Alcool et Hypocrisie et Utilité d`associer les groupes d

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Alcool et Hypocrisie
--Utilité d'associer les groupes d'entraide aux réseaux de soins
Jean Mertens
Janvier 2004
Alcool et Hypocrisie
Utilité d'associer les groupes d'entraide aux réseaux de soins
Jean Mertens
Janvier 2004
Présentation à l'attention des personnels médical et infirmier de la Clinique Saint-Joseph
d'Arlon afin d'une part de les sensibiliser aux problèmes liés à la consommation d'alcool dans
notre société et d'autre part de les informer sur l'utilité d'associer les groupes d'entraide aux
réseaux de soins pour personnes souffrant d'abus d'alcool. A cette occasion il a été rappelé
l'existence d'un petit groupe d'entraide indépendant opérant au sein de la clinique. Bien
qu'ouvert à tous, ce groupe de parole cible plus particulièrement les malades hospitalisés pour
des raisons d'abus d'alcool. L’objectif final de l’exposé était de proposer dans certaines
limites, une collaboration plus étroite entre le corps médical de la clinique et ce noyaux
d'anciens alcoolo – dépendants.
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• Tableau de l’alcoolisme dans notre société
• Aperçu chiffré sur l’alcoolisme en Belgique
• Qui sommes-nous ?
• Que faisons-nous et comment ?
• Valeur ajoutée ?
• Quels buts poursuivons-nous et pourquoi ?
• Que pouvons-nous offrir et dans quelles limites ?
Avant que d’aborder les avantages d’associer aux réseaux de soins, les groupes d’entraide et
plus particulièrement celui qui opère au sein de la clinique, un portrait de l’alcoolisme dans
notre société sera présenté. Dans cette description l’accent sera mis sur l’hypocrisie et l’inertie
dont fait preuve la société face aux problèmes liés à l’abus d’alcool. Ce tableau sera illustré
par plusieurs statistiques belges afin de mieux rendre compte de la disproportion entre
l’attention accordée à l’alcoolisme et celle manifestée à d’autres fléaux comme le tabagisme.
Remarque : Tous les chiffres et toutes les statistiques cités dans cet exposé sont extraits de
sources parfaitement officielles et tout à fait crédibles ; il s’agit en effet de références telles
que l’OMS, la Banque Nationale de Belgique, l'Institut Scientifique belge de la Santé
Publique ou l’ANPA en France par exemple.
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Cette caricature empruntée pour la bonne cause à l’album de « Tintin et le Lotus Bleu » de
Hergé, illustre bien le propos de cette première partie de l’exposé : « pour comprendre, fautil réellement d’abord expérimenté ? » Autrement dit …
… L’alcool est un tueur, faut-il en abuser pour réellement le croire ?
Malheureusement, il faut bien reconnaître que la réponse de notre société à cette question est
OUI et c’est précisément ce qui va être mis en évidence dans ce qui suit.
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• Alcool présent de la naissance aux funérailles
• Alcool fait partie de notre culture de notre civilisation
• Puissant psychotrope en vente libre
• L’alcool c’est rentable et bon-marché :
Résultat opérationnel 2003 INTERBREW :
626 millions € + 7 % / à 2002 (9 premiers mois)
L’alcool est un produit présent dans notre vie au quotidien, de la naissance aux funérailles.
Que d’occasions de « lever son verre » à la santé de tel ou tel événement ou de telle ou telle
personne : la naissance d’un bébé, la réussite d’un examen, une communion, un mariage ou
un anniversaire, l’an neuf ou même le décès d’un proche ou bien encore simplement durant
une bonne soirée entre amis…
L’alcool fait aussi partie de notre culture occidentale : Le Grand Jacques ne chantait-il pas
« Ca sent la bière de Londres a Berlin » et puis cet autre chanteur qui célébrait le « petit vin
blanc qu’on boit sous les tonnelles », sans parler de la gastronomie ou même de la littérature
ou l’alcool est omniprésent.
Nous pouvons même aller plus loin en disant que l’alcool fait partie de notre civilisation
chrétienne. Les écrits saints sont en effet remplis de références au vin. A titre d’exemple et en
boutade bien sur on peut dire que le Christ ce n’est pas du Coca Cola qu’il a transformé en
son sang mais bien du vin, et d’ailleurs les prêtres répètent ce geste à chaque messe qu’ils
célèbrent.
C’est dire combien l’alcool occupe une place importante et symbolique dans notre société.
Pourtant l’alcool est un puissant psychotrope en vente libre et facilement accessible à tous,
mineurs compris malgré les lois censées les protéger.
Par ailleurs, l’alcool est extrêmement rentable pour la société. Il est rentable pour l’emploi, le
commerce et l’industrie sans parler de l’état qui prélève d’importantes taxes et accises.
A titre d’exemple, le résultat opérationnel d’INTERBREW (le plus grand groupe brassicole
au monde et d’origine belge de surcroît) était pour les 9 premiers mois de 2003 de 620
millions d’ € en augmentation de plus de 7% par rapport à la même période de l’année 2002.
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• Alcool présent de la naissance aux funérailles
• Alcool fait partie de notre culture de notre civilisation
• Puissant psychotrope en vente libre
• L’alcool c’est rentable et bon-marché :
Résultat opérationnel 2003 INTERBREW :
626 millions € + 7 % / à 2002 (9 premiers mois)
•L’alcool c’est banal
•L’alcoolisme dérange !
L’alcool est donc un produit extrêmement banal faisant partie de nos us et coutumes et
occupant une place importante dans notre économie.
Mais, l’alcoolisme au contraire dérange. On ne veut pas savoir, on ignore, on préfère ne pas
en parler… Pourquoi ? Peut-être parce que nous sommes tous potentiellement concernés et
des lors comme c ‘est le cas pour toutes maladies graves, nous esquivons la réalité, nous
pratiquons la politique de l’autruche comme si cela ne pouvait arriver qu’aux autres.
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• Alcool présent de la naissance aux funérailles
• Alcool fait partie de notre culture de notre civilisation
• Puissant psychotrope en vente libre
• L’alcool c’est rentable et bon-marché :
Résultat opérationnel 2003 INTERBREW :
626 millions € + 7 % / à 2002 (9 premiers mois)
•L’alcool c’est banal
•L’alcoolisme dérange !
•ALCOOL = DROGUE DURE
Or l’alcool est aujourd’hui reconnu comme une drogue dure au même titre que l’héroïne. Elle
est d’autant plus dure sans doute qu’elle est à ce point banale, légale, en vente libre et bon
marché, et aussi particulièrement rentable. C’est un produit pervers car terriblement efficace à
court terme pour nous soulager des tracas de la vie quotidienne ou tout simplement désinhiber
les plus timides d’entre nous.
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• Alcool présent de la naissance aux funérailles
• Alcool fait partie de notre culture de notre civilisation
• Puissant psychotrope en vente libre
• L’alcool c’est rentable et bon-marché :
Résultat opérationnel 2003 INTERBREW :
626 millions € + 7 % / à 2002 (9 premiers mois)
•L’alcool c’est banal
•L’alcoolisme dérange !
•ALCOOL = DROGUE DURE
Il y a donc beaucoup d’hypocrisie dans notre société face à la consommation d’alcool et à tout
ce qu’elle peut entraîner.
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Société hypocrite
Deux exemples :
• Le sport
• La publicité
Voici deux exemples tirés de la vie quotidienne pour illustrer cette hypocrisie dont nous
faisons preuve : le Sport et la Publicité.
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Société hypocrite
Notre équipe nationale de football ne s’appelle plus les diables rouges mais bien …
Société hypocrite
… la ligue ‘QUI A BU BOIRA’ !
Peut-être est-ce que parce que les supporters n’ont pas assez consommé de ‘QUI A BU
BOIRA’ que nos diables ne sont pas qualifiés à l’Euro 2004. C’est en tout cas ce que la
publicité peut laisser croire, à nos jeunes tout particulièrement !
