La Vie économique - Die Volkswirtschaft

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La Vie économique
8-2004 77 e année CHF 14.90
Page 3
Thème du mois:
Page 43
La productivité
de la Suisse dans
les années nonante
Page 53
L’assurance-chômage
en 2003
Page 62
Les énergies
renouvelables
Les stratégies contre
la pauvreté
Sommaire
Thème du mois
3
Éditorial
Oscar Knapp
4
L’Agenda 2010 de la Coopération économique au développement pour la réduction
de la pauvreté
Brigitte Chassot et Elodie de Warlincourt
9
Comment atteindre les Objectifs de développement pour le Millénaire
Zia Qureshi
14
Les stratégies de lutte contre la pauvreté:
une chance pour la coopération suisse au développement économique?
Monica Rubiolo
18
L’impact des fonds de capital-risque sur les petites et moyennes entreprises
22
Commerce et chaînes de valeurs ajoutées; une stratégie de lutte contre la pauvreté
4 Sans croissance économique ni soutien macroéconomique, promotion du secteur privé et intégration dans l’économie mondiale, il ne sera
guère possible de réduire encore la pauvreté qui
gangrène notre planète. Ces éléments sont au
centre de l’Agenda 2010 pour la lutte contre
la pauvreté du Secrétariat d’État à l’économie
(seco). Ce dernier expose, dans le thème du mois,
ses objectifs et instruments pour la coopération
économique au développement. La Banque
Mondiale présente, en outre, son Rapport de suivi
sur les progrès accomplis vers les Objectifs de
développement pour le Millénaire.
Claude Barras
Hans-Peter Egler
Points de vue politico-économiques
28
Les entreprises contribuent à lutter contre la pauvreté en usant de pratiques
responsables
Klaus M. Leisinger
30
Logique économique et solidarité de la politique de développement
32
Le commerce équitable contribue au développement
Hans-Balz Peter
Sibyl Anwander Phan-huy
34
Promouvoir durablement le secteur privé
Urs Egger
35
Lutte contre la pauvreté: la question essentielle est occultée
Peter Niggli
36
43 L’évolution de la productivité dans les années
nonante en Suisse a été évaluée à différents endroits. Tandis que l’OCDE arrive à un petit 0,4%
par an, le Rapport sur la croissance du DFE en
2002 parle de presque 1% et d’autres calculs de
1,5%. Ces écarts s’expliquent par la façon dont
les différentes séries de données sont traitées.
Pour éliminer ces différences, les auteurs ont
établi une statistique de synthèse à partir des
données de base existantes, qui renseigne sur
l’évolution réelle de la productivité.
La contribution des banques à la lutte contre la pauvreté
René P. Buholzer
37
Deux exemples de la participation de Nestlé à la lutte contre la pauvreté
Hans Jöhr
Économie suisse
38
43
Agenda de politique économique
De l’évolution de la productivité en Suisse dans les années nonante:
quel était son véritable niveau de faiblesse?
Peter Balastèr et Marc Surchat
46
Mesure et développement de la recherche économique
dans les universités suisses
Miriam Hein et Heinrich Ursprung
49
53 La dégradation du marché du travail, qui
s’observe depuis 2001, a continué en 2003. Au
milieu de l’année, on comptait 145 687 chômeurs,
soit un taux de 3,7%. Le compte ordinaire de
l’assurance-chômage présentait une perte de plus
de 800 millions de francs en 2003. Cette année
a également été celle où la nouvelle loi sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas
d’insolvabilité (LACI) est entrée en vigueur.
La trésorerie de la Confédération en 2003
Peter Thomann
53
L’assurance-chômage en 2003
Dominique Babey
International
58
La force insoupçonnée de l’économie colombienne
Andréa Schmid-Riemer
62
Les énergies renouvelables en Suisse et dans le monde
Jean-Christophe Füeg
Données économiques actuelles
67
Sélection de tableaux statistiques
Thème du mois du prochain numéro: Les accords bilatéraux II
62 Bien que la production d’énergies renouvelables aient doublé au niveau mondial depuis les
années septante, sa quote-part dans la production
d’électricité a diminué. À l’initiative de l’Allemagne, une conférence internationale sur le sujet
«Renewables2004» s’est tenue à Bonn au début
du mois de juin de cette année. Son but était de
réunir la communauté internationale derrière
un plan d’action destiné à en assurer la promotion.
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Département fédéral de l’Économie (DFE),
Secrétariat d’État à l’économie (seco)
Comité de rédaction:
Aymo Brunetti (président du comité),
Rita Baldegger, Christian Maillard, Manuel
Sager, Eric Scheidegger, Geli Spescha,
Markus Tanner, Boris Zürcher
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Téléphone 031 322 29 39/18
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Direction générale: Markus Tanner
Rédacteur en chef: Geli Spescha
Rédaction: Urs Birchmeier,
Simon Dällenbach, Käthi Gfeller,
Christian Maillard, René Sintucci
La teneur des articles reflète l’opinion
de leurs auteurs et ne correspond pas
nécessairement à celle de la Rédaction.
Reproduction autorisée avec l’accord de
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Suisse Fr. 149.–, Étranger Fr. 169.–
Étudiants Fr. 69.–
Vente au numéro Fr. 14.90 (TVA comprise)
Parution mensuelle en français et en allemand (en allemand: Die Volkswirtschaft),
77e année, avec suppléments de la Commission pour les questions conjoncturelles et
de la Banque nationale suisse.
ISSN 1011-386X
Thème du mois
Éditorial
La coopération économique au développement:
un partenariat pour la réduction de la pauvreté
La nouvelle vague de mondialisation qui s’est imposée à partir des années nonante
a soumis les pays en développement a de fortes pressions; elle leur a aussi et avant tout
ouvert de formidables perspectives. Le Secrétariat d’État à l’économie (seco) intervient
au cœur de cette dynamique en favorisant des conditions-cadres propices à une croissance économique durable dans les pays du Sud et de l’Est. Il encourage leur intégration dans l’économie mondiale en mettant en œuvre des programmes de soutien macroéconomique, de promotion des investissements et du commerce. La diminution de
la pauvreté dans ces pays demeure notre but principal. Elle ne se réalisera que par leur
participation plus large et mieux adaptée au processus de mondialisation.
Des efforts substantiels sont encore nécessaires pour sortir 1,2 milliard de femmes
et d’hommes de l’extrême pauvreté où ils se trouvent. Ce n’est qu’à ce prix que l’on
pourra renforcer les partenariats économiques et réduire les tensions politiques,
l’insécurité, les flux migratoires et les déséquilibres environnementaux. La coopération économique au développement est donc tout à fait compatible avec les intérêts
propres de notre pays.
En adoptant en 2001 sa «Stratégie 2006», la Coopération économique au développement du seco s’est engagée dans un processus qui s’intègre dans la politique
économique extérieure de la Suisse. La croissance économique, la mobilisation des
ressources privées et l’intégration des pays en développement dans l’économie mondiale sont les piliers sur lesquels repose notre réflexion. Celle-ci se traduit par des
programmes innovants et à forte valeur ajoutée en matière de coopération liée au
commerce, de conseils, d’appui et de financement des
entreprises, ainsi que de développement des infrastructures publiques. Le seco participe également à
des initiatives majeures telles que le désendettement
des pays les plus pauvres.
Nous adhérons ainsi pleinement au partenariat
global pour la réduction de la pauvreté tel que l’ONU
le définit dans ses Objectifs de développement du Millénaire. Notre approche a fait ses preuves et s’intègre
dans l’agenda international. A l’avenir, nous
souhaitons faire plus encore. Nous voulons
renforcer l’impact de nos interventions en
affinant les instruments dont nous disposons et en nous concentrant sur des objectifs concrets et mesurables. C’est dans
cet esprit, que nous travaillons et voulons
mettre en œuvre l’Agenda 2010 de coopération économique au développement pour la réduction de la pauvreté.
Oscar Knapp
Ambassadeur, chef de la Coopération
économique au développement,
membre du Comité de direction,
Secrétariat d’État à l’économie, Berne
Thème du mois
L’agenda 2010 de la Coopération économique au développement
pour la réduction de la pauvreté
D’ici l’automne, le Secrétariat
d’État à l’économie (seco) se dotera d’un agenda destiné à renforcer son engagement en faveur
de la réduction de la pauvreté
dans les pays en développement
et en transition à l’horizon 2010.
Cette action est au cœur du mandat de la coopération économique
au développement du seco et
s’inscrit dans le cadre d’une
stratégie basée sur la croissance
économique – soutenue et durable – dans ces pays ainsi que de
Lutter contre la pauvreté dans le cadre
d’un partenariat global
Durant la dernière décennie, la pauvreté a
été combattue avec succès dans de nombreux
pays. Ceux qui se sont ouverts aux échanges et
aux investissements internationaux ont généralement connu une croissance économique
plus forte que dans les pays industrialisés et
leurs exportations ont progressé à un rythme
supérieur à la moyenne mondiale. La pauvreté
y a connu un réel recul.La proportion de la population vivant avec moins d’un dollar par
jour a fortement baissé et les indicateurs tels
que la mortalité infantile, l’espérance de vie,
l’alphabétisation et la consommation privée
par habitant ont évolué dans la bonne direc-
leur intégration dans l’économie
mondiale. Alors que les approches reposant sur les principes
du marché, l’initiative privée et
la promotion des échanges ont
dans une très large mesure fait
leurs preuves, les progrès enregistrés sont encore insuffisants
Brigitte Chassot
Cheffe de la Task Force
Questions stratégiques,
Secrétariat d’État à
l’économie (seco),
Berne
Élodie de Warlincourt
Secteur Controlling,
Secrétariat d’État à
l’économie (seco),
Berne
tion. Il serait, toutefois, difficile de se satisfaire
de ces résultats. Plus de 1,2 milliard de personnes – dont 70% de femmes – vivent encore
en-dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs
d’importantes disparités régionales subsistent:
la pauvreté augmente rapidement en Europe
du Sud-Est et en Asie centrale et continue de
croître en Afrique sub-saharienne. En Asie du
Sud, alors que la pauvreté globale a fortement
baissé au cours des deux dernières décennies,
490 millions de personnes vivent toujours
avec moins d’un dollar par jour.
La réduction de la pauvreté demeure le défi
mondial le plus important. Les tensions politiques, l’insécurité, les flux migratoires et les
catastrophes écologiques sont souvent exacerbés par la pauvreté. Ainsi, au-delà de notre
engagement en faveur de la solidarité internationale, il est également dans notre intérêt de
combattre la pauvreté non seulement pour des
raisons de sécurité et de stabilité internationales, mais aussi parce que les pays en développement et en transition sont nos partenaires
économiques de demain si ce n’est déjà d’aujourd’hui. Ce constat est à l’origine des ODM
que l’Assemblée générale de l’Organisation
des Nations Unies (ONU) a adopté en 2000
pour réduire la pauvreté de moitié, combattre
l’analphabétisme, la mortalité maternelle et
pour atteindre les Objectifs de
développement du Millénaire
(ODM). Le seco doit poursuivre
les efforts entrepris en précisant
ses orientations et en affinant
ses instruments, tout en les
traduisant par des engagements
concrets et mesurables.
Par le biais d’une vaste palette novatrice de
services et de financement, le seco est à même
de soutenir les PME dans toutes les phases
d’investissement, de production, de soustraitance et d’échange commercial. En illustration: entreprise de crevettes biologiques
au Vietnam soutenue par le seco.
Photo: seco
4 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Thème du mois
Tableau 1
La contribution du seco aux ODM (2015)
1. Réduire l’extrême pauvreté et la faim
Renforcement des conditions-cadres (aide budgétaire,
désendettement, soutien au secteur financier)
Promotion des investissements
Coopération liée au commerce (efficacité commerciale,
commerciale, produits de base, accès au marché)
Développement des infrastructures de bas
(env. 45% de l’aide du seco)
2. Assurer l’éducation primaire pour tous
Pas d’activités directes, mais effets découlant
de l’assainissement des finances publiques
3. Promouvoir l’égalité des sexes et
l’autonomisation des femmes
Intégration de la question dans les opérations menées
4. Réduire la mortalité infantile
5. Améliorer la santé maternelle
6. Combattre le VIH/sida, le paludisme
et d’autres maladies
Pas d’activités directes, mais effets découlant
de l’assainissement des finances publiques
7. Assurer un environnement durable
Développement des infrastructures de base
Coopération en matière de technologies
environnementales
Intégration de la question dans les opérations menées
(env. 25% de l’aide du seco)
8. Mettre en place un partenariat mondial
pour le développement et notamment
poursuivre la mise en place d’un système
commercial et financier multilatéral ouvert,
traiter globalement le problème de la dette
des pays en développement, et créer des
emplois décents et productifs pour les
jeunes.
Coopération liée au commerce (accès aux marchés,
accession OMC et politique commerciale)
Coopération avec les banques multilatérales de
développement
Soutien au secteur financier
Mesures de désendettement
Technologies de communication et d’information.
(env. 25% de l’aide du seco)
Source: seco / La Vie économique
Encadré 1
Les principaux axes stratégiques
2001–2006 de la Coopération
économique au développement
– Promouvoir l’économie de marché et favoriser une croissance soutenue et durable
dans les pays partenaires.
– Soutenir les réformes qui favorisent une
intégration accrue des pays partenaires
dans l’économie mondiale.
– Promouvoir la mise en œuvre du principe
de bonne gouvernance;
– Contribuer à une mobilisation accrue des
ressources privées, dans les pays partenaires et en Suisse.
– Renforcer la présence et la position de la
Suisse au sein des banques multilatérales
de développement.
infantile, l’inégalité entre hommes et femmes
ou la dégradation de l’environnement d’ici à
2015. Au travers d’une palette d’indicateurs
ciblés et mesurables, les ODM représentent le
nouveau paradigme de la coopération internationale. Alors que les gouvernements des
pays en développement et en transition sont
les premiers responsables de la réalisation de
ces objectifs, la pauvreté ne pourra être efficacement combattue que dans le cadre d’un
partenariat global et à travers un soutien accru de la communauté internationale. En
2005, le seco et la Direction du développement et de la coopération (DDC) exposeront
à l’Assemblée générale de l’ONU les efforts
que la Suisse a entrepris pour soutenir ce partenariat.
Pleinement engagé dans ce processus,
notre pays doit, à la lumière des conclusions
des récents rapports intermédiaires du Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) et de la Banque Mondiale,
donner une impulsion nouvelle à sa coopération, notamment:
– en augmentant le volume de son aide au
développement;
– en augmentant l’efficacité de ses programmes;
– en renforçant la cohérence de ses programmes.
5 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Dans cette perspective, le seco ne veut pas
se contenter d’un état des lieux. Il adopte une
approche pro-active visant, d’une part, à analyser et positionner sa contribution à la lutte
contre la pauvreté et, d’autre part, à renforcer
l’impact de ses interventions au travers d’engagements ciblés, concrets et mesurables.
Approche et engagements du seco
La stratégie 2006,élaborée par le seco,constitue le cadre de référence de la coopération
économique au développement. La lutte contre la pauvreté y occupe la place principale.
La coopération économique au développement telle que définie dans la stratégie 2006
du seco a fait ses preuves et est pleinement intégrée dans l’agenda international. Les ODM
ne pourront pas être atteints dans les pays en
développement et en transition sans une croissance économique suffisante, davantage de
stabilité macroéconomique, un secteur privé
renforcé et leur intégration dans l’économie
mondiale. Le but de l’agenda n’est donc pas de
définir une nouvelle approche mais de préciser les orientations choisies et d’améliorer
les instruments dont nous disposons pour
renforcer leur pertinence et augmenter leur
valeur ajoutée en matière de réduction de la
pauvreté. Pour ce faire, le seco a entrepris, dans
un premier temps, d’analyser la logique de son
engagement au travers des cinq axes stratégiques principaux de coopération économique
au développement. Il a ensuite cherché à spécifier les domaines à privilégier afin de mieux
cibler son soutien. Il s’agit pour les pays en développement et en transition de profiter des
nouvelles opportunités de la mondialisation,
de renforcer leurs capacités humaines, institutionnelles et sociales et de réduire leur vulnérabilité à l’égard des chocs et des déséquilibres
économiques.
Aider les pays en développement à exploiter
les opportunités de la mondialisation
Le processus d’internationalisation des
marchés, d’échanges de biens et services, de
capitaux et de travailleurs, appelé mondialisation, est un formidable moteur d’intégration
et offre de nouvelles opportunités aux pays
en développement et en transition. Il leur impose également de réformer leurs structures,
politiques et institutions de manière à élargir
leurs compétences et répondre ainsi à un environnement en perpétuelle évolution. Adapter
les produits pour pénétrer de nouveaux marchés, accéder à l’information et aux nouvelles
technologies ou évoluer dans des marchés financiers extrêmement volatiles sont des difficultés auxquelles les pays partenaires doivent
pouvoir faire face pour assurer leur développement économique et social. Le seco inter-
Thème du mois
Dans le cadre de son soutien au secteur privé,
le seco renforce les capacités de gestion des
entreprises et s’engage en faveur d’une transformation des produits de base dans les pays
producteurs. En illustration: fabrique de
chaussettes en Azerbaïdjan rénovée par Swisstex avec le soutien de la Sofi.
Photo: seco
vient au cœur de la logique de mondialisation
en aidant par des mesures complémentaires
les pays partenaires à en relever les défis tout en
soutenant les forces du marché, principal instrument de lutte contre la pauvreté.
En favorisant la mise en place de conditions-cadres propices au développement de
l’initiative privée et en stimulant les investissements et les échanges, la Coopération économique au développement contribue directement au développement de l’économie
locale et soutient la participation des pays partenaires à l’économie mondiale. Dans ce contexte, le soutien au secteur privé joue un rôle
essentiel pour stimuler la croissance économique et réduire la pauvreté en raison des emplois, des savoir-faire et des revenus fiscaux
qu’il génère. Les PME constituent la majeure
partie du secteur privé dans les pays en développement et en transition, il s’agit donc de
mettre l’accent sur leur développement en développant leurs compétences, en stimulant
leur créativité,en favorisant la mise en place de
méthodes de production modernes et efficaces, en renforçant leur capacité de gestion, en
facilitant leur financement ou en les aidant à
6 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
trouver des débouchés pour leurs produits.
Par le biais d’une vaste palette novatrice de
services et de financement, le seco est à même
de soutenir les PME dans toutes les phases
d’investissement, de production, de sous-traitance et d’échange commercial. Ces activités
sont complétées par la mise en place avec les
gouvernements partenaires, de programmes
ciblés pour améliorer des conditions-cadres
souvent défavorables, telles qu’un système
juridique peu développé, des procédures bureaucratiques excessives, un accès aux marchés limité et peu transparent, ou encore un
secteur financier peu performant.
Citons quelques exemples d’engagements
concrets pris à l’horizon 2010 en ce domaine:
– participation accrue de la population pauvre
à la chaîne d’exportation en renforçant les
programmes destinés à des secteurs tels que
l’agriculture, la biodiversité ou les services;
– poursuite des efforts fournis en faveur de
l’adoption et de la diffusion de standards
environnementaux et sociaux, notamment
par le biais du commerce équitable et des
ressources biologiques qui touchent particulièrement les petits producteurs en leur
offrant des revenus et des conditions de
travail décents;
– développement de mécanismes de financement novateurs et accessibles pour les
pauvres en augmentant le nombre de lignes
de crédit en monnaie locale, de lignes de
crédits vertes, de facilités de «leasing» ou
de micro-financement;
– amélioration systémique et renforcement
institutionnel du système financier national en vue de faciliter l’accès aux pauvres à
des options de dépôts crédibles et des prêts
non usuriers.
Renforcer les capacités humaines,
institutionnelles et sociales
Améliorer la capacité des pays pauvres et
les compétences des plus démunis est fondamentale pour les aider à prendre leur destin
en main, gérer leur développement économique et exploiter pleinement leur potentiel.
Le seco soutient les processus de réforme et
de renforcement des capacités des gouvernements partenaires en mettant en place des programmes en matière de gestion budgétaire, de
mobilisation des revenus fiscaux, d’appui au
secteur financier et de gestion de la dette dans
le cadre de mécanismes participatifs développés autour des stratégies nationales de réduction de la pauvreté.
En soutenant le secteur privé, le seco souhaite plus particulièrement renforcer les capacités de gestion des entreprises et faciliter leur
accès aux services et à l’information. Le renforcement des associations professionnelles
sectorielles et des chambres de commerce, la
Thème du mois
La contribution de la Suisse à la réduction de la
pauvreté s’articulera autour d’un rapport qui
tirera un bilan de la mise en œuvre des ODM, et
que celle-ci rendra public lors de l’Assemblée
générale des Nations Unies en 2005. En illustration: cérémonie d’ouverture du Sommet
de Johannesburg.
création de centres de services spécialisés ou le
développement de services d’accréditation et
de certification élargit et améliore le savoirfaire, la productivité et la compétitivité des
PME des pays partenaires. Le seco promeut
également activement la concurrence, en renforçant notamment la protection des consommateurs.
Citons quelques exemples d’engagements
concrets pris à l’horizon 2010 dans ce domaine:
– poursuite des efforts en faveur d’une gestion responsable des finances publiques en
vue d’accroître l’impact des dépenses publiques sur les pauvres, réduire la corruption et améliorer la cohérence entre priorités budgétaires et celles définies dans
les stratégies nationales de réduction de la
pauvreté;
– encouragement à l’innovation et à l’esprit
d’entreprise pour favoriser l’émergence
d’un nombre accru de PME capables de
créer des emplois durables et de promouvoir l’engagement et la formation d’employés non-qualifiés;
– renforcement des activités en matière d’information et de services aux entreprises en
vue d’accroître leur compétitivité sur les
marchés nationaux et internationaux;
– renforcement des capacités des pays partenaires pour formuler leurs besoins et défendre leurs intérêts à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), notamment
dans des secteurs particulièrement sensibles en matière de réduction de la pauvreté.
Réduire la vulnérabilité à l’égard des
déséquilibres et des chocs économiques
Les crises financières ou l’instabilité macroéconomique, en particulier une inflation galopante, accentuent les inégalités sociales et
renforce la spirale de la pauvreté. La stabilité
macroéconomique permet aux acteurs économiques d’opérer dans un environnement prévisible et d’offrir des places et des conditions
de travail durables. De même, des systèmes
financiers sains et performants favorisent la
croissance économique et contribuent à prévenir et résoudre les crises financières. La soutenabilité de la dette et l’assainissement des
finances publiques sont également essentiels
pour libérer des ressources additionnelles qui
se reporteront sur des activités susceptibles
de réduire la pauvreté, en assurant notamment l’approvisionnement en service sociaux
de base et en infrastructures économiques.
Pour un grand nombre de pays pauvres, les
matières premières continuent de constituer
une importante source de revenus et de devises. Pour réduire leur vulnérabilité aux variations de cours et aux catastrophes naturelles,
le seco s’engage activement en faveur d’une
diversification de la base productive, de la
transformation des produits de base dans les
pays producteurs et de la mise en place de mécanismes destinés à lutter contre la fluctuation
des prix.
L’amélioration des capacités de gestion des
risques au niveau des entreprises locales est
également une préoccupation du seco. Celui-
Photo: Keystone
7 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Thème du mois
ci met à disposition des pays partenaires divers
instruments et services pour faciliter leur financement et encourager l’échange d’informations entre producteurs ou PME sur les
risques du marché.
Le seco s’engage, enfin, dans un dialogue
politique constructif avec les gouvernements
partenaires pour les aider à mettre en place des
conditions-cadres propices à la stabilité et au
développement économiques, à renforcer les
principes démocratiques et le respect de la
bonne gouvernance.
Citons quelques exemples d’engagements
concrets pris à l’horizon 2010 dans ce domaine:
– soutien actif à des mécanismes de protection contre la fluctuation des prix des matières premières et la prise de risque en vue
d’augmenter la prédictibilité des revenus,
en particulier ceux des pauvres, majoritairement employés dans ces secteurs;
– appui à des mécanismes novateurs de financement des infrastructures pour promouvoir une gestion efficace et durable
(recouvrement des coûts) des installations,
tout en permettant aux couches défavorisées de la population d’y accéder plus largement (filets sociaux de sécurité);
– poursuite de l’engagement actif en faveur
d’une réduction de la charge de la dette qui
pèse sur les pays les plus pauvres de manière
à renforcer la stabilité macroéconomique
des pays partenaires et à allouer des ressources additionnelles à des activités prioritaires en matière de réduction de la pauvreté;
– encouragement à mieux prendre en compte
les conditions-cadres dont bénéficient les
investissements dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté en vue de
promouvoir un cadre juridique cohérent,
stable, transparent et propice au développement du secteur privé.
L’efficacité au service
de la réduction de la pauvreté
Le seco soulève une autre question dans son
agenda pour la réduction de la pauvreté, celle
de l’efficacité de l’aide. Bien entendu, la notion
n’est pas nouvelle, mais de nombreux éléments additionnels rendent l’approche fondamentalement différente de ce qu’elle était
auparavant.
Depuis quelques années, la gestion des
projets repose sur une approche systémique
qui comprend toutes les étapes allant de la
planification à la clôture de projet en passant par le suivi et l’évaluation. Désormais, ce
cycle sera lié, aussi bien en amont qu’en aval,
aux ODM et aux stratégies de réduction
de la pauvreté du FMI et de la Banque Mondiale.
8 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
L’alignement de l’aide du seco sur ces stratégies a d’autres conséquences. Il impose une
meilleure harmonisation avec les pratiques
des autres donateurs. Il permet de mettre en
place un mécanisme de suivi et de contrôle,
conjoint avec tous les partenaires. Enfin, cette
orientation phare implique un rôle politique
renforcé du seco lors de la fixation des priorités gouvernementales et sur la planification
stratégique des pays en développement.
Mesurer la performance et les résultats
L’établissement d’un lien systématique entre les opérations, la planification par pays et
les objectifs de développement est également
appelée «gestion axée sur les résultats». Celleci doit permettre de prendre des décisions en
fonction des résultats obtenus et donc des capacités d’une institution à mettre en œuvre les
objectifs fixés à l’origine. Ces questions sont
largement débattues au plan international. La
Suisse entend s’associer aux efforts faits dans
cette direction pour améliorer son système de
qualité.
Pour sa part, le seco souhaite renforcer les
évaluations des programmes nationaux et
sectoriels auxquelles il procède, en impliquant
davantage ses partenaires tant des pays en développement que d’autres agences bilatérales
et multilatérales.
Sa contribution la plus importante s’articulera, cependant, autour du rapport de la
Suisse à l’Assemblée générale des Nations
Unies qui tirera un bilan de la mise en œuvre
des ODM, en 2005. Ce rapport fera état de la
contribution de la Suisse au partenariat global
engagé dans le cadre de ces objectifs. Il devra,
d’une part, refléter les résultats obtenus sur le
terrain en termes d’efficacité de l’aide et, d’autre part, établir un bilan des politiques menées
en faveur du développement par notre pays au
niveau de leur cohérence et de la coordination
nécessaire.
Thème du mois
Comment atteindre les Objectifs de développement
pour le Millénaire
Dans de nombreux pays, les pauvres n’ont que peu d’espoir de
sortir de la misère et de la privation si tous ceux qui participent à la politique du déveveloppement ne se mobilisent pas de
toute urgence pour s’attaquer
aux racines de la pauvreté. De
quels moyens d’action disposentils? Comment assigner les responsabilités? Comment mesurer
les progrès dans la lutte contre la
pauvreté? C’est pour répondre à
ces questions que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), en collaboration
avec des organisations partenaires, publieront chaque année un
Rapport de suivi mondial («Glo-
Le rapport de la Banque Mondiale montre que les objectifs que les Nations Unies souhaitent atteindre en termes
de développement souffrent d’un retard considérable dans de nombreux domaines. Il existe, toutefois, des signes
positifs. La Chine, par exemple, a enregistré d’importants succès dans sa lutte contre la pauvreté même s’il demeure
Photo: Keystone
de fortes différences régionales. En illustration: rue à Beijing.
bal Monitoring Report»). Le premier de ces rapports est actuellement disponible et fait l’objet
de cet article.
Les conclusions du
Rapport de suivi mondial 2004
Le Rapport de suivi mondial 2004, avertit
que, au vu des tendances actuelles, la plupart
des pays en développement ne pourront pas
atteindre nombre des Objectifs de développement pour le Millénaire (ODM). Ceux-ci,
dont le terme a été fixés à l’horizon 2015, servent de référence au monde entier pour la
réduction de la pauvreté et l’amélioration de
l’accès aux services publics pour tous ceux qui
la vivent. Il faut donc que tous, pays riches et
pays pauvres, institutions financières internationales, Banque Mondiale et FMI, intensifient leurs actions sans plus tarder.
Zia Qureshi
Auteur principal et coordonnateur du «Rapport
de suivi mondial 2004»,
Banque Mondiale,
Washington DC
9 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
D’après le rapport, les pays industrialisés
doivent donner l’exemple et tenir les promesses faites en 2002 à Monterrey1 dans le cadre
de la Conférence internationale sur le financement du développement. Ceux-ci s’étaient,
en effet, engagés à augmenter l’aide versée et
compenser ainsi l’accélération des réformes
entreprises dans les pays en développement.1
Depuis cette réunion à Monterrey, l’aide demeure faible par rapport aux vrais besoins et les
barrières commerciales limitent fortement les
exportations des pays en développement. Les
pays en développement doivent progresser au
plan politique et sur la voie des réformes pour
stimuler la croissance économique et l’accès
des pauvres aux services publics.
Le message du rapport est clair: il s’agit
maintenant d’honorer les engagements du
consensus de Monterrey. Certes, les ODM
constituent un défi de taille pour tous les pays,
développés ou en développement, mais le
monde ne peut pas lui tourner le dos.
Aux institutions de Bretton Woods (Banque
Mondiale et FMI), nous sommes déterminés à
faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les
ODM se réalisent et que les pays concernés puissent concrétiser l’Agenda exposé dans le rapport.
Thème du mois
Encadré 1
La pauvreté dans le monde:
faits et chiffres
Le grand déséquilibre de notre temps est
le fossé qui sépare les riches et les pauvres.
Sur 6 milliards d’individus que comptent notre planète, un milliard d’entre eux détient
80% de la richesse mondiale, alors qu’un autre milliard tente de survivre avec un dollar
par jour. Deux milliards de personnes n’ont
pas accès à l’eau potable; 150 millions d’enfants n’iront jamais à l’école; plus de
40 millions de personnes sont séropositives
dans les pays en développement et ont peu
d’espoir d’être soignées.
L’évolution démographique accentue ce
déséquilibre. Au cours des 25 années à venir,
la population de la planète augmentera de
quelque 2 milliards de personnes, dont seulement 50 millions dans les pays riches.
Déséquilibre aussi dans le rapport entre
les fonds octroyés par les pays industrialisés
au titre de l’aide au développement et d’autres postes. Les subventions agricoles s’élèvent à plus de 300 milliards de dollars US
par an dans les pays développés. En 1999, le
total des dépenses militaires de tous les pays
se montait à plus de 800 milliards de dollars
US; aujourd’hui, avec les conflits afghan et
irakien, il avoisine probablement les 1000
milliards. En comparaison, en 2002, les pays
industrialisés ont dépensé 58 milliards pour
l’aide au développement, en d’autres termes
seulement 0,23% de leur revenu, le niveau
le plus faible depuis 40 ans.
