Introduction : Les concepts de gouvernance et de développement humain durable et leur genèse Dans les années 90, très peu de concepts ont suscité autant de discussions et de controverses, que ceux de «développement humain durable et de bonne gouvernance». Aujourd’hui, ils ont totalement investi (envahi) le champs de l’analyse économique, politique et sociale. Non seulement, ils sont présentés comme des critères de bonne gestion qui ouvrent plus facilement l’accès à certaines ressources des institutions internationales de financement du développement mais progressivement ils sont déclinés comme éléments d’une probable conditionnalité dans les relations futures de partenariat avec certains bailleurs de fonds. Malgré ce rôle clef, ils continuent de susciter beaucoup de débats pas seulement dans le monde académique mais aussi dans d’autres secteurs d’opinion de la société civile. Cette importance appelle un certain nombre de clarifications sur la manière dont ces concepts opèrent dans des économies traversées par de graves crises et qui s’engagent dans des processus très amples de réformes économiques, politiques et sociales. C’est le cas notamment du Sénégal qui entreprend depuis une trentaine d’années son redressement économique et financier à travers une séries de programmes d’ajustement structurel. L’objectif de ce Rapport National vise à produire un document de référence sur la gouvernance et le développement humain durable en fournissant une base empirique et conceptuelle permettant de faire progresser la réflexion sur ces questions. C’est pourquoi l’option prise et de fournir de manière structurée, le maximum de données et d’informations susceptibles d’éclairer les situations et d’alimenter le débat national sur les questions impliquées par la gouvernance et le développement humain durable au Sénégal. Au paravent, sans entrer dans les débats sur les concepts de développement humain et de bonne gouvernance, il importe de préciser leur contour pour mieux cerner les réalités q’ils couvrent réellement. 1°) La notion de développement humain. En l’espace de dix ans, le PNUD à travers ses Rapports mondiaux sur le développement humain, a réussi à replacer l’être humain au cœur des débats de la société et des voix s’élèvent de plus en plus pour réfléchir, et systématiser une approche aussi féconde et difficile à cerner que le développement humain durable (DHD). En mettant au centre la croissance économique, la modernisation de nos sociétés s’accompagne de toutes sortes d’exclusions. Les rapports de pouvoir économique ont surclassé les préoccupations de bien-être. Et comme le progrès scientifique et technique refuse le retour en arrière, il faut explorer de nouvelles approches qui puissent entraîner la mobilisation de tous les secteurs de la société. Cela aura une conséquence sur les réformes qui permettront une meilleure prise en compte du surplus de richesse créée et faciliteront un large consensus social par le biais du jeu démocratique. Alors le débat sur le mode de répartition et de redistribution des richesses se fera sur des bases claires et saines. Ce sont donc toutes les institutions, les structures, les comportements et les conduites qui doivent être remis sur le chantier en vue de replacer l’être humain au centre des préoccupations, en s’attachant à sa dignité comme sujet multidimensionnel et non pas en simple objet. Autrement dit, c’est l’environnement en entier qu’il faut réajuster à la réalité humaine. Il apparaît clairement qu’il a fallu au PNUD, un recentrage assez conséquent et une séparation d’avec les balises du cadre de référence dominant pour s’élever, se hisser et promouvoir le concept du développement humain durable. Le concept se définit comme étant un mode de développement qui ne se contente pas de susciter une croissance économique mais qui en répartit équitablement les fruits, qui régénère l’environnement au lieu de le détruire et qui permet aux acteurs de s’affirmer et d’avoir une influence sur les cours de leur existence au lieu de subir ou alors d’être marginalisés. Il donne la priorité aux pauvres et élargit l’éventail de leurs possibilités et de leur choix. Il devient évident qu’à l’orée du troisième millénaire, il est important d’apprécier un mode d’organisation sociale par sa capacité à allonger une vie, à fournir l’accès au savoir, à offrir une bonne santé et à renforcer la participation des populations aux prises de décision qui engagent leur avenir. De telles préoccupations font l’objet de mesures et d’estimations quantitatives inscrites et traduites à travers différentes indices synthétiques. Fondamentalement, une pareille approche remet en question les idéologies, les mythes, les thèses longtemps présents dans nos sociétés. Dès lors, plus qu’une simple notion, le DHD structure un paradigme. Il fait référence à un système complet de modèles : modèles de production, modèles de répartition, modèles d’institutionnalisation, modèles de socialisation. Plus succinctement, il gravite autour d’une série de paramètres qu’on peut ramener à quatre ; la productivité, la durabilité, l’équité sociale et la maîtrise par les hommes de leur destin. Par ailleurs, il convient de reconnaître qu’un tel paradigme est plus vaste que les théories classiques du développement économique, jusqu’ici connues : ◊ les modèles de croissance endogène ou autres qui mettent l’accent sur les facteurs de production et leur articulation dans des fonctions de production réduisent en vue de l’accroissement pendant une période d’une grandeur de dimension comme le PIB ou le PNB ; ◊ les théories du “Welfare Economics” qui considèrent des usagers et des bénéficiaires de biens collectifs sans pour autant s’interroger sur leur valorisation en tant qu’acteurs de base des processus décisionnels ; et ◊ la perspective de biens essentiels se penche sur les démunis au mépris de l’expansion des capacités et des opportunités qui s’offrent aux hommes. Toutes ces théories ont chacune une faiblesse manifeste tandis que celle du Développement humain, tire sa légitimité dans une philosophie universaliste, en cela qu’elle se fonde sur le refus de toute forme d’injustice, d’exclusion et de discrimination. Avec elle aujourd’hui, un recentrage symptomatique s’est opéré autour de la priorité aux pauvres et de l’élargissement de leur liberté de choix et leur décision. En définitive, il s’avère que les deux termes développement humain durable et bonne gouvernance sont complémentaires et qu’ils n’entretiennent aucune relation d’exclusion. Mieux, la bonne gouvernance est une condition sine qua none du DHD. La poursuite du DHD, comme objectif ultime de l’action humaine suppose dès lors le réaménagement de la manière de gouverner. 