établissement de santé étaient
tous deux tenus à une obligation de sécurité de résultat
dont ils ne pouvaient se libérer qu’en rapportant la
preuve d’une cause étrangère ; la preuve de l’absence de
faute ne leur permettant plus en effet de s’exonérer de
toute responsabilité (Cass. 1er civ., 29 juin 1999).
Suite à cette construction jurisprudentielle est intervenue la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux
droits des malades et à la qualité du système de santé.
Cette dernière n’est applicable aux instances en cours
que lorsque le litige, dont la juridiction est saisie, date du
5 septembre 2001 au moins.
Il convient alors de distinguer selon que les activités de
prévention, de diagnostic ou de soins, ayant donné lieu à
infections nosocomiales, sont antérieures ou non au 5
septembre 2001.
C O N S U LTAT I O N S
Agnès Ballereau-Boyer
Membre de l’institut Droit et Santé, Paris
MISE AU POINT
Le patient victime d’une infection nosocomiale contractée
dans un établissement de santé est indemnisé selon un double
régime. Si les conséquences de l’infection sont particulièrement
graves, son indemnisation est assurée au titre de la solidarité
nationale. Dans les autres cas, l’établissement ou son assureur
doit en principe en supporter la charge.
ENTRETIEN
Infection nosocomiale
623
0609_CM12-Dossier-respon:Mise en page 1
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Page 624
RESPONSABILITÉ
Types de faute qui peuvent être retenus à l’encontre du médecin
• Manquement à son obligation d’information :
obligation d’origine professionnelle et légale, elle
contraint le médecin à informer le patient tant sur la
maladie dont il est atteint que sur les traitements et
soins envisagés ainsi que sur leurs risques
éventuels. Une limite à cette obligation pouvant
s’assimiler à une obligation de conseil : l’urgence ou
le refus par le patient d’être informé. Il convient de
rappeler que la charge de la preuve de l’exécution
de cette obligation incombe au médecin.
• Manquement à l’hygiène, à l’asepsie, aux bonnes
règles en matière de stérilisation : la faute
s’analyse ici en un manquement à une règle
préalablement fixée.
• Absence d’antibioprophylaxie : la prescription de
cette technique thérapeutique fait partie intégrante
de la consultation préopératoire. Dans l’hypothèse
de survenue d’une infection nosocomiale et en
l’absence d’antibioprophylaxie, le médecin est
fautif puisque aucune mesure destinée à prévenir
l’infection n’a été prise, faisant perdre au patient
toute chance d’échapper à l’infection.
• Diagnostic tardif de l’infection : il sera reproché
au médecin de ne pas avoir mis tous les moyens à
Ainsi, pour les activités de prévention, de diagnostic
ou de soins antérieures au 5 décembre 2001, c’est le
régime jurisprudentiel qui a vocation à s’appliquer : le
médecin ainsi que l’établissement de santé demeurent
tenus envers le patient d’une obligation de sécurité de
résultat dont ils ne peuvent se libérer qu’en rapportant la
preuve d’une cause étrangère.
La jurisprudence retient en outre que l’établissement,
condamné à la réparation des conséquences dommageables de l’infection, dispose d’un recours subrogatoire à
l’encontre des praticiens soumis à une obligation de
sécurité de résultat (Cass. 1er civ., 1er février 2005).
Les juridictions administratives n’ont pas non plus
appliqué de manière anticipée le régime institué par loi
du 4 mars 2002.
LE RÉGIME D’INDEMNISATION INSTITUÉ PAR LA LOI
DU 4 MARS 2002
En revanche, pour les infections nosocomiales liées
aux activités de prévention, de diagnostic ou de soins
datant au moins du 5 septembre 2001, le régime institué
par la loi du 4 mars 2002 est applicable. L’article 98 de
ladite loi (article L. 1142-1 du code de la santé publique)
maintient une responsabilité de plein droit à l’égard,
uniquement, des établissements de santé. Les professionnels de santé restent soumis à un régime de responsabilité pour faute, dont la charge de la preuve incombe
au demandeur, donc au patient victime.
Cet article dispose que : « Les établissements, services et
organismes susmentionnés sont responsables des dommages
résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la
preuve d’une cause étrangère ».
Cette loi place au même rang tous les établissements de
soins, privés ou publics. Elle consacre ainsi une responsabilité de plein droit dont seule la cause étrangère est exonératoire ; aucun arrêt en la matière n’a encore été rendu.
