Les antidépresseurs durant la grossesse

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Volume 56 – n° 5
Septembre 2009
Les antidépresseurs
durant la grossesse à votre service
sans ordonnance
Les MVL
chez les patients
hypertendus
LES pAges Bleues
Les antirejets en
transplantation
cardiaque
D’une page à l’autre
Impact des conseils
téléphoniques
sur l’observance
www.monportailpharmacie.ca
PP 40070230
1200, avenue McGill College, bureau 800, Montréal (QC) H3B 4G7
Éditorial
Tracasseries et drôleries
Directrice de la rédaction
Caroline Baril
Rédactrice en chef
Hélène-M. Blanchette, B. Pharm.
Rédacteur en chef adjoint
Jean-François Guévin, B. Pharm., M.B.A., Pharm. D.
Adjointe à la directrice de la rédaction
Stéphanie Decelles
Direction artistique
Dino Peressini
Graphiste
Adriana Alvear Ayala, Jocelyne Demers
Directrice des rédactions, Groupe Santé
Catherine Choquette
Directeur des rédactions, Groupe Santé
Rick Campbell
Comité de rédaction
Avez-vous entendu parler de...
Isabelle Giroux, B. Pharm. M. Sc.
Dominique Harvey, B. Pharm.
À vos soins
Sonia Lacasse, B. Pharm.
Sophie Grondin, B. Pharm. M. Sc.
À votre service sans ordonnance
Nancy Desmarais, B. Pharm.
Julie Martineau, B. Pharm.
De la mère au nourrisson
Caroline Morin, B. Pharm., M. Sc.
D’une page à l’autre
Isabelle Boisclair, B. Pharm., M. Sc.
Nicolas Paquette-Lamontagne, B. Pharm., M. Sc., M.B.A.
Inforoute
Jean-François Bussières, B. Pharm., M. Sc., M.B.A.
Les Pages bleues
Chantal Duquet, B. Pharm., M. Sc.
Ingrid Wagner, B. Pharm.
Pharmacovigilance
Marie Larouche, B. Pharm., M. Sc.
Christine Hamel, B. Pharm., M. Sc.
Place aux questions
Elyse Desmeules, B. Pharm.
Santé publique
Suzie Lavallée, B. Pharm.
Membre honoraire
Georges Roy, M. Pharm.
Impression
Imprimeries Transcontinental
Québec Pharmacie est publié
8 fois l’an par Rogers Media.
Vous pouvez consulter notre politique
environnementale à :
www.leseditionsrogers.ca/about_rogers/
environmental.htm
www.monportailpharmacie.ca
Un éditorial n’est pas qu’une méthode de
réflexion, une claque dans le dos ou un commentaire acerbe sur une situation. Ce peut être
tout ça et ce peut être un clin d’œil. C’est le clin
d’œil que je vous propose ici : les tracasseries
sont monnaie courante en pharmacie, communautaire ou d’établissement. La lecture du
dictionnaire des tracas1 m’a donné l’idée d’en
décrire quelques-uns, avec de nouveaux mots à
ajouter dans le dictionnaire du pharmacien. Je
souhaite vous éviter la dépression saisonnière
qui nous guette tous avec l’été gris que nous
avons subi. N’oubliez pas votre vitamine D !
Aidant naturel : laxatif.
Bévue : ne pas voir une erreur de distribution
Bogue : cosse, peau, enveloppe. Par extension : peau du technicien informatique qu’on
veut avoir pour son incompétence.
Boudeur : patient qui refuse systématiquement tous les médicaments génériques parce
qu’il y est allergique.
Clairance : autorisation de décoller. Par
extension : autorisation de servir un
médicament selon la fonction rénale du
patient.
Collaborateur : professionnel de la santé qui
agit en interdisciplinarité. Antonyme de
multidisciplinaire.
Couchtard : pharmacien dépanneur.
Décoincé : client qui exprime fortement ses
problèmes personnels dans la salle d’attente.
Désespérance : recevoir un patient qui sort
de l’hôpital avec une ordonnance de
18 médicaments, deux minutes avant la
fermeture de la pharmacie. Par extension,
recevoir un autobus de patients, alors que
vous êtes à personnel réduit pour une raison
quelconque.
Hacher : devenir une victime de H1N1.
Liseuse : personne qui prescrit au téléphone
ce que le médecin a écrit dans ses notes ou ce
que le médecin lui dit de dire.
Livraison différée : produit en rupture de
stock, pour une période indéterminée, parce
que le fabricant ne sait pas quand il en
produira. Par extension, ignorance d’une
réalité.
Mélangé : état de la personne qui veut
administrer de la poudre de Colyte et ajoute
4 litres d’eau au patient pour bien le brasser
ensuite.
Monsieur net : patient qui a lu tous les sites
Web sur un sujet lié à sa santé et qui vient
vous les expliquer.
Multidisciplinaire : professionnel de la santé
qui peut agir en toute autonomie.
Murailler : un professionnel de la santé qui
ne rappelle jamais quand on tente de le
rejoindre.
Pause : robot, ensacheuse, emballeuse qui ne
fonctionne pas.
Peinurie : avoir de la peine à uriner. Ne pas
confondre avec pénurie.
Pénurie : carence en vitamine P. L’avitaminose P entraîne des bris de service.
Perdus : les médicaments qu’un patient a
commandés, qui ont été préparés mais qu’on
ne trouve pas. Par extension, médicaments
livrés par la pharmacie sur un étage, et non
trouvés par l’infirmière.
Prendre des vessies pour des rates :
modification d’un vieux proverbe. Par
extension : commettre une erreur en
distribuant un ou plusieurs médicaments.
Prescrire : contraire de proscrire.
Proscrire : politique gouvernementale qui
exclut les pharmaciens de leur plein rôle
professionnel.
Saint-dique : qui indique la voie de la
sainteté professionnelle.
Soufflant : patient qui arrive en courant, à
bout de souffle et en crise d’asthme, et qui
veut du Ventolin sans prescription.
Transfaire : patient qui veut faire transférer
ses médicaments d’une autre pharmacie, mais
il ne sait plus dans laquelle il les avait obtenus.
Transférite : patient qui transfère à tous les
deux ou trois mois ses médicaments d’une
pharmacie à une autre. Synonyme de
transfoire.
Technocent : technicien de soutien informatique qui nous demande de nous assurer
que notre ordinateur est branché. N’est
habituellement pas un technotwit.
Technotwit : définition libre selon votre
humeur, du lien d’une personne avec la
technologie.
Triage : choix du prochain politicien à nous
embêter le moins possible.
Walgrainer : chaîne américaine de pharmacies qui vend des glucomètres à l’extérieur en
même temps que des beignets Krispy Kreme.
Par extension, farce, blague.
Bon automne à tous !
1.Le baleinié, Christine Murillo, 3 tomes.
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
3
Sommaire
Volume 56 – n° 5 – septembre 2009
Pour toute information
1200, avenue McGill College, bureau 800
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États-Unis et international (abonnement individuel
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Janet Smith
Vous trouverez les questions de formation continue
à la fin de chacun des articles.
3
Éditorial
7
À VOS SOINS
12
Place aux questions
16
DE LA MÈRE AU NOURRISSON
22
à votre service sans ordonnance
28
D’une page à l’autre
32
Vice-président senior, publications
d’affaires et professionnelles
John Milne
Prise en charge de l’hypothyroïdie
induite par le lithium
Comment traiter et prévenir l’ostéonécrose
de la mâchoire associée aux biphosphonates ?
Les antidépresseurs durant
la grossesse : des risques calculés
Les MVL chez les patients hypertendus :
au-delà du Code Médicament B
Impact des conseils téléphoniques
sur l’observance
Avez-vous entendu parler de...
Le dabigatran (PradaxMD)
39
Les pages bleues
47
Pharmacovigilance
Intoxication par l’acide valproïque
secondaire à une hypo-albuminémie
Dans ce numéro 
Président et chef de la direction Rogers Media
Anthony P. Viner
Président des Éditions Rogers Media
Brian Segal
Tracasseries et drôleries
Les antirejets en transplantation cardiaque
Gestion thérapeutique 2009
Vice-présidents seniors
Marc Blondeau, Mitch Dent, Michael J. Fox
Vice-présidents – Planification opérationnelle
Imme Chee Wah, Patrick Renard
Vice-président – Production
John Hall
Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec,
Bibliothèque nationale du Canada ISSN 0826-9874.
Toutes les annonces de produits pharmaceutiques sur ordonnance
ont été approuvées par le Conseil consultatif de publicité
pharmaceutique.
Envoi de poste –
publications,
convention
nº 40070230.
www.monportailpharmacie.ca
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
5
À vos soins
Prise en charge de l’hypothyroïdie
induite par le lithium
Présentation de cas
Mme A.S., âgée de 53 ans, a un diagnostic de maladie affective bipolaire. Elle se présente à la pharmacie et vous demande de lui
conseiller un produit sans ordonnance aux effets « stimulants ». Elle vous apprend que,­­depuis environ six mois, elle ressent une grande
fatigue, de la faiblesse musculaire ainsi qu’une perte d’appétit. Elle a aussi noté que, cette année, elle tolérait mal le froid de notre hiver
québécois et était très frileuse. Dans son dossier, vous notez la prise de carbonate de lithium (CarbolithMD) 600 mg tid depuis un an,
médicament auquel elle semble observante. Elle vous mentionne que le prélèvement sanguin effectué la semaine dernière était normal,
selon son médecin, et elle vous tend sa copie sur laquelle vous notez une augmentation de la valeur sérique de son hormone thyréostimulante (TSH), avec une concentration normale de thyroxine (T4) libre.
Discussion
L’action antithyroïdienne du lithium est
bien connue, bien que son mécanisme exact
ne soit pas complètement élucidé. De façon
générale, le lithium entraîne une augmentation du contenu intrathyroïdien en iode et
inhibe la formation et la sécrétion des iodothyronines, soit la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3). Ces effets suppressifs risquent,
entre autres, d’entraîner une hypothyroïdie,
de conduire à la formation d’un goitre ou de
favoriser une thyroïdite auto-immune1,2. On
rapporte parfois quelques cas d’hyperthyroïdie concomitante à la prise de lithium, mais ils
s’avèrent généralement une conséquence
d’une compensation thyroïdienne excessive1.
Notons que ces dysthyroïdies sont diagnos­
tiquées autant chez les consommateurs de
lithium que chez les nouveau-nés exposés au
lithium in utero2.
Des données indiquent que le lithium
entraîne une suppression de la fonction thyroïdienne chez environ 42 % des patients3.
Elle se présente le plus fréquemment sous
forme subclinique, c’est-à-dire entraînant
une augmentation de la TSH et des concentrations sériques normales de T3 et T4 libres.
Bien que plusieurs patients présentent tous
les signes et symptômes d’une hypothyroïdie
classique (augmentation de TSH avec diminution de concentration sérique de T4), les
symptômes cliniques sont souvent absents
lors d’hypothyroïdie subclinique3. Généralement augmenté au cours des deux premières
années de traitement, le risque d’hypothyroïdie semble augmenter avec l’âge et serait particulièrement important chez les femmes
âgées d’au moins 45 ans4.
Un examen médical complet avant l’instauration d’un traitement par le lithium est primordial. Un examen physique de la thyroïde
et la recherche de symptômes et d’antécédents familiaux devraient être effectués d’emblée, mais le bilan thyroïdien de base (TSH et
T4 libre) et la mesure des anticorps antithyroïwww.monportailpharmacie.ca
diens demeurent toutefois la pierre angulaire
de cet examen pré-traitement afin de déceler
une éventuelle dysthyroïdie. Le cas échéant, le
lithium peut tout de même être administré,
mais la dysfonction thyroïdienne doit être
prise en charge le plus tôt possible3-5.
Les conséquences de l’hypothyroïdie peuvent être d’ordre à la fois somatique (into-
Texte rédigé par Julie Duchaine, B. Pharm.,
candidate L.L.M. Institut Philippe-Pinel.
Texte original soumis le 13 mai 2009.
Texte final remis le 18 juin 2009.
Révision : Sonia Lacasse, B. Pharm.
SMme A.S. présente une grande fatigue, de la faiblesse musculaire, une perte d’appétit
et de la frilosité depuis environ six mois.
OPatiente de 53 ans, sans allergie, avec diagnostic de maladie affective bipolaire.
Tableau stable avec lithium 600 mg tid depuis un an; médication bien tolérée et
lithémie normale. Aucune consommation de MVL ou produit naturel. Prélèvement
sanguin de la semaine dernière : TSH élevée à 7,0 U/L (N = 0,5 – 4,7 U/L) et T4 libre
normale de 10,8 pmol/L (N = 10,3 - 35,0 pmol/L).
ALe lithium est connu pour induire une hypothyroïdie, le plus fréquemment sous forme
subclinique, c’est-à-dire avec une augmentation de la TSH et des concentrations
sériques normales de T4, tels les résultats sanguins de notre patiente. Selon
la documentation scientifique, un traitement supplétif de T4 est recommandé lorsque
la TSH se situe au-delà de 5 mU/L et qu’un patient est symptomatique.
P
Communiquer avec le médecin traitant pour suggérer l’ajout d’un traitement pour
contrer les effets indésirables probablement induits par le lithium et exclure les
diagnostics différentiels (par palpation de la glande et mesure des anticorps
antithyroïdiens).
n Recommander l’ajout de T4 (Synthroid), à raison de 25 μg die. Cette dose devra
ensuite être réajustée selon les résultats du prélèvement sanguin, par paliers de 25 μg
aux 6 semaines, jusqu’à stabilisation de la TSH dans l’intervalle recommandé
(N = 0,5 – 4,7 U/L).
n Expliquer le nouveau médicament à notre patiente, en insistant sur les effets
indésirables à surveiller, l’importance de l’observance et des prélèvements sanguins
pour en vérifier l’efficacité.
n Réitérer l’importance de continuer la prise de lithium et de toujours consulter
un pharmacien avant la prise de produits MVL ou naturels.
n Faire un suivi, après deux semaines, pour s’assurer de la tolérance au nouveau
médicament.
n Lorsque la patiente viendra renouveler sa médication dans 3 mois, s’assurer
qu’un bilan thyroïdien est prévu prochainement, aux trois mois pendant l’ajustement
de la dose et aux 6 à 12 mois par la suite. Vérifier aussi l’amélioration des symptômes
dans environ six mois.
n
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
7
À vos soins
Des données indiquent que le lithium
entraîne une suppression de la fonction thyroïdienne
chez environ 42 % des patients3.
rance au froid, fatigue, etc.) et psychiatrique (dépression, diminution de la mémoire
et de la concentration, etc.), d’où l’importance d’une prise en charge rapide. Le
lithium peut être remplacé par une autre
molécule ne causant pas cet effet indésirable, mais on peut éviter ce changement de
médication en administrant un traitement
pharmacologique d’appoint au lithium.
L’hypothyroïdie classique devrait être traitée selon les lignes directrices en vigueur,
avec une préférence pour un supplément
de T4 (SynthroidMD) par rapport à la T3
(CytomelMD), cette dernière entraînant des
taux hormonaux parfois erratiques. La
dose moyenne de T4 est généralement évaluée à 1,7 μg/kg chez l’adulte6. En ce qui a
trait à l’hypothyroïdie subclinique, son
traitement demeure moins connu étant
donné le peu de documentation scientifique sur le sujet. Toutefois, les lignes directrices et les consensus d’experts s’entendent sur le protocole suivant3,5:
Si la TSH se situe entre 5 et 10 mU/L et
que le patient est asymptomatique, un remplacement thyroïdien ne semble pas nécessaire, mais un suivi plus étroit est de rigueur.
Une seconde mesure devrait toutefois être
effectuée un mois plus tard. Si la TSH
demeure élevée, un suivi aux trois mois doit
être effectué3. Plusieurs experts sont d’avis
que la majorité des patients bénéficient d’un
traitement de remplacement lors d’une
TSH élevée persistante, mais la décision de
traiter ou non doit être prise selon le jugement du clinicien5.
Si la TSH se situe entre 5 et 10 mU/L et
que le patient est symptomatique ou si la
TSH est élevée au-dessus de 10 mU/L – que
le patient soit symptomatique ou non – un
traitement semble nécessaire. Dans ce cas, il
est recommandé de débuter la T4 à raison de
25 à 50 μg par jour, puis d’augmenter par
paliers de 25 μg aux 6 à 8 semaines jusqu’à
stabilisation de la TSH dans l’intervalle
recommandé. Par contre, un titrage plus
graduel est recommandé chez les patients
âgés ou présentant des troubles cardiaques.
Un délai pouvant atteindre six mois est parfois nécessaire afin d’observer une amélioration clinique3.
Une réévaluation de la fonction thyroïdienne devrait être effectuée 3 mois après
l’instauration de la T4, puis aux 6 à 12 mois
par la suite3. De plus, puisque l’hypothyroïdie est généralement réversible à l’arrêt du
lithium, il est primordial de s’assurer que le
traitement par la T4 ne soit pas poursuivi
sans motif valable après un arrêt ou un
changement de stabilisateur de l’humeur.
Acte pharmaceutique facturable
Opinion pharmaceutique : Ajouter un
médicament complémentaire à un autre
médicament pour enrayer ses effets indésirables. (DIN 00999027) n
Opinion pharmaceutique
Docteur,
Tel que discuté, nous vous transmettons un
résumé de notre conversation téléphonique
concernant Mme A.S. Après discussion avec
notre patiente, nous avons constaté qu’elle
présentait, depuis environ six mois, des
symptômes qui pourraient être liés à une
éventuelle hypothyroïdie subclinique, selon
les résultats de laboratoire observés la
semaine dernière. Ces symptômes incluaient
fatigue, faiblesse, perte d’appétit et frilosité.
Dans un tel cas de tableau symptomatique
avec une valeur de TSH au-delà de 5 mU/L,
il est recommandé d’instaurer un traitement par la T4 (Synthroid), à raison de
25 μg die, à ajuster en fonction de prélèvements sanguins effectués aux trois mois,
jusqu’à l’obtention d’une TSH comprise
dans l’intervalle-cible (N = 0,5 – 4,7 U/L).
Un bilan thyroïdien devrait ensuite être
effectué aux 6 à 12 mois par la suite. Tel que
discuté, nous avons également adressé la
patiente à votre bureau pour un examen
physique et une mesure des anticorps antithyroïdiens afin d’exclure les diagnostics
différentiels. Nous avons donc débuté le
traitement comme convenu et assurerons
un suivi auprès de Mme A.S.
N’hésitez pas à nous contacter pour de
plus amples informations. Il nous fera plaisir de rediscuter avec vous.
La pharmacienne
Références
1.Maarbjerg K, Vestergaard P, Schou M. Changes in
serum thyroxine (T4) and serum thyroid stimulating
hormone (TSH) during prolonged lithium treatment.
Acta Psychiatr Scand 1987; 75: 2217-21.
2.Correll CU, Carlson HE. Endocrine and metabolic
adverse effects of psychotropic medications in children and adolescents. J Am Acad Child Adolesc Psych
2006; 45: 771-791.
3. Kleiner J, Altshuler L, Hendrick V et coll. LithiumInduced Subclinical Hypothyroidism: Review of the
Literature and Guidelines for treatment. J Clin Psychiatry 1999; 60: 249-255.
4. Johnston AM, Eagles JM. Lithium-associated clinical
hypothyroidism – Prevalence and risk factors. Br J
Psychiatry 1999; 175: 336-339.
5. Gharib H, Tuttle RM, Baskin HJ et coll. Consensus
statement: Subclinical Thyroid Dysfunction: A Joint
Statement on Management from the American
Association of Clinical Endocrinologists, the American Thyroid Association, and The Endocrine Society. J
Clin Endocrinol Metab 2005; 90: 581-585.
6. Singer PA, Cooper DS, Levy EG et coll. Treatment
guidelines for patients with hyperthyroidism and
hypothyroidism. Standards of Care Committee, American Thyroid Association. JAMA 1995; 273: 808812.
8
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
Question de formation continue
1) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux?
A.Certains patients peuvent présenter une hyperthyroïdie associée à la prise de
lithium.
B. Un patient non symptomatique avec une TSH de 9 mU/L et des valeurs normales
de iodothyronines ne nécessite généralement pas de traitement supplétif de T4
(Synthroid) à moins d’avis contraire du clinicien.
C. Un prélèvement sanguin devrait être fait au moins trois mois après le début de
la thérapie supplétive de T4 (Synthroid).
D.Le lithium induit le plus fréquemment une hypothyroïdie classique, une élévation de la TSH et une diminution des concentrations sériques d’iodothyronines,
plutôt qu’une hypothyroïdie subclinique.
E. Un fœtus peut être atteint d’une dysthyroïdie causée par la thérapie au lithium
de sa mère.
Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 90 
Place aux questions
Comment traiter et prévenir
l’ostéonécrose de la mâchoire
associée aux biphosphonates ?
Les biphosphonates sont indiqués dans le traitement et la prévention de l’ostéoporose, dans le traitement de la maladie de Paget et de
l’hypercalcémie associée à certains cancers tels que les myélomes multiples, ainsi que pour soulager les douleurs liées aux métastases
osseuses. Depuis quelques années, nous avons vu plusieurs rapports de cas d’ostéonécrose de la mâchoire (mort osseuse découlant
d’une innervation sanguine insuffisante) qui découlent de leur activité inhibitrice sur les ostéoclastes1,2. Même si son incidence demeure
faible et qu’elle est plus souvent associée aux formulations intraveineuses utilisées en oncologie, il y a lieu de se questionner sur notre
rôle comme pharmaciens dans la prévention et le traitement de cette complication1.
Texte rédigé par Joanie Vivier-Trépanier,
étudiante en pharmacie, 4e année.
Révision : Elyse Desmeules, B. Pharm.,
et Geneviève Duperron, B. Pharm.
Texte original soumis le 21 janvier 2009.
Texte final remis le 2 février 2009.
Incidence
L’incidence de ce problème dans la population générale est difficile à déterminer. Toutefois, celle-ci semble être relativement faible, bien qu’elle s’accentue d’année en
année1. Les médicaments les plus souvent
associés à l’ostéonécrose sont, par ordre
d’importance, le zolédronate, le pamidronate, l’alendronate et le risédronate1. Une
revue de la documentation médicale publiée
par Shane en mai 2006 affirmait que moins
de 5 % des cas d’ostéonécrose de la mâchoire
Tableau I
Traitements de l’ostéonécrose de la mâchoire associée
aux biphosphonates
Traitements
Commentaires
A) Chirurgie et débridementRéservé aux cas réfractaires, si encore
symptomatique même après un traitement
à long terme aux antibiotiques.
 risque d’exposition de l’os, peut aggraver
les symptômes.
B) Antibiotiques :
1.Pénicilline V 500 mg* po qid 1er choix4-6
2. Doxycycline 100 mg die 2e ligne. Alternative si allergie aux pénicillines4
3. Azithromycine 250 mg die 2e ligne. Alternative si allergie aux pénicillines4
4.Pénicilline V 500 mg* po qid ou amoxi-
Cas réfractaires ou plus symptomatiques4-6
cilline/acide clavulanique 1 g po q 12 h
+ Métronidazole 500 mg po tid 5. Ciprofloxacine 500 mg po bid Alternative si allergie aux pénicillines
ou érythromycine 400 mg* po tid
et/ou cas réfractaires4-6
+ métronidazole 500 mg po tid 6. ClindamycineNon recommandé en raison de la faible
et même quasi­-absence d’activité contre
les microorganismes impliqués4
C)Rince-bouche à base de Adjuvant au traitement antibiotique
chlorhexidine 0,12 % tid-qid
D)Oxygénothérapie hyperbareEfficacité très limitée3
* Doses proposées dans la documentation médicale américaine, formulations non disponibles au Québec
12
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
étaient liés aux biphosphonates par voie
orale1.
Symptômes Les symptômes vont du simple inconfort à
une douleur intense à la mâchoire. La douleur serait davantage liée à l’infection qui
pourrait apparaître au site plutôt qu’à l’exposition osseuse elle-même4. En effet, la
mort des tissus environnants implique la
disparition de l’innervation à cet endroit,
d’où l’absence de sensation de douleur. Une
difficulté à avaler et à se brosser les dents
pourrait également survenir. Dans de rares
cas, une paresthésie pourrait se manifester
au niveau de la mâchoire allant même
jusqu’à défigurer le patient1. Dans ces cas
graves, on a également rapporté une perte
pondérale et un état de dénutrition.
Hypothèses de développement
Le mécanisme de développement de l’ostéonécrose n’est pas très bien élucidé. L’hypothèse la plus fréquemment émise est la
suivante : la diminution du remaniement
osseux causée par les biphosphonates amènerait un ralentissement des mécanismes de
réparation de l’os occasionnant la formation de microlésions et, éventuellement, de
lésions plus importantes pouvant aller jusqu’à
la nécrose de l’os. De plus, l’action anti­
angiogénique des biphosphonates contribuerait à l’effet ischémique déjà présent aux
endroits endommagés. Enfin, le fait de manger, de mastiquer et/ou de grincer des dents
amènerait un remodelage osseux plus rapide
au niveau de la mâchoire par rapport à
d’autres os du corps1,2.
