Détection d`un pic en fraction bêta par électrophorèse capillaire

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Biologie au quotidien
Ann Biol Clin 2013 ; 71 (2) : 196-8
Détection d’un pic en fraction bêta par électrophorèse
capillaire : interférence due à l’ioméprol
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Detecting a peak in fraction beta by capillary electrophoresis:
interference due to iomeprol
Julien Wils1,2
Alain Lavoinne2
Christine Vaillant1
1 Laboratoire de biologie médicale, CHI
Elbeuf, Louviers, Val de Reuil, France
2
Laboratoire de biochimie médicale,
Institut de biologie clinique, CHU
Charles Nicolle, Rouen, France
<[email protected]>
Article reçu le 19 juin 2012,
accepté le 17 décembre 2012
Résumé. L’électrophorèse capillaire des protéines sériques est une technique
de plus en plus employée en biologie médicale. Nous rapportons le cas
d’une interférence de l’ioméprol, produit de contraste iodé, dans un contexte
d’insuffisance rénale aiguë chez un patient de 53 ans.
Mots clés : électrophorèse capillaire, ioméprol, interférence analytique, insuffisance rénale aiguë
Abstract. Capillary zone electrophoresis for analysis of serum proteins, is a
technic more and more used in laboratory medicine. We report the case of an
interference of iomeprol, radioopaque agent, in a context of acute renal failure
and aregenerative anemia in a 53 year-old patient.
Key words: capillary electrophoresis, iomeprol, analytical interference, acute
renal failure
L’électrophorèse capillaire des protéines sériques dans
les laboratoires de biologie médicale tend à remplacer l’électrophorèse en gel d’agarose. Dans ce contexte
d’utilisation accrue de cette méthode analytique, nous rapportons le cas d’une interférence par un produit de contraste
iodé lors de l’électrophorèse capillaire, ayant fait suspecter
une gammapathie monoclonale chez un patient de 53 ans.
L’observation
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Pour citer cet article : Wils J, Lavoinne A, Vaillant C. Détection d’un pic en fraction bêta par électrophorèse capillaire : interférence due à l’ioméprol. Ann Biol Clin 2013
; 71(2) : 196-8 doi:10.1684/abc.2013.0799
doi:10.1684/abc.2013.0799
Monsieur L., 53 ans est hospitalisé en réanimation pour
une insuffisance rénale aiguë oligo-anurique. Le patient
a présenté, comme antécédent notable, une maladie de
Crohn traitée par adalimumab et corticoïdes. Une proctectomie avait été réalisée un mois avant l’hospitalisation
pour une nouvelle poussée de la maladie. Le bilan biologique réalisé au cours du séjour en chirurgie présente
les résultats suivants : 110 g/L pour l’hémoglobine (130170 g/L), une créatininémie à 61 ␮mol/L et une calcémie
à 2,2 mmol/L (2,2-2,6 mmol/L). Une électrophorèse des
protéines sériques (Minicap® , Sebia, France) réalisée à ce
moment retrouve un profil inflammatoire.
Les résultats biologiques à l’admission en réanimation sont
les suivants : créatininémie à 1 485 ␮mol/L (59-104),
kaliémie à 6 mmol/L (3,5-4,5), CRP à 269 mg/L (< 5),
hémoglobine à 74 g/L avec un volume globulaire moyen de
85 fL (80-100 fL), des réticulocytes à 25 G/L (> 80 G/L),
des plaquettes à 291 G/L (150-450 G/L), des leucocytes
à 10 G/L dont 8 G/L de polynucléaires neutrophiles, et
une concentration de fibrinogène de 8 g/L (2-4). Le patient
bénéficie alors d’une épuration extrarénale en urgence.