Il apparaît que l’établissement pourrait échapper à sa
responsabilité en prouvant que l’infection nosocomiale
624
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
sa disposition pour tenter de guérir son patient. Le
juge sanctionnera alors ce retard de diagnostic s’il
a fait perdre au patient une chance de voir son
état de santé s’améliorer.
• Traitement inapproprié ou insuffisant de
l’infection : la responsabilité pénale du médecin
peut être engagée en cas de prise en charge
inadaptée de l’infection, une fois constituée, si la
faute commise, c’est-à-dire le traitement inadapté,
a causé de manière certaine les blessures ou le
décès ou a fait perdre au patient toute chance
d’échapper au dommage.
ne résulte ni de l’hospitalisation ni des actes invasifs pratiqués en son sein.
Ces nouvelles dispositions n’affectent ni la responsabilité pénale ni la responsabilité disciplinaire encourue par
le médecin suite à une faute.
La loi du 30 décembre 2002 a par ailleurs introduit une
modification dans le code de la santé publique un régime
d’indemnisation en faveur du patient victime d’une infection nosocomiale, qui varie en fonction de la gravité de
son état de santé. La loi prévoit en effet un partage de la
réparation des dommages nosocomiaux entre les assureurs et la solidarité nationale. Le nouvel article L. 14421-1 du code de la santé publique dispose désormais qu’
« […] ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : les dommages résultant d’infections nosocomiales dans les
établissements ou les services ou organismes […] correspondant
à un taux d’incapacité permanente supérieur à 25 % […] ainsi
que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ». Seuls
les dommages inférieurs à ce taux sont donc désormais à
la charge des assureurs. Ce dispositif faisant appel à « la
solidarité au secours de la responsabilité » (1) aboutit ainsi à
faire peser sur la collectivité le poids de la réparation des
dommages les plus lourds tandis qu’il ne laisse substituer
à la charge des établissements et des professionnels – et
plus particulièrement de leurs assureurs – que celui des
dommages les moins graves. Toutefois, pour éviter que
ce nouveau système ne déresponsabilise les établissements et les professionnels de santé, il est prévu que
l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), après avoir indemnisé au titre de la solidarité nationale les victimes des dommages nosocomiaux les plus graves, puisse exercer un recours en cas
de manquement caractérisé aux obligations posées par
la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales (2). ◆ 414242
NOTES
1. Radé C. La solidarité au secours de la responsabilité. Resp civ et ass
2003, chr. n° 5.
2. Art. L. 1442-17 in fine CSP.
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Page 625
INDUSTRIE
INTERNET
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
LU POUR VOUS
L
VIE PROFESSIONNELLE
a prise en charge d’un patient requiert souvent
l’intervention complémentaire de plusieurs
médecins, parfois de spécialités différentes, et de
membres de professions paramédicales. Ainsi l’anesthésiste-réanimateur est-il non seulement le collaborateur privilégié du chirurgien, mais aussi celui de nombreux autres spécialistes. De même, l’obstétricien et la
sage-femme forment une association avec des compétences communes et une compétence spécifique de l’obstétricien, notamment lorsque l’accouchement devient
dystocique. Le médecin et l’infirmière constituent eux
aussi une équipe avec un rôle propre à chacun d’eux et
une collaboration nécessaire pour certains actes réalisés
par l’infirmière sur prescription médicale ou en vertu
d’un protocole. Enfin, on peut citer le cas du médecin
coordinateur vis-à-vis des médecins traitants dans les
établissements recevant des personnes âgées ou encore
celui du chef de service de psychiatrie dans ses rapports
avec les praticiens hospitaliers de son service.
Toutes ces situations caractérisent l’existence d’une
équipe médicale dans laquelle plusieurs professionnels de
santé participent conjointement à la prise en charge d’un
DOSSIER
Sophie Hocquet-Berg
Maître de conférences à l’université Paul Verlaine, Metz
patient dans un cadre coordonné. Si le code de déontologie envisage la collaboration de plusieurs médecins pour
l’examen ou le traitement d’un malade, il rappelle que
« l’exercice de la médecine est personnel » (CSP, art. R. 412769) et que par conséquent « chacun des praticiens assume ses
responsabilités personnelles » (CSP, art. R. 4127-64).
Il ressort de ces règles déontologiques que si la décision peut être conjointe, les responsabilités restent individuelles. Dès lors, en cas de dommage causé à un
patient, la question de la détermination de la personne
juridiquement responsable se pose de façon plus complexe au sein d’une équipe médicale.
