La Vie économique 8-2004 77 e année CHF 14.90 Page 3 Thème du mois: Page 43 La productivité de la Suisse dans les années nonante Page 53 L’assurance-chômage en 2003 Page 62 Les énergies renouvelables Les stratégies contre la pauvreté Sommaire Thème du mois 3 Éditorial Oscar Knapp 4 L’Agenda 2010 de la Coopération économique au développement pour la réduction de la pauvreté Brigitte Chassot et Elodie de Warlincourt 9 Comment atteindre les Objectifs de développement pour le Millénaire Zia Qureshi 14 Les stratégies de lutte contre la pauvreté: une chance pour la coopération suisse au développement économique? Monica Rubiolo 18 L’impact des fonds de capital-risque sur les petites et moyennes entreprises 22 Commerce et chaînes de valeurs ajoutées; une stratégie de lutte contre la pauvreté 4 Sans croissance économique ni soutien macroéconomique, promotion du secteur privé et intégration dans l’économie mondiale, il ne sera guère possible de réduire encore la pauvreté qui gangrène notre planète. Ces éléments sont au centre de l’Agenda 2010 pour la lutte contre la pauvreté du Secrétariat d’État à l’économie (seco). Ce dernier expose, dans le thème du mois, ses objectifs et instruments pour la coopération économique au développement. La Banque Mondiale présente, en outre, son Rapport de suivi sur les progrès accomplis vers les Objectifs de développement pour le Millénaire. Claude Barras Hans-Peter Egler Points de vue politico-économiques 28 Les entreprises contribuent à lutter contre la pauvreté en usant de pratiques responsables Klaus M. Leisinger 30 Logique économique et solidarité de la politique de développement 32 Le commerce équitable contribue au développement Hans-Balz Peter Sibyl Anwander Phan-huy 34 Promouvoir durablement le secteur privé Urs Egger 35 Lutte contre la pauvreté: la question essentielle est occultée Peter Niggli 36 43 L’évolution de la productivité dans les années nonante en Suisse a été évaluée à différents endroits. Tandis que l’OCDE arrive à un petit 0,4% par an, le Rapport sur la croissance du DFE en 2002 parle de presque 1% et d’autres calculs de 1,5%. Ces écarts s’expliquent par la façon dont les différentes séries de données sont traitées. Pour éliminer ces différences, les auteurs ont établi une statistique de synthèse à partir des données de base existantes, qui renseigne sur l’évolution réelle de la productivité. La contribution des banques à la lutte contre la pauvreté René P. Buholzer 37 Deux exemples de la participation de Nestlé à la lutte contre la pauvreté Hans Jöhr Économie suisse 38 43 Agenda de politique économique De l’évolution de la productivité en Suisse dans les années nonante: quel était son véritable niveau de faiblesse? Peter Balastèr et Marc Surchat 46 Mesure et développement de la recherche économique dans les universités suisses Miriam Hein et Heinrich Ursprung 49 53 La dégradation du marché du travail, qui s’observe depuis 2001, a continué en 2003. Au milieu de l’année, on comptait 145 687 chômeurs, soit un taux de 3,7%. Le compte ordinaire de l’assurance-chômage présentait une perte de plus de 800 millions de francs en 2003. Cette année a également été celle où la nouvelle loi sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité (LACI) est entrée en vigueur. La trésorerie de la Confédération en 2003 Peter Thomann 53 L’assurance-chômage en 2003 Dominique Babey International 58 La force insoupçonnée de l’économie colombienne Andréa Schmid-Riemer 62 Les énergies renouvelables en Suisse et dans le monde Jean-Christophe Füeg Données économiques actuelles 67 Sélection de tableaux statistiques Thème du mois du prochain numéro: Les accords bilatéraux II 62 Bien que la production d’énergies renouvelables aient doublé au niveau mondial depuis les années septante, sa quote-part dans la production d’électricité a diminué. À l’initiative de l’Allemagne, une conférence internationale sur le sujet «Renewables2004» s’est tenue à Bonn au début du mois de juin de cette année. Son but était de réunir la communauté internationale derrière un plan d’action destiné à en assurer la promotion. Centres de congrès et hôtels séminaires CH-3700 Spiez am Thunersee Pour des séminaires réussis BUSINESS AS U NU S UA L Vos hôtes Rosmarie Seiler-Bigler & Markus Schneider Tél.: (033) 655 66 66 Fax: (033) 654 66 33 Impressum Tel. 033 226 12 12 • Fax 033 226 15 10 www.seepark.ch • [email protected] Publication: Département fédéral de l’Économie (DFE), Secrétariat d’État à l’économie (seco) Comité de rédaction: Aymo Brunetti (président du comité), Rita Baldegger, Christian Maillard, Manuel Sager, Eric Scheidegger, Geli Spescha, Markus Tanner, Boris Zürcher L’HOTEL POUR DE SEMINAIRE DANS LE PAYS D’APPENZELL Salles de séminaires ultra modernes dotées d'une infrastructure complète pour des formations, exposés, congrès et cours; chambres confortables et gastronomie de première fraîcheur. Environnement idyllique (réserve naturelle). Demandez notre brochure. Idyll Gais, 9056 Gais Tél. 071 793 11 45, Fax 071 793 31 92 www.idyll-gais.ch Rédaction Effingerstrasse 1, 3003 Berne Téléphone 031 322 29 39/18 Fax 031 322 27 40 Courriel: [email protected] Direction générale: Markus Tanner Rédacteur en chef: Geli Spescha Rédaction: Urs Birchmeier, Simon Dällenbach, Käthi Gfeller, Christian Maillard, René Sintucci La teneur des articles reflète l’opinion de leurs auteurs et ne correspond pas nécessairement à celle de la Rédaction. Reproduction autorisée avec l’accord de la Rédaction, avec indication de la source; remise de justificatifs souhaitée. 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ISSN 1011-386X Thème du mois Éditorial La coopération économique au développement: un partenariat pour la réduction de la pauvreté La nouvelle vague de mondialisation qui s’est imposée à partir des années nonante a soumis les pays en développement a de fortes pressions; elle leur a aussi et avant tout ouvert de formidables perspectives. Le Secrétariat d’État à l’économie (seco) intervient au cœur de cette dynamique en favorisant des conditions-cadres propices à une croissance économique durable dans les pays du Sud et de l’Est. Il encourage leur intégration dans l’économie mondiale en mettant en œuvre des programmes de soutien macroéconomique, de promotion des investissements et du commerce. La diminution de la pauvreté dans ces pays demeure notre but principal. Elle ne se réalisera que par leur participation plus large et mieux adaptée au processus de mondialisation. Des efforts substantiels sont encore nécessaires pour sortir 1,2 milliard de femmes et d’hommes de l’extrême pauvreté où ils se trouvent. Ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra renforcer les partenariats économiques et réduire les tensions politiques, l’insécurité, les flux migratoires et les déséquilibres environnementaux. La coopération économique au développement est donc tout à fait compatible avec les intérêts propres de notre pays. En adoptant en 2001 sa «Stratégie 2006», la Coopération économique au développement du seco s’est engagée dans un processus qui s’intègre dans la politique économique extérieure de la Suisse. La croissance économique, la mobilisation des ressources privées et l’intégration des pays en développement dans l’économie mondiale sont les piliers sur lesquels repose notre réflexion. Celle-ci se traduit par des programmes innovants et à forte valeur ajoutée en matière de coopération liée au commerce, de conseils, d’appui et de financement des entreprises, ainsi que de développement des infrastructures publiques. Le seco participe également à des initiatives majeures telles que le désendettement des pays les plus pauvres. Nous adhérons ainsi pleinement au partenariat global pour la réduction de la pauvreté tel que l’ONU le définit dans ses Objectifs de développement du Millénaire. Notre approche a fait ses preuves et s’intègre dans l’agenda international. A l’avenir, nous souhaitons faire plus encore. Nous voulons renforcer l’impact de nos interventions en affinant les instruments dont nous disposons et en nous concentrant sur des objectifs concrets et mesurables. C’est dans cet esprit, que nous travaillons et voulons mettre en œuvre l’Agenda 2010 de coopération économique au développement pour la réduction de la pauvreté. Oscar Knapp Ambassadeur, chef de la Coopération économique au développement, membre du Comité de direction, Secrétariat d’État à l’économie, Berne Thème du mois L’agenda 2010 de la Coopération économique au développement pour la réduction de la pauvreté D’ici l’automne, le Secrétariat d’État à l’économie (seco) se dotera d’un agenda destiné à renforcer son engagement en faveur de la réduction de la pauvreté dans les pays en développement et en transition à l’horizon 2010. Cette action est au cœur du mandat de la coopération économique au développement du seco et s’inscrit dans le cadre d’une stratégie basée sur la croissance économique – soutenue et durable – dans ces pays ainsi que de Lutter contre la pauvreté dans le cadre d’un partenariat global Durant la dernière décennie, la pauvreté a été combattue avec succès dans de nombreux pays. Ceux qui se sont ouverts aux échanges et aux investissements internationaux ont généralement connu une croissance économique plus forte que dans les pays industrialisés et leurs exportations ont progressé à un rythme supérieur à la moyenne mondiale. La pauvreté y a connu un réel recul.La proportion de la population vivant avec moins d’un dollar par jour a fortement baissé et les indicateurs tels que la mortalité infantile, l’espérance de vie, l’alphabétisation et la consommation privée par habitant ont évolué dans la bonne direc- leur intégration dans l’économie mondiale. Alors que les approches reposant sur les principes du marché, l’initiative privée et la promotion des échanges ont dans une très large mesure fait leurs preuves, les progrès enregistrés sont encore insuffisants Brigitte Chassot Cheffe de la Task Force Questions stratégiques, Secrétariat d’État à l’économie (seco), Berne Élodie de Warlincourt Secteur Controlling, Secrétariat d’État à l’économie (seco), Berne tion. Il serait, toutefois, difficile de se satisfaire de ces résultats. Plus de 1,2 milliard de personnes – dont 70% de femmes – vivent encore en-dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs d’importantes disparités régionales subsistent: la pauvreté augmente rapidement en Europe du Sud-Est et en Asie centrale et continue de croître en Afrique sub-saharienne. En Asie du Sud, alors que la pauvreté globale a fortement baissé au cours des deux dernières décennies, 490 millions de personnes vivent toujours avec moins d’un dollar par jour. La réduction de la pauvreté demeure le défi mondial le plus important. Les tensions politiques, l’insécurité, les flux migratoires et les catastrophes écologiques sont souvent exacerbés par la pauvreté. Ainsi, au-delà de notre engagement en faveur de la solidarité internationale, il est également dans notre intérêt de combattre la pauvreté non seulement pour des raisons de sécurité et de stabilité internationales, mais aussi parce que les pays en développement et en transition sont nos partenaires économiques de demain si ce n’est déjà d’aujourd’hui. Ce constat est à l’origine des ODM que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté en 2000 pour réduire la pauvreté de moitié, combattre l’analphabétisme, la mortalité maternelle et pour atteindre les Objectifs de développement du Millénaire (ODM). Le seco doit poursuivre les efforts entrepris en précisant ses orientations et en affinant ses instruments, tout en les traduisant par des engagements concrets et mesurables. Par le biais d’une vaste palette novatrice de services et de financement, le seco est à même de soutenir les PME dans toutes les phases d’investissement, de production, de soustraitance et d’échange commercial. En illustration: entreprise de crevettes biologiques au Vietnam soutenue par le seco. Photo: seco 4 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Thème du mois Tableau 1 La contribution du seco aux ODM (2015) 1. Réduire l’extrême pauvreté et la faim Renforcement des conditions-cadres (aide budgétaire, désendettement, soutien au secteur financier) Promotion des investissements Coopération liée au commerce (efficacité commerciale, commerciale, produits de base, accès au marché) Développement des infrastructures de bas (env. 45% de l’aide du seco) 2. Assurer l’éducation primaire pour tous Pas d’activités directes, mais effets découlant de l’assainissement des finances publiques 3. Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes Intégration de la question dans les opérations menées 4. Réduire la mortalité infantile 5. Améliorer la santé maternelle 6. Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies Pas d’activités directes, mais effets découlant de l’assainissement des finances publiques 7. Assurer un environnement durable Développement des infrastructures de base Coopération en matière de technologies environnementales Intégration de la question dans les opérations menées (env. 25% de l’aide du seco) 8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement et notamment poursuivre la mise en place d’un système commercial et financier multilatéral ouvert, traiter globalement le problème de la dette des pays en développement, et créer des emplois décents et productifs pour les jeunes. Coopération liée au commerce (accès aux marchés, accession OMC et politique commerciale) Coopération avec les banques multilatérales de développement Soutien au secteur financier Mesures de désendettement Technologies de communication et d’information. (env. 25% de l’aide du seco) Source: seco / La Vie économique Encadré 1 Les principaux axes stratégiques 2001–2006 de la Coopération économique au développement – Promouvoir l’économie de marché et favoriser une croissance soutenue et durable dans les pays partenaires. – Soutenir les réformes qui favorisent une intégration accrue des pays partenaires dans l’économie mondiale. – Promouvoir la mise en œuvre du principe de bonne gouvernance; – Contribuer à une mobilisation accrue des ressources privées, dans les pays partenaires et en Suisse. – Renforcer la présence et la position de la Suisse au sein des banques multilatérales de développement. infantile, l’inégalité entre hommes et femmes ou la dégradation de l’environnement d’ici à 2015. Au travers d’une palette d’indicateurs ciblés et mesurables, les ODM représentent le nouveau paradigme de la coopération internationale. Alors que les gouvernements des pays en développement et en transition sont les premiers responsables de la réalisation de ces objectifs, la pauvreté ne pourra être efficacement combattue que dans le cadre d’un partenariat global et à travers un soutien accru de la communauté internationale. En 2005, le seco et la Direction du développement et de la coopération (DDC) exposeront à l’Assemblée générale de l’ONU les efforts que la Suisse a entrepris pour soutenir ce partenariat. Pleinement engagé dans ce processus, notre pays doit, à la lumière des conclusions des récents rapports intermédiaires du Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) et de la Banque Mondiale, donner une impulsion nouvelle à sa coopération, notamment: – en augmentant le volume de son aide au développement; – en augmentant l’efficacité de ses programmes; – en renforçant la cohérence de ses programmes. 5 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Dans cette perspective, le seco ne veut pas se contenter d’un état des lieux. Il adopte une approche pro-active visant, d’une part, à analyser et positionner sa contribution à la lutte contre la pauvreté et, d’autre part, à renforcer l’impact de ses interventions au travers d’engagements ciblés, concrets et mesurables. Approche et engagements du seco La stratégie 2006,élaborée par le seco,constitue le cadre de référence de la coopération économique au développement. La lutte contre la pauvreté y occupe la place principale. La coopération économique au développement telle que définie dans la stratégie 2006 du seco a fait ses preuves et est pleinement intégrée dans l’agenda international. Les ODM ne pourront pas être atteints dans les pays en développement et en transition sans une croissance économique suffisante, davantage de stabilité macroéconomique, un secteur privé renforcé et leur intégration dans l’économie mondiale. Le but de l’agenda n’est donc pas de définir une nouvelle approche mais de préciser les orientations choisies et d’améliorer les instruments dont nous disposons pour renforcer leur pertinence et augmenter leur valeur ajoutée en matière de réduction de la pauvreté. Pour ce faire, le seco a entrepris, dans un premier temps, d’analyser la logique de son engagement au travers des cinq axes stratégiques principaux de coopération économique au développement. Il a ensuite cherché à spécifier les domaines à privilégier afin de mieux cibler son soutien. Il s’agit pour les pays en développement et en transition de profiter des nouvelles opportunités de la mondialisation, de renforcer leurs capacités humaines, institutionnelles et sociales et de réduire leur vulnérabilité à l’égard des chocs et des déséquilibres économiques. Aider les pays en développement à exploiter les opportunités de la mondialisation Le processus d’internationalisation des marchés, d’échanges de biens et services, de capitaux et de travailleurs, appelé mondialisation, est un formidable moteur d’intégration et offre de nouvelles opportunités aux pays en développement et en transition. Il leur impose également de réformer leurs structures, politiques et institutions de manière à élargir leurs compétences et répondre ainsi à un environnement en perpétuelle évolution. Adapter les produits pour pénétrer de nouveaux marchés, accéder à l’information et aux nouvelles technologies ou évoluer dans des marchés financiers extrêmement volatiles sont des difficultés auxquelles les pays partenaires doivent pouvoir faire face pour assurer leur développement économique et social. Le seco inter- Thème du mois Dans le cadre de son soutien au secteur privé, le seco renforce les capacités de gestion des entreprises et s’engage en faveur d’une transformation des produits de base dans les pays producteurs. En illustration: fabrique de chaussettes en Azerbaïdjan rénovée par Swisstex avec le soutien de la Sofi. Photo: seco vient au cœur de la logique de mondialisation en aidant par des mesures complémentaires les pays partenaires à en relever les défis tout en soutenant les forces du marché, principal instrument de lutte contre la pauvreté. En favorisant la mise en place de conditions-cadres propices au développement de l’initiative privée et en stimulant les investissements et les échanges, la Coopération économique au développement contribue directement au développement de l’économie locale et soutient la participation des pays partenaires à l’économie mondiale. Dans ce contexte, le soutien au secteur privé joue un rôle essentiel pour stimuler la croissance économique et réduire la pauvreté en raison des emplois, des savoir-faire et des revenus fiscaux qu’il génère. Les PME constituent la majeure partie du secteur privé dans les pays en développement et en transition, il s’agit donc de mettre l’accent sur leur développement en développant leurs compétences, en stimulant leur créativité,en favorisant la mise en place de méthodes de production modernes et efficaces, en renforçant leur capacité de gestion, en facilitant leur financement ou en les aidant à 6 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 trouver des débouchés pour leurs produits. Par le biais d’une vaste palette novatrice de services et de financement, le seco est à même de soutenir les PME dans toutes les phases d’investissement, de production, de sous-traitance et d’échange commercial. Ces activités sont complétées par la mise en place avec les gouvernements partenaires, de programmes ciblés pour améliorer des conditions-cadres souvent défavorables, telles qu’un système juridique peu développé, des procédures bureaucratiques excessives, un accès aux marchés limité et peu transparent, ou encore un secteur financier peu performant. Citons quelques exemples d’engagements concrets pris à l’horizon 2010 en ce domaine: – participation accrue de la population pauvre à la chaîne d’exportation en renforçant les programmes destinés à des secteurs tels que l’agriculture, la biodiversité ou les services; – poursuite des efforts fournis en faveur de l’adoption et de la diffusion de standards environnementaux et sociaux, notamment par le biais du commerce équitable et des ressources biologiques qui touchent particulièrement les petits producteurs en leur offrant des revenus et des conditions de travail décents; – développement de mécanismes de financement novateurs et accessibles pour les pauvres en augmentant le nombre de lignes de crédit en monnaie locale, de lignes de crédits vertes, de facilités de «leasing» ou de micro-financement; – amélioration systémique et renforcement institutionnel du système financier national en vue de faciliter l’accès aux pauvres à des options de dépôts crédibles et des prêts non usuriers. Renforcer les capacités humaines, institutionnelles et sociales Améliorer la capacité des pays pauvres et les compétences des plus démunis est fondamentale pour les aider à prendre leur destin en main, gérer leur développement économique et exploiter pleinement leur potentiel. Le seco soutient les processus de réforme et de renforcement des capacités des gouvernements partenaires en mettant en place des programmes en matière de gestion budgétaire, de mobilisation des revenus fiscaux, d’appui au secteur financier et de gestion de la dette dans le cadre de mécanismes participatifs développés autour des stratégies nationales de réduction de la pauvreté. En soutenant le secteur privé, le seco souhaite plus particulièrement renforcer les capacités de gestion des entreprises et faciliter leur accès aux services et à l’information. Le renforcement des associations professionnelles sectorielles et des chambres de commerce, la Thème du mois La contribution de la Suisse à la réduction de la pauvreté s’articulera autour d’un rapport qui tirera un bilan de la mise en œuvre des ODM, et que celle-ci rendra public lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en 2005. En illustration: cérémonie d’ouverture du Sommet de Johannesburg. création de centres de services spécialisés ou le développement de services d’accréditation et de certification élargit et améliore le savoirfaire, la productivité et la compétitivité des PME des pays partenaires. Le seco promeut également activement la concurrence, en renforçant notamment la protection des consommateurs. Citons quelques exemples d’engagements concrets pris à l’horizon 2010 dans ce domaine: – poursuite des efforts en faveur d’une gestion responsable des finances publiques en vue d’accroître l’impact des dépenses publiques sur les pauvres, réduire la corruption et améliorer la cohérence entre priorités budgétaires et celles définies dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté; – encouragement à l’innovation et à l’esprit d’entreprise pour favoriser l’émergence d’un nombre accru de PME capables de créer des emplois durables et de promouvoir l’engagement et la formation d’employés non-qualifiés; – renforcement des activités en matière d’information et de services aux entreprises en vue d’accroître leur compétitivité sur les marchés nationaux et internationaux; – renforcement des capacités des pays partenaires pour formuler leurs besoins et défendre leurs intérêts à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), notamment dans des secteurs particulièrement sensibles en matière de réduction de la pauvreté. Réduire la vulnérabilité à l’égard des déséquilibres et des chocs économiques Les crises financières ou l’instabilité macroéconomique, en particulier une inflation galopante, accentuent les inégalités sociales et renforce la spirale de la pauvreté. La stabilité macroéconomique permet aux acteurs économiques d’opérer dans un environnement prévisible et d’offrir des places et des conditions de travail durables. De même, des systèmes financiers sains et performants favorisent la croissance économique et contribuent à prévenir et résoudre les crises financières. La soutenabilité de la dette et l’assainissement des finances publiques sont également essentiels pour libérer des ressources additionnelles qui se reporteront sur des activités susceptibles de réduire la pauvreté, en assurant notamment l’approvisionnement en service sociaux de base et en infrastructures économiques. Pour un grand nombre de pays pauvres, les matières premières continuent de constituer une importante source de revenus et de devises. Pour réduire leur vulnérabilité aux variations de cours et aux catastrophes naturelles, le seco s’engage activement en faveur d’une diversification de la base productive, de la transformation des produits de base dans les pays producteurs et de la mise en place de mécanismes destinés à lutter contre la fluctuation des prix. L’amélioration des capacités de gestion des risques au niveau des entreprises locales est également une préoccupation du seco. Celui- Photo: Keystone 7 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Thème du mois ci met à disposition des pays partenaires divers instruments et services pour faciliter leur financement et encourager l’échange d’informations entre producteurs ou PME sur les risques du marché. Le seco s’engage, enfin, dans un dialogue politique constructif avec les gouvernements partenaires pour les aider à mettre en place des conditions-cadres propices à la stabilité et au développement économiques, à renforcer les principes démocratiques et le respect de la bonne gouvernance. Citons quelques exemples d’engagements concrets pris à l’horizon 2010 dans ce domaine: – soutien actif à des mécanismes de protection contre la fluctuation des prix des matières premières et la prise de risque en vue d’augmenter la prédictibilité des revenus, en particulier ceux des pauvres, majoritairement employés dans ces secteurs; – appui à des mécanismes novateurs de financement des infrastructures pour promouvoir une gestion efficace et durable (recouvrement des coûts) des installations, tout en permettant aux couches défavorisées de la population d’y accéder plus largement (filets sociaux de sécurité); – poursuite de l’engagement actif en faveur d’une réduction de la charge de la dette qui pèse sur les pays les plus pauvres de manière à renforcer la stabilité macroéconomique des pays partenaires et à allouer des ressources additionnelles à des activités prioritaires en matière de réduction de la pauvreté; – encouragement à mieux prendre en compte les conditions-cadres dont bénéficient les investissements dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté en vue de promouvoir un cadre juridique cohérent, stable, transparent et propice au développement du secteur privé. L’efficacité au service de la réduction de la pauvreté Le seco soulève une autre question dans son agenda pour la réduction de la pauvreté, celle de l’efficacité de l’aide. Bien entendu, la notion n’est pas nouvelle, mais de nombreux éléments additionnels rendent l’approche fondamentalement différente de ce qu’elle était auparavant. Depuis quelques années, la gestion des projets repose sur une approche systémique qui comprend toutes les étapes allant de la planification à la clôture de projet en passant par le suivi et l’évaluation. Désormais, ce cycle sera lié, aussi bien en amont qu’en aval, aux ODM et aux stratégies de réduction de la pauvreté du FMI et de la Banque Mondiale. 8 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 L’alignement de l’aide du seco sur ces stratégies a d’autres conséquences. Il impose une meilleure harmonisation avec les pratiques des autres donateurs. Il permet de mettre en place un mécanisme de suivi et de contrôle, conjoint avec tous les partenaires. Enfin, cette orientation phare implique un rôle politique renforcé du seco lors de la fixation des priorités gouvernementales et sur la planification stratégique des pays en développement. Mesurer la performance et les résultats L’établissement d’un lien systématique entre les opérations, la planification par pays et les objectifs de développement est également appelée «gestion axée sur les résultats». Celleci doit permettre de prendre des décisions en fonction des résultats obtenus et donc des capacités d’une institution à mettre en œuvre les objectifs fixés à l’origine. Ces questions sont largement débattues au plan international. La Suisse entend s’associer aux efforts faits dans cette direction pour améliorer son système de qualité. Pour sa part, le seco souhaite renforcer les évaluations des programmes nationaux et sectoriels auxquelles il procède, en impliquant davantage ses partenaires tant des pays en développement que d’autres agences bilatérales et multilatérales. Sa contribution la plus importante s’articulera, cependant, autour du rapport de la Suisse à l’Assemblée générale des Nations Unies qui tirera un bilan de la mise en œuvre des ODM, en 2005. Ce rapport fera état de la contribution de la Suisse au partenariat global engagé dans le cadre de ces objectifs. Il devra, d’une part, refléter les résultats obtenus sur le terrain en termes d’efficacité de l’aide et, d’autre part, établir un bilan des politiques menées en faveur du développement par notre pays au niveau de leur cohérence et de la coordination nécessaire. Thème du mois Comment atteindre les Objectifs de développement pour le Millénaire Dans de nombreux pays, les pauvres n’ont que peu d’espoir de sortir de la misère et de la privation si tous ceux qui participent à la politique du déveveloppement ne se mobilisent pas de toute urgence pour s’attaquer aux racines de la pauvreté. De quels moyens d’action disposentils? Comment assigner les responsabilités? Comment mesurer les progrès dans la lutte contre la pauvreté? C’est pour répondre à ces questions que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), en collaboration avec des organisations partenaires, publieront chaque année un Rapport de suivi mondial («Glo- Le rapport de la Banque Mondiale montre que les objectifs que les Nations Unies souhaitent atteindre en termes de développement souffrent d’un retard considérable dans de nombreux domaines. Il existe, toutefois, des signes positifs. La Chine, par exemple, a enregistré d’importants succès dans sa lutte contre la pauvreté même s’il demeure Photo: Keystone de fortes différences régionales. En illustration: rue à Beijing. bal Monitoring Report»). Le premier de ces rapports est actuellement disponible et fait l’objet de cet article. Les conclusions du Rapport de suivi mondial 2004 Le Rapport de suivi mondial 2004, avertit que, au vu des tendances actuelles, la plupart des pays en développement ne pourront pas atteindre nombre des Objectifs de développement pour le Millénaire (ODM). Ceux-ci, dont le terme a été fixés à l’horizon 2015, servent de référence au monde entier pour la réduction de la pauvreté et l’amélioration de l’accès aux services publics pour tous ceux qui la vivent. Il faut donc que tous, pays riches et pays pauvres, institutions financières internationales, Banque Mondiale et FMI, intensifient leurs actions sans plus tarder. Zia Qureshi Auteur principal et coordonnateur du «Rapport de suivi mondial 2004», Banque Mondiale, Washington DC 9 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 D’après le rapport, les pays industrialisés doivent donner l’exemple et tenir les promesses faites en 2002 à Monterrey1 dans le cadre de la Conférence internationale sur le financement du développement. Ceux-ci s’étaient, en effet, engagés à augmenter l’aide versée et compenser ainsi l’accélération des réformes entreprises dans les pays en développement.1 Depuis cette réunion à Monterrey, l’aide demeure faible par rapport aux vrais besoins et les barrières commerciales limitent fortement les exportations des pays en développement. Les pays en développement doivent progresser au plan politique et sur la voie des réformes pour stimuler la croissance économique et l’accès des pauvres aux services publics. Le message du rapport est clair: il s’agit maintenant d’honorer les engagements du consensus de Monterrey. Certes, les ODM constituent un défi de taille pour tous les pays, développés ou en développement, mais le monde ne peut pas lui tourner le dos. Aux institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale et FMI), nous sommes déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les ODM se réalisent et que les pays concernés puissent concrétiser l’Agenda exposé dans le rapport. Thème du mois Encadré 1 La pauvreté dans le monde: faits et chiffres Le grand déséquilibre de notre temps est le fossé qui sépare les riches et les pauvres. Sur 6 milliards d’individus que comptent notre planète, un milliard d’entre eux détient 80% de la richesse mondiale, alors qu’un autre milliard tente de survivre avec un dollar par jour. Deux milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable; 150 millions d’enfants n’iront jamais à l’école; plus de 40 millions de personnes sont séropositives dans les pays en développement et ont peu d’espoir d’être soignées. L’évolution démographique accentue ce déséquilibre. Au cours des 25 années à venir, la population de la planète augmentera de quelque 2 milliards de personnes, dont seulement 50 millions dans les pays riches. Déséquilibre aussi dans le rapport entre les fonds octroyés par les pays industrialisés au titre de l’aide au développement et d’autres postes. Les subventions agricoles s’élèvent à plus de 300 milliards de dollars US par an dans les pays développés. En 1999, le total des dépenses militaires de tous les pays se montait à plus de 800 milliards de dollars US; aujourd’hui, avec les conflits afghan et irakien, il avoisine probablement les 1000 milliards. En comparaison, en 2002, les pays industrialisés ont dépensé 58 milliards pour l’aide au développement, en d’autres termes seulement 0,23% de leur revenu, le niveau le plus faible depuis 40 ans. 1 La Conférence internationale sur le financement du développement s’est tenue du 18 au 22 mars 2002 à Monterrey (Mexique). Son but était d’établir une base susceptible de mobiliser des ressources suffisantes pour atteindre les objectifs définis dans la Déclaration du Millénaire. C’était la première fois que les pays en développement et industrialisés se réunissaient pour définir une approche globale du financement du développement, celui-ci devant se faire par la mobilisation de fonds privés et publics, internes et externes. 