Facteurs de risque
L’analyse des différents cas a permis de déceler plusieurs facteurs de risque associés à ce
type d’ostéonécrose : l’inflammation et l’ir-
Comment traiter et prévenir l’ostéonécrose de la mâchoire associée aux biphosphonates ?
Les médicaments les plus souvent associés à l’ostéonécrose sont, par ordre
d’importance, le zolédronate, le pamidronate, l’alendronate et le
risédronate1.
ritation de la muqueuse (p. ex., prothèses
dentaires mal ajustées), certaines maladies
(cancer, diabète, anémie, problèmes de coagulation et maladies vasculaires périphériques), certains médicaments (chimiothérapie, corticostéroïdes), les interventions
dentaires effractives (chirurgie, extraction),
les problèmes dentaires préexistants, le type
de biphosphonates (dose, durée de traitement, voie d’administration), l’alcool et la
cigarette. Selon les différentes références
consultées, dans près de 50 % des cas, l’ostéonécrose survenait à la suite des interventions dentaires effractives, raison pour
laquelle l’Academy of Oral medicine recommande de cesser la prise de biphosphonates
un mois avant une telle intervention. D’un
autre côté, cette pratique reste encore
controversée puisque la portée de cette
intervention n’est pas réellement connue et
que la demi-vie osseuse de cette classe de
médicaments est au-delà de 10 ans3.
Traitements
Présentement, il n’existe pas de lignes directrices dans la documentation médicale sur
les traitements de cette complication. C’est
pourquoi les traitements suggérés (tableau I)
découlent d’études de cas. La thérapie vise à
diminuer la douleur et à prévenir la progression de la nécrose. La durée du traitement antibiotique varie selon les références
consultées. Certains auteurs recommandent
un traitement de 14 jours ou jusqu’à la maîtrise de la douleur3,4. D’autres préconisent
un traitement à long terme, et même permanent dans certains cas réfractaires3. Toutefois, il faut se rappeler qu’un traitement
antibiotique à vie peut entraîner des problèmes de résistance. De plus, Marx et coll.
recommandent de cesser le biphosphonate
pendant six à neuf mois afin de permettre
une meilleure guérison des tissus, puisque,
de cette façon, l’effet antiangiogénique des
biphosphonates est abolie4.
les inciter à consulter leur dentiste tous les
six mois afin de déceler toute anomalie. Les
interventions dentaires effractives devraient
être évitées si le traitement par les biphosphonates a débuté depuis plus de trois
mois1. Idéalement, une évaluation de la
santé buccale du patient devrait être faite au
moins un mois avant de commencer un
traitement afin d’enrayer toute possibilité
d’infection et de procéder à des extractions
dentaires s’il y a lieu6.
Conclusion
La prévention demeure la meilleure option.
C’est ainsi que notre rôle en tant que pharmacien entre en jeu. Nous devons encourager une bonne hygiène dentaire auprès de
nos patients prenant des biphosphonates et
L’ostéonécrose de la mâchoire est surtout
associée aux biphosphonates intraveineux.
Pour l’instant, son incidence demeure faible,
mais sachant que les interventions dentaires
effractives telles que les extractions dentaires
semblent être un facteur précipitant, la vigilance s’impose. De plus, il ne faut pas oublier
de prendre en considération l’ensemble des
facteurs de risque d’un patient. En attendant
des traitements plus prometteurs, il faut
miser sur la prévention et l’information. Le
rôle du pharmacien devient donc primordial
dans cette optique. n
3. Krueger CD, Lodolce AE, Pickard AS et coll. Bisphosphonate-Induced Osteonecrosis of the Jaw.
The Annals of Pharmacotherapy. Fév 2007; 41 :
276-84.
4. Cillo Jr JE, Marx RE, Ulloa JJ. Oral BisphosphonateInduced Osteonecrosis: Risk Factors, Prediction of
Risk Using Serum CTX Testing, Prevention, and
Treatment. Journal of Oral Maxillofacial Surgery
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5. Bartolomeo-Gissi D, Felicetti L, Marchetti C et
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be controlled by nonsurgical management. Oral
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6. Broumand V, Fortin M, Marx RE, Sawatari Y.
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Recognition, Prevention and Treatment. Journal of
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jaw in Patients with Osteoporosis Treated with Oral
Biphosphonates : Prevalence, Risk Factors, and Clinical Characteristics. Clinical Therapeutics 2007; 29
(8) : 1548-58.
Question de formation continue
2) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ?
A. La douleur liée à la nécrose osseuse de la mâchoire est
un symptôme important de cette complication et serait
associée fréquemment à une infection.
B. Les médicaments souvent impliqués dans l’ostéonécrose
sont, par ordre d’importance, le zolédronate, le pamidronate, l’alendronate et l’étidronate.
C. Le mécanisme hypothétique du développement de ce
problème comporte principalement deux volets :
le ralentissement du processus de réparation de l’os et
l’action antiangiogénique des biphosphonates.
D. La ciprofloxacine 500 mg po bid associée au métronidazole
500 mg po tid constitue un des traitements de l’ostéonécrose chez les patients réfractaires à la pénicilline.
E. Toutes ces réponses sont fausses.
Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 90 
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septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
13
De la mère au nourrisson
Les antidépresseurs durant
la grossesse : des risques calculés
L’état des connaissances sur l’impact des antidépresseurs sur le développement fœtal a grandement évolué ces 10 dernières années.
Cette somme croissante d’informations, conjuguée aux difficultés d’interprétation des méthodologies de recherche employées et aux
résultats parfois contradictoires des études, peut constituer un véritable casse-tête pour le pharmacien qui doit pourtant conseiller ses
patientes enceintes et renseigner l’équipe médicale. Cet article vise à faire une synthèse des données publiées à ce jour sur l’innocuité
des antidépresseurs durant la grossesse.
Texte rédigé par Brigitte Martin, B. Pharm.,
M.Sc., Centre IMAGe, CHU Sainte-Justine,
et Martin Saint-André, MD, CM, FRCPC,
psychiatre, CHU Sainte-Justine.
Texte original soumis le 7 janvier 2009.
Texte final remis le 7 février 2009.
Révision : Marie-Julie Cimon, MD, FRCPC,
psychiatre, CHUL, Centre mère-enfant.
Bien que complémentaire à la prescription
d’antidépresseurs durant la grossesse, la place
des thérapies non pharmacologiques ne sera
pas examinée dans ce texte centré sur les données factuelles des agents pharmacologiques.
Le lecteur qui désire compléter son étude du
sujet est référé à des sources d’informations
récentes qui abordent cet aspect1.
Cas clinique
Karine se présente à la pharmacie pour
renouveler son ordonnance de venlafaxine.
Elle reçoit ce traitement depuis deux ans
pour une récidive de dépression majeure.
Ses symptômes sont bien maîtrisés actuellement. Elle vous demande conseil au sujet
d’une grossesse éventuelle : peut-elle poursuivre ce médicament sans risque ? Elle ne
prend aucun autre médicament.
Les troubles anxieux et dépressifs
en période périnatale :
quelques éléments de contexte
La prévalence des troubles dépressifs est d’environ à 7 % à 13 % durant la grossesse, et 2 %
à 6 % des femmes enceintes répondent aux
critères de dépression majeure2. Ces chiffres
se comparent à ceux observés dans la population générale : la grossesse ne semble ni protéger des troubles dépressifs, ni les exacerber.
Pour la future mère, une psychopathologie
non traitée peut signifier une décompensation psychiatrique, une entrave au suivi prénatal et à la préparation à l’arrivée du nouveau-né, des conflits exacerbés avec la famille
et l’entourage, un recours plus fréquent à l’alcool, au tabac et aux médicaments1. Pour l’enfant à naître, les troubles dépressifs et le stress
maternels ont été associés à une augmentation du risque d’avortements spontanés, de
prééclampsie, de prématurité, de petit poids à
la naissance, de complications néonatales, de
scores APGAR diminués et de niveaux de
cortisol élevés2. Une dépression durant la
grossesse augmente le risque de dépression
postnatale et, conséquemment, peut com-
16
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
promettre le développement du lien mèreenfant. À plus long terme, certaines recherches relient également la présence de stress et
de symptômes dépressifs durant la grossesse à
des troubles de développement chez l’enfant
(difficultés tempéramentales, impulsivité,
etc.)2,3. Soulignons que toutes les études n’ont
pas relevé ces risques et que plusieurs facteurs
de confusion peuvent intervenir dans ces
résultats. Les mères qui lisent les résultats de
ces études ont souvent tendance à se sentir
inquiètes et très culpabilisées, ce qui devrait
amener le pharmacien à exercer sa prudence
en transmettant ces informations à des mères
fragilisées. On sait par ailleurs que le cerveau
du bébé présente une grande neuroplasticité
et que, cliniquement, la récupération de certains bébés exposés in utero à des stress importants s’est avérée excellente2,3.
En dépit de ces données, une grande proportion des femmes préfèrent cesser leur
traitement lorsqu’elles apprennent leur
grossesse, et la majorité d’entre elles le font
par crainte des effets nocifs sur le développement de leur enfant4. Il importe donc
pour les pharmaciens de bien connaître les
données d’innocuité des antidépresseurs
pour guider le plus justement possible leurs
patientes et pour conseiller judicieusement
l’équipe médicale sur les options pharmacologiques disponibles.
Tératogenèse structurelle
Les antidépresseurs
Le tableau I recense les observations des
principales études publiées sur les effets
d’une exposition anténatale aux antidépresseurs pour l’embryon, le fœtus et le nouveauné. Il s’agit d’un résumé condensé d’un sujet
complexe : le lecteur intéressé par un aspect
précis de la question est invité à examiner de
façon plus approfondie les études citées dans
le tableau. La bibliographie complète du
tableau peut être consultée sur le site Web
www.monportailpharmacie.ca (archives de
juillet-août de Québec Pharmacie).
De façon générale, les antidépresseurs ne
comportent pas de risques tératogènes majeurs,
Les antidépresseurs durant la grossesse : des risques calculés
bien que la somme et la qualité des données
étayant cette thèse varie d’une molécule à
l’autre. Dans le cas des médicaments plus
récents ou moins souvent utilisés, les données
ne permettent pas d’exclure tous les risques.
La paroxétine
Les récentes mises en garde de Santé Canada
au sujet d’un lien possible entre la paroxétine
et les malformations congénitales, et notamment des anomalies du septum cardiaque,
ont alarmé les cliniciens et leurs patientes.
Les données actuelles
Une récente méta-analyse ne décèle pas de
risques augmentés de malformations cardiaques5. En effet, le taux de malformations cardiaques calculé à partir des six études de
cohorte retenues est de 1,14 % pour les
enfants exposés à la paroxétine au premier trimestre, alors que celui des groupes de comparaison est de 1,09 %. La différence n’est pas
statistiquement significative et ces valeurs
correspondent aux incidences mesurées dans
la population générale. De plus, la combinaison des trois études cas-témoins retenues
permet de calculer un rapport de cote de 1,18
(intervalle de confiance [IC] 95 % 0,88-1,59)
pour les malformations cardiaques.
Depuis la parution de cette méta-analyse,
deux autres publications ont relancé la controverse. Une étude comptant 3000 enfants a
constaté que l’exposition in utero à un inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine
(ISRS) n’augmente pas le risque général de
survenue d’une anomalie majeure6. Cependant, le taux de malformations du septum cardiaque est augmenté de 0,21 % en termes absolus. La paroxétine ne fait pas l’objet d’une
analyse séparée, mais elle constitue plus du tiers
de l’échantillon. Une autre étude a observé un
risque augmenté de malformations majeures,
notamment cardiovasculaires, avec la paroxétine et la fluoxétine par rapport au groupe de
comparaison (malformations majeures : 5,2 %
c. 4,7 % c. 2,5 %, respectivement)7.
Ainsi, les données épidémiologiques actuelles ne permettent pas de résoudre la controverse. Notons cependant quelques éléments
supplémentaires plutôt en défaveur d’un risque tératogène : les données animales ne
démontrent pas de tératogenèse semblable à
celle soupçonnée chez l’humain, l’association est faible dans les études montrant un
risque potentiel, les anomalies en question
(anomalies septales) sont peu spécifiques et
leur incidence de base est très variable.
Des facteurs de risque ?
Une étude cas-témoins a proposé un lien
dose-réponse entre l’exposition à la paroxéwww.monportailpharmacie.ca
tine et la survenue d’anomalies cardiaques :
des doses supérieures à 25 mg par jour pendant l’organogenèse cardiaque pourraient
être associées à un risque potentiel (rapport
de cote 3,07, IC 95 % 1,00-9,42)8. Une autre
étude a également soulevé la possibilité d’un
effet tératogène synergique entre les ISRS et
les benzodiazépines6. Ces effets potentiels
constituent des pistes d’explication pour
comprendre les résultats contradictoires des
multiples études épidémiologiques.
donné l’absence de contrôle pour la condition psychiatrique maternelle, de multiples
facteurs de confusion ou de faibles effectifs.
L’état actuel des connaissances permet de
penser que le taux de prématurité est plus
élevé que dans la population générale, mais
que la réduction de la durée de la grossesse
est de faible amplitude, soit de quelques
jours en moyenne; rappelons également
que la dépression est elle-même un facteur
de risque pour ces complications.
En résumé
Complications néonatales
S’il existe effectivement un risque tératogène associé à la paroxétine, il reste faible :
les femmes exposées au premier trimestre
ont un risque supplémentaire inférieur à
1 % de donner naissance à un enfant présentant une malformation majeure. Ce risque supplémentaire est probablement attribuable à une légère augmentation des
malformations du septum cardiaque. Rappelons que le risque de base d’anomalies
majeures dans la population générale se
situe à environ 2 % à 3 %, et celui des malformations cardiaques, à environ 1 %. Les
données actuelles ne penchent pas vers un
effet de classe, les autres ISRS ne comportant probablement pas ces risques.
Dans la mesure du possible, on évitera la
prescription de la paroxétine chez les femmes en âge de procréer ou planifiant une
grossesse. Cependant, une femme exposée
avant de connaître sa grossesse devra être
rassurée et informée des examens de dépistage anténatals, comme l’échocardiographie
fœtale, qui pourraient lui être proposés.
La plupart des antidépresseurs ont été associés à des complications à la naissance pour
les enfants exposés à la fin de la grossesse
(tableau I). Il s’agit surtout d’observations cliniques isolées pour les antidépresseurs tricycliques et les agents plus récents, mais on
reconnaît maintenant l’existence d’un syndrome néonatal d’exposition pour les ISRS et
les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine
et de la norépinéphrine (IRSN)21. En effet, 20
% à 30 % des enfants exposés dans les dernières semaines de la grossesse manifestent des
signes qui se présentent dans les heures suivant la naissance et perdurent pendant quelques jours, et moins souvent jusqu’à une ou
deux semaines21. Dans la grande majorité des
cas, ces signes sont transitoires, ne retardent
pas le congé de l’enfant à la maison et ne comportent pas de risque vital pour l’enfant13,22.
Plus rarement, soit dans moins d’un pour cent
des cas, les signes peuvent être plus graves :
quelques études ont établi des liens entre l’exposition aux ISRS et des convulsions néonatales ou de l’hypertension pulmonaire21,23,24. Par
contre, une étude plus récente n’a pas décelé
d’association entre la prise d’ISRS en fin de
grossesse et l’hypertension pulmonaire néonatale25. On ne connaît pas encore précisément l’étiologie de ces manifestations, ni les
facteurs de risque (possiblement la dose, la
polythérapie, la prématurité, etc.) qui pourraient prédisposer certains enfants à ces
complications.
Complications obstétricales
Avortements spontanés
Deux méta-analyses ont relevé un risque
accru d’avortements spontanés chez les
femmes traitées par des antidépresseurs9,10.
Cependant, la plupart des études incluses
n’étaient pas conçues pour l’évaluation de
cette issue de grossesse et les taux observés
(environ 12 %), s’ils sont supérieurs aux
taux des groupes témoins, se situent néanmoins dans les limites attendues dans la
population générale.
Prématurité et poids à la naissance
Plusieurs chercheurs ont observé une réduction de la durée de la grossesse, une augmentation du taux de prématurité ou un
risque augmenté de petit poids pour l’âge
gestationnel chez les enfants exposés in
utero aux antidépresseurs11-16. D’autres études n’ont pas montré de tels effets17-20. Les
conclusions de la plupart de ces études doivent être interprétées avec prudence étant
Développement psychomoteur
Les recherches commencent à peine à cerner les conséquences à long terme d’une
exposition anténatale aux antidépresseurs.
Onze des 13 études publiées à ce jour notent
que les enfants d’âge préscolaire exposés
aux ISRS durant la grossesse ont un développement psychomoteur comparable à
celui des enfants des groupes de comparaison26. Une seule étude constate que l’exposition in utero aux ISRS est associée à une
réduction modeste de certains scores de
développement moteur des enfants entre 6
et 40 mois. Une étude englobant d’autres
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
17
De la mère au nourrisson
médicaments comme les antiépileptiques et
les benzodiazépines relève davantage de
scores psychomoteurs anormaux chez les
enfants exposés; ces résultats devront être
reproduits dans des études centrées sur les
antidépresseurs seulement avant de conclure
à un effet de cette classe de médicaments.
L’approche clinique en bref
Choisir un antidépresseur
Dans un contexte de planification de grossesse ou de traitement à débuter durant la
grossesse, la décision sera guidée par les
données d’innocuité du médicament, mais
aussi par la présentation générale de la
condition de la patiente, sa réponse antérieure à un agent ou une classe pharmacologique, ses comorbidités, les effets indésirables attendus et les interactions potentielles
avec d’autres traitements pharmacologiques en cours. Dans la mesure du possible,
on choisira les agents pour lesquels on a
davantage de recul durant la grossesse, soit
les ISRS comme la fluoxétine, la sertraline et
le citalopram (tableau I).
L’innocuité des nouveaux antidépresseurs
est relativement peu connue jusqu’à présent : on envisagera leur prescription dans
les situations cliniques plus compliquées,
dans les cas de non-réponse ou d’intolérance aux agents mieux connus. Le profil
d’effets indésirables moins favorable des
antidépresseurs tricycliques les relègue en
deuxième recours.
Poursuivre ou cesser un traitement une
fois la grossesse confirmée
La décision de poursuivre ou de cesser un
traitement chez une femme qui vient de
confirmer sa grossesse doit tenir compte de
la gravité de la maladie traitée, du risque de
rechute et des données accumulées sur le
médicament. Si on peut envisager l’arrêt du
traitement pour plusieurs d’entre elles, le
risque de rechute durant la grossesse est
élevé et justifie un suivi étroit de l’état de la
patiente. Dans une étude, les deux tiers des
femmes dont la dépression était maîtrisée et
ayant cessé leur médication avant la conception ont subi une rechute au cours de la
grossesse, comparativement à un quart des
femmes ayant poursuivi leur traitement27.
Les femmes de cette cohorte avaient cependant de lourds antécédents psychiatriques :
ces chiffres peuvent être moindres dans le cas
d’une patiente sans comorbidités ou sous
traitement pour un premier épisode de
dépression. Si le traitement est poursuivi, on
favorisera une monothérapie, avec les doses
les moins élevées possibles qui permettront
de conserver une efficacité clinique.
18
Dans le cas des grossesses non planifiées,
ce qui survient dans près de 50 % des cas,
l’exposition embryonnaire au médicament
a déjà eu lieu, et il est souvent difficile de
sevrer le médicament avant la fin de l’organogenèse : même si on peut y voir d’autres
avantages, le fait de cesser le traitement à ce
stade ne réduit pas, ou peu, les risques
potentiels de tératogenèse structurelle.
Finalement, à moins d’une intolérance ou
d’une réponse non satisfaisante, il existe peu
de situations cliniques où un antidépresseur
devrait être changé pour un autre une fois la
grossesse amorcée, car on exposerait alors la
patiente et le fœtus à plusieurs médicaments
plutôt qu’à un seul.
Poursuivre le traitement pharmacologique
à la fin de la grossesse
À l’approche du troisième trimestre, l’équipe
traitante et la patiente doivent discuter des
symptômes néonatals possibles et soupeser ces
risques et les bienfaits de la poursuite du traitement pharmacologique. Si l’on peut être tenté
de diminuer ou d’arrêter un traitement avant
l’accouchement pour prévenir la survenue
d’un éventuel syndrome néonatal d’exposition aux antidépresseurs, rappelons que la plupart des patientes présentent des risques significatifs d’exacerbation ou de rechute de leur
condition anxiodépressive qui justifieront la
poursuite du médicament à l’approche de la
période postnatale. Dans la discussion avec la
patiente, on doit exposer la nature et la gravité
des signes habituellement observés chez les
nouveau-nés : les signes sont transitoires et
peu graves dans la grande majorité des cas et
les manifestations plus graves sont également
beaucoup plus rares. Les données actuelles
laissent penser qu’un suivi de routine est suffisant pour les enfants qui seront exposés.
Le rôle du pharmacien
Lors de l’entrevue avec la patiente, il est
avant tout essentiel de faire le point sur les
histoires médicale et pharmacologique de la
patiente et de s’informer de l’évaluation du
médecin traitant de façon à conserver la
cohérence du message pour la patiente et
d’éviter la multiplicité des points de vue.
La communication des risques peut
constituer un défi : prendre un médicament
antidépresseur durant la grossesse est un
geste chargé de significations pour une
femme qui désire bien sûr le meilleur pour
son enfant à naître. Souligner les avantages
d’un état psychiatrique bien maîtrisé pour
elle-même et sa famille, insister sur les bienfaits d’un traitement pharmacologique s’il a
été jugé nécessaire, expliquer les risques
connus ou l’innocuité des médicaments en
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
prenant le temps de préciser les limites des
données actuelles et les mettre en perspective
avec les risques de ne pas traiter, aider le couple à interpréter les données relayées par les
médias comme Internet, présenter le suivi
possible, voilà des interventions qui permettront au pharmacien d’aider la patiente et le
couple à se conforter dans leur décision.
Enfin, le pharmacien peut profiter des
renouvellements de médicaments pour
offrir son soutien professionnel à la patiente
et au couple, pour détecter les signes d’intolérance au traitement ou de réponse insuffisante au traitement, et pour faire le suivi à
l’équipe médicale traitante (médecin, psychologue, etc.) si nécessaire.
Retour sur le cas de Karine
Vous expliquez à Karine les connaissances
actuelles, limitées mais rassurantes, sur l’innocuité de la venlafaxine en grossesse. Si son
traitement s’avère nécessaire durant la grossesse, la venlafaxine ne comporte pas de risques supérieurs au risque de base d’anomalies dans la population générale : elle a donc
97 % à 98 % des chances que son bébé se
développe normalement, comme dans toutes
les grossesses. Vous profitez de la rencontre
avec Karine pour l’encourager à bien prendre
soin d’elle-même durant sa grossesse et à
bien s’entourer d’un réseau de soutien et de
soins, dont vous ferez partie. Vous lui rappelez
qu’advenant des changements d’humeur
importants durant sa grossesse et durant le
post-partum, ce qui n’est pas rare, elle pourra
trouver du soutien auprès de son médecin et
du CSSS qui offre des programmes de soutien
pour les jeunes parents. Vous adressez Karine
à son médecin pour discuter des autres aspects
de sa question, et notamment des risques
potentiels à cesser son traitement compte
tenu de son histoire de dépression. Enfin, vous
lui recommandez de débuter une multivitamine contenant 0,4 à 1 mg d’acide folique.
Conclusion
Les antidépresseurs sont parmi les médicaments les plus étudiés durant la grossesse et la
somme croissante des données aide heureusement les professionnels de la santé à délimiter de mieux en mieux les risques et les bienfaits du traitement psychopharmacologique.