Dans le secteur public, les règles de la responsabilité
civile applicables au médecin hospitalier obéissent aux
règles communes à tous les agents publics de l’État. Le
patient est dans la situation d’un usager du service public
et n’a conclu aucun contrat avec le médecin auteur du
fait dommageable. La faute que ce dernier a commise
donne lieu à réparation à l’issue d’une action engagée
contre l’établissement public d’hospitalisation.
En revanche, dans le secteur privé – auquel le présent
article sera limité –, le droit de la responsabilité civile,
tout en admettant des cas résiduels de responsabilité du
fait d’autrui, reste dominé par le principe de la responsabilité individuelle (1).
La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux
droits des malades et à la qualité du système de santé
n’a pas abordé la question de la répartition des responsabilités civiles au sein de l’équipe médicale. Toutefois,
elle a solennellement posé le principe de la responsabilité médicale pour faute, sans que l’existence ou non
d’un contrat de soins ait une influence sur l’étendue
des devoirs du professionnel de santé. Cette loi a, en
effet, « décontractualisé » la relation médecin-patient,
marquant ainsi l’émergence d’une responsabilité statutaire. De même, la jurisprudence récente montre
que les responsabilités des professionnels de santé
dépendent moins de la nature de leurs relations avec le
patient que du statut juridique en vertu duquel ils
exercent leur art. Cette évolution doit être prise en
considération pour déterminer les responsabilités qui
pèsent sur le chef de l’équipe médicale et sur chacun
de ses membres.
C O N S U LTAT I O N S
En secteur privé, si la décision médicale peut être
conjointe, les responsabilités restent individuelles…
à ceci près que chaque professionnel d’une équipe
exerçant à titre libéral peut être condamné
in solidum. Tandis que les membres de l’équipe
ayant le statut de salarié échappent en principe,
en raison de leur subordination à l’employeur,
à toute responsabilité civile personnelle.
MISE AU POINT
Émergence d’une responsabilité
civile statutaire
ENTRETIEN
Au sein de l’équipe médicale
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RESPONSABILITÉ
LES RESPONSABILITÉS INCOMBANT AU CHEF
DE L’ÉQUIPE MÉDICALE
Le chef de l’équipe médicale, lorsqu’il exerce à titre
libéral, répond, comme tout professionnel de santé, de
ses fautes personnelles. En outre, en sa qualité de chef
d’équipe, il est responsable du fait des infirmières et des
aides-soignantes placées sous son autorité.
Le praticien répond des dommages que ces personnes
causent dans l’exercice de leur activité, même si elles
sont employées par la clinique et mises temporairement
sous ses ordres.
En assistant le praticien lors d’un acte médical d’investigation ou de soins, elles deviennent ses préposées occasionnelles pour les actes accomplis sous sa surveillance
médicale directe (Civ. 1er, 28 mai 1980 : Bull. I, n° 160).
Vis-à-vis du personnel paramédical
Ainsi, il a été jugé qu’une infirmière agit sous l’autorité
de l’anesthésiste, et aux risques et périls de celui-ci, pour
tous les actes exécutés pendant la phase de réveil, jusqu’à
la reprise complète des fonctions vitales.
La responsabilité d’un anesthésiste a, de ce fait, été
retenue dès lors qu’un patient a été victime d’une
atteinte du système nerveux due à une perfusion qui
avait été mise en place par une infirmière, de façon
défectueuse, au cours de la réanimation (Civ. 1 er,
11 décembre 1984 : Bull. I, n° 333).
La jurisprudence a cependant tempéré cette règle en
permettant de rechercher la responsabilité de l’établissement lorsque le médecin est lui-même victime de l’infirmière employée par la clinique (Civ. 1er, 13 mars 2001 :
Bull. I, n° 72).
En l’espèce, au cours d’une intervention chirurgicale,
un gynécologue obstétricien avait eu le pied droit écrasé
en raison d’une faute de la panseuse qui l’assistait, préposée de la clinique, lors de la manipulation de la table
mobile d’opération.
Conformément au droit commun de la responsabilité
civile du fait d’autrui, la garantie du commettant* est
subordonnée à la preuve d’une faute de son préposé. Le
praticien ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en
apportant la preuve du caractère irréprochable de son
propre comportement. Il ne peut davantage exercer un
recours subrogatoire à l’encontre des préposés fautifs
« ayant agi dans les limites de leur fonction », lesquels bénéficient désormais d’une « immunité personnelle », comparable à celle dont bénéficient les agents publics (Ass.
plén. 25 fév. 2000, Costedoat : Bull. ass. plén., n° 2).