2 Voir www.worldbank.org/afr. 3 La Banque Mondiale désigne ainsi les États qui présentent des institutions et une gouvernance faible, ce qui freine les efforts entrepris en faveur du développement (www1.worldbank.org/operations/licus). 4 Pays dont le PIB/habitant est inférieur à 735 USD (définition de la Banque Mondiale, www.worldbank.org/ data/countryclass/countryclass.html). 5 Pays dont le PIB/habitant est compris entre 736 et 9075 USD. Parmi les pays à revenus intermédiaires, on distingue la tranche inférieure (736 à 2935 USD) de la tranche supérieure (2936 à 9075 USD). La réalisation des ODM est une question qui est à la fois source d’optimisme et d’inquiétude. A l’échelle mondiale, la plupart des régions réussiront à atteindre le premier objectif, qui est de réduire de moitié la pauvreté monétaire entre 1990 et 2015, grâce à une plus forte croissance économique, stimulée par des politiques plus judicieuses. L’Afrique sub-saharienne2 demeure une exception: seuls huit pays, représentant quelque 15% de la population de la région, ont des chances d’atteindre cet objectif. Dans d’autres régions qui, globalement, atteindront cet objectif, de nombreux pays resteront à la traîne. Les pays à faible revenu en difficulté («Low-income countries under stress», Licus)3, dont environ la moitié se trouvent en Afrique, risquent notamment d’être loin du compte. On observe des tendances semblables pour l’objectif qui consiste à réduire de moitié la proportion de personnes souffrant de la faim, et qui fait également partie du premier ODM. Les perspectives sont sombres dans de nombreux domaines et régions Les problèmes touchent davantage de domaines et de régions en ce qui concerne les objectifs liés au développement humain et à l’environnement. Si la croissance économique a une grande influence sur l’éducation et la santé, au même titre que sur la pauvreté monétaire, son influence est nettement moindre sur le développement humain. Les progrès dépendent grandement de l’ampleur et de l’efficacité des mesures déployées. Les facteurs influant sur ces objectifs sont multiples et touchent à plusieurs domaines. Les perspectives sont davantage prometteuses pour l’éducation que pour la santé. D’après les tendances actuelles, plusieurs régions réussiront à garantir une éducation primaire pour tous ou s’en approcheront, avec, une fois encore, des exceptions en Afrique sub-saharienne et peut-être en Asie du Sud, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. C’est dans ces trois dernières régions que les disparités entre hommes et femmes sont les plus marquées. L’objectif était certes d’éliminer les disparités entre les sexes pour l’éducation primaire et secondaire de préférence avant 2005; il apparaît maintenant peu probable que cet objectif soit atteint, même en 2015 pour un tiers des pays en développement.Les perspectives d’égalité des sexes à tous les niveaux d’éducation, y compris tertiaire, sont encore moins réjouissantes. C’est néanmoins le domaine de la santé qui laisse présager le pire. En l’état actuel des choses, les objectifs visant à réduire la mortalité infantile et maternelle, la première des deux tiers et la seconde des trois quarts, entre 1990 et 2015, ne pourront pas être réalisés dans la plupart des 10 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 pays; seuls 15 à 20% d’entre eux semblent sur la bonne voie. Quant à l’objectif qui consiste à stopper la propagation du VIH/sida ainsi que d’autres maladies comme le paludisme et la tuberculose, il se résume, au contraire, à leur extension et suscite bien des découragements. Le risque est particulièrement grand de ne pas parvenir à juguler la propagation du VIH/sida en Afrique sub-saharienne, mais il est aussi élevé dans de nombreux autres pays. Les objectifs sanitaires sont d’autant plus difficiles à réaliser que l’accès à l’eau potable (principalement dans la zone sub-saharienne) et à des conditions sanitaires de base (surtout en Asie du Sud) est loin d’être garanti partout. Réduire de moitié la proportion de la population touchée par ces difficultés avant 2015 signifie approvisionner 1,5 milliard de personnes en eau potable et offrir des conditions sanitaires de base à 2 milliards de personnes. Les progrès actuels représentant environ la moitié de ce qui serait nécessaire, la plupart des pays n’atteindront pas cet objectif. Seul un cinquième des pays environ y arriveront; pour ce qui est des pays à faible revenu, la proportion est encore deux fois moins importante.4 Les tendances mondiales et régionales cachent d’énormes disparités entre États L’Asie de l’Est, qui présente de grandes diversités, est un bon exemple. La région se compose d’une part de pays à revenu intermédiaire 5,comme la Chine et la Thaïlande,qui ont déjà réalisé plusieurs ODM ou sont en passe d’y parvenir. Certains de ces pays mettent au point des programmes «ODM-plus». D’autre part, des pays à faible revenu, comme le Cambodge et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, sont sérieusement à la traîne. Il peut également y avoir des écarts importants au sein d’un même pays, surtout s’il est vaste. Ainsi, si la Chine a déjà atteint l’ODM relatif à la pauvreté monétaire au niveau national,les progrès ont été bien moindres dans certaines provinces,qui présentent encore de grandes poches de pauvreté. Les pays à revenu intermédiaire sont dans l’ensemble bien mieux positionnés que les pays à faible revenu pour réaliser les ODM; nombre d’entre eux les ont déjà atteints ou sont en passe d’y parvenir. Ces pays abritent, toutefois, quelque 280 millions de personnes dont le revenu n’atteint pas un dollar par jour et 870 millions de personnes ne disposent pas de deux dollars par jour.Un certain nombre de ces pays sont en retard pour les ODM qui n’ont pas trait au revenu. La Chine, par exemple, qui a réussi à réduire la pauvreté monétaire de façon spectaculaire, est, d’après les tendances actuelles, encore loin de l’objectif qui concerne la mortalité infantile. Thème du mois ment, sans plus attendre. Dans la droite ligne des principes et des partenariats décidés à Monterrey, toutes les parties doivent intensifier leur action. Le calendrier comporte trois éléments essentiels: – accélérer et intensifier les réformes afin de stimuler la croissance économique; – aider les pauvres et leur donner les moyens de se prendre en charge, intensifier et améliorer l’approvisionnement en services favorables au développement humain; – accélérer la mise en œuvre du partenariat de Monterrey, qui consiste, d’une part, à accompagner l’accroissement des efforts fournis par les pays en développement afin de stimuler la croissance et, d’autre part, à améliorer l’accès des pauvres aux services par un soutien renforcé des pays développés et des institutions internationales. L’objectif qui consiste à éliminer les disparités entre les sexes pour l’éducation primaire et secondaire ne sera vraisemblablement pas atteint même en 2015 pour un tiers des pays en développement. En illustration: classe au Sri Lanka. Photo: Keystone Agir sur plusieurs fronts Certains succès en matière de développement suscitent l’espoir A l’échelle mondiale, l’analphabétisme chez les adultes a été réduit de moitié en l’espace de 30 ans, tandis que l’espérance de vie à la naissance a été prolongée de 20 ans en 40 ans. Certains pays ont progressé particulièrement vite. Le Vietnam, par exemple, un pays à faible revenu,a ramené la pauvreté de 51% à 14% entre 1990 et 2002. Même en Afrique sub-saharienne, certaines réussites augurent bien de l’avenir. En 15 ans, le Botswana est parvenu à multiplier par deux le nombre d’enfants allant à l’école primaire, ce qui signifie qu’il a quasiment atteint l’objectif de l’éducation primaire pour tous. Au cours des années nonante, le Bénin a augmenté son taux d’inscription à l’école primaire de 20 points de pourcentage, tandis que le Mali en faisait autant pour la proportion d’enfants terminant le cursus primaire. En Mauritanie, pour 100 garçons, le nombre de filles à l’école est passé de 67 à 93 entre 1990 et 1996. L’Ouganda a réduit, huit ans de suite durant les années nonante, les taux de contamination par le VIH/sida. La Zambie sera peutêtre sous peu le deuxième pays à ralentir la propagation de ce fléau. Ces exemples montrent que, avec une politique adéquate et les soutiens nécessaires, les progrès sont possibles. Intensifier les efforts en se fondant sur le consensus de Monterrey La conclusion sur laquelle débouche le premier Rapport de suivi mondial est claire. Pour atteindre les ODM, il faut dépasser le rythme actuel et accélérer le processus de développe- 11 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Le caractère multidimensionnel des ODM, les liens qui les unissent et leurs déterminants multisectoriels impliquent que l’Agenda prévu pour atteindre les objectifs soit tout aussi vaste. Il couvre en effet tous les aspects du développement. Il n’y a pas de recoupement exact entre les ODM liés à un domaine et les politiques qui s’y rapportent exclusivement. Le résultat d’un domaine donné dépend grandement de facteurs exogènes. Prenons l’exemple du taux de survie infantile; il est probable que le niveau d’éducation de la mère et l’accès à l’eau potable ainsi qu’à des conditions sanitaires de base sont plus importants que l’accès aux soins. Dans le même ordre d’idées, à supposer que les écoles et les services médicaux existent, les filles ne peuvent pas en bénéficier si elles doivent chercher de l’eau au loin ou s’il n’y a pas de moyens de transports adéquats ou sûrs. Les efforts demandés appellent donc une action concertée sur plusieurs fronts. Pour davantage de croissance économique La promotion d’une croissance économique plus forte doit être au centre de la stratégie pour atteindre les ODM. Celle-ci réduit directement la pauvreté monétaire et accroît les ressources nécessaires aux autres objectifs. Il faut donc, en premier lieu, que la croissance économique des pays en développement soit plus forte que ce que prévoient les perspectives actuelles. L’Afrique sub-saharienne doit doubler le taux de croissance moyen de son PIB et le porter à 6%. Certains pays de la région y sont parvenus au cours des années nonante: le Cap-Vert, l’île Maurice, le Mozambique et l’Ouganda. Il faut à présent accélérer la réforme des politiques et de la gou- Thème du mois vernance pour favoriser un climat propice à la croissance, à savoir la stabilité et l’ouverture macroéconomique, ainsi qu’un cadre réglementaire et institutionnel pour les activités du secteur privé,les infrastructures de base de même qu’une véritable gouvernance du secteur public. Améliorer l’accès aux services pour les pauvres Faire participer les pauvres à la croissance, ce n’est pas seulement améliorer leur accès aux services éducatifs et sanitaires, mais aussi leur permettre de profiter d’infrastructures essentielles tels que l’eau, des conditions d’hygiène de base et des routes de campagne. Il faut également des mesures qui permettent aux pauvres – hommes et femmes – de jouer un rôle actif dans la croissance et d’en bénéficier. Afin que leur participation soit efficace, ceux-ci doivent jouir d’un meilleur accès aux services éducatifs et sanitaires, à des infrastructures de base tels que l’approvisionnement en eau,des institutions sanitaires et des routes de campagne. Un accroissement des investissements dans ces infrastructures doit s’accompagner de réformes des domaines politiques et du cadre institutionnel qui les concernent; cela peut se faire en augmentant notamment la participation des communautés, en particulier des populations pauvres, à la prise de décision. Améliorer le partenariat pour le développement mondial Ce sont les pays en développement qui déterminent l’Agenda des ODM, mais ils ont besoin de l’aide des pays développés. Sa mise en œuvre appelle une meilleure coopération à l’échelle mondiale. Les pays en développement doivent avoir un meilleur accès aux marchés des pays développés afin d’augmenter leurs exportations et de stimuler la croissance. Ils ont par ailleurs besoin de fonds plus importants pour financer les programmes de développement destinés à améliorer l’accès aux services nécessaires au développement humain et aux infrastructures de base. Cette complémentarité a bien été reconnue et affirmée à Monterrey, mais à ce jour, les progrès ont été relativement faibles. Il est temps de lui redonner corps! Les priorités des pays développés Selon le rapport, les mesures prises par les pays développés sont loin de correspondre aux engagements pris dans la plupart des domaines à Monterrey. Il faut rapidement remédier à cette situation si l’on ne veut pas prendre encore plus de retard. Pour les pays industrialisés, les priorités portent avant tout sur les politiques commerciales et d’aide au développement, ainsi que sur la croissance de l’économie mondiale, ce qui implique de trouver une solution aux déséquilibres fiscaux et extérieurs. Le rapport présente une série d’indicateurs récemment mis au point afin d’assurer le suivi des politiques commerciale et d’aide au développement au niveau de chaque pays. Au chapitre du commerce, les pays développés doivent donner l’exemple en concluant en temps voulu le cycle de négociations de Doha de sorte qu’il soit favorable au développement. Ils doivent se concentrer sur des objectifs suffisamment ambitieux, tels que: – l’élimination complète des droits de douane sur les produits manufacturés; – la suppression intégrale des aides à l’exportation; – le découplage total des subventions agricoles de la production; – la réduction des droits de douane sur les produits agricoles à 10% maximum; Photo: seco 12 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Thème du mois – un engagement à garantir le libre commerce des services par le biais des moyens de télécommunication et à libéraliser la migration temporaire des travailleurs. La libéralisation des échanges commerciaux revêt une importance particulière pour l’agriculture, puisque dans ce domaine la protection moyenne dans les pays de l’OCDE est plus de sept fois plus élevée que pour les produits manufacturés. Le rapport souligne en outre que l’aide au développement devra considérablement s’accroître pour atteindre les ODM. En effet, alors que les donateurs s’étaient engagés à l’augmenter 18,5 milliards de dollars US par an jusqu’en 2006, les études montrent qu’en réalité, il faudra au moins 30 milliards de dollars US de plus. Par ailleurs, au fur et à mesure que les pays en développement amélioreront leurs politiques et leurs institutions, l’aide supplémentaire dont ils auront besoin sera supérieure à 50 milliards de dollars US par an s’ils veulent atteindre les ODM. Enfin, les pays développés doivent être plus cohérents au plan politique. Il leur faut supprimer les contradictions qui, souvent, aident les pays en développement d’un côté pour mieux les pénaliser de l’autre. Ainsi, certains pays développés versent une aide importante aux pays en développement, mais maintiennent parallèlement des régimes commerciaux très restrictifs qui bloquent leurs exportations. Les priorités des pays en développement Les politiques des pays en développement se sont améliorées; elles permettent de mieux diriger les ressources, nationales ou extérieures, vers les priorités du développement. Les réformes de politique économique doivent, de même, se poursuivre dans ces pays. L’environnement dans lequel évoluent le secteur privé et la croissance économique doit s’améliorer en visant la stabilité macroéconomique, en corrigeant la gestion fiscale, en réduisant les barrières commerciales et en renforçant les institutions qui régissent le marché (droit de propriété, primauté du droit). Ils doivent également améliorer l’efficacité du secteur public ainsi que la qualité de la gouvernance, en s’attaquant à la corruption, notamment. Selon le rapport, les gouvernements de ces pays doivent investir davantage dans les infrastructures de base et les services nécessaires au développement humain, en les ciblant davantage sur les pauvres. Les dépenses en infrastructures des pays en développement se sont réduites au cours des années nonante; elles doivent à présent s’accroître en moyenne de 3,5 13 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 à 5% du PIB dans les pays à faible revenu et de 2,5 à 4% du PIB dans les pays à revenu intermédiaire les plus faibles. Les priorités des institutions financières internationales Lors de la séance qui s’est tenue ce printemps à Washington, le Rapport de suivi mondial 2004 a été au centre des discussions du Comité du développement, un organe commun à la Banque Mondiale et au FMI. A partir de cette année, le rapport sera publié annuellement; il étaiera, d’une part, le suivi du Comité du développement des progrès effectués dans l’Agenda et, de l’autre, renforcera la responsabilité des principaux acteurs, à savoir les pays industrialisés, les pays en développement et les institutions multilatérales. Comment les institutions financières internationales peuvent-elles remplir leur rôle dans la réduction de la pauvreté et contribuer à atteindre les ODM? Des études montrent que les programmes destinés au développement ont progressé en termes d’efficacité. Cela se reflète dans une meilleure participation des pauvres, des progrès dans la concentration de l’aide au niveau de chaque pays, de la gestion axée sur les résultats, de la transparence des opérations et des partenariats. Il y a, toutefois, encore beaucoup à faire. Pour des institutions telles que la Banque Mondiale et le FMI, le défi consiste à renforcer leur action dans les pays à faible revenu. Elles doivent, par ailleurs, améliorer leur coordination et aligner leurs efforts sur chaque stratégie nationale. La Banque Mondiale et d’autres banques multilatérales de développement doivent également veiller à articuler leur travail autour de programmes fondés sur les résul tats, régulièrement suivis et évalués. Thème du mois Les stratégies de lutte contre la pauvreté: une chance pour la coopération suisse au développement économique? Dans les années quatre-vingt, de nombreux pays en développement ont vu leur endettement s’accroître dangereusement. Initialement perçu comme une crise de liquidité, les solutions proposées étaient plutôt axées sur le court terme. C’est ainsi que, si on fait abstraction de quelques initiatives bilatérales isolées 1, il a fallu attendre le milieu des années nonante pour qu’une action concertée au niveau international ait été mise sur pied pour lutter contre l’endettement des pays pauvres. Depuis 1999, les pays pauvres lourdement endettés doivent adopter une stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) s’ils veulent bénéficier d’un désendettement dans le cadre de l’initiative PPTE.2 Faire rimer désendettement et lutte contre la pauvreté Les stratégies de réduction de la pauvreté (SRP) doivent remplir certaines conditions: elles doivent être globales, procéder d’une large assise sociale, et être définies d’entente avec des donateurs multi- et bilatéraux. Les SRP doivent reposer sur une analyse multidimensionnelle de la pauvreté ainsi que sur les spécificités que présente chaque pays. L’objectif est que ceux-ci s’identifient à une stratégie et deviennent responsables de sa mise en œuvre. Identification («ownership»), globalité, participation de larges couches de la population et accent mis sur les résultats sont les maîtres mots des SRP. 54 pays sont actuellement engagés dans une SRP (voir tableau 1). L’objectif final est de mobiliser les fonds disponibles de leur budget national pour qu’ils servent ces stratégies avec toujours plus d’efficacité. Dans ce contexte, les documents SRP jouent un rôle croissant pour la communauté internationale des pays donateurs.Ils sont une référence permettant d’ajuster l’aide internationale aux priorités nationales avec davantage de précision. Conscients de l’importance croissante que revêtent les SRP, le Secrétariat d’État à l’économie (seco) et la Direction du développement et de la coopération (DDC) leur ont accordé tout leur soutien à travers une récente déclaration commune. Cette reconnaissance ne fait que souligner le rôle central des SRP dans la définition des axes de la coopération suisse au développement. Les chances et les enjeux L’approche des SRP ne fait pas l’unanimité car dans la pratique, leur contenu n’est pas toujours aussi cohérent et global qu’il devrait 1 Le programme de désendettement adopté par la Suisse en 1991 a fait œuvre de pionnier dans ce domaine. 2 Pays pauvres très endettés. Monica Rubiolo Secteur Soutien macroéconomique, Secrétariat d’État à l’économie (seco), Berne 14 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 être. L’identification laisse parfois à désirer ainsi que la participation, laquelle n’est pas aussi réelle et constructive qu’elle le devrait. On reproche principalement aux SRP une orientation insuffisante sur la croissance, une absence de priorités et une faible participation de la population.Les SRP se transforment souvent en un débat sur les dimensions sociales de la pauvreté sans qu’une attention suffisante soit consacrée à la croissance économique.Des indicateurs concrets et mesurables font cruellement défaut pour rendre compte des progrès dans la mise en œuvre des stratégies visant à promouvoir le secteur privé. Pour de nombreuses SRP, l’absence de priorités est souvent au cœur du problème. Les SRP contiennent une liste exhaustive d’actions, que les pays en développement ne peuvent pas réaliser étant donné leur manque de moyens financiers. Les liens qui unissent SRP et processus budgétaires sont généralement faibles; les possibilités macroéconomiques de chaque pays ne sont guère prises en considération. Pour certaines SRP, l’étendue et la qualité de la participation représente un autre problème d’envergure car, pour leur élaboration, on a surtout fait appel aux grandes villes au détriment du reste du pays. Ces difficultés réduisent le potentiel et l’efficacité des SRP, mais suffisent-elles à les condamner? La Suisse y voit plutôt un défi à relever par les pays donateurs partenaires, une incitation à résoudre les problèmes effectivement constatés en ciblant le soutien qui leur est accordé. Pour la coopération économique suisse, ces points noirs sont l’occasion d’introduire dans le débat des sujets importants comme: – l’importance de la croissance économique et de la bonne santé d’un secteur privé compétitif, celui-ci fonctionnant comme un moteur de la croissance toujours plus intégré dans l’économie mondiale; – la nécessité d’adapter les stratégies de lutte contre la pauvreté aux réalités macroéconomiques des pays en développement et de les répercuter dans les décisions budgétaires; – l’utilité de processus budgétaires fondés économiquement et d’une administration budgétaire satisfaisante, qui conduit avec transparence et efficacité les dépenses et les recettes, soutient l’initiative privée et peut contribuer, ce faisant, à réduire la pauvreté; Thème du mois Les facteurs macroéconomiques – la nécessité de mécanismes de contrôle transparents, qui permettent d’évaluer la mise en œuvre des SRP et éventuellement de les corriger; – la nécessité de coordonner les initiatives et les actions entre les pays donateurs partenaires du développement, afin que les maigres ressources disponibles soient utilisées avec efficacité compte tenu des priorités nationales et que des progrès durables soient atteints au chapitre du développement. De bonnes conditions macroéconomiques sont indispensables à la croissance économique – même si ce n’est pas suffisant – pour réduire durablement la pauvreté. Ces aspects macroéconomiques peuvent sembler, à première vue, relever de la technocratie et n’être qu’indirectement liés à la pauvreté, mais leur rôle est capital. Qu’entend-on exactement par des aspects macroéconomiques appropriés aux SRP? Il s’agit entre autres: – d’une politique monétaire axée sur la stabilité; – de l’efficacité des dépenses publiques ainsi que de l’état général de la gestion des finances publiques (par ex. en ce qui concerne la transparence, l’obligation de rendre des comptes); – de la durabilité et des effets intertemporels de la politique menée en matière d’endettement; Les conditions du succès des SRP Pour la Suisse, il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions pour garantir le succès des SRP. D’autres facteurs comme celui de l’adéquation de la stratégie aux possibilités macroéconomiques du pays ou à des aspects tels que la politique monétaire ou fiscale, sont tout aussi importants. Tableau 1 Les pays engagés dans un processus SRP Région/pays RSP RSP intérimaire déf. Rapport d’étape I Rapport d’étape II Rapport d’étape III Afrique Bénin RSP RSP intérimaire déf. x x Bangladesh Rapport d’étape II Rapport d’étape III x x x x x x Cambodge x x Kirghizistan x x Cameroun x Laos x Cap-Vert x Mongolie x R. centrafricaine x Népal Tchad x RD Congo x Sri Lanka Côte d’Ivoire x Djibouti x Éthiopie x x x Gambie x x Ghana x x Guinée x x Guinée Bissau x Kenya x Lesotho x Madagascar x x Malawi x x Mali x x Mauritanie Pakistan x x x x x x x x Niger x x x Rwanda x x Sao Tomé x Sénégal x Sierra Leone x Tanzanie x Ouganda x x x x x Tadjikistan x x Vietnam x x Yémen x x x x Europe Mozambique Zambie Rapport d’étape I Asie x Burkina Faso Burundi Région/pays x Albanie x x Arménie x x Azerbaïdjan x x Bosnie-Herzégovine x Géorgie x Macedoine x Moldavie x Serbie et Monténégro x x Bolivie x x Dominique x x x Amérique latine x x x x x x x Guyane x x Honduras x x x Nicaragua x x x x x x Source: Banque Mondiale / La Vie économique 15 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Thème du mois vres bénéficieront des processus de croissance. La coopération économique suisse au développement s’efforce d’éclaircir les rapports entre les données macroéconomiques et le processus des SRP. Surmonter les lacunes des SRP Comment de telles interactions sont-elles traitées dans la pratique et les lacunes des SRP surmontées? Les instruments macroéconomiques utilisés par la politique suisse du développement sont au nombre de trois: – l’aide budgétaire; – les mesures de désendettement; – les projets techniques dans le secteur financier. Mobiliser les fonds disponibles dans les budgets nationaux pour qu’ils servent aux stratégies de lutte contre la pauvreté avec toujours plus d’efficacité: voilà l’objectif final des SRP. En illustration: signature d’un accord d’aide budgétaire entre la Suisse et le Mozambique le 24 juin. Photo: seco – de l’efficacité et des effets de la politique fiscale; – des moteurs de la croissance; – du fonctionnement du secteur financier; – de l’économie politique des réformes (à savoir quel groupe soutient quelle réforme). Les décisions en économie politique Les PRS ne doivent pas seulement se fonder sur une solide compréhension des aspects macroéconomiques. Les aspects distributifs et sectoriels liés aux décisions prises en matière de politique économique sont également appropriées pour juger de l’efficacité de la lutte contre la pauvreté, car ils aident à déterminer dans quelle mesure les groupes défavorisés peuvent profiter de la croissance. En d’autres termes, les décisions de politique économique doivent être prises à la lumière des objectifs stratégiques de la lutte contre la pauvreté et en considérant les interactions potentielles. Alors seulement, les plus pau- Ces instruments, gérés par le seco, visent à influer positivement sur les conditions-cadres économiques. Lors de leur application, la Suisse s’engage dans un dialogue politique intense avec le pays partenaire et évoque avec lui des sujets importants tels que la promotion du secteur privé, le développement de l’économie de marché, le développement durable, l’intégration dans l’économie mondiale et une bonne gouvernance. Elle cherche de cette façon à lier les SRP au problème de la croissance. Au Nicaragua, la Suisse soutient par exemple le gouvernement dans sa volonté de compléter sa stratégie actuelle de lutte contre la pauvreté par une stratégie sectorielle fondée sur la croissance. Exemple n°1: la réforme de l’administration des finances Dans le cadre des opérations d’aide budgétaire, le soutien accordé aux réformes de l’administration des finances vise à une gestion plus efficace du budget et à une plus grande cohérence entre dépenses publiques et objectifs de lutte contre la pauvreté. Il s’agit de faciliter la fixation de priorités et l’utilisation efficace des rares ressources disponibles. Un soutien technique ciblé et le développement de compétences sont pour la Suisse de précieux instruments complémentaires pour renforcer Tableau 2 Extrait du Performance Assessment Framework (PAF) pour le Mozambique Programme gouvernemental Parpa Priorités Objectifs Obj. stratégiques Domaines Sous-domaines Objectifs Actions 2004 2005 2006 Développer des conditions-cadres propices au secteur privé Mesures macroéconomiques et de politique financière Réforme fiscale Fiscalité simple, globale, équilibrée et équitable Création d’une autorité de taxation d’ici à 2006 Projet de loi à l’intention du Parlement Approbation des dispositions réglementaires Établissement d’une autorité de taxation centrale 14.7 15.0 15.3 Recettes fiscales inscrites au budget (% du PIB) Source: seco / La Vie économique 16 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Thème du mois Encadré 1 La surveillance des systèmes de «monitoring» des SRP La collaboration entre le seco/DDC et le service de désendettement de la Communauté de travail des œuvres d’entraide Au niveau de la qualité et de l’étendue de la participation, l’objectif est de disposer de systèmes de «monitoring» adéquats pour les SRP. Ceux-ci devraient non seulement permettre de suivre la mise en œuvre des SRP mais aussi d’identifier leurs points faibles, d’y apporter les corrections nécessaires et de fournir un soutien ponctuel technique aux différents acteurs. Forte de ces considérations, la Suisse soutient le développement d’une approche méthodique de surveillance des systèmes de «monitoring» des SRP. Au printemps 2004, 54 pays avaient élaboré une stratégie de lutte contre la pauvreté (en version «intérimaire» ou «définitive», voir tableau 1). C’est dire si aujourd’hui, leur mise en œuvre est d’actualité et leur «monitoring» un élément important. Les premières expériences faites dans ce domaine font ressortir les carences institutionnelles et l’absence de mécanismes permettant d’intégrer les observations faites dans le processus de décision politique. Si les parties prenantes nationales sont les principales responsables du processus, la communauté internationale des pays donateurs joue un rôle important dans le soutien technique et financier nécessaire aux systèmes de «monitoring» des SRP. Cet engagement nécessite, de la part des pays donateurs, un suivi attentif des processus de «monitoring» nationaux. Le service de désendettement de la Communauté de travail des œuvres d’entraide conseille le Secrétariat d’État à l’économie (seco) et la Direction du développement et de la coopération (DDC) dans leurs efforts destinés à soutenir les systèmes de «monitoring» nationaux