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Société hypocrite
Mais pourrait-on accepter que nos diables s’appellent : la ligue « J’AI DU BON TABAC »
Non certainement pas, ce serait intolérable. D’ailleurs on a bien failli ruiner toute une région
des Ardennes belges car DEUX ‘J’AI DU BON TABAC’ passaient par-là UNE fois par an à
200 km à l’heure !!!
11
29 MAI 2002. - Arrêté royal modifiant l'arrêté royal du 13 août 1990 relatif à la fabrication et à la mise dans le
commerce de produits à base de tabac et de produits similaires.
Source : AFFAIRES SOCIALES.SANTE PUBLIQUE ET ENVIRONNEMENT
Publication : 31-05-2002
Entrée en vigueur : 30-09-2002
Dossier numéro : 2002-05-29/30
1. " Les fumeurs meurent prématurément "
2. " Fumer bouche les artères et provoque des crises cardiaques et des attaques cérébrales "
3. " Fumer provoque le cancer mortel du poumon "
4. " Fumer pendant la grossesse nuit à la santé de votre enfant "
5. " Protégez les enfants: ne leur faites pas respirer votre fumée "
6. " Votre médecin ou votre pharmacien peuvent vous aider à arrêter de fumer "
7. " Fumer crée une forte dépendance, ne commencez pas "
8. " Arrêter de fumer réduit les risques de maladies cardiaques et pulmonaires mortelles "
9. " Fumer peut entraîner une mort lente et douloureuse "
10. " Faites-vous aider pour arrêter de fumer : consultez votre médecin ou pharmacien "
11. " Fumer peut diminuer l'afflux sanguin et provoque l'impuissance "
12. " Fumer provoque un vieillissement de la peau "
13. " Fumer peut nuire aux spermatozoïdes et réduit la fertilité "
14. " La fumée contient du benzène, des nitrosamines, du formaldéhyde et du cyanure d'hydrogène "
Pour les produits du tabac destinés à être fumés (cigarettes, cigares, cigarillos, tabac à rouler pour cigarettes et tabac
pour pipe), les avertissements généraux doivent couvrir au moins 35 % de la superficie de la face avant et les
avertissements complémentaires doivent couvrir au moins 50 % de la superficie de la face arrière. Ces avertissements
doivent être additionnellement entourés par un bord noir avec une épaisseur de 3 à 4 mm.
Un autre exemple : une loi entrée en application le 1er novembre 2003, oblige les distributeurs
de tabac à apposer sur chaque paquet de cigarettes vendu en Belgique, une étiquette bordée de
noir occupant près de la moitié de la surface du paquet et comportant l’un des 14 messages
imposés par la loi. Il y a par exemple : "Fumer peut entraîner une mort lente et
douloureuse" ou bien encore : "Fumer peut nuire aux spermatozoïdes et réduit la fertilité ".
Bref des messages particulièrement inquiétant, qui s’ils n’affectent pas vraiment les fumeurs
invétérés, doivent malgré tout faire sérieusement réfléchir les jeunes qui commencent à fumer.
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Par ailleurs, sur nos petits écrans nous pouvons voir très régulièrement des spots publicitaires
comme celui-ci : …
Une bière brassée avec savoir se déguste avec sagesse
S’il s’agit de spiritueux, les images inspirent le plus souvent l’évasion quand elles ne font pas
appel à nos sens les plus intimes. Quant à la publicité pour les bières elle s’accompagne
souvent d’un message que l’on pourrait presque qualifier de poétique « Une bière brassée
avec savoir se déguste avec sagesse ».
Cela donnerait presque l’envie d’y goûter à ce sage savoir !
Voilà donc deux simples exemples parmi bien d’autres qui illustrent parfaitement l’hypocrisie
de notre société et donc de chacun d’entre nous face à l’alcool alors que, à raison certes, nous
condamnons d’autres produits qui pourtant ne sont ni plus ni moins nocifs pour la santé que
l’alcool !
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Méconnaissance du monde médical
• Reboire – Abstinence totale
• Appeler un « chat » un « chat » - Oser nommer le mal
• Soigner le mal pas les symptômes
• Bannir l’alcool dans les soins
• Décharges trop faciles
• Rareté des centres de cures et de post-cures spécialisés
• Maladie « bio-psycho-sociale »
• Travail en réseau – association de compétences
• Formation du personnel
Dans un tout autre registre maintenant, les remarques qui suivent n’ont absolument pas pour
objet de mettre médecins et personnel soignant au pilori mais bien au contraire de susciter leur
réflexion avec pour objectif de leur permettre de mieux prendre en charge les patients
souffrant d’abus d’alcool.
Il faut bien reconnaître en effet que le monde médical en règle générale souffre aussi de
quelques lacunes en matière d’alcoologie. Voici quelques constatations parmi d’autres qui ont
été relevées par d’anciens alcoolo-dépendants :
•
Combien de malades ne viennent-ils pas à des réunions d’anciens buveurs en disant
« mon médecin m’a dit que lorsque j’irai mieux, je pourrai reboire un petit verre de
temps en temps. J’ai essayé et bien sur j’ai replongé de plus belle ».
Rien d’étonnant, l’alcoolisme est une maladie incurable. Il n’existe pas de remède à
l’alcoolo-dépendance. La seule parade est l’abstinence totale et définitive. Reboire la
moindre goutte d’alcool peut suffire à réactiver tout le processus de surconsommation
car la dépendance est inscrite à vie quelque part dans nos neurones. Ceux qui ont
réussi à reboire « normalement » se comptent sur les doigts d’une demi main.
Alors, le principe de précaution exige que l’on recommande de ne plus jamais y
retoucher. Mais abstinence définitive ne signifie pas « condamnation à ne plus jamais
boire » Bien au contraire, il s’agit d’une « libération de l’esclavage à l’alcool »
C’est le message que le monde médical devrait faire passer aux patients alcooliques et
qui d’ailleurs est conforme à la définition donnée par le professeur Fouquet, fondateur
de l’alcoologie en France : « l’alcoolisme c’est la perte de la liberté de s ‘abstenir de
boire de l’alcool »
•
On constate aussi que trop souvent les médecins esquivent le mal. Cela peut se
comprendre quand on sait qu’un malade alcoolique exige beaucoup de temps et de
patience. Le médecin en général ne dispose pas de ce temps car d’autres patients que
l’alcoolo dépendant requiert aussi toute son attention. Or, oser nommer le mal
clairement et fermement en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une maladie et non d’un
vice, mettra le patient face à ses responsabilités tout en le déculpabilisant. Connaître
son ennemi c’est aussi mieux le combattre.
14
•
Dans le même ordre d’idée, il faut s’attaquer au mal et à ses racines et ne pas se
contenter de ne soigner que les symptômes. Même s’il est vrai qu’un alcoolique usera
de toutes les « ficelles » pour cacher sa dépendance, c’est ce que l’on appelle le déni,
le médecin se doit d’épingler clairement la cause le plus souvent évidente, de tous les
maux dont souffre le patient et qui sont la conséquence directe de l’abus d’alcool. Car
ne pas procéder ainsi reviendrait par analogie à ne donner que des antipyrétiques pour
soigner une fièvre dont on masquerait ou ne chercherait pas la cause.
•
Il est parfois constater aussi qu’un patient hospitalisé manifestement pour abus
d’alcool reçoive de la bière durant son hospitalisation. On peut comprendre cette
pratique durant les quelques premières heures d’un sevrage, 24 ou 48 tout au plus, afin
de calmer le patient et éviter les manifestations graves d’un sevrage trop brutal comme
le delirium. Mais lorsque cela se prolonge au-delà de cette période ce n’est plus du
tout compréhensible. L’arsenal pharmaceutique est pourtant suffisamment large que
pour y trouver les remèdes adéquats pour atténuer les souffrances du malade en
manque et aussi il faut bien le reconnaître, les tracas causés par celui-ci dans un
service, comme l’agressivité. A titre de comparaison, administrer de l’alcool à un
patient en sevrage pour soigner sa dépendance, équivaut à ajouter un peu de
pneumocoque dans la perfusion d’une personne hospitalisée pour une pneumopathie.