1 La Conférence internationale sur le financement du
développement s’est tenue du 18 au 22 mars 2002 à
Monterrey (Mexique). Son but était d’établir une base
susceptible de mobiliser des ressources suffisantes
pour atteindre les objectifs définis dans la Déclaration
du Millénaire. C’était la première fois que les pays en
développement et industrialisés se réunissaient pour
définir une approche globale du financement du développement, celui-ci devant se faire par la mobilisation
de fonds privés et publics, internes et externes.
2 Voir www.worldbank.org/afr.
3 La Banque Mondiale désigne ainsi les États qui présentent des institutions et une gouvernance faible, ce qui
freine les efforts entrepris en faveur du développement
(www1.worldbank.org/operations/licus).
4 Pays dont le PIB/habitant est inférieur à 735 USD
(définition de la Banque Mondiale, www.worldbank.org/
data/countryclass/countryclass.html).
5 Pays dont le PIB/habitant est compris entre 736 et
9075 USD. Parmi les pays à revenus intermédiaires,
on distingue la tranche inférieure (736 à 2935 USD)
de la tranche supérieure (2936 à 9075 USD).
La réalisation des ODM est une question
qui est à la fois source d’optimisme et d’inquiétude. A l’échelle mondiale, la plupart des
régions réussiront à atteindre le premier objectif, qui est de réduire de moitié la pauvreté monétaire entre 1990 et 2015, grâce à une plus
forte croissance économique, stimulée par des
politiques plus judicieuses. L’Afrique sub-saharienne2 demeure une exception: seuls huit
pays, représentant quelque 15% de la population de la région, ont des chances d’atteindre
cet objectif. Dans d’autres régions qui, globalement, atteindront cet objectif, de nombreux
pays resteront à la traîne. Les pays à faible revenu en difficulté («Low-income countries
under stress», Licus)3, dont environ la moitié
se trouvent en Afrique, risquent notamment
d’être loin du compte. On observe des tendances semblables pour l’objectif qui consiste à réduire de moitié la proportion de personnes souffrant de la faim, et qui fait également partie du
premier ODM.
Les perspectives sont sombres dans
de nombreux domaines et régions
Les problèmes touchent davantage de domaines et de régions en ce qui concerne les
objectifs liés au développement humain et à
l’environnement. Si la croissance économique
a une grande influence sur l’éducation et la
santé, au même titre que sur la pauvreté monétaire, son influence est nettement moindre
sur le développement humain. Les progrès dépendent grandement de l’ampleur et de l’efficacité des mesures déployées.
Les facteurs influant sur ces objectifs sont
multiples et touchent à plusieurs domaines.
Les perspectives sont davantage prometteuses
pour l’éducation que pour la santé. D’après les
tendances actuelles, plusieurs régions réussiront à garantir une éducation primaire pour
tous ou s’en approcheront, avec, une fois encore, des exceptions en Afrique sub-saharienne
et peut-être en Asie du Sud, au Moyen-Orient
et en Afrique du Nord. C’est dans ces trois dernières régions que les disparités entre hommes
et femmes sont les plus marquées. L’objectif
était certes d’éliminer les disparités entre les sexes pour l’éducation primaire et secondaire de
préférence avant 2005; il apparaît maintenant
peu probable que cet objectif soit atteint,
même en 2015 pour un tiers des pays en développement.Les perspectives d’égalité des sexes
à tous les niveaux d’éducation, y compris tertiaire, sont encore moins réjouissantes.
C’est néanmoins le domaine de la santé qui
laisse présager le pire. En l’état actuel des choses, les objectifs visant à réduire la mortalité infantile et maternelle, la première des deux tiers
et la seconde des trois quarts, entre 1990 et 2015,
ne pourront pas être réalisés dans la plupart des
10 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
pays; seuls 15 à 20% d’entre eux semblent sur
la bonne voie. Quant à l’objectif qui consiste à
stopper la propagation du VIH/sida ainsi que
d’autres maladies comme le paludisme et la tuberculose, il se résume, au contraire, à leur extension et suscite bien des découragements. Le
risque est particulièrement grand de ne pas
parvenir à juguler la propagation du VIH/sida
en Afrique sub-saharienne, mais il est aussi
élevé dans de nombreux autres pays.
Les objectifs sanitaires sont d’autant plus
difficiles à réaliser que l’accès à l’eau potable
(principalement dans la zone sub-saharienne)
et à des conditions sanitaires de base (surtout en
Asie du Sud) est loin d’être garanti partout.
Réduire de moitié la proportion de la population
touchée par ces difficultés avant 2015 signifie
approvisionner 1,5 milliard de personnes en
eau potable et offrir des conditions sanitaires
de base à 2 milliards de personnes. Les progrès
actuels représentant environ la moitié de ce
qui serait nécessaire, la plupart des pays n’atteindront pas cet objectif. Seul un cinquième
des pays environ y arriveront; pour ce qui est
des pays à faible revenu, la proportion est encore deux fois moins importante.4
Les tendances mondiales et
régionales cachent d’énormes
disparités entre États
L’Asie de l’Est, qui présente de grandes
diversités, est un bon exemple. La région se
compose d’une part de pays à revenu intermédiaire 5,comme la Chine et la Thaïlande,qui ont
déjà réalisé plusieurs ODM ou sont en passe d’y
parvenir. Certains de ces pays mettent au point
des programmes «ODM-plus». D’autre part,
des pays à faible revenu, comme le Cambodge
et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, sont sérieusement à la traîne. Il peut également y avoir des
écarts importants au sein d’un même pays, surtout s’il est vaste. Ainsi, si la Chine a déjà atteint
l’ODM relatif à la pauvreté monétaire au niveau national,les progrès ont été bien moindres
dans certaines provinces,qui présentent encore
de grandes poches de pauvreté.
Les pays à revenu intermédiaire sont dans
l’ensemble bien mieux positionnés que les
pays à faible revenu pour réaliser les ODM;
nombre d’entre eux les ont déjà atteints ou
sont en passe d’y parvenir. Ces pays abritent,
toutefois, quelque 280 millions de personnes
dont le revenu n’atteint pas un dollar par jour
et 870 millions de personnes ne disposent pas
de deux dollars par jour.Un certain nombre de
ces pays sont en retard pour les ODM qui n’ont
pas trait au revenu. La Chine, par exemple, qui
a réussi à réduire la pauvreté monétaire de
façon spectaculaire, est, d’après les tendances
actuelles, encore loin de l’objectif qui concerne la mortalité infantile.
Thème du mois
ment, sans plus attendre. Dans la droite ligne
des principes et des partenariats décidés à
Monterrey, toutes les parties doivent intensifier leur action. Le calendrier comporte trois
éléments essentiels:
– accélérer et intensifier les réformes afin de
stimuler la croissance économique;
– aider les pauvres et leur donner les moyens
de se prendre en charge, intensifier et améliorer l’approvisionnement en services favorables au développement humain;
– accélérer la mise en œuvre du partenariat
de Monterrey, qui consiste, d’une part, à
accompagner l’accroissement des efforts
fournis par les pays en développement afin
de stimuler la croissance et, d’autre part, à
améliorer l’accès des pauvres aux services
par un soutien renforcé des pays développés et des institutions internationales.
L’objectif qui consiste à éliminer les disparités
entre les sexes pour l’éducation primaire et
secondaire ne sera vraisemblablement pas
atteint même en 2015 pour un tiers des pays
en développement. En illustration: classe au
Sri Lanka.
Photo: Keystone
Agir sur plusieurs fronts
Certains succès en matière de
développement suscitent l’espoir
A l’échelle mondiale, l’analphabétisme chez
les adultes a été réduit de moitié en l’espace de
30 ans, tandis que l’espérance de vie à la naissance a été prolongée de 20 ans en 40 ans. Certains pays ont progressé particulièrement vite.
Le Vietnam, par exemple, un pays à faible revenu,a ramené la pauvreté de 51% à 14% entre
1990 et 2002.
Même en Afrique sub-saharienne, certaines réussites augurent bien de l’avenir. En
15 ans, le Botswana est parvenu à multiplier
par deux le nombre d’enfants allant à l’école
primaire, ce qui signifie qu’il a quasiment atteint l’objectif de l’éducation primaire pour
tous. Au cours des années nonante, le Bénin a
augmenté son taux d’inscription à l’école primaire de 20 points de pourcentage, tandis que
le Mali en faisait autant pour la proportion
d’enfants terminant le cursus primaire. En
Mauritanie, pour 100 garçons, le nombre de
filles à l’école est passé de 67 à 93 entre 1990 et
1996. L’Ouganda a réduit, huit ans de suite durant les années nonante, les taux de contamination par le VIH/sida. La Zambie sera peutêtre sous peu le deuxième pays à ralentir la
propagation de ce fléau. Ces exemples montrent que, avec une politique adéquate et les
soutiens nécessaires, les progrès sont possibles.
Intensifier les efforts en se fondant
sur le consensus de Monterrey
La conclusion sur laquelle débouche le premier Rapport de suivi mondial est claire. Pour
atteindre les ODM, il faut dépasser le rythme
actuel et accélérer le processus de développe-
11 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Le caractère multidimensionnel des ODM,
les liens qui les unissent et leurs déterminants
multisectoriels impliquent que l’Agenda prévu pour atteindre les objectifs soit tout aussi
vaste. Il couvre en effet tous les aspects du développement. Il n’y a pas de recoupement
exact entre les ODM liés à un domaine et les
politiques qui s’y rapportent exclusivement.
Le résultat d’un domaine donné dépend grandement de facteurs exogènes. Prenons l’exemple du taux de survie infantile; il est probable
que le niveau d’éducation de la mère et l’accès
à l’eau potable ainsi qu’à des conditions sanitaires de base sont plus importants que l’accès
aux soins. Dans le même ordre d’idées, à supposer que les écoles et les services médicaux
existent, les filles ne peuvent pas en bénéficier
si elles doivent chercher de l’eau au loin ou s’il
n’y a pas de moyens de transports adéquats ou
sûrs. Les efforts demandés appellent donc une
action concertée sur plusieurs fronts.
Pour davantage de
croissance économique
La promotion d’une croissance économique plus forte doit être au centre de la stratégie pour atteindre les ODM. Celle-ci réduit
directement la pauvreté monétaire et accroît
les ressources nécessaires aux autres objectifs.
Il faut donc, en premier lieu, que la croissance économique des pays en développement
soit plus forte que ce que prévoient les perspectives actuelles. L’Afrique sub-saharienne
doit doubler le taux de croissance moyen de
son PIB et le porter à 6%. Certains pays de la
région y sont parvenus au cours des années
nonante: le Cap-Vert, l’île Maurice, le Mozambique et l’Ouganda. Il faut à présent accélérer la réforme des politiques et de la gou-
Thème du mois
vernance pour favoriser un climat propice à la
croissance, à savoir la stabilité et l’ouverture
macroéconomique, ainsi qu’un cadre réglementaire et institutionnel pour les activités
du secteur privé,les infrastructures de base de
même qu’une véritable gouvernance du secteur public.
Améliorer l’accès aux services
pour les pauvres
Faire participer les pauvres à la croissance, ce
n’est pas seulement améliorer leur accès aux
services éducatifs et sanitaires, mais aussi leur
permettre de profiter d’infrastructures essentielles tels que l’eau, des conditions d’hygiène
de base et des routes de campagne.
Il faut également des mesures qui permettent aux pauvres – hommes et femmes – de
jouer un rôle actif dans la croissance et d’en
bénéficier. Afin que leur participation soit
efficace, ceux-ci doivent jouir d’un meilleur
accès aux services éducatifs et sanitaires, à des
infrastructures de base tels que l’approvisionnement en eau,des institutions sanitaires
et des routes de campagne. Un accroissement
des investissements dans ces infrastructures
doit s’accompagner de réformes des domaines politiques et du cadre institutionnel qui
les concernent; cela peut se faire en augmentant notamment la participation des communautés, en particulier des populations pauvres, à la prise de décision.
Améliorer le partenariat pour
le développement mondial
Ce sont les pays en développement qui
déterminent l’Agenda des ODM, mais ils ont
besoin de l’aide des pays développés. Sa mise
en œuvre appelle une meilleure coopération
à l’échelle mondiale. Les pays en développement doivent avoir un meilleur accès aux
marchés des pays développés afin d’augmenter leurs exportations et de stimuler la croissance. Ils ont par ailleurs besoin de fonds plus
importants pour financer les programmes
de développement destinés à améliorer l’accès
aux services nécessaires au développement
humain et aux infrastructures de base. Cette
complémentarité a bien été reconnue et affirmée à Monterrey, mais à ce jour, les progrès
ont été relativement faibles. Il est temps de lui
redonner corps!
Les priorités des pays développés
Selon le rapport, les mesures prises par les
pays développés sont loin de correspondre aux
engagements pris dans la plupart des domaines à Monterrey. Il faut rapidement remédier
à cette situation si l’on ne veut pas prendre
encore plus de retard.
Pour les pays industrialisés, les priorités
portent avant tout sur les politiques commerciales et d’aide au développement, ainsi que
sur la croissance de l’économie mondiale, ce
qui implique de trouver une solution aux
déséquilibres fiscaux et extérieurs. Le rapport
présente une série d’indicateurs récemment
mis au point afin d’assurer le suivi des politiques commerciale et d’aide au développement au niveau de chaque pays.
Au chapitre du commerce, les pays développés doivent donner l’exemple en concluant
en temps voulu le cycle de négociations de
Doha de sorte qu’il soit favorable au développement. Ils doivent se concentrer sur des objectifs suffisamment ambitieux, tels que:
– l’élimination complète des droits de douane
sur les produits manufacturés;
– la suppression intégrale des aides à l’exportation;
– le découplage total des subventions agricoles de la production;
– la réduction des droits de douane sur les
produits agricoles à 10% maximum;
Photo: seco
12 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Thème du mois
– un engagement à garantir le libre commerce des services par le biais des moyens
de télécommunication et à libéraliser la
migration temporaire des travailleurs.
La libéralisation des échanges commerciaux
revêt une importance particulière pour l’agriculture, puisque dans ce domaine la protection moyenne dans les pays de l’OCDE est plus
de sept fois plus élevée que pour les produits
manufacturés.
Le rapport souligne en outre que l’aide au
développement devra considérablement s’accroître pour atteindre les ODM. En effet, alors
que les donateurs s’étaient engagés à l’augmenter 18,5 milliards de dollars US par an jusqu’en 2006, les études montrent qu’en réalité,
il faudra au moins 30 milliards de dollars US
de plus. Par ailleurs, au fur et à mesure que les
pays en développement amélioreront leurs
politiques et leurs institutions, l’aide supplémentaire dont ils auront besoin sera supérieure à 50 milliards de dollars US par an s’ils
veulent atteindre les ODM.
Enfin, les pays développés doivent être plus
cohérents au plan politique. Il leur faut supprimer les contradictions qui, souvent, aident
les pays en développement d’un côté pour
mieux les pénaliser de l’autre. Ainsi, certains
pays développés versent une aide importante
aux pays en développement, mais maintiennent parallèlement des régimes commerciaux
très restrictifs qui bloquent leurs exportations.
Les priorités des pays en développement
Les politiques des pays en développement
se sont améliorées; elles permettent de mieux
diriger les ressources, nationales ou extérieures, vers les priorités du développement. Les
réformes de politique économique doivent, de
même, se poursuivre dans ces pays.
L’environnement dans lequel évoluent le
secteur privé et la croissance économique doit
s’améliorer en visant la stabilité macroéconomique, en corrigeant la gestion fiscale, en réduisant les barrières commerciales et en renforçant les institutions qui régissent le marché
(droit de propriété, primauté du droit). Ils
doivent également améliorer l’efficacité du
secteur public ainsi que la qualité de la gouvernance, en s’attaquant à la corruption, notamment.
Selon le rapport, les gouvernements de ces
pays doivent investir davantage dans les infrastructures de base et les services nécessaires
au développement humain, en les ciblant davantage sur les pauvres. Les dépenses en infrastructures des pays en développement se sont
réduites au cours des années nonante; elles
doivent à présent s’accroître en moyenne de 3,5
13 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
à 5% du PIB dans les pays à faible revenu et de
2,5 à 4% du PIB dans les pays à revenu intermédiaire les plus faibles.
Les priorités des institutions
financières internationales
Lors de la séance qui s’est tenue ce printemps à Washington, le Rapport de suivi mondial 2004 a été au centre des discussions du Comité du développement, un organe commun
à la Banque Mondiale et au FMI. A partir de
cette année, le rapport sera publié annuellement; il étaiera, d’une part, le suivi du Comité
du développement des progrès effectués dans
l’Agenda et, de l’autre, renforcera la responsabilité des principaux acteurs, à savoir les pays
industrialisés, les pays en développement et les
institutions multilatérales.
Comment les institutions financières internationales peuvent-elles remplir leur rôle
dans la réduction de la pauvreté et contribuer
à atteindre les ODM? Des études montrent
que les programmes destinés au développement ont progressé en termes d’efficacité. Cela se reflète dans une meilleure participation
des pauvres, des progrès dans la concentration
de l’aide au niveau de chaque pays, de la
gestion axée sur les résultats, de la transparence des opérations et des partenariats. Il y a,
toutefois, encore beaucoup à faire.
Pour des institutions telles que la Banque
Mondiale et le FMI, le défi consiste à renforcer
leur action dans les pays à faible revenu. Elles
doivent, par ailleurs, améliorer leur coordination et aligner leurs efforts sur chaque stratégie nationale. La Banque Mondiale et d’autres
banques multilatérales de développement doivent également veiller à articuler leur travail
autour de programmes fondés sur les résul
tats, régulièrement suivis et évalués.
Thème du mois
Les stratégies de lutte contre la pauvreté: une chance
pour la coopération suisse au développement économique?
Dans les années quatre-vingt,
de nombreux pays en développement ont vu leur endettement
s’accroître dangereusement.
Initialement perçu comme une
crise de liquidité, les solutions
proposées étaient plutôt axées
sur le court terme. C’est ainsi que,
si on fait abstraction de quelques
initiatives bilatérales isolées 1,
il a fallu attendre le milieu des
années nonante pour qu’une
action concertée au niveau international ait été mise sur pied
pour lutter contre l’endettement
des pays pauvres. Depuis 1999,
les pays pauvres lourdement
endettés doivent adopter une
stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) s’ils veulent bénéficier d’un désendettement dans
le cadre de l’initiative PPTE.2
Faire rimer désendettement
et lutte contre la pauvreté
Les stratégies de réduction de la pauvreté
(SRP) doivent remplir certaines conditions:
elles doivent être globales, procéder d’une
large assise sociale, et être définies d’entente
avec des donateurs multi- et bilatéraux. Les
SRP doivent reposer sur une analyse multidimensionnelle de la pauvreté ainsi que sur
les spécificités que présente chaque pays. L’objectif est que ceux-ci s’identifient à une stratégie et deviennent responsables de sa mise en
œuvre. Identification («ownership»), globalité, participation de larges couches de la population et accent mis sur les résultats sont les
maîtres mots des SRP.
54 pays sont actuellement engagés dans
une SRP (voir tableau 1). L’objectif final est de
mobiliser les fonds disponibles de leur budget
national pour qu’ils servent ces stratégies avec
toujours plus d’efficacité. Dans ce contexte, les
documents SRP jouent un rôle croissant pour
la communauté internationale des pays donateurs.Ils sont une référence permettant d’ajuster l’aide internationale aux priorités nationales avec davantage de précision. Conscients de
l’importance croissante que revêtent les SRP,
le Secrétariat d’État à l’économie (seco) et la
Direction du développement et de la coopération (DDC) leur ont accordé tout leur soutien
à travers une récente déclaration commune.
Cette reconnaissance ne fait que souligner le
rôle central des SRP dans la définition des axes
de la coopération suisse au développement.
Les chances et les enjeux
L’approche des SRP ne fait pas l’unanimité
car dans la pratique, leur contenu n’est pas
toujours aussi cohérent et global qu’il devrait
1 Le programme de désendettement adopté par la Suisse
en 1991 a fait œuvre de pionnier dans ce domaine.
2 Pays pauvres très endettés.
Monica Rubiolo
Secteur Soutien macroéconomique, Secrétariat
d’État à l’économie
(seco), Berne
14 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
être. L’identification laisse parfois à désirer
ainsi que la participation, laquelle n’est pas
aussi réelle et constructive qu’elle le devrait.
On reproche principalement aux SRP une
orientation insuffisante sur la croissance, une
absence de priorités et une faible participation
de la population.Les SRP se transforment souvent en un débat sur les dimensions sociales de
la pauvreté sans qu’une attention suffisante
soit consacrée à la croissance économique.Des
indicateurs concrets et mesurables font cruellement défaut pour rendre compte des progrès
dans la mise en œuvre des stratégies visant à
promouvoir le secteur privé. Pour de nombreuses SRP, l’absence de priorités est souvent
au cœur du problème. Les SRP contiennent
une liste exhaustive d’actions, que les pays en
développement ne peuvent pas réaliser étant
donné leur manque de moyens financiers. Les
liens qui unissent SRP et processus budgétaires sont généralement faibles; les possibilités
macroéconomiques de chaque pays ne sont
guère prises en considération. Pour certaines
SRP, l’étendue et la qualité de la participation
représente un autre problème d’envergure car,
pour leur élaboration, on a surtout fait appel
aux grandes villes au détriment du reste du
pays.
Ces difficultés réduisent le potentiel et l’efficacité des SRP, mais suffisent-elles à les condamner? La Suisse y voit plutôt un défi à relever par les pays donateurs partenaires, une
incitation à résoudre les problèmes effectivement constatés en ciblant le soutien qui leur
est accordé. Pour la coopération économique
suisse, ces points noirs sont l’occasion d’introduire dans le débat des sujets importants
comme:
– l’importance de la croissance économique
et de la bonne santé d’un secteur privé
compétitif, celui-ci fonctionnant comme
un moteur de la croissance toujours plus
intégré dans l’économie mondiale;
– la nécessité d’adapter les stratégies de lutte
contre la pauvreté aux réalités macroéconomiques des pays en développement et de les
répercuter dans les décisions budgétaires;
– l’utilité de processus budgétaires fondés
économiquement et d’une administration
budgétaire satisfaisante, qui conduit avec
transparence et efficacité les dépenses et les
recettes, soutient l’initiative privée et peut
contribuer, ce faisant, à réduire la pauvreté;
Thème du mois
Les facteurs macroéconomiques
– la nécessité de mécanismes de contrôle transparents, qui permettent d’évaluer la mise
en œuvre des SRP et éventuellement de les
corriger;
– la nécessité de coordonner les initiatives et
les actions entre les pays donateurs partenaires du développement, afin que les maigres ressources disponibles soient utilisées
avec efficacité compte tenu des priorités
nationales et que des progrès durables
soient atteints au chapitre du développement.
De bonnes conditions macroéconomiques
sont indispensables à la croissance économique – même si ce n’est pas suffisant – pour
réduire durablement la pauvreté. Ces aspects
macroéconomiques peuvent sembler, à première vue, relever de la technocratie et n’être
qu’indirectement liés à la pauvreté, mais leur
rôle est capital.
Qu’entend-on exactement par des aspects
macroéconomiques appropriés aux SRP? Il
s’agit entre autres:
– d’une politique monétaire axée sur la stabilité;
– de l’efficacité des dépenses publiques ainsi
que de l’état général de la gestion des finances publiques (par ex. en ce qui concerne
la transparence, l’obligation de rendre des
comptes);
– de la durabilité et des effets intertemporels
de la politique menée en matière d’endettement;
Les conditions du succès des SRP
Pour la Suisse, il ne suffit pas d’avoir de
bonnes intentions pour garantir le succès des
SRP. D’autres facteurs comme celui de l’adéquation de la stratégie aux possibilités macroéconomiques du pays ou à des aspects tels que
la politique monétaire ou fiscale, sont tout
aussi importants.
Tableau 1
Les pays engagés dans un processus SRP
Région/pays
RSP
RSP
intérimaire déf.
Rapport
d’étape I
Rapport
d’étape II
Rapport
d’étape III
Afrique
Bénin
RSP
RSP
intérimaire déf.
x
x
Bangladesh
Rapport
d’étape II
Rapport
d’étape III
x
x
x
x
x
x
Cambodge
x
x
Kirghizistan
x
x
Cameroun
x
Laos
x
Cap-Vert
x
Mongolie
x
R. centrafricaine
x
Népal
Tchad
x
RD Congo
x
Sri Lanka
Côte d’Ivoire
x
Djibouti
x
Éthiopie
x
x
x
Gambie
x
x
Ghana
x
x
Guinée
x
x
Guinée Bissau
x
Kenya
x
Lesotho
x
Madagascar
x
x
Malawi
x
x
Mali
x
x
Mauritanie
Pakistan
x
x
x
x
x
x
x
x
Niger
x
x
x
Rwanda
x
x
Sao Tomé
x
Sénégal
x
Sierra Leone
x
Tanzanie
x
Ouganda
x
x
x
x
x
Tadjikistan
x
x
Vietnam
x
x
Yémen
x
x
x
x
Europe
Mozambique
Zambie
Rapport
d’étape I
Asie
x
Burkina Faso
Burundi
Région/pays
x
Albanie
x
x
Arménie
x
x
Azerbaïdjan
x
x
Bosnie-Herzégovine
x
Géorgie
x
Macedoine
x
Moldavie
x
Serbie et Monténégro
x
x
Bolivie
x
x
Dominique
x
x
x
Amérique latine
x
x
x
x
x
x
x
Guyane
x
x
Honduras
x
x
x
Nicaragua
x
x
x
x
x
x
Source: Banque Mondiale / La Vie économique
15 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Thème du mois
vres bénéficieront des processus de croissance. La coopération économique suisse au
développement s’efforce d’éclaircir les rapports entre les données macroéconomiques
et le processus des SRP.
Surmonter les lacunes des SRP
Comment de telles interactions sont-elles
traitées dans la pratique et les lacunes des SRP
surmontées? Les instruments macroéconomiques utilisés par la politique suisse du développement sont au nombre de trois:
– l’aide budgétaire;
– les mesures de désendettement;
– les projets techniques dans le secteur financier.
Mobiliser les fonds disponibles dans les budgets nationaux pour qu’ils servent aux stratégies de lutte contre la pauvreté avec toujours
plus d’efficacité: voilà l’objectif final des SRP.
En illustration: signature d’un accord d’aide
budgétaire entre la Suisse et le Mozambique
le 24 juin.
Photo: seco
– de l’efficacité et des effets de la politique
fiscale;
– des moteurs de la croissance;
– du fonctionnement du secteur financier;
– de l’économie politique des réformes (à savoir quel groupe soutient quelle réforme).
Les décisions en économie politique
Les PRS ne doivent pas seulement se fonder sur une solide compréhension des aspects
macroéconomiques. Les aspects distributifs
et sectoriels liés aux décisions prises en matière de politique économique sont également appropriées pour juger de l’efficacité de
la lutte contre la pauvreté, car ils aident à déterminer dans quelle mesure les groupes défavorisés peuvent profiter de la croissance. En
d’autres termes, les décisions de politique
économique doivent être prises à la lumière
des objectifs stratégiques de la lutte contre la
pauvreté et en considérant les interactions
potentielles. Alors seulement, les plus pau-
Ces instruments, gérés par le seco, visent à
influer positivement sur les conditions-cadres
économiques. Lors de leur application, la
Suisse s’engage dans un dialogue politique
intense avec le pays partenaire et évoque avec
lui des sujets importants tels que la promotion du secteur privé, le développement de
l’économie de marché, le développement durable, l’intégration dans l’économie mondiale et une bonne gouvernance. Elle cherche
de cette façon à lier les SRP au problème de la
croissance. Au Nicaragua, la Suisse soutient
par exemple le gouvernement dans sa volonté de compléter sa stratégie actuelle de lutte
contre la pauvreté par une stratégie sectorielle fondée sur la croissance.
Exemple n°1:
la réforme de l’administration des finances
Dans le cadre des opérations d’aide budgétaire, le soutien accordé aux réformes de l’administration des finances vise à une gestion
plus efficace du budget et à une plus grande cohérence entre dépenses publiques et objectifs
de lutte contre la pauvreté. Il s’agit de faciliter
la fixation de priorités et l’utilisation efficace
des rares ressources disponibles. Un soutien
technique ciblé et le développement de compétences sont pour la Suisse de précieux instruments complémentaires pour renforcer
Tableau 2
Extrait du Performance Assessment Framework (PAF) pour le Mozambique
Programme gouvernemental Parpa
Priorités
Objectifs
Obj. stratégiques
Domaines
Sous-domaines
Objectifs
Actions
2004
2005
2006
Développer des
conditions-cadres
propices au
secteur privé
Mesures macroéconomiques
et de politique
financière
Réforme
fiscale
Fiscalité simple,
globale, équilibrée
et équitable
Création
d’une autorité
de taxation
d’ici à 2006
Projet de loi
à l’intention
du Parlement
Approbation
des dispositions
réglementaires
Établissement
d’une autorité
de taxation
centrale
14.7
15.0
15.3
Recettes fiscales
inscrites au budget (% du PIB)
Source: seco / La Vie économique
16 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Thème du mois
Encadré 1
La surveillance des systèmes de «monitoring» des SRP
La collaboration entre le seco/DDC et le
service de désendettement de la Communauté
de travail des œuvres d’entraide
Au niveau de la qualité et de l’étendue de la
participation, l’objectif est de disposer de systèmes de «monitoring» adéquats pour les SRP.
Ceux-ci devraient non seulement permettre
de suivre la mise en œuvre des SRP mais aussi
d’identifier leurs points faibles, d’y apporter les
corrections nécessaires et de fournir un soutien
ponctuel technique aux différents acteurs. Forte
de ces considérations, la Suisse soutient le développement d’une approche méthodique de surveillance des systèmes de «monitoring» des SRP.
Au printemps 2004, 54 pays avaient élaboré
une stratégie de lutte contre la pauvreté (en
version «intérimaire» ou «définitive», voir
tableau 1). C’est dire si aujourd’hui, leur mise en
œuvre est d’actualité et leur «monitoring» un
élément important. Les premières expériences
faites dans ce domaine font ressortir les carences institutionnelles et l’absence de mécanismes
permettant d’intégrer les observations faites
dans le processus de décision politique. Si les
parties prenantes nationales sont les principales
responsables du processus, la communauté
internationale des pays donateurs joue un rôle
important dans le soutien technique et financier
nécessaire aux systèmes de «monitoring» des
SRP. Cet engagement nécessite, de la part des
pays donateurs, un suivi attentif des processus
de «monitoring» nationaux.
Le service de désendettement de la Communauté de travail des œuvres d’entraide conseille
le Secrétariat d’État à l’économie (seco) et la
Direction du développement et de la coopération
(DDC) dans leurs efforts destinés à soutenir les
systèmes de «monitoring» nationaux nécessaires à la mise en œuvre des SRP. Son activité de
conseil repose sur une collaboration fructueuse
et ancienne des trois partenaires dans le cadre
du programme suisse de désendettement.
Suivant ses compétences et son orientation,
le service de désendettement se concentre sur
l’élaboration de propositions visant à renforcer
les capacités de la société civile et à favoriser le
développement institutionnel des processus de
participation.