2°) La notion de bonne gouvernance Cela fait une bonne dizaine d’années que le concept de « Bonne gouvernance » a fait irruption dans le domaine du développement. La notion est apparue en 1989, dans une étude de la banque mondiale. Elle n’a cessé, depuis , d’être évoquée dans les publications des chercheurs, les injonction des bailleurs de fonds ou les discours des gouvernements. Comment expliquer pareil succès aussi rapide ? Pour qu’un concept soit aussi rapidement popularisé par des milieux aussi divers, il faut qu’il réponde précisément à des préoccupations centrales du système dont il est issu. On serait donc tenté de croire que l’apparition de la gouvernance correspond à un changement de paradigme dans la problématique du développement. Il s’agissait à l’époque, pour les promoteurs des programmes d’ajustement structurel (PAS), de corriger l’approche « économiciste » de ces programmes et de mettre davantage l’accent sur l’importance de leur environnement normatif et institutionnel. Dans les années 90, la dislocation de certains Etats - tant en Afrique qu’en Europe de l’Est- ainsi que les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des PAS, ont conduit la Banque mondiale è redécouvrir la dimension institutionnelle du marché, déjà très présente chez Adam SMITH On s’est alors enthousiasmé pour les questions touchant au bon fonctionnement des institutions. L’enjeu consistait à trouver les moyens de faire fonctionner efficacement les mécanismes de marché, donc d’éliminer les dernières rigidités qui auraient pu gêner l’ajustement de l’offre et de la demande par les prix. C’est dans un tel contexte, caractérisé par le regain de vigueur de la théorie institutionnelle du marché et la défiance persistante vis-à-vis d’une gestion gouvernementale jugée responsable de la crise, que la Banque mondiale a recouru pour la première fois au concept de bonne gouvernance. Les distorsions qui caractérisent le fonctionnement des marchés ne pouvaient avoir qu’une origine, à savoir : les décisions des arbitraires et imprévisibles des Etats. Responsabilité, transparence, décentralisation et participation, autant de concepts dont l’application n’a concerné qu’un seul acteur : l’Etat. Le concept a été par la suite affiné par de nombreuses institutions internationales et partenaires au développement ( PNUD, Banque Mondiale, OCDE, …).comme cela apparaît dans l’encadré qui suit : Encadré 1 : Différentes définitions du concept de gouvernance Agence Canadienne de Développement International (ACDI) : l’ACDI utilise les termes «bon gouvernement» ou «saine gestion des affaires publiques» pour désigner la façon dont un gouvernement gère les ressources sociales et économiques d’un pays. Le bon gouvernement (ou la saine gestion des affaires publiques) désigne un exercice du pouvoir, à divers échelons du gouvernement, qui soit efficace, intègre, équitable, transparent et comptable de l’action menée. Banque Asiatique de Développement : Pour la Banque Asiatique de Développement, la gouvernance réfère à l’environnement institutionnel dans lequel les citoyens interagissent entre eux et avec les agences gouvernementales. Même si les aspects reliées aux politiques sont importants pour le développement, le concept de bonne gouvernance tel que définie par la Banque aborde essentiellement les ingrédients reliés à une gestion efficace. La Banque perçoit la gouvernance comme un synonyme de gestion du développement efficace. Banque Inter-américaine de Développement : La Banque Inter-américaine de développement est concernée par les aspects économiques de la gouvernance et la capacité de mise en œuvre de l’appareil gouvernemental. Ceci implique la modernisation du gouvernement et le renforcement de la société civile, la transparence, l’équité sociale, la participation et l’égalité des sexes. Banque Mondiale : La Banque Mondiale définit la gouvernance comme la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays, et dans un but de développement. Cette définition fait ressortir les trois axes de la gouvernance à savoir : la forme du régime politique, la manière dont l’autorité est exercée dans la gestion d’un pays, et la capacité du gouvernement à déterminer et appliquer les politiques. Comité d’aide au développement de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE – CAD). Le CAD utilise une définition de la gouvernance qui rejoint celle de la Banque mondiale, et qui désigne «l’exercice du pouvoir politique, ainsi que d’un contrôle dans le cadre de l’administration des ressources de la société aux fins du développement économique et social». Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD). Pour le PNUD, il faut entendre par gouvernance, l’exercice d’une autorité politique (la formulation de politiques), économique (la prise de décisions à caractère économique) et administrative (la mise en œuvre de politiques) aux fins de gérer les affaires d’un pays. Suivant cette définition, la gouvernance repose sur des mécanismes, des processus et des institutions qui permettent aux citoyens et aux groupes d’exprimer des intérêts de régler des litiges et d’avoir des droits et obligations. Le PNUD a de plus, cerné les trois paliers de gouvernances, à savoir l’Etat qui créée un environnement politique et légal propice ; le secteur privé qui crée emplois et revenus, et la société civile qui facilite l’interaction politique et sociale. Il apparaît alors que la gouvernance renvoie pour certains à une amélioration de la gestion du secteur public ; une responsabilité économique ; la prédictibilité et l’autorité de la loi et la transparence dans la gestion des affaires publiques. Pour d’autres, elle signifie «bon gouvernement» caractérisé par les vertus de responsabilité, de légitimité et de compétence (Banque Mondiale, 1989 ; ODA, 1993). La gouvernance est également explicitement rattachée à la démocratie (USAID, 1991). Cependant, une autre tentative visant à synthétiser la définition renvoie à la gouvernance en tant qu’exercice de l’autorité politique, économique et administrative dans la gestion des affaires nationales à tous les niveaux (PNUD, 1997). Appuyée sur trois concepts clefs : la responsabilité, la décentralisation et la transparence, la bonne gouvernance a donc consisté dans une sorte de « juridicisation » de l’action publique. Depuis son apparition la notion de bonne gouvernance est étroitement liée à la recherche de solutions à la crise de l’Etat avec, cependant, des variantes selon les priorités des organisations intervenant dans l’octroi et la gestion de l’aide internationale. Or, aujourd’hui, deux principales conceptions de l’Etat émergent : 1°) la vision jacobine, inspirée de ROUSSEAU, qui repose sur une conception utopique du pouvoir politique et de la vie démocratique, autrement dit sur un postulat général de bienveillance des hommes politiques et de l’administration. Cette conception est caractérisée par l’absence des incitations monétaires et de sanction ; 2°) la conception inspirée de MONTESQUIEU, qui consacre la non bienveillance des gouvernements et prend compte, à cet effet, l’influence des groupes d’intérêt. L’organisation de l’Etat est repensée en terme de contre pouvoirs. La plus ou moins bonne gouvernance étant indéniablement liée à la forme d’organisation de l’Etat, force est de reconnaître que le modèle jacobin, utile à une certaine époque, est devenu inadapté voire inefficace à cause essentiellement de la complexité de la société et de l’économie. Or, les pays africains semblent prisonniers de la vision jacobine dont ils ont hérité de colonisation française et qui devient un véritable vecteur de corruption Les institutions internationales sont elles aussi prisonnières de cette vision jacobine. Les politiques d’ajustement dont elles préconisent l’application prônent une réduction des salaires réels – déjà très bas – dans la fonction publique, mettent en place des incitations au départ volontaire des fonctionnaires, incitations dont profitent les employés de l’Etat les plus dynamiques qui peuvent saisir les opportunités des conditions de travail plus favorables qui leur sont offertes hors de la fonction publique (le secteur privé). La théorie du choix public, et la nouvelle économie publique dont elle fournit une marque,ypothèse que les décideurs politiques ne sont guidés que par la poursuite de l’intérêt général. En lieu et place de cette vision platonique, la théorie du choix public insiste sur le fait que ces décideurs, comme on le suppose dans la théorie économique standard, se comportent comme «l’homo-économicus» : ils maximisent leur bien être économique personnel. Sans doute, il serait excessif d’aller jusqu’au bout de la logique de la nouvelle économie politique qui déboucherait sur ce que Jagdish Bhagwati 1989 a appelé «le paradoxe du déterminisme » (paradox determinacy). Si les politiciens et les bureaucrates déterminent leurs actions dans le but de maximiser leur bien être personnel, alors l’analyse normative n’a aucune chance d’influencer la politique. Il faut s’interroger sur les conditions préalables à la mise en place des politiques de bonne gouvernance qui sont dans une large mesure liées à l’application des politiques économiques profondes dont l’Afrique a besoin. En effet, le schéma de la bonne gouvernance est appliqué aux pays en développement en général et à l’Afrique en particulier sous l’instigation des partenaires au développement et des institutions internationales. Des efforts louables sont entrepris en Afrique pour mettre en œuvre la bonne gouvernance ; ils sont orientés vers plus de participation, de responsabilité, de décentralisation et de transparence. De nombreux programmes visant à étendre le champ de la responsabilité publique (politique ou administrative) ont été mis en œuvre ces dernières années. Les donateurs ont voulu, tout à la fois, rapprocher les décisions du lieu de leur mise en œuvre et accroître la soumission au droit des autorités publiques et ce tant au niveau local que national, à travers la décentralisation le contrôle de légalité qui l’accompagne, comme par le truchement de mesures tendant à renforcer l’indépendance de la justice. Ils ont cherché à obtenir une plus grande transparence, via l’appui aux médias indépendants, la publication des procédures de passation des marchés publics, ou l’appui à la création de structures d’observation des élections. L’ensemble de ces stratégies a contribué à promouvoir et à renforcer l’Etat de droit, support essentiel de la bonne gouvernance. En définitive, il s’avère à l’analyse que les deux termes développement humain durable et bonne gouvernance sont complémentaires et n’entretiennent aucune relation d’exclusion. Mieux, la bonne gouvernance est une condition sine qua none du DHD. La poursuite du DHD, comme objectif ultime de l’action humaine suppose dès lors le réaménagement de la manière de gouverner. Elle va alors se présenter sous 4 volets à partir desquels, il devient possible d’évaluer les performances de chaque pays ; le volet politique qui concerne la participation au processus électoral