Le traitement des troubles de l’humeur et liés
à l’anxiété en période périnatale pose également des défis de communication qui demandent aux pharmaciens d’apporter leur soutien à des patientes souvent inquiètes, et qui
mettent en lumière l’importance du travail
interdisciplinaire auprès de cette clientèle. n
Les antidépresseurs durant la grossesse : des risques calculés
Tableau I
Innocuité des antidépresseurs durant la grossesse : revue des principales données
Médicament
ou classe
Tératogenèse structurelle
(exposition au premier trimestre de la grossesse)
Complications néonatales et développement
psychomoteur
Antidépresseurs
tricycliques et
hétérocycliques
Près de 3500 expositions sans preuve d’une augmentation du risque
de malformations majeures par rapport au risque de base4,11,12,17,28-34
Quelques notifications d’effets indésirables néonatals
(rétention urinaire, iléus, convulsions, etc.)28
Augmentation de 1,5 à 2 fois du risque d’anomalies cardiaques avec
la clomipramine dans un seul rapport33
Pas de preuve d’un effet néfaste majeur sur le
développement psychomoteur dans deux petites
études11,31
Environ 4100 expositions au citalopram, 4200 à la sertraline,
et 5700 à la fluoxétine : risque de malformations congénitales
généralement comparable au risque de base
Complications néonatales (agitation, irritabilité,
trémulations, hyper/hypotonie, tachypnée, tirage,
difficultés alimentaires, etc.) transitoires et peu
graves décrites chez environ 20 % à 30 % des
nouveau-nés; complications graves (hypertension
pulmonaire, convulsions) plus rares (< 1 %); lien
dose-réponse parfois suggéré, et risque apparemment plus élevé si polythérapie (notamment avec
benzodiazépines) et si prématurité13-15,19,21-25,47-53
Inhibiteurs
sélectifs
du recaptage
de la sérotonine
(ISRS)
Environ 200 expositions à l’escitalopram et 400 à la fluvoxamine :
données encore insuffisantes pour statuer sur les risques, mais pas de
preuve d’un effet tératogène majeur à ce jour4,6,7,11,14,17-20,30,34-38
5200 expositions à la paroxétine dans diverses études4,6-8,12,18,20,36,37,39-44;
augmentation des malformations majeures, notamment
cardiovasculaires, notée dans quelques études, mais non dans d’autres;
risque supplémentaire d’anomalies cardiovasculaires, s’il existe,
estimé à moins de 1 %; lien dose-réponse suggéré8
Pas de preuve d’un effet néfaste majeur sur
le développement psychomoteur dans quelques
petites études26,31,54
Associations de faible ampleur entre les ISRS et diverses anomalies rares
(craniosténose, omphalocèle, etc.) dans quelques études cas-témoins ou
de cohorte aux résultats parfois opposés6,36,45,46; risques probablement
peu cliniquement significatifs pour une patiente exposée
Inhibiteurs du
recaptage de
la sérotonine et de
la norépinéphrine
(IRSN)
Près de 1400 expositions à la venlafaxine : risque de malformations
congénitales comparable au risque de base4,6,34,55-57
Pas de données publiées à ce jour pour la duloxétine
Quelques notifications d’effets indésirables
transitoires (agitation, trémulations, hypertonie,
difficultés respiratoires et alimentaires, convulsions
etc.)13; incidence imprécise
Pas de données sur le développement à long terme
publiées à ce jour
Bupropion
724 expositions dans le registre prospectif du fabricant : pas de preuves
d’une augmentation du risque de malformations majeures58
Aucune donnée retracée
1300 expositions dans deux études : risque de malformations congénitales comparable au risque de base59,60
Mirtazapine
350 expositions sans effet tératogène majeur décelé jusqu’à
présent34,56,61,62; données encore insuffisantes pour exclure tous
les risques
Une notification d’effets indésirables chez deux
nouveau-nés (hypothermie)63
Aucune donnée sur le développement à long terme
Trazodone
400 expositions sans effet tératogène majeur décelé jusqu’à
présent28,34,64; données encore insuffisantes pour exclure tous les risques
Aucune donnée retracée
Inhibiteurs
de la monoamine
oxidase (IMAO)
21 expositions aux IMAO non réversibles : incidence de malformations
majeures supérieure au taux attendu28
Aucune donnée retracée
Aucune donnée épidémiologique publiée pour la moclobémide
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De la mère au nourrisson
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Les antidépresseurs durant la grossesse : des risques calculés
Questions de formation continue
3) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux?
A. Concernant le syndrome néonatal d’exposition aux inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), les
données actuelles laissent penser qu’un suivi de routine est
suffisant pour les enfants exposés.
B. Chez toutes les femmes traitées durant la grossesse,
l’antidépresseur devrait être sevré au moins deux semaines
avant la date prévue d’accouchement de façon à diminuer le
risque de complications néonatales pour le nouveau-né.
C. Vingt à 30 % des nouveau-nés exposés à un ISRS à la fin de
la grossesse présenteront des signes compatibles avec le
syndrome néonatal d’exposition aux ISRS.
D. Les résultats des études sont divergents en ce qui concerne
le lien entre l’exposition anténatale aux antidépresseurs et la
prématurité; il est possible que la durée de la grossesse soit
faiblement réduite chez les femmes traitées par un
antidépresseur durant la grossesse.
E. Le développement psychomoteur des enfants exposés aux
antidépresseurs durant la grossesse est comparable à celui
des enfants non exposés dans la majorité des études
menées à ce jour.
4) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux?
A. La fluoxétine, la sertraline et le citalopram sont trois
antidépresseurs dont l’innocuité durant la grossesse a été
évaluée dans plusieurs études et qui ne sont pas associés à
une augmentation du risque de malformations congénitales.
B. La prescription de mirtazapine ou de duloxétine devrait être
réservée aux femmes enceintes qui ne répondent pas ou qui
ne tolèrent pas les antidépresseurs dont l’innocuité est
mieux documentée durant la grossesse.
C. La paroxétine a été associée à une augmentation des
malformations congénitales, notamment cardiovasculaires,
dans quelques études épidémiologiques. Le risque supplémentaire, s’il existe, est estimé à moins de 1 %.
D. Les troubles anxieux ou dépressifs durant la grossesse sont
associés à une morbidité importante pour la femme
enceinte, mais ne comportent pas de risques pour le fœtus.
E. Chez les femmes qui cessent leur traitement antidépresseur
avant la conception, le risque de rechute durant la grossesse
est élevé et justifie un suivi étroit de l’état de la patiente.
Veuillez reporter vos réponses dans le formulaire de la page 90 
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septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
21
À votre service sans ordonnance
Les MVL chez les patients hypertendus :
au-delà du Code Médicament B
Au Canada, 27,4 % de la population souffre d’hypertension1. Cette proportion atteint jusqu’à 65 % des 60 ans et plus2. Ces patients
peuvent présenter des pathologies concomitantes pouvant être traitées par automédication (rhume, douleurs, reflux gastro-œsophagien,
brûlures d’estomac, etc.). Certains médicaments et produits naturels peuvent affecter la tension artérielle et il en sera question dans le
présent article3. Par ailleurs, les antihypertenseurs peuvent causer des effets indésirables que le patient pourrait éventuellement traiter
par des médicaments en vente libre. Les conseils du pharmacien pour prévenir ou gérer adéquatement ces effets indésirables sont donc
très importants afin de s’assurer de l’usage optimal des médicaments.
Texte rédigé par Jean-Philippe Lemieux,
étudiant en pharmacie, Université de Montréal.
Texte original soumis le 12 mai 2008.
Texte final remis le 27 février 2009.
Révision : Marc Parent, D.P.H, M.Sc., BCPS.
L’auteur aimerait souligner l’apport de Katherine
Desforges, étudiante en pharmacie.
La tension artérielle est proportionnellement liée au débit cardiaque et à la résistance périphérique totale2. Le débit cardiaque est le volume de sang éjecté par unité de
temps, alors que la résistance périphérique
totale est la somme des forces s’opposant au
passage du sang dans les vaisseaux2. Cette
relation explique les effets sur la pression
artérielle de plusieurs médicaments en vente
libre (MVL) et produits de santé naturels
(PSN). Une altération du volume sanguin
total, de la fréquence cardiaque ou du retour
veineux par certains MVL et PSN modifie le
débit cardiaque2. Quant à la résistance périphérique, elle est régulée par le diamètre de
la lumière des vaisseaux ainsi que par l’état
d’hypertrophie et d’élasticité des tissus
vasculaires2.
Plus de 90 % des cas d’hypertension sont
dits « d’hypertension essentielle ou primaire » lorsqu’aucune cause n’est identifiée2. Il existe toutefois des hypertensions
secondaires à des pathologies ou à des médicaments2. La première ligne de traitement
de ce type d’hypertension est la correction
de la cause sous-jacente2. Ainsi, la détection
et la gestion par le pharmacien des MVL ou
PSN pouvant être à l’origine d’une hypertension secondaire (par exemple, les amines
sympathomimétiques, les AINS, le Ma
Huang…) sont essentielles2.
Code Médicament B
En février 1995, le programme Code Médicament de l’Ordre des pharmaciens du
Québec est devenu obligatoire dans toutes
les pharmacies offrant des MVL4. Le Code
Médicament B indique une contre-indication du médicament visé chez les patients
souffrant d’hypertension, d’hypertrophie
de la prostate, d’hyperthyroïdie ou prenant
des antidépresseurs4. La base de données
des MVL de l’OPQ répertorie 495 produits
étiquetés avec le Code Médicament B, dont
18 sont classés hors annexe5. Ce code inclut
notamment les amines sympathomiméti-
22
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
ques essentiellement utilisées par voie orale
(phényléphrine, pseudoéphédrine et éphédrine [l’éphédrine n’est plus disponible sur
le marché canadien]), mais aussi par voie
topique (phényléphrine en gel pour usage
rectal [p. ex., Préparation H PEMD]) 5. Les
amines sympathomimétiques orales sont
disponibles seules ou en association sous
plusieurs formes pharmaceutiques; les
sirops, les gouttes orales, les comprimés à
libération immédiate ou prolongée, les pellicules à laisser fondre sur la langue (p. ex.,
Triaminic Bandes MincesMD) et les boissons
chaudes en sont quelques exemples5. Les
autres amines sympathomimétiques topiques administrées par voie intranasale (oxymétazoline, phényléphrine, naphazoline et
xylométazoline) ou ophtalmique (oxymétazoline, phényléphrine, naphazoline et
tétrahydrazoline) ne sont pas visées par le
Code Médicament B5,6.
Quand le système sympathique est stimulé, il accroît la tension artérielle en augmentant le débit cardiaque (par la vasoconstriction des veines qui augmente le
retour veineux ainsi que par des effets inotrope et chronotrope positifs) et la résistance périphérique (par la vasoconstriction des artérioles à court terme et
l’hypertrophie des vaisseaux à plus long
terme)2. Une augmentation de la pression
artérielle est possible à des doses thérapeutiques d’amines sympathomimétiques prises oralement (pseudoéphédrine [SudafedMD] 30 à 60 mg toutes les 4 à 6 heures
sans dépasser 240 mg par jour ; phényléphrine [Sudafed PEMD] 10 mg toutes les
4 heures chez les patients hypertendus),
alors que des doses plus élevées sont nécessaires chez les patients normotendus7.
Dans la population générale, les changements de la fréquence cardiaque et de la
tension artérielle seraient non détectables
jusqu’à 180 mg en dose unique de pseudoéphédrine8. Cependant, à des doses de
210 mg à 240 mg, ces effets peuvent être
Les MVL chez les patients hypertendus : au-delà du Code Médicament B
détectés8. Il est préférable d’éviter les décongestifs oraux chez les patients hypertendus,
surtout en cas de maîtrise inadéquate de la
tension artérielle ou d’antécédents d’hypertension labile. En cas d’utilisation d’un
décongestif oral chez un hypertendu, il faut
envisager la plus petite dose efficace et suivre rigoureusement la tension artérielle.
Les produits topiques (usage intranasal,
rectal ou ophtalmique) causent plus fréquemment des effets indésirables locaux6,8.
Ils devraient quand même être utilisés avec
prudence et pour une courte période6,7.
Aucune donnée probante n’a permis de
démontrer l’efficacité des décongestifs
intranasaux lors d’un usage à long terme; de
plus, deux d’entre eux (phényléphrine et
oxymétazoline) ont été associés à des cas
d’hypertension et d’AVC après un usage
d’au moins une semaine9.
Anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS)
Selon les recommandations des fabricants,
l’ibuprofène (MotrinMD, AdvilMD) ne devrait
être utilisé chez les patients hypertendus
que sur recommandation du médecin
compte tenu du risque de rétention sodée6.
L’effet sur le débit cardiaque (via l’augmentation du volume sanguin secondaire à la
rétention sodée) et l’effet vasoconstricteur
sont impliqués dans les changements de
tension artérielle2,10. La hausse moyenne de
pression artérielle serait de 1,1 à 5 mmHg
chez les utilisateurs d’AINS; les coefficients
de variation peuvent toutefois atteindre près
de 60 mmHg10. L’effet est plus important
chez les patients sous traitement antihypertenseur, quelle que soit la maîtrise préalable
de la tension artérielle10. Cette hausse serait
peu ou pas significative avec l’acide acétylsalicylique (AAS)10. En pratique, en cas
d’instauration d’un AINS, le suivi de la tension artérielle dans les semaines suivantes
est recommandé et le traitement sera ou
non poursuivi en fonction de la réaction de
chaque patient11.
MVL avec apport important
en sodium
Une restriction sodique est souhaitable chez
les personnes hypertendues, car le sodium
est associé de façon cliniquement importante
à l’hypertension2. En effet, s’il est ingéré en
quantité excessive, le sodium augmente le
volume sanguin ainsi que le débit cardiaque,
ce qui contribue à l’augmentation de la tension artérielle2. Lorsqu’un régime trop riche
en sodium est identifié comme étant la cause
de l’hypertension, il est primordial d’amorcer le traitement en s’attaquant premièrewww.monportailpharmacie.ca
ment à la teneur en sodium du régime du
patient2. Un régime contenant 2,4 g ou moins
de sodium est associé à une diminution de la
pression artérielle systolique de 2 à 8 mm
Hg2. La plupart des patients hypertendus
bénéficient d’une réduction de leur apport
en sodium, à l’exception de certains qui y
sont insensibles2.
Plusieurs MVL contiennent du sodium.
Quelques exemples sont présentés au tableau
I. Il n’existe pas de limite définie quant à la
quantité maximale de sodium à ingérer via
la médication. Cela dépendra des apports
alimentaires. Cependant, outre le docusate
sodique (ColaceMD), les produits présentés
dans le tableau I fournissent des quantités
de sodium pouvant compter pour 15 % à
417 % de l’apport journalier recommandé
chez les hypertendus. La quantité de sel
contenue dans le docusate sodique pris à la
posologie maximale utilisée en automédication (200 mg par jour) est négligeable; le
docusate calcique devient une option chez
les patients qui prennent de plus hautes
doses (1600 mg)6,12.
Caféine
La caféine n’est pas recommandée dans le
traitement de l’obésité, car la perte de poids
associée à son utilisation est essentiellement
secondaire à son effet diurétique13.
La caféine augmente la pression artérielle
à une dose médiane de 410 mg de caféine
par jour sous forme de comprimés; l’augmentation significative de la tension artérielle systolique (TAS) étant de 4,16 mm Hg
et de 2,41 mm Hg pour la tension artérielle
diastolique (TAD)13,14. L’augmentation est
moins importante pour la TAS et non significative pour la TAD lorsque la même dose
de caféine est consommée sous forme de
café14. Outre le café, le thé, les boissons
gazeuses et énergisantes, et le chocolat, plusieurs MVL contenant de la caféine sont
énumérés au tableau II6,15. Pris à une posologie maximale, ces produits peuvent fournir jusqu’à 1000 mg de caféine par jour, alors
que, pour éviter les autres effets secondaires
de la caféine (nausées, irritabilité, anxiété et
insomnie), on devrait suggérer aux patients
de limiter la consommation quotidienne de
Tableau I
Teneur en sodium de certains MVL6
Produit
Teneur en sodium Posologie
Teneur en
par unité quotidienne
sodium
posologique (mg) maximale en
quotidienne (mg)
automédication à posologie
maximale
Alginates utilisés pour le reflux gastro-œsophagien
Gaviscon comprimé ordinaire
22 par comprimé
16 comprimés
352
Gaviscon comprimé extra-fort
35 par comprimé
12 comprimés
420
Gaviscon liquide
53 par 5 mL
80 mL 848
Maalox HRFNDNDND
Antiacides : citrate de sodium (ENO) ou bicarbonate de sodium
(Alka Seltzer [contient aussi de l’AAS], Bromo Seltzer)
ENO
855 par sachet
5 sachets
4275
de 5 grammes
Alka Seltzer comprimé régulier 523 par comprimé
8 comprimés
4184
Alka Seltzer aromatisé à la cerise 464 par comprimé
8 comprimés
3712
Alka Seltzer aromatisé 467 par comprimé
8 comprimés
3736
au citron-lime
Bromo Seltzer
1000 par sachet
3 sachets
3000
Médicaments pour la constipation
Phosphate de sodium oral (Fleet) 556 par 5 mLConstipation 2224
passagère : 20 mL
Colonoscopie : 5000 à 10 000
45-90 mL
Docusate sodique (Colace)
5,17 par capsule
200 mg soit :
10,34 (capsules)
0,65 par mL de gouttes 2 (capsules)
13 (gouttes)
3,7 par 5 mL de sirop 20 mL (gouttes)
37 (sirop)
50 mL (sirop)
MVL = médicaments en vente libre; ND = non disponible; AAS = acide acétylsalicylique
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
23
À votre service sans ordonnance
La détection et la gestion par le pharmacien des MVL ou PSN pouvant être
à l’origine d’une hypertension secondaire sont essentielles2.
caféine à 400-450 mg15. Plusieurs produits
vendus pour contribuer à la perte de poids
contiennent de la caféine13.
Nicotine
Malgré les effets hémodynamiques de la
nicotine (particulièrement l’augmentation
de la pression artérielle [de 5 à 10 mm Hg
avec les carrés à mâcher, moindre pour les
timbres]), l’emploi de TRN (traitement de
remplacement de la nicotine) est sécuritaire
chez les hypertendus16-18.
Chaque TRN possède un profil de libération de nicotine pouvant affecter différemment la tension artérielle des patients16. Le
pharmacien se doit d’expliquer aux patients
les avantages et les inconvénients; le choix du
patient prévaut toutefois sur les avantages
hémodynamiques17,19.
Puisque la nicotine augmente la libération
de catécholamines, notons qu’on doit parfois diminuer les doses de bêtabloquants à
la suite de la cessation tabagique6. Il est ainsi
nécessaire de suivre régulièrement la tension artérielle au cours de la cessation
tabagique.
Produits de santé naturels (PSN)
Plusieurs PSN ont un effet diurétique (p. ex.,
le raisin des ours [Uva ursi], le boldo, le pis-
senlit et la salsepareille); il faut penser à l’effet
hypotenseur possible de ces PSN et suivre la
tension artérielle lors de leur instauration3.
La caféine étant le principe actif du café, du
thé, du guarana, du kola et du maté, ceux-ci
doivent être utilisés en tenant compte des
effets hémodynamiques possibles lorsqu’on
atteint des doses élevées de caféine3.
Le millepertuis, via l’induction de plusieurs
enzymes du cytochrome P450, peut modifier
la pharmacocinétique de certains antihypertenseurs (p. ex ; l’amlodipine (NorvascMD), la
félodipine (PlendilMD, RenedilMD), le diltiazem
(CardizemMD, TiazacMD) et le vérapamil (ChronoveraMD, IsoptinMD)3,6. La prudence est de
mise à l’instauration ou à l’arrêt de ce PSN3.
Quelques cas d’hypertension ont été associés aux PSN suivants : Dong Quai, Ma
Huang (éphédra), glycyrrhizine (contenue
dans la réglisse) ainsi que des produits
homéopathiques chinois3.
Certains produits amaigrissants contiennent
de la synéphrine (p. ex., Meta Slim Weight
Reduction FormulaMD), une amine glycyrrhizine de l’orange amère (Citrus aurantium)
pouvant avoir des effets similaires aux autres
amines sympathomimétiques,
Les PSN ne font pas exception quant à
leur contenu en sodium; par exemple,
certaines formulations de sulfate de glu-
Tableau II
Exemples de produits contenant de la caféine6
Produits Teneur en caféine (mg)Autres ingrédients
222
15AAS 375 mg; codéine 8 mg*
Anacin
32AAS 325 mg
Anacin extra-fort
32AAS 500 mg
Atasol 8, Triatec 8
15Acétaminophène 325 mg; codéine 8 mg*
Excedrin extra-fortMD
65AAS 500 mg
Instantine, Midol
65AAS 325 mg
Midol ADO
60Acétaminophène 325 mg; pyrilamine 15 mg
Midol Extra-Fort
65Acétaminophène 500 mg; pyrilamine 15 mg
Norgesic
30AAS 385 mg; citrate d’orphénadrine 25 mg
Norgesic Forte
60AAS 770 mg; citrate d’orphénadrine 50 mg
Triatec 8 Fort
15Acétaminophène 500 mg; codéine 8 mg*
Tylenol N° 1
15Acétaminophène 300 mg; codéine 8 mg*
Tylenol Ultra efficace
65Acétaminophène 500 mg
Wake-up** 100 et 200
* La codéine est présente sous forme de phosphate de codéine dans ces produits.
** Le fabricant recommande une dose maximale quotidienne de 1000 mg.
AAS = acide acétylsalicylique.
24
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
cosamine peuvent fournir d’importantes
quantités de sodium. Il est préférable de
privilégier les marques sans sodium.
Plusieurs autres PSN pourraient modifier la maîtrise de la tension artérielle.C’est
pourquoi un suivi de la tension artérielle
est conseillé3.
Consultations en vente libre
liées aux effets indésirables
des antihypertenseurs
Toux
Les IECA peuvent engendrer une toux sèche
et persistante6,7. Le mécanisme suggéré est
l’accumulation de kinines à la suite de l’inhibition de leur dégradation par les IECA6.
Cet effet secondaire peut se produire entre
24 heures et 1 an après l’instauration d’un
IECA6. Une diminution de la dose d’IECA
ou son remplacement par un autre antihypertenseur (p. ex., un ARA) est à privilégier
si le problème est trop incommodant6.
Insomnie
L’insomnie et les cauchemars sont des effets
indésirables possibles du traitement par les
bêtabloquants6,22,23. Les diurétiques peuvent
aussi être une cause d’insomnie en causant
des mictions nocturnes plus fréquentes20,21. Il
serait alors adéquat de conseiller le patient
sur l’hygiène du sommeil et sur l’horaire de
prise des diurétiques pour éviter les réveils
nocturnes20,21. Le pharmacien pourra également proposer un changement de la pharmacothérapie si cela est envisageable. La
tenue d’un journal du sommeil est recommandée, car celui-ci servira pour réévaluer
l’efficacité des interventions et les causes des
troubles du sommeil20. Constipation
Plusieurs antihypertenseurs peuvent
induire de la constipation14. Citons le vérapamil et les autres bloqueurs des canaux
calciques (BCC), les bêtabloquants, les
diurétiques et la clonidine (CatapressMD)6.
Le pharmacien peut encore une fois proposer un changement du traitement antihypertenseur, des mesures non pharmacologiques ou, en dernier recours, un
traitement symptomatique. Il faut faire
attention aux mesures non pharmacologiques proposées à ces patients. En effet, une
trop grande augmentation de l’apport
liquidien n’est pas adéquate chez les
Les MVL chez les patients hypertendus : au-delà du Code Médicament B
patients sous diurétiques. Par ailleurs,
l’emploi de psyllium nécessite aussi un
apport liquidien important et il est recommandé de l’espacer de deux heures avec la
prise d’autres médicaments6.
Références
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in 6 European countries, Canada, and the United
States. JAMA 2003; 289(18) : 2363-9.
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Talbert RL, Wells BG et coll., eds. Pharmacotherapy :
A pathophysiologic approach, 6e éd. New York :
McGraw-Hill Publishing Inc, 2005 : 185-217.
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medicines : A systemic review of the recent literature. Can J Cardiol 2003; 19(7) : 818-27.
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ligne. Page consultée le 5 mai 2008.]. www.opq.
org/fr/services_public/autotraitement.
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Page consultée le 5 mai 2008.]. //prod.opq.org/
mvl/Produits.aspx
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Canada, 2006 : V1-V68, L58-L64 105-6, 248, 445-6,
533-4, 564, 716-7, 776-84, 910, 946, 1019-1020,
1177-8, 1191-3, 1231-4, 1463-5, 1491, 1543-6,
1618-22, 1639-40, 2511, 2559-61, 2567.
7. Roy H. Upper respiratory tract infection Dans :
Patient self-care : helping patients make therapeutic choices, 1re éd. Ottawa : Association des pharmaciens du Canada, 2002 : 130-41.
Conclusion
Plusieurs PSN et MVL peuvent présenter
un effet néfaste sur la tension artérielle des
patients hypertendus. Si l’on est dans le
doute ou si le médicament en question
doit absolument être administré, un suivi
régulier de la tension artérielle du patient
s’avère opportun pour déterminer la gravité de l’interaction considérant que l’hypertension est souvent asymptomatique2.