Le service de désendettement est en train de
mettre au point une approche méthodique qui
doit permettre l’analyse et le suivi systématique
des systèmes de «monitoring» des SRP. Son objectif est de détecter les points faibles et, sur
cette base, de proposer au seco et à la DDC des
solutions et des moyens d’intervention. Dans
une récente étude pilote menée au Burkina Faso,
le service de désendettement a étudié l’importance de la participation des organes de la société civile au «monitoring» des SRP et le rôle
qu’ils pourraient y jouer à l’avenir. Les résultats
de cette étude ont permis de recommander des
mesures de soutien qui ont été proposées aux
institutions partenaires nationales appropriées.
les capacités des pays en développement. Au
Mozambique par ex., le seco soutient depuis
quelques années la mise en œuvre de réformes
fiscales (voir tableau 2). L’élargissement de
l’assiette fiscale conjuguée à une baisse des
taux d’imposition et à une administration fiscale plus efficace ont permis des gains substantiels en termes de recettes. Cela a permis
d’augmenter les dépenses dans les programmes d’éducation et de santé et de réduire la dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure. Concrètement, le Mozambique a vu baisser son
taux de pauvreté de 69% en 1996 à 54% en
2003.
Exemple n°2:
une étroite coopération multilatérale
En coordonnant étroitement son action
avec les autres pays donateurs et les institutions financières internationales,la Suisse s’efforce d’aboutir à une meilleure harmonisation
des efforts consentis pour le développement.
Les coûts de transaction qui grèvent l’aide s’en
trouvent ainsi réduits et leur efficacité augmente. Au Mozambique, l’aide budgétaire apportée par la Suisse est étroitement coordonnée à celle des 14 autres pays donateurs et de
la Banque Mondiale. C’est en partie grâce à
son intense collaboration dans les questions
17 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
liées à la réforme fiscale que la Suisse assume
actuellement la présidence du groupe de coordination. Un catalogue de réforme élaboré
en commun avec le gouvernement a permis
d’instaurer un dialogue soutenu avec celui-ci
comme avec d’autres acteurs tels que le Parlement, le secteur privé et la société civile. La
Suisse participe à des groupes analogue dans
tous les pays auxquels elle fournit une aide
budgétaire.
Conclusions
Surmonter les lacunes des SRP et optimiser
leur apport à la réduction de la pauvreté demeure un important défi à relever. Rappelons
que les principes qui sous-tendent les SRP représentent une base précieuse de départ pour
améliorer l’efficacité de la coopération avec
les pays partenaires. S’il appartient d’abord à
ceux-ci d’exploiter le potentiel que recèle cet
instrument et d’atteindre des résultats concrets dans leur lutte contre la pauvreté, les pays
donateurs partenaires ont un rôle tout aussi
important à jouer: celui de contribuer au suc
cès de l’entreprise.
Thème du mois
L’impact des fonds de capital-risque
sur les petites et moyennes entreprises
Le développement du secteur
privé sur les marchés émergents
est d’une importance fondamentale pour la croissance économique. Les petites et moyennes
entreprises (PME) jouent un rôle
clé dans ce processus. C’est donc
pour mieux comprendre l’intérêt
qu’elles présentent pour la croissance et la lutte contre la pauvreté, qu’une étude a été entreprise par le Secrétariat d’État à
l’économie (seco) en partenariat
avec des organismes anglais et
étasuniens. Cet article résume
les principales conclusions et recommandations de l’étude. Elle
démontre que les PME ont un potentiel qui leur permet d’agir sur
la croissance et de lutter contre
la pauvreté. Elle décrit également
un ensemble d’orientations politiques destinées à planifier des
mesures susceptibles de maximiser ce potentiel.
Dans sa stratégie 2006, le seco réaffirme
son engagement en faveur du développement
du secteur privé dans ses pays partenaires. Il
s’emploie à mobiliser les ressources et les capacités de ce secteur tant en Suisse que dans les
pays où il opère. L’approche du seco est très
large et se concentre sur les principaux obstacles au développement du secteur privé. Elle
inclut, en premier lieu, des mesures de soutien
aux conditions-cadres légales et à un climat
propice à l’initiative privée; elle se concrétise
ensuite par des actions spécifiques pour promouvoir les PME et développer les capacités
entrepreneuriales dans les pays de concentration, encourager les investissements privés et
améliorer l’intermédiation financière.
Des instruments innovants
pour financer les PME
Pour de nombreuses PME des pays en développement et en transition, l’accès au financement représente le principal obstacle non
seulement à leur développement mais aussi,
plus simplement, à leur survie. Les banques
concentrent leurs prêts sur les gouvernements
ou les entreprises les plus importantes et les
plus solides. Les marchés financiers locaux
sont inexistants ou alors réservés à quelques
grandes entreprises. Il en est de même pour ce
qui est de l’accès aux marchés internationaux.
Vu ce manque de confiance dans les PME¸
auquel s’ajoute les risques inhérents aux investissements dans les marchés émergents, il est
évident pour les spécialistes que les investisseurs publics ont un rôle crucial à jouer pour
stimuler les marchés financiers locaux. C’est
pour cette raison que le seco a lancé plusieurs
programmes destinés à combler ce vide.Ceuxci recouvrent une vaste palette d’investissements, représentant autant d’instruments
Encadré 1
Le capital-risque
Le capital-risque («private equity») est
un engagement financier à moyen et long
terme (participation, quasi-participation)
dans des entreprises non cotés. Il s’effectue
dans l’attente d’une amélioration des résultats de l’entreprise, lesquels doivent générer
à terme des liquidités et des rendements
positifs.
Claude Barras
Chef du secteur Promotion des investissements,
Secrétariat d’État
à l’économie (seco),
Berne
18 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
novateurs, comme des sociétés de leasing, des
fonds de garantie,des lignes de crédit vertes ou
encore des lignes de crédit en monnaie locale.
Une grande partie du portefeuille du seco est,
cependant, formée d’investissements dans
des fonds de capital-risque («private equity
funds», voir encadré 1). Durant ces six dernières années, le seco a engagé plus de 200 millions de francs dans 23 institutions financières.
L’étude sur les effets des fonds
de capital-risque
C’est pour mieux comprendre le rôle que
jouent les PME envers la croissance et la lutte
contre la pauvreté et l’impact que peuvent
avoir les fonds de capital-risque à ce niveau,
qu’une étude a été menée par le seco conjointement avec l’Agence du développement du
Royaume-Uni (DFID) et le Small Enterprise
Assistance Fund (Seaf, voir encadré 2). L’enquête a porté sur dix petites et moyennes
entreprises qui ont bénéficié de l’investissement d’un fond de capital-risque géré par le
Seaf.
Dix cas d’étude
Les dix entreprises ont été sélectionnées sur
la base de deux critères: la disponibilité de
données appropriées et le consentement des
entrepreneurs ainsi que des employés à un
entretien. Des lacunes dans les données et des
problèmes méthodologiques ont empêché
une étude rigoureuse à plus large échelle.
Cinq des dix entreprises étudiées sont
situées en Europe centrale et de l’Est, les cinq
autres en Amérique latine. La moitié d’entre
elles se trouvent en zones rurales et l’autre en
régions urbanisées. Leur chiffre d’affaires annuel s’étale de 0,3 à 17 millions d’USD. Leur
secteurs d’activités vont de la confection de
vêtements pour enfants brodés à la main à la
fabrication de composants électroniques et de
produits pour médias; toutefois, un nombre
important d’entre elles évoluent dans les domaines de la production et de la transformation de denrées alimentaires. Elles emploient
entre 4 et 308 personnes. L’étude a mesuré les
effets à long terme de chaque investissement
en termes de croissance économique sur toutes
les parties prenantes: investisseurs, employés,
clients, producteurs de biens et services com-
Thème du mois
Pour de nombreuses PME des pays en développement et en transition, l’accès au financement représente leur principal problème.
C’est pour cette raison que le seco a lancé
plusieurs programmes destinés à combler
ce vide. En illustration: menuiserie au Brésil.
Encadré 2
Le Small Enterprise Assistance Fund (Seaf)
Le Seaf est une organisation à but non
lucratif qui soutient l’établissement de fonds
de capital-risque, commercialement durables, dans les marchés émergents, et en
surveille la gestion. Une grande partie de
son capital provient d’institutions financières internationales agissant en faveur
du développement. Les PME dans les pays
en développement et en transition reçoivent
le soutien de deux types d’instruments
financiers:
– du capital propre destiné à renforcer leurs
capacités de production;
– des conseils de gestion financière, marketing et processus de production, pour
les aider à augmenter leurs ventes – plus
spécialement à l’exportation – et la productivité de leur entreprise.
Les fonds Seaf sont investis en premier
lieu dans des domaines économiques négligés par les investisseurs purement commerciaux. Sur la base de l’expérience du Seaf, le
rendement de ces investissements effectués
dans les PME des pays en développement et
en transition est généralement positif. Le
seco a investi dans quatre fonds de capitalrisque du Seaf en Europe de l’Est, Asie centrale et dans la région andine.
Photo: seco
plémentaires, fournisseurs, concurrents, nouveaux participants au marché, communautés
locales, gouvernements et institutions financières locales (banques, caisses de pension,
assurances). Des entretiens approfondis ont
été menés dans les entreprises et avec les groupes d’intérêt cités. Les entretiens avec les employés ont permis de récolter des informations sur l’évolution des conditions de vie des
ménages.
Un fort effet multiplicateur
Les PME ont un grand impact positif sur
leur communauté. Il leur faut former leurs
employés puis les garder pour amortir l’investissement consenti. Une des raisons en est que
les personnes les mieux formées ne vont pas
travailler dans les PME mais pour les entreprises multinationales, les banques et le gouvernement. En outre, les PME soignent leurs
relations avec les autorités et collectivités locales dont elles dépendent très fortement pour
réussir. Les dix études de cas mettent en lumière les effets positifs que les PME peuvent
avoir sur leur environnement:
– l’impact économique des investissements
dans les PME est significatif. Dans l’ensemble des dix cas, chaque dollar investi par un
fonds de capital-risque génére en moyenne
dix dollars additionnels dans l’économie locale; plus précisément, le multiplicateur est
de 4 à 24. Pratiquement toutes les entre-
19 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
prises ont atteint un rendement économique substantiel, même avant l’échéance
de l’investissement. L’impact économique
demeure notable même lorsque le rendement interne généré par l’investissement
est relativement bas;
– parmi les groupes d’intérêt cités, les employés
et les gouvernements (les PME doivent
payer des impôts substantiels) sont les premiers bénéficiaires des investissements réalisés. La stabilité de l’emploi et le revenu
représentent les principaux avantages des
employés des entreprises étudiées. Dans
la plupart des cas, les travailleurs ont reçu
des augmentations de salaire substantielles, en rapport avec la formation dispensée
par l’entreprise. Les deux tiers de l’effectif
du personnel sont des travailleurs peu qualifiés. Comme les entreprises se sont agrandies grâce aux investissements, la proportion d’emplois peu qualifiés a augmenté.
De nouvelles places de travail pour les pauvres
Il s’avère que, croissance et modernisation
de l’entreprise aidant, les entrepreneurs sont
parvenus à augmenter la productivité des travailleurs qualifiés,à promouvoir les travailleurs
peu qualifiés qu’ils ont formés à des postes
supérieurs et à engager de nouveaux travailleurs non qualifiés. Ceci confirme l’hypothèse
que les PME créent de nouveaux emplois pour
les pauvres. Concrètement, cela signifie que:
Thème du mois
Les PME font partie intégrante des communautés locales et contribuent ainsi directement
à leur développement. C’est là que vivent
la plupart de leur employés et fournisseurs.
En outre, elles se soucient de leur réputation.
Photo: seco
– la croissance annuelle du salaire des employés peut atteindre 28% pour les travailleurs non qualifiés et 34% pour les travailleurs qualifiés. Ces chiffres reflètent la
relative pénurie de travailleurs qualifiés
dans ces pays et le fait qu’une PME doit les
payer davantage pour les garder. À noter
que l’augmentation de salaire que les travailleurs touchent dans les régions où le
taux de chômage est élevé est généralement
plus importante encore;
– les PME offrent en outre des avantages
non salariaux très appréciés par les travailleurs peu qualifiés qui n’en bénéficieraient
pas s’ils étaient indépendants: notamment
contribution de l’employeur à l’assurancemaladie, repas dans l’entreprise, primes
ou caisse de pension. Ils profitent de plus
de la stabilité de l’emploi, ce qui leur permet d’accumuler des biens, de faire des
économies, notamment pour l’éducation
des enfants, de se prémunir ainsi contre la
pauvreté;
– de nombreuses entreprises investissent
beaucoup dans la formation de leurs travailleurs. Contraintes au départ d’engager
du personnel peu qualifié, elles tendent à
investir très fortement dans sa formation.
Cela ouvre d’importants avantages au personnel de l’entreprise comme, par exemple, des augmentations de salaire ou une
20 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
plus grande mobilité sur le marché de
l’emploi;
– les PME permettent à des producteurs des
secteurs informel et rural d’accéder aux
marchés formels; elles font office de passerelles entre les petits producteurs et les
marchés nationaux et d’exportation lucratifs. Quand une PME s’agrandit, elle paie
plus d’impôts, et ceux-ci peuvent représenter jusqu’à 20% de son revenu total;
– les PME font partie intégrante des communautés locales et contribuent ainsi
directement à leur développement. Des
exemples de la responsabilité sociale des
grands groupes multinationaux abondent
dans la littérature sur le développement.
Or, l’étude démontre que les PME assument elles aussi des responsabilités notables en matière de développement social
dans leur région d’implantation, dès lors
que c’est là que vivent la plupart de leur
employés et fournisseurs. En outre, elles se
soucient de leur réputation dans la communauté.
Un début d’optimisme
Bien que ces résultats préliminaires concernent un trop petit nombre d’entreprises pour
être généralisés, ils suggèrent au seco et aux investisseurs commerciaux socialement engagés
Thème du mois
de poursuivre leurs efforts dans le domaine du
financement des PME. Dès lors qu’un fonds
peut investir dans un petit nombre d’entreprises seulement, il importe de montrer qu’une
telle aide a un impact qui dépasse le cadre de
l’entreprise individuelle.
Pour promouvoir les investissements dans
les PME de manière à ce qu’ils aient le plus
grand effet possible en termes de réduction de
la pauvreté, sans que le rendement financier
des investisseurs n’en soit atteint, trois approches méritent d’être développées:
– utiliser les PME comme des instruments
efficaces financièrement pour réduire la
pauvreté. L’impact positif qu’ont les PME
étudiées sur les compétences des employés
et leur santé permet de conclure à leur
utilité pour réduire la pauvreté. Au niveau des coûts, cette stratégie pourrait être
plus avantageuse que d’autres approches
nécessitant d’importants investissements
pour cibler les bénéficiaires appropriés
des programmes proposés et suivre leurs
progrès et résultats. Les PME de leur côté
seraient motivées à utiliser au mieux les
programmes d’aide et à rechercher les résultats, dès lors que de telles interventions augmenteraient le moral de leurs
employés tout en contribuant au succès
des affaires;
– identifier des programmes efficaces de lutte
contre la pauvreté et travailler avec des partenaires. Le seco, les entrepreneurs et d’autres investisseurs publics et privés devraient
identifier des intérêts et objectifs communs
et profiter des expériences et du réseau des
PME pour les réaliser;
– promouvoir la responsabilité sociale des entreprises et des secteurs. Les cas étudiés montrent une forte corrélation entre l’impact
en termes de développement des entreprises et l’attitude des entrepreneurs. Les
investissements devraient donc se diriger
davantage vers les entrepreneurs socialement responsables et les secteurs dont les
pauvres bénéficieraient. Former les entrepreneurs pour leur faire comprendre les
avantages d’un engagement social et les
aider à en tirer le meilleur profit possible
devraient encore amplifier cet impact.
Conclusion
Le seco poursuivra ses efforts dans le domaine du capital-risque afin de le rendre
plus attractif pour les grands investisseurs. Il
participe de façon déterminante au lancement d’initiatives destinées à professionnaliser l’industrie des fonds de capital-risque
dans divers domaines tels que la formation, le
«benchmarking» des performances,les directives pour la valorisation des portefeuilles, le
21 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
«reporting», les directives environnementales et sociales et – très important – l’introduction de standards pour la bonne gouvernance des entreprises.
Le développement des PME dépend avant
tout de conditions-cadres adéquates. Il incombe aux gouvernements concernés de suivre une politique macroéconomique raisonnable et d’améliorer le cadre environnemental
et légal à l’intérieur du pays, l’un et l’autre
étant déterminant pour le développement du
secteur privé. Sans mesures décisives en ces
domaines, les PME ne pourront pas exploiter
pleinement leur potentiel et contribuer à la
réduction de la pauvreté.
Thème du mois
Commerce et chaînes de valeurs ajoutées:
une stratégie de lutte contre la pauvreté
En l’an 2000, les Nations Unies
ont adopté d’ambitieux Objectifs
de développement pour le Millénaire, qui impliquent de réduire
de moitié la pauvreté et la faim
dans le monde, de donner à tous
une formation de base et d’assurer le développement durable
sur la planète d’ici 2015. Le commerce international joue un rôle
clef dans ce processus. L’article
qui suit montre la façon dont le
Secrétariat d’État à l’économie
(seco) encourage les échanges
pour renforcer l’intégration
des pays en développement dans
le système commercial international.
L’intégration dans l’économie
mondiale est une chance
Le seco soutient un certain nombre de pays
en développement ou en transition («pays de
concentration») – dont quelques uns parmi
les plus pauvres – dans leurs efforts économiques. Il les accompagne et les aide à s’intégrer
dans l’économie mondiale, à améliorer leur
compétitivité internationale et à augmenter la
création de valeur sur place.
Nombre de pays en développement et
d’entreprises visent cependant encore une
croissance rapide à n’importe quel prix et recourent au moyen le plus simple mais aussi le
pire: ils essaient de réduire les coûts de production en imposant de très bas salaires, des
conditions de travail déplorables tout en négligeant l’environnement, afin d’être plus compétitifs. Cette politique a des répercussions
sociales et écologiques fatales pour le pays,
voire en dehors.
Le seco cherche à montrer d’autres voies
pour accroître la compétitivité et aide en premier lieu les petites et moyennes entreprises
(PME) à se maintenir sur le marché. En améliorant la qualité de leurs produits,en développant des spécialités et des niches de production, en prenant en considération les normes
fondamentales du travail et les exigences de
respect de l’environnement qui comptent de
plus en plus pour leurs clients étrangers, les
PME peuvent non seulement devenir plus
compétitives mais aussi générer à long terme
de la valeur ajoutée et des revenus dans leur
pays.En effet,celui qui n’a pas de produits conformes au marché à offrir ne crée pas d’emplois et ne contribue donc pas à réduire la
pauvreté.
Hans-Peter Egler
Chef du secteur
Coopération pour
le commerce et la
technologie environnementale, Secrétariat
d’État à l’économie
(seco), Berne
22 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Une qualité irréprochable des produits et le
respect des normes, s’ils sont nécessaires, ne
suffisent encore pas à donner aux pays en développement un accès au marché des États industrialisés. Il faut aussi que ceux-ci aient la
volonté politique de les ouvrir, au moins en
partie – surtout dans le domaine très sensible,
en politique intérieure, de l’agriculture. Face à
cette nécessité, le Conseil fédéral a décidé en
2001 – sur une initiative du seco – d’exonérer
graduellement des droits de douane le groupe
des 49 pays les moins avancés (PMA) dans le
domaine agricole. La deuxième phase de ce
plan est entrée en vigueur le 1er avril 2004 avec
des exonérations comprises entre 55 et 75 %
du tarif normal.
La promotion du commerce,
facteur de compétitivité
Face aux déséquilibres du commerce mondial, le seco mène dans les pays de concentration une politique de promotion ciblée des
capacités commerciales des PME et autres
sous-traitants tournées vers l’exportation. Il
met l’accent sur les entreprises du domaine
agricole, secteur dans lequel la plupart de ces
pays disposent d’avantages comparatifs et où
la chaîne de valeurs ajoutées génère un nombre particulièrement élevé d’emplois.
Ce sont tout d’abord les programmes commerciaux, le transfert de savoir-faire et la formation de spécialistes qui renforcent la politique commerciale et l’efficacité des échanges:
ce cadre politique est la base du succès dans les
affaires commerciales. Il faut, en outre, pouvoir vendre sur un marché et donc nouer les
contacts appropriés avec les importateurs, notamment dans les pays industrialisés. Le Programme suisse de promotion des importations
(Swiss Import Promotion Programme, Sippo),
fondé et financé par le seco, permet aux entreprises de développer de tels contacts en Europe, de s’ouvrir à la branche et au marché,
d’élaborer des stratégies globales, de profiter
de conseils individualisés et de participer à des
expositions spécialisées. Les activités du Sippo
se greffent sur celles du Centre du commerce
international (CCI), une agence de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le
Développement (Cnuced) et de l’Organisation
Mondiale du Commerce (OMC), sise à Genève,
qui se concentre sur le cadre institutionnel des
Thème du mois
échanges, entre autres sur mandat du seco. Le
CCI a pour but d’améliorer les produits et les
débouchés en développant des Chambres du
commerce et des exportations, en instaurant
des normes techniques et des procédures de
contrôle de la qualité,en modernisant les techniques de conditionnement et en accroissant
l’efficacité de la distribution. L’un et l’autre
programme tablent sur des relations économiques durables qui garantissent sur le long
terme la sécurité,un revenu et des perspectives
d’avenir.
Les consommateurs des États industrialisés
demandent toujours davantage de produits
«équitables» socialement et écologiquement.
En réaction, les multinationales élaborent des
codes dits de conduite s’appliquant à tous
leurs fournisseurs et sous-traitants.
Le seco développe les capacités nécessaires
pour remplir ces conditions dans les pays de
concentration. Dans le domaine des industries de transformation, les centres nationaux
pour la promotion de techniques plus respectueuses de l’environnement («cleaner production centers», CPC) aident les PME à limiter
leur consommation de ressources, les émissions et les déchets et à faire ainsi des économies. Le développement de ce que l’on appelle
l’éco-efficacité est bénéfique pour la santé et la
sécurité sur le lieu de travail. Un environnement moins pollué profite non seulement aux
travailleurs, mais aussi à toute la population
d’une région. Les problèmes sont pris et éliminés à la source. Les difficultés ne sont généralement pas seulement techniques, l’attitude de
la direction et des travailleurs est également en
cause et doit changer. Dans ce domaine, outre
des projets bilatéraux, le seco a comme partenaire stratégique l’Organisation des Nations
Unies pour le Développement Industriel (Onudi), qui intervient sur place par le biais des
CPC, en collaborant avec des experts internationaux. L’Onudi assure le suivi technique des
PME et des entreprises de distribution tournées vers l’exportation, leur donne accès aux
nouvelles technologies et les conseille en vue
de la certification. Ces prestations sont complétées par un programme mis en œuvre par
l’Organisation Internationale du Travail (OIT):
le transfert de savoir-faire lié aux avantages
concurrentiels découlant du respect des normes fondamentales du travail. La gestion d’entreprise responsable en matière sociale et écologique («corporate responsability», CR) peut
aider les PME à mieux se positionner sur le
marché.
La valeur ajouté crée les revenus
Il ne sera pas possible, à long terme, de
combattre la pauvreté sans industrie de transformation et commerce de produits confor-
23 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
mes à la demande et donc sans créer de valeur
ajoutée. Ce dernier point est particulièrement
important dans les régions les plus pauvres et
dans les PMA.
La stratégie du seco et des organisations
qui travaillent avec lui consiste à évaluer une
chaîne de valeurs ajoutées dans son ensemble
et à y intégrer des partenaires à tous les niveaux
du marché (du producteur au consommateur), en faisant plus particulièrement appel à
l’économie privée. Un fabricant de produits
alimentaires, par exemple, ne crée pas des emplois seulement dans son entreprise, mais permet aux familles d’agriculteurs qui le fournissent de se nourrir. Les deux parties s’engagent
mutuellement. Les paysans doivent respecter
certaines obligations concernant la qualité et
les normes écologiques; en contrepartie, on les
aide à diversifier leur production.
Introduire des normes de qualité,
environnementales et sur les conditions
de travail
L’amélioration de la qualité accroît la compétitivité et les chances de l’entreprise de produits alimentaires. En instaurant des normes
de qualité,environnementales et sur les conditions de travail, le seco permet même aux producteurs d’obtenir de meilleurs prix en leur
ouvrant des créneaux, par exemple celui du
commerce équitable ou des labels bio.
L’agriculture biologique et les normes sociales ne donnent pas seulement aux pays en
développement la perspective d’un meilleur
accès aux marchés des pays industrialisés. Une
agriculture ou une production plus respectueuse de l’environnement et des exigences
sociales a aussi des avantages économiques.
En renonçant aux pesticides, par exemple, les
producteurs renforcent l’équilibre écologique
tout en faisant des économies et en dépendant
moins des bailleurs de fonds locaux.
Le commerce de coton bio
En Afrique occidentale et en Kirghizie,
l’œuvre d’entraide suisse Helvetas encourage
le commerce de coton bio, sur mandat du seco.
Ce projet, sans être interventionniste, tente
d’offrir un accompagnement à tous les acteurs
participant à la chaîne de valeurs ajoutées, de
la culture du coton aux rayons des détaillants,
en passant par le traitement après récolte et la
transformation. On peut ainsi renforcer le
souci de qualité tout au long de la chaîne et,par
ailleurs, nouer des relations commerciales à
long terme entre les producteurs du Sud et les
importateurs du Nord, pour un profit mutuel.
Les paysans y gagnent doublement: ils peuvent
vendre leur coton bio à un prix garanti plus
élevé,c’est-à-dire accroître la valeur ajoutée de
leur exploitation; par ailleurs,l’entreprise elle-
Thème du mois
Le seco, à travers sa stratégie de promotion
des PME, met l’accent sur les entreprises du
domaine agricole (en illustration: jardin au
Burkina Faso), secteur dans lequel la plupart
des pays de concentration disposent d’avantages comparatifs et où la chaîne de valeurs
ajoutées génère un nombre particulièrement
élevé d’emplois.
Photo: seco
même prend de la valeur grâce à une meilleure
productivité du sol. En outre, ce mode de production ne nuit pas à la santé des hommes et
des animaux.
Le projet «Intermediate Monitoring Project»
(IMP) financé par des œuvres d’entraide suisses, qui vise à créer un organe de surveillance
indépendant des codes de conduite (codes volontaires portant sur des aspects sociaux) dans
la branche textile, poursuit des objectifs similaires. Il a pour but d’offrir aux partenaires
commerciaux intéressés la possibilité de faire
certifier la chaîne de valeurs ajoutées, de la
matière première à la vente au détail, selon le
«Clean Clothes Codex», qui repose sur les
normes fondamentales du travail de l’OIT. Ce
projet est également soutenu par le seco.
Commercer avec la biodiversité
Le maintien de la biodiversité peut, à plus
ou moins long terme, devenir une question de
survie sociale et écologique; il représente en
tout cas une chance économique pour la population des pays en développement. Sur le
plan multilatéral, plus de 170 États (dont la
Suisse) ont signé la convention de 1992 sur la
biodiversité, affirmant ainsi leur volonté de
préserver la diversité des espèces et s’accordant
sur les conditions de l’utilisation durable des
ressources génétiques. Se basant sur ces valeurs communes, un grand distributeur suisse
a récemment conclu avec le gouvernement
bolivien un accord, limitée à dix ans, sur la
cession de droits de vente et de production de
cinq variétés de pommes de terre locales. Malgré les obstacles administratifs – vaincus en
24 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
grande partie grâce au soutien, au savoir-faire
et à la continuité d’un programme de promotion du commerce des produits favorisant
la biodiversité soutenu par le seco – les partenaires ont réussi à conclure un accord jusqu’ici
inégalé d’«access & benefit sharing» (accès aux
ressources génétiques et partage équitable du
fruit de leur utilisation). Dans un partenariat
mixte exemplaire, le gouvernement bolivien
et le grand distributeur suisse ont convenu
d’une indemnité équitable à verser sous forme
de commissions annuelles aux planteurs de
pommes de terre du haut plateau bolivien,
principalement habité par des Indiens.
Alors que cet accord ouvre de nouvelles perspectives sur le marché, qu’il offre aux
paysans suisses pratiquant l’agriculture biologique de nouveaux débouchés et aux clients
un plus grand nombre de variétés de pommes
de terre, il permet également aux Indiens et à
la Unidad de Producción de Semilla de Papa
(UPS-Sepa) de bénéficier de cette cession de
droits, exclusivement axée sur le développement. L’accroissement de la surface cultivée
apportera dans une première phase revenu et
nourriture à 600 familles; en fonction du chiffre d’affaires réalisé, le programme inclura
davantage de familles indiennes, qu’elle délivrera de la pauvreté.
Le commerce équitable est
synonyme de qualité de la vie
Il y a douze ans, les grandes œuvres d’entraide suisses créaient la fondation Max Havelaar pour faire avancer la cause du commerce
Thème du mois
équitable dans notre pays. Cet ambitieux projet a été soutenu par le seco qui lui a accordé
un financement de démarrage. Aujourd’hui,
non seulement Max Havelaar est financièrement autonome, mais il a réussi à trouver un
créneau pour les produits du commerce équitable tels que le café, le thé, le cacao et les
bananes auprès des grands distributeurs. Le
succès est particulièrement manifeste pour les
bananes puisqu’un grand distributeur suisse
n’offre plus actuellement que celles qui proviennent du commerce équitable. La fondation Max Havelaar voudrait maintenant aborder le secteur non alimentaire. Elle compte
lancer un label textile en 2005. Ce projet
pourra être mis en œuvre sans financement
extérieur d’aucune sorte.
L’économie mondiale, ou plutôt, le marché
mondial n’est pas ressenti comme équitable
par tous. Aussi efficace soit-il économiquement, il connaîtra toujours des gagnants et des
perdants; il y aura toujours des acteurs mieux
informés qui pourront tirer avantage de la situation. Le commerce équitable est une réponse à ces déséquilibres; il donne leur chance
aux petits. Grâce aux seuls produits certifiés
Max Havelaar en Suisse, plus de 800 000 familles profitent de meilleures conditions-cadres
et réalisent des projets pour améliorer leurs vie
et leur travail.
Outre Max Havelaar, le seco a aussi soutenu
le label Step pour le commerce équitable des
tapis, en lui accordant un financement de démarrage. Les entreprises associées donnent la
liste de leurs fournisseurs dans les pays de production afin que les représentants Step sur
place puissent vérifier que les normes fondamentales du travail de l’OIT sont respectées.
Ces mesures s’accompagnent de projets sociaux qui, comme les contrôles, sont financés
en grande partie par les entreprises associées
au travers des droits de licence.
Le village de Sonebarsa, dans la région de
production des tapis en Inde, est un exemple
de coopération entre les fabricants de tapis et
la fondation Step. Grâce à l’engagement des
premiers, une école primaire a été construite,
permettant de dispenser un enseignement
élémentaire à des centaines d’enfants. Les
bâtiments scolaires ont été construits exclusivement par des artisans locaux, lesquels ont
été les premiers bénéficiaires des travaux
puisqu’ils leur ont procuré un revenu. Cinq
enseignants, rémunérés par le projet Step,
dispensent les cours à cinq classes. Il est à noter que le service des eaux de l’État a également apporté sa participation en construisant une fontaine près de l’école. C’est ainsi
que la petite Reka, âgée de neuf ans, peut
maintenant aller en classe. L’année dernière,
elle devait encore garder le bétail dans les
champs.
25 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Dans la seule région de production des
tapis en Inde, 4000 à 5000 familles, selon une
estimation minimale, profitent de meilleures
conditions de travail dans les ateliers et les
domaines annexes couverts par les projets sociaux du Step. Elles sont sans doute aussi nombreuses dans les autres pays et régions où le
Step déploie ses activités (Népal, Pakistan,
Iran, Maroc, etc.).