ainsi les procédures qui orientent ces élections, un volet institutionnel relatif à l’existen,ce te les performances des institutions, un volet économique et un volet social. Le volet institutionnel constitue aujourd’hui un enjeu important de la recherche et un volet déterminant de la bonne gouvernance. Comprises comme des ensembles complexes de normes, de règles et de comportements, les institutions sont conçues pour des fins collectives. C’est pourquoi, elles sont souvent assimilées à des organisations c’est-à-dire des unités de coordination ayant des frontières identifiables et fonctionnant de façon relativement continue en vue d’atteindre des objectifs partagés par les divers acteurs de la vie économique, politique et sociale. L’Etat et son administration, les marchés et les ONG sont au cœur même du dispositif institutionnel. Quelles sont leur composition et leurs principales missions particulièrement dans les réformes économiques et politiques ? Le volet institutionnel comprend les éléments suivants : la création d’une commission électorale indépendante ; l’existence d’un médiateur ; l’auditeur général ; la direction des crimes économiques et de la corruption ; la commission des droits humains ; une autorité indépendante pour les médias ; l’existence d’une société civile active, etc. Cependant, le simple fait de créer ces institutions ne suffit pas. Leur fonctionnement réel est essentiel. La raison en est qu’en dépit de la diversité qui caractérise leurs passés et leurs expériences, les pays africains dans leur ensemble commencent à accepter l’idée qu’il y a urgence à créer et à renforcer un cadre institutionnel pour une bonne gouvernance. Les progrès déjà réalisés sous le multipartisme doivent maintenant être sauvegardés par un tel cadre institutionnel. Au nombre des éléments clés de ce cadre figurent : - un système électoral transparent ; - un pouvoir judiciaire indépendant ; - un organe anti-corruption indépendant ; - une commission indépendante des droits de l’homme ; - des structures d’harmonisation et d’exécution des activités liées aux femmes ; - une société civile forte et active. En ce qui concerne le volet économique, la prise en charge des problèmes de gouvernance requiert de l’Etat et de tous les acteurs de la volonté et une stabilité institutionnelle minimale. Ces conditions sont nécessaires pour créer progressivement un environnement de gestion économique et sociale cohérent, adapté et prévisible. Cela implique le développement de capacités d’élaboration de politiques et de stratégies cohérentes combinant l’action de l’Etat au marché et visant à mobiliser sans conflits sociaux majeurs toutes les ressources internes et externes en vue du développement. Sur lke fond la gouvernance économique consiste à construire des systèmes, des procédures et des organisations socialement acceptables et capables de réguler dans la transparence et l’équité, la production et la redistribution des richesses économiques, ainsi que les ressources nécessaires au développement de l’ensemble de la société à long terme. Dés lors, la gouvernance économique peut se décliner autour de quatre grands domaines, reliés entre eux mais distincts dans leurs champs respectifs, leurs méthodes et leurs principes généraux de fonctionnement : - la gestion macroéconomique ; - la création et le développement d’une environnement favorable aux producteurs - la régulation économique - et l’édification et le développement de la société civile. Au niveau de la gestion macroéconomique, la bonne gouvernance est souvent mesurée à l’aune des simples indicateurs de performance économique à savoir: - le taux d’inflation ; - le déficit fiscal par rapport au PIB ; - la dette par rapport au ratio d’exportation ; - le taux de chômage ; - et les politiques et programmes de valorisation des nationaux. Il existe effectivement une forte corrélation entre le niveau de ces indicateurs économiques et la bonne gouvernance. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que le défi majeur est de réaliser un équilibre entre les stratégies visant un développement de «bas en haut» (capable d’ améliorer les conditions de vie et de travail des défavorisés) et les stratégies de croissance économique forte. Ainsi, au niveau de la gestion macroéconomique, la bonne gouvernance requiert la mise en place de mécanismes régulateurs, des règles, des dispositions législatives et réglementaires et des mécanismes de contrôle qui garantissent : - des processus transparents, démocratiques et décentralisés d’évaluation des besoins dans les différents secteurs et espaces décentralisés par les composantes de la société ; - des processus décisionnels contrôlables ; - l’établissement de priorités en faveur de secteurs porteurs d’externalités positives pour les producteurs et les entreprises ; - la création ou la rentabilisation d’infrastructures de base nécessaires au développement local ou national ; - l’élaboration d’une politique sociale qui d’une part assure l’ équité à la fois en faveur des régions et des populations les plus démunies et d’autre part contribue à l’amélioration de la cohésion sociale par la promotion de la solidarité, de la santé, de l’éducation et de la communication ; - la préservation de la sécurité publique. La réalisation des ces objectifs appelle la mise en place d’organisations de concertation sociale, faute de quoi, les différentes décisions peuvent être frappées de contestation et de soupçons d’arbitraires nuisibles au fonctionnement des institutions. De même, la création et le développement d’un environnement favorable aux producteurs est évoqué comme un facteur de bonne gouvernance économique. Dans ce cadre les domaines les plus souvent évoqués par les acteurs du secteur privé concerne le système de crédit, le régime fiscal et la législation du travail. Quant au volet social, il intègre le développement de la santé, de l’éducation et de l’habitat. trois