Procéder de la sorte a également l'inconvénient de laisser croire au malade que l'alcool
n'est pas son problème fondamental puisqu'on lui en offre à l'hôpital.
•
Le plus souvent c’est après 24 ou 48 heures qu’un patient admis volontairement ou
non, pour un sevrage ressentira de la façon la plus aiguë le manque d’alcool. C’est
précisément à ce moment qu’il cherchera désespérément à s’échapper de l’hôpital pour
satisfaire son irrésistible besoin de consommer de l’alcool. Il demandera alors à signer
une décharge, mécanisme par lequel il relève le service et les médecins de leurs
responsabilités et devoirs envers lui, malade. Cette décharge est accordée
malheureusement un peut trop facilement, même si médecins et personnel soignant ont
le devoir de respecter la liberté individuelle du patient. Or, il suffirait peut-être de 24
heures de plus pour que le manque commence à s’estomper et que le malade retrouve
un peu plus de ses facultés à raisonner librement. Il prendra alors sans doute
conscience de l’intérêt qu’il a à poursuivre son sevrage. Ainsi, il ne serait peut-être
pas inutile, dans l’intérêt du malade, d’user de stratagèmes pour différer l’octroi de la
décharge.
•
L’alcoolo dépendance est une maladie très particulière et malheureusement trop
fréquente. Elle exige des soins tout aussi particuliers, tant médicaux que
psychologiques. En Belgique, l’alcoolisme est rangé dans la catégorie des maladies
mentales et à ce titre il est pris en charge dans les centres de santé mentale ou
psychiatrique. Or dans ces institutions, on trouve le plus souvent un très large éventail
de pathologies qui pour la plupart n’ont rien de commun avec la dépendance à
l’alcool. S’il est vrai qu’en général le corps médical a conscience de cela, les centres
de cure spécialisés en alcoologie restent trop rares en Belgique. Dans les quelques-uns
qui existent le nombre de lits disponibles et le personnel compétant et formé à
l’alcoologie reste trop peu nombreux. Ainsi lorsqu’un malade manifeste le désir de se
faire soigner, il faut attendre longtemps, parfois trop longtemps, avant qu’un lit ne se
libère dans un de ces rares centres spécialisés. Or, il est bien connu que ce désir est
extrêmement éphémère et lorsqu’une place est enfin disponible, il est le plus souvent
trop tard ; tout est à refaire. « Il faut battre le fer quand il est chaud » dit-on !
15
Par ailleurs, le patient alcoolique hospitalisé est le plus souvent laissé inoccupé et livré
à lui-même. Pourtant, l’oisiveté est la pire des choses car elle laisse tout le temps au
malade pour s’appesantir sur son sort et penser à son pénible deuil de l’alcool. Au
contraire il faut l’occuper constamment afin qu’il reprenne confiance en lui et constate
par lui-même qu’il est à nouveau capable d’entreprendre Ce goût de l'entreprise le
malade l'avait complètement perdu durant son alcoolisation; il faut le lui réapprendre.
Les groupes de paroles sont aussi un moyen très efficace de se libérer du poids de
l’obsession de l’alcool.
•
Il ne faut pas non plus oublier que l’alcoolisme est aussi une maladie sociale. La
maladie a toute une série de causes non médicales mais aussi des conséquences qui
peuvent entretenir le mal. Les problèmes conjugaux, financiers, professionnels, le
chômage, un divorce ou un licenciement ou bien encore une condamnation pénale sont
autant de causes et / ou de conséquences qu’il faut adresser également sous peine de
constater une rechute très prochaine ou tout simplement la poursuite de l’alcoolisation.
Bien sur le médecin n’est pas compétant dans ces domaines. C’est pourquoi, le malade
devrait être pris en charge dans un réseau de compétences diverses permettant ainsi
d’adresser tous ces problèmes. Mais le médecin est généralement le tout premier
intervenant dans la prise en charge d’un patient alcoolo-dépendant et par-là idéalement
il devrait au moins aborder ces questions en recommandant à son patient de s’adresser
à tel ou tel organisme ou service afin de l’aider à résoudre les causes et conséquences
non médicales de sa maladie. Il y a donc la un intérêt certain à développer le travail en
réseau au delà du purement médical ou psychologique tout en garantissant le respect
du secret professionnel de chaque intervenant et la protection de la vie privée du
patient.
•
Enfin, il y a clairement un manque de formation en matière d’alcoologie tant des
médecins généralistes ou spécialistes que du personnel infirmier. D’ailleurs ceux qui
parmi eux acceptent d’aborder cette question, reconnaissent volontiers leur
incompétence en cette matière et regrettent que durant leurs études si peu de place aie
été accordée aux assuétudes en général et à l’alcoolisme en particulier.
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1998
Population
60.000.000 h.
10.000.000 h.
Consommation
11.8 l /h.
8.9 l/h.
Tabac
Déces/an
Déces/an
Déces/an
(pondéré / consom.)
Alcool
60000 45000
10000 7500
10000 5657
Sources : OMS - MILD - OFDT – ISP – INS ECODATA
La première statistique à examiner est celle de mortalité. Malheureusement, en Belgique les
chiffres de mortalité pour cause d’abus d’alcool sont rares, inaccessibles ou bien tout
simplement inexistants. Ainsi, nous nous inspirerons de statistiques françaises en les
corrigeant proportionnellement à la population et la consommation respective de chaque pays.
Cette approximation se justifie par le fait que France et Belgique sont des pays sommes toutes
fort comparables.
Nous allons ici comparer la mortalité due au tabagisme à celle due à l’alcoolisme.
Il y a selon l’Office Français des Drogues et Toxicomanies 60000 décès par an en France dus
principalement au tabagisme. Ramenant ce chiffre à la population belge nous obtenons 10000
décès annuels. Comme il n’y a pas de raison de croire qu’on fumerait plus ou moins en
Belgique qu’en France, on peut raisonnablement en rester avec 10000 décès par an en
Belgique dus principalement au tabagisme. Ce chiffre est d’ailleurs statistiquement confirmé
par l’Institut belge de Santé Publique et l’OMS.
Selon l’ODFT toujours confirmé par la Mission Interministérielle française de Lutte contre les
Drogues et Toxicomanies, il y a en France 45000 décès par an dus principalement à l’abus
d’alcool. Rapportant ce chiffre à la population belge on obtient 7500 décès. Mais
contrairement au tabac, en France l’alcool est nettement plus ancré dans la culture, le vin
surtout. Ainsi, il faut ici pondérer le chiffre en rapport de la consommation de chaque pays.
Sachant donc qu’en 1998 on consommait près de 12 litres d’alcool pur par an et par habitant
contre près de 9 en Belgique, on obtient par simple règle de trois, 5675 morts par an en
Belgique dus à l’alcoolisme. Cette approximation est fort certainement exact car le risque est
directement proportionnel à la consommation.
Présentés de la sorte, ces chiffres ne sont peut-être pas tellement parlant. Par contre placés à
une autre échelle, il en va tout autrement.
17
> 15 morts par jour / Alcool
Troubles psychiatriques - Syndrome de dépendance alcoolique
Hepatite alcoolique aigüe - Cirrhose du foie - Pancréatite aiguë - Pancréatite chronique
Cancers Cavité buccale - Cancers Pharynx - Cancers Oesophage - Cancers Rectum
Cancers Foie - Cancers Larynx - Cancers Pancréas - Cancers Sein
Cardiopathie ischémique - Cardiomyopathie alcoolique - Maladie vasculaire cérébrale
Pneumonie – Grippe - HIV
Syndrome d’alcoolisme foetal - Accidents de la circulation - Chutes accidentelles
Suicides – Homicides
En effet, par jour il y a en Belgique 15 morts dus à l'alcoolisme :
15 morts par cancers, troubles psychiatriques, cirrhoses, maladies vasculaires,
accidents, chutes, homicides, suicides, infections graves comme le Sida ou moins
connu mais non moins gravissime l’alcoolisation fœtale.