Le pharmacien doit également évaluer la
possibilité que la consultation du patient
puisse être associée à un effet indésirable
de son traitement antihypertenseur. n
8. May JR, Smith PH. Allergic rhinitis. Dans : DiPiro JT,
Talbert RL, Wells BG et coll., eds. Pharmacotherapy :
A pathophysiologic approach, 6e éd. New York :
McGraw-Hill Publishing Inc, 2005 : 1729-40.
9. Cantu C, Arauz A, Murillo-Barilla LM et coll. Stroke
associated with sympathomimetics contained in
the over-the-counter cough and cold drugs. Stroke.
2003; 34(7) : 1667-72.
10.Frishman WH. Effects of nonsteroidal anti-inflammatory drug therapy on blood pressure and peripheral edema. Am J Cardiol. 2002 Mar 21; 89(6A) :
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11.Tannenbaum H, Bombardier C, Davis P et coll. An
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12.Bowles-Jordan J. Constipation. Dans : Patient selfcare : helping patients make therapeutic choices, 1re
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les patients hospitalisés. Accepté par le CMDP le 5
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19. Choquette J. L’abandon du tabac. Québec Pharmacie. 2002 fév; 49(2) : 113-23.
20. Vaillancourt R. Insomnia. Dans : Patient self-care :
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Ottawa: Association des pharmaciens du Canada,
2002 : 49-57.
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JT, Talbert RL, Wells BG et coll., eds. Pharmacotherapy : A pathophysiologic approach, 6e éd. New
York : McGraw-Hill Publishing Inc, 2005 : 1321-32.
Questions de formation continue
5) Lequel des énoncés suivants est faux ?
Chez les hypertendus :
A. Les décongestifs oraux peuvent causer une augmentation
de la tension artérielle à doses thérapeutiques.
B. L’AAS et l’ibuprofène causent une augmentation similaire
de la tension artérielle.
C. La caféine ne semble pas avoir le même effet sur la
tension artérielle lorsqu’elle est prise sous forme de café
ou de comprimé.
D. Les thérapies de remplacement de la nicotine sont
sécuritaires chez les patients souffrant d’hypertension.
E. Le millepertuis est susceptible de modifier la pharmacocinétique de plusieurs antihypertenseurs.
6) Lequel des produits suivants, aux doses utilisées
en automédication, a le plus faible apport
en sodium ?
A. Alka-Seltzer
B. ENO
C. Gaviscon liquide
D. Colace
E. Fleet Phospho Soda
Veuillez reporter vos réponses
dans le formulaire de la page 90 
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septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
25
D’une page à l’autre
Étude coût-efficacité évaluant l’impact
de conseils téléphoniques sur l’observance après
le début d’une thérapie chronique
Texte rédigé par Alexandre Guichard,
étudiant en 5e année hospitalo-universitaire,
Université de Dijon, France, Mariève Simoncelli,
B. Pharm., candidate à la maîtrise en sciences
pharmaceutiques, et Jean-François Bussières,
B. Pharm., M.Sc., M.B.A., FCSHP, Département de
pharmacie et Unité de recherche en pratique
pharmaceutique, CHU Sainte-Justine.
Texte original soumis le 4 octobre 2008.
Texte final remis le 19 janvier 2009.
Révision : Nicolas Paquette-Lamontagne,
B. Pharm., M.Sc., M.B.A.
Objectif
Mesures
Évaluer si un service de conseils téléphoniques prodigués par un pharmacien représente une intervention coût-efficace chez
des patients recevant une première ordonnance pour une thérapie chronique.
Étude coût-efficacité réalisée à partir des
données provenant d’une étude clinique
contrôlée avec répartition aléatoire ayant
évalué l’effet d’un suivi téléphonique effectué par un pharmacien. L’étude pharmacoéconomique a été approuvée par le
London Multi-Centre Research Ethics
Committee et financée par un programme
gouvernemental de recherche britannique.
L’issue principale de l’étude clinique est
l’inobservance rapportée par le patient et
est définie comme au moins une dose de
médicament non prise dans les sept derniers jours. L’observance et les coûts ont été
évalués à partir d’un entretien téléphonique
réalisé auprès du patient quatre semaines
après le recrutement. L’issue principale de
l’étude économique est le rapport coût-efficacité du suivi téléphonique du pharmacien
utilisé afin d’accroître l’observance. Les
coûts incluent les coûts directs de recours
au système de santé et les coûts de l’intervention pharmaceutique (contact par
l’équipe de recherche, formation du pharmacien, temps requis pour l’intervention).
Lieu
Analyse
L’étude clinique regroupait 500 patients
provenant de 40 pharmacies communautaires situées dans 8 régions de l’Angleterre.
Un arbre décisionnel a été mis au point afin
de calculer un rapport coût-efficacité différentiel (RCED) (le coût pour qu’un patient
additionnel soit observant). Une courbe
d’acceptabilité coût-efficacité permet également de déterminer la probabilité que le
RCED soit inférieur à la capacité de payer
maximale du décideur.
Plan de l’étude
Participants
Les patients recrutés devaient recevoir une
première ordonnance pour le traitement
d’une maladie chronique (accident vasculaire
cérébral, maladie cardiovasculaire, asthme,
diabète ou arthrite rhumatoïde) et être âgés
d’au moins 75 ans. Après le recrutement, le
pharmacien d’officine remettait au patient
une enveloppe scellée lui indiquant le groupe
auquel il devait appartenir (intervention ou
témoin). Les patients qui ne comprenaient ou
ne lisaient pas l’anglais ont été exclus ainsi
que ceux ne disposant pas d’un téléphone.
Interventions
Deux semaines après le recrutement et le
début du traitement, le patient a été contacté
au téléphone par un pharmacien. L’intervention comprenait une entrevue semi-structurée ainsi qu’une liste aide-mémoire des éléments à discuter. Elle repose sur la théorie
du self-regulatory model (SRM) qui reconnaît l’utilité de recourir à des stimuli internes (p. ex., comment vous sentez-vous ?)
et externes (p. ex., conseil d’un professionnel
de la santé) afin d’influencer un comportement. L’intervention vise à conseiller le patient
en tenant compte des problèmes liés à la pharmacothérapie qu’il mentionne.
28
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
Résultats
Au total, 500 patients ont été recrutés et
8 patients ont été exclus pour un total de
255 patients dans le groupe intervention (taux
d’abandon de 12 %) et 237 patients dans le
groupe témoin (taux d’abandon de 19 %).
Pour l’analyse économique, 205 pa­­tients ont
été retenus. L’inobservance à 4 semaines était
significativement moins élevée dans le groupe
intervention (11 %) que dans le groupe
témoin (19 %) (p < 0,05). Les auteurs ont
extrapolé ces résultats à huit semaines postrecrutement. Le pharmacien procédant au
suivi téléphonique a réalisé en médiane un
appel par patient pour une durée médiane de
12 minutes par appel pour l’intervention et
six minutes pour les formalités administratives. Les patients des deux groupes ont eu
recours aux mêmes services de santé, mais
les coûts reliés par patient ont été significativement plus élevés dans le groupe témoin
que dans le groupe intervention (282 £
contre 177 £). Le rapport coût-efficacité différentiel moyen était de -2168 £ pour chaque
Étude coût-efficacité évaluant l’impact de conseils téléphoniques
sur l’observance après le début d’une thérapie chronique
patient observant supplémentaire. Cette
stratégie est donc dominante (plus efficace et
moins coûteuse que le fait de ne pas inter­
venir) et génère des économies. La courbe
d’acceptabilité montre également que la probabilité que cette intervention soit coût-efficace est de 90 % en considérant que le décideur a une capacité de payer nulle.
Conclusion de l’étude
La mise en place d’un service de conseils
téléphoniques par un pharmacien est une
intervention coût-efficace selon la perspective tiers-payeur publique britannique et
peut améliorer l’observance chez des
patients débutant un traitement chronique.
Discussion
On reconnaît que l’inobservance est un
phénomène complexe et multifactoriel.
Selon l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), « l’impact de la non-observance
augmente avec le fardeau des maladies chroniques ». L’inobservance peut atteindre
jusqu’à 30 % des patients dès la deuxième
semaine de traitement et sa fréquence générale est de 30 % à 50 %. Bien qu’il s’agisse
d’une priorité de santé, les auteurs soulignent qu’il existe un nombre limité d’études
ayant montré un impact positif et durable
d’une intervention sur l’observance. Il existe
très peu de données sur le rapport coût-efficacité de telles interventions.
Les auteurs reconnaissent plusieurs limites. La principale est que l’étude clinique
n’a pas été conçue afin de réaliser une étude
économique et que sa puissance statistique
est limitée. Le seuil utilisé pour définir
l’inobservance ne fait référence qu’à une
seule de ses facettes (dose non prise), alors
que le moment de la prise et le respect des
précautions n’ont pas été considérés. La
méthode de mesure de l’observance, qui
est autorapportée, peut introduire un biais
de désirabilité sociale pouvant surestimer
l’observance. La proportion élevée de pertes au suivi dans chacun des groupes et la
durée limitée du suivi constituent d’autres
limites. En effet, une période de huit semaines est insuffisante afin d’évaluer l’impact
réel de l’intervention sur l’observance à
une thérapie chronique et les résultats de
santé. Il aurait été intéressant de cibler
une seule pathologie puisque les ressources de santé consommées sont spécifiques. On peut se demander si les causes
réelles de l’inobservance ont été prises en
compte puisqu’un patient pourrait omettre une dose en raison d’un changement
posologique recommandé par son médecin. La définition de l’observance implique également la notion d’adhésion aux
recommandations.
Cette étude apporte un double éclairage :
une intervention simple et ciblée comme le
conseil téléphonique chez un groupe de
patients donné peut augmenter l’observance et cette intervention peut être coûtefficace. Parce qu’il existe un nombre limité
d’études bien conçues montrant l’impact
favorable d’une intervention peu coûteuse
sur l’observance, cette étude devrait être
répétée à plus large échelle dans un système de soins canadien. n
Référence
Elliott RA, Barber N, Clifford S, Horne R, Hartley E. The cost effectiveness of a telephone-based advisory service to improve adherence to newly prescribed medicines.
Pharm World Sci 2008; 30:17-23.
Autre lecture suggérée
RBC DOMINION VALEURS MOBILIÈRES
Clifford S, Barber N, Elliott R, Hartley E, Horne R. Patient-centred advise is effective in improving adherence to medicines. Pharm World Sci 2006; 28:165-70.
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7) Parmi les énoncés suivants concernant l’impact
d’un suivi téléphonique de pharmaciens auprès
des patients, lequel est vrai ?
A. La fréquence de l’inobservance est de 50 % dès
la deuxième semaine.
B. 205 patients ont été retenus pour l’analyse économique,
et l’inobservance à 4 semaines était significativement
moins élevée dans le groupe intervention (11 %) par
rapport au groupe témoin (19 %) (p < 0,05).
C. La principale limite de l’analyse économique est la
proportion élevée de pertes au suivi dans le groupe
intervention.
D. L’intervention décrite a une probabilité de 85 % d’être
coût-efficace si la capacité de payer est nulle.
E. Le pharmacien procédant au suivi téléphonique a
réalisé un appel par patient pour une durée médiane
de six minutes par appel.
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septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
29
Avez-vous entendu parler de...
Le dabigatran (PradaxMD)
Chez les personnes âgées qui souffrent d’arthrose, l’arthroplastie de la hanche est depuis un bon moment l’une des solutions offertes.
L’arthroplastie du genou, maintenant plus sécuritaire, est également de plus en plus courante. Les statistiques canadiennes les plus
récentes rapportent que les deux tiers des départs après hospitalisation pour une chirurgie de la hanche et les trois quarts pour celle du
genou concernent des personnes de plus de 65 ans, parmi un peu plus de 12 000 arthroplasties de la hanche et 14 000 du genou1.
Texte rédigé par Julie Grenier, B. Pharm., M.Sc.,
pharmacie Laurier Lavoie et associés.
Texte original soumis le 14 décembre 2008.
Texte final remis le 26 janvier 2009.
Révision : Isabelle Taillon, B. Pharm., M.Sc.,
Hôpital Laval, Québec.
Quelques-unes de ces personnes expérimenteront une thrombose veineuse profonde à la suite de ce type de chirurgies, et
ce, malgré une prophylaxie avec les héparines de faible poids moléculaire (HFPM).
Les durées de séjour liées à ces chirurgies
sont plus courtes, et lorsque les patients
obtiennent leur congé de l’hôpital, les
HFPM sont souvent cessées. Cela survient
bien avant les 10 jours de traitement minimal recommandés dans les guides thérapeutiques nord-américains. Les patients
invoquent souvent la complexité de suivre
de tels régimes posologiques à la maison
pour justifier leur abandon. De nouveaux
anticoagulants oraux sont maintenant indiqués pour les patients ayant subi une chirurgie orthopédique. Ces agents, à l’opposé de
la warfarine, ont un index thérapeutique
plus large et ne nécessitent pas de monitorage de laboratoire impliquant fréquemment des changements de doses.
L’héparine non fractionnée (HNF) a été
découverte il y a plus de 60 ans. Pendant plus
de 40 ans, elle a été le seul anticoagulant
accessible aux cliniciens. La première vague
de nouveaux anticoagulants n’était pas active
par voie orale. Au départ, ces limites étaient
attribuées à des difficultés techniques d’absorption. La warfarine, d’abord utilisée en
tant que poison, a été approuvée comme
médicament dans les années 1950. Les héparines de faible poids moléculaire sont sur le
Figure 1
Site d’action du dabigatran (Pradax) et des autres thérapies anticoagulantes dans la cascade de la coagulation7
a
FXIIa
FVIIa
FXIa
Warfarine
Facteur
tissulaire
FIXa
FVIIIa
FXa
Héparines non fractionnées
Héparines de faible
poids moléculaire
32
FVa
Thrombine
fibrine
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
Fondaparinux
Idraparinux
Désirudine
Dabigatran
marché depuis les années 1990. Les progrès
technologiques ont permis la mise au point
de nouveaux anticoagulants oraux. Les principales cibles de ces nouveaux agents sont les
facteurs X et IIa (thrombine) impliqués dans
la cascade de la coagulation. Cette mise au
point est parsemée d’embûches puisque les
coûts sont élevés et les suivis sont sur une
longue période.
La thrombine (facteur IIa) joue un rôle
pivot dans la cascade de coagulation en clivant le fibrinogène, ce qui empêche la formation de caillot de fibrine. Elle active aussi
plusieurs autres facteurs de coagulation
incluant les facteurs V, VIII, XI et XIII, et les
plaquettes3,4.
La warfarine, un antagoniste de la vitamine K, inhibe quatre facteurs de coagulation : II, VII, IX et X. Malgré son efficacité
dans la prévention de la thromboembolie
veineuse (TEV) après des chirurgies orthopédiques et dans la prévention des embolies
chez les patients atteints de fibrillation auriculaire (FA), la warfarine a un index thérapeutique étroit, engendre un risque signi­
ficatif d’hémorragie, présente plusieurs
interactions avec les médicaments et les aliments et, enfin, implique fréquemment des
prises de sang. Ces limitations de la warfarine ont aussi suscité un intérêt pour la
recherche de nouveaux anticoagulants oraux
pouvant potentiellement la remplacer.
Parmi les nouveaux anticoagulants oraux
ciblant la thrombine, on trouve le ximélagatran, le dabigatran et l’odiparcil. Ces deux
derniers agents sont en phase d’évaluation,
dans l’attente d’une approbation pour des
indications en cardiologie. Les substances
ciblant le facteur Xa sont le rivaroxaban et
l’apixaban, tous deux sous évaluation pour
des indications en cardiologie. Le ximélagatran a été le premier inhibiteur de la thrombine à être actif oralement. Il s’agit d’un
promédicament qui a fait l’objet d’une
étude en matière de prévention des ischémies et des embolies systémiques chez les
sujets atteints de fibrillation auriculaire ou
d’infarctus du myocarde. Il n’a pas reçu son
approbation en Amérique du Nord en raison de sa toxicité hépatique. En Europe, il
est réservé à la prévention thrombo-embolique suivant une chirurgie orthopédique2.
Le dabigatran (PradaxMD)
Quant à l’odiparcil, il stimule la libération
de chondroïtine, ce qui confère une activité
antithrombotique par une activation d’un
cofacteur de l’héparine.
Le dabigatran (Pradax) est un nouvel anticoagulant oral permettant de prévenir les
thromboembolies veineuses à la suite des
arthroplasties électives de la hanche et du
genou. Il est approuvé depuis juin 2008 au
Canada et est commercialisé par Boehringer Ingelheim (Canada) ltée5.
Pharmacologie et mécanisme
d’action
Le dabigatran etexilate est le promédicament
du dabigatran, mais il n’a aucune activité
anticoagulante en soi. À la suite de son
absorption par voie orale, le dabigatran
etexilate est converti en dabigatran par une
hydrolyse catalysée via des estérases plasmatiques et hépatiques. Le dabigatran est un
inhibiteur direct de la thrombine, il est réversible et compétitif. La conversion du fibrinogène en fibrine au cours de la cascade de la
coagulation est médiée par la thrombine.
Par conséquent, l’inhibition de la thrombine
prévient la formation de thrombus. Le dabigatran inhibe à la fois la thrombine libre, la
thrombine liée à la fibrine et l’agrégation
plaquettaire provoquée par la thrombine6. Il
se lie à la thrombine et bloque l’interaction
de cette dernière avec ses substrats2,3. La
figure 1 tirée du Drug Information Center
(DIC) en ligne montre les différents sites
d’action des thérapies anticoagulantes.
Pharmacocinétique
La pharmacocinétique du dabigatran a été
étudiée tant chez des volontaires sains que
chez des sujets ayant subi une arthroplastie
élective de la hanche ou du genou (administration d’une dose unique ou de doses mul-
tiples). Les résultats obtenus ont montré que
la pharmacocinétique du dabigatran est légèrement différente chez les volontaires sains,
par comparaison avec les sujets opérés6. Dans
tous les cas, sa pharmacocinétique est
linéaire3. Le dabigatran etexilate est absorbé à
raison de 3,5 % à 5 %, sans égard à la nourriture. Lors de son administration à des volontaires sains, la concentration plasmatique
augmente rapidement, jusqu’à atteindre une
concentration maximale, puis diminue en
présentant une demi-vie évaluée à 11 heures.
Une corrélation a été établie entre la concentration de dabigatran et le degré de l’effet
anticoagulant. Le temps de demi-vie semble
légèrement plus long chez les sujets opérés,
passant d’une moyenne de 11 heures chez les
sujets sains à une moyenne de 14 à 17 heures
chez les sujets opérés. Cependant, dans les
deux cas, l’administration uniquotidienne
est possible en raison d’un temps de demievie assez long. Le dabigatran est faiblement
lié aux protéines plasmatiques humaines
(34 %-35 %), et ce, d’une manière indépendante de la concentration. Le volume de distribution avoisine les 60 à 70 litres. La prin­
cipale voie de métabolisme du dabigatran
etexilate est l’hydrolyse caractérisée par les
estérases. Le dabigatran est faiblement
conjugué (10 %). Son élimination est principalement rénale à 85 % et fécale à 6 %.
Les CYP 450 ne participent pas au métabolisme du dabigatran. L’aire sous la courbe
du dabigatran est semblable chez les volontaires sains et les sujets opérés. Chez les personnes âgées, on note une augmentation de
l’aire sous la courbe de 40 % à 60 %, ainsi
qu’une concentration maximale 25 % plus
élevée. Chez les insuffisants rénaux modérés (30-50 mL/min), l’exposition au dabigatran est 2,7 fois plus élevée et, chez les insuffisants rénaux graves (10-30 mL/min), elle
est six fois plus élevée. Pour l’insuffisance
rénale modérée, la dose de dabigatran doit
être ajustée à la baisse et, dans le cas de l’insuffisance rénale grave, le produit est contreindiqué. Ni le sexe, ni le poids, ni l’origine
ethnique asiatique ne semblent modifier les
paramètres pharmacocinétiques de façon à
changer l’approche clinique6. À titre comparatif, la warfarine, un autre anticoagulant
administré par voie orale, offre une biodisponibilité complète, présente une demi-vie
beaucoup plus longue (20 à 60 heures) et est
fortement liée aux protéines. Les principales
caractéristiques pharmacocinétiques sont
présentées au tableau I.
Indications et études cliniques
Le dabigatran est approuvé au Canada pour
la prévention de la TEV chez les sujets ayant
subi une arthroplastie élective totale de la
hanche ou du genou5,6. La Commission
européenne a approuvé la commercialisation du dabigatran (Pradaxa) dans 27 états
membres de l’Union européenne8. Les indications sont les mêmes qu’au Canada. Le
produit est en attente d’approbation d’ici
2010 par la FDA américaine. Le tableau II
présente les principales études cliniques qui
portent sur le dabigatran.
Études comparatives avec
l’énoxaparine
Dans la littérature médicale, trois études
majeures portant sur l’utilisation du dabigatran ont été publiées. Les deux premières,
soit RE-NOVATE9 et RE-MODEL10, ont
comparé le dabigatran 220 mg ou 150 mg
par jour à l’énoxaparine 40 mg par jour, soit
le traitement recommandé en prévention
de la TEV à la suite d’une arthroplastie
totale élective de la hanche ou du genou,
dans les lignes directrices européennes. En
Tableau I
Principaux paramètres pharmacocinétiques du dabigatran et de la warfarine3,6
Biodisponibilité Cmax (1)
T ½ (h)ASC Clairance, Vd Liaison aux Délai
élimination
protéines d’action
Dabigatran 0,8
11 h
6-10 ng*h/Urine
60 à 70 L
34-35 %
2h
(volontaires
à 1,4 mL/mg
(85 %)
sains)
ng/mL/mg
Fèces (6 %)
Dabigatran 3,5-5 %
1,22 ng/
14-17 h 9,7 ng*h/
Absence de
0,86- faible
7,0-9,0 h (sujets
mL/mg mL/mg
données
1,0 L/kg
opérés)Tmax
post-chirurgie
Warfarine 100 %
20-60 hUrine 0,14 L/kg
Forte Lent
(92 %)
(99 %)
Abréviations : Cmax (concentration maximale), T½ (temps de demi-vie), ASC (aire sous la courbe), Vd (volume de distribution), Tmax (temps pour atteindre le Cmax)
www.monportailpharmacie.ca
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
33
Avez-vous entendu parler de...
ce qui concerne la population, RE-NOVATE
n’a inclus que les sujets subissant une chirurgie de la hanche et RE-MODEL n’a inclus
que les sujets subissant une chirurgie du
genou. La durée de traitement était de 28 à
35 jours à la suite d’une chirurgie de la hanche et de 6 à 10 jours à la suite d’une chirurgie du genou. Les sujets des deux études
étaient âgés de plus de 18 ans (moyenne de
64 et 69 ans) et avaient un poids supérieur à
40 kg. Hommes et femmes se répartissaient
à part égale, ils étaient de race blanche ou
asiatique et avaient une fonction rénale normale (≥ 50 mL/min). Les deux études ont
conclu à la non-infériorité du dabigatran
(toutes doses confondues) par rapport à
l’énoxaparine 40 mg par jour quant à la survenue de TEV veinographiques ou symptomatiques associée à la mortalité. De plus, les
deux études n’ont montré aucune différence significative en ce qui a trait aux sai-
gnements majeurs, aux événements coronariens et à l’augmentation des enzymes
hépatiques entre les groupes témoins et les
traitements. Le dabigatran à 150 mg par
jour pourrait, selon ces données, être une
solution de rechange à l’énoxaparine puisque ce traitement cause des effets indésirables légèrement inférieurs tout en favorisant
la prévention de la TEV lors d’une arthroplastie élective. Par ailleurs, les effets indésirables sont plus importants lors de l’administration de la dose de 220 mg par jour.
L’étude RE-MOBILIZE11, quant à elle, a
comparé le dabigatran 220 mg ou 110 mg par
jour à l’énoxaparine 30 mg deux fois par jour,
qui est actuellement la dose recommandée en
prévention de la TEV, selon les guides thérapeutiques d’Amérique du Nord, lors d’une
arthroplastie totale élective du genou. La
population s’apparentait à celle des deux
autres études. Les sujets étaient âgés de plus
de 18 ans, l’âge moyen était de 66 ans, et les
autres caractéristiques étaient les mêmes.
L’étude a montré l’infériorité des deux régimes posologiques de dabigatran par rapport
à l’énoxaparine 30 mg deux fois par jour pour
la survenue de TEV symptomatiques. Tout
comme dans les deux premières études, le
taux de saignements majeurs, la survenue
d’événements coronariens et l’augmentation
des enzymes hépatiques ont été semblables
pour le groupe témoin et les groupes de
traitement. Par opposition aux résultats des
études européennes, le dabigatran ne peut
représenter une solution de rechange aux
prophylaxies de la TEV actuellement recommandées en Amérique du Nord. Des essais
avec des doses ou des régimes posologiques
différents pourraient mener à démontrer la
non-infériorité du dabigatran, mais ce dernier ne peut faire l’objet de recommandations
acceptables actuellement.