facteurs constituant des éléments pertinents d’appréciation du développement humain et surtout de la nouvelle dimension de la pauvreté. Tous ces développements ont permis de mesurer toute la complexité de la gouvernance qui devrait permettre de mobiliser toutes les ressources matérielles et humaines de façon efficiente et appropriée afin de libérer toutes les énergies et les forces vives, les compétences, les talents, l’entreprise et l’esprit d’entreprise des populations. Ainsi la bonne gouvernance devient alors l’utilisation efficiente et démocratique de l’Etat pour la gestion de la société dans ses différents aspects politiques, économiques et sociaux. Quel est l’état de la bonne gouvernance et du développement humain au Sénégal qui vient de connaître une alternance politique remarquable à l’issue d’élections démocratiques? L’examen rapide du contexte économique, politique et social, sur plus d’une décennie, permet de mettre en évidence les origines des évolutions qui influencent la configuration de l’espace sénégalais, les performances de l’Etat et de différents acteurs ou opérateurs. L’objectif est d’offrir des éléments permettant de comprendre l’efficacité et l’équité des politiques publiques. Cette présentation permet de se prononcer sur l’efficacité des réformes économiques entreprises ainsi que leur impact social. En résumé, on tente de mesurer, à travers ces développements, l’incidence des institutions, surtout publiques, sur le développement. 3°) Les questions de gouvernance au Sénégal. Les dysfonctionnements de l’économie sénégalaise dont la manifestation la plus tangible réside dans la persistance d’importants déséquilibres macroéconomiques trouvent leur origine lointaine dans les bouleversements des structures économiques intervenues depuis la période coloniale. Ces changements imposés par un mode spécifique de valorisation économique fondée sur des productions primaires à faible valeur ajoutée locale et qui de surcroît présentaient le double handicap de ne pouvoir ni accélérer la constitution d’un important fonds d’accumulation à l’échelle nationale, encore moins de promouvoir un développement équilibré et autonome. Cette situation malgré la crise de l’ordre économique et monétaire des années 70 et la persistance d’un cycle de sécheresse sera gérée par la mise en place de différents programmes d’ajustement structurel. Au moment d’aborder la décennie des années 80, le Sénégal va traverser une phase critique dans son processus de développement économique. Les déséquilibres financiers devenus insoutenables rendaient l’ajustement comme un impératif incontournable. Dès 1979, le Gouvernement allait conduire une politique En dépit de ces progrès, il est à craindre que les politiques de bonne gouvernance ne puisent être aussi efficaces qu’elles devraient l’être pour accélérer le processus de croissance durable en Afrique. On doit se demander ainsi les conditions d’une application effective des politiques de bonne gouvernance. L’expérience n’a pas tardé à montrer néanmoins qu’il suffit pas que de bonnes politiques économiques soient élaborées, que le secteur public soit considérablement réduit, pour qu’une croissance forte et durable s’installe. Le nouveau paradigme a sous estimé la grande complexité des mesures requises pour que les marchés fonctionnent correctement après des décennies d’interventions étatiques massives. Il a même laissé penser qu’une condition 1- Le concept de gouvernance Cela fait une dizaine d’années, déjà, que la «Bonne Gouvernance» a fait irruption dans le domaine du développement. La notion est d’abord apparue en 1989, dans une étude de la Banque Mondiale 1. Il s’agissait alors, pour les promoteurs des plans d’ajustement structure (PAS), de corriger l’approche «économiste» de ces derniers et de mettre davantage l’accent sur l’importance de l’environnement normatif et institutionnel. De là à en inférer que les institutions financières multilatérales (IFM) ont souhaité revenir sur les politiques du tout marché et rétablir la régulation politique dans ses droits, il y avait bien entendu un pas, qu’il convenait de franchir trop rapidement. Dès 1992, en effet, la Banque Mondiale nous éclairait sur le contenu qu’elle entendait donner au renforcement institutionnel. Ce dernier devait consister, ni plus ni moins qu’à «(..) créer et renforcer des Droits de la Propriété largement définis» De même, un peu plus tard, alors qu’on aurait pu croire que le recours à la notion de participation marquait une évolution décisive, dans la politique de la Banque, force est de constater qu’il n’en était rien. A des lieues de figurer un élargissement de la base sociale du pouvoir, la participation se réduit à une rotation, au sein d’institutions chargées de promouvoir le secteur privé. Or, qu’est ce qu’une telle acception de la notion, sinon la parfaite traduction, à l’usage du monde entier, du système américain des «dépouilles» ? Dans cette perspective, le caractère démocratique d’un régime se mesure à l’aune du renouvellement qu’il autorise, à l’occasion des élections, des cadres non seulement politiques, 1 Le premier rapport doit être publiée en janvier 1999. L’auteur est le chef de l’équipe du projet financé par le PNUD qui est en train d’être exécuté par l’Institut Régional de l’Afrique Australe pour le volet études politiques (SARIPS) des séries relatives à la politique économique de l’Afrique Australe (SAPES). mais administratifs du système. Sa finalité revient moins à favoriser l’expression de la volonté populaire, qu’à limiter la capacité de nuisance de l’Etat. Fondé sur la conviction que l’exercice du pouvoir traduira toujours davantage des préoccupations d’ordre personnel que général, un tel modèle bride les marges de manœuvre de la politique et se borne à fournir le cadre du développement de l’initiative privée. Les différentes définitions et interprétations du concept de gouvernance sont importantes