Cette dernière pathologie mérite quelques explications. L’alcool possède en effet la
propriété de franchir presque en totalité la barrière du placenta. Ainsi lorsqu’une
femme enceinte consomme de l’alcool même en petite quantité, son bébé en
consomme tout autant. Cela peut avoir des conséquences très graves sur le
développement de l’enfant au cours de sa vie intra-utérine (malformation, décès) mais
aussi sur son développement physique et mental futur.
On voit même des bébés naître déjà alcoolique. Si le sevrage d’un adulte reste un
processus compliqué, parfois dangereux et toujours pénible, celui du nourrisson est lui
gravissime
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> 15 morts par jour / Alcool
Troubles psychiatriques - Syndrome de dépendance alcoolique
Hepatite alcoolique aigüe - Cirrhose du foie - Pancréatite aiguë - Pancréatite chronique
Cancers Cavité buccale - Cancers Pharynx - Cancers Oesophage - Cancers Rectum
Cancers Foie - Cancers Larynx - Cancers Pancréas - Cancers Sein
Cardiopathie ischémique - Cardiomyopathie alcoolique - Maladie vasculaire cérébrale
Pneumonie – Grippe - HIV
Syndrome d’alcoolisme foetal - Accidents de la circulation - Chutes accidentelles
Suicides – Homicides
27 morts par jour / Tabac
Pour être complet il faut encore citer le chiffre des décès dus au tabagisme : 27 morts par jour
en Belgique. S’il est vrai que ce chiffre reste significativement supérieur à celui de
l’alcoolisme, il faut cependant noter que plusieurs causes de décès sont communes au
tabagisme et à l’alcoolisme. C’est le cas par exemple de plusieurs cancers ou de maladies
vasculaires. D’autre part, on remarque que beaucoup de grands buveurs sont aussi de grands
fumeurs alors que l’inverse est nettement moins vrai. Ainsi, et compte tenu de l’hypocrisie
dont fait preuve notre société face à l’abus d’alcool, il n’est pas impossible que certains décès
soient attribués au tabagisme alors qu’ils auraient pu l’être à l’alcoolisme. On peut donc
penser que ces deux chiffres pourraient être plus proche l’un de l’autre. Autrement dit, que
celui du à l’alcoolisme soit plus élevé et celui du au tabagisme plus bas.
19
Source OMS 2001
Dans le monde plus d’un tiers des décès sont dus
1.
Sous-alimentation
2.
Pratiques sexuelles dangereuses
3.
Hypertension artérielle
4.
Tabagisme
5.
Alcoolisme
6.
Utilisation d’eau non potable et le défaut d’assainissement et d’hygiène
7.
Carence en fer
8.
Enfumage des habitations par des combustibles solides
9.
Hypercholestérolémie
10.
Obésité.
En Europe, un 1/3 de la charge morbide totale est due
1.
Tabagisme
2.
Abus d’alcool
3.
Hypertension artérielle
4.
Hypercholestérolémie
5.
Obésité.
Si on analyse ce que dit l’OMS concernant la morbidité due à l’alcoolisme dans le monde, on
remarque que l’abus d’alcool vient en cinquième position des 10 causes responsables d’un
tiers des décès dans le monde, immédiatement après le tabagisme et avant les problèmes
d’hygiène.
Par contre, pour les pays occidentaux, l’alcool occupe la seconde position juste après le tabac
mais bien avant l’hypertension, l’excès de cholestérol ou l’obésité. Or que de messages
d’alerte pour les maladies cardio-vasculaires dont les causes sont précisément le tabac, l’excès
de cholestérol et l’obésité, mais RIEN ou presque POUR L’ALCOOL !
20
• Illicites : 0,16 % du PIB de 1997
• Tabac : 0,8 % du PIB de 1997
• Alcool : 1,2 % à 1,42 % du PIB de 1997
• PIB belge 2002 : 260 Milliard d’Euro
Illicites
Tabac
Alcool
Source : Rapport de l’ OFDT sur le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France Septembre 2000
Pierre Kopp, économiste, professeur à l’université de Panthéon-Sorbonne et Philippe Fenoglio, économiste, maître de conférences à l’université de Nancy II.
Une autre donnée statistique mérite aussi notre attention : le coût de l’alcoolisme pour notre
société, c’est à dire pour les contribuables et les entreprises.
Plusieurs études ont été menées dans ce domaine. Nous retiendrons celle réalisée en 2000 par
Monsieur Kopp professeur d’économie à la Sorbonne à Paris.
Ce professeur a pu démontrer que le coût social des drogues illicites et licites en France en
1997 représentait respectivement 0,16% du Produit Intérieur Brut français pour les drogues
illicites (héroïnes, cocaïnes, .), 0,8% pour le Tabac et en moyenne 1,3 % pour l’alcool.
Ainsi puisque Belgique et France sont des pays forts semblables connaissant le PIB belge qui
était par exemple en 2002 de 260 milliards d’Euro, on obtient pour la Belgique les coûts
sociaux suivants :
21
• Illicites : 0,16 % du PIB de 1997
• Tabac : 0,8 % du PIB de 1997
• Alcool : 1,2 % à 1,42 % du PIB de 1997
• PIB belge 2002 : 260 Milliard d’Euro
Illicites
Tabac
Alcool
0,416 Milliard €
2,1 Milliard €
3,4 Milliard €
Source : Rapport de l’ OFDT sur le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France Septembre 2000
Pierre Kopp, économiste, professeur à l’université de Panthéon-Sorbonne et Philippe Fenoglio, économiste, maître de conférences à l’université de Nancy II.
•
•
•
Moins d’un demi-Milliard d’Euro pour les drogues illicites
2,1 Milliard d’Euro pour le tabagisme
3,4 Milliard d’Euro pour l’alcoolisme.
Notons qu’ici il n’y a pas lieu d’apporter de correction au % proportionnellement aux
consommations de chaque pays puisque la consommation d’alcool entre dans la composition
du PIB
Ainsi, le coût de l’alcoolisme pour notre société est de loin le plus important et 64 % plus
important que celui du au tabagisme.
Une fois de plus, autant les efforts et des moyens consacrés à raison bien sur, pour lutter
contre le tabagisme sont considérables, autant si peu est fait pour combattre l’alcoolisme, de
loin le plus coûteux pour nous tous. C’est économiquement injustifié et humainement
incompréhensible.
22
Litre alcool pur / habitant
12,00
10,00
8,00
6,00
4,00
2,00
19
70
19
71
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72
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19
74
19
75
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76
19
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78
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79
19
80
19
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19
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19
83
19
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19
85
19
86
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87
19
88
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90
19
91
19
92
19
93
19
94
19
95
19
96
19
97
19
98
19
99
20
00
20
01
0,00
Source OMS 2001
Une autre donnée importante est la consommation annuelle d’alcool pur par habitant.
Sur le graphique ci-dessus nous remarquons que depuis la fin des années 60 jusqu’à peu près
le milieu des années 80, la consommation d’alcool n’a cessé d’augmenter pour atteindre dans
notre pays en 1984, 11 litres d’alcool pur par an et par habitant. Depuis cette date la
consommation diminue et ce jusqu’en 1999 / 2000 ou elle stagne autour des 8,3 litres.
23
Litre alcool pur / habitant
12,00
10,00
Santé de la société
8,00
6,00
4,00
2,00
19
70
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71
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72
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74
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19
77
19
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80
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83
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84
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85
19
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19
87
19
88
19
89
19
90
19
91
19
92
19
93
19
94
19
95
19
96
19
97
19
98
19
99
20
00
20
01
0,00
Source OMS 2001
On pourrait penser que la consommation d’alcool en Belgique continuera à décroître.