nécessaires à la mise en œuvre des SRP. Son activité de conseil repose sur une collaboration fructueuse et ancienne des trois partenaires dans le cadre du programme suisse de désendettement. Suivant ses compétences et son orientation, le service de désendettement se concentre sur l’élaboration de propositions visant à renforcer les capacités de la société civile et à favoriser le développement institutionnel des processus de participation. Le service de désendettement est en train de mettre au point une approche méthodique qui doit permettre l’analyse et le suivi systématique des systèmes de «monitoring» des SRP. Son objectif est de détecter les points faibles et, sur cette base, de proposer au seco et à la DDC des solutions et des moyens d’intervention. Dans une récente étude pilote menée au Burkina Faso, le service de désendettement a étudié l’importance de la participation des organes de la société civile au «monitoring» des SRP et le rôle qu’ils pourraient y jouer à l’avenir. Les résultats de cette étude ont permis de recommander des mesures de soutien qui ont été proposées aux institutions partenaires nationales appropriées. les capacités des pays en développement. Au Mozambique par ex., le seco soutient depuis quelques années la mise en œuvre de réformes fiscales (voir tableau 2). L’élargissement de l’assiette fiscale conjuguée à une baisse des taux d’imposition et à une administration fiscale plus efficace ont permis des gains substantiels en termes de recettes. Cela a permis d’augmenter les dépenses dans les programmes d’éducation et de santé et de réduire la dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure. Concrètement, le Mozambique a vu baisser son taux de pauvreté de 69% en 1996 à 54% en 2003. Exemple n°2: une étroite coopération multilatérale En coordonnant étroitement son action avec les autres pays donateurs et les institutions financières internationales,la Suisse s’efforce d’aboutir à une meilleure harmonisation des efforts consentis pour le développement. Les coûts de transaction qui grèvent l’aide s’en trouvent ainsi réduits et leur efficacité augmente. Au Mozambique, l’aide budgétaire apportée par la Suisse est étroitement coordonnée à celle des 14 autres pays donateurs et de la Banque Mondiale. C’est en partie grâce à son intense collaboration dans les questions 17 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 liées à la réforme fiscale que la Suisse assume actuellement la présidence du groupe de coordination. Un catalogue de réforme élaboré en commun avec le gouvernement a permis d’instaurer un dialogue soutenu avec celui-ci comme avec d’autres acteurs tels que le Parlement, le secteur privé et la société civile. La Suisse participe à des groupes analogue dans tous les pays auxquels elle fournit une aide budgétaire. Conclusions Surmonter les lacunes des SRP et optimiser leur apport à la réduction de la pauvreté demeure un important défi à relever. Rappelons que les principes qui sous-tendent les SRP représentent une base précieuse de départ pour améliorer l’efficacité de la coopération avec les pays partenaires. S’il appartient d’abord à ceux-ci d’exploiter le potentiel que recèle cet instrument et d’atteindre des résultats concrets dans leur lutte contre la pauvreté, les pays donateurs partenaires ont un rôle tout aussi important à jouer: celui de contribuer au suc cès de l’entreprise. Thème du mois L’impact des fonds de capital-risque sur les petites et moyennes entreprises Le développement du secteur privé sur les marchés émergents est d’une importance fondamentale pour la croissance économique. Les petites et moyennes entreprises (PME) jouent un rôle clé dans ce processus. C’est donc pour mieux comprendre l’intérêt qu’elles présentent pour la croissance et la lutte contre la pauvreté, qu’une étude a été entreprise par le Secrétariat d’État à l’économie (seco) en partenariat avec des organismes anglais et étasuniens. Cet article résume les principales conclusions et recommandations de l’étude. Elle démontre que les PME ont un potentiel qui leur permet d’agir sur la croissance et de lutter contre la pauvreté. Elle décrit également un ensemble d’orientations politiques destinées à planifier des mesures susceptibles de maximiser ce potentiel. Dans sa stratégie 2006, le seco réaffirme son engagement en faveur du développement du secteur privé dans ses pays partenaires. Il s’emploie à mobiliser les ressources et les capacités de ce secteur tant en Suisse que dans les pays où il opère. L’approche du seco est très large et se concentre sur les principaux obstacles au développement du secteur privé. Elle inclut, en premier lieu, des mesures de soutien aux conditions-cadres légales et à un climat propice à l’initiative privée; elle se concrétise ensuite par des actions spécifiques pour promouvoir les PME et développer les capacités entrepreneuriales dans les pays de concentration, encourager les investissements privés et améliorer l’intermédiation financière. Des instruments innovants pour financer les PME Pour de nombreuses PME des pays en développement et en transition, l’accès au financement représente le principal obstacle non seulement à leur développement mais aussi, plus simplement, à leur survie. Les banques concentrent leurs prêts sur les gouvernements ou les entreprises les plus importantes et les plus solides. Les marchés financiers locaux sont inexistants ou alors réservés à quelques grandes entreprises. Il en est de même pour ce qui est de l’accès aux marchés internationaux. Vu ce manque de confiance dans les PME¸ auquel s’ajoute les risques inhérents aux investissements dans les marchés émergents, il est évident pour les spécialistes que les investisseurs publics ont un rôle crucial à jouer pour stimuler les marchés financiers locaux. C’est pour cette raison que le seco a lancé plusieurs programmes destinés à combler ce vide.Ceuxci recouvrent une vaste palette d’investissements, représentant autant d’instruments Encadré 1 Le capital-risque Le capital-risque («private equity») est un engagement financier à moyen et long terme (participation, quasi-participation) dans des entreprises non cotés. Il s’effectue dans l’attente d’une amélioration des résultats de l’entreprise, lesquels doivent générer à terme des liquidités et des rendements positifs. Claude Barras Chef du secteur Promotion des investissements, Secrétariat d’État à l’économie (seco), Berne 18 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 novateurs, comme des sociétés de leasing, des fonds de garantie,des lignes de crédit vertes ou encore des lignes de crédit en monnaie locale. Une grande partie du portefeuille du seco est, cependant, formée d’investissements dans des fonds de capital-risque («private equity funds», voir encadré 1). Durant ces six dernières années, le seco a engagé plus de 200 millions de francs dans 23 institutions financières. L’étude sur les effets des fonds de capital-risque C’est pour mieux comprendre le rôle que jouent les PME envers la croissance et la lutte contre la pauvreté et l’impact que peuvent avoir les fonds de capital-risque à ce niveau, qu’une étude a été menée par le seco conjointement avec l’Agence du développement du Royaume-Uni (DFID) et le Small Enterprise Assistance Fund (Seaf, voir encadré 2). L’enquête a porté sur dix petites et moyennes entreprises qui ont bénéficié de l’investissement d’un fond de capital-risque géré par le Seaf. Dix cas d’étude Les dix entreprises ont été sélectionnées sur la base de deux critères: la disponibilité de données appropriées et le consentement des entrepreneurs ainsi que des employés à un entretien. Des lacunes dans les données et des problèmes méthodologiques ont empêché une étude rigoureuse à plus large échelle. Cinq des dix entreprises étudiées sont situées en Europe centrale et de l’Est, les cinq autres en Amérique latine. La moitié d’entre elles se trouvent en zones rurales et l’autre en régions urbanisées. Leur chiffre d’affaires annuel s’étale de 0,3 à 17 millions d’USD. Leur secteurs d’activités vont de la confection de vêtements pour enfants brodés à la main à la fabrication de composants électroniques et de produits pour médias; toutefois, un nombre important d’entre elles évoluent dans les domaines de la production et de la transformation de denrées alimentaires. Elles emploient entre 4 et 308 personnes. L’étude a mesuré les effets à long terme de chaque investissement en termes de croissance économique sur toutes les parties prenantes: investisseurs, employés, clients, producteurs de biens et services com- Thème du mois Pour de nombreuses PME des pays en développement et en transition, l’accès au financement représente leur principal problème. C’est pour cette raison que le seco a lancé plusieurs programmes destinés à combler ce vide. En illustration: menuiserie au Brésil. Encadré 2 Le Small Enterprise Assistance Fund (Seaf) Le Seaf est une organisation à but non lucratif qui soutient l’établissement de fonds de capital-risque, commercialement durables, dans les marchés émergents, et en surveille la gestion. Une grande partie de son capital provient d’institutions financières internationales agissant en faveur du développement. Les PME dans les pays en développement et en transition reçoivent le soutien de deux types d’instruments financiers: – du capital propre destiné à renforcer leurs capacités de production; – des conseils de gestion financière, marketing et processus de production, pour les aider à augmenter leurs ventes – plus spécialement à l’exportation – et la productivité de leur entreprise. Les fonds Seaf sont investis en premier lieu dans des domaines économiques négligés par les investisseurs purement commerciaux. Sur la base de l’expérience du Seaf, le rendement de ces investissements effectués dans les PME des pays en développement et en transition est généralement positif. Le seco a investi dans quatre fonds de capitalrisque du Seaf en Europe de l’Est, Asie centrale et dans la région andine. Photo: seco plémentaires, fournisseurs, concurrents, nouveaux participants au marché, communautés locales, gouvernements et institutions financières locales (banques, caisses de pension, assurances). Des entretiens approfondis ont été menés dans les entreprises et avec les groupes d’intérêt cités. Les entretiens avec les employés ont permis de récolter des informations sur l’évolution des conditions de vie des ménages. Un fort effet multiplicateur Les PME ont un grand impact positif sur leur communauté. Il leur faut former leurs employés puis les garder pour amortir l’investissement consenti. Une des raisons en est que les personnes les mieux formées ne vont pas travailler dans les PME mais pour les entreprises multinationales, les banques et le gouvernement. En outre, les PME soignent leurs relations avec les autorités et collectivités locales dont elles dépendent très fortement pour réussir. Les dix études de cas mettent en lumière les effets positifs que les PME peuvent avoir sur leur environnement: – l’impact économique des investissements dans les PME est significatif. Dans l’ensemble des dix cas, chaque dollar investi par un fonds de capital-risque génére en moyenne dix dollars additionnels dans l’économie locale; plus précisément, le multiplicateur est de 4 à 24. Pratiquement toutes les entre- 19 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 prises ont atteint un rendement économique substantiel, même avant l’échéance de l’investissement. L’impact économique demeure notable même lorsque le rendement interne généré par l’investissement est relativement bas; – parmi les groupes d’intérêt cités, les employés et les gouvernements (les PME doivent payer des impôts substantiels) sont les premiers bénéficiaires des investissements réalisés. La stabilité de l’emploi et le revenu représentent les principaux avantages des employés des entreprises étudiées. Dans la plupart des cas, les travailleurs ont reçu des augmentations de salaire substantielles, en rapport avec la formation dispensée par l’entreprise. Les deux tiers de l’effectif du personnel sont des travailleurs peu qualifiés. Comme les entreprises se sont agrandies grâce aux investissements, la proportion d’emplois peu qualifiés a augmenté. De nouvelles places de travail pour les pauvres Il s’avère que, croissance et modernisation de l’entreprise aidant, les entrepreneurs sont parvenus à augmenter la productivité des travailleurs qualifiés,à promouvoir les travailleurs peu qualifiés qu’ils ont formés à des postes supérieurs et à engager de nouveaux travailleurs non qualifiés. Ceci confirme l’hypothèse que les PME créent de nouveaux emplois pour les pauvres. Concrètement, cela signifie que: Thème du mois Les PME font partie intégrante des communautés locales et contribuent ainsi directement à leur développement. C’est là que vivent la plupart de leur employés et fournisseurs. En outre, elles se soucient de leur réputation. Photo: seco – la croissance annuelle du salaire des employés peut atteindre 28% pour les travailleurs non qualifiés et 34% pour les travailleurs qualifiés. Ces chiffres reflètent la relative pénurie de travailleurs qualifiés dans ces pays et le fait qu’une PME doit les payer davantage pour les garder. À noter que l’augmentation de salaire que les travailleurs touchent dans les régions où le taux de chômage est élevé est généralement plus importante encore; – les PME offrent en outre des avantages non salariaux très appréciés par les travailleurs peu qualifiés qui n’en bénéficieraient pas s’ils étaient indépendants: notamment contribution de l’employeur à l’assurancemaladie, repas dans l’entreprise, primes ou caisse de pension. Ils profitent de plus de la stabilité de l’emploi, ce qui leur permet d’accumuler des biens, de faire des économies, notamment pour l’éducation des enfants, de se prémunir ainsi contre la pauvreté; – de nombreuses entreprises investissent beaucoup dans la formation de leurs travailleurs. Contraintes au départ d’engager du personnel peu qualifié, elles tendent à investir très fortement dans sa formation. Cela ouvre d’importants avantages au personnel de l’entreprise comme, par exemple, des augmentations de salaire ou une 20 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 plus grande mobilité sur le marché de l’emploi; – les PME permettent à des producteurs des secteurs informel et rural d’accéder aux marchés formels; elles font office de passerelles entre les petits producteurs et les marchés nationaux et d’exportation lucratifs. Quand une PME s’agrandit, elle paie plus d’impôts, et ceux-ci peuvent représenter jusqu’à 20% de son revenu total; – les PME font partie intégrante des communautés locales et contribuent ainsi directement à leur développement. Des exemples de la responsabilité sociale des grands groupes multinationaux abondent dans la littérature sur le développement. Or, l’étude démontre que les PME assument elles aussi des responsabilités notables en matière de développement social dans leur région d’implantation, dès lors que c’est là que vivent la plupart de leur employés et fournisseurs. En outre, elles se soucient de leur réputation dans la communauté. Un début d’optimisme Bien que ces résultats préliminaires concernent un trop petit nombre d’entreprises pour être généralisés, ils suggèrent au seco et aux investisseurs commerciaux socialement engagés Thème du mois de poursuivre leurs efforts dans le domaine du financement des PME. Dès lors qu’un fonds peut investir dans un petit nombre d’entreprises seulement, il importe de montrer qu’une telle aide a un impact qui dépasse le cadre de l’entreprise individuelle. Pour promouvoir les investissements dans les PME de manière à ce qu’ils aient le plus grand effet possible en termes de réduction de la pauvreté, sans que le rendement financier des investisseurs n’en soit atteint, trois approches méritent d’être développées: – utiliser les PME comme des instruments efficaces financièrement pour réduire la pauvreté. L’impact positif qu’ont les PME étudiées sur les compétences des employés et leur santé permet de conclure à leur utilité pour réduire la pauvreté. Au niveau des coûts, cette stratégie pourrait être plus avantageuse que d’autres approches nécessitant d’importants investissements pour cibler les bénéficiaires appropriés des programmes proposés et suivre leurs progrès et résultats. Les PME de leur côté seraient motivées à utiliser au mieux les programmes d’aide et à rechercher les résultats, dès lors que de telles interventions augmenteraient le moral de leurs employés tout en contribuant au succès des affaires; – identifier des programmes efficaces de lutte contre la pauvreté et travailler avec des partenaires. Le seco, les entrepreneurs et d’autres investisseurs publics et privés devraient identifier des intérêts et objectifs communs et profiter des expériences et du réseau des PME pour les réaliser; – promouvoir la responsabilité sociale des entreprises et des secteurs. Les cas étudiés montrent une forte corrélation entre l’impact en termes de développement des entreprises et l’attitude des entrepreneurs. Les investissements devraient donc se diriger davantage vers les entrepreneurs socialement responsables et les secteurs dont les pauvres bénéficieraient. Former les entrepreneurs pour leur faire comprendre les avantages d’un engagement social et les aider à en tirer le meilleur profit possible devraient encore amplifier cet impact. Conclusion Le seco poursuivra ses efforts dans le domaine du capital-risque afin de le rendre plus attractif pour les grands investisseurs. Il participe de façon déterminante au lancement d’initiatives destinées à professionnaliser l’industrie des fonds de capital-risque dans divers domaines tels que la formation, le «benchmarking» des performances,les directives pour la valorisation des portefeuilles, le 21 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 «reporting», les directives environnementales et sociales et – très important – l’introduction de standards pour la bonne gouvernance des entreprises. Le développement des PME dépend avant tout de conditions-cadres adéquates. Il incombe aux gouvernements concernés de suivre une politique macroéconomique raisonnable et d’améliorer le cadre environnemental et légal à l’intérieur du pays, l’un et l’autre étant déterminant pour le développement du secteur privé. Sans mesures décisives en ces domaines, les PME ne pourront pas exploiter pleinement leur potentiel et contribuer à la réduction de la pauvreté. Thème du mois Commerce et chaînes de valeurs ajoutées: une stratégie de lutte contre la pauvreté En l’an 2000, les Nations Unies ont adopté d’ambitieux Objectifs de développement pour le Millénaire, qui impliquent de réduire de moitié la pauvreté et la faim dans le monde, de donner à tous une formation de base et d’assurer le développement durable sur la planète d’ici 2015. Le commerce international joue un rôle clef dans ce processus. L’article qui suit montre la façon dont le Secrétariat d’État à l’économie (seco) encourage les échanges pour renforcer l’intégration des pays en développement dans le système commercial international. L’intégration dans l’économie mondiale est une chance Le seco soutient un certain nombre de pays en développement ou en transition («pays de concentration») – dont quelques uns parmi les plus pauvres – dans leurs efforts économiques. Il les accompagne et les aide à s’intégrer dans l’économie mondiale, à améliorer leur compétitivité internationale et à augmenter la création de valeur sur place. Nombre de pays en développement et d’entreprises visent cependant encore une croissance rapide à n’importe quel prix et recourent au moyen le plus simple mais aussi le pire: ils essaient de réduire les coûts de production en imposant de très bas salaires, des conditions de travail déplorables tout en négligeant l’environnement, afin d’être plus compétitifs. Cette politique a des répercussions sociales et écologiques fatales pour le pays, voire en dehors. Le seco cherche à montrer d’autres voies pour accroître la compétitivité et aide en premier lieu les petites et moyennes entreprises (PME) à se maintenir sur le marché. En améliorant la qualité de leurs produits,en développant des spécialités et des niches de production, en prenant en considération les normes fondamentales du travail et les exigences de respect de l’environnement qui comptent de plus en plus pour leurs clients étrangers, les PME peuvent non seulement devenir plus compétitives mais aussi générer à long terme de la valeur ajoutée et des revenus dans leur pays.En effet,celui qui n’a pas de produits conformes au marché à offrir ne crée pas d’emplois et ne contribue donc pas à réduire la pauvreté. Hans-Peter Egler Chef du secteur Coopération pour le commerce et la technologie environnementale, Secrétariat d’État à l’économie (seco), Berne 22 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Une qualité irréprochable des produits et le respect des normes, s’ils sont nécessaires, ne suffisent encore pas à donner aux pays en développement un accès au marché des États industrialisés. Il faut aussi que ceux-ci aient la volonté politique de les ouvrir, au moins en partie – surtout dans le domaine très sensible, en politique intérieure, de l’agriculture. Face à cette nécessité, le Conseil fédéral a décidé en 2001 – sur une initiative du seco – d’exonérer graduellement des droits de douane le groupe des 49 pays les moins avancés (PMA) dans le domaine agricole. La deuxième phase de ce plan est entrée en vigueur le 1er avril 2004 avec des exonérations comprises entre 55 et 75 % du tarif normal. La promotion du commerce, facteur de compétitivité Face aux déséquilibres du commerce mondial, le seco mène dans les pays de concentration une politique de promotion ciblée des capacités commerciales des PME et autres sous-traitants tournées vers l’exportation. Il met l’accent sur les entreprises du domaine agricole, secteur dans lequel la plupart de ces pays disposent d’avantages comparatifs et où la chaîne de valeurs ajoutées génère un nombre particulièrement élevé d’emplois. Ce sont tout d’abord les programmes commerciaux, le transfert de savoir-faire et la formation de spécialistes qui renforcent la politique commerciale et l’efficacité des échanges: ce cadre politique est la base du succès dans les affaires commerciales. Il faut, en outre, pouvoir vendre sur un marché et donc nouer les contacts appropriés avec les importateurs, notamment dans les pays industrialisés. Le Programme suisse de promotion des importations (Swiss Import Promotion Programme, Sippo), fondé et financé par le seco, permet aux entreprises de développer de tels contacts en Europe, de s’ouvrir à la branche et au marché, d’élaborer des stratégies globales, de profiter de conseils individualisés et de participer à des expositions spécialisées. Les activités du Sippo se greffent sur celles du Centre du commerce international (CCI), une agence de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced) et de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), sise à Genève, qui se concentre sur le cadre institutionnel des Thème du mois échanges, entre autres sur mandat du seco. Le CCI a pour but d’améliorer les produits et les débouchés en développant des Chambres du commerce et des exportations, en instaurant des normes techniques et des procédures de contrôle de la qualité,en modernisant les techniques de conditionnement et en accroissant l’efficacité de la distribution. L’un et l’autre programme tablent sur des relations économiques durables qui garantissent sur le long terme la sécurité,un revenu et des perspectives d’avenir. Les consommateurs des États industrialisés demandent toujours davantage de produits «équitables» socialement et écologiquement. En réaction, les multinationales élaborent des codes dits de conduite s’appliquant à tous leurs fournisseurs et sous-traitants. Le seco développe les capacités nécessaires pour remplir ces conditions dans les pays de concentration. Dans le domaine des industries de transformation, les centres nationaux pour la promotion de techniques plus respectueuses de l’environnement («cleaner production centers», CPC) aident les PME à limiter leur consommation de ressources, les émissions et les déchets et à faire ainsi des économies. Le développement de ce que l’on appelle l’éco-efficacité est bénéfique pour la santé et la sécurité sur le lieu de travail. Un environnement moins pollué profite non seulement aux travailleurs, mais aussi à toute la population d’une région. Les problèmes sont pris et éliminés à la source. Les difficultés ne sont généralement pas seulement techniques, l’attitude de la direction et des travailleurs est également en cause et doit changer. Dans ce domaine, outre des projets bilatéraux, le seco a comme partenaire stratégique l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (Onudi), qui intervient sur place par le biais des CPC, en collaborant avec des experts internationaux. L’Onudi assure le suivi technique des PME et des entreprises de distribution tournées vers l’exportation, leur donne accès aux nouvelles technologies et les conseille en vue de la certification. Ces prestations sont complétées par un programme mis en œuvre par l’Organisation Internationale du Travail (OIT): le transfert de savoir-faire lié aux avantages concurrentiels découlant du respect des normes fondamentales du travail. La gestion d’entreprise responsable en matière sociale et écologique («corporate responsability», CR) peut aider les PME à mieux se positionner sur le marché. La valeur ajouté crée les revenus Il ne sera pas possible, à long terme, de combattre la pauvreté sans industrie de transformation et commerce de produits confor- 23 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 mes à la demande et donc sans créer de valeur ajoutée. Ce dernier point est particulièrement important dans les régions les plus pauvres et dans les PMA. La stratégie du seco et des organisations qui travaillent avec lui consiste à évaluer une chaîne de valeurs ajoutées dans son ensemble et à y intégrer des partenaires à tous les niveaux du marché (du producteur au consommateur), en faisant plus particulièrement appel à l’économie privée. Un fabricant de produits alimentaires, par exemple, ne crée pas des emplois seulement dans son entreprise, mais permet aux familles d’agriculteurs qui le fournissent de se nourrir. Les deux parties s’engagent mutuellement. Les paysans doivent respecter certaines obligations concernant la qualité et les normes écologiques; en contrepartie, on les aide à diversifier leur production. Introduire des normes de qualité, environnementales et sur les conditions de travail L’amélioration de la qualité accroît la compétitivité et les chances de l’entreprise de produits alimentaires. En instaurant des normes de qualité,environnementales et sur les conditions de travail, le seco permet même aux producteurs d’obtenir de meilleurs prix en leur ouvrant des créneaux, par exemple celui du commerce équitable ou des labels bio. L’agriculture biologique et les normes sociales ne donnent pas seulement aux pays en développement la perspective d’un meilleur accès aux marchés des pays industrialisés. Une agriculture ou une production plus respectueuse de l’environnement et des exigences sociales a aussi des avantages économiques. En renonçant aux pesticides, par exemple, les producteurs renforcent l’équilibre écologique tout en faisant des économies et en dépendant moins des bailleurs de fonds locaux. Le commerce de coton bio En Afrique occidentale et en Kirghizie, l’œuvre d’entraide suisse Helvetas encourage le commerce de coton bio, sur mandat du seco. Ce projet, sans être interventionniste, tente d’offrir un accompagnement à tous les acteurs participant à la chaîne de valeurs ajoutées, de la culture du coton aux rayons des détaillants, en passant par le traitement après récolte et la transformation. On peut ainsi renforcer le souci de qualité tout au long de la chaîne et,par ailleurs, nouer des relations commerciales à long terme entre les producteurs du Sud et les importateurs du Nord, pour un profit mutuel. Les paysans y gagnent doublement: ils peuvent vendre leur coton bio à un prix garanti plus élevé,c’est-à-dire accroître la valeur ajoutée de leur exploitation; par ailleurs,l’entreprise elle- Thème du mois Le seco, à travers sa stratégie de promotion des PME, met l’accent sur les entreprises du domaine agricole (en illustration: jardin au Burkina Faso), secteur dans lequel la plupart des pays de concentration disposent d’avantages comparatifs et où la chaîne de valeurs ajoutées génère un nombre particulièrement élevé d’emplois. Photo: seco même prend de la valeur grâce à une meilleure productivité du sol. En outre, ce mode de production ne nuit pas à la santé des hommes et des animaux. Le projet «Intermediate Monitoring Project» (IMP) financé par des œuvres d’entraide suisses, qui vise à créer un organe de surveillance indépendant des codes de conduite (codes volontaires portant sur des aspects sociaux) dans la branche textile, poursuit des objectifs similaires. Il a pour but d’offrir aux partenaires commerciaux intéressés la possibilité de faire certifier la chaîne de valeurs ajoutées, de la matière première à la vente au détail, selon le «Clean Clothes Codex», qui repose sur les normes fondamentales du travail de l’OIT. Ce projet est également soutenu par le seco. Commercer avec la biodiversité Le maintien de la biodiversité peut, à plus ou moins long terme, devenir une question de survie sociale et écologique; il représente en tout cas une chance économique pour la population des pays en développement. Sur le plan multilatéral, plus de 170 États (dont la Suisse) ont signé la convention de 1992 sur la biodiversité, affirmant ainsi leur volonté de préserver la diversité des espèces et s’accordant sur les conditions de l’utilisation durable des ressources génétiques. Se basant sur ces valeurs communes, un grand distributeur suisse a récemment conclu avec le gouvernement bolivien un accord, limitée à dix ans, sur la cession de droits de vente et de production de cinq variétés de pommes de terre locales. Malgré les obstacles administratifs – vaincus en 24 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 grande partie grâce au soutien, au savoir-faire et à la continuité d’un programme de promotion du commerce des produits favorisant la biodiversité soutenu par le seco – les partenaires ont réussi à conclure un accord jusqu’ici inégalé d’«access & benefit sharing» (accès aux ressources génétiques et partage équitable du fruit de leur utilisation). Dans un partenariat mixte exemplaire, le gouvernement bolivien et le grand distributeur suisse ont convenu d’une indemnité équitable à verser sous forme de commissions annuelles aux planteurs de pommes de terre du haut plateau bolivien, principalement habité par des Indiens. Alors que cet accord ouvre de nouvelles perspectives sur le marché, qu’il offre aux paysans suisses pratiquant l’agriculture biologique de nouveaux débouchés et aux clients un plus grand nombre de variétés de pommes de terre, il permet également aux Indiens et à la Unidad de Producción de Semilla de Papa (UPS-Sepa) de bénéficier de cette cession de droits, exclusivement axée sur le développement. L’accroissement de la surface cultivée apportera dans une première phase revenu et nourriture à 600 familles; en fonction du chiffre d’affaires réalisé, le programme inclura davantage de familles indiennes, qu’elle délivrera de la pauvreté. Le commerce équitable est synonyme de qualité de la vie Il y a douze ans, les grandes œuvres d’entraide suisses créaient la fondation Max Havelaar pour faire avancer la cause du commerce Thème du mois équitable dans notre pays. Cet ambitieux projet a été soutenu par le seco qui lui a accordé un financement de démarrage. Aujourd’hui, non seulement Max Havelaar est financièrement autonome, mais il a réussi à trouver un créneau pour les produits du commerce équitable tels que le café, le thé, le cacao et les bananes auprès des grands distributeurs. Le succès est particulièrement manifeste pour les bananes puisqu’un grand distributeur suisse n’offre plus actuellement que celles qui proviennent du commerce équitable. La fondation Max Havelaar voudrait maintenant aborder le secteur non alimentaire. Elle compte lancer un label textile en 2005. Ce projet pourra être mis en œuvre sans financement extérieur d’aucune sorte. L’économie mondiale, ou plutôt, le marché mondial n’est pas ressenti comme équitable par tous. Aussi efficace soit-il économiquement, il connaîtra toujours des gagnants et des perdants; il y aura toujours des acteurs mieux informés qui pourront tirer avantage de la situation. Le commerce équitable est une réponse à ces déséquilibres; il donne leur chance aux petits. Grâce aux seuls produits certifiés Max Havelaar en Suisse, plus de 800 000 familles profitent de meilleures conditions-cadres et réalisent des projets pour améliorer leurs vie et leur travail. Outre Max Havelaar, le seco a aussi soutenu le label Step pour le commerce équitable des tapis, en lui accordant un financement de démarrage. Les entreprises associées donnent la liste de leurs fournisseurs dans les pays de production afin que les représentants Step sur place puissent vérifier que les normes fondamentales du travail de l’OIT sont respectées. Ces mesures s’accompagnent de projets sociaux qui, comme les contrôles, sont financés en grande partie par les entreprises associées au travers des droits de licence. Le village de Sonebarsa, dans la région de production des tapis en Inde, est un exemple de coopération entre les fabricants de tapis et la fondation Step. Grâce à l’engagement des premiers, une école primaire a été construite, permettant de dispenser un enseignement élémentaire à des centaines d’enfants. Les bâtiments scolaires ont été construits exclusivement par des artisans locaux, lesquels ont été les premiers bénéficiaires des travaux puisqu’ils leur ont procuré un revenu. Cinq enseignants, rémunérés par le projet Step, dispensent les cours à cinq classes. Il est à noter que le service des eaux de l’État a également apporté sa participation en construisant une fontaine près de l’école. C’est ainsi que la petite Reka, âgée de neuf ans, peut maintenant aller en classe. L’année dernière, elle devait encore garder le bétail dans les champs. 