au plan politique en ce qu’elles reflètent les points de vue respectifs des diverses institutions et d’analystes impliqués à la fois dans la conceptualisation et la mise en œuvre des processus de développement. Cela explique pourquoi et comment certains pays donateurs et institutions financières internationales ont pu déterminer si un pays donné respecte les critères de «bonne gouvernance». Dans ces contextes, la gouvernance est devenue une «conditionnalité politique». Cela soulève également la question de la relation possible entre la gouvernance et la démocratie. Certains acceptent cette relation et d’autres la rejettent. D’autres encore considèrent la légitimité populaire des gouvernements et la participation de la majorité de la population dans les décisions politiques comme les éléments essentiels d’une «gouvernance responsable». C’est ce que certains ont appelé la «gouvernance sociale» ou la création d’une société civile démocratique et vivante et ses interactions avec l’Etat (SWATZ, 1998). En général, la «gouvernance» devrait toujours impliquer un contexte positif à l’interaction entre l’Etat et la société civile. Comme l’indique le Rapport sur le Développement humain régional de la SADC : «A cet égard, la formulation des bonnes politiques, la conception de programmes inclusifs et la prestation de services socio-économiques d’envergure à la majorité de la population deviennent cruciales. De même, la gouvernance requiert la formulation de politiques favorables et l’exécution de programmes qui facilitent la participation de la majorité de la population à l’économie par l’emploi salarié, le travail indépendant et la production de biens et services qui améliorent leur bien-être … Sans la participation économique, la participation politique est à la fois imparfaite et non viable. La bonne gouvernance n’est ni simplement la création de systèmes politiques multipartites, ni la tenue d’élections régulières libres et justes ou l’affirmation de la primauté de la loi, etc. Ce sont là des éléments essentiels de la gouvernance démocratique. Cependant, la bonne gouvernance requiert beaucoup plus dans la mesure où l’expérience montre que, les éléments essentiels peuvent être mis en cause avec le temps. La bonne gouvernance exige en outre des institutions de régulation non corrompues et par-dessus tout, un développement participatif pour la majorité de la population tant individuellement qu’à travers les organisations privées et civiques». 2- Le concept de développement humain durable En l’espace de dix ans, le PNUD à travers ses rapports mondiaux a réussi à replacer l’être humain au cœur des débats de la société et des voix s’élèvent de plus en plus pour réfléchir, et systématiser une approche aussi féconde et difficile à cerner que le développement humain durable (DHD). En mettant au centre la croissance économique, la modernisation de nos sociétés s’accompagne de toutes sortes d’exclusions. Les rapports de pouvoir économique ont surclassé les préoccupations de bien-être. Et comme le progrès scientifique et technique refuse le retour en arrière, il faut explorer de nouvelles approches qui puissent entraîner la mobilisation de tous les secteurs de la société. Cela aura une conséquence sur les réformes qui permettront une meilleure prise en compte du surplus de richesse créée et faciliterons un large consensus social par le biais du jeu démocratique. Alors le débat sur le mode de répartition et de redistribution des richesses se fera sur des bases claires et saines. Ce sont donc toutes les institutions, les structures, les comportements et les conduites qui doivent être remis sur le chantier en vue de replacer l’être humain au centre des préoccupations, en s’attachant à sa dignité comme sujet multidimensionnel et non pas en simple objet. Autrement dit, c’est l’environnement en entier qu’il faut réajuster à la réalité humaine. Il apparaît clairement qu’il a fallu au PNUD, un recentrage assez conséquent et une séparation d’avec les balises du cadre de référence dominant pour s’élever, se hisser et promouvoir le concept du développement humain durable. Le concept se définit comme étant un mode de développement qui ne se contente pas de susciter une croissance économique mais qui en répartit équitablement les fruits, qui régénère l’environnement au lieu de le détruire et qui permet aux gens de s’affirmer et d’avoir une influence sur les cours de leur existence au lieu d’être marginalisés. Il donne la priorité aux pauvres et élargit l’éventail de leurs possibilités et de leur choix. Il devient évident qu’à l’orée du troisième millénaire, il est important d’apprécier un mode d’organisation sociale par sa capacité à allonger une vie, à fournir l’accès au savoir, à offrir une bonne santé et à renforcer la participation des populations aux prises de décision qui engagent leur avenir. De telles préoccupations font l’objet de mesures et d’estimations quantitatives inscrites et traduites à travers différentes indices synthétiques. Fondamentalement, une pareille approche remet en question des idéologies, mythes, thèses, anti-thèses et synthèses longtemps présents dans nos sociétés. Dès lors, plus qu’une simple notion, le DHD structure un paradigme. Il fait référence à un système complet de modèles : modèles de production, modèles de répartition, modèles d’institutionnalisation, modèles de socialisation. Plus succinctement, il gravite autour d’une série de paramètres qu’on peut ramener à quatre ; la productivité, la durabilité, l’équité sociale et la maîtrise par les hommes de leur destin. Par ailleurs, il convient de reconnaître qu’un tel paradigme est plus vaste que les théories classiques du développement économique, jusqu’ici connues : ◊ Les modèles de croissance réduisent les arguments (mathématiques) relatifs à la fonction d’utilité individuelle et à la consommation de biens et services; ◊ Les théories des ressources humaines mettent