Cependant, si nous comparons la consommation à ce que l’on pourrait appeler la santé de la
société définie comme la perception que nous avons de notre bien-être et de notre avenir,
celui de nos enfants en particulier, nous pourrions pourquoi pas, nous livrer à l’analyse
suivante :
Après guerre et surtout dans les années 1950 et début 60 malgré la guerre froide, c’était le
renouveau le quasi plein emploi et le baby boom. Durant les années 60 les choses ont
commencé à changer avec par exemple de grandes grèves dans les charbonnages. Ensuite cela
s’aggrave encore au court des années 70 avec entre autre la fermeture totale de la sidérurgie
en Loraine belge et puis les crises du pétrole avec les dimanches sans voiture et le chômage
qui ne cesse de croître. Durant cette période notre société se porte mal et nous constatons une
augmentation significative de la consommation d’alcool tout au long de ces années noires.
Au début des années 80 les choses s’améliorent un peu et le mouvement se poursuit en
s’amplifiant jusqu’à 1999 ou les indices boursiers atteignent des records jamais vus. La
mondialisation s’installe avec comme conséquences heureuses jusque là, un apparent mieux
être. Et, la consommation d’alcool diminue.
24
Litre alcool pur / habitant
12,00
10,00
Santé de la société
8,00
Chômage – Paupérisation - Divorces – Mal-être des jeunes
6,00
Délinquance – Violence – Mondialisation - Terrorisme
4,00
2,00
19
70
19
71
19
72
19
73
19
74
19
75
19
76
19
77
19
78
19
79
19
80
19
81
19
82
19
83
19
84
19
85
19
86
19
87
19
88
19
89
19
90
19
91
19
92
19
93
19
94
19
95
19
96
19
97
19
98
19
99
20
00
20
01
0,00
Source OMS 2001
Le mouvement se poursuivra-t-il au 21ème siècle ? On peut croire que non pour les raisons
suivantes.
Il y a maintenant la fuite des entreprises vers les pays à basse main d’œuvre avec entre autre
comme conséquence le chômage qui augmente de façon alarmante malgré les promesses des
gouvernements successifs. Il y a aussi la paupérisation de la population en générale au profit
d’une poignée de « joueurs en bourse » et de multinationales. Il y a également un problème
manifeste dans les couples avec près de 4 mariages dissous sur 5 en Belgique et ce de plus en
plus tôt. Il y a enfin un mal être évident chez les jeunes avec son lot de violences, d’échecs
scolaires ou de délinquance grandissant.
Plus généralement au niveau international les choses vont de plus en plus mal avec le
terrorisme, les guerres qui éclatent un peu partout ou qui n’en finissent pas de finir. La
mondialisation nous montre maintenant ses effets pervers, et nous pouvons croire basé sur ce
qui s’est passé dans la deuxième moitié du 20ème siècle que …
25
Litre alcool pur / habitant
12,00
10,00
Santé de la société
8,00
Chômage – Paupérisation - Divorces – Mal-être des jeunes
6,00
Délinquance – Violence – Mondialisation - Terrorisme
4,00
2,00
19
70
19
71
19
72
19
73
19
74
19
75
19
76
19
77
19
78
19
79
19
80
19
81
19
82
19
83
19
84
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85
19
86
19
87
19
88
19
89
19
90
19
91
19
92
19
93
19
94
19
95
19
96
19
97
19
98
19
99
20
00
20
01
0,00
2010
Source OMS 2001
… d’ici quelques années la consommation d’alcool par habitant augmentera à nouveau de
façon significative. Le Belge de demain c’est-à-dire notre fils ou notre fille, trouvera refuge
dans ce produit pour « soigner » son mal-vivre et son mal-être.
Bien sur cette analyse ne repose que sur un sentiment et une vue assez superficielle de notre
monde actuel, mais les chiffres qui vont suivrent tendent à confirmer cette prédiction.
26
DEPENSES DES MENAGES BELGES EN ALCOOL / PRIX MOYEN DE L’ALCOOL
1,08
1,06
1,04
Prix bières Pils
1,02
Prix Vin rouge de table
Prix Beaujolais Villages
1,00
Prix Muscadet
0,98
Prix Vermouth
0,96
Prix Porto
0,94
Prix Whisky
0,92
Prix Liqueur
Prix Genièvre
Dépenses Ménages alcool
0,90
0,88
0,86
1998
1999
2000
2001
2002
BELGOSTAT - BANQUE DE DONNEES SOCIO- ECONOMIQUE NATIONALE
En effet, l’augmentation moyenne des prix des boissons alcoolisées sur le marché belge
depuis 1998 jusqu’en 2002 est de l’ordre de 4,5 % avec une certaine stabilisation depuis 2000.
Les dépenses des ménages belges pour des produits alcoolisés de 1998 à 2001 suivent à peu
près l’évolution du prix moyen de l’alcool, voir même diminuent légèrement ce qui indique
que la consommation est restée sensiblement constante ou a baissé légèrement sur cette
période. L’Euro introduit en 2001 semble par ailleurs n’avoir pas eu d’effet significatif sur les
prix et les dépenses.
27
DEPENSES DES MENAGES BELGES EN ALCOOL / PRIX MOYEN DE L’ALCOOL
1,08
1,06
1,04
Prix bières Pils
1,02
Prix Vin rouge de table
Prix Beaujolais Villages
1,00
Prix Muscadet
0,98
Prix Vermouth
0,96
Prix Porto
0,94
Prix Whisky
0,92
Prix Liqueur
Prix Genièvre
Dépenses Ménages alcool
0,90
0,88
0,86
1998
1999
2000
2001
2002
BELGOSTAT - BANQUE DE DONNEES SOCIO- ECONOMIQUE NATIONALE
Mais en 2002, alors que le prix moyen des boissons alcoolisées n’a que très faiblement
changé par rapport à 2001, les dépenses des ménages belges pour de l’alcool ont-elles
augmenté de près de 8% depuis 2001. Comment expliquer cet accroissement sinon par une
augmentation égale de la consommation en quantité ? C.Q.F.D.
28
RAPPEL
1 unité d’alcool = 1 verre standard = ± 10 gr d’alcool pur
Avant que d’analyser de façon plus détaillée la consommation d’alcool en Belgique, un petit
rappel est nécessaire. En alcoologie on mesure la consommation en unité d’alcool ou verre
standard correspondant à une dose d’alcool pur de 10 grammes.
La raison est simple. On constate en effet que quel que soit le type de verre d’alcool
consommé il y a toujours à peu près la même quantité d’alcool, soit 10 grammes. Ce qui
diffère entre ces verres, c’est leur taille et la dilution de l’alcool dans de l’eau essentiellement.
Ainsi un verre de bière, de whisky, de vin ou de goutte contient à peu de choses près la même
quantité d’alcool, 10 gr. Il ne faut donc pas croire que l’on peut engloutir plus de verres de
bière que de verres de vin ou autres avant que d’atteindre les fatidiques 0,5 gr d’alcool par
litre de sang !! C'est exactement la même chose.
D’ailleurs une règle de bonne pratique dit que la limite au-delà de laquelle on devient
condamnable (0,5 gr en Belgique) correspond à 3 verres pour un homme et 2 verres pour une
femme et ce quel que soit le verre consommé.
En fait, il faudrait dire 0 verre car déjà à partir d’un verre on observe en particulier une
diminution des réflexes et des difficultés à estimer correctement les distances.