Deux jours après le début de l’hospitalisation, un myélogramme est réalisé devant l’association de l’anémie et de
l’insuffisance rénale aiguë. L’observation des frottis médullaires met en évidence une richesse cellulaire évaluée à 4 sur
5, avec une plasmocytose médullaire à 7,5 % (pourcentage
normal inférieur à 5 %) des cellules médullaires, constituée
de plasmocytes non dystrophiques. Les lignées granuleuses,
plaquettaires et érythroblastiques ne présentent ni anomalies quantitatives ni qualitatives. Le dosage pondéral des
immunoglobulines retrouve les concentrations suivantes :
IgG : 10,5 g/L (7-14), IgA : 6,5 g/L (1-3,5), IgM : 0,4 g/L
(0,5-3).
Trois jours après le début de l’hospitalisation,
l’électrophorèse des protéines sériques sur Minicap®
montre un profil inflammatoire et la présence d’un pic au
début de la fraction des bêta-2-globulines, associé à une
restriction d’hétérogénéité dans la fraction des gammaglobulines (figure 1A) avec un sérum limpide. La protidémie
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Pic bêta par interférence de l’ioméprol
est égale à 58 g/L, et les concentrations des autres fractions
de l’électrophorèse sont : 20,8 g/L d’albumine (40,2-47,6),
6,1 g/L de fraction alpha 1 (2,1-3,5) ; 9,8 g/L de fraction
alpha 2 (5,1-8,5) ; 2,4 g/L de fraction bêta 1 (3,4-5,2) ;
8,2 g/L de fraction bêta 2 (2,3-4,7), 10,7 g/L de fraction
gamma (8,0-13,5). La fibrinogénémie est de 9 g/L (24 g/L). Une immunofixation (Hydragel 4 IF) sur Hydrasys®
(Sebia) a été réalisée à notre initiative à partir du même
échantillon et ne retrouve pas de protéine monoclonale.
La protéinurie des 24 heures est mesurée à 200 mg/24 h
(< 150 mg/24 h) avec une diurèse des 24 heures de
40 mL. L’électrophorèse des protéines urinaires (Hydragel
5 protéinurie, Sebia) sur Hydrasys® montre un profil de
protéinurie mixte et l’absence d’anomalie évoquant une
protéine de Bence Jones.
Après avoir éliminé une gammapathie monoclonale,
nous avons donc suspecté une interférence analytique.
L’hypothèse d’une interférence était corroborée par une
nouvelle électrophorèse, réalisée à partir du sérum prélevé
au début de l’hospitalisation, au cours de laquelle il n’était
pas objectivé de pic (figure 1B). La consultation du dossier
A
B
Figure 1. A. Profil électrophorétique du patient le jour suivant
l’injection de produit de contraste iodé. Pic au début de la fraction bêta 2 (flèche). B. Profil électrophorétique du patient 2 jours
avant l’injection de produit de contraste iodé.
Ann Biol Clin, vol. 71, n◦ 2, mars-avril 2013
du patient a retrouvé l’injection intraveineuse de 90 mL
d’ioméprol (Altana pharma, Mée-sur-Seine, France), un
produit de contraste iodé, lors de la réalisation d’un scanner abdomino-pelvien, la veille du prélèvement sanguin
pour l’électrophorèse. À partir d’un échantillon de sérum
prélevé chez ce patient pour le suivi biologique en hémodialyse, un mois après l’hospitalisation, deux électrophorèses
capillaires des protéines sériques ont été réalisées, l’une
sans le produit de contraste, l’autre avec l’ioméprol dilué
au 1/200e . La présence d’un pic dans la fraction bêta a
été de nouveau retrouvée avec l’ioméprol dilué au 1/200.
L’hypothèse retenue, quant à la présence du pic, a donc été
la présence du produit de contraste, ioméprol, absorbant à
200 nm.