La réduction de la pauvreté
se constate au quotidien
Il est difficile de prouver, statistiques à l’appui, que la promotion du commerce a obtenu
des succès et que la pauvreté a diminué dans les
pays de concentration. Sur place, toutefois,
l’efficacité de la lutte contre la pauvreté apparaît clairement,comme le montre l’exemple de
projet en Inde évoqué ci-dessus.
Le Mozambique est un autre exemple
puisqu’avec le soutien du seco, ce pays peut
mettre sur le marché davantage de noix de
cajou. Une formation sur les exigences de
qualité et les prescriptions relatives aux produits alimentaires en vigueur sur les marchés
d’exportation est en effet offerte aux dirigeants des entreprises qui traitent les noix de
cajou et font montre d’initiative. Dans les
régions pauvres du nord du pays, où l’on répertoriait seulement 200 emplois officiels
pour 400 000 habitants environ, une nouvelle entreprise de mise en valeur des noix
de cajou offre aujourd’hui 300 emplois. 4000
familles peuvent vendre leur récolte. L’entreprise dispense aux paysans une formation
sur les soins à apporter aux arbres afin d’obtenir la qualité désirée. On analyse actuellement comment diversifier les ressources de
ces agriculteurs en encourageant la culture
de mangues, afin de minimaliser les risques.
Les noix de cajou, en diversifiant la production mozambicaine, permettent à ce pays de
moins dépendre du sucre de canne, qui peine
à se vendre sur le marché mondial et dont le
prix ne couvre pas même les coûts de production, en raison de la concurrence du sucre
fortement subventionné de certains pays industrialisés. Elles créent, en outre, davantage
de valeur ajoutée, leur transformation étant
plus élaborée, et assurent donc des emplois à
long terme.
Une concentration des efforts
On comprend aisément que ces projets du
seco, qui combinent promotion du commerce
au sens large et formation de chaînes de valeurs ajoutées durables, peuvent déclencher
des dynamiques plus vastes dont l’impact sur
la pauvreté est manifeste. Ils reposent sur une
stratégie à trois volets:
Thème du mois
L’agriculture biologique et les normes sociales
ne donnent pas seulement aux pays en développement un meilleur accès aux marchés
des pays industrialisés. Une production plus
respectueuse de l’environnement et des exigences sociales a aussi des avantages économiques. En illustration: inspection biologique
en Inde.
Photo: seco
– premièrement, les fonds de développement
investis par l’État dans la lutte contre la
pauvreté ont un effet multiplicateur, du fait
du partenariat mixte public-privé et de
l’effet de levier;
– deuxièmement, l’aide est fournie sous forme
de programmes de renforcement des institutions et de transfert de savoir-faire, si
bien que les États se trouvent en mesure de
développer leur propre dynamique, voire
dans l’obligation de le faire. L’aide accordée
à des institutions ciblées oeuvrant en faveur
des PME industrielles et agricoles a donné
des résultats particulièrement satisfaisants.
Renforcer ces dernières est, d’après l’expérience, le meilleur moyen de favoriser une
croissance efficace et durable dans de nombreux secteurs et de permettre à plus de
gens d’accéder à la classe moyenne;
– troisièmement, en se donnant pour mot
d’ordre «peu mais bien», le seco concentre
ses efforts sur un petit nombre de pays.
Le seco travaille en fonction d’objectifs et
mesure les projets à leur impact effectif sur le
développement durable et la lutte contre la
pauvreté. Il s’investit donc dans des pays en
développement ou en transition possédant
des caractéristiques précises: d’une part, un
cadre institutionnel favorable au secteur privé
et un gouvernement capable, qui permettent
une coopération au développement économique efficace; d’autre part, le potentiel né-
26 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
cessaire pour reprendre à leur compte, à brève
échéance, le processus de développement et
le poursuivre à long terme. Le seco intervient
là où le fonctionnement du système des échanges mondiaux laisse à désirer et peut être optimisé de manière efficiente par des mesures
d’accompagnement.
Malgré l’échec de la 5e conférence des
ministres de l’OMC à Cancùn au Mexique, le
commerce mondial est appelé à prendre de
l’importance dans le domaine de la politique
du développement. C’est pourquoi le directeur général de l’OMC a insisté, à l’occasion de
la 9 e session de la Cnuced à Sao Paulo, sur la
nécessité de mener à bien les travaux engagés à
Doha si l’on veut faire des échanges commerciaux un moteur de croissance et de développement. Il a souligné que nous nous trouvons
à la croisée des chemins, et qu’il importait de
trouver au plus vite un dénominateur com
mun.
Points de vue politico-économiques
Les entreprises contribuent à lutter contre la pauvreté en usant
de pratiques responsables
Lorsqu’on demande au public des
pays industrialisés de citer les
institutions qui lui paraissent
travailler dans le meilleur intérêt
de la société, les entreprises multinationales sont très mal positionnées. Or, une perception aussi défavorable peut avoir des
conséquences extrêmement négatives pour les entreprises.
Celles-ci seraient donc bien avisées de se montrer sensibles aux
intérêts des diverses entités du
corps social. Les carences constatées dans les législations de certains pays en développement et
les lacunes dont ceux-ci font
preuve dans les domaines sociaux
ou environnementaux confèrent
encore plus d’importance à la
responsabilité sociale des entreprises («corporate social responsability») qui y travaillent que
dans les États industrialisés. Les
entreprises qui prennent leurs
responsabilités au sérieux fournissent par là même une contribution essentielle à la lutte
contre la pauvreté.
Pr Klaus M. Leisinger
Président et directeur
exécutif de la Fondation
Novartis pour le développement durable,
professeur de sociologie
du développement
à l’université de Bâle
Le scepticisme de la société à l’égard
des entreprises
De quoi les entreprises sont-elles
responsables à l’égard de la société?
Quelles sont les institutions ou organisations qui travaillent dans le meilleur intérêt de
la société? Dans une enquête de 2002 menée
dans 20 pays industriels et émergents, les réponses à cette question placent les entreprises
multinationales au 7e rang (le dernier), derrière les syndicats et les médias.À l’opposé,les organisations non gouvernementales (ONG)
occupent le sommet de cette échelle de
confiance. Dans la catégorie «entreprises
transnationales», certaines branches sont encore plus mal notées, par exemple l’industrie
pétrolière, celle du tabac ou des produits pharmaceutiques.
Étant donné que même dans les économies de marché, les entreprises sont soumises
à des réglementations officielles (autrement
dit de nature politique), les appréciations
défavorables des sondages peuvent avoir
pour elles des résultats très négatifs. Cet échec
en termes d’image de marque ne peut, en
effet, que les conduire tôt ou tard à subir des
difficultés sur les marchés, que ce soit sous
forme d’interventions de l’État ou de boycottage de leurs produits par les consommateurs.
Parmi les nombreuses exigences parfois
virulentes que les divers groupes d’intérêts
sociaux adressent aux entreprises, il n’en est
aucune qui leur demande de justifier leur
existence.Il est,par exemple,certain que le fait
de revendiquer un accès facilité aux médicaments ou aux services de santé ou de formation se justifie uniquement dans la perspective d’un développement à dimension humaine. Bien plus litigieuse, en revanche, est la
question de savoir à qui ces revendications
doivent être adressées. On constate, en fin de
compte, que dans la perspective d’une juste
répartition sociale des tâches, c’est la responsabilité de différents acteurs qui est engagée.
Aucun d’entre eux ne porte la responsabilité
de tous les problèmes; personne n’a tous les
droits, pas plus que tous les devoirs. Chaque
composante de la société (économie, État,
science, famille, religion, justice, culture) a
des devoirs et des intérêts clairement séparés
de ceux des autres. La société a besoin de la
collaboration constructive de tous ses éléments.
L’économie et les organismes (entreprises)
et individus dont elle se compose constituent
un sous-système relativement indépendant,
bien qu’intégré à l’ensemble de la société. Sa
tâche consiste à subvenir aux besoins matériels de chacun (le plus efficacement possible
en termes de coûts). Cela exige un ensemble
coordonné d’actions rationnelles, dont s’acquittent les acteurs économiques: individus et
entreprises. Il en découle des principes et des
modes de comportement qui se distinguent
fondamentalement de ceux d’autres sous-systèmes de la société.
Dans nos sociétés modernes, la controverse
porte sur trois questions: qu’est-ce qu’une entreprise doit concrètement considérer comme
une obligation allant de soi et non négociable?
Quelles sont les exigences excessives contre laquelle l’économie doit se défendre? Qu’est ce
qui, indépendamment de l’aspect éthique, peut
être au moins considéré comme un investissement social dans l’intérêt bien compris de l’économie? Toute entreprise serait bien inspirée de
s’intéresser aux problèmes des divers groupes
sociaux et, après examen des aspects internes et
externes de la question, de montrer clairement
à quels niveaux se situent leurs devoirs.
Ce processus n’est pas aisé, car des groupes
sociaux différents, aux intérêts divergents,
n’ont pas la même conception de ce que doivent être les responsabilités de l’entreprise. Les
collaborateurs, clients, fournisseurs, actionnaires, médias ou personnes engagées en faveur du tiers-monde ont habituellement des
intérêts différents, ce qui est d’ailleurs parfaitement légitime dans les sociétés pluralistes.
Chaque groupe d’intérêts dialoguant avec
l’entreprise et son management souhaiterait
modifier le statu quo à son avantage, conformément à ses vues. Toutes les demandes des
groupes sociaux ne correspondent pas forcément à un devoir moral pour l’entreprise.
28 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
La responsabilité générale des
entreprises recouvre des dimensions
très diverses
La responsabilité sociale des entreprise englobe plusieurs dimensions et va bien au-delà
des responsabilités commerciales au sens
Points de vue politico-économiques
Graphique 1
une grande variété d’avis au plan international. Ce qu’une majorité de l’opinion juge aujourd’hui comme de la responsabilité sociale
des entreprises par excellence dans un pays déterminé n’est donc pas gravé dans la pierre
pour l’éternité, mais reflète le processus politique du moment, ajusté à des conditions sociales toujours changeantes.
Dimensions de la responsabilité sociale des entreprises
Attitude souhaitée
Attitude escomptée
Attitude exigée
Prestations
particulières
(selon les branches)
Par exemple:
refus des pratiques discutables
rôle de pointe sur le plan éthique
La responsabilité sociale des entreprises, une philosophie de gestion
Par exemple:
respect des lois ainsi que des normes internationales largement
reconnuees, sensibilité à certaines obligations et situations
Source: Leisinger/La Vie économique
étroit. La définir revient à distinguer trois niveaux de responsabilité aux degrés d’intensité
décroissants (voir graphique 1):
– les règles impératives («attitude exigée») relèvent du sens de la responsabilité qu’on est
en droit d’attendre d’une entreprise
comme allant de soi selon le consensus social général,comme,par exemple,le respect
de toutes les lois, une activité économique
profitable et la création d’emplois;
– les règles recommandées («attitude escomptée») relèvent d’un niveau de responsabilité moins contraignant que dans le cas précédent. Elles sont aussi considérées comme
allant largement de soi par la majorité des
populations de nos sociétés modernes. Des
réglementations de travail claires au service
de pratiques d’entreprises citoyennes
(«good corporate citizenship») ou une politique moderne de protection de l’environnement en sont de bons exemples; en
d’autres termes, l’application par l’entreprise d’un code de comportement interne
même là où la loi ne l’exige pas (p. ex. dans
un pays en développement en l’absence de
toute législation afférente);
– les règles potestatives («attitude souhaitée»)
correspondent aux responsabilités supplémentaires que l’entreprise assume et qui,
certes, sont également souhaitables et appréciées d’un point de vue social, mais ne
correspondent généralement pas à une
exigence du public. Citons ici, à titre
d’exemple, la «philanthropie de l’entreprise», ou les efforts de formation qu’elle
fournit au-delà de ses besoins propres.
Dans les sociétés modernes, les définitions
des responsabilités sociales de l’entreprise
considérées comme légitimes augmentent
avec le niveau général de prospérité économique, sans compter qu’elles suscitent aussi
29 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
La responsabilité sociale des entreprises
n’est pas seulement un «wagon de luxe» que
l’on ajoute au «train de l’entreprise» lorsque
les circonstances le permettent. C’est bien davantage une philosophie de gestion qui prend
en compte les intérêts à long terme de l’entreprise en intégrant dans son approche les exigences économiques, sociales, écologiques et
politiques d’une société. Elle fait partie de la
culture d’entreprise dans toutes ses activités.
Je suis convaincu que les carences que l’on
constate parfois dans les législations de certains pays en développement et les lacunes
dont ceux-ci font preuve dans les domaines
sociaux ou environnementaux confèrent encore plus d’importance à la responsabilité sociale des entreprises qui y travaillent que dans
les États industrialisés.
Les entreprises qui exercent leurs responsabilités sociales dans les trois dimensions évoquées ci-dessus se soumettent à un processus
d’apprentissage social qui les amène à affronter des problèmes et des réalités tout à fait différents, structurellement parlant, de ceux qui
constituent ordinairement leur univers. Elles
développent ainsi une meilleure compréhension pour les autres points de vue et y gagnent
en compétence sociale. Celle-ci rend une entreprise plus sensible à son environnement social, et donc plus sympathique.
Puisqu’en définitive, tous les acteurs civils
partagent la responsabilité de l’évolution de la
société, leur collaboration, si elle est constructive et durable, est l’un des plus sûrs garants de
la prospérité générale.
Points de vue politico-économiques
Logique économique et solidarité de la politique
de développement
Ces derniers temps, la politique
menée en matière de coopération
au développement est régulièrement remise en question, non
seulement du fait de la mondialisation, mais aussi de l’européanisation des marchés. Faut-il y
voir l’émergence d’un conflit
entre deux logiques d’action
différentes: la logique économique – celle des intérêts propres
et du marché – s’oppose-t-elle
à celle de la solidarité? Si les
objectifs qu'elles poursuivent
sont différents, ils ne sont pas
toujours nécessairement contradictoires. Toutefois, si l’on veut
parler sérieusement de solidarité
L’objectif de la coopération au développement est d’améliorer les conditions d’existence des populations et des pays
les plus pauvres de la planète. C’est une réponse à la logique de la solidarité qui veut qu’on se mette à la place des
Photo: Keystone
autres et qu’on place leurs intérêts au premier plan de ses préoccupations.
en matière de politique de développement, on ne peut accorder
la primauté à ses intérêts
propres.
Les critiques adressées à la façon dont est organisée la coopération au développement ne
découle pas de son ampleur ou de sa qualité.
L’orientation interne, l'efficacité et la durabilité de la politique suisse de développement sont
largement reconnues. Sur le plan théorique
tout au moins, le monde politique et l’opinion
publique approuvent sans réserve la lutte contre la pauvreté en général et l’amélioration des
conditions de vie individuelles et collectives
dans les parties les plus pauvres du monde.
Une coopération au développement
au service des intérêts économiques?
Dans un contexte de concurrence économique renforcée au plan européen et mondial,
P r Hans-Balz Peter
Professeur d’éthique
sociale, université de
Berne, PEWI Praktische
Ethik – Forschung und
Beratung, Hinterkappelen/Bern
30 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
de plus en plus de voix demandent une réorientation des ressources mises à disposition
de la politique étrangère. L’idée revient régulièrement de placer la coopération au développement au service d’intérêts économiques à
court terme, dans le but d’améliorer la position de la Suisse en matière de concurrence.
On demande que les ressources fassent désormais l’objet d’un engagement ciblé et ramènent des commandes aux entreprises suisses.
Les contributions à la cohésion
européenne: une compensation
au détriment des pays de l’Est
Au Parlement, on envisage déjà d’utiliser
les fonds de l’aide au développement pour
compenser financièrement les engagements
pris par la Suisse dans le cadre des négociations sur les accords bilatéraux II.À l’instar des
pays les plus prospères de l’UE, la Suisse est tenue de verser une contribution à la cohésion
européenne afin de favoriser l’équilibre structurel et la cohésion sociale entre – pour simplifier – ses «anciens membres riches» et ses
«nouveaux membres pauvres». Ces engagements constituent le tribut économique des
avantages que retire la Suisse des accords bilatéraux II et de l’élargissement de l’UE (parmi
Points de vue politico-économiques
lesquels le fait que son secret bancaire soit préservé, y compris en matière de fraude fiscale).
Si on se place du point de vue économique et
financier, quoi de plus évident que de «compenser» partiellement les milliards versés à la
cohésion européenne en pratiquant des
coupes dans la coopération au développement
avec les pays les plus pauvres à l’est de l’UE? Or,
même en adoptant cette logique, cela signifierait que le prix des avantages «ex contractu»
obtenus par la Suisse devrait être payé,non par
la Suisse elle-même, mais par les habitants des
pays de l’Est.
Une logique économique limitée
La logique économique qui se focalise sur
les intérêts propres et répond, au plan moral,
au précepte du «do ut des» – donne autant que
tu reçois – procède d’un cheminement logique
très limité. S’il est normal qu’elle domine le
mode de pensée en termes purement économiques, il n’est pas bon qu’elle serve de principe directeur dans tous les domaines de l’existence. Car l’essentiel de notre existence va bien
au-delà de l’offre et de la demande.
Dans ce sens, politique étrangère, politique
de développement et politique de solidarité se
différencient des relations économiques extérieures, de la politique des finances et de la politique économique dans leur logique interne.
L’efficacité et l’opportunité de ces deux dernières se mesurent à l’aune des services
qu’elles rendent à nos intérêts économiques
nationaux. Ce sont eux qui déterminent les
objectifs de ces politiques.
La solidarité, c’est la sauvegarde
des intérêts des autres
L’objectif de la coopération au développement, par contre, repose sur une base fondamentalement différente, à savoir l’intérêt des
autres. Son but est d’améliorer les conditions
d’existence des populations et des pays les plus
pauvres de la planète ou, tout au moins, de
soutenir les efforts que ceux-ci entreprennent
en ce sens: c’est une réponse à la logique de la
solidarité et à la règle d’or qui veut qu’on se
mette à la place des autres et qu’on place leurs
intérêts au premier plan de ses préoccupations. La solidarité ne se résume pas à de l’argent jeté à fonds perdus et à des dons faits sans
arrière-pensée; elle vise à la coopération. Partant de cette logique, les objectifs et les stratégies de la politique de développement sont définis sur la base des besoins bien compris des
groupes-cibles et non des intérêts économiques de la Suisse.
S’y ajoute le fait que la logique de solidarité
englobe pour ainsi dire une autre dimension
que la logique économique; pour être diffé-
31 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
rentes, elles ne sont pas pour autant systématiquement contradictoires. En matière de solidarité, c’est l’autre qui a la priorité; en matière
économique, c’est l’intérêt propre. Mais, en
l’occurrence,il y a indubitablement des convergences: dans certaines circonstances,les objectifs de la politique de développement peuvent
s’accommoder d’intérêts propres bien compris. Ceux-ci ne peuvent, toutefois, constituer
l’objectif premier et la logique du sens de la
solidarité commande de les placer en deuxième priorité seulement. Cette priorité prive
de toute légitimité le souhait d’une compensation financière immédiate ou le projet de
financer les contributions à la cohésion européenne par les fonds de l’aide au développement.
Un ordre qui protège les faibles
La logique économique à court terme doit
aussi apprendre que la Suisse ne peut, à moyen
et à long terme, survivre et prospérer sans
heurts, telle une île au milieu d’un océan de
pauvreté et d’injustice. Les grains pourraient
être trop forts et les flots trop furieux si la
Suisse n’apprend pas à coexister dans une paix
emprunte d’ordre et de justice avec le reste du
monde, ce qui exige aussi un ordre politique et
économique qui peut être implicite ou explicite et qui protège les faibles et les pauvres. Instaurer un ordre implicite est plus exigeant, car
cela repose sur la responsabilité individuelle:
aucune instance n’est directement chargée de
le faire respecter. La politique de développement menée par la Suisse contribue à un ordre
implicite; les contributions destinées à la cohésion européenne répondent, par contre, à
un ordre explicite mis en place par l’UE. Tout
comme le petit État qu’est la Suisse dépend, au
plan mondial, d’une bonne organisation dans
le domaine économique et financier, les nations défavorisées et, en particulier, les populations pauvres qui y vivent dépendent d’une
solidarité internationale bien organisée. À
cet égard, les deux logiques sont interdépendantes.
Au niveau de la solidarité pure, il convient
de respecter et de promouvoir l’organisation
nationale, européenne et mondiale de la solidarité; elle ne permet pas de succomber à la
tentation de subordonner l’organisation solidaire à l’avantage à court terme et à une prétendue sagesse au nom de la logique écono
mique.
Points de vue politico-économiques
Le commerce équitable contribue au développement
L’ouverture des marchés ne garantit pas à elle seule le développement durable. Il faut plutôt
aller sur place pour y prodiguer
appuis et conseils, de même que
pour y développer et mettre en
œuvre des normes sociales et
écologiques à grande échelle.
Dans ce domaine, la collaboration
entre État et économie représente
un succès et sera encore étendue.
Les normes de production internationales comme celles certifiées par le label du Forest Stewardship Council sont une
façon efficace de faire triompher les exigences minimales en matière d’écologie et de social. En illustration: exploitaPhoto: seco
tion durable de la forêt tropicale au Vietnam.
Les théories et modèles économiques montrent clairement que l’élimination des entraves au commerce et l’ouverture des marchés
aboutissent en principe à davantage de prospérité et marquent positivement l’économie.
On néglige, toutefois, trois éléments importants:
– la question du partage équitable des gains
de prospérité;
– l’insuffisance de l’internalisation des coûts
externes;
– l’hétérogénéité croissante des biens.
Ces questions sont à peine abordées dans
les négociations actuellement en cours à
l’OMC dans le cadre du cycle de Doha,ou alors
les pays en développement les ressentent comme du protectionnisme dissimulé. Si elles sont
exclues de la politique commerciale au niveau
international, quelle responsabilité l’économie assume-t-elle alors? Quelle peut être la
contribution d'un détailliste comme Coop,
seul ou en collaboration avec d’autres acteurs
économiques?
Sibyl Anwander
Phan-huy
Cheffe de la politique
économique et de la
durabilité chez Coop,
Bâle
De plus en plus de pays sont exclus
du marché
Alors que la théorie économique postule en
général des biens homogènes, il s’avère de plus
en plus, en réalité, que les transactions portent
32 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
non pas sur des biens, mais sur des ensembles
de prestations. Les exigences croissantes du
commerce, mais aussi du législateur, en matière de traçabilité, de garantie de la qualité, de
rapidité de livraison et de souplesse aboutissent à ce que le prix ne soit plus le seul critère
décisif pour le succès sur le marché. Ces exigences aboutissent à ce que les pays qui ne disposent pas des infrastructures correspondantes et d’une administration compétente sont
de plus en plus exclus du marché ou réduits au
rôle de fournisseurs (échangeables) de matières premières. Il faut se féliciter de l’action de
la coopération suisse au développement qui,
en déployant les capacités nécessaires pour y
remédier, va dans le sens d’un commerce
mondial vraiment libre.
La fonction de commerce
L'internalisation incomplète des coûts
externes aboutit en général à un gaspillage des
ressources naturelles lors de la production,
à une surcharge de l’environnement et à des
atteintes à la dignité de l’homme et des animaux. Le commerce peut jouer ici le rôle de
garde-fou: en fixant des exigences précises en
matière de production, les produits particulièrement nuisibles pour l’environnement
peuvent être retirés de l’offre; les sociétés qui
contreviennent de façon choquante aux con-
Points de vue politico-économiques
ventions sur le travail de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) peuvent être exclues
comme fournisseurs. C’est en ce sens que
Coop a édicté depuis 2002 une directive d’achat
contraignante pour tous ses fournisseurs et
acheteurs, et en fait vérifier la mise en œuvre,
sur la base d’une analyse des risques, par une
organisation de contrôle indépendante et
accréditée.
Des normes de production efficaces
À part nos efforts particuliers, nous estimons aussi que les normes de production
internationales de droit privé sont une façon
très efficace de faire triompher un peu partout
les exigences minimales en matière d’écologie
et de social. Coop en encourage le respect dans
son propre assortiment et collabore activement à leur élaboration. Les labels du Forest
Stewardship Council (FSC) pour l’exploitation durable des forêts ou du Marine Stewardship Council (MSC) pour la pêche durable des poissons et des fruits de mer, ou encore
la norme EurepGap pour les produits agricoles en sont de bons exemples.
Leader dans le commerce équitable
Nous redoublons d’efforts dans le domaine
des produits certifiés Fairtrade qui s'attaquent
ouvertement au problème de l’équité dans la
distribution. En payant des prix plus élevés et
en offrant des garanties d’achat,Fairtrade s’assure que le commerce avec les pays en développement contribue effectivement à ce que
production et transformation soient synonymes de valeur ajoutée. Coop est le plus grand
distributeur au monde de produits certifiés
Fairtrade, sous le label Max Havelaar, et son
engagement est une des raisons pour lesquelles la Suisse est le pays où l’on vend le plus de
produits équitables. En ne vendant plus que
des roses moussues Max Havelaar – et des
bananes depuis 2004 – Coop a pris des initiatives courageuses, qui ont eu un grand écho
international.
Il semble que le commerce équitable demandera au niveau mondial encore davantage
d'écologie au stade de la production. Coop se
félicite de ce progrès et le soutient, parce qu’il
accroît encore la crédibilité et l’attrait des produits Fairtrade aux yeux de la clientèle. La collaboration entre le Secrétariat d’État à l’économie (seco), les groupes de producteurs
locaux, Max Havelaar et le commerce suisse de
détail permet au commerce durable avec les
pays en développement de se développer constamment. Un exemple réussi en ce domaine
concerne le développement commun de crevettes d’élevage biologique au Vietnam, au
Pérou et en Équateur, en vente chez Coop de-
33 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
puis le mois de mai 2004. L’important, dans de
tels projets novateurs,est que les organisations
de producteurs soutenues puissent atteindre
un niveau élevé de qualité et de productivité
pour améliorer durablement leur compétitivité.
Il serait souhaitable d'étendre les
centres de production propre
Appliquer dans le domaine «non-food» les
exigences sociales des conventions de l’OIT
représente un défi particulier pour le commerce de détail suisse. Étant donné les petits
volumes que celui-ci achète sur le marché
mondial, la collaboration internationale s’impose dans la pratique.Sur ce point,un suivi des
fournisseurs par le seco serait des plus souhaitables. L’activité des centres de production
propre («Cleaner Production Centers»), que
le seco entretient dans divers pays producteurs
importants, pourrait être élargie jusqu’à comprendre la formation et le suivi, pour les entreprises intéressées, dans des domaines tels
que la sécurité au travail, la représentation des
travailleurs, la non-discrimination, l’interdiction du travail des enfants et des travaux forcés, ainsi que la garantie de salaires suffisants.
L’objectif devrait être de soutenir et de
conseiller les entreprises des pays en développement qui mettent en œuvre ces exigences
sociales. Là aussi, il convient de s’assurer que
tous les signaux soient alignés: il faut vraiment
que celui qui s’efforce de respecter les normes
internationales du travail soit assuré d’améliorer sa position sur le marché. Coop observe
avec beaucoup d’intérêt les projets de ce type
dans d'autres pays. De plus – et surtout dans
son programme Naturaline – Coop parraine
avec succès ceux de ses fournisseurs qui s'efforcent d’obtenir leur homologation selon la
norme exigeante SA 8000.
Points de vue politico-économiques
Promouvoir durablement le secteur privé
Swisscontact, la Fondation suisse
de coopération au développement technique, contribue à la
réduction de la pauvreté en promouvant le développement économique durable dans un groupe
déterminé de pays du Sud et de
l’Est. La politique de Swisscontact se base sur la conviction que
la croissance économique est au
centre de la lutte contre la pauvreté. Ce faisant, la fondation
partage les principes du Secrétariat d’État à l’économie (seco),
qui s’inspirent de l’économie de
marché et de l’initiative privée.
Ces quarante dernières années, la coopération internationale au développement a subi
un changement de paradigme: de manière générale, les partenaires étatiques suscitent aujourd’hui davantage de réserve, tandis que
l’initiative privée représente une garantie importante du succès des programmes de développement. Alors même qu’une organisation
tournée vers l’économie de marché, comme
Swisscontact, éveillait encore beaucoup de
scepticisme au début des années quatre-vingt,
les approches de ce type sont à présent devenues communes à la coopération au développement et répondent aux préceptes suivants:
– subsidiarité: ne soutenir que les domaines
où l’État et le secteur privé n’agiront de
toute façon pas;
– appuyer le dialogue politique en matière
de politique d’industrialisation (macroniveau) et les activités au niveau des institutions (mésoniveau);
– se concentrer sur les petites et moyennes
entreprises (PME), lesquelles sont les plus
flexibles et les plus efficaces pour amortir
les fluctuations du marché de l’emploi;
– la coopération avec le secteur privé en
Suisse et dans les pays partenaires est non
seulement tolérée, mais aussi et surtout
souhaitée (partenariat public-privé).
La complémentarité de l’État
et du secteur privé
Urs Egger
Directeur de Swisscontact, Suisse, Fondation
suisse de coopération
au développement
technique, Zurich
De nos jours, l’État doit avant tout devenir
complémentaire du secteur privé: alors que ce
dernier met à disposition savoir professionnel
et capital, le premier définit le cadre légal. Le
seco suit ce principe de complémentarité et en
tire des conclusions conformes à la politique
prônée par Swisscontact, qui met au premier
plan la promotion du secteur privé, principale
garante du développement économique.
Si la croissance économique est nécessaire,
en raison de son potentiel de création d’emplois et de revenus, elle ne suffit pas à juguler la
misère. Il faut encore que les pauvres puissent
y participer directement. C’est pourquoi
Swisscontact cherche à la rendre possible, en
s’engageant dans la promotion des PME, des
services financiers et de la formation professionnelle, tout en veillant à ce que les instruments utilisés aient le moins d’effets possibles
en termes de distorsion de la concurrence.
34 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Swisscontact entend aussi influencer dans
le bon sens les conditions-cadres dans lesquelles évolue le développement économique
des plus pauvres. À cet égard, le dialogue politique constitue un instrument important
pour réduire l’ingérence de l’État dans les libertés individuelles et faire bénéficier le développement économique d’une réglementation qui lui soit favorable.
Les instruments de promotion du secteur
privé n’atteignent, toutefois, leur pleine efficacité que si l’action de tous ceux qui participent
à la lutte contre la pauvreté est coordonnée et
que les projets menés par Swisscontact avec les
organisations gouvernementales, les ONG et
les donateurs sont liés entre eux. Des premiers
efforts en ce sens se manifestent par exemple
via le mode de coordination que les donateurs
ont adopté pour déterminer les objectifs à atteindre.
Inciter à économiser davantage
sur les coûts
La bonne exécution des projets de développement revêt, de surcroît, une importance
cruciale. Maintes organisations d’assistance
demeurent fortement marquées par les procédures administratives, ce qui découle en partie
du fait que leurs budgets se constituent pour
une bonne part de mandats ou de contributions en provenance de l’État fédéral. Cela
n’engage nullement à réduire les coûts. Or, il
ne fait aucun doute que les programmes recèlent encore un grand potentiel de croissance
sur le plan de l’efficacité lors de leur mise en
œuvre. On ne peut exiger des seuls partenaires
du Sud qu’ils adoptent une optique tournée
vers la clientèle en rationalisant les structures
et veillant au déroulement efficace des programmes: cela nous concernent aussi. La voie
empruntée par le seco, qui entend procéder à
l’adjudication des programmes de développement, va dans la bonne direction.