29
Consommation journalière du belge moyen
1998 : 8.9 litre alcool pur/habitant/an
7031 gr alcool pur/ habitant/an (densité = 0,790)
703 verres standards/ habitant / an
2 verres / jour / habitant
15 ans < 79 % population < 80 ans
2 verres / jour < belge moyen < 3 verres / jour
+ 3 verres / jour =
Sources : IPS – INS -ECODATA 1998
En 1998 chaque belge consommait 8,9 litres d’alcool pur par an. Connaissant la densité de
l’alcool (éthanol) on ramène aisément ce chiffre à 7031 grammes d’alcool donc 703 verres
standards. Ainsi le Belge consommait cette année là presque 2 verres par jour.
Cette statistique porte évidemment sur l’ensemble de la population, nouveau-nés et
centenaires compris. Les nouveau-nés bien sur ne consomment pas et les centenaires peu ou
alors le jour de leurs cent ans. Ainsi, si l’on ramène cette consommation à la tranche de la
population susceptible de boire c’est-à-dire grossièrement entre 15 et 80 ans ce qui
représentant 80% de la population totale, on constate que le Belge moyen en âge de boire
consomme près de trois verres par jour.
Or l’OMS dit qu’au-delà de trois verres par jour pour un homme et deux pour une femme la
consommation devient dangereuse et les risques de développer une dépendance sont grands.
Ainsi, le Belge moyen tous sexes confondus a une consommation proche d’une
consommation à risque. Comme la consommation en Belgique augmentera probablement
dans les années qui viennent ainsi que nous l’avons démontré précédemment, il y a de fortes
chances qu’en moyenne, nous dépassions bientôt la consommation à risque.
30
Enquête de Santé par Interview 2001
Test CAGE :
1) Vous êtes-vous déjà senti coupable au sujet de votre consommation d'alcool?
2) Avez-vous déjà ressenti le besoin d'abaisser votre consommation d'alcool?
3) Avez-vous déjà eu le besoin de boire de l'alcool le matin pour vous sentir mieux ou plus en forme ?
4) Avez-vous déjà été ennuyé par des remarques d'autrui critiquant votre consommation d'alcool?
60% chance d'abus avec 1 oui (probable dépendance à confirmer)
75% chance d'abus avec 2 oui (dépendance suspectée)
95% chance d'abus avec 3 oui (très forte chance de dépendance)
100% chance de dépendance avec 4 oui
Région Wallonne - Dépendance à l’alcool
12,9 % Hommes (430.000)
5,8 % Femmes (>>194.000)
Population wallonne 2001 : 3.346.457
Sources : IPS – ECODATA 2001
Les conséquences des chiffres de consommation en Belgique sont malheureusement
confirmés par une enquête de santé publique par interview réalisée en 2001 à la demande de
plusieurs ministères fédéraux et régionaux.
Cette enquête démontre en effet par l’utilisation d’un questionnaire relativement fiable, le test
CAGE, qu’en Wallonie, près de 13% des hommes serait dépendant de l’alcool contre près de
6% des femmes. Cela représente plus de 600.000 wallons et wallonnes d’une façon ou d’une
autre, esclaves de l’alcool.
Il faut aussi souligner que le chiffre correspondant aux femmes est fort certainement sousestimé car l’alcoolisme au féminin reste encore et toujours dans notre société, inavoué et
inavouable. En effet le plus souvent l’alcoolisation des femmes est cachée et la proportion de
femmes dépendantes est donc fort probablement supérieure. Elle l’est d’autant plus
probablement que la libération féminine accentue encore le phénomène comme c’est aussi le
cas pour le tabagisme qui augmente considérablement parmi la population féminine.
En conclusion, si plus de 600.000 wallons et wallonnes sont dépendants et comme l’entourage
d’un buveur souffre également, comptant en moyenne 2 à 3 personnes par ménage il y a très
certainement en Wallonie plus d’un million de personnes qui souffrent de ou à cause de
l’alcoolisme.
31
• RECONNAISANCE
• MORTALITE
• COUT
• AVENIR (Jeunesse)
• ACTIONS « POLITIQUES »
La conclusion de cette première partie de l’exposé est qu’il y a URGENCE.
Urgence en terme de reconnaissance du problème dans notre société, urgence en terme de
mortalité et de coût pour le contribuable. Urgence aussi pour l’avenir de nos enfants.
Ainsi il est primordial que des décisions et actions politiques au sens large du terme soient
prises et mises en œuvre rapidement afin de prévenir ce fléau alcoolisme et de mener une
vraie politique de santé publique honnête, responsable, efficace et en fin de compte rentable
pour tous et à tous niveaux.
32
EUROPEAN ALCOHOL ACTION PLAN 2000-2005 :
« Ensure a coordinated approach that involves the social services, criminal
justice bodies and self-help groups, as well as the health services; »
~~~~~~
« Garantir une approche coordonnée entre services sociaux, acteurs de justice
et groupes d’entraide ainsi qu’avec les services de santé »
Parmi bien d’autres, une réponse importante et à cette pandémie ‘alcoolisme’, c’est les
groupes d’entraide.
D’ailleurs, l’OMS dans son plan d’action 2000-2005 de lutte contre l’alcoolisme cite
nommément les groupes d’entraide comme devant être associés aux services sociaux, acteurs
de justice et services de santé.
Il est à noter que ce plan de l’OMS est sensé être traduit entre 2000 et 2005 par des mesures
concrètes de la part des états membres, dont la Belgique. Or, mi 2004 aucune mesure réelle
n’a encore été prise par nos autorités politiques tant fédérales que régionales hormis quelques
statistiques et quelques documents de politique générale mais qui ne se traduisent pas encore
sur le terrain par une vraie politique de santé publique. Il serait pourtant urgent comme il a été
démontré précédemment de s’attaquer sérieusement à ce problème qui touche d’innombrables
familles en Belgique plutôt que par exemple, de semi légaliser une autre assuétude, la
consommation de cannabis, par des textes de loi touffus et que personne ne comprend
réellement.
33
Les groupes d’entraide dans la région
• Alcooliques Anonymes : 063/57 86 51
• Al-Anon.-AlAteen : 063/57 86 51
• Vie Libre : 061/212219
• Santé Vie Nouvelle : 063/411055
•Télé-Accueil : 107
• Clinique Saint-Joseph Arlon
Tous les Mercredi de 19 hrs à 20 hrs
petite salle de réunion au 1er étage
Il existe plusieurs groupes d’entraide dans la région d’Arlon. Les principaux sont cités cidessus.
Le service Télé Accueil n’est pas a proprement parlé un groupe d’entraide. Cependant ce
service d’écoute téléphonique anonyme et gratuit, disponible 24hr sur 24hr, peut être utilisé
en urgence. Le correspondant saura utilement guider l’appelant vers l’un ou l’autre groupe
d’anciens buveurs au cas ou l’alcool est la cause de l’appel au secours.
A la Clinique Saint-Joseph d’Arlon, un petit groupe d’anciens buveurs tient une permanence
et anime des réunions tout le mercredi soir dans les locaux de l’hôpital.
34
Qui sommes-nous ?
• Petit groupe d’anciens malades
• Tous abstinents depuis plusieurs années
• Bénévoles
• Indépendants
• Contacts principaux :
Marie-Claire
Luc
Frère Rodolph
Jean
Un petit groupe d’anciens alcoolo dépendants, tous guéris depuis plusieurs années, a formé un
groupe d’entraide indépendant et totalement bénévole au sein de la clinique Saint-Joseph
d’Arlon. Deux personnes constituant le noyau du groupe font d’ailleurs partie du personnel de
la clinique.
Ce petit groupe est non-anonyme et n’est lié à aucun autre groupe d’entraide ni à aucune
philosophie qu’elle soit religieuse ou autre. Il n’a aucune base légale telle qu’une asbl ni n’est
d’ailleurs lié d’aucune manière à la clinique.
Opérant au sein d’un hôpital il a semblé justifié de n’adhérer à aucune organisation constituée
pour ainsi laisser en toute indépendance aux personnes qui assistent aux réunions, le libre
choix de fréquenter aussi d’autres mouvements d’anciens buveurs.