25 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Dans la seule région de production des tapis en Inde, 4000 à 5000 familles, selon une estimation minimale, profitent de meilleures conditions de travail dans les ateliers et les domaines annexes couverts par les projets sociaux du Step. Elles sont sans doute aussi nombreuses dans les autres pays et régions où le Step déploie ses activités (Népal, Pakistan, Iran, Maroc, etc.). La réduction de la pauvreté se constate au quotidien Il est difficile de prouver, statistiques à l’appui, que la promotion du commerce a obtenu des succès et que la pauvreté a diminué dans les pays de concentration. Sur place, toutefois, l’efficacité de la lutte contre la pauvreté apparaît clairement,comme le montre l’exemple de projet en Inde évoqué ci-dessus. Le Mozambique est un autre exemple puisqu’avec le soutien du seco, ce pays peut mettre sur le marché davantage de noix de cajou. Une formation sur les exigences de qualité et les prescriptions relatives aux produits alimentaires en vigueur sur les marchés d’exportation est en effet offerte aux dirigeants des entreprises qui traitent les noix de cajou et font montre d’initiative. Dans les régions pauvres du nord du pays, où l’on répertoriait seulement 200 emplois officiels pour 400 000 habitants environ, une nouvelle entreprise de mise en valeur des noix de cajou offre aujourd’hui 300 emplois. 4000 familles peuvent vendre leur récolte. L’entreprise dispense aux paysans une formation sur les soins à apporter aux arbres afin d’obtenir la qualité désirée. On analyse actuellement comment diversifier les ressources de ces agriculteurs en encourageant la culture de mangues, afin de minimaliser les risques. Les noix de cajou, en diversifiant la production mozambicaine, permettent à ce pays de moins dépendre du sucre de canne, qui peine à se vendre sur le marché mondial et dont le prix ne couvre pas même les coûts de production, en raison de la concurrence du sucre fortement subventionné de certains pays industrialisés. Elles créent, en outre, davantage de valeur ajoutée, leur transformation étant plus élaborée, et assurent donc des emplois à long terme. Une concentration des efforts On comprend aisément que ces projets du seco, qui combinent promotion du commerce au sens large et formation de chaînes de valeurs ajoutées durables, peuvent déclencher des dynamiques plus vastes dont l’impact sur la pauvreté est manifeste. Ils reposent sur une stratégie à trois volets: Thème du mois L’agriculture biologique et les normes sociales ne donnent pas seulement aux pays en développement un meilleur accès aux marchés des pays industrialisés. Une production plus respectueuse de l’environnement et des exigences sociales a aussi des avantages économiques. En illustration: inspection biologique en Inde. Photo: seco – premièrement, les fonds de développement investis par l’État dans la lutte contre la pauvreté ont un effet multiplicateur, du fait du partenariat mixte public-privé et de l’effet de levier; – deuxièmement, l’aide est fournie sous forme de programmes de renforcement des institutions et de transfert de savoir-faire, si bien que les États se trouvent en mesure de développer leur propre dynamique, voire dans l’obligation de le faire. L’aide accordée à des institutions ciblées oeuvrant en faveur des PME industrielles et agricoles a donné des résultats particulièrement satisfaisants. Renforcer ces dernières est, d’après l’expérience, le meilleur moyen de favoriser une croissance efficace et durable dans de nombreux secteurs et de permettre à plus de gens d’accéder à la classe moyenne; – troisièmement, en se donnant pour mot d’ordre «peu mais bien», le seco concentre ses efforts sur un petit nombre de pays. Le seco travaille en fonction d’objectifs et mesure les projets à leur impact effectif sur le développement durable et la lutte contre la pauvreté. Il s’investit donc dans des pays en développement ou en transition possédant des caractéristiques précises: d’une part, un cadre institutionnel favorable au secteur privé et un gouvernement capable, qui permettent une coopération au développement économique efficace; d’autre part, le potentiel né- 26 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 cessaire pour reprendre à leur compte, à brève échéance, le processus de développement et le poursuivre à long terme. Le seco intervient là où le fonctionnement du système des échanges mondiaux laisse à désirer et peut être optimisé de manière efficiente par des mesures d’accompagnement. Malgré l’échec de la 5e conférence des ministres de l’OMC à Cancùn au Mexique, le commerce mondial est appelé à prendre de l’importance dans le domaine de la politique du développement. C’est pourquoi le directeur général de l’OMC a insisté, à l’occasion de la 9 e session de la Cnuced à Sao Paulo, sur la nécessité de mener à bien les travaux engagés à Doha si l’on veut faire des échanges commerciaux un moteur de croissance et de développement. Il a souligné que nous nous trouvons à la croisée des chemins, et qu’il importait de trouver au plus vite un dénominateur com mun. Points de vue politico-économiques Les entreprises contribuent à lutter contre la pauvreté en usant de pratiques responsables Lorsqu’on demande au public des pays industrialisés de citer les institutions qui lui paraissent travailler dans le meilleur intérêt de la société, les entreprises multinationales sont très mal positionnées. Or, une perception aussi défavorable peut avoir des conséquences extrêmement négatives pour les entreprises. Celles-ci seraient donc bien avisées de se montrer sensibles aux intérêts des diverses entités du corps social. Les carences constatées dans les législations de certains pays en développement et les lacunes dont ceux-ci font preuve dans les domaines sociaux ou environnementaux confèrent encore plus d’importance à la responsabilité sociale des entreprises («corporate social responsability») qui y travaillent que dans les États industrialisés. Les entreprises qui prennent leurs responsabilités au sérieux fournissent par là même une contribution essentielle à la lutte contre la pauvreté. Pr Klaus M. Leisinger Président et directeur exécutif de la Fondation Novartis pour le développement durable, professeur de sociologie du développement à l’université de Bâle Le scepticisme de la société à l’égard des entreprises De quoi les entreprises sont-elles responsables à l’égard de la société? Quelles sont les institutions ou organisations qui travaillent dans le meilleur intérêt de la société? Dans une enquête de 2002 menée dans 20 pays industriels et émergents, les réponses à cette question placent les entreprises multinationales au 7e rang (le dernier), derrière les syndicats et les médias.À l’opposé,les organisations non gouvernementales (ONG) occupent le sommet de cette échelle de confiance. Dans la catégorie «entreprises transnationales», certaines branches sont encore plus mal notées, par exemple l’industrie pétrolière, celle du tabac ou des produits pharmaceutiques. Étant donné que même dans les économies de marché, les entreprises sont soumises à des réglementations officielles (autrement dit de nature politique), les appréciations défavorables des sondages peuvent avoir pour elles des résultats très négatifs. Cet échec en termes d’image de marque ne peut, en effet, que les conduire tôt ou tard à subir des difficultés sur les marchés, que ce soit sous forme d’interventions de l’État ou de boycottage de leurs produits par les consommateurs. Parmi les nombreuses exigences parfois virulentes que les divers groupes d’intérêts sociaux adressent aux entreprises, il n’en est aucune qui leur demande de justifier leur existence.Il est,par exemple,certain que le fait de revendiquer un accès facilité aux médicaments ou aux services de santé ou de formation se justifie uniquement dans la perspective d’un développement à dimension humaine. Bien plus litigieuse, en revanche, est la question de savoir à qui ces revendications doivent être adressées. On constate, en fin de compte, que dans la perspective d’une juste répartition sociale des tâches, c’est la responsabilité de différents acteurs qui est engagée. Aucun d’entre eux ne porte la responsabilité de tous les problèmes; personne n’a tous les droits, pas plus que tous les devoirs. Chaque composante de la société (économie, État, science, famille, religion, justice, culture) a des devoirs et des intérêts clairement séparés de ceux des autres. La société a besoin de la collaboration constructive de tous ses éléments. L’économie et les organismes (entreprises) et individus dont elle se compose constituent un sous-système relativement indépendant, bien qu’intégré à l’ensemble de la société. Sa tâche consiste à subvenir aux besoins matériels de chacun (le plus efficacement possible en termes de coûts). Cela exige un ensemble coordonné d’actions rationnelles, dont s’acquittent les acteurs économiques: individus et entreprises. Il en découle des principes et des modes de comportement qui se distinguent fondamentalement de ceux d’autres sous-systèmes de la société. Dans nos sociétés modernes, la controverse porte sur trois questions: qu’est-ce qu’une entreprise doit concrètement considérer comme une obligation allant de soi et non négociable? Quelles sont les exigences excessives contre laquelle l’économie doit se défendre? Qu’est ce qui, indépendamment de l’aspect éthique, peut être au moins considéré comme un investissement social dans l’intérêt bien compris de l’économie? Toute entreprise serait bien inspirée de s’intéresser aux problèmes des divers groupes sociaux et, après examen des aspects internes et externes de la question, de montrer clairement à quels niveaux se situent leurs devoirs. Ce processus n’est pas aisé, car des groupes sociaux différents, aux intérêts divergents, n’ont pas la même conception de ce que doivent être les responsabilités de l’entreprise. Les collaborateurs, clients, fournisseurs, actionnaires, médias ou personnes engagées en faveur du tiers-monde ont habituellement des intérêts différents, ce qui est d’ailleurs parfaitement légitime dans les sociétés pluralistes. Chaque groupe d’intérêts dialoguant avec l’entreprise et son management souhaiterait modifier le statu quo à son avantage, conformément à ses vues. Toutes les demandes des groupes sociaux ne correspondent pas forcément à un devoir moral pour l’entreprise. 28 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 La responsabilité générale des entreprises recouvre des dimensions très diverses La responsabilité sociale des entreprise englobe plusieurs dimensions et va bien au-delà des responsabilités commerciales au sens Points de vue politico-économiques Graphique 1 une grande variété d’avis au plan international. Ce qu’une majorité de l’opinion juge aujourd’hui comme de la responsabilité sociale des entreprises par excellence dans un pays déterminé n’est donc pas gravé dans la pierre pour l’éternité, mais reflète le processus politique du moment, ajusté à des conditions sociales toujours changeantes. Dimensions de la responsabilité sociale des entreprises Attitude souhaitée Attitude escomptée Attitude exigée Prestations particulières (selon les branches) Par exemple: refus des pratiques discutables rôle de pointe sur le plan éthique La responsabilité sociale des entreprises, une philosophie de gestion Par exemple: respect des lois ainsi que des normes internationales largement reconnuees, sensibilité à certaines obligations et situations Source: Leisinger/La Vie économique étroit. La définir revient à distinguer trois niveaux de responsabilité aux degrés d’intensité décroissants (voir graphique 1): – les règles impératives («attitude exigée») relèvent du sens de la responsabilité qu’on est en droit d’attendre d’une entreprise comme allant de soi selon le consensus social général,comme,par exemple,le respect de toutes les lois, une activité économique profitable et la création d’emplois; – les règles recommandées («attitude escomptée») relèvent d’un niveau de responsabilité moins contraignant que dans le cas précédent. Elles sont aussi considérées comme allant largement de soi par la majorité des populations de nos sociétés modernes. Des réglementations de travail claires au service de pratiques d’entreprises citoyennes («good corporate citizenship») ou une politique moderne de protection de l’environnement en sont de bons exemples; en d’autres termes, l’application par l’entreprise d’un code de comportement interne même là où la loi ne l’exige pas (p. ex. dans un pays en développement en l’absence de toute législation afférente); – les règles potestatives («attitude souhaitée») correspondent aux responsabilités supplémentaires que l’entreprise assume et qui, certes, sont également souhaitables et appréciées d’un point de vue social, mais ne correspondent généralement pas à une exigence du public. Citons ici, à titre d’exemple, la «philanthropie de l’entreprise», ou les efforts de formation qu’elle fournit au-delà de ses besoins propres. Dans les sociétés modernes, les définitions des responsabilités sociales de l’entreprise considérées comme légitimes augmentent avec le niveau général de prospérité économique, sans compter qu’elles suscitent aussi 29 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 La responsabilité sociale des entreprises n’est pas seulement un «wagon de luxe» que l’on ajoute au «train de l’entreprise» lorsque les circonstances le permettent. C’est bien davantage une philosophie de gestion qui prend en compte les intérêts à long terme de l’entreprise en intégrant dans son approche les exigences économiques, sociales, écologiques et politiques d’une société. Elle fait partie de la culture d’entreprise dans toutes ses activités. Je suis convaincu que les carences que l’on constate parfois dans les législations de certains pays en développement et les lacunes dont ceux-ci font preuve dans les domaines sociaux ou environnementaux confèrent encore plus d’importance à la responsabilité sociale des entreprises qui y travaillent que dans les États industrialisés. Les entreprises qui exercent leurs responsabilités sociales dans les trois dimensions évoquées ci-dessus se soumettent à un processus d’apprentissage social qui les amène à affronter des problèmes et des réalités tout à fait différents, structurellement parlant, de ceux qui constituent ordinairement leur univers. Elles développent ainsi une meilleure compréhension pour les autres points de vue et y gagnent en compétence sociale. Celle-ci rend une entreprise plus sensible à son environnement social, et donc plus sympathique. Puisqu’en définitive, tous les acteurs civils partagent la responsabilité de l’évolution de la société, leur collaboration, si elle est constructive et durable, est l’un des plus sûrs garants de la prospérité générale. Points de vue politico-économiques Logique économique et solidarité de la politique de développement Ces derniers temps, la politique menée en matière de coopération au développement est régulièrement remise en question, non seulement du fait de la mondialisation, mais aussi de l’européanisation des marchés. Faut-il y voir l’émergence d’un conflit entre deux logiques d’action différentes: la logique économique – celle des intérêts propres et du marché – s’oppose-t-elle à celle de la solidarité? Si les objectifs qu'elles poursuivent sont différents, ils ne sont pas toujours nécessairement contradictoires. Toutefois, si l’on veut parler sérieusement de solidarité L’objectif de la coopération au développement est d’améliorer les conditions d’existence des populations et des pays les plus pauvres de la planète. C’est une réponse à la logique de la solidarité qui veut qu’on se mette à la place des Photo: Keystone autres et qu’on place leurs intérêts au premier plan de ses préoccupations. en matière de politique de développement, on ne peut accorder la primauté à ses intérêts propres. Les critiques adressées à la façon dont est organisée la coopération au développement ne découle pas de son ampleur ou de sa qualité. L’orientation interne, l'efficacité et la durabilité de la politique suisse de développement sont largement reconnues. Sur le plan théorique tout au moins, le monde politique et l’opinion publique approuvent sans réserve la lutte contre la pauvreté en général et l’amélioration des conditions de vie individuelles et collectives dans les parties les plus pauvres du monde. Une coopération au développement au service des intérêts économiques? Dans un contexte de concurrence économique renforcée au plan européen et mondial, P r Hans-Balz Peter Professeur d’éthique sociale, université de Berne, PEWI Praktische Ethik – Forschung und Beratung, Hinterkappelen/Bern 30 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 de plus en plus de voix demandent une réorientation des ressources mises à disposition de la politique étrangère. L’idée revient régulièrement de placer la coopération au développement au service d’intérêts économiques à court terme, dans le but d’améliorer la position de la Suisse en matière de concurrence. On demande que les ressources fassent désormais l’objet d’un engagement ciblé et ramènent des commandes aux entreprises suisses. Les contributions à la cohésion européenne: une compensation au détriment des pays de l’Est Au Parlement, on envisage déjà d’utiliser les fonds de l’aide au développement pour compenser financièrement les engagements pris par la Suisse dans le cadre des négociations sur les accords bilatéraux II.À l’instar des pays les plus prospères de l’UE, la Suisse est tenue de verser une contribution à la cohésion européenne afin de favoriser l’équilibre structurel et la cohésion sociale entre – pour simplifier – ses «anciens membres riches» et ses «nouveaux membres pauvres». Ces engagements constituent le tribut économique des avantages que retire la Suisse des accords bilatéraux II et de l’élargissement de l’UE (parmi Points de vue politico-économiques lesquels le fait que son secret bancaire soit préservé, y compris en matière de fraude fiscale). Si on se place du point de vue économique et financier, quoi de plus évident que de «compenser» partiellement les milliards versés à la cohésion européenne en pratiquant des coupes dans la coopération au développement avec les pays les plus pauvres à l’est de l’UE? Or, même en adoptant cette logique, cela signifierait que le prix des avantages «ex contractu» obtenus par la Suisse devrait être payé,non par la Suisse elle-même, mais par les habitants des pays de l’Est. Une logique économique limitée La logique économique qui se focalise sur les intérêts propres et répond, au plan moral, au précepte du «do ut des» – donne autant que tu reçois – procède d’un cheminement logique très limité. S’il est normal qu’elle domine le mode de pensée en termes purement économiques, il n’est pas bon qu’elle serve de principe directeur dans tous les domaines de l’existence. Car l’essentiel de notre existence va bien au-delà de l’offre et de la demande. Dans ce sens, politique étrangère, politique de développement et politique de solidarité se différencient des relations économiques extérieures, de la politique des finances et de la politique économique dans leur logique interne. L’efficacité et l’opportunité de ces deux dernières se mesurent à l’aune des services qu’elles rendent à nos intérêts économiques nationaux. Ce sont eux qui déterminent les objectifs de ces politiques. La solidarité, c’est la sauvegarde des intérêts des autres L’objectif de la coopération au développement, par contre, repose sur une base fondamentalement différente, à savoir l’intérêt des autres. Son but est d’améliorer les conditions d’existence des populations et des pays les plus pauvres de la planète ou, tout au moins, de soutenir les efforts que ceux-ci entreprennent en ce sens: c’est une réponse à la logique de la solidarité et à la règle d’or qui veut qu’on se mette à la place des autres et qu’on place leurs intérêts au premier plan de ses préoccupations. La solidarité ne se résume pas à de l’argent jeté à fonds perdus et à des dons faits sans arrière-pensée; elle vise à la coopération. Partant de cette logique, les objectifs et les stratégies de la politique de développement sont définis sur la base des besoins bien compris des groupes-cibles et non des intérêts économiques de la Suisse. S’y ajoute le fait que la logique de solidarité englobe pour ainsi dire une autre dimension que la logique économique; pour être diffé- 31 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 rentes, elles ne sont pas pour autant systématiquement contradictoires. En matière de solidarité, c’est l’autre qui a la priorité; en matière économique, c’est l’intérêt propre. Mais, en l’occurrence,il y a indubitablement des convergences: dans certaines circonstances,les objectifs de la politique de développement peuvent s’accommoder d’intérêts propres bien compris. Ceux-ci ne peuvent, toutefois, constituer l’objectif premier et la logique du sens de la solidarité commande de les placer en deuxième priorité seulement. Cette priorité prive de toute légitimité le souhait d’une compensation financière immédiate ou le projet de financer les contributions à la cohésion européenne par les fonds de l’aide au développement. Un ordre qui protège les faibles La logique économique à court terme doit aussi apprendre que la Suisse ne peut, à moyen et à long terme, survivre et prospérer sans heurts, telle une île au milieu d’un océan de pauvreté et d’injustice. Les grains pourraient être trop forts et les flots trop furieux si la Suisse n’apprend pas à coexister dans une paix emprunte d’ordre et de justice avec le reste du monde, ce qui exige aussi un ordre politique et économique qui peut être implicite ou explicite et qui protège les faibles et les pauvres. Instaurer un ordre implicite est plus exigeant, car cela repose sur la responsabilité individuelle: aucune instance n’est directement chargée de le faire respecter. La politique de développement menée par la Suisse contribue à un ordre implicite; les contributions destinées à la cohésion européenne répondent, par contre, à un ordre explicite mis en place par l’UE. Tout comme le petit État qu’est la Suisse dépend, au plan mondial, d’une bonne organisation dans le domaine économique et financier, les nations défavorisées et, en particulier, les populations pauvres qui y vivent dépendent d’une solidarité internationale bien organisée. À cet égard, les deux logiques sont interdépendantes. Au niveau de la solidarité pure, il convient de respecter et de promouvoir l’organisation nationale, européenne et mondiale de la solidarité; elle ne permet pas de succomber à la tentation de subordonner l’organisation solidaire à l’avantage à court terme et à une prétendue sagesse au nom de la logique écono mique. Points de vue politico-économiques Le commerce équitable contribue au développement L’ouverture des marchés ne garantit pas à elle seule le développement durable. Il faut plutôt aller sur place pour y prodiguer appuis et conseils, de même que pour y développer et mettre en œuvre des normes sociales et écologiques à grande échelle. Dans ce domaine, la collaboration entre État et économie représente un succès et sera encore étendue. Les normes de production internationales comme celles certifiées par le label du Forest Stewardship Council sont une façon efficace de faire triompher les exigences minimales en matière d’écologie et de social. En illustration: exploitaPhoto: seco tion durable de la forêt tropicale au Vietnam. Les théories et modèles économiques montrent clairement que l’élimination des entraves au commerce et l’ouverture des marchés aboutissent en principe à davantage de prospérité et marquent positivement l’économie. On néglige, toutefois, trois éléments importants: – la question du partage équitable des gains de prospérité; – l’insuffisance de l’internalisation des coûts externes; – l’hétérogénéité croissante des biens. Ces questions sont à peine abordées dans les négociations actuellement en cours à l’OMC dans le cadre du cycle de Doha,ou alors les pays en développement les ressentent comme du protectionnisme dissimulé. Si elles sont exclues de la politique commerciale au niveau international, quelle responsabilité l’économie assume-t-elle alors? Quelle peut être la contribution d'un détailliste comme Coop, seul ou en collaboration avec d’autres acteurs économiques? Sibyl Anwander Phan-huy Cheffe de la politique économique et de la durabilité chez Coop, Bâle De plus en plus de pays sont exclus du marché Alors que la théorie économique postule en général des biens homogènes, il s’avère de plus en plus, en réalité, que les transactions portent 32 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 non pas sur des biens, mais sur des ensembles de prestations. Les exigences croissantes du commerce, mais aussi du législateur, en matière de traçabilité, de garantie de la qualité, de rapidité de livraison et de souplesse aboutissent à ce que le prix ne soit plus le seul critère décisif pour le succès sur le marché. Ces exigences aboutissent à ce que les pays qui ne disposent pas des infrastructures correspondantes et d’une administration compétente sont de plus en plus exclus du marché ou réduits au rôle de fournisseurs (échangeables) de matières premières. Il faut se féliciter de l’action de la coopération suisse au développement qui, en déployant les capacités nécessaires pour y remédier, va dans le sens d’un commerce mondial vraiment libre. La fonction de commerce L'internalisation incomplète des coûts externes aboutit en général à un gaspillage des ressources naturelles lors de la production, à une surcharge de l’environnement et à des atteintes à la dignité de l’homme et des animaux. Le commerce peut jouer ici le rôle de garde-fou: en fixant des exigences précises en matière de production, les produits particulièrement nuisibles pour l’environnement peuvent être retirés de l’offre; les sociétés qui contreviennent de façon choquante aux con- Points de vue politico-économiques ventions sur le travail de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) peuvent être exclues comme fournisseurs. C’est en ce sens que Coop a édicté depuis 2002 une directive d’achat contraignante pour tous ses fournisseurs et acheteurs, et en fait vérifier la mise en œuvre, sur la base d’une analyse des risques, par une organisation de contrôle indépendante et accréditée. Des normes de production efficaces À part nos efforts particuliers, nous estimons aussi que les normes de production internationales de droit privé sont une façon très efficace de faire triompher un peu partout les exigences minimales en matière d’écologie et de social. Coop en encourage le respect dans son propre assortiment et collabore activement à leur élaboration. Les labels du Forest Stewardship Council (FSC) pour l’exploitation durable des forêts ou du Marine Stewardship Council (MSC) pour la pêche durable des poissons et des fruits de mer, ou encore la norme EurepGap pour les produits agricoles en sont de bons exemples. Leader dans le commerce équitable Nous redoublons d’efforts dans le domaine des produits certifiés Fairtrade qui s'attaquent ouvertement au problème de l’équité dans la distribution. En payant des prix plus élevés et en offrant des garanties d’achat,Fairtrade s’assure que le commerce avec les pays en développement contribue effectivement à ce que production et transformation soient synonymes de valeur ajoutée. Coop est le plus grand distributeur au monde de produits certifiés Fairtrade, sous le label Max Havelaar, et son engagement est une des raisons pour lesquelles la Suisse est le pays où l’on vend le plus de produits équitables. En ne vendant plus que des roses moussues Max Havelaar – et des bananes depuis 2004 – Coop a pris des initiatives courageuses, qui ont eu un grand écho international. Il semble que le commerce équitable demandera au niveau mondial encore davantage d'écologie au stade de la production. Coop se félicite de ce progrès et le soutient, parce qu’il accroît encore la crédibilité et l’attrait des produits Fairtrade aux yeux de la clientèle. La collaboration entre le Secrétariat d’État à l’économie (seco), les groupes de producteurs locaux, Max Havelaar et le commerce suisse de détail permet au commerce durable avec les pays en développement de se développer constamment. Un exemple réussi en ce domaine concerne le développement commun de crevettes d’élevage biologique au Vietnam, au Pérou et en Équateur, en vente chez Coop de- 33 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 puis le mois de mai 2004. L’important, dans de tels projets novateurs,est que les organisations de producteurs soutenues puissent atteindre un niveau élevé de qualité et de productivité pour améliorer durablement leur compétitivité. Il serait souhaitable d'étendre les centres de production propre Appliquer dans le domaine «non-food» les exigences sociales des conventions de l’OIT représente un défi particulier pour le commerce de détail suisse. Étant donné les petits volumes que celui-ci achète sur le marché mondial, la collaboration internationale s’impose dans la pratique.Sur ce point,un suivi des fournisseurs par le seco serait des plus souhaitables. L’activité des centres de production propre («Cleaner Production Centers»), que le seco entretient dans divers pays producteurs importants, pourrait être élargie jusqu’à comprendre la formation et le suivi, pour les entreprises intéressées, dans des domaines tels que la sécurité au travail, la représentation des travailleurs, la non-discrimination, l’interdiction du travail des enfants et des travaux forcés, ainsi que la garantie de salaires suffisants. L’objectif devrait être de soutenir et de conseiller les entreprises des pays en développement qui mettent en œuvre ces exigences sociales. Là aussi, il convient de s’assurer que tous les signaux soient alignés: il faut vraiment que celui qui s’efforce de respecter les normes internationales du travail soit assuré d’améliorer sa position sur le marché. Coop observe avec beaucoup d’intérêt les projets de ce type dans d'autres pays. De plus – et surtout dans son programme Naturaline – Coop parraine avec succès ceux de ses fournisseurs qui s'efforcent d’obtenir leur homologation selon la norme exigeante SA 8000. Points de vue politico-économiques Promouvoir durablement le secteur privé Swisscontact, la Fondation suisse de coopération au développement technique, contribue à la réduction de la pauvreté en promouvant le développement économique durable dans un groupe déterminé de pays du Sud et de l’Est. La politique de Swisscontact se base sur la conviction que la croissance économique est au centre de la lutte contre la pauvreté. Ce faisant, la fondation partage les principes du Secrétariat d’État à l’économie (seco), qui s’inspirent de l’économie de marché et de l’initiative privée. Ces quarante dernières années, la coopération internationale au développement a subi un changement de paradigme: de manière générale, les partenaires étatiques suscitent aujourd’hui davantage de réserve, tandis que l’initiative privée représente une garantie importante du succès des programmes de développement. Alors même qu’une organisation tournée vers l’économie de marché, comme Swisscontact, éveillait encore beaucoup de scepticisme au début des années quatre-vingt, les approches de ce type sont à présent devenues communes à la coopération au développement et répondent aux préceptes suivants: – subsidiarité: ne soutenir que les domaines où l’État et le secteur privé n’agiront de toute façon pas; – appuyer le dialogue politique en matière de politique d’industrialisation (macroniveau) et les activités au niveau des institutions (mésoniveau); – se concentrer sur les petites et moyennes entreprises (PME), lesquelles sont les plus flexibles et les plus efficaces pour amortir les fluctuations du marché de l’emploi; – la coopération avec le secteur privé en Suisse et dans les pays partenaires est non seulement tolérée, mais aussi et surtout souhaitée (partenariat public-privé). La complémentarité de l’État et du secteur privé Urs Egger Directeur de Swisscontact, Suisse, Fondation suisse de coopération au développement technique, Zurich De nos jours, l’État doit avant tout devenir complémentaire du secteur privé: alors que ce dernier met à disposition savoir professionnel et capital, le premier définit le cadre légal. Le seco suit ce principe de complémentarité et en tire des conclusions conformes à la politique prônée par Swisscontact, qui met au premier plan la promotion du secteur privé, principale garante du développement économique. Si la croissance économique est nécessaire, en raison de son potentiel de création d’emplois et de revenus, elle ne suffit pas à juguler la misère. Il faut encore que les pauvres puissent y participer directement. C’est pourquoi Swisscontact cherche à la rendre possible, en s’engageant dans la promotion des PME, des services financiers et de la formation professionnelle, tout en veillant à ce que les instruments utilisés aient le moins d’effets possibles en termes de distorsion de la concurrence. 