Tableau II
Principales études portant sur le dabigatran9,10,11
Auteurs et devisPopulation
Groupes deRésultats
Commentaire
de l’étude
à l’étude
traitement
RE-NOVATEN : 3494
Groupe témoinNon-infériorité
Aucune différence
Ericksson BI et coll.
≥ 18 ans (≈ 64)
Énoxaparine
par rapport significative pour les
Étude à répartition
Arthroplastie totale
40 mg die
à l’énoxaparine :
saignements majeurs, aléatoire, double insu
élective de la hanche
% TEV et mortalité
les événements versus énoxaparine
Groupes
combinée de 6,7
coronariens et
traitements
avec énoxaparine,
l’augmentation des
Dabigatran
6,0 et 8,6 avec
enzymes hépatiques
220 mg
dabigatran
Durée : 28 à 35 jours
Dabigatran
220 mg et 150 mg
150 mg die
respectivement
RE-MODEL
N : 2076
Groupe témoinNon-infériorité
Aucune différence
Ericksson BI et coll.
≥ 18 ans (≈ 69)
Énoxaparine
par rapport significative pour les
Étude à répartition
Arthroplastie totale
40 mg die
à l’énoxaparine :
saignements majeurs, aléatoire, double insu
élective du genou
% TEV et mortalité
les événements versus énoxaparine
Groupes
combinée de 37,7
coronariens et
traitements
avec énoxaparine,
l’augmentation des
Dabigatran
36,4 et 40,6 avec
enzymes hépatiques
220 mg
dabigatran
Durée : 6 à 10 jours
Dabigatran
220 mg et 150 mg
150 mg die
respectivement
RE-MOBILIZE
N : 1896
Groupe témoinLes deux doses sontPas de différence
Ginsberg JS et coll.
≥ 18 ans (≈ 66)
Énoxaparine
inférieures
pour les saignements
Étude à répartition
Arthroplastie totale
30 mg bid
à l’énoxaparine :
majeurs et aléatoire, double insu
élective du genou
p= 0,2 pour 220 mg
l’augmentation versus énoxaparine
Groupes
et p < 0,001 pour 110 mg
des enzymes hépatiques
traitements
Dabigatran
220 mg
Durée : 12 à 15 jours
Dabigatran
110 mg die
Légende : N : nombre de sujets
34
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
Le dabigatran (PradaxMD)
Le dabigatran est approuvé au Canada pour la prévention de la TEV
chez les sujets ayant subi une arthroplastie élective totale de la hanche
ou du genou.
Étude comparative avec
la warfarine
Le dabigatran a été comparé avec la warfarine dans une étude de phase II. La population à l’étude comptait 542 sujets atteints de
fibrillation auriculaire et durait 12 semaines.
Les 472 sujets du groupe témoin ont reçu de
la warfarine (RNI 2 à 3) et les 70 sujets du
groupe de traitement ont été placés sous
dabigatran à dose variable, une fois par jour.
L’étude a montré une hausse des enzymes
hépatiques trois fois supérieure à la normale
chez 0,7 % des sujets du groupe de traitement, et ce, toutes doses confondues, et chez
aucun sujet du groupe témoin2.
L’étude PETRO a été la première étude
randomisée à évaluer le dabigatran chez
502 personnes atteintes de FA. Le groupe
expérimental recevait le dabigatran 50 mg,
150 mg ou 300 mg deux fois par jour avec
ou sans aspirine 81 mg ou 325 mg, alors que
le groupe témoin recevait la warfarine
(RNI 2 à 3) pendant 3 à 12 semaines. Des
hémorragies majeures sont survenues uniquement dans le groupe dabigatran 300 mg
en association avec l’aspirine. Les événements thromboemboliques sont survenus
dans le groupe dabigatran 50 mg seulement.
Aucune toxicité hépatique sérieuse n’a été
observée dans les groupes14.
L’étude RELY12, un essai clinique randomisé à double insu, est en cours. Un total de
15 000 sujets a été recruté dans 44 pays. La
durée prévue de l’étude est de deux ans.
Pour être inclus, les sujets doivent être
atteints de FA non valvulaire et avoir un
autre facteur de risque de thromboembolie
artérielle. Le groupe témoin reçoit la warfarine (RNI 2 à 3) et le groupe de traitement,
le dabigatran en dose de 150 mg ou 220 mg
à l’aveugle. L’issue primaire est de démontrer la non-infériorité du dabigatran par
rapport à la warfarine avec l’indice combiné
de thromboembolies et d’ischémies.
Enfin, aucune étude comparant la daltéparine (FragminMD) au dabigatran, que ce
soit en contexte d’arthroplastie ou de toutes
autres indications, n’a été publiée à ce jour.
Les recommandations
nord-américaines
Voici un bref rappel des dernières lignes
directrices publiées en ce qui a trait à la préwww.monportailpharmacie.ca
vention de la thromboembolie veineuse lors
d’une arthroplastie de la hanche ou du
genou. L’un des trois régimes suivants est
approprié : une HFPM, le fondaparinux ou
la warfarine (RNI 2 à 3) pour une durée
minimale de 10 jours15 lors d’une intervention au genou. Cette durée peut augmenter
pour atteindre quatre ou cinq semaines
lorsqu’il s’agit d’une arthroplastie de la hanche16. Le CHEST recommande, pour une
chirurgie élective de la hanche, l’une des
prophylaxies de routine suivantes : une
HFPM 12 heures avant la chirurgie ou 12 à
14 heures après la chirurgie, le fondaparinux
2,5 mg débuté 6 à 24 heures après la chirurgie ou la warfarine avec un RNI entre 2-3
instauré avant la chirurgie ou le soir de la
chirurgie. Pour une chirurgie élective du
genou, les recommandations sont les mêmes.
Les doses d’HFPM recommandées sont de
30 mg d’énoxaparine deux fois par jour pendant 7 à 14 jours ou de la daltéparine 5 000 U
une fois par jour pendant 5 à 7 jours17.
Effets indésirables
Le dabigatran a généralement été bien toléré
dans les études cliniques. Le plus souvent, la
fréquence des effets indésirables a été semblable à celle de l’énoxaparine dans les groupes
témoins. Parmi les effets indésirables rapportés à  1 %, aucune différence significative n’a
pu être démontrée. La fréquence des saignements majeurs définie soit par une diminution de l’hémoglobine plus grande ou égale à
20 g/L ou par le besoin d’au moins deux transfusions, ou par des saignements rétro-péritonéaux, intracrâniens, intraoculaires ou intrarachidiens mortels a été semblable chez les
Tableau III
Effets indésirables liés au traitement par le dabigatran lors
des études cliniques, par rapport à l’énoxaparine1
Effets indésirables
Dabigatran
DabigatranÉnoxaparine
150 mg die
220 mg die
40 mg die
ou 30 mg
(n = 2737)
(n = 2682)
(n = 2716)
Saignement majeur*
0,6–1,3 %
0,6–1,8 %
1,4–1,5 %
Tout saignement
8,3-13,8 %
8,6-13,8 %
9,7-13,4 %
Système sanguin
et lymphatique
Anémie
4 %
4,4 %
4,5 %
Hémorragie gastro-intestinale
1,2 %
0,6 %
0,6 %
Hématurie
1,2 %
1,2 %
0,8 %
Hématome
1,4 %
1,4 %
1,8 %
Hémorragie au niveau 1,3 %
1,0 %
1,0 %
d’une plaie
Investigations
Baisse de l’Hb
1,6 %
1,3 %
2,4 %
Blessures, empoisonnement
et complications chirurgicales
Sécrétion au niveau d’une plaie
Hématome postopératoire
4,7 %
4,8 %
3,0 %
Hémorragie postopératoire
2,4 %
1,7 %
2,5 %
Anémie postopératoire
1,5 %
2,4 %
1,7 %
Hématome traumatique
1,4 %
1,5 %
1,6 %
Écoulement postopératoire
1,1 %
1,3 %
1,0 %
*Diminution Hb > ou = 20g/L, nécessité de > ou = 2 transfusions, saignement rétro-péritonéal, intracrânien, intraoculaire ou intrarachidien mortel
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
35
Avez-vous entendu parler de...
sujets ayant reçu le dabigatran ou l’énoxaparine. Au niveau du système sanguin et lymphatique, le dabigatran a causé légèrement
plus d’hématurie que l’énoxaparine. En ce qui
concerne les investigations, la baisse de l’hémoglobine causée par l’énoxaparine a été plus
fréquente que celle induite par le dabigatran.
À l’inverse, le nombre de sujets qui ont rapporté des sécrétions au niveau de la plaie a été
plus important dans les groupes de traitement. L’augmentation des enzymes hépatiques a été plus fréquente dans les groupes
témoins. Les autres effets indésirables, rares
toutefois, qui ont été rapportés sont les suivants : thrombocytopénie, hémorragie rectale, élévation des transaminases, hémarthrose, épistaxis, ecchymose1. L’incidence des
principaux effets indésirables, comparativement à celle de l’énoxaparine, est présentée au
tableau III. La littérature médicale ne rapporte malheureusement pas de données comparatives entre les effets indésirables de la warfarine et ceux du dabigatran en contexte de
chirurgie de la hanche ou du genou.
Mises en garde
et contre-indications
On ne doit pas utiliser le dabigatran chez les
sujets insuffisants rénaux graves (< 30 mL/
min). On devrait aussi éviter de l’administrer lors de manifestations hémorragiques,
de diathèse hémorragique ou chez les sujets
présentant une altération spontanée ou
pharmacologique de l’hémostase. Les lésions
étant associées à un risque de saignement
significatif sur le plan clinique, tels qu’un
infarctus cérébral (hémorragique ou ischémique), au cours des six derniers mois, le
traitement concomitant par un inhibiteur
de la P-glycoprotéine et l’hypersensibilité
sont également des contre-indications5,6.
Le fabricant a aussi émis des mises en
garde quant à l’utilisation du dabigatran
chez les personnes qui doivent subir une
anesthésie avec cathéters périduraux à
demeure post-opératoire en raison du ris-
que d’hématomes rachidiens ou périduraux
pouvant entraîner une paralysie prolongée
ou permanente. Il en est de même pour
ceux qui reçoivent un traitement d’HNF,
d’HFPM, de fondaparinux, de bivalirudine,
de thrombolytiques, d’antagonistes GPIIb/
IIIa, de clopidogrel, de ticlopidine, de sulfinpyrazone ou d’antagonistes de la vitamine K. Étant donné que l’administration
d’une faible dose d’aspirine < 160 mg par
jour n’a pas fait l’objet d’études importantes, elle n’est pas recommandée. À la suite de
l’administration du dabigatran, il est recommandé d’attendre 24 heures avant de commencer à administrer un anticoagulant
parentéral. Pour ce qui est de l’inverse, il
n’existe actuellement pas de données dans
la littérature médicale6.
En ce qui concerne l’administration de ce
médicament aux populations spéciales,
l’innocuité et l’efficacité n’ont pas été établies chez les jeunes de moins de 18 ans, les
femmes enceintes ou celles qui allaitent.
Par conséquent, l’utilisation n’est pas
recommandée pour ces populations6. En
gériatrie, chez les plus de 75 ans, il faut
faire preuve de prudence; une dose de
150 mg par jour devrait être prise en considération en raison du déclin de la fonction
rénale. Lors d’une insuffisance hépatique,
le dabigatran n’est pas recommandé si les
enzymes hépatiques sont supérieures à
deux fois la limite supérieure de la normale
en raison de l’absence d’études. La même
recommandation s’applique si le poids est
inférieur à 50 kg. Bien qu’aucune donnée
spécifique ne soit disponible pour les
patients obèses, les études ont inclus des
patients pesant jusqu’à 120 kg, et le poids
corporel n’a eu qu’un effet mineur sur la
clairance plasmatique du dabigatran.
Interactions médicamenteuses
Ni le dabigatran etexilate ni sa fraction
active ne sont métabolisés par le CYP 450 et
n’exercent un effet sur les isoenzymes du
Tableau IV
Conseils aux utilisateurs de dabigatran14
Le dabigatran (Pradax) empêche la formation de caillots sanguins en bloquant l’activité d’une
protéine nommée « thrombine ».
■Les capsules peuvent être prises avec ou sans nourriture, mais elles ne peuvent être mâchées.
Si vous oubliez une dose, consultez votre pharmacien ou votre médecin.
■Le dabigatran peut causer des effets indésirables graves. Arrêtez-le si vous saignez au niveau
de la plaie, d’une blessure ou du rectum. Parlez au pharmacien ou au médecin si la plaie
coule, si vous avez des bleus ou un saignement à la suite d’une blessure, d’une épistaxis
(saignement de nez), du sang dans les selles ou dans l’urine.
■ Gardez les capsules entre 15 et 30°C. Une fois le flacon ouvert, les capsules doivent être
utilisées dans les 30 jours.
■
36
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
CYP 450. Le dabigatran etexilate est un
substrat avec une affinité modérée pour le
transporteur de la P-glycoprotéine (P-gp).
Par conséquent, les inducteurs ou les inhibiteurs de la P-gp puissants pourraient avoir
un impact sur l’exposition au dabigatran.
Parmi les inducteurs de la P-gp, on trouve le
vérapamil et la clarithromycine qui ne sont
pas recommandés en association avec le
dabigatran. La quinidine est, quant à elle,
contre-indiquée. Les inhibiteurs de la P-gp,
tels que la rifampicine et le millepertuis,
doivent également faire l’objet de prudence.
L’amiodarone augmente l’aire sous la
courbe et la concentration maximale de
dabigatran, la dose suggérée est donc de
150 mg. Les antiacides semblent réduire
l’exposition au dabigatran, en conséquence,
il faut éviter l’administration concomitante
dans les 24 heures postchirurgie6.
Posologie et coûts de traitement
Les doses recommandées au Canada pour la
prévention de la TEV à la suite d’une arthroplastie du genou élective est de 220 mg par
jour à débuter quatre heures postchirurgie.
Au jour 0, il est suggéré d’administrer une
capsule de 110 mg, puis d’augmenter à deux
capsules une fois par jour par la suite, pour
un maximum de dix jours. Pour la prévention de la TEV à la suite d’une arthroplastie
de la hanche élective, la posologie est de
220 mg par jour à commencer dans les quatre heures postchirurgie, selon le même
régime posologique que pour la chirurgie du
genou, mais pour une durée maximale de
28 à 35 jours. En présence d’insuffisance
rénale modérée (30-50 mL/min), la dose
devrait être de 150 mg par jour6. Le dabigatran peut être administré indépendamment
de la nourriture. De plus, il n’existe aucune
donnée concernant le passage d’un anticoagulant parentéral au dabigatran, mais il semble approprié d’attendre le moment où le
traitement parentéral aurait eu lieu pour
commencer à administrer le dabigatran.
Actuellement, la Régie de l’assurance-maladie du Québec ne rembourse pas le dabigatran et le coût pour un traitement de 30 jours
à la dose recommandée de 220 mg, soit
60 capsules de 110 mg, est d’environ 250 $. À
titre indicatif, la warfarine coûte plus ou
moins 5 $ par mois, mais elle engendre des
coûts par rapport au suivi des RNI, et
l’énoxaparine coûte 190 $ par mois si l’on
calcule le coût pour un traitement de 30 mg
2 fois par jour, pendant 14 jours. Les deux
traitements sont remboursés par les assurances publiques13. Les conseils pertinents à
donner aux personnes traitées par le dabigatran sont présentés dans le tableau IV.
Le dabigatran (PradaxMD)
Conclusion
Le dabigatran est un nouvel anticoagulant
oral sur le marché canadien. Il inhibe la
liaison de la thrombine avec ses substrats
et prévient la transformation du fibrinogène en fibrine, ce qui prévient la formation de thrombus. Sa place dans la thérapie
actuelle reste à déterminer puisqu’il a été
démontré que ce médicament, pris une
fois par jour, est inférieur à l’énoxaparine
administrée de façon sous-cutanée deux
fois par jour, selon les lignes thérapeutiques reconnues en Amérique du Nord,
dans le contexte de prévention de la TEV.
Les deux thérapies présentent cependant
des effets indésirables similaires. Ce médicament serait une solution de rechange à
l’énoxaparine pour la prévention de la
TEV, à la suite d’une chirurgie élective de
remplacement de la hanche ou du genou.
Des études supplémentaires sont en
cours afin de valider si le médicament
pourrait être une solution de rechange
intéressante à la warfarine chez les sujets
atteints de fibrillation auriculaire afin de
prévenir les accidents ischémiques et les
thromboses artérielles. Également à surveiller, le rivaroxaban (Xeralto), un nouvel
agent commercialisé par Bayer et visant à
prévenir la TEV chez les adultes qui subis-
sent une chirurgie élective de la hanche ou
du genou. Il s’agit du premier inhibiteur
direct du facteur Xa. La dose recommandée est de 10 mg par jour, 6 à 12 heures
après la chirurgie pendant deux semaines
dans le cas du genou et cinq semaines, dans
le cas de la hanche. La série d’études Record
semble démontrer une efficacité supérieure à l’énoxaparine 40 mg une fois par
jour (Record 1-2-3) ou 30 mg deux fois par
jour (Record-4) et un avantage en matière
d’effets indésirables, soit une diminution
des saignements. Le produit est approuvé
au Canada et en Allemagne à l’heure
actuelle18. ■
8.Boehringer Ingelheim (Canada) Ltée. L’anticoagulant oral innovateur dabigatran etexilate Pradaxa
(nom de marque européen) homologué par la Commission européenne. Communiqués de presse.
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after total knee replacement : The Re-Model randomized trial. Journal of Thrombosis and Haemostasis 2007; 5: 2178-85.
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future advances. Circulation 2007; 116: 552-60.
3.Ma Q. Development of oral anticoagulants (Commentary). British Journal of Clinical Pharmacology
2007; 64(3): 263-5.
4. Liesenfeld KH, Schafer HG, Troconiz IF et coll.
Effects of the direct thrombin inhibitor dabigatran
on ex-vivo coagulation time in orthopaedic surgery patients : A population model analysis. British Journal of Clinical Pharmacology 2006; 62(5) :
527-37.
5. Santé Canada. Avis de décision portant sur Pradax, 14 juillet 2008.
6.Boehringer Ingelheim (Canada) Ltée. Monographie du dabigatran (PradaxMD). Burlington, Ontario, Canada; juin 2008.
7. Drug Information Center (DIC). Dabigatran etexilate. Drug Information Center, 2008 [En ligne.
Page consultée le 6 décembre 2008.] drugs-in.
blogspot.com/2008/07/dabigatran-etetexilate.
html
Questions de formation continue
8) Parmi les énoncés suivants, lequel est vrai ?
A. Le dabigatran 220 mg par jour n’est pas inférieur
à l’énoxaparine 30 mg deux fois par jour pour
la prévention de la TEV à la suite d’une arthroplastie
totale élective du genou.
B. La durée de traitement par le dabigatran se situe entre
28 et 35 jours dans le cas d’arthroplastie totale élective
du genou.
C. Les études cliniques ont montré que l’augmentation
des enzymes hépatiques est inférieure avec l’énoxaparine une fois par jour, en comparaison avec le dabigatran
220 mg ou 150 mg une fois par jour.
D. Les insuffisants rénaux modérés (30-50 ml/min)
devraient recevoir une dose de dabigatran de 110 mg
par jour.
E. L’effet anticoagulant du dabigatran est proportionnel
à sa concentration plasmatique.
9) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ?
A. Le dabigatran peut être administré avec ou sans
nourriture.
B. La liaison aux protéines du dabigatran est faible.
Il en est de même pour son niveau de biodisponibilité
qui est faible après l’administration par voie orale.
C. Le dabigatran est un inhibiteur réversible et compétitif
de la thrombine. Il inhibe aussi la thrombine libre,
mais pas la thrombine liée.
D. La prévention de la TEV avec le dabigatran n’est pas
remboursée par la Régie de l’assurance médicament
du Québec.
E. Chez les personnes de 75 ans et plus, la dose
recommandée est de 150 mg par jour.
Veuillez reporter vos réponses dans le formulaire de la page 90 
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septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
37
LES pages bleues
Les antirejets
en transplantation cardiaque
La transplantation cardiaque est sans contredit la forme de traitement la plus efficace de l’insuffisance cardiaque terminale. L’évolution
des traitements immunosuppresseurs a amélioré considérablement la survie des patients et cette longévité passe inévitablement par
une immunosuppression prolongée. Celle-ci résulte notamment en une prévalence accrue des comorbidités secondaires à la thérapie
antirejet, à savoir l’infection, l’hypertension, les dyslipidémies, l’insuffisance rénale, le diabète, l’ostéoporose et les néoplasies. La
pharmacothérapie de ces patients est complexe et changeante. Il importe donc que le pharmacien connaisse bien ces médicaments à
index thérapeutique étroit, leurs effets secondaires, les interactions médicamenteuses potentielles et leur monitorage. Ces éléments sont
d’une importance capitale pour la survie et la qualité de vie de ces patients.
Selon le registre de la International Society of
Heart and Lung Transplantation, la survie de
trois ans après la greffe avant l’époque de la
cyclosporine, soit dans les années 1969-1980,
était de 40 %. À la suite de la mise en marché
de la cyclosporine au début des années 1980,
70 % des greffés survivaient plus de trois ans1.
En dépit de ces avancées encourageantes et de
l’évolution continue des thérapies, l’espérance
de vie d’un greffé cardiaque est de 9 à 11 ans,
en fonction de la pathologie de base1.
Le rejet
Avant l’introduction de la cyclosporine, le
rejet du cœur transplanté était la cause principale de mortalité et de morbidité. Bien
qu’actuellement on estime qu’environ 30 %
des greffés auront un épisode de rejet au cours
de la première année de greffe, le rejet aigu est
la cause de 15 % des décès observés au cours
de cette même année, les complications opératoires étant responsables de la moitié des
décès répertoriés au cours de cette même
période1.
Le diagnostic du rejet cellulaire est posé à
l’aide d’une biopsie endomyocardique et la
symptomatologie varie selon la gravité du
rejet, la plupart étant asymptomatiques. Le
rejet plus sérieux causera un dysfonctionnement du greffon se manifestant par des symptômes de défaillance cardiaque gauche (dyspnée, fatigue, œdème, etc.). Le rejet humoral,
appelé aussi « rejet vasculaire » survient plusieurs jours ou semaines après la greffe. Ce
type de rejet est moins fréquent que le rejet
cellulaire et peut être associé à un grave dysfonctionnement du cœur.
Selon la gravité du rejet cellulaire, le traitement peut aller de l’observation jusqu’au
recours aux corticostéroïdes (intraveineux ou
per os), aux anticorps mono ou polyclonaux
en passant par une majoration des doses
d’immunosuppresseurs utilisés ou par un
changement dans le régime immunosuppresseur en cours2,3. Le rejet humoral se traite
à l’aide de hautes doses de stéroïdes ou par
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une intensification de l’immunosuppression.
Les cas plus sérieux pourront requérir l’utilisation de gammaglobulines ou même de
plasmaphérèse afin de moduler la production d’anticorps ou d’extraire des anticorps
circulants2,3.
La vasculopathie du greffon
Parmi les complications plus tardives de la
greffe cardiaque, on retient une coronaropathie diffuse qui atteint préférentiellement les
artères de petit calibre. Il s’agit de la vasculopathie du greffon4. Bien que cette vasculopathie soit présente chez tous les types de greffe
d’organes solides, elle est plus facilement diagnostiquée et étudiée chez les greffés cardiaques grâce à la facilité d’examen des artères
coronaires. La morbidité associée à la vasculopathie du greffon est significative puisque,
pendant de nombreuses années, cette atteinte
était la principale cause de décès des greffés
cardiaques. Actuellement, la vasculopathie du
greffon a cédé son titre de cause principale de
décès au profit des complications néoplasiques, mais elle demeure la cause principale de
perte du greffon et une source importante de
morbidité chez les greffés cardiaques.
Texte rédigé par Nathalie Châteauvert, M.Sc.,
pharmacienne clinicienne, Institut universitaire
de cardiologie et de pneumologie de Québec,
Hôpital Laval.
Révision : Dr Bernard Cantin, cardiologue,
Institut universitaire de cardiologie et de
pneumologie de Québec, Hôpital Laval, et
Chantal Duquet, M.Sc.
Texte original soumis le 15 juin 2009.
Texte final remis le 1er juillet 2009.
Les immunosuppresseurs
L’immunosuppression demeure la pierre
angulaire du traitement des greffés. Au-delà
des bénéfices clairement démontrés en
matière de rejets, on lui reconnaît aussi des
effets secondaires significatifs qui modulent
fortement son utilisation. Les générations
plus récentes d’immunosuppresseurs ont
aussi montré un effet bénéfique dans la vasculopathie du greffon4.