Un développement économique durable
des pays pauvres n’est possible qu’en procédant aux améliorations évoquées. Fondé sur
l’initiative privée, il est la seule voie possible
pour réduire réellement et efficacement le
nombre considérable de pauvres et, ainsi,
atteindre cet objectif déclaré qu’est la coopération au développement nationale et interna
tionale.
Points de vue politico-économiques
Lutte contre la pauvreté: la question essentielle est occultée
Les efforts consentis à l’échelle
internationale pour endiguer
la pauvreté reposent sur deux
piliers: d’une part, les Objectifs
de développement pour le Millénaire et d’autre part, les stratégies de lutte contre la pauvreté.
Le Sommet du millénaire de
l’ONU a défini en septembre 2000
toute une série d’objectifs quantifiés pour le développement,
à réaliser d’ici 2015. Rien n’a
toutefois été précisé quant à leur
mise en œuvre. Les États donateurs et les institutions de Bretton-Woods pensent pouvoir les
atteindre grâce aux stratégies de
lutte contre la pauvreté. Depuis
1999, les pays pauvres qui veulent bénéficier d’un allègement
de leur dette ou de nouveaux crédits doivent, à la demande de la
Banque Mondiale, du FMI et des
pays donateurs, élaborer de telles
stratégies.
Peter Niggli
Directeur de la Communauté de travail en
matière de politique de
développement Swissaid,
Action de Carême, Pain
pour le prochain, Helvetas, Caritas et EPER,
Berne
Les mouvements sociaux au Sud et les organisations de développement au Nord soutiennent les Objectifs de développement pour le
Millénaire. Ils voient d’un bon œil le fait que
leurs gouvernements s’engagent sur des objectifs mesurables et puissent être appelés à en rendre compte. En ce qui concerne les stratégies de
réduction contre la pauvreté, ils se réjouissent
de voir que les pays donateurs demandent que la
population participe à leur élaboration.Qu’elles
contraignent les gouvernements concernés à
accroître leurs investissements dans les secteurs
sociaux ou dans le domaine des infrastructures,
est également positif en soi.
Il règne, toutefois, un scepticisme considérable. La déclaration du Millénaire ne quantifie
les objectifs que lorsqu’il s’agit des devoirs des
pays en développement (réduction de moitié
de l’indigence, instruction de base pour tous les
enfants des deux sexes, etc.). En revanche, les
obligations des pays industrialisés, auxquelles
fait référence l’objectif 8 («Partenariat mondial»), restent vagues. On y parle notamment
d’«aide publique au développement plus généreuse», sans pour autant en préciser la notion.
Selon la Banque Mondiale, les budgets actuels
devraient être doublés, voire triplés pour atteindre les objectifs visés. Aucun pays industrialisé ne veut pourtant s’y engager. En réalité,
les moyens disponibles pour lutter contre la
pauvreté seraient même en baisse. La puissance
qui mène les pays industrialisés – les États-Unis
– dirige actuellement des guerres qui coûtent
plus du double de la coopération au développement et demande à ses alliés de contribuer
financièrement aux «travaux de déblaiement»
dans les «pays libérés». C’est aujourd’hui chose
faite, au détriment du budget consacré au développement.
Théoriquement, tout le monde – même la
Banque Mondiale et le FMI – s’accorde à dire
qu’endiguer la pauvreté implique la mobilisation des intéressés eux-mêmes.Nul n’a pourtant
eu voix au chapitre sur les objectifs de développement, si ce n’est les gouvernements. Pour les
stratégies de réduction de la pauvreté, c’est déjà
mieux: tous les pays concernés organisent un
processus de consultation. Souvent, c’est la première fois que des couches aussi vastes de la population peuvent s’exprimer sur la planification
politique de leur gouvernement et formuler
leurs propres souhaits. Du moins dans certaines
limites: l’expression utilisée par Warren Nyamu-
35 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
gasira, représentant d’une ONG en Ouganda,
pour caractériser ce processus – «Nous avons été
participés» – en dit long à ce sujet.
Intégration totale des pays en
développement dans le marché mondial
ou stratégie économique propre?
La déclaration du Millénaire ne répond pas
à la question qui domine depuis des années les
débats sur la lutte contre la pauvreté: la doctrine économique préconisée depuis vingt ans
par les institutions de Bretton-Woods et les
pays donateurs et qui consiste à intégrer totalement les pays en développement dans le
marché mondial refoule-t-elle la pauvreté ou
au contraire la favorise-t-elle? La libéralisation
de la circulation des capitaux et les avantages
unilatéraux que les pays industrialisés se sont
accordés dans les traités de l’OMC entraventils la croissance économique des pays en développement, ou la favorisent-ils?
Ces questions ont également été laissées de
côté lors des débats publics concernant les
stratégies nationales de réduction de la pauvreté. La population pourrait certes s’exprimer
sur les dépenses de son gouvernement dans le
secteur social et dans le domaine des infrastructures, mais pas sur les obligations politico-économiques du FMI et de la Banque
Mondiale. Celles-ci ont été placées au-dessus
des débats publics comme des lois naturelles
inébranlables de l’économie. Elles devraient,
cependant, se situer au cœur des discussions
sur la lutte contre la pauvreté.
Les meilleurs résultats en matière de développement, notamment sur le plan de la lutte
contre la pauvreté, ont été réalisés, ces vingt
dernières années, par des pays qui ne devaient
pas se plier au diktat politico-économique des
pays donateurs et ont, au lieu de cela, mis en
place leurs propres stratégies économiques.
C’est de ces expériences que doivent partir les
pays pauvres pour atteindre les Objectifs de
développement pour le Millénaire. Il faut,
enfin, que les pays industrialisés acceptent de
rectifier l’inégalité des traités de l’OMC au
profit des pays en développement et de mettre
un terme à la pression sur la libéralisation des
marchés financiers, telle qu’elle est par exemple exercée sur l’Inde et sur la Chine. Ils contribueraient ainsi considérablement à la réa
lisation des objectifs du Millénaire.
Points de vue politico-économiques
La contribution des banques à la lutte contre la pauvreté
L’esprit d’entreprise est le principal moteur de lutte contre la
pauvreté qui, comme l’ont montré sans équivoque les expériences des dernières années, ne
peut pas être réduite durablement par le seul biais de l’aide
publique au développement. En
effet, celle-ci doit d’abord être
une aide à l’autonomie et c’est
en ce sens que l’apport de l’économie privée peut être essentiel,
puisqu’elle crée des emplois,
assure un revenu et fournit des
services et des produits répondant aux besoins. Sa contribution
à la croissance économique
repose sur l’épargne et les inves-
Pour contribuer à la lutte contre la pauvreté, l’économie privée a besoin de conditionscadres appropriées:
– un contexte macro-économique mondial
stable, qui permet un échange ouvert de
biens, de services, d’informations et
d’idées;
– des conditions macro-économiques prévisibles au niveau national, dans les pays en
développement eux-mêmes, comme, par
exemple, la stabilité politique et l’applicabilité des droits des contrats et de la propriété;
– des infrastructures de base telles que l’approvisionnement en eau, l’électricité, des
routes, des télécommunications, une éducation de base et un système de santé ouvert
à tous.
De son côté, l’économie a le devoir d’accepter les conditions-cadres et de participer à
leur aménagement.
tissements privés. Dans ce
contexte, les banques jouent le
Au-delà des lois et des normes
rôle d’intermédiaire financier.
Pour l’économie, respecter l’ensemble des
lois et des normes en vigueur ne suffit pas. Il
faut aussi souscrire aux accords facultatifs (tels
que le code de conduite édicté pour l’ensemble
du personnel du Credit Suisse Group, la Déclaration du Pnue pour les prestataires de
services financiers ou le Pacte mondial de
l’ONU). De plus, des processus internes doivent être mis en place afin de réduire au minimum les répercussions négatives que pourrait
engendrer l’activité économique; par exemple
en évaluant, lors de l’octroi de crédits, les
risques écologiques ou sociaux, dans le respect
des «principes de l’Équateur» cosignés par le
Credit Suisse Group.
L’accès au capital est décisif
René P. Buholzer
Chef du secteur Public
Affairs du Credit Suisse
Group, Zurich
L’accumulation de capital est une condition nécessaire à la croissance économique. La
productivité des marchés financiers internationaux permet de renforcer l’accès au capital
dans les pays en développement et donc de
réaliser des investissements dépassant les capacités de l’épargne nationale. En tant qu’intermédiaires financiers, les banques fournissent à cet effet l’infrastructure nécessaire au
trafic des paiements et aux opérations boursières, octroient des crédits ou placent des em-
36 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
prunts destinés à financer des investissements.
Les flux financiers, qui vont de l’économie privée vers les pays émergents ou en développement, représentent plusieurs fois l’aide publique au développement. Si les crédits
accordés directement par les banques d’affaires internationales ont sensiblement diminué depuis la crise financière en Asie, les obligations placées par les banques (par exemple
pour des projets d’infrastructure) et, en particulier, les investissements directs jouent un
rôle essentiel. Ces deux flux financiers participent en général d’un engagement à plus long
terme et sont susceptibles de créer des emplois
sur place et de favoriser le développement, en
particulier lorsqu’ils s’accompagnent d’un
transfert de savoir-faire.
La micro-finance fait fonction de relais
Les destinataires des capitaux précités étant
généralement des gouvernements ou des entreprises locales, ce genre d’intermédiation financière ne profite qu’indirectement aux plus
démunis, par exemple sous forme d’emplois
ou d’un meilleur raccordement de la région au
réseau de transport. Le concept de microfinance constitue, par contre, une démarche
novatrice pour mobiliser les ressources locales.
Il consiste à octroyer aux petites et très petites
entreprises, essentielles pour un développement durable et situées dans des pays en développement, des crédits représentant souvent à
peine 50 dollars US.Ceux-ci permettent,néanmoins, aux micro-entrepreneurs d’accroître
sensiblement la rentabilité de leur exploitation
ou de leur activité commerciale. Il s’agit d’un
créneau prometteur car, dans les pays industrialisés, les possibilités d’investissement offrant un rendement non seulement financier,
mais aussi social sont de plus en plus prisées.
En 2003, le Credit Suisse Group a participé,
aux côtés d’autres acteurs de la place financière suisse, à la mise en place d’une plateforme destinée à développer des possibilités
d’investissement dans le domaine de la microfinance. Servant de relais entre le marché financier et la coopération au développement,
la société Responsability AG créée à ces fins
permet aux investisseurs tant privés qu’institutionnels d’effectuer des placements intéressants économiquement et profitable en termes
de développement.
Points de vue politico-économiques
Deux exemples de la participation de Nestlé à la lutte
contre la pauvreté
Près de la moitié des cinq cents
centres de production de Nestlé
se trouvent dans des pays en
développement ou émergents.
En achetant ses matières premières et en les faisant transformer sur place, l’entreprise contribue à stimuler l’économie régionale. Elle procure ainsi à l’agriculture locale des débouchés fiables
et augmente sa valeur ajoutée.
Nestlé fournit, en outre, de l’aide
technique aux paysans pour
qu’ils puissent produire des
matières premières de la qualité
voulue. Les «districts laitiers»
que Nestlé a créés au Pakistan
et en Chine avec le concours
des paysans sont des exemples
concrets de cette stratégie.
En tant qu’entreprise de dimension internationale, dotée d’une politique commerciale
à long terme, et en tant que plus gros acheteur
mondial de lait, café et cacao, Nestlé a un intérêt manifeste à disposer de sources de matières
premières fiables et de haute qualité. Cependant, Nestlé ne possède ni plantations ni
vaches, mais achète toutes les matières premières nécessaires: la plus grande partie du café et du cacao auprès des compagnies internationales spécialisées, les deux tiers du lait, en
revanche, directement auprès des paysans.
C’est en ce sens que Nestlé a commencé, il y a
déjà plus de quarante ans lors d’un projet en
Inde, à organiser des districts laitiers dans les
pays en développement.
Le Pakistan
Le district laitier géré par Nestlé couvre une
superficie de 71000 km2,soit presque le double
de la Suisse. Plus de 130 000 paysans profitent
de la possibilité de vendre leur lait à de bonnes
conditions. L’achat leur en est garanti pour
autant que la qualité requise soit respectée. Les
paiements s’effectuent sur une base hebdomadaire, ce qui assure aux paysans un revenu régulier. Chaque semaine, ce sont ainsi plus d’un
million de dollars US qui vont à l’agriculture
locale. Les conseils que Nestlé procure aux
paysans n’abordent pas seulement des sujets
directement liés à l’élevage, comme la santé et
l’hygiène, la protection de l’environnement,
l’amélioration de la qualité, les fourrages et
l’insémination artificielle, mais aussi les aspects économiques et financiers.
La Chine
Hans Jöhr
Directeur du service
agricole, Nestlé SA,
Vevey
En Chine, Nestlé collabore étroitement
avec les paysans depuis quinze ans. La possibilité d’écouler le lait et d’en tirer des revenus réguliers a aussi provoqué là-bas une forte augmentation de la production laitière.
L’aide technique de Nestlé a également provoqué une baisse des coûts de production, et
donc une augmentation du revenu des paysans. Dans le district laitier de la province de
Heilongjiang, à l’extrême nord du pays, 21000
paysans alimentent 73 centres de collecte, qui
ravitaillent à leur tour notre usine locale. La
plupart des paysans n’ont que cinq vaches, qui
produisent chacune environ 4500 kilos de lait
37 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
par an. Le paysan en retire un revenu mensuel
de 300 dollars US,soit douze fois plus que le revenu moyen fourni par l’agriculture chinoise!
Ces trois dernières années,les ventes de lait par
les paysans ont augmenté de 30%. Sa qualité
s’est constamment améliorée, et comme ce
facteur est déterminant pour le paiement, le
revenu et le niveau de vie des paysans ont
progressé eux aussi.
Dans l’intérêt de tous les participants
Dans les deux cas – Chine et Pakistan –, il
apparaît clairement que pour que l’engagement de Nestlé débouche sur un succès, il doit
être dans l’intérêt de toutes les parties,en commençant par celui des paysans à lui vendre leur
lait. D’un autre côté, les investissements de
l’entreprise doivent être justifiés à long terme.
Enfin, la communauté politique locale doit
également profiter de la dynamisation économique de la région, incarnée par des emplois
et des revenus assurés. C’est par des petits pas
discrets, bien qu’efficaces, tels que ceux-ci que
commence la lutte contre la pauvreté. Les entreprises jouent ici un rôle crucial, car elles
sont en mesure de contribuer largement à la
création de valeur par leurs produits et leurs
prestations de services. L’esprit d’innovation
et la productivité sont d’autres facteurs de succès.Dans le cas de Nestlé,il s’y ajoute encore les
facteurs suivants:
– d’abord le contrôle de la qualité et la traçabilité des matières premières, parce que la
sécurité des denrées alimentaires est une
base non négociable de notre activité;
– ensuite, la disponibilité des matières premières au bon moment et en quantité voulue;
– enfin, les coûts des matières premières, qui
sont une condition primordiale de la compétitivité; mais là aussi, nous ne saurions
faire de concessions sur la qualité.
Grâce à nos conseils, la productivité a pu
augmenter au Pakistan et en Chine, et avec
elle les revenus des paysans.Ce faisant,nous ne
misons pas sur une monoculture,mais sur une
diversification de l’activité agronomique. Économie suisse
Agenda de politique économique
Agenda de politique économique
Agenda de politique économique
État au 13 juillet 2004
Dossiers
Début de la
consultation
Message
1er Conseil
2e Conseil
Commission
Plénum
Commission
Plénum
Commission spéciale CN:
délibération achevée
CN: délibération achevée
(19.06.2003)
Nouvelle Péréquation
financière (RPT)1
14.04.1999
14.11.2001
Commission spéciale CE:
délibération achevée
CE: délibération achevée
(02.10.2002)
Travail au noir 2
30.08.2000
16.01.2002
Sous-commission
du CER-N:
délibération achevée
CN: session d’été
Nouveau régime
financier (NRF)3
21.09.2001
09.12.2002
CER-E:
délibération achevée
CE: délibération achevée
(19.06.2003)
Révision de la loi sur les
télécommunications (LTC)4
05.07.2002
12.11.2003
CTT-N:
Premières délibérations
achevées
Deuxième revue
de détail achevée
CN: entrée en matière décidée
Retour à la CTT-N pour la revue
de détail
(18.03.2004)
CN: session d’automne 2004
(planifié)
Deuxième réforme de
l’imposition des sociétés
05.12.2003
Réforme des chemins de fer 2
19.12.2003
Révision de la loi sur
le marché intérieur (LMI)5
12.03.2004
Assurance-maladie
– 1er train de mesures
(Messages 1A–1D)6
– 2e train de mesures
(Messages (2A–2B)7
Nouvelle politique
régionale 8
CER-N:
délibération achevée
CN: délibération achevée
(11.12.2003)
Réglement des
divergences
Vote final
aux chambres
fédérales
Référendum
Informations
sur Internet
Articles dans
«La Vie économique»
Élimination des
divergences achevée
(CE: 01.10.2003)
03.10.2003
Référendum
obligatoire
www.efd.admin.ch,
Politique budgétaire et économique
www.parlament.ch, Dossiers actualités
LVE 12/01, p. 4ss.
LVE 11/02, p. 10s.
www.seco.admin.ch,
«Travail et emploi»,
«Politique du marché du travail»
LVE 02/02, p. 4ss.
www.efv.admin.ch,
Politique économique et financière
LVE 11/02, p. 20s.
www.bakom.ch, Actualités
LVE 11/02, p. 26s.
LVE 01/03, p. 4ss.
Élimination des
divergences achevée
19.03.2004
Référendum
obligatoire
LVE 12/03, p. 4ss
23.03.2004
12.05.2004
28.04.2004
Protokole additionnel à
30.06.2004
l’accordsur la libre circulation
des personnes conclu avec l’UE 9
(mesures d’accompagnement incl.)10
Accords bilatéraux II
30.06.2004
Source: La Vie économique
Autres sources: www.parlament.ch; www.bk.admin.ch
38 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
39 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
40 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Points de vue politico-économiques
Agenda de politique économique
Agenda de politique économique
Décisions du Conseil fédéral
(du 14 juin au 13 juillet 2004)
21
Les modifications intervenues
dans l’Agenda en bref
• Début de la consultation sur:
– la nouvelle réglementation de l’assurance-soins;
– le protocole additionnel à l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE;
– les mesures d’accompagnement à l’extension de
l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE;
– les accords bilatéraux II.
• Fin des délibérations sur la révision de la loi
sur les télécommunications au CTT-N.
Titres complets des dossiers
1 Message concernant la Réforme de la péréquation financière
et de la répartition des tâches entre la Confédération et les
cantons (RPT)
2 Projet de loi concernant des mesures en matière de lutte
contre le travail au noir
3 Projet de nouveau régime financier (NRF)
4 Projet pour une révision partielle de la loi sur les télécommunications (LTC)
5 Révision de la loi fédérale sur le marché intérieur (LMI)
6 Assurance-maladie. 1er train de mesures
7 Assurance-maladie. 2e train de mesures
8 Nouvelle loi fédérale sur la politique régionale (LNPR)
9 Protocole additionnel à l’accord aur la libre circulation des
personnes conclu avec l’UE. Extension aux nouveaux États
membres de l’UE.
10 Mesures d’accompagnement à l’extension de l’accord
sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE.
Abréviations diverses
CF:
LVE:
CN:
CSSS:
CE:
CER:
CSEC:
CTT:
Conseil Fédéral
La Vie économique
Conseil National
Commission de la Sécurité sociale et de la Santé publique
Conseil des Etats
Commission de l’Économie et des Redevances
Commission de la Science, de l’Éducation et de la Culture
Commission des Transports et Télécommunications
41 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
23.06. Révision de la loi sur l’assurance-maladie. Nouvelle réglementation de l’assurance-soins: le Conseil fédéral a lancé la procédure de consultation.
Son projet, soucieux de relever les défis financiers et sociopolitiques dans le domaine des
soins, fait porter la discussion sur deux modèles.
Ceux-ci se distinguent par la définition des prestations obligatoirement prises en charge par les
caisses. Tandis que dans le premier modèle l’assurance-maladie ne procède à un remboursement
intégral que dans les cas complexes, dans le deuxième elle ne prend en charge la totalité des
coûts que dans les cas «aigus» (jusqu’à 90 jours).
Les deux modèles visent à stabiliser l’assise
financière de l’assurance-maladie tout en élargissant les prestations complémentaires.
30.06. Protocole additionnel à l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE. Extension
aux nouveaux États membres de l’UE: le Conseil
fédéral a lancé la procédure de consultation.
Les négociations que la Suisse a menées avec la
Commission européenne pour obtenir un régime
transitoire en matière d’accès au marché du travail ont commencé en juillet 2003. Il s’agissait
de lui accorder un régime analogue à celui dont
jouissent les anciens États de l’UE. Cet objectif
a été entièrement atteint. Le délai de transition
durera jusqu’en 2011 et permet le maintien des
restrictions relatives au marché du travail (priorité aux travailleurs indigènes, contrôle des
salaires et contingentement). Ensuite, la libre
circulation des personnes sera également applicable aux nouveaux États membres de l’UE.
Cependant, en cas d’immigration massive, la
Suisse aurait la possibilité de réintroduire des
contingents jusqu’en 2014. Le protocole additionnel à l’accord sur la libre circulation des
personnes entrera en vigueur au plus tôt en
2005, autrement dit après sa ratification par
le Parlement et un éventuel référendum.
30.06. Mesures d’accompagnement à l’accord sur la libre
circulation des personnes conclu avec l’UE. Extension aux nouveaux États membres: le Conseil
fédéral a lancé la procédure de consultation. Le
train de mesures prévoit d’améliorer les mécanismes contenus dans l’accord sur la libre circulation des personnes signés avec l’UE en 1999.
Outre quelques modifications destinées à
renforcer l’application et l’exécution de la loi
sur les travailleurs détachés, l’engagement
d’inspecteurs cantonaux est prévu, moyennant
un soutien financier de la Confédération. Ils
devront être en nombre suffisant. Une autre
mesure vise à favoriser l’extension du champ
d’application des CCT lorsque les commissions
tripartites (partenaires sociaux et État) auront
mis à jour des situations de sous-enchère abusive et répétée au sens des règles adoptées en
1999. De plus, il est proposé de délivrer une information écrite aux travailleurs détachés sur
les éléments essentiels du contrat de travail.
30.06. Accords bilatéraux II entre la Suisse et l’UE: le
Conseil fédéral a lancé la procédure de consultation. Les accords entre la Suisse et l’UE seront
signés à l’issue de la procédure de consultation
et pourront dès l’automne être soumis au Parlement. Ils lui seront présentés sous la forme d’un
message unique, mais feront l’objet d’arrêtés
d’approbation séparés. Huit des neuf dossiers
restants ont débouché sur des accords (produits
agricoles transformés, statistique, pensions,
environnement, Media, Schengen/Dublin, lutte
contre la fraude, fiscalité de l’épargne) qui doivent être approuvés par les Chambres fédérales.
Pour ce qui est du neuvième dossier (programme
de l’UE concernant l’éducation, la formation
professionnelle et la jeunesse), il s’agit d’une
déclaration d’intention. Le Conseil fédéral propose au Parlement de soumettre sept accords au
référendum facultatif (à l’exclusion de l’accord
sur les produits agricoles transformés.
Décisions des Commissions
(du 14 juin au 13 juillet 2004)
23.06. La Commission de la sécurité sociale et de la
santé publique du Conseil des États (CSSS-E)
s’est consacrée aux nouveaux projets du Conseil
fédéral concernant la révision partielle de la loi
fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). Ce
premier train de réformes devrait être examiné
en parallèle et en procédure accélérée par les
deux commissions de la sécurité sociale et de la
santé publique, avant d’être soumis aux deux
Conseils à la session d’automne 2004. La
commission a entendu des représentants de la
Conférence des directeurs cantonaux des affaires
sanitaires, de la Conférence des directeurs cantonaux des finances, de la FMH et de l’ASMAC, ce
qui lui a permis de prendre acte des positions des
cantons et du monde médical. Elle a ensuite décidé d’entrer en matière sur ce premier train de
mesures correspondant au message 1A (stratégie
globale, compensation des risques, tarifs des
soins, financement des hôpitaux).
29.06. La Commission du transport et des télécommunications du Conseil national (CTT-N) a terminé la
revue de détail de la révision de la loi sur les télécommunications. En ce qui concerne l’ouverture
du dernier kilomètre, elle a demandé que la décision de principe qu’elle a prise lors de sa dernière session soit satisfaite, autrement dit que
la concurrence de Swisscom n’ait un accès direct
aux ménages que si elle est également prête à
investir.
42 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Deux exemples de la participation de Nestlé à la lutte
contre la pauvreté
Près de la moitié des cinq cents
centres de production de Nestlé
se trouvent dans des pays en
développement ou émergents.
En achetant ses matières premières et en les faisant transformer sur place, l’entreprise contribue à stimuler l’économie régionale. Elle procure ainsi à l’agriculture locale des débouchés fiables
et augmente sa valeur ajoutée.
Nestlé fournit, en outre, de l’aide
technique aux paysans pour
qu’ils puissent produire des
matières premières de la qualité
voulue. Les «districts laitiers»
que Nestlé a créés au Pakistan
et en Chine avec le concours
des paysans sont des exemples
concrets de cette stratégie.
En tant qu’entreprise de dimension internationale, dotée d’une politique commerciale
à long terme, et en tant que plus gros acheteur
mondial de lait, café et cacao, Nestlé a un intérêt manifeste à disposer de sources de matières
premières fiables et de haute qualité. Cependant, Nestlé ne possède ni plantations ni
vaches, mais achète toutes les matières premières nécessaires: la plus grande partie du café et du cacao auprès des compagnies internationales spécialisées, les deux tiers du lait, en
revanche, directement auprès des paysans.
C’est en ce sens que Nestlé a commencé, il y a
déjà plus de quarante ans lors d’un projet en
Inde, à organiser des districts laitiers dans les
pays en développement.
Le Pakistan
Le district laitier géré par Nestlé couvre une
superficie de 71000 km2,soit presque le double
de la Suisse. Plus de 130 000 paysans profitent
de la possibilité de vendre leur lait à de bonnes
conditions. L’achat leur en est garanti pour
autant que la qualité requise soit respectée. Les
paiements s’effectuent sur une base hebdomadaire, ce qui assure aux paysans un revenu régulier. Chaque semaine, ce sont ainsi plus d’un
million de dollars US qui vont à l’agriculture
locale. Les conseils que Nestlé procure aux
paysans n’abordent pas seulement des sujets
directement liés à l’élevage, comme la santé et
l’hygiène, la protection de l’environnement,
l’amélioration de la qualité, les fourrages et
l’insémination artificielle, mais aussi les aspects économiques et financiers.
La Chine
Hans Jöhr
Directeur du service
agricole, Nestlé SA,
Vevey
En Chine, Nestlé collabore étroitement
avec les paysans depuis quinze ans. La possibilité d’écouler le lait et d’en tirer des revenus réguliers a aussi provoqué là-bas une forte augmentation de la production laitière.
L’aide technique de Nestlé a également provoqué une baisse des coûts de production, et
donc une augmentation du revenu des paysans. Dans le district laitier de la province de
Heilongjiang, à l’extrême nord du pays, 21000
paysans alimentent 73 centres de collecte, qui
ravitaillent à leur tour notre usine locale. La
plupart des paysans n’ont que cinq vaches, qui
produisent chacune environ 4500 kilos de lait
37 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
par an. Le paysan en retire un revenu mensuel
de 300 dollars US,soit douze fois plus que le revenu moyen fourni par l’agriculture chinoise!
Ces trois dernières années,les ventes de lait par
les paysans ont augmenté de 30%. Sa qualité
s’est constamment améliorée, et comme ce
facteur est déterminant pour le paiement, le
revenu et le niveau de vie des paysans ont
progressé eux aussi.
Dans l’intérêt de tous les participants
Dans les deux cas – Chine et Pakistan –, il
apparaît clairement que pour que l’engagement de Nestlé débouche sur un succès, il doit
être dans l’intérêt de toutes les parties,en commençant par celui des paysans à lui vendre leur
lait. D’un autre côté, les investissements de
l’entreprise doivent être justifiés à long terme.
Enfin, la communauté politique locale doit
également profiter de la dynamisation économique de la région, incarnée par des emplois
et des revenus assurés. C’est par des petits pas
discrets, bien qu’efficaces, tels que ceux-ci que
commence la lutte contre la pauvreté. Les entreprises jouent ici un rôle crucial, car elles
sont en mesure de contribuer largement à la
création de valeur par leurs produits et leurs
prestations de services. L’esprit d’innovation
et la productivité sont d’autres facteurs de succès.Dans le cas de Nestlé,il s’y ajoute encore les
facteurs suivants:
– d’abord le contrôle de la qualité et la traçabilité des matières premières, parce que la
sécurité des denrées alimentaires est une
base non négociable de notre activité;
– ensuite, la disponibilité des matières premières au bon moment et en quantité voulue;
– enfin, les coûts des matières premières, qui
sont une condition primordiale de la compétitivité; mais là aussi, nous ne saurions
faire de concessions sur la qualité.
Grâce à nos conseils, la productivité a pu
augmenter au Pakistan et en Chine, et avec
elle les revenus des paysans.Ce faisant,nous ne
misons pas sur une monoculture,mais sur une
diversification de l’activité agronomique. Économie suisse
De l’évolution de la productivité en Suisse dans les années
nonante: quel était son véritable niveau de faiblesse?
Les années nonante ont apporté
de profondes modifications structurelles dans nombre d’entreprises suisses. Et pourtant, avec
Différentes méthodes de mesure
0,4% de croissance annuelle,
En politique économique, il est essentiel
de savoir où résident les faiblesses de la croissance économique suisse et comment la surmonter. Il ressort du Rapport sur la croissance
du DFE que si l’offre de travail n’est guère susceptible de s’accroître en raison du vieillissement démographique, le niveau et le taux
d’augmentation de la productivité du travail
peuvent par contre encore progresser. Le rapport met notamment en lumière, sur la base
de différents indicateurs, un gros potentiel de
croissance de la productivité surtout dans le
secteur intérieur protégé,alors que c’est moins
le cas pour le secteur industriel, exposé à la
concurrence étrangère.
Compte tenu de ces considérations, le mode de calcul de la productivité du travail revêt
une importance majeure. En pratique, il s’effectue en divisant le produit intérieur brut
(PIB) par le volume de travail accompli. C’est
surtout le calcul du second paramètre qui pose
un certain nombre de difficultés statistiques,
ce qui a conduit, ces derniers mois, a un débat
sur la façon dont on a évalué l’évolution de la
productivité dans les années nonante.
notre pays s’est vu attribuer par
l’OCDE la dernière place parmi
tous les pays industrialisés en
matière d’évolution de la productivité. D’autres estimations arrivent, cependant, à 1,5% de croissance annuelle. Le présent article
montre que la valeur de la productivité du travail peut être
largement influencée par la méthode de mesure utilisée. Un
nouveau calcul effectué avec des
séries statistiques dont la composition a été modifiée, corrobore pour l’essentiel les informations contenues dans le Rapport
sur la croissance du Département
fédéral de l’économie (DFE) de
2002, qui annonçait pratiquement 1% de croissance moyenne
annuelle durant les années
nonante.