34 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Swisscontact entend aussi influencer dans le bon sens les conditions-cadres dans lesquelles évolue le développement économique des plus pauvres. À cet égard, le dialogue politique constitue un instrument important pour réduire l’ingérence de l’État dans les libertés individuelles et faire bénéficier le développement économique d’une réglementation qui lui soit favorable. Les instruments de promotion du secteur privé n’atteignent, toutefois, leur pleine efficacité que si l’action de tous ceux qui participent à la lutte contre la pauvreté est coordonnée et que les projets menés par Swisscontact avec les organisations gouvernementales, les ONG et les donateurs sont liés entre eux. Des premiers efforts en ce sens se manifestent par exemple via le mode de coordination que les donateurs ont adopté pour déterminer les objectifs à atteindre. Inciter à économiser davantage sur les coûts La bonne exécution des projets de développement revêt, de surcroît, une importance cruciale. Maintes organisations d’assistance demeurent fortement marquées par les procédures administratives, ce qui découle en partie du fait que leurs budgets se constituent pour une bonne part de mandats ou de contributions en provenance de l’État fédéral. Cela n’engage nullement à réduire les coûts. Or, il ne fait aucun doute que les programmes recèlent encore un grand potentiel de croissance sur le plan de l’efficacité lors de leur mise en œuvre. On ne peut exiger des seuls partenaires du Sud qu’ils adoptent une optique tournée vers la clientèle en rationalisant les structures et veillant au déroulement efficace des programmes: cela nous concernent aussi. La voie empruntée par le seco, qui entend procéder à l’adjudication des programmes de développement, va dans la bonne direction. Un développement économique durable des pays pauvres n’est possible qu’en procédant aux améliorations évoquées. Fondé sur l’initiative privée, il est la seule voie possible pour réduire réellement et efficacement le nombre considérable de pauvres et, ainsi, atteindre cet objectif déclaré qu’est la coopération au développement nationale et interna tionale. Points de vue politico-économiques Lutte contre la pauvreté: la question essentielle est occultée Les efforts consentis à l’échelle internationale pour endiguer la pauvreté reposent sur deux piliers: d’une part, les Objectifs de développement pour le Millénaire et d’autre part, les stratégies de lutte contre la pauvreté. Le Sommet du millénaire de l’ONU a défini en septembre 2000 toute une série d’objectifs quantifiés pour le développement, à réaliser d’ici 2015. Rien n’a toutefois été précisé quant à leur mise en œuvre. Les États donateurs et les institutions de Bretton-Woods pensent pouvoir les atteindre grâce aux stratégies de lutte contre la pauvreté. Depuis 1999, les pays pauvres qui veulent bénéficier d’un allègement de leur dette ou de nouveaux crédits doivent, à la demande de la Banque Mondiale, du FMI et des pays donateurs, élaborer de telles stratégies. Peter Niggli Directeur de la Communauté de travail en matière de politique de développement Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas et EPER, Berne Les mouvements sociaux au Sud et les organisations de développement au Nord soutiennent les Objectifs de développement pour le Millénaire. Ils voient d’un bon œil le fait que leurs gouvernements s’engagent sur des objectifs mesurables et puissent être appelés à en rendre compte. En ce qui concerne les stratégies de réduction contre la pauvreté, ils se réjouissent de voir que les pays donateurs demandent que la population participe à leur élaboration.Qu’elles contraignent les gouvernements concernés à accroître leurs investissements dans les secteurs sociaux ou dans le domaine des infrastructures, est également positif en soi. Il règne, toutefois, un scepticisme considérable. La déclaration du Millénaire ne quantifie les objectifs que lorsqu’il s’agit des devoirs des pays en développement (réduction de moitié de l’indigence, instruction de base pour tous les enfants des deux sexes, etc.). En revanche, les obligations des pays industrialisés, auxquelles fait référence l’objectif 8 («Partenariat mondial»), restent vagues. On y parle notamment d’«aide publique au développement plus généreuse», sans pour autant en préciser la notion. Selon la Banque Mondiale, les budgets actuels devraient être doublés, voire triplés pour atteindre les objectifs visés. Aucun pays industrialisé ne veut pourtant s’y engager. En réalité, les moyens disponibles pour lutter contre la pauvreté seraient même en baisse. La puissance qui mène les pays industrialisés – les États-Unis – dirige actuellement des guerres qui coûtent plus du double de la coopération au développement et demande à ses alliés de contribuer financièrement aux «travaux de déblaiement» dans les «pays libérés». C’est aujourd’hui chose faite, au détriment du budget consacré au développement. Théoriquement, tout le monde – même la Banque Mondiale et le FMI – s’accorde à dire qu’endiguer la pauvreté implique la mobilisation des intéressés eux-mêmes.Nul n’a pourtant eu voix au chapitre sur les objectifs de développement, si ce n’est les gouvernements. Pour les stratégies de réduction de la pauvreté, c’est déjà mieux: tous les pays concernés organisent un processus de consultation. Souvent, c’est la première fois que des couches aussi vastes de la population peuvent s’exprimer sur la planification politique de leur gouvernement et formuler leurs propres souhaits. Du moins dans certaines limites: l’expression utilisée par Warren Nyamu- 35 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 gasira, représentant d’une ONG en Ouganda, pour caractériser ce processus – «Nous avons été participés» – en dit long à ce sujet. Intégration totale des pays en développement dans le marché mondial ou stratégie économique propre? La déclaration du Millénaire ne répond pas à la question qui domine depuis des années les débats sur la lutte contre la pauvreté: la doctrine économique préconisée depuis vingt ans par les institutions de Bretton-Woods et les pays donateurs et qui consiste à intégrer totalement les pays en développement dans le marché mondial refoule-t-elle la pauvreté ou au contraire la favorise-t-elle? La libéralisation de la circulation des capitaux et les avantages unilatéraux que les pays industrialisés se sont accordés dans les traités de l’OMC entraventils la croissance économique des pays en développement, ou la favorisent-ils? Ces questions ont également été laissées de côté lors des débats publics concernant les stratégies nationales de réduction de la pauvreté. La population pourrait certes s’exprimer sur les dépenses de son gouvernement dans le secteur social et dans le domaine des infrastructures, mais pas sur les obligations politico-économiques du FMI et de la Banque Mondiale. Celles-ci ont été placées au-dessus des débats publics comme des lois naturelles inébranlables de l’économie. Elles devraient, cependant, se situer au cœur des discussions sur la lutte contre la pauvreté. Les meilleurs résultats en matière de développement, notamment sur le plan de la lutte contre la pauvreté, ont été réalisés, ces vingt dernières années, par des pays qui ne devaient pas se plier au diktat politico-économique des pays donateurs et ont, au lieu de cela, mis en place leurs propres stratégies économiques. C’est de ces expériences que doivent partir les pays pauvres pour atteindre les Objectifs de développement pour le Millénaire. Il faut, enfin, que les pays industrialisés acceptent de rectifier l’inégalité des traités de l’OMC au profit des pays en développement et de mettre un terme à la pression sur la libéralisation des marchés financiers, telle qu’elle est par exemple exercée sur l’Inde et sur la Chine. Ils contribueraient ainsi considérablement à la réa lisation des objectifs du Millénaire. Points de vue politico-économiques La contribution des banques à la lutte contre la pauvreté L’esprit d’entreprise est le principal moteur de lutte contre la pauvreté qui, comme l’ont montré sans équivoque les expériences des dernières années, ne peut pas être réduite durablement par le seul biais de l’aide publique au développement. En effet, celle-ci doit d’abord être une aide à l’autonomie et c’est en ce sens que l’apport de l’économie privée peut être essentiel, puisqu’elle crée des emplois, assure un revenu et fournit des services et des produits répondant aux besoins. Sa contribution à la croissance économique repose sur l’épargne et les inves- Pour contribuer à la lutte contre la pauvreté, l’économie privée a besoin de conditionscadres appropriées: – un contexte macro-économique mondial stable, qui permet un échange ouvert de biens, de services, d’informations et d’idées; – des conditions macro-économiques prévisibles au niveau national, dans les pays en développement eux-mêmes, comme, par exemple, la stabilité politique et l’applicabilité des droits des contrats et de la propriété; – des infrastructures de base telles que l’approvisionnement en eau, l’électricité, des routes, des télécommunications, une éducation de base et un système de santé ouvert à tous. De son côté, l’économie a le devoir d’accepter les conditions-cadres et de participer à leur aménagement. tissements privés. Dans ce contexte, les banques jouent le Au-delà des lois et des normes rôle d’intermédiaire financier. Pour l’économie, respecter l’ensemble des lois et des normes en vigueur ne suffit pas. Il faut aussi souscrire aux accords facultatifs (tels que le code de conduite édicté pour l’ensemble du personnel du Credit Suisse Group, la Déclaration du Pnue pour les prestataires de services financiers ou le Pacte mondial de l’ONU). De plus, des processus internes doivent être mis en place afin de réduire au minimum les répercussions négatives que pourrait engendrer l’activité économique; par exemple en évaluant, lors de l’octroi de crédits, les risques écologiques ou sociaux, dans le respect des «principes de l’Équateur» cosignés par le Credit Suisse Group. L’accès au capital est décisif René P. Buholzer Chef du secteur Public Affairs du Credit Suisse Group, Zurich L’accumulation de capital est une condition nécessaire à la croissance économique. La productivité des marchés financiers internationaux permet de renforcer l’accès au capital dans les pays en développement et donc de réaliser des investissements dépassant les capacités de l’épargne nationale. En tant qu’intermédiaires financiers, les banques fournissent à cet effet l’infrastructure nécessaire au trafic des paiements et aux opérations boursières, octroient des crédits ou placent des em- 36 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 prunts destinés à financer des investissements. Les flux financiers, qui vont de l’économie privée vers les pays émergents ou en développement, représentent plusieurs fois l’aide publique au développement. Si les crédits accordés directement par les banques d’affaires internationales ont sensiblement diminué depuis la crise financière en Asie, les obligations placées par les banques (par exemple pour des projets d’infrastructure) et, en particulier, les investissements directs jouent un rôle essentiel. Ces deux flux financiers participent en général d’un engagement à plus long terme et sont susceptibles de créer des emplois sur place et de favoriser le développement, en particulier lorsqu’ils s’accompagnent d’un transfert de savoir-faire. La micro-finance fait fonction de relais Les destinataires des capitaux précités étant généralement des gouvernements ou des entreprises locales, ce genre d’intermédiation financière ne profite qu’indirectement aux plus démunis, par exemple sous forme d’emplois ou d’un meilleur raccordement de la région au réseau de transport. Le concept de microfinance constitue, par contre, une démarche novatrice pour mobiliser les ressources locales. Il consiste à octroyer aux petites et très petites entreprises, essentielles pour un développement durable et situées dans des pays en développement, des crédits représentant souvent à peine 50 dollars US.Ceux-ci permettent,néanmoins, aux micro-entrepreneurs d’accroître sensiblement la rentabilité de leur exploitation ou de leur activité commerciale. Il s’agit d’un créneau prometteur car, dans les pays industrialisés, les possibilités d’investissement offrant un rendement non seulement financier, mais aussi social sont de plus en plus prisées. En 2003, le Credit Suisse Group a participé, aux côtés d’autres acteurs de la place financière suisse, à la mise en place d’une plateforme destinée à développer des possibilités d’investissement dans le domaine de la microfinance. Servant de relais entre le marché financier et la coopération au développement, la société Responsability AG créée à ces fins permet aux investisseurs tant privés qu’institutionnels d’effectuer des placements intéressants économiquement et profitable en termes de développement. Points de vue politico-économiques Deux exemples de la participation de Nestlé à la lutte contre la pauvreté Près de la moitié des cinq cents centres de production de Nestlé se trouvent dans des pays en développement ou émergents. En achetant ses matières premières et en les faisant transformer sur place, l’entreprise contribue à stimuler l’économie régionale. Elle procure ainsi à l’agriculture locale des débouchés fiables et augmente sa valeur ajoutée. Nestlé fournit, en outre, de l’aide technique aux paysans pour qu’ils puissent produire des matières premières de la qualité voulue. Les «districts laitiers» que Nestlé a créés au Pakistan et en Chine avec le concours des paysans sont des exemples concrets de cette stratégie. En tant qu’entreprise de dimension internationale, dotée d’une politique commerciale à long terme, et en tant que plus gros acheteur mondial de lait, café et cacao, Nestlé a un intérêt manifeste à disposer de sources de matières premières fiables et de haute qualité. Cependant, Nestlé ne possède ni plantations ni vaches, mais achète toutes les matières premières nécessaires: la plus grande partie du café et du cacao auprès des compagnies internationales spécialisées, les deux tiers du lait, en revanche, directement auprès des paysans. C’est en ce sens que Nestlé a commencé, il y a déjà plus de quarante ans lors d’un projet en Inde, à organiser des districts laitiers dans les pays en développement. Le Pakistan Le district laitier géré par Nestlé couvre une superficie de 71000 km2,soit presque le double de la Suisse. Plus de 130 000 paysans profitent de la possibilité de vendre leur lait à de bonnes conditions. L’achat leur en est garanti pour autant que la qualité requise soit respectée. Les paiements s’effectuent sur une base hebdomadaire, ce qui assure aux paysans un revenu régulier. Chaque semaine, ce sont ainsi plus d’un million de dollars US qui vont à l’agriculture locale. Les conseils que Nestlé procure aux paysans n’abordent pas seulement des sujets directement liés à l’élevage, comme la santé et l’hygiène, la protection de l’environnement, l’amélioration de la qualité, les fourrages et l’insémination artificielle, mais aussi les aspects économiques et financiers. La Chine Hans Jöhr Directeur du service agricole, Nestlé SA, Vevey En Chine, Nestlé collabore étroitement avec les paysans depuis quinze ans. La possibilité d’écouler le lait et d’en tirer des revenus réguliers a aussi provoqué là-bas une forte augmentation de la production laitière. L’aide technique de Nestlé a également provoqué une baisse des coûts de production, et donc une augmentation du revenu des paysans. Dans le district laitier de la province de Heilongjiang, à l’extrême nord du pays, 21000 paysans alimentent 73 centres de collecte, qui ravitaillent à leur tour notre usine locale. La plupart des paysans n’ont que cinq vaches, qui produisent chacune environ 4500 kilos de lait 37 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 par an. Le paysan en retire un revenu mensuel de 300 dollars US,soit douze fois plus que le revenu moyen fourni par l’agriculture chinoise! Ces trois dernières années,les ventes de lait par les paysans ont augmenté de 30%. Sa qualité s’est constamment améliorée, et comme ce facteur est déterminant pour le paiement, le revenu et le niveau de vie des paysans ont progressé eux aussi. Dans l’intérêt de tous les participants Dans les deux cas – Chine et Pakistan –, il apparaît clairement que pour que l’engagement de Nestlé débouche sur un succès, il doit être dans l’intérêt de toutes les parties,en commençant par celui des paysans à lui vendre leur lait. D’un autre côté, les investissements de l’entreprise doivent être justifiés à long terme. Enfin, la communauté politique locale doit également profiter de la dynamisation économique de la région, incarnée par des emplois et des revenus assurés. C’est par des petits pas discrets, bien qu’efficaces, tels que ceux-ci que commence la lutte contre la pauvreté. Les entreprises jouent ici un rôle crucial, car elles sont en mesure de contribuer largement à la création de valeur par leurs produits et leurs prestations de services. L’esprit d’innovation et la productivité sont d’autres facteurs de succès.Dans le cas de Nestlé,il s’y ajoute encore les facteurs suivants: – d’abord le contrôle de la qualité et la traçabilité des matières premières, parce que la sécurité des denrées alimentaires est une base non négociable de notre activité; – ensuite, la disponibilité des matières premières au bon moment et en quantité voulue; – enfin, les coûts des matières premières, qui sont une condition primordiale de la compétitivité; mais là aussi, nous ne saurions faire de concessions sur la qualité. Grâce à nos conseils, la productivité a pu augmenter au Pakistan et en Chine, et avec elle les revenus des paysans.Ce faisant,nous ne misons pas sur une monoculture,mais sur une diversification de l’activité agronomique. Économie suisse Agenda de politique économique Agenda de politique économique Agenda de politique économique État au 13 juillet 2004 Dossiers Début de la consultation Message 1er Conseil 2e Conseil Commission Plénum Commission Plénum Commission spéciale CN: délibération achevée CN: délibération achevée (19.06.2003) Nouvelle Péréquation financière (RPT)1 14.04.1999 14.11.2001 Commission spéciale CE: délibération achevée CE: délibération achevée (02.10.2002) Travail au noir 2 30.08.2000 16.01.2002 Sous-commission du CER-N: délibération achevée CN: session d’été Nouveau régime financier (NRF)3 21.09.2001 09.12.2002 CER-E: délibération achevée CE: délibération achevée (19.06.2003) Révision de la loi sur les télécommunications (LTC)4 05.07.2002 12.11.2003 CTT-N: Premières délibérations achevées Deuxième revue de détail achevée CN: entrée en matière décidée Retour à la CTT-N pour la revue de détail (18.03.2004) CN: session d’automne 2004 (planifié) Deuxième réforme de l’imposition des sociétés 05.12.2003 Réforme des chemins de fer 2 19.12.2003 Révision de la loi sur le marché intérieur (LMI)5 12.03.2004 Assurance-maladie – 1er train de mesures (Messages 1A–1D)6 – 2e train de mesures (Messages (2A–2B)7 Nouvelle politique régionale 8 CER-N: délibération achevée CN: délibération achevée (11.12.2003) Réglement des divergences Vote final aux chambres fédérales Référendum Informations sur Internet Articles dans «La Vie économique» Élimination des divergences achevée (CE: 01.10.2003) 03.10.2003 Référendum obligatoire www.efd.admin.ch, Politique budgétaire et économique www.parlament.ch, Dossiers actualités LVE 12/01, p. 4ss. LVE 11/02, p. 10s. www.seco.admin.ch, «Travail et emploi», «Politique du marché du travail» LVE 02/02, p. 4ss. www.efv.admin.ch, Politique économique et financière LVE 11/02, p. 20s. www.bakom.ch, Actualités LVE 11/02, p. 26s. LVE 01/03, p. 4ss. Élimination des divergences achevée 19.03.2004 Référendum obligatoire LVE 12/03, p. 4ss 23.03.2004 12.05.2004 28.04.2004 Protokole additionnel à 30.06.2004 l’accordsur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE 9 (mesures d’accompagnement incl.)10 Accords bilatéraux II 30.06.2004 Source: La Vie économique Autres sources: www.parlament.ch; www.bk.admin.ch 38 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 39 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 40 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Points de vue politico-économiques Agenda de politique économique Agenda de politique économique Décisions du Conseil fédéral (du 14 juin au 13 juillet 2004) 21 Les modifications intervenues dans l’Agenda en bref • Début de la consultation sur: – la nouvelle réglementation de l’assurance-soins; – le protocole additionnel à l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE; – les mesures d’accompagnement à l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE; – les accords bilatéraux II. • Fin des délibérations sur la révision de la loi sur les télécommunications au CTT-N. Titres complets des dossiers 1 Message concernant la Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) 2 Projet de loi concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir 3 Projet de nouveau régime financier (NRF) 4 Projet pour une révision partielle de la loi sur les télécommunications (LTC) 5 Révision de la loi fédérale sur le marché intérieur (LMI) 6 Assurance-maladie. 1er train de mesures 7 Assurance-maladie. 2e train de mesures 8 Nouvelle loi fédérale sur la politique régionale (LNPR) 9 Protocole additionnel à l’accord aur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE. Extension aux nouveaux États membres de l’UE. 10 Mesures d’accompagnement à l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE. Abréviations diverses CF: LVE: CN: CSSS: CE: CER: CSEC: CTT: Conseil Fédéral La Vie économique Conseil National Commission de la Sécurité sociale et de la Santé publique Conseil des Etats Commission de l’Économie et des Redevances Commission de la Science, de l’Éducation et de la Culture Commission des Transports et Télécommunications 41 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 23.06. Révision de la loi sur l’assurance-maladie. Nouvelle réglementation de l’assurance-soins: le Conseil fédéral a lancé la procédure de consultation. Son projet, soucieux de relever les défis financiers et sociopolitiques dans le domaine des soins, fait porter la discussion sur deux modèles. Ceux-ci se distinguent par la définition des prestations obligatoirement prises en charge par les caisses. Tandis que dans le premier modèle l’assurance-maladie ne procède à un remboursement intégral que dans les cas complexes, dans le deuxième elle ne prend en charge la totalité des coûts que dans les cas «aigus» (jusqu’à 90 jours). Les deux modèles visent à stabiliser l’assise financière de l’assurance-maladie tout en élargissant les prestations complémentaires. 30.06. Protocole additionnel à l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE. Extension aux nouveaux États membres de l’UE: le Conseil fédéral a lancé la procédure de consultation. Les négociations que la Suisse a menées avec la Commission européenne pour obtenir un régime transitoire en matière d’accès au marché du travail ont commencé en juillet 2003. Il s’agissait de lui accorder un régime analogue à celui dont jouissent les anciens États de l’UE. Cet objectif a été entièrement atteint. Le délai de transition durera jusqu’en 2011 et permet le maintien des restrictions relatives au marché du travail (priorité aux travailleurs indigènes, contrôle des salaires et contingentement). Ensuite, la libre circulation des personnes sera également applicable aux nouveaux États membres de l’UE. Cependant, en cas d’immigration massive, la Suisse aurait la possibilité de réintroduire des contingents jusqu’en 2014. Le protocole additionnel à l’accord sur la libre circulation des personnes entrera en vigueur au plus tôt en 2005, autrement dit après sa ratification par le Parlement et un éventuel référendum. 30.06. Mesures d’accompagnement à l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE. Extension aux nouveaux États membres: le Conseil fédéral a lancé la procédure de consultation. Le train de mesures prévoit d’améliorer les mécanismes contenus dans l’accord sur la libre circulation des personnes signés avec l’UE en 1999. Outre quelques modifications destinées à renforcer l’application et l’exécution de la loi sur les travailleurs détachés, l’engagement d’inspecteurs cantonaux est prévu, moyennant un soutien financier de la Confédération. Ils devront être en nombre suffisant. Une autre mesure vise à favoriser l’extension du champ d’application des CCT lorsque les commissions tripartites (partenaires sociaux et État) auront mis à jour des situations de sous-enchère abusive et répétée au sens des règles adoptées en 1999. De plus, il est proposé de délivrer une information écrite aux travailleurs détachés sur les éléments essentiels du contrat de travail. 30.06. Accords bilatéraux II entre la Suisse et l’UE: le Conseil fédéral a lancé la procédure de consultation. Les accords entre la Suisse et l’UE seront signés à l’issue de la procédure de consultation et pourront dès l’automne être soumis au Parlement. Ils lui seront présentés sous la forme d’un message unique, mais feront l’objet d’arrêtés d’approbation séparés. Huit des neuf dossiers restants ont débouché sur des accords (produits agricoles transformés, statistique, pensions, environnement, Media, Schengen/Dublin, lutte contre la fraude, fiscalité de l’épargne) qui doivent être approuvés par les Chambres fédérales. Pour ce qui est du neuvième dossier (programme de l’UE concernant l’éducation, la formation professionnelle et la jeunesse), il s’agit d’une déclaration d’intention. Le Conseil fédéral propose au Parlement de soumettre sept accords au référendum facultatif (à l’exclusion de l’accord sur les produits agricoles transformés. Décisions des Commissions (du 14 juin au 13 juillet 2004) 23.06. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) s’est consacrée aux nouveaux projets du Conseil fédéral concernant la révision partielle de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). Ce premier train de réformes devrait être examiné en parallèle et en procédure accélérée par les deux commissions de la sécurité sociale et de la santé publique, avant d’être soumis aux deux Conseils à la session d’automne 2004. La commission a entendu des représentants de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires, de la Conférence des directeurs cantonaux des finances, de la FMH et de l’ASMAC, ce qui lui a permis de prendre acte des positions des cantons et du monde médical. Elle a ensuite décidé d’entrer en matière sur ce premier train de mesures correspondant au message 1A (stratégie globale, compensation des risques, tarifs des soins, financement des hôpitaux). 29.06. La Commission du transport et des télécommunications du Conseil national (CTT-N) a terminé la revue de détail de la révision de la loi sur les télécommunications. En ce qui concerne l’ouverture du dernier kilomètre, elle a demandé que la décision de principe qu’elle a prise lors de sa dernière session soit satisfaite, autrement dit que la concurrence de Swisscom n’ait un accès direct aux ménages que si elle est également prête à investir. 