L’immunosuppression primaire en greffe
cardiaque consiste en une triple thérapie
regroupant un inhibiteur de la calcineurine
(cyclosporine ; NeoralMD), ou le tacrolimus
PrografMD, un agent antimétabolite purique
(azathioprine ; ImuranMD), ou le mofétilmycophénolate (CellceptMD), et un corticostéroïde1-4. Un an après la greffe, 94 % des
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
39
LES pages bleues
patients reçoivent toujours un inhibiteur de
la calcineurine, plus de 80 % d’entre eux, un
agent antimétabolite purique, le plus souvent
le mofétilmycophénolate (77 % des greffés)
et 63 % sont toujours sous corticothérapie.
Une faible mais croissante proportion de
patients reçoit un inhibiteur du signal de la
prolifération (sirolimus [RapamuneMD] ou
évérolimus [CerticanMD])1. Ce dernier n’est
pas encore disponible au Canada, mais il fait
l’objet d’un important projet de recherche, de
sorte qu’il est utilisé chez plusieurs greffés cardiaques depuis plus de deux ans. Il est toutefois largement utilisé dans plus de 40 pays
situés principalement en Eurasie.
Le choix des immunosuppresseurs dans les
mois suivant la greffe se module en fonction
des effets secondaires et des complications
que présente chaque individu.
Comme les corticostéroïdes sont utilisés
largement et qu’ils sont bien connus des pharmaciens, cette classe de médicaments utilisés
comme immunosuppresseurs ne sera pas
traitée dans cet article.
Les inhibiteurs de
la calcineurine (ICN)
La cyclosporine A (CyA) (Neoral, Sandimmune) et le tacrolimus (TAC) (Prograf, Advagraf) sont les antirejets constituant la pierre
angulaire de l’immunosuppression chez les
greffés cardiaques. Les ICN inhibent la calci-
neurine, une protéine intralymphocytaire
essentielle à la production de cytokines impliquées dans les réactions immunitaires,
notamment l’activation et la prolifération des
lymphocytes4,5. Le TAC est un médicament
50 à 100 fois plus puissant que la cyclosporine
pour inhiber la prolifération des lymphocytes
impliqués dans la réaction de rejet5.
Effets secondaires
La néphrotoxicité est l’effet secondaire le plus
fréquent et ayant le plus de conséquences à
long terme. Elle se présente dans les mêmes
proportions avec l’un ou l’autre des ICN.
Cette toxicité rénale peut être aiguë, souvent
proportionnelle à la dose, ou chronique, avec
présence de sclérose artériolaire et de fibrose
tubulo-interstitielle. Rarement, elle se manifeste par un syndrome urémique. L’hypertension et l’hyperlipidémie se produisent chez la
majorité des patients, mais l’incidence serait
proportionnellement plus importante avec la
CyA6-9. L’hypertrichose atteint plus de 50 %
des patients sous CyA, alors que cet effet est
absent avec le TAC, ce dernier pouvant à
l’inverse être la cause d’alopécie. L’hyperplasie gingivale est un problème relativement
fréquent qui touche uniquement les patients
sous CyA. L’incidence de diabète et la toxicité neurologique (tremblements, céphalées,
insomnie, paresthésie) sont plus importantes avec le TAC8-10. L’hypomagnésémie, l’hy-
Tableau I
Effets secondaires des antirejets
Effets secondaires
CyA
TAC
MMFEc-MPS AZASRLEVE
Alopécie
++
+
Anémie
++
++
++
+++
++
Diabète
++
+++
Diarrhée
++
+++
+++
++
++
+++
+++
Hépatotoxicité
+
++
+
+
+
Hirsutisme
+++
Hypercholestérolémie
++++
+++
++++ ++++
Hyperkaliémie
++
++
+
++
++
Hyperplasie gingivale
+++
Hypertension
++++
+++
++
++
++
Hypertriglycéridémie
+++
+++
++++ ++++
Hyperuricémie
+++
+++
++
++
+++
+++
Hypomagnésémie
+++
+++
Néphrotoxicité
+++
+++
++
++
Neurotoxicité ++
+++
++
+
(tremblements, paresthésie)
Neurotoxicité (convulsions)
+
+
Leucopénie
++
++
+++
+++
++
Thrombopénie
+++ ++
++
+
++
Retard dans la guérison de plaies
++
++
+ : rare < 5 % ++ : commun 5-15 % +++ : très commun ++++ : la majorité des patients
40
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
perkaliémie et l’hyperuricémie sont des effets
secondaires qui touchent la plupart des
patients sous ICN.
Le tableau I compare l’incidence des effets
secondaires des antirejets.
Données probantes cliniques
L’efficacité des ICN quant à la prévention du
rejet en greffe cardiaque favorise le tacrolimus6,7. Les associations TAC-mycophénolate
mofétil (MMF) et TAC-azathioprine (AZA)
seraient supérieures à la CyA combinée aux
mêmes médicaments, causant moins de rejets
histologiquement démontrés6,7. En dépit de
ces résultats, aucune différence quant à la survie à un an n’a été démontrée. Ces études suggèrent que le TAC est supérieur à la CyA pour
réduire le rejet histologique, mais elles reflètent aussi que la plupart des rejets ne sont pas
lourds de conséquences. Il est important de
noter que cette supériorité apparente du TAC
peut être expliquée en partie par une meilleure
absorption et des taux sériques plus prévisibles que la CyA. La conversion de la CyA au
TAC est une approche justifiée dans le cas
d’un rejet significatif sous CyA. Un ratio de
conversion empirique de 1 mg TAC pour
40-50 mg de CyA est souvent adopté, bien
que des dosages de contrôle soient requis
pour ajuster la dose adéquatement.
Pharmacocinétique et monitorage
La CyA et le Prograf (TAC) sont administrés
deux fois par jour, toutes les 12 heures. L’instauration de l’un ou l’autre de ces ICN se fait
à dose croissante, pour atteindre les dosages
cibles selon le moment de la post-transplantation. Une formulation uniquotidienne de
tacrolimus est offerte sous le nom commercial d’AdvagrafMD. Cette formulation à longue durée d’action de TAC est toujours sous
évaluation en vue d’obtenir l’indication de
prévention du rejet en greffe cardiaque. Une
évaluation pharmacologique préliminaire a
démontré une exposition comparable entre
la formulation à longue durée d’action et la
formulation standard après une conversion
1 :1 chez des patients, plus de six mois après la
greffe. Les patients convertis à la formulation
à longue durée d’action sont demeurés stables durant l’année qui a suivi la conversion et
le médicament a été bien toléré, avec un profil
d’effets secondaires comparable à celui du
TAC dans sa formulation standard11.
Les ICN sont faiblement absorbés au niveau
de la muqueuse gastro-intestinale, leur biodisponibilité est de l’ordre de 25 à 30 %. La nourriture diminue l’aire sous la courbe des concentrations en fonction du temps de l’ordre de 15
à 40 %. Une grande variabilité intra et interindividuelle existe quant à leur absorption. Ainsi,
Les antirejets en transplantation cardiaque : l’évolution des poisons
il est recommandé de les prendre avec rigueur,
toujours de la même façon, soit avec ou sans
aliments. Un changement au niveau du transit
gastro-intestinal secondaire à la diarrhée ou à
l’utilisation d’agents prokinétiques, tels que le
métoclopramide ou la dompéridone, peut
entraîner une augmentation de l’absorption
et, conséquemment, une hausse des concentrations sanguines des ICN.
Le TAC et la CyA sont largement liés aux
protéines plasmatiques (albumine et lipoprotéines particulièrement). On connaît peu l’impact clinique de ces liaisons. Les enfants ont un
volume de distribution presque deux fois plus
grand que celui de l’adulte; ce volume s’explique entre autres par une plus faible quantité et
affinité des protéines à se lier aux médicaments, augmentant leur répartition tissulaire
et leur élimination. Ils requièrent ainsi des
doses d’ICN deux à quatre fois plus élevées
que chez l’adulte11,12. Les ICN subissent un
métabolisme pré-systémique par les enzymes
du CYP4503A4 de l’intestin et y retournent en
se liant à la p-glycoprotéine (p-gp). Les ICN
sont des substrats et des inhibiteurs de ces
voies métaboliques. Une étude in vivo a
démontré que seule la CyA a la capacité d’inhiber l’activité de la p-glycoprotéine aux doses
utilisées en clinique, lesquelles sont nettement
plus élevées que celles du TAC pour un effet
immunosuppresseur comparable5.
Les ICN sont métabolisés principalement
par les CYP4503A du foie et de l’intestin avec
moins de 0,5 % des médicaments retrouvés
inchangés dans l’urine ou les fèces. Une fois de
plus, la CyA aurait un impact beaucoup plus
significatif sur l’activité de cyp4503A5 que le
TAC. Le cytochrome 3A5 serait davantage
impliqué dans le métabolisme du TAC. L’expression du cyp4503A5 est polymorphique.
Il semble que 10 à 40 % de la population caucasienne aurait une haute expression de ce
cytochrome, ce qui pourrait expliquer l’utilisation de doses plus importantes pour atteindre les concentrations sanguines cibles chez
certains patients11,12.
Le monitorage des ICN diffère selon le
médicament. En effet, la documentation
scientifique abonde de données sur le meilleur
outil pour surveiller la CyA, alors que pour le
TAC la concentration avant la dose du matin
est encore la norme de pratique2,3. Pour la
CyA, on se demande quel paramètre donnera
la meilleure corrélation entre l’exposition à
l’immunosuppression et le rejet et/ou la toxicité. Des études ont montré que la concentration sanguine avant la dose (C0) n’offre pas
une bonne corrélation avec l’exposition au
médicament obtenue par la surface sous la
courbe concentration-temps. L’utilisation de
la concentration sanguine deux heures après
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la dose (C2) pour l’ajustement thérapeutique
offrirait une meilleure corrélation avec l’exposition à l’immunosuppression et réduirait
le nombre de rejets aigus. On a de plus
démontré une diminution significative des
doses de CyA en ajustant le médicament à
l’aide du C2 plutôt que du C0, ce qui pourrait
entraîner une diminution de la toxicité14. Bien
que l’utilisation du monitorage C2 soit bien
établie en greffe rénale, le consensus sur la
transplantation cardiaque de la Société canadienne de cardiologie fait du monitorage au
C2 une recommandation 2B3,15.
Il est bien connu que le rejet est plus important au cours des premiers mois suivant la
greffe. Conséquemment, les concentrations
sanguines visées dépendent du temps écoulé
depuis la greffe. En clinique, elles sont aussi
individualisées en fonction des épisodes de
rejet, des effets secondaires et des autres
immunosuppresseurs utilisés en concomitance1-3. Le tableau II exprime les concentrations sanguines visées des ICN lorsqu’ils sont
associés aux agents antimétabolites puriques,
soit la thérapie immunosuppressive de première intention, alors que le tableau III
résume les taux sériques visés des inhibiteurs
du signal de la prolifération (ISP) en association ou non avec les ICN3. Bien que les ISP, le
sirolimus et l’évérolimus, n’aient pas de toxicité rénale intrinsèque, ils peuvent augmenter
le potentiel de néphrotoxicité des ICN. En
conséquence, une association avec les ISP
nécessite une réduction des cibles d’ICN.
Bien qu’il y ait peu d’études rigoureuses ayant
pour but de déterminer les taux visés d’ICN
lorsqu’utilisés en association avec le sirolimus
ou l’évérolimus, il semble que le potentiel
antirejet des ISP soit assez important pour
compenser ces taux sériques d’ICN qui peuvent atteindre 50 % de la normale16.
Les interactions médicamenteuses
avec les ICN
Bon nombre de médicaments d’usage courant entrent en interaction avec les ICN. La
plupart des données sur les interactions
médicamenteuses avec les ICN impliquent
davantage la CyA que le TAC. D’une part, il
s’agit d’un médicament utilisé depuis beaucoup plus longtemps en clinique et, d’autre
part, tel que mentionné précédemment, certains auteurs ont démontré que le TAC avait
un impact mitigé sur l’activité de la p-gp et du
Cyp4503A45,17. En tant que clinicien, il appert
sage d’extrapoler au TAC les interactions les
plus significatives que l’on rencontre avec la
CyA et d’effectuer le monitorage d’usage afin
d’éviter toute complication.
Parmi les agents antihypertenseurs, le diltiazem et le vérapamil inhibent le cyp4503A4
et la p-gp, augmentant ainsi les concentrations sanguines des ICN de façon significative. Bien que certaines dihydropyridines
aient aussi été rapportées comme pouvant
faire augmenter les concentrations des ICN,
en clinique, l’utilisation de l’amlodipine ou
de la nifédipine n’entraîne pas d’augmentation des concentrations des ICN17. Quant aux
autres anti-hypertenseurs, tels que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IECA), les
antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2
(ARA) et l’hydrochlorothiazide (HCTZ), ils
présentent un intérêt certain pour leur effet
néphroprotecteur (pour les IECA et les ARA)
et leur efficacité (pour l’HCTZ), mais leur
utilisation justifie un suivi étroit de la fonction rénale puisque leur association avec les
ICN peut la détériorer, habituellement de
façon temporaire.
Les hypolipémiants font partie du traitement de base des greffés cardiaques tant pour
leurs effets préventifs sur la vasculopathie du
greffon que pour maîtriser l’augmentation
des lipides sanguins, un effet délétère des
ICN2. L’atorvastatine, la lovastatine et la
simvastatine sont des substrats du cyp4503A4
les prédisposant à interagir avec les ICN. En
effet, il est bien démontré que les ICN, particulièrement la CyA, inhibent la biotransformation de ces statines, ce qui a pour conséquences une accumulation sous une forme
active de ces médicaments et la survenue de
myotoxicité (myalgie, musculopathie et rhab-
Tableau II
Taux sériques cibles (en ng/mL) avant la dose (C0)
et 2 heures après (C2) des ICN en association
avec les antimétabolites puriques (AZA, MMF ou EC-MPS) 2,13
Temps depuis la greffe
Cyclosporine C0
Cyclosporine C2
Tacrolimus
0-3 mois
300-400 1200-1400 10-20
3-6 mois
200-300 800-1000 5-15 6-12 mois
150-250 ng
700-900 5-15 > 12 mois
100-150
500-700
5-15
ICN : inhibiteurs de la calcineurine AZA : azathioprine MMF : mofétilmycophénolate EC-MPS : mycophénolate sodique
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
41
LES pages bleues
Les hypolipémiants font partie du traitement de base
des greffés cardiaques tant pour leurs effets préventifs sur la vasculopathie
du greffon que pour maîtriser l’augmentation des lipides sanguins,
un effet délétère des ICN.
domyolse)17. La fluvastatine est métabolisée
par le cyp4502C9, une voie métabolique non
empruntée par les ICN. La pravastatine est un
substrat de la p-gp, mais elle ne passe pas par
le CYP4503A4, ce qui laisse croire à une accumulation potentielle de cette statine, bien que
possiblement en quantité moindre. La rosuvastatine n’est pas métabolisée par le
cyp4503A4, mais une augmentation significative de l’ordre de 10 fois son exposition
lorsqu’associée avec la CyA a été démontrée,
ce qui en fait une contre-indication aux doses
usuelles18. L’ézétimibe a fait l’objet de quelques études chez les greffés cardiaques. Les
résultats confirment que l’ézétimibe est sécuritaire et efficace en association avec la CyA19.
Une fois de plus, l’utilisation de la plus petite
dose efficace de statine demeure une règle de
choix, et l’association avec l’ézétimibe peut
s’avérer utile lorsque les cibles ne sont pas
atteintes chez les sujets considérés comme à
haut risque, en présence d’une vasculopathie
du greffon ou lorsque les statines sont contreindiquées ou non tolérées. Il importe de
demeurer prudent puisque une augmentation des concentrations sanguines de l’ézétimibe a été rapportée lorsque ce médicament
est associé à la CyA. Quant aux fibrates, leur
utilisation peut être envisagée dans la mesure
où les doses sont ajustées selon la fonction
rénale. On suggère de surveiller les dosages
des ICN lors de leur introduction. Bien que
les données soient limitées, il pourrait y avoir
une augmentation des dosages des ICN16.
Les antifongiques, à savoir kétoconazole,
fluconazole, itraconazole et voriconazole, sont
tous des inhibiteurs du cyp4503A4 et de la
p-gp (sauf le fluconazole). Le kétoconazole est
le plus puissant inhibiteur du métabolisme
des ICN, suivi par l’itraconazole, le voriconazole et le fluconazole (doses > 200 mg). Ces
agents peuvent jusqu’à doubler les concentrations sériques des ICN et, conséquemment, la
toxicité relative. En présence de kétoconazole,
de voriconazole et d’itraconazole, il est recommandé de diminuer d’emblée les doses d’ICN
de 30 à 50 %17,20. L’inhibition enzymatique est
observée immédiatement après l’administration de la première dose de l’inhibiteur. Toutefois, on a peu de données au regard de la durée
attendue de cette inhibition lorsque le médicament est cessé. La demi-vie de l’inhibiteur et
42
sa liaison protéique peuvent affecter la durée
de cette inhibition. On considère qu’en
moyenne 7 à 10 jours sont requis pour que les
concentrations sanguines de l’immunosuppresseur retournent aux valeurs de base.
Habituellement, les cliniciens considèrent
les interactions médicamenteuses comme
plus indésirables que bénéfiques. Comme la
thérapie immunosuppressive est très coûteuse, la réduction des doses quotidiennes est
perçue comme génératrice d’économie substantielle. Les antifongiques azolés, notamment le kétoconazole, en association avec la
CyA, se sont révélés les agents les plus sécuritaires et efficaces pour réduire le fardeau
financier que représente une immunosuppression à long terme, sans sacrifier le bienêtre du patient21. D’autres investigateurs
pharmacoéconomes se sont intéressés à une
semblable association réductrice de coûts
avec le diltiazem, précisément chez les greffés
rénaux22. Cette dernière interaction à visée
pharmacoéconomique est utilisée largement
en pratique chez les greffés rénaux.
La goutte est une complication invalidante
et fréquente chez les patients sous ICN. La
gestion de cette comorbidité se complique par
les interactions médicamenteuses des agents
antigoutteux avec les ICN. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens présentent un risque
accru d’insuffisance rénale et d’hyperkaliémie
chez les patients prenant des ICN. La colchicine s’avère aussi un choix peu sécuritaire en
association avec les ICN. Une combinaison
d’effets secondaires, tels que diarrhées, hépatonéphropathie et neuromyopathie, peut être
induite en associant la colchicine et la CyA. Ce
syndrome apparaît dans les deux premières
semaines suivant l’instauration de la colchicine et se résout trois à quatre semaines après
son arrêt. La CyA poten­tialiserait les effets
toxiques de la colchicine en inhibant la p-gp.
De plus, les effets secondaires, tels que la diarrhée, peuvent engendrer une déshydratation
et une insuffisance rénale aiguë. Or, la colchicine devrait être utilisée brièvement et à la
dose la plus faible possible chez les patients
sous ICN. Le monitorage des symptômes de
diarrhées, vomissements, jaunisse, faiblesse
musculaire, myalgies et paresthésie distale,
devrait être fait étroitement et l’apparition de
l’un ou l’autre de ces symptômes justifie l’ar-
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
rêt de la colchicine23. Les corticostéroïdes
demeurent des agents sécuritaires et efficaces
pour le traitement des épisodes aigus de
goutte. Il n’y a pas d’interaction significative
entre les ICN et l’allopurinol bien qu’une possible accumulation des concentrations sanguines de cyclosporine ait été rapportée2,24.
L’interaction des ICN avec les antiépileptiques, phénytoïne et carbamazépine, est bien
documentée. La puissante induction du
cyp4503A4 par ces agents peut réduire
jusqu’à quatre fois les concentrations sanguines de CyA. Le même effet devrait être anticipé avec le TAC, bien que peu de données
soient rapportées. À l’inverse, une augmentation des concentrations sanguines de phénytoïne a été rapportée lors de l’utilisation
concomitante de TAC. Un déplacement de la
phénytoïne des sites de liaison protéiques est
la cause la plus probable puisqu’il s’agit de
deux médicaments fortement liés qui se
concurrencent pour les sites de liaison protéiques. Au-delà des effets sur le métabolisme,
l’association phénytoïne-CyA peut potentialiser l’hyperplasie gingivale2,17.
Parmi les antibiotiques pouvant interagir
significativement avec les ICN, on trouve
l’érythomycine, un inhibiteur du cyp4503A4,
et la clarithromycine. Le même mécanisme y
est à l’œuvre, mais avec un moindre impact.
Les concentrations des ICN peuvent augmenter significativement en présence de ces
macrolides. L’azithromycine serait une solution de rechange de choix. Quant à la ciprofloxacine, son usage est sécuritaire en association avec les ICN. Il n’est pas recommandé de
modifier les doses d’ICN ni de surveiller leurs
concentrations sanguines. On rapporte une
augmentation potentielle de la créatinine sérique qui s’expliquerait par une compétition
pour la sécrétion tubulaire de ces deux médicaments. Les antirétroviraux augmentent
significativement les taux sériques des ICN et,
à l’inverse, la rifampicine les diminue.
Le tableau IV énumère les interactions les
plus courantes et les plus significatives, et
offre des suggestions de monitorage clinique
de ces interactions. Ce tableau est disponible
sur MonPortailPharmacie.ca (archives de
Québec Pharmacie, numéro de septembre
2009). Dans la section « FC en ligne », ce
tableau se trouve intégré à la chronique.
Les antirejets en transplantation cardiaque : l’évolution des poisons
Les antifongiques azolés, notamment le kétoconazole, en association
avec la CyA, se sont révélés les agents les plus sécuritaires et efficaces
pour réduire le fardeau financier que représente une immunosuppression
à long terme, sans sacrifier le bien-être du patient.
Compte tenu de l’index thérapeutique étroit
des ICN, il convient que tout ajout de nouveaux médicaments mérite qu’on évalue les
risques d’interaction. Il ne faut pas oublier le
jus de pamplemousse qui est un inhibiteur du
cyp4503A4 bien connu. Son utilisation,
même sporadique, peut augmenter les concentrations d’ICN jusqu’à trois jours après une
seule consommation. Bien que cela soit bien
démontré dans les études fondamentales, il
semble que l’impact clinique soit plutôt faible
avec les ICN26. À moins d’être aussi rigoureux
dans la prise de son jus que dans celui de son
antirejet, il reste souhaitable d’éviter la consommation de jus de pamplemousse.
Les antimétabolites puriques
L’azathioprine (AZA), le mofétilmycophénolate (MMF) et le mycophénolate sodique (ECMPS) sont des inhibiteurs de la prolifération
des lymphocytes aussi appelés « antimétabolites puriques ». L’AZA a été le premier immunosuppresseur à se montrer efficace pour prévenir le rejet d’organes solides. L’AZA a été
remplacé au cours des dernières années par
des agents moins toxiques, plus spécifiques et
plus puissants, comme le MMF et le EC-MPS.
Le MMF et l’EC-MPS inhibent de façon sélective la production des lymphocytes en réponse
à une stimulation allogénique, sans inhiber la
croissance d’autres lignées cellulaires9. Le
métabolite actif du MMF et de l’EC-MPS est
l’acide mycophénolique (AMP) qui est libéré
et exerce un effet immunosuppresseur. L’ECMPS est une formulation entérique qui libère
l’AMP au niveau de l’intestin et dont l’efficacité et la bioéquivalence ont été démontrées27.
Effets secondaires
L’effet secondaire le plus redoutable de l’AZA
est sa myélotoxicité, incluant la leucopénie,
l’anémie et la thrombopénie. Ces effets
dépendent de la dose et se résolvent dans les 7
à 10 jours suivant une diminution de dose ou
l’arrêt. Le MMF est relativement bien toléré.
Les effets secondaires les plus courants sont
d’ordre digestif, à savoir nausées et diarrhées,
lesquels répondent normalement à une diminution de la dose. Les effets indésirables
digestifs seraient davantage liés aux niveaux
sériques d’AMP qu’à la dose de MMF. Certaines études ont montré que la forme entérosowww.monportailpharmacie.ca
luble (EC-MPS) permettrait de diminuer les
effets secondaires gastro-intestinaux et améliorerait ainsi la qualité de vie des patients28.
Les effets secondaires d’ordre hématologique,
moins fréquents qu’avec l’AZA, comprennent aussi la leucopénie, la thrombopénie et
rarement la pancytopénie. Toutefois, le risque
d’infections virales semble plus élevé avec le
MMF qu’avec l’AZA29.
Données probantes cliniques
Le MMF a d’abord été utilisé en remplacement de l’AZA chez des patients en rejet.
Dans ces essais, le médicament s’est révélé
efficace comme traitement de sauvetage2.