Les sources statistiques: la Statem et l’Espa
En Suisse, on recourt à différentes statistiques officielles pour calculer le volume de
travail mobilisé dans l’économie. Les principales sources sont,d’une part,la statistique de
l’emploi (Statem) et, d’autre part, l’enquête
suisse sur la population active (Espa). L’Espa
se fonde sur des sondages menés auprès d’un
large échantillon représentatif de personnes
ventilées suivant leur activité. La Statem, elle,
repose sur une enquête effectuée auprès d’un
échantillon d’entreprise pour déterminer le
nombre de places de travail. Les données is-
Peter Balastèr
Chef du secteur Croissance
et politique de la concurrence, Secrétariat d’État
à l’économie (seco)
Marc Surchat
Secteur Croissance et
politique de la concurrence, Secrétariat d’État
à l’économie (seco)
43 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
sues de la Statem sont, tous les trois ou quatre
ans, calibrées sur le recensement des entreprises. Les résultats peuvent donc fortement
diverger suivant la série utilisée. À la lumière
des expériences faites dans différents pays,
l’OCDE voit des avantages dans l’utilisation
de données issues d’enquêtes auprès des
personnes et des ménages, tout en considérant comme nécessaire leur assemblage sous
forme de statistiques de synthèse en tenant
compte d’autres sources telles que celles sur
les personnes actives non domiciliées dans le
pays.
Les chiffres de la Statem ne sont pas
en accord avec l’évolution macroéconomique
Cela étant, il reste d’abord à démontrer que
les estimations qui tablaient sur une croissance annuelle de la productivité avoisinant
ou dépassant les 1,5% pour les années nonante
– et qui se fondaient essentiellement sur les
résultats de la Statem – ne correspondent pas
aux autres évolutions macroéconomiques.
Pour une croissance du PIB de 1,05% dans les
années nonante et une augmentation annuelle
de la population active de 0,41% selon les recensements de la population de 1990 et 2000,
une amélioration de la productivité de 1,5%
aurait dû se traduire par un taux de chômage
qui aurait dépassé les 10%. Or ce taux n’a atteint «que» 4,1% en l’an 2000 (d’après les normes retenues pour le recensement de la population). L’autre option aurait été que le taux
d’activité baisse de 2,5%; or d’après les recensements de la population de 1990 et 2000 il a
augmenté de 2,8%!
Des distorsions dans les séries statistiques
à long terme
Les années nonante ont été avant tout
marquées par la progression des différentes
formes de travail à temps partiel, la poussée
des emplois informels et des activités indépendantes (notamment auprès des femmes).
L’utilisation d’informations provenant exclusivement d’entreprises est de nature à distordre la série statistique à long terme de la
productivité du travail. Il est ainsi notoire que
la saisie statistique de l’emploi dans les nouvelles entreprises présente des difficultés. De
plus,ces dernières années,les prestations fournies par le biais de mandats ont augmenté de
manière significative; ne reposant plus sur
Économie suisse
Graphique 1
Évolution de la productivité du travail suivant les différentes méthodes, 1980–2001
(Indice: 1990 = 100)
Selon l’analyse spéciale de l’Espa
Selon la Statem étendue
Selon les heures travaillées (1991 = 100)
PIB par habitant (en comparaison)
Selon la population
active occupée
125
120
115
110
105
100
95
90
85
1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Source: seco, OFS / La Vie économique
un contrat de travail «classique», elles n’apparaissent donc plus toujours dans les relevés statistiques de la Statem.
Prendre en compte les variations
du taux d’activité
La solution résiderait-elle dans l’utilisation
de la série statistique officielle de la population active occupée? Hélas non! Si on ne considère que le nombre des personnes se déclarant
professionnellement actives, sans prendre en
compte leur taux d’occupation, on obtient
pour les années 1990–2001 une bien faible augmentation de la productivité de 0,4% par an,
chiffre auquel l’OCDE – faute de possibilité de
comparer des séries de statistiques internationales se rapportant au volume de travail – a
abouti dans sa dernière étude économique sur
la Suisse. Bien que celui-ci ne contredise pas
l’évolution du chômage et du taux d’activité,
il s’avère trop bas et souligne la nécessité d’inclure dans les évaluations statistiques les variations issues du travail à temps partiel et de la
durée hebdomadaire (normale) du travail.1
Recalculer la productivité du travail
1 Quant à la méthode – largement employée à l’échelle
internationale – consistant à utiliser le PIB par habitant, elle conduit à des taux de croissance comparables
à ceux que l’on obtient en prenant pour référence
la population active occupée.
Poussés par la critique selon laquelle l’évolution de la productivité était sous-estimée, et
voulant en même temps parvenir à une appréciation correcte des données de l’OCDE, les
auteurs du présent article ont, en étroite collaboration avec l’Office fédéral de la statistique
(OFS), procédé à une nouvelle comparaison
des résultats de l’Espa et de la Statem pour les
années nonante et établi une statistique de
synthèse construite à partir des données issues
de différentes enquêtes. La nouvelle série part
des données de l’Espa relatives à l’activité lu-
44 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
crative, au taux d’occupation et, le cas échéant,
au second emploi occupé par certaines personnes actives. Conformément à la recommandation de l’OCDE, les données de cette analyse
spéciale des chiffres de l’Espa sur les équivalents
plein temps, ont été complétées par celles qui se
rapportent aux actifs occupés non résidants
(frontaliers, détenteurs de permis de séjour de
courte durée, etc.).
La série statistique PIB par équivalent plein
temps selon une analyse spéciale de l’Espa qui en
résulte dénote un continuel développement de
la productivité depuis 1980 qui réagi dans des
proportions minimes et explicables aux variations conjoncturelles; cette série peut donc servir de base à des extrapolations visant à déceler
des tendances à long terme (voir graphique 1).
Les taux annuels de croissance de 0,7% et de près
de 1% enregistrés dans les années quatre-vingt
et nonante confortent la moyenne de 0,9% avancée dans le Rapport sur la croissance du DFE pour
les deux dernières décennies, laquelle a été calculée à partir de sources légèrement différentes.
Les données publiées le 25 juin 2004 par
l’OFS sur l’évolution du volume de travail concordent avec les chiffres calculés sur la base de
l’analyse spéciale de l’Espa dont il est question
ici. L’augmentation un peu plus forte de la productivité par heure de travail par rapport à la
hausse de la productivité par équivalent plein
temps s’explique par le raccourcissement de la
durée hebdomadaire normale du travail et par
le développement de l’absentéisme. Si l’on veut
rassembler l’évolution du PIB, le taux de chômage, le taux d’activité et la durée normale du
travail pour en donner une image d’ensemble
cohérente, force est de recourir à la statistique
du volume de travail ou aux chiffres concernant
les emplois exprimés en équivalents plein temps
selon l’analyse spéciale de l’Espa.
Les raisons d’un fossé statistique
Si on observe les branches économiques où
apparaissent des divergences entre les résultats
des enquêtes auprès des personnes (Statem),
d’une part, et auprès des entreprises (Espa), de
l’autre, ainsi que l’aspect que les mutations
structurelles ont revêtu dans les années nonante, on comprend pourquoi ces deux séries statistiques se sont écartées l’une de l’autre. Alors
que l’Espa laisse de côté les détenteurs d’un permis de courte durée et les frontaliers,plus nombreux dans l’industrie que dans les services, la
Statem fournit des chiffres trop bas sur l’emploi
dans certains secteurs, à commencer par la
santé, l’enseignement et l’administration publique. Ces trois secteurs ont encore créé des
emplois dans les années nonante, avec l’augmentation des prélèvements obligatoires sous
forme d’ impôts et de cotisations aux caissesmaladie. Ceux-ci n’ont, en effet, guère été expo-
Économie suisse
sés à la concurrence étrangère qui les aurait incités à améliorer leur productivité. L’industrie,
par contre,a dû,dans un premier temps,résister
à un contexte monétaire hostile puis, après
1997, au durcissement graduel de la concurrence internationale.Il en a résulté que le secteur
très bien cerné par la Statem, à savoir l’industrie,
a supprimé des emplois tout en conservant son
niveau de valeur ajoutée, ce qui a amélioré la
productivité. Quant au secteur observé uniquement par le biais de l’Espa, celui des services domestiques,il a en revanche affiché une hausse de
l’emploi parallèlement à une évolution moins
dynamique de la valeur ajoutée, d’où un faible
accroissement de sa productivité. Ainsi s’explique l’écart entre les séries statistiques sur la productivité issues de l’Espa et de la Statem. Reste à
savoir comment mesurer la création de valeur
dans les services! Mais cette question se pose à
tous les pays de l’OCDE et ne saurait changer
grand-chose au mau-vais rang de la Suisse en
comparaison internationale.
Conclusion
Le réexamen des statistiques aboutit, pour
les années quatre-vingt et nonante, à un accroissement annuel de la productivité proche
de 1%. Si on extrapole cette valeur pour les années à venir, il faudra notamment intervenir –
compte tenu du vieillissement démographique – dans le domaine des assurances sociales,
comme l’ont démontré les travaux scientifiques menés en vue de la 12e révision de l’AVS.
Une augmentation de la productivité ne générerait plus guère de hausse des revenus disponibles des ménages; pareille constatation
avait déjà été faite dans de nombreuses classes
de revenus au cours des années nonante. L’important est de prendre les dispositions qui
s’imposent en matière de politique économique pour doper la productivité dans les segments protégés de notre économie intérieure.
Des hausses «spectaculaires» de la productivité dans les branches axées sur l’exportation
(l’industrie et les services aux entreprises) sont
quant à elles d’une utilité limitée puisqu’elles
ne représentent qu’un nombre de plus en plus
faible de gens alors que, simultanément, l’emploi s’étend dans des branches qui bénéficient
d’un financement obligatoire et qui, de cette
façon, sont protégées sur le marché intérieur.
On observe alors dans l’économie non pas une
augmentation de la prospérité mais, en premier lieu, une appréciation de la monnaie en
termes réels.
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Économie suisse
Mesure et développement de la recherche économique
dans les universités suisses
Pour bien diriger un établissement de recherche, il faut pouvoir
en évaluer correctement les prestations. Il est presqu’incontes-
La place scientifique suisse
table que la bibliométrie est un
Publiée l’an dernier par le Centre d’études
de la science et de la technologie (Cest), l’évaluation de la place scientifique suisse prouve
que, dans l’ensemble, notre pays occupe toujours un rang éminent au plan international.
Une lecture plus attentive révèle toutefois des
différences considérables selon les domaines
de recherche. Il semble, en effet, que les
sciences économiques, ainsi que les sciences
sociales et morales, ne soient pas en mesure de
rivaliser avec l’élite internationale.
outil précieux de nos jours, même
si les méthodes utilisées prêtent
encore à discussion. Si on se
réfère. par exemple, aux
«ratings» publiés en Suisse jusqu’ici et portant sur la recherche,
ceux-ci apparaissent comme de
bien piètres instruments de gestion, notamment dans le domaine
de l’économie. Cet article présente une méthode bibliométrique
qui permet d’évaluer correctement le développement de la
recherche économique, et ce à des
coûts raisonnables.
L’état de la recherche économique
D’après le nombre d’articles publiés dans
des revues économiques de réputation internationale – l’étude du Cest se fonde sur la
banque de données du SSCI – il y a relativement peu de recherche économique en Suisse.
Ainsi, seules deux universités (Genève et Zurich) présentent un nombre suffisant de publications de qualité en ce domaine pour que
leurs départements respectifs puissent être admis dans la Ligue mondiale des champions de la
recherche. Non seulement les activités de recherche suisses laissent à désirer, au sommet,
mais encore le prestige international des chercheurs suisses est relativement modeste: les
sciences économiques suisses n’occupent que
la 14e place au classement mondial.
L’état des lieux dressé par le Cest n’est pas
contesté, car il est confirmé par diverses enquêtes du même genre (voir encadré 1).
Ces outils de gestion que sont
les «ratings»
Si l’on entend tirer de cet état des lieux un
plan d’action, on constate, cependant, immédiatement que la méthode employée par le
Cest pour recenser et évaluer les prestations
des chercheurs ne fournit aux organes universitaires compétents qu’un instrument de gestion très limité. L’étude du Cest se borne effectivement à identifier les centres d’excellence et
n’a pas du tout l’ambition d’évaluer l’ensemble des prestations de la recherche.
Les «ratings» comme ceux établis par
Swissup ou le CHE allemand sont encore
moins utiles s’il s’agit de fixer des objectifs de
politique universitaire et d’y confronter les résultats atteints par la recherche. Ils se fondent
en effet régulièrement sur des enquêtes douteuses et utilisent souvent des intrants (personnel scientifique, fonds étrangers, etc.)
comme indicateurs de la production scientifique. Pour autant qu’on essaie même de recenser l'état réel de la recherche, on recourt à
des chiffres incertains de soutenances de thèse
et à des mesures bibliométriques traitées à la
légère. Si elle collabore avec Swissup et CHE,
comme elle en a annoncé l’intention,la Conférence des recteurs des universités suisses fera
donc bien de contrôler attentivement les classements fournis par ces organisations. 1
Méthode
Le caractère incitatif
Pour que les évaluations en matière de
recherche puissent servir d’outils de gestion, il
faut qu’elles comprennent avant tout des incitations à améliorer les prestations, c’est-à-dire
qu’elles mettent en lumière les faiblesses et les
atouts pour pouvoir sanctionner ou récompenser le cas échéant les unités de recherche
responsables.Pour créer des incitations,un indicateur bibliométrique doit donc présenter
trois qualités:
– recenser complètement les prestations fournies par les chercheurs;
– tenir correctement compte de la qualité des
prestations recensées;
– attribuer sans équivoque les prestations recensées à l' unité organisationnelle évaluée.
La banque de données EconLit
1 Pour une critique de la classification CHE, voir Heinrich
Ursprung dans Perspektiven der Wirtschaftspolitik,
4(2), 2003.
Miriam Hein
Département de sciences
économiques,
université de Constance
Pr Heinrich Ursprung
Département de sciences
économiques,
université de Constance
46 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Pour illustrer notre méthode, nous nous
servirons de la banque de données EconLit gérée par l’American Economic Association, qui
recense l’ensemble des périodiques économiques spécialisés dans la recherche, contrairement au SSCI, d’inspiration commerciale, et
donc plus limité. On remarque qu’EconLit
Économie suisse
Graphique 1
par les économistes français Pierre-Philippe
Combes et Laurent Linnemer, qui pourrait
bien devenir le modèle de référence de la profession.
Total des publications des chercheurs en économie des universités suisses, 1990/91-2002/03
(moyennes biennales lissées)
Économie + finance
Gestion d'entreprise
Distinguer l'économie de la gestion d’entreprise
700
La banque de données EconLit recense différentes revues qui accordent manifestement
plus d’intérêt à la gestion d’entreprise, même
s’il leur arrive de publier des articles d’économistes. Un «rating» de la recherche économique fondé sur l’ensemble des publications
recensées par EconLit inclut donc inévitablement une partie de la recherche consacrée à la
gestion d’entreprise, ce qui contrevient au
troisième critère du caractère incitatif. On
verra toutefois que l’erreur ainsi commise est
minime.
600
500
400
300
200
100
0
1990/91
1992/93
1994/95
1996/97
1998/99
2000/01
2002/03
Source: Hein, Ursprung / La Vie économique
Encadré 1
Les classements en recherche
économique
Les actes d’un congrès consacré à l’évaluation de la recherche économique en
Europe viennent de paraître dans le Journal
of the European Economic Association
(décembre 2003).
Un classement mondial de Kalaitzidakis et
al. met Genève au 102e rang, Zurich au 127e
et Lausanne au 177e; un autre, de Coupé,
place Zurich au 149e et Genève au 159e. Dans
un classement purement européen de
Combes et Linnemer, Zurich occupe le 39e
rang, St-Gall le 57e.
remplit beaucoup mieux que le SSCI le premier critère d’incitation cité plus haut en
constatant qu’en 2003, par exemple, 35% seulement des publications que nous avons
recensées sont mentionnées dans le SSCI.
Par rapport au SSCI,EconLit ne permet pas
d’analyser les citations. Cela n’a guère d’importance, étant donné que quand le nombre
des publications est faible, le nombre de citations dépend trop du hasard. À cela s’ajoute
que les citations peuvent être manipulées
d’une façon non négligeable, ce qui peut fausser le caractère incitatif, surtout si le nombre
d’unités évaluées est faible.
Une pondération indispensable
Le deuxième critère du caractère incitatif
est que toutes les publications recensées soient
assorties d’un coefficient de qualité. Dans le
monde de l’évaluation, on applique d’habitude un système de pondération propre à
chaque revue, la conception du système dépendant encore des questions posées ou de la
stratégie de recherche des unités évaluées.
Une telle pondération est absolument indispensable, car les publications recensées par
les banques de données (EconLit, SSCI, etc.)
présentent des différences notables de qualité.
Si l’on évaluait des domaines de recherche,
voire des chercheurs individuels, en se basant
uniquement sur le nombre de publications
recensées par le SSCI, il en résulterait des incitations contre-productives: les recherches de
bas niveau, tout juste publiables dans les
revues très peu exigeantes du SSCI, supplanteraient des travaux plus scientifiques; il y a là
comme une «loi de Gresham» de la recherche.
Dans notre exemple, nous avons utilisé le
système de pondération CLpn mis au point
47 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Les résultats de la recherche économique
effectuée dans les universités suisses
Le graphique 1 montre l’évolution de la
production de la recherche économique effectuée dans les universités suisses pendant la
période 1990 – 2003. On peut en tirer deux
conclusions:
– la production a presque triplé durant ces
quatorze ans;
– la part éventuelle de recherche contenue
dans des publications extérieures à l’économie est étonnamment faible.En incluant
en effet les revues d’économie financière
dans l’économie, la part moyenne de la recherche publiée dans les revues de gestion
d’entreprise n’est que de 8,4%.
L’évolution individuelle des universités
Le graphique 2 montre l’évolution de la
recherche économique par université.
– en comparant les moyennes 1990/91 avec
2002/2003,on constate que la production en
recherche économique a augmenté dans
toutes les universités suisses. Les modes de
progression sont cependant très différents;
– les universités de Zurich et de Saint-Gall
sont parvenues à augmenter leur production de façon relativement constante, et ce
à un taux de progression très élevé, encore
que le «décollage» de Saint-Gall n’ait commencé que quatre ans après Zurich;
– pendant les quatorze années sous revue, les
universités de Lausanne et de Berne ont
également progressé continuellement,mais
à des taux moyens légèrement inférieurs.
Le groupe des quatre «petites» universités
appartient aussi à cette catégorie moyenne;
– l’évolution des universités de Bâle et de
Genève suit un tracé tout différent. Alors
qu’elles étaient encore en tête au début des
années nonante, ces deux universités (pour
Genève, les HEI ont été inclues dans le cal-
Économie suisse
Graphique 2
Nombre de publications en économie par université suisse, 1990/91-2002/03
Bâle
Berne
Genève
Lausanne
Saint-Gall
Zurich
Fribourg/Neuchâtel/EPFZ/EPFL
180
160
cul) ont connu un fléchissement marqué
vers le milieu de la même décennie. Entretemps, Bâle est parvenu à stabiliser la situation, alors que Genève ne donne pas encore
de signe de rétablissement. Le titre de
membre de la Ligue des champions que le
Cest décerne à Genève remonte donc à une
période brillante déjà ancienne.
140
Une comparaison au sein
de la ligue régionale
120
100
80
60
40
20
0
1990/91 1991/92 1992/93 1993/94 1994/95 1995/96 1996/97 1997/98 1998/99 1999/00 2000/01 2001/02 2002/03
Source: Hein, Ursprung / La Vie économique
Graphique 3
Publications scientifiques des universités suisses comparées aux trois meilleurs départements
allemands, 1990/91 –2002/03 (indice 100 = 1990/91)
Bâle
Berne
Genève
Lausanne
Saint-Gall
Zurich
300
250
200
150
Comme la recherche économique suisse
n’est pas capable de se maintenir dans la Ligue
des champions, nous nous sommes demandé
ce que donnerait une comparaison au niveau
régional. Comme échelle de mesure, nous
avons pris l’évolution des trois universités
allemandes les plus talentueuses dans le
domaine de la recherche économique: Bonn,
Munich et Mannheim.
Le graphique 3 montre donc comment la
production scientifique suisse a évolué par
rapport à la concurrence allemande, représentant ici le niveau 100. L’impression que dégageait le graphique 2 se confirme: des six grands
départements spécialisés suisses, quatre sont
parfaitement capables de rivaliser avec l’élite
allemande. Zurich et Saint-Gall, notamment,
se sont beaucoup mieux développés que les
instituts servant de comparaison. L’évolution
de Lausanne et de Berne est elle aussi tout à fait
respectable; Bâle, et surtout Genève, ont en revanche perdu beaucoup de terrain ces six
dernières années.
100
Conclusions
50
0
1990/91 1991/92 1992/93 1993/94 1994/95 1995/96 1996/97 1997/98 1998/99 1999/00 2000/01 2001/02 2002/03
Source: Hein, Ursprung / La Vie économique
4 Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales.
48 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
La méthode de classement présentée ici et
illustrée par des exemples concrets est supérieure aux «ratings» publiés jusqu’ici en
Suisse, parce qu’elle peut servir directement
d’outil de gestion.
Les méthodes purement bibliométriques
d’évaluation de la recherche ont cependant
aussi leurs inconvénients.Pour être probantes,
les futures évaluations de la recherche ne
pourront renoncer à une collaboration minimale des institutions évaluées, car l’attribution précise de publications aux unités académiques appropriées (départements) ne peut
se faire que sur la base d’autodéclarations
(rapports relatifs à la recherche). Si ces autodéclarations indiquaient encore la taille des
unités (effectif du personnel scientifique ou,
mieux, dépenses globales), on pourrait calculer non seulement la production, mais aussi la
productivité de la recherche, ce qui, en fin de
compte, devrait intéresser les gestionnaires. Économie suisse
La trésorerie de la Confédération en 2003
En 2003, la Confédération a
emprunté un montant net de 10,0
milliards sur les marchés financiers. Le nouvel endettement
sur les marchés financiers a donc
nettement dépassé celui de l’année précédente (8,9 milliards).
L’endettement de la Confédération
a lui progressé de 122,37 à 123,71
milliards de francs sur la période
2002–2003. Sa croissance s’est
donc nettement ralentie si on
la compare à celle de la période
2001–2002.
La trésorerie de la Confédération veille à ce que celle-ci et ses entreprises soient solvables en permanence. Les besoins qui ne peuvent être couverts sur le plan interne, sont financés par appel aux marchés de l’argent et des capiPhoto: Keystone
taux. en 2003, ces emprunts se sont élevés à 10 milliards de francs.
Les acquisitions de fonds externes
Comme l’année précédente, des crédits à
court terme ont permis de faire face aux variations à court terme des liquidités. Le niveau des fonds levés au moyen de créances
comptables à court terme a été réduit de 1,7
milliard et atteignait encore 10,7 milliards à
la fin de l’année. Les créances comptables à
court terme sont émises chaque semaine
pour une durée de trois, six et douze mois.
Le montant global des bons du Trésor a diminué par rapport à l’année précédente, passant de 472 à 268 millions en fin 2003. Cet
instrument ne joue toutefois plus qu’un rôle
modeste comme source de fonds pour la
Confédération.
Peter Thomann
Chef de la Trésorerie de la
Confédération,
Administration fédérale
des finances (AFF), Berne
49 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Afin d’améliorer la liquidité des emprunts
obligataires fédéraux, la Confédération émet,
depuis 1991, des obligations fongibles dont
le montant à l’émission a été relevé progressivement de 250 millions à un milliard au
maximum. Depuis le début de l’an 2000, on
a renoncé à indiquer un montant maximal.
De plus, la fusion de plusieurs emprunts assortis de conditions identiques (fongibilité)
a pour effet d’augmenter le montant nominal de ces emprunts obligataires. Cette procédure a permis d’accroître sensiblement la
liquidité du marché et, par là même, le succès des emprunts de la Confédération. Par la
suite, la création, sur la base des obligations
de la Confédération, de produits dérivés tels
que les options ou les «futures» sur taux
d’intérêt, a élargi l’éventail des instruments
disponibles sur la place financière suisse. Les
emprunts de la Confédération sont en outre
contenus dans le panier des titres éligibles
pour être mis en pension dans le cadre des
transactions repo.
La trésorerie a continué d’émettre des
emprunts fongibles en 2003. Elle n’a lancé que
trois emprunts avec une nouvelle échéance
et a en outre majoré les montants d’emprunts émis précédemment. Les taux d’inté-
Économie suisse
Tableau 1
Endettement net sur les
marchés financiers, 2003
En millions de francs
+9994
Total
Marché monétaire
Crédit monétaire
Créances comptables à court
Bons du Trésor
Marché des capitaux
Emprunts publics
–1911
–
-1707
-204
+11905
+11905
Source: AFF/La Vie économique
Tableau 2
Prix de revient des emprunts,
1970–2003 (en %)
Année
Dette globale sur les
marchés monétaire et des
capitaux
1970
1975
1980
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
4.14
5.82
5.15
4.76
4.46
4.36
4.30
5.24
5.43
6.30
5.92
4.99
4.84
4.19
4.00
3.60
3.50
3.58
4.02
3.80
3.49
3.33
Source: AFF/La Vie économique
rêts étant restés bas, la trésorerie a continué
d’opter pour des emprunts à longue échéance.
Les emprunts les plus élevés constitués à ce
jour résultent de majorations successives de
leurs montants. Ainsi, celui des 21 emprunts
fédéraux en circulation s’élève à 82,0 milliards au total; neuf d’entre eux dépassent les
4 milliards, et trois parmi ces derniers excèdent les 7 milliards. Un d’entre eux franchit
même la limite de 8 milliards. Les emprunts
fédéraux représentent près de 36% de la
capitalisation du marché obligataire domestique et environ 59% du volume des transactions effectuées dans ce secteur en 2003.
En l’an 2003, le rythme des émissions fédérales est resté mensuel. La trésorerie a lancé 17 emprunts pour un montant total brut
de 15,4 milliards (13,0 milliards en 2002), y
compris le placement de tranches propres
qu’elle a retenues à l’émission. Compte tenu
des remboursements ordinaires et des dénonciations anticipées, le montant net emprunté en 2003 par le biais d’emprunts obligataires a atteint 11,9 milliards (8,0 milliards
en 2002). Sur cette somme, 1,5 milliard provient de l’émission d’un emprunt convertible en actions de Swisscom. Cet emprunt
assorti d’un coupon de 0,25% a une durée
de validité de quatre ans. Sur demande des
investisseurs, les obligations peuvent être
remboursées au pair après deux ans. Les investisseurs ont le droit de convertir leurs
obligations en actions de Swisscom pour un
prix d’échange de 500 francs par action.
Depuis le printemps 2001, les emprunts
obligataires de la Confédération et les créances comptables à court terme sont émis selon le système d’enchères par voie électronique par le biais de la plate-forme repo.
Graphique 1
Dettes de la Confédération, 1980–2003
En milliards de francs
140
120
100
80
60
Les résultats des enchères peuvent ainsi être
publiés quelques minutes après la clôture
de la souscription. L’efficacité sur le marché
en est renforcée et la procédure gagne en
rationalité.
Les transactions monétaires:
La Poste, l’AC
Les placements effectués par La Poste auprès de la Confédération et qui arrivaient
à échéance, se montaient à 2,4 milliards et
ont été remboursés à leur échéance. Depuis
le 1er avril 1999, La Poste effectue elle-même
ses placements sur le marché. À partir du
1er janvier 2004, elle assume également la
gestion de sa trésorerie conformément à la
nouvelle loi sur l’organisation de La Poste.
Les avoirs en compte courant de l’assurance-chômage (AC) placés auprès de la
Confédération ont diminué de 662 millions
en raison de l’augmentation des versements
effectués au titre des rentes.
Le coût moyen de la dette fédérale
Le bas niveau des taux d’intérêt sur les
marchés de l’argent et des capitaux ainsi que
la gestion de l’endettement se reflètent sur le
coût moyen de la dette de la Confédération
(sans les créanciers et les fonds spéciaux). Il
était de 3,33% à fin 2003 alors qu’il atteignait 3,49% à fin 2002. Il n’a donc jamais été
aussi bas depuis 1970. Le tableau 2 renseigne
sur l’évolution du coût moyen de la dette.
Dans le calcul du coût des emprunts,
toutes les dettes contractées sur les marchés
financiers, les dettes à terme envers La Poste,
les CFF, l’AVS et la garantie pour les risques
à l’exportation (GRE) sont prises en considération; les dettes envers la CFP ne sont pas
comprises. À fin 2003, les dettes comprises
dans le calcul du coût des emprunts s’élevaient à 93,8 milliards (85,9 milliards en
2002). Le calcul tient compte du taux d’intérêt nominal, du prix d’émission, des frais
d’émission, droits de timbre d’émission
compris, ainsi que des commissions de remboursement prélevées sur les coupons et les
titres. Il ne tient, en revanche, pas compte
des flux de paiements provenant des swaps
de taux d’intérêt qui doivent réduire à
moyen et à long terme le coût des emprunts
de la Confédération.
40
Les flux de fonds de la trésorerie centrale
20
19
80
19
81
19
82
19
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19
84
19
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19
91
19
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19
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98
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99
20
00
20
01
20
02
20
03
0
Source: Aff/La Vie économique
50 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Les flux de fonds de la trésorerie centrale
ont enregistré des variations mensuelles
pouvant atteindre 3,5 milliards. Pour y faire
face, la Confédération dispose de réserves de
trésorerie. Les fonds non utilisés dans l’im-
Économie suisse
Graphique 2
médiat sont placés sur un compte porteur
d’intérêts auprès de la Banque nationale
suisse, conformément à la convention sur le
placement et la rémunération des fonds de la
trésorerie fédérale. Ceux-ci ne sont pas réinvestis par la Banque nationale et s’élevaient à
2,4 milliards à la fin de l’année passée (6,7
milliards en 2002). Le montant des titres a
atteint 1,9 milliard (2,2 milliards en 2002).
Les fonds totaux de la trésorerie, dont la majeure partie est libellée en francs suisses, ont
diminué de 3,8 milliards en 2003, passant
ainsi à 5,7 milliards. S’agissant des emprunts
et placements de fonds à court terme, le
chiffre d’affaires des transactions a atteint le
montant de 307,4 milliards (366,7 milliards
en 2002). Ces montants n’englobent ni les
opérations sur devises, ni les options, ni les
swaps, ni les transactions spéciales.
Charge d’intérêts de la Confédération, 1980–2003
Charge nette
Recettes d'intérêts
Dépenses d'intérêts
En millions de francs
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
Le recours aux instruments dérivés
19
80
19
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19
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19
83
19
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85
19
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19
89
19
90
19
91
19
92
19
93
19
94
19
95
19
96
19
97
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99
20
00
20
01
20
02
20
03
0
Source: AFF/La Vie économique
Tableau 3
Dettes de la Confédération: évolution de la charge nette d’intérêts, 1980–2003
Dépenses d’intérêts
Année En millions de francs
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
1117
1286
1306
1310
1307
1391
1438
1414
1381
1482
1832
2050
2546
2486
3079
3080
2922
3079
3345
3586
3489
3394
3764
3293
Recettes d’intérêts
En millions de francs
384
519
411
371
359
390
442
491
516
554
654
740
900
1076
1284
1440
1331
1140
1069
684
735
747
490
329
Charge nette d’intérêts
En millions de francs
En % des recettes totales
733
767
895
939
948
1001
996
923
865
928
1178
1310
1646
1410
1795
1640
1591
1939
2276
2902
2754
2647
3274
2964
4.4
4.3
4.6
4.7
4.4
4.4
3.8
3.6
3.0
3.2
3.6
3.9
4.7
4.3
5.0
4.4
4.0
5.0
4.8
6.8
5.3
5.4
6.9
6.3
Source: AFF/La Vie économique
51 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
L’évolution rapide des marchés financiers
ainsi que la volatilité croissante des produits
financiers entraînent un recours accru aux
instruments dérivés. C’est ainsi que l’on utilise principalement les swaps de taux d’intérêt et différents types d’options à des fins de
couverture des risques.