De la même façon, le personnel soignant peut aussi adresser des patients hospitalisés pour
abus d’alcool à un groupe totalement neutre et présent au sein de la clinique, groupe qui en
relais, guidera éventuellement les malades vers d’autres associations une fois qu’ils quittent
l’hôpital.
35
Que faisons-nous et comment ?
• Animation de réunion à la Clinique Saint-Joseph Arlon
Tous les Mercredi de 19 hrs à 20 hrs - petite salle de réunion au 1er étage
• Réunions ouvertes à tous (entourage, personnel soignant,…)
• Cible plus spécifiquement les malades hospitalisés
• Témoignage du vécu de l’alcoolisme
• Écoute – Dialogue - Échange d’expériences – Conseils pratiques
• Soutien moral et affectif
• Suivi des malades après hospitalisation
• Travail en réseau (services sociaux, justice, police,…)
• Atmosphère amicale et intime
Dans un but purement humanitaire le groupe anime chaque Mercredi de 19:00 à 20:00 heures
en les locaux de la clinique des réunions de parole ouvertes à tous mais ciblant plus
particulièrement les malades hospitalisés pour des conséquences d’abus d’alcool.
Durant ces réunions et dans une atmosphère amicale et intime ou respect et discrétion sont
maîtres-mots, on y échange d’égal à égal ses expériences du vécu de l’alcoolisme.
Écoute, dialogue, échange d’expériences, conseils pratiques, soutien moral et affectif au
malade et à son entourage constituent l’essentiel de la « thérapie » de groupe qui y est
proposée.
Mais l’action du groupe ne se limite pas aux seules réunions. Le suivi et l’accompagnement
après hospitalisation sont assurés. Aussi et dans la mesure du possible mais toujours avec
l’accord du malade, des contacts avec d’autres organismes socioprofessionnels sont parfois
établis afin de l’aider à résoudre les conséquences souvent tentaculaires de son abus d’alcool
(judiciaires, familiales, financières, sociales, professionnelles,…)
L’alcoolisme est en effet une maladie « bio-psycho-sociale » dont les effets trop souvent
deviennent des causes ; se limiter à ne soigner que la dépendance physique à court terme
entraînera immanquablement la rechute.
36
Maîtres-mots
• Discrétion absolue
• Respect
• Amitié
Les réunions fonctionnent sur base de 3 maîtres-mots qui sont d’ailleurs rappelés
régulièrement :
Discrétion : « Ce qui se dit aux réunions reste aux réunions » Il est hors de question de
colporter les confidences faites par l’un ou l’autre des participants. De même tout ce
qu’une personne pourrait dire concernant les aspects médical, social, familial
professionnel ou sentimental de son alcoolo-dépendance restent strictement
confidentiel.
Respect : Il n’est pas non plus admis aux réunions de manquer de respect vis à vis
d’un malade ; ce serait d’ailleurs bien mal venu de la part de gens qui ont également
souffert d’alcoolisme et qui par-là ont aussi fait souffrir leur entourage au sens large
du terme. De même les « règlements de comptes » entre participants (malades,
conjoints ou conjointes, famille, ..) ou pire avec une personne non-présente aux
réunions ne sont pas tolérés. Les jugements arbitraires et partiaux sur le personnel
médical ne sont non plus pas les bienvenus ; seules sont admises car potentiellement
utiles aux malades sur base d’une bonne ou moins bonne expérience, les
recommandations à consulter un médecin plutôt qu’un autre ou de s’adresser à un
centre de cure spécifique.
Amitié : N’étant ni médecin ni psychologue mais seulement riche de l’expérience du
vécu de la maladie, l’amitié au sens humanitaire du terme est la seule arme avec
laquelle le groupe doit solidairement aider un malade et son entourage.
37
Valeur ajoutée ?
Sujet
Groupes d’Entraide
Personnel Médical
Rare
Fréquent
Grande
Faible
Égal à Égal
Culpabilisante
Approche
Amicale
Scientifique
Expérience
Vécu
Livresque
Global
Médical
Déni
Disponibilité
Relation
Contexte
Quelle valeur ajoutée les groupes d’entraide peuvent-ils apporter en complément des soins
médico-psychologiques ?
Pour aborder cette question plusieurs sujets seront examinés en comparant avantages et
inconvénients entre anciens buveurs et personnel médical.
Le Déni est sans doute le tout premier symptôme de l’alcoolo-dépendance. « Non je ne bois
pas trop », « je m’arrête quand je veux » ou « je ne bois que de la bière jamais d’alcool
fort » sont des phrases que tout buveur excessif prononce. C’est le refus de la vérité à
l’entourage mais aussi à soi-même. Face à un médecin comme d’ailleurs à son entourage, le
malade usera de toutes les « ficelles » pour cacher sa dépendance. Lui faire reconnaître son
problème peut prendre beaucoup de temps et le médecin ne dispose pas de ce temps. Mais par
contre en présence d’anciens buveurs ces mensonges deviennent inutiles car eux aussi ont usé
et abusé de ces mises en scène pour dissimuler la véritable cause de tous leurs maux. Le déni
est donc là moins fréquent ou à tout le moins ne dure qu’un temps.
La disponibilité du médecin est toute relative. En effet d’autres patients requièrent tout autant
son attention que le malade alcoolique. Le médecin ne dispose donc que d’un temps limité
pour s’occuper d’une personne souffrant d’abus d’alcool, et dieu sait qu’il en faut du temps
surtout lorsque le déni est tenace. Il n’est pas rare non plus de voir le médecin appelé très
fréquemment par un malade alcoolique ou sa famille, perdre patience car il est surchargé de
travail et désarmé face à ce problème qui n’en fini pas de finir.
38
Les anciens buveurs disposent souvent de plus de temps. Ils sont donc en règle générale plus
disponible que le médecin en tout cas sur le long terme. De plus comme ils sont normalement
plusieurs à prendre en charge un malade alcoolique, ce dernier entendra la part de tous, le
même message mais exprimé de façon propre à chacun. Ainsi il n’est pas rare que l’un au
moins des messages sans doute par affinités personnelles, soit entendu et fasse réagir le
malade de façon plus rapide et durable.
La relation entre un malade alcoolique et son médecin sera toujours quelque peu
culpabilisante pour le patient. Même si le médecin ne fait pas de reproche à son patient, celuici se sentira toujours pris en défaut.
Par contre face à des anciens buveurs qui comme le malade ont vécu le problème, il n’y a par
définition plus de raison de culpabiliser puisque les anciens buveurs aussi ont souffert du
même mal et ont commis les mêmes erreurs ou engendré les mêmes dommages à leur
entourage et à leur propre santé. La relation est ici une relation d’égal à égal donc plus propice
au dialogue franc et sincère.
L’approche de la maladie par le médecin est par définition une approche scientifique. Celle
des anciens buveurs se base essentiellement sur l’amitié dans un but purement humanitaire.
L’expérience du médecin est disons livresque pour ne pas répéter le terme de scientifique. Il
faut aussi noter que durant les études de médecine (7 années de médecine générale en
Belgique) la part réservée aux assuétudes et à l’alcoolisme en particulier, est faible voir très
faible. C’est aussi le cas malheureusement pour les études d’infirmière. Rare également sont
les médecins qui se penchent durant leur carrière sur les problèmes de drogues et
d’alcoolisme.
L’ancien buveur accompagné éventuellement de son entourage (compagne ou compagnon
voir aussi les enfants) à lui l’expérience du vécu de la maladie dans sa chaire et dans son
esprit. Or rien ne vaut dit-on l’expérience personnelle pour pouvoir juger à propos et surtout
comprendre ce dont les autres malades peuvent souffrir.
Le contexte enfin dans lequel le médecin peut œuvrer est purement médical. Or il a été
démontré que l’alcoolisme est aussi une maladie sociale ayant des causes et conséquences
tentaculaires qui finissent par se confondre.
Se contenter de ne soigner que l’aspect médical d’un patient alcoolo-dépendant n’est pas
suffisant.