en avant le facteur de production que constitue, à ses yeux, l’homme; ◊ Les théories du “Welfare Economics” considèrent des usagers et des bénéficiaires de biens collectifs sans pour autant s’interroger sur leur valorisation en tant qu’acteurs de base des processus décisionnels ; et ◊ la perspective de biens essentiels se penche sur les démunis au mépris de l’expansion des capacités et des opportunités qui s’offrent aux hommes. Ces théories ont chacune une faiblesse manifeste tandis que celle du Développement humain, tire sa légitimité dans une philosophie universaliste, en cela qu’elle se fonde sur le refus de toute forme d’injustice, d’exclusion et de discrimination. Avec elle aujourd’hui, un recentrage symptomatique s’est opéré autour de la priorité aux pauvres et de l’élargissement de leur liberté de choix et leur décision. Si la notion de développement humain a été bien vulgarisée par le PNUD à travers ses rapports annuels et d’autres publications, par contre celle de la gouvernance est marquée par une imprécision liée parfois à son élasticité. Pourtant, la gouvernance occupe aujourd’hui une place de plus en plus importante dans les opérations d’organisations comme l’USAID, le PNUD, l’Union Européenne, l’ACDI mais aussi et surtout la Banque Mondiale qui, dans ce domaine précis, tente de plus en plus de s’imposer comme une banque de connaissances. Des études de plus en plus nombreuses sont suivi à la trace les origines du concept, mis en évidence sa topographie et ses enjeux dans le contexte de la mondialisation. Les auteurs qui ont examiné les révisions relatives à la conception du rôle de l’Etat dans le développement surtout dans les années 1980, marquées pas une vague anti-étatique, insistent sur les leçons tirées des expériences des politiques d’ajustement structurel en Afrique subsaharienne. En effet, après deux décennies de réformes, on note une fragilité des économies, l’augmentation des inégalités sociales et le renforcement des mécanismes de l’exclusion. Pour faire face à cette situation, des tentatives ont été initiées pour «reprendre la direction l’économie libérale» et trouver une réponse appropriée aux problèmes de gestion de l’économie capitaliste. Dans ce rapport, il n’est pas question de résumer la littérature relative à la notion de gouvernance ou de s’arrêter à la simple description des tactiques et propositions relatives à cette forme particulière d’organisation institutionnelle et économique, de redistribution des richesses ou de re-légitimation des classes dirigeantes. Mais pour faciliter la compréhension de ce débat, il est nécessaire de s’entendre sur une définition minimale. Nous utiliserons, pour ce faire, l’éclairage d’A. SALDOMANDO. Selon cet auteur, «les diverses propositions avancées aujourd’hui en matière de gouvernance sont beaucoup plus qu’un ensemble de recommandations relevant de techniques de gestion destinées à trouver la façon la ‘plus efficace’ d’administrer le marché et de gérer l’Etat. En fait, le débat sur la gouvernance contient, dans sa diversité, des propositions spécifiques sur l’organisation des rapports entre marché et démocratie. Autrement dit, ces propositions prétendent instaurer des modes de régulation et de gestion de l’ordre social». L’insistance sur la relation entre la démocratie et le marché, la croissance et la stabilité politique met en évidence un modèle économique et social imposé aux Etats en vue de mieux les soumettre aux contraintes de la compétition internationale. Toute la difficulté provient du fait qu’au sein des donateurs qui occupent une place centrale dans le débat, le contenu de ces propositions varie en fonction des priorités. Et cette situation explique le caractère délicat voire périlleux parfois de toute exercice ayant la prétention de trouver des indicateurs de gouvernance universellement acceptables. La préparation de ce rapport n’a pas échappé à une telle difficulté. A défaut d’études antérieures faire sur la gouvernance au plan international et permettant de documenter les progrès obtenus, il est indispensable d’offrir une brève économie politique des réformes économiques en vue d’identifier les enjeux du débat sur la gouvernance dans ses rapports avec le développement humain. Les réformes et leurs impacts La «redécouverte» du social Avec les changements de paradigme notés dans les modalités d’intervention des agences d’aides et institutions financières, l’accent a été mis sur la lutte contre la pauvreté. A ce sujet, le discours de la fin de l’année 1995 du président sénégalais a affiché une volonté de s’attaquer de manière vigoureuse au problème de la pauvreté reprenant ainsi, de manière plus explicite, les engagements du gouvernement lors de la troisième réunion du Groupe consultatif (Paris, 5-6 juillet 1995). Pourtant, à l’instar d’autres pays africains, jusqu’à la fin des années 1980, les pouvoirs publics ont refusé une approche des inégalités sociales en termes de pauvreté. Les objectifs et la démarche Dans une rencontre tenue à Dakar en 1999 sur les politiques sociales en Afrique de l’Ouest, l’un des meilleurs spécialistes du monde rural sénégalais disait son désarroi, après avoir noté que le thème dominant des discours du personnel politique sénégalais, depuis le début des années 1990, est devenu cet ensemble de mesures désignées à travers l’expression «la lutte contre la pauvreté». Il avait insisté que le manque d’ambition d’un tel projet présenté de plus en plus comme «la nouvelle base idéologique du développement local». Au Sénégal, on assiste, pour de larges pans des populations, à la clôture de ce que Ali El KENZ appelle «l’espérance du développement». Pourtant, de 1960 jusqu’à son retrait du pouvoir, Léopold Sédar SENGHOR a réussi à faire partager à ses compatriotes l’idée selon laquelle l’an 2000 serait le moment du décollage économique, de la justice sociale. Un état des lieux : la structure du rapport Dans une première