La vente d’options d’achat («call options»)
sur des emprunts fédéraux: lors de l’émission
d’emprunts fédéraux, la Confédération se
réserve en règle générale des tranches propres. En plus de la vente de ces obligations
provenant des tranches propres directement
sur le marché à une date ultérieure, des options d’achat sont vendues sur une partie des
tranches propres à la Confédération. Grâce
à ces ventes, la Confédération encaisse des
primes qui réduisent le coût des emprunts.
Si, à l’échéance de l’option, le cours des obligations se situe en dessus du prix d’exercice, la Confédération doit livrer les titres. La
trésorerie a beaucoup recouru à cet instrument.
Les instruments pour la gestion des monnaies étrangères: les offices font part de leurs
besoins en devises à la trésorerie. Celle-ci assume le risque lié aux variations du taux
de change dans le cadre de la nouvelle stratégie de gestion des devises. Afin de pouvoir
s’acquitter de ses obligations de paiement
aux échéances voulues, elle doit acquérir des
devises étrangères à des dates déterminées.
Dans le but de couvrir les risques liés aux variations de taux de change, elle recourt, en
plus des opérations au comptant, à des opérations à terme et sur options. En acquérant
des options d’achat, elle s’assure le droit de
pouvoir acheter des devises à un cours fixé
à l’avance. Par la vente d’options de vente
(«put options»), les cours d’achat peuvent
Économie suisse
Encadré 1
Les activités de la trésorerie de la Confédération
La trésorerie de la Confédération, qui dépend de
l’Administration fédérale des finances (AFF), est centralisée, c’est à dire qu’elle englobe, outre l’administration fédérale proprement dite, les entreprises (CFF)
et établissements de la Confédération. Elle veille à ce
que la Confédération et ses entreprises soient solvables en permanence. Les besoins de financement
sont couverts avant tout par des emprunts sur les marchés financiers. En vue de financer de futurs grands
projets et de parer aux variations des liquidités, la
Confédération dispose de réserves appropriées en trésorerie, placée de manière sûre et rentable. En outre,
jusqu’à fin septembre, la Trésorerie de la Confédération était responsable du placement des avoirs de la
Caisse fédérale de pensions Publica.
Il importe en premier lieu de compenser les fluctuations de liquidité pour chaque mois et pour l’année entière. Celles-ci proviennent pour l’essentiel du
système des chèques postaux et n’ont cessé de s’amplifier ces dernières années pour atteindre aujourd’hui plus de 5 milliards de francs. Afin d’y faire face
des réserves de trésorerie ont été constituées. La régulation des liquidités s’opère par le biais des fonds
collectés à court terme sur le marché et de ceux en attente d’être utilisés et placés à intérêt.
La trésorerie de la Confédération est appelée par
ailleurs à se procurer les ressources nécessaires:
– à la couverture des besoins financiers de la Confédération;
être abaissés en raison des primes encaissées.
En recourant aux instruments de gestion des
risques liés au taux de change plutôt qu’en
appliquant l’ancienne méthode consistant à
acquérir des devises au moment du paiement, la trésorerie a enregistré un surcroît
de dépenses de l’ordre de 6 millions (en
2002, les économies ont représenté près de
51 millions de francs).
Les swaps de taux d’intérêt: étant donné
le bas niveau des taux d’intérêt, la trésorerie
fédérale s’efforce d’effectuer ses emprunts
avec des durées les plus longues possibles.
Comme elle ne peut, toutefois, pas négliger
ses instruments monétaires, elle conclut ce
qu’on appelle des «payer-swaps». Ce faisant,
la Confédération s’engage à payer des taux
d’intérêt fixes à long terme; en contrepartie,
elle reçoit de la partie contractante les montants variables découlant des taux d’intérêt à
court terme. La position nette des «payerswaps» s’est de nouveau renforcée en raison
de la baisse des taux sur le marché des capitaux, passant de 6,1 à 6,2 milliards.
Les options sur swaps de taux d’intérêt
(swaptions): en vendant des options sur
swaps de taux d’intérêt, la Confédération reçoit des primes qui contribuent à faire baisser le coût des emprunts. Si les swaptions
sont exercées, elle conclut des «payer-swaps»
qui correspondent à sa politique, laquelle
consiste à emprunter à long terme.
52 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
– à la couverture des besoins en capitaux des entreprises et établissements de la Confédération;
– à la conversion des dettes échues.
Les instruments de collecte des moyens financiers
Les besoins qui ne peuvent être couverts sur le
plan interne, sont financés par appel aux marchés de
l’argent et des capitaux. Le principal instrument de
collecte de fonds demeure aujourd’hui encore l’emprunt à long terme qui est émis depuis le début de
1980 selon le système d’enchères. Pour les besoins à
court terme, on dispose des bons du Trésor. Il s’agit
de papiers admis par la Banque nationale à l’escompte et au crédit sur nantissement, assimilables à
des effets d’une durée de 3 à 24 mois, exclusivement
placés auprès des banques. Dans le cadre du renforcement du marché suisse de l’argent, des créances
comptables à court terme qui sont, elles aussi émises
selon le système d’enchères, ont été créées en 1979.
Ces créances sont admises à l’escompte et au crédit
sur nantissement. Elles sont émises toutes les semaines pour une durée de trois, six ou douze mois.
À la différence des bons du Trésor, elles ne sont pas
uniquement acquises par les banques. Quant aux
besoins exceptionnels à très court terme, ils sont
couverts par le biais de crédits monétaires sollicités
auprès des banques pour une durée de quelques jours
seulement.
Par rapport à l’année précédente et malgré un niveau plus élevé de la dette, les intérêts passifs ont diminué de 471 millions pour
passer à 3293 millions grâce au bas niveau
des taux d’intérêt et à une gestion active de
la dette. Le rendement des capitaux placés a
diminué de 490 à 329 millions. La charge
nette d’intérêts, qui a diminué de 310 millions, est de 2964 millions, ce qui correspond
à 6,3% des recettes totales en 2003.
La gestion des risques
La mise en place d’un système moderne
de gestion des risques, basé sur un bilan des
actifs et des passifs de la trésorerie, appelé
«Asset and Liability Management» (ALM), a
débuté en 1993. Les objectifs poursuivis au
travers de ce système sont les suivants: évaluer et gérer les risques liés aux fluctuations
des taux ainsi que les risques de change et
créer les bases d’une évaluation des performances de la trésorerie. L’ALM permet à
cette dernière d’agir de façon plus rigoureuse et plus ciblée. Son introduction s’est
traduite par la création d’un comité, l’«Asset
and Liability Management Committee» (Alco), qui fixe la stratégie de la trésorerie. Cette
dernière se conforme aux directives de l’Alco.
En matière de gestion, un logiciel moderne
facilite l’évaluation et le contrôle des diffé
rents postes du bilan.
Économie suisse
L’assurance-chômage en 2003
La dégradation du marché du
travail, observée dès le milieu de
l’année 2001, et l’augmentation
parallèle des chiffres du chômage
se sont malheureusement encore
fortement aggravés en 2003. Le
marché du travail répercute ainsi
les tendances récessives auxquelles l’économie est soumise
depuis un certain temps. Heureusement, la situation conjoncturelle s’est améliorée au cours de
l’année 2003. L’économie américaine, qui peut être considérée
comme la «locomotive» de l’économie mondiale, a de nouveau
enregistré fin 2003 des taux de
croissance importants; les craintes déclenchées par la crise et la
guerre se sont nettement amoindries par rapport à l’année précédente, et les marchés boursiers
internationaux ont connu une
bonne année. L’année 2004
L’évolution du chômage
Durant la première moitié de l’année 2003,
le nombre de chômeurs s’est stabilisé à environ 141 000 personnes. La seconde moitié de
l’année, le chômage a montré des signes de
ralentissement importants par rapport aux
mois correspondants de l’année précédente.
Le nombre de personnes qui se sont inscrits
au chômage entre juillet et décembre 2003
était de moitié celui de l’année précédente
pour les mêmes mois. Les chiffres du chômage
évoluent suivant une courbe qui présente un
profil davantage aplani, ce qui indique un renversement de tendance en faveur d’une amélioration de la situation. En 2003, le nombre
des demandeurs d’emplois enregistré était en
moyenne annuelle de 145 687 personnes (soit
+45 183 par rapport à l’année précédente),
ce qui correspond à un taux de chômage de
3,7% (+1,2 point de pourcentage par rapport
à 2002).
Les chiffres globaux des demandeurs
d’emploi (c’est-à-dire la somme des chômeurs inscrits et des demandeurs d’emploi
enregistrés mais non inscrits au chômage) offrent une image quelque peu différente. Tout
au long de l’année, aucune valeur mensuelle
n’a,en effet,donné de signes de recul.Les chiffres n’ont cessé de progresser de janvier à
décembre, passant de 192 586 à 228 245 personnes: le nombre de demandeurs d’emploi
enregistrés était donc en moyenne annuelle
de 206 491, soit 56 882 de plus que l’année
précédente.
Le nombre des chômeurs de longue durée (durée de chômage supérieure à un an)
est passé de 12 548 en moyenne en 2002 à
23 200 en 2003. La proportion des chômeurs
de longue durée, calculée par rapport au
nombre total de chômeurs, a constamment
progressé de 12,6% en janvier à 18,3% en
décembre.
La législation
Le 24 novembre 2002, le souverain a approuvé la révision de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en
cas d’insolvabilité (LACI). Dans ce contexte, il
s’avéra impératif d’apporter, l’année passée,
les nombreuses adaptations nécessaires à l’ordonnance relative à la loi révisée. Il fut simultanément nécessaire d’adapter l’ensemble du
matériel d’information destiné aux bénéficiaires et toutes les directives rédigées à l’intention des organes d’exécution, non sans
oublier de concevoir et de dispenser une formation adéquate aux organes précités. Le
Conseil fédéral approuva la version révisée de
s’annonce donc sous des aupices
favorables.
Dominique Babey
Chef du centre de prestations Marché du travail
et assurances sociales,
Secrétariat d’État à
l’économie (seco), Berne
La dégradation du marché du travail, observée
dès le milieu de l’année 2001, s’est poursuivie
en 2003. En moyenne annuelle, on comptait
cette année-là 145 687 chômeurs, soit 3,7%
de la population. Cela représente une augmentation de 45183 personnes ou 1,2 point de
pourcentage par rapport à 2002.
Photo: Keystone
53 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Économie suisse
Graphique 1
Paiements effectuées par les caisses d’assurance-chômage, 1984–2003
Indemnités de chômage
Indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail
Indemnités en cas d’intempéries
Autres indemnitées
En millions de francs
7000
6000
5000
4000
3000
2000
1000
0
1984–
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
Source: seco / La Vie économique
l’ordonnance le 28 mai 2003. La loi et l’ordonnance entraient en vigueur à la date fixée,
c’est-à-dire au 1er juillet 2003. Eu égard à la faiblesse persistante de la conjoncture, le Conseil
fédéral prit la décision de prolonger la durée
maximale d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail de six périodes de
décompte, ce qui avait déjà été introduite en
septembre 2002.
Tableau 1
Fonds de compensation de l’assurance-chômage: bilan au 31 décembre 2003
2003
2002
Diff. par rapport à 2002
En millions de francs
En %
Actif
1975.3
Liquidités:
Dépôts à terme fixe du fonds de compensation
0.0
Disponibilités du fonds de compensation
419.4
Disponibilités des caisses de chômage
214.8
2895.7
–920.4
0.0
1043.2
231.8
0.0
–623.8
–17.0
Comptes courants/débiteurs
Actifs transitoires
Mobilier
1162.0
171.0
8.1
1386.0
224.9
9.8
–224.0
–53.9
–1.7
Passif
Prestations à payer
Créanciers
Provisions pour application art. 29 LACI
Provisions pour insolvabilité
Autres Provisions à court terme
Passifs transitoires
Emprunts de la Confédération et des cantons
1975.3
0.7
59.6
69.8
150.6
71.2
148.4
0.0
2895.7
1.2
41.2
59.1
141.5
106.9
262.9
0.0
–920.4
–0.5
18.4
10.7
9.1
–35.7
–114.5
0.0
Capital propre au 31 décembre
1475.0
2282.9
–807.9
Capital propre au 1er janvier
Résultat
2282.9
–807.9
279.4
2003.5
2003.5
–2811.4
Capital propre au 31 décembre
1475.0
2282.9
–807.9
–32
–32
Les interventions parlementaires
En 2003, le nombre des interventions parlementaires a de nouveau augmenté par rapport à l’année précédente. Cette année-là, dix
interventions parlementaires (cinq en 2002)
ont concerné le domaine du marché du travail
et de l’assurance-chômage (AC). Les dites interventions portèrent, d’une part, sur les effets
de la loi révisée et entrée en vigueur le 1er juillet 2003, notamment les conséquences de la
réduction de 520 à 400 jours du nombre maximum d’indemnités journalières, et sur la
possibilité de prolonger le nombre maximum
d’indemnités journalières évoqué ci-dessus
dans les régions particulièrement touchées
par le chômage. Les intervenants parlementaires demandaient, d’autre part, de renouveler la prolongation de la durée maximale
d’indemnisation applicable à l’indemnité en
cas de réduction de l’horaire de travail.
Un rapport fut par ailleurs rédigé pour répondre au postulat «Amélioration de la situation des chômeurs malades»; le Conseil fédéral en prit connaissance le 19 décembre 2003 et
le transmit à la Commission de l’économie et
des redevances du Conseil national (CER-CN).
Pour des raisons d’ordre juridique et financier,
ce rapport propose de renoncer à la création
d’une assurance en cas de perte de gain dans ce
contexte.
Justification capital propre
La commission de surveillance
–140
Source: seco / La Vie économique
54 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
L’effectif des membres de la commission
de surveillance de l’organe de compensation de
l’assurance-chômage est resté constant en 2003.
Mme Deborah Walton de la Société suisse des
Économie suisse
entrepreneurs (SSE) a succédé à M. Xavier
Schnyder von Wartensee en qualité de représentant des employeurs. La commission de surveillance, qui assume des fonctions de surveillance, de conseil et de décision dans le domaine
de l’AC, a siégé à quatre reprises durant l’année
considérée (autant que l’année précédente).
La commission de surveillance a notamment traité des dossiers suivants:
– stratégie IT de l’organe de compensation
de l’AC;
– nouvelle conception et détail du système
global Plasta/Sipac 1;
– collaboration interinstitutionnelle (CII);
– magasin de données Lamda («datawarehouse» du système global Plasta/Sipac);
1 Plasta: placement et statistique du marché du travail;
Sipac: systèmes informatisés de paiement des caisses
de chômage.
2 Orte: Observatoire romand et tessinois de l’emploi;
Amosa: Arbeitsmarktbeobachtung Ostschweiz, Aargau
und Zug.
3 ORP: offices régionaux de placement; LMMT: logistique
des mesures relatives au marché du travail; ACt: autorités cantonales.
Tableau 2
Fonds de compensation de l’assurance-chômage:
compte d’exploitation du 1er janvier au 31 décembre 2003
Exercice 2003 a
2002
145 687
3.70
100 504
2.80
Chômeurs inscrits/Moyenne annuelle
Taux de chômage
En milions de francs
Produits
Cotisations des employés et des employeurs
Cotisations AVS/AI/APG sur IC/MMT
Cotisations ANP sur IC/MMT
Cotisations LPP sur IC/MMT
Remboursements de cotisations de frontaliers
Restitutions d’indemnités en cas d’insolvabilité
Participation des cantons aux MMT
Participation financière de la Confédération
Participation financière des cantons
Intérêts créanciers
Produits divers
Recette en dehors de la période
Diff. par rapport à 2002
En millions
de francs
en %
6384.8
5626.5
234.7
136.6
21.7
1.3
14.7
35.2
172.3
57.4
17.2
1.5
65.7
7124.7
6762.0
157.2
91.7
14.3
1.2
15.0
45.2
0.0
0.0
24.0
1.7
12.4
–739.9
–1135.5
77.5
44.9
7.4
0.1
–0.3
–10.0
172.3
57.4
–6.8
–0.2
53.3
–10.4
–16.8
49.3
49.0
51.7
8.3
–2.0
–22.1
–
–
–28.3
–11.8
429.8
Charges
7195.3
Indemnité de chômage
4507.9
Indemnité journalière MMT
247.3
Indemnité en cas de réduction de l‘horaire de travail 201.1
Indemnité en cas d’intempéries
51.3
Indemnité en cas d’insolvabilité
56.7
Mesures individuelles du marché du travail
229.5
Mesures collectives du marché du travail
362.1
Cotisations AVS/AI/APG sur IC/MMT b
469.4
169.8
Cotisations ANP sur IC/MMT b
Cotisations AP sur MMT c
14.9
Cotisations LPP sur IC/MMT b
44.6
Amortissements de cotisations AC
16.4
Remboursements de cotisations frontaliers
253.6
Remboursements de cotisations – séjour de courte durée 9.3
Frais d’administration de l’organe de compensation AC 39.3
Frais d’administration des caisses AVS et CC
15.2
Frais d’administration des caisses de chômage
135.0
Frais d’administration des ORP/LMMT/ACt
360.8
Intérêts débiteurs
0.0
Charges diverses
1.6
Dépense en dehors de la période
9.5
5245.2
3003.8
192.0
182.9
23.7
75.1
165.5
258.9
314.5
91.7
10.6
29.6
16.5
281.4
23.3
37.3
14.3
116.2
319.8
28.0
1.2
58.9
1950.1
1504.1
55.3
18.2
27.6
–18.4
64.0
103.2
154.9
78.1
4.3
15.0
–0.1
–27.8
–14.0
2.0
0.9
18.8
41.0
–28.0
0.4
–49.4
37.2
50.1
28.8
10.0
116.5
–24.5
38.7
39.9
49.3
85.2
40.6
50.7
–0.6
–9.9
–60.1
5.4
6.3
16.2
12.8
–100.0
33.3
–83.9
Résultat I
Participation à fonds perdus de la Confédération
Résultat Il
1879.5
124.0
2003.5
–2690.0
–121.4
–2811.4
–143.1
–97.9
–140.3
–810.5
2.6
–807.9
a La comparaison avec l’exercice précédent est restreinte (LACI révisée au 1er juillet 2003).
b Parts employeurs et employés.
c Parts employeurs uniquement.
Source: seco / La Vie économique
55 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
– convention de prestations des caisses de
chômage;
– observatoire du marché du travail (Orte,
Amosa 2);
– projets de recherche;
– budgets 2004 (organe de compensation;
CCh; ORP/LMMT/ACt 3).
La sous-commission des finances
de la commission de surveillance de l’AC
La sous-commission des finances conseille
la commission de surveillance en matière de
questions financières relatives à l’AC. Elle veille
à ce que la commission de surveillance remplisse
les tâches que la loi lui confie dans ce domaine.
Durant l’année considérée, la sous-commission des finances s’est réunie quatre fois et
a traité les dossiers suivants:
– compte annuel 2002;
– budgets 2004;
– révision de la gestion comptable avec les
résultats obtenus en 2001 et impératifs
pour 2002;
– stratégie de l’assurance-chômage en matière d’investissement;
– convention de prestations 2004 de l’assurance-chômage;
– projet concernant le système de gestion du
portefeuille;
– mise en œuvre de la stratégie IT;
– magasin de données Lamda.
L’organe de compensation de l’AC
Généralités
En 2003, le secteur Exécution du droit a
de nouveau investi beaucoup d’énergie et de
temps dans les problèmes engendrés par la
débâcle économique d’entreprises de grande
importance (Swissair, Swiss Dairy Food, etc.)
et dans les conséquences pratiques et juridiques qui en résultèrent. De nombreuses réunions se sont tenues dans ce contexte et un
volume important de directives a été promulgué. Ces situations se révélant fort complexes,
les organes d’exécution concernés ont, en outre, dû être soutenus dans leurs efforts pour
sauvegarder les intérêts de l’assurance-chômage. Le secteur Exécution du droit assuma
par ailleurs, en partie, le rôle d’interlocuteur
direct vis-à-vis de l’extérieur.
Au cours de l’année considérée, le Tribunal
fédéral des assurances (TFA) a prononcé 383
arrêts (351 en 2002), qui ont permis de clarifier ou de préciser quelques questions juridiques fondamentales. Parmi l’ensemble des
cas litigieux portés devant le TFA, seuls les
cas d’importance majeure, ou faisant l’objet
d’une demande expresse du même TFA, ont
donné lieu à la rédaction d’un avis, comme il
en avait été préalablement convenu.
Économie suisse
Enfin, mis à part l’examen ponctuel des décisions prononcées par les caisses, les autorités
cantonales et les offices régionaux de placement, 5280 arrêts des autorités cantonales
de recours ont dû être contrôlées. 47 recours
(80 en 2002) ont, de plus été soumis à examen
ou à prise de position, aussi bien devant le TFA
que devant les autorités cantonales de recours:
15 d’entre eux (28 en 2002) aboutirent devant
le TFA et 32 (52 en 2002) devant les instances
cantonales. Enfin, la possibilité offerte depuis
le 1er janvier 2003 de faire opposition aux décisions rendues a été invoquée à 34 reprises tandis que 7 plaintes pénales ont été déposées.
Les travaux de révision
La révision des paiements
auprès des caisses de chômage
La révision des paiements auprès des caisses
de chômage a pour but l’application uniforme
du droit, une utilisation des moyens financiers
conforme au droit et la prévention des abus.
Le 1er janvier 2003, 43 caisses de chômage
comprenant au total 162 offices de paiement
contribuaient à l’exécution de l’AC. Durant
l’année considérée, 4033 dossiers de bénéficiaires totalisant des paiements pour environ
110 millions de francs ont été contrôlés dans
73 offices de paiement. Parmi ces dossiers, 392
cas totalisant environ 2,68 millions de francs
ont dû être contestés.
Le contrôle des employeurs
Les dossiers des caisses de chômage ne permettent pas une appréciation définitive de la
légalité des indemnités perçues par les employeurs en cas de réduction de l’horaire de
travail ou d’intempéries. Ainsi, des contrôles
ponctuels sont-ils effectués auprès des employeurs afin de s’assurer que les heures perdues correspondent effectivement à la réalité.
Tableau 3
Répartition des dépenses entre les différentes MMT individuelles, 2002–2003 (en millions de francs)
Durant l’année considérée, 84 entreprises
ont été contrôlées dans le cadre des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail
et 28 dans celui des indemnités en cas d’intempéries. Dans 78 cas, des prestations obtenues ont dû être exigées en retour, totalement
ou partiellement, pour un montant global de
2,33 millions de francs. Suite à des perceptions intentionnelles abusives de prestations,
il a fallu déposer plainte pénale contre 7 employeurs.
Les révisions de la gestion comptable
La révision de la gestion comptable effectuée par le seco auprès des caisses de chômage,des offices régionaux de placement,des
centres de logistique chargés des mesures à
adopter sur le marché du travail et des autorité cantonales a pour but de vérifier la comptabilité financière et l’inventaire des immobilisations.
Le secteur Finances du seco procède à un
examen annuel de la comptabilité des caisses de
chômage ainsi qu’au contrôle périodique par
sondage de l’inventaire. À l’instar de l’exercice
2002, les travaux de révision de la gestion
comptable en 2003 exigèrent l’assistance de
sociétés fiduciaires dûment reconnues.
En 2003, les principales composantes du
programme de révision furent les suivantes:
– conformément aux normes prescrites par
la Chambre suisse des experts comptables,
fiduciaires et fiscaux (Chambre fiduciaire),
aux expériences faites au cours des années
précédentes ainsi qu’aux ordonnances et
directives publiées par le seco, les impératifs en matière de révision ont été fixés par
le Contrôle fédéral des finances (CDF),
l’organe interne de révision de la Direction
du travail du seco (Irda), la société fiduciaire BDO Visura SA et le secteur Finances;
– dans ce contexte, le programme de révision
a été établi en définissant des priorités qui
tiennent compte des risques potentiels et
de la planification pluriannuelle. Dans le
même temps, les notions de responsabilité
propre et de transparence ont fait l’objet
d’un rappel en bonne et due forme.
2003
2002
Frais/débours en matière de cours
191.7
136.7
Allocations d’initiation au travail
29.5
21.6
Allocations de formation
5.7
5.6
Contributions pour frais de déplacement quotidien
1.4
0.9
Les finances
Contributions pour frais de déplacement/séjour hebd.
1.2
0.7
Les cotisations des assurées et les employeurs
Source: seco / La Vie économique
Tableau 4
Répartition des frais d’administration, 2002–2003 (en millions de francs)
2003
2002
Organe de compensation de l’AC
39.3
37.3
Caisses de compensation et CdC de l’AVS
15.2
14.3
Caisses de chômage
135.0
116.2
ORP/LMMT/ACt
360.8
319.8
Source: seco / La Vie économique
56 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
En vertu de la 3 e révision de la LACI, le taux
des cotisations prélevées sur les salaires a été
ramené à 2,5% (3% en 2002) à compter du
1er janvier 2003, tandis que la cotisation de solidarité était fixée à 1% (2% en 2002). Durant
l’année considérée, les cotisations des assurées
et des employeurs se sont élevées à 5626,5 millions de francs (6762,0 millions de francs en
2002). Cela représente une diminution de
1135,5 millions de francs, soit 16,8%, par rapport à l’année précédente.
Économie suisse
En 2003, le secteur Exécution du droit a de
nouveau investi beaucoup d’énergie et de
temps dans les problèmes engendrés par la
débâcle économique d’entreprises de grande
importance comme Swiss Dairy Food, etc.
Photo: Keystone
Les indemnités de chômage
Durant l’exercice écoulé, un montant total
brut de 4507,9 millions de francs d’indemnités de chômage a été versé (3003,8 millions de
francs en 2002), soit 1504,1 millions de francs,
ou 50,1%, de plus que l’année précédente. La
moyenne mensuelle versée s’élève ainsi à quelque 376 millions de francs.
Le nombre de chômeurs s’est élevé en
moyenne annuelle à 145 687 personnes durant
l’année considérée (100 504 pour 2002), ce qui
correspond à un taux de chômage moyen de
3,7% (2,8% en 2002).
Les indemnités journalières liées
aux mesures relatives au marché du travail
Durant l’année considérée, un total de
247,3 millions de francs (192,0 millions en
2002) a été consacré à des indemnités journalières versées à des personnes bénéficiant de
mesures relatives au marché du travail.
Les mesures relatives au marché du travail
Les mesures individuelles relatives au
marché du travail (MMT) ont coûté, durant
l’exercice considéré, 229,5 millions de francs
(165,5 millions en 2002),ce qui représente une
augmentation d’environ 64,0 millions de
francs, ou 38,7%.
57 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Le coût des mesures collectives relatives au
marché du travail a connu, avec 362,1 millions
de francs, une augmentation sensible de 103,2
millions de francs par rapport à l’année précédente (258,9 millions en 2002).
Les remboursements de cotisations aux
États voisins suite au travail des frontaliers
Il s’agit des cotisations de l’AC perçues
après des frontaliers qui travaillent en Suisse
mais résident à l’étranger. En sa qualité d’État
sur le territoire duquel l’activité professionnelle s’exerce, la Suisse est tenue, en vertu de
différents accords, de verser aux États frontaliers ces montants en couverture du risque de
chômage complet. 253,6 millions de francs ont
ainsi été transférés durant l’exercice écoulé
(281,4 millions de francs pour 2002).
Résultat
Le résultat d’exploitation de l’exercice de
l’année passée se clôt sur un déficit de 807,9
millions de francs (contre un excédent de
2003,5 millions de francs en 2002).
International
La force insoupçonnée de l’économie colombienne
L’image de la Colombie est souvent associée à ses problèmes
politiques internes, à la violence
et à la drogue. Depuis près de
quarante ans, le pays souffre
d’un conflit armé dont la solution
paraît bien lointaine, même si
le gouvernement colombien lui
donne la priorité. Ces problèmes
entravent le développement économique du pays dont les atouts
et le potentiel sont importants.
En effet, le pays offre de véritables opportunités économiques
aptes à séduire les entreprises
étrangères. Les relations économiques qui lient la Colombie à la
Suisse méritent par ailleurs de
meilleures conditions-cadres que
celles qui existent actuellement.
Traiter de l’économie de ce pays,
23% des exportations suisses vers la Colombie se composent de machines, un domaine où notre pays possède
un savoir-faire reconnu. En illustration: installation d’une turbine à gaz suisse dans une centrale en Colombie.
Photo: Keystone
c’est donc l’approcher sous un
angle peut-être moins connu
mais de réelle importance.1
Un potentiel économique
de première importance
Avec 4% du PIB de l’Amérique latine,
la Colombie se place au cinquième rang
des économies de la région après le Mexique,
le Brésil, l’Argentine et le Venezuela. Ses
45 millions d’habitants lui confèrent également la troisième place parmi les pays les
plus peuplés d’Amérique latine après le Brésil et le Mexique,ce qui,en termes de consommateurs, représente un marché non négligeable.
1 Le présent article n’abordera pas les questions
politiques en elles-mêmes.
Andréa Schmid-Riemer
Relations économiques
bilatérales Amériques,
Secrétariat d’État
à l’économie (seco),
Berne
58 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
La Colombie est un pays fort diversifié. C’est
le troisième pays agricole d’Amérique latine après
l’Argentine et le Brésil; ses principaux produits
d’exportation en ce domaine sont les fleurs et le
café, dont elle est respectivement la première et
deuxième productrice au monde. Elle est aussi
riche en matières premières (or,charbon,pétrole)
et occupe le premier rang dans le monde pour sa
production d’émeraudes. C’est sur cette double
base agricole et minière que la Colombie a pu se
doter d’un secteur industriel très développé et
étendu (deuxième après le Brésil).
Le pays bénéficie, en outre, d’une situation
géographique favorable puisqu’il a accès aux
océans Pacifique et Atlantique. De plus, il dispose d’une infrastructure développée (ports et
aéroports importants). Les entreprises étrangères l’apprécient également pour le niveau
d’instruction dont jouit sa population. Les
faibles coûts de production constituent un autre
facteur favorable pour le secteur privé. Le bas
niveau du coût de la vie se répercute cependant
sur le chiffre d’affaires réalisé dans le pays,souvent inférieur à celui d’autres États de la région
à la population moins nombreuse.
International
La Colombie constitue donc un marché
intéressant malgré sa situation politique et
l’insécurité qui y règne. Celle-ci a quelque peu
diminué ces derniers temps, essentiellement
dans les villes, mais les problèmes sont encore
loin d’être résolus. À l’heure actuelle, une solution négociée avec les différentes forces en
présence semble difficile. La situation au niveau politique interne se répercute sur l’économie. Le coût du conflit armé sur le PIB est
réel et freine la croissance économique du
pays. Malgré cet environnement difficile, la
résistance de l’économie colombienne démontre qu’elle recèle encore des potentiels
inexploités.
La croissance économique a conservé un
rythme modéré ces dernières années. Elle a,
toutefois, fait preuve d’une certaine régularité – sauf lors de la phase de récession de
1999/2000 – et évité les soubresauts qui faisaient alterner fortes expansions économiques
et crises graves dans d’autres pays de la région.