En revanche, si l’acte de soins dommageable relève du
rôle propre du personnel infirmier ou de l’aide-soignante et qu’il n’est pas exécuté sous la surveillance du
praticien, seule la responsabilité de son employeur, l’établissement de santé, peut être engagée (Civ. 1er, 9 janvier
1973 : Bull. I, n° 13). Une clinique a ainsi été déclarée
responsable de la faute commise par une infirmière salariée lors d’une séance de chimiothérapie. Au cours de la
perfusion, l’aiguille était en effet sortie de la veine, et les
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LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
produits à injecter s’étaient répandus dans les tissus,
entraînant de graves dommages pour le patient (Civ. 1er,
29 mars 1989, n° 86-14555).
Vis-à-vis de l’équipe médicale
S’agissant de la responsabilité civile du chef de l’équipe médicale du fait des autres médecins qui la composent, elle doit être appréhendée au regard de la transformation des rôles respectifs des différents
intervenants à l’acte médical. La position traditionnelle
consiste à considérer que le chef de l’équipe médicale
est responsable, non seulement de ses propres fautes,
mais encore de celles commises par les médecins auxquels il a eu recours et auxquels il s’est substitué, en
dehors du consentement du patient, pour une partie
inséparable de son obligation.
Cette solution vise tout particulièrement l’anesthésiste
auquel le chirurgien serait, selon cette conception, réputé
s’être substitué pour l’accomplissement de ses propres
obligations (Civ. 1er, 9 octobre 1984 : Bull. civ. I, n° 251).
Paralysie du plexus brachial. Condamnation
in solidum
Ainsi, la responsabilité d’un chirurgien a été retenue
par les magistrats en raison d’une faute de l’anesthésiste
auquel il avait eu recours pour procéder à l’ablation de la
vésicule biliaire d’une patiente. Au cours de l’intervention, la mauvaise position du bras de la malade sur la
table d’opération, qui était imputable à une faute de l’anesthésiste, avait en effet provoqué une atteinte du
plexus brachial par élongation et une paralysie de la
main droite (Civ. 1er, 18 juillet 1983 : Bull. I, n° 209).
Cette solution s’accorde mal avec l’indépendance professionnelle de certains professionnels de santé et, en
particulier, avec la compétence spécifique de l’anesthésiste dans l’exercice de son art, désormais reconnu
comme une spécialité à part entière. Au contraire, le
cumul de responsabilités personnelles de deux professionnels de santé pour la méconnaissance des obligations qui leur sont propres est une solution davantage en
harmonie avec le concept d’équipe médicale, reposant
sur la complémentarité des compétences de ses membres, qui agissent conjointement. La responsabilité de
l’un des intervenants n’excluant pas la responsabilité de
l’autre, chaque professionnel de santé fautif peut être
condamné in solidum à réparer l’entier dommage (Crim.,
22 juin 1972 : Bull. crim. n° 218 et n° 219).
Anesthésiste et chirurgien condamnés pour défaut
de transfusion lors d’une néphrectomie
Dans cette affaire, le chirurgien et l’anesthésiste avaient
négligé de rechercher le groupe sanguin d’une patiente, et
de prévoir des flacons de sang iso-groupés, alors que le
risque hémorragique était pourtant prévisible compte tenu
de l’état antérieur de la malade. Ils avaient, en outre, omis
de pratiquer, dès la première heure de l’intervention, une
transfusion de sang qui aurait permis de la sauver. En
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FOTOLIA
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C O N S U LTAT I O N S
DOSSIER
LA RESPONSABILITÉ INCOMBANT AUX AUTRES
MEMBRES DE L’ÉQUIPE MÉDICALE
INTERNET
LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 12 du 24-06-2008
INDUSTRIE
Défaut d’information : condamnation in solidum
La responsabilité des différents médecins se succédant
pour réaliser des investigations médicales a ainsi, par
exemple, été retenue solidairement par la Cour de cassation du fait d’un manquement à leur obligation d’information.