42 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Deux exemples de la participation de Nestlé à la lutte contre la pauvreté Près de la moitié des cinq cents centres de production de Nestlé se trouvent dans des pays en développement ou émergents. En achetant ses matières premières et en les faisant transformer sur place, l’entreprise contribue à stimuler l’économie régionale. Elle procure ainsi à l’agriculture locale des débouchés fiables et augmente sa valeur ajoutée. Nestlé fournit, en outre, de l’aide technique aux paysans pour qu’ils puissent produire des matières premières de la qualité voulue. Les «districts laitiers» que Nestlé a créés au Pakistan et en Chine avec le concours des paysans sont des exemples concrets de cette stratégie. En tant qu’entreprise de dimension internationale, dotée d’une politique commerciale à long terme, et en tant que plus gros acheteur mondial de lait, café et cacao, Nestlé a un intérêt manifeste à disposer de sources de matières premières fiables et de haute qualité. Cependant, Nestlé ne possède ni plantations ni vaches, mais achète toutes les matières premières nécessaires: la plus grande partie du café et du cacao auprès des compagnies internationales spécialisées, les deux tiers du lait, en revanche, directement auprès des paysans. C’est en ce sens que Nestlé a commencé, il y a déjà plus de quarante ans lors d’un projet en Inde, à organiser des districts laitiers dans les pays en développement. Le Pakistan Le district laitier géré par Nestlé couvre une superficie de 71000 km2,soit presque le double de la Suisse. Plus de 130 000 paysans profitent de la possibilité de vendre leur lait à de bonnes conditions. L’achat leur en est garanti pour autant que la qualité requise soit respectée. Les paiements s’effectuent sur une base hebdomadaire, ce qui assure aux paysans un revenu régulier. Chaque semaine, ce sont ainsi plus d’un million de dollars US qui vont à l’agriculture locale. Les conseils que Nestlé procure aux paysans n’abordent pas seulement des sujets directement liés à l’élevage, comme la santé et l’hygiène, la protection de l’environnement, l’amélioration de la qualité, les fourrages et l’insémination artificielle, mais aussi les aspects économiques et financiers. La Chine Hans Jöhr Directeur du service agricole, Nestlé SA, Vevey En Chine, Nestlé collabore étroitement avec les paysans depuis quinze ans. La possibilité d’écouler le lait et d’en tirer des revenus réguliers a aussi provoqué là-bas une forte augmentation de la production laitière. L’aide technique de Nestlé a également provoqué une baisse des coûts de production, et donc une augmentation du revenu des paysans. Dans le district laitier de la province de Heilongjiang, à l’extrême nord du pays, 21000 paysans alimentent 73 centres de collecte, qui ravitaillent à leur tour notre usine locale. La plupart des paysans n’ont que cinq vaches, qui produisent chacune environ 4500 kilos de lait 37 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 par an. Le paysan en retire un revenu mensuel de 300 dollars US,soit douze fois plus que le revenu moyen fourni par l’agriculture chinoise! Ces trois dernières années,les ventes de lait par les paysans ont augmenté de 30%. Sa qualité s’est constamment améliorée, et comme ce facteur est déterminant pour le paiement, le revenu et le niveau de vie des paysans ont progressé eux aussi. Dans l’intérêt de tous les participants Dans les deux cas – Chine et Pakistan –, il apparaît clairement que pour que l’engagement de Nestlé débouche sur un succès, il doit être dans l’intérêt de toutes les parties,en commençant par celui des paysans à lui vendre leur lait. D’un autre côté, les investissements de l’entreprise doivent être justifiés à long terme. Enfin, la communauté politique locale doit également profiter de la dynamisation économique de la région, incarnée par des emplois et des revenus assurés. C’est par des petits pas discrets, bien qu’efficaces, tels que ceux-ci que commence la lutte contre la pauvreté. Les entreprises jouent ici un rôle crucial, car elles sont en mesure de contribuer largement à la création de valeur par leurs produits et leurs prestations de services. L’esprit d’innovation et la productivité sont d’autres facteurs de succès.Dans le cas de Nestlé,il s’y ajoute encore les facteurs suivants: – d’abord le contrôle de la qualité et la traçabilité des matières premières, parce que la sécurité des denrées alimentaires est une base non négociable de notre activité; – ensuite, la disponibilité des matières premières au bon moment et en quantité voulue; – enfin, les coûts des matières premières, qui sont une condition primordiale de la compétitivité; mais là aussi, nous ne saurions faire de concessions sur la qualité. Grâce à nos conseils, la productivité a pu augmenter au Pakistan et en Chine, et avec elle les revenus des paysans.Ce faisant,nous ne misons pas sur une monoculture,mais sur une diversification de l’activité agronomique. Économie suisse De l’évolution de la productivité en Suisse dans les années nonante: quel était son véritable niveau de faiblesse? Les années nonante ont apporté de profondes modifications structurelles dans nombre d’entreprises suisses. Et pourtant, avec Différentes méthodes de mesure 0,4% de croissance annuelle, En politique économique, il est essentiel de savoir où résident les faiblesses de la croissance économique suisse et comment la surmonter. Il ressort du Rapport sur la croissance du DFE que si l’offre de travail n’est guère susceptible de s’accroître en raison du vieillissement démographique, le niveau et le taux d’augmentation de la productivité du travail peuvent par contre encore progresser. Le rapport met notamment en lumière, sur la base de différents indicateurs, un gros potentiel de croissance de la productivité surtout dans le secteur intérieur protégé,alors que c’est moins le cas pour le secteur industriel, exposé à la concurrence étrangère. Compte tenu de ces considérations, le mode de calcul de la productivité du travail revêt une importance majeure. En pratique, il s’effectue en divisant le produit intérieur brut (PIB) par le volume de travail accompli. C’est surtout le calcul du second paramètre qui pose un certain nombre de difficultés statistiques, ce qui a conduit, ces derniers mois, a un débat sur la façon dont on a évalué l’évolution de la productivité dans les années nonante. notre pays s’est vu attribuer par l’OCDE la dernière place parmi tous les pays industrialisés en matière d’évolution de la productivité. D’autres estimations arrivent, cependant, à 1,5% de croissance annuelle. Le présent article montre que la valeur de la productivité du travail peut être largement influencée par la méthode de mesure utilisée. Un nouveau calcul effectué avec des séries statistiques dont la composition a été modifiée, corrobore pour l’essentiel les informations contenues dans le Rapport sur la croissance du Département fédéral de l’économie (DFE) de 2002, qui annonçait pratiquement 1% de croissance moyenne annuelle durant les années nonante. Les sources statistiques: la Statem et l’Espa En Suisse, on recourt à différentes statistiques officielles pour calculer le volume de travail mobilisé dans l’économie. Les principales sources sont,d’une part,la statistique de l’emploi (Statem) et, d’autre part, l’enquête suisse sur la population active (Espa). L’Espa se fonde sur des sondages menés auprès d’un large échantillon représentatif de personnes ventilées suivant leur activité. La Statem, elle, repose sur une enquête effectuée auprès d’un échantillon d’entreprise pour déterminer le nombre de places de travail. Les données is- Peter Balastèr Chef du secteur Croissance et politique de la concurrence, Secrétariat d’État à l’économie (seco) Marc Surchat Secteur Croissance et politique de la concurrence, Secrétariat d’État à l’économie (seco) 43 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 sues de la Statem sont, tous les trois ou quatre ans, calibrées sur le recensement des entreprises. Les résultats peuvent donc fortement diverger suivant la série utilisée. À la lumière des expériences faites dans différents pays, l’OCDE voit des avantages dans l’utilisation de données issues d’enquêtes auprès des personnes et des ménages, tout en considérant comme nécessaire leur assemblage sous forme de statistiques de synthèse en tenant compte d’autres sources telles que celles sur les personnes actives non domiciliées dans le pays. Les chiffres de la Statem ne sont pas en accord avec l’évolution macroéconomique Cela étant, il reste d’abord à démontrer que les estimations qui tablaient sur une croissance annuelle de la productivité avoisinant ou dépassant les 1,5% pour les années nonante – et qui se fondaient essentiellement sur les résultats de la Statem – ne correspondent pas aux autres évolutions macroéconomiques. Pour une croissance du PIB de 1,05% dans les années nonante et une augmentation annuelle de la population active de 0,41% selon les recensements de la population de 1990 et 2000, une amélioration de la productivité de 1,5% aurait dû se traduire par un taux de chômage qui aurait dépassé les 10%. Or ce taux n’a atteint «que» 4,1% en l’an 2000 (d’après les normes retenues pour le recensement de la population). L’autre option aurait été que le taux d’activité baisse de 2,5%; or d’après les recensements de la population de 1990 et 2000 il a augmenté de 2,8%! Des distorsions dans les séries statistiques à long terme Les années nonante ont été avant tout marquées par la progression des différentes formes de travail à temps partiel, la poussée des emplois informels et des activités indépendantes (notamment auprès des femmes). L’utilisation d’informations provenant exclusivement d’entreprises est de nature à distordre la série statistique à long terme de la productivité du travail. Il est ainsi notoire que la saisie statistique de l’emploi dans les nouvelles entreprises présente des difficultés. De plus,ces dernières années,les prestations fournies par le biais de mandats ont augmenté de manière significative; ne reposant plus sur Économie suisse Graphique 1 Évolution de la productivité du travail suivant les différentes méthodes, 1980–2001 (Indice: 1990 = 100) Selon l’analyse spéciale de l’Espa Selon la Statem étendue Selon les heures travaillées (1991 = 100) PIB par habitant (en comparaison) Selon la population active occupée 125 120 115 110 105 100 95 90 85 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Source: seco, OFS / La Vie économique un contrat de travail «classique», elles n’apparaissent donc plus toujours dans les relevés statistiques de la Statem. Prendre en compte les variations du taux d’activité La solution résiderait-elle dans l’utilisation de la série statistique officielle de la population active occupée? Hélas non! Si on ne considère que le nombre des personnes se déclarant professionnellement actives, sans prendre en compte leur taux d’occupation, on obtient pour les années 1990–2001 une bien faible augmentation de la productivité de 0,4% par an, chiffre auquel l’OCDE – faute de possibilité de comparer des séries de statistiques internationales se rapportant au volume de travail – a abouti dans sa dernière étude économique sur la Suisse. Bien que celui-ci ne contredise pas l’évolution du chômage et du taux d’activité, il s’avère trop bas et souligne la nécessité d’inclure dans les évaluations statistiques les variations issues du travail à temps partiel et de la durée hebdomadaire (normale) du travail.1 Recalculer la productivité du travail 1 Quant à la méthode – largement employée à l’échelle internationale – consistant à utiliser le PIB par habitant, elle conduit à des taux de croissance comparables à ceux que l’on obtient en prenant pour référence la population active occupée. Poussés par la critique selon laquelle l’évolution de la productivité était sous-estimée, et voulant en même temps parvenir à une appréciation correcte des données de l’OCDE, les auteurs du présent article ont, en étroite collaboration avec l’Office fédéral de la statistique (OFS), procédé à une nouvelle comparaison des résultats de l’Espa et de la Statem pour les années nonante et établi une statistique de synthèse construite à partir des données issues de différentes enquêtes. La nouvelle série part des données de l’Espa relatives à l’activité lu- 44 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 crative, au taux d’occupation et, le cas échéant, au second emploi occupé par certaines personnes actives. Conformément à la recommandation de l’OCDE, les données de cette analyse spéciale des chiffres de l’Espa sur les équivalents plein temps, ont été complétées par celles qui se rapportent aux actifs occupés non résidants (frontaliers, détenteurs de permis de séjour de courte durée, etc.). La série statistique PIB par équivalent plein temps selon une analyse spéciale de l’Espa qui en résulte dénote un continuel développement de la productivité depuis 1980 qui réagi dans des proportions minimes et explicables aux variations conjoncturelles; cette série peut donc servir de base à des extrapolations visant à déceler des tendances à long terme (voir graphique 1). Les taux annuels de croissance de 0,7% et de près de 1% enregistrés dans les années quatre-vingt et nonante confortent la moyenne de 0,9% avancée dans le Rapport sur la croissance du DFE pour les deux dernières décennies, laquelle a été calculée à partir de sources légèrement différentes. Les données publiées le 25 juin 2004 par l’OFS sur l’évolution du volume de travail concordent avec les chiffres calculés sur la base de l’analyse spéciale de l’Espa dont il est question ici. L’augmentation un peu plus forte de la productivité par heure de travail par rapport à la hausse de la productivité par équivalent plein temps s’explique par le raccourcissement de la durée hebdomadaire normale du travail et par le développement de l’absentéisme. Si l’on veut rassembler l’évolution du PIB, le taux de chômage, le taux d’activité et la durée normale du travail pour en donner une image d’ensemble cohérente, force est de recourir à la statistique du volume de travail ou aux chiffres concernant les emplois exprimés en équivalents plein temps selon l’analyse spéciale de l’Espa. Les raisons d’un fossé statistique Si on observe les branches économiques où apparaissent des divergences entre les résultats des enquêtes auprès des personnes (Statem), d’une part, et auprès des entreprises (Espa), de l’autre, ainsi que l’aspect que les mutations structurelles ont revêtu dans les années nonante, on comprend pourquoi ces deux séries statistiques se sont écartées l’une de l’autre. Alors que l’Espa laisse de côté les détenteurs d’un permis de courte durée et les frontaliers,plus nombreux dans l’industrie que dans les services, la Statem fournit des chiffres trop bas sur l’emploi dans certains secteurs, à commencer par la santé, l’enseignement et l’administration publique. Ces trois secteurs ont encore créé des emplois dans les années nonante, avec l’augmentation des prélèvements obligatoires sous forme d’ impôts et de cotisations aux caissesmaladie. Ceux-ci n’ont, en effet, guère été expo- Économie suisse sés à la concurrence étrangère qui les aurait incités à améliorer leur productivité. L’industrie, par contre,a dû,dans un premier temps,résister à un contexte monétaire hostile puis, après 1997, au durcissement graduel de la concurrence internationale.Il en a résulté que le secteur très bien cerné par la Statem, à savoir l’industrie, a supprimé des emplois tout en conservant son niveau de valeur ajoutée, ce qui a amélioré la productivité. Quant au secteur observé uniquement par le biais de l’Espa, celui des services domestiques,il a en revanche affiché une hausse de l’emploi parallèlement à une évolution moins dynamique de la valeur ajoutée, d’où un faible accroissement de sa productivité. Ainsi s’explique l’écart entre les séries statistiques sur la productivité issues de l’Espa et de la Statem. Reste à savoir comment mesurer la création de valeur dans les services! Mais cette question se pose à tous les pays de l’OCDE et ne saurait changer grand-chose au mau-vais rang de la Suisse en comparaison internationale. Conclusion Le réexamen des statistiques aboutit, pour les années quatre-vingt et nonante, à un accroissement annuel de la productivité proche de 1%. Si on extrapole cette valeur pour les années à venir, il faudra notamment intervenir – compte tenu du vieillissement démographique – dans le domaine des assurances sociales, comme l’ont démontré les travaux scientifiques menés en vue de la 12e révision de l’AVS. Une augmentation de la productivité ne générerait plus guère de hausse des revenus disponibles des ménages; pareille constatation avait déjà été faite dans de nombreuses classes de revenus au cours des années nonante. L’important est de prendre les dispositions qui s’imposent en matière de politique économique pour doper la productivité dans les segments protégés de notre économie intérieure. Des hausses «spectaculaires» de la productivité dans les branches axées sur l’exportation (l’industrie et les services aux entreprises) sont quant à elles d’une utilité limitée puisqu’elles ne représentent qu’un nombre de plus en plus faible de gens alors que, simultanément, l’emploi s’étend dans des branches qui bénéficient d’un financement obligatoire et qui, de cette façon, sont protégées sur le marché intérieur. On observe alors dans l’économie non pas une augmentation de la prospérité mais, en premier lieu, une appréciation de la monnaie en termes réels. business information Orell Füssli Informations Economiques SA Hagenholzstrasse 81 CH-8050 Zurich Tél. +41 (0)1 307 81 81 Fax +41 (0)1 307 81 82 [email protected] www.teledata.ch Ab 1. 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Il est presqu’incontes- La place scientifique suisse table que la bibliométrie est un Publiée l’an dernier par le Centre d’études de la science et de la technologie (Cest), l’évaluation de la place scientifique suisse prouve que, dans l’ensemble, notre pays occupe toujours un rang éminent au plan international. Une lecture plus attentive révèle toutefois des différences considérables selon les domaines de recherche. Il semble, en effet, que les sciences économiques, ainsi que les sciences sociales et morales, ne soient pas en mesure de rivaliser avec l’élite internationale. outil précieux de nos jours, même si les méthodes utilisées prêtent encore à discussion. Si on se réfère. par exemple, aux «ratings» publiés en Suisse jusqu’ici et portant sur la recherche, ceux-ci apparaissent comme de bien piètres instruments de gestion, notamment dans le domaine de l’économie. Cet article présente une méthode bibliométrique qui permet d’évaluer correctement le développement de la recherche économique, et ce à des coûts raisonnables. L’état de la recherche économique D’après le nombre d’articles publiés dans des revues économiques de réputation internationale – l’étude du Cest se fonde sur la banque de données du SSCI – il y a relativement peu de recherche économique en Suisse. Ainsi, seules deux universités (Genève et Zurich) présentent un nombre suffisant de publications de qualité en ce domaine pour que leurs départements respectifs puissent être admis dans la Ligue mondiale des champions de la recherche. Non seulement les activités de recherche suisses laissent à désirer, au sommet, mais encore le prestige international des chercheurs suisses est relativement modeste: les sciences économiques suisses n’occupent que la 14e place au classement mondial. L’état des lieux dressé par le Cest n’est pas contesté, car il est confirmé par diverses enquêtes du même genre (voir encadré 1). Ces outils de gestion que sont les «ratings» Si l’on entend tirer de cet état des lieux un plan d’action, on constate, cependant, immédiatement que la méthode employée par le Cest pour recenser et évaluer les prestations des chercheurs ne fournit aux organes universitaires compétents qu’un instrument de gestion très limité. L’étude du Cest se borne effectivement à identifier les centres d’excellence et n’a pas du tout l’ambition d’évaluer l’ensemble des prestations de la recherche. Les «ratings» comme ceux établis par Swissup ou le CHE allemand sont encore moins utiles s’il s’agit de fixer des objectifs de politique universitaire et d’y confronter les résultats atteints par la recherche. Ils se fondent en effet régulièrement sur des enquêtes douteuses et utilisent souvent des intrants (personnel scientifique, fonds étrangers, etc.) comme indicateurs de la production scientifique. Pour autant qu’on essaie même de recenser l'état réel de la recherche, on recourt à des chiffres incertains de soutenances de thèse et à des mesures bibliométriques traitées à la légère. Si elle collabore avec Swissup et CHE, comme elle en a annoncé l’intention,la Conférence des recteurs des universités suisses fera donc bien de contrôler attentivement les classements fournis par ces organisations. 1 Méthode Le caractère incitatif Pour que les évaluations en matière de recherche puissent servir d’outils de gestion, il faut qu’elles comprennent avant tout des incitations à améliorer les prestations, c’est-à-dire qu’elles mettent en lumière les faiblesses et les atouts pour pouvoir sanctionner ou récompenser le cas échéant les unités de recherche responsables.Pour créer des incitations,un indicateur bibliométrique doit donc présenter trois qualités: – recenser complètement les prestations fournies par les chercheurs; – tenir correctement compte de la qualité des prestations recensées; – attribuer sans équivoque les prestations recensées à l' unité organisationnelle évaluée. La banque de données EconLit 1 Pour une critique de la classification CHE, voir Heinrich Ursprung dans Perspektiven der Wirtschaftspolitik, 4(2), 2003. Miriam Hein Département de sciences économiques, université de Constance Pr Heinrich Ursprung Département de sciences économiques, université de Constance 46 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Pour illustrer notre méthode, nous nous servirons de la banque de données EconLit gérée par l’American Economic Association, qui recense l’ensemble des périodiques économiques spécialisés dans la recherche, contrairement au SSCI, d’inspiration commerciale, et donc plus limité. On remarque qu’EconLit Économie suisse Graphique 1 par les économistes français Pierre-Philippe Combes et Laurent Linnemer, qui pourrait bien devenir le modèle de référence de la profession. Total des publications des chercheurs en économie des universités suisses, 1990/91-2002/03 (moyennes biennales lissées) Économie + finance Gestion d'entreprise Distinguer l'économie de la gestion d’entreprise 700 La banque de données EconLit recense différentes revues qui accordent manifestement plus d’intérêt à la gestion d’entreprise, même s’il leur arrive de publier des articles d’économistes. Un «rating» de la recherche économique fondé sur l’ensemble des publications recensées par EconLit inclut donc inévitablement une partie de la recherche consacrée à la gestion d’entreprise, ce qui contrevient au troisième critère du caractère incitatif. On verra toutefois que l’erreur ainsi commise est minime. 600 500 400 300 200 100 0 1990/91 1992/93 1994/95 1996/97 1998/99 2000/01 2002/03 Source: Hein, Ursprung / La Vie économique Encadré 1 Les classements en recherche économique Les actes d’un congrès consacré à l’évaluation de la recherche économique en Europe viennent de paraître dans le Journal of the European Economic Association (décembre 2003). Un classement mondial de Kalaitzidakis et al. met Genève au 102e rang, Zurich au 127e et Lausanne au 177e; un autre, de Coupé, place Zurich au 149e et Genève au 159e. Dans un classement purement européen de Combes et Linnemer, Zurich occupe le 39e rang, St-Gall le 57e. remplit beaucoup mieux que le SSCI le premier critère d’incitation cité plus haut en constatant qu’en 2003, par exemple, 35% seulement des publications que nous avons recensées sont mentionnées dans le SSCI. Par rapport au SSCI,EconLit ne permet pas d’analyser les citations. Cela n’a guère d’importance, étant donné que quand le nombre des publications est faible, le nombre de citations dépend trop du hasard. À cela s’ajoute que les citations peuvent être manipulées d’une façon non négligeable, ce qui peut fausser le caractère incitatif, surtout si le nombre d’unités évaluées est faible. Une pondération indispensable Le deuxième critère du caractère incitatif est que toutes les publications recensées soient assorties d’un coefficient de qualité. Dans le monde de l’évaluation, on applique d’habitude un système de pondération propre à chaque revue, la conception du système dépendant encore des questions posées ou de la stratégie de recherche des unités évaluées. Une telle pondération est absolument indispensable, car les publications recensées par les banques de données (EconLit, SSCI, etc.) présentent des différences notables de qualité. Si l’on évaluait des domaines de recherche, voire des chercheurs individuels, en se basant uniquement sur le nombre de publications recensées par le SSCI, il en résulterait des incitations contre-productives: les recherches de bas niveau, tout juste publiables dans les revues très peu exigeantes du SSCI, supplanteraient des travaux plus scientifiques; il y a là comme une «loi de Gresham» de la recherche. Dans notre exemple, nous avons utilisé le système de pondération CLpn mis au point 47 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Les résultats de la recherche économique effectuée dans les universités suisses Le graphique 1 montre l’évolution de la production de la recherche économique effectuée dans les universités suisses pendant la période 1990 – 2003. On peut en tirer deux conclusions: – la production a presque triplé durant ces quatorze ans; – la part éventuelle de recherche contenue dans des publications extérieures à l’économie est étonnamment faible.En incluant en effet les revues d’économie financière dans l’économie, la part moyenne de la recherche publiée dans les revues de gestion d’entreprise n’est que de 8,4%. L’évolution individuelle des universités Le graphique 2 montre l’évolution de la recherche économique par université. – en comparant les moyennes 1990/91 avec 2002/2003,on constate que la production en recherche économique a augmenté dans toutes les universités suisses. Les modes de progression sont cependant très différents; – les universités de Zurich et de Saint-Gall sont parvenues à augmenter leur production de façon relativement constante, et ce à un taux de progression très élevé, encore que le «décollage» de Saint-Gall n’ait commencé que quatre ans après Zurich; – pendant les quatorze années sous revue, les universités de Lausanne et de Berne ont également progressé continuellement,mais à des taux moyens légèrement inférieurs. Le groupe des quatre «petites» universités appartient aussi à cette catégorie moyenne; – l’évolution des universités de Bâle et de Genève suit un tracé tout différent. Alors qu’elles étaient encore en tête au début des années nonante, ces deux universités (pour Genève, les HEI ont été inclues dans le cal- Économie suisse Graphique 2 Nombre de publications en économie par université suisse, 1990/91-2002/03 Bâle Berne Genève Lausanne Saint-Gall Zurich Fribourg/Neuchâtel/EPFZ/EPFL 180 160 cul) ont connu un fléchissement marqué vers le milieu de la même décennie. Entretemps, Bâle est parvenu à stabiliser la situation, alors que Genève ne donne pas encore de signe de rétablissement. Le titre de membre de la Ligue des champions que le Cest décerne à Genève remonte donc à une période brillante déjà ancienne. 140 Une comparaison au sein de la ligue régionale 120 100 80 60 40 20 0 1990/91 1991/92 1992/93 1993/94 1994/95 1995/96 1996/97 1997/98 1998/99 1999/00 2000/01 2001/02 2002/03 Source: Hein, Ursprung / La Vie économique Graphique 3 Publications scientifiques des universités suisses comparées aux trois meilleurs départements allemands, 1990/91 –2002/03 (indice 100 = 1990/91) Bâle Berne Genève Lausanne Saint-Gall Zurich 300 250 200 150 Comme la recherche économique suisse n’est pas capable de se maintenir dans la Ligue des champions, nous nous sommes demandé ce que donnerait une comparaison au niveau régional. Comme échelle de mesure, nous avons pris l’évolution des trois universités allemandes les plus talentueuses dans le domaine de la recherche économique: Bonn, Munich et Mannheim. Le graphique 3 montre donc comment la production scientifique suisse a évolué par rapport à la concurrence allemande, représentant ici le niveau 100. L’impression que dégageait le graphique 2 se confirme: des six grands départements spécialisés suisses, quatre sont parfaitement capables de rivaliser avec l’élite allemande. Zurich et Saint-Gall, notamment, se sont beaucoup mieux développés que les instituts servant de comparaison. L’évolution de Lausanne et de Berne est elle aussi tout à fait respectable; Bâle, et surtout Genève, ont en revanche perdu beaucoup de terrain ces six dernières années. 100 Conclusions 50 0 1990/91 1991/92 1992/93 1993/94 1994/95 1995/96 1996/97 1997/98 1998/99 1999/00 2000/01 2001/02 2002/03 Source: Hein, Ursprung / La Vie économique 4 Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales. 48 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 La méthode de classement présentée ici et illustrée par des exemples concrets est supérieure aux «ratings» publiés jusqu’ici en Suisse, parce qu’elle peut servir directement d’outil de gestion. Les méthodes purement bibliométriques d’évaluation de la recherche ont cependant aussi leurs inconvénients.Pour être probantes, les futures évaluations de la recherche ne pourront renoncer à une collaboration minimale des institutions évaluées, car l’attribution précise de publications aux unités académiques appropriées (départements) ne peut se faire que sur la base d’autodéclarations (rapports relatifs à la recherche). Si ces autodéclarations indiquaient encore la taille des unités (effectif du personnel scientifique ou, mieux, dépenses globales), on pourrait calculer non seulement la production, mais aussi la productivité de la recherche, ce qui, en fin de compte, devrait intéresser les gestionnaires. Économie suisse La trésorerie de la Confédération en 2003 En 2003, la Confédération a emprunté un montant net de 10,0 milliards sur les marchés financiers. Le nouvel endettement sur les marchés financiers a donc nettement dépassé celui de l’année précédente (8,9 milliards). L’endettement de la Confédération a lui progressé de 122,37 à 123,71 milliards de francs sur la période 2002–2003. Sa croissance s’est donc nettement ralentie si on la compare à celle de la période 2001–2002. La trésorerie de la Confédération veille à ce que celle-ci et ses entreprises soient solvables en permanence. Les besoins qui ne peuvent être couverts sur le plan interne, sont financés par appel aux marchés de l’argent et des capiPhoto: Keystone taux. en 2003, ces emprunts se sont élevés à 10 milliards de francs. Les acquisitions de fonds externes Comme l’année précédente, des crédits à court terme ont permis de faire face aux variations à court terme des liquidités. Le niveau des fonds levés au moyen de créances comptables à court terme a été réduit de 1,7 milliard et atteignait encore 10,7 milliards à la fin de l’année. Les créances comptables à court terme sont émises chaque semaine pour une durée de trois, six et douze mois. Le montant global des bons du Trésor a diminué par rapport à l’année précédente, passant de 472 à 268 millions en fin 2003. Cet instrument ne joue toutefois plus qu’un rôle modeste comme source de fonds pour la Confédération. Peter Thomann Chef de la Trésorerie de la Confédération, Administration fédérale des finances (AFF), Berne 49 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Afin d’améliorer la liquidité des emprunts obligataires fédéraux, la Confédération émet, depuis 1991, des obligations fongibles dont le montant à l’émission a été relevé progressivement de 250 millions à un milliard au maximum. Depuis le début de l’an 2000, on a renoncé à indiquer un montant maximal. De plus, la fusion de plusieurs emprunts assortis de conditions identiques (fongibilité) a pour effet d’augmenter le montant nominal de ces emprunts obligataires. Cette procédure a permis d’accroître sensiblement la liquidité du marché et, par là même, le succès des emprunts de la Confédération. Par la suite, la création, sur la base des obligations de la Confédération, de produits dérivés tels que les options ou les «futures» sur taux d’intérêt, a élargi l’éventail des instruments disponibles sur la place financière suisse. Les emprunts de la Confédération sont en outre contenus dans le panier des titres éligibles pour être mis en pension dans le cadre des transactions repo. La trésorerie a continué d’émettre des emprunts fongibles en 2003. Elle n’a lancé que trois emprunts avec une nouvelle échéance et a en outre majoré les montants d’emprunts émis précédemment. Les taux d’inté- Économie suisse Tableau 1 Endettement net sur les marchés financiers, 2003 En millions de francs +9994 Total Marché monétaire Crédit monétaire Créances comptables à court Bons du Trésor Marché des capitaux Emprunts publics –1911 – -1707 -204 +11905 +11905 Source: AFF/La Vie économique Tableau 2 Prix de revient des emprunts, 1970–2003 (en %) Année Dette globale sur les marchés monétaire et des capitaux 1970 1975 1980 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 4.14 5.82 5.15 4.76 4.46 4.36 4.30 5.24 5.43 6.30 5.92 4.99 4.84 4.19 4.00 3.60 3.50 3.58 4.02 3.80 3.49 3.33 Source: AFF/La Vie économique rêts étant restés bas, la trésorerie a continué d’opter pour des emprunts à longue échéance. Les emprunts les plus élevés constitués à ce jour résultent de majorations successives de leurs montants. Ainsi, celui des 21 emprunts fédéraux en circulation s’élève à 82,0 milliards au total; neuf d’entre eux dépassent les 4 milliards, et trois parmi ces derniers excèdent les 7 milliards. Un d’entre eux franchit même la limite de 8 milliards. Les emprunts fédéraux représentent près de 36% de la capitalisation du marché obligataire domestique et environ 59% du volume des transactions effectuées dans ce secteur en 2003. En l’an 2003, le rythme des émissions fédérales est resté mensuel. La trésorerie a lancé 17 emprunts pour un montant total brut de 15,4 milliards (13,0 milliards en 2002), y compris le placement de tranches propres qu’elle a retenues à l’émission. Compte tenu des remboursements ordinaires et des dénonciations anticipées, le montant net emprunté en 2003 par le biais d’emprunts obligataires a atteint 11,9 milliards (8,0 milliards en 2002). Sur cette somme, 1,5 milliard provient de l’émission d’un emprunt convertible en actions de Swisscom. Cet emprunt assorti d’un coupon de 0,25% a une durée de validité de quatre ans. Sur demande des investisseurs, les obligations peuvent être remboursées au pair après deux ans. Les investisseurs ont le droit de convertir leurs obligations en actions de Swisscom pour un prix d’échange de 500 francs par action. Depuis le printemps 2001, les emprunts obligataires de la Confédération et les créances comptables à court terme sont émis selon le système d’enchères par voie électronique par le biais de la plate-forme repo. Graphique 1 Dettes de la Confédération, 1980–2003 En milliards de francs 140 120 100 80 60 Les résultats des enchères peuvent ainsi être publiés quelques minutes après la clôture de la souscription. L’efficacité sur le marché en est renforcée et la procédure gagne en rationalité. Les transactions monétaires: La Poste, l’AC Les placements effectués par La Poste auprès de la Confédération et qui arrivaient à échéance, se montaient à 2,4 milliards et ont été remboursés à leur échéance. Depuis le 1er avril 1999, La Poste effectue elle-même ses placements sur le marché. À partir du 1er janvier 2004, elle assume également la gestion de sa trésorerie conformément à la nouvelle loi sur l’organisation de La Poste. Les avoirs en compte courant de l’assurance-chômage (AC) placés auprès de la Confédération ont diminué de 662 millions en raison de l’augmentation des versements effectués au titre des rentes. Le coût moyen de la dette fédérale Le bas niveau des taux d’intérêt sur les marchés de l’argent et des capitaux ainsi que la gestion de l’endettement se reflètent sur le coût moyen de la dette de la Confédération (sans les créanciers et les fonds spéciaux). Il était de 3,33% à fin 2003 alors qu’il atteignait 3,49% à fin 2002. Il n’a donc jamais été aussi bas depuis 1970. Le tableau 2 renseigne sur l’évolution du coût moyen de la dette. Dans le calcul du coût des emprunts, toutes les dettes contractées sur les marchés financiers, les dettes à terme envers La Poste, les CFF, l’AVS et la garantie pour les risques à l’exportation (GRE) sont prises en considération; les dettes envers la CFP ne sont pas comprises. À fin 2003, les dettes comprises dans le calcul du coût des emprunts s’élevaient à 93,8 milliards (85,9 milliards en 2002). Le calcul tient compte du taux d’intérêt nominal, du prix d’émission, des frais d’émission, droits de timbre d’émission compris, ainsi que des commissions de remboursement prélevées sur les coupons et les titres. Il ne tient, en revanche, pas compte des flux de paiements provenant des swaps de taux d’intérêt qui doivent réduire à moyen et à long terme le coût des emprunts de la Confédération. 