La politique financière est saine. Faisant exception dans la région, la Colombie n’a jamais
dû recourir au rééchelonnement de sa dette
extérieure, même si celle-ci atteint aujourd’hui un niveau plutôt élevé. Les institutions
sont stables et le cadre législatif favorise l’activité économique.
Des conditions d’existences difficiles
pour les entreprises
Si les conditions économiques sont bonnes, l’environnement politique et le conflit
armé sont des facteurs d’insécurité qui entravent l’activité économique, surtout à l’intérieur du pays,dans les campagnes et le long des
axes routiers. Les risques d’enlèvement sont
réels – plusieurs cas ont été recensés dans le
passé – bien que la situation se soit améliorée
ces dernières années. Les grandes entreprises
courent en outre le risque d’être prises à parti
dans le conflit interne et de se heurter aux
syndicats, ce qui peut ternir leur image.
Colombie: principales données économiques, 2001–2004
PIB/habitant (USD)
2004
a
2001
2002
2003
81.7
81.1
77.8
88.8
2027.3
1980.3
1870.8
2101.0
Taux de croissance du PIB (en %)
1.4
1.8
3.6
4.0
Taux d’inflation (en %)
7.8
6.3
7.1
5.7
Taux de chômage (en %)
16.7
15.7
14.2 (est.) 13.6
Solde budgétaire (en % du PIB)
–5.7
–6.3
–5.2 a
–4.8
Solde des transactions courantes (en % du PIB)
–1.5
–1.9
–1.8
–2.3
Dette extérieure totale (en % du PIB)
47.6
52.8
48.2 a
47.9
Service de la dette (en % des exportations)
50.1
64.0
60.6 a
46.3
8.0
7.9
7.2 a
7.1
Réserves (en mois d’importations)
a Projections.
La reprise a commencé en 2003
En 2003, l’économie colombienne a connu
un développement favorable avec un taux de
croissance de 3,7%. Pour 2004, les prévisions
se situent entre 3,5 et 4,0%. L’investissement
a connu une hausse importante l’année dernière, en particulier dans le secteur industriel
et de la construction. Si bon nombre de Colombiens ont retrouvé confiance et rapatrié
leurs capitaux, les taux d’intérêts élevés proposés par le gouvernement ont également
attiré de nombreux investisseurs étrangers.
Ces placements sont par leur nature même
volatiles et leur brusque retrait pourrait provoquer une crise grave.
Les exportations colombiennes progressent. La demande en charbon a, en particulier,
fortement augmenté ainsi que celle en produits non traditionnels (fleurs p. ex.), lesquels
prennent de plus en plus d’importance par
rapport à l’ensemble des exportations. L’ouverture du marché étasunien, négociée dans le
cadre du programme de lutte contre le trafic
de drogues, a permis à la Colombie d’exporter
davantage vers son grand voisin du nord et
premier partenaire économique – en particulier des produits textiles dont l’essor est important – et de profiter de la reprise qui s’y dessinait.
Les relations économiques
helvéto-colombiennes
Promouvoir la paix et
coopérer au développement
Tableau 1
PIB (en milliards d’USD)
Sur le plan législatif, les entreprises bénéficient d’un environnement favorable, si ce
n’est en matière de protection de la propriété
intellectuelle: pour les produits chimiques la
législation est, en particulier, par trop changeante et d’une efficacité insuffisante. Cela
pose aussi des problèmes de sécurité et de
santé avec les produits non certifiés, et remet
en cause l’activité coûteuse de recherche et
développement des entreprises actives dans
le secteur.
Source: FMI, EIU / La Vie économique
59 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
La Suisse s’est montrée très active ces dernières années en Colombie dans le domaine
de la promotion des efforts de paix et du respect des droits de l’homme. Elle fait d’ailleurs
partie du groupe des «pays amis» qui ont appuyé les négociations de paix.La Direction du
développement et de la coopération (DDC)
et le Secrétariat d’État à l’économie (seco) y
poursuivent plusieurs projets, la Colombie
ne constituant, toutefois, pas un pays d’intervention prioritaire. La DDC apporte son aide
humanitaire et s’intéresse principalement
aux projets des ONG. Le seco opère dans plusieurs domaines. Il est actif dans la protection
International
Graphique 1
Échanges suisses avec l’Amerique latine,
par pays, 2003
(en %)
de l’environnement et appuie les activités
d’un «Centre de production propre». Il a ouvert une «ligne de crédit verte» visant à soutenir les petites et moyennes entreprises (PME)
colombiennes dont les investissements ont
un effet positif sur l’environnement. Il apporte également son concours à l’Institut
colombien de météorologie en finançant des
équipements destinés à sa modernisation et
en le faisant bénéficier d’une coopération
technique et scientifique. La Colombie peut
en outre faire appel à des facilités de caractère
régional financées par la Suisse.
Des échanges stables
Brésil 36%
Chili 4%
Mexique 24%
Costa Rica 3%
Argentine 7%
Venezuela 2%
Caraïbes 6%
Équateur 2%
Panama 5%
Autres 6%
Colombie 5%
Source: DGD / La Vie économique
Graphique 2
Stock des investissements suisses
en Amérique latine, par pays, fin 2002
(sans les centres «offshore»)
Mexique 33%
Uruguay 5%
Brésil 29%
Équateur 3%
Colombie 9%
Chili 3%
Venezuela 5%
Autres 8%
Argentine 5%
Source: BNS / La Vie économique
2 Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay.
3 Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou, Bolivie.
Le niveau des exportations suisses est demeuré relativement stable ces dernières années, évoluant entre 150 et 200 millions de
francs (187 millions en 2003). Notre pays exporte vers la Colombie des produits chimiques
(31% des exportations), des machines (23%)
et des produits pharmaceutiques (17%). Cette
répartition est traditionnelle des exportations
suisses vers un pays en développement. Les
produits chimiques occupent, toutefois, une
place beaucoup plus importante que normale
en raison des besoins de l’agriculture colombienne. Signalons encore que la Garantie des
risques à l’exportation (GRE) est ouverte pour
la Colombie.
Les importations suisses sont de moindre
importance et se limitent à un volume annuel
de 50 à 100 millions de francs (50 millions
en 2003), exception faite de 2002 où elles
ont plus que doublé en raison de l’octroi
d’une prime à l’exportation en Colombie sur
certains pigments. Les statistiques colombiennes donnent des chiffres plus élevés car
elles incluent les exportations d’or contrairement à la Suisse. De source colombienne, ces
exportations se sont élevées à 117 millions
d’USD en 2003. Outre l’or, la Suisse importe
surtout des bananes, du café, des pierres précieuses, des fleurs, de l’huile de palme et des
instruments et appareils. La Colombie bénéficie du système généralisé de préférences
tarifaires suisse.
représentées en Colombie, autant dans le
secteur industriel (agroalimentaire, machines, construction, mines, pharmacie et chimie) que des services (banques, assurances,
transports, contrôle de qualité, etc.).
La faiblesse des accords économiques
Alors que bon nombre d’autres pays latinoaméricains ont conclu avec la Suisse un accord
de promotion et de protection réciproque des
investissements ou encore une convention de
double imposition, la Colombie n’a jusqu’à
présent conclu qu’un accord commercial... en
1908! Elle n’a, de plus, signé aucun accord sur
la protection des investissements, si ce n’est
avec le Chili depuis peu. Des négociations sont
en cours notamment avec l’Espagne. La Suisse
a paraphé fin 2003 un texte avec la partie colombienne qui nécessite encore une approbation interne. Celle-ci ne montre, par ailleurs,
aucun intérêt à une convention de double imposition. L’attention du pays se focalise sur les
négociations qui entourent le futur accord de
libre-échange avec les États-Unis, et qui viennent de débuter en association avec le Pérou et
l’Équateur. Celui-ci devrait couvrir la protection des investissements et la propriété intellectuelle.
En Amérique latine, la Suisse a conclu des
accords de libre-échange avec le Mexique et
le Chili dans le cadre de l’AELE. Avec les pays
du Mercosur,2 il existe une Déclaration de
coopération visant à terme la négociation
d’un accord de libre-échange. Un rapprochement similaire avec les pays de la Communauté andine des nations (Can),3 dont
la Colombie fait partie, est envisageable,
mais la situation qui y règne actuellement
n’y est guère propice. C’est probablement
aussi la raison pour laquelle les États-Unis
ont engagé des négociations avec les trois
seuls pays susmentionnés. Quant à l’UE,
elle a conclu un accord de nature plutôt
politique avec la Can et des négociations de
libre-échange ne sont pas encore à l’ordre
du jour.
La promotion des relations économiques
Une destination importante
pour les investissements
Avec un stock d’investissements directs
de 1,2 milliard de francs suisses à fin 2002
selon la statistique de la Banque nationale
suisse,la Colombie compte parmi les destinations importantes en Amérique latine (troisième après le Mexique et le Brésil). Les principaux investisseurs étrangers y sont, par
ordre d’importance, les États-Unis (26% des
investissements totaux), l’Espagne (13%), les
îles Vierges (9%), les îles Caiman (9%), Panama (7%) et les Pays-Bas (7%). Bon nombre
d’entreprises suisses de divers secteurs sont
60 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
La dernière visite en Colombie de représentants du monde économique suisse a eu
lieu en 2001. Ce type de rencontre a une utilité
certaine puisqu’il permet de promouvoir les
relations économiques, de soigner les contacts
et de soutenir les intérêts économiques des
deux pays.
Depuis plusieurs années, le Forum économique de Davos offre au président colombien ou à ses ministres l’occasion de venir
en Suisse. Le vice-président colombien Francisco Santos nous a rendu visite en novembre
2003 et un Forum économique a été organisé à Zurich avec l’appui de la Chambre de
International
L’environnement politique et le conflit armé
sont des facteurs d’insécurité qui entravent
l’activité économique, surtout à l’intérieur du
pays, dans les campagnes et le long des axes
routiers. En illustration: Guerrilla du peintre et
sculpteur colombien Fernando Botero (1988).
Photo: Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 1990
commerce latino-américaine et l’Organisme
suisse de promotion des investissements
(Sofi). L’organisation d’un séminaire économique sur la Colombie à Zurich cet automne
avec la participation d’un représentant du
gouvernement colombien est en préparation.
Son objectif sera de mieux faire connaître les
opportunités qu’offre le pays aux milieux
économiques suisses. À Bogotá, il existe une
Chambre de commerce Suisse-Colombie qui
s’efforce de promouvoir les relations économiques entre les deux pays.
Conclusion
Il ne fait pas de doute que la résolution
du conflit politique et des problèmes sociaux du pays constitue une priorité. C’est
pourquoi les activités d’appui et de coopération dans ce domaine sont très importantes.
D’autre part, si les grands marchés pour
l’économie suisse sont indiscutablement le
Mexique, le Brésil et l’Argentine qui bénéficient d’une attention et d’un effort de promotion économique soutenus, le marché
colombien ne doit pas être négligé. Ses atouts
61 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
sont nombreux et, comme d’autres pays de
la région, il dispose d’un potentiel susceptible d’être exploité. La Colombie constitue
une opportunité à saisir pour les entreprises
et les investisseurs suisses.
International
Les énergies renouvelables en Suisse et dans le monde
La Conférence internationale sur
les énergies renouvelables («Renewables2004») qui s’est tenue
à Bonn début juin avait pour but
d’apporter un nouvel élan à ces
sources d’énergie à travers le
monde. 154 pays y participèrent,
dont la Suisse. Il y eut consensus
pour dire que si les énergies renouvelables peuvent contribuer
à diversifier l’approvisionnement
énergétique, elles doivent, toutefois, devenir plus concurrentielles en redoublant d’efforts dans
la recherche, le développement
et la promotion, surtout dans les
pays industrialisés. Les politiques en faveur des énergies
renouvelables des pays présents
à Bonn furent rassemblées
dans un Plan d’action international. La Suisses y contribua
notamment avec le programme
«SuisseEnergie».
Jean-Christophe Füeg
Section Affaires internationales, Office fédéral
de l’énergie (Ofen),
Ittigen/Berne
Ce n’est qu’en 2002, lors des préparatifs
du Sommet mondial pour le développement
durable à Johannesburg, que la thématique
énergétique fut inscrite dans l’Agenda de
l’ONU. Cependant, face à l’opposition des
États-Unis, de la Russie, de la Chine et des pays
en voie de développement, l’UE et la Suisse ne
parvinrent pas à engager la communauté internationale sur la voie d’un accroissement
chiffré de la part des énergies renouvelables
(ER) dans le bilan énergétique de la planète.
Suite à cet échec, le chancelier allemand annonça la tenue d’une conférence internationale sur les ER dans le but de mobiliser pays,
organisations internationales et bailleurs de
fonds autour d’un plan d’action pour un réel
essor des ER.1
La conférence «Renewables2004»
À Bonn, un vent nouveau s’empara des délégués gouvernementaux et industriels présents. La conférence présenta sobrement le
rôle que peuvent jouer les ER, avec leurs mérites et leurs potentiels, mais aussi avec leurs
limites (particulièrement dans le domaine des
transports). Tout le monde fut d’accord pour
accroître le soutien aux ER, et ce pour les raisons suivantes:
– la sécurité de l’approvisionnement en énergie exige une plus grande diversification,
autant géographique (afin de diminuer la
dépendance envers quelques pays exportateurs de pétrole et de gaz naturel) qu’en
sources d’énergie;
– à long terme, il faut s’attendre à une augmentation des prix des énergies fossiles.
Des ER concurrentielles contribueront alors
à maintenir les coûts énergétiques à un
niveau abordable pour l’économie;
– les ER ménagent l’environnement et participent ainsi à la lutte contre le changement
climatique;
– sous certaines conditions, les ER peuvent
considérablement aider à réduire la pauvreté dans les pays en voie de développement et, plus particulièrement, à produire
de l’électricité décentralisée.
L’importance de l’efficacité énergétique,
deuxième pilier d’une politique énergétique
durable, fut mise en avant à maintes reprises. Car, faute d’être une branche industrielle
62 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
disposant de lobbies performants, celle-ci ne
fera jamais l’objet d’une conférence internationale.
Les énergies renouvelables en Suisse
Les ER représentent 21% du bilan énergétique global suisse (y compris 14% d’hydraulique) et presque 60% de la production d’électricité (voir graphique 1 et 2). La Suisse se dota
d’objectifs chiffrés pour la production d’ER
dès 1990 lors de la mise en œuvre du programme «Énergie2000». Elle s’est fixée de
nouveaux objectifs pour l’an 2010 dans le
cadre du programme «SuisseEnergie». Ces
objectifs font partie de la contribution de la
Suisse au Plan d’action international de Bonn
(voir encadré 1). Le bilan de «SuisseEnergie»
de 2001 à 2003 n’est que partiellement satisfaisant: en ce qui concerne la production de
chaleur à partir d’ER, le programme avance
comme prévu, alors que dans le domaine de la
production d’électricité, seuls les deux tiers de
l’objectif ont été atteints.
Un potentiel à exploiter
Dans les années nonante, la production
d’énergie à partir de déchets combustibles et de
bois est celle qui a le plus progressé; elle ne peut,
toutefois, plus guère augmenter. Le potentiel
hydraulique de la Suisse est également très largement exploité. Quant aux «nouvelles» ER 2,
elles recèlent un potentiel considérable. Selon
les experts de la Commission Osel 3, la production d’électricité tirée des «nouvelles» ER pourrait passer de 953 GWh actuellement à 5400
GWh en 2030 et représenter 10% du total produit.L’augmentation de l’efficacité énergétique
est encore plus prometteuse, car celle-ci pourrait s’améliorer de 15% d’ici 2030, ce qui équivaut à 8000 GWh d’électricité économisée.
Environ 5-8% de la production d’électricité suisse est exporté. Les entreprises d’électricité suisses qui fournissent du courant sous
un label «propre» comptent profiter du commerce émergent de «certificats verts» sur le
marché européen de l’électricité. En Suisse,
quelque 60% de la population se voit proposé
du courant «naturemade». En 2002, les ventes
de courant «vert» ont triplé. Environ 5% des
consommateurs sont prêts à payer un surplus
afin de couvrir une partie de leurs besoins en
électricité à partir d’ER.
International
Graphique 1
Les subventions
Bilan énergétique de la Suisse, 2002
Pendant les années nonante environ la moitié des fonds du programme «Énergie2000» –
287 millions de francs au total – était allouée aux
ER. Sous le programme actuel «SuisseEnergie»,
quelque 28 millions de francs sont dépensés
chaque année pour des activités promotionnelles et des projets pilotes ou de démonstration.
Ces fonds amènent à leur tour environ 7 millions de francs de subventions de la part des cantons. Toutefois, les dépenses dans le domaine
de l’efficacité énergétique, où l’impact est plus
grand,ont tendance à croître aux dépens des ER.
Nucléaire, 24.1%
Hydraulique, 14.1%
Pétrole, 45.6%
Charbon, 0.5%
Gaz naturel, 8.9%
Déchets
combustibles,
3.8%
Biogaz, 0.2%
Solaire, 0.4%
Éolienne, 0.004%
Bois,
2.0%
Chaleur ambiante,
0.5%
Source: Ofen / La Vie économique
Graphique 2
Production d’électricité suisse, 2002
Hydraulique, 56.2%
Fossiles, 2.9%
Nucléaire, 39.5%
Déchets
combustibles,
1.15%
Biogaz, 0.17%
Solaire, 0.021%
Biomasse, 0.042%
Éolienne, 0.008%
Source: Ofen / La Vie économique
La recherche et développement (R&D)
Selon une étude de l’Agence Internationale
de l’Énergie (AIE),la Suisse figure parmi les six
pays industrialisés 4 qui ont contribué à 82%
aux dépenses de R&D en ER entre 1990 et
2001. En terme de dépenses par habitant, la
Suisse est parmi les premiers de classe. Actuellement, les dépenses publiques suisses pour la
R&D en ER s’élèvent à 52,2 millions de francs
par an, ce qui représente 30% de la recherche
publique globale dans le domaine de l’énergie.
La Commission fédérale pour la recherche en
énergie (Core) souhaite augmenter la R&D en
ER à 81 millions de francs d’ici 2007, de façon
à ce que celles-ci constituent le poste le plus important de recherche en ce domaine en Suisse.
La Conférence de Bonn lança un appel
pour renverser la tendance à la constante diminution des fonds alloués à la recherche
publique dans les pays industrialisés dans le
domaine de l’énergie en général et tout particulièrement pour les ER depuis les années
quatre-vingt. Sur ce point, la contribution des
États-Unis au Plan d’action de Bonn est d’un
intérêt tout particulier: ceux-ci se sont, en effet, engagés à abaisser d’ici 2012 et 2020, au
travers d’efforts supplémentaires dans la recherche, les coûts des énergies solaire, éolienne
et géothermique à des niveaux prédéterminés,
et donc à les rendre plus compétitives.
Encadré 1
Les cinq propositions de la Suisse au Plan d’action de Bonn
1. Objectifs fixés aux «nouvelles» ER (hormis
l’hydraulique) dans le programme «SuisseEnergie» d’ici 2010:
– augmentation de la part de production
d’électricité à partir de «nouvelles» ER d’un
point, de 1,3% à 2,3% (soit 500 GWh);
– augmentation de la part de production
de chaleur à partir de «nouvelles» ER de
3 points (soit 3000 GWh).
2. Loi sur le CO2 – avec la taxe sur le CO2 qu’elle
stipule – et réforme de l’impôt sur les huiles
minérales dans le but de couvrir 3% de la
consommation avec des biocarburants.
1 Internet: www.renewables2004.de/de/2004/default.asp.
2 On entend par «nouvelles» énergies renouvelables toutes les
ER à l’exception de la (grande) hydraulique, à savoir: l’énergie éolienne, le solaire thermique et la photovoltaïque, la
biomasse, la géothermie, le biogaz, la force des marées et
la petite hydraulique.
3. Rétribution préférentielle, fixée au niveau fédéral, de 15 centimes/kWh pour l’électricité
produite à partir d’ER.
4. Augmentation du financement de la recherche dans le domaine des ER, de 52 millions
de francs actuellement à 81 millions francs
d’ici 2007, selon la proposition de la Commission fédérale pour la recherche énergétique
(Core).
5. Plateforme interdépartementale pour la promotion des ER dans le cadre de la coopération
suisse au développement.
3 Organisation du secteur de l’électricité.
4 Après les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, les Pays-Bas
et l’Italie.
63 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
Les énergies renouvelables dans le monde
Les ER représentent, actuellement, 13,5%
du bilan énergétique mondial.Toutefois,la majeure partie d’entre elles provient de la biomasse (souvent exploitée de manière non durable)
et de la force hydraulique. Les «nouvelles» ER
ne représentent qu’un infime 0,5% de l’apport
énergétique de la planète (voir graphique 3).
Les «nouvelles» ER dans les pays industrialisés
Le potentiel hydraulique est déjà largement
exploité dans les pays industrialisés. Par conséquent, le débat sur la promotion des ER se
focalise surtout sur les «nouvelles» ER. Depuis
les crises pétrolières des années septante, les
pays industrialisés ont consenti des efforts ré-
International
pétés en leur faveur. Cependant, bien que leur
production ait doublé ces trente dernières années en chiffres absolus, leur quote-part dans la
production d’électricité a diminué! Ce sont les
déchets combustibles et la biomasse qui ont – et
de loin – le plus contribué à la croissance des
ER, grâce au progrès technologique et à des
réglementations anti-pollution renforcées. La
Suède,la Finlande et l’Autriche sont les pays qui
ont le plus soutenu la production d’électricité
et de chaleur à partir de la biomasse. En Suisse,
il en a été de même: la plus grande partie de la
croissance provenant de l’incinération des déchets et de la biomasse. Pour ce qui est des énergies éolienne et solaire, seuls quelques pays ont
enregistré des taux de croissance importants
ces dernières années.
Peu de pays pionniers
La part des ER diffère largement selon les
pays en fonction des conditions géographiques
(voir graphique 4). La diffusion de «nouvelles»
ER se concentre en quelques rares pays qui ont
adopté des politiques volontaristes et ambitieuses. Dans le domaine de l’éolien, l’Allemagne,certains États des États-Unis,l’Espagne et le
Danemark réunissent à eux seuls 86% des 21,6
GW installés en 2001 (statistiques les plus récentes). Dans le domaine de la photovoltaïque,
85% des nouvelles installations en 2001 ont été
effectuées au Japon, aux États-Unis et en Allemagne. En géothermie, ce sont les États-Unis, les
Philippines, l’Italie et le Mexique qui présentent
les plus grandes capacités de production.
Pour les industriels impliquées dans ces
technologies, dépendre de quelques marchés
nationaux constitue un risque majeur. Leurs
chiffres d’affaires peuvent, en effet, fortement
chuter si un de ces États pionniers diminue son
soutien aux ER, comme par exemple le Danemark après le changement de gouvernement
en 2001. Heureusement, de nouveaux pays
Graphique 3
Bilan énergétique mondial, 2001
Charbon, 23.4%
Nucléaire, 6.9%
ER, 14%
Pétrole, 35.0%
Gaz naturel, 21.2%
Hydraulique, 2.2%
Biomasse et déchets,
10.8%
Éolienne, solaire et
autres renouvelables,
0.5%
Source: AIE / La Vie économique
64 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
lancent des programmes ambitieux, comme
par exemple la Grande-Bretagne qui, début
2003, a décidé d’exploiter avant tout le potentiel éolien au large de ses côtes.
Les instruments de politique énergétique
Les objectifs chiffrés fixent la part d’ER dans
le bilan énergétique ou électrique d’un pays à
une échéance donnée. Bien que souvent non
contraignants, ces objectifs sont importants,
car ils permettent de cibler la politique énergétique et de mesurer la pénétration du marché. En Suisse, le programme «SuisseEnergie»
fixe de tels objectifs.
L’UE adopta en 2001 une directive visant
à faire passer d’ici 2010 la part des ER dans le
bilan énergétique de 6% à 12% (22,1% dans la
production d’électricité). Or, peu avant la
Conférence de Bonn, l’UE dut admettre que,
vu le retard pris dans de nombreux pays, l’objectif ne sera pas atteint. L’électricité produite
à partir d’ER ne devrait atteindre que 18–19%
du total en 2010. L’UE a aussi adopté une directive afin d’augmenter l’utilisation des biocarburants à 5,75% d’ici 2010 (actuellement
moins de 1%). D’autres mesures pour la promotion des ER dans la production de chaleur
sont en préparation.
L’idée d’objectifs a été vivement controversée lors des préparatifs de la Conférence de
Bonn. Beaucoup de pays en voie de développement, mais aussi quelques pays industrialisés
non européens, considéraient que la méthode
était trop dirigiste. Ceci d’autant plus qu’il est
prévu de soumettre à l’avenir les engagements
pris à un examen, quoique non contraignant,
de la communauté internationale.
Beaucoup de pays en voie de développement considèrent les ER comme un «luxe» en
raison de leurs coûts élevés. Le plus grand défi
que ces pays doivent affronter est la fourniture
d’énergie au meilleur prix à une grande partie
de leurs populations (environ 1,6 milliard de
personnes) qui n’a pas accès à des services en
énergie. Les ER peuvent jouer un rôle subsidiaire, surtout lorsqu’elles remplacent du bois
de cuisson ou de chauffage dont le ramassage
contribue à la déforestation et la combustion à
des maladies respiratoires. Les ER offrent souvent une alternative rentable dans des régions
trop éloignées pour être connectées aux réseaux électriques existants. À Bonn, on a reconnu que ce sont les pays industrialisés qui
doivent, en premier lieu, abaisser les coûts des
ER en intensifiant leur recherche et en les diffusant plus largement sur leurs marchés. Les
opinions divergent également entre Nord et
Sud quant à la grande hydraulique, obligeant
surtout les pays latino-américains et africains
à prendre sa défense contre les pressions d’organisations environnementales du Nord.
International
Graphique 4
Energies renouvelables dans quelques pays, 2001
Hydraulique
Éolienne
Solaire
Geothermie
Biomasse, Déchets
Suisse (16.2)a
Allemagne (2.6)
Autriche (21.5)
Danemark (10.4)
France (6.8)
Italie (5.7)
Norvège (45.0)
Finlande (23.0)
Islande (72.9)
Espagne (6.5)
Suède (29.1)
0%
20%
40%
60%
a Les chiffres entre parenthèses expriment la prop. d’ER dans l’approvisionnement énergétique général du pays.
5 À titre de comparaison: l’ensemble du parc suisse
s’élève à 17,3 GW.
Malgré cela, beaucoup de pays inscrivent
leurs objectifs nationaux dans le Plan d’action
de Bonn, même si nombreux sont ceux qui, en
Europe comme en Amérique latine, ne font
que répéter des plans déjà arrêtés. La contribution de la Chine suscita beaucoup d’attention: d’ici 2010, les capacités de production à
partir d’ER doivent atteindre 60 GW 5, ce qui
correspondra à 10% du parc électrique. Elles
se partageront en 50 GW d’hydraulique, 5 GW
de biomasse, 4 GW d’éolienne et 0,5 GW de
solaire. À remarquer également l’annonce de
la Banque Mondiale et de la Banque Euro-
Encadré 2
Les mesures en politique énergétique
Il existe un grand nombre de politiques et de
mesures énergétiques. Il est souvent difficile de
mesurer l’impact de chacune d’entre elles, car
beaucoup sont utilisées simultanément et quelques-unes sont trop récentes pour être évaluées.
Malgré tout, les tarifs préférentiels et le système
des quotas semblent être les plus efficaces.
ges ou des petites entreprises, d’injecter l’électricité excédentaire produite par leurs propres systèmes (p.ex. des panneaux solaires) dans le réseau électrique. Certains critiquent le fait que ces
tarifs, qui sont fixés de manière administrative,
ont tendance avec le temps à créer des distorsions
sur le marché et à freiner l’innovation.
Les tarif préférentiels
Les tarifs préférentiels furent introduits pour
la première fois en 1978 aux États-Unis. Au début
des années nonante, la Suisse, l’Allemagne et le
Portugal furent les premiers en Europe à introduire ce système à présent largement répandu.
L’électricité produite à partir d’ER est rétribuée
à un tarif garanti couvrant partiellement ou entièrement les coûts de production. Le tarif peut
être fixé en fonction du type d’ER. Les coûts supplémentaires occasionnés par ces tarifs sont normalement imputés aux consommateurs. Il est important que l’opérateur du réseau électrique soit
obligé d’acheminer en priorité le courant produit
à partir d’ER. Ce système a permis une croissance
considérable des ER en Allemagne, au Danemark
et en Espagne; il est aussi utilisé par quelques
pays en voie de développement comme le Brésil.
Une forme dérivée de ce système est le «net metering» utilisé surtout au Japon, en Thaïlande et
dans 38 États des États-Unis. Il permet à de petits
«producteurs» décentralisés, comme des ména-
Le système des quotas
Le système des quotas fut introduit pour la
première fois en 1990 par les Pays-Bas et est
actuellement utilisé en Australie, Autriche,
Grande-Bretagne, Italie, Irlande et dans treize
États des États-Unis. Beaucoup le considère
comme une forme d’encouragement aux ER davantage compatible avec les règles du marché.
Le principe est d’obliger les compagnies d’électricité à couvrir une partie croissante (quota)
de leur fourniture d’électricité avec des ER. La
compagnie peut produire ce quota dans ses propres centrales ou l’acheter – ce qui est relativement nouveau dans quelques pays – sur le marché («certificats verts»). Il appartient à la compagnie de choisir le type d’ER qu’elle voudra produire, ce qui favorise les ER les plus concurrentielles. En cas de non-respect des quotas, des
amendes sont infligées. Celles-ci sont particulièrement salées au Texas (50 USD par MWh), si bien
que la construction de capacités renouvelables a
dépassé les objectifs espérés.
65 La Vie économique Revue de politique économique 8-2004
80%
100%
Source: AIE / La Vie économique
péenne d’Investissements d’augmenter la proportion de projets en ER dans leurs portefeuilles de projets énergétiques. En général,
les projets en ER sont difficiles à financer car
jugés trop petits et trop risqués.
Aides étatiques
La plupart du temps la diffusion des ER sur
les marchés ne peut se faire qu’avec des aides
étatiques considérables, comme des fonds de
recherche, des aides à l’investissement, des déductions fiscales ou des tarifications préférentielles.Dans un cas de figure idéal,de telles aides
doivent être dégressives et ne durer que jusqu’au moment où l’ER subventionnée devient
concurrentielle. Le subventionnement d’ER a
permis des percées technologiques et des diminutions de coûts indéniables, particulièrement
pour l’énergie éolienne au Danemark, qui est
devenue quasiment concurrentielle par rapport aux énergies conventionnelles.
Les défenseurs des ER font valoir que les
énergies conventionnelles bénéficient de subventions autrement plus importantes. En effet,
les subventions aux énergies conventionnelles
sont estimées à plus de 150 milliards de dollars
par an dans le monde. Le subventionnement de
la production d’énergie dans les pays industrialisés sous forme d’aide aux mines de charbon,
de garanties pour les centrales nucléaires ou
d’allègements fiscaux pour des projets pétroliers ou gaziers, est largement connu. Dans les
pays en voie de développement et de transition
le subventionnement de la demande à travers
les prix est un sujet hautement politique. Ces
subventions sont tout aussi nuisibles, car elles
contribuent au gaspillage et empêchent les
compagnies étatiques d’électricité d’effectuer
les investissements nécessaires.
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