C’est précisément dans la mesure de leurs moyens, ce que les mouvements d’anciens buveurs
tentent de compenser en développant un réseau de contacts socio-professionnels très divers
mais tous pouvant aider à résoudre tous les aspects non médicaux de la maladie alcoolique, de
ses causes et de ses conséquences. Leur champ d’activités est donc souvent plus global que
celui du médecin.
39
Quels buts poursuivons-nous et pourquoi ?
1.
Guérison durable et aussi complète que possible
2.
Abstinence totale et heureuse
3.
Complémentarité aux soins médico-psychiatriques
4.
Malade devient ‘soignant’
5.
Renforcer notre propre conviction à l’abstinence
6.
Prévention
7.
Politique – Formation - Militantisme
Tout comme le corps médical, les mouvements d’anciens buveurs et celui qui œuvre à la
clinique d’Arlon en particulier, cherchent à obtenir un maximum de guérisons durables et
aussi complètes que possible. Mais la guérison malheureuse est éphémère c’est pourquoi par
leur amitié les anciens buveurs essaient ensemble de vivre l’abstinence totale de la façon la
plus heureuse possible. En fait, l’alcool a le plus souvent désocialisé le malade. Il a perdu
amis, famille, enfants parfois et même son emploi. Il est seul. Parmi les anciens buveurs et
grâce à eux, il retrouvera le monde et la société et renouera des liens d’amitiés ou même
parfois amoureux.
Par ailleurs, comme il a été démontré tout au long de cet exposé, le rôle des associations
d’anciens buveurs est parfaitement complémentaire aux soins médico-psychiatriques comme
d’ailleurs le reconnaît l’OMS.
Un slogan souvent utilisé est d’ailleurs : « de malade devenir soignant » Le mot soignant
n’est évidement pas à prendre au pied de la lettre. En effet il est hors de question pour un
ancien buveur de s’improviser médecin, mais par contre après s’être fait aider par d’autres à
atteindre l’abstinence totale, à son tour il aidera d’autres à soutenir ce dur combat. Ceci a
comme avantage parmi bien d’autres, non seulement de compléter les rangs dans les
associations, mais aussi et surtout de renforcer sa propre conviction à l’abstinence. L’aide est
bidirectionnelle : de l’abstinent aux malades et des malades à l’abstinent.
Enfin, les mouvements d’entraide ont un rôle politique au sens premier du terme en assurant
dans la mesure de leurs moyens, des missions de formation et de prévention auprès par
exemple des jeunes, en entreprises, pour le corps médical ou même dans les prisons. De plus,
bien que n’étant pas des « anti-alcool » ils militent pour une meilleure politique de santé
publique en interpellant la société sur des faits qui leurs semblent être contraires au bien être
général et à la santé de toute la population.
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Quels buts poursuivons-nous et pourquoi ?
1.
Guérison durable et aussi complète que possible
2.
Abstinence totale et heureuse
3.
Complémentarité aux soins médico-psychiatriques
4.
Malade devient ‘soignant’
5.
Renforcer notre propre conviction à l’abstinence
6.
Prévention
7.
Politique – Formation - Militantisme
• 15 morts par jour pour 3,4 Milliards €/an
• Humanitaire - Sauver des vies
• Rendre la dignité aux malades guérissant
• Éviter aux autres les souffrances que nous avons vécues
• Combattre l’hypocrisie face à l’alcool
En résumé, l’ultime objectif des anciens buveurs est de diminuer autant que possible la
mortalité et la morbidité par alcoolisme ainsi que le coût que cette maladie entraîne pour la
collectivité, cela dans un soucis purement humanitaire afin de sauver des vies, de rendre la
dignité aux malades guérissant et pour éviter à d’autres les souffrances qu’ils ont eux-mêmes
vécues.
Enfin, ils luttent de façon très souvent inégale pour combattre l’hypocrisie de notre société
face aux dangers que l’alcool fait courir à de trop nombreux citoyens de tous ages et de toutes
conditions.
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Que pouvons-nous offrir ?
Coopération plus étroite dans les limites imposées par nos
compétences propres et spécificités professionnelles mais en
juxtaposant et partageant nos expériences et nos
connaissances de la maladie alcoolique avec pour objectif
commun le mieux être du malade et sa guérison durable.
Le petit groupe d’anciens buveurs agissant à la clinique d’Arlon souhaite offrir son aide au
personnel médical de l’hôpital afin de mieux prendre en charge les patients admis pour des
raisons d’abus d’alcool.
Cette aide pourrait se traduire par : « Une coopération plus étroite dans les limites imposées
par nos compétences propres et spécificités professionnelles mais en juxtaposant et
partageant nos expériences et nos connaissances de la maladie alcoolique avec pour
objectif commun le mieux être du malade et sa guérison durable ».
Dans la pratique cela pourrait s’exprimer par exemple par :
Médecins et personnel infirmier recommandent fermement et systématiquement aux
malades hospitalisés pour abus d’alcool, d’assister régulièrement aux réunions du
groupe d’anciens buveurs, organisées tous les mercredis à la clinique.
Ou encore :
Avec l’accord du malade ou à tout le moins celui de sa famille que médecins ou
personnel infirmier prennent directement contact avec l’un ou l’autre des membres
abstinents du groupe afin que celui-ci aille rendre visite au malade et l’entraîne ensuite
aux réunions.
Ou bien encore :
Que médecins et personnel infirmier assistent de temps en temps à l'une ou l'autre des
réunions afin de mieux comprendre le fonctionnement du groupe, de resserrer les liens
de coopération et de favoriser l'échange d'expériences.
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Obstacles à la collaboration
• Secret professionnel
• Respect de la vie privée
Non-Assistance à personne(s) en danger
• Bénévolat ? Professionnalisme
Conviction
Bien sur, il y a des obstacles à la collaboration. Les plus importants sont sans aucun doute :
•
•
le respect du secret professionnel du personnel médical
le risque de violation des droits de la vie privée du malade et de son entourage.
A cela il faut opposer la Non assistance à personne(s) en danger.
Le mot « personne » est volontairement mis au pluriel car non seulement celui qui boit est en
danger mais aussi son entourage immédiat, le voisinage ou la société tout entière. En effet, il y
a souvent violence dans les familles ou l’alcool occupe une place importante. Le voisinage est
également en danger potentiel par exemple avec l’incendie qu’une personne alcoolisée
pourrait déclencher dans un immeuble. Enfin, la société tout entière aussi court des risques
importants ne serait-ce que par les accidents de la circulation souvent graves qu’un buveur
peut causer.
Evidement la frontière entre violation et non assistance est difficile à établir et la législation
reste le plus souvent obscure à ce propos quand elle ne s’oppose pas carrément aux secours
que nécessitent un malade et son entourage.
Un autre obstacle souvent cité est le bénévolat du militant ancien buveur par rapport au
professionnalisme du personnel médical.
Bien que la médecine ne soit pas une science exacte, le médecin est tenu à certains résultats.
Le bénévole n’a lui aucune obligation réelle autre que celles que sa conscience lui dicte.
Cependant, les souffrances que l’ancien buveur a connues sont telles que sa conviction à
devoir remplir certains devoirs civiques et humanitaires envers ceux qui souffrent du même
mal, est équivalente à des obligations professionnelles.
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Pour terminer ce long exposé, voici un proverbe d’origine arabe qui en peu de mots dit
énormément sur la collaboration. Comme dans beaucoup de domaines de la vie en société,
dans celui de l’aide à apporter aux malades alcooliques il faudrait que mouvements d’anciens
buveurs, médecins, infirmières et infirmier, psychologues ainsi que toutes professions
touchées de près ou de loin par l’alcoolisme méditent très souvent cette maxime :
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Quand on marche seul on va vite,
Mais quand on marche à plusieurs,
On va plus LOIN !
Jean Mertens – Janvier 2004
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