40 Les flux de fonds de la trésorerie centrale 20 19 80 19 81 19 82 19 83 19 84 19 85 19 86 19 87 19 88 19 89 19 90 19 91 19 92 19 93 19 94 19 95 19 96 19 97 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 0 Source: Aff/La Vie économique 50 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Les flux de fonds de la trésorerie centrale ont enregistré des variations mensuelles pouvant atteindre 3,5 milliards. Pour y faire face, la Confédération dispose de réserves de trésorerie. Les fonds non utilisés dans l’im- Économie suisse Graphique 2 médiat sont placés sur un compte porteur d’intérêts auprès de la Banque nationale suisse, conformément à la convention sur le placement et la rémunération des fonds de la trésorerie fédérale. Ceux-ci ne sont pas réinvestis par la Banque nationale et s’élevaient à 2,4 milliards à la fin de l’année passée (6,7 milliards en 2002). Le montant des titres a atteint 1,9 milliard (2,2 milliards en 2002). Les fonds totaux de la trésorerie, dont la majeure partie est libellée en francs suisses, ont diminué de 3,8 milliards en 2003, passant ainsi à 5,7 milliards. S’agissant des emprunts et placements de fonds à court terme, le chiffre d’affaires des transactions a atteint le montant de 307,4 milliards (366,7 milliards en 2002). Ces montants n’englobent ni les opérations sur devises, ni les options, ni les swaps, ni les transactions spéciales. Charge d’intérêts de la Confédération, 1980–2003 Charge nette Recettes d'intérêts Dépenses d'intérêts En millions de francs 4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500 Le recours aux instruments dérivés 19 80 19 81 19 82 19 83 19 84 19 85 19 86 19 87 19 88 19 89 19 90 19 91 19 92 19 93 19 94 19 95 19 96 19 97 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 0 Source: AFF/La Vie économique Tableau 3 Dettes de la Confédération: évolution de la charge nette d’intérêts, 1980–2003 Dépenses d’intérêts Année En millions de francs 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 1117 1286 1306 1310 1307 1391 1438 1414 1381 1482 1832 2050 2546 2486 3079 3080 2922 3079 3345 3586 3489 3394 3764 3293 Recettes d’intérêts En millions de francs 384 519 411 371 359 390 442 491 516 554 654 740 900 1076 1284 1440 1331 1140 1069 684 735 747 490 329 Charge nette d’intérêts En millions de francs En % des recettes totales 733 767 895 939 948 1001 996 923 865 928 1178 1310 1646 1410 1795 1640 1591 1939 2276 2902 2754 2647 3274 2964 4.4 4.3 4.6 4.7 4.4 4.4 3.8 3.6 3.0 3.2 3.6 3.9 4.7 4.3 5.0 4.4 4.0 5.0 4.8 6.8 5.3 5.4 6.9 6.3 Source: AFF/La Vie économique 51 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 L’évolution rapide des marchés financiers ainsi que la volatilité croissante des produits financiers entraînent un recours accru aux instruments dérivés. C’est ainsi que l’on utilise principalement les swaps de taux d’intérêt et différents types d’options à des fins de couverture des risques. La vente d’options d’achat («call options») sur des emprunts fédéraux: lors de l’émission d’emprunts fédéraux, la Confédération se réserve en règle générale des tranches propres. En plus de la vente de ces obligations provenant des tranches propres directement sur le marché à une date ultérieure, des options d’achat sont vendues sur une partie des tranches propres à la Confédération. Grâce à ces ventes, la Confédération encaisse des primes qui réduisent le coût des emprunts. Si, à l’échéance de l’option, le cours des obligations se situe en dessus du prix d’exercice, la Confédération doit livrer les titres. La trésorerie a beaucoup recouru à cet instrument. Les instruments pour la gestion des monnaies étrangères: les offices font part de leurs besoins en devises à la trésorerie. Celle-ci assume le risque lié aux variations du taux de change dans le cadre de la nouvelle stratégie de gestion des devises. Afin de pouvoir s’acquitter de ses obligations de paiement aux échéances voulues, elle doit acquérir des devises étrangères à des dates déterminées. Dans le but de couvrir les risques liés aux variations de taux de change, elle recourt, en plus des opérations au comptant, à des opérations à terme et sur options. En acquérant des options d’achat, elle s’assure le droit de pouvoir acheter des devises à un cours fixé à l’avance. Par la vente d’options de vente («put options»), les cours d’achat peuvent Économie suisse Encadré 1 Les activités de la trésorerie de la Confédération La trésorerie de la Confédération, qui dépend de l’Administration fédérale des finances (AFF), est centralisée, c’est à dire qu’elle englobe, outre l’administration fédérale proprement dite, les entreprises (CFF) et établissements de la Confédération. Elle veille à ce que la Confédération et ses entreprises soient solvables en permanence. Les besoins de financement sont couverts avant tout par des emprunts sur les marchés financiers. En vue de financer de futurs grands projets et de parer aux variations des liquidités, la Confédération dispose de réserves appropriées en trésorerie, placée de manière sûre et rentable. En outre, jusqu’à fin septembre, la Trésorerie de la Confédération était responsable du placement des avoirs de la Caisse fédérale de pensions Publica. Il importe en premier lieu de compenser les fluctuations de liquidité pour chaque mois et pour l’année entière. Celles-ci proviennent pour l’essentiel du système des chèques postaux et n’ont cessé de s’amplifier ces dernières années pour atteindre aujourd’hui plus de 5 milliards de francs. Afin d’y faire face des réserves de trésorerie ont été constituées. La régulation des liquidités s’opère par le biais des fonds collectés à court terme sur le marché et de ceux en attente d’être utilisés et placés à intérêt. La trésorerie de la Confédération est appelée par ailleurs à se procurer les ressources nécessaires: – à la couverture des besoins financiers de la Confédération; être abaissés en raison des primes encaissées. En recourant aux instruments de gestion des risques liés au taux de change plutôt qu’en appliquant l’ancienne méthode consistant à acquérir des devises au moment du paiement, la trésorerie a enregistré un surcroît de dépenses de l’ordre de 6 millions (en 2002, les économies ont représenté près de 51 millions de francs). Les swaps de taux d’intérêt: étant donné le bas niveau des taux d’intérêt, la trésorerie fédérale s’efforce d’effectuer ses emprunts avec des durées les plus longues possibles. Comme elle ne peut, toutefois, pas négliger ses instruments monétaires, elle conclut ce qu’on appelle des «payer-swaps». Ce faisant, la Confédération s’engage à payer des taux d’intérêt fixes à long terme; en contrepartie, elle reçoit de la partie contractante les montants variables découlant des taux d’intérêt à court terme. La position nette des «payerswaps» s’est de nouveau renforcée en raison de la baisse des taux sur le marché des capitaux, passant de 6,1 à 6,2 milliards. Les options sur swaps de taux d’intérêt (swaptions): en vendant des options sur swaps de taux d’intérêt, la Confédération reçoit des primes qui contribuent à faire baisser le coût des emprunts. Si les swaptions sont exercées, elle conclut des «payer-swaps» qui correspondent à sa politique, laquelle consiste à emprunter à long terme. 52 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 – à la couverture des besoins en capitaux des entreprises et établissements de la Confédération; – à la conversion des dettes échues. Les instruments de collecte des moyens financiers Les besoins qui ne peuvent être couverts sur le plan interne, sont financés par appel aux marchés de l’argent et des capitaux. Le principal instrument de collecte de fonds demeure aujourd’hui encore l’emprunt à long terme qui est émis depuis le début de 1980 selon le système d’enchères. Pour les besoins à court terme, on dispose des bons du Trésor. Il s’agit de papiers admis par la Banque nationale à l’escompte et au crédit sur nantissement, assimilables à des effets d’une durée de 3 à 24 mois, exclusivement placés auprès des banques. Dans le cadre du renforcement du marché suisse de l’argent, des créances comptables à court terme qui sont, elles aussi émises selon le système d’enchères, ont été créées en 1979. Ces créances sont admises à l’escompte et au crédit sur nantissement. Elles sont émises toutes les semaines pour une durée de trois, six ou douze mois. À la différence des bons du Trésor, elles ne sont pas uniquement acquises par les banques. Quant aux besoins exceptionnels à très court terme, ils sont couverts par le biais de crédits monétaires sollicités auprès des banques pour une durée de quelques jours seulement. Par rapport à l’année précédente et malgré un niveau plus élevé de la dette, les intérêts passifs ont diminué de 471 millions pour passer à 3293 millions grâce au bas niveau des taux d’intérêt et à une gestion active de la dette. Le rendement des capitaux placés a diminué de 490 à 329 millions. La charge nette d’intérêts, qui a diminué de 310 millions, est de 2964 millions, ce qui correspond à 6,3% des recettes totales en 2003. La gestion des risques La mise en place d’un système moderne de gestion des risques, basé sur un bilan des actifs et des passifs de la trésorerie, appelé «Asset and Liability Management» (ALM), a débuté en 1993. Les objectifs poursuivis au travers de ce système sont les suivants: évaluer et gérer les risques liés aux fluctuations des taux ainsi que les risques de change et créer les bases d’une évaluation des performances de la trésorerie. L’ALM permet à cette dernière d’agir de façon plus rigoureuse et plus ciblée. Son introduction s’est traduite par la création d’un comité, l’«Asset and Liability Management Committee» (Alco), qui fixe la stratégie de la trésorerie. Cette dernière se conforme aux directives de l’Alco. En matière de gestion, un logiciel moderne facilite l’évaluation et le contrôle des diffé rents postes du bilan. Économie suisse L’assurance-chômage en 2003 La dégradation du marché du travail, observée dès le milieu de l’année 2001, et l’augmentation parallèle des chiffres du chômage se sont malheureusement encore fortement aggravés en 2003. Le marché du travail répercute ainsi les tendances récessives auxquelles l’économie est soumise depuis un certain temps. Heureusement, la situation conjoncturelle s’est améliorée au cours de l’année 2003. L’économie américaine, qui peut être considérée comme la «locomotive» de l’économie mondiale, a de nouveau enregistré fin 2003 des taux de croissance importants; les craintes déclenchées par la crise et la guerre se sont nettement amoindries par rapport à l’année précédente, et les marchés boursiers internationaux ont connu une bonne année. L’année 2004 L’évolution du chômage Durant la première moitié de l’année 2003, le nombre de chômeurs s’est stabilisé à environ 141 000 personnes. La seconde moitié de l’année, le chômage a montré des signes de ralentissement importants par rapport aux mois correspondants de l’année précédente. Le nombre de personnes qui se sont inscrits au chômage entre juillet et décembre 2003 était de moitié celui de l’année précédente pour les mêmes mois. Les chiffres du chômage évoluent suivant une courbe qui présente un profil davantage aplani, ce qui indique un renversement de tendance en faveur d’une amélioration de la situation. En 2003, le nombre des demandeurs d’emplois enregistré était en moyenne annuelle de 145 687 personnes (soit +45 183 par rapport à l’année précédente), ce qui correspond à un taux de chômage de 3,7% (+1,2 point de pourcentage par rapport à 2002). Les chiffres globaux des demandeurs d’emploi (c’est-à-dire la somme des chômeurs inscrits et des demandeurs d’emploi enregistrés mais non inscrits au chômage) offrent une image quelque peu différente. Tout au long de l’année, aucune valeur mensuelle n’a,en effet,donné de signes de recul.Les chiffres n’ont cessé de progresser de janvier à décembre, passant de 192 586 à 228 245 personnes: le nombre de demandeurs d’emploi enregistrés était donc en moyenne annuelle de 206 491, soit 56 882 de plus que l’année précédente. Le nombre des chômeurs de longue durée (durée de chômage supérieure à un an) est passé de 12 548 en moyenne en 2002 à 23 200 en 2003. La proportion des chômeurs de longue durée, calculée par rapport au nombre total de chômeurs, a constamment progressé de 12,6% en janvier à 18,3% en décembre. La législation Le 24 novembre 2002, le souverain a approuvé la révision de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité (LACI). Dans ce contexte, il s’avéra impératif d’apporter, l’année passée, les nombreuses adaptations nécessaires à l’ordonnance relative à la loi révisée. Il fut simultanément nécessaire d’adapter l’ensemble du matériel d’information destiné aux bénéficiaires et toutes les directives rédigées à l’intention des organes d’exécution, non sans oublier de concevoir et de dispenser une formation adéquate aux organes précités. Le Conseil fédéral approuva la version révisée de s’annonce donc sous des aupices favorables. Dominique Babey Chef du centre de prestations Marché du travail et assurances sociales, Secrétariat d’État à l’économie (seco), Berne La dégradation du marché du travail, observée dès le milieu de l’année 2001, s’est poursuivie en 2003. En moyenne annuelle, on comptait cette année-là 145 687 chômeurs, soit 3,7% de la population. Cela représente une augmentation de 45183 personnes ou 1,2 point de pourcentage par rapport à 2002. Photo: Keystone 53 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Économie suisse Graphique 1 Paiements effectuées par les caisses d’assurance-chômage, 1984–2003 Indemnités de chômage Indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail Indemnités en cas d’intempéries Autres indemnitées En millions de francs 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0 1984– 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Source: seco / La Vie économique l’ordonnance le 28 mai 2003. La loi et l’ordonnance entraient en vigueur à la date fixée, c’est-à-dire au 1er juillet 2003. Eu égard à la faiblesse persistante de la conjoncture, le Conseil fédéral prit la décision de prolonger la durée maximale d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail de six périodes de décompte, ce qui avait déjà été introduite en septembre 2002. Tableau 1 Fonds de compensation de l’assurance-chômage: bilan au 31 décembre 2003 2003 2002 Diff. par rapport à 2002 En millions de francs En % Actif 1975.3 Liquidités: Dépôts à terme fixe du fonds de compensation 0.0 Disponibilités du fonds de compensation 419.4 Disponibilités des caisses de chômage 214.8 2895.7 –920.4 0.0 1043.2 231.8 0.0 –623.8 –17.0 Comptes courants/débiteurs Actifs transitoires Mobilier 1162.0 171.0 8.1 1386.0 224.9 9.8 –224.0 –53.9 –1.7 Passif Prestations à payer Créanciers Provisions pour application art. 29 LACI Provisions pour insolvabilité Autres Provisions à court terme Passifs transitoires Emprunts de la Confédération et des cantons 1975.3 0.7 59.6 69.8 150.6 71.2 148.4 0.0 2895.7 1.2 41.2 59.1 141.5 106.9 262.9 0.0 –920.4 –0.5 18.4 10.7 9.1 –35.7 –114.5 0.0 Capital propre au 31 décembre 1475.0 2282.9 –807.9 Capital propre au 1er janvier Résultat 2282.9 –807.9 279.4 2003.5 2003.5 –2811.4 Capital propre au 31 décembre 1475.0 2282.9 –807.9 –32 –32 Les interventions parlementaires En 2003, le nombre des interventions parlementaires a de nouveau augmenté par rapport à l’année précédente. Cette année-là, dix interventions parlementaires (cinq en 2002) ont concerné le domaine du marché du travail et de l’assurance-chômage (AC). Les dites interventions portèrent, d’une part, sur les effets de la loi révisée et entrée en vigueur le 1er juillet 2003, notamment les conséquences de la réduction de 520 à 400 jours du nombre maximum d’indemnités journalières, et sur la possibilité de prolonger le nombre maximum d’indemnités journalières évoqué ci-dessus dans les régions particulièrement touchées par le chômage. Les intervenants parlementaires demandaient, d’autre part, de renouveler la prolongation de la durée maximale d’indemnisation applicable à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. Un rapport fut par ailleurs rédigé pour répondre au postulat «Amélioration de la situation des chômeurs malades»; le Conseil fédéral en prit connaissance le 19 décembre 2003 et le transmit à la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national (CER-CN). Pour des raisons d’ordre juridique et financier, ce rapport propose de renoncer à la création d’une assurance en cas de perte de gain dans ce contexte. Justification capital propre La commission de surveillance –140 Source: seco / La Vie économique 54 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 L’effectif des membres de la commission de surveillance de l’organe de compensation de l’assurance-chômage est resté constant en 2003. Mme Deborah Walton de la Société suisse des Économie suisse entrepreneurs (SSE) a succédé à M. Xavier Schnyder von Wartensee en qualité de représentant des employeurs. La commission de surveillance, qui assume des fonctions de surveillance, de conseil et de décision dans le domaine de l’AC, a siégé à quatre reprises durant l’année considérée (autant que l’année précédente). La commission de surveillance a notamment traité des dossiers suivants: – stratégie IT de l’organe de compensation de l’AC; – nouvelle conception et détail du système global Plasta/Sipac 1; – collaboration interinstitutionnelle (CII); – magasin de données Lamda («datawarehouse» du système global Plasta/Sipac); 1 Plasta: placement et statistique du marché du travail; Sipac: systèmes informatisés de paiement des caisses de chômage. 2 Orte: Observatoire romand et tessinois de l’emploi; Amosa: Arbeitsmarktbeobachtung Ostschweiz, Aargau und Zug. 3 ORP: offices régionaux de placement; LMMT: logistique des mesures relatives au marché du travail; ACt: autorités cantonales. Tableau 2 Fonds de compensation de l’assurance-chômage: compte d’exploitation du 1er janvier au 31 décembre 2003 Exercice 2003 a 2002 145 687 3.70 100 504 2.80 Chômeurs inscrits/Moyenne annuelle Taux de chômage En milions de francs Produits Cotisations des employés et des employeurs Cotisations AVS/AI/APG sur IC/MMT Cotisations ANP sur IC/MMT Cotisations LPP sur IC/MMT Remboursements de cotisations de frontaliers Restitutions d’indemnités en cas d’insolvabilité Participation des cantons aux MMT Participation financière de la Confédération Participation financière des cantons Intérêts créanciers Produits divers Recette en dehors de la période Diff. par rapport à 2002 En millions de francs en % 6384.8 5626.5 234.7 136.6 21.7 1.3 14.7 35.2 172.3 57.4 17.2 1.5 65.7 7124.7 6762.0 157.2 91.7 14.3 1.2 15.0 45.2 0.0 0.0 24.0 1.7 12.4 –739.9 –1135.5 77.5 44.9 7.4 0.1 –0.3 –10.0 172.3 57.4 –6.8 –0.2 53.3 –10.4 –16.8 49.3 49.0 51.7 8.3 –2.0 –22.1 – – –28.3 –11.8 429.8 Charges 7195.3 Indemnité de chômage 4507.9 Indemnité journalière MMT 247.3 Indemnité en cas de réduction de l‘horaire de travail 201.1 Indemnité en cas d’intempéries 51.3 Indemnité en cas d’insolvabilité 56.7 Mesures individuelles du marché du travail 229.5 Mesures collectives du marché du travail 362.1 Cotisations AVS/AI/APG sur IC/MMT b 469.4 169.8 Cotisations ANP sur IC/MMT b Cotisations AP sur MMT c 14.9 Cotisations LPP sur IC/MMT b 44.6 Amortissements de cotisations AC 16.4 Remboursements de cotisations frontaliers 253.6 Remboursements de cotisations – séjour de courte durée 9.3 Frais d’administration de l’organe de compensation AC 39.3 Frais d’administration des caisses AVS et CC 15.2 Frais d’administration des caisses de chômage 135.0 Frais d’administration des ORP/LMMT/ACt 360.8 Intérêts débiteurs 0.0 Charges diverses 1.6 Dépense en dehors de la période 9.5 5245.2 3003.8 192.0 182.9 23.7 75.1 165.5 258.9 314.5 91.7 10.6 29.6 16.5 281.4 23.3 37.3 14.3 116.2 319.8 28.0 1.2 58.9 1950.1 1504.1 55.3 18.2 27.6 –18.4 64.0 103.2 154.9 78.1 4.3 15.0 –0.1 –27.8 –14.0 2.0 0.9 18.8 41.0 –28.0 0.4 –49.4 37.2 50.1 28.8 10.0 116.5 –24.5 38.7 39.9 49.3 85.2 40.6 50.7 –0.6 –9.9 –60.1 5.4 6.3 16.2 12.8 –100.0 33.3 –83.9 Résultat I Participation à fonds perdus de la Confédération Résultat Il 1879.5 124.0 2003.5 –2690.0 –121.4 –2811.4 –143.1 –97.9 –140.3 –810.5 2.6 –807.9 a La comparaison avec l’exercice précédent est restreinte (LACI révisée au 1er juillet 2003). b Parts employeurs et employés. c Parts employeurs uniquement. Source: seco / La Vie économique 55 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 – convention de prestations des caisses de chômage; – observatoire du marché du travail (Orte, Amosa 2); – projets de recherche; – budgets 2004 (organe de compensation; CCh; ORP/LMMT/ACt 3). La sous-commission des finances de la commission de surveillance de l’AC La sous-commission des finances conseille la commission de surveillance en matière de questions financières relatives à l’AC. Elle veille à ce que la commission de surveillance remplisse les tâches que la loi lui confie dans ce domaine. Durant l’année considérée, la sous-commission des finances s’est réunie quatre fois et a traité les dossiers suivants: – compte annuel 2002; – budgets 2004; – révision de la gestion comptable avec les résultats obtenus en 2001 et impératifs pour 2002; – stratégie de l’assurance-chômage en matière d’investissement; – convention de prestations 2004 de l’assurance-chômage; – projet concernant le système de gestion du portefeuille; – mise en œuvre de la stratégie IT; – magasin de données Lamda. L’organe de compensation de l’AC Généralités En 2003, le secteur Exécution du droit a de nouveau investi beaucoup d’énergie et de temps dans les problèmes engendrés par la débâcle économique d’entreprises de grande importance (Swissair, Swiss Dairy Food, etc.) et dans les conséquences pratiques et juridiques qui en résultèrent. De nombreuses réunions se sont tenues dans ce contexte et un volume important de directives a été promulgué. Ces situations se révélant fort complexes, les organes d’exécution concernés ont, en outre, dû être soutenus dans leurs efforts pour sauvegarder les intérêts de l’assurance-chômage. Le secteur Exécution du droit assuma par ailleurs, en partie, le rôle d’interlocuteur direct vis-à-vis de l’extérieur. Au cours de l’année considérée, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a prononcé 383 arrêts (351 en 2002), qui ont permis de clarifier ou de préciser quelques questions juridiques fondamentales. Parmi l’ensemble des cas litigieux portés devant le TFA, seuls les cas d’importance majeure, ou faisant l’objet d’une demande expresse du même TFA, ont donné lieu à la rédaction d’un avis, comme il en avait été préalablement convenu. Économie suisse Enfin, mis à part l’examen ponctuel des décisions prononcées par les caisses, les autorités cantonales et les offices régionaux de placement, 5280 arrêts des autorités cantonales de recours ont dû être contrôlées. 47 recours (80 en 2002) ont, de plus été soumis à examen ou à prise de position, aussi bien devant le TFA que devant les autorités cantonales de recours: 15 d’entre eux (28 en 2002) aboutirent devant le TFA et 32 (52 en 2002) devant les instances cantonales. Enfin, la possibilité offerte depuis le 1er janvier 2003 de faire opposition aux décisions rendues a été invoquée à 34 reprises tandis que 7 plaintes pénales ont été déposées. Les travaux de révision La révision des paiements auprès des caisses de chômage La révision des paiements auprès des caisses de chômage a pour but l’application uniforme du droit, une utilisation des moyens financiers conforme au droit et la prévention des abus. Le 1er janvier 2003, 43 caisses de chômage comprenant au total 162 offices de paiement contribuaient à l’exécution de l’AC. Durant l’année considérée, 4033 dossiers de bénéficiaires totalisant des paiements pour environ 110 millions de francs ont été contrôlés dans 73 offices de paiement. Parmi ces dossiers, 392 cas totalisant environ 2,68 millions de francs ont dû être contestés. Le contrôle des employeurs Les dossiers des caisses de chômage ne permettent pas une appréciation définitive de la légalité des indemnités perçues par les employeurs en cas de réduction de l’horaire de travail ou d’intempéries. Ainsi, des contrôles ponctuels sont-ils effectués auprès des employeurs afin de s’assurer que les heures perdues correspondent effectivement à la réalité. Tableau 3 Répartition des dépenses entre les différentes MMT individuelles, 2002–2003 (en millions de francs) Durant l’année considérée, 84 entreprises ont été contrôlées dans le cadre des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail et 28 dans celui des indemnités en cas d’intempéries. Dans 78 cas, des prestations obtenues ont dû être exigées en retour, totalement ou partiellement, pour un montant global de 2,33 millions de francs. Suite à des perceptions intentionnelles abusives de prestations, il a fallu déposer plainte pénale contre 7 employeurs. Les révisions de la gestion comptable La révision de la gestion comptable effectuée par le seco auprès des caisses de chômage,des offices régionaux de placement,des centres de logistique chargés des mesures à adopter sur le marché du travail et des autorité cantonales a pour but de vérifier la comptabilité financière et l’inventaire des immobilisations. Le secteur Finances du seco procède à un examen annuel de la comptabilité des caisses de chômage ainsi qu’au contrôle périodique par sondage de l’inventaire. À l’instar de l’exercice 2002, les travaux de révision de la gestion comptable en 2003 exigèrent l’assistance de sociétés fiduciaires dûment reconnues. En 2003, les principales composantes du programme de révision furent les suivantes: – conformément aux normes prescrites par la Chambre suisse des experts comptables, fiduciaires et fiscaux (Chambre fiduciaire), aux expériences faites au cours des années précédentes ainsi qu’aux ordonnances et directives publiées par le seco, les impératifs en matière de révision ont été fixés par le Contrôle fédéral des finances (CDF), l’organe interne de révision de la Direction du travail du seco (Irda), la société fiduciaire BDO Visura SA et le secteur Finances; – dans ce contexte, le programme de révision a été établi en définissant des priorités qui tiennent compte des risques potentiels et de la planification pluriannuelle. Dans le même temps, les notions de responsabilité propre et de transparence ont fait l’objet d’un rappel en bonne et due forme. 2003 2002 Frais/débours en matière de cours 191.7 136.7 Allocations d’initiation au travail 29.5 21.6 Allocations de formation 5.7 5.6 Contributions pour frais de déplacement quotidien 1.4 0.9 Les finances Contributions pour frais de déplacement/séjour hebd. 1.2 0.7 Les cotisations des assurées et les employeurs Source: seco / La Vie économique Tableau 4 Répartition des frais d’administration, 2002–2003 (en millions de francs) 2003 2002 Organe de compensation de l’AC 39.3 37.3 Caisses de compensation et CdC de l’AVS 15.2 14.3 Caisses de chômage 135.0 116.2 ORP/LMMT/ACt 360.8 319.8 Source: seco / La Vie économique 56 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 En vertu de la 3 e révision de la LACI, le taux des cotisations prélevées sur les salaires a été ramené à 2,5% (3% en 2002) à compter du 1er janvier 2003, tandis que la cotisation de solidarité était fixée à 1% (2% en 2002). Durant l’année considérée, les cotisations des assurées et des employeurs se sont élevées à 5626,5 millions de francs (6762,0 millions de francs en 2002). Cela représente une diminution de 1135,5 millions de francs, soit 16,8%, par rapport à l’année précédente. Économie suisse En 2003, le secteur Exécution du droit a de nouveau investi beaucoup d’énergie et de temps dans les problèmes engendrés par la débâcle économique d’entreprises de grande importance comme Swiss Dairy Food, etc. Photo: Keystone Les indemnités de chômage Durant l’exercice écoulé, un montant total brut de 4507,9 millions de francs d’indemnités de chômage a été versé (3003,8 millions de francs en 2002), soit 1504,1 millions de francs, ou 50,1%, de plus que l’année précédente. La moyenne mensuelle versée s’élève ainsi à quelque 376 millions de francs. Le nombre de chômeurs s’est élevé en moyenne annuelle à 145 687 personnes durant l’année considérée (100 504 pour 2002), ce qui correspond à un taux de chômage moyen de 3,7% (2,8% en 2002). Les indemnités journalières liées aux mesures relatives au marché du travail Durant l’année considérée, un total de 247,3 millions de francs (192,0 millions en 2002) a été consacré à des indemnités journalières versées à des personnes bénéficiant de mesures relatives au marché du travail. Les mesures relatives au marché du travail Les mesures individuelles relatives au marché du travail (MMT) ont coûté, durant l’exercice considéré, 229,5 millions de francs (165,5 millions en 2002),ce qui représente une augmentation d’environ 64,0 millions de francs, ou 38,7%. 57 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Le coût des mesures collectives relatives au marché du travail a connu, avec 362,1 millions de francs, une augmentation sensible de 103,2 millions de francs par rapport à l’année précédente (258,9 millions en 2002). Les remboursements de cotisations aux États voisins suite au travail des frontaliers Il s’agit des cotisations de l’AC perçues après des frontaliers qui travaillent en Suisse mais résident à l’étranger. En sa qualité d’État sur le territoire duquel l’activité professionnelle s’exerce, la Suisse est tenue, en vertu de différents accords, de verser aux États frontaliers ces montants en couverture du risque de chômage complet. 253,6 millions de francs ont ainsi été transférés durant l’exercice écoulé (281,4 millions de francs pour 2002). Résultat Le résultat d’exploitation de l’exercice de l’année passée se clôt sur un déficit de 807,9 millions de francs (contre un excédent de 2003,5 millions de francs en 2002). International La force insoupçonnée de l’économie colombienne L’image de la Colombie est souvent associée à ses problèmes politiques internes, à la violence et à la drogue. Depuis près de quarante ans, le pays souffre d’un conflit armé dont la solution paraît bien lointaine, même si le gouvernement colombien lui donne la priorité. Ces problèmes entravent le développement économique du pays dont les atouts et le potentiel sont importants. En effet, le pays offre de véritables opportunités économiques aptes à séduire les entreprises étrangères. Les relations économiques qui lient la Colombie à la Suisse méritent par ailleurs de meilleures conditions-cadres que celles qui existent actuellement. Traiter de l’économie de ce pays, 23% des exportations suisses vers la Colombie se composent de machines, un domaine où notre pays possède un savoir-faire reconnu. En illustration: installation d’une turbine à gaz suisse dans une centrale en Colombie. Photo: Keystone c’est donc l’approcher sous un angle peut-être moins connu mais de réelle importance.1 Un potentiel économique de première importance Avec 4% du PIB de l’Amérique latine, la Colombie se place au cinquième rang des économies de la région après le Mexique, le Brésil, l’Argentine et le Venezuela. Ses 45 millions d’habitants lui confèrent également la troisième place parmi les pays les plus peuplés d’Amérique latine après le Brésil et le Mexique,ce qui,en termes de consommateurs, représente un marché non négligeable. 