En l’espèce, une aortographie avait été prescrite pour
un enfant par un médecin, spécialiste de la chirurgie thoracique et exécutée par un électroradiologiste, sans pour
autant que les parents aient été informés des risques de
l’acte ni que leur consentement fût recueilli. À la suite de
cet examen, qui n’était ni indispensable ni urgent, le jeune
patient s’est trouvé atteint de paraplégie. Dans ces conditions, les deux praticiens furent condamnés in solidum par
les magistrats. Le médecin prescripteur était, en effet,
tenu d’informer les parents des conséquences possibles de
LU POUR VOUS
S’agissant de la responsabilité des autres membres de
l’équipe médicale, son régime dépend, là encore, directement de leur statut juridique. S’ils exercent à titre libéral, ils engagent leur propre responsabilité en cas de
manquement aux devoirs qui leur incombent à titre personnel (CSP, art. L. 1142-1, I, al. 1er). Ainsi, le juge doitil vérifier si chacun des médecins, membres de l’équipe,
a bien agi conformément aux données acquises de la
science et retenir la responsabilité in solidum de tous ceux
dont la faute est à l’origine du dommage (Civ. 1 er,
15 novembre 2005, n° 04-16.798).
VIE PROFESSIONNELLE
Arrêt cardiorespiratoire après amygdalectomie :
défaut de surveillance
Dans cette affaire, le patient était décédé d’un arrêt
cardiorespiratoire quelques instants après avoir subi une
MISE AU POINT
outre, en fin d’intervention, ils n’avaient pas assuré une
surveillance suffisante lors du changement de position de
l’opérée qui fut remise sur le dos sans précautions, ce qui
occasionna son décès par suite d’un arrêt cardiorespiratoire. La Cour de cassation a jugé que les deux praticiens,
qui agissaient ensemble en tant que membres d’une équipe
chirurgicale, avaient commis l’un et l’autre des fautes susceptibles d’engager leur responsabilité. Même si l’anesthésiste était le principal responsable du décès, le chirurgien
se devait de faire respecter les règles de prudence et de
sécurité concernant des actes ne faisant pas appel à des
connaissances techniques échappant à sa propre compétence. La répartition du poids de la réparation entre les
coresponsables se fait ensuite selon la gravité des fautes
commises. Cependant, en plus des devoirs découlant de la
mise en œuvre de sa propre spécialité, le chirurgien est
tenu, en sa qualité de chef de l’équipe médicale, d’une obligation générale de prudence et de diligence, consistant
notamment à veiller à ce que le patient soit, à l’issue de l’intervention, placé sous la surveillance d’une personne qualifiée (Ass. plén., 30 mai 1986 : Bull. ass. plén., n° 8).
ENTRETIEN
Le chef de l’équipe médicale, lorsqu’il exerce à titre libéral, répond, comme tout professionnel de
santé, de ses fautes personnelles, mais aussi des fautes des personnes placées sous son autorité.
Par exemple, la Cour de cassation a jugé que, même si l’anesthésiste était le principal responsable du
décès, le chirurgien se devait de faire respecter les règles de prudence et de sécurité concernant des
actes ne faisant pas appel à des connaissances techniques échappant à sa propre compétence.
amygdalectomie alors qu’il avait été laissé seul dans sa
chambre par l’infirmière chargée de le surveiller, le chirurgien et l’anesthésiste ayant immédiatement quitté la
clinique. L’assemblée plénière a considéré que la
responsabilité du chirurgien devait également être retenue, même si la surveillance postopératoire ne lui
incombe pas normalement. Elle a estimé, en effet, que le
chirurgien, auquel incombe l’organisation et la conduite
générale de l’intervention, est à ce titre tenu de s’assurer,
au cours des différentes phases de l’opération et jusqu’au
réveil, que toutes les précautions ont été prises pour
assurer la sécurité du malade.
Le chirurgien a, en outre, un devoir d’information visà-vis de ses confrères à qui il doit transmettre les renseignements nécessaires à la pratique de leur acte (Civ. 1er,
28 octobre 1997 : Bull. I, n° 298). Il peut aussi incomber
au chirurgien de choisir le mode d’anesthésie (Civ. 1er,
31 mars 1998, n° 96-14.570). Le chef d’équipe doit, par
ailleurs, veiller à la présence des équipements et produits
nécessaires à l’intervention sans pouvoir se retrancher
derrière la carence de l’établissement dans lequel il
exerce. Le chef de l’équipe médicale est ainsi responsable, mais à titre personnel, à l’égard de son patient de
l’ensemble de l’opération de soins dont il coordonne
l’exécution.
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DR
RESPONSABILITÉ
Aortographie.