partie, le rapport donne un aperçu du mode de régulation politique et institutionnelle diffusé par les politiques d’ajustement structurel et tente d’évaluer les performances obtenues dans le cadre de la réforme de l’Etat. L’exercice a cependant été quelque peu contrarié par la non-disponibilité de données pertinentes d’envergure nationale permettant de caractériser l’état de l’opinion sur le niveau de satisfaction de leurs demandes ou la perception de l’efficacité et de l’équité des politiques publiques. Les dysfonctionnements de l’économie sénégalaise dont la manifestation la plus tangible réside dans la persistance d’importants déséquilibres macroéconomiques trouvent leur origine lointaine dans les bouleversements des structures économiques intervenues depuis la période coloniale. Ces changements imposés par un mode spécifique de valorisation économique fondée sur des productions primaires à faible valeur ajoutée locale et qui de surcroît présentaient le double handicap de ne pouvoir ni accélérer la constitution d’un important fonds d’accumulation à l’échelle nationale, encore moins de promouvoir un développement équilibré et autonome. Cette situation malgré la crise de l’ordre économique et monétaire des années 70 et la persistance d’un cycle de sécheresse sera gérée par la mise en place de différents programmes d’ajustement structurel. Au moment d’aborder la décennie des années 80, le Sénégal va traverser une phase critique dans son processus de développement économique. Les déséquilibres financiers devenus insoutenables rendaient l’ajustement comme un impératif incontournable. Dès 1979, le Gouvernement allait conduire une politique de redressement qui devrait permettre l’assainissement de structures d’intervention coûteuses et peu productives et poser les fondements d’un développement qui puisse être soutenu à long terme. Son enjeu décisif était de relancer la croissance avec la contrainte forte de minimiser les risques sociaux liés au rétablissement des grands équilibres. Les indicateurs témoignant de la crise économique africaine sont nombreux. Qu’il s’agisse du revenu par tête, de l’indice de bien – être, les décennies 1980 et 1990 ont été caractérisées par une véritable régression. Ce sombre tableau a suscité un important besoin de réforme des systèmes économiques qui ont été mis en place relevant de la période coloniale et les deux premières décennies d’après indépendance. Certes on peut affirmer que la nécessité de réformer des systèmes économiques ont été au centre de la problématique du développement depuis les premiers mouvements pour l’indépendance de l’Afrique. Cependant la nature et les modalités des réformes économiques à promouvoir ont changé considérablement dans le temps, à chaque période correspondant un paradigme sur les réformes pouvant promouvoir le développement. Au fur et à mesure que des efforts sont accomplis pour mettre en œuvre la nouvelle vision, apparaissent de façon plus nette ses limites, ce qui suscite et accroît le besoin d’une nouvelle réforme plus complexe mais mieux adaptée. Ceci n’implique pas, la disparition totale des idées mais elles occupent désormais une position périphérique au profit de conceptions qui semblent mieux à même d’accélérer la croissance économique et la justice sociale. Les réformes économiques qui ont été promues en Afrique au cours des années 1980 et 1990 traduisent l’abandon d’une vision du développement s’appuyant sur la planification et l’intervention étatique pour corriger les imperfections du marché dans des économies en développement. Les pays africains ont offert aux tenants de la vision néoclassique du développement d’innombrables exemples d’interventions étatiques qui ont été source d’aggravation des imperfections du marché, de promotion des intérêts des groupes sociaux les plus riches contrôlant le pouvoir et de régression de la croissance économique. Les efforts qui ont été déployés depuis le début des années 80, dans le cadre des politiques d’ajustement structurel pour restaurer la primauté du marché, ont eu des effets positifs sur l’équité – par exemple le biais urbain des politiques agricoles s’est fortement atténué. De même, un groupe relativement important de pays africains ont renoué avec la croissance économique. L’expérience n’a pas tardé à montrer néanmoins qu’il suffit pas que de bonnes politiques économiques soient élaborées, que le secteur public soit considérablement réduit, pour qu’une croissance forte et durable s’installe. Le nouveau paradigme a sous estimé la grande complexité des mesures requises pour que les marchés fonctionnent correctement après des décennies d’interventions étatiques massives. Il a même laissé penser qu’une condition suffisante du développement est le libre fonctionnement des marchés. On a fini par comprendre que l’Etat ne va pas disparaître même dans les pays en développement où l’économie de marché s’est le mieux implantée. Il a un rôle crucial à jouer dans l’élaboration et la mise en œuvre des réformes favorables au marché. De la qualité de l’action étatique dépend la réussite des réformes à promouvoir. Un constat a mené les institutions internationales et les autres acteurs du développement à mettre l’accent sur la bonne gouvernance et à élargir leur vision des réformes à entreprendre pour accélérer la croissance et promouvoir l’équité. Ainsi la Bonne Gouvernance désigne la capacité d’un pays à créer un cadre d’ordre et de stabilité, à formuler et à exécuter des politiques performantes et à construire un environnement favorable au développement économique et social. La bonne gouvernance intègre donc toutes les dimensions de l’activité économique et sociale, ainsi que les mécanismes d’allocation et de répartition des ressources. Elle recouvre deux volets importants - le volet politico-institutionnel, qui concerne avant tout l’Etat en tant que agent de régulation ; - le volet relatif à la gestion des ressources.