1 Le présent article n’abordera pas les questions politiques en elles-mêmes. Andréa Schmid-Riemer Relations économiques bilatérales Amériques, Secrétariat d’État à l’économie (seco), Berne 58 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 La Colombie est un pays fort diversifié. C’est le troisième pays agricole d’Amérique latine après l’Argentine et le Brésil; ses principaux produits d’exportation en ce domaine sont les fleurs et le café, dont elle est respectivement la première et deuxième productrice au monde. Elle est aussi riche en matières premières (or,charbon,pétrole) et occupe le premier rang dans le monde pour sa production d’émeraudes. C’est sur cette double base agricole et minière que la Colombie a pu se doter d’un secteur industriel très développé et étendu (deuxième après le Brésil). Le pays bénéficie, en outre, d’une situation géographique favorable puisqu’il a accès aux océans Pacifique et Atlantique. De plus, il dispose d’une infrastructure développée (ports et aéroports importants). Les entreprises étrangères l’apprécient également pour le niveau d’instruction dont jouit sa population. Les faibles coûts de production constituent un autre facteur favorable pour le secteur privé. Le bas niveau du coût de la vie se répercute cependant sur le chiffre d’affaires réalisé dans le pays,souvent inférieur à celui d’autres États de la région à la population moins nombreuse. International La Colombie constitue donc un marché intéressant malgré sa situation politique et l’insécurité qui y règne. Celle-ci a quelque peu diminué ces derniers temps, essentiellement dans les villes, mais les problèmes sont encore loin d’être résolus. À l’heure actuelle, une solution négociée avec les différentes forces en présence semble difficile. La situation au niveau politique interne se répercute sur l’économie. Le coût du conflit armé sur le PIB est réel et freine la croissance économique du pays. Malgré cet environnement difficile, la résistance de l’économie colombienne démontre qu’elle recèle encore des potentiels inexploités. La croissance économique a conservé un rythme modéré ces dernières années. Elle a, toutefois, fait preuve d’une certaine régularité – sauf lors de la phase de récession de 1999/2000 – et évité les soubresauts qui faisaient alterner fortes expansions économiques et crises graves dans d’autres pays de la région. La politique financière est saine. Faisant exception dans la région, la Colombie n’a jamais dû recourir au rééchelonnement de sa dette extérieure, même si celle-ci atteint aujourd’hui un niveau plutôt élevé. Les institutions sont stables et le cadre législatif favorise l’activité économique. Des conditions d’existences difficiles pour les entreprises Si les conditions économiques sont bonnes, l’environnement politique et le conflit armé sont des facteurs d’insécurité qui entravent l’activité économique, surtout à l’intérieur du pays,dans les campagnes et le long des axes routiers. Les risques d’enlèvement sont réels – plusieurs cas ont été recensés dans le passé – bien que la situation se soit améliorée ces dernières années. Les grandes entreprises courent en outre le risque d’être prises à parti dans le conflit interne et de se heurter aux syndicats, ce qui peut ternir leur image. Colombie: principales données économiques, 2001–2004 PIB/habitant (USD) 2004 a 2001 2002 2003 81.7 81.1 77.8 88.8 2027.3 1980.3 1870.8 2101.0 Taux de croissance du PIB (en %) 1.4 1.8 3.6 4.0 Taux d’inflation (en %) 7.8 6.3 7.1 5.7 Taux de chômage (en %) 16.7 15.7 14.2 (est.) 13.6 Solde budgétaire (en % du PIB) –5.7 –6.3 –5.2 a –4.8 Solde des transactions courantes (en % du PIB) –1.5 –1.9 –1.8 –2.3 Dette extérieure totale (en % du PIB) 47.6 52.8 48.2 a 47.9 Service de la dette (en % des exportations) 50.1 64.0 60.6 a 46.3 8.0 7.9 7.2 a 7.1 Réserves (en mois d’importations) a Projections. La reprise a commencé en 2003 En 2003, l’économie colombienne a connu un développement favorable avec un taux de croissance de 3,7%. Pour 2004, les prévisions se situent entre 3,5 et 4,0%. L’investissement a connu une hausse importante l’année dernière, en particulier dans le secteur industriel et de la construction. Si bon nombre de Colombiens ont retrouvé confiance et rapatrié leurs capitaux, les taux d’intérêts élevés proposés par le gouvernement ont également attiré de nombreux investisseurs étrangers. Ces placements sont par leur nature même volatiles et leur brusque retrait pourrait provoquer une crise grave. Les exportations colombiennes progressent. La demande en charbon a, en particulier, fortement augmenté ainsi que celle en produits non traditionnels (fleurs p. ex.), lesquels prennent de plus en plus d’importance par rapport à l’ensemble des exportations. L’ouverture du marché étasunien, négociée dans le cadre du programme de lutte contre le trafic de drogues, a permis à la Colombie d’exporter davantage vers son grand voisin du nord et premier partenaire économique – en particulier des produits textiles dont l’essor est important – et de profiter de la reprise qui s’y dessinait. Les relations économiques helvéto-colombiennes Promouvoir la paix et coopérer au développement Tableau 1 PIB (en milliards d’USD) Sur le plan législatif, les entreprises bénéficient d’un environnement favorable, si ce n’est en matière de protection de la propriété intellectuelle: pour les produits chimiques la législation est, en particulier, par trop changeante et d’une efficacité insuffisante. Cela pose aussi des problèmes de sécurité et de santé avec les produits non certifiés, et remet en cause l’activité coûteuse de recherche et développement des entreprises actives dans le secteur. Source: FMI, EIU / La Vie économique 59 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 La Suisse s’est montrée très active ces dernières années en Colombie dans le domaine de la promotion des efforts de paix et du respect des droits de l’homme. Elle fait d’ailleurs partie du groupe des «pays amis» qui ont appuyé les négociations de paix.La Direction du développement et de la coopération (DDC) et le Secrétariat d’État à l’économie (seco) y poursuivent plusieurs projets, la Colombie ne constituant, toutefois, pas un pays d’intervention prioritaire. La DDC apporte son aide humanitaire et s’intéresse principalement aux projets des ONG. Le seco opère dans plusieurs domaines. Il est actif dans la protection International Graphique 1 Échanges suisses avec l’Amerique latine, par pays, 2003 (en %) de l’environnement et appuie les activités d’un «Centre de production propre». Il a ouvert une «ligne de crédit verte» visant à soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) colombiennes dont les investissements ont un effet positif sur l’environnement. Il apporte également son concours à l’Institut colombien de météorologie en finançant des équipements destinés à sa modernisation et en le faisant bénéficier d’une coopération technique et scientifique. La Colombie peut en outre faire appel à des facilités de caractère régional financées par la Suisse. Des échanges stables Brésil 36% Chili 4% Mexique 24% Costa Rica 3% Argentine 7% Venezuela 2% Caraïbes 6% Équateur 2% Panama 5% Autres 6% Colombie 5% Source: DGD / La Vie économique Graphique 2 Stock des investissements suisses en Amérique latine, par pays, fin 2002 (sans les centres «offshore») Mexique 33% Uruguay 5% Brésil 29% Équateur 3% Colombie 9% Chili 3% Venezuela 5% Autres 8% Argentine 5% Source: BNS / La Vie économique 2 Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay. 3 Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou, Bolivie. Le niveau des exportations suisses est demeuré relativement stable ces dernières années, évoluant entre 150 et 200 millions de francs (187 millions en 2003). Notre pays exporte vers la Colombie des produits chimiques (31% des exportations), des machines (23%) et des produits pharmaceutiques (17%). Cette répartition est traditionnelle des exportations suisses vers un pays en développement. Les produits chimiques occupent, toutefois, une place beaucoup plus importante que normale en raison des besoins de l’agriculture colombienne. Signalons encore que la Garantie des risques à l’exportation (GRE) est ouverte pour la Colombie. Les importations suisses sont de moindre importance et se limitent à un volume annuel de 50 à 100 millions de francs (50 millions en 2003), exception faite de 2002 où elles ont plus que doublé en raison de l’octroi d’une prime à l’exportation en Colombie sur certains pigments. Les statistiques colombiennes donnent des chiffres plus élevés car elles incluent les exportations d’or contrairement à la Suisse. De source colombienne, ces exportations se sont élevées à 117 millions d’USD en 2003. Outre l’or, la Suisse importe surtout des bananes, du café, des pierres précieuses, des fleurs, de l’huile de palme et des instruments et appareils. La Colombie bénéficie du système généralisé de préférences tarifaires suisse. représentées en Colombie, autant dans le secteur industriel (agroalimentaire, machines, construction, mines, pharmacie et chimie) que des services (banques, assurances, transports, contrôle de qualité, etc.). La faiblesse des accords économiques Alors que bon nombre d’autres pays latinoaméricains ont conclu avec la Suisse un accord de promotion et de protection réciproque des investissements ou encore une convention de double imposition, la Colombie n’a jusqu’à présent conclu qu’un accord commercial... en 1908! Elle n’a, de plus, signé aucun accord sur la protection des investissements, si ce n’est avec le Chili depuis peu. Des négociations sont en cours notamment avec l’Espagne. La Suisse a paraphé fin 2003 un texte avec la partie colombienne qui nécessite encore une approbation interne. Celle-ci ne montre, par ailleurs, aucun intérêt à une convention de double imposition. L’attention du pays se focalise sur les négociations qui entourent le futur accord de libre-échange avec les États-Unis, et qui viennent de débuter en association avec le Pérou et l’Équateur. Celui-ci devrait couvrir la protection des investissements et la propriété intellectuelle. En Amérique latine, la Suisse a conclu des accords de libre-échange avec le Mexique et le Chili dans le cadre de l’AELE. Avec les pays du Mercosur,2 il existe une Déclaration de coopération visant à terme la négociation d’un accord de libre-échange. Un rapprochement similaire avec les pays de la Communauté andine des nations (Can),3 dont la Colombie fait partie, est envisageable, mais la situation qui y règne actuellement n’y est guère propice. C’est probablement aussi la raison pour laquelle les États-Unis ont engagé des négociations avec les trois seuls pays susmentionnés. Quant à l’UE, elle a conclu un accord de nature plutôt politique avec la Can et des négociations de libre-échange ne sont pas encore à l’ordre du jour. La promotion des relations économiques Une destination importante pour les investissements Avec un stock d’investissements directs de 1,2 milliard de francs suisses à fin 2002 selon la statistique de la Banque nationale suisse,la Colombie compte parmi les destinations importantes en Amérique latine (troisième après le Mexique et le Brésil). Les principaux investisseurs étrangers y sont, par ordre d’importance, les États-Unis (26% des investissements totaux), l’Espagne (13%), les îles Vierges (9%), les îles Caiman (9%), Panama (7%) et les Pays-Bas (7%). Bon nombre d’entreprises suisses de divers secteurs sont 60 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 La dernière visite en Colombie de représentants du monde économique suisse a eu lieu en 2001. Ce type de rencontre a une utilité certaine puisqu’il permet de promouvoir les relations économiques, de soigner les contacts et de soutenir les intérêts économiques des deux pays. Depuis plusieurs années, le Forum économique de Davos offre au président colombien ou à ses ministres l’occasion de venir en Suisse. Le vice-président colombien Francisco Santos nous a rendu visite en novembre 2003 et un Forum économique a été organisé à Zurich avec l’appui de la Chambre de International L’environnement politique et le conflit armé sont des facteurs d’insécurité qui entravent l’activité économique, surtout à l’intérieur du pays, dans les campagnes et le long des axes routiers. En illustration: Guerrilla du peintre et sculpteur colombien Fernando Botero (1988). Photo: Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 1990 commerce latino-américaine et l’Organisme suisse de promotion des investissements (Sofi). L’organisation d’un séminaire économique sur la Colombie à Zurich cet automne avec la participation d’un représentant du gouvernement colombien est en préparation. Son objectif sera de mieux faire connaître les opportunités qu’offre le pays aux milieux économiques suisses. À Bogotá, il existe une Chambre de commerce Suisse-Colombie qui s’efforce de promouvoir les relations économiques entre les deux pays. Conclusion Il ne fait pas de doute que la résolution du conflit politique et des problèmes sociaux du pays constitue une priorité. C’est pourquoi les activités d’appui et de coopération dans ce domaine sont très importantes. D’autre part, si les grands marchés pour l’économie suisse sont indiscutablement le Mexique, le Brésil et l’Argentine qui bénéficient d’une attention et d’un effort de promotion économique soutenus, le marché colombien ne doit pas être négligé. Ses atouts 61 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 sont nombreux et, comme d’autres pays de la région, il dispose d’un potentiel susceptible d’être exploité. La Colombie constitue une opportunité à saisir pour les entreprises et les investisseurs suisses. International Les énergies renouvelables en Suisse et dans le monde La Conférence internationale sur les énergies renouvelables («Renewables2004») qui s’est tenue à Bonn début juin avait pour but d’apporter un nouvel élan à ces sources d’énergie à travers le monde. 154 pays y participèrent, dont la Suisse. Il y eut consensus pour dire que si les énergies renouvelables peuvent contribuer à diversifier l’approvisionnement énergétique, elles doivent, toutefois, devenir plus concurrentielles en redoublant d’efforts dans la recherche, le développement et la promotion, surtout dans les pays industrialisés. Les politiques en faveur des énergies renouvelables des pays présents à Bonn furent rassemblées dans un Plan d’action international. La Suisses y contribua notamment avec le programme «SuisseEnergie». Jean-Christophe Füeg Section Affaires internationales, Office fédéral de l’énergie (Ofen), Ittigen/Berne Ce n’est qu’en 2002, lors des préparatifs du Sommet mondial pour le développement durable à Johannesburg, que la thématique énergétique fut inscrite dans l’Agenda de l’ONU. Cependant, face à l’opposition des États-Unis, de la Russie, de la Chine et des pays en voie de développement, l’UE et la Suisse ne parvinrent pas à engager la communauté internationale sur la voie d’un accroissement chiffré de la part des énergies renouvelables (ER) dans le bilan énergétique de la planète. Suite à cet échec, le chancelier allemand annonça la tenue d’une conférence internationale sur les ER dans le but de mobiliser pays, organisations internationales et bailleurs de fonds autour d’un plan d’action pour un réel essor des ER.1 La conférence «Renewables2004» À Bonn, un vent nouveau s’empara des délégués gouvernementaux et industriels présents. La conférence présenta sobrement le rôle que peuvent jouer les ER, avec leurs mérites et leurs potentiels, mais aussi avec leurs limites (particulièrement dans le domaine des transports). Tout le monde fut d’accord pour accroître le soutien aux ER, et ce pour les raisons suivantes: – la sécurité de l’approvisionnement en énergie exige une plus grande diversification, autant géographique (afin de diminuer la dépendance envers quelques pays exportateurs de pétrole et de gaz naturel) qu’en sources d’énergie; – à long terme, il faut s’attendre à une augmentation des prix des énergies fossiles. Des ER concurrentielles contribueront alors à maintenir les coûts énergétiques à un niveau abordable pour l’économie; – les ER ménagent l’environnement et participent ainsi à la lutte contre le changement climatique; – sous certaines conditions, les ER peuvent considérablement aider à réduire la pauvreté dans les pays en voie de développement et, plus particulièrement, à produire de l’électricité décentralisée. L’importance de l’efficacité énergétique, deuxième pilier d’une politique énergétique durable, fut mise en avant à maintes reprises. Car, faute d’être une branche industrielle 62 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 disposant de lobbies performants, celle-ci ne fera jamais l’objet d’une conférence internationale. Les énergies renouvelables en Suisse Les ER représentent 21% du bilan énergétique global suisse (y compris 14% d’hydraulique) et presque 60% de la production d’électricité (voir graphique 1 et 2). La Suisse se dota d’objectifs chiffrés pour la production d’ER dès 1990 lors de la mise en œuvre du programme «Énergie2000». Elle s’est fixée de nouveaux objectifs pour l’an 2010 dans le cadre du programme «SuisseEnergie». Ces objectifs font partie de la contribution de la Suisse au Plan d’action international de Bonn (voir encadré 1). Le bilan de «SuisseEnergie» de 2001 à 2003 n’est que partiellement satisfaisant: en ce qui concerne la production de chaleur à partir d’ER, le programme avance comme prévu, alors que dans le domaine de la production d’électricité, seuls les deux tiers de l’objectif ont été atteints. Un potentiel à exploiter Dans les années nonante, la production d’énergie à partir de déchets combustibles et de bois est celle qui a le plus progressé; elle ne peut, toutefois, plus guère augmenter. Le potentiel hydraulique de la Suisse est également très largement exploité. Quant aux «nouvelles» ER 2, elles recèlent un potentiel considérable. Selon les experts de la Commission Osel 3, la production d’électricité tirée des «nouvelles» ER pourrait passer de 953 GWh actuellement à 5400 GWh en 2030 et représenter 10% du total produit.L’augmentation de l’efficacité énergétique est encore plus prometteuse, car celle-ci pourrait s’améliorer de 15% d’ici 2030, ce qui équivaut à 8000 GWh d’électricité économisée. Environ 5-8% de la production d’électricité suisse est exporté. Les entreprises d’électricité suisses qui fournissent du courant sous un label «propre» comptent profiter du commerce émergent de «certificats verts» sur le marché européen de l’électricité. En Suisse, quelque 60% de la population se voit proposé du courant «naturemade». En 2002, les ventes de courant «vert» ont triplé. Environ 5% des consommateurs sont prêts à payer un surplus afin de couvrir une partie de leurs besoins en électricité à partir d’ER. International Graphique 1 Les subventions Bilan énergétique de la Suisse, 2002 Pendant les années nonante environ la moitié des fonds du programme «Énergie2000» – 287 millions de francs au total – était allouée aux ER. Sous le programme actuel «SuisseEnergie», quelque 28 millions de francs sont dépensés chaque année pour des activités promotionnelles et des projets pilotes ou de démonstration. Ces fonds amènent à leur tour environ 7 millions de francs de subventions de la part des cantons. Toutefois, les dépenses dans le domaine de l’efficacité énergétique, où l’impact est plus grand,ont tendance à croître aux dépens des ER. Nucléaire, 24.1% Hydraulique, 14.1% Pétrole, 45.6% Charbon, 0.5% Gaz naturel, 8.9% Déchets combustibles, 3.8% Biogaz, 0.2% Solaire, 0.4% Éolienne, 0.004% Bois, 2.0% Chaleur ambiante, 0.5% Source: Ofen / La Vie économique Graphique 2 Production d’électricité suisse, 2002 Hydraulique, 56.2% Fossiles, 2.9% Nucléaire, 39.5% Déchets combustibles, 1.15% Biogaz, 0.17% Solaire, 0.021% Biomasse, 0.042% Éolienne, 0.008% Source: Ofen / La Vie économique La recherche et développement (R&D) Selon une étude de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE),la Suisse figure parmi les six pays industrialisés 4 qui ont contribué à 82% aux dépenses de R&D en ER entre 1990 et 2001. En terme de dépenses par habitant, la Suisse est parmi les premiers de classe. Actuellement, les dépenses publiques suisses pour la R&D en ER s’élèvent à 52,2 millions de francs par an, ce qui représente 30% de la recherche publique globale dans le domaine de l’énergie. La Commission fédérale pour la recherche en énergie (Core) souhaite augmenter la R&D en ER à 81 millions de francs d’ici 2007, de façon à ce que celles-ci constituent le poste le plus important de recherche en ce domaine en Suisse. La Conférence de Bonn lança un appel pour renverser la tendance à la constante diminution des fonds alloués à la recherche publique dans les pays industrialisés dans le domaine de l’énergie en général et tout particulièrement pour les ER depuis les années quatre-vingt. Sur ce point, la contribution des États-Unis au Plan d’action de Bonn est d’un intérêt tout particulier: ceux-ci se sont, en effet, engagés à abaisser d’ici 2012 et 2020, au travers d’efforts supplémentaires dans la recherche, les coûts des énergies solaire, éolienne et géothermique à des niveaux prédéterminés, et donc à les rendre plus compétitives. Encadré 1 Les cinq propositions de la Suisse au Plan d’action de Bonn 1. Objectifs fixés aux «nouvelles» ER (hormis l’hydraulique) dans le programme «SuisseEnergie» d’ici 2010: – augmentation de la part de production d’électricité à partir de «nouvelles» ER d’un point, de 1,3% à 2,3% (soit 500 GWh); – augmentation de la part de production de chaleur à partir de «nouvelles» ER de 3 points (soit 3000 GWh). 2. Loi sur le CO2 – avec la taxe sur le CO2 qu’elle stipule – et réforme de l’impôt sur les huiles minérales dans le but de couvrir 3% de la consommation avec des biocarburants. 1 Internet: www.renewables2004.de/de/2004/default.asp. 2 On entend par «nouvelles» énergies renouvelables toutes les ER à l’exception de la (grande) hydraulique, à savoir: l’énergie éolienne, le solaire thermique et la photovoltaïque, la biomasse, la géothermie, le biogaz, la force des marées et la petite hydraulique. 3. Rétribution préférentielle, fixée au niveau fédéral, de 15 centimes/kWh pour l’électricité produite à partir d’ER. 4. Augmentation du financement de la recherche dans le domaine des ER, de 52 millions de francs actuellement à 81 millions francs d’ici 2007, selon la proposition de la Commission fédérale pour la recherche énergétique (Core). 5. Plateforme interdépartementale pour la promotion des ER dans le cadre de la coopération suisse au développement. 3 Organisation du secteur de l’électricité. 4 Après les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie. 63 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 Les énergies renouvelables dans le monde Les ER représentent, actuellement, 13,5% du bilan énergétique mondial.Toutefois,la majeure partie d’entre elles provient de la biomasse (souvent exploitée de manière non durable) et de la force hydraulique. Les «nouvelles» ER ne représentent qu’un infime 0,5% de l’apport énergétique de la planète (voir graphique 3). Les «nouvelles» ER dans les pays industrialisés Le potentiel hydraulique est déjà largement exploité dans les pays industrialisés. Par conséquent, le débat sur la promotion des ER se focalise surtout sur les «nouvelles» ER. Depuis les crises pétrolières des années septante, les pays industrialisés ont consenti des efforts ré- International pétés en leur faveur. Cependant, bien que leur production ait doublé ces trente dernières années en chiffres absolus, leur quote-part dans la production d’électricité a diminué! Ce sont les déchets combustibles et la biomasse qui ont – et de loin – le plus contribué à la croissance des ER, grâce au progrès technologique et à des réglementations anti-pollution renforcées. La Suède,la Finlande et l’Autriche sont les pays qui ont le plus soutenu la production d’électricité et de chaleur à partir de la biomasse. En Suisse, il en a été de même: la plus grande partie de la croissance provenant de l’incinération des déchets et de la biomasse. Pour ce qui est des énergies éolienne et solaire, seuls quelques pays ont enregistré des taux de croissance importants ces dernières années. Peu de pays pionniers La part des ER diffère largement selon les pays en fonction des conditions géographiques (voir graphique 4). La diffusion de «nouvelles» ER se concentre en quelques rares pays qui ont adopté des politiques volontaristes et ambitieuses. Dans le domaine de l’éolien, l’Allemagne,certains États des États-Unis,l’Espagne et le Danemark réunissent à eux seuls 86% des 21,6 GW installés en 2001 (statistiques les plus récentes). Dans le domaine de la photovoltaïque, 85% des nouvelles installations en 2001 ont été effectuées au Japon, aux États-Unis et en Allemagne. En géothermie, ce sont les États-Unis, les Philippines, l’Italie et le Mexique qui présentent les plus grandes capacités de production. Pour les industriels impliquées dans ces technologies, dépendre de quelques marchés nationaux constitue un risque majeur. Leurs chiffres d’affaires peuvent, en effet, fortement chuter si un de ces États pionniers diminue son soutien aux ER, comme par exemple le Danemark après le changement de gouvernement en 2001. Heureusement, de nouveaux pays Graphique 3 Bilan énergétique mondial, 2001 Charbon, 23.4% Nucléaire, 6.9% ER, 14% Pétrole, 35.0% Gaz naturel, 21.2% Hydraulique, 2.2% Biomasse et déchets, 10.8% Éolienne, solaire et autres renouvelables, 0.5% Source: AIE / La Vie économique 64 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 lancent des programmes ambitieux, comme par exemple la Grande-Bretagne qui, début 2003, a décidé d’exploiter avant tout le potentiel éolien au large de ses côtes. Les instruments de politique énergétique Les objectifs chiffrés fixent la part d’ER dans le bilan énergétique ou électrique d’un pays à une échéance donnée. Bien que souvent non contraignants, ces objectifs sont importants, car ils permettent de cibler la politique énergétique et de mesurer la pénétration du marché. En Suisse, le programme «SuisseEnergie» fixe de tels objectifs. L’UE adopta en 2001 une directive visant à faire passer d’ici 2010 la part des ER dans le bilan énergétique de 6% à 12% (22,1% dans la production d’électricité). Or, peu avant la Conférence de Bonn, l’UE dut admettre que, vu le retard pris dans de nombreux pays, l’objectif ne sera pas atteint. L’électricité produite à partir d’ER ne devrait atteindre que 18–19% du total en 2010. L’UE a aussi adopté une directive afin d’augmenter l’utilisation des biocarburants à 5,75% d’ici 2010 (actuellement moins de 1%). D’autres mesures pour la promotion des ER dans la production de chaleur sont en préparation. L’idée d’objectifs a été vivement controversée lors des préparatifs de la Conférence de Bonn. Beaucoup de pays en voie de développement, mais aussi quelques pays industrialisés non européens, considéraient que la méthode était trop dirigiste. Ceci d’autant plus qu’il est prévu de soumettre à l’avenir les engagements pris à un examen, quoique non contraignant, de la communauté internationale. Beaucoup de pays en voie de développement considèrent les ER comme un «luxe» en raison de leurs coûts élevés. Le plus grand défi que ces pays doivent affronter est la fourniture d’énergie au meilleur prix à une grande partie de leurs populations (environ 1,6 milliard de personnes) qui n’a pas accès à des services en énergie. Les ER peuvent jouer un rôle subsidiaire, surtout lorsqu’elles remplacent du bois de cuisson ou de chauffage dont le ramassage contribue à la déforestation et la combustion à des maladies respiratoires. Les ER offrent souvent une alternative rentable dans des régions trop éloignées pour être connectées aux réseaux électriques existants. À Bonn, on a reconnu que ce sont les pays industrialisés qui doivent, en premier lieu, abaisser les coûts des ER en intensifiant leur recherche et en les diffusant plus largement sur leurs marchés. Les opinions divergent également entre Nord et Sud quant à la grande hydraulique, obligeant surtout les pays latino-américains et africains à prendre sa défense contre les pressions d’organisations environnementales du Nord. International Graphique 4 Energies renouvelables dans quelques pays, 2001 Hydraulique Éolienne Solaire Geothermie Biomasse, Déchets Suisse (16.2)a Allemagne (2.6) Autriche (21.5) Danemark (10.4) France (6.8) Italie (5.7) Norvège (45.0) Finlande (23.0) Islande (72.9) Espagne (6.5) Suède (29.1) 0% 20% 40% 60% a Les chiffres entre parenthèses expriment la prop. d’ER dans l’approvisionnement énergétique général du pays. 5 À titre de comparaison: l’ensemble du parc suisse s’élève à 17,3 GW. Malgré cela, beaucoup de pays inscrivent leurs objectifs nationaux dans le Plan d’action de Bonn, même si nombreux sont ceux qui, en Europe comme en Amérique latine, ne font que répéter des plans déjà arrêtés. La contribution de la Chine suscita beaucoup d’attention: d’ici 2010, les capacités de production à partir d’ER doivent atteindre 60 GW 5, ce qui correspondra à 10% du parc électrique. Elles se partageront en 50 GW d’hydraulique, 5 GW de biomasse, 4 GW d’éolienne et 0,5 GW de solaire. À remarquer également l’annonce de la Banque Mondiale et de la Banque Euro- Encadré 2 Les mesures en politique énergétique Il existe un grand nombre de politiques et de mesures énergétiques. Il est souvent difficile de mesurer l’impact de chacune d’entre elles, car beaucoup sont utilisées simultanément et quelques-unes sont trop récentes pour être évaluées. Malgré tout, les tarifs préférentiels et le système des quotas semblent être les plus efficaces. ges ou des petites entreprises, d’injecter l’électricité excédentaire produite par leurs propres systèmes (p.ex. des panneaux solaires) dans le réseau électrique. Certains critiquent le fait que ces tarifs, qui sont fixés de manière administrative, ont tendance avec le temps à créer des distorsions sur le marché et à freiner l’innovation. Les tarif préférentiels Les tarifs préférentiels furent introduits pour la première fois en 1978 aux États-Unis. Au début des années nonante, la Suisse, l’Allemagne et le Portugal furent les premiers en Europe à introduire ce système à présent largement répandu. L’électricité produite à partir d’ER est rétribuée à un tarif garanti couvrant partiellement ou entièrement les coûts de production. Le tarif peut être fixé en fonction du type d’ER. Les coûts supplémentaires occasionnés par ces tarifs sont normalement imputés aux consommateurs. Il est important que l’opérateur du réseau électrique soit obligé d’acheminer en priorité le courant produit à partir d’ER. Ce système a permis une croissance considérable des ER en Allemagne, au Danemark et en Espagne; il est aussi utilisé par quelques pays en voie de développement comme le Brésil. Une forme dérivée de ce système est le «net metering» utilisé surtout au Japon, en Thaïlande et dans 38 États des États-Unis. Il permet à de petits «producteurs» décentralisés, comme des ména- Le système des quotas Le système des quotas fut introduit pour la première fois en 1990 par les Pays-Bas et est actuellement utilisé en Australie, Autriche, Grande-Bretagne, Italie, Irlande et dans treize États des États-Unis. Beaucoup le considère comme une forme d’encouragement aux ER davantage compatible avec les règles du marché. Le principe est d’obliger les compagnies d’électricité à couvrir une partie croissante (quota) de leur fourniture d’électricité avec des ER. La compagnie peut produire ce quota dans ses propres centrales ou l’acheter – ce qui est relativement nouveau dans quelques pays – sur le marché («certificats verts»). Il appartient à la compagnie de choisir le type d’ER qu’elle voudra produire, ce qui favorise les ER les plus concurrentielles. En cas de non-respect des quotas, des amendes sont infligées. Celles-ci sont particulièrement salées au Texas (50 USD par MWh), si bien que la construction de capacités renouvelables a dépassé les objectifs espérés. 65 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004 80% 100% Source: AIE / La Vie économique péenne d’Investissements d’augmenter la proportion de projets en ER dans leurs portefeuilles de projets énergétiques. En général, les projets en ER sont difficiles à financer car jugés trop petits et trop risqués. Aides étatiques La plupart du temps la diffusion des ER sur les marchés ne peut se faire qu’avec des aides étatiques considérables, comme des fonds de recherche, des aides à l’investissement, des déductions fiscales ou des tarifications préférentielles.Dans un cas de figure idéal,de telles aides doivent être dégressives et ne durer que jusqu’au moment où l’ER subventionnée devient concurrentielle. Le subventionnement d’ER a permis des percées technologiques et des diminutions de coûts indéniables, particulièrement pour l’énergie éolienne au Danemark, qui est devenue quasiment concurrentielle par rapport aux énergies conventionnelles. Les défenseurs des ER font valoir que les énergies conventionnelles bénéficient de subventions autrement plus importantes. En effet, les subventions aux énergies conventionnelles sont estimées à plus de 150 milliards de dollars par an dans le monde. Le subventionnement de la production d’énergie dans les pays industrialisés sous forme d’aide aux mines de charbon, de garanties pour les centrales nucléaires ou d’allègements fiscaux pour des projets pétroliers ou gaziers, est largement connu. Dans les pays en voie de développement et de transition le subventionnement de la demande à travers les prix est un sujet hautement politique. Ces subventions sont tout aussi nuisibles, car elles contribuent au gaspillage et empêchent les compagnies étatiques d’électricité d’effectuer les investissements nécessaires.