Une vaste étude dans laquelle les patients
étaient sous CyA et stéroïdes en association
avec le MMF ou l’AZA s’est traduite par une
diminution du nombre de rejets et de la mortalité toutes causes, un an après la greffe. Une
analyse à plus long terme confirme la persistance de ces résultats en plus d’évoquer la
possibilité de diminution de la vasculopathie
du greffon29,30. Le MMF ou l’EC-MPS s’utilise
le plus souvent en association avec un ICN et
les corticostéroïdes2.
Pharmacocinétique et monitorage
Le MMF et l’EC-MPS ont une excellente biodisponibilité, soit près de 100 %. Après l’absorption, ils sont hydrolysés en leur forme
active, l’acide mycophénolique (AMP). Ce
métabolite subit ensuite une glucuronidation
pour former l’acide mycophénolique glucuronidé (AMPG), dépourvu d’activité pharmacologique. L’AMPG est excrété dans la bile
et retourne dans l’intestin pour reformer de
l’AMP. La demi-vie d’élimination de l’AMP
est de 16 heures. La clairance de l’AMP est
très dépendante de sa liaison protéique. Or, la
présence d’insuffisance rénale et d’urémie
dans la période de post-transplantation
résulte en une diminution de la liaison de
l’AMP aux protéines et en une augmentation
de la clairance de l’AMP libre31. Cet élément
justifie l’utilisation de doses de MMF ou
d’EC-MPS plus importantes dans la période
de post-transplantation.
La recirculation entérohépatique de
l’AMPG est inhibée par la CyA, ce qui
entraîne une exposition systémique à l’AMP
diminuée en présence de cette association. À
l’arrêt de la CyA, une augmentation de l’ordre de 50 % des concentrations d’AMP
avant la dose a été démontrée. L’utilisation
du TAC avec le MMF entraîne à l’inverse
une exposition à l’AMP qui croît avec le
temps après la greffe. On a démontré qu’à
des doses de MMF de 1 g deux fois par jour,
l’exposition à l’immunosuppression est
supérieure de façon significative lorsque le
MMF est combiné au TAC versus à la CyA.
Les concentrations moyennes d’AMP atteintes au creux le matin avec une dose de MMF
de 1 g deux fois par jour avec le TAC sont les
mêmes que celles atteintes avec une dose de
MMF de 1,5 g deux fois par jour avec la
CyA32. Les doses recommandées dans la prévention du rejet en transplantation cardiaque sont de 1,5 g deux fois par jour en association avec la CyA et de 1 g deux fois par
jour avec le TAC31,32.
L’utilité d’effectuer une surveillance thérapeutique du MMF n’est pas clairement
démontrée31. L’AMP n’a pas une concentration-dose linéaire durant les premiers mois
après la greffe. La pharmacocinétique variable de l’AMP dans le temps, la recirculation
entéro-hépatique et l’ICN utilisé en association rendent difficile l’interprétation du paramètre mesuré32. On n’a pas déterminé clairement quelle méthode de surveillance reflétait
avec précision l’immunosuppression. La
concentration sanguine avant la dose du
matin ne reflète pas l’exposition à l’immunosuppression telle qu’obtenue par l’aire sous la
courbe32. Or, en pratique, la surveillance de
l’AMP n’est pas faite de routine, mais elle
peut être utile chez certains patients à haut
risque de rejet, comme ceux qui reçoivent des
doses réduites ou aucun ICN, ceux hautement sensibilisés, les Afro-Américains ou
ceux n’ayant pas reçu d’induction de l’immunosuppression. Les concentrations sanguines
visées du métabolite actif de l’AMP sont de
1,6-4,2 ng/mL32.
L’équivalence MMF-EC-MPS est la suivante : MMF 500 mg/comprimé = EC-MPS
360 mg/comprimé. Comme il s’agit d’un
médicament tératogène et mutagénique, les
comprimés ne devraient pas être coupés ni
manipulés avec les mains. Ils devraient
demeurer dans leur emballage original
jusqu’au moment de la prise.
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
43
LES pages bleues
Les immunosuppresseurs sont des médicaments pharmacologiquement
complexes. Ils possèdent un index thérapeutique étroit entre le rejet
et la toxicité, justifiant un monitorage étroit de leurs concentrations
sanguines et/ou des effets secondaires qu’ils peuvent engendrer.
Les interactions médicamenteuses
L’absorption de MMF peut être significativement diminuée par les antiacides ou le fer en
raison de la formation d’un complexe par chélation. L’exposition à l’immunosuppression
mesurée par l’aire sous la courbe a été diminuée jusqu’à près de 90 % lorsque le MMF a été
administré au même moment que le fer33. Il va
sans dire que les conséquences d’une telle interaction peuvent être catastrophiques et qu’il
importe de bien enseigner au patient l’importance d’espacer de deux à quatre heures la prise
de fer ou d’antiacides à base de cations. Par
ailleurs, la dose de MMF (ou EC-MPS) doit
être modulée en fonction des autres antirejets
associés, notamment les ICN. Une interaction
significative existe entre l’allopurinol et l’AZA.
L’allopurinol augmente significativement la
biodisponibilité du métabolite actif de l’AZA.
Des cas d’anémie, de leucopénie et de thrombopénie ont été rapportés. Lorsqu’une telle
association est inévitable, il faut diminuer de 75
% les doses des deux médicaments17.
Les inhibiteurs du signal
de la prolifération (ISP)
L’histoire des ISP aussi appelés « inhibiteurs de
la mTOR » (mammalian Target of Rapamycin)
date des années 1970, époque à laquelle la rapamycine a été isolée de Streptomyces hygroscopius, un champignon retrouvé dans le sol de
l’île de Pâques. Les ISP sont le sirolimus (SRL),
aussi connu sous le nom de rapamycine (RapamuneMD), et son dérivé, l’évérolimus (ÉVÉ)
(CerticanMD). Leur effet antiprolifératif n’est
pas restreint aux lymphocytes et s’applique
aussi aux cellules néoplasiques. Cela confère à
cette classe de médicaments un effet potentiellement protecteur contre certaines formes de
cancer, considérant que le cancer compte pour
23 % des décès chez les greffés cinq ans après la
transplantation cardiaque. Cette classe d’antirejets offre de plus une nouvelle option thérapeutique pour la prévention de la vasculopathie du greffon. Il s’agit sans doute d’antirejets
prometteurs34-36.
Effets secondaires
Les ISP étant de puissants immunosuppresseurs, l’infection devient ainsi un des effets
44
secondaires attendus. Quelques études ont
montré une augmentation des infections
bactériennes chez les patients recevant un ISP,
comparativement à l’AZA37,38. En contrepartie, l’incidence d’infection à cytomégalovirus
est plus faible chez les sujets traités par un ISP
versus le MMF ou l’AZA36-38. La toxicité pulmonaire, qui se manifeste sous la forme de
pneumonie interstitielle, a été observée avec
l’utilisation du SRL. Il semble que cet effet
soit inexistant avec l’utilisation de l’ÉVÉ. En
effet, la résolution des symptômes pulmonaires a été rapportée une fois le SRL remplacé
par l’ÉVÉ39. Les ISP, de par leur effet antiprolifératif, entraînent des complications au
niveau des plaies. Celles-ci se présentent sous
la forme de déhiscence de la plaie sternale,
d’infections de la plaie sternale ou de lymphocèle. La différence entre le SRl et l’ÉVÉ
quant aux complications de plaies est inconnue. Bien que des études observationnelles
tendent à favoriser l’ÉVÉ à cet égard, les différences dans l’utilisation du SRL et de l’ÉVÉ
dans les protocoles de chaque étude peuvent
expliquer ces résultats. De plus, ils n’ont
jamais été étudiés l’un contre l’autre. En
effet, l’exposition au SRL a été immédiate
après la greffe avec l’utilisation fréquente
d’une dose de charge, tandis que l’introduction de l’ÉVÉ a été retardée jusqu’à 72 heures après la transplantation37-38. Par ailleurs,
les différences peuvent aussi être relatives à
la distribution tissulaire et aux concentrations sanguines de l’un ou l’autre des ISP.
Afin de minimiser ces effets, il est recommandé d’éviter leur utilisation durant le
processus de guérison des plaies. Pour les
patients déjà placés sous cette thérapie et qui
requièrent une chirurgie, on recommande
de cesser les ISP au moins une semaine avant
l’intervention et de les réinstaurer 14 à 21
jours après la chirurgie35.
Les ISP n’ont pas de néphrotoxicité inhérente à leur utilisation, mais ils peuvent potentialiser celle qu’induisent les ICN14,35,36. Par
ailleurs, on a observé une prévalence accrue
de protéinurie, un prédicteur d’insuffisance
rénale chronique, chez les utilisateurs d’ISP40.
L’utilisation d’un médicament de la classe des
inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
d’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2 comme agent néphroprotecteur est
à considérer.
Données probantes cliniques
En transplantation cardiaque, l’ÉVÉ a fait
l’objet d’un plus grand nombre d’études que
le SRL. L’ÉVÉ a été comparé à l’AZA chez des
patients greffés de novo qui recevaient aussi
la CyA et des corticostéroïdes. À 12 mois, l’incidence de rejet et de vasculopathie du greffon était significativement moindre qu’avec
l’AZA38. Une plus petite étude menée avec le
SRL a permis d’obtenir des résultats sem­
blables37.
L’utilisation des ISP s’est révélée intéressante dans la perspective où une diminution
des doses d’ICN était possible, minimisant
ainsi la néphrotoxicité relative. Il faut se rappeler que l’insuffisance rénale chronique
survient chez près de 7 % des greffés cardiaques cinq ans après la greffe41. La faisabilité
d’une diminution de doses d’ICN avec l’utilisation des ISP a été démontrée chez des
greffés cardiaques présentant une insuffisance rénale plus de six mois après la greffe.
Les résultats ont été concluants quant à l’efficacité antirejet et à l’amélioration de la
fonction rénale35. Par ailleurs, le sevrage précoce des ICN après la greffe avec la conversion au SRL a été tenté chez un petit nombre
de greffés présentant une insuffisance rénale.
Les résultats ont été décevants puisqu’une
augmentation du nombre de rejets a été
observée, justifiant l’arrêt de l’étude42. Ces
données suggèrent que l’utilisation des ICN
est essentielle au maintien d’une immunosuppression adéquate durant la première
année après la transplantation35.
À ce jour, aucun de ces agents n’a démontré
une diminution de la mortalité, si bien que
leur utilisation en greffe cardiaque demeure
controversée.
D’autres études sont nécessaires pour
confirmer si les bénéfices de cette classe de
médicaments en matière de vasculopathie du
greffon, de rejet aigu, d’insuffisance rénale et
d’infections à cytomégalovirus surpassent les
effets secondaires, notamment sur les infections de plaies. Le partage d’expériences clini-
Les antirejets en transplantation cardiaque : l’évolution des poisons
ques permettra de préciser l’utilisation optimale des ISP en termes de sélection de
patients et de dosages cibles des ICN utilisés
en association35.
Pharmacocinétique et monitorage
Les ISP ont une biodisponibilité orale de
15 %. La constance quant à leur prise avec ou
sans aliments demeure une recommandation
pertinente puisque des variabilités ont été
notées dans la biodisponibilité du médicament
en fonction de la prise avec ou sans aliments42.
Les ISP présentent une pharmacocinétique qui
ressemble à celle des ICN, notamment en ce
qui concerne leur distribution et leur métabolisme. Ils sont tous deux métabolisés par le
CYP4503A4 et sont des substrats de la p-glycoprotéine. Ils ont une très longue demi-vie d’élimination, soit près de 60 heures pour le SRL et
approximativement 43 heures pour l’ÉVÉ. Une
grande variabilité intra et interindividuelle en
matière de paramètres pharmacocinétiques
des ISP existe, ce qui justifie le monitorage thérapeutique de ces médicaments. Le SRL se
prend une fois par jour, alors que l’ÉVÉ nécessite une prise biquotidienne malgré sa longue
demi-vie d’élimination.
Le monitorage des concentrations sanguines avant la dose d’ISP est recommandé
puisque ce paramètre reflète judicieusement
l’exposition à l’immunosuppression43. Une
bonne corrélation existe entre le rejet et les
concentrations de SRL avant la dose. Les taux
sériques visés en greffe cardiaque ne sont pas
clairement élucidés et des études cliniques
sont en cours pour tenter de répondre à cette
question. Il paraît sécuritaire et efficace de
viser des taux sériques de SRL d’entre 4 et
12 mcg/L lorsque combiné avec la CyA. Dans
un régime sans CyA (ni TAC), des taux sériques de 8-20 mcg/L sont recommandés43.
Pour l’ÉVÉ, les cibles visées ne font pas pour
autant l’objet de recommandations claires,
mais suffisamment d’études ont été menées
pour définir les écarts optimaux. Basés sur les
analyses exposition-efficacité et expositionsécurité, des taux sériques avant la dose de 3-8
ng/mL assurent une immunosuppression adéquate35. Tout comme pour le SRL, ces recommandations sont valables dans un régime où
l’ÉVÉ est combiné à la CyA et où les taux sériques visés pour cette dernière sont de 50 % des
taux visés sans un ISP. En absence d’ICN, les
taux d’ÉVÉ visés ne sont pas élucidés, mais il
est sans doute approprié de viser des taux plus
élevés pour maintenir une immunosuppression efficace. Compte tenu de la longue demivie des ISP, il faut attendre l’équilibre (cinq fois
la demi-vie d’élimination), soit jusqu’à deux
semaines avant de faire un dosage en début de
traitement et lors de tout changement de doses
de l’ISP ou de l’ICN associé, particulièrement
s’il s’agit de la CyA35,43.
Les interactions médicamenteuses
Comme les ISP sont des substrats du
Cyp4503A4 et de la p-gp, des interactions
similaires à celles documentées avec les ICN
sont attendues, bien que la documentation ne
déborde pas d’information sur le sujet. Quelques interactions ont été documentées entre
autres avec le diltiazem et le SRL. La monographie du SRL recommande de ne pas administrer le médicament avec le kétoconazole et
le voriconazole44.
La CyA, par son effet inhibiteur du 3A4,
augmente significativement les niveaux plasmatiques du SRL et de l’ÉVÉ. À l’inverse, les
ISP n’ont pas d’effets sur les concentrations de
CyA. À cet égard, une étude menée chez les
greffés rénaux recevant SRL et CyA depuis
plus de trois mois a montré une différence
significative des taux sériques selon que le SRL
était administré en même temps ou à quatre
heures d’intervalle de la CyA, soit 13,1 ± 7,1
versus 8,9± 4,4 ng/mL (p<0,001) respectivement 44. Selon la monographie du produit, il
est recommandé d’espacer de quatre heures
l’administration des deux médicaments 45. En
clinique, la prise concomitante est possible
Tableau III
Taux sériques (ng/mL) des ISP en association avec les ICN2,35,43
Sirolimus
Évérolimus
Avec ICNSans ICN
4-12
8-20
3-8
4-8
ICN : inhibiteurs de la calcineurine
ISP : inhibiteur du signal de la prolifération
dans la mesure où le patient conserve cette
prise et où l’ajustement thérapeutique du SRL
se fait en présence de cette association.
Peu de données sont disponibles sur l’interaction pharmacocinétique des ISP combinés au TAC, mais on se doit tout de même
d’être prudent et de traiter l’association d’un
ISP avec le TAC comme celle avec la CyA.
Conclusion
L’immunosuppression après une transplantation cardiaque constitue un défi de taille
pour les cliniciens. Les immunosuppresseurs
sont des médicaments pharmacologiquement complexes. Ils possèdent un index thérapeutique étroit entre le rejet et la toxicité,
justifiant un monitorage étroit de leurs
concentrations sanguines et/ou des effets
secondaires qu’ils peuvent engendrer. La
combinaison qui semble offrir la meilleure
efficacité (prévention du rejet) tout en minimisant les effets secondaires est l’association
TAC plus MMF2,3.
Malgré cette donnée probante, l’immunosuppression individualisée a remplacé les
protocoles généralisés. Cette approche personnalisée offre à chaque individu une immunosuppression qui tient compte des comorbidités et des effets secondaires éprouvés avec
l’un ou l’autre des immunosuppresseurs utilisés et, évidemment, de leur efficacité dans la
prévention du rejet. n
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Organ. N Engl Med 2003; 349: 931-40.
42. Rapammune (sirolimus) summary of products
characteristics. Philadelphia Wyeth Pharmaceuticals; 2007.
43. Stenton S, Partovi N, Ensom M. Sirolimus. The
evidence for Clinical Pharmacokinetic Monitoring.
Clin Pharmacokinetic 2005; 44: 769-86.
44. Kaplan B, Meier-Kriesche H, Napoli K et coll.
The effects of relative timing of sirolimus and
cyclosporine microemulsion formulation coadministration on the pharmacokinetics of each agent.
Clin Pharmacol Ther 1998; 63: 48-53.
45. Wyeth Canada. Monographie Rapamunnemd.
Montréal, Canada. Octobre 2008.
Questions de formation continue
10) Parmi les énoncés suivants sur le rejet, lequel est faux ?
A. L’arrivée de la cyclosporine a significativement amélioré la
survie des patients greffés.
B. Le rejet est toujours symptomatique.
C. Le rejet survient chez 30 % des patients durant la
première année après la greffe.
D. Le rejet humoral est appelé aussi « rejet vasculaire ».
E. Le traitement du rejet implique entre autres une majoration de l’immunosuppression.
11) Parmi les énoncés suivants, lequel décrit l’immunosuppression primaire d’un greffé cardiaque ?
A. Un inhibiteur de la calcineurine, les corticostéroïdes
et un antimétabolite purique
B. Un inhibiteur de la calcineurine et un antimétabolite
purique
C. Un inhibiteur de la calcineurine, les corticostéroïdes
et un inhibiteur du signal de la prolifération
D. Deux inhibiteurs de la calcineurine et un antimétabolite
purique
E. Un antimétabolite purique, un inhibiteur du signal
de la prolifération et les corticostéroïdes
12) Parmi les immunosuppresseurs suivants, lequel n’est
pas métabolisé par les enzymes du cyp4503A4 ?
A. La cyclosporine A
B. Le mycophénolate sodique
C. Le tacrolimus
D. Le sirolimus
E. L’évérolimus
13) Parmi les énoncés suivants, lequel est un effet
secondaire propre à la cyclosporine A ?
A. Hypertension
B. Néphrotoxicité
C. Hypertrichose
D. Hypomagnésémie
E. Dyslipidémie
14) Parmi les antirejets suivants, lequel ne doit pas être
administré au même moment que le fer ?
A. Le sirolimus
B. Le tacrolimus
C. Le mofétilmycophénolate
D. La cyclosporine
E. L’azathioprine
Veuillez reporter vos réponses dans le formulaire de la page 90 
46
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
Tableau IV
Interactions médicamenteuses significatives avec les antirejets3,17,18
Antirejets
+ médicamentEffet/mécanisme
Gestion de l’interaction
ICN
CyA
Diltiazem, Vérapamil
 exposition des ICN par inhibition
 dose des ICN de 25-50 %
TAC
de leur métabolismeSurveiller Cs 5-7 jours après l’introduction
CyAAtorvastatine,
TACSimvastatine
 exposition à la statine
Utiliser la plus petite dose de statine
Lovastatine
 risque myopathie/rhabdomyoliseConsidérer la prise de pravastatine
Inhibition du Cyp4503A4 et p-gp par les ICN
ou de fluvastatine
CyARosuvastatine
 exposition à la rosuvastatine de 7 fois
Éviter cette association
Données limitées
CyABosentan
 concentrations sanguines avant la dose Éviter cette association
de bosentan de 30 fois
 concentrations de la CyA avant la dose de 50 %
CyA
Fluconazole >200 mg
 exposition des ICN par inhibition
 dose des ICN de 30-50 %
TACItraconazole
de leur métabolismeSurveiller Cs des ICN 3 jours après l’introduction
Kétoconazole
et 1 fois par semaine pendant le traitement
Voriconazole
CyAMillepertuis
 exposition des ICN par induction
Éviter cette association
TAC
de leur métabolisme
Risque accru de rejet
CyAPhénytoïne
 exposition des ICN par induction
 dose d’ICN de 25-50 % lors de l’introduction
TAC
de leur métabolisme
de la phénytoïne
Risque accru de rejetSurveiller Cs des ICN 2 fois par semaine X 2-3 semaines
Risque accru d’hyperplasie gingivale avec la CyAConsidérer solutions de rechange : ac. valproïque,
 des Cs de phénytoïne
gabapentin, lamotrigine, vigabatrin
Début de l’effet retardéSurveiller Cs des ICN et phénytoïne lors de l’arrêt
de l’anticonvulsivant chaque semaine X 4 mois.
CyACarbamazépine
 exposition des ICN par inductionSurveiller Cs des ICN 2 fois par semaine X 2 semaines
TACOxcarbazépine
de leur métabolismeConsidérer solutions de rechange : ac. valproïque,
Risque accru de rejet
gabapentin, lamotrigine, vigabatrin
CyAAmiodarone
 exposition aux ICN par inhibitionSurveiller Cs des ICN 2 fois par semaine lors
TAC
de leur métabolisme de l’introduction de l’amiodarone puis
1 fois/semaine X 1 mois.
Suivi étroit Cs 1 fois / semaine des ICN lors
de l’arrêt de l’amiodarone
ICN
CyA
Érythromycine
 exposition aux ICN par inhibition
 dose des ICN de 25 %
TACClarythromycine
de leur métabolisme Surveiller Cs des ICN 3 jours après l’introduction
 hépatotoxicité
et 1 fois par semaine pendant le traitement
CyARifampicine
 exposition des ICN par inductionMonitorer Cs des ICN 2 fois par semaine
TAC
de leur métabolisme
X 2 semaines puis Q1-2 semaines jusqu’à 1 mois
Risque accru de rejet
après l’arrêt de la rifampicine.
ISP
Sirolimus
Diltiazem
 exposition du sirolimus par inhibitionSurveiller Cs du sirolimus, 1 à 2 fois par semaine
Vérapamil
métabolique et de la p-gp
pour les 2 premières semaines
Sirolimus
Fluconazole
 exposition des ISP par inhibition métabolique
ÉvérolimusItraconazole
Sirolimus
Kétoconazole
 exposition des ISP par inhibition métabolique
Éviter ces associations
ÉvérolimusVoriconazole
SirolimusCyclosporine
 exposition du sirolimus par inhibitionSurveiller tout changement au moment de la prise
métabolique
de l’un ou l’autre des médicaments associés.
Recommander de prendre les 2 médicaments
toujours au même moment.
Débuter le sirolimus à petite dose en présence de CyA.
Anti-métabolites puriques
MMF/EC-MPSCholestyramine
 exposition du métabolite actif du MMF Éviter l’association
par  de l’absorptionSi aucune solution de rechange, prendre MMF 2 heures
avant ou 4 heures après
MMF/EC-MPS Fer, antiacides
 exposition du métabolite actif Espacer la prise de 2 à 4 heures
par  absorption (chélation)
AZA
allopurinol
 biodisponibilité et accumulation du métabolite  dose AZA et d’allopurinol de 75 %
actif de l’AZA (6-mercaptopurine) Surveiller éléments sanguins
(hémoglobine, plaquettes, leucocytes)
Pharmacovigilance
Intoxication par l’acide valproïque
secondaire à une hypo-albuminémie
Les réactions médicamenteuses constituent la cause principale des maladies iatrogéniques. Les intoxications médicamenteuses peuvent
survenir dans diverses situations, aiguës ou chroniques, intentionnelles ou non intentionnelles. Les intoxications médicamenteuses
survenant dans un contexte d’hypo-albuminémie sont méconnues. Voici le cas d’un homme ayant présenté une intoxication par l’acide
valproïque à la suite d’une hypo-albuminémie.
Présentation du cas
Au jour 1, S.M., un homme de race blanche
de 56 ans, est admis à l’urgence de l’hôpital
dans un contexte de chutes avec perte de
conscience. À l’examen, le patient est éveillé,
confus, désorienté et présente un ralentissement psychomoteur ainsi qu’une douleur
dorsale légère. Ses antécédents médicaux et
chirurgicaux sont les suivants : diabète de
type 2 (depuis 10 ans environ), dyslipidémie, trouble de l’équilibre (chutes), hyperkaliémie plus ou moins chronique, dépendance à l’alcool, malnutrition, lithiase
vésiculaire et opération, en 1998, pour le
drainage d’un hématome sous-dural secondaire à une chute. La médication usuelle de
S.M. se retrouve au tableau I. À l’admission, la médication usuelle est prescrite à
nouveau, à l’exception de la metformine et
du polystyrène sulfonate sodique puisque le
patient présente une légère insuffisance
rénale aiguë secondaire à une déshydratation (créatinine à 143 µmol/L, clairance
estimée à 50 mL/min) et une normokaliémie (potassium à 4,9 mmol/L). Les premières investigations (radiologiques, biochimiques) démontrent des fractures lombaires
(L1 et L3), des désordres électrolytiques et
vitaminiques, une anémie inflammatoire,
une légère hypo-albuminémie sans doute
secondaire à une malnutrition (tableau II),
un dosage d’acide valproïque total un peu
bas (tableau II), une stéatose hépatique et
une dégénérescence cérébelleuse probablement secondaire à l’alcool. Sur le plan clinique, le patient présente une polyneuro­
pathie d’origine multiple (diabétique,
alcoolique, déficience légère en vitamine
B12 [112 µmol/L]). Le diagnostic de syndrome de Wernicke est rapidement évoqué.