Discussion
La proportion de laboratoires de biologie médicale utilisant l’électrophorèse capillaire pour l’étude des protéines
sériques augmente au fil des années en France, comme
en témoigne le dernier contrôle national de qualité des
analyses de biologie médicale de l’ANSM (anciennement
Afssaps), comportant une évaluation des méthodes électrophorétiques [1], qui note une part égale d’utilisateurs
d’électrophorèse capillaire et en gel d’agarose (44 %), alors
que l’année précédente l’utilisation de la technique en gel
d’agarose était encore majoritaire. Dans ce contexte, il est
important pour le biologiste de connaître les limites de cette
technique notamment les interférences analytiques possibles, comme il est fait cas ici. Contrairement à la méthode
en gel d’agarose, la quantification des différentes fractions
protéiques n’est pas réalisée par densitométrie mais par
détection à 200 nm, grâce à un filtre UV, longueur d’onde
d’absorption des liaisons peptidiques [2]. Il est nécessaire
d’insister sur cette interférence aux produits de contraste
iodé en électrophorèse capillaire car même si elle a déjà été
décrite dans la littérature [2, 3], l’ioméprol migre dans la
fraction bêta, alors que la majorité des produits de contraste
iodé migre dans la fraction alpha 2 [3]. L’ioméprol est un
produit de contraste iodé monomérique non ionique, couramment utilisé en imagerie médicale. Ce produit ne se
fixe pas aux protéines plasmatiques et n’est pas métabolisé
par l’organisme [4], l’interférence est causée par le niveau
de migration de l’ioméprol au cours de l’électrophorèse
capillaire et par son spectre d’absorption [3]. Ce produit de contraste iodé est éliminé par le rein, la clairance
du produit est donc diminuée chez les patients avec une
insuffisance rénale [5]. Le prélèvement sanguin ayant été
réalisé moins de 24 heures après le scanner, le produit de
contraste iodé était encore vraisemblablement présent à une
concentration sérique importante chez le patient. Chez deux
patients avec une fonction rénale non altérée et bénéficiant
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d’une angiocardiographie avec de l’ioméprol, il a été montré que l’interférence du produit en électrophorèse capillaire
disparaissait dès 24 heures après l’examen radiologique
[6]. L’incidence de cette interférence par les produits de
contraste iodé en électrophorèse capillaire a été estimée à
4 ‰ [3].
Afin d’éviter cette interférence il peut être recommandé
au clinicien de ne pas prescrire d’électrophorèse des protéines sériques dans les jours suivant l’injection de produit
de contraste iodé [3].
leurs conseils et leurs relectures attentives du manuscrit
ainsi que Madame Posedko (Sebia) pour son assistance
technique.
Liens d’intérêts :
aucun.
Références
1. Afssaps. Annales du contrôle national de qualité des analyses de biologie médicale de biochimie et immunopathologie. Paris : Afssaps, 2010.
2. Le Carrer D, Bach-Ngohou K. L’électrophorèse capillaire automatisée
en biologie Clinique. Spectra Biol 2005 ; 146 : 47-52.
Conclusion
Ce type d’interférence, bien que rare, doit être connue
du clinicien, afin d’éviter la prescription d’une électrophorèse des protéines sériques en méthode capillaire,
en cas d’examen radiologique avec injection de produit
de contraste iodé récent. Le biologiste doit être vigilant
quant aux interprétations erronées de pics artefactuels à
l’électrophorèse capillaire des protéines sériques.
Remerciements. Nous remercions Mesdames le Docteur
Sophie Claeyssens et le Professeur Soumeya Bekri pour
198
3. Bossuyt X, Mewis A, Blanckaert N. Interferences of radio-opaque
agents in clinical capillary zone electrophoresis. Clin Chem 1999 ; 45 :
129-30.
4. Rosati G. Clinical pharmacology of iomeprol. Eur J Radiol 1994 ;
18 : 51-60.
5. Lorusso V, Taroni P, Alvino S, Spinazzi A. Pharmacokinetics and
safety of iomeprol in healthy volunteers and in patients with renal impairment or end-stage renal disease requiring hemodialysis. Invest Radiol
2001 ; 36 : 309-16.
6. Vermeersch P, Mariën G, Bossuyt X. Pseudoparaproteinemia related
to iomeprol administration after angiocardiography : detection in the beta
fraction by capillary zone electrophoresis. Clin Chem 2006 ; 52 : 2312-3.
Ann Biol Clin, vol. 71, n◦ 2, mars-avril 2013
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