Le médecin prescripteur comme le radiologue ont l’obligation
d’informer le patient des risques d’un examen.
l’acte, de façon à leur permettre de donner leur accord en
toute connaissance de cause. De son côté, le radiologue
n’était, quant à lui, pas tenu par la prescription de son
confrère, mais disposait, de par sa qualité et ses fonctions,
d’un droit de contrôle sur sa prescription, et avait aussi
l’obligation d’informer les parents de l’enfant des risques
de l’intervention (Civ. 1er, 29 mai 1984 : Bull I, n° 177 et
n° 178).
Cette solution est la conséquence logique de l’indépendance de chaque praticien. Elle peut ainsi être également
appliquée aux différents membres de l’équipe médicale
qui sont de spécialités complémentaires. Ces professionnels de santé sont tenus de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile (CSP, art.
L. 1142-2, al. 1er). Les établissements de soins privés ne
sont pas responsables des fautes commises par un médecin, ou tout autre personnel médical, exerçant en leur sein
à titre libéral (Civ. 1er, 26 mai 1999 : Bull. I, n° 175).
Pas d’action récursoire de la clinique contre
un salarié
En revanche, si le membre de l’équipe médicale a le
statut de salarié, il échappe en principe, en raison du lien
de subordination le liant à son employeur, à toute
responsabilité civile personnelle. Pour les infirmières,
comme pour tout autre salarié, la Cour de cassation
retient dorénavant que « n’engage pas sa responsabilité à
l’égard des tiers, le préposé qui agit dans les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant » (Ass. plén.,
25 février 2000, Costedoat, précité).
Pour les médecins et les sages-femmes, c’est au terme
d’une évolution plus récente, et après avoir exactement
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jugé le contraire pendant une brève période, que la Cour
de cassation juge désormais qu’aucune action directe en
réparation ou action récursoire de l’établissement ne
peut être exercée à l’encontre du médecin (ou de la sagefemme) salarié qui est resté dans les limites de sa mission
(Civ. 1er, 9 novembre 2004 : Bull. I, n° 260 et n° 262).
Dans la première affaire, un médecin de garde, salarié
d’une clinique privée, qui avait pris en charge un patient
à l’issue d’une intervention sur la carotide, avait vu sa
responsabilité retenue par les juges du fond en raison
d’un défaut de surveillance, le patient ayant été victime
d’une hémorragie, puis d’une hémiplégie, en dépit d’une
nouvelle intervention chirurgicale. La seconde affaire
concernait une sage-femme salariée qui avait pris en
charge une femme enceinte de trente- cinq semaines et
demie présentant une rupture prématurée des membranes. Du fait d’un défaut de surveillance ayant retardé le
diagnostic d’une souffrance fœtale, la sage-femme avait
été condamnée, in solidum avec le gynécologue de garde
et la clinique, à réparer le préjudice causé aux parents,
car l’enfant souffrait d’une grave infirmité motrice cérébrale due à la souffrance fœtale.
Dans les deux cas, la Cour de cassation a censuré les
décisions des cours d’appel au motif que seule la responsabilité de la clinique devait être engagée, les deux professionnels de santé étant des salariés ayant agi sans excéder les limites de leurs fonctions respectives.
Nonobstant l’indépendance professionnelle dont il
bénéficie dans l’exercice de son art, le membre de cette
profession médicale, lié par un contrat de travail, ne
répond donc pas personnellement des conséquences
dommageables de sa faute, dès lors que celle-ci a été
commise dans les limites de l’exercice de sa mission. En
de telles circonstances, c’est la clinique qui supporte
définitivement le poids de la réparation du dommage
subi par le patient, sans pouvoir exercer un recours subrogatoire contre l’auteur du dommage.
Garants des fautes commises par le personnel médical
ou paramédical qu’ils emploient, les établissements de
santé sont tenus de contracter une assurance de responsabilité couvrant leurs salariés agissant dans la limite de
la mission qui leur est impartie, même si ceux-ci disposent d’une indépendance dans l’exercice de l’art médical
(CSP, art. L. 1142-2, al. 4). ◆ 414247
RÉFÉRENCE ET NOTE
1. Hocquet-Berg VS, Py B. La responsabilité du médecin. Paris, Heures
de France éd., 2006.
* Un commettant est un individu qui fait appel aux services d’une autre
personne pour accomplir certaines tâches ou fonctions.
D’autres articles (responsabilité du médecin du travail,
référentiel d’indemnisation de l’Oniam, handicap
de naissance), qui complètent ce dossier, seront publiés
dans les numéros à venir.
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