Ainsi, tel que suggéré par les recommandations de la prise en charge d’un patient avec
un syndrome de Wernicke, on amorce1 un
traitement à hautes doses de thiamine
(500 mg intraveineux [ I.V. ] 4 fois par jour)
et la correction des désordres électrolytiques et vitaminiques. Pour les fractures
lombaires, on administre une dose de pamiwww.monportailpharmacie.ca
dronate 30 mg I.V. et on entame le traitement par l’association habituelle de carbonate de calcium (500 mg 2 fois par jour) et
de vitamine D3 (400 UI 2 fois par jour).
Après une amélioration au cours des deux
premières semaines de traitement du syndrome de Wernicke, l’état du patient se
détériore soudainement : au jour 15, on
constate un retour de la confusion, de la
désorientation et de l’ataxie. De plus, une
Texte rédigé par Maxime Doré,
B.Sc., B. Pharm., M.Sc.,
Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.
Texte original soumis le 5 octobre 2008.
Texte final remis le 20 novembre 2008.
Révision : Christine Hamel, B. Pharm., M.Sc.,
Hôpital Royal-Victoria, Montréal.
Tableau I
Médication usuelle de S.M.
Médicament
Acide acétylsalicylique 80 mg po die
Lansoprazole 30 mg po die
Metformine 500 mg po tid
Polystyrène sulfonate sodique 15 g po tid
Divalproex sodique 500 mg po bid
Durée
Depuis quelques années
Depuis 5 mois environ
Depuis 1 an et demi environ
Tableau II
Valeurs de laboratoire (dosage d’acide valproïque et albuminémie)
Acide valproïque totalAcide valproïque libreAlbuminémie
(350 à 700 µmol/L)
(28 à 104 µmol/L)
(35 à 50 g/L)
Jour #1
261
28
Jour #16
1er prélèvement 277
21
2e prélèvement
240
122,2
Jour #20
56
Jour #53
34
Tableau III
Exemples de médicaments à faible et forte extractions hépatiques10
Faible extraction hépatique
Forte extraction hépatique
Acide valproïqueAmitriptyline
CarbamazépineLidocaïne
DiazépamMépéridine
IbuprofèneMorphine
PhénytoïnePropranolol
TolbutamideVérapamil
Wafarine
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
47
Pharmacovigilance
Figure I
Changements en fonction du temps des paramètres
pharmacocinétiques d’un médicament à faible extraction hépatique
lors d’une augmentation de la fraction libre10
Fraction libre
Clairance intrinsèque
Clairance totale
Concentration totale
Concentration libre
Temps
dysarthrie ainsi qu’un léger astérixis sont
apparus. Dès lors, on demande un dosage
d’acide valproïque (EpivalMD) total et on
cesse l’Epival d’emblée puisque l’indication
chez ce patient demeure nébuleuse (l’Epival
aurait été administré dans un contexte de
convulsions secondaires à l’alcool). À ce
moment, le dosage d’acide valproïque total
s’avère normal, voire faible (tableau II).
Après discussion avec l’équipe de médecine
interne, il est convenu de refaire un prélèvement, mais, cette fois, pour le dosage de
l’acide valproïque libre puisque le patient
présente une hypo-albuminémie plus
importante qu’à l’admission (tableau II) et
que l’acide valproïque est connu pour être
fortement lié aux protéines plasmatiques
(90 %)2-4. Il est à noter que le niveau d’ammoniac (NH3) est à 15 µmol/L à ce moment,
soit dans les limites de la normale (10 à
47 µmol/L), laissant croire qu’une intoxication par l’acide valproïque est peu probable.
Toutefois, les résultats du deuxième prélèvement confirment l’hypothèse d’une intoxication par l’acide valproïque puisque le
dosage d’acide valproïque total est de
240 µmol/L (intervalle thérapeutique : 350 à
700 µmol/L), alors que le dosage d’acide
valproïque libre est de 122,2 µmol/L (intervalle thérapeutique : 28 à 104 µmol/L). Le
ratio libre/total est donc de 0,51; ainsi, 51 %
de l’acide valproïque est sous forme libre,
alors que la normale se situe entre 5 % et
15 %. Une fois corrigé pour l’albuminémie,
le dosage d’acide valproïque total varie entre
48
815 et 1883 µmol/L selon la méthode utilisée pour faire le calcul5, ce qui dépasse l’intervalle thérapeutique (tableau II). Ce
niveau toxique d’acide valproïque peut
donc expliquer la détérioration du patient.
Au jour 20, soit cinq jours suivant l’arrêt de
l’Epival, une amélioration au niveau de la
dysarthrie et de l’astérixis est notable et le
dosage d’acide valproïque total est désormais de 56 µmol/L. Au jour 25, soit 10 jours
suivant l’arrêt de l’Epival, le patient n’est
plus dysarthrique, ne souffre plus d’astérixis, est nettement moins confus et il est
orienté. Une excellente évolution sur le plan
cognitif est aussi observable. Au jour 58, le
patient reçoit son congé de l’hôpital.
Discussion
Les réactions médicamenteuses sont considérées comme la principale cause des maladies iatrogéniques6. Elles peuvent être classées
selon leur étiologie en réaction im­muno­
logique ou en réaction non immunologique7.
Les réactions non immunologiques sont les
plus fréquentes (75 % à 80 %) et sont relativement prévisibles, contrairement aux réactions
immunologiques7. Comme elles sont prévisibles, il est donc possible de les prévenir par
un suivi adéquat8. Pour certains médicaments, un suivi implique un dosage sanguin, plasmatique ou sérique. Toutefois, il
n’est pas nécessaire d’effectuer un monitorage des concentrations sanguines pour
tous les médicaments9. Les dosages sont
généralement réservés aux médicaments
Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
ayant un intervalle thérapeutique étroit ou
un potentiel de toxicité important avec une
concentration légèrement au-dessus de l’intervalle thérapeutique9. Les intoxications
médicamenteuses peuvent survenir dans
diverses situations, aiguës ou chroniques,
intentionnelles ou non intentionnelles : tentative de suicide, insuffisance rénale ou
hépatique, hypo-albuminémie, interactions
médicamenteuses.
La plupart des médicaments se lient aux
protéines plasmatiques, essentiellement à
l’albumine10. L’α1-glycoprotéine acide et les
lipoprotéines sont les autres protéines de
transport des médicaments en importance
après l’albumine10. La liaison des médicaments aux protéines plasmatiques peut être
affectée par différentes conditions physiologiques ou pathologiques : l’âge avancé, la
grossesse, le sexe, le tabagisme, l’obésité, les
problèmes médicaux graves, les maladies
rénales ou hépatiques, l’hyperthyroïdisme,
le cancer, les brûlures extensives et lors d’interactions médicamenteuses10.
L’Epival est un médicament utilisé comme
anticonvulsivant et stabilisateur de l’humeur. Bien que son mécanisme d’action ne
soit pas complètement élucidé, on suppose
qu’il augmenterait la concentration d’acide
γ-aminobutyrique (GABA) dans le cerveau,
ce qui expliquerait son efficacité dans le
traitement de l’épilepsie2,12. De plus, il diminuerait la neurotransmission (dopaminergiques et neurotransmetteurs excitateurs) et
aurait un effet stabilisateur des membranes
neuronales; toutefois, l’effet précis de ce
médicament sur les membranes neuronales
est inconnu2,12. Il est composé de divalproex
sodique qui se dissocie dans le tube digestif
en valproate (acide valproïque) pour être
ensuite absorbé (biodisponibilité d’environ
100 %)2. Une fois absorbé, l’acide valproïque se lie fortement aux protéines plasmatiques (90 %), particulièrement à l’albumine,
pour être ensuite distribué dans tout l’organisme2-4. L’acide valproïque est essentiellement métabolisé par le foie, principalement
par glucuronoconjugaison (30 %-50 %) et
β-oxydation (environ 40 %) et, dans une
moindre mesure, par ω-oxidation2,11,13. De
nombreux métabolites sont ainsi formés,
certains actifs, d’autres toxiques2,11,13. La
demi-vie de l’acide valproïque est d’environ
6 à 16 heures et l’élimination des métabolites est majoritairement rénale2,11,13.
Comme on l’a mentionné précédemment,
l’acide valproïque se lie fortement aux protéines plasmatiques, plus particulièrement à
l’albumine. Il est toutefois important de
mentionner que la liaison aux protéines
plasmatiques de l’acide valproïque est satu-
Intoxication par l’acide valproïque secondaire à une hypo-albuminémie
rable; ainsi, la liaison aux protéines plasmatiques diminue à la suite d’une augmentation de la concentration totale d’acide
valproïque (90 % à 280 µmol/L et 82 % à
875 µmol/L)2-4,9. De cette manière, la relation entre la dose d’Epival et la concentration totale d’acide valproïque n’est pas
linéaire. Par contre, la pharmacocinétique
de la fraction libre d’acide valproïque est
linéaire2. En effet, comme l’acide valproïque
est une molécule à faible extraction hépatique, la clairance totale de l’acide valproïque
(Cltot) est dépendante de la fraction libre
(flibre) et de la clairance intrinsèque (Clint) :
Cltot ≈ flibre x Clint3,4,10. Ainsi, si la flibre d’acide
valproïque augmente (interaction médicamenteuse ou hypo-albuminémie, par exemple), la Cltot d’acide valproïque augmente à
son tour et la concentration totale d’acide
valproïque à l’équilibre (Ctotéq) est diminuée
puisque Ctotéq = F x (D / t) / Cltot , où F représente la biodisponibilité, D la dose et t l’intervalle posologique3,10. Toutefois, comme
la Clint demeure généralement constante, la
concentration libre à l’équilibre (Clibreéq)
demeure elle aussi constante puisque
Clibreéq = F x (D / t) / Clint ou, plus simplement, Clibreéq = flibre x Ctotéq3,10. Par conséquent,
chez un patient avec hypo-albuminémie,
malgré l’augmentation de la fraction libre,
la concentration libre d’acide valproïque à
l’équilibre demeure généralement inchangée, mais la concentration totale d’acide valproïque à l’équilibre diminue à cause d’une
augmentation de son métabolisme3,10. Par
contre, la concentration libre d’acide valproïque augmente de manière transitoire jusqu’à
l’atteinte de l’état d’équilibre (figure 1). Il est
à noter qu’une augmentation de la concentration libre se traduit non seulement par
une meilleure efficacité de l’acide valproïque, mais aussi par une augmentation des
effets indésirables puisque c’est la fraction
libre du médicament qui s’avère pharmacologiquement active. Ainsi, pour un
médicament à faible extraction hépatique
(tableau III), lorsqu’une concentration
totale s’avère basse en présence d’hypoalbuminémie, il importe de résister à l’envie
d’augmenter la dose, car bien que la concentration totale soit basse, la concentration
libre, elle, demeure élevée.
L’incidence des intoxications par l’acide
valproïque est en hausse aux États-Unis13.
Heureusement, environ 50 % des patients
ne présentent que des symptômes mineurs
et la mortalité se situe autour de 2 %13. La
majorité des patients intoxiqués par l’acide
valproïque présentent un dysfonctionnement du système nerveux central (SNC)
d’intensité variable selon les concentrations
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sanguines d’acide valproïque : somnolence,
léthargie, hallucinations, encéphalopathie
avec ou sans hyperammoniémie, myoclonie, tremblement, convulsion, œdème cérébral et, plus rarement, de la dysarthrie, du
nystagmus et de l’ataxie12-15. Les symptômes
impliquant d’autres systèmes sont les suivants : nausée, vomissement, détresse respiratoire, bloc auriculo-ventriculaire, hépatotoxicité, troubles métaboliques (altération
du cycle de l’urée et du métabolisme des
acides gras), pancréatite, anémie, leucopénie, thrombocytopénie, troubles électrolytiques et insuffisance rénale12,13,16,17.
Fait intéressant à noter, l’acide valproïque
pourrait diminuer l’albuminémie. En effet,
quelques rapports de cas ont démontré une
diminution de l’albuminémie à la suite de
l’introduction de l’acide valproïque18. Cette
hypo-albuminémie serait transitoire lors de
l’introduction de l’acide valproïque, mais
elle pourrait tout de même avoir un impact
significatif au début du traitement18. Par
ailleurs, une augmentation des acides gras
libres pourrait à son tour augmenter la fraction libre d’acide valproïque, car ceux-ci
entrent en compétition avec l’acide valproïque au niveau des sites de liaison à l’albumine3-5. De plus, il est important de se rappeler que l’acide valproïque peut altérer le
métabolisme des acides gras13. Il est à noter
que les acides gras libres peuvent être augmentés chez les patients urémiques, les
patients atteints d’une maladie hépatique,
les patients hypertriglycéridémiques ou lors
d’une infusion d’acides gras (alimentation
parentérale)3. Enfin, une hyperbilirubinémie peut elle aussi engendrer un déplacement de l’acide valproïque des sites de
liaison à l’albumine et ainsi favoriser une
augmentation de la fraction libre5. Ainsi, les
dosages des acides gras libres et de la bilirubine sont potentiellement deux autres paramètres à documenter dans le contexte d’une
augmentation de la fraction libre d’acide
valproïque sans autre cause apparente.
Le cas présenté impliquait un médicament
à faible extraction hépatique. Dans le cas d’un
médicament à forte extraction hépatique
(tableau III), lorsque la fraction libre augmente, il n’y a pas d’augmentation de la Cltot,
car Cltot ≈ Q, où Q représente le débit sanguin
hépatique10. De cette manière, la concentration totale à l’équilibre ne change pas, car
Ctotéq = F x (D / t) / Cltot, alors que la concentration libre à l’équilibre du médicament augmente puisque Clibreéq = flibre x Ctotéq10. Par
conséquent, en présence d’une hypo-albuminémie, l’augmentation de la concentration
libre et de la réponse pharmacologique d’un
médicament à forte extraction hépatique est
plus importante, comparativement à un
médicament à faible extraction hépatique10.
Tel que mentionné précédemment, les
réactions médicamenteuses non immunologiques sont prévisibles si l’on fait un suivi
adéquat. Par contre, la fraction libre et la
concentration libre des médicaments
demeurent parfois difficilement prévisibles.
Ainsi, Dasgupta A. suggère que pour plusieurs médicaments ayant une liaison aux
protéines plasmatiques de plus de 80 %, un
monitorage des concentrations libres serait
plus adéquat que le monitorage habituel des
concentrations totales, notamment pour les
anticonvulsivants (phénytoïne, carbamazépine et acide valproïque)9. Du moins, le
monitorage des concentrations libres serait
particulièrement recommandé chez les
patients urémiques (insuffisance rénale), les
patients avec atteinte hépatique chronique,
les patients avec hypo-albuminémie ou
lorsqu’on suspecte une interaction médicamenteuse3,5,9,10,19. La mesure de la concentration libre d’acide valproïque n’est pas
offerte par tous les laboratoires. Seul un
nombre limité d’entre eux offre ce service.
Pour cette raison, Hermida J. et Tutor C. ont
publié un modèle de correction de la
concentration totale d’acide valproïque
(Ctotcorrigée) en fonction de l’albumine5. Selon
leur modèle, pour une albumine à 21 g/L, la
Ctotcorrigée est de 1067 µmol/L5. Ce modèle ne
semble pas tout à fait précis et ne remplace
pas le dosage de la concentration libre, mais
il peut tout de même s’avérer utile si le
dosage de la concentration libre n’est pas
disponible dans un délai raisonnable.
Imputabilité
La chronologie des événements et la présentation des signes et symptômes ont
rapidement orienté le diagnostic vers une
intoxication par l’acide valproïque. La documentation médicale abondait aussi en ce
sens, quoique certaines données aient été
limitées. Les symptômes présentés par S.M.
à l’admission (confusion, désorientation,
ralentissement psychomoteur) avaient tout
d’abord été attribués au syndrome de Wernicke. S.M. avait une légère hypo-albuminémie à l’admission donc, a posteriori, l’intoxication pouvait être légère à ce moment
(tableau II). L’hypo-albuminémie s’est ac-­
cen­tuée au cours de l’hospitalisation, ce qui
peut effectivement expliquer la détérioration
de l’état du patient. Chez ce dernier, la faible
concentration totale d’acide valproïque peut
s’expliquer par l’augmentation de sa clairance
à la suite de l’augmentation de sa fraction libre.
Suite à la page 52 
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
49
Pharmacovigilance
Toutefois, l’interprétation est difficile puisqu’aucun dosage avant l’épisode en question
n’était disponible. Pour ce qui est de la concentration libre d’acide valproïque, on ne dispose
que d’une seule valeur, il est donc impossible
de la comparer; néanmoins, cette valeur de
122,2 µmol/L dépasse l’intervalle thérapeutique de 28 à 104 µmol/L, ce qui nous a permis
d’objectiver l’intoxication. La concentration
libre d’acide valproïque était élevée, probablement parce que l’équilibre n’était pas atteint,
ou bien parce que la clairance intrinsèque avait
peut-être diminué vu l’état du patient. L’impact des métabolites de l’acide valproïque était
difficile à quantifier, mais ces derniers auraient
pu effectivement contribuer aux symptômes.
Les signes et symptômes de S.M. ont grandement diminué à la suite de l’arrêt de l’Epival.
Ainsi, avec l’arrêt de l’Epival et la poursuite du
traitement du syndrome de Wernicke, l’état du
patient s’est nettement amélioré tant sur le
plan cognitif que moteur : ces deux mesures
sont probablement responsables de cette amélioration. Toutefois, cette dernière est vraiment
survenue à la suite de l’arrêt de l’Epival, ce qui
permet de croire à une forte implication du
médicament. Par ailleurs, aucune autre cause
de dysarthrie et d’astérixis n’a été identifiée.
Ainsi, un résultat de 8 est obtenu lorsque
l’échelle de probabilité d’effets indésirables
médicamenteux de Naranjo est appliquée à la
situation20, ce qui signifie qu’une intoxication
par l’acide valproïque est probablement responsable de l’état de S.M. Il n’y a toutefois pas
eu de deuxième essai thérapeutique avec l’Epival, puisqu’il n’y avait aucune indication claire
pour S.M.
clairement démontrés. La naloxone à raison
de 0,8 à 2 mg peut s’avérer efficace pour renverser la dépression du SNC, probablement
via l’inhibition des effets du GABA2,16,21. La
L-carnitine peut s’avérer utile pour renverser l’hyperammoniémie et l’hépatotoxicité
induite par l’acide valproïque puisque toutes
deux seraient médiées par une déficience en
carnitine. L’administration de L-carnitine
50 mg/kg/dose (1 à 3 doses par jour) est
recommandée chez les patients présentant
une hyperammoniémie, un coma ou un
dysfonctionnement hépatique13,16,17. Toutefois, la dose, la posologie et la durée de traitement optimales ne sont pas clairement
définies. Enfin, les techniques favorisant une
augmentation de l’élimination de l’acide
valproïque, telles que l’hémodialyse et l’hémoperfusion, sont rarement indiquées puisque l’acide valproïque est fortement lié aux
protéines plasmatiques. Toutefois, la concentration libre d’acide valproïque peut s’avérer
élevée dans un tel contexte : un dosage
d’acide valproïque libre pourrait donc se
révéler utile13. Par conséquent, les techniques d’élimination extracorporelle sont
réservées aux cas réfractaires, mais elles
pourraient être utiles dans un contexte
d’hypo-albuminémie ou dans une autre
situation où la fraction libre est grandement
augmentée13. Dans le cas de S.M., une intoxication par l’acide valproïque a rapidement
été suspectée et on a aussitôt cessé l’Epival.
Mis à part le traitement de soutien (hydratation) et un suivi plus étroit, aucun traitement spécifique ne s’est avéré nécessaire.
Une administration de naloxone aurait
peut-être pu permettre une récupération
plus rapide.
Traitement
Conclusion
Dans la plupart des intoxications médicamenteuses, l’arrêt rapide du médicament en
cause demeure une action importante à
entreprendre, de même que l’évaluation de
la quantité de médicament ingérée12. L’approche initiale d’une intoxication par l’acide
valproïque dépend des signes et des symptômes présentés par le patient : le traitement
de soutien est le principal traitement13,16. La
décontamination gastro-intestinale avec du
charbon activé en dose unique ou multiple
peut être envisagée chez certains patients,
particulièrement dans un contexte d’ingestion aiguë de comprimés à longue durée
d’action, mais elle s’avère moins utile dans
un contexte d’intoxication chronique13,16. La
naloxone et la L-carnitine sont deux médicaments potentiellement utiles dans un
contexte d’intoxication par l’acide valproïque, quoique leurs bénéfices n’aient pas été
La meilleure prévention des intoxications
médicamenteuses demeure un suivi adéquat des effets indésirables et, dans les cas
où il est disponible, le monitorage des
concentrations sanguines s’avère très utile.
Toutefois, pour certains médicaments, il est
important de tenir compte d’autres paramètres en plus des concentrations sanguines, notamment l’albuminémie. Le pharmacien est le professionnel de la santé tout à
fait désigné pour interpréter les dosages des
concentrations sanguines des médicaments
en fonction des autres paramètres de laboratoire. Le dosage de la concentration libre
de certains médicaments peut se révéler
utile dans différentes situations où la fraction libre peut être augmentée, mais cette
analyse de laboratoire reste présentement
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Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
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Intoxication par l’acide valproïque secondaire à une hypo-albuminémie
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difficile d’accès. À l’heure actuelle, la pierre angulaire en matière
d’intoxication par l’acide valproïque demeure l’arrêt rapide du
médicament. Le traitement de soutien a aussi une grande importance en ce qui concerne le soulagement des signes et des symptômes associés. La décontamination gastro-intestinale peut être
recommandée dans certaines situations. De plus, on peut envisager
un traitement spécifique par la naloxone et la L-carnitine dans les
cas plus graves. Enfin, les techniques d’élimination extracorporelle
sont réservées aux cas réfractaires. n
Références
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advances in diagnosis and management. Lancet Neurol 2007; 6(5) : 442-55.
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Med J 2007; 24(9) : 677-8.
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Questions de formation continue
15) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ?
A.Le pharmacien peut jouer un rôle déterminant dans
la prévention des effets indésirables médicamenteux
et des intoxications médicamenteuses.
B.La L-carnitine devrait être utilisée chez tous les patients
intoxiqués par l’acide valproïque.
C.La naloxone peut s’avérer utile pour renverser la
dépression du SNC.
D.Le traitement de soutien demeure le principal
traitement d’une intoxication par l’acide valproïque.
E.Le monitorage des concentrations libres est particulièrement recommandé chez les patients avec atteintes
hépatique et/ou rénale, les patients avec hypoalbuminémie ou lorsqu’on suspecte une interaction médicamenteuse.
16) Parmi les énoncés suivants, lequel est vrai ?
A.Il est indiqué d’effectuer un monitorage des concentrations sanguines pour tous les médicaments.
B.Pour les médicaments à faible extraction hépatique,
lorsque la concentration totale est en dessous de
l’intervalle thérapeutique en présence d’une hypo-albuminémie, il faut augmenter la dose afin d’obtenir une
concentration totale dans l’intervalle thérapeutique.
C.En présence d’une hypo-albuminémie, l’augmentation
de la concentration libre et de la réponse pharmacologique d’un médicament à forte extraction hépatique
est plus importante, comparativement à un médicament à faible extraction hépatique.
D.L’hémodialyse et l’hémoperfusion sont toujours
inutiles dans un contexte d’intoxication par l’acide
valproïque puisque cette molécule se lie fortement aux
protéines plasmatiques.
E.L’administration de charbon activé est particulièrement
indiquée dans les cas d’intoxication chronique par
l’acide valproïque.
Veuillez reporter vos réponses
dans le formulaire de la page 90 
septembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie
55
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2,8 UFC de l’OPQ
septembre 2009
Répondre à 10
des 16 questions proposées
Date limite :
11 décembre 2009
Réponses au
questionnaire
de févriermars 2009
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N° de permis :
Année d’obtention du diplôme :
Nom :
Prénom :
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Télécopieur (bureau) :
Courriel :
Adresse :
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Hôpital
Province :
Industrie
Université/enseignement
Propriétaire de pharmacie
Indépendant
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Bannière
Gouvernement
Code postal :
Autre – spécifiez :
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Temps complet
Chaîne/franchise
Temps partiel
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